N° 1687
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 9 juillet 2025
RAPPORT D’INFORMATION
déposé
en application de l’article 145 du Règlement
PAR LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L’ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE,
en conclusion des travaux d’une mission d’information ([1])
sur l’évaluation de la création
des cours criminelles départementales
et présenté par
Mme Pascale BORDES et M. Stéphane MAZARS,
Députés
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La mission d’information sur l’évaluation de la création des cours criminelles départementales est composée de Mme Pascale Bordes et M. Stéphane Mazars, rapporteurs.
SOMMAIRE
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Pages
INTRODUCTION............................................ 5
A. Les objectifs ambitieux des cours criminelles
B. Une juridiction criminelle aux caractéristiques adaptées pour répondre à Ces objectifs
C. Une généralisation intervenue à la suite d’une expérimentation globalement probante
A. Une juridiction qui a pleinement trouvé sa place
B. Des objectifs inégalement atteints à ce stade
I. « Nous sommes face à un mur » : la justice criminelle au défi de son embolie
A. Un engorgement aux causes multiples
B. La crise de l’audiencement criminel
A. L’inadaptation du modèle actuel des cours criminelles
B. L’urgence d’une réforme des cours criminelles départementales
Liste des recommandations des rapporteurs
● L’institution judiciaire est le miroir d’une société. Elle en reflète les idéaux et les valeurs. Dans cette perspective, l’évolution d’un système judiciaire est souvent le fruit de ruptures sociétales profondes. La création d’une nouvelle juridiction a ainsi pour objectif de répondre aux nouvelles attentes des justiciables générées par de telles évolutions sociétales.
La création des cours criminelles départementales, instituées à titre expérimental en 2019 puis généralisées en 2023, ne fait pas exception à ce principe. Cette nouvelle juridiction, qui juge à plus de 85 % des crimes de viols, constitue en effet la réponse à une évolution profonde de notre société : une attention accrue aux victimes de violences sexuelles et au traitement judiciaire dont celles-ci bénéficient.
L’enjeu qui a présidé à la création des cours criminelles départementales peut se résumer ainsi : comment prendre en compte cette exigence sociale d’une meilleure prise en charge judiciaire des victimes de viols, tout en répondant aux attentes légitimes des justiciables en termes de qualité et de rapidité du traitement de leurs affaires ?
La création de la cour criminelle départementale, avec sa formation de jugement exclusivement composée de magistrats, avait ainsi pour finalité de trancher ce nœud gordien. Il s’agissait, d’une part, d’améliorer le traitement judiciaire des victimes de viols, en mettant notamment fin aux pratiques de correctionnalisation consistant à requalifier pour des raisons d’opportunité les crimes de viols en délits d’agressions sexuelles, et, d’autre part, de contribuer à une justice criminelle plus efficace et plus rapide, en réduisant notamment les délais d’audiencement.
● Ces objectifs ont-ils été atteints ?
Dans le prolongement de plusieurs évaluations effectuées lors de l’expérimentation des cours criminelles ([2]), dont celle établie par l’un de vos rapporteurs ([3]), la commission des Lois de l’Assemblée nationale a jugé utile de faire un bilan de la création de ces juridictions à l’aune de leur généralisation depuis le 1er janvier 2023.
Dans le cadre de leurs travaux, vos rapporteurs ont procédé à une trentaine d’auditions de personnes participant à divers titres à l’activité de ces cours criminelles départementales : chefs de juridictions, magistrats, avocats, greffiers ou associations de victimes. Ils ont aussi effectué trois déplacements, à Rennes, à Vannes et à Versailles dans le cadre desquels ils ont pu assister à deux audiences devant la cour criminelle, dont l’une au titre du procès de Joël Le Scouarnec.
Au terme de leurs travaux, vos rapporteurs partagent la conviction commune que les cours criminelles sont utiles et doivent être confortées. Celles-ci rendent en effet une justice de qualité et ont abouti à un meilleur traitement judiciaire des crimes sexuels, en raison du processus de « décorrectionnalisation » auquel elles ont contribué.
Vos rapporteurs estiment, à ce titre, qu’en l’absence de généralisation des cours criminelles départementales, les cours d’assises auraient été incapables de faire face à l’afflux sans précédent des dossiers criminels de viols.
● En revanche, dans un contexte de crise majeure de l’audiencement criminel, tel que mis en lumière par deux rapports récents du ministère de la Justice ([4]), vos rapporteurs considèrent qu’une réforme des cours criminelles est impérative et urgente.
Notre justice criminelle atteint en effet un point de rupture, avec une augmentation exponentielle des stocks d’affaires criminelles en attente de jugement et des délais d’audiencement, notamment des accusés libres, qui constituent un véritable déni de justice.
Or, force est de constater que le modèle actuel des cours criminelles est d’ores et déjà dépassé pour répondre au défi que représente l’engorgement de la justice criminelle.
Lors de la création des cours criminelles, il était en effet difficile d’anticiper les conséquences du phénomène « Me Too » sur l’afflux de dossiers criminels. Dans un contexte de libération de la parole de ces victimes, les plaintes pour viols ont en effet explosé (+152 % entre 2017 et 2023).
Si la hausse des dénonciations de crimes sexuels doit être saluée, elle n’en constitue pas moins un défi pour notre système judiciaire : les viols et autres crimes de nature sexuelle représentent en 2023 62 % de la totalité des infractions criminelles sanctionnées, contre 40 % en 2020 ([5]).
Bien plus, certaines des caractéristiques des cours criminelles ont contribué à aggraver cette embolie, comme l’a reconnu le garde des Sceaux lui-même : « La mise en place des cours criminelles départementales, si elle a permis de mieux juger les crimes sexuels, a entraîné l’audiencement criminel en général dans une situation inextricable » ([6]).
Le caractère dramatique des enjeux liés à la crise de l’audiencement impose par conséquent une évolution de notre justice criminelle, comme l’ont souligné les services du ministère de la Justice : « Il y a véritablement urgence à légiférer en la matière car les enjeux sont pour les victimes de ne plus du tout obtenir justice, pour les accusés de subir un temps d’attente de jugement inhumain et dégradant et pour la société de voir remis en liberté les potentiels auteurs des infractions les plus graves de notre ordonnancement pénal » ([7]).
C’est donc à la lumière de la gravité de la crise que traverse notre justice criminelle que vos rapporteurs se sont attachés à proposer une réforme structurelle des cours criminelles, en élaborant des recommandations ambitieuses mais opérationnelles et pragmatiques, en vue de restaurer l’efficacité de notre chaîne pénale.
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Première partie : une justice de qualité au bénéfice d’un meilleur traitement des crimes de viols, qui a partiellement atteint ses objectifs
I. Une juridiction nécessaire pour traiter un nouveau « contentieux criminel de masse » : les crimes de viols
A. Les objectifs ambitieux des cours criminelles
Les cours criminelles départementales (CCD) ont été instituées à titre expérimental par l’article 63 de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice.
Cette expérimentation, prévue initialement pour une période de trois ans à compter du 1er septembre 2019, a été mise en œuvre dans quinze départements :
– un premier arrêté a concerné sept départements (Ardennes, Calvados, Cher, Moselle, Réunion, Seine-Maritime et Yvelines) ([8]), où l’expérimentation a été possible à partir du 1er septembre 2019 ;
– un deuxième arrêté a ajouté deux départements (Hérault et Pyrénées-Atlantiques) ([9]), à compter du 1er septembre 2020 ;
– un dernier arrêté a étendu l’expérimentation à partir du 1er août 2020 à six autres départements : Isère, Haute-Garonne, Loire-Atlantique, Val-d’Oise, Guadeloupe et Guyane ([10]).
Selon le ministère de la Justice, « le choix de ces départements a été fait sur la base du volontariat et avec la volonté de diversifier leurs caractéristiques (départements ruraux, urbains, métropole, outre-mer) et de choisir des juridictions différentes quant à leur taille et à leur emplacement géographique » ([11]).
● L’opportunité de créer une nouvelle juridiction criminelle se fondait tout d’abord sur le constat d’un fonctionnement non optimal des cours d’assises, qui obérait leur capacité à traiter les dossiers criminels dans des délais raisonnables.
Le nombre de décisions rendues par les cours d’assises a en effet significativement baissé en l’espace d’une décennie. Après un pic atteint en 2005 avec 2 990 arrêts rendus, les cours d’assises ont connu une érosion progressive et continue de leur activité jusqu’en 2018, année au cours de laquelle elles n’ont rendu que 2 098 arrêts, soit une baisse de 30 % sur cette période ([12]).
Dans le même temps, le délai moyen d’écoulement des stocks des cours d’assises a augmenté, en passant de 11,6 mois à 13,5 mois.
● Le constat posé par le Gouvernement lors de la création des CCD est donc que les cours d’assises jugent moins et plus lentement, en raison notamment de l’accroissement de la durée des audiences : « Cette situation s’explique notamment par un temps de plus en plus long consacré à l’examen de chaque affaire, puisqu’il n’est pas observé de diminution du nombre ou de la durée des sessions d’assises » ([13]).
activité des cours d’assises (2003-2018)
Source : étude d’impact du projet de loi pour la confiance dans l’institution judiciaire, 13 avril 2021.
Dans ce contexte, la création des CCD avait pour objectif d’accroître les capacités de jugement de la justice criminelle : « L'accroissement du stock s'explique par l'insuffisance des capacités de jugement des cours d'assises (…) C’est pour mettre un terme à la dégradation continuelle de cette situation que le législateur a lancé l’expérimentation des cours criminelles départementales » ([14]).
● Une des conséquences de l’affaiblissement des capacités de jugement des cours d’assises consiste en l’augmentation du délai d’audiencement des accusés détenus – autrement dit, le temps s’écoulant entre l’ordonnance de mise en accusation mettant fin à la phase d’instruction et le début de l’audience de jugement. Or, un tel délai est étroitement encadré, aussi bien en droit européen qu’en droit interne.
Au niveau conventionnel, l’article 5§3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales garantit en effet à « toute personne arrêtée ou détenue (…) le droit d'être jugée dans un délai raisonnable ».
C’est sur le fondement de ce texte que la France a été condamnée à plusieurs reprises, au début des années 2010, par la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) pour non-respect du délai raisonnable de jugement. Dans ces affaires, le délai d’audiencement de l’accusé détenu était supérieur à deux ans après l’ordonnance de mise en accusation ([15]).
En droit interne, les juridictions contrôlent également strictement le respect du caractère raisonnable d’un tel délai. Le Conseil constitutionnel a ainsi rappelé que l’autorité judiciaire doit faire droit à une demande de remise en liberté, lorsque la durée totale de la détention provisoire excède un délai raisonnable ([16]).
La Cour de cassation a pu juger, à ce titre, que les difficultés organisationnelles d’une juridiction et « l’encombrement du rôle de la cour d’assises » ne constituent pas des motifs suffisants pour déroger à un tel délai raisonnable ([17]).
● Dans un contexte où les cours d’assises connaissent des difficultés d’audiencement importantes, le risque identifié par les pouvoirs publics était par conséquent que les libérations d’accusés détenus imposées par les juridictions se multiplient.
Ces libérations ont deux conséquences préjudiciables : d’une part, le risque de réitération d’accusés libérés, notamment lorsque ces derniers ont un niveau de dangerosité avérée ; d’autre part, l’absence de garantie de représentation de ces derniers à leur audience devant la cour d’assises, ce qui expose la juridiction à devoir prononcer des condamnations par défaut.
En désengorgeant les cours d’assises, la création des CCD avait ainsi pour objectif de limiter les risques de telles libérations imposées, de réduire le temps de la détention provisoire ou du contrôle judiciaire avec restrictions de liberté pour les accusés qui sont présumés innocents, et enfin de limiter l’attente du procès « réparateur » pour les victimes.
● Le second objectif poursuivi par le Gouvernement lors de la création des CCD était de réduire la pratique de la correctionnalisation des crimes, notamment de viols.
L’exposé des motifs du projet de loi qui a institué à titre expérimental les cours criminelles rappelle ainsi que cette nouvelle juridiction « permettra un audiencement plus rapide des affaires actuellement jugées par les cours d’assises, tout en diminuant le nombre des correctionnalisations, en permettant de juger comme des crimes, devant ce tribunal, des faits qui sont aujourd’hui correctionnalisés » ([18]).
La correctionnalisation consiste à « disqualifier pénalement en délit une infraction dont la juste qualification serait criminelle, en abandonnant un élément constitutif ou une circonstance aggravante (la pénétration s’agissant du viol, le port d’arme aggravant le vol) » ([19]).
Cette correctionnalisation peut être décidée ab initio par le parquet ou au terme de la phase d’instruction par le juge d’instruction. La conséquence de cette requalification du crime en délit est de substituer la compétence du tribunal correctionnel à celle de la cour d’assises.
Il convient de relever qu’une telle pratique n’est encadrée par aucun texte. Seul l’article 186-3 du code de procédure pénale reconnaît de façon sous-jacente son existence. Cette disposition ouvre en effet aux parties civiles un recours à l’encontre des ordonnances de renvoi devant le tribunal correctionnel, lorsque celles-ci estiment « que les faits renvoyés devant le tribunal correctionnel constituent un crime qui aurait dû faire l'objet d'une ordonnance de mise en accusation devant la cour d'assises » ([20]).
Il est difficile de mesurer l’ampleur du phénomène de correctionnalisation, faute de suivi par les services du ministère de la Justice. La décision du parquet d’occulter un élément constitutif d’un crime ou d’une circonstance aggravante de nature criminelle n’est en effet pas spécifiquement formalisée, de sorte qu’elle n’apparaît nulle part dans le dossier. Quant à la correctionnalisation effectuée par le juge d’instruction, il est délicat de déterminer si elle est dictée par les résultats de l’instruction judiciaire ou si elle correspond à un choix d’opportunité.
● Dans un contexte d’engorgement des cours d’assises, il est cependant établi que de nombreuses correctionnalisations d’opportunité, notamment des crimes sexuels, étaient décidées, comme l’a rappelé l’ancienne ministre de la justice, Mme Nicole Belloubet : « Cette pratique [de la correctionnalisation] était néanmoins connue et largement rapportée depuis le terrain pour être adoptée dans un nombre important de cas, afin de contourner les enjeux liés à l’audiencement des dossiers en cours d’assises » ([21]).
Ces correctionnalisations visaient ainsi à désengorger les cours d’assises, dont près de 40 % de l’activité concernait des crimes de viols en 2018 ([22]), tout en permettant un audiencement plus rapide des dossiers devant le tribunal correctionnel. Une telle correctionnalisation d’opportunité s’analyse ainsi en un « outil de régulation des stocks », comme l’a relevé un rapport au Garde des sceaux : « la correctionnalisation est donc avant tout un outil de régulation des stocks des affaires renvoyées devant la cour d’assises destiné à ne pas allonger davantage les délais d’audiencement des affaires pour lesquelles elle s’avère impossible » ([23]).
Les magistrats étaient d’autant plus incités à mettre en œuvre une telle pratique que les peines d’emprisonnement ferme prononcées par les cours d’assises dans le cadre de condamnation pour viols sont en moyenne de dix ans, soit un quantum similaire à la peine maximale pouvant être prononcée par un tribunal correctionnel ([24]).
peines prononcées par les cours d’assises dans des affaires de viols (2007-2016)
Source : étude d’impact du projet de loi pour la confiance dans l’institution judiciaire, 13 avril 2021.
● Cependant, de telles correctionnalisations faisaient l’objet de critiques croissantes dans un contexte de libération de la parole des femmes et d’attention accrue de la société aux enjeux de violences sexuelles, tel qu’illustré par le début du mouvement « Me Too ».
La politique pénale se devait de répondre aux fortes attentes sociales en la matière, en jugeant de nouveau pleinement les crimes sexuels pour ce qu’ils sont, à savoir des crimes et non des délits.
Au-delà de la volonté des pouvoirs publics de mieux assurer la répression des crimes de nature sexuelle, la correctionnalisation était également remise en cause pour ses autres conséquences préjudiciables, telles que l’inégalité de traitement des justiciables du fait des pratiques hétérogènes des juridictions en la matière, comme l’a souligné un rapport au Garde des sceaux : « il n’appartient pas au comité de développer les critiques engendrées par cette pratique [de correctionnalisation], elles sont connues : inégalité de traitement devant la justice, politiques de correctionnalisation hétérogènes car adaptées au nombre et à la nature des affaires criminelles d’un ressort, alourdissement des rôles des audiences correctionnelles souvent très chargées et traitement nécessairement plus expéditif du dossier à l’audience. Enfin et surtout, les parties civiles peuvent avoir le sentiment que les faits dont elles ont été victimes ont été minimisés et les auteurs (voire la société) ne pas mesurer justement la gravité de leur acte » ([25]).
● La mise en œuvre effective d’un tel objectif de « décorrectionnalisation » des crimes sexuels exigeait toutefois de revoir l’architecture juridictionnelle criminelle.
En effet, une baisse de la correctionnalisation se traduit mécaniquement par un afflux de dossiers supplémentaires vers la justice criminelle, dès lors que ceux-ci ne sont plus renvoyés vers le tribunal correctionnel.
Or, au regard de l’érosion susmentionnée des capacités de jugement des cours d’assises, ces dernières n’auraient pas été capables d’absorber la surcharge de dossiers consécutive à une telle politique de décorrectionnalisation.
C’est notamment dans ce contexte que s’inscrit la création des CCD, dont l’une des finalités est d’assurer un meilleur traitement judiciaire des crimes de viols, sans saturer encore davantage les cours d’assises.
B. Une juridiction criminelle aux caractéristiques adaptées pour répondre à Ces objectifs
● En application de l’article 380-16 du code de procédure pénale, la CCD est compétente pour juger, en premier ressort, les personnes majeures accusées d’un crime puni d’au maximum vingt ans de réclusion criminelle, lorsqu’il n’est pas commis en état de récidive légale, ainsi que des délits connexes ([26]).
Les crimes concernés sont ainsi :
– soit ceux punis de quinze ans de réclusion criminelle, c’est-à-dire notamment les actes de torture ou de barbarie non aggravés, les viols non aggravés, les violences ayant entraîné la mort sans intention de la donner, les extorsions non aggravées ;
– soit ceux punis de vingt ans de réclusion criminelle, tels que certains actes de torture et de barbarie aggravés, les coups mortels aggravés, les viols aggravés, les enlèvements et séquestrations non aggravés, les vols avec arme et les extorsions aggravées.
La CCD est compétente pour connaître des crimes mettant en cause plusieurs accusés, dès lors que chacun d’eux répond aux conditions précitées. La cour d’assises demeure en revanche compétente lorsqu’un au moins des accusés ne satisfait pas ces conditions.
● Cette compétence matérielle recouvre près de la moitié de l’activité jusqu’alors dévolue aux cours d’assises, comme le rappelle l’étude d’impact du projet de loi de programmation pour la justice 2018-2022 : « les crimes pour lesquels le quantum encouru est de 20 ans de réclusion représentent à eux seuls 50 % des condamnations prononcées par les cours d’assises et les cours d’assises des mineurs » ([27]).
La typologie des crimes couverts est largement dominée par les crimes sexuels, conformément aux objectifs assignés à la cour criminelle : « la structure du contentieux pour les infractions encourant quinze ans ou vingt ans de réclusion est marquée par une prédominance des crimes sexuels, qui représentent respectivement 67 % et 58 % des condamnations prononcées. Cette part des infractions sexuelles apparaît d’autant plus importante qu’elles représentent 36 % de l’ensemble des condamnations prononcées par les cours d’assises en 2014 et 2015 » ([28]).
Enfin, la loi a institué la possibilité d’un renvoi de l’affaire devant la cour d’assises, en cas de saisine erronée de la CCD. Si cette dernière estime que les faits dont elle est saisie constituent un crime puni de trente ans de réclusion criminelle ou de réclusion criminelle à perpétuité, elle doit en effet renvoyer l’affaire devant la cour d’assises ([29]).
● La principale spécificité de la CCD par rapport à la cour d’assises tient à sa composition.
Alors que la cour d’assises est formée en première instance de trois magistrats – le président et deux assesseurs – et de six jurés, il a été retenu pour la cour criminelle une composition de cinq magistrats – le président et quatre assesseurs.
La composition de la formation de jugement des CCD est ainsi identique à celle des cours d’assises spécialement composées ([30]), qui sont compétentes pour certains crimes spécifiques ([31]).
● Le choix d’une telle composition résulte de l’objectif visé d’accroître les capacités de jugement de la justice criminelle.
Dans une telle perspective, l’absence de jury a pour objectif, d’une part, de simplifier l’audiencement, du fait de l’absence des démarches relatives à la constitution de celui-ci, et, d’autre part, de réduire la durée des audiences et du délibéré.
Ainsi que l’a souligné Mme Nicole Belloubet en évoquant les arbitrages retenus par le Gouvernement lors de la création des CCD, « la cour criminelle départementale, composée uniquement de magistrats professionnels, vise tout d’abord à juger plus rapidement les dossiers criminels, tout en maintenant un haut niveau d’exigence procédurale (…). La question de la composition a été assez rapidement fixée. L’idée était de ne pas reproduire le mécanisme du jury populaire, même allégé, et de ne pas non plus retenir la participation d’assesseurs citoyens, une précédente réforme ayant montré les limites d’un tel système » ([32]).
La cour d’assises avec jurés reste en revanche compétente pour statuer sur les appels des jugements de la CCD, l’exclusion du jury en appel ayant été considérée inopportune par le Gouvernement : « Le maintien de la cour d’assises en appel a quant à lui eu pour objectif de préserver une voie de réexamen devant une juridiction composée de magistrats et de jurés (…) Cette hybridation permet que les affaires jugées sans jury en première instance puissent faire l’objet d’un appel devant une formation avec jury, apportant une double lecture — professionnelle et citoyenne — du dossier » ([33]).
● L’absence de jury explique également une autre spécificité des CCD par rapport aux cours d’assises : l’accès des membres de la formation de jugement à l’entier dossier de la procédure, qu’ils peuvent notamment consulter lors du délibéré ([34]).
Cette innovation procédurale a également pour finalité de réduire la durée des audiences par rapport à celles de la cour d’assises, comme le relève l’étude d’impact : « Il en résultera donc un principe atténué d’oralité des débats, puisque tous les membres du tribunal auront accès au dossier, qui sera consultable pendant le délibéré. Tout en garantissant la qualité des débats, cela permettra des audiences un peu moins longues, donc des audiences plus nombreuses, et en conséquence un audiencement plus rapide des affaires » ([35]).
● Le président de la CCD est choisi parmi les présidents de chambre et les conseillers du ressort de la cour d’appel exerçant ou ayant exercé les fonctions de président de la cour d’assises.
La présence d’un président rompu à la procédure criminelle vise à garantir, notamment auprès des avocats, le respect des principes d’oralité des débats et du contradictoire lors des audiences devant les cours criminelles.
● Parmi les quatre assesseurs, deux au plus peuvent être choisis parmi les magistrats exerçant à titre temporaire (ci-après, « MTT » ou « magistrats à titre temporaire ») ou les magistrats honoraires exerçant des fonctions juridictionnelles (ci-après, « MHFJ » ou « magistrats honoraires »).
Depuis la loi du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire, ils peuvent également être sélectionnés parmi les avocats honoraires exerçant des fonctions juridictionnelles (AHFJ) dans les départements participant à l’expérimentation ([36]).
La limitation à deux assesseurs non professionnels a pour origine une contrainte de nature constitutionnelle. Si le Conseil constitutionnel valide la présence de magistrats non professionnels au sein des juridictions de jugement, dès lors que « les intéressés soient soumis aux droits et obligations applicables à l'ensemble des magistrats sous la seule réserve des dispositions spécifiques qu'impose l'exercice à titre temporaire ou partiel de leurs fonctions » ([37]), il considère en revanche que ces derniers ne peuvent pas être majoritaires dans la formation de jugement en matière pénale ([38]).
Cette faculté de recourir à deux magistrats à titre temporaire, magistrats honoraires ou avocats honoraires pour compléter la formation de jugement des cours criminelles constitue un moyen de compenser la sur-mobilisation des magistrats en activité induite par le doublement du nombre d’assesseurs au sein des cours criminelles par rapport à la cour d’assises.
● Enfin, une autre conséquence de la composition des CCD tient aux différences de règles de majorité.
Devant la cour d’assises, toute décision défavorable à l’accusé se forme à la majorité qualifiée de sept voix au moins lorsque la cour d’assises statue en premier ressort ([39]).
A contrario, les décisions des CCD sont prises à la majorité simple de leurs membres.
Présentation des magistrats à titre temporaire (MTT), magistrats honoraires exerçant des fonctions juridictionnelles (MHFJ) et avocats honoraires exerçant des fonctions juridicitonnelles (AHFJ)
Conditions de recrutement
• Les MHFJ sont des magistrats de carrière honoraires, nommés pour une durée de cinq ans, non renouvelable. Ils ne peuvent exercer leurs fonctions au-delà de l’âge de 75 ans.
• Les MTT sont issus de la société civile et participent aux côtés des magistrats de carrière à l’œuvre de justice. Ils doivent avoir moins de 75 ans et remplir une des conditions suivantes :
– être titulaire d’un diplôme sanctionnant une formation d'une durée au moins égale à quatre ans d'études après le baccalauréat (ou justifiant d’une qualification reconnue au moins équivalente) et justifier de cinq années au moins d’exercice professionnel le qualifiant particulièrement pour exercer des fonctions judiciaires ;
– avoir été directeur des services de greffe judiciaires et justifier de cinq années de services effectifs dans ce corps ;
– avoir été fonctionnaire de catégorie A du ministère de la Justice et justifier de cinq années de services effectifs au moins en cette qualité ;
– être membre ou ancien membre des professions libérales juridiques et judiciaires soumises à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé, et justifier de cinq années au moins d’exercice professionnel.
• Les candidats aux fonctions d’AHFJ doivent notamment justifier de l’obtention du titre d’avocat honoraire conféré par le Conseil de l’Ordre ainsi que d’une expérience significative en matière pénale. Ils doivent être âgés de moins de 75 ans et n’avoir exercé aucune mission depuis moins de cinq années dans le ressort de la cour d’appel dans laquelle ils sont affectés.
Formation
Les MHFJ étant des magistrats de carrière, ils ne suivent aucune formation avant de prendre leurs fonctions, sauf s’ils sont amenés à assurer des vacations relevant d’une fonction qu’ils n’ont jamais exercé ou exercée de façon lointaine.
Selon la fonction choisie, les MTT suivent une formation théorique de 10 à 15 jours à l’École nationale de la magistrature (ENM). Ils sont soumis, au choix du Conseil supérieur de la magistrature, à un stage probatoire à réaliser en juridiction de 40 à 80 jours ou bien à une formation préalable en juridiction de 40 jours qui peut, à titre exceptionnel, être réduite au vu de l’expérience professionnelle du candidat.
Quant aux AHFJ, préalablement à leur prise de fonctions, ils suivent une formation obligatoire d’une durée de deux jours, organisée en présentiel par l’ENM.
Effectifs
Au 1er mai 2025, il y avait 547 MHFJ et 336 MTT, répartis dans 36 cours d’appel, toutes fonctions confondues.
Au 31 mars 2025, 76 AHFJ sont en fonction dans 19 cours criminelles départementales, sur les 20 faisant l’objet de l’expérimentation.
Source : direction des services judiciaires (DSJ) du ministère de la Justice.
Dans sa décision du 24 novembre 2023, le Conseil constitutionnel a validé le modèle retenu des CCD ([40]).
Le Conseil a tout d’abord considéré que la présence d’un jury au sein d’une juridiction criminelle ne constitue pas un principe fondamental reconnu par les lois de la République.
Il a retenu en second lieu que l’institution d’une seconde juridiction criminelle ne méconnaissait pas le principe d’égalité devant la loi, en soulignant que les personnes jugées devant une CCD sont, eu égard à la nature des faits qui leur sont reprochés et aux circonstances exigées pour leur renvoi devant cette juridiction, dans une situation différente de celle des personnes jugées devant une cour d’assises.
Quant à la différence des règles de majorité entre la cour d’assises et la cour criminelle, elle est justifiée par une différence de situation tenant à la composition respective de ces deux juridictions.
Enfin, le Conseil relève que la cour criminelle offre des garanties procédurales équivalentes à la cour d’assises : « à l’exception de celles mettant en jeu la présence du jury, les règles de procédure applicables devant la cour criminelle départementale sont identiques à celles applicables devant la cour d’assises. En outre, la cour criminelle départementale présente, par sa composition, les mêmes garanties d’indépendance et d’impartialité. Sont ainsi assurées aux accusés, qu’ils soient jugés devant une cour d’assises ou devant une cour criminelle départementale, des garanties équivalentes » ([41]).
La troisième spécificité de la procédure devant les CCD tient aux délais d’audiencement pour les accusés détenus. Ceux-ci sont en effet particulièrement réduits par rapport à ceux prévus devant la cour d’assises.
En application de l’article 181 du code de procédure pénale, un accusé détenu doit comparaître devant la cour d’assises dans un délai d’un an à compter de la date à laquelle l’ordonnance de mise en accusation est devenue définitive. Toutefois, la chambre de l’instruction peut ordonner, « à titre exceptionnel », la prolongation de la détention provisoire pour un délai de six mois, renouvelable une fois.
Par conséquent, le délai maximal d’audiencement d’un accusé détenu devant la cour d’assises est de deux ans à compter de l’ordonnance de mise en accusation.
Devant la cour criminelle, l’article 181-1 du même code réduit ce délai de comparution de l’accusé à six mois, renouvelable une fois, à compter de l’ordonnance de mise en accusation définitive. Ainsi, la durée maximale de détention d’un accusé devant une CCD est d’un an.
Le caractère volontariste de ces dispositions témoigne du souhait des pouvoirs publics de lutter contre l’augmentation structurelle des délais de jugement ([42]) des accusés détenus en première instance, qui est passé de 3,3 années en 2014 à 4 années en 2019 ([43]).
C. Une généralisation intervenue à la suite d’une expérimentation globalement probante
● Les CCD ont été généralisées sur l’ensemble du territoire, à l’exception de certains territoires ultramarins([44]), à compter du 1er janvier 2023 par la loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire.
Au soutien de cette généralisation, le Gouvernement a mis en exergue les résultats positifs issus de l’expérimentation, au cours de laquelle 142 affaires concernant 170 accusés avaient été traitées par les cours criminelles (au 17 mars 2021).
L’étude d’impact met tout d’abord en avant les effets bénéfiques des cours criminelles sur l’accélération des délais de traitement des dossiers criminels : « l’expérimentation a permis de traiter plus rapidement certaines infractions, notamment les crimes sexuels (qui constituent 90 % des affaires renvoyées devant les cours criminelles), la valeur médiane du délai d’audiencement des dossiers d’accusés détenus étant en effet de 6,5 mois, et 8,7 mois pour les accusés libres, ce qui est particulièrement bref. En outre, la durée d’audience moyenne par dossier est de 2 jours devant la cour criminelle contre 3,5 jours devant la cour d’assises. Ce point décisif contribuera, à effectifs constants, à réduire la durée de traitement des dossiers criminels » ([45]).
La diminution du taux d’appel est également soulignée par cette étude d’impact, alors même que le quantum de peines est similaire à celui qui était prononcé par les cours d’assises dans des affaires identiques : « le taux d’appel des accusés y est de 21 %, ce qui est inférieur au taux d’appel des décisions rendues en première instance aux assises (32 %), pour un quantum de peine moyen de 9,9 ans, ce qui est tout à fait conforme aux peines prononcées par les cours d’assises pour des dossiers similaires, dont les statistiques ont été présentées supra » ([46]).
Le troisième élément souligné par l’étude d’impact concerne les économies liées au moindre coût des audiences devant les cours criminelles : « le coût journalier moyen est estimé à 1 100 euros, contre 2 060 euros pour un jour de session d’assises, ce qui présente un avantage considérable pour une procédure permettant d’avoir des peines similaires à une cour d’assises, avec un traitement plus rapide et un taux d’appel notablement moindre. Le coût réel d’après les retours des juridictions expérimentales via les comparatifs réalisés par les SAR [services administratifs régionaux] confirme tout à fait cette estimation. Ainsi, selon les ressorts, le coût entre une journée de CCD et une journée d’assises va du simple au double, voire du simple au triple » ([47]).
● Alors que le dispositif des cours criminelles avait suscité d’importantes réticences de la part des avocats craignant un recul de l’oralité du fait de la disparition du jury populaire, la mission « flash » conduite par un de vos rapporteurs en décembre 2020 a souligné le maintien d’un débat judiciaire de qualité devant ces cours : « Les professionnels sont apparus convaincus par un dispositif qui est resté plus proche de la cour d’assises que du tribunal correctionnel et qui, en l’état, fonctionne correctement. Nous avons observé in situ que les audiences se tiennent de la même manière que devant la cour d’assises : les débats y sont intégralement oraux, les témoins sont nombreux, les pièces sont lues, les plaidoiries sont longues bien qu’adaptées à des juges professionnels » ([48]).
● Des évaluations relatives à l’expérimentation des cours criminelles ont tout d’abord mis en avant la nécessité de renforcer les effectifs au soutien de l’activité de ces nouvelles juridictions, dans la perspective de leur généralisation.
Dans son rapport de suivi d’avril 2021, la direction des affaires criminelles et des grâces (DAGC) soulignait ainsi que « la généralisation des cours criminelles nécessitera des effectifs de magistrats, de MHFJ et de MTT et de greffiers en nombre suffisant, afin que le jugement des autres contentieux ne soit pas lésé » ([49]).
De même, le comité d’évaluation et de suivi mettait en exergue dans son rapport que « la généralisation des CCD est très étroitement liée à la question des ressources humaines et est conditionnée, au-delà du dispositif procédural lui-même, à un renforcement significatif de ressources humaines en magistrats et greffiers en adéquation avec les besoins de la généralisation » ([50]).
Mme Nicole Belloubet a confirmé que l’importante mobilisation des magistrats pour contribuer à la formation de jugement des cours criminelles avait été identifiée comme un point de vigilance à l’issue de cette expérimentation : « L’expérimentation des cours criminelles a permis d’identifier plusieurs défis opérationnels. Les chefs de juridiction ont notamment pointé les enjeux résultant d’une mobilisation importante d’effectifs de magistrats du fait de la composition collégiale à cinq juges, et les lourds ajustements organisationnels requis pour préserver l’oralité et la solennité des débats (…) L’enjeu crucial d’attribution de moyens supplémentaires nécessaires avait donc été identifié » ([51]).
● Le second point d’attention suscité par l’expérimentation concerne les délais d’audiencement. Le comité d’évaluation et de suivi a ainsi relevé « l’existence d’une difficulté pour les juridictions à respecter le délai d’audiencement de six mois pour les accusés détenus susceptibles d’occasionner un engorgement des chambres de l’instruction saisies de demandes de prolongation de ce délai » ([52]).
II. Une montée en puissance rapide depuis la généralisation, pour des résultats contrastés à ce stade
A. Une juridiction qui a pleinement trouvé sa place
● Il sera relevé à titre liminaire que les différentes estimations d’activité prévisionnelle des CCD divergeaient fortement.
L’étude d’impact du projet de loi de programmation pour la justice 2018-2022, qui a institué les CCD à titre expérimental, estimait que les cours criminelles prononceraient environ 900 condamnations par an : « 57 % des condamnations prononcées en première instance par les cours d’assises des majeurs seront impactées par les nouvelles dispositions du tribunal criminel départemental (crimes encourant un quantum de réclusion de quinze ans ou de vingt ans), soit en moyenne près de 900 condamnations par an » ([53]).
Quant à l’étude d’impact du projet de loi pour la confiance dans l’institution judiciaire, qui les a généralisées, elle estimait le nombre de dossiers à traiter par les CCD à moins de 780 par an : « Le bilan de l’activité des CCD réalisé par la DACG [direction des affaires criminelles et des grâces] montre que les cours criminelles actuellement en expérimentation ont jugé près de 44 % des affaires en principe soumises à la compétence des cours d’assises sur une année. Si l’on applique ce pourcentage à l’ensemble des cours d’assises du fait de la généralisation des CCD, 776 affaires seraient donc susceptibles d’être soustraites à l’activité des cours d’assises » ([54]).
● Au demeurant, aucune étude n’a tenté de quantifier le surplus d’activité lié à l’objectif de décorrectionnalisation des crimes sexuels.
À ce titre, l’étude d’impact du projet de loi de programmation pour la justice 2018-2022 se contente de mentionner que « le tribunal criminel serait probablement saisi de faits qui sont actuellement correctionnalisés, accroissant ainsi le nombre d’affaires traitées » ([55]).
Une telle absence d’évaluation des conséquences de la décorrectionnalisation est regrettable, alors qu’il s’agit non seulement d’un objectif majeur des CCD, mais également d’un facteur essentiel pour déterminer l’activité prévisionnelle de celles-ci, et, par voie de conséquence, les moyens humains et financiers nécessités par la création de cette nouvelle juridiction.
● En 2023, première année de pleine activité des CCD depuis la décision de généralisation, celles-ci ont rendu 773 arrêts qui concernaient 815 accusés. Cela correspond à 31 % de l’ensemble des arrêts de première instance rendus par les cours d’assises et criminelles départementales.
L’année 2024 a été marquée par une forte augmentation du nombre d’arrêts rendus par les CCD : sur les 3 159 arrêts rendus par les juridictions criminelles, 1 273 ont été prononcées par les CCD, 1 354 par les cours d'assises de première instance et 532 par les cours d'assises d’appel. Les CCD ont donc prononcé en 2024 près de 50 % des arrêts de première instance en matière criminelle.
Nombre d’arrêts rendus par les juridictions criminelles (2020-2024)
|
2020 |
2021 |
2022 |
2023 |
2024 |
Total des arrêts rendus en première instance et appel |
1 726 |
2 541 |
2 523 |
2 999 |
3 159 |
Cour d’assises (première instance)
|
1 254 |
1 757 |
1 822 |
1 742 |
1 354 |
Cour d’assises d’appel
|
374 |
526 |
441 |
484 |
532 |
Cour criminelle départementale (CCD)
|
98 |
258 |
260 |
773 |
1 273 |
Poids des CCD dans les décisions de première instance |
7 % |
13 % |
12 % |
31 % |
48 % |
Source : direction des affaires criminelles et des grâces du ministère de la Justice, réponses au questionnaire de vos rapporteurs.
● Si la création des cours criminelles a certes allégé l’activité des cours d’assises, la réduction du nombre d’affaires jugées par ces dernières est bien plus modeste que le nombre de décisions rendues par les CCD.
Les cours d’assises de première instance ont en effet rendu 1 354 décisions en 2024, soit une diminution de 468 arrêts rendus par rapport à 2022 (- 25 %), à comparer aux 1 354 décisions rendues par les CCD en 2024.
Toutes choses égales par ailleurs, cela signifierait qu’environ 37 % de l’activité des CCD est générée par le transfert des dossiers jusqu’alors jugés par les cours d’assises (468 sur un total de 1 273). Cependant, cette proportion pourrait être bien plus élevée si on émet l’hypothèse, que vos rapporteurs estiment vraisemblable, que les 1 354 affaires jugées par les cours d’assises en 2024 comportent également un certain nombre de dossiers qui seraient restés en attente de jugement en l’absence de la création des CCD.
Au final, il est impossible de déterminer le nombre exact de dossiers qui auraient été jugés par les cours d’assises en 2024 si les CCD n’avaient pas été instituées. En conséquence, il est tout aussi impossible de déterminer avec précision la part de l’activité des CCD qui correspond à un transfert de l’activité autrefois traitée par les cours d’assises et de distinguer celle-ci de la part qui correspond à la réduction de la correctionnalisation.
● Les indicateurs du ministère de la Justice transmis à vos rapporteurs tendent à démontrer que cet accroissement de l’activité des CCD se poursuivra dans les années à venir.
En effet, selon des données provisoires, les juridictions criminelles ont été saisies d’au moins 3 636 affaires nouvelles en 2024, dont 1 767 pour les CCD, 1 179 pour les cours d'assises de première instance et 690 pour les cours d'assises d’appel. Les saisines des CCD ont donc dépassé de plus de 50 % celles des cours d’assises de première instance en 2024.
● Il convient enfin de relever que certaines juridictions, telles que la CCD de Saint-Denis (La Réunion), connaissent des situations particulièrement atypiques, avec des stocks de dossiers à juger bien plus importants devant la cour criminelle (122 au 30 avril 2025) que devant la cour d’assises (29 à la même date).
Stock d’affaires criminelles en attente À saint-Denis (La réunion)
Source : Cour d’appel de Saint-Denis (La Réunion), réponses au questionnaire de vos rapporteurs.
● Conformément aux prévisions, la nature du contentieux criminel jugé par les CCD est largement dominée par les affaires de viols.
Selon les données transmises à vos rapporteurs, en 2023, 82 % des affaires jugées par les CCD étaient des crimes sexuels, 8 % étaient des violences criminelles, 3 % étaient des vols criminels et 7 % étaient des délits connexes.
Il sera cependant relevé qu’en dépit de la mise en place des CCD, la structure des crimes jugés par les cours d’assises a quant à elle relativement peu évolué. Les viols et agressions sexuelles représentent en effet 40 % des condamnations prononcées par ces cours en 2023, contre 37 % en 2018, avant la création des CCD.
Cette légère augmentation de la part des crimes sexuels dans l’activité de la cour d’assises, nonobstant la création des CCD qui consacrent plus de 80 % de leur activité à ceux-ci, illustre l’explosion de ce type de crimes.
● Au-delà de la spécificité de son activité juridictionnelle largement dédiée aux crimes sexuels, les autres indicateurs tendent à démontrer que les cours criminelles ne se différencient guère qu’à la marge des cours d’assises.
S’agissant des décisions rendues, le taux d’acquittement des CCD était de 4 % en 2024, contre un taux de 6 % pour les cours d’assises de première instance. Il convient au surplus de relativiser cet écart, compte tenu de la nature différente des contentieux traités par ces juridictions.
Concernant la nature des peines prononcées, le quantum ferme moyen des condamnations visant à titre principal un viol (viols punis de plus de 20 ans exclus) diffère légèrement entre les juridictions : 10,7 années pour les cours d’assises, et 9,9 années pour les CCD.
Enfin, le taux d’appel des décisions des CCD est sensiblement inférieur à celui des décisions des cours d’assises, bien que dans des proportions moindres qu’espérées initialement par les promoteurs des cours criminelles.
Ce taux est en effet passé de 26 % en 2020, au démarrage de la phase d’expérimentation, à 29 % en 2023 avant de baisser légèrement en 2024 pour atteindre 26 %. À titre de comparaison, le taux d’appel des décisions de cours d’assises a oscillé entre 31 % en 2020 et 34 % en 2024.
● La composition des CCD, dont la formation de jugement ne comporte pas de jury, a été largement dénoncée.
Lors des débats à l’Assemblée nationale sur le projet de loi de programmation de la justice 2018-2022, qui a créé l’expérimentation des CCD, le groupe parlementaire La France Insoumise s’était ainsi exprimé à plusieurs reprises contre le principe même d’une juridiction criminelle sans jurés. Il défendait notamment, en commission des Lois, l’extension des jurés ([56]) et déplorait en séance une dérogation au principe de la justice populaire, rendue au nom du peuple français ([57]).
Au-delà de l’opposition de principe à une juridiction criminelle sans jurés, plusieurs des opposants aux CCD s’étaient inquiétés d’une probable dégradation de l’oralité des débats.
Benjamin Fiorini, maître de conférences en droit privé et sciences criminelles, mentionnait ainsi « la dilution du principe d’oralité lié à la professionnalisation de la formation du jugement, l’effort pédagogique à produire par les parties n’étant pas le même devant cinq juges professionnels que devant un jury populaire » ([58]).
Le syndicat de la magistrature indiquait quant à lui qu’il demeurait opposé au recul de l’oralité des débats, qui constituait « le cheval de Troie de la dégradation de la qualité du procès pénal » ([59]).
Dans un rapport rendu le 13 janvier 2023, la commission des libertés et droits de l’homme du Conseil national des barreaux soulignait le « risque bien réel d’amoindrissement de la qualité des débats au regard de la place limitée de l’oralité, de la technicité des débats » et demandait en conséquence « l’arrêt de la généralisation des cours criminelles départementales » ([60]).
● Plus spécifiquement, la spécialisation de fait des cours criminelles en matière de viol, décrite supra, a suscité de vives critiques de la part de certaines associations féministes ou encore du syndicat de la magistrature, qui considèrent que le législateur a instauré une forme de « sous-justice » pour les victimes de viol. Dans une contribution écrite aux travaux de vos rapporteurs, l’association « Osez le Féminisme » dénonçait ainsi une justice devenue « une affaire exclusivement technique, refermée sur elle-même, avec un risque accru de banalisation du viol, réduit à un simple contentieux interindividuel » ([61]) .
Ainsi, une tribune dans le Monde affirmait que « les cours criminelles départementales contribuent à perpétuer l’invisibilisation des crimes de viol » et s’indignait de ce que les viols soient « symboliquement devenus des crimes de ‘seconde classe’ » depuis la généralisation des cours criminelles départementales ([62]). Le syndicat de la magistrature soulignait lui en 2020 que « la création d’une CCD peut donner l’impression d’une juridiction au rabais pour les seules infractions sexuelles » ([63]).
● Vos rapporteurs considèrent que les craintes exprimées quant aux conséquences de la disparition du jury se sont révélées infondées. Il ressort en effet aussi bien des auditions que des audiences auxquelles vos rapporteurs ont assisté que l’oralité des débats a été pleinement préservée devant la CCD.
Un grand nombre de personnes auditionnées ont aussi souligné que l’exercice de la présidence des CCD par un président de cours d’assises contribue fortement au maintien de l’oralité des débats. Celui-ci ci a en effet naturellement tendance à retenir la même organisation des débats que celle qu’il pratique devant une cour d’assises.
Le maintien de l’oralité des débats est également un gage d’adhésion des avocats, qui avaient publiquement exprimé des inquiétudes sur ce point lors de la généralisation des cours criminelles départementales. La conférence nationale des premiers présidents (CNPP) rappelle à juste titre que « si les avocats au départ très hostiles à la cour criminelle départementale s’y sont rangés, c’est en raison du fait que l’on leur a donné des garanties du maintien de l’oralité des débats. Ils ont la même liberté de parole » ([64]).
Le représentant de l’association des avocats pénalistes (ADAP) a ainsi confirmé à vos rapporteurs que ses réticences initiales sur les CCD ont été levées en raison du plein maintien du principe de l’oralité des débats : « Nous avions manifesté de nombreuses craintes au moment de leur création, notamment quant à un risque de recul des droits de la défense. Force est de constater que ces craintes se sont révélées infondées dans l’immense majorité des cas, avec cette réserve d’importance que les audiences sont pour l’instant présidées par les présidents de cour d’assises, notamment rompus au principe de l’oralité des débats » ([65]).
● Ce constat empirique établi par les acteurs du procès est corroboré par le nombre relativement élevé de témoins et experts cités lors des audiences devant la CCD. En 2023, le nombre moyen de témoins et d’experts cités par affaire était en effet de de 8,7 devant les cours criminelles départementales, contre 13,8 devant les cours d’assises.
Si la préservation du principe de l’oralité des débats peut sembler contradictoire avec l’accès des magistrats au dossier écrit, certaines personnes auditionnées ont fait valoir que les magistrats assesseurs manquaient de temps en pratique pour s’approprier les éléments du dossier en amont de l’audience.
Ainsi, l’union syndicale des magistrats (USM) a relevé que « le maintien de la citation de la plupart des témoins et experts est d’autant plus nécessaire que les magistrats professionnels (à l’exception du président) ne connaissent pas le dossier. Les magistrats professionnels qui ont la charge d’autres activités juridictionnelles n’ont en effet pas de temps dédié pour prendre connaissance des dossiers avant l’audience » ([66]).
● Dans ce contexte de préservation de l’oralité des débats, les pratiques des acteurs devant les cours criminelles départementales ne diffèrent que marginalement de celles mises en œuvre devant les cours d’assises.
Des personnes auditionnées ont ainsi mis en avant le fait que les débats étaient plus techniques, dès lors que la pédagogie déployée à l’égard de ces derniers ne se justifie plus devant des magistrats exclusivement professionnels. À titre d’exemple, l’association française des magistrats instructeurs (AFMI) note que « les plaidoiries et réquisitions sont moins explicatives voire ‘‘émotionnelles’’, se recentrant sur des questions juridiques et probatoires, et globalement avec une recherche accrue de technicité » ([67]).
Cependant, le principal risque lié à une technicité accrue des débats est que le procès soit moins intelligible pour les justiciables, comme l’a souligné maître Anne Bouillon, avocate au barreau de Nantes : « je peux aller plus rapidement ‘‘droit au but’’ devant une cour criminelle départementale. Les magistrat.es et moi parlons le même langage au risque finalement de nous couper des principaux concernés : les justiciables » ([68]).
● Un grand nombre de personnes auditionnées ont également relevé le caractère plus serein et apaisé des débats devant une CCD, par rapport à ceux pratiqués devant les cours d’assises.
La CNPP met ainsi en exergue « un contexte de plus grande sérénité, tenant d’une part à la nature, souvent plus simple et moins conflictuelle, des affaires, et, d’autre part, au moindre enjeu d’apparence auquel encourage parfois devant les cours d’assises l’envie pour les parties de convaincre ou d’impressionner un jury populaire. Ainsi, la cour criminelle départementale contribue à l’apaisement des attitudes et à leur recentrage sur les objectifs de l’audience : recherche de la manifestation de la vérité, écoute des parties, vertus pédagogiques, sens et portée des décisions… La possibilité, dès lors que les incidents (au sens procédural et aussi au sens commun) sont plus rares et moins exploités, de consacrer plus du temps aux missions essentielles du procès, dont l’écoute de parties et des intervenants et les échanges oraux ».
Dans cette perspective, les audiences devant les cours criminelles sont globalement bien vécues par les victimes, selon le témoignage de plusieurs personnes auditionnées.
L’association France Victimes a ainsi mis en exergue qu’« un meilleur ressenti de la victime a été relevé notamment en matière de viol : reconnaissance juste des faits, meilleure approche avec des magistrats professionnels, questionnements techniques prenant le pas sur des jugements de valeurs et de mœurs, sanction plus adaptée, et surtout dommages et intérêts plus justes ».
Cette analyse est rejointe par celle formulée par la Fédération nationale des centres d'information sur les droits des Femmes et des familles (CIFDD), qui souligne dans sa contribution aux travaux de vos rapporteurs que « les victimes étaient plutôt rassurées de l’absence de jurés populaires » ([69]).
L’absence de jury populaire ne semble donc pas être perçue par les victimes comme une moindre reconnaissance des crimes qu’elles ont subies. Ainsi que le résume maître Anne Bouillon, « les victimes sont finalement assez indifférentes à la question de la présence ou l’absence de jury populaire. En revanche elles sont sensibles au temps qui leur est consacré, à l’espace d’expression qui leur est donné et in fine au sentiment d’avoir été ou non entendues » ([70]).
La mission d’information s’est intéressée plus particulièrement à deux procès : celui de Joël Le Scouarnec, où les victimes sont très nombreuses, et celui de Dominique Pélicot, qui, à l’inverse, mettait en cause de nombreux accusés.
Ce procès a représenté un réel défi judiciaire au regard du nombre de victimes concernées.
Faits du procès de l’accusé Joël Le Scouarnec
Joël Le Scouarnec a exercé en tant que chirurgien digestif dans divers hôpitaux et cliniques (Loches, Vannes, Quimperlé, Jonzac). En 2017, il est arrêté pour l’agression d’une de ses voisines, âgée de six ans, après que les parents aient porté plainte. Lors de la perquisition du domicile de Joël Le Scouarnec, la saisie de son matériel informatique entraîne la découverte des « carnets noirs » du chirurgien, c’est-à-dire la chronique des viols et des agressions sexuelles qu’il a commis sur une période de trente ans, à la fois sur ses patients, mais aussi sur son entourage.
Le chirurgien avait déjà été condamné en 2005 à quatre mois de prison avec sursis par le tribunal judiciaire de Vannes pour consultation de sites pédopornographiques, sans qu’aucune obligation de soins ni restriction d’exercice professionnel ne soit prononcée.
Un premier procès de Joël Le Scouarnec a eu lieu en 2020 devant la cour d’assises de Saintes sur les viols et agressions de mineures de son entourage. Il a été condamné à quinze ans de réclusion criminelle, avec une obligation de suivi sociojudiciaire de trois ans et une injonction de soins.
Le procès sur les abus commis sur ses patients a débuté le 24 février 2025 et s’est tenu devant la cour criminelle départementale de Vannes, présidé par Mme Aude Buresi. Il impliquait 299 victimes, dont l’âge moyen au moment des faits s’établissait à onze ans.
Au cours du procès, l’accusé a reconnu les faits qui lui étaient reprochés, et a régulièrement présenté des excuses aux victimes.
Joël Le Scouarnec a été condamné le 28 mai 2025 à 20 ans de réclusion criminelle, pour viols aggravés et agressions sexuelles sur 299 victimes, avec deux tiers de peine de sûreté mais aucune rétention de sûreté, c’est-à-dire une mesure qui permet de placer une personne condamnée dans un centre socio-médico-judiciaire de sûreté, à la fin de sa peine privative de liberté. Il n’a pas fait appel de la décision de la cour.
Vos rapporteurs, soucieux d’observer par eux-mêmes la conduite d’un procès tel que celui de Joël Le Scouarnec, ont rencontré les chefs de la cour d’appel de Rennes et leurs secrétaires généraux. Ils ont ensuite passé une journée au tribunal de Vannes, pour rencontrer à la fois les magistrats impliqués dans le procès mais aussi pour assister à une demi-journée d’audience.
Il ressort de leur déplacement, et des différentes auditions menées par la mission d’information, que la cour criminelle départementale est loin de constituer une sous-justice pour les victimes de procès dits « hors-normes ».
Si les modalités d’organisation du procès ont pu faire l’objet de critiques ([71]), la compétence de la CCD n’a pas été remise en cause par les interlocuteurs de vos rapporteurs à Rennes et à Vannes. Lors d’une audition des représentants du collectif de victimes de Joël Le Scouarnec par les commissions des affaires sociales et des lois de l’Assemblée nationale, M. Gabriel Trouvé, l’un des représentants, s’est exprimé sur l’hypothèse qu’il aurait été préférable que le procès se tienne devant un jury : « ça n’aurait pas été une très bonne idée, au regard de la tenue du procès, un jury populaire ». Il tire cette conclusion de ses échanges avec certaines personnes du public, qui ont, selon ses termes, « suivi l’enquête de personnalité de Joël Le Scouarnec et ont totalement adhéré à la stratégie manipulatoire du pervers » ([72]). Selon lui, la repentance de l’accusé aurait été perçue comme totalement authentique par les jurys.
Vos rapporteurs ont constaté que le calendrier des audiences établi par la présidente était respectueux des parties civiles et intégrait une liste conséquente d’experts et de témoins, pour garantir une prise en compte de l’ensemble des aspects du dossier, que ce soient les mesures prises par l’ordre des médecins ou l’attitude des collègues du chirurgien qui le côtoyaient au quotidien.
Le procès de Dominique Pélicot a été largement médiatisé suite à la décision de la victime, Gisèle Pélicot, de renoncer au huis clos, incluant la diffusion des vidéos réalisées par son ex-époux.
Faits du procès de l’accusé Dominique Pélicot et de ses coaccusés, dit aussi « procès de Mazan »
En septembre 2020, Dominique Pélicot est arrêté pour avoir filmé des femmes au supermarché. Au cours de l’enquête, l’exploitation de son téléphone et de son matériel informatique révèle qu’il administre régulièrement des anxiolytiques à son épouse, Gisèle Pélicot, afin que des inconnus, qu’il invite via la plateforme Coco.fr, viennent la violer à leur domicile. Il filme ces visites : les enquêteurs ont découvert des centaines de vidéos.
Si 83 agresseurs apparaissent sur les vidéos, seuls 51 ont été identifiés par les enquêteurs. Ainsi, outre Dominique Pélicot, 50 hommes âgés de 27 à 74 ans, étaient jugés pour agressions et viols sur Gisèle Pélicot par la cour criminelle du Vaucluse.
Le procès a débuté le 2 septembre 2024. Plus de 92 faits ont été comptabilisés, sur une période allant de 2011 à l’autonme 2020.
Le huis clos, demandé par le parquet, a été refusé par Gisèle Pélicot, qui estimait qu’elle « n’a[vait] pas à se cacher » ni à « avoir honte » ([73]).
Les peines requises par le parquet allaient de quatre à vingt ans de prison.
Le procès s’est achevé le 19 décembre. Dominique Pélicot a été condamné à vingt ans de prison, avec une période de sûreté des deux tiers. Ses coaccusés ont tous été déclarés coupables, avec des peines fixées de trois à quinze ans, soit des peines toutes inférieures aux réquisitions du parquet ([74]).
La cour établit ainsi une hiérarchie claire entre Dominique Pélicot, « l’instigateur et l’organisateur d’un processus criminel destiné à sédater son épouse afin d’en abuser sexuellement lui-même et l’offrir à des hommes recrutés par l’entremise d’un site proposant des rencontres libertines », et les autres. La cour insiste néanmoins sur le « libre arbitre » et « les capacités de discernement suffisantes » de chacun des accusés ([75]).
Alors que dix-sept accusés avaient, en premier lieu, interjetés appel, ils se sont peu à peu désistés : au 30 juin 2025, seul un accusé avait maintenu son appel. Le procès en appel devrait se tenir devant la cour d’assises de Nîmes du 6 au 9 octobre 2025 ([76]).
Entendus par vos rapporteurs, les avocats de Gisèle Pélicot, Maîtres Stéphane Babonneau et Antoine Camus, ont évoqué un procès où la place de la partie civile avait été respectée.
Bien que le quantum des peines prononcées pour les différents accusés ait été l’objet de plusieurs critiques ([77]), vos rapporteurs constatent que l’effort d’individualisation de la peine par la formation de jugement a été salué.
Maîtres Babonneau et Camus, lors de leur audition, ont souligné, respectivement, « le travail exceptionnel de personnalisation des peines » réalisé par la cour et « de la grande couture » s’agissant des peines prononcées.
Maître Anne Bouillon constatait, elle, ainsi que « la cour a[vait] eu vraiment un souci d’appliquer l’individualisation des peines, autrement dit de ne pas faire des peines pour l’exemple » et qu’il était heureux qu’elle ait jugé « dans la nuance » ([78]).
● Les éléments entendus sur ces deux procès au cours des travaux menés par vos rapporteurs les ont rassurés sur l’adéquation de cette nouvelle juridiction avec les procès dits « hors-normes ».
Benjamin Fiorini a évoqué, lors de son audition par vos rapporteurs, un phénomène de « cour-criminalisation », point qu’il avait par ailleurs développé dans un article daté du 23 janvier 2025 ([79]). Selon lui, un phénomène de minimisation des violences sexuelles serait à l’œuvre, conduisant à opportunément oublier des circonstances aggravantes pour éviter que des dossiers criminels soient jugés par des cours d’assises. Il évoque le procès de Dominique Pélicot comme l’illustration de cette nouvelle pratique judiciaire ([80]).
Les retours des différentes personnes impliquées dans les deux procès ont été de nature à rassurer vos rapporteurs sur ce point précis : ce sont bien des éléments juridiques qui ont conduit aux qualifications retenues, et pas la volonté d’orienter l’affaire vers une juridiction plutôt qu’une autre « en opportunité ».
Dans les deux cas, vos rapporteurs estiment que la CCD était une juridiction particulièrement adaptée à la conduite de procès impliquant, d’une part, un grand nombre de victimes et, d’autre part, un grand nombre d’accusés. Au-delà de la difficulté pour des jurys de rester disponibles et attentifs sur plusieurs mois, il est délicat d’imaginer comment ils auraient pu réellement se saisir de l’ensemble des questions posées pendant le délibéré. Ce n’est pas moins de 900 questions et plusieurs centaines de faits qui ont dû être motivés par les magistrats de la formation de jugement de Joël Le Scouarnec.
S’agissant de la durée du procès, on estime que le procès de Joël Le Scouarnec aurait duré deux fois plus de temps s’il s’était déroulé devant une cour d’assises. Pour celui de Dominique Pélicot et de ses coaccusés, a été évoqué un procès qui aurait été allongé d’un tiers s’il avait été devant une cour d’assises.
● Vos rapporteurs considèrent ainsi qu’il est inopportun de qualifier les CCD de sous-juridiction. Ils sont néanmoins lucides sur les difficultés auxquelles font face ces nouvelles juridictions.
B. Des objectifs inégalement atteints à ce stade
● Selon les données communiquées à vos rapporteurs par les services du ministère de la Justice, le gain de temps lié à la création des CCD en termes de durée des audiences est réel, mais limité et surtout moindre qu’escompté, compte tenu de la préservation de l’oralité des débats rappelée ci-dessus.
En 2023, la durée moyenne d’une audience devant une CCD était ainsi de 2,2 jours, contre 3,2 jours devant une cour d’assises.
Selon des données provisoires, la durée des audiences a au surplus fortement augmenté en 2024, puisqu’elle est d’environ 2,7 jours pour les CCD, contre 3,4 jours pour les cours d'assises de première instance. La dynamique actuelle tend donc vers une harmonisation à la hausse des durées d’audience entre les deux juridictions criminelles.
● La quasi-totalité des personnes auditionnées par vos rapporteurs ont constaté que le gain de temps engendré par les CCD se concentrait, d’une part, sur la phase en amont du procès, grâce à l’absence de formalités relatives à la constitution du jury, et, d’autre part, lors de la phase du délibéré, qui est plus rapide compte tenu de la présence exclusive de magistrats professionnels. En revanche, elles ont confirmé que le déroulement de l’audience est assez similaire à celui pratiqué devant la cour d’assises.
La conférence nationale des présidents de tribunaux judiciaires (CNPTJ) résume ainsi l’avis général, lorsqu’elle souligne que « les cours criminelles départementales ne permettent pas un gain de temps significatif. Dans la pratique, la réduction du temps d’audience liée à l’instauration de la cour criminelle départementale s’avère marginale. Il est principalement lié à l’absence de tirage au sort des jurés devant les cours criminelles et surtout du délibéré. Reste que l’audience devant la cour criminelle départementale a un déroulement très proche de la cour d’assises et ne fait quasiment gagner aucun temps. Les audiences calibrées sur moins de deux jours restent très rares en cours criminelles départementales, voire exceptionnelles, même si les pratiques peuvent diverger selon les ressorts » ([81]).
● Il est symptomatique à cet égard que les dossiers criminels audiencés sur une seule journée soient devenus, de l’aveu général, très rares. Ainsi que le relève la CNPP, « très peu de dossiers sont audiencés sur une journée alors que cela semble possible avec une réunion préparatoire efficace » ([82]).
Or, une telle pratique était loin d’être négligeable devant les cours d’assises il y a une quinzaine d’années, comme vos rapporteurs l’ont expérimenté dans leur vie professionnelle d’avocats.
● Le gain de temps réduit des audiences devant les CCD limite la capacité de celles-ci à traiter le stock d’affaires nouvelles qui lui sont renvoyées.
Un tel constat est illustré par la faiblesse du taux de couverture des CCD, qui constitue le rapport entre les affaires jugées durant l’année et les affaires nouvelles enregistrées par la juridiction durant la même période. Ce ratio est un indicateur indirect du taux de variation du stock d’affaires en cours.
Or, en 2024, les CCD affichaient un taux de couverture de 67 %, contre 100 % pour les cours d’assises en première instance et de 81 % pour les cours d'assises en appel.
● Mécaniquement, l’afflux de dossiers vers les CCD, conjugué à une capacité de jugement obérée par l’absence de réel gain de temps de l’audience, se traduit par une forte augmentation des stocks.
Au 31 décembre 2024, 1 897 dossiers étaient en attente de jugement pour les CCD, soit une augmentation de 57 % par rapport à 2023.
Deux ans à peine après leur généralisation, les stocks des CCD représentent déjà près de 50 % des stocks de juridictions criminelles de première instance, puisque 1 952 étaient en attente de jugement devant les cours d'assises de première instance au 31 décembre 2024.
La durée d’écoulement du stock d’affaires devant les CCD atteint ainsi 17,9 mois, soit une durée supérieure à celle des cours d’assises (17,3 mois).
Stock d’affaires en attente devant les juridictions criminelles (2020-2024)
|
2020 |
2021 |
2022 |
2023 |
2024 |
Total du stock d'affaires en attente au 31 décembre |
2 845 |
3 276 |
3 544 |
3 968 |
4 593 |
Cour d’assises (première instance) |
2 183 |
2 538 |
2 651 |
2 138 |
1 952 |
Cour d’assises d’appel |
542 |
584 |
534 |
622 |
744 |
Cour criminelle départementale (CCD) |
120 |
154 |
359 |
1 208 |
1 897 |
Durée en mois d'écoulement du stock devant les cours d’assises et les CCD |
19,8 |
15,5 |
16,9 |
15,9 |
17,4 |
Durée en mois d'écoulement du stock cour d’assises (première instance) |
20,9 |
17,3 |
17,5 |
14,7 |
17,3 |
Durée en mois d'écoulement du stock CCD |
14,7 |
7,2 |
16,6 |
18,8 |
17,9 |
Source : direction des affaires criminelles et des grâces, réponses au questionnaire de vos rapporteurs.
● Comme déjà évoqué, il est particulièrement délicat de mesurer objectivement le phénomène de correctionnalisation et, par voie de conséquence, de décorrectionnalisation.
L’inspection générale de la justice (IGJ) relève à ce titre que « la décision de ne pas retenir un élément constitutif – par exemple la pénétration sexuelle s’agissant du viol – ou une circonstance aggravante – par exemple le port d’arme pour les vols – n’est pas traçable par un outil métier lorsqu’elle intervient ab initio par le parquet, sauf à en faire tenir le compte journalier par chaque magistrat du parquet, ce qui n’a pas été réalisé faute d’être envisageable » ([83]).
● Cependant, plusieurs éléments convergents tendent à démontrer une réelle décorrectionnalisation des crimes de viols depuis la mise en place des CCD.
Tout d’abord, l’IGJ a analysé les données statistiques de l’administration pénitentiaire qui permettent d’apprécier, pour les mis en examen placés en détention provisoire, l’évolution de l’infraction la plus grave entre, d’une part, le mandat de dépôt et, d’autre part, l’ordonnance de règlement (correctionnalisation dite in fine).
Or, pour les infractions de nature sexuelle, l’évolution du taux de correctionnalisation in fine est significative : « sur fond de nette augmentation du nombre d’informations judiciaires ouvertes concernant des faits de viols (687 en 2019 et 1 241 en 2023 soit + 80,64 % en cinq ans), on note la diminution de la part des correctionnalisations (- 19,68 %), avec une accélération du phénomène plus marquée en 2022 et 2023 » ([84]).
Évolution de la correctionnalisation in fine des crimes sexuels impliquant un mis en examen détenu
Source : IGJ, « L’organisation de la chaîne pénale en matière criminelle », mars 2024.
Cette tendance se poursuit selon les indications données à vos rapporteurs par l’IGJ, puisque le taux de correctionnalisation atteint 13 % des prévenus incarcérés pour crimes sexuels en septembre 2024, contre 37 % en 2019.
● Un autre indice fort de cette dynamique de décorrectionnalisation est que la création des CCD a coïncidé avec une augmentation substantielle des ordonnances de mise en accusation, acte par lequel le juge de l’instruction renvoie l’accusé devant une juridiction criminelle.
Une étude du ministère de la Justice relève à cet égard que « le nombre d’ordonnances de mise en accusation est assez stable entre 2014 et 2018 (autour de 2 400 ordonnances par année) et commence à augmenter à partir de 2019, avec une évolution de 6 % par rapport à 2018. L’augmentation la plus forte est observée entre 2022 et 2023 (+ 23 %), période de généralisation des cours criminelles départementales sur l’ensemble du territoire. Cette augmentation peut résulter mathématiquement de l’augmentation des saisines du juge d’instruction pour des procédures criminelles, mais également d’une éventuelle moindre correctionnalisation de faits criminels, objectif affiché lors de la création des cours criminelles départementales » ([85]).
● La très grande majorité des personnes auditionnées ont confirmé que les CCD ont entraîné une réduction significative de la correctionnalisation des crimes de viols.
L’AFMI a ainsi mis en avant que l’enjeu de la « création des cours criminelles, qui s’est accompagnée d’un discours du ministère les présentant comme devant mettre fin aux pratiques de correctionnalisation, a été notamment entendu par les avocats. Ces derniers ont ainsi rapidement refusé toute correctionnalisation, obligeant les magistrats instructeurs à renvoyer des dossiers sous leur qualification juridique d’origine » ([86]) .
Dans la même perspective, la conférence nationale des procureurs généraux (CNPG) a relevé qu’« une réduction très nette de la correctionnalisation des crimes de viol a été observée », tandis que la CNPTJ estime que la cour criminelle départementale « a marginalisé la pratique dite de la correctionnalisation (…) qui conduisait auparavant à juger certains actes de pénétration sexuelle devant le tribunal correctionnel par le biais d’une disqualification des faits avec l’accord de la victime (…). Les affaires ouvertes au criminel sont désormais renvoyées devant une juridiction criminelle, la disqualification étant devenue rare » ([87]) .
La mission sur l’audiencement criminel instituée par le ministère de la justice dresse le même constat : « pour de nombreux interlocuteurs de la mission, les parties civiles refusent désormais massivement la correctionnalisation de faits constitutifs de viol » ([88]).
● Un autre facteur a également favorisé la dynamique de décorrectionnalisation dans les juridictions dépourvues de pôle d’instruction, comme l’ont confirmé les chefs de juridiction du tribunal judiciaire de Rodez. Il s’agit de la possibilité, instituée par la loi du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire, pour le juge d’instruction de traiter des affaires relevant de la CCD, sans se dessaisir au profit du pôle d’instruction situé dans une autre juridiction.
En effet, si les juges d’instruction composant un pôle de l’instruction sont en principe seuls compétents pour connaître des informations en matière de crime, l’article 52-1 du code de procédure pénale permet au procureur de saisir un juge d’instruction d’un tribunal judiciaire dénué de pôle d’instruction pour les crimes relevant de la compétence des CCD ([89]).
Jusqu’alors, un procureur de la République d’un tribunal judiciaire dépourvu de pôle de l’instruction pouvait en effet être incité à correctionnaliser certains dossiers criminels, pour les garder dans sa juridiction et ne pas avoir à les renvoyer au pôle d’instruction d’un autre tribunal judiciaire. La possibilité, offerte par l’article 52-1 du code de procédure pénale, de saisir un juge d’instruction de son propre tribunal, nonobstant l’absence de pôle de l’instruction, pour les crimes relevant de la CCD, a neutralisé une telle incitation à la correctionnalisation.
● Cette dynamique de décorrectionnalisation des crimes sexuels est largement saluée, à juste titre, par les acteurs du monde judiciaire.
La CNPP souligne à ce titre que « la création des cours criminelles départementales répond aux attentes de la société de voir les crimes sexuels être jugés comme des crimes et de mettre fin à la banalisation des infractions sexuelles par la correctionnalisation. Elles constituent une garantie de dignité pour les victimes et il est espéré que le jugement criminel par le temps qui y est consacré et la solennité qui s’y attache permette une prise de conscience par l’auteur des faits de la gravité des actes commis » ([90]).
Dans la même perspective, l’USM note que « s’agissant de l’objectif de lutte contre la correctionnalisation, il semble au moins partiellement atteint, cette pratique étant moins régulièrement observée depuis la généralisation de la CCD. Il est positif de relever qu’un fait criminel soit jugé par une juridiction criminelle, et non correctionnelle, par manque de moyens (engorgement des cours d’assises) ou crainte de la partie civile d’affronter le regard du jury populaire ou le caractère éprouvant d’un procès sur plusieurs jours. C’est également positif en termes d’égalité de traitement, les pratiques de correctionnalisation étant différentes d’un ressort à l’autre selon l’engorgement de la cour d’assises compétente » ([91]).
● À ceux qui pourfendent les CCD parce qu’elles assimileraient les viols à des « sous-crimes » qui ne seraient pas dignes de la solennité de la cour d’assises, vos rapporteurs rappellent la nécessité de mesurer ce que signifie pour les victimes une telle décorrectionnalisation.
Alors que des affaires de viols, requalifiées en agressions sexuelles, étaient auparavant jugées en quelques heures par un tribunal correctionnel, elles font désormais l’objet d’une audience criminelle qui dure en moyenne plusieurs jours, dans le cadre d’une audience où l’oralité des débats est pleinement préservée.
Il s’agit donc d’un véritable changement de paradigme pour le traitement judiciaire des victimes de viols, comme l’ont souligné les représentants de la cour d’appel de Paris : « Les parties civiles et leurs avocats trouvent dans la cour criminelle une juridiction plus adaptée [que le tribunal correctionnel] à l’examen de leur situation, en ce qu’elle offre un espace de parole plus conséquent ce qui leur permet de s’expliquer plus sereinement et largement sur les faits et l’étendue du préjudice subi » ([92]).
● Il convient tout d’abord de relever que la décorrectionnalisation constatée concerne essentiellement les infractions de nature sexuelle.
A contrario, comme l’ont confirmé les représentants de l’AFMI, un vol avec l'exhibition d'une arme blanche, ou un faux en écriture publique par une personne dépositaire de l'autorité publique continuent de faire traditionnellement l’objet d’un renvoi devant les tribunaux correctionnels, malgré leur nature criminelle.
● En outre, certaines personnes auditionnées par vos rapporteurs ont souligné un retour récent de la correctionnalisation dans certaines juridictions, notamment à la lumière des tensions sur l’audiencement criminel.
Les chefs de juridiction de la cour d’appel de Saint-Denis (La Réunion) ont ainsi mis en exergue que si « au début de l’expérimentation, à compter de novembre 2019, les correctionnalisations avaient fortement baissé voire disparu », la hausse du nombre des affaires en attente de jugement devant la cour criminelle avait conduit à proposer de nouveau la correctionnalisation de certains dossiers dès 2021 : « La charge en constante augmentation de la cour criminelle départementale a conduit à un nouvel examen en 2021 de ces pratiques et à ne plus exclure les correctionnalisations avec l’adhésion de la victime/partie civile. Les dates lointaines des audiences conduisent souvent les victimes à adhérer voire provoquer la correctionnalisation » ([93]).
Les représentants de l’AFMI ont également constaté une recrudescence ces derniers mois de la correctionnalisation dans certaines juridictions, telles que celle du Mans : « Parfois néanmoins, au regard de l’engorgement majeur de l’audiencement criminel et dans certains ressorts, les conseils peuvent revenir à donner plus souvent leur accord à une telle mesure [de correctionnalisation]. Notablement dans les dossiers où le mis en examen est sous contrôle judiciaire et au regard des délais de jugement, incompatibles avec une bonne administration de la justice. À titre d'exemple, au Mans, une mise en accusation criminelle devant la cour criminelle départementale de la Sarthe pour un accusé libre ne sera pas audiencée avant six ou sept ans. Ainsi, plusieurs parties civiles sont dorénavant enclines à accepter une correctionnalisation pour obtenir un jugement dans un délai plus raisonnable » ([94]).
Les représentants des procureurs généraux ([95]) et des avocats ([96]) ont également alerté sur ce retour récent de la correctionnalisation.
● Vos rapporteurs appellent à être particulièrement vigilants face à une telle dynamique, qui, si elle se confirme, est susceptible de remettre en cause un bénéfice majeur apporté par la CCD.
Prévenir la résurgence de la correctionnalisation des crimes sexuels nécessite cependant de s’attaquer à la raison structurelle d’une telle évolution, à savoir l’engorgement des juridictions criminelles.
Tel est l’objet de la seconde partie du présent rapport.
*
* *
Deuxième partie : une juridiction qui doit évoluer, compte tenu du risque d’engorgement de la justice criminelle
I. « Nous sommes face à un mur » : la justice criminelle au défi de son embolie
A. Un engorgement aux causes multiples
● Entre 2019 et 2023, le nombre de personnes impliquées dans des affaires criminelles dont ont été saisis les services d’enquête a augmenté de 59 %. Il s’est encore accru de 8 % en 2024 selon les données fournies à vos rapporteurs.
nombre de personnes mises en cause dans des affaires criminelles élucidées par la police et la gendarmerie nationales
Source : IGJ, réponses au questionnaire de vos rapporteurs.
● Cet accroissement des crimes enregistrés se traduit mécaniquement par une augmentation de la saisine des juges d’instruction de faits de nature criminelle.
Le nombre de personnes mises en examen dans une affaire criminelle s’est accru de 42 % entre 2019 et 2023, représentant un total de 30 744 personnes.
Quant à la part des informations judiciaires ouvertes pour des faits criminels, elle a augmenté de 21 % en cinq ans, passant de 33,33 % du total des réquisitoires introductifs en 2019 à 54,35 % en 2023.
nombre de personnes mises en examen dans une affaire criminelle
Source : Annexe 8 du rapport de la mission d’urgence relative à l’audiencement criminel et correctionnel, mars 2025.
Au final, les saisines des juridictions criminelles ont augmenté de 60 % entre 2019 et 2023, représentant 3 462 ordonnances aux fins de mise en accusation en 2023, dont 1 778 devant une cour d’assises et 1 684 devant une CCD.
nombre de mis en examen dans les ordonnances de règlement prises par le juge d’instruction
Source : IGJ, réponses au questionnaire de vos rapporteurs.
● L’examen de la nature des crimes traités par les services d’enquête révèle que l’augmentation des crimes enregistrés est essentiellement due à la hausse de 152 % des faits de viol et de tentative de viol dénoncés, passés de 16 900 en 2017 à 42 700 en 2023 selon les données transmises à vos rapporteurs.
TYpologie des affaires criminelles enregistrées par la police et la gendarmerie nationales
Source : IGJ, L’organisation de la chaîne pénale en matière criminelle, mars 2024.
Cette explosion des crimes de viols dénoncés s’inscrit naturellement dans le contexte de libération de paroles suscité par le mouvement « Me too ». Il s’agit donc d’un phénomène sociétal structurel, qui a vocation à s’inscrire dans la durée.
● Dans son avis du 6 mars 2025 sur la proposition de loi visant à modifier la définition pénale du viol et des agressions sexuelles, le Conseil d’État rappelle l’impact de cette hausse des dénonciations de viols sur l’activité juridictionnelle.
De 2016 à 2023, le nombre d’affaires traitées par les parquets pour viol a ainsi augmenté de 115 %, tandis que le nombre de condamnations criminelles prononcées à ce titre est en hausse de 41 % ([97]).
Les viols et autres crimes de nature sexuelle ont représenté en 2023 62 % de la totalité des infractions criminelles sanctionnées, contre 40 % en 2020 ([98]).
● Au-delà de ce contexte de hausse des faits de nature criminelle, des facteurs internes au système judiciaire ont également participé à l’engorgement des juridictions criminelles.
Tout d’abord, l’introduction de l’appel des décisions des cours d’assises ([99]) a mécaniquement fait augmenter le nombre d’affaires à traiter. À cet égard, la hausse du taux d’appel, qui a augmenté de dix points en deux décennies (de 22 % en 2003 à 31 % en 2022), a aggravé la situation.
Les réformes des modalités de jugement ont également eu un impact significatif sur le fonctionnement de la justice pénale. L’obligation de motivation des arrêts des cours d’assises, instituée par la loi du 10 août 2011([100]), ainsi que l’obligation de motiver le choix de la peine, consécutive à une décision du Conseil constitutionnel de mars 2018 ([101]), ont eu pour conséquence un allongement de la durée des délibérés.
Enfin, l’augmentation structurelle de la durée des débats par affaire devant les cours d’assises a également contribué à l’engorgement de la juridiction criminelle. Le nombre de jours moyen par audience est ainsi passé pour les cours d’assises de 3,07 en 2016 à 3,69 en 2020, avant de baisser légèrement par la suite.
nombre de jours d’audience par dossier criminel
Source : IGJ, L’organisation de la chaîne pénale en matière criminelle, mars 2024.
● Or, une telle augmentation de la durée des audiences criminelles n’est fondée sur aucun facteur objectif lié à la nature des affaires jugées, comme l’a mis en exergue la mission d’appui visant au diagnostic de l’état des stocks de novembre 2021 : « L’étude d’un échantillon de dossiers criminels a démontré une augmentation significative de la durée des procès sans que le nombre de parties, d’avocats, d’experts et de témoins cités puisse l’expliquer. Il n’a pas été démontré, autrement dit, que l’allongement du temps de jugement de ces affaires serait lié à des facteurs objectifs de complexité » ([102]).
Dans ce contexte, l’allongement de la durée des procès criminels résulte à la fois « d’une réduction sensible de la durée journalière des audiences, d’un nombre croissant de témoins entendus et de débats plus longs sur les faits, y compris lorsqu’ils sont reconnus » ([103]).
Cet accroissement des délais d’examen pour chaque affaire devant la cour d’assises s’est traduit par une érosion du nombre d’arrêts rendus par celles-ci, qui a diminué de 25,9 % entre 2004 et 2019.
B. La crise de l’audiencement criminel
● De 2003 à 2020, l’évolution des stocks des affaires criminelles en attente de jugement est restée contenue sous le seuil de 3 000 dossiers.
En revanche, à compter de l’année 2020, le nombre de dossiers criminels en stock a doublé en moins de cinq ans, en passant de 2 204 dossiers de 2019 à 3 544 en 2022 et 4 593 en 2024.
Évolution du stock de dossiers criminels
Source : IGJ, L’organisation de la chaîne pénale en matière criminelle, mars 2024.
● Au 31 décembre 2023, 44 % de ce stock criminel est concentré dans les ressorts de seulement quatre cours d’appel : cour d’appel de Paris – 697 dossiers ; cour d’appel d’Aix en Provence - 382 dossiers ; cour d’appel de Versailles - 338 dossiers ; cour d’appel de Rennes - 307 dossiers ([104]).
Au sein de la Cour d’appel de Paris, le stock d’affaires criminelles en attente de jugement a par exemple augmenté de 140 % entre 2020 et le début de l’année 2025.
Évolution du stock de dossiers criminels dans le ressort de la cour d’appel de Paris
Source : cour d’appel de Paris, réponses au questionnaire de vos rapporteurs
Cependant, ce phénomène d’accroissement des stocks des affaires criminelles touche toutes les juridictions, indépendamment de leur taille. Selon les représentants de l’AFMI, le tribunal judiciaire de Tours connaît ainsi un doublement du stock des procédures criminelles en attente de jugement depuis la mise en place des CCD. De même au tribunal judiciaire du Mans, plus de 70 dossiers criminels sont en attente d’audiencement, contre environ 25 dossiers en 2020 ([105]).
● Dans ce contexte, le délai théorique d’écoulement du stock de dossiers criminels ne cesse de croître : il est ainsi passé de 12,4 mois en 2019 à 17,4 mois en 2024.
La carte reproduite ci-dessous démontre l’ampleur du phénomène, qui touche toutes les parties du territoire national.
durée théorique d’écoulement des stocks des juridictions criminelles
Source : Annexe 8 du rapport de la mission d’urgence relative à l’audiencement criminel et correctionnel, mars 2025.
● Cette tendance haussière du délai d’écoulement des stocks est d’autant plus marquante que le nombre d’arrêts rendus par les juridictions criminelles a dans la même période significativement augmenté, grâce à l’apport des CCD.
À partir de 2021, les juridictions criminelles ont en effet rendu chaque année un nombre d’arrêts plus important que l’année précédente, en atteignant en 2023 un niveau inégalé depuis 15 ans (2 999 arrêts, cours d’assises et CCD confondues, contre 2 098 arrêts rendus par les cours d’assises en 2018). Cette dynamique s’est poursuivie en 2024, puisque les juridictions criminelles ont rendu 3 159 arrêts cette année-là.
nombre d’arrêts rendus par les juridictions criminelles
Source : Annexe 8 du rapport de la mission d’urgence relative à l’audiencement criminel et correctionnel, mars 2025
À titre d’exemple, les chefs de juridiction de la cour d’appel de Versailles ont indiqué à vos rapporteurs que les stocks de dossiers criminels étaient en hausse de plus de 70 % entre 2021 et 2024, alors même que les jours d’audience dédiés aux affaires criminelles ont augmenté de plus de 40 % et que le nombre d’ETPT de magistrats du siège affectés à la présidence des juridictions criminelles est passé de 6,5 à 10 dans la même période.
● Plusieurs éléments convergents mettent en exergue qu’un tel afflux de dossiers criminels persistera à l’avenir.
Tout d’abord, le niveau d’activité actuel des juridictions d’instruction, avec 9 109 affaires criminelles nouvelles pour 6 595 clôturées et 27 981 en cours en 2024, préfigure une augmentation à venir des saisines des juridictions criminelles. Le nombre de personnes mises en examen dans une affaire criminelle s’est ainsi accru de 42 % entre 2019 et 2023.
Comme l’a indiqué un chef de juridiction auditionné, « la vague est encore devant nous et ce dans toute la France au regard du taux de dossiers criminels dans les cabinets d’instruction : 59 % ».
● En outre, les chefs de juridiction auditionnés ont tous mis en avant une aggravation de la situation d’engorgement des juridictions criminelles depuis le début de l’année 2025.
Dans les juridictions du ressort de la cour d’appel d’Aix-en-Provence, ce sont ainsi désormais plus de 400 dossiers criminels qui sont en attente de jugement, dont 216 pour les seules juridictions des Bouches-du-Rhône.
Répartition du stock des affaires criminelles des juridictions des bouches-du-rhÔne
Source : cour d’appel d’Aix-en-Provence.
De même, les représentants de la cour d’appel de Paris ont souligné que 259 affaires criminelles nouvelles au 30 avril 2025 ont été enregistrées dans les tribunaux de leur ressort, soit une hausse de 50 % par rapport à la même période en 2024.
Les chefs de juridiction de la cour d’appel de Paris relèvent en outre que « les perspectives sont très inquiétantes. Un recensement dans les cabinets d’instruction du ressort ayant mis en exergue que 749 dossiers criminels étaient en phase de règlement soit au niveau des parquets soit au niveau des juges d’instruction et donc un nombre conséquent de nouveaux dossiers sera renvoyé devant la CCD ou la cour d’assises à bref délai. Le seuil des 1 000 dossiers en stock est ainsi sur le point d’être dépassé » ([106]).
● Enfin, la mission sur l’audiencement criminel a simulé une projection de l’évolution du nombre d’accusés qui seraient en attente de jugement criminel à l’horizon 2030.
Or, cette projection tend à démontrer que « toutes choses étant égales par ailleurs, en première instance, à l’horizon 2030 plus de 4 000 accusés seraient en attente de jugement pour une capacité de jugement d’un peu plus de 3 900 personnes » ([107]). À l’aune de ce constat, cette mission alerte sur « l’imminence d’un point de rupture », qui serait caractérisé par une « paralysie » de nos juridictions criminelles.
Les conclusions de cette mission rejoignent en ce sens le constat établi par Rémy Heitz, procureur général près la Cour de cassation : « Défi de l’audiencement et donc du jugement des dossiers criminels alors que, en tout point du territoire, le nombre d’affaires à juger devant les CCD et les cours d’assises atteint des seuils critiques (…) Une embolie inadmissible pour nos concitoyens, qui paralyse l’efficacité de notre système et fait peser un risque grave et insidieux : celui de remises en liberté d’accusés dangereux et, partant, de récidives. Je l’ai dit publiquement : nous sommes face à un mur » ([108]).
II. Réformer les cours criminelles départementales, un impératif pour assurer la viabilité de la justice criminelle
A. L’inadaptation du modèle actuel des cours criminelles
● L’ensemble des personnes auditionnées ont souligné l’impossibilité matérielle pour les CCD, compte tenu de l’engorgement de l’audiencement criminel, d’audiencer les accusés détenus dans le délai de six mois à compter de l’ordonnance de mise en accusation, tel que prévu par la loi.
En conséquence, l’audiencement d’un détenu accusé devant les CCD implique la saisine de la chambre de l’instruction aux fins de prolongation de la détention provisoire pour une nouvelle durée de six mois.
Une telle demande de prolongation est désormais systématique, selon les personnes auditionnées, alors même que cette possibilité n’est offerte qu’à « titre exceptionnel » par l’article 181 du code de procédure pénale.
L’IGJ relève à ce titre « le flux croissant de procédures avec détenus cumulé au raccourcissement des délais de détention provisoire pour les accusés relevant de la CCD, a en effet justifié un recours massif aux requêtes en prolongation exceptionnelle devant les chambres de l’instruction (CHINS), devenu, dans certaines cours, une modalité habituelle de traitement des dossiers » ([109]).
L’AFMI a confirmé un tel constat, en mettant en avant que « la nécessité d’audiencer dans les six mois un dossier de CCD détenu relève de l’impossible, tant les audiencements criminels sont chargés. Cela conduit à une multiplication des saisines devant les chambres de l’instruction, sans plus-value en terme de qualité de la procédure, et alors que les cours d’appel ont vu leur activité croître de manière significative » ([110]).
● Or, l’augmentation exponentielle des saisines liées à la prolongation de la détention provisoire a induit un engorgement des chambres de l’instruction.
La mission sur l’audiencement criminel cite ainsi l’exemple d’une cour d’appel qui a connu une augmentation de 139 % du nombre d’arrêts de prolongation exceptionnelle de la détention provisoire entre 2022 et 2024, tandis qu’une autre cour a constaté une hausse de 169 % de ces arrêts entre 2022 et 2023.
● Dans ces conditions, de nombreux interlocuteurs ont souligné à vos rapporteurs le risque élevé de remises en liberté résultant de l’expiration des délais légaux de détention provisoire ou décidées par les chambres de l’instruction.
Il a été ainsi indiqué à vos rapporteurs que certaines juridictions ne seront bientôt plus en mesure de juger des accusés détenus dans les délais prévus par le code de procédure pénale, et ce malgré les prolongations exceptionnelles octroyées.
● Le délai maximal d’un an (durée initiale de six mois + prolongation à titre exceptionnel de six mois) imposé par la loi pour audiencer les détenus accusés devant les CCD a conduit les juridictions à prioriser ces derniers, afin d’éviter toute remise en liberté imposée.
Si cette priorisation est légitime, elle s’est cependant faite en pratique au détriment des accusés détenus relevant de la cour d’assises, puisque la loi prévoit un délai maximal de détention provisoire de deux ans pour ces derniers (durée initiale d’un an, augmentée de deux prolongations à titre exceptionnel de six mois).
● Elle a également conduit à complexifier encore davantage l’audiencement des accusés libres, qui est parfois reportée sine die, compte tenu de l’engorgement des juridictions criminelles.
L’IGJ relève ainsi que « si les cours d’appel dont l’audiencement criminel est le moins embolisé parviennent encore à audiencer quelques dossiers d’accusés libres, celles qui sont le plus en difficulté ne parviennent plus à audiencer de telles affaires qu’à la marge et souvent suite à des relances des avocats, en particulier ceux des parties civiles » ([111]).
À titre d’exemple, les chefs de juridiction de la cour d’appel d’Aix-en-Provence ont souligné la quasi-impossibilité d’audiencer des accusés libres, avec un délai moyen d’écoulement du stock des dossiers criminels comportant un accusé libre, qui est passé de 28 mois en 2021 à 75 mois en 2024.
Ces dysfonctionnements de l’audiencement criminel sont ainsi de nature à créer des situations assimilables à de véritables dénis de justice. Comme le résume avec franchise la Conférence nationale des procureurs de la République (CNPR), « le délai moyen de jugement criminel des accusés comparaissant libres est ahurissant et inadmissible, pour eux et pour les victimes » ([112]).
● L’expérimentation puis la généralisation des CCD ont été effectuées sans moyens humains supplémentaires dédiés spécifiquement à l’activité de ces cours. Les études d’impact anticipaient en effet – à tort – que les CCD permettraient des économies de ressources humaines.
L’étude d’impact du projet de loi de programmation pour la justice 2018-2022 soulignait ainsi, sans toutefois la quantifier, un « impact positif » des CCD sur les ressources humaines : « les simplifications opérées [par la CCD] devraient avoir un impact positif sur les ressources humaines en permettant une réduction du temps d’audience (…) et donc des besoins humains comme logistiques » ([113]).
Quant à l’étude d’impact du projet de loi pour la confiance dans l’institution judiciaire, elle chiffrait le gain de ressources humaines généré par les CCD à dix postes de magistrats à temps plein : « au global, la généralisation des CCD à l’ensemble du territoire national serait susceptible de générer un gain de 10,3 ETPT [équivalent temps plein travaillé] de magistrats du siège, 1,7 ETPT de magistrats du parquet et 5,8 ETPT de fonctionnaires de greffes, sur la base du postulat que 776 affaires seraient soustraites à l’activité des cours d’assises et jugées par les CCD » ([114]).
● En outre, les créations de postes prévues au titre la loi du 20 novembre 2023 d'orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027 n’ont pas tenu compte de l’important afflux de dossiers criminels depuis 2022.
En effet, la répartition de ces postes – 947 emplois de magistrats, 817 de greffiers et 1 100 d’attachés de justice au sein des juridictions ([115]) –, rendue publique le 28 mars 2024, est fondée sur les indicateurs d’activité des années 2012-2022. La mission sur l’audiencement criminel relève à ce titre que « la hausse de l’activité criminelle observée depuis 2022 n’a pas été prise en compte dans la méthode utilisée » ([116]).
Or, les besoins en effectifs pour juger les affaires criminelles en attente sont significatifs. Selon les estimations de cette mission, « la résorption du stock existant en fin d’année 2023 nécessiterait la mobilisation supplémentaire de plus de 180 ETPT [équivalent temps plein travaillé] de magistrats du siège, de 100 ETPT de magistrats du parquet, de 70 ETPT d’assesseurs non titulaires (MTT, MHFJ et AHFJ) et de 130 ETPT de greffiers » ([117]).
Au surplus, au sein même de la justice criminelle, les juridictions spécialisées en matière de criminalité organisée concentrent l’essentiel de la création des effectifs, comme l’illustre l’annonce par l’actuel Garde des sceaux de 100 emplois de magistrats, prélevés sur la réserve, dans le cadre du plan de lutte contre la criminalité organisée.
● La composition de la CCD, qui exige de mobiliser deux fois plus de magistrats assesseurs que pour les cours d’assises, a des conséquences directes sur l’organisation des tribunaux.
Les chefs de juridictions auditionnés ont en effet dressé un constat unanime : l’importante mobilisation des magistrats en activité pour siéger au sein des CCD désorganise considérablement les autres services des juridictions.
Concrètement, faute de disposer de magistrats dédiés à l’activité criminelle en nombre suffisant, les juridictions sont contraintes de procéder « par redéploiement d’effectifs existants prélevés sur d’autres activités juridictionnelles » pour composer la formation de jugement des CCD ([118]).
● Un nombre croissant de juges d’instructions, de magistrats dédiés aux affaires civiles ou encore de juges aux affaires familiales sont ainsi appelés à siéger au sein des juridictions criminelles, dans le cadre de leur « service général ».
Selon les données fournies à vos rapporteurs, le nombre d’équivalents temps plein emploi (ETPE) de magistrats non spécialisés affectés à la formation de jugement des CCD est ainsi passé de 6,14 en 2020 à 34,62 en 2023.
À titre d’exemple, au sein du tribunal judiciaire de Pontoise, les magistrats professionnels non spécialisés ont siégé en audience criminelle, au titre du « service général », dix-sept jours par an, contre cinq jours pour les années antérieures à la création de la CCD, alors même que ce tribunal dispose de onze magistrats exerçant à titre temporaire, quatre magistrats honoraires et sept avocats honoraires exerçant en qualité d’assesseurs dans les CCD.
● Or, un tel prélèvement des effectifs des autres services des tribunaux au bénéfice des CCD a mécaniquement un impact significatif sur l’activité desdits services.
C’est à ce titre que l’USM met en exergue que « la généralisation des CCD a induit une désorganisation massive de tous les services, notamment des services civils et des fonctions de cabinet » ([119]).
Un tel constat est confirmé par CNPTJ, qui souligne que « pour certaines affaires, notamment les plus longues, il est fréquemment nécessaire de procéder à des adaptations qui désorganisent le service et l’activité : suppression d’audiences, échanges, allègement d’une audience civile, décharge de service. Même dans les fonctions de cabinet, où les juges maîtrisent davantage leur organisation, bien que travaillant à flux tendu (juge des enfants, juge d’instruction, juge de l’application des peines), siéger en CCD est un facteur de désorganisation et impacte le service (nécessité de modifier les permanences, organiser une suppléance, report d’activité en reprise de service) » ([120]).
La généralisation des CCD s’est notamment traduite par la nécessité de supprimer des audiences correctionnelles, aux fins d’être en capacité de mobiliser des magistrats. Les représentants de l’AFMI ont ainsi indiqué qu’« au tribunal judiciaire du Mans, dix audiences collégiales (soit un stock de 80 audiences correctionnels d’importance) sont supprimées chaque année afin de pouvoir assurer les CCD » ([121]).
● La difficulté de trouver les ressources humaines disponibles pour composer la CCD est d’autant plus prégnante dans les petits tribunaux.
En effet, compte tenu des règles d’incompatibilité, il est nécessaire que les magistrats qui siègent au sein des CCD ne soient pas intervenus dans le dossier concerné en amont de la phase d’audience.
Or, dans les petites juridictions, de telles situations d’incompatibilité sont fréquentes, comme le souligne le rapport annuel du ministère public : « de nombreux magistrats ayant statué en tant que juge d’instruction ou juge des libertés et de la détention dans les affaires renvoyées devant les CCD, il est très difficile de réunir des formations de jugement sur le ressort » ([122]).
● Enfin, la difficulté de mobiliser des magistrats en activité au bénéfice des CCD sera encore accrue à l’avenir.
En effet, la loi visant à sortir la France du piège du narcotrafic ([123]) a créé une nouvelle cour d’assises spécifique en matière de criminalité organisée, composée uniquement de magistrats professionnels.
Cette nouvelle juridiction sera donc de nature à mobiliser d’importantes ressources humaines au sein des juridictions concernées.
● Compte tenu de la difficulté à mobiliser des magistrats professionnels pour composer les CCD sans désorganiser les services des juridictions, la possibilité de faire appel aux magistrats à titre temporaire, magistrats honoraires et – depuis le 1er janvier 2023 dans les vingt départements concernés par l’expérimentation – aux avocats honoraires, a été saluée par l’ensemble des chefs de juridictions.
De nombreux chefs de juridiction ont ainsi indiqué que cet apport est indispensable et que les CCD, compte tenu de leur composition actuelle avec quatre assesseurs, ne pourraient tout simplement pas fonctionner sans eux.
● Cependant, les auditions de vos rapporteurs ont également mis en avant une capacité très variable des juridictions à mobiliser ces magistrats non professionnels, en raison notamment d’une attractivité particulièrement hétérogène entre les territoires.
Le rapport de l’IGJ de mars 2024 note ainsi une forte hétérogénéité entre les cours d’appel de Versailles et de Montpellier, d’une part, « qui peuvent mobiliser en totalité deux assesseurs magistrats à titre temporaire ou magistrats honoraires pour siéger en CCD », et d’autres cours d’appel, telles que celles de Bastia ou Fort de France, d’autre part, qui ne peuvent bénéficier d’un tel apport, « faute de vivier local » ([124]).
Ce déficit de ressources disponibles touche plus particulièrement les juridictions éloignées des grands pôles urbains dans l’hexagone, ainsi que les juridictions ultramarines où « peu de magistrats restent sur place après leur retraite », comme l’a souligné le syndicat Unité Magistrats ([125])
Il a été ainsi indiqué à vos rapporteurs, à titre d’exemple, que le tribunal judiciaire de Rodez ne compte aucun magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles au parquet, tandis que la cour d’appel de Saint-Denis (La Réunion) ne compte quant à elle qu’un seul magistrat honoraire, en exercice depuis le mois d’avril 2025.
A contrario, les chefs de juridiction de la cour d’appel de Versailles ont confirmé que les tribunaux du ressort n’avaient aucune difficulté à recruter et à mobiliser ces magistrats non professionnels.
Au final, comme l’a relevé la mission sur l’audiencement criminel, « en l’absence de ressource nécessaire, près d’un tribunal judiciaire sur trois indique (…) ne pas être en mesure de proposer un magistrat à titre temporaire ou un magistrat honoraire comme assesseur » ([126]).
● Au-delà du déficit d’attractivité de certaines juridictions, d’autres éléments mettent en lumière les limites de l’apport des magistrats à titre temporaire et magistrats honoraires au soutien des juridictions.
Tout d’abord, le nombre de magistrats à titre temporaire diminue : il est passé de 504 en 2019 à 366 au 1er mai 2025.
En outre, les vacations réalisées par ces magistrats sont en baisse ces dernières années : en 2021, les 434 magistrats à titre temporaire ont réalisé une moyenne de 191 vacations, alors qu’en 2024, 377 en ont effectué une moyenne de 181 ([127]).
Il a été constaté par ailleurs une réduction de l’activité pénale des magistrats à titre temporaire, qui est passée de 188 équivalents temps plein travaillé (ETPT) en 2018 à 166 en 2023, alors même que les besoins en ressources humaines des juridictions criminelles se sont accrus.
Enfin, de nombreux chefs de juridiction auditionnés, tels que ceux de la cour d’appel de Nîmes, se sont plaints de la longueur des délais de recrutement des MTT.
Quant aux magistrats honoraires, ils réalisent une moyenne de 170 vacations par an, soit un niveau d’activité très éloigné des 300 vacations annuelles autorisées, ce qui témoigne d’une sous-mobilisation de cette catégorie de magistrats.
● S’agissant des avocats honoraires exerçant des fonctions juridictionnelles (AHJF), si les premiers retours d’expérience sont globalement satisfaisants, force est de constater que leur nombre est à ce stade limité – 76 AHFJ au 31 mars 2025 – et leur répartition très hétérogène, la cour d’appel de Douai en comptant dix contre aucun pour la cour d’appel de Cayenne.
nombre d’avocats honoraiRes exerçant des fonctions juridictionnelles dans les départements choisis pour l’expérimentation
Cour d'appel |
CCD |
AHFJ en fonction au 01/05/2025 |
AGEN |
LOT ET GARONNE |
3 |
AIX EN PROVENCE |
BOUCHES-DU-RHÔNE |
2 |
ANGERS |
MAYENNE |
3 |
BOURGES |
CHER |
5 |
CAYENNE |
GUYANE |
0 |
DOUAI |
NORD |
10 |
GRENOBLE |
DRÔME |
2 |
LIMOGES |
HAUTE VIENNE |
1 |
LYON |
RHÔNE |
4 |
NANCY |
MEURTHE ET MOSELLE |
3 |
NÎMES |
VAUCLUSE |
5 |
ORLÉANS |
INDRE ET LOIRE |
3 |
PARIS |
PARIS |
9 |
PAU |
PYRÉNÉES ATLANTIQUES |
3 |
POITIERS |
VIENNE |
4 |
RENNES |
CÔTES D’ARMOR |
2 |
RIOM |
PUY-DE-DÔME |
2 |
ROUEN |
EURE |
5 |
TOULOUSE |
HAUTE-GARONNE |
4 |
VERSAILLES |
VAL D'OISE |
6 |
|
Total général |
76 |
Source : direction des services judiciaires du ministère de la justice, réponses au questionnaire de vos rapporteurs.
Les conditions particulièrement strictes pour l’obtention du titre d’AHFJ – notamment celle liée à l’absence d’exercice dans le ressort de la cour d’appel à laquelle ils sont affectés depuis au moins cinq années – constituent un frein important à l’élargissement du vivier de recrutement, comme cela avait du reste été anticipé lors du lancement de l’expérimentation : « ces exigences, justifiées par les garanties impératives d’indépendance, d’impartialité mais également de compétence (expérience professionnelle importante) risquent néanmoins de limiter le nombre d’avocats susceptibles de pouvoir exercer ces fonctions » ([128]).
● En application de l’article 380-17 du code de procédure pénale, la CCD siège au même lieu que la cour d’assises, c’est-à-dire soit au chef-lieu de la cour d’appel, dans les départements où siège une cour d'appel, soit au chef-lieu du département dans les autres cas ([129]).
Les conditions de délocalisation sont particulièrement strictes. Le tribunal judiciaire qui accueille cette délocalisation doit être situé dans le même département que celui du siège habituel de la cour d’assises.
En pratique, cette délocalisation ne vaut que pour une seule session et est décidée, sur réquisition du procureur général, par la cour réunie en assemblée générale ([130]). L’arrêt rendu par la cour doit être motivé et indiquer les circonstances qui commandent cette mesure exceptionnelle.
● Compte tenu de ces conditions restrictives, une telle délocalisation est particulièrement rare.
Vos rapporteurs ont toutefois relevé la bonne pratique initiée par les chefs de juridiction de la cour d’appel d’Aix-en-Provence. Ceux-ci ont en effet institué une mutualisation des moyens entre le tribunal judiciaire de Nice, siège de la CCD des Alpes-Maritimes, et le tribunal judiciaire de Grasse.
Dans ce cadre, la CCD siège la première semaine de chaque mois en alternance à Nice et à Grasse, tandis que la cour d’assises siège à Nice les trois premières semaines du mois afin de laisser la quatrième semaine disponible pour le jugement des affaires correctionnelles complexes ([131]).
● La plupart des chefs de juridiction ont souligné le manque de salles disponibles comme un obstacle majeur à la tenue simultanée d’une audience de CCD et de cour d’assises, alors même que la tenue de telles audiences simultanées serait nécessaire à la résorption des stocks de dossiers criminels.
À titre d’exemple, les chefs de juridiction de la cour d’appel de Saint-Denis (La Réunion) ont rappelé que « la cour d’appel ne disposant que de deux salles d’audience, la même salle est utilisée pour les audiences de la cour d’assises et celles de la cour criminelle, ce qui tend, même si les moyens humains étaient plus importants, à limiter le nombre des audiences » ([132]).
Cette situation n’est du reste pas spécifique aux petites juridictions. Les représentants de la cour d’appel de Paris ont également mis en exergue l’enjeu immobilier comme un facteur limitant structurellement l’augmentation des capacités de jugements des CCD : « un autre problème réside dans la capacité immobilière du ressort. Ni les tribunaux judiciaires, sièges de cour d’assises et CCD, ni la cour d’appel ne disposent de volant de salles permettant la création d’audiences criminelles supplémentaires pour faire face à une augmentation que les stocks rendraient nécessaire » ([133]).
● En outre, lorsque des doubles sessions cours d’assises / CCD sont tenues, c’est souvent aux dépens de l’activité des tribunaux correctionnels. La CNPTJ relève ainsi que « les tribunaux ne disposant le plus souvent que d’une salle d’assises, ils mobilisent davantage les autres salles pénales pour tenir en parallèle leurs CCD, ce qui est parfois difficilement conciliable (voire impossible) avec l’activité correctionnelle » ([134]).
Le rapport de l’IGJ souligne à ce titre les conséquences particulièrement préjudiciables des problématiques immobilières sur l’audiencement criminel : « [la juridiction] voit ainsi sa salle d’audience principale affectée d’une occupation souvent permanente par la cour d’assises ou la CCD qui y siègent dans une alternance préjudiciable à la tenue des audiences nécessaires à l’exercice d’autres activités juridictionnelles. De tels impacts sont ainsi de nature à entraver les objectifs de diminution des délais de jugement spécialement dans le champ correctionnel dont la tenue des audiences nécessite une configuration immobilière similaire en raison de la forte présence d’un public à sécuriser, outre les impératifs propres au jugement des détenus » ([135]).
● Ces difficultés immobilières sont complexifiées par les enjeux de sécurisation, avec la nécessité, rappelée par la conférence nationale des directeurs de greffes (CNDG), que la salle d’audience des CCD inclut « un box sécurisé, un système de vidéosurveillance, une sonorisation adéquate et un portique de sécurité dédié pour la salle » ([136]).
Dans ce contexte, le déficit de salles sécurisées aboutit soit à l’annulation de certaines audiences, soit à ce que les audiences pénales se tiennent dans des conditions de sécurité non optimales, comme l’a souligné la CNPTJ : « la plupart des tribunaux de taille moyenne qui ne disposent que d’une salle pénale sécurisée, sont amenés à déporter des audiences pénales sur des salles civiles, avec les risques induits d’actes violents ou d’évasion » ([137]).
Enfin, la multiplication des procès hors-normes renforce cette contrainte matérielle, en ce que ces procès nécessitent la mobilisation de nombreuses salles dans les juridictions. Or, près de 70 % des juridictions consultées par la mission sur l’audiencement criminel ont indiqué avoir à gérer des dossiers hors normes, qui sont sources de désorganisation des autres audiences ([138]).
B. L’urgence d’une réforme des cours criminelles départementales
● Le dispositif de la réunion préparatoire criminelle, prévu à l’article 276-1 du CPP, a été introduit par l’article 6 de la loi du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire.
Cette réunion préparatoire est placée, chronologiquement, après l’interrogatoire de l’accusé par le président de la cour d’assises. Peuvent faire l’objet d’un accord :
– la liste des témoins et experts cités à l’audience ;
– leur ordre de déposition ;
– la durée de l’audience.
Elle s’applique aux procédures devant la cour d’assises et la CCD, et peut se tenir en visioconférence.
Article 276-1 du code de procédure pénale
Après avoir procédé à l’interrogatoire de l’accusé en application de l’article 272, le président de la cour d’assises organise en chambre du conseil une réunion préparatoire criminelle. Si l’accusé est en détention provisoire, le président de la cour d’assises sollicite la communication d’une copie de son dossier individuel de détention. La réunion se tient en présence du ministère public et des avocats de l’ensemble des parties, le cas échéant par tout moyen de télécommunication, afin de rechercher un accord sur la liste des témoins et des experts qui seront cités à l’audience, sur leur ordre de déposition et sur la durée de l’audience, notamment lorsqu’il a été fait application de l’article 380-2-1 A.
Si un accord intervient, il ne fait obstacle, en cas de nécessité, ni à la possibilité pour le ministère public et les parties de citer d’autres témoins ou experts que ceux qui avaient été prévus, ni à une modification de leur ordre de déposition. À défaut d’accord, il est procédé dans les conditions prévues aux articles 277 à 287.
Comme l’indique le second alinéa 276-1 du CPP, la réunion préparatoire n’a aucun caractère opposable, c’est-à-dire que la liste établie peut être ensuite complétée à la demande du ministère public ou des parties.
Selon l’étude d’impact du projet de loi, cette réunion, au cours de laquelle les parties « s’accorderaient sur les témoins et experts à entendre afin de maîtriser la durée de l’audience », devait permettre de « restreindre les débats autour des points qui sont encore véritablement contestés à l’issue de l’information judiciaire et de raccourcir les audiences pour les dossiers dans lesquels l’accusé a reconnu tout ou partie des faits » ([139]).
● De l’avis général de tous les auditionnés, la réunion préparatoire est aujourd’hui insuffisamment exploitée.
L’USM indique ainsi que cette réunion préparatoire est « considérée comme chronophage par la plupart des présidents de CCD et sans gain d’efficacité » et qu’à ce titre, elle est peu mise en œuvre. Et, lorsqu’elle a lieu, « elle ne génère pas nécessairement une réduction du nombre de témoins ou d’experts cités, étant observé que les avocats ont loisir de faire citer des témoins et experts à l’issue de cette réunion préparatoire » ([140]). La CNPTJ souligne que cette réunion préparatoire n’empêche pas les citations tardives de témoins et d’experts, dans un délai proche de l’audience, ce qui renforce la désorganisation des plannings d’audience ([141]).
Selon la CNPP, le dispositif intervient trop tardivement, et ne permet pas une véritable mise en état du dossier, les rôles ([142]) étant déjà établis ([143]).
Ce constat a été mis en lumière par le rapport de l’IGJ daté de mars 2024, qui fait état du résultat d’un sondage réalisé auprès des chefs de cours : 78 % d’entre eux considèrent que la réunion préparatoire n’avait pas eu d’impact sur la durée des procès criminels et seulement 8 % estiment qu’elle a eu un impact positif.
Le rapport indique que dans certains ressorts, cette réunion n’est pas formalisée et se traduit en pratique par des échanges électroniques pour fixer la liste des témoins et experts. Outre la charge supplémentaire de travail qu’elle induit, l’une des raisons invoquées par les magistrats pour ne pas la formaliser est le manque d’efficience, « au regard du caractère non obligatoire de l’éventuel engagement qui y serait acté » ([144]).
Un an plus tard, le constat établi par la mission d’urgence sur l’audiencement criminel et correctionnel est très similaire : la réunion préparatoire criminelle « n’est pas toujours tenue » et lorsqu’elle l’est, « son organisation n’est pas toujours harmonisée au sein du ressort d’une même cour d’appel » ([145]).
● Ce constat d’un outil sous-exploité s’est traduit par la formulation de plusieurs pistes d’amélioration.
L’IGJ recommande ainsi dans son rapport de mars 2024 de faire évoluer le dispositif de la réunion préparatoire en la faisant intervenir dès l’audiencement de l’affaire et en autorisant le recours à la visioconférence pour l’ensemble des parties qui y participent.
La mission d’urgence sur l’audiencement criminel et correctionnel écarte tout aménagement au principe de l’oralité des débats mais estime que « certains gains de temps pourraient être obtenus dans le cours de l’audience par un meilleur investissement de la réunion préparatoire criminelle » ([146]).
Si elle ne recommande pas de systématiser la réunion préparatoire, elle préconise, lorsque celle-ci se tient, de conférer un pouvoir conclusif au procès-verbal établi par le président, une fois l’accord des parties recueilli. Le président conserverait néanmoins la faculté d’autoriser des citations complémentaires.
Les magistrats entendus par vos rapporteurs souscrivent largement à l’idée de rénover la réunion préparatoire criminelle.
La CNPR cible, parmi les pistes de réforme des CCD, « l’organisation en amont de la tenue de l’audience afin d’en optimiser la durée prévisible et en organisant un déroulement maîtrisé et raisonnable des débats » ([147]). La CNPTJ propose également de formaliser, en amont du procès, une audience criminelle d’orientation qui permettrait notamment de statuer sur les questions de calibrage des audiences. Elle suggère que les décisions prises au cours de cette audience revêtent un caractère obligatoire et lient les parties, « particulièrement en ce qui concerne la liste des témoins à entendre ou des experts » ([148]). Les représentants de la Cour d’appel de Paris, dans leur contribution, proposent eux aussi que la réunion préparatoire criminelle puisse avoir un caractère conclusif ([149]).
● Vos rapporteurs estiment quant à eux que la réunion préparatoire criminelle est un outil pertinent pour calibrer le dossier et définir une liste fixe de témoins et d’experts en concertation avec les parties au procès.
Ils constatent qu’une rationalisation de la liste des témoins est déjà, dans les faits, à l’œuvre dans les juridictions. La DACG indiquait ainsi dans sa contribution écrite aux travaux de la mission que « plusieurs parquets généraux ont diffusé des instructions aux parquets de leurs ressorts afin […] d’inciter à la réduction du nombre d’experts ou de témoins cités par les parquets » ([150]).
Vos rapporteurs ont par ailleurs été destinataires d’une note adressée par le procureur général de Versailles aux procureurs de son ressort, qui fixe l’objectif d’atteindre, pour chaque dossier audiencé devant une CCD, un format de deux jours de débats. L’un des leviers identifiés pour atteindre cet objectif est que ne doivent être citées que les personnes dont le témoignage revêt un caractère indispensable.
Plutôt que des pratiques qui varient d’une juridiction à une autre, vos rapporteurs appellent de leurs vœux la systématisation d’une réunion préparatoire criminelle qui soit véritablement le moment d’établir de manière définitive – sauf éléments nouveaux – la liste des témoins et experts appelés à intervenir à l’audience.
Dans le double objectif de mieux calibrer les audiences à venir et de recentrer la liste des témoins et des experts sur les personnes essentielles, vos rapporteurs retiennent donc trois évolutions s’agissant de la réunion préparatoire criminelle :
– systématiser la tenue d’une réunion préparatoire criminelle ;
– fixer la réunion préparatoire en amont de l’établissement des rôles par les juridictions ;
– donner à la réunion préparatoire un caractère opposable : sauf éléments nouveaux ou décision du président, la liste établie lors de la réunion préparatoire est considérée comme définitive.
Ces trois éléments leur semblent de nature à instituer la réunion criminelle préparatoire comme un véritable outil de calibrage de l’audience et de sécurisation de sa durée.
Recommandation n° 1 : pour les CCD, systématiser et fixer la réunion préparatoire criminelle en amont de l’établissement de l’audiencement et lui donner un caractère opposable.
Il ressort des auditions qu’il existe un quasi-consensus au sein des représentants de magistrats pour supprimer le délai actuel de six mois, qui contraint les juridictions à saisir systématiquement les chambres de l’instruction.
Il ne parait pas souhaitable en revanche à vos rapporteurs de remettre en cause la durée maximale de douze mois prévue pour l’audiencement des accusés détenus devant les CCD.
Il est en effet logique que cette durée maximale de détention provisoire soit moindre que celle des accusés détenus qui comparaissent devant les cours d’assises, puisque les quantum de peine encourus devant cette dernière sont plus élevés.
Dans ce contexte, vos rapporteurs proposent, au regard de la nature criminelle des faits, de porter le délai de détention provisoire entre la décision de mise en accusation et la comparution devant la CCD d’une durée de six mois renouvelable une fois à une durée de douze mois non renouvelable, l’accusé conservant, à tout moment, la possibilité de demander sa mise en liberté.
Une telle réforme permettra de désengorger les chambres de l’instruction tout en respectant les garanties de l’accusé détenu, puisque la durée maximale de détention provisoire, fixée à un an, resterait inchangée.
Cette recommandation rejoint celle formulée par le rapport de la mission d’urgence sur l’audiencement au regard des difficultés des cours d’appel à juger les accusés détenus dans le délai initial de la détention provisoire.
Recommandation n° 2 : porter le délai de détention provisoire entre la décision de mise en accusation et la comparution devant la CCD à douze mois, non renouvelable.
L’hypothèse de permettre le renvoi des intérêts civils à une juridiction spécialisée lorsque la cour ne peut pas statuer dans le prolongement du prononcé de la peine, est formulée par la mission d’urgence ([151]).
L’Union syndicale des magistrats envisage elle aussi de confier les décisions civiles à une chambre spécialisée sur intérêts civils dès lors que des juridictions criminelles prononcent un renvoi sur intérêts civils, pour alléger la filière criminelle ([152]).
L’opportunité d’un renvoi à une autre juridiction, composée autrement, a également été évoquée par des magistrats du tribunal judiciaire de Vannes à l’occasion du déplacement de vos rapporteurs sur place.
Vos rapporteurs y sont favorables, considérant qu’il est plus cohérent qu’une juridiction spécialisée, et non une juridiction criminelle, se saisisse du sujet des intérêts civils, particulièrement dans le cadre d’affaires complexes.
Recommandation n° 3 : permettre le renvoi des intérêts civils à une autre juridiction.
● Il existe, depuis 2004, une procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC), qui s’applique en matière délictuelle ([153]). En application des articles 495-7 à 495-16 du code de procédure pénale, le procureur de la République, lorsque la personne convoquée ou déférée devant lui reconnaît les faits qui lui sont reprochés, peut lui proposer une peine, que ce soit une peine d’emprisonnement ou une peine d’amende. Si la personne concernée accepte la peine proposée, le procureur de la République saisit le président du tribunal judiciaire d’une requête en homologation. Ce dernier statue par ordonnance motivée s’il choisit d’homologuer la ou les peines proposées.
Conformément à l’article 495-8, lorsqu’une peine d’emprisonnement est proposée, sa durée ne peut être supérieure à trois ans, ni excéder la moitié de la peine d’emprisonnement encourue. Le même raisonnement s’applique lorsqu’une peine d’amende est proposée. La reconnaissance de culpabilité se traduit ainsi par une limitation de la peine encourue.
● Dans plusieurs pays européens, il existe des mécanismes procéduraux spécifiques lorsque l’accusé reconnaît sa culpabilité, mais tous ne concernent pas les faits criminels ([154]).
En Angleterre et au Pays de Galles un accusé peut plaider coupable dès l’audience de préparation au procès. S’il choisit de ne pas le faire, il peut toujours le plaider lors des audiences ultérieures. Les victimes n’ont pas de rôle particulier dans la procédure du « plaider-coupable » : lorsque l’accusé a reconnu les faits, il revient aux procureurs de la couronne de décider d’accepter ou non cette reconnaissance. Néanmoins, si l’accusé propose de plaider coupable d’une infraction moins grave que celle pour laquelle il est poursuivi (par exemple, agression sexuelle pour éviter d’être poursuivi pour viol), les procureurs de la couronne doivent, lorsque c’est possible, se rapprocher de la victime pour avoir son avis. Le paragraphe 9.5 du code pour le ministère public (« The code for Crown Prosecutors ») indique à ce titre que la décision finale revient au procureur, même lorsque la victime ou sa famille sont consultées.
En Espagne, les articles 787 et suivants du code de procédure pénale prévoient une procédure dite « de conformité » lorsque l’accusé reconnaît les faits. En vertu de l’article 787.1, la victime doit être entendue par le ministère public avant que le tribunal ne se prononce sur la peine lorsque c’est nécessaire pour estimer les conséquences et la portée de la procédure de conformité.
Certains pays européens ont des mécanismes spécifiques lorsque l’accusé reconnaît sa culpabilité dans un cadre strictement limité : la Finlande restreint ainsi la procédure de « plaider coupable » aux infractions passibles d’une peine maximale de six ans. D’autres pays excluent certains crimes de ces mécanismes : la Grèce prévoit ainsi explicitement que la procédure de négociation de peine ne peut être appliquée pour les crimes de viol. La Finlande en exclut, quant à elle, les infractions qui visent les enfants.
Comme le mécanisme de la CRPC en France, la Roumanie prévoit que l’accusé peut conclure un accord après avoir avoué sa culpabilité, et bénéficier d’une réduction de peine. La Norvège considère que le fait que l’accusé plaide coupable constitue comme une circonstance atténuante (article 78 du code pénal).
● L’idée de créer une procédure de reconnaissance des faits par l’accusé en matière criminelle émerge régulièrement dans le débat public.
Le Parlement a encore eu récemment l’opportunité de débattre de ce sujet lors de l’examen de la proposition de loi visant à sortir la France du piège du narcotrafic. Ainsi, l’article 20 ter de la proposition de loi initiale, issu d’un amendement adopté en séance à l’initiative de la sénatrice Isabelle Florennes, étendait la possibilité de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité aux crimes en matière de trafic de stupéfiants (à l’exception de celui de direction ou d’organisation d’un groupement ayant pour objet un tel trafic). Il a été supprimé par la commission des Lois de l’Assemblée nationale et n’a ensuite pas été réintroduit au cours de la discussion parlementaire. Les débats en commission des Lois ont illustré les réticences des députés à voter un dispositif qui laisserait de côté la victime.
● En France, dans un contexte d’explosion des dossiers criminels en attente d’audiencement, deux rapports récents ont exploré cette piste. Il s’agit, en appliquant des éléments procéduraux spécifiques lorsque les faits ont été reconnus, d’accélérer la réponse pénale, mais aussi d’alléger la charge des juridictions criminelles et d’éviter un procès à la victime notamment lorsque celle-ci ne le souhaite pas.
Les schémas proposés par les rapports de l’Inspection générale de la justice et de la mission d’urgence
● Le rapport de l’IGJ daté de mars 2024 évoque « la possibilité d’introduire le recueil de la reconnaissance de culpabilité prélablement aux débats de la CCD ou de la cour d’assises statuant en premier ressort » ([155]).
Le recueil de cette culpabilité devrait se faire dans des conditions univoques, c’est-à-dire « avec une acceptation des qualifications des infractions retenues dans l’acte d’accusation ».
Elle entraînerait une limitation des témoins et experts entendus devant la juridiction criminelle : seuls seraient concernés ceux dont la déposition est nécessaire pour éclairer la formation de jugement sur les faits commis et la personnalité de l’accusé.
● La mission d’urgence sur l’audiencement criminel daté de mars 2025 propose un double mécanisme ([156]).
– Une procédure d’audience criminelle d’homologation sur faits reconnus
À partir de l’ordonnance ou de l’arrêt de mise en accusation pour des faits de nature criminelle, le ministère public pourrait, dans un délai de trois mois, proposer à l’accusé et à son avocat une peine. La procédure serait restreinte aux accusés majeurs.
Si l’accusé accepte la peine proposée par le ministère public, se tiendrait alors une audience d’homologation de la peine acceptée par l’accusé, où seraient entendus la partie civile, l’accusé et leurs conseils, ainsi que le ministère public. L’accusé pourrait à tout moment retirer son accord.
Si l’accusé n’accepte pas la peine proposée, ou que l’accord n’est pas homologué, alors la procédure est audiencée devant une CCD ou une cour d’assises.
À noter que la mission écarte tout dispositif de limitation de la peine encourue associé à la reconnaissance des faits.
– Une procédure d’audience criminelle sur faits reconnus
Si la première procédure n’a pas pu aboutir, mais que les faits ont été reconnus postérieurement, alors le déroulement de l’audience pourrait être adapté : les éléments probatoires destinés à établir la culpabilité ne seraient pas évoqués, et seuls seraient entendus les témoins et experts qui pourraient éclairer sur les faits commis et la personnalité de l’accusé.
La mise en œuvre de cette procédure devrait être envisagée lors de la réunion préparatoire criminelle, au cours de laquelle l’accusé pourrait reconnaître sa culpabilité, « dans des conditions univoques ».
Au cours des auditions, plusieurs options ont été évoquées devant vos rapporteurs.
La CNPR a indiqué être favorable à une procédure de reconnaissance préalable de culpabilité qui conduise à avoir un débat centré uniquement autour de la peine ([157]). La CNPP, elle aussi, invite à s’inspirer de la procédure de l’appel cantonné à la peine pour avancer sur la question du « plaider-coupable ».
La conférence nationale des présidents de tribunaux judiciaires (CNPTJ) préconise un schéma légèrement différent ([158]) :
– une audience simplifiée sur reconnaissance de crime, qui ne porterait que sur la personnalité de l’accusé, la parole de la victime et la sanction pénale, mais avec toute latitude de la cour sur le prononcé de la peine ;
– une audience criminelle d’orientation : celle-ci, qui lierait les parties, regrouperait à la fois l’interrogatoire préalable de l’accusé et la question du calibrage des audiences, et serait l’occasion, si les faits sont reconnus, de proposer à l’accusé une procédure simplifiée de jugement.
Elle écarte ainsi la possibilité qu’une peine soit négociée en amont de l’audience.
Enfin, la DACG a évoqué un travail à conduire pour faire émerger « une troisième voie de jugement », qui ménagerait « une place particulière aux victimes » ([159]).
L’opportunité de créer ou non une procédure spécifique en cas de reconnaissance des faits en matière criminelle dépasse largement le spectre de la présente mission, centrée sur les CCD.
Le sujet ayant cependant été évoqué à plusieurs reprises au cours des auditions, car identifié comme une des solutions à l’engorgement de la chaîne criminelle, vos rapporteurs souhaitent préciser quelques éléments, sans pour autant trancher entre les différentes options évoquées supra.
● Ils écartent, d’emblée, la possibilité que la reconnaissance des faits puisse entraîner la compétence d’une juridiction criminelle plutôt qu’une autre, à partir du moment où cette reconnaissance ne présentera pas un caractère définitif. Ils rejoignent sur ce point le comité d’évaluation et de suivi de la CCD, qui excluait, dans son rapport, que la reconnaissance des faits soit un critère de compétence de la CCD ([160]).
● Ils soulignent que la place laissée à la victime doit être au cœur des travaux menés sur cette nouvelle procédure : nombreux sont les auditionnés qui ont alerté sur la difficulté que poserait la création d’une « CRPC criminelle », c’est-à-dire d’un décalque de la procédure qui existe actuellement en matière délictuelle, notamment en raison de la faible place laissée à la victime. L’ancien garde des Sceaux Éric Dupond-Moretti a souligné qu’il était essentiel, à ses yeux, de requérir à la fois l’accord de la victime, du procureur et de l’accusé ([161]).
L’AFMI soulignait ainsi dans sa contribution que l’« audience de fond est un élément crucial pour les victimes, notamment dans les dossiers de viols. Créer une CRPC criminelle, écartant ainsi les victimes du cœur du procès pénal, serait une régression majeure et en parfaite contradiction avec le souhait sociétal affiché de mieux prendre en compte ces problématiques » ([162]).
● Si vos rapporteurs n’envisagent pas que la reconnaissance de culpabilité puisse intervenir dès le stade de l’instruction et y mettre fin, ils ne tranchent pas entre les différentes options évoquées en audition.
La possibilité de recentrer l’audience autour de la peine, sur le modèle de la procédure d’appel cantonné à la peine, apparaît séduisante. L’article 380-2-1 A du code de procédure pénale prévoit ainsi que, lorsque l’appel est limité à la peine, les personnes dont la déposition ne serait utile que pour établir sa culpabilité ne soient pas entendues. Pour autant, cette comparaison avec la procédure d’appel cantonné à la peine, faite à plusieurs reprises, n’apparaît pas tout à fait opportune à vos rapporteurs, dans la mesure où dans ce cas de figure, le procès de première instance a été l’occasion d’entendre les divers témoins et experts.
● Ils rappellent qu’il est primordial de prévoir que l’accusé pourra, à tout moment, revenir sur la reconnaissance de sa culpabilité.
Il apparaît également que la transformation de la réunion criminelle préparatoire que vos rapporteurs appellent de leurs vœux est un préalable indispensable à la mise en œuvre de toute procédure sur faits reconnus, puisqu’elle constitue l’une des étapes où l’accusé peut formaliser sa reconnaissance des faits.
● S’agissant du sujet plus spécifique des CCD, le nombre de dossiers relevant de leur compétence et concernés par cette nouvelle procédure pourrait in fine être assez faible, comme l’ont indiqué plusieurs personnes auditionnées.
L’Union syndicale des magistrats rappelait ainsi dans sa contribution que « la reconnaissance de culpabilité en matière de viols […] n’est jamais totale dans la mesure où sont régulièrement discutés les actes en eux-mêmes, les gestes, leurs fréquences, ou encore le rôle joué par la partie civile » ([163]). De même, selon les présidents de chambre de la cour d’appel d’Aix-en-Provence entendus par vos rapporteurs, dans les dossiers de viols, la discussion sur le consentement est systématique, et la contestation des qualifications plus forte, avec une multiplication des appels contre l’ordonnance de mise en accusation observée ces dernières années ([164]).
Ces constats empiriques sont corroborés par les chiffres transmis par le service de la Chambre des communes ([165]) : au Royaume-Uni, au dernier trimestre de l’année 2024, 13 % des adultes accusés de viol avaient plaidé coupable, contre une moyenne de 61 % pour l’ensemble des affaires devant la même cour.
Or, comme le rappellent l’IGJ et la mission d’urgence, la reconnaissance de culpabilité doit avoir lieu dans des conditions univoques, c’est-à-dire sans contestation sur les qualifications retenues.
Vos rapporteurs sont donc favorables à ce qu’une réflexion approfondie soit menée sur le sujet, en concertation avec l’ensemble des parties de la chaîne pénale.
Recommandation n° 4 : poursuivre la réflexion engagée sur la possibilité d’introduire une procédure spécifique en cas de reconnaissance des faits.
Au-delà de ces différentes pistes d’évolution procédurale, plusieurs options évoquées pendant les travaux de la mission d’information ont été écartées par vos rapporteurs.
● Après l’avoir envisagé, ils ne retiennent pas l’option d’élargir le champ de compétences de la CCD aux accusés en état de récidive légale, évoquée notamment par la mission d’urgence sur l’audiencement criminel et correctionnel. Si cette option apparaît séduisante pour éviter qu’un accusé en état de récidive légale fasse basculer l’ensemble de ses coaccusés en cour d’assises, il semble délicat de déroger au critère de quantum de peine qui fonde aujourd’hui la compétence des CCD.
● De même, ils ne recommandent pas, à ce stade, d’élargir le champ de compétence de la CCD aux accusés mineurs.
Cette option a été étudiée par le comité d’évaluation et de suivi de la CCD : dans son rapport, il souligne qu’une extension de la compétence des CCD aux accusés mineurs « pourrait être envisagée mais s’avère difficile, en l’état, faute de ressources humaines suffisantes et de la nécessité de modifier la loi tant au regard de la compétence que de la composition » ([166]).
La mission d’urgence sur l’audiencement criminel et correctionnel se montre également prudente sur ce sujet, puisqu’elle estime que l’extension du champ de compétence de la CCD aux mineurs âgés de seize ans doit être envisagé « sous réserve d’une étude d’impact préalable » ([167]).
Selon les chiffres transmis par la DACG à vos rapporteurs, en 2023, sur les 166 condamnations prononcées par les cours d’assises des mineurs, 117 concernaient des infractions qui relevaient du champ de la CCD, soit 70 %.
Dans les deux cas, un élargissement se ferait au détriment de la lisibilité de la compétence de la CCD, et vos rapporteurs estiment que les avantages présentés par cet élargissement ne sont pas suffisants pour le justifier, dans un contexte où ils recommandent en parallèle une évolution de la composition de la formation de jugement.
● La DACG suggère, parmi les pistes d’évolutions législatives du régime juridique des CCD, de « supprimer l’exigence posée [à] l’article 380-17 que le président de la CCD exerce ou qu’il ait exercé des fonctions de président de cour d’assises afin d’élargir les magistrats susceptibles d’assurer cette présidence » ([168]).
Or, à de nombreuses reprises au cours des auditions de la mission d’information, le fait que la présidence de la CCD soit assurée par un magistrat exerçant ou ayant exercé des fonctions de président de cour d’assises a été mis en avant comme étant un gage de qualité de l’organisation des débats et de respect du caractère oral de la procédure. Vos rapporteurs ne souhaitent donc pas changer cet élément procédural.
● À titre liminaire, vos rapporteurs tiennent à rappeler le déficit structurel de magistrats et de greffiers, malgré les avancées de la loi d'orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027 (LOPJ), qui prévoit le recrutement de 1 097 magistrats et 1 117 fonctionnaires de greffes supplémentaires.
Le rapport 2024 de la Commission européenne pour l’évaluation des systèmes judiciaires européens (CEPEJ) rappelle ainsi que la France dispose de 3,2 procureurs pour 100 000 habitants et de 11,3 juges pour 100 000 habitants, contre une moyenne européenne respectivement de 12,2 et 21,9.
● S’agissant plus précisément de la justice criminelle, la mission sur l’audiencement criminel et correctionnel a estimé que la résorption du stock d’affaires criminelles en attente de jugement en fin d’année 2023 nécessiterait la mobilisation supplémentaire de plus de 180 ETPT [équivalent temps plein travaillé] de magistrats du siège, de 100 ETPT de magistrats du parquet, de 70 ETPT d’assesseurs non titulaires (MTT, MHFJ et AHFJ) et de 130 ETPT de greffiers.
Dans ce contexte, vos rapporteurs appellent à poursuivre sur le long terme la dynamique initiée par la LOPJ pour renforcer les effectifs de magistrats et de greffiers, notamment au bénéfice des juridictions criminelles. Il s’agit d’une condition sine qua non pour faire face à l’afflux de dossiers criminels.
Cependant, vos rapporteurs se refusent à céder à la facilité, en faisant de l’augmentation du budget de la justice la seule et unique réponse aux enjeux actuels de notre système judiciaire. L’organisation et le fonctionnement de la justice peuvent également être optimisés à moyens constants, et la CCD ne fait pas exception à ce principe.
Recommandation n° 5 : poursuivre et approfondir la dynamique de recrutements de magistrats et de greffiers initiée par la LOPJ.
● Tout d’abord, une réforme de la composition de la CCD parait incontournable, compte tenu de l’augmentation des affaires criminelles et des contraintes de ressources humaines.
Ainsi que l’a résumé la CNPTJ, la composition actuelle de la formation de jugement des CCD est tout simplement « inadaptée aux effectifs mobilisables ».
Dans ce contexte, une réduction du format de cette formation de jugement serait de nature à libérer du « temps de magistrat » disponible et à réduire la désorganisation des services, notamment civils, induite par la création des CCD, sans nécessairement remettre en cause la qualité de la justice rendue.
● S’agissant des modalités d’une telle réforme, vos rapporteurs estiment que la réduction à trois magistrats professionnels en activité, soit un président et deux assesseurs, pourrait être envisagée.
Une telle composition permettrait en effet de maintenir une différence notable avec la composition du tribunal correctionnel, au sein duquel peuvent siéger des magistrats non professionnels en qualité d’assesseurs.
Elle serait également un facteur de prévisibilité pour l’organisation des ressources humaines au sein des juridictions, puisque le nombre de magistrats en activité ne dépendrait pas de facteurs extérieurs, tels que le niveau de contribution des magistrats à titre temporaire et magistrats et avocats honoraires. A contrario, la formation actuelle de la CCD compte trois, quatre ou cinq magistrats professionnels en activité, selon qu’il y ait respectivement deux, un ou aucun magistrat(s) non professionnel(s) au sein de celle-ci.
Enfin, les magistrats non professionnels qui seraient libérés par une telle composition de la CCD pourraient être davantage mobilisés pour soulager les autres juridictions.
● Vos rapporteurs ne sont pas favorables à la proposition de la mission sur l’audiencement criminel, qui préconise une CCD composée de trois magistrats et de deux assesseurs citoyens ou deux assesseurs qualifiés.
Selon le modèle envisagé par la mission d’urgence, les assesseurs citoyens pourraient être recrutés par tirage au sort sur les listes électorales, tandis que les assesseurs qualifiés seraient choisis à raison de leur expérience professionnelle, de leurs compétences particulières et de l’intérêt porté à la justice pénale. Ils seraient inscrits sur une liste selon le modèle des assesseurs du tribunal pour enfants.
Or, vos rapporteurs estiment qu’une telle composition pourrait avoir des conséquences négatives sur la durée des audiences. Le rapport sur l’expérimentation des citoyens assesseurs dans les ressorts des cours d’appel de Dijon et Toulouse de MM. Salvat et Boccon-Gibod, publié en 2013, a en effet dressé des conclusions contrastées d’une telle expérimentation. Il soulignait notamment un allongement de la durée des audiences, compte tenu de l’absence de la formation des citoyens assesseurs.
Quant aux assesseurs qualifiés, vos rapporteurs sont circonspects : comme l’a relevé M. Benjamin Fiorini, quels pourraient être en effet des citoyens suffisamment qualifiés pour juger des crimes de la compétence de la CCD, si ce n’est des professionnels de la justice qui peuvent d’ores et déjà devenir magistrats à titre temporaire, ou magistrats et avocats honoraires exerçant des fonctions juridictionnelles ? La plus-value de faire appel à des assesseurs qualifiés apparait donc faible aux yeux de vos rapporteurs.
Recommandation n° 6 : réduire la formation de jugement des CCD à trois magistrats professionnels en activité, avec un président et deux assesseurs.
● Une telle composition de la CCD en première instance permettrait d’envisager l’institution d’une cour criminelle, autrement composée, en appel.
La fin du système hybride actuel consistant à faire cohabiter une CCD en première instance et une cour d’assises en appel aurait en effet plusieurs avantages.
Tout d’abord, de nombreuses personnes auditionnées ont mis en exergue que la présence d’un jury populaire en appel était de nature à inciter la personne condamnée en première instance par une CCD à interjeter appel. Comme l’a indiqué une personne auditionnée, il s’agit pour l’accusé condamné en première instance de « tenter sa chance devant le jury ».
Dans cette perspective, le fait d’avoir une cour composée exclusivement de magistrats en appel, de la même façon qu’en première instance, serait susceptible de réduire le taux d’appel.
La création des CCD d’appel permettrait également de réduire significativement la charge des cours d’assises d’appel. Enfin, ce système serait plus cohérent et donc davantage intelligible pour le justiciable.
● S’agissant de la composition d’une telle CCD d’appel, il pourrait être envisagé de rependre la même formation de jugement que l’actuelle CCD, à savoir un président et quatre assesseurs dont deux pourraient être des magistrats à titre temporaire et magistrats et avocats honoraires exerçant des fonctions juridictionnelles.
Recommandation n° 7 : créer une CCD d’appel, compétente pour statuer sur les appels interjetés à l’encontre des décisions des CCD de première instance, ayant une composition identique aux CCD actuelles.
● Le statut de la magistrature prévoit que certains magistrats peuvent être « placés auprès du premier président et du procureur général d'une cour d'appel ». Ces magistrats dits « placés » n’occupent pas un poste permanent mais sont chargés de remplacer un magistrat absent ou d’apporter un renfort temporaire lorsqu’une chambre d’une juridiction est confrontée à des charges particulièrement importantes.
Le développement du recours aux magistrats placés constitue un axe fort de la politique actuelle des ressources humaines du ministère de la justice. Selon la direction des services judiciaires, « les dernières transparences et plus particulièrement la liste des postes offerts aux auditeurs de justice de la promotion 2023 ont également été l’occasion de renforcer les effectifs de magistrats placés. Ces effectifs permettent de soutenir utilement les juridictions en tension, y compris les CCD et sessions d’assises. Ces postes ont ainsi constitué 25 % des postes pourvus sur une promotion de 381 auditeurs de justice » ([169]).
Vos rapporteurs estiment qu’il convient d’approfondir une telle dynamique pour soutenir les juridictions confrontées à une situation particulièrement obérée. Ces dernières pourraient ainsi bénéficier du renfort à titre temporaire de véritables task force de magistrats et greffiers aux fins de réduire les stocks de dossiers.
● De façon complémentaire, vos rapporteurs partagent en outre le constat de la mission sur l’audiencement criminel selon lequel il convient de davantage « prendre en compte les spécificités de la justice criminelle dans les critères d’affectation des emplois créés » ([170]).
Cela exige de déployer une véritable politique de gestion prévisionnelle des ressources humaines en matière de jugement criminel, qui fait défaut à l’heure actuelle.
Recommandation n° 8 :
- poursuivre la dynamique de création de postes de « magistrats placés » ;
- créer de véritables task force temporaires de magistrats et greffiers au bénéfice des juridictions criminelles les plus obérées ;
- prendre en compte les besoins spécifiques de la justice criminelle dans les critères d’affectation d’emplois créés.
● De nombreuses personnes auditionnées ont mis en avant les enjeux liés à la sécurisation des crédits de vacations destinés à la rémunération des magistrats à titre temporaire (MTT) et magistrats honoraires exerçant des fonctions juridictionnelles (MHFJ)
L’USM relève ainsi que « des juridictions rencontrent par ailleurs des difficultés budgétaires pour assurer le paiement des vacations des MTT et MH, sans lesquels les CCD ne peuvent fonctionner. Ce dernier point est particulièrement prégnant pour l’année 2025, au regard des crédits alloués pour les vacations de MTT et de MHFJ » ([171]).
De même, les représentants de la cour d’appel de Paris ont fait valoir que « la cour d’appel va devoir restreindre à très brève échéance le recours aux MHFJ, alors même que le stock de dossiers continue sa progression, compte tenu de la réduction annoncée des budgets dédiés » ([172]).
Au regard des besoins actuels en assesseurs, vos rapporteurs appellent donc le ministère de la justice à sanctuariser les crédits liés aux vacations, voire à les renforcer dans les prochaines années.
● Parallèlement, une réflexion sur la spécialisation des MTT et MHFJ pourrait également être initiée.
Comme le suggère l’IGJ, il serait en ce sens opportun « d’expertiser la voie d’une spécialisation sur des fonctions pénales, en particulier pour leur permettre de siéger comme assesseurs dans les juridictions criminelles » ([173]).
Cette réforme aurait pour effet d’élargir le vivier de recrutement, en recentrant les critères de recrutement sur les compétences utiles pour siéger en juridictions criminelles. Les nominations pour de tels magistrats spécialisés ne dépendraient plus par exemple de leur capacité à conduire des audiences civiles, comme c’est le cas actuellement.
● En revanche, vos rapporteurs ne sont pas favorables à ce que les magistrats honoraires puissent présider les CCD, sous réserve qu’ils aient exercé précédemment comme président de cour d’assises, comme le recommande la mission sur l’audiencement criminel.
La présence d’un président de cour d’assises en activité comme président de la CCD constitue en effet, aux yeux de vos rapporteurs, un gage de solennité, de légitimité et de crédibilité de cette nouvelle juridiction qu’il convient de préserver.
● Enfin, il convient de promouvoir une politique davantage volontariste de recrutement et de gestion des MTT et MHFJ.
Une harmonisation des indemnités de vacation au bénéfice des MTT, qui sont aujourd’hui moins bien rémunérés que les MHFJ, pourrait être envisagée en contrepartie d’une doctrine d’emploi plus incitative, fondée sur des affectations correspondant aux besoins et non plus aux seuls souhaits des intéressés, comme le propose la mission d’urgence sur l’audiencement criminel.
La CNPTJ a noté à ce titre une transparence insuffisante des recrutements et des affectations des MTT et MHFJ : « certains tribunaux sont sous-dotés, d’autres non et les présidents de TJ ne sont pas souvent interrogés avant l’arrivée d’un nouveau candidat » ([174]).
Une plus grande association des présidents de cours d’appel et de tribunaux judiciaires paraît donc opportune pour adapter les affectations des MTT et MHFJ aux besoins spécifiques des juridictions.
Recommandation n° 9 :
- sanctuariser les crédits de vacations pour rémunérer les MTT et MHFJ et harmoniser les indemnités de vacations entre ces deux catégories de magistrats ;
- mener une réflexion sur la création d’une filière de MTT et MHFJ spécialisée en matière pénale ;
- associer davantage les chefs de juridictions aux recrutements de MTT et MHFJ pour que les affectations correspondent davantage aux besoins des juridictions.
Au regard des besoins en matière de composition de la formation de jugement des CCD et des retours d’expérience très positifs sur l’expérimentation menée actuellement, vos rapporteurs sont favorables à généraliser le plus rapidement possible la possibilité de recourir aux avocats honoraires exerçant des fonctions juridictionnelles (AHFJ) en qualité d’assesseurs.
Il serait également opportun, selon vos rapporteurs, d’assouplir les règles d’incompatibilité ou de mobilité géographique qui s’imposent aujourd’hui aux AHFJ, afin d’élargir le vivier de recrutements.
À titre d’exemple, un avocat ayant la qualité de MTT peut être nommé dans une juridiction de son ancienne cour d’appel, à l’exclusion de celle où il a exercé. Or, cette possibilité n’est pas permise pour les AHFJ, puisque la situation d’incompatibilité est appréciée territorialement au regard de l’entier ressort de la cour d’appel. Il paraît donc légitime d’harmoniser les conditions entre un avocat MTT et un AHFJ, en permettant à ce dernier de siéger dans le ressort des autres départements de la cour d’appel.
Dans la même perspective, il semble raisonnable de réduire la durée d’incompatibilité pour siéger dans le ressort d’exercice de cinq à trois ans.
Enfin, vos rapporteurs reprennent à leur compte une proposition suggérée par des personnes auditionnées : permettre aux AHFJ de siéger non seulement au sein des CCD mais également en cours d’assises.
Recommandation n° 10 :
- généraliser à l’ensemble du territoire la possibilité de recourir aux AHFJ pour siéger au sein des CCD ;
- assouplir les règles d’incompatibilité, en autorisant les AHFJ à siéger dans les autres départements de la cour d’appel que celui où ils ont exercé et en réduisant à trois ans la durée d’incompatibilité pour siéger dans le département dans lequel ils ont exercé ;
- permettre aux AHFJ de siéger au sein des cours d’assises.
● La localisation des sièges de cours d’assises et de CCD sur un seul et même site judiciaire contribue à saturer les salles d’audiences au sein d’une même juridiction.
Dans ce contexte, vos rapporteurs sont favorables à la suggestion de l’IGJ de modifier l’article 235 du code de procédure pénale, en vue de faciliter la fixation du siège de la CCD dans un autre tribunal judiciaire du même département que celui où se tient la cour d’assises.
● Sur les modalités de décision d’une telle délocalisation, l’IGJ propose que ce soit le président de chaque cour d’appel, sur réquisitions du procureur général et après avoir recueilli les avis des assemblées générales des juridictions concernées ainsi que celui de leurs barreaux, qui ait la faculté de fixer le siège de la CCD dans un tribunal judiciaire du même département que celui où se tient la cour d’assises.
La décorrelation des sièges de deux juridictions criminelles serait ainsi de nature à faciliter la tenue simultanée d’audiences, ce qui contribuerait à réduire les stocks de dossiers criminels.
À titre d’exemple, avec une telle réforme, la cour d’appel de Douai pourrait délocaliser la CCD du département du Nord dont elle est le siège vers l’un des tribunaux judiciaires de ce département (Lille, Dunkerque, Cambrai ou Avesnes-sur-Helpe).
● Si cette évolution est ainsi de nature à faciliter la délocalisation des CCD dans certains ressorts, vos rapporteurs ont conscience qu’une telle délocalisation ne sera pas envisageable sur tout le territoire national, en raison des capacités immobilières limités de la plupart des sites judiciaires.
En effet, selon la mission sur l’audiencement criminel, « 17 % des tribunaux judiciaires consultés dans lesquels ne siège pas la cour d’assises se déclarent en effet en capacité d’accueillir une ou plusieurs sessions de la cour criminelle dans leurs locaux et plusieurs ont précisé qu’une telle perspective imposerait des travaux conséquents ».
Recommandation n° 11 : réformer le code de procédure pénale pour faciliter la fixation du siège de la CCD dans un autre tribunal judiciaire du même département que celui où se tient la cour d’assises.
● En complément, il pourrait être implanté, comme le suggère la mission sur l’audiencement criminel, dans le ressort de chaque juridiction interrégionale spécialisée, une salle modulable, adaptée aux enjeux de la criminalité et mutualisable avec les autres juridictions du ressort.
La création de telles salles modulaires permettrait de réduire l’occupation des salles de cours d’assises pour les procès les plus complexes, notamment ceux liés à la criminalité organisée ou plus généralement aux procès hors-norme qui se multiplient.
Recommandation n° 12 : créer une salle modulable, adaptée aux grands procès criminels, dans le ressort de chaque juridiction interrégionale spécialisée.
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Liste des recommandations des rapporteurs
Recommandation n° 1 : systématiser et fixer la réunion préparatoire criminelle en amont de l’établissement de l’audiencement, et lui donner un caractère opposable pour les audiences devant la CCD.
Recommandation n° 2 : Porter le délai de détention provisoire entre la décision de mise en accusation et la comparution devant la CCD à douze mois, non renouvelable.
Recommandation n° 3 : Permettre le renvoi des intérêts civils à une autre juridiction.
Recommandation n° 4 : Poursuivre la réflexion engagée sur la possibilité d’introduire une procédure spécifique en cas de reconnaissance des faits.
Recommandation n° 5 : Poursuivre et approfondir la dynamique de recrutements de magistrats et de greffiers initiée par la LOPJ.
Recommandation n° 6 : Réduire la formation de jugement des CCD à trois magistrats professionnels en activité, avec un président et deux assesseurs.
Recommandation n° 7 : Créer une CCD d’appel, compétente pour statuer sur les appels interjetés à l’encontre des décisions des CCD de première instance, ayant une composition identique aux CCD actuelles.
Recommandation n° 8 :
- Poursuivre la dynamique de création de postes de « magistrats placés » ;
- Créer de véritables task force temporaires de magistrats et greffiers au bénéfice des juridictions criminelles les plus obérées ;
- Prendre en compte les besoins spécifiques de la justice criminelle dans les critères d’affectation d’emplois créés.
Recommandation n° 9 :
- Sanctuariser les crédits de vacations pour rémunérer les magistrats à titre temporaire (MTT) et magistrats honoraires exerçant des fonctions juridictionnelles (MHFJ) et harmoniser les indemnités de vacations entre ces deux catégories de magistrats ;
- Mener une réflexion sur la création d’une filière de MTT et MHFJ spécialisée en matière pénale ;
- Associer davantage les chefs de juridictions aux recrutements de MTT et MHFJ pour que les affectations correspondent davantage aux besoins des juridictions.
Recommandation n° 10 :
- Généraliser à l’ensemble du territoire la possibilité de recourir aux avocats honoraires exerçant des fonctions juridictionnelles (AHFJ) pour siéger au sein des CCD ;
- Assouplir les règles d’incompatibilité, en autorisant les AHFJ à siéger dans les autres départements de la cour d’appel que celui où ils ont exercé et en réduisant à trois ans la durée d’incompatibilité pour siéger dans le département dans lequel ils ont exercé ;
- Permettre aux AHFJ de siéger au sein des cours d’assises.
Recommandation n° 11 : Réformer le code de procédure pénale pour faciliter la fixation du siège de la CCD dans un autre tribunal judiciaire du même département que celui où se tient la cour d’assises.
Recommandation n° 12 : Créer une salle modulable, adaptée aux grands procès criminels, dans le ressort de chaque juridiction interrégionale spécialisée.
*
* *
Lors de sa réunion du mercredi 9 juillet 2025, la commission des Lois a examiné ce rapport et en a autorisé la publication.
Ces débats ne font pas l’objet d’un compte rendu. Ils sont accessibles sur le portail vidéo du site de l’Assemblée nationale à l’adresse suivante :
Mme Isabelle Sadowski, directrice générale adjointe
Mme Anne-Sophie Gavriloff, porte-parole
Mme Stéphanie Caprin, vice-présidente
Mme Alexandra Vaillant, secrétaire générale
Mme Valérie Dervieux, déléguée générale
Mme Héléna Christidis, membre du Conseil de l’Ordre du barreau de Paris
M. Laurent Caruso, membre de la commission Libertés et droits de l’Homme
M. Nicolas Vanden Bossche, membre de la commission Libertés et droits de l’Homme
Mme Nancy Ranarivelo, chargée de mission affaires publiques
M. Pierre Dunac, vice-président de la conférence des bâtonniers
Maître Romain Boulet, co-président
Mme Marie-Christine Leprince, première présidente de la cour d’appel de Rouen
Mme Chantal Ferreira, première présidente de la cour d’appel de Toulouse
M. Stéphane Brossard, premier président de la cour d’appel d’Agen
M. Vincent Reynaud, président du tribunal judiciaire de Pontoise
Mme Émilie Rayneau, présidente du tribunal judiciaire de La Roche‑sur‑Yon
Mme Lucie Delaporte, vice-présidente
M. Sébastien Colombet, trésorier
Me Stéphane Babonneau, avocat
Me Antoine Camus, avocat
Me Adrien Vecchio, avocat
Me Daniel De Franco, avocat
Mme Anne Kostomaroff, procureure générale près la cour d’appel de Lyon
Mme Laureline Peyrefitte, directrice des affaires criminelles et des grâces
Mme Florence Beclier, cheffe du bureau de la politique pénale générale
M. Roland de Lesquen, chef de service, adjoint au directeur des services judiciaires
Mme Sandrine Branche, sous-directrice des ressources humaines de la magistrature
M. Stéphane Noël, chef de l’IGJ
Mme Sylvie Moisson, inspectrice générale
M. Patrick Steinmetz, inspecteur général
M. Bruno Badré, inspecteur général
Mme Nathalie Ancel, adjointe au chef de l’inspection
M. Jacques Boulard, premier président
M. Franck Zientara, premier président de chambre en charge du pôle criminel
Mme Malika Cottet, chargée de mission à la première présidence en charge du suivi de l’organisation des procès d’assises et de cour criminelle
Mme Justine Probst, secrétaire nationale
M. Frédéric Chevallier, procureur de la République près le tribunal judiciaire de Chartres
Mme Eurydice Chabant, directrice de greffe de la cour d’appel de Versailles, présidente de la CNDG
Mme Laurence Skowronski Bardiaux, directrice de greffe de la cour d’appel de Toulouse
Mme Mélanie Cabal, présidente
M. Nicolas Rigot-Muller, procureur de la République
Mme Fabienne Le Roy, première présidente
Mme Fabienne Atzori, procureure générale
M. Éric Bienko Vel Bienek, premier président
M. Xavier Bonhomme, procureur général
Auditions de la Cour d’appel d’Aix-en-Provence, en lieu et place du déplacement du 26 mai 2025.
M. Renaud Le Breton de Vannoise, premier président
M. Franck Rastoul, procureur général
Mme Virginie Brot, secrétaire générale de la première présidence
Mme Géraldine Bouzard, secrétaire générale du parquet général
Mme Sophie Barbaud, première présidente de chambre, coordonnatrice du pôle pénal
M. François Thevenot, premier avocat général, coordonnateur du pôle pénal
M. Roger Arata et Mme Emmanuelle de Rosa, présidents de chambre (assises et CCD)
Mme Catherine Dubost, avocate générale, cheffe du service criminel
Mme Béatrice Melmoux, directrice de greffe
Mme Palma Barrielle directrice principale responsable du pôle pénal en charge de l’encadrement de l’audiencement et du greffe correctionnel et de l’exécution des peines.
Mme Mathilde Lautier, directrice placée en charge des services instruction et assises/CCD et pièces à conviction
Mme Louise Randon, greffière audiencement des assises
Mme Jennifer Volpi, adjointe administrative audiencement des assises
Mme Estelle Saye greffière 1ère section
RENNES PUIS VANNES LES 6 ET 7 MAI 2025
M. Jean-Baptiste Parlos, premier président
M. Thierry Pocquet du Haut-Jussé, procureur général
Me Paul Delacourt, Bâtonnier de l’Ordre des avocats de Rennes
Tribunal judiciaire de Vannes
Mme Aude Buresi, présidente de chambre, président du procès
Mme Laurence Delhaye, première présidente de chambre
M. Pierre-Olivier Danino, président
M. Maxime Antier, procureur de la République
M. André Rolland, président
Mme Carine Duneuf-Jardin, directrice
COUR D’APPEL ET TRIBUNAL JUDICIAIRE DE VERSAILLES LE 1ER JUILLET 2025
M. Jean-François Beynel, premier président de la cour d’appel
M. Marc Cimamonti, procureur général
M. Didier Safar, premier président de chambre service pénal
M. Pierre Kahn, avocat général, chef du pôle criminel
M. Bertrand Menay, président du tribunal
M. Jean-David Cavaille, procureur de la République
Contributions écrites
([1]) La composition de cette mission figure au verso de la présente page.
([2]) Rapport de la commission cours d’assises et des cours criminelles départementales (dite « commission Getti »), janvier 2021. Rapport du comité d’évaluation et de suivi de la cour criminelle départementale, octobre 2022.
([3]) MM. Stéphane Mazars et Antoine Savignat, mission « flash » sur les cours criminelles, commission des Lois, Assemblée nationale, 16 décembre 2020.
([4]) Inspection générale de la justice, L’organisation de la chaîne pénale en matière criminelle, mars 2024. Ministère de la justice, rapport de la mission d’urgence relative à l’audiencement criminel et correctionnel, mars 2025.
([5]) Ministère de la justice, Rapport 2023 sur les condamnations en France, décembre 2024.
([6]) Lettre du Garde des sceaux aux agents du ministère de la Justice, 11 mai 2025.
([7]) Direction des affaires criminelles et des grâces du ministère de la justice, réponses au questionnaire de vos rapporteurs.
([8]) Arrêté du 25 avril 2019 relatif à l’expérimentation de la cour criminelle.
([9]) Arrêté du 2 mars 2020 portant extension de l’expérimentation de la cour criminelle.
([10]) Arrêté du 2 juillet 2020 portant extension de l’expérimentation de la cour criminelle dans six départements, prévoyant une entrée en vigueur avant celle du décret du 2 mars 2020.
([11]) Étude d’impact du projet de loi pour la confiance dans l’institution judiciaire, 13 avril 2021.
([12]) Étude d’impact du projet de loi pour la confiance dans l’institution judiciaire, 13 avril 2021.
([13]) Ibid
([14]) Ibid
([15]) CEDH, 26 janvier 2012, Guimon Esparza c. France n° 29116/09, Sagarzazu c. France n° 29109/09 Esparza Luri c. France n° 29119/09, Berasategi c. France n° 29095/09 ; 26 avril 2012, Soria Valderrama c. France n° 29101/09 ; 26 septembre 2013, Almandoz Erviti c. France, n° 45077/10 et Abad Urkixo c. France, n° 45087/10.
([16]) Conseil constit., décision du 7 juillet 2023 n° 2023-1056 QPC.
([17]) Cass. crim., 2 sept. 2009, n° 09-83.950 : « Mais attendu qu'en se déterminant ainsi, la chambre de l'instruction, qui ne pouvait justifier la mesure de prolongation de la détention à titre exceptionnel par les difficultés récurrentes de fonctionnement de la juridiction appelée à statuer au fond (…) a méconnu les textes susvisés et les principes ci-dessus rappelés ».
([18]) Exposé des motifs de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice.
([19]) Jean-Pierre Getti (sous la présidence de), rapport de la commission cours d’assises et cours criminelles départementales, 11 janvier 2021.
([20]) Article 186-3 du code de procédure pénale.
([21]) Mme Nicole Belloubet, réponses au questionnaire de vos rapporteurs.
([22]) Direction des affaires criminelles et des grâces (DACG) du ministère de la justice, réponses au questionnaire de vos rapporteurs.
([23]) Jean-Pierre Getti (sous la présidence de), rapport de la commission cours d’assises et cours criminelles départementales, 11 janvier 2021.
([24]) Étude d’impact du projet de loi pour la confiance dans l’institution judiciaire, 13 avril 2021 : « On peut constater que les peines moyennes prononcées, tant pour les viols simples que les viols avec une circonstance aggravante, n’excèdent pas dix ans : elles ont donc devant la cour d’assises des quanta qui sont tout à fait dans la capacité répressive des juridictions correctionnelles, alors même que ces dossiers occupent, on l’a vu, l’écrasante majorité des affaires jugées par les cours d’assises. C’est pour répondre à ce paradoxe que la cour criminelle départementale a été créée ».
([25]) Jean-Pierre Getti (sous la présidence de), rapport de la commission cours d’assises et cours criminelles départementales, 11 janvier 2021.
([26]) En vertu de l’article 203 du code de procédure pénale, « Les infractions sont connexes soit lorsqu'elles ont été commises en même temps par plusieurs personnes réunies, soit lorsqu'elles ont été commises par différentes personnes, même en différents temps et en divers lieux, mais par suite d'un concert formé à l'avance entre elles, soit lorsque les coupables ont commis les unes pour se procurer les moyens de commettre les autres, pour en faciliter, pour en consommer l'exécution ou pour en assurer l'impunité, soit lorsque des choses enlevées, détournées ou obtenues à l'aide d'un crime ou d'un délit ont été, en tout ou partie, recelées ».
([27]) Étude d’impact du projet de loi de programmation pour la justice 2018-2022, 23 avril 2018.
([28]) Étude d’impact du projet de loi de programmation pour la justice 2018-2022, 23 avril 2018.
([29]) Article 380-20 du code de procédure pénale.
([30]) Article 698-6 du code de procédure pénale.
([31]) Crimes commis par des militaires (art. 697-1 et 697-4 du code de procédure pénale), certains crimes contre les intérêts fondamentaux de la Nation (art. 702 du même code), crimes de terrorisme (art. 706-25) et crimes de trafic de stupéfiants (art. 706-27 du CPP).
([32]) Mme Nicole Belloubet, réponses au questionnaire de vos rapporteurs.
([33]) Ibid.
([34]) A contrario, l’article 347 du code de procédure pénale soumet à des conditions strictes la consultation du dossier par les membres de la cour d’assises : « Si, au cours de la délibération, la cour d'assises estime nécessaire l'examen d'une ou plusieurs pièces de la procédure, le président ordonne le transport dans la salle des délibérations du dossier, qui, à ces fins sera rouvert en présence du ministère public et des avocats de l'accusé et de la partie civile ».
([35]) Étude d’impact du projet de loi de programmation pour la justice 2018-2022, 23 avril 2018.
([36]) L’article 10 de la loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire prévoit l’expérimentation des AHFJ au sein des cours criminelles, dans au moins deux départements et au plus vingt départements et pour une durée de trois ans. Cette expérimentation est mise en œuvre depuis le 1er janvier 2023, dans 20 cours criminelles départementales désignées par l’arrêté du 22 septembre 2022 (Arrêté du 22 septembre 2022 relatif à l'expérimentation permettant la désignation dans les cours criminelles départementales d'avocats honoraires exerçant des fonctions juridictionnelles en qualité d'assesseurs).
([37]) Cons. constit., décision n° 2003-466 DC du 20 février 2003.
([38]) Cons. constit., décision n° 2004-510 DC du 20 janvier 2005.
([39]) Article 359 du code de procédure pénale. En outre, en application de l’article 362 du même code, si « la décision sur la peine se forme à la majorité absolue des votants », « le maximum de la peine privative de liberté encourue ne peut être prononcé qu'à la majorité de sept voix au moins lorsque la cour d'assises statue en premier ressort ».
([40]) Cons. constit., décision n° 2023-1069-1070 QPC du 24 novembre 2023.
([41]) Ibid.
([42]) Soit le délai entre la date des faits commis et celle du jugement.
([43]) Inspection générale de la justice, « L’organisation de la chaîne pénale en matière criminelle », mars 2024.
([44]) Mayotte a été exclu du dispositif par la loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire, tandis que l’article 58 de la loi n° 2023-1059 du 20 novembre 2023 d'orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027 a élargi cette dérogation à la Nouvelle-Calédonie et aux collectivités d’outre-mer régies par l’article 74 de la Constitution : Polynésie française, Wallis et Futuna, Saint-Pierre et Miquelon. Cette exemption était demandée par ces territoires en raison du faible volume d’affaires criminelles à juger, de la rareté de la correctionnalisation ainsi que du nombre limité de magistrats.
([45]) Étude d’impact du projet de loi pour la confiance dans l’institution judiciaire, 13 avril 2021.
([46]) Étude d’impact du projet de loi pour la confiance dans l’institution judiciaire, 13 avril 2021.
([47]) Étude d’impact du projet de loi pour la confiance dans l’institution judiciaire, 13 avril 2021.
([48]) MM. Stéphane Mazars et Antoine Savignat, mission « flash » sur les cours criminelles, commission des Lois, Assemblée nationale, 16 décembre 2020.
([49]) Rapport de Mme Anne-Marie Gallen, directrice de projet à la DACG, avril 2021.
([50]) Ministère de la justice, rapport du comité d’évaluation et de suivi de la cour criminelle départementale, octobre 2022 .
([51]) Mme Nicole Belloubet, réponses au questionnaire de vos rapporteurs.
([52]) Ministère de la justice, rapport du comité d’évaluation et de suivi de la cour criminelle départementale, octobre 2022.
([53]) Étude d’impact du projet de loi de programmation pour la justice 2018-2022, 23 avril 2018.
([54]) Étude d’impact du projet de loi pour la confiance dans l’institution judiciaire, 13 avril 2021.
([55]) Étude d’impact du projet de loi de programmation pour la justice 2018-2022, 23 avril 2018.
([56]) Rapport sur le projet de loi, adopté par le Sénat, après engagement de la procédure accélérée, de programmation 2019-2022 et de réforme pour la justice (n° 1396), tome II, comptes rendus des travaux de la commission.
([57]) Compte-rendu de la première séance du jeudi 20 mai 2021, XVè législature.
([58]) Article sur le site Lexbase – « Le bilan calamiteux des cours criminelles départementales : analyse critique du dernier rapport d’évaluation », par Benjamin Fiorini, publié le 25 novembre 2022.
([59]) Syndicat de la magistrature – « Observations en vue de l’audition par la mission d’information flash de l’Assemblée nationale concernant les cours criminelles », le 9 octobre 2020.
([60]) Rapport de la commission des libertés et droits de l’homme du Conseil national des barreaux, publié le 13 janvier 2023.
([61]) Contribution à l’évaluation du dispositif des cours criminelles départementales de l’association Osez le Féminisme, transmise à vos rapporteurs.
([62]) Tribune dans Le Monde – « Les cours criminelles départementales contribuent à perpétuer l’invisibilisation des crimes de viol », publié le 3 juillet 2023.
([63]) Syndicat de la magistrature – « Observations en vue de l’audition par la mission d’information flash de l’Assemblée nationale concernant les cours criminelles », le 9 octobre 2020.
([64]) Ibid.
([65]) ADAP, réponses au questionnaire de vos rapporteurs.
([66]) USM, ibid.
([67]) AFMI, ibid.
([68]) Maître Anne Bouillon, réponses au questionnaire de vos rapporteurs.
([69]) Contribution de la fédération nationale des CIDFF aux travaux de vos rapporteurs.
([70]) Maître Anne Bouillon, réponses au questionnaire de vos rapporteurs.
([71]) Article Libération – « Caméras mobiles, régie : pourquoi le dispositif de captation du procès Le Scouarnec est-il critiqué par des parties civiles ? », publié le 28 février 2025.
([72]) Audition de représentants du Collectif de victimes de Joël Le Scouarnec, 1er juillet 2025, commission des affaires sociales et commission des Lois, Assemblée nationale
([73]) Article Franceinfo – « Viols et soumission chimique à Mazan : les audiences du procès ne se tiendront pas à huis clos, à la demande de la victime », publié le 2 septembre 2024.
([74]) Article Le Monde – « Au procès des viols de Mazan, la justesse et l’indépendance du verdict », publié le 20 décembre 2024.
([75]) Article Le Monde – « Procès des viols de Mazan : comment les juges ont motivé leur décision de condamnation », publié le 22 décembre 2024.
([76]) Article Le Monde – « Viols de Mazan : le procès en appel réduit à quatre jours, du 6 au 9 octobre 2025 », publié le 23 juin 2025.
([77]) Notamment parce qu’elles étaient inférieures aux réquisitions.
([78]) Article Franceinfo – « Procès des viols de Mazan : ‘La justice ne prend jamais ses ordres auprès de la vindicte populaire’, répondent des avocates face à la polémique sur le verdict », publié le 19 décembre 2024.
([79]) Site Actu-Juridique.fr – « Les cours criminelles départementales n’empêchent pas la correctionnalisation des viols », publié le 23 janvier 2025.
([80]) Site Actu-Juridique.fr – « Affaire Mazan : le crime de viol doit être jugé en cour d’assises ! », publié le 10 octobre 2024.
([81]) CNPTJ, réponses au questionnaire de vos rapporteurs.
([82]) CNPP, réponses au questionnaire de vos rapporteurs.
([83]) IGJ, réponses au questionnaire de vos rapporteurs.
([84]) IGJ, « L’organisation de la chaîne pénale en matière criminelle », mars 2024.
([85]) Ministère de la justice, Infostat justice « Dix ans de traitement des affaires pénales par la justice », n° 199, avril 2025.
([86]) AFMI, réponses au questionnaire des rapporteurs.
([87]) CNPTJ, réponses au questionnaire des rapporteurs.
([88]) Ministère de la justice, rapport de la mission d’urgence relative à l’audiencement criminel et correctionnel, mars 2025.
([89]) Article 52-1 du code de procédure pénale, alinéa 5 : « « s'il s'agit d'un crime puni de quinze ans ou de vingt ans de réclusion criminelle, lorsqu'il n'est pas commis en état de récidive légale et si le procureur de la République considère qu'il résulte des circonstances de l'espèce et de son absence de complexité que le recours à la cosaisine, même en cours d'instruction, paraît peu probable, il peut requérir l'ouverture de l'information auprès du juge d'instruction du tribunal judiciaire dans lequel il n'y a pas de pôle de l'instruction ».
([90]) CNPP, réponses au questionnaire de vos rapporteurs.
([91]) USM, réponses au questionnaire de vos rapporteurs.
([92]) Cour d’appel de Paris, réponses au questionnaire de vos rapporteurs.
([93]) Cour d’appel de Saint-Denis (La Réunion), réponses au questionnaire de vos rapporteurs.
([94]) AFMI, réponses au questionnaire de vos rapporteurs.
([95]) CNPG, réponses au questionnaire de vos rapporteurs : « À Bourges, un travail de rééquilibrage est mené pour restaurer une correctionnalisation pertinente dans certains cas ».
([96]) Maître Anne Bouillon, réponses au questionnaire de vos rapporteurs : « Actuellement la tendance (lourde) est un retour aux correctionnalisations compte tenu de l’embolie actuelle des juridictions ».
([97]) Conseil d’État, avis sur une proposition de loi visant à modifier la définition pénale du viol et des agressions sexuelles, 6 mars 2025.
([98]) Ministère de la justice, Rapport 2023 sur les condamnations en France, décembre 2024.
([99]) Entrée en vigueur en janvier 2001 pour le condamné et en mars 2002 pour l’appel des acquittements par le procureur général.
([100]) Loi n° 2011-939 du 10 août 2011 sur la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et le jugement des mineurs.
([101]) Cons. constit., décision n° 2017-964 du 2 mars 2018.
([102]) Cité dans IGJ, « L’organisation de la chaîne pénale en matière criminelle », mars 2024.
([103]) Ibid.
([104]) Inspection générale de la justice, « L’organisation de la chaîne pénale en matière criminelle », mars 2024.
([105]) AFMI, réponses au questionnaire de vos rapporteurs.
([106]) Cour d’appel de Paris, réponses au questionnaire de vos rapporteurs.
([107]) Ministère de la justice, rapport de la mission d’urgence relative à l’audiencement criminel et correctionnel, mars 2025.
([108]) Allocution prononcée par le procureur général près la Cour de cassation, Rémy Heitz, lors de l'audience solennelle de début d'année judiciaire 2025.
([109]) IGJ, L’organisation de la chaîne pénale en matière criminelle, mars 2024.
([110]) AFMI, réponses au questionnaire de vos rapporteurs.
([111]) IGJ, L’organisation de la chaîne pénale en matière criminelle, mars 2024.
([112]) CNPR, réponses au questionnaire de vos rapporteurs.
([113]) Étude d’impact du projet de loi de programmation pour la justice 2018-2022, 23 avril 2018.
([114]) Étude d’impact du projet de loi pour la confiance dans l’institution judiciaire, 13 avril 2021.
([115]) Outre la constitution d’une « réserve » de 150 emplois de magistrats et 300 greffiers.
([116]) Ministère de la justice, rapport de la mission d’urgence relative à l’audiencement criminel et correctionnel, mars 2025.
([117]) Ibid.
([118]) IGJ, L’organisation de la chaîne pénale en matière criminelle, mars 2024.
([119]) USM, réponses au questionnaire de vos rapporteurs.
([120]) CNPTJ, réponses au questionnaire de vos rapporteurs.
([121]) AFMI, réponses au questionnaire de vos rapporteurs.
([122]) Ministère de la justice, rapport annuel du ministère public, 2023.
([123]) Loi n° 2025-532 du 13 juin 2025 visant à sortir la France du piège du narcotrafic.
([124]) IGJ, L’organisation de la chaîne pénale en matière criminelle, mars 2024.
([125]) Unité Magistrats, réponses au questionnaire de vos rapporteurs.
([126]) Ministère de la justice, rapport de la mission d’urgence relative à l’audiencement criminel et correctionnel, mars 2025.
([127]) Direction des services judiciaires du ministère de la justice, réponses au questionnaire de vos rapporteurs.
([128]) Étude d’impact du projet de loi pour la confiance dans l’institution judiciaire, 13 avril 2021.
([129]) Articles 234 et 380-17 du code de procédure pénale.
([130]) Article 235 et 380-17 du code de procédure pénale.
([131]) IGJ, réponses au questionnaire de vos rapporteurs.
([132]) Cour d’appel de Saint-Denis (La Réunion), réponses au questionnaire de vos rapporteurs.
([133]) Cour d’appel de Paris, réponses au questionnaire de vos rapporteurs.
([134]) CNPTJ, réponses au questionnaire de vos rapporteurs.
([135]) Inspection générale de la justice, « L’organisation de la chaîne pénale en matière criminelle », mars 2024.
([136]) CNDG, réponses au questionnaire de vos rapporteurs.
([137]) CNPTJ, réponses au questionnaire de vos rapporteurs.
([138]) Ministère de la justice, rapport de la mission d’urgence relative à l’audiencement criminel et correctionnel, mars 2025.
([139]) Étude d’impact du projet de loi pour la confiance dans l’institution judiciaire, précité.
([140]) USM, réponses au questionnaire de vos rapporteurs.
([141]) CNPTJ, réponses au questionnaire de vos rapporteurs.
([142]) C’est-à-dire le calendrier des affaires appelées à l’audience.
([143]) CNPP, réponses au questionnaire de vos rapporteurs.
([144]) Rapport de l’IGJ sur l’organisation de la chaîne pénale en matière criminelle, précité.
([145]) Rapport de la mission d’urgence sur l’audiencement criminel et correctionnel, précité.
([146]) Rapport de la mission d’urgence sur l’audiencement criminel et correctionnel, précité.
([147]) CNPR, réponses au questionnaire de vos rapporteurs.
([148]) CNPTJ, réponses au questionnaire de vos rapporteurs.
([149]) Cour d’appel de Paris, réponses au questionnaire de vos rapporteurs.
([150]) DACG, réponses au questionnaire de vos rapporteurs.
([151]) Rapport de la mission d’urgence sur l’audiencement criminel et correctionnel, précité.
([152]) USM, réponses au questionnaire de vos rapporteurs.
([153]) à l’exception de certains délits, énumérés à l’article 495-7 du code de procédure pénale.
([154]) Les différents exemples de législation de pays européens sont issus du questionnaire adressé par l’Assemblée nationale dans le cadre de la présente mission d’information aux différentes assemblées parlementaires des pays européens dans le cadre du Centre européen de recherche et de documentation parlementaires (CERDP).
([155]) Recommandation n° 3 du rapport de l’IGJ sur l’organisation de la chaîne pénale en matière criminelle, précité.
([156]) Rapport de la mission d’urgence relative à l’audiencement criminel et correctionnel, précité.
([157]) Réponses de la conférence nationale des procureurs de la République au questionnaire des rapporteurs.
([158]) Réponses de la CNPTJ au questionnaire des rapporteurs.
([159]) Réponses de la DACG au questionnaire transmis par les rapporteurs.
([160]) Rapport du comité d’évaluation et de suivi de la cour criminelle départementale, précité.
([161]) Audition d’Éric Dupond-Moretti par vos rapporteurs.
([162]) Réponses de l’Association française des magistrats instructeurs au questionnaire de vos rapporteurs.
([163]) Réponses de l’Union syndicale des magistrats au questionnaire de vos rapporteurs.
([164]) Table ronde des magistrats de la cour d’appel d’Aix-en-Provence par les rapporteurs.
([165]) Réponses de la House of Commons Library aux questions transmises par les rapporteurs.
([166]) Rapport du comité d’évaluation et de suivi de la cour criminelle départementale, précité.
([167]) Rapport de la mission d’urgence sur l’audiencement criminel et correctionnel, précité.
([168]) DACG, réponses au questionnaire de vos rapporteurs.
([169]) Direction des services judiciaires du ministère de la justice, réponses au questionnaire de vos rapporteurs.
([170]) Ministère de la justice, rapport de la mission d’urgence relative à l’audiencement criminel et correctionnel, mars 2025.
([171]) USM, réponses au questionnaire de vos rapporteurs..
([172]) Cour d’appel de Paris, réponses au questionnaire de vos rapporteurs..
([173]) IGJ, L’organisation de la chaîne pénale en matière criminelle, mars 2024.
([174]) CNPTJ, réponses au questionnaire de vos rapporteurs.