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N° 1692

______

 

ASSEMBLÉE   NATIONALE

 

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 9 juillet 2025.

 

RAPPORT  D’INFORMATION

DÉPOSÉ

en application de l’article 145-7, alinéa 3, du Règlement

 

PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES

 

en conclusion des travaux de la

mission d’évaluation de la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées,

 

ET PRÉSENTÉ PAR

 

Mme Christine LE NABOUR et M. Sébastien PEYTAVIE,
rapporteurs

——

 

 

La mission d’évaluation de la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées est composée de : Mme Christine Le Nabour et M. Sébastien Peytavie, rapporteurs ; Mme Anaïs Belouassa‑Cherifi ; M. Théo Bernhardt ; M. Olivier Fayssat ; M. François Gernigon ; Mme Justine Gruet ; Mme Karine Lebon ; M. Arnaud Simion ; M. Nicolas Turquois ; M. Stéphane Viry, membres.

 


SOMMAIRE

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Pages

Synthèse

Liste des recommandations

Introduction

Partie I : Actualiser les dispositions de la loi du 11 février 2005 à l’aune du droit international en matière de droits des personnes handicapées

I. Réviser l’approche française du handicap et garantir la pleine appréhension des handicaps dans toutes leurs spécificités et leur diversité

A. La loi du 11 février 2005 n’a pas été actualisée après la ratification par la France de la Convention internationale des droits des personnes handicapées

1. La loi du 11 février 2005, si elle a constitué une véritable avancée dans l’appréhension des droits des personnes handicapées, repose sur une conception historiquement datée du handicap

2. La France a fait l’objet de plusieurs condamnations sévères de la part des organisations internationales en matière de respect des droits des personnes handicapées

a. La protection internationale et européenne des droits fondamentaux des personnes handicapées

b. Les Nations unies et le Conseil de l’Europe ont sévèrement condamné la France au titre de ses politiques publiques dans le champ du handicap

3. La loi doit se conformer au droit international et refléter l’approche du handicap par les droits humains promue par les Nations unies

B. La diversité de situations que recouvre le handicap est mal appréhendée au détriment des handicaps dits « invisibles »

1. Une perception sociale du handicap encore trop souvent limitée aux déficiences physiques et sensorielles

2. L’insuffisante sensibilisation de la population au handicap

3. L’enjeu majeur de la formation à la diversité des handicaps

4. Les exclus : enjeux autour de la reconnaissance administrative du handicap

C. Une confusion structurelle entre les problématiques du handicap et des personnes âgées en perte d’autonomie

1. Handicap et vieillesse, la construction historique de champs distincts mais entremêlés

2. La convergence des politiques de l’autonomie ne doit pas conduire à la disparition du handicap derrière la perte d’autonomie liée à l’âge

II. Réformer le droit à compensation et les aides sociales au bénéfice des personnes handicapées pour garantir le respect de leurs droits fondamentaux

A. Le droit à compensation, une ambition majeure de la loi de 2005 et des promesses non tenues

1. L’instauration de la prestation de compensation du handicap

a. Les critères d’éligibilité à la prestation de compensation du handicap

b. Les aides financées par la prestation de compensation du handicap

c. La procédure d’instruction et d’attribution de la prestation de compensation du handicap

2. Les promesses associées à la création de la prestation de compensation du handicap n’ont pas été tenues, au détriment de l’autonomie des personnes handicapées

a. Le maintien d’une barrière d’âge en contradiction avec la loi du 11 février 2005

b. L’encadrement du reste à charge pour les personnes handicapées, une mise en application trop tardive et inaboutie

c. Un fonctionnement en silos de la prestation de compensation du handicap contraire à l’esprit d’une compensation intégrale en lien avec le projet de vie de la personne handicapée

B. Remédier aux dysfonctionnements structurels des maisons départementales des personnes handicapées et recentrer leurs missions sur l’accueil et l’accompagnement

1. Les maisons départementales des personnes handicapées, créées par la loi du 11 février 2005, sont aujourd’hui un acteur essentiel et bien identifié dans le paysage du handicap

2. Les maisons départementales des personnes handicapées se heurtent à des dysfonctionnements majeurs

a. L’explosion des délais de traitement des demandes

b. Une évaluation des besoins des personnes handicapées en contradiction avec l’esprit de la loi du 11 février 2005

c. Des disparités territoriales en matière d’attribution des droits, un modèle de gouvernance en question

3. Un modèle à réformer pour garantir l’accès aux droits des personnes handicapées

C. Les aides sociales à destination des personnes handicapées ne permettent pas de remédier à leur précarité structurelle

1. Les personnes handicapées sont structurellement plus pauvres et plus vulnérables que la population générale

2. Malgré les réformes récentes, l’allocation aux adultes handicapés reste insuffisante pour garantir un revenu décent aux personnes bénéficiaires

a. Le montant de l’allocation aux adultes handicapés reste inférieur au seuil de pauvreté

b. Le nombre de bénéficiaires de l’allocation aux adultes handicapés progresse de manière continue depuis 2005 malgré des critères d’éligibilité ne prenant pas en compte toutes les formes de handicap

III. Engager la désinstitutionnalisation des personnes handicapées en promouvant l’autonomie de décision

A. La critique de l’institutionnalisation des personnes handicapées en France par les organisations internationales

1. L’institutionnalisation des personnes handicapées, une pratique historique qui dépasse la seule question des établissements médicosociaux spécialisés

a. L’émergence de la critique des institutions spécialisées

b. L’institutionnalisation ne se résume pas au placement des personnes handicapées dans des établissements médico-sociaux

c. La France pratique encore trop systématiquement et massivement l’institutionnalisation des personnes handicapées

2. Face aux effets néfastes des institutions sur ceux qui y vivent, l’urgence de désinstitutionnaliser le handicap

a. L’exposition des personnes handicapées aux violences et aux maltraitances dans les établissements

b. Un plan de transformation de l’offre médico-sociale actuellement mis en œuvre

c. Les modalités de la désinstitutionnalisation sont sources de nombreuses controverses

B. Désinstitutionnaliser les soins apportés aux personnes handicapées

1. L’accès aux soins des personnes handicapées est plus dégradé encore que pour la population générale

a. À l’instar de la population générale, les personnes handicapées sont confrontées à des difficultés d’accès aux soins

b. Les difficultés d’accès aux soins sont amplifiées pour les personnes handicapées

2. Les personnes handicapées subissent le validisme et l’emprise institutionnelle du milieu médical

a. L’insuffisante formation des professionnels de santé donne lieu à des comportements infantilisants, méprisants ou humiliants

b. Lever le tabou de la vie affective, intime et sexuelle des personnes handicapées et mettre fin aux stérilisations forcées

Partie II : le droit à l’éducation et l’accès à l’emploi, deux piliers de la loi de 2005 encore loin d’être pleinement effectifs

I. La garantie du droit à l’éducation des enfants handicapés nécessite aujourd’hui un changement de paradigme

A. Des progrès indéniables sur le plan quantitatif, qui doivent toutefois être nuancés

1. Le principe de la scolarisation en milieu ordinaire dans la loi du 11 février 2005

a. L’affirmation des grands principes de l’école inclusive

b. Des scolarisations pouvant prendre des formes variées

2. Un apparent succès quantitatif

a. Une progression importante du nombre d’enfants en situation de handicap scolarisés

b. Les orientations en établissements médico-sociaux restent une réalité, avec des conditions de scolarisation encore insatisfaisantes

c. Certains élèves ne sont pas scolarisés, ou seulement à temps partiel, sans qu’il soit possible de chiffrer avec précision ces situations

B. Un échec qualitatif : l’école n’est pas devenue inclusive

1. L’accessibilité et les conditions d’une véritable inclusion restent impensés

a. La prédominance d’une approche compensatoire

b. La persistance de logiques ségrégatives au sein même de l’école

2. Les parcours et des modalités d’orientation opaques et complexes

C. L’école doit s’adapter aux besoins des élèves handicapés, et non l’inverse

1. Un premier pas nécessaire mais insuffisant : donner un véritable statut aux AESH et revaloriser leurs conditions de travail

2. Des liens avec le médico-social à repenser : un mouvement de convergence nécessaire

a. Poursuivre l’implantation du médico-social dans l’école

b. Une planification territoriale de l’offre nécessaire

c. Engager un travail de simplification des dispositifs spécialisés

d. Les pôles d’appui à la scolarité : un travail de convergence entre l’Éducation nationale et le médico-social à approfondir

3. Dépasser l’approche compensatoire pour promouvoir celle de l’accessibilité

a. L’accessibilité du bâti scolaire

b. Le matériel pédagogique

c. Revoir la formation de la communauté éducative

d. Vers des enseignements inclusifs

II. Le droit aux études supérieures reste en partie théorique, malgré les progrès observés depuis 2005

A. Un principe affirmé en 2005 qui s’est accompagné d’une croissance importante du nombre d’étudiants handicapés

1. L’affirmation progressive du droit à l’enseignement supérieur

2. Une responsabilité qui incombe avant tout aux établissements

B. Un nombre limité mais en très nette progression d’Étudiants handicapés

C. Une dynamique à poursuivre pour renforcer l’effectivité du droit à l’enseignement supérieur

1. Un enjeu central d’orientation dès le lycée

2. Renforcer les moyens des missions handicap et l’enveloppe budgétaire dédiée à l’université inclusive

3. Faciliter l’accès aux droits

4. Harmoniser et rendre effectives les aides et aménagements

5. Bâtir une université inclusive

III. L’emploi : des évolutions significatives engagées depuis 2005, mais des discriminations qui restent nombreuses et une réforme du milieu protégé qui reste au milieu du gué

A. Malgré des évolutions significatives depuis 2005, le chemin pour rendre le monde du travail véritablement accessible reste long

1. L’obligation d’emploi des travailleurs handicapés (OETH) a insufflé une dynamique indéniable mais insuffisante

a. Les modifications apportées en 2005

b. Les modifications paramétriques intervenues depuis 2005

c. Un bilan en demi-teinte

d. Des marges d’amélioration pour les fonds pour l’insertion professionnelle

e. Une réflexion nécessaire sur le budget et la gouvernance

f. Supprimer la liste des catégories d’emplois exigeant des conditions d’aptitude particulière

2. Un monde du travail qui reste dans l’ensemble peu accessible et discriminatoire

3. Renforcer l’accessibilité du monde du travail ordinaire

a. Poursuivre la réforme des outils de l’insertion professionnelle et de l’accompagnement des personnes

b. Permettre le cumul entre l’allocation aux adultes handicapés et l’emploi au-delà du temps partiel

c. Sensibiliser et accompagner tous les employeurs

d. Garantir l’accessibilité physique des locaux professionnels

B. Entreprises adaptées et établissements ou services d’aide par le travail

1. Le bilan de la transformation des ateliers protégés en entreprises adaptées

2. De nombreux enjeux autour des établissements et services d’accompagnement par le travail

a. Les dispositions introduites en 2005

b. Des Esat en mutation face à l’évolution du public

c. La transformation du milieu protégé reste largement inachevée

i. Un moratoire décidé en 2013

ii. Le plan de transformation annoncé en 2022

iii. Des difficultés qui demeurent

d. L’avenir des Esat en question

Partie III : Les normes instaurées par la loi du 11 février 2005 en matière d’accessibilité ont connu des retards et des reculs inacceptables

I. Le manque d’accessibilité du cadre bâti

A. Dans la continuité des dispositions de la loi de 1975, la loi du 11 février 2005 a renforcé le principe d’accessibilité universelle

B. L’accès et le maintien dans le logement : un parcours du combattant pour les personnes en situation de handicap, dans un contexte de recul normatif

1. Des reculs législatifs et réglementaires ont freiné la mise en accessibilité des logements

2. Les personnes handicapées font face à de grandes difficultés pour se loger, ce qui contribue au maintien en institution

3. Un parc globalement très loin d’être accessible et des données trop lacunaires

4. Inverser la tendance : des évolutions urgentes pour adapter le parc et garantir le droit au logement des personnes handicapées

a. Rendre obligatoire l’accessibilité de tous les logements neufs et renforcer les contrôles

b. Renforcer la transparence autour de l’offre de logements accessibles

c. Accompagner la rénovation du parc de logements

d. Des actions spécifiques à conduire dans le parc social

e. Un enjeu central de formation

C. Les ambitions en matière de mise en accessibilité des établissements recevant du public ont été amoindries et reportées

1. Une obligation faiblement appliquée

2. Un principe assorti de dérogations nombreuses

3. Une obligation reportée dans le cadre des agendas d’accessibilité programmés

4. Des ERP qui restent en très grande majorité inaccessibles

5. Des mesures fortes nécessaires pour sortir d’une accessibilité de façade

a. Rendre effectives les obligations en rehaussant les contrôles et en améliorant l’accompagnement

b. Limiter strictement les possibilités de dérogations

II. Le manque d’accessibilité de la chaîne de déplacement

A. Les obligations imposées par la loi de 2005 en matière de mise en accessibilité de la voirie et des transports publics ont été progressivement amoindries ou reportées

1. Un objectif de mise en accessibilité de la voirie et des espaces publics peu ambitieux

a. Une double obligation de mise en accessibilité de la voirie en cas de travaux et de programmation pluriannuelle

b. L’absence de contrôles et de données sur les travaux de mise en accessibilité, au détriment de la mobilité des personnes handicapées

2. Une obligation de mise en accessibilité des transports publics dans un délai de dix ans prorogée et amoindrie

a. Le report répété de la mise en accessibilité des transports publics

b. Un niveau insuffisant d’accessibilité des transports

B. Sur la base d’un état des lieux du niveau d’accessibilité de la voirie et des transports, accélérer leur mise en accessibilité et sanctionner l’inertie

1. Réaliser un diagnostic de l’accessibilité de la voirie et des transports publics en renforçant la collecte et l’agrégation de données

2. Garantir la formation des urbanistes et des fonctionnaires territoriaux

3. Sanctionner l’inertie en matière de mise en accessibilité de la voirie et des transports publics

III. L’accessibilité numérique doit devenir un réflexe

A. Dans un contexte de transformation numérique de l’action publique, l’insuffisante conformité des services numériques au cadre légal et réglementaire

1. Face aux difficultés d’accès au numérique de certaines personnes handicapées, de nombreuses solutions techniques existent

2. Un cadre juridique et stratégique renforcé mais une application très inégale en matière d’accessibilité numérique

3. L’accessibilité numérique des sites internet publics et privés reste largement insuffisante

B. Construire une culture de l’accessibilité numérique à travers la formation et l’expertise

1. Des freins persistants à la mise en œuvre : le déficit de compétences, un pilotage encore fragile et des contrôles défaillants

2. Un déficit structurel de formation et d’expertise qui ralentit la mise en œuvre des obligations existantes

3. Une dynamique de formation à renforcer et à stabiliser dans la durée

C. Une accessibilité pensée sans les personnes concernées, fragilisant l’effectivité des droits dans un contexte de numérisation croissante

1. Une culture de la conformité qui ne suffit pas à garantir une réelle accessibilité pour tous les types de handicap

2. Une absence des personnes en situation de handicap dans la conception et l’évaluation des outils numériques publics

Partie IV : Garantir la participation des personnes handicapées à l’élaboration et au pilotage des politiques publiques

I. Redonner voix aux personnes handicapées par la reconnaissance de leur pleine citoyenneté et la révision des modalités de leur représentation

A. Garantir le droit à la citoyenneté des personnes handicapées par la promotion de l’autodétermination et la suppression des dispositifs « incapacitants »

1. Faire évoluer le régime de la protection juridique des majeurs vers des dispositifs de prise de décisions accompagnée

a. Le droit français véhicule une conception datée et contestée de la capacité juridique, contraire à la Convention internationale des droits des personnes handicapées

b. Poursuivre le développement des mécanismes de de prise de décision accompagnée en vue d’une extinction des régimes de tutelle et de curatelle

2. Garantir le droit de voter et d’être élues pour les personnes handicapées

a. Des progrès indéniables, mais encore insuffisants, ont été réalisés en faveur du droit de vote des personnes handicapées

b. Des progrès immenses restent à réaliser pour favoriser l’accès à l’élection des personnes handicapées

B. Réformer les modalités de représentation des personnes handicapées auprès des pouvoirs publics

1. Controverses autour de la notion d’organisations représentant les personnes handicapées

2. Organiser la représentation des personnes handicapées et de leur entourage auprès des pouvoirs publics

a. Réformer l’organisation du CNCPH et des instances consultatives des personnes handicapées

b. Soutenir financièrement les associations représentant des personnes handicapées

C. Renforcer la capacité d’agir collectivement des personnes handicapées

II. Améliorer le pilotage des politiques du handicap en appréhendant le handicap de manière transversale dans toutes les politiques publiques

A. La prise en compte de la transversalité du handicap doit être renforcée au niveau central et déclinée au niveau territorial

1. Au niveau central, le caractère transversal des politiques du handicap n’est pas encore acquis

a. L’interministérialité des politiques du handicap s’incarne au sein du secrétariat général du comité interministériel du handicap

b. Une interministérialité restant à consolider au niveau central

2. Une transversalité restant à appréhender au niveau local

B. Les statistiques publiques doivent être uniformisées et développées pour piloter les politiques du handicap

C. Les moyens alloués aux politiques du handicap doivent être identifiés et audités

Conclusion

Travaux de la commission

Annexe  1 : Synthèse des témoignages publiés sur la plateforme riensansnous.fr

Annexe N°2 : liste des personnes entendues par la mission

Annexe N°3 : Contribution écrite

 

 


   Synthèse

Première partie. Actualiser les dispositions de la loi du 11 février 2005 à l’aune du droit international en matière de droits des personnes handicapées

  1.   Un cadre français non conforme aux droits des personnes handicapées garantis par le droit international

À défaut d’avoir été mises en conformité avec la Convention internationale des droits des personnes handicapées, la loi du 11 février 2005 et les politiques françaises du handicap sont en partie dépassées. Le Comité des droits des personnes handicapées de l’Organisation des Nations unies (ONU) ([1]) et le Comité européen des droits sociaux ([2]) ont dénoncé de graves violations des droits des personnes handicapées, notamment en matière de droit à la vie autonome, d’accessibilité du bâti et d’accessibilité à l’école.

Les rapporteurs appellent à une mise en conformité des dispositions législatives françaises avec l’esprit et le contenu de la CIDPH. Ils préconisent la transposition en droit français de la définition onusienne du handicap, selon laquelle les personnes handicapées sont les « personnes qui présentent des incapacités physiques, mentales, intellectuelles ou sensorielles durables dont l’interaction avec diverses barrières peut faire obstacle à leur pleine et effective participation à la société sur la base de l’égalité avec les autres », afin de mieux prendre en compte le rôle de l’environnement dans la production du handicap. Une revue juridique de toute la législation française relative au handicap doit permettre d’identifier les dispositions non conformes à la CIDPH et ainsi aligner le droit français sur le droit international.

  1.   Réformer le droit à compensation et les aides sociales au bénéfice des personnes handicapées

● Le droit à compensation constituait une avancée majeure de la loi de 2005, concrétisé par la création de la prestation de compensation du handicap (PCH) : sa vocation est de compenser intégralement les conséquences du handicap en lien avec le projet de vie du bénéficiaire. Les promesses associées à la PCH n’ont toutefois pas été tenues. Le maintien de la barrière d’âge à 60 ans, qui devait pourtant être supprimée au plus tard en 2010, génère des inégalités inacceptables et incompréhensibles pour les personnes qui sont exclues du bénéfice de la PCH sur le seul fondement de leur âge. Par ailleurs, le principe d’un reste à charge plafonné à hauteur de 10 % des ressources personnelles de la personne handicapée n’a jamais été mis en œuvre.

Le rapport préconise une refonte totale de la PCH, avec l’abolition de l’approche en silos, trop complexe et déshumanisante. La compensation des conséquences du handicap doit nécessairement reposer sur une approche globale de la vie quotidienne, en lien avec les préférences et les aspirations exprimées par les personnes handicapées, et non sur l’application d’un référentiel d’activités limité et limitant.

● Autre innovation de la loi de 2005, les maisons départementales des personnes handicapées sont devenues des acteurs essentiels et bien identifiés par les usagers, mais elles se caractérisent aujourd’hui par des dysfonctionnements majeurs. Elles se heurtent aux difficultés engendrées par le traitement de masse des dossiers : le nombre de demandes aurait progressé de 80 % entre 2009 et 2019 ; en 2023, les MDPH ont reçu près de 5 millions de demandes d’ouverture de droits et prestations ou d’orientation ([3]), et en ont accordé 3,8 millions ([4]).

Le rapport met en évidence une inadéquation entre les moyens humains et budgétaires des MDPH et leurs volumes d’activité, mais aussi des faiblesses importantes en termes de pilotage et d’efficience. Il en résulte des délais de traitement excessifs, avec de fortes disparités territoriales. Si le délai moyen de traitement est de 4,7 mois en 2023, il dépasse 10 mois dans certains départements. L’évaluation des besoins, pourtant centrale pour l’attribution des aides, reste administrative et médicalisée. La mission d’accompagnement des MDPH est trop théorique. Surtout, on observe des inégalités territoriales préoccupantes en matière d’attribution des droits : une même personne handicapée peut se voir octroyer des aides différentes selon le département dans lequel elle réside, à situation inchangée.

Les rapporteurs appellent à une profonde réforme du fonctionnement des MDPH et identifient deux pistes de travail :

– la première tiendrait au recentrage des missions des MDPH sur l’accueil et l’accompagnement des personnes handicapées. En parallèle, un service public de l’évaluation serait créé au sein de la CNSA afin de garantir l’application uniforme du droit sur l’ensemble du territoire.

– la seconde consisterait à décharger les MDPH de l’évaluation et de l’attribution des droits et prestations les plus simples (CMI, RQTH) afin de redonner aux équipes pluridisciplinaires le temps de procéder à l’évaluation des situations les plus complexes, et notamment de la PCH.

● Les aides sociales à destination des personnes handicapées ne permettent pas de remédier à leur précarité structurelle. Le taux de pauvreté des personnes handicapées s’établit à 26 %, contre 14 % pour la population générale. Le présent rapport appelle à modifier l’AAH, afin de garantir aux personnes concernées un revenu leur permettant de vivre au-dessus du seuil de pauvreté.

  1.   Une réflexion de fond nécessaire sur la désinstitutionnalisation

La loi du 11 février 2005 est relativement silencieuse sur la question de l’institutionnalisation des personnes handicapées. Si elle prévoit le principe de la scolarisation et de l’emploi en milieu ordinaire chaque fois que possible, elle n’interdit pas ni ne décourage le placement des personnes handicapées dans des institutions spécialisées.

Pourtant, ces établissements médico-sociaux, qui reposent sur une logique ségrégative, et dans lesquels les personnes handicapées sont peuvent être exposés à des risques de maltraitance, sont vivement critiqués. L’ONU considère que l’institutionnalisation des personnes handicapées porte atteinte au droit à l’autodétermination (puisqu’il n’existe souvent pas d’alternative) et à l’autonomie de vie, en lien avec la « vie dirigée » imposée aux personnes qui y résident.

Le plan de transformation de l’offre médico-social engagé par le Gouvernement (1,5 milliard d’euros, sur la période 2024‑2030) comprend des avancées en mettant l’accent sur le développement de l’accompagnement à domicile, sans pour autant constituer une réelle stratégie de désinstitutionnalisation.

Les rapporteurs sont conscients des risques engendrés par une désinstitutionnalisation à marche forcée si les solutions alternatives au placement en établissement sont inadaptées ou insuffisantes. Ils préconisent une stratégie de désinstitutionnalisation fondé sur une programmation pluriannuelle élaborée en étroite concertation avec les personnes handicapées et les organisations qui les représentent.

Deuxième partie. Le droit à l’éducation et l’accès à l’emploi, deux piliers de la loi de 2005 encore loin d’être pleinement effectifs

  1.   Garantir le droit à l’éducation des enfants handicapÉs implique aujourd’hui un changement de paradigme

La loi de 2005 a donné une impulsion indéniable à la scolarisation des enfants en situation de handicap et pavé la voie aux grands principes de l’école inclusive. Elle affirme le principe du droit à l’éducation pour les élèves handicapés, priorise la scolarisation en milieu dit ordinaire ([5]), instaure le principe de scolarisation dans l’établissement le plus proche du domicile et renforce les dispositions relatives à la formation des enseignants.

 Un apparent succès quantitatif. En vingt ans, le nombre d’enfants handicapés scolarisés a crû de façon très importante : depuis 2006, il a plus que triplé, pour atteindre, à la rentrée 2023 le chiffre de 468 300, soit 3,9 % du total des élèves. Un quart environ ([6]) sont suivis dans le cadre d’un dispositif Ulis ([7]) ou dans une UEA ([8]).

Ce succès quantitatif ne doit pas masquer certaines réalités. 12,5 % des enfants en situation de handicap demeurent scolarisés dans le secteur médico-social, soit 66 616 élèves, un chiffre stable depuis 20 ans. Si les conditions de scolarisation dans ces établissements se sont améliorées depuis 2005, elles restent très insatisfaisantes. Les unités d’enseignement externalisé se développent, mais pour près d’un tiers des enfants en établissement, les enseignements sont dispensés au sein de l’établissement, sans accès à l’école et 8 % d’en eux ne sont pas du tout scolarisés.

Les associations dénoncent la scolarisation souvent partielle des enfants handicapés, sans que les statistiques publiques, très lacunaires, ne permettent d’en apprécier l’ampleur.

 Un échec qualitatif. La scolarisation des enfants handicapés demeure un parcours semé d’obstacles. Les démarches auprès des MDPH sont longues, opaques et complexes. De nombreux enfants sont exclus, assignés au secteur médico‑social, alors que des solutions alternatives existent. Lorsqu’ils sont accueillis à l’école, des logiques ségrégatives persistent.

Les moyens sont importants – 4,6 milliards d’euros pour l’année 2025 ([9]) – mais mal employés. La réponse apportée se résume trop souvent à la seule intervention des accompagnantes des élèves en situation de handicap (AESH), trop peu nombreuses, mal formées, et précaires. Le présent rapport appelle à revaloriser leur statut, leurs conditions de travail et à renforcer leur formation. Les enseignants sont quant à eux insuffisamment formés et démunis, ce qui peut nourrir un sentiment de défiance de la communauté éducative à l’égard de l’école inclusive dans son principe même.

 L’école doit s’adapter aux besoins des élèves handicapés, et non l’inverse. Il faut d’abord resserrer très considérablement les liens entre l’école et le secteur médico-social. La présence des professionnels du médico-social à l’école est aujourd’hui trop limitée et culturellement peu ancrée. La dynamique d’implantation des structures médico‑sociales à l’école doit se poursuivre. Les conditions doivent être réunies pour garantir la réussite des pôles d’appui à la scolarité (PAS), et notamment leur capacité à garantir la cohérence de la réponse apportée aux besoins de chaque élève. Leur mise en œuvre exige par ailleurs une clarification de l’intervention des différents professionnels et implique des moyens à la hauteur des ambitions fixées.

 Une conception universelle de l’école doit être promue, du bâti scolaire aux contenus pédagogiques. Un travail doit être engagé avec les collectivités sur le chantier de l’accessibilité physique des bâtiments en prenant en compte les différentes formes de handicaps. La formation initiale et continue des enseignants mérite d’être considérablement renforcée : l’accessibilité implique en effet une transformation profonde de la pédagogie et des contenus d’enseignement. Plus encore que l’école inclusive, c’est la notion de classe et d’enseignements inclusifs qui doit s’imposer. Ces évolutions sont aussi indispensables pour lutter contre la ségrégation des personnes handicapées et les stéréotypes validistes, qui émergent dès l’école.

  1.   Le droit aux études supérieures reste en partie théorique, malgré les progrès observés depuis 2005

La loi de 2005 a reconnu le droit d’accès à l’enseignement supérieur pour les personnes handicapées, et confié aux établissements la mise en œuvre de ce principe. À la rentrée 2023, on comptait 64 000 étudiants en situation de handicap (public et privé), dont la grande majorité à l’université. Ils sont ainsi huit fois plus nombreux qu’en 2003 et presque deux fois plus nombreux qu’en 2018 ([10]).

Malgré cette progression significative qu’il faut saluer, le nombre d’étudiants handicapés reste faible en proportion du total des étudiants. L’accès à l’enseignement supérieur reste partiel, et les études demeurent pour beaucoup inatteignables. La mission d’évaluation constate un manque d’accompagnement des établissements par leurs autorités de tutelle pour mettre en œuvre les dispositifs d’accompagnement et d’aménagement.

Le rapport préconise de revoir les conditions d’accompagnement et d’orientation des élèves handicapés dès le cycle secondaire (collège, lycée). Les moyens budgétaires consacrés aux missions ou référents handicaps des universités doivent être rehaussés – rapporté aux nombres d’étudiants handicapés, ce budget a fortement chuté depuis 15 ans, malgré un rattrapage récent. Des pistes d’évolutions sont également dégagées pour améliorer l’évaluation des besoins des étudiants, garantir la portabilité des aménagements obtenus d’un cycle sur l’autre, et assurer l’effectivité des aménagements pédagogiques ou d’examens, sans que la liberté pédagogique des enseignants ou la libre autonomie des établissements ne puissent y faire obstacle. À cet égard, il paraît utile de rendre opposable les plans d’accompagnement des étudiants handicapés (PAEH). Outre l’accessibilité du bâti, une réflexion doit également être menée sur l’accessibilité des cours et de leurs contenus.

  1.   L’emploi : des évolutions significatives engagées depuis 2005, mais des discriminations qui restent nombreuses et une réforme du milieu protégé restée au milieu du gué

Le monde du travail reste divisé pour les personnes handicapées entre le milieu dit ordinaire et le secteur protégé. En 2005, le législateur avait donné la priorité, « chaque fois que possible, au travail en milieu ordinaire ([11]) ». La loi de 2005 a rénové l’obligation d’emploi des personnes handicapées (OETH), désormais étendue à la fonction publique, instauré les principes de non‑discrimination et d’aménagement raisonnable, transformé les ateliers protégés en entreprises adaptées et apporté des modifications significatives au fonctionnement des établissements et services d’aide par le travail (Esat).

● En vingt ans, ces outils ont évolué et la situation a progressé, sans que les objectifs ne soient atteints. Le taux de chômage des personnes handicapées a diminué mais reste deux fois plus élevé que celui de l’ensemble de la population active (12 % contre 7,3 %). Les travailleurs handicapés représentent toujours moins de 6 % du total de la population active occupée, avec des disparités importantes entre le secteur privé (3,6 %) et le secteur public (5,93 %). Le fait d’être handicapé ou malade chronique multiplie par trois le risque d’être victime de discrimination au travail ([12]).

Les aides proposées par l’Agefiph ([13]) et le FIPHFP ([14]) sont utiles mais encore trop complexes à obtenir, en particulier pour les petites structures (TPE, PME, collectivités territoriales de petites tailles, hôpitaux, etc.), qui doivent être davantage accompagnées. Les modalités de financement de l’Agefiph et du FIPHFP devront à terme être révisées en raison de l’effet ciseau qui affecte les recettes et les dépenses des deux fonds.

L’accompagnement des demandeurs d’emploi évolue depuis plusieurs années dans le sens d’un rapprochement avec le droit commun et de la simplification du parcours des usagers. Il s’agit désormais d’aller au bout de la réforme, en s’assurant que les moyens qui y sont dédiés soient suffisants pour garantir la réussite du service public de l’emploi pour tous promu par la loi Plein emploi de 2023. Les outils d’accompagnement personnalisés doivent être développés, à l’image de l’emploi accompagné. Les rapporteurs préconisent également d’autoriser le cumul entre l’AAH et un emploi, au-delà du mi-temps, afin de ne pas désinciter à l’emploi.

● L’avenir des Esat suscite de nombreuses interrogations. Les évolutions récentes traduisent une prise de conscience progressive pour faire évoluer un modèle considéré par l’ONU comme ségrégatif et qui questionne l’égalité des droits des travailleurs d’Esat par rapport aux salariés. En 2013, un moratoire a interdit toute création de places nouvelles sans pour autant améliorer les conditions d’accessibilité du monde du travail ordinaire. Le plan de transformation des Esat et la loi Plein emploi ont permis des avancées concernant la reconnaissance de droits collectifs fondamentaux.

Ces progrès demeurent insuffisants. L’accès au milieu ordinaire reste extrêmement faible : seul 1 % des effectifs des travailleurs d’Esat était concerné en 2023. Les Esat font aujourd’hui face à d’importantes difficultés économiques. Il est nécessaire d’aller beaucoup plus loin dans leur transformation : une réflexion est indispensable sur les revenus des travailleurs en Esat, sur les passerelles vers le milieu ordinaire, avec des objectifs chiffrés de taux de sortie qui pourraient être établis. Les rapporteurs appellent en outre à renforcer les dispositifs d’alerte pour lutter contre les maltraitances et à moderniser les outils de suivi et de contrôle, l’ensemble de ces évolutions devant s’inscrire plus globalement comme autant d’étapes nécessaires vers la désinstitutionnalisation.

Troisième partie. Les normes instaurées par la loi du 11 février 2005 en matière d’accessibilité ont connu des retards et des reculs inacceptables

  1.   L’inaccessibilité du cadre bâti constitue un obstacle persistant à l’autonomie des personnes handicapées

 Les personnes handicapées sont confrontées à « toutes les facettes du mal-logement, en pire ». 56 % d’entre elles rencontrent des difficultés en matière d’accès au logement, contre 28 % pour la population générale ([15]). La pénurie de l’offre de logements accessibles, la vétusté du parc, mais aussi la précarité, les discriminations et le manque d’accompagnement sont en cause.

 Un recul normatif sur la construction neuve. La loi de 2005 imposait l’accessibilité pour l’ensemble des constructions de logements neufs ou faisant l’objet d’une rénovation de grande ampleur. La loi Elan de 2018 a réduit cette obligation à seulement 20 % des logements, les 80 % restants devant être « évolutifs », c’est-à-dire, pouvant être transformés en logement accessible à l’aide de « travaux simples ». En pratique, ces travaux « simples » s’avèrent complexes et onéreux ([16]). Par ailleurs, les nombreuses dérogations réglementaires conjuguées à l’insuffisance des contrôles conduisent à qualifier « d’accessibles » des logements qui ne le sont pas. Les rapporteurs préconisent de revenir sur ce recul en garantissant l’accessibilité de tous les logements neufs ou faisant l’objet de rénovations de très grande ampleur. Il convient aussi de mettre fin aux trop nombreuses dérogations injustifiées, de renforcer les contrôles et de mieux intégrer la question des handicaps psychiques et cognitifs, souvent ignorés ou relégués au second plan.

● Dans un contexte où les constructions neuves représentent environ 1 % du parc, la rénovation de l’existant doit se poursuivre. Ma PrimeAdapt’ doit être renforcée et la formation des professionnels du bâtiment sur les besoins et les usages des personnes handicapées doit être améliorée. Du côté du logement social, les stratégies d’attribution des bailleurs méritent d’être révisées et la question de l’accessibilité devrait être systématiquement intégrée dans le cadre des programmes de rénovation engagés en matière de performance énergétique.

 Concernant les établissements recevant du public (ERP), les ambitions ont été amoindries et reportées. La loi de 2005 prévoyait une obligation d’accessibilité pour tous les ERP dans un délai maximal de dix ans pour les bâtiments existants. L’ordonnance du 26 septembre 2014 ([17]) a repoussé cette échéance via les agendas d’accessibilité programmés (Adap), dont le bilan est mitigé. De nombreux gestionnaires publics et privés restent de facto sous ce régime, car ils ne sont pas parvenus à tenir les délais ([18]). Plus d’un ERP sur deux n’est aujourd’hui engagé dans aucune démarche de mise en accessibilité. A minima, les trois quarts des ERP demeurent inaccessibles aux personnes handicapées. Les difficultés se concentrent sur les ERP de cinquième catégorie (petits commerces, restaurants, bars, petits musées, etc.), dont 90 % ne seraient pas aux normes ([19]).

Les rapporteurs considèrent qu’il est impératif de refonder la stratégie nationale en matière d’accessibilité des ERP, en renforçant le suivi, le contrôle, l’accompagnement et les sanctions. Le principal outil d’accompagnement de la rénovation des ERP, le fonds territorial d’accessibilité ([20]) est à repenser. Alors qu’il est doté de 300 millions d’euros pour la période 2023‑2027, seuls 1,6 million d’euros ont, à ce jour, été engagés ([21]). Les dérogations, trop nombreuses ([22]), et détournées de leur objet, doivent être recentrées autour de l’impossibilité technique. En parallèle, les conditions d’intervention des architectes des bâtiments de France et des conservateurs du patrimoine doivent être révisées.

  1.   Le manque d’accessibilité de la chaîne de déplacement

L’article 45 de la loi du 11 février 2005 a prévu une obligation de mise en accessibilité de la « chaîne de déplacement », qui comprend la voierie et les transports publics. Toutefois, les exigences relatives à la voierie ont été considérablement amoindries par voie réglementaire – mise en accessibilité obligatoire uniquement en cas de voies nouvelles ou de travaux. En matière de transports publics, la loi imposait leur mise en accessibilité dans un délai de dix ans, à l’exception des réseaux de métros préexistants. La portée de l’obligation a été restreinte en 2014 aux seuls arrêts prioritaires, soit moins de 40 % des arrêts, et l’échéance du délai a été reportée dans le cadre des schémas directeurs d’accessibilité programmée (Sdap). Malgré quelques avancées significatives et exceptions notables, le réseau de transports publics français demeure largement inaccessible, et les services de substitution sont inefficients.

Le rapport préconise un renforcement des obligations pesant sur les communes et autorités organisatrices, à travers une obligation de moyens, des sanctions renforcées, et un devoir de transparence.

  1.   L’accessibilité numérique doit devenir un réflexe

L’article 47 de la loi de 2005 prévoyait l’accessibilité des services publics numériques aux personnes handicapées. Le droit européen a étendu cette obligation aux services et produits du secteur privé. En octobre 2024 et malgré des progrès et la mobilisation de la Dinum, seules 3 % des démarches essentielles de l’État étaient entièrement conformes aux normes en vigueur. Il convient aujourd’hui d’engager une stratégie pour répondre au déficit de pilotage, de formation et d’expertise et associer de manière systématique les personnes handicapées à la conception et l’évaluation des démarches en cours.

Quatrième partie. Garantir la participation des personnes handicapées à l’élaboration et au pilotage des politiques publiques

● La loi de 2005 n’a pas pleinement favorisé l’accès à la citoyenneté et à la parole publique des personnes handicapées, qui demeurent trop limité.

 Le régime français de protection juridique des majeurs (tutelles et curatelles) est fortement remis en cause par l’ONU, et les rapporteurs appellent à remplacer les dispositifs de prise de décisions substitutive par des dispositifs de prise de décisions accompagnée.

Concernant le droit de vote des personnes handicapées, des évolutions majeures ont eu lieu depuis 2005, avec la suppression en 2019 de la possibilité pour le juge de retirer le droit de vote aux personnes placées sous tutelle. Les conditions matérielles du vote se sont améliorées mais restent imparfaites et l’accessibilité des campagnes électorales demeure insuffisante. L’accès aux fonctions électives constitue un impensé. Le rapport propose de garantir le plein bénéfice de la PCH dans toutes ses dimensions aux personnes handicapées candidates à une élection ou exerçant une fonction élective.

L’enjeu de la représentation des personnes handicapées auprès des pouvoirs publics est majeur pour garantir que ce sont bien leurs voix qui sont entendues, et non celles des personnes qui les entourent ou qui sont en charge de leur accueil. Le présent rapport appelle à une réforme de la composition du CNCPH, en excluant du collège des représentants des personnes handicapées toute association qui assure la gestion ne serait-ce que d’un établissement médico-social. Les rapporteurs proposent en outre de renforcer le soutien financier aux associations non gestionnaires.

● Le pilotage des politiques du handicap demeure insuffisamment transversal. La question du handicap est encore trop souvent abordée sous l’angle médico-social. Au niveau national, l’interministérialité a indéniablement progressé et s’incarne aujourd’hui au sein du secrétariat général du Comité interministériel du handicap (SGCIH). Le rapport appelle à aller au bout de cette logique en positionnant de manière durable le ministère chargé de la politique en faveur des personnes handicapées directement auprès du premier ministre. Au niveau local, les sous-préfets « handicaps » jouent un rôle encore trop balbutiant qu’il convient de renforcer.

Enfin, les rapporteurs préconisent la réalisation d’un audit des moyens alloués aux politiques du handicap, afin notamment d’évaluer les moyens engagés au titre de la compensation et de l’accessibilité. Ils rappellent que plus la société, dans toutes ses dimensions, sera accessible, moins les personnes handicapées auront besoin d’une compensation individuelle.


   Liste des recommandations

Recommandation n° 1 : Examiner l’ensemble de la législation française relative au handicap afin d’identifier les dispositions non conformes à la Convention relative aux droits des personnes handicapées et de procéder aux modifications législatives nécessaires à l’alignement du droit français sur le droit international.

Recommandation n° 2 : Transposer, en droit français, la définition du handicap inscrite dans la Convention internationale relative aux droits des personnes handicapées.

Recommandation n° 3 : Transcrire en droit français le droit à l’autodétermination et à la vie autonome consacré à l’article 19 de la Convention internationale des droits des personnes handicapées.

Recommandation n° 4 : Intégrer pleinement en droit français les concepts d’aménagement raisonnable et de conception universelle.

Recommandation n° 5 : Engager une campagne nationale de sensibilisation sur le handicap, articulée autour de deux axes principaux :

– le rôle de l’environnement dans la production du handicap ;

– la lutte contre les stéréotypes et les préjugés dont font l’objet les personnes handicapées.

Recommandation n° 6 : Instaurer un module de formation obligatoire à l’accueil et à l’accompagnement des personnes handicapées, recouvrant toutes les formes de handicap, pour les personnes exerçant des métiers en lien avec le public.Recommandation n° 7 : Harmoniser les dispositifs d’aide et d’accompagnement des personnes handicapées et des personnes âgées en perte d’autonomie lorsqu’ils répondent à des problématiques identiques (développement du secteur du domicile, soutien aux proches aidants) afin d’éviter les ruptures de parcours, sans faire disparaître les solutions adaptées à un public donné lorsqu’elles sont justifiées par des besoins spécifiques (notamment en ne faisant pas des Ehpad le lieu d’accueil privilégié des personnes handicapées vieillissantes sans une réflexion sur le projet d’accueil qui y est développé, et sans un ajustement de leurs modalités de financement).

Recommandation n° 8 : Supprimer la limite d’âge de 60 ans qui conditionne l’accès à la prestation de compensation du handicap.

Recommandation n° 9 : Appliquer enfin l’article L. 1465 du code de l’action sociale et des familles, qui prévoit un reste à charge minimal à hauteur de 10 % des ressources personnelles des bénéficiaires de la prestation de compensation du handicap, en confiant à la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie ou à l’État le rôle de financeur de dernier ressort de ces frais de compensation.

Recommandation n° 10 : Refondre la prestation de compensation du handicap en une prestation unique visant à répondre, par tous moyens, aux besoins, envies et aspirations exprimées par chaque personne handicapée dans le cadre d’un projet de vie global.

Recommandation n° 11 : Repenser les missions des maisons départementales en lien avec la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie pour améliorer l’accueil et l’accompagnement des usagers et remédier aux disparités territoriales.

Option n° 1 : Créer un service public de l’évaluation, géré par la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie au niveau national et relayé par des antennes locales, afin de garantir une application équitable sur l’ensemble du territoire des dispositions législatives et réglementaires relatives aux différents droits et prestations liés au handicap, ainsi que des référentiels d’évaluation des besoins. Recentrer les missions des maisons départementales sur l’accueil et l’accompagnement des usagers, en amont et en aval de la constitution du dossier d’attribution de droits et prestations et de la notification des droits.

Option n° 2 : Décharger les maisons départementales de l’évaluation et de l’attribution des droits et prestations les plus simples pour redonner le temps aux équipes pluridisciplinaires de procéder à l’évaluation des situations complexes et renforcer le pilotage du réseau par la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, afin de réduire les disparités territoriales, tout en renforçant la place des usagers au sein des commissions des droits et de l’autonomie.

Recommandation  12 : Revaloriser l’allocation aux adultes handicapés au moins au niveau du seuil de pauvreté et aligner son montant à Mayotte sur le montant de droit commun.

Recommandation n° 13 : Objectiver le phénomène des maltraitances subies par les personnes handicapées à domicile ou en établissements par le recueil et l’agrégation de données relatives aux signalements, mais aussi par l’intermédiaire d’enquêtes qualitatives.

Recommandation n° 14 : Engager sans délai la désinstitutionnalisation des personnes handicapées par l’élaboration, en concertation étroite avec les personnes handicapées et les organisations qui les représentent, d’une stratégie pluriannuelle assortie d’un plan d’action détaillé opposable à l’État et invocable devant les juridictions de droit commun. Ce plan d’action implique notamment :

– un audit des besoins des personnes handicapées et des solutions disponibles sur l’ensemble du territoire avant un moratoire sur les placements en établissements médico-sociaux ;

– l’accès des personnes handicapées à la gouvernance des établissements dans lesquels elles résident, en leur accordant un pouvoir de décision qui ne se résume pas à une meilleure consultation ;

– le développement de logements accessibles et abordables pour les personnes handicapées, dont le bénéfice n’est pas conditionné au recours aux services d’aide et d’accompagnement d’un prestataire donné, mais laisse au contraire une large liberté de choix des assistants personnels et de leurs modalités d’intervention ;

– la reconnaissance de la capacité juridique de toutes les personnes handicapées, indépendamment du type ou de la gravité du handicap dont elles sont porteuses.

Recommandation n° 15 : Étendre aux personnes handicapées le dispositif des consultations longues, créé pour la prise en charge de situations complexes et nécessitant du temps chez les patients âgés de plus de 80 ans.

Recommandation n° 16 : Encourager le développement de la pair-aidance et de la pair‑émulation en reconnaissant un statut professionnel aux pairs-aidants et pairs-émulateurs, et en veillant à la formation et à la sensibilisation des équipes soignantes à l’accompagnement des personnes handicapées ainsi qu’à la valorisation des savoirs expérientiels.

Recommandation n° 17 : Former les référents handicap à l’hôpital et sacraliser une partie de leur temps de travail pour garantir le bon exercice de leurs missions.

Recommandation n° 18 : Renforcer les moyens alloués aux centres ressources Intimagir afin de développer l’information des personnes handicapées sur la vie affective, intime et sexuelle. Favoriser leur intervention dans les établissements médico-sociaux.

Recommandation n° 19 : Interdire de manière absolue la stérilisation des personnes handicapées à la demande d’un tiers et s’assurer de leur information et de leur consentement lorsqu’elles reçoivent des traitements contraceptifs.

Recommandation  20 : Mettre en place un suivi statistique exhaustif de la scolarité de l’ensemble des enfants handicapés, quels que soient leur lieu de vie, leur mode d’accompagnement et les modalités de scolarisation mises en œuvre.

Recommandation  21 : Donner aux accompagnants des élèves en situation de handicap (AESH) le statut de fonctionnaire, poursuivre l’amélioration de leur niveau de rémunération et de leurs conditions de travail.

Rendre obligatoire la formation des AESH dans un délai de deux mois maximum suivant leur entrée en fonction.

Créer des brigades de remplacement des AESH pour ne laisser aucun élève sans solution.

Recommandation n° 22 : Planifier l’intégration de l’ensemble des structures médico-sociales accueillant des enfants dans les écoles.

Recommandation n° 23 : Garantir une planification territoriale permettant à chaque élève d’accéder, à une distance raisonnable de son domicile, à un établissement scolaire proposant des plateaux techniques adaptés aux handicaps ou pathologies les plus complexes.

Recommandation n° 24 : Poser les conditions nécessaires pour que les projets d’appui à la scolarité (PAS) se déploient avec succès :

– veiller aux moyens budgétaires et humains accordés aux pôles d’appui à la scolarité ;

– veiller à la cohérence des réponses apportées en fonction des besoins de l’élève ;

– clarifier et revoir l’articulation des différents professionnels médico-sociaux et de l’Éducation nationale susceptibles d’intervenir en soutien de l’élève handicapé.

Recommandation n° 25 : Garantir l’accessibilité universelle du bâti scolaire à travers une planification des travaux à mener. Veiller à ce que soient prises en compte l’ensemble des formes de handicap dans la conception des aménagements.

Recommandation n° 26 : Faciliter l’accès aux matériels pédagogiques adaptés sans passage obligé par les MDPH, accroître les crédits prévus en la matière et former les professeurs et les AESH à leur usage.

Recommandation n° 27 : Renforcer la formation initiale et continue des enseignants et de l’ensemble de la communauté éducative :

– revoir le contenu de la formation initiale des enseignants pour que le handicap puisse être pris en compte dans la question de la transmission des savoirs propres à chaque discipline, dans le cadre d’une conception universelle des apprentissages ;

– rendre obligatoire des modules de formation aux questions du handicap dans le cadre de la formation continue ;

– développer les formations croisées entre les professionnels de l’Éducation nationale et les acteurs du médico-social.

Recommandation n° 28 : Renforcer l’accompagnement à l’orientation des élèves en situation de handicap dès le collège, notamment par la mise en place de tutorats, d’interventions régulières de référents handicap dans les établissements du secondaire, et par une prise en compte généralisée de cette problématique dans les dispositifs d’aide à la réussite, tels que les cordées de la réussite.

Recommandation n° 29 : Revaloriser les crédits de l’État versés aux établissements d’enseignement supérieur pour financer les dispositifs d’accompagnement à la scolarité des étudiants en situation de handicap.

Établir un bilan de l’appel à manifestation d’intérêt « universités inclusives démonstratrices » afin d’évaluer les mesures qui pourraient être généralisées à d’autres établissements.

Recommandation n° 30 : Simplifier les démarches des étudiants handicapés et leur accès aux droits en matière d’aménagements en instaurant une règle du « dites-le nous une fois ».

Recommandation n° 31 : Rendre opposable le plan d’accompagnement de l’étudiant handicapé (PAEH).

Recommandation n° 32 : Garantir l’accès effectif sur les lieux d’études aux aides humaines extérieures à l’établissement, lorsque les besoins de l’étudiant le nécessitent.

Recommandation n° 33 : Assurer l’accessibilité des contenus pédagogiques diffusés à l’université. Former et sensibiliser le personnel enseignant à la question de l’adaptation pédagogique et de l’accessibilité universelle.

Recommandation n° 34 : Renforcer la cohérence et l’efficacité des aides proposées par l’Agefiph et le FIPHFP :

– communiquer auprès des petites structures, publiques et privées, sur l’existence respective de l’Agefiph et du FIPHFP et simplifier les démarches ;

– réduire les délais de traitement des demandes ;

– rénover l’offre d’aides proposées : simplifier et renforcer la cohérence des aides pouvant être obtenues ;

– réformer l’aide à l’emploi des travailleurs handicapés (AETH) pour la simplifier et accroître son utilisation.

Recommandation n° 35 : Supprimer la liste des catégories d’emploi exigeant des conditions d’aptitude particulières (Ecap).

Recommandation n° 36 : Garantir la préservation des moyens alloués aux teams handicap de France Travail. Allouer les moyens nécessaires à France Travail dans le cadre de la réforme de l’orientation des demandeurs d’emploi en situation de handicap.

Recommandation n° 37 : Consolider et développer les dispositifs d’accompagnement vers et dans l’emploi. Développer l’emploi accompagné et confier son pilotage aux acteurs de l’emploi.

Recommandation  38 : Permettre le cumul entre l’allocation aux adultes handicapés (AAH) et les revenus d’activité issus du travail en milieu ordinaire au-delà du mi‑temps.

Recommandation n° 39 : Renforcer la professionnalisation des référents handicap dans les entreprises et dans la fonction publique. Sensibiliser l’ensemble des professionnels, mettre en place des formations obligatoires pour les fonctions ressources humaines.

Recommandation n° 40 : Garantir l’accessibilité physique des lieux de travail. Publier sans délai l’arrêté relatif à l’accessibilité des locaux professionnels existants devant être pris en application de l’article R. 4214-28 du code du travail.

Recommandation n° 41 : Renforcer les dispositifs d’alerte pour lutter contre les maltraitances en Esat.

Recommandation n° 42 : Moderniser les outils de suivi et de contrôle des Esat :

– réformer les critères d’évaluation des Esat par les ARS en intégrant de nouveaux indicateurs, axés sur l’autonomie et la progression des travailleurs ;

– déployer le plan de contrôle des Esat pour vérifier la qualité de l’accompagnement médico‑social ainsi que les efforts fournis par l’Esat en matière de formation professionnelle et de passerelle vers le milieu ordinaire.

Recommandation  43 : Rehausser les revenus des travailleurs en Esat. Dans cet objectif, soutenir les moyens financiers des Esat, notamment en renforçant le Fatesat et en développant le levier de la commande publique.

Recommandation n° 44 : Renforcer les accompagnements pour permettre les transitions vers le milieu ordinaire

– développer l’emploi accompagné à destination des publics en Esat ;

– mettre en place un simulateur de ressources permettant aux travailleurs en Esat de connaître l’évolution de leurs ressources en cas de cumul d’activité avec un temps partiel en milieu ordinaire.

Recommandation n° 45 : Rendre obligatoire l’accessibilité de l’ensemble des logements neufs ou faisant l’objet de travaux de grande ampleur :

 rendre obligatoires les ascenseurs dans l’ensemble des constructions neuves dès le premier étage ;

 établir une revue du cadre réglementaire en matière d’accessibilité des logements afin d’identifier et les dérogations excessives et d’y mettre fin ;

 veiller à ce que les différentes formes de handicap soient prises en compte dans les normes d’accessibilité ;

 élaborer une doctrine d’interprétation des règles d’accessibilité afin de garantir leur application uniforme sur tout le territoire ;

 informer et sensibiliser systématiquement les propriétaires construisant ou améliorant un logement pour leur propre usage, quant aux enjeux de l’accessibilité.

Recommandation n° 46 : Bâtir une politique de contrôles des normes d’accessibilité en y accordant les moyens adéquats :

– publier les textes réglementaires nécessaires à l’effectivité des sanctions administratives prévues par la loi ;

– renforcer les moyens des services préfectoraux en charge du contrôle du respect des normes d’accessibilité.

Recommandation n° 47 : Améliorer la connaissance de l’accessibilité du parc privé et social :

– veiller à ce que les bailleurs sociaux se dotent de systèmes d’information performants pour répertorier l’offre de logements accessibles aux personnes handicapées ;

– rendre obligatoire la publicité des informations sur l’accessibilité des logements proposés à la vente ou à la location.

Recommandation n° 48 : Améliorer le fonctionnement de MaPrimeAdapt’ :

– réduire la complexité administrative de l’accès à cette aide et envisager des mécanismes pour limiter l’avance de frais pour les ménages les plus modestes ;

– mettre en place des dispositifs anti-fraude efficaces et s’assurer de la qualification des professionnels en charge de la réalisation des travaux ;

– réduire le reste à charge pour les ménages les plus modestes, ouvrir le dispositif aux ménages dont les revenus sont intermédiaires et rehausser le plafond des dépenses éligibles à hauteur de 30 000 euros ;

– rendre le dispositif effectif dans les territoires ultramarins.

Recommandation n° 49 : Développer des stratégies permettant la réattribution systématique des logements sociaux adaptés aux bénéficiaires présentant des besoins d’accessibilité.

Recommandation n° 50 : Mieux répondre aux demandes d’adaptation de logements formulées par les locataires du parc social :

– renforcer l’information des locataires sur la possibilité de solliciter des travaux d’aménagement ;

– réduire les délais de traitement de demande, en fixant une durée maximale ;

– améliorer la qualité des adaptations, en encourageant les bailleurs à faire appel à des ergothérapeutes de manière plus systématique ;

– sécuriser les financements alloués à ces opérations ;

– renforcer la formation des acteurs du logement social aux enjeux de l’accessibilité.

Recommandation n° 51 : Élaborer une trajectoire de rénovation du parc social pour répondre aux enjeux de l’accessibilité :

– intégrer la question de l’accessibilité dans le cadre des programmes de rénovation engagés pour répondre aux nouvelles règles en matière de performance énergétique ;

– faciliter le financement de ces travaux en garantissant la possibilité de recourir au dégrèvement de la taxe foncière et en faisant mieux connaître les autres aides existantes.

Recommandation n° 52 : Renforcer la formation initiale et continue des professionnels du logement (architectes, BTP) en matière d’accessibilité :

– réaliser un état des lieux des maquettes pédagogiques et des modules d’enseignements existants et réviser les contenus afin que ceux-ci intègrent plus largement les enjeux d’accessibilité universelle tout au long des formations ;

– développer la formation continue en s’appuyant sur les initiatives du secteur et en s’assurant que leur contenu répond bien aux enjeux de l’accessibilité universelle.

Recommandation n° 53 : Élaborer une stratégie nationale pour l’accessibilité des ERP :

– recenser les ERP non conformes, leur rappeler leurs obligations et les outils d’accompagnement existants ;

– amplifier les dispositifs d’accompagnement, en renforçant la communication autour du fonds territorial d’accessibilité et en envisageant de réduire le reste à charge pour les ERP en difficultés financières ;

– assurer un suivi spécifique des ERP encore sous agenda d’accessibilité programmé ;

– renforcer les contrôles et les sanctions.

Recommandation n° 54 : Réformer le régime dérogatoire de la mise en accessibilité des ERP en le limitant à la stricte impossibilité technique.

Recommandation n° 55 : Procéder à la mise en accessibilité des rames de train lors de leur maintenance et garantir la présence d’au moins une rame accessible aux PMR dans chaque train et pour toutes les lignes.

Recommandation n° 56 : Contraindre les communes à élaborer les plans d’accessibilité et de la voirie des espaces publics (PAVE) sur la base d’un diagnostic intégrant a minima les principaux axes de circulation de chaque bassin de vie.

Recommandation n° 57 : Confier au Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (Cerema) la mission de produire un état des lieux régulier du niveau d’accessibilité de la voirie sur l’ensemble du territoire.

Recommandation n° 58 : Installer les commissions communales ou intercommunales pour l’accessibilité sur tout le territoire et les associer de manière systématique et précoce à tout projet d’aménagement de la voirie et des espaces publics afin de garantir la prise en compte des enjeux d’accessibilité le plus en amont possible.

Recommandation n° 59 : Intégrer des enseignements obligatoires relatifs à l’accessibilité dans la formation initiale et continue des urbanistes et des fonctionnaires territoriaux.

Recommandation n° 60 : Sensibiliser les responsables de travaux publics aux dangers que peuvent représenter les chantiers de travaux publics pour les personnes handicapées et organiser, de manière systématique, le cheminement accessible des piétons autour des zones de travaux.

Recommandation n° 61 : Associer à l’obligation de mise aux normes d’accessibilité (obligation de résultat) une obligation de moyen contraignant les acteurs en charge de la voirie ou des transports à justifier avoir engagé toutes les mesures nécessaires à l’atteinte de l’objectif d’accessibilité dans les délais fixés.

Lorsqu’aucune démarche sérieuse et volontaire n’a été initiée ou poursuivie, permettre à tout usager de saisir les juridictions pour faire appliquer les sanctions financières prévues par la loi.

Recommandation n° 62 : Renforcer les ressources humaines et financières de la direction interministérielle du numérique afin de lui permettre d’accompagner plus étroitement les administrations dans la mise en accessibilité des services numériques.

Recommandation n° 63 : Garantir l’effectivité des sanctions en cas de non-conformité et renforcer les contrôles de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique en y allouant les moyens nécessaires.

Recommandation n° 64 : Engager un vaste plan de formation des agents publics à l’accessibilité numérique au sein de tous les ministères.

Recommandation n° 65 : Associer les représentants des personnes handicapées dès la conception des services numériques et rendre systématiques les tests utilisateurs.

Recommandation n° 66 : Poursuivre le mouvement engagé depuis 2007 pour limiter le recours aux mesures judiciaires de protection juridique au profit de dispositifs d’aide à la décision et d’accompagnement qui ne portent pas atteinte à la capacité juridique.

Recommandation n° 67 : Accélérer le développement des outils d’aide à la communication et à la décision et la promotion de la pair-aidance et de la pair-émulation, en lien avec la formation des professionnels qui les accompagnent et de leur entourage afin de déconstruire la présomption d’incapacité qui pèse sur les personnes handicapées.

Recommandation n° 68 : Ajouter aux missions des sous-préfets handicap et inclusion l’accompagnement des candidats aux élections locales en matière d’accessibilité, en diffusant notamment les bonnes pratiques à mettre en œuvre dans le cadre des campagnes électorales.

Recommandation n° 69 : Garantir l’exercice du droit de vote des personnes handicapées résidant en établissements médico-sociaux.

Recommandation n° 70 : Réviser les dispositions du code électoral qui interdisent de manière absolue l’accès des personnes placées sous tutelle ou sous curatelle à des fonctions électives.

Recommandation n° 71 : Élargir les critères d’attribution de la PCH pour que les personnes handicapées candidates à une élection ou exerçant une fonction élective bénéficie pleinement du droit à compensation.

Recommandation n° 72 : Clarifier les règles de cumul de l’AAH avec l’indemnité de fonction des élus locaux.

Recommandation n° 73 : Définir dans la loi et au niveau réglementaire la notion d’organisation représentant les personnes handicapées en excluant toute association ou organisation assurant la gestion ne serait-ce que d’un établissement ou service médico-social.

Recommandation  74 : Soutenir financièrement les associations représentant les personnes handicapées par l’intermédiaire de la branche autonomie.

Recommandation n° 75 : Simplifier l’accès à l’action de groupe pour les associations œuvrant dans le champ du handicap et garantir l’effet utile de la procédure en matière de lutte contre les discriminations et d’effectivité des droits par des sanctions financières punitives.

Recommandation n° 76 : Rattacher le ministère en charge des personnes handicapées au Premier ministre, et non au ministère de la santé et des affaires sociales.

Recommandation n° 77 : Garantir la consultation systématique du CNCPH et des associations représentatives des personnes handicapées sur tous les sujets et tous les projets de textes réglementaires et législatifs, même lorsqu’ils ne présentent qu’un lien indirect avec la thématique du handicap.

Recommandation n° 78 : Intégrer un volet relatif au handicap au sein de toutes les études d’impact annexées aux projets de loi déposés devant le Parlement.

Recommandation n° 79 : Assurer la formation des sous-préfets handicap et inclusion aux problématiques du handicap, selon l’approche par les droits humains promue par l’ONU.

Recommandation n° 80 : Associer plus étroitement les CDCPH à la mise en œuvre des politiques publiques au sein des préfectures, en organisant leur consultation systématique sur tous les sujets qui intéressent les personnes handicapées.

Recommandation n° 81 : Garantir la formation des fonctionnaires de l’administration déconcentrée de l’État et de l’administration territoriale aux problématiques du handicap, et notamment de l’accessibilité, pour que celles-ci deviennent un réflexe.

Recommandation n° 82 : Construire un dispositif unifié de statistiques publiques sur le handicap en :

– harmonisant la notion de handicap prise en compte dans les différentes sources statistiques et collectes de données, en lien avec la révision de la définition du handicap au sein du code de l’action sociale et des familles ;

– garantissant l’homogénéité des données recueillies, notamment en termes de périodicité des différentes études et statistiques, de sorte que l’on puisse comparer les données et identifier des tendances de moyen et long termes ;

– recueillant des données fiables et actualisées de manière régulière et a minima ventilées par sexe, tranche d’âge et typologie de handicap, dans une approche inter-sectionnelle et couvrant l’ensemble des politiques du handicap.

Recommandation n° 83 : Instaurer un réflexe « handicap » au sein de chaque direction statistique ministérielle afin d’améliorer la connaissance de l’effet des politiques publiques sur le quotidien des personnes handicapées.

Recommandation n° 84 : Créer un observatoire des besoins et des solutions en matière de handicap rattaché au secrétariat général du CIH et chargé de collecter, d’agréger et de consolider l’ensemble des statistiques disponibles relatives aux personnes handicapées et à l’effet des politiques publiques sur leur situation, dans une démarche interministérielle.

Recommandation n° 85 : Estimer le montant des dépenses consacrées à la mise en accessibilité des espaces publics et privés afin de pouvoir évaluer leur effet sur les dépenses de compensation et d’aide sociale.

Recommandation n° 86 : Procéder à un audit complet des moyens alloués aux politiques du handicap dans toute leur transversalité afin notamment d’identifier les coûts cachés de l’institutionnalisation des personnes handicapées et de l’inaccessibilité de la société.

 


   Introduction

La loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées a célébré, en février 2025, son vingtième anniversaire. Dans un contexte où le handicap était érigé comme en grande cause nationale du quinquennat du Président de la République Jacques Chirac (2002-2007), cette loi est le fruit d’un consensus politique et d’un large travail de concertation avec la société civile. Elle a suscité de nombreux espoirs dans le monde associatif et chez les personnes handicapées, et portait la promesse d’un changement profond, reposant sur deux principes clés : le droit à la compensation individualisée et l’accessibilité universelle de la société tout entière.

Complétée par d’autres évolutions législatives depuis, la loi de 2005 demeure structurante. Ce fut la première grande loi, et à ce jour la dernière, visant à appréhender le handicap dans toute sa transversalité et à promouvoir une logique d’inclusion des personnes handicapées à la place de la logique d’assistance qui avait prédominé jusqu’alors. Constituée de 101 articles répartis en huit titres, elle comporte de très nombreuses mesures, de la définition du handicap au champ des prestations et aides sociales, en passant par la mise en place des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH), le droit à la citoyenneté et des mesures sectorielles sur l’école, l’emploi, l’accessibilité du cadre de vie.

Vingt ans après sa promulgation, il était primordial que la Représentation nationale en dresse un bilan exhaustif et exigeant.

Les travaux de la mission d’évaluation se sont appuyés sur trois outils principaux :

– les auditions de plus de soixante-quinze personnalités qualifiées et organismes compétents, afin de recueillir les avis et analyses des acteurs associatifs, des administrations en charge des politiques du handicap, des collectivités territoriales, et notamment des collectivités ultramarines, des universitaires, des représentants des instances internationales et européennes, des acteurs du bâtiment, des écoles d’architectures, des opérateurs des réseaux de transport, etc. ;

– les rapporteurs se sont également déplacés à deux reprises, en Côte‑d’Or, l’un des départements préfigurateurs du pôle d’appui à la scolarité, nouvel outil de l’école inclusive, et dans la métropole de Lyon, où l’exercice conjoint des compétences intercommunales et départementales semble faciliter l’accès aux droits et la mise en accessibilité des espaces et des transports publics ;

– les rapporteurs ont ouvert une consultation en ligne intitulée « Rien Sans Nous », ouverte à tous, permettant de recueillir au total plusieurs centaines de témoignages de personnes handicapées ou de leurs proches. Ces derniers irriguent chaque partie du rapport et en constituent le fil rouge : donner la parole aux premiers concernés.

Aux termes de ces travaux, le constat est sans appel. Si des avancées réelles sont intervenues depuis 2005, et bien que la loi ait indéniablement inscrit la question du handicap à l’agenda public dans la durée, le bilan est néanmoins celui d’une promesse non tenue et d’une ambition contrariée. Le droit à compensation est loin d’être pleinement opérationnel et comporte de nombreuses failles. Plus encore, l’accessibilité en est aujourd’hui encore à ses balbutiements, qu’il s’agisse du cadre bâti, des transports, mais aussi de l’école et du monde du travail. Trop de personnes handicapées sont encore mises à l’écart de la vie sociale, associative, culturelle, sportive, et économique du pays et sont victimes de discriminations quotidiennes. Le validisme ([23]) continue d’imprégner notre société. Le droit à la vie autonome, garanti par le droit international, n’est pas effectif en France. La persistance d’institutions considérées par l’ONU comme ségrégatives doit conduire à une remise en cause profonde de notre modèle.

Les travaux de la mission d’évaluation se sont articulés autour de quatre grands axes de travail, repris dans les quatre parties du rapport :

– la première partie analyse la conformité du droit français aux grands principes du droit international, et notamment de la Convention internationale relative aux droits des personnes handicapées. Elle évalue également les dispositions relatives aux prestations créées au bénéfice des personnes handicapées, aux dispositifs d’accès aux droits, et à l’offre médico-sociale disponible. Elle montre qu’à défaut d’avoir été mises en conformité avec la Convention internationale des droits des personnes handicapées, les dispositions de la loi du 11 février 2005 sont en partie dépassées et doivent être actualisées ;

– la deuxième partie examine la mise en œuvre du droit à l’éducation et de l’accès à l’emploi, deux axes majeurs de la loi de 2005. Si le nombre d’enfants scolarisés a très considérablement augmenté en vingt ans, l’école inclusive demeure un idéal encore très loin d’être atteint. Du côté de l’emploi, malgré des progrès, le monde du travail ordinaire reste largement inaccessible et le milieu protégé soulève de nombreuses questions éthiques et juridiques ;

– la troisième partie se consacre aux dispositions relatives à l’accessibilité du cadre de vie (logements, établissements recevant du public, voirie, transports, numérique, etc.), domaine dans lequel le cadre normatif a connu des reculs inacceptables ;

– la quatrième partie dresse enfin un état des lieux de l’accès à la citoyenneté et de la gouvernance et du financement des politiques du handicap, où les marges d’amélioration restent nombreuses.

Au total, le rapport formule 86 recommandations, pour donner un nouveau souffle aux politiques de handicap, actualiser les objectifs de la loi de 2005 et avancer vers une société véritablement inclusive qui n’accepte plus ni les logiques ségrégatives, ni les discriminations, ni les maltraitances. Certaines des recommandations sont de nature législatives, d’autres nécessitent des avancées réglementaires ou budgétaires pour être mises en œuvre. Les rapporteurs appellent désormais les pouvoirs publics à s’en saisir pleinement. Comme l’ont montré les préparatifs des jeux Olympiques et Paralympiques, des avancées rapides sont possibles lorsque la volonté politique est au rendez-vous.


   Partie I : Actualiser les dispositions de la loi du 11 février 2005 à l’aune du droit international en matière de droits des personnes handicapées

La loi du 11 février 2005 a été adoptée un an avant la Convention internationale des droits des personnes handicapées, ratifiée par la France en 2010 ([24]). Si elle contient de nombreuses avancées en matière de droits des personnes handicapées, elle n’a ni, d’une part, tenu toutes ses promesses, ni, d’autre part, été actualisée pour mettre le droit français en conformité avec le droit international.

I.   Réviser l’approche française du handicap et garantir la pleine appréhension des handicaps dans toutes leurs spécificités et leur diversité

Le droit français se caractérise par une conception historiquement datée du handicap. Le rôle fondamental de l’environnement dans la production du handicap est insuffisamment mis en avant, à la différence de l’approche promue par le droit international. La diversité des formes de handicaps n’est pas pleinement appréhendée. De surcroît, la notion fait l’objet d’une confusion structurelle avec les effets de la perte d’autonomie liée à l’âge.

A.   La loi du 11 février 2005 n’a pas été actualisée après la ratification par la France de la Convention internationale des droits des personnes handicapées

Alors que le droit international promeut une approche par les droits humains du handicap, la loi française reste très imprégnée d’une vision biomédicale ([25]), à l’origine de violations des droits des personnes handicapées pour lesquelles la France a déjà été sévèrement condamnée par l’Organisation des Nations unies (ONU) et le Conseil de l’Europe.

1.   La loi du 11 février 2005, si elle a constitué une véritable avancée dans l’appréhension des droits des personnes handicapées, repose sur une conception historiquement datée du handicap

La loi du 11 février 2005 n’est pas le premier grand texte dans le champ du handicap. Trente ans auparavant, la loi du 30 juin 1975 avait posé les fondations des politiques actuelles du handicap ([26]).

● La loi d’orientation du 30 juin 1975 en faveur des personnes handicapées proclame un principe de solidarité nationale à l’égard des personnes handicapées. Son article 1er prévoit que « la prévention et le dépistage des handicaps, les soins, l’éducation, la formation et l’orientation professionnelle, l’emploi, la garantie d’un minimum de ressources, l’intégration sociale et l’accès aux sports et aux loisirs du mineur et de l’adulte handicapés physiques, sensoriels ou mentaux constituent une obligation nationale ». Elle consacre le principe d’intégration des personnes handicapées en milieu ordinaire chaque fois que cela est possible, et fait peser sur les personnes publiques, les associations ou encore les entreprises l’obligation d’assurer leur autonomie. Elle impose, à ce titre, la mise en accessibilité des bâtiments, notamment des établissements recevant du public.

La loi du 30 juin 1975 organise également la gouvernance des politiques du handicap au niveau local au travers de deux instances : d’une part, les commissions départementales d’éducation spéciale (CDES) et les commissions techniques d’orientation et de reclassement professionnel (COTOREP). Ces commissions sont chargées de reconnaître la qualité de personne handicapée et d’orienter, le cas échéant, les usagers vers des institutions spécialisées.

● La loi du 11 février 2005 s’inscrit dans une continuité, tout en tenant compte de l’évolution conceptuelle du handicap aux niveaux national et international. À cet égard, elle représente une forme de « compromis » ([27]) entre les principes guidant les politiques internationales du handicap et le système médico-social français déjà institué.

En premier lieu, contrairement à la loi de 1975, la loi du 11 février 2005 formule une définition juridique du handicap. Son article 2 dispose ainsi : « Constitue un handicap, au sens de la présente loi, toute limitation d’activité ou restriction de participation à la vie en société subie dans son environnement par une personne en raison d’une altération substantielle, durable ou définitive d’une ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles, mentales, cognitives ou psychiques, d’un polyhandicap ou d’un trouble de santé invalidant » ([28]). Cette rédaction s’inspire des nouvelles approches du handicap alors préconisées par l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Elle fait aujourd’hui l’objet d’importantes critiques.

Historiquement, le handicap a longtemps été appréhendé à travers le seul prisme médical, comme la conséquence d’un problème de santé qui entraîne une incapacité fonctionnelle, sensorielle ou sociale. À compter des années 1970, l’émergence du mouvement international en faveur des droits des personnes handicapées conduit à percevoir le handicap comme la conséquence d’une société inadaptée, caractérisée par des obstacles physiques et sociaux à une pleine participation de ces personnes à la vie sociale. Dès lors, un changement de paradigme s’impose pour concevoir le handicap comme le résultat de l’interaction entre un individu présentant des limitations d’activité et son environnement ([29]). Par sa référence à l’environnement de la personne handicapée, la définition du handicap retenue dans la loi de 2005 témoigne de la prise en compte, en droit français, de ces évolutions conceptuelles.

En second lieu, la loi de 2005 sort du registre de l’assistance au profit d’une approche intégrative, garantissant la participation des personnes handicapées à l’élaboration de leur projet de vie individuel d’une part, et à la vie sociale et civique d’autre part, notamment en réaffirmant le principe de scolarisation et de travail en milieu ordinaire. Cette ambition est concrétisée par les deux grands apports de ladite loi : l’instauration du droit à compensation et l’affirmation de l’accessibilité, qu’il s’agisse du bâti et de l’espace public, mais également de l’école et du monde du travail.

Elle s’est également traduite par la réforme de la gouvernance des politiques du handicap avec, dans leur élaboration comme dans leur application, un renforcement des modalités de participation des personnes handicapées. L’article 1er de la loi du 11 février 2005 prévoit ainsi leur représentation « dans toutes les instances nationales ou territoriales qui émettent un avis ou adoptent des décisions concernant la politique en faveur des personnes handicapées ». Au niveau local, la création des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH), au sein desquelles ont été rassemblées les CDES et les COTOREP, témoigne également du souhait d’associer étroitement les intéressés aux décisions qui les concernent. Les commissions des droits et de l’autonomie des personnes handicapées (CDAPH), instituées dans chaque MDPH et compétentes en matière de reconnaissance du handicap, d’orientation et d’attribution des prestations relatives au handicap, sont composées, « pour au moins un tiers de [leurs] membres, des représentants des personnes handicapées et de leurs familles désignés par les associations représentatives » ([30]).

Les associations représentatives et les personnes handicapées auditionnées par la mission d’évaluation ont toutes souligné les « espoirs » suscités par la loi du 11 février 2005. Elles ont salué l’instauration du droit à compensation, les normes d’accessibilité alors établies, le principe de scolarisation en milieu ordinaire et l’obligation d’emploi des travailleurs handicapés. Ces espoirs ont toutefois été largement déçus au cours des vingt dernières années. En témoignent notamment l’absence de transposition des instruments du droit international relatifs au handicap et les condamnations sévères dont a fait l’objet la France, tant de la part des Nations unies que du Conseil de l’Europe.

2.   La France a fait l’objet de plusieurs condamnations sévères de la part des organisations internationales en matière de respect des droits des personnes handicapées

a.   La protection internationale et européenne des droits fondamentaux des personnes handicapées

Le droit international des droits humains s’est largement saisi de la question du handicap.

● Parmi les instruments juridiques les plus importants, la Convention internationale relative aux droits des personnes handicapées (CIDPH) a été adoptée le 13 décembre 2006 par l’Assemblée générale des Nations unies, et ratifiée en 2010 par la France. La Convention impose aux États parties de prendre toutes les mesures appropriées d’ordre législatif, administratif ou autre, pour rendre effectifs les droits des personnes handicapées.

La CIDPH repose sur une approche nouvelle du handicap, fondée sur les droits humains et non sur l’assistance : « la personne handicapée n’est pas un objet de soins, la personne handicapée est un sujet de droits » ([31]). Son article 1er comporte une définition : sont handicapées les « personnes qui présentent des incapacités physiques, mentales, intellectuelles ou sensorielles durables dont l’interaction avec diverses barrières peut faire obstacle à leur pleine et effective participation à la société sur la base de l’égalité avec les autres ». Le handicap est dès lors appréhendé comme une difficulté rencontrée dans l’interaction avec l’environnement sociétal. Il incombe à la société de mettre fin à cette difficulté pour permettre à la personne handicapée d’exercer pleinement l’ensemble de ses droits. Comme l’a illustré l’un des témoignages recueillis par la mission d’évaluation, l’importance des interactions avec l’environnement se résume de la façon suivante : l’impossibilité, pour une personne aveugle ou en fauteuil roulant qui fait tomber son stylo, de le ramasser car elle ne le voit pas ou ne peut pas l’atteindre, est la conséquence de l’incapacité physique ou sensorielle ; en revanche, ne pas pouvoir accéder à un bâtiment à cause d’un escalier ou parce que les chiens guides y sont refusés, résulte d’un obstacle sociétal dont découle le handicap ([32]).

La Convention ne crée pas de droits nouveaux spécifiques à la situation des personnes handicapées. Elle réaffirme l’existence de leurs droits fondamentaux et en précise le contenu ainsi que la portée. Elle prévoit ainsi le droit à l’accessibilité (article 9) ; le droit à la vie (article 10) ; le droit à la protection et à la sûreté dans les situations de risque ou d’urgence humanitaire (article 11) ; la reconnaissance de la personnalité juridique de la personne handicapée (article 12) ; l’accès à la justice (article 13) ; la liberté et la sécurité de la personne (article 14) ; le droit de ne pas être soumis à la torture ni à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (article 15) ; le droit de ne pas être soumis à l’exploitation, à la violence et à la maltraitance (article 16) ; la protection de l’intégrité de la personne (article 17) ; le droit de circuler librement et de disposer d’un titre de nationalité (article 18) ; le droit à l’autonomie de vie et à l’inclusion dans la société (article 19) ; le droit à la mobilité personnelle (article 20) ; la liberté d’expression et d’opinion et d’accès à l’information (article 21) ; le droit au respect de la vie privée (article 22) ; le droit au respect du domicile et de la famille (article 23) ; le droit à l’éducation (article 24) ; le droit à la santé (article 25) ; le droit à l’adaptation et à la réadaptation (article 26) ; le droit au travail et à l’emploi (article 27) ; le droit à un niveau de vie adéquat et à la protection sociale (article 28) ; le droit à la participation à la vie politique et publique (article 29) ; le droit à la participation à la vie culturelle et récréative, aux loisirs et aux sports (article 30) ([33]).

En outre, la Convention introduit des concepts fondamentaux pour son interprétation et la garantie de son application, parmi lesquels :

– la discrimination fondée sur le handicap, qui correspond à « toute distinction, exclusion ou restriction fondée sur le handicap qui a pour objet ou pour effet de compromettre ou réduire à néant la reconnaissance, la jouissance ou l’exercice, sur la base de l’égalité avec les autres, de tous les droits de l’homme et de toutes les libertés fondamentales dans les domaines politique, économique, social, culturel, civil ou autres. La discrimination fondée sur le handicap comprend toutes les formes de discrimination, y compris le refus d’aménagement raisonnable » ;

– la notion d’aménagement raisonnable, qui désigne « les modifications et ajustements nécessaires et appropriés n’imposant pas de charge disproportionnée ou indue apportés, en fonction des besoins dans une situation donnée, pour assurer aux personnes handicapées la jouissance ou l’exercice, sur la base de l’égalité avec les autres, de tous les droits de l’homme et de toutes les libertés fondamentales » ;

– la notion de conception universelle, soit la « conception de produits, d’équipements, de programmes et de services qui puissent être utilisés par tous, dans toute la mesure possible, sans nécessiter ni adaptation ni conception spéciale », ce qui « n’exclut pas les appareils et accessoires fonctionnels pour des catégories particulières de personnes handicapées là où ils sont nécessaires ».

● En tant que membre du Conseil de l’Europe, la France a par ailleurs ratifié la Charte sociale européenne révisée en 1999, dont l’objet est plus large que celui de la CIDPH ([34]). En matière de droits des personnes handicapées, la Charte prévoit notamment le droit à l’orientation professionnelle (article 9) et à la formation professionnelle (article 10). Surtout, l’article 15 de la Charte consacre le droit des personnes handicapées à l’autonomie, à l’intégration sociale et à la participation à la vie de la communauté. Ceci implique :

– la possibilité, pour les personnes handicapées, de bénéficier d’une orientation, d’une éducation et d’une formation professionnelle dans le cadre du droit commun chaque fois que possible (article 15§1) ;

– l’accès à l’emploi et le maintien en activité des personnes handicapées, dans le milieu ordinaire de travail, notamment grâce à des conditions adaptées ou, en cas d’impossibilité, par l’aménagement ou la création d’emplois protégés (article 15§2) ;

– la pleine intégration et participation des personnes handicapées à la vie sociale, notamment grâce aux aides techniques, pour leur accès aux transports, au logement, aux activités culturelles et aux loisirs (article 15§3).

La Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales peut aussi être utilement invoquée pour faire valoir les droits des personnes handicapées. La Cour européenne des droits de l’Homme a reconnu des traitements inhumains et dégradants résultant des conditions de détention de personnes handicapées dans les prisons françaises ([35]), ou encore une discrimination en matière d’attribution des prestations sociales dans le cas d’une personne d’origine étrangère qui s’était vue refuser l’allocation adulte handicapé (AAH) ([36]).

● L’Union européenne dispose également d’instruments juridiques de protection des droits des personnes handicapées, à l’image de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ou du socle européen des droits sociaux. Elle a par ailleurs ratifié la CIDPH en 2010.

L’action de l’Union européenne dans le champ du handicap fait l’objet d’une stratégie pluriannuelle élaborée par la Commission, dans le cadre du socle européen des droits sociaux et de la CIDPH. La stratégie en faveur des droits des personnes handicapées 20212030 s’articule autour de trois axes : les droits dans l’Union, l’autonomie, et la non-discrimination et l’égalité des chances. La mise en œuvre de cette stratégie relève à la fois de la compétence de l’Union européenne et de celle des États membres. Différentes directives et règlements européens sont ainsi intervenus, et d’autres sont en préparation, afin de transcrire en droit ladite stratégie. C’est le cas de la directive du 27 novembre 2000 portant création d’un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail ([37]), de la directive du 26 octobre 2016 relative à l’accessibilité des sites internet et des applications mobiles des organismes du secteur public ([38]), ou encore des travaux en cours pour la création d’une carte européenne du handicap.

Auditionnés par la mission d’évaluation, les représentants de la Commission européenne ont présenté les instruments d’accompagnement et de soutien proposés aux États membres à l’image de la plateforme du handicap, un groupe d’experts de la Commission chargé de soutenir la mise en œuvre de la stratégie, ou des groupes de travail créés pour accompagner la transposition des directives. Par ailleurs, en cas de défaut de transposition ou de transposition incomplète voire incorrecte, la Cour de justice peut être saisie en manquement pour contraindre les États membres à se conformer au droit de l’Union.

b.   Les Nations unies et le Conseil de l’Europe ont sévèrement condamné la France au titre de ses politiques publiques dans le champ du handicap

En 2021 puis en 2023, la législation et la politique françaises relatives au handicap ont fait l’objet de critiques très sévères de la part du Comité des droits des personnes handicapées des Nations unies, qui formule des observations sur l’application, par les États parties, de la Convention internationale relative aux droits des personnes handicapées ([39]), et du Comité européen des droits sociaux, responsable du suivi de la Charte européenne des droits sociaux ([40]).

● Pour la mise en œuvre de la CIDPH, les États parties sont tenus de présenter au Comité des droits des personnes handicapées des rapports réguliers sur son application nationale. La France a remis son premier rapport en 2016. En 2017, la rapporteure spéciale de l’ONU sur les droits des personnes handicapées, Mme Catalina Devandas-Aguilar, s’est rendue en France afin de constater les mesures prises par l’État ainsi que les problématiques persistantes. Entre 2018 et 2020, différents échanges ont eu lieu entre la France et le Comité des droits des personnes handicapées avant d’aboutir, en 2021, à la présentation des observations finales du Comité.

Le Comité dresse un constat particulièrement critique des lois et des politiques françaises relative au handicap. Il affirme que « les mesures prises par la France ne traduisent pas le modèle du handicap basé sur les droits de l’Homme qui est défendu par la [Convention] ». Le rapporteur du Comité pour l’examen du rapport de la France, M. Jonas Ruskus, avait ainsi regretté que « la loi de 2005 [n’ait] pas été harmonisée avec la Convention » ([41]). Le Comité a tout particulièrement remarqué que l’article 1er de la loi du 11 février 2005 assimile « les associations de prestataires et de gestionnaires de services aux organisations de personnes handicapées, ce qui complique le passage effectif d’un système de prise en charge médicale en institution à un modèle de vie autonome et d’inclusion dans la société ». Lors de son audition par la mission d’évaluation, M. Jonas Ruskus a particulièrement insisté sur la question de la représentation et de la participation des personnes handicapées.

De manière non exhaustive, le Comité a pointé du doigt la définition française de la discrimination qui « n’inclut pas les formes multiples et croisées de discrimination fondées sur le handicap et sur d’autres motifs », et regretté que « le refus de procéder à des aménagements raisonnables [ne soit] pas considéré comme une forme de discrimination fondée sur le handicap dans toutes les sphères de la vie ». Il s’est montré particulièrement inquiet du « placement en institutions » des personnes handicapées et du manque de mesures prises pour leur permettre « de vivre de manière autonome dans la société ». Il a alerté sur le fait que « les personnes handicapées font l’objet de violences, y compris d’humiliations et de violences sexuelles, dans les structures d’accueil et les établissements de santé mentale et dans leur famille ». À cet égard, il appelle la France à « engager en urgence la désinstitutionnalisation des personnes handicapées ».

Le Comité a également dénoncé le régime français de protection juridique des majeurs, notamment la tutelle et la curatelle. Il regrette l’absence de « mécanisme de prise de décisions accompagnée » et le maintien de mesures perpétuant la « prise de décisions substitutive » sans tenir compte « de la volonté et des préférences des personnes handicapées ». Enfin, en matière d’accessibilité, le Comité s’est inquiété « des dispositions qui abaissent les seuils d’exigence », « de l’application limitée des normes d’accessibilité et du principe de conception universelle dans les services publics », « du retard pris dans l’exécution des plans relatifs aux normes d’accessibilité » ou encore « des obstacles dans l’environnement de travail numérique ».

En somme, les observations finales du Comité des droits des personnes handicapées de 2021 rejoignent largement les observations préliminaires formulées en 2017 par la rapporteure spéciale Catalina Devandas-Aguilar. Celle-ci avait indiqué : « durant mon séjour, de nombreux interlocuteurs chargés du handicap ont exprimé leur point de vue selon lequel les personnes handicapées devraient bénéficier de services spécialisés distincts, notamment dans le cadre d’établissements résidentiels, de façon à leur fournir les meilleurs soins, les protéger de toute atteinte, stigmatisation ou discrimination éventuelles, et assurer leur sécurité en compagnie de leurs pairs handicapés. Conformément à ce point de vue, les tentatives actuelles pour répondre aux besoins des personnes handicapées sont extrêmement spécialisées, isolées et cloisonnées. » Selon elle, « non seulement ce type de réponses isolées perpétue la méprise selon laquelle les personnes handicapées seraient “objets de soins” et non pas “sujets de droits”, mais il accentue leur isolement face à la société et entrave et/ou retarde les politiques publiques visant à modifier l’environnement de façon radicale et systématique pour éliminer les obstacles, qu’ils soient physiques, comportementaux ou liés à la communication ». Dès lors, « la France doit revoir et transformer son système en profondeur afin de fournir des solutions véritablement inclusives pour toutes les personnes handicapées, assurer une gestion et une répartition plus efficaces des ressources, et permettre un accompagnement et des services spécialisés de proximité sur la base de l’égalité avec les autres. Pour prendre ce virage, la France doit faire siens l’esprit et les principes de la C[I]DPH, en adoptant une politique du handicap fondée sur les droits de l’homme ».

Les constats et les recommandations des Nations unies sont largement relayés au niveau national, tant par les associations représentant les personnes handicapées que par la Défenseure des droits et la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH). Dans son rapport parallèle adressé au Comité des droits des personnes handicapées en juillet 2021, la Défenseure des droits avait affirmé que « la France n’a pas encore pris pleinement en considération la nouvelle approche fondée sur les droits, induite par la CIDPH, dans l’élaboration et la mise en œuvre des politiques publiques. […] Dans de nombreux domaines, les évolutions du cadre juridique et des pratiques induites par la Convention ne sont toujours pas effectives » ([42]). De même, la CNCDH regrette que, si la loi du 11 février 2005 « a apporté des avancées certaines sur la question de l’accessibilité, de la compensation et de l’égalité des droits et des chances, elle n’intègre pas le changement de paradigme appelé par la [CIDPH] » ([43]).

● Dans la continuité des observations de l’ONU, la France a également fait l’objet d’une décision sévère du Comité européen des droits sociaux publiée le 17 avril 2023 ([44]). Cette décision fait suite à une procédure de réclamation collective engagée en 2018 par le Forum européen des personnes handicapées (EDF) et Inclusion Europe.

Les organisations réclamantes alléguaient qu’en ne mettant pas en œuvre des mesures visant un accès suffisant et effectif des personnes handicapées aux services d’aide sociale et aux équipements, y compris ceux nécessaires à l’inclusion des enfants handicapés dans le système éducatif ordinaire, la France ne respectait pas leur droit à mener une vie indépendante, à l’intégration sociale et à la pleine participation à la vie de la communauté. Dès lors, cette situation empêcherait également la jouissance effective des droits de bénéficier des services sociaux, à la protection contre la pauvreté et l’exclusion sociale, au logement et à la protection de la santé.

La décision du 17 avril 2023 du Comité européen des droits sociaux

Dans sa décision, le Comité a constaté une violation de l’article 15§3 de la Charte sociale européenne en raison du manquement des autorités :

– d’adopter des mesures efficaces dans un délai raisonnable en ce qui concerne l’accès aux services d’aide sociale et aux aides financières ;

– d’adopter des mesures efficaces dans un délai raisonnable en ce qui concerne l’accessibilité des bâtiments et des installations ;

– d’adopter des mesures efficaces dans un délai raisonnable en ce qui concerne l’accessibilité des transports publics ;

– de développer et d’adopter une politique coordonnée pour l’intégration sociale et la participation à la vie de la communauté des personnes handicapées.

Le Comité a également relevé une violation de l’article 15§1 en raison de l’absence d’adoption par les autorités de mesures efficaces dans un délai raisonnable pour remédier aux problèmes persistants et anciens liés à l’inclusion des enfants et adolescents handicapés dans les écoles ordinaires. Une violation de l’article 11§1 a par ailleurs été identifiée au motif que les autorités n’ont pas adopté de mesures efficaces dans un délai raisonnable pour remédier aux problèmes de longue date liés à l’accès des personnes handicapées aux services de santé. Enfin, le Comité a conclu à une violation de l’article 16 au motif que la pénurie de services d’aide et le manque d’accessibilité des bâtiments et des installations ainsi que des transports publics, font que de nombreuses familles vivent dans des conditions précaires, ce qui équivaut à un manque de protection de la famille.

 

Les Nations unies, le Conseil de l’Europe et l’Union européenne invitent les États à transposer, dans leur législation nationale, les ambitions et les dispositions des différents instruments internationaux de protection des droits fondamentaux des personnes handicapées. L’ensemble des associations et des acteurs intervenant dans le domaine des droits de l’Homme auditionnés par la mission d’évaluation ont mis en avant la dissonance persistante entre les dispositions de la loi du 11 février 2005 et la Convention relative aux droits des personnes handicapées. Tous appellent à une mise en conformité des dispositions françaises avec l’esprit et le contenu de la Convention.

3.   La loi doit se conformer au droit international et refléter l’approche du handicap par les droits humains promue par les Nations unies

Dans ses observations finales publiées en 2021, le Comité des droits des personnes handicapées recommande à la France de « revoir ses lois et politiques relatives au handicap […] notamment en transposant dans le droit interne le modèle du handicap fondé sur les droits de l’homme ».

Les rapporteurs regrettent l’absence de réflexion engagée sur la transposition de la Convention relative aux droits des personnes handicapées en droit interne, quinze ans après sa ratification par la France. À l’instar de Mme Christine Lazerges, ancienne présidente de la Commission nationale consultative des droits de l’homme, les rapporteurs constatent qu’elle reste encore méconnue en France, « tant par les décideurs politiques que par les personnes handicapées elles-mêmes et toutes celles et ceux qui les accompagnent » ([45]). À ce titre, ils préconisent d’engager dans les plus brefs délais une revue juridique de la législation française relative au handicap afin d’identifier les dispositions non conformes à la Convention et les évolutions législatives à adopter pour aligner le droit français sur le droit international.

Recommandation n° 1 : Examiner l’ensemble de la législation française relative au handicap afin d’identifier les dispositions non conformes à la Convention relative aux droits des personnes handicapées et de procéder aux modifications législatives nécessaires à l’alignement du droit français sur le droit international.

Au cours de leurs travaux, les rapporteurs ont d’ores et déjà identifié des dispositions à modifier ou à introduire dans la loi à l’image de la définition du handicap, la consécration d’un véritable droit à l’autodétermination et à la vie autonome, ou encore la pleine diffusion juridique des concepts d’aménagement raisonnable et de conception universelle. Ils considèrent par ailleurs que la désinstitutionnalisation des personnes handicapées doit faire l’objet d’une véritable planification afin de respecter les engagements internationaux de la France.

● La nécessité de modifier la définition du handicap, qui figure à l’article 2 de la loi du 11 février 2005, fait consensus parmi les associations et les acteurs intervenant dans le champ des droits de l’Homme. La CNCDH affirme ainsi n’avoir « eu de cesse de recommander aux pouvoirs publics de remplacer la définition du handicap inscrite dans la loi de 2005 par celle retenue par la CIDPH » ([46]). Selon elle, « la définition française du handicap persiste à ne retenir qu’une vision médicale du handicap centrée sur la notion d’invalidité tout en mettant l’accent sur le principe de solidarité ».

De même, la Défenseure des droits souligne que la définition française « n’identifie pas les barrières environnementales comme un “facteur causal” sur lequel il convient d’agir, au même titre que sur les déficiences et incapacités, pour prévenir ou remédier aux situations de handicap ». Elle relève que « cette approche n’est pas sans conséquences sur les orientations qui ont pu être prises en matière de compensation » ([47]).

Selon Mme Odile Maurin, présidente d’Handi-Social, la loi française « reste enfermée dans une conception biomédicale du handicap, centrée sur les déficiences et incapacités, plutôt que sur l’environnement et la construction sociale du handicap », « en contradiction directe avec celle de la [CIDPH] ». Dès lors, elle « reste dans une logique de diagnostic, de tri et de gestion de flux, là où la [Convention] parle d’égalité, de liberté et de participation ». « Cette erreur d’approche a des conséquences concrètes : elle permet de justifier le maintien des institutions, l’inaccessibilité, les refus de compensation, la surprotection et le non-respect du droit à la vie autonome. » ([48])

Au regard de ces éléments, les rapporteurs ne peuvent que recommander de modifier l’article L. 114 du code de l’action sociale et des familles afin de transposer, en droit français, la définition internationale du handicap.

Recommandation n° 2 : Transposer, en droit français, la définition du handicap inscrite dans la Convention internationale relative aux droits des personnes handicapées.

● Les travaux de la mission d’évaluation ont également montré que la loi française ne garantit pas aux personnes handicapées le droit à l’autodétermination et à l’autonomie de vie. La Commission nationale consultative des droits de l’homme souhaiterait ainsi que la notion de « projet de vie » retenue par la loi du 11 février 2005 soit remplacée par celle « d’auto-détermination » ou de « vie autonome ».

Selon le collectif CapDroits qu’a auditionné par la mission d’évaluation, la CIDPH se caractérise par la reconnaissance de la capacité juridique de tous les êtres humains, « quels que soient leurs fonctionnements psychiques, moteurs, intellectuels ou sensoriels ». Ainsi, à travers le droit à l’autonomie de vie consacré à l’article 19 de la Convention, c’est « le droit de bénéficier de conditions de développement de l’autonomie dans sa vie, à égalité avec les autres » qui est reconnu. Selon le collectif, parmi les obstacles à l’autonomie de vie, on trouve l’emprise institutionnelle, assimilable à une forme de « vie dirigée » : celle-ci résulte des contraintes de la vie en collectivité, de l’infantilisation des personnes handicapées par les soignants ou par leurs proches. Elle se rencontre au sein des établissements sociaux, mais aussi au domicile, notamment lorsque les personnes font l’objet d’une mesure de protection juridique – curatelle ou tutelle. Le droit à l’autonomie de vie implique donc de « reconnaître le pouvoir de décision et de choix » des personnes handicapées.

Les rapporteurs partagent cette analyse. Ils proposent de transcrire formellement en droit français le droit à l’autodétermination et à l’autonomie de vie des personnes handicapées, afin d’instaurer une présomption de capacité à décider pour soi, avec un accompagnement ou non.

Recommandation n° 3 : Transcrire en droit français le droit à l’autodétermination et à la vie autonome consacré à l’article 19 de la Convention internationale des droits des personnes handicapées.

● Enfin, le droit français n’a pas suffisamment intégré les notions de conception universelle et d’aménagement raisonnable, pourtant essentiels à la définition de politiques publiques respectueuses des droits des personnes handicapées, notamment en matière d’accessibilité.

L’expression d’aménagement raisonnable n’existe en effet qu’en droit du travail ([49]). Ce concept doit être généralisé à toute la législation française afin de contraindre les personnes publiques et privées à une démarche d’adaptation aux besoins des personnes handicapées.

Le principe de conception universelle est prévu par l’article L. 101‑2 du code de l’urbanisme qui énonce que « l’action des collectivités publiques en matière d’urbanisme vise, [entre autres], la promotion du principe de conception universelle pour une société inclusive vis-à-vis des personnes en situation de handicap ou en perte d’autonomie dans les zones urbaines et rurales ». Cette disposition pèche toutefois par sa portée essentiellement incantatoire et par son périmètre restreint – l’action des collectivités publiques – là où le principe même de conception universelle implique son application dans tous les domaines de la vie sociale et s’adresse aux personnes publiques comme privées – entreprises, employeurs, individus. Il s’agit d’édifier une société dans laquelle les personnes handicapées peuvent circuler et évoluer librement sans avoir à utiliser des dispositifs spécifiquement conçus pour elles dans la mesure où l’urbanisme, le design, l’architecture, l’ingénierie prennent en compte leurs besoins pour imaginer et fabriquer des objets, aménagements, logiciels utilisables par tous.

Les rapporteurs préconisent d’intégrer en droit français les concepts d’aménagement raisonnable et de conception universelle dans des dispositions invocables devant les juridictions de droit commun.

Recommandation n° 4 : Intégrer pleinement en droit français les concepts d’aménagement raisonnable et de conception universelle.

B.   La diversité de situations que recouvre le handicap est mal appréhendée au détriment des handicaps dits « invisibles »

Comme le relève l’Organisation mondiale de la santé (OMS), « bien que souvent désignées comme une population unique, les personnes handicapées sont un groupe de personnes très diverses » ([50]).

La diversité des situations que recouvre la notion de « handicap » est encore très mal appréhendée en France. Les différents types de handicaps demeurent en partie méconnus de même que leurs manifestations, ce qui suscite des incompréhensions, des tensions et des discriminations à l’encontre des personnes concernées.

1.   Une perception sociale du handicap encore trop souvent limitée aux déficiences physiques et sensorielles

La Convention relative aux droits des personnes handicapées fait référence à quatre types de déficiences susceptibles d’entraîner un handicap : les incapacités physiques, mentales, intellectuelles et sensorielles. L’article 2 de la loi du 11 février 2005 évoque quant à elle l’altération d’une ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles, mentales, cognitives ou psychiques, le polyhandicap ou encore les troubles de santé invalidants.

Si les classifications sont par nature réductrices, particulièrement lorsqu’elles sont fondées sur une approche biomédicale, elles constituent un cadre de pensée structurant pour appréhender le handicap, former et informer à son propos. À ce titre, l’absence d’une classification officielle, universellement employée, témoigne de la difficulté à le définir et à en mesurer la prévalence ainsi que les conséquences sociales. Cette absence explique en partie la méconnaissance des handicaps dits « invisibles ».

Dans une enquête sur les préjugés et stéréotypes à l’égard du handicap en France menée pour le compte de la Commission nationale consultative des droits de l’homme en 2021, la sociologue Cindy Lebat s’est astreinte à ce travail de catégorisation afin de définir les différentes formes d’incapacités pouvant entraîner des handicaps. Elle a interrogé les Français sur leur niveau de connaissance. Les résultats montrent que, tous handicaps confondus, une grande majorité de Français (80 à 93 %) déclare connaître les différentes déficiences évoquées, à l’exception du polyhandicap et des troubles résultant de lésions cérébrales acquises. Si certains types de handicaps sont bien identifiés à l’image de la surdité, de la cécité, de l’autisme ou des troubles moteurs, d’autres sont bien moins connus de la population générale, notamment les troubles psychiques et les troubles cognitifs.

En interrogeant la visibilité médiatique des différentes formes de handicaps, Cindy Lebat note que « l’avis exprimé quant à la présence médiatique est lié pour partie à la représentation de certaines formes identifiables du handicap, et à la visibilité d’attributs qui lui sont associés », aussi dénommés « stigmates » par le sociologue Erving Goffman : le fauteuil roulant, la canne, le chien-guide. En témoigne, par exemple, le pictogramme le plus couramment utilisé pour représenter le handicap : une personne en fauteuil roulant. Cette question de la représentation est étroitement liée à la problématique des handicaps dits invisibles, c’est-à-dire « exempts de manifestations physiques facilement et rapidement repérables » ([51]).

Les grandes catégories de handicap

Cindy Lebat retient cinq catégories de déficiences – motrices, visuelles, auditives, mentales, psychiques. Elle y ajoute trois autres catégories par souci de précision – le polyhandicap, les maladies et troubles de santé invalidants, et les troubles du neurodéveloppement :

– la déficience visuelle correspond à « une altération partielle ou totale du sens de la vue, allant de la légère gêne oculaire à la cécité » ;

– la déficience auditive correspond à « une altération partielle ou totale de l’audition, pouvant aller jusqu’à la surdité » ;

– la déficience motrice correspond à « une altération des fonctions motrices, notamment des membres supérieurs et/ou inférieurs » ;

– la déficience mentale ou intellectuelle correspond à « la capacité sensiblement réduite de comprendre une information nouvelle ou complexe et d’apprendre et d’appliquer de nouvelles compétences » ;

– la déficience psychique résulte d’une « maladie psychiatrique ou d’un trouble d’origine physiologique […] qui altère, de manière plus ou moins forte et continue, les capacités sociales et relationnelles » sans altérer les capacités cognitives ou intellectuelles ;

– le polyhandicap correspond à « l’association d’une déficience intellectuelle, le plus souvent sévère, et d’une déficience motrice » ;

– les maladies et les troubles de santé invalidants correspondent à « certaines maladies et certains troubles durables ayant des répercussions importantes sur la vie de la personne, et devenant l’origine d’une invalidité » (par exemple, diabète, cancer, insuffisance cardiaque, etc.) ;

– les troubles du neuro-développement regroupent enfin différents handicaps moteurs et mentaux ainsi que des troubles comportementaux, tels que l’hyperactivité ou le trouble du spectre autistique.

Source : Commission nationale consultative des droits de l’homme, « Enquête sur les préjugés et stéréotypes à l’égard du handicap en France. Rapport rédigé par Cindy Lebat sur l’enquête de la CNCDH conduite en avril 2021 », 15 avril 2022.

Selon la définition et le périmètre retenus, on estime le nombre de personnes en situation de handicap en France entre 6 et 12 millions. Parmi celles-ci, 80 % seraient porteuses d’un handicap invisible. Les déficiences motrices ou sensorielles sévères sont les plus rapidement associées au handicap, au détriment d’autres catégories moins connues ou moins visibles. Ainsi, si les déficiences motrices, légères ou sévères, toucheraient plus de 8 millions de personnes, moins de 5 % d’entre elles se déplaceraient en fauteuil roulant. De même, on dénombre environ 1,5 million de personnes déficientes visuelles, dont 14 % sont aveugles, et 6 millions de personnes sourdes et malentendantes ([52]). Ce sont 700 000 personnes qui seraient porteuses d’un handicap mental ou cognitif, soit 1 à 2 % de la population générale. En parallèle, les handicaps psychiques ou résultant de maladies ou de troubles de santé invalidants sont moins facilement identifiés, alors que la maladie mentale et les troubles psychiques touchent environ 13 millions de Français dont 3 millions de personnes qui subissent des troubles psychiques sévères ([53]). Par ailleurs, près de 3,4 millions de personnes vivent avec un cancer ([54]) et plus de 4 millions de Français sont atteints de diabète ([55]).

Les personnes porteuses de handicaps invisibles témoignent de l’incompréhension, de la méfiance, voire des situations d’exclusion et de rejet qu’elles rencontrent au quotidien. Cela passe par des difficultés à faire reconnaître l’existence d’un handicap : d’une part, la crainte de subir les stigmates associés, et donc d’être discriminé, peut conduire à renoncer à faire valoir l’existence d’un handicap pour exiger des aménagements ; d’autre part, la seule reconnaissance administrative ne suffit pas à garantir le respect de ses droits. Nombreux sont ceux qui font état d’une nécessité permanente de se justifier, de légitimer ses demandes et ses besoins, de répondre aux soupçons.

Les tensions se cristallisent souvent autour de l’usage de la carte de mobilité inclusion (CMI). Celle-ci permet le stationnement gratuit, l’usage des places prioritaires dans les transports et l’évitement des files d’attente : « Vous pouvez attendre comme tout le monde ! Vous n’avez pas l’air handicapée ! » ; « À votre âge, vous devriez prendre les escaliers ! » L’incompréhension et la méconnaissance engendrent des injonctions contradictoires : « Tu t’écoutes trop, tu devrais plus sortir !» ; « Si tu continues à travailler, c’est que ça va ! » ; « Tu devrais reprendre le travail, c’est important de pas te laisser aller ! ». La fatigue et les douleurs chroniques sont souvent minimisées et pointées du doigt : « Tu es tout le temps fatiguée ! Il faut faire un effort ! » ; « Tu sais, on est tous fatigués ! » ; « Tu es sûre que ce n’est pas juste de la flemme ? » ([56]).

De cette ignorance et de cette invisibilité découlent des différences de traitement en fonction des déficiences. Selon Cindy Lebat, il existerait une « hiérarchisation des handicaps » dans la société française : « en moyenne, les Français se sentent plus à l’aise avec les handicaps moteurs et sensoriels qu’avec les handicaps mentaux et psychiques » ([57]). En témoigne leur position sur l’intégration des enfants en situation de handicap dans le système scolaire. Seuls 23 % des répondants considèrent les enfants handicapés moteurs mieux pris en charge dans un établissement spécialisé, et 21 % procèdent au même constat pour les enfants handicapés sensoriels. En revanche, pour les enfants handicapés psychiques ou mentaux, respectivement 43 % et 37 % des répondants estiment que leur place est en établissement spécialisé.

La crainte d’être stigmatisé et discriminé conduit nombre de porteurs d’un handicap invisible à ne pas en faire part à leur employeur ou à leurs collègues, voire à leurs amis ou à leurs proches. C’est notamment le cas des personnes ayant un handicap psychosocial, qui tendent à pratiquer une forme de « camouflage social », c’est-à-dire à masquer, à amoindrir l’expression de leur handicap dans leurs relations avec autrui en imitant les comportements des personnes dites valides : ne pas parler fort lorsque l’on est malentendant, apprendre à imiter les expressions faciales de son interlocuteur et se forcer à le regarder dans les yeux pour une personne autiste, etc.

Ces comportements de dissimulation du handicap ont un coût pour les personnes qui les adoptent. Ils exigent une sur-adaptation permanente à l’environnement, une vigilance constante, et donc un épuisement psychique et physique dont découlent des troubles anxieux et dépressifs. L’association CLE Autistes, auditionnée par la mission d’évaluation, souligne l’existence d’une « injonction à la réparation » pour correspondre à la norme sociale et médicale, au détriment du bien-être des personnes neurodivergentes qui, en l’absence d’un environnement adapté et accessible leur permettant d’être elles-mêmes, s’épuisent.

Face à cette situation, des associations de défense des droits des personnes handicapées, notamment dans le champ des handicaps psychosociaux, conçoivent et promeuvent des outils d’information et de partage sur le handicap invisible. C’est le cas du « cordon tournesol », porté autour du cou, qui rend visible le handicap, quelle que soit sa nature. Celui-ci commence à être mis à disposition dans des gares et des aéroports afin de permettre aux personnes qui le souhaitent d’exprimer, en lien avec un handicap invisible, « un besoin d’aide, de temps et d’attention » ([58]).

Les rapporteurs constatent que ce type d’initiative facilite le parcours des personnes handicapées dans l’espace public et leurs interactions avec les autres. Toutefois, rendre visible le handicap invisible n’est utile que lorsque ceux qui reçoivent ce signal sont formés à l’accompagnement. Dans une société encore trop inaccessible, inadaptée, et dans un contexte où la population générale et les personnels d’accueil des lieux publics sont peu, voire pas, sensibilisés et formés au handicap et à la diversité des situations qu’il recouvre, de tels outils peuvent accentuer la stigmatisation dont sont déjà victimes les personnes handicapées.

2.   L’insuffisante sensibilisation de la population au handicap

La loi du 11 février 2005 prévoyait la sensibilisation de tous les citoyens au handicap, notamment par l’intermédiaire des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) ([59]). Le caractère lacunaire, voire inexistant de cette sensibilisation a été souligné à plusieurs reprises lors des travaux de la mission d’évaluation.

Or, le handicap constitue le premier motif de saisine du Défenseur des droits en matière de discrimination ([60]). Dans son enquête précitée, la sociologue Cindy Lebat note que « le regard posé par les Français reste majoritairement focalisé sur les aspects personnels voire corporels du handicap ». Ainsi, « il semble admis pour une majorité de Français que le handicap engendre fréquemment des difficultés, qui sont à l’origine de souffrances et de tristesse » ([61]).

Les mots "difficultés", "fauteuil", "maladie", "aide", "courage", "problèmes" sont souvent évoqués lorsque l'on parle de handicap.
Nuage de mots associés au handicap

Source : Commission nationale consultative des droits de l’homme, « Enquête sur les préjugés et stéréotypes à l’égard du handicap en France. Rapport rédigé par Cindy Lebat sur l’enquête de la CNCDH conduite en avril 2021 », 15 avril 2022.

Cindy Lebat relève néanmoins que « les difficultés rencontrées dans la vie quotidienne étant une réalité connue et visible, ces réponses ne montrent pas uniquement une vision pessimiste et misérabiliste du handicap, elles montrent surtout la conscience d’une réalité si forte et perceptible qu’elle s’inscrit dans les représentations partagées. Nous soulignons alors l’importance d’agir sur les causes de ces représentations, à savoir les difficultés en elles-mêmes et de tous ordres (physiques, financières, psychologiques, etc.) car c’est précisément un changement profond de la vie offerte aux personnes handicapées qui amènera un changement de regard » ([62]). Ce constat rejoint les revendications de nombreuses associations représentant les personnes handicapées. Odile Maurin, présidente de Handi-social, souligne : « Ce ne sont […] ni nos incapacités, ni nos déficiences, qui empêchent notre participation à la vie en société et notre plein épanouissement, mais […] l’inaccessibilité de la société, l’insuffisance ou l’absence de tous les moyens de compensation, qu’ils soient humains, techniques, organisationnels, pédagogiques, financiers, qui nous entravent. Ce n’est pas une fatalité biomédicale » ([63]).

Les rapporteurs considèrent que la sensibilisation de la population doit dès lors impliquer une réflexion sur le rôle de l’environnement dans la production du handicap, afin d’apprendre à dépasser l’approche par les déficiences fonctionnelles et les difficultés individuelles. Ce changement de paradigme illustre la nécessité de modifier la définition française du handicap. Loin d’une mesure purement symbolique, il s’agit de faire évoluer le prisme à travers lequel le handicap est appréhendé.

En outre, il faut constater la méfiance et le rejet auxquels les personnes handicapées sont exposées dans la société. « On dirait qu’on leur fait peur », ont indiqué les représentantes du Collectif Lutte et handicaps pour l’égalité et l’émancipation (CHLEE) à la mission d’évaluation ([64]). L’enquête de Cindy Lebat est ici encore éclairante. Elle souligne « la distance qui peut exister entre une attitude de bienveillance déclarée et une attitude réellement inclusive ». Le discours de bienveillance tenu par l’immense majorité des répondants « est relativement déconnecté de la réalité vécue » et « semble davantage le fruit d’une exigence morale partagée que d’une exigence individuelle ». Les répondants de l’enquête, interrogés sur des situations concrètes – présence d’un élève handicapé dans une classe, intégration d’un collègue handicapé, naissance d’un enfant handicapé – font état de postures plus contrastées que l’ouverture initialement affichée. De fait, « les réticences, craintes et parfois même rejets sont plus probables lorsque la personne est plus directement concernée ».

La peur, l’infantilisation, la stigmatisation, la discrimination résultent en grande partie de la méconnaissance du handicap, des préjugés et des stéréotypes qui en découlent. Cette méconnaissance engendre l’exclusion, et donc l’invisibilisation des personnes handicapées : « on craint le handicap parce qu’on ne le voit pas, on s’imagine des choses parce qu’on n’y est pas confronté » ([65]). Or, de manière générale, « le fait d’être au contact de personnes porteuses d’un handicap contribue vraisemblablement à une acceptation qui va au-delà de la tolérance et/ou de la bienveillance » ([66]).

Au regard des éléments apportés par l’enquête de Cindy Lebat, les rapporteurs considèrent qu’un deuxième axe de sensibilisation de la population générale réside dans la lutte contre les préjugés et les stéréotypes dont font l’objet les personnes handicapées. Une telle démarche implique une meilleure connaissance du handicap dans toute sa diversité ainsi qu’un travail sur les craintes et le rejet qu’il suscite.

Recommandation n° 5 : Engager une campagne nationale de sensibilisation sur le handicap, articulée autour de deux axes principaux :

– le rôle de l’environnement dans la production du handicap ;

– la lutte contre les stéréotypes et les préjugés dont font l’objet les personnes handicapées.

Les rapporteurs soulignent que le présent rapport s’appuie sur de nombreux travaux académiques et universitaires qui ont alimenté son contenu, en particulier d’un point de vue qualitatif, à l’image des travaux de Cindy Lebat. Aussi, ils insistent sur l’importance de la recherche pluridisciplinaire en matière de handicap, au niveau national comme à l’échelle européenne.

3.   L’enjeu majeur de la formation à la diversité des handicaps

Tout au long des travaux de la mission d’évaluation, la question de la formation des professionnels qui accueillent et accompagnent les personnes handicapées est apparue centrale pour garantir leur pleine participation à la vie en société. Cet enjeu se caractérise par sa transversalité. En effet, la sensibilisation aux problématiques du handicap ne doit pas concerner uniquement les praticiens du soin et du médico-social, mais au contraire se diffuser dans tous les corps de métiers pour que toute personne amenée à interagir avec une personne en situation de handicap, c’est-à-dire tout le monde, soit en mesure de lui proposer un accueil, un échange, une prise en charge qui ne soient pas empreints de préjugés et qui ne se concluent pas par une forme de rejet ou d’infantilisation.

Comme l’ont mis en évidence les témoignages reçus par les rapporteurs, on distingue :

– les comportements qui se veulent bien intentionnés, mais qui sont en réalité infantilisants, intrusifs, voire dangereux : crier lorsque l’on s’adresse à une personne en fauteuil roulant ou présentant des troubles psychiques alors qu’elle n’a pas de déficience auditive ; s’adresser à un accompagnant valide plutôt que de traiter directement la personne handicapée en interlocuteur capable de s’exprimer ; caresser un chien d’assistance sans l’accord de son maître ou de sa maîtresse ; prendre le bras d’une personne malvoyante ou les poignées du fauteuil roulant d’une personne à mobilité réduite sans lui avoir demandé auparavant si elle avait besoin d’aide ;

– les comportements résultant d’un manque d’observation, de la méconnaissance ou de l’ignorance des besoins d’autrui : des obstacles gênant la circulation des personnes à mobilité réduite sur les trottoirs ; des lieux publics référencés accessibles car munis de rampes et d’ascenseurs, mais pas d’audiodescription pour les personnes malvoyantes, ni de traduction ni de sous-titres pour les personnes malentendantes ; des agents pressés, qui cherchent à « aider » en manipulant le corps d’une personne ou en complétant ses phrases lorsqu’ils estiment qu’elle parle trop lentement ;

– les attitudes de rejet, souvent déguisées sous des prétextes de manque de temps ou d’absence de formation : le refus d’un agent d’accueil d’écouter la question d’une personne handicapée sous prétexte qu’il n’est pas formé alors même que la réponse n’exige aucune formation ; le refus d’un agent d’assistance d’accomplir sa mission au prétexte que la personne handicapée s’est présentée avec quelques minutes de retard ; le refus d’accepter un élève dans une classe ordinaire au motif qu’il est handicapé sans analyse préalable de la situation et de ses besoins ; le refus de déplacer une réunion dans une salle située au rez‑de‑chaussée pour en permettre l’accès à une personne en fauteuil roulant ; le refus de laisser entrer un chien d’assistance dans un supermarché ou dans un taxi.

Témoignage issu de la consultation Rien Sans Nous (voir annexe n° 1)

Alexia : « Il nous est déjà arrivé de nous faire refuser violemment et avec insultes d’une terrasse de bar car le fauteuil prenait trop de place. »

Au-delà de ces situations de la vie quotidienne, la mission d’évaluation a constaté l’insuffisante formation de différentes catégories de professionnels dont le travail touche directement ou indirectement les personnes handicapées, notamment les soignants, architectes, informaticiens et développeurs de site internet, personnels d’accueil, enseignants. Lorsqu’ils ont bénéficié de formations, celles-ci étaient souvent succinctes et loin d’aborder le handicap dans toute sa diversité. Les représentants des personnes handicapées alertent également sur les qualifications des formateurs en matière de handicap, et préconisent des formations délivrées par des personnes handicapées.

La formation fera l’objet de développements spécifiques au long du présent rapport. Toutefois, au regard du caractère transversal de cette question, les rapporteurs insistent dès à présent sur la nécessité d’intégrer des modules d’accueil et d’accompagnement des personnes handicapées pour toutes les professions en lien avec du public. Ces formations doivent par ailleurs intégrer la diversité des situations que recouvre le handicap afin de déconstruire les préjugés dont les personnes handicapées font l’objet, et de mettre fin aux comportements maladroits, impolis, dangereux ou discriminants auxquels elles sont exposées.

Recommandation n° 6 : Instaurer un module de formation obligatoire à l’accueil et à l’accompagnement des personnes handicapées, recouvrant toutes les formes de handicap, pour les personnes exerçant des métiers en lien avec le public.

4.   Les exclus : enjeux autour de la reconnaissance administrative du handicap

Au-delà des difficultés relationnelles et sociales rencontrées, les personnes handicapées, notamment lorsqu’elles sont porteuses d’un handicap dit invisible, peuvent éprouver des difficultés à faire reconnaître leur situation d’un point de vue administratif. Or, la reconnaissance administrative du handicap est généralement la première étape du parcours d’ouverture de droits et de prestations.

En France, il n’existe pas de statut unique de la personne handicapée, dont la reconnaissance ouvrirait automatiquement l’accès à différents droits et prestations. La reconnaissance administrative du handicap découle plutôt de l’attribution d’un droit ou d’une prestation déterminée. Une même personne handicapée peut bénéficier, ou non, de plusieurs droits ou prestations, tels que :

– l’allocation d’éducation de l’enfant handicapé (AEEH) ;

– la prestation de compensation du handicap (PCH) ;

– l’allocation aux adultes handicapés (AAH) ;

– la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé (RQTH) ;

– la carte mobilité et inclusion (CMI) ;

– une pension d’invalidité.

L’attribution d’un droit ou d’une prestation répond à des critères relatifs à l’incapacité ou à la restriction d’activité de la personne. À titre d’exemples, pour une RQTH, il faut présenter des « possibilités d’obtenir ou de conserver un emploi […] effectivement réduites par suite de l’altération d’une ou plusieurs fonctions physique, sensorielle, mentale ou psychique » ([67]). Pour bénéficier de la PCH, il faut présenter une difficulté absolue pour la réalisation d’une activité ou une difficulté grave pour la réalisation d’au moins deux activités de la vie quotidienne définies dans un référentiel ([68]). Pour être éligible à l’AAH, il faut présenter un taux d’incapacité d’au moins 80 % ou situé entre 50 % et 79 % si la personne présente par ailleurs une restriction substantielle et durable pour l’accès à l’emploi (RSDAE) ([69]).

Pour prétendre à ces droits et prestations sociales, il convient de soumettre un dossier auprès de la MDPH (hors pension d’invalidité), composé notamment d’un formulaire cerfa d’une vingtaine de pages et d’un ou plusieurs certificats médicaux. Or, si ce formulaire correspond globalement aux attentes des personnes porteuses de handicaps moteurs ou sensoriels – qui pointent néanmoins sa complexité –, il est en revanche peu adapté aux handicaps cognitifs ou psychiques. Les représentants de l’association CLE Autistes soulignent ainsi qu’au-delà des difficultés d’accès au diagnostic que rencontrent les personnes neuroatypiques, qui ne sont elles-mêmes pas toujours conscientes d’être handicapées, le dossier s’appuie sur une évaluation centrée sur les difficultés physiques rencontrées. Or, les manifestations cognitives et physiques des neurodivergences sont difficiles à qualifier et à quantifier. Les personnes autistes peuvent par exemple présenter une mobilité réduite du fait de l’exposition à une surcharge sensorielle, de routines bouleversées ou d’états anxieux ou dépressifs, sans que celle-ci ne soit pour autant quantifiable, absolue ou permanente : « la MDPH nous demande de parler de nos pires moments alors que l’autisme est une suite de symptômes discontinus évolutifs et excessivement imprévisibles » ([70]).

En conséquence, comme l’ont souligné plusieurs interlocuteurs de la mission d’évaluation, de nombreuses personnes handicapées ne sont pas reconnues telles, parfois en raison d’une difficulté à démontrer une incapacité et un besoin d’accompagnement pourtant nécessaire. Cette situation illustre à nouveau l’importance des débats autour de la définition du handicap en droit français, qui dépassent largement un cadre théorique et symbolique. Dès lors qu’à la reconnaissance du handicap sont associés des droits et des prestations sociales, ses critères de définition et la manière dont l’éligibilité de chaque personne est évaluée présentent une dimension fondamentale. Or, les handicaps invisibles sont, par nature, plus difficiles à identifier, à évaluer et à reconnaître. Leur meilleure prise en compte implique le développement de la recherche et l’acquisition de connaissances nouvelles, ainsi que la sensibilisation et la formation des professionnels amenés à les identifier, les diagnostiquer et les prendre en charge.

C.   Une confusion structurelle entre les problématiques du handicap et des personnes âgées en perte d’autonomie

En France, les champs du handicap, du grand âge et de la dépendance font l’objet de politiques publiques séparées, mais entremêlées. On retrouve ici encore les enjeux liés à la définition conceptuelle du handicap : quelle différence entre le handicap et la dépendance liée à l’âge ? Quelles réponses distinctes y apporter ? Quels points communs justifient à l’inverse des dispositifs semblables, voire partagés ? De quelle catégorie relèvent les personnes handicapées vieillissantes ?

1.   Handicap et vieillesse, la construction historique de champs distincts mais entremêlés

La recherche historique et anthropologique sur l’infirmité et le handicap montre des liens étroits entre vieillesse et handicap dans la construction des politiques publiques qui leur sont dédiées ([71]). Tout au long de l’histoire, la vieillesse n’a jamais été assimilée à un âge déterminé et constant dans le temps, mais à un état corporel et mental dégradé. Les hospices avaient vocation à accueillir les individus qui n’étaient pas, ou plus, en état de travailler, et qui avaient donc droit à l’assistance publique : malades, infirmes, vieillards. Ils partagent un stigmate commun, la pauvreté, et reçoivent dès lors la charité.

● À compter du XVIIIe siècle, dans le contexte de la révolution industrielle, la transformation du travail provoque de nombreux accidents dont résultent des handicaps dans la population ouvrière. Émergent alors de premières réponses sectorielles aux différentes formes de handicaps avec l’émergence d’une protection sociale contre les conséquences des accidents du travail ([72]). À la suite de la Première Guerre mondiale, face au nombre important de blessés et d’invalides, la loi du 31 mars 1919 introduit un droit à réparation pour les soldats et entame un changement de paradigme avec l’idée d’une réadaptation, d’un retour à la vie en société ([73]). Peu de temps auparavant, la loi du 14 juillet 1905 sur l’assistance aux vieillards, infirmes et incurables instituait l’assistance obligatoire en faveur des plus démunis en fonction de leur âge ou de leur incapacité. Les hôpitaux et les hospices sont désormais financés par l’État.

Jusqu’au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, les personnes infirmes et âgées font ainsi l’objet d’une prise en charge commune au sein des hospices, mais aussi de réponses plus spécifiques à certaines formes de handicap, notamment pour personnes sourdes ou aveugles. Dans la décennie suivante, les politiques de sécurité sociale et d’aide sociale se structurent et séparent les champs de la vieillesse et du handicap.

La création du système de retraites par répartition en 1944 a apporté une réponse à la problématique de la pauvreté des personnes qui ne travaillent plus en raison de leur âge, sans aborder la question de la dépendance. À partir des années 1970, les hospices se transforment progressivement en lieux de soins, très médicalisés, dédiés aux personnes âgées dépendantes. Les patients, lorsqu’ils ne sont plus en capacité de vivre seuls, peuvent désormais résider en maisons de retraite, – les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) à compter de 1997.

En parallèle, jusqu’en 1975, le champ du handicap reste régi par la loi du 14 juillet 1905. La loi du 30 juin 1975 d’orientation en faveur des personnes handicapées ([74]) réunit ensuite sous le vocable du handicap les réponses sectorielles qui avaient été apportées aux différentes formes de déficiences et d’infirmité, et sans distinction d’âge.

● L’année 1975 marque donc la séparation des champs sanitaire et médico-social ([75]), ainsi que la distinction entre les problématiques de la vieillesse et du handicap. À partir des années 1980, le paradigme de la dépendance devient central dans les politiques de la vieillesse dont la responsabilité est laissée aux familles, « aidants naturels » de leurs proches âgés ([76]). Le secteur du handicap au contraire, grâce à l’investissement des familles et des professionnels, se développe et se structure autour de différents dispositifs d’accompagnement et de prise en charge. Les associations militent fortement pour le maintien d’une politique spécifique au handicap, afin notamment d’en préserver les moyens bien plus conséquents que ceux du grand âge ([77]).

Pourtant, depuis une vingtaine d’années, on assiste à une convergence des politiques du handicap et de la vieillesse. Le paradigme de la dépendance tend à être étendu au handicap afin de « confondre les enjeux et les problématiques de deux secteurs jusqu’alors bien différenciés » ([78]). Ce rapprochement s’opère notamment par la territorialisation des politiques de la vieillesse et du handicap, et par le développement de dispositifs de coordination à compter des années 2000. La loi du 2 janvier 2002 rénovant l’action sociale et médico-sociale ([79]) homogénéise les règles et pratiques régissant l’organisation des établissements médico-sociaux, qu’ils s’adressent aux personnes âgées ou aux personnes handicapées. En 2004, la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) est créée avec pour mission « dans la limite des ressources qui lui sont affectées, de contribuer au financement de la prise en charge de la perte d’autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées ».

● Pourtant, dès l’année suivante, la loi du 11 février 2005 réaffirme les droits spécifiques des personnes handicapées. Sa philosophie et son contenu semblent alors en contradiction avec le mouvement de convergence des politiques de la vieillesse et du handicap, poursuivi au cours des deux décennies suivantes ([80]).

La loi du 28 décembre 2015 relative à l’adaptation de la société au vieillissement ([81]) contient ainsi de nombreuses dispositions communes aux champs du grand âge et du handicap, et s’adresse aux « personnes en perte d’autonomie liée à l’âge ou au handicap ». La création de la branche autonomie de la sécurité sociale par la loi du 7 août 2020 relative à la dette sociale et à l’autonomie constitue l’aboutissement de cette dynamique ([82]).

La convention d’objectifs et de gestion 2022‑2026 de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie prévoit explicitement le principe d’une « convergence d’approche » entre les politiques du handicap et les politiques du grand âge. Interrogée à ce sujet par la mission d’évaluation, la Caisse a indiqué : « sans nier les spécificités de ces deux publics, les enjeux sont communs sur l’habitat, l’équité territoriale, l’accès aux droits, la simplification des démarches, la citoyenneté des personnes, les aidants, etc. Au-delà des différences certes importantes portant sur les droits et prestations dont peuvent bénéficier les personnes âgées et les personnes en situation de handicap, la démarche de l’évaluation multidimensionnelle de la situation de la personne et de ses besoins est identique. » ([83])

Les rapporteurs ne remettent pas en cause l’existence de dispositifs d’accueil, d’accompagnement et de prise en charge dont la philosophie et la mise en œuvre seraient similaires, indépendamment du public auquel ils s’adressent. Néanmoins, les travaux de la mission d’évaluation ont montré qu’il existe des spécificités propres aux personnes handicapées. Celles-ci avaient précisément été reconnues par la loi du 11 février 2005. En conséquence, toute démarche de convergence des politiques publiques du grand âge et du handicap doit faire l’objet d’une réflexion sociétale dépassant largement l’ajustement paramétrique des critères d’éligibilité à certaines prestations sociales.

2.   La convergence des politiques de l’autonomie ne doit pas conduire à la disparition du handicap derrière la perte d’autonomie liée à l’âge

Il existe de nombreux points communs entre les politiques d’accompagnement et de prise en charge des personnes handicapées et des personnes âgées.

Les interrogations autour de la vie autonome, de l’institutionnalisation, du maintien à domicile, de l’accessibilité de l’habitat sont communes aux deux secteurs. La garantie des droits fondamentaux de la personne âgée ou handicapée, avec en premier lieu le respect du droit à l’autodétermination, de la capacité à décider pour soi de son projet de vie, est également centrale dans la réflexion sur les droits et prestations sociales dont elle doit bénéficier, ainsi que sur l’aide qu’elle reçoit dans sa vie quotidienne. Les proches des deux publics sont également concernés par la question du soutien aux aidants. Les questions de la désinstitutionnalisation et de l’autodétermination touchent également les personnes âgées au même titre que les personnes handicapées : dans le cadre du virage domiciliaire, l’accès à des services médico-sociaux de qualité, en nombre suffisant, sur tout le territoire est fondamental, de même que les enjeux de la pénurie de professionnels et le manque d’attractivité de leurs métiers.

Toutefois, les deux secteurs se sont historiquement construits selon des logiques distinctes d’accompagnement et de prise en charge. Le grand âge se caractérise par la proximité de la fin de vie, avec une prédominance de l’approche par les soins en vue de prévenir et de prendre en charge la dépendance. À l’inverse, le secteur du handicap se projette vers l’éducation, la rééducation, la capacité d’adaptation de l’environnement et à l’environnement pour accéder ou conserver autonomie et indépendance. Dans le secteur du grand âge, « la dépendance est perçue comme un état et non une interaction entre la personne et son environnement, à l’inverse du paradigme du handicap » ([84]).

Il en résulte une solidarité nationale différenciée selon que la perte d’autonomie résulte de l’âge ou du handicap. La philosophie de la PCH correspond à une compensation intégrale des conséquences du handicap, avec un reste à charge minimal, là où l’allocation personnalisée d’autonomie (APA) soutient les personnes âgées en perte d’autonomie à hauteur de leurs moyens et de leur niveau de dépendance. La PCH constitue une prestation sociale flexible, de sorte à s’adapter à toutes les formes de handicap et à tout projet de vie, là où l’APA se montre beaucoup plus rigide dans les formes d’aides qu’elle vient financer.

Conditions d’attribution de la PCH et de l’apa à domicile

 

PCH à domicile

APA à domicile

Conditions d’âge

Avant 60 ans

OU

Après 60 ans si la personne était éligible à la PCH avant l’âge de 60 ans

Après 60 ans

Grille d’évaluation

Grille Geva* : calcul du temps nécessaire pour effectuer une tâche, qui donne lieu à un plan d’aide en nombre d’heures (pour l’aide humaine)

Grille Aggir** : cotation de différentes activités qui donne un total de points Gir

Nature de l’aide

Cinq formes d’aides :

– aide humaine

– aide technique

– aménagement du logement ou du véhicule

– charges spécifiques ou exceptionnelles

– aide animalière

Aide humaine ou aide à l’adaptation du logement

Montant plafond

Plafond par type d’aides pouvant être dépassé

Plafond selon le niveau de Gir

Participation financière du bénéficiaire

0 % ou 20 % du plan d’aide selon le niveau de ses ressources

Selon les revenus et le niveau de Gir.

* La grille Geva est un outil utilisé pour l’évaluation de la situation des personnes handicapées, permettant d’identifier les limitations d’activités et les restrictions de participation de la personne.

** La grille Aggir est l’outil utilisé pour évaluer le niveau de réalisation d’activités de différentes natures effectuées par une personne âgée seule, sans aide humaine. La cotation en « points Gir » tient compte du niveau de dépendance de la personne et de l’effort de prévention nécessaire.

Source : Cour des comptes, « L’accompagnement des personnes en situation de handicap vieillissantes », 2023.

Or, la coexistence de ces deux approches, avec prestations et droits différenciés selon l’âge, se heurte aux question du vieillissement des personnes handicapées et de la survenance tardive du handicap au cours de la vie.

Les personnes handicapées vieillissantes ne constituent pas une catégorie statistique faisant l’objet d’un suivi régulier. L’extinction de certains droits liés à la situation de handicap passé 60 ou 65 ans, tels que la PCH et la RQTH, ne permet plus l’identification des personnes handicapées. Ainsi, passé 60 ans, on observe une chute brutale du nombre de nouveaux demandeurs auprès de la MDPH, ce qui montre que les personnes qui subissent des déficiences après 60 ans sont orientées vers les politiques du grand âge plutôt que du handicap.

Pyramide des âges des demandeurs auprès de la MDPH
comparée à celle de l’ensemble de la population française

Le graphique montre que le nombre de nouveaux demandeurs de prestations liées au handicap auprès des MDPH diminue brutalement après l'âge de 60 ans.

Source : Cour des comptes, « L’accompagnement des personnes en situation de handicap vieillissantes », 2023.

Différents indicateurs démontrent toutefois que la population des personnes handicapées vieillissantes augmente. La Cour des comptes relevait, dans un rapport publié en 2023 ([85]), que le nombre de bénéficiaires de l’AAH âgés de plus de 50 ans avait progressé de 55 % entre 2011 et 2019. De même, entre 2010 et 2018, le nombre de personnes âgées de plus de 50 ans hébergées dans un établissement pour adultes handicapés ou travaillant dans un établissement et service d’aide par le travail (Esat) a augmenté de près de 50 %. La part des personnes handicapées âgées de plus de 60 ans résidant dans des structures pour adultes handicapés est passée de 3 % en 2006 à 12 % en 2022 ([86]).

Les personnes handicapées vieillissantes sont confrontées à trois grandes problématiques ([87]) :

– un cloisonnement institutionnel, administratif et juridique : la barrière d’âge de 60 ans, qui conditionne l’accès à la PCH, entraîne une rupture dans les parcours d’accompagnement et limite l’accès à des dispositifs adaptés à leurs besoins ;

– une méconnaissance et une mauvaise prise en charge de leurs besoins spécifiques : les besoins d’une personne handicapée vieillissante ne sont pas les mêmes que ceux des personnes âgées en perte d’autonomie, du fait des déficiences préexistantes au vieillissement, ainsi que de parcours de vie singuliers ;

– un manque de souplesse des dispositifs : la barrière d’âge empêche l’orientation vers des établissements médico-sociaux spécialisés dans le handicap, alors que ces structures sont souvent plus adaptées que les Ehpad.

La Cour des comptes relève que « le parcours de vieillissement [est] très différent selon que la personne est déjà “incluse” dans des filières de prise en charge spécialisée et qu’elle a accès à un accompagnement adapté ou qu’elle en est “exclue” et que cet accès est bien moins facile, voire impossible ». Très souvent, « les tensions dans le secteur médico-social trouvent une résolution au moins partielle dans les [Ehpad] » qui « constituent la principale structure d’accueil des personnes en situation de handicap vieillissante ». Or, ils sont « insuffisamment financés et outillés pour ce public spécifique » ([88]).

Face à ces constats, les rapporteurs rappellent que personnes handicapées et personnes âgées en perte d’autonomie ne sont pas dans des situations strictement comparables. Un enfant autiste n’a pas les mêmes besoins qu’un adulte sourd de 30 ans, qui lui-même n’a pas le même parcours de vie que la victime d’un accident vasculaire cérébral à l’âge de 61 ans. De même, une personne schizophrène de 70 ans n’aura pas le même projet d’accompagnement qu’une personne du même âge ayant perdu son autonomie suite à une chute. À nouveau, la diversité des formes de handicaps ne permet pas d’imaginer une prise en charge unique et homogène de toutes les personnes handicapées âgées de plus de 60 ans.

Dès lors, si les réponses apportées aux problématiques du handicap et du grand âge peuvent parfois être identiques – développement de l’aide et de l’accompagnement à domicile, de l’habitat inclusif, garantie des droits et prévention des maltraitances, soutien et accompagnement des proches aidants –, il faut distinguer les besoins spécifiques de chacun afin de proposer des solutions individualisées, en lien avec le projet de vie. En outre, il convient de veiller à l’accompagnement de la fin de vie des personnes handicapées, notamment lorsqu’elles vieillissent, afin qu’il respecte leur droit à l’autonomie et garantisse leur liberté de choix.

Recommandation n° 7 : Harmoniser les dispositifs d’aide et d’accompagnement des personnes handicapées et des personnes âgées en perte d’autonomie lorsqu’ils répondent à des problématiques identiques (développement du secteur du domicile, soutien aux proches aidants) afin d’éviter les ruptures de parcours, sans faire disparaître les solutions adaptées à un public donné lorsqu’elles sont justifiées par des besoins spécifiques (notamment en ne faisant pas des Ehpad le lieu d’accueil privilégié des personnes handicapées vieillissantes sans une réflexion sur le projet d’accueil qui y est développé, et sans un ajustement de leurs modalités de financement).

Par ailleurs, dans un contexte de vieillissement démographique, l’accompagnement et la prise en charge de la perte d’autonomie des personnes âgées constituent une préoccupation majeure des politiques sociales. Les dépenses de la branche autonomie sont amenées à augmenter fortement dans les prochaines années pour financer le virage domiciliaire et la dépendance. Face à ces constats, les rapporteurs rappellent que l’augmentation des besoins liés au vieillissement de la population ne doit pas conduire à la diminution ou à la dilution des moyens alloués aux politiques du handicap, notamment au sein de la branche autonomie de la sécurité sociale.

II.   Réformer le droit à compensation et les aides sociales au bénéfice des personnes handicapées pour garantir le respect de leurs droits fondamentaux

Le respect de l’article 19 de la Convention internationale des droits des personnes handicapées relatif au droit à l’autonomie de vie et à l’inclusion implique qu’elles « disposent de tous les moyens nécessaires pour pouvoir choisir et contrôler leur vie, et prendre toutes les décisions qui concernent leur existence » ([89]. À ce titre, elles bénéficient notamment de « l’aide personnelle ». En France, le droit à compensation des conséquences du handicap « a vocation à répondre aux besoins de chaque personne handicapée, en considération de ses aspirations et de son projet de vie, à tous les stades et dans tous les domaines de sa vie » ([90]).

A.   Le droit à compensation, une ambition majeure de la loi de 2005 et des promesses non tenues

La création de la prestation de compensation du handicap est l’une des grandes avancées de la loi du 11 février 2005, saluée par l’ensemble des acteurs auditionnés par la mission d’évaluation. Toutefois, ses promesses n’ont pas été tenues : la PCH a fait l’objet, notamment par voie réglementaire, d’une complexification croissante ayant eu pour effet d’en restreindre l’accès et de limiter les dépenses prises en charge par la solidarité nationale.

1.   L’instauration de la prestation de compensation du handicap

L’article 11 de la loi du 11 février 2005 a créé le droit à compensation au bénéfice des personnes handicapées. L’article L. 114‑1‑1 du code de l’action sociale et des familles prévoyait ainsi dans sa version initiale :

« La personne handicapée a droit à la compensation des conséquences de son handicap quels que soient l’origine et la nature de sa déficience, son âge ou son mode de vie.

Cette compensation consiste à répondre à ses besoins, qu’il s’agisse de l’accueil de la petite enfance, de la scolarité, de l’enseignement, de l’éducation, de l’insertion professionnelle, des aménagements du domicile ou du cadre de travail nécessaires au plein exercice de sa citoyenneté et de sa capacité d’autonomie, du développement ou de l’aménagement de l’offre de service, permettant notamment à l’entourage de la personne handicapée de bénéficier de temps de répit, du développement de groupes d’entraide mutuelle ou de places en établissements spécialisés, des aides de toute nature à la personne ou aux institutions pour vivre en milieu ordinaire ou adapté, ou encore en matière d’accès aux procédures et aux institutions spécifiques au handicap ou aux moyens et prestations accompagnant la mise en œuvre de la protection juridique […]. Ces réponses adaptées prennent en compte l’accueil et l’accompagnement nécessaires aux personnes handicapées qui ne peuvent exprimer seules leurs besoins.

Les besoins de compensation sont inscrits dans un plan élaboré en considération des besoins et des aspirations de la personne handicapée tels qu’ils sont exprimés dans son projet de vie, formulé par la personne elle-même ou, à défaut, avec ou pour elle par son représentant légal lorsqu’elle ne peut exprimer son avis. »

L’instauration de la prestation de compensation du handicap (PCH) à l’article 12 de la loi du 11 février 2005 vient concrétiser ce droit en remplaçant l’allocation compensatrice de tierce personne (ACTP). La PCH est une prestation à la fois innovante et complexe qui a connu de nombreuses évolutions paramétriques depuis sa création.

a.   Les critères d’éligibilité à la prestation de compensation du handicap

L’article L. 245‑1 du code de l’action sociale et des familles prévoit que « toute personne handicapée […] dont l’âge est inférieur à une limite fixée par décret et dont le handicap répond à des critères définis par décret prenant notamment en compte la nature et l’importance des besoins de compensation au regard de son projet de vie, a droit à une prestation de compensation qui a le caractère d’une prestation en nature qui peut être versée, selon le choix du bénéficiaire, en nature ou en espèces ».

● En application de l’article D. 245‑3 du même code, la limite d’âge pour solliciter la prestation est fixée à 60 ans. Elle ne s’applique pas aux personnes dont le handicap répondait, avant l’âge de 60 ans, aux autres critères d’éligibilité. La loi du 6 mars 2023 a par ailleurs supprimé une seconde limite d’âge, alors fixée à 75 ans, à compter de laquelle il n’était plus possible de solliciter la PCH, même si l’on satisfaisait, avant l’âge de 60 ans, à ses critères d’attribution ([91]).

● En application de l’article D. 245‑4 du même code, quiconque demande à bénéficier de la prestation de compensation du handicap doit présenter une difficulté absolue pour la réalisation d’une activité ou une difficulté grave pour la réalisation d’au moins deux activités définies dans un référentiel annexé audit code. Ces difficultés doivent être définitives ou d’une durée prévisible d’au moins un an.


Liste des activités à prendre en compte pour l’évaluation du handicap

Domaine 1

Mobilité

– se mettre debout

– faire ses transferts

– marcher

– se déplacer dans un logement ou à l’extérieur

– avoir la préhension de la main dominante

– avoir la préhension de la main non dominante

– avoir des activités de motricité fine

Domaine 2

Entretien personnel

– se laver

– assurer l’élimination et utiliser les toilettes

– s’habiller

– prendre ses repas

Domaine 3

Communication

– parler

– entendre (percevoir les sons et comprendre)

– voir (distinguer et identifier)

– utiliser des appareils et des techniques de communication

Domaine 4

Tâches et exigences générales, relations avec autrui

– s’orienter dans le temps

– s’orienter dans l’espace

– gérer sa sécurité

– maîtriser son comportement

– entreprendre des tâches multiples

Source : annexe 2‑5 du code de l’action sociale et des familles.

Depuis le décret du 31 décembre 2020 relatif à l’amélioration de la prestation de compensation du handicap ([92]), son bénéfice a été ouvert aux besoins liés à l’exercice de la parentalité des personnes handicapées. Cela concerne les aides humaines et techniques.

Niveaux de difficulté définis pour évaluer le handicap

0

Aucune difficulté

La personne réalise l’activité sans aucun problème et sans aucune aide, c’est-à-dire spontanément, totalement, correctement et habituellement.

1

Difficulté légère
(un peu, faible)

La difficulté n’a pas d’impact sur la réalisation de l’activité.

2

Difficulté modérée (moyen, plutôt)

L’activité est réalisée avec difficulté mais avec un résultat final normal. Elle peut par exemple être réalisée plus lentement ou en nécessitant des stratégies et des conditions particulières.

3

Difficulté grave (élevé, extrême)

L’activité est réalisée difficilement et de façon altérée par rapport à l’activité habituellement réalisée.

4

Difficulté absolue (totale)

L’activité ne peut pas du tout être réalisée sans aide, y compris la stimulation, par la personne elle-même. Chacune des composantes de l’activité ne peut pas du tout être réalisée.

Source : annexe 2‑5 du code de l’action sociale et des familles.

b.   Les aides financées par la prestation de compensation du handicap

L’article L. 245‑3 du code de l’action sociale et des familles prévoit que la prestation de compensation du handicap peut être affectée à cinq types de dépenses :

– les aides humaines, y compris lorsqu’elles sont apportées par les aidants familiaux ;

– les aides techniques, y compris les frais laissés à la charge de l’assuré lorsque ces aides relèvent de dépenses d’assurance-maladie (frais de médecine générale et spéciale, frais de soins dentaires, frais de traitement des établissements de soins, de réadaptation ou de rééducation, etc. ([93])) ;

– l’aménagement du logement et du véhicule de la personne handicapée, ce qui inclut d’éventuels surcoûts résultant de son transport ;

– les dépenses spécifiques ou exceptionnelles à l’image des charges relatives à l’acquisition ou l’entretien de produits liés au handicap ;

– l’attribution et l’entretien des aides animalières.


Durée plafond de l’aide humaine en fonction du type d’activités pris en charge

Domaines

Actes

Durée plafond de l’aide humaine

Actes essentiels de l’existence

Entretien personnel

Toilette

70 minutes par jour

Habillage et déshabillage

40 minutes par jour

Alimentation

1 heure et 45 minutes par jour

Élimination (hors actes infirmiers)

50 minutes par jour

Déplacements

Dans le logement

35 minutes par jour

À l’extérieur

30 heures par an

Maîtrise de son comportement

En fonction des besoins évalués au titre de la surveillance régulière et du soutien à l’autonomie

Réalisation des tâches multiples

En fonction des besoins évalués au titre de la surveillance régulière et du soutien à l’autonomie

Participation à la vie sociale

30 heures par mois sous forme de crédit-temps

Besoins éducatifs

30 heures par mois

Surveillance régulière
Veiller sur une personne handicapée afin d’éviter qu’elle ne s’expose à un danger menaçant son intégrité ou sa sécurité

Pour les personnes qui s’exposent à un danger du fait d’une altération substantielle, durable ou définitive d’une ou plusieurs fonctions mentales, cognitives ou psychiques

3 heures par jour

Pour les personnes qui nécessitent à la fois une aide totale pour la plupart des actes essentiels et une présence constante ou quasi constante due à un besoin de soins ou d’aide pour les gestes de la vie quotidienne

24 heures par jour

Soutien à l’autonomie
Accompagnement d’une personne dans l’exercice de l’autonomie dans le respect de ses aspirations personnelles

Planifier, organiser, entamer, exécuter, et gérer le temps des activités (habituelles ou inhabituelles) en s’adaptant au contexte dans les actes nécessaires pour vivre dans un logement, pour se déplacer en dehors de ce logement, y compris pour prendre les transports, et participer à la vie en société

3 heures par jour sous forme de crédit temps

Interagir avec autrui, comprendre ses intentions et ses émotions ainsi que s’adapter aux codes sociaux et à la communication afin de pouvoir avoir des relations avec autrui, y compris en dehors de sa famille proche ou de ses aidants

Évaluer ses capacités, la qualité de ses réalisations et connaître ses limites, afin notamment d’être capable d’identifier ses besoins d’aide, de prendre des décisions adaptées et de prendre soin de sa santé

Traiter les informations sensorielles (notamment hypo ou hyper sensorialité, recherche ou évitement des sensations, hallucinations, difficulté à identifier une douleur, difficulté à évoluer dans certains environnements) afin notamment de mettre en œuvre les habiletés de la vie quotidienne, la communication, les compétences sociales.

Frais supplémentaires liés à l’exercice d’une activité professionnelle ou d’une fonction élective

Hors besoins d’aide humaine pour l’accomplissement des actes essentiels sur le lieu de travail et frais liés aux aides en lien direct avec le poste de travail

156 heures par an

Exercice de la parentalité

Pour une personne empêchée, totalement ou partiellement, du fait de son handicap, de réaliser des actes relatifs à l’exercice de la parentalité, dès lors que son enfant ou ses enfants ne sont pas en capacité, compte tenu de leur âge, de prendre soin d’eux-mêmes et d’assurer leur sécurité.

Enfant de moins de 3 ans

30 heures par mois

Enfant entre 3 et 7 ans

15 heures par mois

Situation de monoparentalité

Majoration de 50 %

Source : commission des affaires sociales d’après l’annexe 2‑5 du code de l’action sociale et des familles.


● Pour bénéficier d’une aide humaine, il est nécessaire que la personne handicapée remplisse deux conditions ([94]).

D’une part, le bénéficiaire doit présenter une difficulté absolue pour la réalisation d’un des actes ou d’une difficulté grave pour la réalisation de deux des actes liés à l’entretien personnel, aux déplacements ou à la maîtrise du comportement. D’autre part, le temps d’aide nécessaire apporté par un aidant familial pour ces mêmes actes ou au titre d’un besoin de surveillance ou de soutien à l’autonomie doit atteindre 45 minutes par jour.

Depuis le 1er janvier 2023 ([95]), les conditions d’accès à la prestation de compensation du handicap, et en particulier à l’aide humaine, ont été élargies de sorte à la rendre plus accessible aux personnes atteintes de troubles mentaux, psychiques, cognitifs ou du neurodéveloppement. Cela concerne notamment les domaines d’activités couverts par l’aide humaine et le temps d’aide humaine attribué au titre du soutien à l’autonomie.

● Les aides techniques recouvrent tout instrument, équipement ou système technique adapté ou spécialement conçu pour compenser une limitation d’activité, acquis ou loué par la personne handicapée pour son usage personnel ([96]).

Les aides techniques inscrites dans le plan personnalisé de compensation doivent contribuer à maintenir ou améliorer l’autonomie de la personne pour une ou plusieurs activités, à assurer sa sécurité, ou à mettre en œuvre les moyens nécessaires pour faciliter l’intervention des aidants.

Elles peuvent concerner des prestations ou produits remboursés ou non par la sécurité sociale, mais également des équipements d’utilisation courante adaptés et des aides liées à l’exercice de la parentalité.

● Les aménagements du logement ou du véhicule sont destinés à maintenir ou améliorer l’autonomie de la personne handicapée afin de lui permettre de circuler, d’utiliser les éléments indispensables à la vie courante, de se repérer et de communiquer, sans difficulté et en toute sécurité ([97]).

● Les charges spécifiques ou exceptionnelles correspondent aux dépenses permanentes et prévisibles ou aux dépenses ponctuelles liées au handicap et n’ouvrant droit à aucune prise en charge au titre d’un des autres éléments de la prestation de compensation ([98]).

● Les aides animalières correspondent à l’acquisition et à l’entretien d’un chien guide d’aveugle ou d’un chien d’assistance ([99]).

c.   La procédure d’instruction et d’attribution de la prestation de compensation du handicap

La demande de prestation de compensation du handicap consiste en la transmission à la maison départementale des personnes handicapées d’un formulaire Cerfa dûment complété par la personne handicapée ou son représentant légal, ainsi que d’un certificat médical de moins de douze mois dans lequel un médecin fait état des difficultés liées au handicap et des problèmes de santé éventuels.

Les services de la MDPH instruisent la demande et la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées (CDAPH) statue sur son attribution. L’article L. 245‑2 du code de l’action sociale et des familles prévoit que la prestation est servie par le département où le demandeur a son domicile d’origine ou, à défaut, où il réside, « dans des conditions identiques sur l’ensemble du territoire ». Ainsi, bien que l’instruction de la demande et l’attribution de la prestation soient territorialisées, elles font l’objet d’une procédure identique quel que soit le département de résidence.

Le même article L. 245‑2 dispose que « l’instruction de la demande de prestation de compensation comporte l’évaluation des besoins de compensation du demandeur et l’établissement d’un plan personnalisé de compensation réalisés par l’équipe pluridisciplinaire ». L’article L. 146‑8 du même code précise que, pour élaborer le plan personnalisé de compensation du handicap l’équipe pluridisciplinaire entend la personne handicapée, ainsi le cas échéant que son représentant légal, et se rend sur son lieu de vie. Les services de la MDPH peuvent solliciter des pièces justificatives complémentaires (devis, certificats médicaux).

La CDAPH prend la décision d’attribution de la prestation de compensation du handicap sur la base de l’évaluation effectuée par l’équipe pluridisciplinaire, des souhaits exprimés par la personne handicapée ou par son représentant légal, et du plan personnalisé de compensation proposé ([100]). La décision d’attribution indique, pour chacun des éléments constitutifs de la prestation :

– la nature des dépenses et, pour les dépenses d’aide humaine, la répartition des heures ;

– la durée d’attribution ;

– le montant total attribué (hors aide humaine) ;

– le montant mensuel attribué ;

– les modalités de versement choisies par le bénéficiaire ;

– éventuellement, pour les aides techniques et les charges spécifiques ou exceptionnelles, l’identité des personnes physiques ou morales ayant conventionné avec le conseil départemental et auxquelles les éléments seront directement versés ([101]).

En principe, la prestation de compensation du handicap est attribuée pour une durée maximale de dix ans. Toutefois, depuis la loi du 6 mars 2023 visant à améliorer l’accès à la prestation de compensation du handicap ([102]), l’article L. 245‑6 du code de l’action sociale et des familles prévoit que, « lorsque le handicap n’est pas susceptible d’évoluer favorablement, un droit à la prestation de compensation du handicap est ouvert sans limitation de durée, sans préjudice des révisions du plan personnalisé de compensation qu’appellent les besoins de la personne ». Cela évite aux personnes dont le handicap est définitif, et donc dont les besoins de compensations ne sont pas susceptibles de diminuer, d’avoir à renouveler leur demande à échéances régulières. Rien n’exclut qu’elles puissent toutefois demander une révision de leur plan de compensation si leurs besoins évoluent.

2.   Les promesses associées à la création de la prestation de compensation du handicap n’ont pas été tenues, au détriment de l’autonomie des personnes handicapées

Le droit à compensation reste encore aujourd’hui inabouti et les promesses de 2005 n’ont pas été tenues. Le Défenseur des droits considère que, « dans sa mise en œuvre, le droit à compensation connaît de nombreuses limites qui contreviennent aux principes de dignité intrinsèque, d’autonomie individuelle, y compris la liberté de faire ses propres choix, et d’indépendance des personnes handicapées » ([103]).

a.   Le maintien d’une barrière d’âge en contradiction avec la loi du 11 février 2005

L’article 13 de la loi du 11 février 2005 prévoyait que la prestation de compensation du handicap soit étendue aux enfants handicapées dans un délai de trois ans suivant son entrée en vigueur. En outre, le même article ordonnait que « dans un délai maximum de cinq ans, les dispositions de la [...] loi opérant une distinction entre les personnes handicapées en fonction de critères d’âge en matière de compensation du handicap et de prise en charge des frais d’hébergement en établissements sociaux et médico-sociaux [soient] supprimées ».

Ces dispositions résultaient d’un amendement du Gouvernement adopté par l’Assemblée nationale, témoignant à l’époque d’un engagement ferme et d’une volonté claire de remédier aux inégalités engendrées par les critères d’âge en matière de prestations associées au handicap. Les délais fixés devaient permettre d’harmoniser les dispositifs applicables aux enfants et aux adultes de tous âges.

 Vingt ans plus tard, les barrières d’âge persistent. Certes, il n’existe plus de limite d’âge, fixée à 75 ans, pour solliciter la prestation de compensation du handicap lorsque les critères d’attribution étaient satisfaits avant l’âge de 60 ans. Toutefois, la limite d’âge de 60 ans a été maintenue malgré des critiques renouvelées sur le cloisonnement qu’elle induit de la prise en charge des personnes handicapées. De manière concrète, cette barrière d’âge implique que, si une personne acquiert un handicap suite à un accident survenu la veille de son soixantième anniversaire, elle pourra bénéficier de la prestation jusqu’à la fin de sa vie. En revanche, si ce même accident survient le lendemain de son soixantième anniversaire, alors elle ne sera pas éligible à la prestation de compensation du handicap, mais aux mécanismes réservés aux personnes âgées en perte d’autonomie, notamment l’allocation personnalisée d’autonomie (APA). Or, l’APA laisse un reste à charge beaucoup plus important au bénéficiaire, calculé en fonction du niveau de dépendance et de ses ressources, quand la prestation de compensation du handicap assure une meilleure prise en charge, calculée en fonction des besoins.

Il en résulte une situation profondément injuste, dénoncée par une grande partie des personnes auditionnées par la mission d’évaluation. Les rapporteurs notent que l’argument financier est avancé pour expliquer le renoncement aux ambitions de la loi de 2005 et à la suppression de la limite d’âge. Interrogée à ce sujet, la direction générale de la cohésion sociale a estimé le coût d’une telle réforme à environ 1,5 milliard d’euros par an ([104]).

Les rapporteurs estiment que cette limite d’âge, même dans un contexte budgétaire contraint, ne se justifie pas. En effet, dans son principe, elle sous-entend que l’on ne peut être handicapé au-delà de 60 ans si l’on ne l’était pas déjà auparavant. Elle génère des inégalités inacceptables et incompréhensibles pour les personnes exclues de la prestation de compensation du handicap sur le seul fondement de leur âge, en dehors de toute analyse de la nature et de l’ampleur de leurs déficiences. En conséquence, les rapporteurs ne peuvent que soutenir la levée de la barrière d’âge et le respect de la volonté du législateur de 2005.

Recommandation n° 8 : Supprimer la limite d’âge de 60 ans qui conditionne l’accès à la prestation de compensation du handicap.

● En ce qui concerne les enfants, le bénéfice du dispositif a été ouvert aux personnes âgées de moins de 20 ans en 2008 ([105]). Toutefois, l’accès des enfants et adolescents ne s’est pas traduit par une adaptation de la prestation aux spécificités de ces publics. En conséquence et afin de prévenir les ruptures de droits, un droit d’option a été laissé aux parents entre la prestation de compensation du handicap et l’allocation d’éducation de l’enfant handicapé (AEEH).

Il en résulte un dispositif particulièrement complexe. L’AEEH est composée d’une allocation de base et de six catégories de compléments, en fonction du niveau de handicap de l’enfant, qui peuvent faire l’objet d’une majoration spécifique pour les parents isolés. Ces compléments visent à compenser les surcoûts correspondants à des dépenses liées au handicap ainsi que les pertes financières liées à la réduction, la cessation ou le renoncement à l’activité professionnelle de l’un des parents, ou encore à l’embauche d’un tiers.

L’AEEH repose sur une logique forfaitaire : à l’allocation de base et à chaque complément sont associés des montants prédéterminés. À l’inverse, la prestation de compensation du handicap repose sur une logique de compensation individualisée en fonction des besoins du bénéficiaire. Pour être éligible à la PCH, l’enfant ou l’adolescent doit remplir les trois conditions suivantes :

– être bénéficiaire de l’AEEH ;

– ouvrir droit à un complément de l’AEEH ;

– répondre aux critères d’éligibilité de la PCH en lien avec le handicap, c’est‑à-dire présenter une difficulté absolue ou grave à réaliser une ou deux des activités prévues par le référentiel.

Les règles de cumul et le droit d’option rendent très peu intelligible l’articulation des deux prestations. Pour l’Inspection générale des affaires sociales (Igas), « le droit applicable aux besoins de compensation des enfants, qui comprend un droit d’option entre l’AEEH et la PCH, est d’une complexité qui dépasse l’entendement » ([106]). Ainsi, l’AEEH seule peut être cumulée avec la PCH, mais pas ses compléments. Une dérogation est possible pour les aménagements du logement ou du véhicule et les surcoûts liés au transport, qui constituent le troisième élément de la PCH, lorsque le complément de l’AEEH ne couvre pas des frais de cette nature. Les parents peuvent ainsi choisir entre l’AEEH de base et un complément AEEH ; l’AEEH de base et la PCH ; l’AEEH de base et le troisième élément de la PCH et un complément AEEH pour couvrir tous les autres frais et prendre en compte les contraintes liées au besoin d’aide humaine.

Il n’existe pas de statistiques précises sur le nombre de familles choisissant de cumuler l’AEEH de base avec la PCH. Les moins de 20 ans sont néanmoins peu nombreux à bénéficier de la PCH : ils étaient un bénéficiaire sur dix en 2022 ([107]).

Nombre d’enfants bénéficiaires de l’AEEH par type d’allocation perçue

Le graphique montre que le nombre d'enfants handicapés qui touchent l'AEEH a fortement augmenté depuis 2007.

Source : rapport d’évaluation des politiques de sécurité sociale (REPSS) Autonomie » annexé au projet de loi d’approbation des comptes de la sécurité sociale (PLACSS) pour 2024.

Au regard des critiques émises par les représentants associatifs des personnes handicapées, les rapporteurs constatent que la complexité du dispositif conduit les familles à préférer l’AEEH à la PCH, notamment en raison de son fonctionnement forfaitaire. Ainsi, malgré l’existence d’autres compléments qui répondent spécifiquement à des besoins de compensation (aides humaines, aides techniques), l’AEEH n’est pas une prestation visant à compenser de manière personnalisée et individualisée un handicap.

Dans la continuité de leurs réflexions sur la promotion du droit à l’autodétermination des personnes handicapées et des interrogations suscitées par le maintien de critères d’âge, les rapporteurs souhaitent que des travaux soient engagés en vue de la création d’une prestation de compensation du handicap universelle, indépendante de l’âge des publics concernés. Si les questionnements liés au coût d’une telle réforme sont légitimes, les rapporteurs soulignent dès à présent que plus la société sera adaptée, accessible et inclusive, moins il sera nécessaire de compenser les conséquences des handicaps.

b.   L’encadrement du reste à charge pour les personnes handicapées, une mise en application trop tardive et inaboutie

● Le montant des dépenses prises en charge par la prestation de compensation du handicap est plafonné pour chaque élément qui la compose. L’article L. 245‑6 du code de l’action sociale et des familles dispose qu’elle est accordée sur la base de tarifs et de montants fixés par nature de dépense, dans la limite de taux de prise en charge qui varient selon les ressources du bénéficiaire, et déterminés par deux arrêtés du 28 décembre 2005 ([108]).


Tarifs et montants applicables à l’aide humaine au 1er avril 2025

(hors Mayotte, hors forfaits cécité, surdité et surdicédité)

Tarifs horaires applicables au premier élément de la prestation de compensation

Modalités de l’aide humaine

Tarif horaire PCH

Modalité de calcul

Emploi direct - principe général

19,34 

150 % du salaire horaire brut d’un(e) assistant(e) de vie C, au sens de la convention collective cité en référence.

Emploi direct - si réalisation de gestes liés à des soins ou aspirations endotrachéales

20,10 

150 % du salaire horaire brut d’un(e) assistant(e) de vie D, au sens de la convention collective citée en référence.

Service mandataire - principe général

21,27 

Majoration de 10 % du tarif emploi direct correspondant.

Service mandataire si réalisation de gestes liés à des soins ou aspirations endotrachéales

22,11 

Majoration de 10 % du tarif emploi direct correspondant.

Service prestataire

24,58 

0,01941 fois la MTP applicable au 1er janvier de l’année considérée.

Aidant familial dédommagé

4,78 

50 % du salaire minimum horaire net applicable aux emplois familiaux.

Aidant familial dédommagé - si celui-ci cesse ou renonce totalement ou partiellement à une activité professionnelle

7,16 

75 % du salaire minimum horaire net applicable aux emplois familiaux.

Montant mensuel maximum du dédommagement de chaque aidant familial

Dispositions

Montant mensuel

Modalité de calcul

Montant mensuel maximum

1 231,15 

85 % du salaire minimum mensuel net, calculé sur la base de 35 heures par semaine, applicable aux emplois familiaux.

Montant mensuel maximum majoré

1 477,38 

Majoration de 20 % du montant mentionné à la ligne précédente.

Montant de l’aide humaine pour les personnes hébergées à temps complet dans un établissement

Dispositions

Montant mensuel

Modalité de calcul

Montant mensuel minimum

56,43 

4,75 fois le SMIC horaire brut applicable pendant le mois de droit.

Montant mensuel maximum

112,86 

9,5 fois le SMIC horaire brut applicable pendant le mois de droit.

Montant journalier minimum

1,90 

0,16 fois le SMIC horaire brut applicable pendant le mois de droit.

Montant journalier maximum

3,80 

0,32 fois le SMIC horaire brut applicable pendant le mois de droit.

Source : direction générale de la cohésion sociale.

Tarifs et montants applicables aux différents éléments de la prestation
de compensation du handicap hors aide humaine au 1er avril 2025

Élément de la PCH

Montant maximum attribuable

Durée maximale d’attribution

Tarif

2e élément

Aides techniques

Règle générale

13 200 

10 ans

Selon les aides techniques : tarif détaillé ou 75 % du prix (1)

Si une aide technique et, le cas échéant, ses accessoires, ont un tarif PCH à au moins 3 000 €

13 200 € + montant du tarif PCH de l’aide technique et de ses accessoires, après déduction du remboursement par l’assurance maladie

3e élément
Aménagement du logement, du véhicule et surcoûts liés aux transports

Aménagement du logement

10 000 

10 ans

Tranche de 0 à 1 500 € : 100 % du coût

Tranche > 1 500 € : 50 % du coût

Déménagement : 3 000 €

Aménagement du véhicule

Surcoûts liés aux transports

10 000 

OU

24 000  sous conditions

 

10 ans

Véhicule : tranche 0 à 1 500 € : 100 % du coût

Véhicule : tranche > 1 500 € : 75 % du coût

Transport : 75 % ou 0,50 €/km

4e élément
Charges spécifiques et exceptionnelles

Charges spécifiques

100 €/mois

10 ans

Selon les produits : tarif détaillé ou 75 % du coût

Charges exceptionnelles

6 000 

10 ans

75 % du prix

5e élément

Aide animalière

Règle générale

6 000 

10 ans

Si versement mensuel : 50 €/mois

Source : direction générale de la cohésion sociale.

Le montant de la prestation tient compte des ressources du bénéficiaire. Lorsqu’elles sont inférieures à 30 915,30 euros par an, elle prend en charge 100 % des montants plafonds prévus pour chaque élément ; dans le cas contraire, elle couvre 80 % des montants plafonds. Le calcul des ressources du bénéficiaire écarte ([109]) :

– les revenus d’activité professionnelle ;

– les indemnités temporaires, prestations et rentes viagères servies aux victimes d’accidents du travail ;

– les revenus de remplacement ;

– les revenus d’activité du conjoint, du concubin, du partenaire de Pacs, de l’aidant familial ou des parents ;

– les rentes viagères versées au titre d’un contrat d’assurance vie ;

– certaines prestations sociales à objet spécialisé ;

– les primes liées aux performances versées par l’État aux sportifs de l’équipe de France médaillés aux jeux Paralympiques.

● En outre, l’article 64 de la loi du 11 février 2005 avait prévu la gestion, par chaque maison départementale, d’un fonds départemental de compensation du handicap chargé d’allouer aux personnes handicapées des aides financières pour faire face aux frais de compensation restant à leur charge après déduction de la prestation de compensation. Le fonds est notamment abondé par les départements, l’État, les autres collectivités territoriales, les organismes d’assurance maladie ou encore les caisses d’allocations familiales ([110]). Il était précisé que les frais de compensation restant à la charge du bénéficiaire de la prestation ne devaient pas excéder 10 % de ses ressources personnelles nettes d’impôts ([111]).

Or, si cette disposition est entrée en vigueur avec la loi du 11 février 2005, ses textes d’application n’ont jamais été publiés. Malgré une décision du Conseil d’État, en 2016, enjoignant à l’État d’agir sous astreinte ([112]), le dispositif est resté inopérant en raison de l’inaction du Gouvernement.

La loi du 6 mars 2020 ([113]) a ensuite modifié la rédaction : le reste à charge des bénéficiaires de la PCH ne peut désormais excéder 10 % de leurs ressources « dans la limite des financements du fonds départemental de compensation ». L’abondement de ces fonds étant facultatif pour les contributeurs, cette précision a fortement restreint du dispositif. De plus, le décret d’application de cette nouvelle rédaction a également tardé, ce qui a entraîné une nouvelle condamnation de l’État sous astreinte par le Conseil d’État ([114]).

Le décret du 25 avril 2022 a finalement été publié ([115]). Il a fait l’objet d’un avis défavorable du Conseil national consultatif des personnes handicapées. Celui-ci s’était déjà opposé à la modification opérée par la loi du 6 mars 2020 en raison de l’absence d’encadrement des frais de compensation laissés à la charge des bénéficiaires de la prestation de compensation du handicap, des très fortes disparités territoriales engendrées par les montants versés pour l’abondement du fonds par les différents contributeurs, et enfin de la prise en compte des revenus du conjoint dans le calcul des ressources ouvrant le bénéfice du fonds de compensation alors même qu’ils sont exclus des ressources considérées pour l’obtention de la prestation ([116]).

Interrogés sur la mise en œuvre de ce dispositif par les rapporteurs, les départements l’ont jugée difficile au regard des besoins et des crédits disponibles. Par ailleurs, ils ont pointé du doigt l’absence de règles relatives à l’abondement du fond et le manque d’accompagnement de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie concernant l’harmonisation des règlements intérieurs d’aide sociale des conseils départementaux ([117]). La Caisse a, quant à elle, indiqué contribuer à l’abondement de ces fonds à hauteur de 5 millions d’euros par an ([118]).

● Au cours de leurs travaux, les rapporteurs ont constaté que la prestation de compensation du handicap reste insuffisante pour couvrir les besoins de compensation des personnes bénéficiaires.

En ce qui concerne les aides humaines, le minutage de chaque activité, en plus du plafonnement de la rémunération horaire des professionnels, est « une véritable usine à gaz » visant à « justifier et économiser chaque minute de chaque journée ». « Tout est chronométré » : « ce n’est pas tenable pour les personnes qui réalisent le travail de soignant, d’aidant ou d’auxiliaire de vie ». De fait, « les restes à charge dans l’aide humaine sont nombreux » ([119]) : tarifs horaires supérieurs à celui que couvre la prestation en cas d’appel à un prestataire, coûts liés aux fins de contrats en emploi direct. En conséquence, la prestation de compensation du handicap ne permet pas de financer entièrement les besoins d’aide humaine des personnes handicapées, contraignant les plus précaires à y renoncer car incapables d’acquitter les frais non compensés. En outre, le plafonnement des tarifs horaires, s’il a vocation à encadrer la progression de la dépense publique, a contribué à une trop faible progression des salaires dans le secteur, dont découle en grande partie le manque d’attractivité de ces métiers, et donc la pénurie de professionnels médico-sociaux que l’on déplore aujourd’hui.

En ce qui concerne les aides techniques, malgré l’inflation, les montants plafonds ont relativement peu progressé depuis 2005. Dès lors, ils demeurent insuffisants pour couvrir les coûts d’acquisition de matériels. Il en résulte des restes à charge parfois très significatifs, notamment lorsqu’il s’agit de s’équiper de fauteuils roulants techniques ou électriques. Il faut alors faire appel au fonds départemental de compensation ou « faire des cagnottes pour pouvoir se payer un fauteuil roulant […] alors que les aides techniques sont des extensions [du] corps » dont ceux qui en ont besoin ne devraient pas avoir à se priver ([120]). En outre, le plafonnement des montants des aides techniques conduit une partie des personnes qui y ont recours à se tourner vers des équipements moins adaptés à leur situation spécifique, car moins chers, au risque d’aggraver leurs difficultés de santé ou de restreindre leur autonomie.

Témoignage issu de la consultation Rien Sans Nous (voir annexe n° 1)

Amélie : « Nous avons des droits pour notre fils. Des droits financiers, mais trop peu. Nous avons 10 000 euros de frais non remboursés par an ! »

Confrontés à ces éléments, les rapporteurs regrettent que les textes réglementaires – ou leur absence – aient conduit à revenir sur les ambitions du législateur de 2005. Les critères, plafonds et tarifs accumulés ont contribué à l’augmentation des frais de compensation laissés à la charge des personnes bénéficiaires de la prestation de compensation du handicap, et non à leur réduction. Le plafonnement du reste à charge à hauteur de 10 % des ressources personnelles n’a par ailleurs jamais été respecté, faute d’une volonté politique suffisante pour ne serait-ce que tenter de l’appliquer. En conséquence, les personnes handicapées, déjà structurellement plus exposées à la précarité, ont à financer sur leurs propres ressources les aides dont elles ont besoin pour vivre en autonomie, ou doivent y renoncer faute de moyens suffisants. Face à cette situation, les rapporteurs préconisent simplement l’application de l’article L. 146‑5 du code de l’action sociale et des familles, en confiant à la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie ou à l’État le rôle de financeur de dernier ressort lorsque le fonds départemental de compensation est insuffisamment abondé.

Recommandation n° 9 : Appliquer enfin l’article L. 1465 du code de l’action sociale et des familles, qui prévoit un reste à charge minimal à hauteur de 10 % des ressources personnelles des bénéficiaires de la prestation de compensation du handicap, en confiant à la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie ou à l’État le rôle de financeur de dernier ressort de ces frais de compensation.

c.   Un fonctionnement en silos de la prestation de compensation du handicap contraire à l’esprit d’une compensation intégrale en lien avec le projet de vie de la personne handicapée

La prestation de compensation du handicap finance cinq grandes catégories d’aides – aide humaine, aides techniques, adaptation du logement ou du véhicule, charges spécifiques ou exceptionnelles, aides animalières. Ces dernières sont elles-mêmes déclinées dans des référentiels en sous-catégories, domaines et actes sur lesquels repose la tarification. Or, cette logique de « silos » plafonnés est contraire à l’approche du handicap par l’autodétermination, au principe de l’évaluation des besoins, et donc à une compensation intégrale et individualisée sur la base d’un projet de vie défini par la personne handicapée elle-même.

« On a découpé la vie et les besoins d’une personne en actes considérés comme plus ou moins essentiels, plutôt que de se poser la question des types de moyens matériels, techniques, organisationnels, animaliers, pédagogies, et des compétences humaines à mettre en œuvre pour compenser, c’est-à-dire mettre à égalité la personne handicapée par rapport à une personne valide » ([121]). Comme le souligne la Défenseure des droits, la prestation de compensation du handicap « présente de nombreuses limites en termes de réponses aux besoins réels. Ainsi, seuls les “besoins essentiels de l’existence” sont pris en charge, au mépris des autres besoins des personnes handicapées pour participer activement à la vie publique, sociale et culturelle » ([122]).

Cette approche de la compensation par catégories d’actes plutôt que de manière globale en fonction des aspirations des bénéficiaires conduit à des situations absurdes. Il a fallu attendre l’année 2021 pour que la préparation des repas et la vaisselle soient prises en charge au titre de l’aide à l’alimentation ([123]). Aujourd’hui encore, les aides ménagères ne sont toujours pas financées par la prestation de compensation, alors même qu’il est raisonnable de penser qu’une personne qui a besoin d’une aide humaine pour l’habillage, la toilette ou l’alimentation en a également besoin pour entretenir et nettoyer son logement.

En outre, la déclinaison de l’aide humaine par activités isolées peut conduire à l’intervention de plusieurs professionnels différents auprès d’une personne handicapée au cours d’une même journée afin d’accomplir chaque acte isolément. « Une personne pour faire la toilette, une autre pour faire manger, une autre pour accompagner pour des sorties, alors que nous avons besoin d’avoir affaire à peu de personnes différentes pour ne pas avoir à expliquer à chaque fois nos besoins, et parce que nous devons garder la liberté de faire un jour d’abord notre toilette, et après notre petit-déjeuner, ou le contraire, comme le font les valides sans même y penser » ([124]). Corollairement, les professionnels de l’accompagnement médico-social subissent également des conditions de travail dégradées en raison du minutage de chaque acte. Ils sont contraints d’imposer des rythmes aux personnes auprès desquelles ils interviennent, indépendamment de leurs souhaits et de leurs besoins. Il en découle une perte de sens pour des métiers fondés sur l’accompagnement humain et non sur l’exécution de tâches successives auprès de personnes différentes au cours d’une même journée.

Face aux activités manquantes dans le référentiel, il peut être tentant d’ajouter de nouvelles catégories et de nouvelles activités. Toutefois, les rapporteurs considèrent que la compensation des conséquences du handicap doit nécessairement reposer sur une approche globale de la vie quotidienne, en lien avec les envies exprimées par la personne accompagnée, et non sur le respect d’un référentiel d’activités par définition limité. Les personnes handicapées doivent pouvoir décider des heures où elles se lèvent et se couchent, où elles mangent, où elles se lavent et s’habillent. L’accompagnement ne saurait se résumer à des actes désincarnés, sauf à faire des personnes handicapées des « objets de soins », et non des sujets, en contradiction totale avec les engagements de la France dans le cadre de la Convention internationale des droits des personnes handicapées.

En conséquence, les rapporteurs préconisent une refonte totale de la prestation de compensation du handicap avec l’abolition de l’approche en silos, trop complexe, limitante et déshumanisante. Ils exhortent au respect de l’esprit de la loi du 11 février 2005 en matière de droit à compensation, en partant des besoins, envies et aspirations exprimées par la personne bénéficiaire dans le cadre d’un projet de vie global. La prestation de compensation doit venir soutenir la concrétisation de ce projet de vie, par tous moyens, sans être décomposée en grandes catégories d’aides qui, par essence, ne seront jamais exhaustives.

Recommandation n° 10 : Refondre la prestation de compensation du handicap en une prestation unique visant à répondre, par tous moyens, aux besoins, envies et aspirations exprimées par chaque personne handicapée dans le cadre d’un projet de vie global.

B.   Remédier aux dysfonctionnements structurels des maisons départementales des personnes handicapées et recentrer leurs missions sur l’accueil et l’accompagnement

La création des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) constitue une réforme majeure issue de la loi du 11 février 2005. Conçues comme des guichets uniques, elles devaient faciliter l’accès aux droits des personnes handicapées. Si elles sont devenues des acteurs territoriaux essentiels et bien identifiés par les usagers, les maisons départementales se heurtent aujourd’hui à des dysfonctionnements majeurs en lien avec leurs modalités de gouvernance, les contraintes budgétaires qu’elles subissent et la massification des dossiers associée à une complexification des droits.

1.   Les maisons départementales des personnes handicapées, créées par la loi du 11 février 2005, sont aujourd’hui un acteur essentiel et bien identifié dans le paysage du handicap

Les maisons départementales des personnes handicapées ont été créées par la loi du 11 février 2005 pour offrir aux personnes handicapées un accès unique aux droits et prestations, à toutes les possibilités d’appui dans l’accès à la formation, à l’emploi et à l’orientation vers des établissements et services.

L’article L. 146‑3 du code de l’action sociale et des familles leur confiait alors pour missions auprès des personnes handicapées :

– l’accueil, l’information, l’accompagnement et le conseil des personnes et de leur famille, ainsi que la sensibilisation de tous les citoyens au handicap ;

– l’installation des équipes pluridisciplinaires chargées d’évaluer les demandes d’attribution de droits et prestations ;

– l’appui nécessaire aux personnes et à leur famille pour formuler leur projet de vie et mettre en œuvre les décisions administratives ;

– l’accompagnement nécessaire aux personnes et à leur famille après l’annonce et lors de l’évolution de leur handicap ;

– la coordination avec les autres dispositifs sanitaires et médico-sociaux.

En application de l’article L. 146‑4 du code de l’action sociale et des familles, les maisons ont été constituées sous forme de groupements d’intérêt public dont les conseils départementaux assurent la tutelle administrative et financière. Le département, l’État et les organismes locaux d’assurance maladie et d’allocations familiales du régime général de sécurité sociale en sont membres de droit. Peuvent également en être membres les personnes morales représentant les organismes gestionnaires d’établissements ou de services destinés aux personnes handicapées, celles assurant une mission de coordination en leur faveur et les autres personnes morales participant au financement du fonds départemental de compensation ([125]).

Les maisons sont composées d’une commission exécutive et d’une commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées (CDAPH), assistée par une équipe pluridisciplinaire.

● La commission exécutive administre le groupement : élaboration du règlement intérieur, du budget, organisation des services, etc.

● Le rôle de la commission des droits et de l’autonomie est défini à l’article L. 146‑9 du code de l’action sociale et des familles. Sur la base de l’évaluation élaborée par l’équipe pluridisciplinaire, des souhaits exprimés par la personne concernée sur son projet de vie, ou par son représentant légal le cas échéant, elle prend les décisions relatives à l’ensemble des droits de cette personne, notamment en matière d’attribution de prestations et d’orientation.

La commission est composée de représentants des associations de personnes handicapées et de leurs familles, qui détiennent un tiers des voix, ainsi que de représentants du conseil départemental, de l’État, des organismes de sécurité sociale et des organisations syndicales.

Schéma d’organisation
des maisons départementales des personnes handicapées

Le schéma explique que les MDPH sont composées de trois instances : la commission exécutive, la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées et l'équipe pluridisciplinaire.

Source : commission des affaires sociales.

● L’équipe pluridisciplinaire est chargée, en application de l’article L. 146‑8 du code de l’action sociale et des familles, d’évaluer les besoins de compensation de la personne handicapée et son incapacité permanente sur la base de son projet de vie et de références définies par voie réglementaire. Elle propose un plan personnalisé de compensation du handicap.

● L’ambition de la loi du 11 février 2005 était de créer un guichet unique d’accès aux droits. Les maisons ont ainsi rassemblé en une seule structure l’ensemble des acteurs de la prise en charge du handicap, jusqu’alors dispersés. À cet égard, elles « constituent un point de repère clair et unifié pour les personnes en situation de handicap, à tous les âges de la vie, quel que soit leur handicap, et pour tous les besoins : vie scolaire, vie professionnelle, vie quotidienne » ([126]).

Les MDPH ont accompagné, depuis vingt ans, l’augmentation exponentielle des demandes de droits et prestations en lien avec une situation de handicap et le développement de nouveaux droits. Les moyens humains et financiers qui leur sont accordés, de même que les financements associés aux droits et prestations, n’ont pas nécessairement suivi la même trajectoire, de sorte qu’elles se heurtent aujourd’hui à des dysfonctionnements majeurs et cristallisent la colère des personnes handicapées ainsi que de leurs proches devant la nonreconnaissance ou le non-respect de leurs droits.

2.   Les maisons départementales des personnes handicapées se heurtent à des dysfonctionnements majeurs

Les maisons départementales sont devenues des guichets d’attribution de droits et de prestations sur la base d’une évaluation souvent exclusivement administrative des besoins, loin de l’ambition exprimée par la loi du 11 février 2005 d’un accompagnement personnalisé de chaque personne handicapée.

a.   L’explosion des délais de traitement des demandes

Les maisons départementales connaissent des délais de traitement des demandes particulièrement longs. Dans un rapport publié en juin 2024 ([127]), l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) a analysé les causes et les conséquences de cette situation.

L’Igas relève que dès l’origine, les maisons ont été confrontées à la gestion des stocks de dossiers et des délais de traitement. La montée en compétences des équipes pluridisciplinaires a été progressive. Elle s’est accompagnée de diverses évolutions destinées à pallier les dysfonctionnements : création d’une mission d’accompagnement des situations complexes, possibilité d’attribuer les droits sans limitation de durée, élargissement de la prestation de compensation du handicap.

Le traitement des demandes adressées aux maisons départementales repose sur un processus en trois étapes, appliqué à tous les droits et prestations :

– l’instruction des dossiers consistant, sur la base du formulaire Cerfa et des pièces justificatives qui l’accompagnent, à enregistrer dans le système d’information les éléments nécessaires à l’évaluation ;

– l’évaluation effectuée par l’équipe pluridisciplinaire sur la base d’une compréhension de la situation de l’usager, de l’identification de ses besoins, d’un codage dans le système d’information des déficiences et des pathologies, de la détermination, à partir des référentiels d’éligibilité, des droits susceptibles de satisfaire les besoins, et de l’élaboration d’une réponse, éventuellement formalisée dans un plan personnalisé de compensation transmis à l’usager. Celle-ci est inscrite à l’ordre du jour d’une réunion de la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées ;

– la décision relative à l’ouverture des droits, qui relève de la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées.

L’Igas relève que ce processus s’applique à des demandes très variées. Il peut s’agir de prestations complexes qui nécessitent une connaissance fine de l’environnement de la personne à l’image de la prestation de compensation du handicap, ou de droits relativement simples qui reposent sur un cadre souple ou paramétrique (reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé, carte de mobilité inclusion), ou encore de l’entrée dans des parcours en réponse à l’identification d’un besoin de prise en charge (orientations médico-sociales notamment).

Répartition des droits ouverts par les maisons départementales
des personnes handicapées en 2023

Source : Commission des affaires sociales d’après Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, « Attribution des droits par les MDPH en 2023 », Repères statistiques, mars 2025Pour chaque prestation liée au handicap, le graphique montre la place qu'elle occupe parmi les droits accordés par les MDPH. La carte mobilité inclusion représente par exemple 34,5% des droits ouverts, la reconnaissance de la qualité de travailleurs handicapés représente 20,2%, et la PCH 3,9% des droits ouverts.

En 2023, les maisons départementales ont reçu près de 5 millions de demandes d’ouverture de droits et prestations ou d’orientation ([128]). Elles en ont accordé 3,8 millions ([129]). Le nombre de dossiers connaît ainsi une augmentation tendancielle sur le long terme. Selon le rapport de l’Igas, le nombre de demandes aurait progressé de 80 % entre 2009 et 2019. Entre 2015 et 2023, il a augmenté de l’ordre de 20 %.

Évolution du nombre de demandes déposées et de droits accordés par les maisons départementales des personnes handicapées entre 2015 et 2023

(en millions)

Le graphique montre que l'évolution du nombre de demandes d'aides déposées auprès des MDPH qui est passé de 4,17 millions de demandes par an en 2015 à 4,99 millions de demandes en 2023. Le nombre d'aides accordées par les MDPH a aussi augmenté, passant de 3 millions en 2015 à 3,8 millions en 2023. Le graphique montre aussi que le nombre de demande a progressé au niveau des prestations pour enfants et au niveau des prestations pour adultes.
Source : commission des affaires sociales d’après Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, « Attribution des droits par les MDPH en 2023 », Repères statistiques, mars 2025.

En 2022, on recensait près de 5 700 équivalents temps plein (ETP) au sein des maisons départementales. Toutefois, le rapport de l’Igas déplore un manque de fiabilité des données et une évolution des moyens humains difficile à retracer depuis 2006. Il estime leur progression de l’ordre de 12 % entre 2017 et 2022.

Différents acteurs auditionnés par la mission d’évaluation ont souligné l’inadéquation des moyens humains et budgétaires des MDPH au regard du volume de l’activité : selon l’Association des directeurs de maison départementale des personnes handicapées (ADMDPH), « clairement, les moyens humains et budgétaires n’ont pas suivi l’évolution du nombre de demandes et l’extension des missions observées depuis 2005 » ([130]). Les départements ont indiqué pallier le manque de moyens dans la mesure du possible malgré une « asphyxie budgétaire généralisée » résultant des dépenses supplémentaires laissées à leur charge et non compensées par l’État ou la sécurité sociale ([131]).

L’insuffisance des effectifs des maisons départementales n’est cependant pas la seule cause de l’allongement des délais de traitement des demandes. Selon l’ADMDPH, les systèmes d’information peu performants et la complexité de certaines aides et prestations contribuent à ralentir l’analyse des dossiers. C’est notamment la raison pour laquelle les délais moyens de traitement présentent d’importantes disparités selon les droits et prestations considérés, ainsi que selon les départements étudiés.

Toutes prestations confondues, le délai moyen de traitement des demandes par les maisons départementales a augmenté, passant de 4,3 mois en 2015 à 4,7 mois en 2023. S’il reste plus court que pour l’ensemble des prestations, le délai pour les droits et prestations destinés aux enfants a connu une augmentation plus marquée : il s’établit à 4,6 mois en 2023 contre 3,5 mois en 2015.

Concernant le délai de traitement des droits et prestations visant les adultes, il est relativement stable dans le temps : 4,7 mois en 2023 contre 4,5 mois en 2015. La prestation de compensation du handicap constitue toujours le dispositif dont les demandes font l’objet des délais de traitement moyens les plus longs : 5,9 mois en 2023 contre 5,5 mois en 2015. Cette situation s’explique par la complexité des critères d’éligibilité et de calcul des différentes aides, ainsi que par la nécessité d’une évaluation approfondie de la situation de chaque demandeur.

Témoignages issus de la consultation Rien Sans Nous (voir annexe n° 1)

Fiorella : « La MDPH a mis plus de 8 mois à statuer sur mon cas. 8 mois où je n’avais plus de revenu et où j’étais dans un flou. »

Barbara : « Le temps de traitement pour avoir un fauteuil roulant et des accessoires est tellement long que j’ai dû les acheter moi-même. »

Évolution des délais moyens de traitement des demandes
selon les prestations entre 2015 et 2023

Toutes prestations confondues, les délais moyens de traitement ont augmenté de 4,3 mois en 2015 à 4,7 mois en 2023. 

Les délais de traitement des demandes de PCH sont passé de 5,5 mois à 5,9 mois.

Les délais de traitement des demandes de prestations pour adultes sont passés de 4,5 à 4,7 mois.

L'augmentation la plus importante concerne les demandes de prestations pour enfants, dont les délais de traitement sont passés de 3,6 à 4,7 mois.
(en mois)

Source : commission des affaires sociales d’après Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, « Attribution des droits par les MDPH en 2023 », Repères statistiques, mars 2025.

Il existe de fortes disparités en fonction des départements : certains se caractérisent par des délais moyens de traitement largement inférieurs à 4 mois, quand ils peuvent atteindre 8 ou 10 mois dans d’autres. On retrouve des disparités similaires lorsque l’on observe uniquement les délais de traitement moyens pour la seule prestation de compensation du handicap.

Le délai de traitement des demandes constitue un indicateur central de la qualité de service rendu et du pilotage des maisons départementales des personnes handicapées. Les disparités constatées entre les maisons départementales résultent, selon l’Igas, de différences de pratiques locales, par exemple en matière de priorisation des dossiers à traiter au sein du stock.

Délais de traitement moyens des demandes en 2024
selon les MDPH toutes prestations confondues

Délais de traitement moyens les plus courts

Délais de traitement moyens les plus longs

MDPH

Délais

MDPH

Délais

Aisne

2,6 mois

Calvados

8,2 mois

Cantal

2,8 mois

Ille-et-Vilaine

8,5 mois

Corse

2,9 mois

Isère

7 mois

Finistère

2,8 mois

Meurthe-et-Moselle

6,6 mois

Jura

2,6 mois

Seine-Maritime

8,9 mois

Haute-Marne

2,3 mois

Seine-et-Marne

7,5 mois

Meuse

1,8 mois

Hauts-de-Seine

8,1 mois

Tarn

2,7 mois

Val-de-Marne

7 mois

Vosges

2,8 mois

Martinique

10,2 mois

Guyane

2,5 mois

Mayotte

11,2 mois

 


Délais de traitement moyens des demandes en 2024
selon les MDPH pour la seule PCH

Délais de traitement moyens les plus courts

Délais de traitement moyens les plus longs

MDPH

Délais

MDPH

Délais

Aisne

3 mois

Calvados

7,8 mois

Aude

3 mois

Ille-et-Vilaine

10 mois

Cantal

2,6 mois

Meurthe-et-Moselle

13 mois

Corse

3,2 mois

Seine-Maritime

10 mois

Côtes-d’Armor

3,5 mois

Seine-et-Marne

10,4 mois

Jura

3 mois

Essonne

9,5 mois

Haute-Marne

2,5 mois

Hauts-de-Seine

8,8 mois

Meuse

2,8 mois

Val-de-Marne

10,6 mois

Var

3,4 mois

Martinique

9,6 mois

Guyane

2,6 mois

Mayotte

11,4 mois

Source : commission des affaires sociales d’après le baromètre des MDPH de la CNSA.

Les rapporteurs constatent que si des efforts ont eu lieu, des progrès sont encore nécessaires pour améliorer les délais de traitement des demandes sur l’ensemble du territoire. En effet, « les droits sans cesse différés sont des droits niés » ([132]). En outre, lorsque l’étude d’une demande de prestation de compensation prend plusieurs mois, les besoins du demandeur peuvent avoir évolué entre-temps, au risque d’un plan de compensation inadapté, ou de devoir réévaluer la situation et d’allonger encore le délai. Toutefois, l’accent mis sur l’accélération des processus de traitement peut parfois contredire les exigences de qualité du service aux usagers, notamment pour les prestations complexes qui nécessitent une analyse approfondie.

L’attribution des droits sans limitation de durée ([133]) doit permettre de réduire la pression sur le stock de dossiers, et donc sur les délais de traitement, en allégeant en parallèle la charge administrative qui pèse sur les usagers. Nombreuses sont en effet les personnes qui témoignent de dossiers complexes à remplir à échéances très régulières alors même que leur handicap n’a pas vocation à évoluer à court ou moyen terme. En outre, la séparation des demandes selon qu’elles concernent les enfants ou les adultes semble avoir permis, dans certains départements, un traitement plus efficace des dossiers. Lors de leur déplacement à la MDPH du Rhône, les rapporteurs ont constaté que la mise en place d’une équipe spécifique dédiée au public âgé de 16 à 25 ans permettait d’offrir des réponses adaptées aux jeunes handicapés, notamment grâce à une étroite collaboration avec les missions locales.

b.   Une évaluation des besoins des personnes handicapées en contradiction avec l’esprit de la loi du 11 février 2005

La loi du 11 février 2005 a créé les maisons départementales afin de simplifier les démarches des personnes handicapées et de leur proposer un accompagnement personnalisé. À ce titre, elle leur a confié une mission d’évaluation des besoins et d’accompagnement des personnes vers leurs droits. Or, ces objectifs, accueillis avec beaucoup d’optimisme en 2005, n’ont pas été atteints. L’évaluation des besoins demeure trop administrative et médicalisée et la mission d’accompagnement des personnes vers leurs droits est restée théorique.

● Dans l’esprit de la loi du 11 février 2005, l’évaluation des besoins devait reposer sur un échange entre l’équipe pluridisciplinaire et la personne handicapée et ses proches, éventuellement assorti d’une visite au domicile pour les dispositifs les plus complexes comme la prestation de compensation du handicap. L’Igas, dans son rapport sur le fonctionnement des maisons départementales, explique que l’évaluation repose sur « la compréhension d’une situation de handicap » et sur « la vérification d’une éligibilité aux droits ». Or, aussi bien l’augmentation du volume de l’activité des maisons départementales que la complexification des droits interrogent « le réalisme d’une telle ambition appliquée sans distinction à l’ensemble des demandes » ([134]).

Comme l’a formulé lors de son audition par la mission d’évaluation Maëlig Le Bayon, directeur de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, au sein des maisons départementales, « on est passé d’une logique d’accompagnement à une logique de guichet et d’évaluation administrative, sans rencontrer les personnes » ([135]). Le rapport de l’Igas formule un constat similaire : « l’évaluation, qui constitue le cœur du processus de traitement, a été particulièrement affectée par la massification des demandes. Les équipes pluridisciplinaires peinent à appliquer l’approche pluridisciplinaire et globale prévue par les textes » ([136]). Selon Odile Maurin, présidente de l’association Handi-social, les maisons départementales seraient devenues « des machines administratives à broyer des vies » ([137]).

Aujourd’hui, l’évaluation des demandes de prestations est, dans neuf cas sur dix, effectuée sur dossier, sans échange direct avec l’usager ([138]). L’Igas relève par ailleurs « la rapidité de l’évaluation de premier niveau », parfois « d’une dizaine de minutes au plus », qui « à rebours d’une approche globale […] est priorisé[e] sur la vérification de l’éligibilité ». Malgré la plus-value apportée par les visites au domicile et les contacts directs avec l’usager, ces derniers restent trop rare.

Les limites de l’évaluation sur dossier sont accentuées par la mauvaise appréhension du formulaire Cerfa utilisé pour demander les droits et prestations. Celui-ci est unanimement considéré trop complexe et trop long par les personnes rencontrées par les rapporteurs. Pourtant, son élaboration a fait l’objet d’un processus de concertation particulièrement poussé avec les associations représentants les personnes handicapées, animées par une volonté d’exhaustivité et de prise en compte de toutes les formes de handicaps.

Les usagers ont du mal à se l’approprier, à le remplir correctement et donc à exposer leur situation et à formuler leurs demandes. Les erreurs sont nombreuses : elles entraînent des demandes de rectification qui allongent les délais de traitement. Par ailleurs, toutes les questions ne sont pas nécessairement adaptées à toutes les formes de handicaps. C’est la raison pour laquelle un questionnaire complémentaire a été créé pour les personnes connaissant des altérations des fonctions mentales, psychiques, cognitives, dont les troubles neuro‑développementaux. Si cela permet de mieux prendre en compte leur situation, c’est aussi une source de complexité administrative supplémentaire pour des personnes qui, plus encore que la population générale, éprouvent des difficultés à s’exprimer à l’écrit et à mettre en mots leurs parcours et leurs besoins.

Témoignages issus de la consultation Rien Sans Nous (voir annexe n° 1)

Mathieu : « Il faut être juriste ou travailleur social pour savoir de quels droits on dispose et comment les faire valoir. »

Benoît : « Le dossier reste fastidieux et le remplir tous les deux ou trois ans, le faire remplir par le médecin, attendre la réponse avec cette épée de Damoclès d’une cessation des droits malgré un handicap stabilisé, tout cela est générateur de stress. »

● En outre, l’Igas relève que « le certificat médical associé à la demande MDPH est mal approprié » par les médecins, dans la mesure où il implique une « appréhension du retentissement dans la vie quotidienne que les médecins ne sont pas nécessairement les mieux placés pour réaliser » ([139]).

À cet égard, les personnes handicapées rencontrées par les rapporteurs font état d’un processus d’évaluation qui reflète encore trop une vision biomédicale du handicap. Les représentantes du CLHEE auditionnées par la mission d’évaluation ont fait état de difficultés à « faire comprendre l’impact des symptômes au quotidien », et dénoncé « les médecins qui participent au dossier [qui] font [parfois] blocage en fonction de leurs croyances non basées sur la science ou sur leur discipline mais […] sur leur ressenti personnel ou sur une idée obsolète qu’on leur a enseignée plusieurs décennies auparavant » ([140]). L’Igas interroge également la place des médecins dans l’évaluation « au regard de la nécessité de fonder l’évaluation sur une approche non strictement médicale » ([141]), particulièrement dans un contexte de tension sur la démographie médicale.

Témoignages issus de la consultation Rien Sans Nous (voir annexe n° 1)

Laure : « Entretien d’évaluation avec un médecin de la MDPH pour mon premier recours en 2022 : propos sexistes, validistes et recours rejeté évidemment... »

Gaylord : « Certaines personnes travaillant à la MDPH ne sont pas respectueuses envers les personnes en situation de handicap. Une conciliatrice m’a conseillé d’installer des sites de rencontres quand je lui ai dit que j’étais isolé socialement et que je ne pouvais pas me déplacer où je veux [...]. Elle m’a aussi demandé ce que j’allais faire de l’argent si je touchais l’AAH. »

Les outils de mesures utilisés pour évaluer le handicap et ses conséquences s’inscrivent dans une logique sectorielle, selon les métiers. L’Igas note ainsi qu’alors « même que l’évaluation du handicap doit être globale, elle repose sur des outils distincts ». Dès lors « les évaluateurs développent […] une expertise d’usage ».

Les travaux de la mission d’évaluation ont montré que l’ambition d’une évaluation globale et personnalisée des besoins des personnes handicapées n’a pas été atteinte au sein des maisons départementales. La complexité des dossiers administratifs, la variété des pièces justificatives à transmettre, une vision encore trop médicalisée du handicap et un manque de moyens humains pour engager des contacts directs avec les usagers expliquent cette situation.

Les rapporteurs considèrent que la mission d’accompagnement des personnes handicapées et de leurs proches confiée aux maisons départementales a été, en tout ou partie, oubliée. Or, l’accueil et l’accompagnement des usagers en amont du dépôt du dossier constituerait une avancée majeure et permettrait très certainement à la fois de réduire les délais de traitement et de garantir un meilleur accès aux droits, par une aide à la formulation des besoins et des aspirations. Pour y parvenir, une évolution des autres missions des maisons départementales est probablement nécessaire, notamment en ce qui concerne l’évaluation des besoins et l’attribution des droits. Une telle réflexion s’impose au regard des disparités constatées dans les droits et prestations accordées selon les départements.

c.   Des disparités territoriales en matière d’attribution des droits, un modèle de gouvernance en question

Dans son rapport sur le fonctionnement des maisons départementales des personnes handicapées, l’Igas constate des disparités de traitement entre elles alors même que « l’équité territoriale constituait l’un des principes fondamentaux à leur création ». À ce titre, « l’enjeu de réduction de ces disparités préexistait à la création de la branche autonomie » ([142]). Or, l’Inspection a mesuré la dispersion des taux d’attribution des différents droits et prestations et elle a identifié des disparités « qui mériteraient d’être davantage investiguées ». D’une part, la dispersion des taux d’accord est très marquée en ce qui concerne la PCH, « ce qui peut s’expliquer par la complexité et le caractère individualisé des évaluations plus susceptibles de donner lieu à des pratiques différenciées ». À l’inverse, « le taux d’accord de la RQTH […] varie peu selon les MDPH, comme celui de l’AAH ». En ce qui concerne la part des droits accordés sans limitation de durée, l’Igas remarque qu’elle « est particulièrement dispersée pour la RQTH et la CMI priorité ».

De nombreuses personnes handicapées auditionnées ont indiqué que ces disparités territoriales se manifestent particulièrement lors de déménagements impliquant un changement de département : à situation inchangée, une même personne handicapée ne se voit ainsi pas attribuer les mêmes droits selon la maison départementale auprès de laquelle elle dépose sa demande.

Témoignages issus de la consultation Rien Sans Nous (voir annexe n° 1)

Lise : « Manque d’égalité selon les territoires : pourquoi les conditions sont-elles si différentes d’une MDPH à une autre ? Avec les réseaux sociaux, nous savons que le traitement est différent d’un département à l’autre, et ça peut être très frustrant ! Exemple : en Mayenne, des stages intensifs de rééducation organisés par des associations ont été remboursés ; en Ille-et-Vilaine, c’est refusé ! »

Hugo : « En déménageant, j’ai changé de département, et donc de MDPH. Résultat : décisions totalement différentes de la CDAPH, etc...(heureusement dans le bon sens !). La différence de traitement d’une MDPH à l’autre laisse perplexe (sauf erreur de ma part la France n’est pas un État fédéral et la loi est la même dans tous les départements). »

Les causes de ces disparités sont difficiles à objectiver. Une partie des personnes auditionnées mettent en avant la gouvernance des maisons départementales et l’action des commissions des droits et de l’autonomie. Le rôle de « juges et parties » des départements a souvent été dénoncé. En effet, les départements financent certains droits et prestations accordés aux personnes handicapées, et en premier lieu la prestation de compensation du handicap. Or, dans la mesure où ils assurent la tutelle administrative et financière des maisons départementales, nombreux ont été les auditionnés à souligner qu’ils sont en mesure d’influencer les évaluations des équipes pluridisciplinaires et les décisions de la commission des droits et de l’autonomie, au sein de laquelle le conseil départemental dispose d’un poids prépondérant. Selon Odile Maurin, les commissions des droits et de l’autonomie sont « sous le contrôle des départements, ce qui crée des conflits d’intérêts dans l’évaluation et l’attribution des droits », les personnes handicapées devenant “des variables d’ajustement” en fonction des contraintes financières rencontrées » ([143]).

La loi du 11 février 2005 avait pourtant prévu une forte implication des usagers au sein des commissions des droits et de l’autonomie, avec un tiers des sièges réservés aux représentants associatifs des personnes handicapées. Toutefois, ces derniers restent choisis par le conseil départemental et la préfecture. Les places sont souvent occupées par des membres d’associations dites « gestionnaires », qui bénéficient par ailleurs des financements départementaux pour le fonctionnement des établissements sociaux et médico-sociaux. Les usagers sont rarement informés de la présentation de leur dossier en commission des droits et de l’autonomie, alors que la loi du 11 février 2005 prévoit la possibilité d’être présent et d’échanger avec les membres de la commission.

Le rôle des commissions des droits et de l’autonomie est, enfin, limité. La loi du 11 février 2005 leur confie la responsabilité des décisions individuelles sur la base des propositions formulées par l’équipe pluridisciplinaire qui a conduit l’évaluation des besoins. Or, le rapport précité de l’Igas constate que les commissions « décident massivement sur liste » et « enregistre[nt] de facto les propositions de l’équipe pluridisciplinaire ». Seuls « quelques dossiers sont présentés pour échanges, sur la base de critères établis dans les règlements intérieurs » ([144]). Le rôle de l’équipe pluridisciplinaire est donc prépondérant.

Interrogés par les rapporteurs, les départements et l’Association des directeurs de MDPH ont fait valoir que le statut juridique de la maison départementale des personnes handicapées, constituée sous forme de groupements d’intérêt public, de même que la composition des commissions des droits et de l’autonomie, garantissent l’autonomie de décision des maisons départementales. En outre, les « décisions [des CDAPH] sont encadrées par des textes nationaux et reposent sur une évaluation médico-sociale objective. Les MDPH appliquent les mêmes référentiels nationaux, définis par la CNSA et le code de l’action sociale et des familles » ([145]).

Les disparités territoriales observées pourraient par ailleurs être expliquées par le contexte local, notamment en matière d’offre de services et d’établissements médico-sociaux. En principe, l’évaluation et l’attribution des droits sont décorrélées des ressources territoriales, et notamment de la présence ou non de structures adaptées et de solutions d’accompagnement, puisque la situation de chaque usager est examinée sur la base d’un référentiel national. Toutefois, le sujet de l’effectivité des droits notifiés n’est pas ignoré des maisons départementales qui sont conscientes de l’incompréhension et de la colère que suscite, pour le bénéficiaire, la difficulté à obtenir, auprès des services compétents, l’application de leurs décisions. Par exemple, le fait que la maison départementale notifie une orientation vers un établissement médico-social ne garantit en rien que la personne pourra effectivement l’intégrer à court ou moyen terme, faute de place. De même, la notification d’un droit à un accompagnant pour les élèves en situation de handicap (AESH) ne préjuge en rien de la capacité des services de l’éducation nationale à fournir cet accompagnement. Dès lors, les équipes pluridisciplinaires comme les commissions des droits et de l’autonomie peuvent être conduites à ne pas accorder les droits auxquelles les personnes handicapées seraient éligibles lorsqu’elles savent qu’ils n’ont aucune chance d’être effectifs, faute de solutions sur le territoire.

3.   Un modèle à réformer pour garantir l’accès aux droits des personnes handicapées

Les travaux de la mission d’évaluation ont montré les limites des maisons départementales. Si les ambitions de la loi du 11 février 2005 ont suscité beaucoup d’espoir en matière d’accès aux droits, le modèle est aujourd’hui à bout de souffle. Une réflexion doit s’engager sur les rôles respectifs de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie et des conseils départementaux en matière de handicap.

Les rapporteurs considèrent que les maisons départementales restent des acteurs essentiels des politiques du handicap, bien identifiés par les usagers, et à l’ancrage local précieux. L’ouverture de nouveaux droits, leur complexification et la massification des demandes ont néanmoins transformé ces organismes, pensés comme des services d’accueil et d’accompagnement, en usines à délivrer des notifications. Les contraintes financières qui pèsent sur les départements, de même que l’insuffisance de l’offre médico-sociale dans certains territoires, font naître une inadéquation entre les besoins de l’usager, les droits notifiés et l’effectivité des notifications.

Plusieurs options peuvent être envisagées.

 Une première option tiendrait au recentrage des missions des maisons départementales sur l’accueil et l’accompagnement des personnes handicapées, en amont et en aval de la demande des droits. Leur rôle serait alors de recevoir les personnes handicapées, de les informer et de les accompagner dans la constitution du dossier. La Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie serait chargée de l’évaluation des besoins, de l’attribution des droits et prestations et de leur financement. Une fois les droits et prestations notifiés, l’usager pourrait à nouveau se tourner vers sa maison départementale pour une aide ou un accompagnement dans leur mise en œuvre. La maison départementale resterait ainsi positionnée au carrefour de la grande diversité d’acteurs qui interviennent dans le domaine du handicap.

Un service public de l’évaluation serait créé au sein de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie afin de garantir l’application uniforme du droit sur le territoire national. Dans cette hypothèse, les droits et prestations les plus simples (CMI, RQTH) feraient l’objet d’une évaluation sur dossier, entièrement dématérialisée. L’essentiel des ressources humaines serait concentré sur l’évaluation des besoins et de l’éligibilité aux droits et prestations les plus complexes, tels que la prestation de compensation du handicap ou les orientations vers des services et établissements médico-sociaux. L’organisation d’un échange direct avec l’usager, et de visites à domicile plus systématiques, serait obligatoire et impliquerait l’existence d’antennes locales de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie.

 Une seconde option consisterait à décharger les maisons départementales de l’évaluation et de l’attribution des droits et prestations les plus simples (CMI, RQTH) afin de redonner aux équipes pluridisciplinaires le temps d’évaluer les situations les plus complexes. L’attribution de ces droits et prestations « simples » pourrait être confiée aux communes en leur accordant les moyens afférents.

Cette seconde option impliquerait un pilotage resserré du réseau des maisons départementales par la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, afin de réduire les disparités territoriales constatées en matière de délais de traitement et de taux d’attribution des droits et prestations. La place des usagers au sein des commissions des droits et de l’autonomie devrait également être renforcée afin de respecter l’esprit de la loi du 11 février 2005.

Recommandation n° 11 : Repenser les missions des maisons départementales en lien avec la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie pour améliorer l’accueil et l’accompagnement des usagers et remédier aux disparités territoriales.

Option n° 1 : Créer un service public de l’évaluation, géré par la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie au niveau national et relayé par des antennes locales, afin de garantir une application équitable sur l’ensemble du territoire des dispositions législatives et réglementaires relatives aux différents droits et prestations liés au handicap, ainsi que des référentiels d’évaluation des besoins. Recentrer les missions des maisons départementales sur l’accueil et l’accompagnement des usagers, en amont et en aval de la constitution du dossier d’attribution de droits et prestations et de la notification des droits.

Option n° 2 : Décharger les maisons départementales de l’évaluation et de l’attribution des droits et prestations les plus simples pour redonner le temps aux équipes pluridisciplinaires de procéder à l’évaluation des situations complexes et renforcer le pilotage du réseau par la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, afin de réduire les disparités territoriales, tout en renforçant la place des usagers au sein des commissions des droits et de l’autonomie.

C.   Les aides sociales à destination des personnes handicapées ne permettent pas de remédier à leur précarité structurelle

Les personnes handicapées sont structurellement plus précaires et plus vulnérables que la population générale, notamment en raison de leurs difficultés d’accès à l’emploi, voire d’exercice d’une activité professionnelle. S’il existe un minimum social qui leur est dédié, l’allocation aux adultes handicapés (AAH), ses conditions d’attribution restent trop restrictives, et son montant trop faible, pour leur garantir un niveau de vie décent.

1.   Les personnes handicapées sont structurellement plus pauvres et plus vulnérables que la population générale

Les personnes handicapées sont davantage confrontées à la pauvreté que le reste de la population. En 2021, on comptait environ 6,7 millions de personnes pauvres, dont plus de 800 000 en situation de handicap. Le taux de pauvreté des personnes handicapées s’établissait à 26 % la même année, contre 14 % pour la population générale. 57 % des personnes handicapées vivaient dans un ménage modeste, contre 38 % des personnes sans handicap ([146]).

Le niveau de vie médian mensuel des ménages dont au moins un membre âgé de 15 à 59 ans est handicapé était inférieur de 330 euros par mois, en 2021, à celui de l’ensemble des ménages composés d’au moins un membre du même âge mais dont aucun n’a de handicap (1 599 euros contre 1 927 euros) ([147]).

Répartition des personnes de 15 à 59 ans selon leur niveau de vie en 2021

Le graphique montre que 26% des personnes handicapées sont pauvres, 31% sont modestes sans être pauvres et 43% ont un niveau de vie supérieur au 4e décile.

Pour les personnes non handicapées, 14% sont pauvres, 24% sont modestes sans être pauvres et 62% ont un niveau de vie supérieur au 4e décile.

Source : direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques, Le handicap en chiffres, 2024.

Au-delà de la pauvreté monétaire, les personnes handicapées sont également plus exposées à la privation matérielle et sociale, c’est-à-dire les privations ou le renoncement à certains biens de consommation, services ou équipements pour des raisons financières. En 2022, 39 % des personnes handicapées ne parvenaient pas à couvrir les dépenses liées à au moins cinq éléments de la vie quotidienne sur les treize considérés souhaitables pour un niveau de vie acceptable.

Ce faible niveau de vie s’explique par un effet de composition : les personnes handicapées sont surreprésentées dans les classes sociales aux revenus les moins élevés. Par ailleurs, le handicap lui-même, en particulier lorsqu’il survient tôt, affecte fortement les trajectoires scolaires, matrimoniales et professionnelles.

Restriction de consommation des ménages
des personnes en situation de handicap en 2022

 

Personnes en situation de handicap

Ensemble de la population

Situation de privation matérielle et sociale
(au moins 5 restrictions sur 13)

Ne pas pouvoir, pour des raisons financières :

39 %

14 %

Faire face à une dépense non prévue d’environ 1 000 €

55 %

31 %

Remplacer les meubles hors d’usage

52 %

26 %

Partir en vacances une semaine par an

51 %

23 %

Avoir une activité de loisir régulière payante

36 %

15 %

Dépenser une petite somme pour soi sans consulter quelqu’un

29 %

12 %

Acheter des vêtements neufs

29 %

10 %

Manger de la viande (ou équivalent) tous les deux jours

27 %

10 %

Maintenir son logement à une bonne température

25 %

10 %

Payer ses emprunts, son loyer ou ses factures d’électricité, d’eau ou de gaz

19 %

10 %

Recevoir des proches pour manger ou boire un verre

18 %

6 %

Avoir une voiture personnelle

16 %

11 %

Posséder au moins 2 paires de chaussures

11 %

4 %

Avoir accès à internet

6 %

1 %

Source : rapport d’évaluation des politiques de sécurité sociale « Autonomie » annexé au Placss 2024.

La composition du revenu disponible des personnes handicapées est également différente. Au sein des ménages dont au moins un membre présente un handicap et a moins de 60 ans, les revenus d’activité ne représentent que 70 % du revenu disponible, contre 98 % pour les mêmes ménages dont aucun des membres ne présente un handicap. À l’inverse, les prestations sociales contribuent à hauteur de 16 % du total des revenus disponibles des personnes handicapées, contre 7 % pour l’ensemble des ménages. En particulier, la part des minima sociaux est presque cinq fois plus élevée pour les ménages comprenant au moins une personne en situation de handicap que pour l’ensemble des ménages ([148]).

2.   Malgré les réformes récentes, l’allocation aux adultes handicapés reste insuffisante pour garantir un revenu décent aux personnes bénéficiaires

a.   Le montant de l’allocation aux adultes handicapés reste inférieur au seuil de pauvreté

L’allocation aux adultes handicapés (AAH) est une aide sociale qui garantit un minimum de ressources aux personnes handicapées. Créée par la loi du 30 juin 1975 ([149]), elle vise à réduire l’intensité et le taux de pauvreté des personnes en situation de handicap grâce à la solidarité nationale. Son dispositif n’a été remanié qu’à la marge par l’article 16 de la loi du 11 février 2005.

● L’instauration de cette allocation a induit un changement de paradigme dans la protection sociale des personnes handicapées : « jusqu’alors, dans un contexte économique de croissance et de plein emploi, la logique assurantielle des pensions d’invalidité prévalait. Grâce aux cotisations versées à la sécurité sociale par les assurés sociaux et leurs employeurs, étaient compensées les pertes de revenu liées à des incapacités physiques. En créant l’AAH, la loi a superposé à ce système contributif un mécanisme de garantie de ressources financé par l’impôt au nom de la solidarité nationale, proposé à toute personne handicapée ne percevant pas de pension ou de rente d’invalidité d’un montant équivalent. » ([150])

L’allocation aux adultes handicapés est un minimum social au même titre que le revenu de solidarité active, l’allocation de solidarité spécifique ou encore l’allocation de solidarité aux personnes âgées. Financée par l’État sur le budget de la mission « Solidarité », elle se caractérise par son caractère subsidiaire : il s’agit d’un revenu minimum dont le montant est égal à la différence entre le montant garanti (1 033,32 euros mensuels par mois en 2025 pour le taux plein) et les revenus personnels de l’intéressé. Le droit à l’allocation demeure donc ouvert lorsque le bénéficiaire exerce une activité professionnelle ou reçoit d’autres prestations sociales telles qu’une pension de retraite, une pension d’invalidité ou une rente d’accident du travail, dès lors que ces revenus sont inférieurs au montant garanti au titre du dispositif.

L’allocation est versée sous condition de ressources ([151]). Depuis le 1er octobre 2023 ([152]), elle est déconjugalisée, ce qui signifie que les revenus du conjoint ne sont plus pris en compte dans son calcul. La déconjugalisation a été une avancée importante pour l’autonomie des personnes handicapées. En effet, l’intégration des revenus du conjoint accentuait la dépendance économique des personnes en situation de handicap qui vivent en couple.

Plafonds de revenus de l’AAH au 1er  avril 2025
selon la situation de couple et le nombre d’enfants

Nombre d’enfants à charge

Personne seule

Couple

0

12 193 €

22 069 €

1

18 289 €

28 165 €

2

24 385 €

34 261 €

3

30 481 €

40 358 €

4

36 578 €

46 454 €

Source : monparcourshandicap.gouv.fr

● Il existe deux catégories d’allocation aux adultes handicapés selon les critères d’éligibilité des bénéficiaires :

– en application de l’article L. 821‑1 du code de la sécurité sociale, sous conditions de résidence, toute personne ayant dépassé l’âge d’ouverture du droit à l’allocation d’éducation de l’enfant handicapé (AEEH) et dont l’incapacité permanente est au moins égale à un 80 % ([153]) perçoit l’allocation aux adultes handicapés (AAH‑1) ;

– en application de l’article L. 821‑2 du même code, l’allocation aux adultes handicapés est versée à toute personne qui présente une incapacité permanente située entre 50 % et 79 % ([154]) lorsque la commission des droits et de l’autonomie lui reconnaît, compte tenu de son handicap, une restriction substantielle et durable pour l’accès à l’emploi (RSDAE) (AAH‑2).

La RSDAE est définie à l’article D. 821‑1‑2 du code de la sécurité sociale. Elle est considérée substantielle lorsque le demandeur rencontre, du fait de son handicap même, des difficultés importantes d’accès à l’emploi en lien avec :

– les déficiences à l’origine du handicap ;

– les limitations d’activités résultant directement de ces mêmes déficiences ;

– les contraintes liées aux traitements et prises en charge thérapeutiques induits par le handicap ;

– les troubles qui peuvent aggraver ces déficiences et ces limitations d’activités.

À l’inverse, la restriction n’est pas considérée substantielle lorsqu’elle peut être surmontée par le demandeur au regard :

– soit des réponses apportées aux besoins de compensation qui permettent de faciliter l’accès à l’emploi sans constituer des charges disproportionnées pour la personne handicapée ;

– soit des réponses susceptibles d’être apportées aux besoins d’aménagement du poste de travail de la personne handicapée par tout employeur au titre des obligations d’emploi des handicapés sans constituer pour lui des charges disproportionnées ;

– soit des potentialités d’adaptation dans le cadre d’une situation de travail.

Enfin, la restriction est considérée durable lors qu’elle est d’une durée prévisible d’au moins un an à compter du dépôt de la demande d’allocation, même si la situation médicale du demandeur n’est pas stabilisée. La restriction substantielle et durable pour l’accès à l’emploi est reconnue pour une durée d’un à cinq ans.

Jusqu’en 2019, l’AAH‑1 pouvait être complétée par le complément de ressources et la majoration pour la vie autonome (MVA). La loi de finances pour 2019 a intégré le complément de ressources à la MVA ([155]). Toutefois, les personnes qui bénéficiaient du complément de ressources avant sa suppression au 1er janvier 2019 continuent à en bénéficier pendant dix ans s’ils remplissent les conditions d’attribution. En application de l’article L. 821‑1‑2 du code de la sécurité sociale, la MVA est versée aux bénéficiaires de l’AAH‑1 qui :

– disposent d’un logement indépendant pour lequel ils reçoivent une aide personnelle au logement ;

– perçoivent l’allocation aux adultes handicapés à taux plein ou en complément d’un avantage de vieillesse ou d’invalidité ou d’une rente d’accident du travail ;

– ne perçoivent pas de revenu d’activité à caractère professionnel propre.

Montant mensuel de l’allocation aux adultes handicapés
et de ses compléments au 1er avril 2025

Allocation aux adultes handicapés

1 033,32 euros

Majoration pour la vie autonome

104,77 euros

Complément de ressources*

179,31 euros

*Le complément de ressources reste versé aux personnes qui en bénéficiaient avant le 1er janvier 2019

Source : monparcourshandicap.gouv.fr.

● Depuis 2005, l’allocation a fait l’objet de revalorisations successives en lien avec l’inflation. Toutefois, elle reste inférieure au seuil de pauvreté, soit 60 % du niveau de vie médian, et ce même lorsqu’elle est cumulée avec la majoration pour la vie autonome. Cette situation est dénoncée par les associations représentatives des personnes en situation de handicap. En 2023, le Conseil national consultatif des personnes handicapées a déploré que l’allocation, qui diffère d’autres minima sociaux en ce qu’elle bénéficie à des personnes dont l’incapacité ou la très grande difficulté à travailler constituent des critères d’éligibilité, n’offre d’autre perspective aux personnes qui la perçoivent que de « survivre toute la durée de leur existence » ([156]). Les rapporteurs déplorent en outre que le montant de l’allocation à Mayotte soit considérablement inférieur au droit commun.

Évolution de l’allocation aux adultes handicapés
et de l’inflation depuis 2006

Le graphique montre l'évolution du montant de l'AAH et de l'inflation depuis 2006. On constate que l'AAH a globalement suivi l'inflation, et a parfois été augmentée plus que l'inflation.Source : Insee.

Les prestations et aides sociales
à destination des personnes handicapées à Mayotte

Depuis 2011, Mayotte est un département français régi par l’article 73 de la Constitution. Cette réforme n’a toutefois pas entraîné l’application immédiate et automatique de tout le droit commun en vigueur. En matière sociale, Mayotte connaît un régime spécifique résultant notamment de l’ordonnance n° 2002‑411 du 27 mars 2002 relative à la protection sanitaire et sociale à Mayotte.

En application du pacte de départementalisation proposé aux Mahorais en 2008, il était prévu un rapprochement progressif avec le droit commun en matière de prestations et de cotisations sociales, sur une période de vingt à vingt-cinq ans, compte tenu des écarts de niveau de vie entre Mayotte, d’une part, et les départements de droit commun ainsi que les autres départements et régions d’outre-mer, d’autre part.

La prestation de compensation du handicap a été étendue à Mayotte par une ordonnance de 2014 ([157]). Les montants de certains prestations financières sont toutefois inférieurs à ceux des autres départements, car leur calcul repose sur le salaire minimum interprofessionnel de croissance (Smic) mahorais. L’allocation d’éducation de l’enfant handicapé a été étendue à Mayotte dès 2008 ([158]) mais les Mahorais n’ont pu accéder à l’ensemble de ses compléments et modalités qu’à compter de 2020 ([159]).

L’allocation aux adultes handicapés, au sens du code de la sécurité sociale, ne s’applique pas directement à Mayotte. L’article 35 de l’ordonnance du 27 mars 2002 prévoit une déclinaison spécifique à Mayotte. Toutefois, son montant est inférieur de 50 % à celui applicable dans les autres départements – de même que le montant du revenu de solidarité active. L’article 15 du projet de loi de programmation pour la refondation de Mayotte en cours de discussion devant le Parlement au moment de la publication du présent rapport prévoit l’habilitation du Gouvernement à rendre applicable à Mayotte, par ordonnances, la législation de droit commun en matière sociale, et notamment les prestations de sécurité sociale, d’aide sociale et de prise en charge des frais de santé, ainsi que le relèvement du Smic.

Les rapporteurs considèrent qu’au regard de la situation critique de Mayotte, du faible niveau de vie des habitants, particulièrement lorsqu’ils sont handicapés, du non-recours aux droits et de l’insuffisance de l’offre médico-sociale sur le territoire, l’alignement du montant de l’allocation aux adultes handicapés sur celui versé dans les autres départements français doit être accompli de toute urgence.

Le graphique montre que l'AAH est inférieure au Smic et au seuil de pauvreté depuis 2005, même si elle tend à rattraper cet écart.

En 2005, l'AAH s'élève à 599€, le smic à 1218€ et le seuil de pauvreté à 1083€ par mois.

En 2022, l'AAH s'élève à 957€, le smic à 1679€ et le seuil de pauvreté à 1216€ par mois.Évolution du seuil de pauvreté et des montants
du salaire minimum interprofessionnel de croissance
et de l’allocation aux adultes handicapés depuis 2005

Source : Insee.

Les rapporteurs estiment le montant de l’allocation aux adultes handicapés insuffisant pour garantir un niveau de vie digne. Ils ne peuvent par ailleurs pas se satisfaire de l’argument souvent avancé relatif à l’existence d’autres aides et prestations sociales, et notamment de la prestation de compensation du handicap. Cette dernière vise en effet à compenser les conséquences du handicap en fonction des besoins et du projet de vie de la personne ; elle ne constitue ni un minimum social, ni un revenu garanti.

Les rapporteurs rejoignent le constat formulé en 2019 par la Cour des comptes sur les « ambiguïtés » du dispositif de l’allocation aux adultes handicapés, « entre soutien au revenu, compensation du handicap ou, plus indirectement, compensation de difficultés à percevoir des revenus d’activité » ([160]). À l’instar du Conseil national consultatif des personnes handicapées, ils préconisent également une revalorisation au moins égale au seuil de pauvreté.

Recommandation  12 : Revaloriser l’allocation aux adultes handicapés au moins au niveau du seuil de pauvreté et aligner son montant à Mayotte sur le montant de droit commun.

b.   Le nombre de bénéficiaires de l’allocation aux adultes handicapés progresse de manière continue depuis 2005 malgré des critères d’éligibilité ne prenant pas en compte toutes les formes de handicap

Depuis 2005, le nombre de bénéficiaires de l’allocation aux adultes handicapés a augmenté de plus de 60 %. Cette croissance s’explique à la fois par l’augmentation de la population âgée de 45 à 60 ans, la prévalence du handicap progressant avec l’âge, et par l’assouplissement, à compter de 2007, de ses conditions d’accès, et notamment des plafonds d’éligibilité, du recul de l’âge minimal de départ à la retraite en 2011, et enfin par la déconjugalisation.

Toutefois, la progression du nombre de bénéficiaires ne doit pas masquer la présence des personnes handicapées parmi les bénéficiaires du revenu de solidarité active (RSA). On estime ainsi qu’environ un quart des personnes qui perçoivent ce minimum social seraient en situation de handicap, tandis que 26 % des personnes qui en sortent deviennent allocataires de l’AAH dans la foulée ([161]).

Or, la demande d’allocation aux adultes handicapés auprès de la maison départementale prend plusieurs mois, au cours desquels de nombreux demandeurs perçoivent le revenu de solidarité active. De plus, tous ceux qui demandent l’allocation ne l’obtiennent pas en raison du mode de calcul du taux d’incapacité et de l’examen particulièrement strict de la restriction substantielle et durable pour l’accès à l’emploi. Ainsi, « il est encore courant pour une personne handicapée de ne pas toucher l’AAH mais le RSA, faute d’avoir été diagnostiquée ou accompagnée correctement » ([162]).

Évolution du nombre de bénéficiaires
de l’allocation aux adultes handicapés entre 2005 et 2024

(en millions)

Le nombre de personnes touchant l'AAH est passé de 0,8 million en 2005 à 1,31 million en 2024.Source : rapport d’évaluation des politiques de sécurité sociale « Autonomie » annexé au projet de loi d’approbation des comptes de la sécurité sociale 2024.

Le taux de 50 % d’incapacité correspond à des troubles importants entraînant une gêne notable dans la vie sociale. Toutefois, l’autonomie est conservée pour les actes élémentaires de la vie quotidienne ([163]).Le taux de 80 % d’incapacité correspond quant à lui à « des troubles graves entraînant une entrave majeure dans la vie quotidienne de la personne avec une atteinte de son autonomie individuelle. Cette autonomie individuelle est définie comme l’ensemble des actions que doit mettre en œuvre une personne, vis-à-vis d’elle-même, dans la vie quotidienne. Dès lors qu’elle doit être aidée totalement ou partiellement, ou surveillée dans leur accomplissement, ou ne les assure qu’avec les plus grandes difficultés, le taux de 80 % est atteint. C’est également le cas lorsqu’il y a déficience sévère avec abolition d’une fonction » ([164]).

Surtout, la notion de restriction substantielle et durable d’accès à l’emploi est trop étroite pour répondre aux difficultés que rencontrent les personnes handicapées. Introduite en 2006, elle a succédé au critère « d’impossibilité de se procurer un emploi » ; elle a ensuite été encadrée par voie réglementaire en 2011. L’Igas, dans son rapport précité ([165]), note que c’est « une notion difficile à apprécier », d’autant que son appréhension « s’appuie généralement sur une connaissance partielle de la situation socio-professionnelle du demandeur » et que « l’expertise des référents n’est pas nourrie d’une connaissance approfondie du marché du travail ou des dispositifs de maintien dans l’emploi ». Selon Odile Maurin, « il est temps d’abroger la RSDAE, dont l’évaluation est arbitraire, et qui prive de revenus décents des centaines de milliers de personnes » : « aujourd’hui, une personne considérée comme seulement capable de travailler à mi-temps se verra refuser le bénéfice de l’AAH alors même que son salaire sera inférieur à l’AAH ». La restriction substantielle et durable d’accès à l’emploi a en effet pour conséquence l’impossibilité de cumuler un travail au-delà du mi-temps et le bénéfice de l’allocation aux adultes handicapés, ce qui constitue un frein manifeste à leur accès à l’emploi ([166]).

Les rapporteurs considèrent que personnes handicapées doivent pouvoir bénéficier du minimum social que constitue l’allocation aux adultes handicapés, y compris lorsqu’elles travaillent à temps partiel. Leurs difficultés à se procurer ou à se maintenir dans l’emploi doivent être appréciées au regard de leur handicap, mais surtout de l’environnement, notamment professionnel. Il convient donc de réformer la restriction substantielle et durable d’accès à l’emploi (voir la recommandation n° 38).

III.   Engager la désinstitutionnalisation des personnes handicapées en promouvant l’autonomie de décision

La reconnaissance du droit à l’autodétermination et à l’autonomie de vie interroge la tradition historique d’institutionnalisation des personnes handicapées. Les politiques publiques du handicap mises en œuvre par la France ont été, à ce titre, vivement remises en cause par l’Organisation des Nations unies en 2021. La désinstitutionnalisation constitue une revendication centrale des associations anti-validistes.

La loi du 11 février 2005 est relativement silencieuse sur la question de l’institutionnalisation des personnes handicapées.

Si elle prévoit le principe de la scolarisation et de l’emploi en milieu ordinaire chaque fois que possible, elle n’interdit ni ne décourage les placements dans des institutions spécialisées.

A.   La critique de l’institutionnalisation des personnes handicapées en France par les organisations internationales

En France comme ailleurs dans le monde, les personnes handicapées ont fait l’objet d’une institutionnalisation visant à les exclure du monde social pour des raisons tenant à l’ordre public ou à leur propre protection. Le placement en établissements médico-sociaux est aujourd’hui vivement critiqué par les représentants des personnes handicapées et par les Nations unies, qui exhortent la France a engagé d’urgence un processus de désinstitutionnalisation.

1.   L’institutionnalisation des personnes handicapées, une pratique historique qui dépasse la seule question des établissements médico‑sociaux spécialisés

a.   L’émergence de la critique des institutions spécialisées

L’histoire des institutions spécialisées pour personnes handicapées est étroitement liée à une volonté de les exclure de la société. Ce fut le cas de l’Hôpital Général, créé sous le règne de Louis XIV, afin d’accueillir « malades, fous, mendiants et autres défavorisés, dans une structure fermée qui restaure “l’ordre public” et rassure les “honnêtes gens” ». Asiles et hospices émergent progressivement sur tout le territoire avec pour objectif tant la charité que la mise à l’écart par l’enfermement ([167]).

● Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, le secteur médico-social se développe de manière anarchique, aucune autorisation n’étant requise pour créer des structures d’accueil. Les lois du 30 juin 1975, l’une relative aux institutions sociales et médico-sociales, et l’autre d’orientation en faveur des personnes handicapées ([168]), contribuent à structurer le secteur en permettant aux acteurs publics et privés de proposer des prises en charge adaptées aux besoins de publics différents – personnes handicapées, personnes âgées – tout en encadrant les conditions de création et de financement de ces établissements et services ([169]).

À la même période émerge, notamment aux États-Unis, le mouvement international pour les droits des personnes handicapées. La volonté d’émancipation se traduit par une vive critique des institutions spécialisées, notamment avec l’Independent Living Movement qui crée des « centres de ressources pour une vie autonome », soit des coopératives autogérées par les personnes handicapées qui fournissent des services d’assistance personnelle, de transports adaptés, de soutien à l’autonomie afin de rendre possible la vie dans la communauté ([170]).

Bien que ces luttes se soient moins diffusées en France que dans le monde anglo-saxon, l’évolution des mentalités a contribué, au tournant des années 2000, à faire évoluer les fondements de l’action sociale et médico-sociale française. La loi du 2 janvier 2002 rénovant l’action sociale et médico-sociale reconnaît des droits aux usagers de ces établissements ([171]). La loi du 11 février 2005 traduit également un changement de paradigme dans la prise en charge du handicap : bien qu’elle ne remette pas en cause l’existence ni le fonctionnement des établissements sociaux et médico-sociaux, elle déploie de nombreux dispositifs d’intégration des personnes handicapées dans le milieu dit « ordinaire », et prévoit le caractère subsidiaire du placement en institution.

● En proclamant le droit des personnes handicapées à l’autonomie de vie et à l’inclusion dans la société, la Convention internationale relative aux droits des personnes handicapées donne un fondement juridique à la remise en cause des institutions spécialisées. Si, lors des travaux préparatoires, « la référence positive à l’autonomie et à l’inclusion fait consensus, le statut de la vie en établissement spécialisé se révèle en revanche une pierre d’achoppement. De nombreuses délégations nationales s’estiment incapables de garantir qu’aucune personne handicapée ne sera confrontée à l’institutionnalisation, tandis qu’un certain nombre d’États tiennent à prendre leurs distances par rapport au mouvement social de l’“independent living” qui apparaît clairement comme arrière-fond des débats. La formulation retenue […] consistera à évacuer de l’article 19 toute référence à l’institution et l’institutionnalisation, pour “éviter de légitimer les institutions”, sans pour autant les interdire explicitement, ni les définir clairement. À la place, la Convention imposera aux États de veiller à ce que les personnes handicapées “ne soient pas obligées de vivre dans un milieu de vie particulier” » ([172]).

Le Comité des droits des personnes handicapées a ensuite fourni un travail d’interprétation de la Convention promouvant ce qui devient le « modèle du handicap fondé sur les droits humains », dans lequel la question des établissements spécialisés occupe une place centrale ([173]). Dans l’Observation générale n° 5 sur l’autonomie de vie et l’inclusion dans la société, publiée en 2017, le Comité souligne que « les personnes handicapées ont de tout temps été privées de leur libre arbitre et de leur droit de regard, en tant que personne et en tant qu’individu, dans tous les aspects de leur existence. Bon nombre d’entre elles ont été présumées incapables de vivre de manière autonome dans la communauté de leur choix » ([174]). Le Comité estime que « l’autonomie de vie et l’inclusion dans la société supposent un cadre de vie excluant toute forme d’institutionnalisation » et demande aux États parties à la Convention « d’engager un processus de planification stratégique assorti de délais appropriés et de ressources adéquates afin de remplacer les institutions d’accueil par des services d’appui à l’autonomie de vie » ([175]). Le Comité réitère en 2022 sa critique virulente des établissements spécialisés avec l’adoption des lignes directrices pour la désinstitutionnalisation, afin « d’orienter et d’appuyer les efforts que font les États parties à la Convention pour réaliser le droit des personnes handicapées à l’autonomie de vie et à l’inclusion dans la société » ([176]).

b.   L’institutionnalisation ne se résume pas au placement des personnes handicapées dans des établissements médico-sociaux

Le Comité des droits des personnes handicapées des Nations unies définit l’institutionnalisation comme le « placement en détention au motif du handicap, seul ou en conjonction avec d’autres motifs tels que les “soins” ou le “traitement” » ([177]). Il identifie les caractéristiques suivantes communes aux institutions :

– elles imposent à leurs résidents de partager les services de plusieurs assistants et ne leur laissent guère, voire pas du tout, la possibilité de choisir ces personnes ;

– elles contribuent à l’isolement et à la ségrégation des personnes handicapées, au détriment de leur autonomie de vie et de leur inclusion dans la société ;

– elles privent les personnes handicapées de la possibilité de décider par elles-mêmes dans la vie de tous les jours ;

– elles les empêchent de choisir les personnes avec qui elles vivent ;

– elles leur imposent une routine stricte, qui ne tient compte ni de leur volonté ni de leurs préférences ;

– elles font participer un groupe de personnes, placé sous une certaine autorité, à des activités identiques en un même lieu ;

– elles ont une approche paternaliste de la prestation de services ;

– elles encadrent les conditions de vie ;

– elles se caractérisent aussi par un nombre disproportionné de personnes handicapées vivant dans le même environnement.

Le Comité des droits des personnes handicapées utilise les termes d’institutions et d’institutionnalisation essentiellement en référence aux établissements spécialisés pour les personnes handicapées. Le collectif CapDroits, rencontré par la mission d’évaluation, a toutefois proposé une interprétation plus large de ces notions : « nous utilisons en cela le terme d’institution en tant que condition générale de la vie sociale, et non pas en tant qu’établissements et services médico-sociaux » ([178]). La question de l’habitat revêt ici une dimension fondamentale pour l’autonomie de vie. En effet, selon les membres du collectif, le fait d’habiter seul chez soi n’est pas une condition exclusive de la vie autonome, là où le fait de résider dans un établissement spécialisé empêcherait à l’inverse toute autonomie.

Benoît Eyraud et Louis Triaille indiquent que « l’institutionnalisation désigne aujourd’hui un certain degré d’ostracisation et d’hétéronomie vécu au quotidien par une personne handicapée dans le cadre de son milieu de vie et/ou de ses soins ou aides humaines, et ce peu importe où elle vit. Ce qui était d’abord une contestation des établissements médico-sociaux de grande taille (“institutions ») s’est élargi à une critique de toutes les situations de vie dites “institutionnelles”, “institutionnalisées” ou “institutionnalisantes” c’est-à-dire partageant une ou plusieurs des caractéristiques typiques de la vie en grand établissement spécialisé, [parmi lesquelles] la vie en grand groupe et l’intimité contrainte avec d’autres personnes handicapées, mais aussi la mise à l’écart physique et symbolique de la société des valides, des routines rigides, des lieux de vie impersonnels et standardisés, la soumission à une hiérarchie interne, la distance sociale entre usagers et personnel » ([179]).

Pour CapDroits, l’enjeu se situe dans « l’emprise institutionnelle » : « l’accès au lieu de vie par des établissements considérés comme des “institutions protectrices” peut se traduire par des formes d’emprise excessive ». Ils évoquent la notion de « vie dirigée » pour faire référence à « la rythmicité et la temporalité du quotidien qui s’imposent (heure du lever, du repas, des sorties, du coucher, des soins...) [et] restreignent très fortement toute possibilité d’autonomie ». « Nous affirmons que l’institutionnalisation participe d’une “dépossession de la subjectivité” (“quand quelqu’un décide pour soi, nous ne sommes plus libres”) et peut conduire à des situations de « maltraitance institutionnelle » ([180]).

L’emprise institutionnelle peut dès lors exister à domicile. Les membres du CLHEE ont souligné l’institutionnalisation résultant de l’organisation des services d’aide et d’accompagnement à domicile. Cela se traduit par l’impossibilité de décider quand, comment et avec qui accomplir des actes élémentaires et essentiels du quotidien ([181]). CapDroits affirme également que « certains services, certaines familles peuvent se présenter comme des institutions dont l’emprise peut être excessive sur ses membres ».

c.   La France pratique encore trop systématiquement et massivement l’institutionnalisation des personnes handicapées

Dans ses observations finales sur les politiques françaises du handicap, le Comité des droits des personnes handicapées a noté avec préoccupation que :

– « certaines réglementations et structures et certains choix budgétaires encouragent le placement des enfants et des adultes handicapés, en particulier des personnes qui ont besoin d’une aide plus conséquente, dans des établissements qui leur sont réservés, y compris dans des “institutions médico-sociales” et des services spécialisés, notamment dans des petites structures d’accueil appelées “habitat inclusif” ou “habitat partagé” ;

– « des enfants handicapés sont internés dans des hôpitaux psychiatriques et d’autres institutions, y compris dans des États parties tiers, principalement la Belgique ;

– « les autorités publiques, les professionnels et les fonctionnaires ne sont guère conscients des effets négatifs du placement en institution sur les personnes handicapées, et il n’existe pas de stratégie ou de plan d’action visant à mettre fin à cette pratique ;

– « peu de dispositions ont été prises pour permettre aux personnes handicapées de vivre de manière autonome dans la société et il n’y a pas assez de logements indépendants accessibles et abordables, l’aide individualisée est insuffisante et l’égalité d’accès aux services de proximité n’est pas garantie » ([182]).

● L’offre médico-sociale française est structurée en deux grandes catégories d’établissements et services sociaux et médico-sociaux (ESSMS), selon l’âge du public concerné. On retrouve d’une part les structures pour enfants, et d’autre part les structures pour adultes.

Le décret n° 2017‑982 du 9 mai 2017 ([183]) identifie neuf catégories d’ESSMS pour enfants ou adolescents en situation de handicap ([184]) :

– les instituts médico-éducatifs (IME) : ces établissements accueillent et accompagnent des enfants ou des adolescents âgés de 6 à 20 ans présentant un déficit intellectuel, des troubles de la personnalité, des troubles comitiaux, des troubles moteurs et sensoriels et des troubles graves de la communication, ainsi que des maladies chroniques compatibles avec une vie collective ;

– les instituts thérapeutiques éducatifs et pédagogiques (ITEP) : ces structures accueillent les enfants, adolescents et jeunes adultes qui présentent des difficultés psychologiques dont l’expression, notamment l’intensité des troubles du comportement, perturbe gravement la socialisation et l’accès aux apprentissages ;

– les instituts d’éducation motrice (IEM) : ces établissements accueillent et accompagnent des enfants ou des adolescents présentant une déficience motrice ;

– les établissements pour enfants ou adolescents polyhandicapés (EEAP) : ces structures accueillent des enfants et adolescents polyhandicapés, c’est‑à-dire présentant un dysfonctionnement cérébral précoce ou survenu au cours du développement, ayant pour conséquence de graves perturbations à expressions multiples et évolutives de l’efficience motrice, perceptive, cognitive et de la construction des relations avec l’environnement physique et humain, et une situation évolutive d’extrême vulnérabilité physique, psychique et sociale au cours de laquelle certaines de ces personnes peuvent présenter, de manière transitoire ou durable, des signes du spectre autistique. Ils assurent un vaste champ d’intervention allant de l’éveil et du développement des potentialités de l’enfant à la surveillance médicale et technique des prothèses et orthèses en passant par l’accompagnement de la famille et de l’entourage habituel de l’enfant ou de l’adolescent ;

– les instituts pour déficients auditifs : ces établissements prennent en charge des enfants ou adolescents atteints de déficience auditive grave entraînant des troubles de la communication ;

– les instituts pour déficients visuels : ces structures accueillent les enfants ou adolescents atteints de déficience visuelle grave ou de cécité. Elles assurent leur suivi médical, la compensation du handicap, l’acquisition de connaissances scolaires et d’une formation professionnelle, afin de faciliter l’intégration familiale, sociale et professionnelle des jeunes handicapés ;

– les centres médico-psycho-pédagogiques (CMPP) : ces centres pratiquent le diagnostic et le traitement des enfants et adolescents en âge scolaire (plus de 6 ans) présentant des troubles neuropsychiques ou des troubles du comportement susceptibles d’être améliorés par une technique médicale, une rééducation psychothérapeutique ou psychopédagogique sous autorité médicale ;

– les bureaux d’aide psychologique universitaire (BAPU) : ces structures ambulatoires assurent des missions de prévention, de diagnostic et de traitement des étudiants souffrant de troubles mentaux, de difficultés psychologiques susceptibles d’une thérapeutique médicale, d’une rééducation médico-psychologique ou d’une rééducation psychothérapique sous autorité médicale ;

– les services assurant un accompagnement à domicile ou en milieu ordinaire non rattachés à un établissement.

● Le décret précité du 9 mai 2017 identifie huit catégories d’établissements et services pour adultes handicapés :

– les maisons d’accueil spécialisées (MAS) qui accueillent des personnes handicapées porteuses d’un ou plusieurs handicaps intellectuels, moteurs ou somatiques graves qui les rendent incapables d’accomplir seules les actes essentiels de l’existence et qui nécessitent une surveillance médicale et des soins constants ;

– les établissements d’accueil médicalisés (EAM) en tout ou partie, dont relèvent les foyers d’accueil médicalisé qui accueillent tout type de personnes handicapées et les dispositifs d’accueil temporaire (accueil de jour ou hébergement temporaire) ;

– les établissements d’accueil non médicalisés parmi lesquels on retrouve les foyers d’hébergement qui assurent l’accueil en fin de journée ou en fin de semaine des travailleurs handicapés qui exercent en journée une activité professionnelle en milieu protégé ; les foyers de vie ou occupationnels qui reçoivent les personnes handicapées qui ne peuvent exercer une activité professionnelle même en milieu protégé mais qui disposent néanmoins d’une autonomie physique et intellectuelle suffisante ne justifiant par leur accueil en maison d’accueil spécialisée ;

– les services d’accompagnement médico-social pour adultes handicapés (SAMSAH) s’adressent aux personnes adultes handicapées qui ont besoin, en plus de l’assistance et de l’accompagnement prévus pour l’accès aux SAVS, de soins réguliers et coordonnés ainsi que d’un accompagnement médical et paramédical en milieu ouvert ;

– les services d’accompagnement à la vie sociale (SAVS), qui s’adressent aux personnes dont les déficiences et incapacités rendent nécessaires une assistance ou un accompagnement pour tout ou partie des actes essentiels de l’existence et un accompagnement social en milieu ouvert, et un apprentissage de l’autonomie ;

– les services de soins infirmiers à domicile (SSIAD) accompagnent les personnes âgées, les personnes handicapées et les personnes atteintes d’une maladie chronique et dispensent, sur prescription médicale, des soins à domicile d’hygiène et de confort ou des soins infirmiers ;

– les services polyvalents d’aide et de soins à domicile (SPASAD), qui assurent à la fois des soins infirmiers et des aides à domicile tant pour les personnes âgées, les personnes handicapées ou les personnes atteintes de pathologies chroniques ;

– les services d’aide et d’accompagnement à domicile (SAAD) qui assistent les personnes âgées ou handicapées dans les activités de la vie quotidienne telles que l’entretien du logement, les courses, le ménage, le repassage, l’aide aux lever et coucher, la toilette, les repas, les soins d’hygiène, l’assistance administrative ou encore l’accompagnement dans les déplacements.

Répartition des personnes accompagnées par déficience principale
selon le type de structure au 31 décembre 2018

(en %)

Type de structures

Déficiences intellectuelles

Troubles du psychisme, du comportement ou de la communication

Déficiences sensorielles

Déficiences motrices

Polyhandicap

Autres

Total

Effectifs

Ensemble des établissements pour adultes

62

21

2

6

4

5

100

293 920

ESAT

68

23

2

3

< 1

4

100

125 650

Centres de formation et d’orientation professionnelle

3

13

9

44

< 1

30

100

8 880

MAS

43

14

1

11

26

6

100

29 310

Foyers d’hébergement

73

20

1

3

< 1

3

100

36 150

Foyers occupationnels et foyers de vie

69

20

1

5

1

3

100

55 790

Foyers d’accueil polyvalent et EANM

78

11

< 1

2

1

8

100

3 530

FAM et EAM

47

27

2

13

5

5

100

29 340

Autres établissements

47

35

1

9

1

7

100

5 270

SAVS/Samsah

37

32

9

13

< 1

9

100

64 190

Ensemble des établissements pour enfants et adolescents

52

27

5

6

5

4

100

110 860

IME

76

18

< 1

1

2

3

100

72 050

Itep

3

94

< 1

< 1

< 1

2

100

15 960

Établissements pour enfants polyhandicapés

21

4

1

6

64

4

100

5 930

IEM

7

4

1

71

9

8

100

7 080

Établissements pour jeunes déficients senso riels

1

2

77

2

< 1

17

100

6 790

Autres établissements 3

38

44

1

3

3

9

100

3 050

Cessa

31

31

15

11

1

11

100

58 280

Source : direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques, L’aide sociale aux personnes âgées ou handicapées, édition 2024.

● Au 31 décembre 2022, les structures médico-sociales qui accompagnent les personnes handicapées proposaient au total 531 000 places d’accueil au sein de plus de 12 000 établissements et services médico-sociaux (ESMS). Cette offre a augmenté de l’ordre de 30 % depuis 2006. La majorité de ces structures sont des établissements qui assurent l’accompagnement des personnes handicapées avec ou sans hébergement ; les autres sont des services qui organisent l’intervention de professionnels auprès des personnes handicapées dans leurs différents lieux de vie et d’activité (domicile, école, etc.), sans proposer d’hébergement. Ainsi, 78 % des places installées sont des places en établissements, dont 83 % pour adultes et 68 % pour enfants ([185]).


Nombre de structures, de places, de personnes accompagnées
et de personnel au 31 décembre 2022

 

Nombre de structures

Nombre de places

Nombre de personnes accompagnées

(au 31/12/2018)

Personnels

(en ETP)

Taux d’encadrement

(ETP pour 100 places)

Ensemble des structures

12 380

531 000

478 960*

270 300

51

Ensemble des structures pour enfants

4 030

173 700

167 310*

99 900

58

Établissements pour enfants, dont :

2 380

117 800

110 860

83 300

71

IME

1 380

75 700

72 050

50 400

67

Itep

490

19 700

15 960

13 800

70

Établissements pour enfants polyhandicapés

190

5 500

5 930

6 100

111

IEM

140

7 500

7 080

6 800

91

Instituts pour jeunes déficients sensoriels

110

7 900

6 790

5 400

68

Autres établissements

70

1 500

3 050

800

53

Services pour enfants

1 650

55 900

57 850

16 600

30

Ensemble des structures pour adultes

8 270

355 700

311 650*

169 800

48

Établissements pour adultes dont :

6 700

294 300

293 920

160 200

54

Esat

1 490

120 500

125 650

26 200

22

Centres de formation et d’orientation professionnelle

170

11 600

8 880

3 800

33

Foyers

4 930

159 800

154 120

129 400

81

Autres établissements

110

2 400

5 270

800

33

Services pour adultes

1 570

61 400

64 190

9 600

16

Lieux de vie et d’accueil et établissements expérimentaux pour personnes handicapées

80

1 600

30

600

38

* Nombre total de personnes accompagnées calculées sans double compte. Une même personne peut en effet être accompagnée dans deux structures à la fois. De ce fait, la somme des personnes accompagnées par chaque type de structure n’est pas égale au total, calculé lui, sans double compte.

Source : direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques, L’aide sociale aux personnes âgées ou handicapées, édition 2024.

Les tensions sur le nombre de solutions d’accueil pour les personnes handicapées dans les établissements médico-sociaux français sont une réalité historique à laquelle de nombreuses familles restent confrontées. L’offre française se caractérise par une grande diversité de structures médico-sociales, et par leur spécialisation en fonction des déficiences qu’elles sont amenées à prendre en charge.

Or, comme le souligne la Défenseure des droits, « l’insuffisance et la rigidité de l’offre conduit trop souvent à un accueil dans un lieu éloigné de la famille ou dans un établissement inadapté au handicap de la personne. Un nombre indéterminé d’enfants et d’adultes se trouvent sans aucune solution, malgré les nombreux plans de création de places qui ont été déployés depuis plusieurs décennies, d’autres subissent des ruptures de parcours » ([186]).

La très forte spécialisation des établissements médico-sociaux français engendre parfois, faute de places suffisantes, le placement de personnes handicapées dans des structures ne correspondant pas à leur handicap, où elles ne font pas l’objet de la prise en charge la plus adaptée à leurs besoins. Seules 60 % des personnes qui demandent à être accompagnées au sein d’un ESMS hors Esat y sont effectivement accueillies. Seules 70 % des personnes souhaitant intégrer un Esat obtiennent effectivement une place ([187]).

Par ailleurs, « [de] jeunes adultes sont maintenus, faute de réponses adaptées à leurs besoins, dans des établissements pour enfants, au détriment de l’accueil de jeunes enfants » ([188]). Ces derniers correspondent au dispositif dit de « l’amendement Creton » ([189]), du nom du comédien Michel Creton qui l’avait défendu. Depuis 1989, il permet, dans l’attente d’une solution adaptée, et notamment d’une place dans un établissement pour adultes handicapés, le maintien de jeunes handicapés âgés de plus de 20 ans dans les établissements pour enfants.

Fin 2022, 7 690 jeunes adultes étaient concernés : 81 % d’entre eux étaient accueillis en IME, où ils occupaient 8 % du total des places existantes ([190]).

Répartition des jeunes adultes maintenus dans des structures pour enfants et adolescents handicapés au titre de l’amendement creton en 2022

 

Effectifs estimés

Répartition selon le type de structures

Part des places occupées par des jeunes relevant de l’amendement Creton

IME

6 370

80,7 %

8,4 %

ITEP

20

0,3 %

0,1 %

EEAP

700

8,9 %

12,8 %

IEM

480

6,1 %

6,4 %

Instituts pour jeunes déficients sensoriels

190

2,4 %

2,4 %

Autres établissements pour enfants et adolescents

40

0,5 %

2,8 %

Services d’éducation spéciale et de soins à domicile

90

1,1 %

0,2 %

Ensemble des structures pour enfants et adolescents

7 690

100,0 %

4,4 %

Source : direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques, « 174 000 enfants et adolescents handicapés sont accompagnés par des structures dédiées fin 2022 », Études et résultats, mars 2025.

Par ailleurs, « des milliers d’adultes et enfants sont accueillis dans des établissements belges pour pallier les carences de l’offre médico-sociale en France. Cette situation anormale, dénoncée depuis de nombreuses années, entraîne la violation de nombreux droits fondamentaux, et notamment le libre choix du lieu de résidence et le droit à une vie familiale et privée. Plusieurs programmes se sont succédés ces dernières années afin d’endiguer les départs contraints vers la Belgique, mais sans produire jusqu’à présent les effets escomptés » ([191]).

Dans un rapport publié en 2024 ([192]), la Cour des comptes a retracé l’histoire de ces départs vers la Belgique. Le nombre d’adultes accueillis dans des établissements wallons a été multiplié par sept entre 2000 et 2022. Les personnes handicapées françaises qui y résident sont pour l’essentiel issues des Hauts-de-France, d’Île-de-France et du Grand Est (à hauteur de 86 %). La Cour relève deux causes principales à ces départs : d’une part, « l’insuffisance de places dans le secteur médico-social en France » et, d’autre part, « la difficulté à trouver des solutions pour les personnes présentant des troubles du comportement et de la conduite » ([193]).

Malgré un plan de prévention des départs non souhaités vers la Belgique depuis 2016 et un moratoire sur la capacité d’accueil des adultes handicapés français en Belgique depuis 2021, la Cour des comptes souligne que les solutions alternatives restent insuffisantes : la moitié des places créées en France l’ont été dans des services, et non dans des établissements, là où les profils des personnes handicapées qui partent en Belgique correspondent à un besoin d’hébergement à temps complet. En conséquence, en raison du moratoire et de l’insuffisance des solutions déployées sur le sol français, ces publics se retrouvent sans solution ([194]).

Le nombre de résidents handicapés français dans les établissements belges a beaucoup progressé depuis 2010, notamment pour les personnes accueillies dans les maisons d'accueil spécialisées.
Évolution du nombre de résidents adultes en Wallonie
entre 2000 et 2022 selon leur orientation

Source : Cour des comptes, L’accueil des Français en situation de handicap en Wallonie, septembre 2024.

2.   Face aux effets néfastes des institutions sur ceux qui y vivent, l’urgence de désinstitutionnaliser le handicap

a.   L’exposition des personnes handicapées aux violences et aux maltraitances dans les établissements

L’institution est intrinsèquement source de violences, comme l’ont largement illustré les travaux de Michel Foucault ([195]) et d’Erving Goffman ([196]). L’institutionnalisation des personnes handicapées traduit d’abord une forme de ségrégation. Pendant longtemps, les institutions sociales et médico-sociales ont été construites et conçues pour être isolées de leur environnement. Cela se traduit notamment par leur implantation à la campagne, dans des espaces coupés du reste de la société. Même lorsqu’ils sont situés en zone urbaine, les établissements sont peu ouverts sur l’extérieur. Ce sont des lieux de vie relativement clos. Les familles et les représentants des usagers sont rarement impliqués dans leur fonctionnement ([197]).

En outre, la première violence à laquelle sont exposées les personnes handicapées et leurs familles face aux institutions tient à l’absence d’alternative. Lorsque l’offre de services d’aide et d’accompagnement à domicile est insuffisante ou trop coûteuse, de même que les logements adaptés, l’entrée en établissement est la seule solution pour une personne handicapée – ou pour ses proches.

Au sein de l’établissement, l’absence de pouvoir sur sa propre vie quotidienne est également une forme de violence souvent ignorée ou minimisée. Le fait de ne pas choisir où l’on vit, avec qui et comment, correspond à une négation majeure de la subjectivité des personnes, et à une violation de leurs droits fondamentaux, au premier rang desquels le droit à l’autodétermination et à l’autonomie de vie.

Les effets néfastes de l’institutionnalisation perdurent par ailleurs à la sortie des établissements à travers notamment l’apragmatisme, c’est‑à‑dire la difficulté à prendre l’initiative d’une action ([198]). Alexandre Ployé, maître de conférences en sciences de l’éducation et de la formation, a souligné, lors de son audition par la mission d’évaluation, l’effet de l’institutionnalisation sur la trajectoire de vie des personnes handicapées : une fois que l’on a intégré un établissement médico-social, la probabilité de passer toute sa vie au sein d’une institution augmente très fortement ([199]).

L’organisation interne de l’établissement et des locaux peut aussi être source de maltraitances involontaires : manque de personnels pour répondre aux besoins de chacun, professionnels insuffisamment formés, intérêts financiers qui priment sur le soutien à l’autonomie et sur l’ouverture au monde extérieur ([200]). Pour CapDroits, « nous constatons que “l’institution, dans sa dimension totalisante s’impose dans des situations où il paraît plus efficace et efficient, plus simple aussi, d’organiser le travail plutôt que les droits » ([201]).

L’institutionnalisation expose les personnes handicapées à des risques d’interventions médicales forcées avec administration de médicaments psychotropes – sédatifs, stabilisateurs d’humeur –, à des traitements électro-convulsifs et à des thérapies de conversion, sans leur consentement libre, préalable et éclairé,               ainsi qu’à des formes de violences plus directes : négligences, abus émotionnels, physiques, sexuels. La Défenseure des droits souligne que « les personnes handicapées sont plus souvent victimes de violences physiques et sexuelles que le reste de la population […]. S’il existe de nombreux dispositifs destinés à lutter contre les maltraitances, ils sont en réalité peu opérationnels. Le Défenseur des droits constate ainsi, ces dernières années en particulier, une augmentation de la fréquence et de la gravité des saisines liées à des maltraitances dans les établissements médico-sociaux. Or, les prérogatives en matière de contrôle des établissements et services médico-sociaux, dévolues aux agences régionales de santé (ARS) et aux services des conseils départementaux, au titre de leurs compétences respectives, ne sont pas toujours efficientes » ([202]).

Témoignage issu de la consultation Rien Sans Nous (voir annexe n° 1)

Sophie : « Des approches psychanalytiques, des mensonges sur les emplois du temps, sur la qualification des personnes, de la négligence, des handicaps tous mélangés (personnes avec troubles psychiques), des tranches d’âge élevées, des établissements isolés au fond de la campagne, des durées de transport inacceptables (3h par jour), aucune ambition de rééducation “faut pas les fatiguer”, une parole unique sur tout le territoire, des visites qui ont lieu quand l’établissement est vide, des pseudo-professionnels qui n’acceptent pas les connaissances des parents, des réunions qui font souffrir les parents. Bref, ça n’a jamais été aussi bien que quand j’ai quitté ce milieu. »

Les rapporteurs constatent le manque de données disponibles sur les maltraitances subies par les personnes handicapées, notamment les femmes, à domicile ou en établissement. S’ils saluent l’existence d’une stratégie nationale de lutte contre les maltraitances 2024‑2027, ils regrettent l’impossibilité d’objectiver le phénomène malgré les trop nombreux témoignages de violences dont ils ont pris connaissance.

Recommandation n° 13 : Objectiver le phénomène des maltraitances subies par les personnes handicapées à domicile ou en établissements par le recueil et l’agrégation de données relatives aux signalements, mais aussi par l’intermédiaire d’enquêtes qualitatives.

b.   Un plan de transformation de l’offre médico-sociale actuellement mis en œuvre

Les rapporteurs ont noté l’existence d’un plan de transformation de l’offre médico-sociale, actuellement en cours d’application, dont certaines modalités reprennent en partie les préconisations du Comité des droits des personnes handicapées des Nations unies. Cette dynamique s’appuie sur les fondements suivants ([203]) :

– le milieu ordinaire est replacé au cœur de la prise en charge médico‑sociale des personnes handicapées ;

– l’autodétermination des personnes, en se basant sur les besoins et attentes exprimées ;

– la promotion des capacités et de la participation des personnes.

Dans la pratique, ce plan de transformation induit une évolution du paysage médico-social français avec :

– la diversification des modes d’accueil dans une logique de parcours, avec le fonctionnement en dispositifs intégrés ou le développement de l’hébergement temporaire ;

– en matière de scolarisation, l’externalisation des unités d’enseignement des établissements médico-sociaux ;

– en matière d’emploi, la promotion de nouveaux modes d’accompagnement tels que l’emploi accompagné ;

– en matière de logement, les prémices d’une stratégie nationale en faveur du déploiement de l’habitat inclusif.

Le plan « 50 000 solutions » annoncé par le Président de la République lors de la Conférence nationale du handicap du 26 avril 2023 témoigne d’une volonté d’accélérer ce mouvement en confortant l’offre d’accompagnement en volume, en corrigeant les disparités territoriales et en assurant une transition inclusive de l’offre. Ce plan de transformation, doté d’1,5 milliard d’euros sur la période 20242030, a fait l’objet d’une circulaire du 7 décembre 2023. Celle-ci prévoit, par objectif de politique publique, le financement de trois enveloppes distinctes et non fongibles :

– une enveloppe socle pour le développement de l’offre à destination des enfants (à hauteur de 400 millions d’euros) et des adultes (à hauteur de 585 millions d’euros) ;

– une enveloppe dédiée au repérage précoce du handicap afin de soutenir l’action des centres d’action médico-sociale précoce et des parcours dédiés (à hauteur de 110 millions d’euros) ;

– une enveloppe d’appui aux établissements scolaires par le secteur médico-social afin de mettre des ressources médico-sociales à disposition des pôles d’appui à la scolarité (PAS), hors notification de la maison départementale des personnes handicapées (à hauteur de 400 millions d’euros).

La même circulaire du 7 décembre 2023 a également délivré des lignes directrices aux agences régionales de santé en les invitant à dresser un diagnostic territorial partagé des besoins d’accompagnement en partenariat avec les acteurs du territoire, à produire une programmation pluriannuelle conjointe avec les départements, à assurer le pilotage du plan 50 000 solutions dans les territoires, à organiser et à lancer des appels à projet pour faire émerger de nouvelles solutions à destination des personnes en situation de handicap.

Sur ce fondement, les agences régionales de santé ont établi en 2024 des diagnostics territoriaux en associant les départements, les organismes gestionnaires et les représentants de personnes en situation de handicap, de façon à programmer leur offre médico-sociale sur la période 2024‑2030. Il ressort de ces programmations pluriannuelles les constats suivants :

– une attention particulière est portée au déploiement de solutions adaptées aux besoins des personnes en situation de handicap, enfants comme adultes, inscrites en conformité avec les diagnostics territoriaux ;

– les thématiques phares de la Conférence nationale du handicap sont bien identifiées dans les programmations : école pour tous (programmation de pôles d’appui à la scolarité, d’équipes mobiles d’appui à la scolarisation, déploiement des instituts médico-éducatifs dans l’école), développement de l’offre pour répondre aux besoins avec une programmation prioritaire de solutions pour les jeunes relevant de l’amendement Creton, les personnes handicapées vieillissantes, les enfants relevant de l’aide sociale à l’enfance, le polyhandicap, les troubles du neurodéveloppement ou encore le handicap psychique ;

– une dynamique d’offre est engagée essentiellement à travers des extensions et des créations de capacités ;

– des disparités apparaissent dans les programmations entre des engagements nationaux dépassés, à l’image de la stratégie relative aux troubles du neurodéveloppement, et d’autres en sous‑programmation (la stratégie pour les aidants, l’aide sociale à l’enfance, le polyhandicap) qu’il convient de corriger et de lisser sur plusieurs années ;

– le développement de solutions qui induisent des co-financements, notamment sur le secteur des adultes, a pu pâtir des relations parfois complexes entre les conseils départementaux et les agences régionales de santé.

Enfin, un fonds d’appui à la transformation de l’offre, piloté par la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, s’inscrit en complémentarité du plan des « 50 000 solutions ». Doté d’un montant de 250 millions d’euros pour 2024-2027, il doit soutenir les territoires dans l’ingénierie de projet (conception et développement de solutions d’accompagnement transformées) et accompagner l’investissement (modernisation du parc immobilier, développement de systèmes d’information ou accompagnement de l’innovation) qui constitue un enjeu majeur de la transformation de l’offre médico‑sociale.

Selon la direction générale de la cohésion sociale, « conformément à ses engagements internationaux, la France promeut et impulse la transformation de l’offre médico-sociale visant à rendre l’accompagnement plus inclusif, souple et adapté à la prise en compte des parcours et des situations individuelles, notamment complexes. La personne en situation de handicap ne devrait plus, à terme, devoir trouver sa place dans une offre existante et contrainte, souvent cloisonnée au seul secteur médico-social mais pouvoir bénéficier d’un accompagnement évolutif, quels que soient les choix faits dans les principaux domaines de vie : habitat, emploi, santé, scolarisation. Cet accompagnement, construit au regard des attentes et des besoins individuels, doit favoriser la pleine participation à la vie sociale et soutenir les personnes dans leur autodétermination. »  ([204])

c.   Les modalités de la désinstitutionnalisation sont sources de nombreuses controverses

● Si le principe de la désinstitutionnalisation fait consensus, le contenu de cette notion ainsi que sa déclinaison pratique restent en débat. La Défenseure des droits souligne qu’elle n’est pas présente dans le texte de la Convention internationale relative aux droits des personnes handicapées. Ainsi, « hormis la nécessaire fermeture des grandes institutions asilaires et la nécessaire mise en place de services de proximité, sur lesquelles tout le monde s’accorde, le contenu du concept de “désinstitutionnalisation” et de ses effets reste controversé : s’agit-il de fermer toute structure collective, tout établissement spécialisé ou de transformer leur mode de fonctionnement ? » ([205])

Pour Benoît Eyraud et Louis Triaille, « la notion de désinstitutionnalisation [...] renvoie à un projet ancien de modification des milieux de vie des [personnes handicapées], visant à éliminer ou à réduire drastiquement la vie en établissement résidentiel spécialisé. Ce registre politique tend à réserver la qualification d’“institution” aux établissements résidentiels spécialisés ou aux milieux de vie qui s’en approchent, allant des formes asilaires quasi-carcérales aux structures collectives de taille modeste et plus conviviale. » ([206])

Selon le Comité des droits des personnes handicapées des Nations unies, « la désinstitutionnalisation fait intervenir des processus interconnectés qui ont pour principal objectif de permettre aux personnes handicapées de retrouver leur autonomie, leur liberté de choix et le contrôle des décisions concernant leur mode de vie, leur lieu de résidence et les personnes avec qui elles vont vivre ».

Témoignage issu de la consultation Rien Sans Nous (voir annexe n° 1)

Rémi : « Trop souvent, les dispositifs sont conçus sans la participation réelle des personnes concernées, ce qui génère des réponses standardisées, parfois hors sol. Je pense qu’on peut (et doit) faire mieux : sortir d’une approche uniquement médico-administrative pour aller vers une vision fondée sur l’autonomie, la confiance et l’écoute active. »

Une fois ces principes fondamentaux énoncés, leur déclinaison interroge. Selon la Défenseure des droits, « il apparaît souhaitable d’éviter tout dogmatisme dans ce domaine. Il s’agit avant tout de réaffirmer, au nom de l’autodétermination, le droit pour chaque personne de choisir librement son mode et son lieu de vie. Elle ne doit pas être forcée de vivre dans une structure collective si elle ne le désire pas au seul motif que les dispositifs qui seraient nécessaires pour lui permettre de vivre dans un logement autonome font défaut » ([207]).

● Le Comité des droits des personnes handicapées défend une conception maximaliste de la désinstitutionnalisation. Il considère que les États parties à la Convention doivent abolir toutes les formes d’institutionnalisation, renoncer à tout nouveau placement en institution et s’abstenir d’investir dans les institutions.

Les modalités de la désinstitutionnalisation des personnes handicapées selon le Comité des droits des personnes handicapées

Pour garantir l’autonomie de vie et l’inclusion dans la société des personnes handicapées, le Comité des droits des personnes handicapées demande aux États parties :

– de s’attacher en priorité et sans délai à proposer des services d’accompagnement individualisé et des services ordinaires inclusifs de proximité, diversifiés et de grande qualité. Ces services d’accompagnement « englobent l’aide personnelle, l’entraide, l’aide aux enfants dans le cadre familial, les mesures d’accompagnement d’urgence, l’aide à la communication, l’aide à la mobilité, la fourniture de technologies d’assistance, l’aide à la recherche d’un logement et l’aide-ménagère, et d’autres services de proximité. Un accompagnement devrait également être offert pour l’accès aux services ordinaires dans des domaines tels que l’éducation, l’emploi, la justice et les soins de santé. Les services d’aide personnelle doivent être individualisés, définis en fonction des besoins de chacun et contrôlés par leur bénéficiaire. Les personnes qui bénéficient de ces services devraient pouvoir décider elles-mêmes de la mesure dans laquelle elles les gèrent, en choisissant d’agir en qualité d’employeur ou en faisant appel à divers prestataires de services » ;

– de ne pas investir dans les institutions, y compris les dépenses de rénovation, et de consacrer ces moyens à la libération immédiate des résidents et à la fourniture de tout service d’accompagnement adapté et nécessaire à leur autonomie de vie. À ce titre, le Comité souligne que les États doivent « s’abstenir de faire croire que des personnes handicapées “choisissent” de vivre en institution, et se garder d’utiliser des arguments similaires pour justifier le maintien des institutions » ;

– de garantir aux personnes qui quittent une institution un logement sûr, accessible et d’un coût abordable, ancré dans la société, au moyen de programmes de logements publics ou d’allocations de logement ;

– d’associer étroitement les personnes handicapées et les organisations qui les représentent à toutes les étapes de la désinstitutionnalisation, et d’empêcher « les prestataires de services, les organisations caritatives, les groupes professionnels et religieux, les syndicats et les personnes qui ont un intérêt, financier ou autre, à maintenir les institutions ouvertes [d’influer] sur la prise de décisions relatives à la désinstitutionnalisation ».

Le Comité réfute tout argument tenant au manque de services d’accompagnement et de services de proximité, à la pauvreté ou à la stigmatisation pour justifier le maintien des institutions ou le report de leur fermeture. Il considère que « la désinstitutionnalisation devrait être confiée aux personnes handicapées, y compris à celles qui subissent l’institutionnalisation, et non aux personnes qui administrent des institutions ou en perpétuent l’existence. Les pratiques telles que la rénovation des locaux, l’ajout de lits supplémentaires, le remplacement d’institutions de grande capacité par des structures plus petites, le changement de nom ou l’application de normes comme le principe de la solution la moins contraignante dans la législation sur la santé mentale, sont contraires à l’article 19 de la Convention et devraient être évitées » ([208]).

● Au cours de leurs travaux, les rapporteurs ont posé à l’ensemble des personnes entendues la question de la désinstitutionnalisation. Ils ont acquis la conviction que la France n’a pas encore engagé un véritable processus de désinstitutionnalisation des personnes handicapées, et qu’elle doit se montrer beaucoup plus ambitieuse. Les consignes du Comité des droits des personnes handicapées doivent être considérées un horizon atteignable, et non une perspective idéale et irréalisable. Comme l’a souligné lors de son audition M. Jonas Ruskus, rapporteur du Comité, il faut partir du principe que toute personne, quel que soit son handicap, quelles que soient ses déficiences, est capable d’exprimer des choix, des préférences, des envies, et qu’elle peut avoir accès à la vie autonome si elle bénéficie des services de soutien et d’accompagnement dont elle a besoin.

Toutefois, les rapporteurs sont conscients des risques d’une désinstitutionnalisation à marche forcée des personnes handicapées si les solutions alternatives au placement en établissement sont inadaptées ou insuffisantes. À ce titre, ils rejoignent les alertes lancées par la Défenseure des droits :

– ils constatent que la désinstitutionnalisation dont ont déjà fait l’objet les soins psychiatriques a conduit à une augmentation de la prévalence des personnes souffrant de troubles psychiques parmi les détenus en prison ou les personnes sans domicile fixe ;

– ils sont conscients que la vie en milieu ordinaire inadapté et inaccessible peut engendrer de grandes souffrances pour des personnes handicapées, notamment lorsqu’elles ont par le passé vécu en milieu protégé, et que la prise en charge à domicile n’est pas exempte de risque de maltraitances ;

– ils observent que l’absence de réponse adaptée aux besoins des personnes handicapées est souvent lourde de conséquences pour les aidants confrontés à d’importantes difficultés dans leur vie professionnelle, mais aussi à l’épuisement, faute de solutions de répit.

Témoignages issus de la consultation Rien Sans Nous (voir annexe n° 1)

Laurianne : « Le proche aidant est le meilleur allié des équipes qui accompagnent mon enfant handicapé. Pourtant, l’État se repose beaucoup sur les proches aidants pour se soustraire à ses obligations. Nous sommes parents aidants et au prix de notre santé et notre énergie, nous faisons économiser à l’État bien des services qu’il devrait nous rendre en termes de prise en charge, d’accès aux soins, d’accompagnement, de répit. »

Lylou : « L’amour ne devrait pas être une excuse pour remplacer un système défaillant. Oui, certains font le choix de se consacrer entièrement à leur proche, et c’est une démarche admirable. Mais il y a aussi tous ceux qui aimeraient pouvoir concilier ce rôle avec leur propre vie, sans pour autant avoir l’impression d’abandonner. On devrait pouvoir être aidant sans avoir à tout sacrifier. On devrait pouvoir aimer et accompagner, sans que cela signifie s’oublier totalement. »

● Les rapporteurs préconisent, dans la continuité des lignes directrices du Comité des droits des personnes handicapées sur la désinstitutionnalisation, l’établissement d’une stratégie de désinstitutionnalisation pluriannuelle élaborée en étroite concertation avec les personnes handicapées et les organisations qui les représentent. Cette planification constitue la seule option pragmatique permettant à la France de respecter, à terme, les dispositions de l’article 19 de la Convention. Comme le préconise le Comité, cette stratégie doit inclure « un plan d’action détaillé, lui-même assorti d’échéances, de critères de référence et d’une vue d’ensemble des ressources humaines, techniques et financières nécessaires et allouées ». Afin de garantir une mise en œuvre effective et d’éviter un instrument uniquement destiné à reporter le travail de désinstitutionnalisation, les rapporteurs estiment qu’il doit être opposable à l’État et invocable devant les juridictions de droit commun.

Avant l’édiction d’un moratoire sur le placement des personnes handicapées en institution et sur la construction ou la rénovation d’établissements, les rapporteurs appellent le Gouvernement à diligenter un audit détaillé des besoins des personnes handicapées et des solutions disponibles sur l’ensemble du territoire. Dans les départements et régions les mieux dotées en services d’aide et d’accompagnement, un moratoire devra progressivement s’imposer sur les placements en établissements. Dans les départements et régions les moins bien dotés, l’essentiel des moyens supplémentaires devra être alloué en priorité au développement des services d’aide et d’accompagnement à domicile, sans pour autant renoncer à l’amélioration de l’offre d’accueil en établissement, au risque de mettre en difficulté de nombreuses personnes handicapées et leurs familles. Dans les territoires où les établissements médico-sociaux sont maintenus – voire, à la marge, créés –, il faut repenser leurs modalités de gouvernance de sorte à donner un pouvoir de décision aux usagers handicapés. Elles doivent ainsi être en mesure de décider de l’organisation des soins et de l’accompagnement, des relations avec les professionnels et des locaux. Les rapporteurs insistent sur le fait qu’une telle réforme ne peut se résumer à une meilleure consultation des résidents, mais implique de leur donner accès à la gouvernance des établissements.

Les dispositifs d’accueil et d’accompagnenemt médico-social
des personnes handicapées dans les départements d’outre-mer

L’offre médico-sociale outre-mer est globalement insuffisante : d’une part, l’ensemble des dispositifs existants en Europe n’y sont pas présents ; d’autre part, les capacités d’accueil ne sont pas à la hauteur des besoins. Depuis quelques années, l’État met en œuvre des « plans de rattrapage » afin de créer de nouvelles places dans les établissements et services médico-sociaux.

Des conventions signées par l’État, les conseils départementaux de Guadeloupe, de Martinique, de La Réunion, de Mayotte et de Guyane ont été signées depuis 2023. Elles prévoient la création de places d’accueil et d’accompagnement dans les structures médico-sociales, qu’il s’agisse de services ou d’établissements. La création et l’ouverture de nouveaux établissements est prévue dans les territoires qui se caractérisent par une offre particulièrement insuffisante, notamment à Mayotte et en Guyane.

L’existence de ces plans de rattrapage, éminemment nécessaires, doit s’articuler avec l’objectif de désinstitutionnalisation. S’il faut développer l’offre médico-sociale dans les territoires sous-dotés, il convient de ne pas reproduire les erreurs du passé. Dès lors, si la construction d’établissements s’impose outre-mer, l’accent doit être mis sur les services d’accompagnement à domicile. Dans la planification de la désinstitutionnalisation, les établissements nouvellement créés doivent être conçus de façon, à moyen terme, à devenir des centres de ressources plutôt que des lieux d’hébergement. Ils auront à concourir à la démarche de transformation de l’offre médico-sociale, et à s’abstenir de promouvoir toute logique ségrégative. Leur ouverture sur la société, leur gouvernance et leurs modalités d’organisation doivent être pensées de façon à respecter l’article 19 de la Convention internationale des droits des personnes handicapées.

Un travail important s’impose sur l’accès au logement des personnes handicapées, faute de quoi la désinstitutionnalisation restera lettre morte. Des logements adaptés et abordables sont une condition absolue du respect du droit à la vie autonome et à l’inclusion dans la société des personnes handicapées. Les rapporteurs ont entendu les alertes du Comité des droits des personnes handicapées, relayées par M. Jonas Ruskus, concernant le développement de solutions d’habitat dit « inclusif » ou « intermédiaire ». Ainsi, la désinstitutionnalisation ne doit pas se traduire par la réduction de la taille des structures médico-sociales et par le maintien d’une ségrégation des personnes handicapées. Si l’habitat intermédiaire a vocation à se développer, c’est à la condition de garantir la mixité des publics au sein des bâtiments ou des quartiers – personnes handicapées, personnes âgées, jeunes actifs, familles, étudiants – et de ne contraindre en aucune manière les personnes handicapées à recourir aux services d’aide et d’accompagnement d’un prestataire particulier, mais au contraire de préserver leur liberté de choix des personnes qui les accompagnent et des modalités concrètes de cette aide.

Pour que cette démarche ait du sens, il faut mettre fin à la présomption d’incapacité dont souffrent les personnes handicapées en leur reconnaissant le bénéfice de la capacité juridique, indépendamment du type ou de la gravité de leur handicap (voir Partie IV).


Recommandation n° 14 : Engager sans délai la désinstitutionnalisation des personnes handicapées par l’élaboration, en concertation étroite avec les personnes handicapées et les organisations qui les représentent, d’une stratégie pluriannuelle assortie d’un plan d’action détaillé opposable à l’État et invocable devant les juridictions de droit commun. Ce plan d’action implique notamment :

– un audit des besoins des personnes handicapées et des solutions disponibles sur l’ensemble du territoire avant un moratoire sur les placements en établissements médico-sociaux ;

– l’accès des personnes handicapées à la gouvernance des établissements dans lesquels elles résident, en leur accordant un pouvoir de décision qui ne se résume pas à une meilleure consultation ;

– le développement de logements accessibles et abordables pour les personnes handicapées, dont le bénéfice n’est pas conditionné au recours aux services d’aide et d’accompagnement d’un prestataire donné, mais laisse au contraire une large liberté de choix des assistants personnels et de leurs modalités d’intervention ;

– la reconnaissance de la capacité juridique de toutes les personnes handicapées, indépendamment du type ou de la gravité du handicap dont elles sont porteuses.

B.   Désinstitutionnaliser les soins apportés aux personnes handicapées

Si la loi du 11 février 2005 ne portait pas d’ambition majeure en matière de santé des personnes handicapées, elle contenait toutefois quelques mesures relatives à leur accès aux soins et à la formation des professionnels de santé. Or, vingt ans après, le constat est celui d’un accès aux soins très dégradé des personnes handicapées, plus encore que pour la population générale, et d’un validisme qui traverse encore fortement le champ sanitaire dans lequel « l’emprise institutionnelle » continue de s’exercer.

1.   L’accès aux soins des personnes handicapées est plus dégradé encore que pour la population générale

Être en situation de handicap ne signifie pas être malade. Néanmoins, comme tout un chacun, les personnes handicapées ont besoin d’accéder à des soins, en lien ou non avec leur handicap. Or, comme l’ensemble de la population, elles subissent la dégradation de l’accès aux soins aujourd’hui à l’œuvre.

a.   À l’instar de la population générale, les personnes handicapées sont confrontées à des difficultés d’accès aux soins

Selon le baromètre 2025 de l’accès aux soins de la Fédération hospitalière de France, plus des deux tiers des Français déclarent avoir renoncé à au moins un acte de soin au cours des cinq dernières années, en ville ou à l’hôpital. En conséquence, les trois quarts des Français craignent de ne pas pouvoir accéder à des soins de qualité en cas de besoin urgent ([209]).

Dans un rapport publié en mars 2024 ([210]), la Cour des comptes explique que l’accès aux soins dépend des conditions financières offertes aux patients et de l’offre disponible. Or, en France, « l’accès [aux soins de premier recours] souffre de difficultés croissantes, plus ou moins grave selon les territoires ». Deux mouvements contraires sont à l’œuvre : d’une part, la demande de soins augmente sous l’effet de la croissance démographique, du vieillissement et de la transition épidémiologique, c’est-à-dire de la prévalence croissante des maladies chroniques due à l’augmentation de l’espérance de vie ; d’autre part, l’offre évolue de manière diverse selon les professions de santé, avec une érosion de la démographie médicale. La pénurie de médecins est, en effet, une réalité à laquelle sont confrontés de nombreux Français, en particulier de médecins généralistes dont les effectifs diminuent de manière continue.

Densité par territoire de médecins généralistes
(hors médecins à exercice particulier) en 2023

La carte montre que certains territoires sont mieux dotés en médecins généralistes, comme les départements du littoral atlantique ou du pourtour méditerranéen et des Alpes. D'autres départements sont moins bien dotés, notamment tous les départements de l'Ile de France et des régions limitrophes, hors Paris.

Source : Caisse nationale de l’assurance maladie.

Ces difficultés sont accentuées par des disparités territoriales très importantes. La pénurie de médecins généralistes, et donc de médecins traitants, mais aussi de médecins spécialistes, rend le parcours de soins impraticable pour de nombreux patients.

Les disparités entre départements sont frappantes, mais c’est au niveau infra-départemental qu’elles sont les plus marquées, en fonction des distances à parcourir pour rallier le lieu de soins. Les personnes résidant en zone rurale sont ainsi les plus pénalisées. Les délais d’obtention d’un rendez-vous médical ont par ailleurs presque doublé entre 2019 et 2024 selon Ipsos ([211]) : il faut aujourd’hui 10 jours en moyenne chez un médecin généraliste, deux mois pour un gynécologue, plus de trois mois pour un dermatologue. Ces délais se répercutent sur le recours aux services d’urgence, même pour des affections qui ne le nécessitent pas.

En outre, les Français sont de plus en plus nombreux à renoncer aux soins : six sur dix déclarent l’avoir fait au moins une fois au cours des cinq dernières années, dont 50 % en lien avec des délais de rendez‑vous, 40 % pour des difficultés financières, et un tiers en raison de l’éloignement géographique ([212]).

b.   Les difficultés d’accès aux soins sont amplifiées pour les personnes handicapées

La Charte Romain Jacob, signée en 2014 par les principaux acteurs de la santé en France, promeut un accès à des soins de qualité pour les personnes handicapées.

Or, dans un dossier publié en avril 2020, le Conseil national de l’ordre des médecins faisait le constat du renoncement aux soins des personnes handicapées ([213]). Ainsi, 77 % d’entre elles ont déjà abandonné un soin ou l’ont reporté, et 22,7 % ont déjà été confrontées à un refus d’être soignées.

Selon le baromètre Handifaction de l’Assurance maladie, entre le 1er janvier et le 31 mars 2025, 30 % des répondants ne sont pas parvenus à accéder aux soins dont ils avaient besoin. 19 % ont subi un refus de soin, 14 % ont vu leur accompagnant refusé par le soignant, 30 % abandonnent leur soin après avoir subi un refus de soin, et 67 % n’ont pas pu consulter lorsqu’ils n’avaient pas de médecin traitant.

Selon APF France handicap, « les personnes en situation de handicap sont victimes de discrimination dans l’accès à la prévention, au dépistage et aux soins. L’offre en santé ne répond pas de manière adaptée à leurs besoins : inaccessibilité des lieux, des équipements et des matériels ; offre insuffisante et mal répartie sur le territoire ; manque de formation des professionnels de santé ; barrières financières (difficultés d’accès à une complémentaire santé, avances de frais, franchises et restes à charge trop élevées). Les conséquences peuvent être dramatiques : rupture, report ou renoncement aux soins, avec à la clé un risque de dégradation de l’état de santé voire une mise en danger » ([214]). Ainsi, une tumeur du sein mesure en moyenne 0,8 millimètre au moment où elle est détectée en population générale, contre 4 millimètres chez les personnes handicapées.

Taux de personnes handicapées non soignées par région
au 1er trimestre 2025 (France métropolitaine hors corse)

La carte montre que le taux de personnes handicapées non soignées est très élevé en Centre Val de Loire (37%), en Bretagne ou en Occitanie. Il est plus faible dans les Hauts de France (25%) ou en région Grand Est (24%).

Source : Handifaction.

Élisa Rojas, avocate et militante, considère les obstacles à l’accès aux soins de deux ordres ([215]) :

● d’une part, les difficultés matérielles comme le manque d’accessibilité des lieux de soins, des cabinets médicaux libéraux, des hôpitaux, l’inadaptation du matériel médical qui peut empêcher la réalisation de certains examens, mais aussi le coût des soins alors que les personnes handicapées sont souvent précaires ;

● d’autre part, les difficultés liées au comportement de certains médecins, à leur manque d’expérience, de formation et d’information sur le handicap.

Témoignage issu de la consultation Rien Sans Nous (voir annexe n° 1)

Maud : « Pour les rendez-vous médicaux, pratiquement tous mes médecins ont des marches à l’entrée de leur bâtiment, je pense notamment à mon gynéco, ma cardiologue. »

À la suite de la Conférence nationale du handicap en 2023, le Gouvernement a institué une mission pour améliorer l’accès aux soins et à la prévention pour les personnes handicapées. Un rapport d’étape doit être rendu à l’été 2025. Parmi les mesures déjà mises en œuvre, on trouve l’élaboration d’un annuaire de l’accessibilité des cabinets médicaux en partenariat avec APF France handicap, le déploiement du programme Handigyneco pour fournir aux femmes handicapées des soins gynécologiques adaptés et un suivi médical personnalisé, la facturation de consultations dites « blanches » consacrées à la rencontre du praticien afin de permettre au patient de s’approprier le lieu de consultation et les examens médicaux, ou des consultations au cours desquelles les soins prévus n’ont pas pu être prodigués en raison du handicap du patient.

Les rapporteurs notent que le déploiement des consultations dites « longues » chez les généralistes est une demande à la fois des médecins et des personnes handicapées. La valorisation financière des actes médicaux qui prennent du temps constitue un levier d’amélioration de l’accès aux soins. À ce titre, les rapporteurs préconisent d’étendre aux personnes handicapées le dispositif de la consultation longue chez le médecin traitant, valorisée à hauteur de 60 euros, pour la prise en charge de situations complexes et nécessitant du temps chez les patients âgés de plus de 80 ans, qui entrera en vigueur au 1er janvier 2026.

Recommandation n° 15 : Étendre aux personnes handicapées le dispositif des consultations longues, créé pour la prise en charge de situations complexes et nécessitant du temps chez les patients âgés de plus de 80 ans.

2.   Les personnes handicapées subissent le validisme et l’emprise institutionnelle du milieu médical

a.   L’insuffisante formation des professionnels de santé donne lieu à des comportements infantilisants, méprisants ou humiliants

L’article 7 de la loi du 11 février 2005 prévoyait que les professionnels de santé et du secteur médico-social reçoivent, au cours de leur formation initiale et continue, une « formation spécifique concernant l’évolution des connaissances relatives aux pathologies à l’origine des handicaps et les innovations thérapeutiques, technologiques, pédagogiques, éducatives et sociales les concernant, l’accueil et l’accompagnement des personnes handicapées, ainsi que l’annonce du handicap ».

Or, comme le reste de la société, le milieu médical est traversé par le validisme, c’est-à-dire l’ensemble des normes sociales qui font la promotion des personnes valides et en bonne santé, et stigmatisent les personnes handicapées ou malades. Celui-ci se manifeste par l’infantilisation, la condescendance, le non‑respect du consentement, l’écoute insuffisante, des préjugés sur les capacités ou le mode de vie des personnes.

L’insuffisante formation des professionnels peut conduire à une négation des symptômes évoqués par les personnes porteuses de handicaps invisibles, ou la psychiatrisation des patients considérés comme « hystériques » ou « affabulateurs ». Le paternalisme médical, qui oppose le patient au « sachant », conduit également à des prises en charges imposées, à une écoute insuffisante des souhaits, besoins ou douleurs ([216]). Le validisme en milieu médical se traduit également par le modèle dit de la réadaptation, qui concentre les soins sur l’adaptation de la personne handicapée à la société plutôt que sur la réponse à ses besoins. Par exemple, les centres de gestion de la douleur sont bien moins nombreux et moins financés que les centres de réhabilitation et de rééducation ([217]).

L’association CLE Autistes, auditionnée par la mission d’évaluation, pointe en particulier le validisme et la psychophobie qui s’exercent à l’encontre des personnes porteuses de handicaps psychosociaux ou neurodivergentes ([218]). D’abord, « les manifestations de l’autisme sont souvent confondues avec des symptômes inhérents à des troubles psychiatriques ». Ensuite, « la France a migré d’un modèle psychiatrique vers une approche neurobiologique [de l’autisme] » dont résultent des thérapies et des soins visant à faire disparaître les symptômes et à réprimer des comportements d’autorégulation afin que les personnes autistes se conforment aux normes sociales. L’association n’est pas pour autant opposée aux soins ou à la médication des personnes neurodivergentes. Mais elle lutte contre la persistance de l’approche psychiatrique qui véhicule une vision pathologisante de l’autisme, et milite pour des prises en charge thérapeutiques plus douces avec des professionnels formés aux réactions atypiques              .

CLE Autistes encourage également le développement du soin par la pair-aidance et la pair-émulation. Les pairs-aidants et pairs-émulateurs sont membres à part entière des équipes de santé, mais également concernés par des problématiques de santé dont ils peuvent témoigner auprès des patients et des personnes accompagnées afin d’apporter soutien et information sur la situation vécue. Le développement de la pair-aidance et de la pair-émulation est balbutiant en France, mais l’expérience québécoise de cette pratique en montre tout le potentiel.

L’Association québécoise pour la réadaptation psychosociale (AQRP) a ainsi accompagné la création de programmes de pair‑aidance et de pair-émulation afin de sensibiliser, soutenir, former et informer les gestionnaires d’établissements de santé ou médico-sociaux, les praticiens, ou les usagers à ses bénéfices. Le savoir expérientiel influe très positivement sur la relation avec le patient, permet de lever des blocages et redonne du pouvoir d’agir ([219]).

Les rapporteurs considèrent que le développement de la pair-aidance et de la pair-émulation constitue un levier intéressant de lutte contre le validisme dans le milieu médical à condition de renforcer, en parallèle, la formation des professionnels de santé aux problématiques du handicap et à l’accompagnement des personnes handicapées. Ils préconisent de définir un statut du pair-aidant et du pair-émulateur, et de veiller à ce que le développement de cette pratique soit compris et intégré au sein des équipes soignantes.

Recommandation n° 16 : Encourager le développement de la pair-aidance et de la pair-émulation en reconnaissant un statut professionnel aux pairs-aidants et pairs-émulateurs, et en veillant à la formation et à la sensibilisation des équipes soignantes à l’accompagnement des personnes handicapées ainsi qu’à la valorisation des savoirs expérientiels.

Au cours des travaux de la mission d’évaluation, les rapporteurs ont relevé que la principale réponse de la direction générale de l’offre de soins à l’amélioration de la qualité d’accueil et d’accompagnement des personnes handicapées consiste dans le déploiement de référents handicap au sein des hôpitaux. Cette initiative est louable, mais tout à fait insuffisante au regard du manque de formation de ces référents et de la surcharge de travail qui résulte de cette mission en sus de leurs autres contraintes professionnelles. Les rapporteurs appellent donc à mieux former les référents handicaps et à sacraliser une partie de leur temps de travail pour garantir le bon exercice de leurs missions.

Recommandation n° 17 : Former les référents handicap à l’hôpital et sacraliser une partie de leur temps de travail pour garantir le bon exercice de leurs missions.

b.   Lever le tabou de la vie affective, intime et sexuelle des personnes handicapées et mettre fin aux stérilisations forcées

La vie affective, intime et sexuelle des personnes handicapées est un sujet encore sensible, entouré de nombreux préjugés. Alors que la santé sexuelle fait partie intégrante de la santé, du bien-être et de la qualité de vie, la sexualité des personnes handicapées a longtemps été niée.

● Lors de leur déplacement à Lyon, les rapporteurs ont rencontré Mme Véronique Vilmant, chargée de communication pour le centre ressource Intimagir de la région Auvergne-Rhône-Alpes. Cet échange a montré que la vie affective et intime des personnes handicapées était encore trop souvent abordée par le seul prisme des violences sexuelles. Bien qu’il s’agisse d’un sujet majeur, la sexualité ne se résume pas aux violences et aux maltraitances. Ainsi, la majorité des appels reçus par le centre Intimagir de la région Auvergne-Rhône-Alpes porte sur la recherche d’un partenaire (« comment avoir un.e amoureux.se ? »). L’autonomie relationnelle, affective et sexuelle des personnes en situation de handicap est cruciale, étroitement liée à l’accessibilité et à leur participation à la vie sociale et citoyenne.

Les rapporteurs ont été sensibles au manque de moyens dont dispose le centre Intimagir – 1,5 emploi temps plein pour couvrir toute la région Rhône-Alpes-Auvergne. Ils préconisent un renforcement des moyens humains et budgétaires alloués à ce dispositif sur l’ensemble du territoire national afin de garantir l’accès des personnes handicapées à des ressources essentielles sur le corps, l’intime, les relations amoureuses, la sexualité.

Recommandation n° 18 : Renforcer les moyens alloués aux centres ressources Intimagir afin de développer l’information des personnes handicapées sur la vie affective, intime et sexuelle. Favoriser leur intervention dans les établissements médico-sociaux.

● La négation et le tabou dont fait l’objet la vie intime et sexuelle des personnes handicapées ont également favorisé des pratiques contraires aux droits humains à l’image de la stérilisation – ligature des trompes ou des canaux déférents. Encore aujourd’hui, en France, il est possible pour le juge des tutelles d’autoriser la stérilisation d’une personne handicapée à la demande d’un tiers, lorsque celle-ci est placée sous tutelle ou sous curatelle et qu’il existe une contre‑indication médicale absolue aux méthodes de contraception ou une impossibilité avérée de les mettre en œuvre ([220]). Si le consentement de la personne protégée doit systématiquement être recherché, et que tout refus de sa part empêche l’opération, le droit français n’interdit pas de manière absolue aux représentants légaux d’une personne handicapée de demander et d’obtenir sa stérilisation. Le Défenseur des droits a ainsi pu noter en 2021 qu’en pratique, « les associations de personnes handicapées dénoncent des difficultés tenant à la recherche du consentement de la personne handicapée, à la place donnée aux avis de l’entourage et des professionnels et aux moyens insuffisants accordés aux juges des tutelles pour exercer leurs missions, dans un contexte où la sexualité et la parentalité des personnes handicapées restent encore des sujets sensibles en France » ([221]).

En outre, bien que la loi sanctionne pénalement cette pratique, et sans qu’il ne soit possible d’en objectiver l’ampleur, il a été porté à la connaissance des rapporteurs que des femmes handicapées ont parfois fait l’objet d’une stérilisation à la demande de leur famille ou à l’initiative de professionnels de santé sans autorisation du juge des tutelles ([222]). Si la prévalence de ces violences a vraisemblablement reculé depuis les années 1990, sous l’effet de l’encadrement strict du recours à la stérilisation, il n’est pas établi qu’elles aient été totalement éradiquées en France ([223]).

De façon moins définitive, des femmes handicapées peuvent se voir imposer des implants contraceptifs ou des stérilets sans leur consentement. Dans certains établissements d’hébergement pour adultes, il serait systématiquement demandé aux résidentes de recourir à une contraception ([224]). Cette pratique est souvent justifiée par des arguments eugénistes ou par une volonté de « protéger » ces femmes et de préserver leur santé. En effet, les personnes handicapées, en particulier les femmes et notamment lorsqu’elles résident dans des établissements médico-sociaux, sont fortement exposées aux violences sexuelles – de la part du personnel des établissements mais aussi, voire surtout, des autres résidents –, au risque de grossesses non désirées

Toutefois, les rapporteurs estiment que la réponse aux violences sexuelles ne peut jamais être une atteinte à la dignité et à l’intégrité de la personne humaine. Dès lors, ils estiment urgent et nécessaire d’interdire de manière absolue toute stérilisation des personnes handicapées en France à la demande d’un tiers, et de garantir leur information et leur consentement lorsqu’elles reçoivent des traitements contraceptifs.

Recommandation n° 19 : Interdire de manière absolue la stérilisation des personnes handicapées à la demande d’un tiers et s’assurer de leur information et de leur consentement lorsqu’elles reçoivent des traitements contraceptifs.

Les rapporteurs soulignent par ailleurs l’existence d’un enjeu de reconnaissance et de réparation pour les personnes handicapées qui ont subi une stérilisation forcée. Ils invitent l’État à évaluer l’ampleur du phénomène et à commencer un dialogue avec les victimes.

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*     *

 


   Partie II : le droit à l’éducation et l’accès à l’emploi, deux piliers de la loi de 2005 encore loin d’être pleinement effectifs

Le droit à l’éducation des élèves handicapés, qui trouve sa traduction dans l’école inclusive, demeure encore largement théorique. Si le nombre d’enfants scolarisés a très considérablement augmenté en vingt ans, l’école inclusive reste une chimère, alors que le nombre d’enfants accueillis dans les établissements médico-sociaux a peu évolué au cours des vingt dernières années et que les conditions d’accompagnement des enfants accueillis à l’école ordinaire sont peu satisfaisantes.

Un constat similaire peut être dressé dans l’enseignement supérieur, qui demeure, en dépit de progrès indéniables, encore très peu accessible aux personnes handicapées.

En matière d’emploi, des progrès importants ont été réalisés mais les difficultés restent nombreuses, en lien avec le manque d’accessibilité du monde professionnel ordinaire et les conditions de travail au sein du milieu protégé.

  1.   La garantie du droit à l’éducation des enfants handicapés nécessite aujourd’hui un changement de paradigme

La loi de 2005 a donné une impulsion indéniable à la scolarisation des enfants en situation de handicap. À travers les grands principes qu’elle affirme, elle a pavé la voie de l’école inclusive. Toutefois, vingt ans plus tard, malgré un apparent succès quantitatif, l’école ne tient toujours pas sa promesse d’inclusion. La scolarisation et la scolarité des enfants handicapés constituent toujours un parcours d’obstacles pour les familles. De nombreux enfants sont exclus, assignés au secteur médico‑social, alors que des solutions alternatives existent. En outre, même lorsqu’ils sont accueillis à l’école, des logiques ségrégatives persistent.

Les moyens, bien qu’importants – 4,6 milliards d’euros pour le financement de l’école inclusive dans le cadre de la loi de finances pour 2025 ([225]) – sont insuffisants et surtout mal employés. La réponse apportée se résume trop souvent à la seule intervention des accompagnantes des élèves en situation de handicap (AESH). La logique compensatoire prend le dessus sur celle de l’accessibilité, qui est encore embryonnaire. Face à cette situation, les enseignants sont insuffisamment formés et démunis, ce qui peut nourrir un sentiment de défiance de la communauté éducative à l’égard de l’école inclusive dans son principe même.

Face à ces constats, un nouvel élan s’impose pour concrétiser le droit à l’éducation des enfants handicapés et construire une école inclusive. Un changement de paradigme au sein de l’Éducation nationale est nécessaire pour garantir l’égalité et l’accès aux droits des enfants handicapés. Ces évolutions sont aussi indispensables pour changer le regard de la société tout entière sur le handicap. La lutte contre la ségrégation des personnes handicapées et les stéréotypes validistes se joue dès l’école, à travers la place que l’on donne aux enfants handicapés dans le système scolaire.

  1.   Des progrès indéniables sur le plan quantitatif, qui doivent toutefois être nuancés

1.   Le principe de la scolarisation en milieu ordinaire dans la loi du 11 février 2005

  1.   L’affirmation des grands principes de l’école inclusive

Le chapitre Ier du titre IV de la loi de 2005 affirme le principe central du droit à la scolarisation pour l’ensemble des élèves handicapés et pose les premiers jalons de l’école inclusive ([226]).

● Avant la loi de 2005, le droit prévoyait déjà, depuis la loi de 1975 d’orientation en faveur des personnes handicapées ([227]), une « obligation éducative » pour les enfants et adolescents handicapés dans le cadre de l’éducation ordinaire ou, à défaut, dans le cadre d’une éducation dite « spéciale ». En pratique, cette obligation scolaire souffrait d’un manque d’effectivité. En 1999, une enquête de l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) et de l’Inspection générale de l’éducation nationale (IGEN) relevait que plus d’un quart des jeunes handicapés accueillis en établissements médico-sociaux n’étaient pas scolarisés ([228]).

En 2005, en s’appuyant sur une logique de droits et en faisant de l’accès à l’école dite ordinaire une priorité, le législateur a amorcé un changement de paradigme. L’article 19 de la loi prévoit un droit à l’éducation pour les personnes handicapées. Il introduit l’article L. 112-1 du code de l’éducation, dont le contenu n’a été que peu modifié depuis, qui dispose que « le service public de l’éducation assure une formation scolaire, professionnelle ou supérieure aux enfants, aux adolescents et aux adultes présentant un handicap ou un trouble de la santé invalidant » et précise que « l’État met en place les moyens financiers et humains nécessaires à la scolarisation en milieu ordinaire des enfants, adolescents ou adultes handicapés ».

À l’occasion de la loi du 8 juillet 2013 d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République ([229]), le législateur a inscrit à l’article L. 111‑1 du code de l’éducation le principe selon lequel le service public de l’éducation « veille à la scolarisation inclusive de tous les enfants, sans aucune distinction ».

La loi de 2005 instaure également la règle de l’inscription de droit dans l’établissement le plus proche de son domicile, tout en précisant que si les besoins de l’enfant l’exigent, la scolarité peut se dérouler dans un autre établissement ([230]).

● Concrètement, ce nouveau droit à l’éducation s’est aussi matérialisé par des modifications apportées dans l’évaluation des besoins et l’orientation des enfants handicapés ([231]). Celle-ci relève désormais non plus des commissions d’éducation spéciale (CDES), mais de l’équipe pluridisciplinaire de la MDPH (cf. partie I du présent rapport). L’évaluation se fonde notamment sur le guide d’évaluation des besoins de compensation en matière de compensation (GEVA-sco) renseigné par l’équipe éducative de l’école. Un projet personnalisé de scolarisation (PPS) est élaboré dans le cadre du plan de compensation du handicap, afin de favoriser « chaque fois que possible, la formation en milieu scolaire ordinaire ([232]) ».

● Les modifications apportées par le législateur en 2005 ont également :

– cherché à répondre à la faible formation des enseignants et de la communauté éducative sur le handicap, perçue comme un facteur explicatif des « trop nombreuses réticences à l’accueil d’enfants handicapés dans les classes ordinaires » ([233]). L’article L. 112-5 du code de l’éducation prévoit ainsi que « les enseignants et les personnels d’encadrement, d’accueil, techniques et de service reçoivent, au cours de leur formation initiale et continue, une formation spécifique concernant l’accueil et l’éducation des élèves et étudiants handicapés » ;

– instauré des équipes de suivi de la scolarisation créées dans chaque département, chargées d’assurer le suivi des décisions de la CDAPH ([234]) ;

– prévu des dispositions relatives aux parcours scolaires des jeunes sourds. L’article L. 112-2-2 du code de l’éducation prévoit ainsi que « dans l’éducation et le parcours scolaire des jeunes sourds, la liberté de choix entre une communication bilingue, langue des signes et langue française, et une communication en langue française est de droit » ;

– ajouté des dispositions relatives aux aménagements d’épreuves ([235]), qui peuvent varier dans leurs modalités – temps additionnel, aide matérielle, modifications de la nature de l’épreuve, etc. ;

– prévu que l’éducation civique, devenue depuis l’enseignement moral et civique, comporte un module consacré au handicap, ainsi qu’un principe d’échanges entre les établissements scolaires et les centres accueillant des personnes handicapées ([236]).

Ces différentes dispositions, qui ont connu des évolutions législatives plus récentes – introduction des AESH dans la loi de finances pour 2014 ([237]) ou création des pôles inclusifs d’accompagnement localisés (Pial – voir infra) dans le cadre de la loi de 2019 pour une école de la confiance ([238]) – ont été appliquées de manière hétérogène. Les travaux de la mission d’évaluation permettent de conclure qu’elles ont conduit à n’atteindre que très partiellement les objectifs du législateur de 2005.

  1.   Des scolarisations pouvant prendre des formes variées

La loi de 2005 a amorcé un changement d’approche en donnant la priorité à la scolarisation en milieu ordinaire des enfants handicapés. Le secteur médico‑social continue néanmoins d’occuper une place importante, puisque 12,5 % des enfants handicapés scolarisés y sont accueillis. De façon schématique – et sans prétendre à l’exhaustivité – le fonctionnement actuel peut être résumé de la façon suivante.

● La CDAPH notifie la nature de l’orientation de l’enfant, en milieu ordinaire ou dans un ESMS.

En cas d’orientation à l’école ordinaire, la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées (CDAPH) précise si l’enfant bénéficie :

– d’une aide individuelle. L’aide individuelle se traduit concrètement par l’octroi d’une accompagnante d’élève en situation de handicap (AESH). Cet accompagnement peut être individualisé ou mutualisé, à temps partiel ou complet. En cas d’AESH dite individuelle, la CDAPH notifie une quotité horaire. En cas d’aide mutualisée, la répartition entre élèves est fixée par le directeur de l’école ou le chef d’établissement ;

– d’une orientation en dispositif collectif. L’aide collective fait notamment référence aux unités localisées pour l’inclusion scolaire (Ulis), qui remplacent depuis 2015 les classes pour l’inclusion scolaire (Clis). Les élèves orientés vers un dispositif Ulis partagent leur temps entre un accompagnement collectif spécialisé et leur classe « ordinaire » de référence.

Les unités localisées pour l’inclusion scolaire (Ulis)

Les dispositifs Ulis ont connu une croissance très importante ces dernières années.

On compte aujourd’hui 5 477 dispositifs Ulis dans le premier degré et 5 569 dispositifs dans le second degré. Le Gouvernement a fixé l’objectif d’une Ulis par collège d’ici 2027. On compte ainsi environ 300 nouveaux dispositifs Ulis par an, dont 70 % dans le second degré (1).

Le coordinateur du dispositif Ulis est généralement un enseignant spécialisé. Il peut venir en appui des professeurs des classes dites ordinaires et accueillir les élèves ayant besoin d’être accompagnés.

(1) Contribution écrite de la Dgesco.

Dans le cas où l’accueil ne peut se dérouler en milieu ordinaire, l’enseignement peut être délivré au sein des établissements médico-sociaux, principalement les instituts médico-éducatifs (IME) et les instituts thérapeutiques, éducatifs et pédagogiques (Itep), dans le cadre des unités d’enseignement. Depuis plusieurs années, les pouvoirs publics cherchent à développer les unités externalisées : il s’agit de permettre la scolarisation des enfants accueillis en ESMS dans les écoles, mais dans des classes spécifiques. L’Éducation nationale compte 6 585 postes de professeurs alloués au secteur médico-social, dont 24 % exercent en unité d’enseignement externalisée ([239]). En complément des unités externalisées, les scolarités dites partagées entre les deux milieux se développent également.

D’autres dispositifs spécifiques ont également été développés pour répondre aux besoins des enfants présentant un trouble du neuro‑développement. Les unités d’enseignement autisme (UEA) ainsi que les dispositifs d’auto‑régulation (DAR) ([240]) accueillent les enfants concernés, dans le cadre d’un fonctionnement qui se situe à mi-chemin entre le dispositif Ulis et l’unité spécialisée.

En outre, l’accompagnement médico-social des élèves peut également passer par les services d’éducation spéciale et de soins à domicile (Sessad), qui sont des équipes ambulatoires pouvant intervenir tant dans le secteur médico-social qu’au sein des écoles.

● En parallèle des orientations décidées par la CDAPH, des dispositifs d’orientation propres à l’Éducation nationale existent, dans le cadre de la commission départementale d’orientation vers les enseignements adaptés. Les élèves qui présentent de difficultés graves et persistantes d’apprentissage peuvent alors être orientés en section d’enseignement général professionnel et adapté (Segpa) ou en établissement régional d’enseignement adapté (Erea). Dans les faits, les enfants handicapés sont surreprésentés dans ces filières (voir infra).

Qu’il s’agisse de l’école ordinaire ou de la scolarisation des élèves accueillis au sein d’un établissement médico-social, de très nombreux dispositifs d’accompagnement des élèves existent et peuvent se cumuler, comme en témoigne le schéma simplifié ci-dessous. Le paysage éducatif et médico‑social est éclaté et difficilement lisible pour les familles et les professionnels.

Le schéma distingue entre le milieu ordinaire et le milieu médico-social et liste les différents dispositifs existants en fonction de la progression dans les études.
Les différentes formes de scolarité possibles pour les élèves handicapés

Source : Cour des comptes, L’inclusion scolaire des élèves en situation de handicap, septembre 2024.

2.   Un apparent succès quantitatif

  1.   Une progression importante du nombre d’enfants en situation de handicap scolarisés

Au total, à la rentrée 2023, 534 900 élèves handicapés bénéficient d’un projet personnalisé de scolarisation. Parmi eux, 85 % sont scolarisés en milieu scolaire ordinaire, 12,5 % dans le secteur médico‑social et 2,1 % dans le cadre d’une scolarité partagée ([241]).

Depuis 2006, le nombre d’élèves handicapés à l’école ordinaire a plus que triplé, pour atteindre, à la rentrée 2023, le chiffre de 468 300 élèves, soit 3,9 % du total des élèves, contre 155 400 en 2006. Un quart d’entre eux environ sont suivis dans le cadre d’un dispositif Ulis ou dans une unité d’enseignement autisme (UEA) ([242]).

  1.   Les orientations en établissements médico-sociaux restent une réalité, avec des conditions de scolarisation encore insatisfaisantes

● 66 616 élèves handicapés sont scolarisés en établissements médico-sociaux – 77 802 en incluant les scolarités partagées ([243]). Ce chiffre a peu évolué depuis vingt ans, comme l’illustre le graphique ci‑dessous.

Évolution de la scolarisation des ÉlÈves handicapÉs entre 2004 et 2023

Le graphique montre que si le nombre d'élèves handicapés scolarisés a beaucoup progressé dans le premier et le second degrés depuis 2004, il est resté très stable concernant les élèves scolarisés dans les établissements hospitaliers et médico-sociaux.

Source : Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance (DEPP), Repères et références statistiques, 2024.

Contrairement à une idée très répandue, la loi de 2005 n’a donc pas favorisé le transfert massif des enfants accueillis en établissements médico-sociaux vers l’école ordinaire.

Ainsi, la progression du nombre d’élèves handicapés scolarisés en milieu ordinaire ne semble pas tant traduire un basculement du milieu médico-social vers le milieu dit ordinaire, mais plutôt, une meilleure reconnaissance des handicaps chez les enfants. Dit autrement, le repérage des troubles à même de constituer un handicap s’est amélioré ces dernières années, notamment les troubles psychiques ou cognitifs. On peut aussi émettre l’hypothèse qu’une part des enfants auparavant non scolarisés, sans pour autant être accompagnés dans un établissement social ou médico-social, accède désormais à l’école. En outre, certains enfants qui passaient autrefois leurs journées au domicile familial sont désormais accueillis dans des établissements sociaux et médico-sociaux, ce qui pourrait donc masquer une évolution du profil des enfants en établissement social – certains étant désormais scolarisés à l’école, d’autres autrefois au domicile étant désormais en établissement – sans que cela ne soit visible dans les statistiques globales.

 Les orientations vers le médico-social sont fortement critiquées par une partie des associations représentant les personnes handicapées mais aussi par l’ONU ou encore le Défenseur des droits, car les établissements sont considérés comme ségrégatifs. Dans ses observations finales présentées en 2021, le Comité des droits des personnes handicapées des Nations unies se montrait préoccupé par le « nombre élevé d’enfants handicapés inscrits dans des structures d’éducation ségrégative, notamment des structures d’accueil médico-sociales ou des classes séparées dans des écoles ordinaires, car cela perpétue la stigmatisation et l’exclusion ».

● La scolarité au sein des établissements médico-sociaux a connu des avancées, qui restent toutefois très insuffisantes. Si l’enseignement externalisé se développe, ce qui peut constituer une première étape de la désinstitutionnalisation, la scolarisation des enfants accueillis en ESMS continue d’interroger :

– pour près d’un tiers d’entre eux, les enseignements sont dispensés au sein de l’établissement, sans accès à l’école ([244]) (voir infra) ;

– 8 % des enfants handicapés âgés de 6 à 15 ans et accompagnés par les établissements ou services qui leur sont dédiés ne sont pas scolarisés. Cette proportion est bien plus élevée pour certains types d’établissements et en fonction des formes de handicap. Ainsi, dans les établissements pour enfants ou adolescents polyhandicapés, six jeunes sur dix n’étaient pas scolarisés en 2022. Cette proportion diminue toutefois de manière régulière : elle s’élevait à 70 % en 2018, à 75 % en 2014 et à 85 % en 2010 ([245]). En outre, les temps de scolarité partielle sont surreprésentés et mal renseignés.

La situation dans les instituts médico-éducatifs, instituts d’éducation motrice et dans les instituts thérapeutiques, éducatifs et pédagogiques

– Parmi les enfants accompagnés dans les instituts médico-éducatifs (IME) et les instituts d’éducation motrice (IEM), la scolarisation a lieu en majorité dans des unités d’enseignement internes (entre cinq et six enfants sur dix), et un peu plus de 10 % des jeunes ne sont pas scolarisés ;

– 2 % des jeunes de 6 à 15 ans accompagnés en instituts thérapeutiques, éducatifs et pédagogiques (Itep) ne sont pas scolarisés.

Source : Drees, Le handicap en chiffres, 2024.


Modalités de scolarisation des enfants entre 6 et 15 ans accueillis dans une structure médico-sociale en fonction de la déficience principale

(en %)

Le tableau présente les modalités de scolarisation des enfants selon le type de déficience. Par exemple, les enfants non scolarisés sont majoritairement des enfants polyhandicapés. Les enfants qui présentent des troubles du psychisme sont essentiellement accueillis dans les unités d'enseignement des établissements médico-sociaux et dans l'enseignement ordinaire.

  1.   Certains élèves ne sont pas scolarisés, ou seulement à temps partiel, sans qu’il soit possible de chiffrer avec précision ces situations

● Les associations dénoncent la scolarisation souvent partielle des enfants handicapés. Selon les chiffres communiqués par la direction générale de l’enseignement scolaire (Dgesco), 92 % des élèves en situation de handicap sont scolarisés à temps plein dans le premier degré, et 97,5 % dans le second degré. Pour environ les deux tiers des enfants concernés par le temps partiel, le nombre d’heures de scolarité est inférieur au mi‑temps ([246]). Dans les établissements médico-sociaux, les données relatives à la scolarité partielle ne sont pas disponibles. Certaines associations entendues par les rapporteurs contestent toutefois ces chiffres et estiment que le taux de scolarisation partielle est bien plus élevé.

Quoi qu’il en soit, comme le rappelle la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH), si la scolarisation partielle peut être adaptée aux soins et à la fatigabilité de certains élèves, elle est aussi « la conséquence d’un manque d’accompagnement suffisamment approprié pour d’autres – qui perdent ainsi tout au long de leur scolarité de précieuses heures de cours, en violation de l’égalité des chances avec les autres élèves » ([247]). De nombreuses familles rapportent également des pressions fortes de la communauté éducative pour que l’enfant soit gardé à domicile en l’absence d’AESH.

 Plus grave encore, certains enfants n’ont aucun accès à la scolarité, sans qu’il soit possible de connaître précisément l’ampleur de cette situation. Comme indiqué supra, on sait que 8 % des enfants accueillis en établissements ne sont pas scolarisés, ce taux atteignant 62 % pour les enfants polyhandicapés (voir le tableau ci-dessus). Ces chiffres sont incomplets, puisqu’il n’existe pas de données consolidées qui incluraient également les enfants restés à domicile (en attente de place, sans solution, ou par choix des parents). Une enquête conduite par l’Unapei en 2023 dénonçait ainsi l’absence totale d’heures d’enseignement pour 23 % des enfants accompagnés par son réseau.

● Plus généralement, le caractère parcellaire des données disponibles a été souligné dans plusieurs rapports récents.

La Cour des comptes regrette, dans son rapport sur l’inclusion scolaire, ces lacunes statistiques et souligne que ministère de l’Éducation nationale n’est en capacité « ni de suivre la trajectoire de ces élèves, ni de mesurer le temps de scolarisation réel, ni de mesurer leur performance scolaire ou leur bienêtre dans le système scolaire » ([248]). Le rapport de l’Igas et de l’Inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche (IGESR) sur l’acte II de l’école inclusive ([249]) dresse un constat similaire.

Dans le prolongement de la dernière Conférence nationale du handicap (CNH), l’administration déploie l’identifiant national élève (INE) pour les enfants orientés vers les établissements afin d’améliorer leur suivi statistique. Cette politique dite de « l’INE pour tous » semble toutefois inachevée aujourd’hui, comme cela a été souligné au cours des auditions. Il en résulte des données trop incomplètes, notamment concernant le nombre d’heures de scolarisation effectives des enfants accueillis en établissement.

Les rapporteurs jugent urgent d’améliorer le suivi statistique quantitatif et qualitatif de la scolarité des élèves handicapés. Il est difficilement compréhensible que celui-ci ne soit toujours pas fiable et consolidé, plus de vingt ans après l’adoption de la loi de 2005.

Recommandation  20 : Mettre en place un suivi statistique exhaustif de la scolarité de l’ensemble des enfants handicapés, quels que soient leur lieu de vie, leur mode d’accompagnement et les modalités de scolarisation mises en œuvre.

  1.   Un échec qualitatif : l’école n’est pas devenue inclusive

L’accès à l’école et la réalité du droit à l’éducation des enfants handicapés constituent des sujets de tensions majeures dans notre société. Pour de nombreux enfants, l’école est excluante ou maltraitante, et parfois les deux. Auditionnée par les rapporteurs, la Défenseure des droits a rappelé que 15 % des réclamations relatives aux droits de l’enfant concernent des enfants en situation de handicap et que la très grande majorité d’entre elles portent sur la scolarité.

Témoignage issu de la consultation Rien Sans Nous (voir annexe n° 1)

Lise : « L’école inclusive: une catastrophe ! Oui, l’école pour tous fait rêver... mais dans quelles conditions de maltraitance ?! Ma fille a fait ses 3 années de maternelle en école ordinaire et est aujourd’hui dans un IEM. »

1.   L’accessibilité et les conditions d’une véritable inclusion restent impensés

  1.   La prédominance d’une approche compensatoire

Depuis la loi de 2005, les politiques publiques relatives à l’école inclusive se sont essentiellement fondées sur une approche compensatoire, qui rencontre aujourd’hui d’importantes limites. Elle se manifeste par le recours aux accompagnantes des élèves en situation de handicap (AESH) qui ont, depuis la loi de finances pour l’année 2014 ([250]), remplacé les auxiliaires de vie scolaire (AVS).

Plus de six élèves handicapés sur dix bénéficient d’une aide humaine dans l’enseignement primaire, et quatre sur dix dans le secondaire. Parmi les élèves de primaire, 64 % bénéficient d’une aide mutualisée, 25 % d’une aide individuelle sur une partie de leur temps scolaire et 11 % d’une aide individuelle intégrale ([251]). Le nombre de notifications de la MDPH pour un accompagnement humain ne cesse de croître : il a ainsi doublé entre 2017 et 2024, passant de 159 341 élèves notifiés à 332 766 aujourd’hui ([252]). Cette croissance résulte d’une hausse du nombre d’enfants handicapés accueillis à l’école, mais aussi d’une hausse des prescriptions d’aide humaine par les MDPH ([253]).

Les limites de l’approche compensatoire sont de plusieurs ordres :

– d’abord, cette approche se heurte à une insuffisance quantitative de la ressource. Malgré la croissance du nombre d’AESH, un certain nombre d’enfants handicapés dont le projet personnalisé de scolarisation prévoit un accompagnement humain en restent dépourvus, ou bénéficient d’un accompagnement inadapté (AESH mutualisée pour un besoin reconnu d’une AESH individualisée). Ces difficultés traduisent les très fortes tensions de recrutement des AESH, conduisant à une couverture partielle des besoins, avec des iniquités territoriales importantes. Elles sont exacerbées dans les territoires ultramarins : le Collectif Handicaps indique que plusieurs années d’attente y sont parfois nécessaires pour bénéficier de l’aide d’une AESH ([254]) ;

– les difficultés sont aussi qualitatives : les AESH sont insuffisamment formées et encore faiblement intégrées à la communauté éducative. Si le développement de l’école inclusive s’est traduit par le recrutement massif des AESH, d’autres dispositifs permettant l’intervention de professionnels spécialisés et formés ont, à l’inverse, vu leurs moyens diminuer : c’est particulièrement le cas des enseignants spécialisés et des réseaux d’aides spécialisées aux élèves en difficulté (Rased), qui ont vu leurs moyens se réduire au fil des deux dernières décennies ([255]), malgré un récent rattrapage ([256]).

Témoignage issu de la consultation Rien Sans Nous (voir annexe n° 1)

Perrine : « Manque de formation des enseignants, AESH et agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles (ATSEM). Nous avons la chance cette année d’avoir une équipe motivée et bienveillante (en espérant avoir les mêmes pour l’année 2025/2026). Mais je dois payer des formations à l’école pour qu’ils soient formés à la CAA [Communication alternative et améliorée] afin qu’ils puissent communiquer avec Nathan. Ce n’est pas normal. »

Surtout, cette approche compensatoire a conduit les pouvoirs publics à se cantonner à une approche reposant exclusivement sur les droits individuels, éclipsant toute vision collective sur la question clé de l’accessibilité de l’école.

Ainsi, comme le résume le Conseil national consultatif des personnes handicapés (CNCPH), le recours à la compensation via l’intervention des AESH est une « réponse au défaut d’accessibilité de l’école ». Cet écueil est d’ailleurs reconnu par la Dgesco elle-même. Dans la contribution écrite envoyée aux rapporteurs, l’administration indique ainsi : « nous mesurons aujourd’hui que l’égal accès au droit à la scolarisation, qui est au cœur de ce que notre institution porte depuis la loi de 2005, est passé par un recours très important à la compensation, notamment par le biais des AESH. [...] Ce recours à la compensation a certainement parfois empêché la mise en accessibilité qui doit être un préalable. »

Si beaucoup a été fait en matière de compensation, très peu a été fait en faveur de l’accessibilité. Le principe fixé par la loi de 2005 d’une scolarisation dans l’école la plus proche du domicile est loin d’être effectif. De nombreux enfants, pour des raisons d’accessibilité, sont scolarisés dans un établissement davantage adapté à leurs besoins, mais plus éloigné de leur domicile. Les difficultés d’accessibilité aux bâtiments et aux transports scolaires, mais également aux équipements et aux contenus pédagogiques, continuent ainsi d’entraver l’accès à l’école.

Témoignage issu de la consultation Rien Sans Nous (voir annexe n° 1)

Loïs : « Passage du bac au troisième étage d’un lycée sans ascenseur, heureusement que j’avais mes anti-douleurs. Pareil pour mon lycée en général, pas d’ascenseur et escalier en colimaçon étroit. »

b.   La persistance de logiques ségrégatives au sein même de l’école

Les logiques ségrégatives se perpétuent de multiples façons au sein même de l’école.

● On observe une exclusion progressive des enfants handicapés à mesure de leur avancement dans le parcours scolaire. Comme le décrit la Commission nationale consultative des droits de l’homme, « de nombreux enfants handicapés quittent progressivement le cursus ordinaire à l’entrée au collège, avant la 4ème et surtout avant l’entrée au lycée, en partie au motif que, par manque d’accompagnement et de mise en place d’une approche réellement inclusive, certains d’entre eux peuvent avoir du mal à s’adapter eux-mêmes à un système scolaire plus intégratif qu’inclusif ([257]) ».

Les élèves handicapés sont très largement surreprésentés dans les voies professionnelles – comme le montre le graphique ci-dessous – sans que cela ne corresponde nécessairement à leurs aspirations personnelles. Comme le souligne la Cour des comptes, il s’agit d’un enjeu majeur pour les parcours ultérieurs et l’insertion professionnelle.

Situation scolaire à 17 ans des élèves handicapés nés en 2005 selon la nature du trouble en 2022‑2023

Le graphique montre que les élèves handicapés sont très souvent orientés vers la voie professionnelle. Les enfants autistes sont très souvent dans les établissements médico-sociaux. Les élèves avec des troubles visuels sont ceux qui parviennent le plus à poursuivre leurs études dans la voie générale et technologique.

Source : DEEP, Repères et références statistiques, 2024.

 Les dispositifs et filières spécialisés participent de cette ségrégation

Si les Ulis sont désormais présentées comme des « dispositifs » et non comme des « classes », en pratique, les temps d’inclusion dans la classe dite de référence peuvent être variables d’un élève à l’autre, et ne font l’objet d’aucune mesure.

Dans son rapport sur l’inclusion scolaire, la Cour des comptes appelle à la vigilance sur la localisation des espaces Ulis, pour qu’ils soient à proximité des autres classes. Auditionné par les rapporteurs, le Collectif Lutte et handicaps pour l’égalité et l’émancipation (CLHEE) considère que les dispositifs Ulis – ainsi que les Segpa – relèvent d’une logique ségrégative, intégrée au sein de l’école. Ces critiques font écho aux remarques de l’ONU, qui s’inquiète de la persistance des classes spécialisées.

Il faut aussi noter le paradoxe suivant : l’expérience de l’inclusion en classe ordinaire peut faire souffrir les élèves en situation de handicap, qui sont d’ailleurs surreprésentés parmi les victimes de harcèlement scolaire – ce qui n’empêche pas qu’il puisse parfois être harceleurs – et en moyenne moins satisfaits de la qualité de vie scolaire ([258]). M. Alexandre Ployé, enseignant chercheur et spécialiste des questions d’inclusion, auditionné par les rapporteurs, décrit le processus à l’œuvre, faute d’une inclusion pensée pour le bien-être des enfants handicapés : « ils peuvent alors dire préférer se retrouver entre eux en Ulis. Cela se fait au prix d’une stigmatisation forte [...], dont il est très difficile de sortir » ([259]). Or, le fait d’entrer dans un dispositif spécialisé s’accompagne d’un effet cliquet : très peu de « retours » sont observés.

● Certains acteurs considèrent que le fait d’être accompagné par une AESH peut également engendrer une forme de stigmatisation et d’exclusion à l’intérieur même de la classe. Autisme France considère que, loin de permettre l’acquisition progressive de l’autonomie, l’AESH peut devenir un « écran » entre l’élève et son environnement. Comme l’a développé M. Alexandre Ployé lors de son audition, la compensation est par nature individuelle et repose sur la reconnaissance de la qualité de personnes handicapées. Elle peut, dans ce cadre, devenir une sorte d’étiquette sociale, avec des effets contre-productifs très forts : « plus on aide singulièrement un enfant pour prendre en compte ses besoins particuliers, plus vous le pointez du doigt » ([260]).

2.   Les parcours et des modalités d’orientation opaques et complexes

En 2005, les modifications apportées à la procédure d’orientation des élèves ont mis fin aux commissions d’éducation spéciale, gérées par l’Éducation nationale. Les parcours étaient alors décrits par le législateur comme labyrinthiques et opaques pour les familles. Force est de constater que des difficultés similaires perdurent dans le cadre actuel, l’orientation des élèves relevant désormais de la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées (CDAPH).

Les familles sont ainsi confrontées à de longs et difficiles parcours administratifs, du dépôt du dossier, au passage en commission, à la mise en œuvre effective de l’orientation décidée :

– les délais de traitement des décisions rendues concernant les enfants restent excessifs et sont en augmentation (cf. partie I du présent rapport) ;

– la coordination entre la MDPH et l’Éducation nationale est très insatisfaisante au détriment de la qualité de l’accompagnement de l’élève, comme l’ont mis en évidence plusieurs rapports qui pointent notamment des cas d’absence de transmission du projet personnalisé de scolarisation entre la MDPH et l’école ([261]) ;

– les décisions semblent parfois davantage guidées par les spécificités de l’offre territoriale que par les besoins des élèves. La Cour des comptes épingle ainsi des différences départementales injustifiées, pouvant notamment laisser penser que la question de l’offre disponible influence la décision de la MDPH, alors que le besoin de l’enfant devrait primer. La Cour appelle les départements à mettre en œuvre un référentiel harmonisé concernant les prescriptions des MDPH.

Cette problématique s’observe notamment pour ce qui concerne la scolarisation des enfants sourds. Pour les jeunes sourds, la proportion d’élèves scolarisés en milieu ordinaire peut varier de 100 % à 31 % en fonction des départements. Les départements avec la plus faible part d’élèves sourds en milieu ordinaire correspondent aux territoires d’implantation des instituts de jeunes sourds. La Fédération nationale des sourds de France (FNSF) dénonce le fait que la priorité de scolarisation en milieu ordinaire n’est pas toujours respectée par les MDPH et déplore une orientation trop systématique des enfants sourds vers des établissements, « au lieu d’une orientation en milieu ordinaire parcours bilingue (langue des signes française/Français écrit). Il manque clairement des informations neutres concernant les besoins des enfants sourds et nous pouvons observer des résistances institutionnelles. » ([262]) ;


Témoignage issu de la consultation Rien Sans Nous (voir annexe n° 1)

Laure : « Avant de rejoindre une école bilingue à Toulouse, j’ai fréquenté plusieurs établissements. Mon intégration y était difficile, car je manquais d’un véritable accès à la langue. Par la suite, j’ai été scolarisée dans une école spécialisée où l’on infantilise les enfants sourds, les considérant comme des citoyens de seconde zone avec un niveau d’éducation très bas. »

– les familles et enfants sont en pratique insuffisamment entendus, alors que le droit prévoit leur association à chaque étape du processus d’orientation ;

– les décisions sont pour un certain nombre d’entre elles inappliquées ou mal appliquées. Outre les tensions relatives à l’insuffisance du nombre d’AESH déjà évoquées, d’autres problèmes remontent. Ainsi, l’Igas et l’IGESR relèvent que les difficultés des établissements médico-sociaux conduisent parfois l’école « à accueillir par défaut des enfants en situation de handicap sans l’accompagnement médicosocial requis. Ces situations, même minoritaires, peuvent mettre en grande difficulté des enseignants, qui se sentent démunis, et conduire à des tensions, ce qui risque de conduire à un rejet de l’école inclusive. » Selon l’ancienne ministre de l’éducation nationale Nicole Belloubet, 24 000 élèves sont scolarisés en classe « ordinaire » faute de place dans le secteur médico-social ([263]) ;

Témoignage issu de la consultation Rien Sans Nous (voir annexe n° 1)

Mylène : « Places trop rares et liste d’attente énormes. Nous avons une demande en cours, pour une orientation en IEM et on nous annonce 8 ans d’attente. Que fait-on en attendant si l’école n’est pas adaptée à l’enfant ? »

– les dispositifs s’empilent et créent de la complexité pour les familles et les enseignants. Ce point est notamment soulevé par l’APF France handicap qui cite ainsi pêle-mêle des acronymes parmi lesquels il est difficile de s’y retrouver « PPRE, PAP, PPS, GEVASco, Ulis, UE, UEE, UEMA, UEEA, PIAL, PAS, EMAS, autorégulation... » ([264]) ;

– le livret parcours numérique inclusif, qui doit permettre de centraliser en une application les informations relatives à la scolarité de l’enfant en situation de handicap, est en cours de déploiement. Toutefois, sa mise en œuvre demeure insuffisante, alors que sa généralisation était attendue pour 2022.

  1.   L’école doit s’adapter aux besoins des élèves handicapés, et non l’inverse

La politique publique de l’école inclusive repose aujourd’hui sur une logique compensatoire, par l’attribution de droits individuels. Celle-ci doit être dépassée pour que l’accessibilité soit pensée globalement à l’échelle de l’Éducation nationale, ce qui implique un renversement de perspective et une transformation du système scolaire en tant que tel. Cet enjeu dépasse d’ailleurs la stricte question du handicap puisqu’une telle évolution s’avère nécessaire pour une école accessible à tous.

1.   Un premier pas nécessaire mais insuffisant : donner un véritable statut aux AESH et revaloriser leurs conditions de travail

Malgré les efforts réalisés ces dernières années, le statut des AESH reste précaire, ce qui constitue un facteur explicatif majeur de la crise d’attractivité du deuxième métier de l’Éducation nationale. De nombreux rapports se sont fait l’écho de ces difficultés. Entendu par les rapporteurs, le collectif des AESH a dénoncé un niveau de rémunération insuffisant ainsi qu’un temps partiel subi.

Comme le résume l’enseignant-chercheur Alexandre Ployé, le développement des AESH s’est effectué « sans leur donner de véritable mission pédagogique, sans leur proposer de formation et de rémunération à la hauteur de la complexité de leur mission. De fait, derrière ce masque inclusif, ces personnes ne sont pas toujours équipées pour faire un travail de qualité. Ces accompagnantes [...] se voient confier les enfants les plus en difficulté du système scolaire, sans reconnaissance suffisante. » ([265])

Des progrès ont été réalisés ces dernières années. Depuis le 1er septembre 2021, les AESH sont intégrées dans un dispositif qui permet une revalorisation régulière de leur rémunération. Il a fallu attendre le 1er janvier 2023 pour qu’elles aient accès aux primes existantes lorsqu’elles exercent dans une école ou établissement relevant d’un réseau d’éducation prioritaire ou du réseau d’éducation prioritaire renforcé. Depuis la rentrée 2023, les AESH peuvent accéder à un contrat à durée indéterminée (CDI) à l’issue d’un premier contrat de trois ans en cette qualité, contre six ans auparavant ([266]). Entre 2017 et 2025, la rémunération nette mensuelle d’une AESH a progressé en moyenne de 287 euros nets par mois, selon les chiffres communiqués par le Gouvernement ([267]).

La situation demeure toutefois très insatisfaisante. En particulier, la quotité horaire de 24 heures par semaine entraîne une précarité structurelle des contrats de travail des AESH. Si, en théorie, il est désormais proposé à celles qui le souhaitent d’augmenter leur quotité de travail en intervenant dans le cadre de la prise en charge par l’État de l’accompagnement sur la pause méridienne ([268]), en pratique le temps partiel subi reste la norme.

Outre leur rémunération insuffisante, leur formation est aussi souvent lacunaire, en particulier lorsque les AESH sont recrutées en cours d’année. Concernant leur formation initiale, soixante heures de formation sont prévues et obligatoirement dispensées ([269]). La formation continue des AESH reste très limitée et les crédits prévus en la matière sont sous-exécutés ([270]).

La valorisation du métier, qui passe avant tout par l’affirmation d’un statut et le renforcement de la formation, constitue une condition préalable essentielle pour garantir le droit à l’éducation des élèves handicapés.

Les rapporteurs appellent donc le Gouvernement à revaloriser le métier d’AESH, en leur accordant le statut de fonctionnaires, en clarifiant leurs missions, en poursuivant la revalorisation de leurs salaires et en développant des outils pour les évolutions de carrière. En parallèle, l’amélioration de leur formation initiale et continue est indispensable et celle-ci doit dans la mesure du possible avoir lieu en amont, ou le cas échéant, rapidement après la prise de poste ([271]). En outre, des brigades de remplacement des AESH doivent voir le jour.

Recommandation  21 : Donner aux accompagnants des élèves en situation de handicap (AESH) le statut de fonctionnaire, poursuivre l’amélioration de leur niveau de rémunération et de leurs conditions de travail.

Rendre obligatoire la formation des AESH dans un délai de deux mois maximum suivant leur entrée en fonction.

Créer des brigades de remplacement des AESH pour ne laisser aucun élève sans solution.

2.   Des liens avec le médico-social à repenser : un mouvement de convergence nécessaire

La présence des professionnels du médico-social à l’école est aujourd’hui trop limitée et culturellement peu ancrée. Or, la prise en charge des besoins spécifiques des élèves handicapés peut rendre nécessaire la présence d’éducateurs, d’ergothérapeutes, et d’autres professionnels médico-sociaux ou de santé. Le resserrement des liens entre l’Éducation nationale et le médico-social répond à deux enjeux principaux :

– il s’agit en premier lieu de planifier la désinstitutionnalisation de l’accueil des enfants, ce qui nécessite de réduire le plus possible l’accueil en milieu « fermé » ou « protégé ». Cela ne sera possible qu’à condition de resserrer très fortement les liens entre le médico-social et l’Éducation nationale ;

– il s’agit aussi d’assurer l’accessibilité de l’école à tous et dans de bonnes conditions. Aujourd’hui, la trop faible présence du médico-social à l’école nuit tant aux élèves qu’aux équipes pédagogiques. L’écosystème des acteurs susceptibles d’intervenir dans l’accompagnement des élèves et des équipes pédagogiques doit être refondu dans le cadre d’une meilleure répartition et coordination des rôles.

Témoignage issu de la consultation Rien Sans Nous (voir annexe n° 1)

Alicia : « Si nous parvenons à l’inscrire les matinées, je devrais venir 1h30 après l’avoir déposée pour la sonder. Aucune infirmière ne souhaite intervenir (trop contraignant) alors je ne peux reprendre le travail. »

  1.   Poursuivre l’implantation du médico-social dans l’école

Il convient tout d’abord de poursuivre l’implantation des structures médico‑sociales à l’école, comme un point d’étape de la planification de la désinstitutionnalisation.

C’est là un enjeu essentiel de l’inclusion, qui peut aussi permettre de réduire les interruptions scolaires pour raisons de soins. Lancée dans le prolongement de la Conférence nationale du handicap de 2023, l’expérimentation « 100 projets pilotes d’instituts médico-éducatifs (IME) dans l’École » semble à ce titre pertinente, et doit être élargie à l’ensemble des établissements médico-sociaux accueillant des enfants, comme le recommandent l’Igas et l’IGESR dans leur rapport. Cette dynamique doit se généraliser. Les rapporteurs appellent l’État à construire une stratégie en la matière, qui nécessite aussi des adaptations et une réorganisation des espaces scolaires.

Témoignage issu de la consultation Rien Sans Nous (voir annexe n° 1)

Claude-Hélène : « Dans le cas de notre cadet, obtenir un accompagnement en SESSAD après six mois d’attente a été un vrai soulagement. Cela a permis une coordination de la prise en charge : soutien scolaire, psychologue et psychomotricité et aide éducative. Cela nous a permis de reprendre notre rôle de parents, moi de maman et de pouvoir travailler plus. Puisque pendant des années, j’ai réduit mon activité professionnelle et je n’avais pas le choix. Un point positif, le SESSAD a mis au point une vraie collaboration entre le collège et nous. C’est cette collaboration entre les 3 parties qui a permis à notre fils de progresser à tous niveaux. »

Recommandation n° 22 : Planifier l’intégration de l’ensemble des structures médico-sociales accueillant des enfants dans les écoles.

b.   Une planification territoriale de l’offre nécessaire

L’accessibilité du bâti, des matériels pédagogiques et des contenus scolaires doit être concrétisée dans chaque établissement. En cas de besoins spécifiques en matière de soins ou de pédagogie très particuliers, il est toutefois illusoire d’imaginer que l’implantation des plateaux techniques nécessaires soit possible dans chaque école.

C’est pourquoi les rapporteurs appellent à une planification territoriale qui pourrait garantir aux enfants concernés une scolarisation ordinaire dans un établissement situé à une distance raisonnable du domicile, en parallèle d’une réflexion nécessaire sur les conditions du transport scolaire évoquées infra.

Cette planification territoriale doit notamment garantir aux élèves sourds une scolarisation à l’école ordinaire, avec des parcours bilingues français écrit et oral et langue des signes. Aujourd’hui, le manque de développement de l’éducation bilingue langue des signes française/français écrit empêche de nombreux enfants sourds d’accéder à une éducation de qualité, selon la Fédération nationale des sourds de France.

Recommandation n° 23 : Garantir une planification territoriale permettant à chaque élève d’accéder, à une distance raisonnable de son domicile, à un établissement scolaire proposant des plateaux techniques adaptés aux handicaps ou pathologies les plus complexes.

c.   Engager un travail de simplification des dispositifs spécialisés

Un travail de simplification et d’éventuel rapprochement des différents dispositifs spécialisés existants est aujourd’hui souhaitable, tant pour veiller au bon usage des ressources, que pour clarifier les parcours des enfants et des professionnels concernés. Dans ce cadre et à titre d’exemple, l’Igas recommande notamment d’expérimenter le rapprochement des classes d’unités d’enseignements externalisées avec les dispositifs Ulis.

Ce travail de rapprochement et de simplification implique également une redéfinition du rôle des professionnels de santé et du médico-social au sein des écoles, ainsi qu’une meilleure articulation avec les personnels de l’Éducation nationale (enseignants, enseignants spécialisés, AESH, mais aussi professionnels de la santé scolaire, psychologues scolaires, etc.).

  1.   Les pôles d’appui à la scolarité : un travail de convergence entre l’Éducation nationale et le médico-social à approfondir

Dans l’objectif de resserrer les liens entre le médico-social et l’Éducation nationale, des pôles d’appui à la scolarité (PAS) sont aujourd’hui en cours de déploiement.

● Initialement adoptées par le législateur dans la loi de finances pour 2024 ([272]), les dispositions relatives aux pôles d’appui à la scolarité, qui devaient remplacer les pôles inclusifs d’accompagnement localisés (Pial) ([273]), ont été censurées par le Conseil constitutionnel comme cavalier budgétaire. Ces pôles sont aujourd’hui expérimentés sans base légale dans quatre départements préfigurateurs (Var, Eure‑et‑Loir, Côte-d’Or et Aisne).

Dans le cadre de la discussion en cours autour de la proposition de loi pour une école inclusive ([274]), l’Assemblée nationale a adopté en première lecture un amendement du Gouvernement prévoyant de nouveau le remplacement des pôles inclusifs d’accompagnement localisés par les pôles d’appui à la scolarité ([275]) ainsi que leur généralisation à l’horizon 2027. Au total, la création de 3 000 PAS est annoncée.

Les pôles d’appui à la scolarité ont donc vocation à remplacer les pôles inclusifs d’accompagnement localisés, qui n’ont pas produit les effets escomptés et ont fait l’objet d’importantes critiques. Les Pial sont en effet pointés du doigt pour avoir été détournés de leur objet initial et transformés en outil de gestion de la pénurie d’AESH. Comme le résume le rapport de 2023 de l’Igas et de l’IGESR, ils « se sont imposés dans leur fonction de gestion de ressources de proximité pour le suivi des AESH, sans pouvoir répondre à l’ensemble des ambitions qui leur a été fixé, faute de ressources suffisantes ». En outre, l’association des professionnels de santé et des établissements médico-sociaux, pourtant prévue par la loi (voir l’encadré ci-dessous), n’a été mise en place que dans 20 % des PIAL ([276]).

Les pôles inclusifs d’accompagnement localisés (Pial) article L. 351-3 du code de l’éducation

Des pôles inclusifs d’accompagnement localisés sont créés dans chaque département. Ils ont pour objet la coordination des moyens d’accompagnement humain au sein des écoles et des établissements scolaires de l’enseignement public et de l’enseignement privé sous contrat. Ils constituent des pôles ressources à destination de la communauté éducative ; ils associent à cet effet des professionnels de santé et les gestionnaires des établissements et services médico-sociaux [...]. Ces dispositifs visent à mieux prendre en compte les besoins éducatifs particuliers de l’élève en situation de handicap en vue du développement de son autonomie.

● En conséquence, les pôles d’appui à la scolarité suscitent aujourd’hui des attentes fortes. Ils présentent un périmètre d’intervention plus large que celui des Pial, car ils visent l’ensemble des enfants à besoins spécifiques – et non uniquement les enfants en situation de handicap.

Tout comme les Pial, les PAS sont chargés de la gestion des AESH, mais leur vocation dépasse cette seule mission. Leur rôle est ainsi de renforcer les liens entre l’Éducation nationale et le médico-social, à travers un binôme coordinateur assurant une représentation de ces deux cultures professionnelles et d’apporter une réponse dite de premier niveau aux enfants qui en ont besoin. Celle-ci peut prendre plusieurs formes : aménagements pédagogiques, attribution rapide d’un matériel adapté, ou encore soutien pour la scolarité par des professionnels compétents (du médico-social ou de l’Éducation nationale). Il s’agit ainsi d’internaliser au sein de l’Éducation nationale une réponse de premier niveau sans avoir à passer par la MDPH et, le cas échéant, d’orienter les familles vers une demande auprès de la MDPH pour une réponse de second niveau. Une mission de soutien aux équipes pédagogiques leur est également confiée.

Les travaux des rapporteurs, nourris par leur déplacement en Côte‑d’Or, l’un des départements préfigurateurs du PAS, conduisent à formuler plusieurs remarques et points d’attention :

– le PAS permet d’incarner dans les territoires le rapprochement au sein de l’école entre l’Éducation nationale et le médico-social, ce qui constitue une évolution très positive pour avancer vers l’école inclusive. Pour reprendre les mots de l’une des éducatrices spécialisées rencontrées en Côte‑d’Or et membre du PAS, il s’agit d’un vrai « saut qualitatif » par rapport à d’autres dispositifs médico‑sociaux comme les Sessad, qui réalisent un travail important mais souvent externe aux écoles. Le croisement des compétences entre le médico-social et l’éducatif est ainsi considéré comme essentiel pour l’amélioration de la qualité de l’accompagnement des enfants et des équipes pédagogiques ;

– la question des moyens humains et budgétaire est centrale, de même que le pilotage. Il est essentiel que le binôme coordinateur désigné pour chaque PAS soit constitué de deux ETP à temps plein. Il est aussi indispensable de veiller au bon déploiement des PAS dans les territoires ruraux ;

– la nature de l’accompagnement proposé aux élèves interroge la cohérence entre la réponse de premier niveau (PAS) et celle du deuxième niveau (MDPH). Les rapporteurs soulignent qu’il serait paradoxal que la réponse dite de premier niveau se traduise par une aide humaine qualifiée, via l’intervention d’un professionnel du médico-social, tandis que la réponse de deuxième niveau se limiterait à l’intervention d’une AESH, généralement moins formée à la prise en charge du handicap qu’un éducateur spécialisé par exemple. Une telle situation irait à l’encontre d’une logique de réponse graduée ;

– la mise en œuvre des PAS doit s’accompagner d’un travail de clarification et d’articulation entre les différents professionnels médico-sociaux et de l’Éducation nationale susceptibles d’intervenir en soutien de l’élève handicapé. À titre d’exemple, les rapporteurs ont pu noter lors de leur déplacement en Côte‑d’Or que la mise en œuvre du PAS ne s’est pas accompagnée d’une redéfinition des rôles des AESH. Selon le témoignage recueilli d’une AESH, le PAS n’a « rien changé » dans l’exercice de son métier. L’articulation avec les dispositifs médico-sociaux de soutien existants et les professionnels de la santé scolaire au sens large (médecins, infirmières, psychologues scolaires) constitue un enjeu essentiel qui conditionnera le succès ou l’échec des PAS ;

– les PAS pourraient créer une forme d’ambiguïté dans le parcours d’orientation des élèves, ce qu’il faut absolument éviter dans un contexte où les règles sont déjà complexes et le parcours mal compris ;

– enfin, la mise en place des PAS nécessite également un effort de communication auprès des familles. Lors du déplacement en Côte‑d’Or, il a ainsi été signalé que le PAS était surtout sollicité par les équipes enseignantes et moins par les familles.

En résumé, les PAS, en ce qu’ils doivent permettre une simplification des procédures, une convergence plus forte entre le scolaire et le médico-social et une amélioration des réponses de premier niveau, sont une opportunité pour franchir un nouveau pas vers l’école inclusive. Les rapporteurs estiment que leur réussite dépend de leur capacité réelle à renforcer les liens entre l’Éducation nationale et le secteur médico-social et à assurer une cohérence dans la réponse apportée aux besoins de l’élève. Sortir de la dichotomie « élève notifié/élève non notifié » et inscrire les solutions dans le droit commun constituent des évolutions positives, à la condition sine qua non que les moyens déployés soient à la hauteur des besoins.

Recommandation n° 24 : Poser les conditions nécessaires pour que les projets d’appui à la scolarité se déploient avec succès :

– veiller aux moyens budgétaires et humains accordés aux pôles d’appui à la scolarité (PAS) ;

– veiller à la cohérence des réponses apportées en fonction des besoins de l’élève ;

– clarifier et revoir l’articulation des différents professionnels médico-sociaux et de l’Éducation nationale susceptibles d’intervenir en soutien de l’élève handicapé.

3.   Dépasser l’approche compensatoire pour promouvoir celle de l’accessibilité

Le modèle de l’école inclusive est aujourd’hui à repenser. Une conception universelle de l’école – du bâti scolaire aux contenus pédagogiques – reposant sur un principe d’accessibilité, doit progressivement se substituer à la logique compensatoire.

  1.   L’accessibilité du bâti scolaire

 Garantir l’accès physique aux établissements scolaires est un préalable indispensable à l’école inclusive. Le bâti scolaire relève de la compétence des collectivités territoriales et il n’existe malheureusement pas d’état des lieux exhaustif sur cette question. Il est aujourd’hui essentiel d’avancer sur ce point, ce qui rejoint plus globalement la problématique de l’accessibilité des établissements recevant du public (ERP) évoquée infra. L’État pourrait conduire, en lien avec les collectivités territoriales, un travail d’identification des besoins d’adaptation du bâti, afin de planifier les travaux nécessaires.

À cet égard, il est important de noter que les aménagements ne se limitent pas à l’accessibilité pour les personnes à mobilité réduite. D’autres formes de handicap nécessitent une adaptation du bâti, notamment les troubles du spectre autistique : ces derniers rendent nécessaire la création d’espaces de repli au sein des établissements, qui pourront du reste bénéficier à l’ensemble des élèves. Certaines bonnes pratiques sont développées en ce sens, notamment dans le cadre des dispositifs d’autorégulation (DAR), mais ces derniers ne concernent que quelques établissements.

Les rapporteurs considèrent qu’il s’agit là d’un enjeu primordial insuffisamment pris en compte, dans un contexte où les réflexions relatives aux évolutions du bâti scolaire sont trop souvent en silos. Ainsi, les travaux apportés pour végétaliser les cours par exemple, peuvent laisser de côté les enjeux d’accessibilité pour les personnes à mobilité réduite et conduire à exclure des élèves.

Recommandation n° 25 : Garantir l’accessibilité universelle du bâti scolaire à travers une planification des travaux à mener. Veiller à ce que soient prises en compte l’ensemble des formes de handicap dans la conception des aménagements.

● Le transport scolaire constitue également un point de tension, en particulier dans la ruralité. Le Collectif Handicaps souligne que l’accès à l’école est rendu difficile pour un certain nombre d’élèves en situation de handicap du fait de restrictions apportées par les collectivités territoriales au transport scolaire adapté : limitation de la desserte, absence de modulation des horaires, restrictions à certains types de handicap. Il en ressort une disparité de l’accès à l’école selon les départements, des ruptures de parcours ou des conséquences néfastes sur la vie personnelle et professionnelle des parents. Il est essentiel que les collectivités territoriales respectent les obligations qui leur incombent en la matière et que le cas échéant le préfet intervienne pour les rappeler à la loi.

  1.   Le matériel pédagogique

Aujourd’hui, la fourniture de matériel pédagogique adapté (clavier braille, périphériques et logiciels spécifiques, ordinateurs, lecteurs scripteurs, etc.) concerne 4 % des élèves handicapés dans l’élémentaire et 18,9 % dans le secondaire ([277]), pour une enveloppe budgétaire de l’ordre de 20 millions d’euros ([278]). Un matériel pédagogique adapté peut jouer un rôle déterminant dans l’accessibilité des contenus pédagogiques.

Or, l’accès au matériel pédagogique adapté dysfonctionne. Les délais de mise à disposition des équipements nécessaires sont souvent très longs. La procédure d’acquisition, qui implique obligatoirement la MDPH, est inutilement complexe. Le taux de couverture reste insatisfaisant, puisqu’en 2022, seules 67 % des 44 995 demandes ont été satisfaites ([279]). Des délais pouvant aller jusqu’à trois, six, huit mois voire une année complète ont été évoqués au cours des auditions. Ces délais peuvent renforcer les inégalités sociales puisque certains parents, lorsque leurs moyens le permettent, décident de faire l’acquisition du matériel sur leurs propres ressources. En outre, certains matériels pourtant nécessaires ne figurent pas dans la liste définie par les MDPH, des difficultés de maintenance peuvent se manifester et certains logiciels peuvent être obsolètes.

Devant ce diagnostic, plusieurs acteurs plaident pour que les conditions d’accès aux matériels pédagogiques adaptés soient revues et que les crédits prévus en la matière soient revalorisés ([280]). De surcroît, il convient aussi de former le personnel éducatif à l’utilisation de ces outils et supports.

Les rapporteurs rejoignent les recommandations du rapport de l’Igas et de l’IGESR et estiment que le matériel pédagogique adapté peut être attribué directement par l’Éducation nationale à l’ensemble des élèves qui en ont besoin, sans notification de la MDPH, afin de simplifier les circuits et réduire les délais. L’Éducation nationale doit également former les enseignants à l’utilisation du matériel pédagogique adapté.

Recommandation n° 26 : Faciliter l’accès aux matériels pédagogiques adaptés sans passage obligé par les MDPH, accroître les crédits prévus en la matière et former les professeurs et les AESH à leur usage.

  1.   Revoir la formation de la communauté éducative

i. Une formation très lacunaire

● La loi de 2005 avait prévu des dispositions en matière de formation des personnels de l’Éducation nationale. Aujourd’hui, l’article L. 112-5 du code de l’éducation pose le principe de la formation initiale et continue de l’ensemble des membres de la communauté éducative à « l’accueil et l’éducation des élèves et étudiants en situation de handicap [...] ». Sur la formation initiale des enseignants, l’article L. 721-2 du code de l’éducation dispose qu’« en ce qui concerne les enseignements communs, un arrêté des ministres chargés de l’Éducation nationale et de l’enseignement supérieur précise le cahier des charges des contenus de la formation initiale spécifique concernant la scolarisation des enfants en situation de handicap ».

Ce cadre juridique est globalement mal appliqué. L’ensemble des personnes auditionnées par les rapporteurs constatent la faible formation de la communauté éducative aux enjeux du handicap. L’augmentation du nombre d’enfants handicapés à l’école ne s’est pas accompagnée d’un effort de formation à la hauteur de cette évolution.

● Concernant plus particulièrement la formation initiale des enseignants, les instituts nationaux supérieurs du professorat et de l’éducation (Inspé) ([281]) ont intégré un module obligatoire de 25 heures sur l’école inclusive en 2021. Les contours de cette formation initiale ont été fixés par un arrêté du 25 novembre 2020. Dans leur rapport sur l’acte II de l’école inclusive, l’IGESR et l’Igas considèrent celle-ci insuffisante et appellent à son renforcement, pour « y intégrer davantage de connaissances dans le domaine de l’accessibilité pédagogique et didactique au sein des enseignements disciplinaires, des connaissances dans le domaine de l’accessibilité numérique et le développement des co-interventions et co-conceptions entre formateurs experts disciplinaires et experts de la prise en charge des troubles (médecins, psychologues, ergothérapeutes, orthophonistes, enseignants spécialisés, éducateurs etc.) ».

Outre sa faiblesse intrinsèque, cette formation initiale est loin de concerner l’ensemble du corps enseignant. En effet, seules les nouvelles générations sont concernées. Par ailleurs, près d’un lauréat sur deux des concours de l’enseignement n’a pas effectué sa formation initiale dans un Inspé et l’Éducation nationale compte environ 10 % de contractuels, dont la grande majorité n’a pas été formée en Inspé ([282]).

● Du côté de la formation continue, seules 5 % des journées de formation ont été consacrées à l’école inclusive au cours de l’année scolaire 2019-2020, avec des écarts importants entre le premier (8 %) et le second degré (3 %) ainsi qu’entre académies (3 % à Aix-Marseille, 20 % à Lyon) ([283]). Le handicap est désormais un axe du nouveau schéma directeur de la formation continue (2025‑2028), ce qui constitue une avancée louable mais partielle.

Selon un sondage Ifop réalisé pour le Collectif Handicaps en 2024, alors même que 9 enseignants sur 10 doivent faire face, à un moment de leur carrière, à l’accueil d’élèves en situation de handicap, seuls 2 sur 10 sont formés en conséquence ([284]).

La formation à l’école inclusive est considérée comme défaillante par le corps enseignant lui-même. Ces lacunes nourrissent le recours à l’aide humaine. Faute d’accompagnement et de formation « le risque est aussi que les équipes se découragent et freinent ainsi la dynamique de l’école inclusive (ce qu’on entend parfois dans les discours de certains syndicats) » ([285]).

ii. ... qui doit être revue en profondeur

Le Gouvernement a récemment évoqué, lors des débats à l’Assemblée nationale sur la proposition de loi relative à l’école inclusive précitée, un doublement du quota horaire de la formation en Inspé, ce qui irait dans le bon sens.

Les rapporteurs appellent à repenser la formation des enseignants pour y intégrer de façon beaucoup plus systémique les enjeux de l’école inclusive et la prise en compte des besoins spécifiques. Un plan de formation sur la conception universelle des apprentissages est nécessaire pour que puissent être intégrés aux référentiels de formation les enjeux de pédagogie différenciée et d’accessibilité pédagogique. Comme l’a expliqué l’enseignant‑chercheur Alexandre Ployé au cours de son audition, l’école inclusive doit être intégrée comme une matrice de la formation, et non comme une branche supplémentaire, ce qui nécessite d’inclure cet enjeu dès l’écriture des programmes et de lui donner également une plus grande place dans les concours de l’Éducation nationale.

Outre cette refonte nécessaire de la formation initiale, la formation continue doit également être renforcée. Les rapporteurs appellent le Gouvernement à mettre en œuvre la recommandation de l’Igas et de l’IGESR relative à la mise en place d’une formation effective obligatoire sur l’école inclusive avec un plan pluriannuel pour tous les enseignants, sur le modèle des constellations français et mathématiques. Les formations croisées, qui permettent de dépasser les cloisonnements et de resserrer les liens entre le médico-social et l’Éducation nationale doivent également se développer.

Recommandation n° 27 : Renforcer la formation initiale et continue des enseignants et de l’ensemble de la communauté éducative :

– revoir le contenu de la formation initiale des enseignants pour que le handicap puisse être pris en compte dans la question de la transmission des savoirs propres à chaque discipline, dans le cadre d’une conception universelle des apprentissages ;

– rendre obligatoire des modules de formation aux questions du handicap dans le cadre de la formation continue ;

– développer les formations croisées entre les professionnels de l’Éducation nationale et les acteurs du médico-social.

  1.   Vers des enseignements inclusifs

L’accessibilité implique également une transformation profonde des méthodes pédagogiques et des contenus d’enseignement. Plus encore que l’école inclusive, c’est la notion de classe et d’enseignements inclusifs qui doit s’imposer. À cet égard, plusieurs points méritent d’être soulignés.

● Un chantier doit être ouvert sur la question de l’accessibilité des supports, des méthodes et des contenus pédagogiques.

Rendre les savoirs accessibles peut prendre plusieurs formes. Il peut s’agir tout d’abord de prêter attention à l’accessibilité des supports (taille et type de police utilisée, clarté des consignes, par exemple) mais aussi aux méthodologies d’apprentissage ou encore à l’aménagement de la salle de classe et de l’environnement d’apprentissage.

Dans cette perspective, la notion de conception universelle de l’apprentissage doit être largement diffusée. Ce concept, d’abord développé aux États-Unis et au Canada (Universal Design for Learning), consiste à « prévoir dès la conception des enseignements les approches et démarches qui permettront de faire progresser tous les élèves sans avoir besoin de mettre en place d’adaptation secondaire. Si l’approche traditionnelle consiste à préparer des séquences d’enseignement à destination des élèves moyens, puis de les décliner pour les élèves à besoins particuliers, il s’agit bien ici de concevoir dès le départ des cours qui s’adressent à tous. » ([286]) Bien que des initiatives existent notamment en matière de formation continue, le concept semble occuper une place encore confidentielle dans le cadre des pratiques et des référentiels de l’Éducation nationale.

● L’inclusion pensée à l’échelle de la classe ne peut faire l’économie d’une réflexion sur la taille des classes. La Cour des comptes en notant que le nombre d’élèves par classe impacte les capacités d’accueil des élèves en situation de handicap et l’adhésion des équipes pédagogiques à l’école inclusive. La Défenseure des droits souligne également l’impact négatif des effectifs surchargés en classe, qui pénalisent l’accompagnement des enfants.

L’Italie, qui fut l’un des premiers pays au monde à admettre les élèves handicapés en classe ordinaire et à mettre fin aux écoles spécialisées ([287]), présente à cet égard un modèle intéressant. Ainsi, lorsqu’une classe accueille un ou plusieurs élèves handicapés, les effectifs totaux de la classe sont limités à vingt pour l’école maternelle, la primaire et le collège, et à vingt-cinq au lycée ([288]). Les rapporteurs considèrent que les conséquences des évolutions de la démographie scolaire pourraient ouvrir la voie à des solutions similaires, à la condition sine qua non qu’aucune suppression de postes d’enseignement ne soit décidée.

● La construction d’une école inclusive nécessite une forme de « révolution pédagogique » ([289]), au bénéfice des élèves handicapés et plus largement de tous les élèves. L’école est aujourd’hui traversée par une crise profonde, qui traduit notamment sa difficulté à garantir de bonnes conditions d’apprentissage et d’épanouissement à tous, y compris ceux dont les difficultés scolaires sont graves et durables ou les élèves « à besoins éducatifs particuliers ». On observe à cet égard une forme de porosité et des frontières mouvantes entre les enfants à situation de handicap, les enfants en difficulté scolaire grave et durable, et les élèves à besoins éducatifs particuliers ([290]).

Des évolutions systémiques sont donc indispensables pour faire de l’école inclusive une réalité concrète. Il en va du respect des droits fondamentaux des enfants, mais aussi de la consolidation du pacte social, garant de l’égalité entre les citoyens et du respect de la différence.

  1.   Le droit aux études supérieures reste en partie théorique, malgré les progrès observés depuis 2005
    1.   Un principe affirmé en 2005 qui s’est accompagné d’une croissance importante du nombre d’étudiants handicapés

1.   L’affirmation progressive du droit à l’enseignement supérieur

● Aux termes de l’article 20 de la loi du 11 février 2005 « les établissements d’enseignement supérieur inscrivent les étudiants handicapés ou présentant un trouble de santé invalidant dans le cadre des dispositions réglementant leur accès au même titre que les autres étudiants, et assurent leur formation en mettant en œuvre les aménagements nécessaires à leur situation dans l’organisation, le déroulement et l’accompagnement de leurs études » ([291]). L’article L. 112-5 du code de l’éducation, qui instaure un principe de formation de la communauté éducative au handicap, s’applique également aux personnels de l’enseignement supérieur. De même, le droit garantit la possibilité de l’aménagement des épreuves selon plusieurs conditions qui sont précisées par arrêtés et circulaires ([292]).

La loi de 2005 a ainsi reconnu un droit d’accès à l’enseignement supérieur pour les personnes en situation de handicap et donné aux établissements la responsabilité de mettre en œuvre ce principe, également consacré à l’article 9 de la CIDPH.

● Ces dispositions ont été complétées dans le cadre d’évolutions législatives et réglementaires relatives à l’organisation des études supérieures :

– la loi du 22 juillet 2013 relative à l’enseignement supérieur et à la recherche ([293]), dite loi « Fioraso », a rendu obligatoire les schémas directeurs pluriannuels en matière de handicap (article L. 712-3 du code de l’éducation), feuille de route stratégique que doit adopter chaque établissement. La commission de la formation et de la vie universitaire est en charge d’édicter les mesures nécessaires à l’accueil et à la réussite des étudiants handicapés (article L. 712-6-1 du code de l’éducation) ;

– la loi du 8 mars 2018 relative à l’orientation et à la réussite des étudiants ([294]) permet aux étudiants qui le souhaitent de renseigner dans le cadre de leurs démarches d’orientation une fiche de liaison où ils indiquent leurs besoins d’accessibilité et de compensation. Les commissions d’accès à l’enseignement supérieur (CAES), dont le rôle est d’aider les élèves n’ayant pas reçu de propositions d’admission sur Parcoursup, s’assurent de la prise en compte des besoins spécifiques des étudiants en situation de handicap et peuvent être sollicitées pour le réexamen de certains dossiers ([295]). Dans un objectif de simplification des démarches de l’étudiant, le droit prévoit aussi la portabilité des aménagements d’examens entre le cycle secondaire et les études supérieures ([296]) ;

– les règles d’attribution des bourses étudiantes sur critères sociaux ont également évolué pour faciliter leur accès aux étudiants handicapés et aidants.

Ces évolutions témoignent d’une prise de conscience progressive qu’il faut saluer, bien que le chemin à parcourir reste encore long.

2.   Une responsabilité qui incombe avant tout aux établissements

Un étudiant en situation de handicap ne bénéficie pas systématiquement d’une reconnaissance de droits par la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées (CDAPH). L’enseignement supérieur présente un fonctionnement et une conception du handicap distincts de l’Éducation nationale, qui « externalise » la reconnaissance et l’accompagnement des élèves en situation de handicap aux MDPH.

Dans l’enseignement supérieur, les étudiants en situation de handicap sont ceux qui se déclarent auprès de la mission handicap ou du référent de leur établissement, qu’ils bénéficient ou non d’une reconnaissance de la MDPH. Cette solution, qui a le mérite de s’inscrire dans le droit commun, traduit aussi l’impensé que constitue la prise en charge du handicap dans l’enseignement supérieur. Ainsi, pour le président de la commission diversité de la Conférence des grandes écoles, l’enseignement supérieur est le « parent pauvre » du handicap, en comparaison de l’école et du monde du travail.

La procédure de demande d’aménagements a lieu au sein même de l’établissement. Le référent handicap est chargé d’accompagner l’étudiant dans la formulation de la demande. Un avis médical d’un médecin désigné par la CDAPH est obligatoire pour les aménagements d’examens mais pas pour les aménagements d’études ([297]).

Les aménagements accordés peuvent être de plusieurs natures : aménagements horaires, achats d’équipements spécifiques, aides humaines ou pédagogiques. L’aide humaine diffère sensiblement de ce qui existe à l’école. On dénombre très peu d’AESH dans l’enseignement supérieur, mais les étudiants peuvent bénéficier d’une aide à la prise de notes, de préférence par un étudiant suivant la même formation ([298]), ou d’un tutorat par un pair ou par un enseignant.

Ces différents aménagements sont en principe formalisés dans un plan d’accompagnement de l’étudiant en situation de handicap (PAEH).

  1.   Un nombre limité mais en très nette progression d’Étudiants handicapés

À la rentrée 2023, on comptait 64 000 étudiants en situation de handicap dans l’enseignement supérieur public et privé, dont la grande majorité à l’université.

Ils sont ainsi huit fois plus nombreux qu’en 2003 et presque deux fois plus nombreux qu’en 2018 ([299]).

Évolution du nombre d’étudiants inscrits à l’université entre 2003 et 2024

Le graphique montre que le nombre d'étudiants handicapés à l'université est passé de 5930 en 2003 à plus de 54000 en 2024, soit une très forte progression.

Source : Ministère chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche.

Les étudiants avec des troubles du langage et de la parole représentent près d’un quart des étudiants handicapés (24,4 %) et 17 % présentent un trouble psychique. 83,6 % des étudiants en situation de handicap bénéficient, lors de leurs examens, d’au moins un aménagement des modalités de passation des épreuves. L’aménagement d’examen le plus répandu est le temps majoré, suivi par la mise à disposition d’une salle particulière pour composer (respectivement 82,7 % et 22,2 % des bénéficiaires y ont recours).

Malgré cette progression importante qu’il faut saluer, le nombre d’étudiants handicapés reste faible et les conditions de leur accompagnement insatisfaisantes. Alors que les élèves handicapés représentent 3,8 % du total des élèves pour le primaire et le secondaire, les étudiants handicapés ne représentent que 2,2 % de l’ensemble de la population étudiante. Ces chiffres ne recouvrent pas nécessairement les mêmes réalités, dans la mesure où les étudiants handicapés sont ceux qui se déclarent comme tels auprès de la mission handicap ou du référent handicap de l’établissement, indépendamment d’une éventuelle reconnaissance de la MDPH.

L’accès aux études supérieures se joue bien en amont, et le fait de ne pas avoir accès à une scolarité complète peut fragiliser les résultats scolaires et donc la capacité à poursuivre ses études. Pour reprendre les termes d’APF France handicap, les personnes handicapées qui atteignent l’enseignement supérieur sont des « rescapés » de l’Éducation nationale.

Il faut d’ailleurs noter que les étudiants handicapés font des études plus courtes que la moyenne de la population étudiante, avec une rupture nette entre le premier et le second cycle universitaire, même si des progrès ont été enregistrés ces dernières années.

Répartition des étudiants par cycle pour l’année 2023‑2024

Le graphique compare le nombre d'étudiants handicapés et l'ensemble des étudiants inscrits dans chaque cycle d'étude (licence, master et doctorat). 

77% des étudiants handicapés sont inscrits en licence, un peu plus de 20% en master, et moins de 2% en doctorat.

Lorsqu'on regarde tous les étudiants, un peu moins de 60% sont inscrits en licence, un peu moins de 40% en master et environ 4% en doctorat.

Le graphique montre donc que les étudiants handicapés tendent à faire des études moins longues que la moyenne.

Source : Ministère chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche.

Enfin, les étudiants handicapés ont peu accès aux études les plus sélectives. Les classes préparatoires aux grandes écoles ne comptent que 0,3 % d’étudiants handicapés ([300]).

  1.   Une dynamique à poursuivre pour renforcer l’effectivité du droit à l’enseignement supérieur

Globalement, la mise en œuvre du droit à l’enseignement supérieur reste partielle, et les études demeurent pour beaucoup inatteignables. Les étudiants en situation de handicap se heurtent à de nombreux obstacles en termes d’accès et d’aménagements. Les auditions ont aussi fait ressortir un manque d’accompagnement des établissements par leurs autorités de tutelle pour mettre en œuvre les dispositifs d’accompagnement et d’aménagement.

L’accès à l’enseignement supérieur fait partie des points de préoccupation soulevés dans les observations finales du Comité des droits des personnes handicapées de l’ONU de 2021. Le Comité appelle la France à adopter des programmes assortis d’échéances et d’objectifs précis afin de promouvoir l’accès des personnes handicapées à l’enseignement supérieur, et à veiller à ce que les jeunes handicapés puissent obtenir un appui individualisé grâce à des aménagements raisonnables, notamment en vue de faciliter la mobilité de ceux qui souhaitent se rendre à l’étranger, ou à l’accès à la langue des signes.

Les rapporteurs ont, au cours de leurs travaux, identifié plusieurs axes d’amélioration.

1.   Un enjeu central d’orientation dès le lycée

Les moyens développés pour accompagner les élèves dans leurs choix d’orientation au lycée sont globalement insuffisants. Cette problématique est exacerbée chez les élèves handicapés, pour qui l’arrivée dans les études supérieures, en lien avec l’âge de la majorité, peut susciter de nombreuses craintes.

L’un des principaux leviers d’action pour renforcer l’effectivité du droit d’accès à l’enseignement supérieur est donc celui de la transition entre le secondaire et le supérieur, pour lutter contre l’autocensure et les plafonds de verre auxquels se heurtent les jeunes en situation de handicap.

Des dispositifs généralistes d’« aide à la réussite » existent (circulaire n° 2013-0012 du 18 juin 2013), tel que les cordées de la réussite qui établissent des partenariats entre les établissements du secondaire et d’enseignement supérieur pour lutter contre l’autocensure et susciter l’ambition scolaire. Ces dispositifs intègrent parfois des actions spécifiques à destination des étudiants en situation de handicap ([301]).

Une information et des actions de sensibilisation dès le collège sont nécessaires pour que les élèves puissent se projeter dans les parcours de l’enseignement supérieur. La Conférence des grandes écoles préconise, dans son livre blanc relatif à l’enseignement supérieur inclusif, le développement de programmes de tutorats à destination des collégiens et lycéens handicapés et l’intervention de référents handicaps dans les lycées. Les rapporteurs considèrent en outre indispensable de garantir l’accessibilité des salons étudiants, et de veiller à ce que chaque établissement présent y informe les futurs étudiants sur les conditions d’accueil prévues pour les étudiants en situation de handicap.

Recommandation n° 28 : Renforcer l’accompagnement à l’orientation des élèves en situation de handicap dès le collège, notamment par la mise en place de tutorats, d’interventions régulières de référents handicap dans les établissements du secondaire, et par une prise en compte généralisée de cette problématique dans les dispositifs d’aide à la réussite, tels que les cordées de la réussite.

2.   Renforcer les moyens des missions handicap et l’enveloppe budgétaire dédiée à l’université inclusive

Les établissements sont libres de définir les modalités pratiques de mises en œuvre de l’inclusion des étudiants handicapés, en raison du principe d’autonomie des universités. Cela peut conduire à des moyens très disparates et des iniquités de traitement importantes.

Ainsi, les missions handicap, qui jouent un rôle central en matière d’accompagnement, n’existent pas dans tous les établissements. Certaines missions regroupent une dizaine de personnes, d’autres établissements n’ont qu’un référent handicap, dont le niveau de formation est variable.

Le budget global déployé par l’État en soutien des missions handicap dans les établissements du supérieur public demeure insuffisant. Après avoir stagné pendant près de quinze ans autour de 7,5 millions d’euros par an, une première augmentation a été actée en 2022, avec un doublement de l’enveloppe globale à hauteur de 15 millions d’euros. En 2024, une nouvelle hausse a été décidée, l’enveloppe globale atteignant 25 millions d’euros. Ce rattrapage bienvenu n’est toutefois pas suffisant : le budget a certes été multiplié par trois depuis 2007, mais dans le même temps, le nombre d’étudiants handicapés a été multiplié par huit. Rapporté au nombre d’étudiants concernés, le budget est donc en baisse.

Il convient de relever qu’une partie de la contribution de vie étudiante et de campus (CVEC) peut être allouée à la question du handicap et que le ministère finance des projets ciblés dans le cadre de l’appel à manifestation d’intérêt (AMI) « universités inclusives démonstratrices »

Les universités inclusives démonstratrices

Six « universités inclusives démonstratrices » ont été sélectionnées à l’été 2024 après un appel à projets : l’université de Pau et Pays d’Adour, l’université d’Angers, l’université Jean Moulin Lyon III, l’université de Bretagne Occidentale, et l’université de Lorraine. 3,5 millions d’euros seront ainsi distribués en 2025. Au total, d’ici 2026, 10,5 millions d’euros seront engagés pour faire de ces établissements des modèles en matière d’accueil des étudiants en situation de handicap.

Source : Annexe n° 35 Recherche et enseignement supérieur sur le projet de loi de finances pour l’année 2025, enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 19 octobre 2024.

Auditionnée par les rapporteurs, France Universités a déploré des moyens insuffisants qui limitent l’accès à l’aide humaine (preneurs de note, interprètes, etc.) pour les étudiants handicapés. Les établissements de petite taille sont insuffisamment accompagnés. Ainsi, à titre d’exemple, l’école nationale supérieure d’architecture de Paris‑Belleville a regretté au cours de son audition avoir dû élaborer seule sa charte handicap, sans soutien des ministères de tutelle.

Les rapporteurs se joignent aux remarques formulées par le CNCPH qui, dans son document comportant soixante‑treize recommandations pour en faveur de l’accessibilité de l’enseignement supérieur, appelle à viser une égalité de traitement, quels que soient les lieux de formation, les types de formation ou les ministères de tutelle ([302]). Le principe d’autonomie des universités ne saurait supplanter la solidarité nationale.

● Les rapporteurs appellent globalement à un renforcement de la ligne budgétaire par laquelle l’État contribue à l’accompagnement des étudiants handicapés. En outre, il serait utile d’établir un bilan de l’AMI « universités inclusives démonstratrices » et d’identifier les mesures pouvant être transposées dans l’ensemble des établissements supérieurs.

Enfin, il est essentiel de veiller aux moyens des établissements d’enseignement supérieur en général, sans limiter la réflexion aux universités. Ainsi, les écoles d’architecture en particulier ont fait part au cours de leur audition de leur difficulté à financer les aides nécessaires pour accompagner les étudiants en situation de handicap, faute de soutien financier de la part des administrations de tutelle.

Recommandation n° 29 : Revaloriser les crédits de l’État versés aux établissements d’enseignement supérieur pour financer les dispositifs d’accompagnement à la scolarité des étudiants en situation de handicap.

Établir un bilan de l’appel à manifestation d’intérêt « universités inclusives démonstratrices » afin d’évaluer les mesures qui pourraient être généralisées à d’autres établissements.

3.   Faciliter l’accès aux droits

Malgré la portabilité désormais possible d’année en année des aménagements d’examen, le Collectif Lutte et handicaps pour l’égalité et l’émancipation (CLHEE) déplore le fait que « dans les facs, les démarches pour les aménagements sont à refaire chaque semestre, l’étudiant a souvent la charge de former et informer ses professeurs qui changent chaque semestre, et la procédure complète peut prendre le semestre entier avant d’arriver à une réelle application des aménagements. On a de la chance si on bénéficie de 3 mois d’aménagement consécutifs. » ([303])

Certaines bonnes pratiques existent, telles que des PAEH applicables pour l’ensemble du cursus, mais elles sont loin d’être généralisées. Une simplification est indispensable. Les rapporteurs appellent donc à des évolutions d’ordre réglementaire visant à simplifier les démarches des étudiants handicapés : dès lors que la nature du handicap le justifie, l’étudiant ne devrait pas avoir à reformuler ses demandes d’aménagements à chaque rentrée universitaire.

Recommandation n° 30 : Simplifier les démarches des étudiants handicapés et leur accès aux droits en matière d’aménagements en instaurant une règle du « dites-le nous une fois ».

Il convient également de mieux évaluer les besoins des étudiants handicapés et d’harmoniser les règles applicables. APF France handicap recommande ainsi de renforcer le rôle et les missions des équipes plurielles en charge de l’évaluation et de les rendre effectives dans l’ensemble des établissements. Cette recommandation rejoint celle de la Conférence des grandes écoles, qui suggère la mise en place de commissions d’accessibilité de l’enseignement supérieur. Ces commissions permettraient de formaliser davantage les procédures et de garantir une approche pluridisciplinaire dans l’évaluation des besoins de l’étudiant, et non purement médicale.

Beaucoup d’étudiants peuvent être réticents à se signaler, pour éviter une forme de stigmatisation. Il convient de déconstruire les préjugés et d’informer les étudiants sur les aides disponibles pour favoriser l’accès aux droits.

4.   Harmoniser et rendre effectives les aides et aménagements

● Concernant les aides et les aménagements proposés par les établissements d’enseignement supérieur, les modalités de prise en charge diffèrent beaucoup en fonction des établissements en raison, notamment du principe d’autonomie des universités.

● Les aménagements pédagogiques ne sont pas toujours accordés ou respectés :

 l’aide fournie par l’établissement d’enseignement supérieur, et notamment l’aide humaine, connaît des disparités importantes et des moyens contraints ;

– des obstacles particuliers peuvent se présenter lorsque l’étudiant souhaite effectuer une année à l’étranger. Il s’agit d’un des points de vigilance mis en avant par l’ONU. La mise en place d’un accompagnement et le renforcement des soutiens spécifiques ([304]) sont, à cet égard, essentiels. Cela suppose une mobilisation renforcée du réseau diplomatique. Les acteurs saluent la présence des référents handicaps dans certaines ambassades qui peuvent faciliter les conditions d’accueil (Berlin, Mexico, Lisbonne) ;

– les associations entendues par les rapporteurs remontent des difficultés quant à la sanction des absences. Ainsi, certaines formations limitent le nombre d’absences par semestre, y compris les absences justifiées, ce qui peut être discriminatoire pour les personnes handicapées ou malades ;

– la liberté pédagogique des enseignants, principe fondamental de l’enseignement supérieur, ne saurait justifier un refus d’adaptations ou d’aménagements nécessaires à l’accessibilité des cours. Certains élèves se heurtent aujourd’hui à des refus inadmissibles en la matière – par exemple, l’interdiction de l’usage de l’ordinateur en cours. Les rapporteurs préconisent de rendre le plan d’accompagnement de l’étudiant handicapé (PAEH) opposable aux enseignants qui refuseraient des aménagements, avec d’éventuelles sanctions en cas de nonrespect.

Recommandation n° 31 : Rendre opposable le plan d’accompagnement de l’étudiant handicapé (PAEH).

● Les freins à l’enseignement supérieur sont aussi à rapprocher des freins plus généraux qui limitent l’autonomie des personnes handicapées dans leur vie adulte, développés dans la première partie du présent rapport.

L’accès aux études supérieures nécessite de favoriser les liens entre les universités et le secteur médico-social. Ainsi, il est primordial de garantir l’accès sur les campus aux personnes aidantes qui ne relèvent pas du milieu universitaire, notamment pour les étudiants hébergés en foyer et en établissement médico-social. Les réponses en la matière sont loin d’être uniformes sur l’ensemble du territoire, ce qui peut entraver la poursuite d’études de certains étudiants.

Recommandation n° 32 : Garantir l’accès effectif sur les lieux d’études aux aides humaines extérieures à l’établissement, lorsque les besoins de l’étudiant le nécessitent.

5.   Bâtir une université inclusive

En complément des aménagements pédagogiques, qui doivent impérativement être respectés, il importe de dépasser la logique des droits individuels pour aller vers celle de l’accessibilité universelle.

● Une réflexion doit être menée sur l’accessibilité des cours et des contenus, qu’il s’agisse des travaux dirigés, travaux pratiques ou des cours magistraux. Le CNCPH insiste sur la nécessité de développer les outils de l’accessibilité, avec des interprètes, des dispositifs de transcription écrite simultanée, des boucles magnétiques, des preneurs de notes mais aussi une utilisation de supports accessibles (polices, taille des interlignes, textes non justifiés, etc.) et de nouvelles pratiques pédagogiques (mise à disposition en amont du cours d’un plan et des mots‑clés, réduction des implicites, etc.).

Ces évolutions rendent essentielles des actions de formation et de sensibilisation du personnel, des enseignants chercheurs, des intervenants extérieurs et des jurys d’examen. La formation initiale des enseignants chercheurs sur cette question doit être renforcée et un module obligatoire pourrait être instauré en fin de thèse, comme cela a été suggéré au cours des auditions.

Recommandation n° 33 : Garantir l’accessibilité des contenus pédagogiques diffusés à l’université. Former et sensibiliser le personnel enseignant à la question de l’adaptation pédagogique et de l’accessibilité universelle.

● On rappellera également que le manque d’accessibilité des bâtiments, de leurs annexes (bibliothèques, salles de sport), de la chaîne de déplacement (voierie et espace public) et des logements sont également responsables du manque d’inclusion de l’enseignement supérieur. Les rapporteurs soulignent que l’accessibilité bâtimentaire implique de penser des espaces calmes au sein des universités et des restaurants universitaires, conditions d’un environnement accessible aux étudiants handicapés présentant des troubles psychiques ou cognitifs.

 Enfin, la vie étudiante et son accessibilité pour les étudiants handicapés reste à construire. Le CNCPH propose de mettre en place des modules de sensibilisation obligatoires pour les associations étudiantes, notamment lorsqu’elles sont financées par les établissements, ce qui constitue aux yeux des rapporteurs une piste intéressante.

III.   L’emploi : des évolutions significatives engagées depuis 2005, mais des discriminations qui restent nombreuses et une réforme du milieu protégé qui reste au milieu du gué

Le chapitre II du titre IV de la loi de 2005 porte sur l’emploi, le travail adapté et le travail protégé (articles 23 à 40). Le législateur, considérant l’accessibilité du monde du travail comme l’un des leviers de l’inclusion, entendait alors donner la priorité, « chaque fois que possible, au travail en milieu ordinaire » ([305]). Ces dispositions réforment le fonctionnement de l’obligation d’emploi des personnes handicapées (OETH) et l’étendent à la fonction publique ; elles instaurent les principes de non-discrimination et d’aménagement raisonnable ; elles font évoluer les règles d’orientation des personnes handicapées dans le monde du travail, transforment les ateliers protégés en entreprises adaptées et apportent des modifications significatives au fonctionnement du secteur dit protégé.

En vingt ans, ces règles ont beaucoup évolué, tant au niveau législatif que réglementaire, certaines de manière paramétrique (notamment concernant l’OETH), d’autres de façon plus systémique (orientation et insertion professionnelle, milieu protégé). L’évaluation de la loi de 2005 nécessite donc de prendre en compte ces évolutions et de s’interroger sur l’actualité des principaux constats et objectifs formulés par le législateur il y a vingt ans.

Si la situation dans l’emploi des travailleurs handicapés s’est incontestablement améliorée, de nombreuses questions et problématiques demeurent, qu’il s’agisse de la situation observable dans le monde du travail dit ordinaire, où les discriminations et problèmes d’accessibilité restent majeurs, ou de celle du milieu « protégé ». Le monde du travail doit encore évoluer pour inclure pleinement les personnes handicapées. Les rapporteurs tiennent toutefois à souligner que le travail n’a pas vocation à concerner l’ensemble des personnes handicapées, certaines d’entre elles n’étant pas à même d’exercer une activité professionnelle ([306]).

Combien de travailleurs handicapés aujourd’hui en France ?

1,1 million de personnes actives bénéficient de la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé (RQTH) délivrée par les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH). Ce chiffre atteint 2,9 millions en prenant en compte l’ensemble des reconnaissances administratives du handicap, notamment pour la perte d’autonomie (1). Un tel indicateur n’offre cependant pas une vision exhaustive puisque de nombreux travailleurs en situation de handicap ne bénéficient pas d’une reconnaissance administrative formelle, notamment en raison du non‑recours à ces dispositifs.

Sur la base d’une enquête en population générale, l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) estime à 3,4 millions le nombre de travailleurs limités par une forme de handicap ou un problème de santé durable (2), sur une population active totale de 30,6 millions de personnes. Les travailleurs handicapés représenteraient donc environ un peu plus de 10 % de la population active.

Les travailleurs handicapés se répartissent en France entre le milieu dit ordinaire – administration publique, secteur privé classique, entreprises adaptées (3) – et le milieu protégé, qui comprend notamment les établissements et services d’accompagnement par le travail (Esat). Les Esat emploient aujourd’hui environ 120 000 travailleurs handicapés.

(1)    Drees, Le handicap en chiffres, 2023.

(2)    Insee, « Emploi, chômage, revenus du travail », 2023.

(3)    Depuis la loi de 2005, les entreprises adaptées sont considérées comme faisant partie du monde du travail ordinaire, malgré leurs spécificités.

A.   Malgré des évolutions significatives depuis 2005, le chemin pour rendre le monde du travail véritablement accessible reste long

1.   L’obligation d’emploi des travailleurs handicapés (OETH) a insufflé une dynamique indéniable mais insuffisante

a.   Les modifications apportées en 2005

La loi de 2005 a apporté des modifications à l’obligation d’emploi des travailleurs handicapés (OETH), qui constitue l’un des piliers du volet emploi des politiques du handicap. Dès la loi du 23 novembre 1957 ([307]), le droit français définit les travailleurs handicapés et cherche à développer le reclassement des personnes handicapées et des mutilés de guerre. L’OETH est instaurée par la loi n° 85‑517 du 10 juillet 1987 en faveur de l’emploi des personnes handicapées. Elle instaure une obligation d’emploi d’au moins 6 % de travailleurs handicapés pour tout employeur de vingt salariés ou plus ([308]). Chaque année, l’employeur effectue une déclaration relative à l’obligation d’emploi de travailleurs handicapés (DOETH), dans laquelle il fait mention du nombre de travailleurs handicapés employés et des éventuelles mesures en faveur de l’emploi indirect (recours à des stagiaires ou à des contrats de sous‑traitance par exemple). Les travailleurs handicapés de plus de 50 ans comptent pour 1,5 bénéficiaire. Si le quota de 6 % n’est pas atteint, l’employeur doit s’acquitter d’une contribution, proportionnelle au manquement, versée à un fonds géré par une association paritaire, l’Association de gestion du fonds pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées (Agefiph), qui finance des outils et des aides pour accompagner les travailleurs handicapés dans le monde professionnel.

En 2005, le législateur n’a pas modifié les grands principes de l’OETH, mais a cherché à renforcer son effectivité et à étendre son champ d’application.

● Ainsi, plusieurs aménagements techniques ont été apportés, concernant les bénéficiaires, les modalités de décompte, le calcul de l’effectif global de l’entreprise ainsi que les modalités de calcul de la contribution. Les règles de décompte sont simplifiées afin d’éviter certaines dérives : ainsi, avant la loi de 2005, une personne handicapée pouvait compter pour 5,5 unités bénéficiaires, d’après l’exposé des motifs du projet de loi. Afin de renforcer la portée et la cohérence des actions conduites par l’Agefiph, le législateur instaure également une convention d’objectifs entre l’Agefiph et l’État (article 26 de la loi). L’accès aux marchés publics est désormais interdit aux entreprises qui ne se soumettraient pas à l’obligation de déclaration (article 29).

● L’obligation d’emploi des travailleurs handicapés est étendue aux trois versants de la fonction publique. En effet, il incombe à la fonction publique une forme d’exemplarité et il était paradoxal que les personnes publiques ne soient pas soumises à l’obligation d’emploi. La loi crée le Fonds pour l’insertion des personnes handicapées dans la fonction publique (FIPHFP), dont le fonctionnement contributif est analogue à celui de l’Agefiph. Le FIPHFP est un établissement public administratif exerçant ses missions sous la tutelle des ministres chargés des personnes handicapées, de la fonction publique de l’État, de la fonction publique territoriale, de la fonction publique hospitalière et du budget ([309]). En complément, la loi renforce les obligations des employeurs publics : elle leur interdit d’écarter des concours un candidat ayant fait l’objet d’une orientation en milieu ordinaire par la CDAPH, et prévoit des possibilités d’aménagement des épreuves et des recrutements contractuels.

b.   Les modifications paramétriques intervenues depuis 2005

Depuis 2005, l’obligation d’emploi a fait l’objet de plusieurs modifications législatives et réglementaires. Outre des sanctions renforcées pour les entreprises à « quota zéro » ([310]), son fonctionnement a été simplifié et sa portée renforcée. L’article 67 de la loi Avenir professionnel de 2018 ([311]) réforme en ce sens le fonctionnement de l’OETH. La réforme est pleinement entrée en vigueur depuis le 31 décembre 2024.

Les principales caractéristiques de la réforme de l’obligation d’emploi des travailleurs handicapés (OETH) issue de l’article 67 de la loi Avenir professionnel

L’entité juridique assujettie à l’obligation n’est plus l’établissement mais l’entreprise. Ainsi, une entreprise possédant plusieurs établissements de moins de vingt salariés est désormais soumise à l’OETH.

Les motifs de dépenses déductibles du montant de la contribution due en cas de non‑respect de l’obligation d’emploi ont été restreints.

Le texte a également prévu l’extinction progressive des accords agréés (1) qui permettaient aux entreprises de s’acquitter de leur obligation d’emploi par la signature d’un accord de branche, de groupe ou d’entreprises, en faveur des travailleurs handicapés.

Les règles de déclaration ont été modifiées. Toutes les entreprises, y compris celles employant moins de vingt salariés, sont désormais tenues de déclarer leur effectif total de bénéficiaires de l’OETH. Depuis 2020, cette déclaration est intégrée dans la déclaration sociale nominative (DSN). Le recouvrement est transféré de l’Agefiph à l’union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales (Urssaf) ou à la Caisse centrale de la mutualité sociale agricole (CCMSA).

(1)    Article L. 5212-8 du code du travail.

Les modifications apportées au fonctionnement de l’OETH ont donc contribué à son renforcement. Le champ des entreprises concernées a toutefois été légèrement restreint : sont désormais concernées les entreprises dont l’effectif moyen annuel dépasse dix‑neuf personnes pendant au moins cinq années consécutives ([312]). Il convient également de signaler des effets de bord, qui risquent de devenir plus importants maintenant que la loi Avenir professionnel est pleinement entrée en vigueur. En effet, l’activité économique des entreprises adaptées et des Esat est pénalisée car les prestations de sous-traitance qu’ils proposent sont de moins en moins déductibles dans le calcul de l’OETH.

En outre, aux termes des modifications apportées par la loi Avenir professionnel, l’article L. 5212-2 du code du travail prévoit désormais que le taux de l’OETH doit être révisé tous les cinq ans, en référence à la part des bénéficiaires de l’obligation d’emploi dans la population active et à leur situation au regard du marché du travail, après avis du comité national consultatif des personnes handicapées. Théoriquement, cette révision aurait donc dû intervenir en 2024, ce qui n’a pas été le cas.

c.   Un bilan en demi-teinte

Depuis la loi de 2005, la situation d’emploi des personnes handicapées s’est améliorée. En 2023, la part des travailleurs handicapés au sein des personnes en emploi s’établit à 4,3 %, contre 2,1 % en 2002. Le nombre d’agents handicapés dans la fonction publique est passé de 164 000 à 270 000 et le nombre de salariés dans le secteur privé de 252 000 à 674 000. Les interventions au titre de la compensation du handicap (Agefiph et FIPHFP) ont été multipliées par trois, atteignant 80 000 interventions annuelles en 2023, et correspondent sur vingt ans à un montant total de 11 milliards d’euros ([313]).

Le nombre de personnes handicapées en emploi a donc progressé, mais le taux de 6 % n’est toujours pas atteint, avec des disparités importantes entre le secteur privé et le secteur public :

– la mise en œuvre de l’obligation d’emploi est encore loin d’être atteinte dans le secteur privé, avec en 2023 un taux d’emploi direct de 3,6 % ([314]). Avec la survalorisation des employés de plus de 50 ans, ce taux s’élève à 4,7 %. Il varie fortement en fonction de la taille de l’entreprise : plus l’entreprise est grande, plus le taux d’emploi direct est élevé, ce qui témoigne d’un besoin important d’accompagnement des petites et moyennes entreprises. 31 % des entreprises n’emploient toujours aucun bénéficiaire de l’OETH. Les différences sont aussi significatives en fonction des filières professionnelles (voir les graphiques ci‑dessous).


Le graphique montre que plus les entreprises sont grandes, plus elles respectent l'OETH. De plus, le respect de l'OETH est meilleur dans les secteur de l'industrie ou de l'administration publique que dans le secteur de l'information et de la communication.
Taux d’atteinte directe de l’OETH et répartition du taux en 2023 dans le secteur privé

 

Lecture : En 2023, les entreprises de la construction assujetties à l’OETH emploient directement, après majoration des 50 ans ou plus, 68 % des effectifs attendus

Source : Dares, L’obligation d’emploi des travailleurs handicapés en 2023, 2023.

– la situation d’emploi des personnes handicapées est meilleure dans la fonction publique. En 2024, la part des travailleurs handicapés y atteint 5,93 % ([315]). Le taux d’emploi et le nombre de personnes handicapées dans la fonction publique ont crû de 65 % en 20 ans ([316]). Des différences importantes subsistent entre les différents versants de la fonction publique : la fonction publique territoriale a dépassé le taux de 6 % (7,24 % en 2024), alors que la fonction publique de l’État (4,86 %) et la fonction publique hospitalière (5,9 %) ne l’atteignent pas encore ([317]).

Ces disparités reflètent la structure de l’emploi propre à chaque versant de la fonction publique. La moitié des agents en situation de handicap sont des agents de catégorie C, en raison de leur moindre qualification résultant des inégalités persistantes dans l’accès à l’éducation et à la formation. Or, les postes de catégorie A sont surreprésentés dans la fonction publique d’État. À l’inverse, les agents de catégorie C sont surreprésentés dans la fonction publique territoriale. Ces disparités sont aussi la traduction de l’usure professionnelle de certains métiers. Certains emplois au sein des fonctions publiques territoriale et hospitalière peuvent générer de l’usure professionnelle en raison de leur pénibilité (tels les emplois d’aide-soignant, d’éboueur ou d’auxiliaire de puériculture) et cette usure peut conduire à l’apparition d’un handicap pour les agents publics concernés. Ce constat souligne les limites du seul indicateur du taux d’emploi des personnes handicapées en rappelant que le travail lui-même peut être à l’origine du handicap.

En outre, une partie du succès de l’obligation d’emploi des travailleurs handicapés dans la fonction publique peut être nuancée en raison des modalités de son calcul, qui diffèrent de celles prévues dans le secteur privé, avec notamment des règles d’exemption ou de déduction pour certaines catégories de personnels.

d.   Des marges d’amélioration pour les fonds pour l’insertion professionnelle

L’Agefiph et le FIPHFP sont en charge de la gestion des contributions versées au titre de l’OETH. Ils proposent des aides et des prestations pour les travailleurs handicapés et leurs employeurs. Elles peuvent être de nature directe (aides versées aux travailleurs ou aux employeurs) et s’inscrivent alors dans le cadre de la compensation ; ou indirecte (financement du réseau Cap emploi). Les aides directes peuvent être attribuées au cas par cas, ou dans le cadre de conventions passées avec les employeurs.

Les budgets d’intervention des deux fonds s’établissent, en 2024, à 577 millions d’euros pour l’Agefiph et à 111 millions d’euros pour le FIPHFP.

Depuis 2005, les modalités de fonctionnement de ces fonds ont évolué. L’Agefiph et le FIPHFP ont conduit des démarches de simplification et de communication autour des aides proposées. En particulier, l’Agefiph s’est engagée, dans le cadre de sa convention d’objectifs, à dématérialiser la plupart des démarches relatives aux demandes d’aides (90 %) ([318]).

Des difficultés significatives persistent néanmoins. Si les aides versées par ces fonds sont utiles, elles sont parfois mal paramétrées, trop peu connues des petites structures, avec des procédures d’obtention longues et complexes, qui peuvent décourager les salariés et les employeurs.

Témoignage issu de la consultation Rien Sans Nous (voir annexe n° 1)

Sébastien : « Mon aide de l’Agefiph a été bloquée parce que ma conseillère Pôle emploi refusait de faire les démarches, estimant que ce n’était pas à elle de s’en occuper. Résultat ? Une situation absurde où l’on se renvoie la balle, laissant les personnes concernées sans solution. »

Un important besoin de simplification dans l’accès aux aides reste donc manifeste.

Dans sa contribution écrite, le FIPHFP indique que le premier motif de refus des aides est celui de l’absence de préconisation médicale ou son caractère trop ancien – au total 14,5 % des demandes sont refusées. Les employeurs rencontrent des difficultés, en particulier dans les territoires ruraux, à obtenir des prescriptions du médecin du travail. L’évolution des règles d’attribution des aides a été décidée, pour l’aide aux déplacements en compensation du handicap, l’aide « Auxiliaire dans le cadre des actes quotidiens dans la vie professionnelle » et l’aide « Auxiliaire dans le cadre des activités professionnelles », en portant la durée de validité de la préconisation médicale d’un à trois ans. Il s’agit d’un progrès à saluer et il serait pertinent d’étudier si cette mesure peut être étendue à d’autres aides fournies par le FIPHFP ou l’Agefiph.

Du côté de l’Agefiph, un récent rapport de l’Igas consacré à la gouvernance des politiques de l’emploi des personnes en situation de handicap ([319]) indique que « la palette des dispositifs a connu par ailleurs quelques simplifications mais ciblées, ce qui ne contribue pas à sa lisibilité globale ». Entendu par les rapporteurs, le Medef a relevé la nécessité d’améliorer la réactivité des services et la connaissance de l’offre par les entreprises.

Des difficultés particulières sont identifiées de longue date autour de l’aide à l’emploi des travailleurs handicapés (AETH) ([320]), qui compense les charges induites par un handicap lourd (article L. 5213-11 du code du travail). Cette aide est sous-utilisée, complexe et lourde budgétairement ([321]). Elle doit faire l’objet d’une réforme pour la rendre plus facilement mobilisable et plus efficace, notamment en conditionnant son obtention à l’accompagnement actif du travailleur en situation de handicap au sein de l’entreprise.

Les rapporteurs appellent à renforcer la communication, y compris auprès des petites structures, mais aussi à poursuivre les efforts engagés en matière de clarté, de lisibilité et d’efficience des aides disponibles. Des mesures spécifiques doivent se déployer à l’endroit des petites entreprises, avec le concours des réseaux consulaires (chambres de commerce et d’industrie, chambres des métiers de l’artisanat, chambres d’agriculture) et des fédérations professionnelles concernées.

Recommandation n° 34 : Renforcer la cohérence et l’efficacité des aides proposées par l’Agefiph et le FIPHFP :

– communiquer auprès des petites structures, publiques et privées, sur l’existence respective de l’Agefiph et du FIPHFP et simplifier les démarches ;

– réduire les délais de traitement des demandes et lever certains freins administratifs inutiles ;

– rénover l’offre d’aides proposées : simplifier et renforcer la cohérence des aides pouvant être obtenues ;

– réformer l’aide à l’emploi des travailleurs handicapés (AETH) pour la simplifier et accroître son utilisation.

e.   Une réflexion nécessaire sur le budget et la gouvernance

● Les modalités de financement du FIPHFP et de l’Agefiph se caractérisent par un effet ciseau entre les recettes et les dépenses. À mesure que le taux d’emploi des personnes handicapées augmente, les sollicitations pour obtenir des aides augmentent également tandis que le volume des contributions baisse. Ce paradoxe aboutit à une gestion des ressources qui peut s’établir au détriment des personnes accompagnées et à une gestion des dépenses en fonction des ressources disponibles et non des besoins à couvrir.

Dès lors, il est nécessaire d’entreprendre dès aujourd’hui une réflexion sur l’avenir de ces outils qui jouent un rôle clé en termes de compensation. Entendu en audition, le FIPHFP identifie plusieurs pistes, telles que l’amélioration des contrôles ou la révision des modalités de calcul, en limitant les dérogations et certaines déductions.

À moyen terme, un rehaussement du taux de 6 % ou un accroissement du montant des contributions pourrait offrir une solution simple pour augmenter les ressources de ces deux fonds. Cette solution aurait toutefois l’inconvénient de conserver les mêmes écueils et une réflexion plus structurelle semble nécessaire pour trouver d’autres modalités de financement.

● L’Agefiph fait face à des difficultés financières et de gouvernance importantes. La mise en place des conventions d’objectifs entre l’État et l’Agefiph n’a pas été pleinement satisfaisante. Après une éclipse de dix ans, entre 2010 et 2021, une nouvelle convention a été signée pour 2021‑2024 puis prolongée jusqu’à 2025. La période récente a été marquée par d’importantes tensions entre l’Agefiph et l’État, rappelées dans le rapport de l’Igas précité, autour des questions de financement et plus particulièrement des ressources allouées par l’Agefiph aux entreprises adaptées. La ministre chargée de l’emploi a ainsi refusé d’approuver les comptes de l’Agefiph au printemps 2024. Des mesures de redressement budgétaire ont été prises par l’Agefiph et des moyens ont été dégagés pour les entreprises adaptées et les Cap emploi, au détriment du budget prévu en matière de formation, qui a été divisé par trois ([322]). Les rapporteurs souhaitent à ce titre relayer la préconisation de l’Igas, qui estime urgent un travail conjoint entre l’État, l’Agefiph, France Travail et les régions « pour organiser une prise de relai effective, notamment dans le cadre des plans régionaux d’investissement dans les compétences (Pric), sous peine de perte de chances pour les personnes en situation de handicap ». Le rapport invite également plus globalement à maintenir le réinvestissement de l’État dans la durée et propose la nomination d’un commissaire du Gouvernement au sein de l’Agefiph.

f.   Supprimer la liste des catégories d’emplois exigeant des conditions d’aptitude particulière

Un décret en date du 22 janvier 1988, toujours en vigueur, fixe les catégories d’emplois exigeant des conditions d’aptitude particulières (Ecap), considérés comme difficilement exerçables par des personnes handicapées. Ces emplois permettent de moduler la contribution versée au titre de l’obligation d’emploi pour les entreprises du secteur privé, en excluant les postes concernés du calcul de l’OETH.

L’article 67 de la loi Avenir professionnel prévoyait des négociations au sein des branches professionnelles en vue d’élaborer des propositions de révision de cette liste, qui fait l’objet d’importantes critiques. Ces travaux n’ont pu aboutir en raison des divergences entre les associations, favorables à sa suppression, et les organisations représentatives des employeurs, favorables à son maintien.

Les rapporteurs considèrent cette liste discriminatoire et obsolète. Comme la rapporteure Christine Le Nabour le soulignait déjà dans son avis budgétaire sur la mission Solidarité, insertion et égalité des chances du projet de loi de finances pour l’année 2025, « il est par exemple difficilement compréhensible qu’en fassent partie les vendeurs polyvalents dans les grands magasins, ou encore les enquêteurs privés ». Les rapporteurs rappellent que l’orientation des personnes doit désormais reposer sur un diagnostic établi au cas par cas, dans la logique promue par la loi Plein emploi. Le maintien d’une liste de métiers « interdits » entre en contradiction avec cette nouvelle approche. Les rapporteurs appellent à la suppression de la liste Ecap qui est, dans son essence même, discriminatoire.

Recommandation n° 35 : Supprimer la liste des catégories d’emploi exigeant des conditions d’aptitude particulières (Ecap).

2.   Un monde du travail qui reste dans l’ensemble peu accessible et discriminatoire

Le taux de chômage des personnes handicapées a été significativement réduit et atteint aujourd’hui son plus bas niveau. Il reste toutefois deux fois plus élevé que celui de la population générale : il s’élève à 12 % environ, contre 7,3 % pour la population générale. 55 % des demandeurs d’emploi bénéficiaires de l’obligation d’emploi sont chômeurs de longue durée, une proportion supérieure de 11 points par rapport à l’ensemble de la population active ([323]).

La rémunération des travailleurs handicapés est en moyenne plus basse que celle de la population générale, ce qui s’explique par une surreprésentation du temps partiel (27 % d’entre eux contre 17 % pour la moyenne de l’ensemble des travailleurs ([324])) et par l’occupation d’emplois moins qualifiés (58 % d’employés et 8 % de cadres ([325])).

Les difficultés d’accès à l’emploi des personnes handicapées sont le fruit d’une conjonction de facteurs :

 les personnes handicapées sont moins qualifiées que la moyenne en raison leurs difficultés d’accès à la scolarité et à la formation et du fait que les emplois les moins qualifiés sont aussi les plus susceptibles de produire du handicap. Fin 2023, 38 % des demandeurs d’emploi en situation de handicap sont titulaires au minimum d’un baccalauréat contre 56 % pour les autres demandeurs d’emploi ([326]) ;

– le monde du travail demeure globalement peu accessible, qu’il s’agisse de l’accessibilité physique, mais aussi d’enjeux davantage organisationnels, notamment en termes de temps de travail. Une fois en emploi, les difficultés d’accessibilité sont quotidiennes et l’organisation du temps de travail peut se révéler très inadaptée pour certains types de handicap. Comme le rappelle le Collectif Lutte et handicaps pour l’égalité et l’émancipation (CLHEE), « les emplois à temps partiel sont souvent les plus mal payés et/ou les moins qualifiés. Les emplois à temps partiel sont quasiment inexistants quand il s’agit d’emplois qualifiés ou élevés dans la hiérarchie, peu importe que la personne handicapée ait obtenu un diplôme et des stages pour se qualifier. » ([327]) ;

– la persistance des préjugés à l’endroit des personnes handicapées nourrit les discriminations. Le baromètre annuel 2020 du Défenseur des droits et de l’Organisation internationale du travail montre que le fait d’être handicapé ou d’avoir une maladie chronique multiplie par trois le risque d’être victime de discriminations au travail. Le handicap est ainsi souvent associé à une moindre compétence et à une moindre productivité, ou tout simplement à des difficultés de gestion en termes de ressources humaines. De nombreux employeurs ignorent les aides financières et humaines qu’il est possible d’obtenir, notamment via le FIPHFP et l’Agefiph.

Témoignage issu de la consultation Rien Sans Nous (voir annexe n° 1)

Sébastien : « Trois ans de recherche d’emploi dans le développement web. Un métier qu’on pourrait croire accessible, avec du télétravail... Mais en réalité, ce n’est pas si simple quand on est en situation de handicap. Dès que le sujet du handicap est évoqué en entretien, l’ambiance change. Je pouvais déjà sentir le refus arriver, parfois même avant la fin de l’échange. Peu importe mes compétences ou ma motivation, c’était comme si mon handicap prenait toute la place. Au final, ça n’a jamais abouti. Une formation intensive d’un an, qui m’a coûté une énorme rechute en termes de douleurs... pour rien. »

 

Les saisines du Défenseur des droits qui concernent les discriminations dans l’emploi des personnes handicapées

L’emploi est le premier domaine dans lequel s’exercent les discriminations fondées sur le handicap. Ainsi, en 2024, sur les 1 250 réclamations relatives aux discriminations fondées sur le handicap adressées au Défenseur des droits, 45 % concernent l’emploi (21 % l’emploi privé ; 24 % l’emploi public). Parmi ces réclamations, et c’est une constante, 20 % en moyenne concernent l’accès à l’emploi et 80 % concernent l’évolution de carrière et le maintien dans l’emploi.

Les saisines du Défenseur des droits montrent ainsi la récurrence de certaines problématiques :

– un aménagement tardif du poste de travail en période d’essai mettant la personne en situation de handicap dans l’impossibilité de montrer ses compétences ;

– l’affectation sur un emploi non adapté, sans tenir compte des contraintes de la personne handicapée (éloignement de son domicile, des soins résultant de son handicap, etc.) ;

– à l’inverse, le refus d’affectation sur un poste alors que la personne handicapée a les compétences requises, au motif que les locaux ne sont pas accessibles ;

– le non-respect par l’employeur des préconisations du médecin du travail avec pour conséquences, l’aggravation de l’état de santé ou du handicap, puis l’inaptitude du salarié et enfin le licenciement du salarié reconnu inapte sans rechercher si des aménagements sont possibles pour le reclasser ;

– du harcèlement discriminatoire en cas de survenance d’un handicap en cours d’emploi ou d’une aggravation d’un handicap préexistant suite à un problème de santé.

Dans la plupart de ces situations, le Défenseur des droits constate un manquement de l’employeur à son obligation d’aménagement raisonnable.

Les personnes handicapées ont tendance à ne pas nécessairement se déclarer comme telles, de peur d’être victimes de discrimination, ce qui les empêche d’accéder à des dispositifs d’aides qui seraient pourtant utiles. Cela se répercute également sur les employeurs, qui ne peuvent pas identifier les personnes handicapées lors des recrutements et ainsi leur proposer les aménagements adéquats.

Témoignage issu de la consultation Rien Sans Nous (voir annexe n° 1)

Eva : « J’ai caché à mon ancienne entreprise d’alternance mes difficultés en orthographe ainsi que l’effort de concentration que cela me demandait pour écrire. [...] Aujourd’hui encore, personne n’est au courant. C’est quelque chose que je préfère dissimuler, car beaucoup d’entreprises se disent capables d’accueillir des personnes en situation de handicap, qu’il s’agisse de clients ou d’employés, alors que la réalité est tout autre. »

La persistance de ces discriminations constitue en soi en échec par rapport aux objectifs fixés dans la loi de 2005. Afin de transposer dans le droit français les dispositions de la directive « aménagement raisonnable » ([328]), la loi avait affirmé le principe de nondiscrimination dans le monde du travail et précisé que le principe d’égalité de traitement à l’égard des personnes handicapées « s’impose aux employeurs publics comme privés, qui doivent prendre toutes les mesures appropriées pour permettre aux travailleurs d’accéder à un emploi, de le conserver et de progresser, sous réserve que les charges associées ne soient pas disproportionnées, compte tenu des aides qui peuvent être obtenues en compensation ». Le refus de prendre ces mesures est constitutif d’une discrimination.

3.   Renforcer l’accessibilité du monde du travail ordinaire

Si l’obligation d’emploi des travailleurs handicapés a permis d’insuffler une dynamique incontestable, en particulier chez les grands employeurs, la politique de l’emploi des personnes en situation de handicap ne saurait s’y résumer.

En effet, l’OETH présente plusieurs limites. Ainsi, elle ne permet qu’une approche quantitative, reste fondée sur des quotas et la compensation, ne concerne que les entreprises de plus de vingt salariés et peut donner une vision biaisée des efforts fournis par un employeur, notamment lorsque le taux est atteint non pas en raison d’une politique d’emploi dynamique mais plutôt en raison de l’usure professionnelle propre à certains secteurs d’activité.

Ces limites rappelées, les rapporteurs souhaitent insister sur la nécessité de développer les outils visant à favoriser l’accessibilité de l’ensemble du monde du travail. L’accessibilité doit être intégrée au sein des environnements professionnels, pour réduire le besoin de mesures individuelles de compensation. Plus l’accessibilité est pensée de manière systémique par les employeurs, plus elle favorise l’inclusion durable des personnes en situation de handicap. Le travail sur l’évolution des représentations, la lutte contre les discriminations, la sensibilisation des entreprises à leur devoir d’aménagement raisonnable, l’accompagnement de toutes les structures employeuses de même que le renforcement des outils de l’insertion professionnelle et du maintien dans l’emploi doivent être des priorités. Enfin, les politiques de l’emploi des personnes handicapées doivent désormais dépasser une approche strictement quantitative, pour proposer des dynamiques en matière de parcours professionnels.

a.   Poursuivre la réforme des outils de l’insertion professionnelle et de l’accompagnement des personnes

En supprimant les Cotorep (cf. partie I du présent rapport), la loi de 2005 modifie les règles d’orientation des travailleurs handicapés dans le monde professionnel, qui relèvent désormais de la compétence des CDAPH. Le cadre fixé en 2005 prévoit donc que la CDAPH évalue les besoins de la personne et l’oriente en conséquence vers le milieu ordinaire ou vers le milieu protégé.

La question de l’orientation et de l’aide à l’insertion professionnelle des travailleurs handicapés a beaucoup évolué depuis 2005. En particulier la loi Plein emploi de 2023 a introduit des changements significatifs dans le fonctionnement du service public de l’emploi.

La loi Plein emploi du 18 décembre 2023 a amorcé un changement de paradigme en faisant de l’accès au monde du travail ordinaire un droit universel à travers la suppression du principe d’orientation en milieu ordinaire par la MDPH ([329]). Chaque personne en situation de handicap est donc présumée pouvoir y travailler. Le cas échéant, la CDAPH se prononcera désormais en matière d’orientation vers un Esat ou un établissement et service de réadaptation professionnelle, sur la base de propositions formulées par France Travail en lien avec les Cap emploi ([330]). Cette réforme de l’orientation des personnes handicapées doit pleinement entrer en vigueur au 1er janvier 2027. Elle constitue une avancée importante vers la désinstitutionnalisation. Une expérimentation est en cours dans plusieurs départements, pour préparer la signature des conventions entre les MDPH, France Travail et les Cap emploi qui devront préciser les conditions de mise en œuvre de ce nouveau circuit ([331]).

● L’accompagnement des demandeurs d’emploi en situation de handicap évolue depuis plusieurs années dans le sens d’un rapprochement avec le droit commun et la simplification du parcours des usagers. L’expertise des Cap emploi, organismes de placement spécialisés dans l’accompagnement des demandeurs d’emploi handicapés, est désormais intégrée au sein de France Travail, avec la mise en place des lieux uniques d’accompagnement dans toutes les agences France Travail, qui permet de réunir en un seul lieu les conseillers France Travail et les conseillers Cap emploi. Ces derniers travaillent désormais en binôme, dans le cadre des « teams handicap » et se partagent les dossiers. Aujourd’hui 80 % des demandeurs d’emploi en situation de handicap sont accompagnés par un conseiller France Travail formé au handicap. Les 20 % restants sont accompagnés par un conseiller Cap emploi : il s’agit de ceux présentant les handicaps les plus lourds (ces conseillers ont un portefeuille réduit en raison de l’intensité plus importante de l’accompagnement) ([332]). Il est essentiel de poursuivre ces efforts en matière de simplification du parcours usager et de veiller à ce que les missions locales soient pleinement intégrées, au vu de leur rôle central en matière d’accompagnement des jeunes en situation de handicap.

L’Igas a récemment salué [333]) une réelle montée en compétence de France Travail sur le champ du handicap et une satisfaction des demandeurs d’emploi en situation de handicap. La formation des accompagnants de France Travail aux enjeux du handicap est à saluer et s’inscrit pleinement dans la logique d’accès au droit commun promue par les rapporteurs.

Il est à cet égard essentiel de préserver et d’homogénéiser les moyens des teams handicap pour garantir « l’accompagnement qualitatif des [travailleurs handicapés] présentant d’importants besoins de rétablissement et de compensation, alors que France Travail pourrait connaître une diminution de ses moyens en 2025 et doit mettre en œuvre plusieurs réformes comme l’inscription de l’ensemble des bénéficiaires du RSA ». De façon générale, les rapporteurs tiennent à souligner que l’inscription dans le droit commun des dispositifs de soutien au handicap implique de veiller à ce que les moyens ne soient pas dilués au détriment des personnes en situation de handicap.

Le rapport de l’Igas souligne également que la réforme du processus d’orientation en Esat aura des effets qu’il convient d’anticiper, puisqu’elle va se traduire par un surcroît d’activité. Concrètement, les conseillers Cap emploi, vont devoir accueillir et évaluer un nouveau public. Il est donc essentiel de suivre les expérimentations en cours et d’accorder les moyens nécessaires à la mise en œuvre de ces réformes.

Recommandation n° 36 : Garantir la préservation des moyens alloués aux teams handicap de France travail. Allouer les moyens nécessaires à France Travail dans le cadre de la réforme de l’orientation.

 Les dispositifs d’accompagnement se sont développés, notamment avec la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels, qui a instauré le dispositif d’emploi accompagné, renforcé depuis.

Selon les chiffres de la DGCS, au 31 décembre 2023, 8 902 personnes bénéficient de l’emploi accompagné soit cinq fois plus qu’en 2018. D’après France Travail, 58 % des personnes sans emploi à l’entrée du dispositif ont ainsi trouvé un emploi. Les effets sur le maintien en emploi sont également notables. 55 % des personnes ayant trouvé un emploi dans le cadre du dispositif sont toujours en emploi au 31 décembre 2023 ([334]). Le Gouvernement ambitionne un accompagnement de 30 000 bénéficiaires d’ici 2027.

L’emploi accompagné est un dispositif salué dans son principe mais qui mérite d’être davantage soutenu et dont les objectifs et le pilotage doivent être clarifiés et confiés aux acteurs de l’emploi.

Recommandation n° 37 : Consolider et développer les dispositifs d’accompagnement vers et dans l’emploi. Développer l’emploi accompagné et confier son pilotage aux acteurs de l’emploi.

Il convient par ailleurs de saluer et d’appeler à poursuivre les efforts mis en œuvre pour favoriser l’accès des apprenants en situation de handicap à la formation de droit commun. Ainsi, France Travail a révisé ses marchés de formation en intégrant, dans le cahier des charges, l’obligation pour les organismes de formation de concevoir leurs formations afin qu’elles soient adaptées aux apprenants en situation de handicap, y compris ceux présentant des handicaps invisibles. En outre, France Travail demande, pour la première fois, que ses prestataires soient en mesure de proposer des formations à temps partiel. Ces sessions à temps partiel ne seront pas uniquement destinées aux apprenants dont le handicap pourrait induire une fatigabilité, mais seront également accessibles à d’autres publics vulnérables, tels que les mères de famille élevant seules leurs enfants ([335]).

b.   Permettre le cumul entre l’allocation aux adultes handicapés et l’emploi au-delà du temps partiel

Afin de renforcer les incitations à l’emploi et l’accès aux droits des personnes, la loi de 2005 a supprimé la référence à une période d’inactivité d’un an qui conditionnait l’éligibilité à l’allocation aux adultes handicapés (AAH). Par la suite, les conférences nationales du handicap successives et des évolutions actées en lois de finances ont permis de nouvelles évolutions en matière de cumul. Le droit applicable en la matière (articles R. 821-1 à R. 821-9 du code de la sécurité sociale) diffère en fonction du milieu dans lequel exerce le travailleur en situation de handicap :

 en Esat, la rémunération garantie peut être cumulée avec l’AAH, le cumul ne pouvant dépasser un plafond, fixé à 1 766,92 euros pour une personne seule, 2 296,99 euros pour les personnes en couple et 2 562,03 euros pour les personnes en couple avec un enfant ou un ascendant à charge.

 en milieu ordinaire, les revenus professionnels ne sont pas pris en compte pendant les six premiers mois de la période d’emploi. Au cours de cette période, le travailleur perçoit l’intégralité de son AAH. Une fois ce délai écoulé, l’AAH est réduite et le travailleur perçoit une allocation différentielle, calculée en y appliquant un abattement sur les revenus du travail.

Le cumul entre l’AAH et les revenus professionnels est toutefois limité. Il est possible pour l’AAH-2 (taux d’incapacité compris entre 50 et 79 %) uniquement si le temps de travail est inférieur à un mi-temps ([336]). En effet, l’obtention de l’AAH‑2 repose sur la reconnaissance d’une restriction substantielle et durable pour l’accès à l’emploi (RSDAE) qui, aux termes de l’article D. 821-1-2 du code de la sécurité sociale, ne peut être attribuée dès lors qu’il est considéré que l’intéressé est en capacité de travailler au-delà du mi-temps.

En milieu ordinaire, les conditions de cumul entre l’AAH et les revenus d’activité peuvent donc avoir un effet désincitatif : le revenu disponible augmente au moment de la reprise d’activité mais ne croît pas nécessairement avec l’augmentation du revenu d’activité, du fait de la baisse cumulée de l’AAH et des allocations logement. Comme le souligne la Défenseure des droits, « si le bénéficiaire de l’AAH accède à une activité professionnelle au-delà d’un mi-temps, il voit son droit à l’AAH supprimé au motif qu’il ne remplit plus les conditions de restriction substantielle et durable d’accès à l’emploi et se trouve de ce fait pénalisé dans sa démarche d’insertion professionnelle ».

Lors de la Conférence nationale du handicap du 26 avril 2023, le Président de la République Emmanuel Macron s’était engagé à autoriser le cumul entre l’AAH et les revenus professionnels audelà du mi-temps. Cet engagement est demeuré lettre morte, alors qu’il s’agit d’une demande forte des travailleurs en situation de handicap et des associations. Les rapporteurs souhaitent donc que ce cumul puisse être autorisé jusqu’à 25 heures par semaine.

Recommandation  38 : Permettre le cumul entre l’allocation aux adultes handicapés (AAH) et les revenus d’activité issus du travail en milieu ordinaire au-delà du mi‑temps.

c.   Sensibiliser et accompagner tous les employeurs

L’article 69 de la loi Avenir professionnel a rendu obligatoire, pour les entreprises de plus de 250 salariés, la nomination d’un référent chargé d’accompagner les personnes en situation de handicap ([337]). Les référents handicap ont pour mission « d’orienter, d’informer et d’accompagner les personnes en situation de handicap » au sein de l’entreprise. Le dernier baromètre sur l’emploi et le handicap publié par l’Agefiph et l’Ifop ([338]) montre que le référent handicap joue un rôle facilitateur en matière d’embauche des travailleurs handicapés. Les référents handicap existent également dans la fonction publique.

Les référents handicap recouvrent des réalités variées, comme l’ont souligné les personnes auditionnées : certains sont peu formés et la plupart exercent cette fonction en plus de leur poste, ce qui peut aboutir à une surcharge de travail, et ainsi limiter leur capacité d’action.

Le FIPHFP estime ainsi nécessaire de proposer aux référents handicap des parcours de formation et de développer des outils pour leur permettre de valoriser leurs compétences ([339]). Le FIPHFP a conclu, fin 2024, un partenariat avec l’École des hautes études en santé publique afin qu’une formation de trois jours puisse être délivrée aux référents handicap qui viennent de prendre leurs fonctions. L’objectif est qu’ils puissent rapidement avoir connaissance des acteurs et des dispositifs à mobiliser dans le champ de l’emploi et du handicap et de favoriser les échanges entre pairs. Ce type de démarches doit être généralisé et rendu obligatoire.

Les rapporteurs appellent à accentuer la formation de ces professionnels, qui doivent occuper des postes visibles et valorisés.

Témoignages issus de la consultation Rien Sans Nous (voir annexe n° 1)

Mickaël : « Je retravaille : mon employeur m’a trouvé un poste aménagé et ils ont fait les travaux nécessaires pour que ça soit adapté à mon handicap. »

Emmanuelle : « J’ai la chance d’être dans une grande entreprise qui essaie de s’adapter au quotidien pour les personnes handicapées, mais il y a encore des ratés. »

La sensibilisation et la formation doivent aussi s’élargir à l’ensemble des professionnels, avec un enjeu particulier autour des fonctions ressources humaines et des postes de management, dans le public comme dans le privé. Les partenariats avec les écoles du service public qui forment les futurs cadres de l’État sont indispensables pour agir à la source des préjugés et développer la formation initiale et continue sur ces problématiques, avec des modules de sensibilisation.

Les actions à destination des petites et moyennes entreprises doivent s’intensifier. Celles-ci n’ont pas les moyens de structurer une politique handicap. Les Cap emploi interviennent aujourd’hui auprès des TPE et PME, pour leur proposer un accompagnement de proximité, sur mesure, visant à favoriser les démarches inclusives, lever les craintes, et proposer des solutions simples et opérationnelles. Ce type d’action doit se développer et il est nécessaire d’identifier les acteurs les mieux placés pour les effectuer.

Recommandation n° 39 : Renforcer la professionnalisation des référents handicap dans les entreprises et dans la fonction publique. Sensibiliser l’ensemble des professionnels, mettre en place des formations obligatoires pour les fonctions ressources humaines.

d.   Garantir l’accessibilité physique des locaux professionnels

De nombreux locaux professionnels restent inaccessibles, sans que les chiffres soient disponibles. Si la loi de 2005 a bien prévu l’accessibilité des locaux professionnels neufs et que celle-ci a été précisée par le décret n° 2009-1272 du 21 octobre 2009 relatif à l’accessibilité des lieux de travail aux travailleurs handicapés, l’arrêté dont il est fait mention dans le décret de 2009 n’a en revanche jamais été publié. En outre, cette obligation d’accessibilité ne concerne que le neuf et aucune mesure d’ampleur n’a été prise pour développer l’accessibilité des locaux professionnels existants.

Recommandation n° 40 : Garantir l’accessibilité physique des lieux de travail. Publier sans délai l’arrêté relatif à l’accessibilité des locaux professionnels existants devant être pris en application de l’article R. 4214-28 du code du travail.

B.   Entreprises adaptées et établissements ou services d’aide par le travail

1.   Le bilan de la transformation des ateliers protégés en entreprises adaptées

La loi de 2005 a transformé les ateliers protégés en entreprises adaptées (article 38 de la loi). L’objectif du législateur était alors de reconnaître le volontarisme des ateliers protégés pour se rapprocher de la logique d’entreprise ([340]) et d’accorder en conséquence une place « spécifique mais entière » dans le milieu du travail ordinaire aux entreprises adaptées. Au-delà du changement de terminologie, le législateur entendait ainsi distinguer deux secteurs d’activité et non plus trois : le milieu ordinaire et le milieu protégé, ce qui se traduit alors dans les orientations formulées par les CDAPH.

Les entreprises adaptées accueillent au moins 55 % de travailleurs en situation de handicap au sein de leurs effectifs ([341]). Elles peuvent être constituées par des collectivités territoriales et des organismes publics ou privés, sous réserve de la signature d’un contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens avec l’État.

La loi de 2005 a fait évoluer les modalités de financement en instaurant une aide forfaitaire au poste, versée par l’État. Les travailleurs des entreprises adaptées ont ainsi acquis le statut de salarié et se sont vus garantir le salaire minimum de croissance.

Entendue par les rapporteurs, l’Union nationale des entreprises adaptées (Unea) a insisté l’attention particulière portée par les entreprises adaptées à la qualité de vie des salariés et souligné leur mission sociale. L’entreprise adaptée repose sur un équilibre économique constitué à 75 % de ressources issues de l’activité et à 25 % de ressources issues d’aides publiques. La fédération a également décrit un changement significatif du public accueilli dans les entreprises adaptées en vingt ans. Ainsi, le public qui entre aujourd’hui dans l’entreprise adaptée est un public qui a été majoritairement « cassé » par le marché du travail. Plus de la moitié des salariés des entreprises adaptées ont ainsi été licenciés pour inaptitude ou après accident de la vie.

Les outils introduits par le législateur pour faciliter le passage de l’entreprise adaptée à une entreprise classique rencontrent un succès limité. Ainsi, les CDD « Tremplin » et les entreprises adaptées de travail temporaires, créés par la loi Avenir professionnel et pérennisés par la loi Plein emploi restent trop peu développés, alors qu’ils jouent un rôle important pour professionnaliser le secteur. La Cour des comptes, dans un rapport paru en 2023 ([342]), soulignait l’utilité de ces dispositifs mais regrettait des résultats en deçà des objectifs : environ 1 320 ETP concernés seulement et des taux de sortie relativement faibles. L’Unea a souligné lors de son audition la difficulté à trouver des entreprises ordinaires dans une démarche ouverte pour permettre les passerelles.

2.   De nombreux enjeux autour des établissements et services d’accompagnement par le travail

a.   Les dispositions introduites en 2005

En 2005, le législateur a souhaité « conforter la vocation médicosociale » des centres d’aide par le travail (CAT), qui sont ainsi devenus les établissements et services d’aide par le travail (Esat).

Leur rôle est aujourd’hui défini à l’article L. 344-2 du code de l’action sociale et des familles, aux termes duquel les Esat accueillent les personnes handicapées pour lesquelles la CDAPH a constaté une capacité de travail réduite, et la nécessité d’un accompagnement médical et social. Les Esat offrent des diverses possibilités d’activités à caractère professionnel, ainsi qu’un soutien médico-social et éducatif, en vue de favoriser leur épanouissement personnel et social. Les Esat sont autorisés et, le cas échéant, contrôlés par les agences régionales de santé (ARS). Les personnes travaillant en Esat n’ont pas le statut de salarié et sont considérées comme des usagers.

Les modifications apportées en 2005 portent essentiellement sur le régime de rémunération des travailleurs. La loi prévoit désormais que le travailleur reçoit un salaire direct et un complément de rémunération prenant la forme d’une aide au poste financée par l’État. Dans l’exposé du projet de loi, le Gouvernement indique : « la garantie de ressources aux travailleurs handicapés (GRTH) en centre d’aide par le travail voulue par le législateur en 1975 n’a pas tenu ses promesses puisqu’elle ne dépasse pas 60 à 65 % du SMIC. Les travailleurs handicapés n’obtiennent le plus souvent un revenu supérieur que par le cumul de leur GRTH avec leur AAH au détriment d’une juste reconnaissance de leur travail, de leur mobilité professionnelle, mais aussi de la lisibilité du dispositif. » Force est de constater que la situation n’a, sur ce point, pas réellement évolué (cf. infra).

De premières et timides avancées peuvent également être relevées du point de vue de l’accès aux droits. La loi ouvre ainsi aux travailleurs des Esat le droit à la formation professionnelle, à la validation des acquis de l’expérience, aux congés, aux allocations parentales et au congé parental. Le décret du 16 juin 2006 a notamment permis l’ouverture du droit à la formation professionnelle continue pour les travailleurs d’Esat – plus de trente‑cinq ans après sa mise en place pour les salariés de droit commun.

b.   Des Esat en mutation face à l’évolution du public

Selon les chiffres d’Andicat, environ 100 000 travailleurs handicapés sont actuellement employés dans près de 1 400 Esat en France. Les Esat emploient en parallèle environ 30 600 personnels encadrants, principalement des moniteurs d’ateliers.

La mise en œuvre de la loi de 2005 s’est traduite par une évolution des profils des personnes handicapées accueillies au sein des Esat. Alors qu’historiquement, les Esat accueillaient principalement des personnes atteintes de déficiences intellectuelles, de plus en plus de personnes souffrant de troubles psychiques, de troubles du spectre autistique, ou de handicaps moteurs et sensoriels y sont accueillies. L’âge moyen des travailleurs a augmenté, avec une entrée plus tardive dans ces structures. Les travailleurs des Esat ont souvent un niveau de qualification plus élevé qu’auparavant.

Cette évolution des publics s’est traduite par une évolution des infrastructures, des modalités d’accompagnement ainsi que par une diversification des secteurs d’activités des Esat.

c.   La transformation du milieu protégé reste largement inachevée

Depuis la loi de 2005, plusieurs évolutions sont intervenues afin de favoriser l’accès au milieu ordinaire et de transformer les Esat. Elles traduisent une prise de conscience progressive de la nécessité de faire évoluer un modèle considéré par l’ONU comme ségrégatif et qui soulève d’importantes questions en termes d’égalité des droits.

i.   Un moratoire décidé en 2013

En 2013, à la suite d’une croissance importante du nombre de places en Esat entre 2005 et 2012 ([343]), un moratoire a été décidé, pour des raisons principalement budgétaires, interdisant toute création de places nouvelles. En parallèle, les questions relatives à l’insuffisante accessibilité du monde du travail classique n’ont pas été suffisamment pensées. En conséquence, les listes d’attente pour l’entrée en Esat se sont allongées. Ce moratoire a, par ailleurs, fait l’objet d’aménagements récents dans les départements d’outre-mer, notamment à Mayotte, qui ne dispose d’aucun Esat à ce jour, et en Guyane.

ii.   Le plan de transformation annoncé en 2022

En 2022, un plan de transformation des Esat a été annoncé par la secrétaire d’État chargée des personnes handicapées Sophie Cluzel dans le but de personnaliser les parcours, de faciliter les transitions avec le milieu ordinaire et de renforcer l’accès aux droits sociaux. Certaines des mesures de ce plan ont connu des traductions législatives.

● Des mesures ont été introduites pour tenter de développer les passerelles avec le milieu ordinaire :

– la loi du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration, dite « loi 3DS » ([344]), a ouvert la possibilité pour les bénéficiaires de l’allocation aux adultes handicapés (AAH) de travailler simultanément en Esat et en milieu ordinaire ([345]) ;

– pour les personnes sortant d’Esat et souhaitant travailler en milieu ordinaire, la même loi crée un parcours renforcé en emploi ([346]), qui garantit pendant trois ans un accompagnement médico‑social et professionnel et permet si nécessaire un droit au retour.

● Les droits collectifs des travailleurs en Esat ont été rehaussés. La loi 3DS leur a ainsi reconnu un droit aux congés exceptionnels, a renforcé leur accès à la formation professionnelle, a prévu l’élection d’un délégué des travailleurs et la création d’une instance mixte sur la qualité de vie au travail ([347]). La loi du 18 décembre 2023 pour le plein emploi a poursuivi cette dynamique, en cherchant à rapprocher le plus possible le statut des travailleurs des Esat de celui des salariés. Ces derniers restent toutefois membres d’une structure médico-sociale et titulaires d’un contrat, qui n’a pas la nature d’un contrat de travail, leur permettant de ne pas être sous la subordination juridique de l’Esat tout en restant protégés contre le licenciement. Les droits collectifs fondamentaux de grève, d’alerte, de retrait, d’adhérer à un syndicat et d’expression directe et collective ont été reconnus dans le code de l’action sociale et des familles. De nouveaux droits sociaux sont instaurés, avec la prise en charge des frais de transport domicile‑travail, des titres‑restaurant, des chèques‑vacances ainsi que le bénéfice d’une complémentaire santé collective prise en charge à 50 % par l’établissement. Ces nouveaux droits sont entrés en vigueur le 1er janvier 2024.

Par ailleurs, la loi Plein emploi modifie aussi l’appellation des Esat, qui deviennent les établissements de service d’accompagnement par le travail, en remplacement de l’ancienne dénomination d’établissements et de services d’aide par le travail. Cette modification a pour objectif de mieux traduire la vocation inclusive des structures.

iii.   Des difficultés qui demeurent

La part des personnes faisant mention d’un souhait de sortie vers le milieu ordinaire est faible mais en augmentation : la dernière enquête conduite par Andicat en 2023 montre que 7 % des effectifs ont un projet personnalisé indiquant une volonté de rejoindre le milieu ordinaire, contre 5 % lors de la précédente enquête menée en 2019. Malgré une légère progression, l’inclusion vers le milieu ordinaire reste cependant extrêmement faible. En 2023, 1 % seulement des effectifs a intégré un emploi en milieu ordinaire, contre 0,43 % en 2019 ([348]).

Les dispositifs passerelles, introduits par la loi de 2005 (article 39) et développés depuis peinent à produire des effets convaincants. L’exercice simultané entre milieu ordinaire et milieu protégé est très peu mis en pratique. Selon les données fournies par France Travail, seuls 101 travailleurs cumulaient une activité en milieu ordinaire et une activité au sein d’un Esat ([349]).

d.   L’avenir des Esat en question

● Le modèle économique des Esat repose sur un équilibre complexe entre financement public, production économique et accompagnement médico-social. 29 % des Esat sont déficitaires (mission Igas/IGF, 2024). La réforme de l’OETH a pour effet de bord de pénaliser les Esat en raison des évolutions relatives aux règles d’achats inclusifs. Leurs charges ont augmenté du fait des coûts liés à la complémentaire santé, à la prise en charge des transports, mais également en raison d’un alourdissement plus général des dépenses de fonctionnement en lien avec l’inflation et la hausse de la facture énergétique.

Des outils de soutien financier aux Esat existent et ont été renforcés. Ainsi, la loi de finances pour 2025 comporte une mesure nouvelle de 18 millions d’euros pour compenser la moitié des dépenses des Esat en faveur de la complémentaire santé de leurs travailleurs. Le Fonds d’accompagnement de la transformation des Esat (Fatesat) a aussi été reconduit en 2025 (16 millions d’euros). Néanmoins, cela ne suffit pas à résoudre les difficultés financières évoquées.

 L’existence même des Esat peut soulever des interrogations juridiques et éthiques.

La compatibilité des Esat avec une véritable logique d’inclusion et de désinstitutionnalisation demeure un sujet de débat. Si l’Esat peut être compatible avec la liberté de choix des personnes, il soulève des questions du point de vue de la désinstitutionnalisation puisque celle-ci impliquerait leur effacement progressif au profit d’une adaptation pleine et entière du milieu ordinaire.

D’un côté, on peut considérer avec une forme de pragmatisme que l’Esat offre un cadre sécurisant pour certaines personnes handicapées, qui seraient en souffrance dans le monde du travail ordinaire, en raison de son inadaptation et de son inaccessibilité. Dans cette perspective, l’Esat offre un environnement protégé, permettant aux personnes de participer à la vie économique et sociale. Cette position est celle aujourd’hui défendue par les autorités publiques. L’Igas notamment considère que le modèle des Esat doit être soutenu, soulignant que leur disparition exposerait les personnes concernées au chômage, à l’inactivité et à l’isolement.

De l’autre, l’ONU et une partie des associations représentant les personnes handicapées formulent des critiques sévères à l’encontre du principe même du milieu protégé. Le rapport final du Comité des droits des personnes handicapées de l’ONU qualifie les Esat de dispositifs « discriminatoires et paternalistes ». Mme Odile Maurin, présidente de l’association Handi-Social considère qu’il s’agit de « lieux de ségrégation ». Leur installation en périphérie des villes, le fait que les rémunérations y restent inférieures au Smic et les tensions entre l’objectif de rentabilité et celui de l’accompagnement social montrent les limites structurelles du modèle.

Ces débats sont complexes à trancher et impliquent une réflexion sur les évolutions souhaitables à court terme et à long terme. En tout état de cause, les travaux de la mission d’évaluation ont permis de mettre en évidence plusieurs évolutions indispensables.

● Sans que cela ne soit généralisable à tous les établissements, des critiques sont régulièrement formulées concernant les cadences de travail et des pratiques managériales parfois inadaptées. Des dérives très graves existent, comme l’a mis en évidence l’ouvrage du journaliste Thibault Petit, faisant état de cas de maltraitances et de souffrance au travail ([350]). Outre le nécessaire renforcement des contrôles dans ces établissements, les outils de signalement et le suivi des incidents doivent être améliorés.

Recommandation n° 41 : Renforcer les dispositifs d’alerte pour lutter contre les maltraitances en Esat.

● Le rôle des Esat en matière d’accompagnement vers l’autonomie et la progression des travailleurs handicapés doit s’accentuer. En ce sens, il serait pertinent de faire évoluer les critères mobilisés par les ARS pour évaluer les Esat. Ainsi, dans un récent rapport ([351]), l’Igas et l’IGF considèrent que les ARS doivent pouvoir évaluer la situation globale des Esat au-delà de leur seule vocation sociale. Les inspections invitent à parachever la généralisation des contrats d’objectifs et de moyens, qui doivent inclure des indicateurs relatifs à la politique de rémunération, de formation, aux types d’activités proposées et à l’interaction avec le milieu ordinaire. Elles soulignent que les Esat paraissent « parfois fonctionner sans réel regard externe apporté par un tiers, avec des processus de maîtrise d’activité peu encadrés ou souvent uniquement formels » et appellent au déploiement d’un plan de contrôle, pour vérifier la qualité de l’accompagnement médico-social ainsi que les efforts fournis par l’Esat en matière de formation professionnelle et de passerelle vers le milieu ordinaire. Les rapporteurs appellent à une modernisation des outils de contrôle et d’accompagnement des Esat.

Recommandation n° 42 : Moderniser les outils de suivi et de contrôle des Esat :

– réformer les critères d’évaluation des Esat par les ARS en intégrant de nouveaux indicateurs, axés sur l’autonomie et la progression des travailleurs ;

– déployer le plan de contrôle des Esat pour vérifier la qualité de l’accompagnement médico-social ainsi que les efforts fournis par l’Esat en matière de formation professionnelle et de passerelle vers le milieu ordinaire.

 La réflexion sur la rémunération des travailleurs d’Esat doit se poursuivre. La rémunération garantie en Esat repose aujourd’hui sur un double mécanisme : une part est versée par l’établissement, comprise entre 5 et 20 % et l’autre part est versée par l’État, dans le cadre de l’aide au poste, permettant d’atteindre un total compris entre 55 et 110 % du Smic. Ce revenu est ensuite complété par l’AAH.

En 2023, l’Igas et l’IGF ont été missionnées par le Gouvernement pour évaluer les impacts financiers, pour l’ensemble des acteurs, d’une convergence des droits des travailleurs handicapés en Esat, avec une augmentation de leur rémunération garantie au niveau du Smic. L’Igas et l’IGF se sont fondées dans leur rapport sur une hypothèse dans laquelle la part principale de cette augmentation est financée par l’État, par un accroissement de l’aide au poste (85 % du Smic), le reste étant à la charge de l’établissement (15 % du Smic). Le rapport rendu par les inspections conclut que « la hausse de la rémunération garantie en Esat au niveau du Smic ferait prendre un risque significatif pour l’équilibre économique des Esat, compromettant ainsi leur capacité à accueillir les travailleurs handicapés dans de bonnes conditions. Ce risque apparait disproportionné par rapport aux avantages financiers potentiels pour ces travailleurs. » ([352])

Pour autant, les rapporteurs considèrent que le statu quo n’est pas acceptable. Les niveaux de rémunération actuels sont insuffisants pour garantir une autonomie des travailleurs en Esat et peuvent les maintenir dans une forme de précarité. Ils appellent donc le Gouvernement à poursuivre sans délai la réflexion sur les outils juridiques et budgétaires pouvant être déployés pour aligner la rémunération des travailleurs en Esat sur le Smic. L’effort budgétaire doit être partagé entre les finances publiques et les Esat eux-mêmes. Le Gouvernement pourrait confier à l’Igas et l’IGF une mission flash pour étudier l’impact budgétaire d’une hausse de la rémunération minimale garantie versée par l’Esat à hauteur de 10 % du Smic. Dans ce cadre, il serait également pertinent de renforcer le soutien financier apporté aux Esat, notamment à travers un soutien au Fatesat, et en développant le levier de la commande publique.

Recommandation  43 : Rehausser les revenus des travailleurs en Esat. Dans cet objectif, soutenir les moyens financiers des Esat, notamment en renforçant le Fatesat et en développant le levier de la commande publique.

 L’accompagnement vers le milieu ordinaire doit être une priorité. Des objectifs chiffrés de taux de sortie pourraient être établis. Actuellement, l’absence de simulateur permettant aux travailleurs d’Esat de connaître l’évolution de leurs ressources en cas de cumul d’activité entre le milieu protégé et le milieu ordinaire est un frein important au développement de ce dispositif. Cet accompagnement ne pourra être efficace sans des modifications structurelles et systémiques de l’organisation du monde du travail, pour le rendre accessible à toutes les personnes.

Recommandation n° 44 : Renforcer les accompagnements pour permettre les transitions vers le milieu ordinaire :

– développer l’emploi accompagné à destination des publics en Esat.

– mettre en place un simulateur de ressources permettant aux travailleurs en Esat de connaître l’évolution de leurs ressources en cas de cumul d’activité avec un temps partiel en milieu ordinaire.

L’ensemble des évolutions proposées relatives aux Esat sont, dans l’esprit des rapporteurs, les étapes nécessaires d’une dynamique progressive d’intégration au droit commun. À terme, dans la perspective de planification de la désintitutionnalisation promue par les rapporteurs, les Esat devront laisser la place au monde du travail ordinaire. Une telle évolution suppose impérativement un renforcement de l’accessibilité de ce dernier. Seul un monde du travail ordinaire accessible permettra d’envisager sereinement et de planifier la désinstitutionnalisation, sans engendrer de souffrance pour les personnes concernées.


   Partie III : Les normes instaurées par la loi du 11 février 2005 en matière d’accessibilité ont connu des retards et des reculs inacceptables

Axe central de la loi du 11 février 2005, l’accessibilité est une condition de l’autonomie et de la pleine participation des personnes handicapées à la vie sociale, politique et économique.

Le législateur a ainsi inscrit dans le droit un certain nombre de grands principes et de nouvelles règles s’appliquant au cadre bâti, à la voirie et aux transports. C’est sans doute sur ce volet de la loi de 2005 que les travaux des rapporteurs conduisent à dresser le constat le plus sévère : non seulement les règles n’ont été que très peu suivies d’effets, mais surtout elles ont été pour un certain nombre d’entre elles affaiblies dans leur portée même.

  1.   Le manque d’accessibilité du cadre bâti

La loi de 2005 et les textes réglementaires pris pour son application ont instauré des exigences nouvelles en matière d’accessibilité du cadre bâti, ce qui recouvre les logements, les établissements recevant du public (ERP) et les locaux professionnels. Vingt ans après le vote de la loi, l’accessibilité demeure très loin d’être acquise et le cadre juridique applicable en la matière a fait l’objet de reculs inadmissibles.

A.   Dans la continuité des dispositions de la loi de 1975, la loi du 11 février 2005 a renforcé le principe d’accessibilité universelle

L’exigence de l’accessibilité du cadre bâti est en réalité largement antérieure à la loi de 2005. Dès la loi du 30 juin 1975 d’orientation en faveur des personnes handicapées ([353]), le législateur en fixe le principe.

Quinze ans plus tard, constatant le manque de traduction concrète, le législateur réitère ces règles dans le cadre de la loi n° 91-663 du 13 juillet 1991 portant diverses mesures destinées à favoriser l’accessibilité aux personnes handicapées des locaux d’habitation, des lieux de travail et des installations recevant du public. Ces règles sont alors orientées sur le handicap moteur et reposent globalement sur le principe d’adaptabilité par des travaux simples. Mais une fois encore, les progrès restent en pratique modestes.

● En 2005, le législateur entend donner une nouvelle ambition au principe d’accessibilité, dans l’ensemble des champs de la vie sociale. Le cadre bâti est ciblé et l’article 21 du projet de loi vise ainsi à « donner une portée nouvelle au principe de l’accès de tous à tout, en complétant l’affirmation du principe d’accessibilité par des obligations concrètes et par une limitation des dérogations possibles » ([354]). Aux termes de l’article 41 de la loi, « les dispositions architecturales, les aménagements et équipements intérieurs et extérieurs des locaux d’habitation, qu’ils soient la propriété de personnes privées ou publiques, des établissements recevant du public, des installations ouvertes au public et des lieux de travail doivent être tels que ces locaux et installations soient accessibles à tous, et notamment aux personnes handicapées, quel que soit le type de handicap, notamment physique, sensoriel, cognitif, mental ou psychique » ([355]).

Avec la loi de 2005, le législateur renouvelle donc un principe présent en droit depuis 1975 et l’étend à toutes les formes de handicap. Il affirme également le principe d’accessibilité directe du bâti, en substitution du principe d’adaptabilité par travaux simples.

La définition de l’accessibilité du cadre bâti

L’article L. 111-1 du code de la construction et de l’habitation donne une définition de l’accessibilité du bâti : « un bâtiment ou un aménagement qui, dans des conditions normales de fonctionnement, permet à l’ensemble des personnes susceptibles d’y accéder avec la plus grande autonomie possible, de circuler, d’accéder aux locaux, d’utiliser les équipements, de se repérer, de s’orienter, de communiquer et de bénéficier des prestations en vue desquelles il a été conçu, quelles que soient les capacités ou les limitations fonctionnelles motrices, sensorielles, cognitives, intellectuelles ou psychiques de ces personnes ».

 Le principe de l’accessibilité du cadre bâti connaît toutefois dès la loi de 2005 et les textes pris pour son application ([356]) un certain nombre de tempéraments. Ainsi, l’obligation d’accessibilité s’applique uniquement :

– aux bâtiments ou partie de bâtiments nouveaux, avec des modalités particulières applicables aux maisons individuelles ([357]). Les dispositions ne sont pas obligatoires pour les propriétaires construisant ou améliorant un logement pour leur propre usage et les bâtiments d’habitation déjà existants ne sont donc pas concernés ;

– aux opérations de rénovation de grande ampleur. Ces règles n’ont vocation à s’appliquer qu’au-delà d’un seuil déterminé en fonction du rapport entre le coût des travaux et de la valeur des bâtiments. Ce seuil a été fixé par voie réglementaire à 80 % ([358]). Des dérogations sont possibles en cas d’impossibilités techniques, de contraintes liées à la préservation du patrimoine, ou en cas de disproportion manifeste entre les améliorations apportées et leurs conséquences ;

– aux établissements recevant du public (ERP), dans des règles qui diffèrent pour les constructions nouvelles ou les ERP existants ([359]).

L’ensemble du parc de logements déjà existants est donc exclu de l’obligation d’accessibilité, sauf en cas de rénovation de très grande ampleur.

● Dans l’objectif d’assurer l’effectivité de ces dispositions nouvelles, la loi étend le champ du contrôle technique des constructions au respect des règles relatives à l’accessibilité et conditionne l’accès à certaines aides à leur respect. L’autorité administrative peut fermer un ERP qui ne respecterait pas les règles d’accessibilité.

Des sanctions ont également été introduites par l’article 43 de la loi de 2005. Une amende de 45 000 euros est prévue en droit pour les architectes, entrepreneurs et toute personne responsable de l’exécution des travaux qui ne respecteraient pas les normes applicables. En cas de récidive, la peine est portée à six mois d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende.

Le cadre législatif et réglementaire applicable en matière d’accessibilité du cadre bâti, qu’il s’agisse du logement ou des ERP, a fait l’objet de plusieurs modifications substantielles depuis la loi de 2005, qui ont dans l’ensemble contribué à affaiblir l’ambition initiale.

B.   L’accès et le maintien dans le logement : un parcours du combattant pour les personnes en situation de handicap, dans un contexte de recul normatif

Les difficultés d’accès au logement, les problématiques d’insalubrité et de confort de vie sont des enjeux de société majeurs, qui se posent avec une acuité toute particulière pour les personnes handicapées. Ces dernières rencontrent des obstacles nombreux pour se loger et se maintenir dans leur logement. La faible accessibilité du parc constitue non seulement une entrave à l’effectivité du droit au logement mais limite également leur participation à la vie sociale.

Malgré les principes affirmés en 2005, l’accessibilité du parc a peu progressé en vingt ans. Le principe d’accessibilité a été progressivement réduit, sous l’effet des dérogations et modifications réglementaires et législatives.

1.    Des reculs législatifs et réglementaires ont freiné la mise en accessibilité des logements

L’obligation d’accessibilité des logements neufs et de ceux faisant l’objet de travaux de grande ampleur a fait l’objet de nombreux amoindrissements.

● En 2015, les obligations réglementaires sont modifiées ([360]) et affaiblissent considérablement la portée de l’obligation d’accessibilité dans le neuf. En particulier, le décret introduit la possibilité pour l’acquéreur d’un logement neuf d’avoir recours à des travaux modificatifs, à sa demande, afin de permettre l’adaptation du logement à ses besoins. Dans ce cadre, les règles d’accessibilité sont considérablement assouplies. Seule l’unité de vie du logement doit rester « visitable » et les toilettes adaptables. Identifiés comme un moyen de contournement des règles d’accessibilité, les travaux modificatifs de l’acquéreur (TMA), qui concerneraient selon les fédérations professionnelles du bâtiment entre 50 et 70 % des logements livrés, font l’objet de critiques fortes émanant du monde associatif.

● Par la suite, l’article 64 de la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (Elan) a fortement baissé les exigences d’accessibilité relatives à la production des logements neufs. Dans son article Comment meurt un droit ? La loi Elan et la fin de l’accessibilité du bâti ([361]), l’universitaire Pierre-Yves Baudot identifie l’article 64 de la loi Elan comme l’acte de décès du droit à l’accessibilité universelle, « qui avait été progressivement spécifié, depuis son énonciation dans la loi de 1975, jusqu’à son extension dans celle de 2005 ».

Ainsi, aux termes de l’article 64 de la loi Elan, 20 % de logements neufs en rez-de-chaussée ou desservis par ascenseur doivent être accessibles, les 80 % restants devant être évolutifs, au lieu de 100 % de logements neufs accessibles auparavant. Conformément à la définition qui en est donnée à l’article L. 111-1 du code de la construction et de l’habitation, un logement évolutif est un logement au sein duquel une personne en situation de handicap peut se rendre dans le séjour et le cabinet d’aisance et dont l’accessibilité des autres pièces est réalisable ultérieurement par des « travaux simples ».

Comme l’analyse notamment M. Pierre-Yves Baudot dans l’article précité, ces évolutions sont venues répondre à des demandes anciennes des promoteurs immobiliers et de plusieurs acteurs du bâtiment. Les acteurs du secteur dénoncent ainsi régulièrement l’augmentation des coûts de construction liés aux règles d’accessibilité ([362]) et leurs effets sur la qualité d’usage pour les personnes valides, avec notamment le rétrécissement des séjours et la disparition progressive des cuisines fermées. Or, les rapporteurs tiennent à rappeler que la vie en société et l’inclusion des personnes handicapées nécessitent d’une part de leur garantir un accès au logement, et d’autre part de leur permettre de rendre visite à leurs proches.

Le recul qu’a constitué la loi Elan en termes d’accessibilité des logements neufs a fait l’objet de vives condamnations, émanant du monde associatif et de la société civile, mais également du Défenseur des droits, de la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH), du comité européen des droits sociaux et du comité des droits des personnes handicapées de l’ONU.

● Certains textes pris pour application de la loi Elan sont toutefois venus contrebalancer partiellement l’effet de son article 64 :

– ainsi, le décret n° 2019-305 du 11 avril 2019 a rendu obligatoire l’installation d’un ascenseur dans les bâtiments d’habitation collectifs comportant plus de deux étages, au lieu de trois étages auparavant (article R. 162-3 du code de la construction et de l’habitation), ce qui constitue un progrès notable ;

– l’arrêté du 11 septembre 2020 a rendu obligatoire l’installation d’une zone de douche accessible dont l’accès se fait sans ressaut ou d’une baignoire ([363]). Néanmoins, l’installation de douches sans ressaut peut se heurter en pratique à des difficultés techniques et la possibilité réglementaire d’opter pour la baignoire réduit l’impact de l’arrêté, même si celui-ci précise qu’en cas « d’installation d’une baignoire, l’aménagement ultérieur de cette zone de douche est possible sans interventions sur le gros œuvre ».

● L’évaluation des dispositions de l’article 64 de la loi Elan fait l’objet d’un bilan plus que mitigé. Selon un rapport de l’Inspection générale de l’environnement et du développement durable (IGEDD) qui n’a pas été rendu public mais que les rapporteurs se sont procuré ([364]), la mise en œuvre de la loi Elan a globalement contribué à une diminution du niveau d’accessibilité des nouveaux logements livrés.

Le même rapport indique que le logement évolutif n’a pas permis d’économie à la construction mais engendre en revanche des surcoûts importants en cas de transformation ultérieure du logement. Les travaux « simples » peuvent s’avérer en pratique très complexes, nécessitant l’intervention de plus de sept corps de métiers, avec des coûts situés entre 3 000 à 30 000 euros, pour un coût moyen évalué entre 8 000 et 13 000 euros.

● En outre, le corpus réglementaire autorise des assouplissements importants, qui interrogent le caractère véritablement accessible des logements considérés comme tels, et induisent d’importantes difficultés en termes de confort d’usage pour les personnes en situation de handicap. Ainsi, le rapport précité de l’IGEDD met en évidence que, tout en restant conforme aux obligations normatives, il est possible aujourd’hui de délivrer des logements neufs, considérés comme accessibles, alors même qu’ils présentent des ressauts de l’ordre de 15 centimètres pour la douche et des marches d’accès aux balcons du même ordre ([365]). De surcroît, les acteurs du secteur du bâtiment entendus par les rapporteurs font mention de divergences d’interprétation de certaines règles, qui peuvent parfois entrer en contradiction les unes avec les autres. La Fédération française du bâtiment (FFB) demande à cet égard la mise en place d’une doctrine d’interprétation sous forme de guide ou de circulaire pour lever les difficultés de compréhension et d’application de la réglementation. Cela fait écho aux remarques formulées par le Comité des droits des personnes handicapées de l’ONU, qui souligne les disparités régionales concernant le respect des règles d’accessibilité.

Enfin, une difficulté supplémentaire tient à une application mécanique du corpus réglementaire sans prendre en compte le confort d’usage des personnes handicapées. Ainsi, à titre d’exemple, un arrêté du 30 novembre 2007 fixe à 2 centimètres le ressaut maximal des seuils de menuiserie. Faute d’acculturation, de formation et de sensibilisation des professionnels, il en résulte une application trop systématique du seuil de 2 centimètres, qui diminue considérablement le confort d’usage des personnes handicapées en fauteuil roulant.

 Insuffisantes sur le fond, ces règles sont également peu contrôlées. En vertu de l’article R. 122-30 du code de la construction et de l’habitation, une attestation de conformité doit être jointe à la déclaration relative à l’achèvement et à la conformité des travaux. Celle-ci est adressée au maire de la commune qui la transmet, le cas échéant, à l’autorité de délivrance du permis de construire. En pratique, le rapport de l’IGEDD précité dénonce « une absence totale de contrôle » qui n’incite pas à la qualité. Les rapporteurs observent que les attestations de conformité n’ont été que très récemment mises à jour et sont restées obsolètes pendant plus de dix ans (voir l’encadré ci-dessous).

Une récente mise à jour des conditions de contrôle et des attestations

L’ordonnance n° 2022-1076 du 29 juillet 2022 (1) a pour objectif d’améliorer l’efficacité du contrôle des règles de construction et ainsi la qualité des bâtiments neufs ou ayant fait l’objet de travaux soumis à permis de construire et achevés depuis moins de six ans. En ce qui concerne le respect des règles d’accessibilité, un décret en Conseil d’État et un arrêté (2) modifient le contenu technique de l’attestation d’accessibilité. L’arrêté fixe :

– la création de nouveaux modèles d’attestation afin de prendre en compte les logements temporaires ou saisonniers, ainsi que les travaux sur les bâtiments existants (soit neuf modèles au lieu de trois actuellement dans l’arrêté du 22 mars 2007) ;

– la modification du format de l’attestation afin de le rendre cohérent avec les autres modèles d’attestation et de préparer et faciliter la future dématérialisation du contenu ;

– l’actualisation du contenu de l’attestation afin de prendre en compte les modifications réglementaires depuis 2007, en particulier les dispositions dans les établissements recevant du public et les logements datant de 2014, 2015 et 2017, ainsi que celles issues de la loi Elan (logement évolutif et douches sans ressaut).

(1)    Ordonnance n° 2022-1076 du 29 juillet 2022 visant à renforcer le contrôle des règles de construction.

(2)    Décret n° 2023-1175 du 12 décembre 2023 relatifs aux documents attestant du respect des règles concernant l’acoustique, l’accessibilité et la performance énergétique et environnementale et arrêté du 26 décembre 2023 relatif aux attestations de respect de la réglementation d’accessibilité dans les bâtiments neufs et existants aux personnes en situation de handicap.

Source : Rapport remis par le Gouvernement au Parlement en application de l’article 64 de la loi Elan.

● Des condamnations ont été prononcées imposant parfois des déconstructions (HLM Ille‑et‑Vilaine, Landes, Hauts-de-Seine) ([366]) mais celles‑ci restent extrêmement marginales. La direction de l’habitat, de l’urbanisme et des paysages (DHUP) a ainsi indiqué, dans sa contribution écrite, que si des sanctions administratives sont prévues dans le cadre des contrôles des règles de construction ([367]), leur déclinaison réglementaire, qui nécessite un renforcement des effectifs des agents en charge des contrôles, n’a pas encore été effectuée. Ces sanctions administratives ne sont donc à ce jour ni appliquées ni applicables.

2.   Les personnes handicapées font face à de grandes difficultés pour se loger, ce qui contribue au maintien en institution

● Le handicap constitue aujourd’hui un frein dans l’accès au logement. Les personnes handicapées sont surreprésentées parmi les mal-logés. Plus d’une personne handicapée sur deux rencontre des difficultés en matière d’accès au logement (56 %), contre 28 % pour la population générale ([368]). Les personnes handicapées ont moins de chances d’accéder à un logement dans le parc privé, que ce soit en tant que propriétaire – 9 % de propriétaires contre 23 % pour la population générale – ou en tant que locataires. Elles sont par ailleurs surreprésentées parmi les locataires du parc social : 24 % des personnes handicapées sont logées dans le parc social contre 15 % de la population générale ([369]).

La pénurie de l’offre de logements accessibles, la vétusté du parc, mais aussi la précarité, les discriminations et le manque d’accompagnement sont autant de facteurs qui expliquent ces inégalités.

Le manque d’accessibilité des logements est un frein majeur à la désinstitutionnalisation et à l’autonomie des personnes. Il conduit à leur maintien en établissement social ou médico-social ou dans leur famille, faute de lieu de vie alternatif, et les empêche trop souvent de rendre visite à leurs proches et donc de participer à la vie sociale.

Témoignage issu de la consultation Rien Sans nouS (voir annexe n° 1)

Gwenn : « Pourquoi ne puis-je toujours pas me rendre dans les 3/4 des appartements de mes ami(e)s ? »

Les défauts d’accessibilité du parc de logements constituent en tant que tels une violation de la convention des Nations unies sur les droits des personnes handicapées, qui implique, pour les personnes handicapées, « la possibilité de choisir, sur la base de l’égalité avec les autres, leur lieu de résidence ». Il s’agit aussi d’une violation de la Charte sociale européenne. Le Comité européen des droits sociaux (CEDS) du Conseil de l’Europe, dans sa décision rendue publique le 17 avril 2023, a considéré que « le droit des personnes handicapées à l’intégration sociale [...] a été violé en raison du fait que les autorités n’ont pas adopté de mesures efficaces dans un délai raisonnable pour remédier aux problèmes de longue date liés à l’accès inadéquat [...] au logement [...] ».

● La Fondation pour le logement des défavorisés ([370]) a consacré une partie de son rapport annuel 2025 sur le mal-logement à la situation des personnes handicapées. Ces dernières sont confrontées à « toutes les facettes du mal-logement en pire ». En 2018, les ménages en situation de handicap subissent ainsi plus souvent des situations de précarité énergétique (36 % rencontrent des difficultés pour chauffer leur logement contre 20 % pour l’ensemble des ménages), des problématiques relatives à l’insalubrité (22 % contre 14 % pour le reste de la population) ([371]). Plus exposées que le reste de la population à la précarité, les personnes handicapées sont aussi davantage confrontées au risque d’expulsion.

Les personnes handicapées sans domicile : une double peine et des conditions d’existence très difficiles

D’après l’enquête Sans-domicile de l’Insee, 10 % des adultes à la rue nés en France étaient bénéficiaires de l’AAH en 2012. 30 à 50 % des personnes à la rue souffriraient d’un handicap psychique.

Les conditions de vie difficiles de la rue sont de nature à aggraver le handicap et à fragiliser les personnes vieillissantes. Les passages à la rue peuvent également être à l’origine de l’apparition d’un handicap ou d’un vieillissement prématuré.

Peu de structures d’hébergement d’urgence sont adaptées aux personnes handicapées et, lorsqu’elles le sont, celles-ci sont saturées. Pour certains profils, comme les personnes sourdes et malentendantes, le numéro d’urgence 115 ne leur est pas accessible, et le 114, qui leur est dédié, s’occupe en priorité des urgences vitales (accidents, incendies...) et n’est disponible que via une application smartphone.

Source : Fondation pour le logement des défavorisés, 30e rapport annuel sur l’état du mallogement en France, 2025.

● Les travaux de l’économiste Alexandre Flage, dont la thèse porte sur les discriminations dans l’accès au logement en France, montrent qu’une personne handicapées a deux fois moins de chances qu’une personne valide d’obtenir une visite d’un logement ([372]).

Ces discriminations frappent les différentes formes de handicap. Les personnes avec un handicap psychique peuvent faire l’objet de lourdes discriminations et rencontrent de graves difficultés d’accès aux logements, comme les rapporteurs ont pu le constater, notamment au cours de leurs échanges avec l’association Unafam Côte‑d’Or. Selon les données de l’association, 30 % des personnes présentant des troubles psychiques vivent chez un proche. Les personnes handicapées, et particulièrement les personnes avec un handicap psychique ou mental, peuvent se retrouver « assignées à résidence », chez leur famille ou en institution, au mépris des engagements internationaux de la France.

Les personnes auditionnées par les rapporteurs ont signalé que certains bailleurs refusent de prendre en compte l’AAH ou les pensions d’invalidité pour évaluer les ressources des futurs locataires. Le Défenseur des droits a ainsi été amené à rappeler que le refus de prendre en compte l’AAH dans les ressources du candidat à la location d’un logement constitue une discrimination indirecte fondée sur le handicap ([373]).

● Dans le parc social également, l’accès au logement social est plus difficile pour une personne handicapée que pour une personne valide. Ainsi, pour un taux global de satisfaction des demandes HLM qui s’élève à 15 % en 2023, seules 11 % des personnes handicapées ont obtenu une réponse positive.

Taux de satisfaction des demandes HLM en 2023

 

Handicap

Total

Nombre total de demandes d’un logement HLM

192 417

2 607 047

Nombre de demandes satisfaites

22 018

392 972

Taux de satisfaction des demandes

11 %

15 %

 

 

Handicap

Total

Nombre total de demandes de mutation HLM

115 817

843 940

Nombre de demandes satisfaites

12039

105 207

Taux de satisfaction des demandes

10 %

12 %

Sources : SNE, situation à fin décembre 2023 hors associations, Fondation pour le logement des défavorisés, 30e rapport annuel sur l’état du mal logement en France, 2025.

3.   Un parc globalement très loin d’être accessible et des données trop lacunaires

Les données manquent pour évaluer précisément l’accessibilité du parc de logements en France, ce qui constitue en soi un problème important, témoignant du manque de pilotage des politiques publiques conduites en la matière.

● Introduite par la loi de 2005, l’obligation pour les communes de plus de 5 000 habitants de recenser l’offre de logements accessibles aux personnes âgées ou handicapées ([374]) semble peu respectée et n’a pas fait l’objet d’un travail de consolidation. La direction de l’habitat, de l’urbanisme et des paysages (DHUP) ne connaît pas avec certitude le nombre de logements accessibles. Le chiffre de 6 % de la totalité du parc qui serait adapté à la perte d’autonomie est régulièrement cité, mais il date d’une enquête de 2006 ([375]) et reste, selon l’avis du ministère du logement, peu fiable.

 La connaissance de l’accessibilité du parc social est meilleure, bien qu’imparfaite. Comme le souligne la DHUP, les données disponibles dans le cadre du répertoire du parc locatif social (RPLS), sont incomplètes et seules celles relatives à l’accessibilité aux personnes en fauteuil roulant sont déclarées. En 2024, sur les 5 371 976 logements du parc social, 4 % sont ainsi adaptés à la circulation en fauteuil roulant. Pour plus d’un tiers du parc, l’accessibilité est inconnue ([376]).

D’autres chiffres sont présentés dans le dernier rapport commun de l’Agence nationale de contrôle du logement social (Ancol) et du Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie (Credoc) ([377]). D’après ce rapport, le nombre de logements adaptés ([378]) dans le parc social se situe entre 350 000 et 590 000, soit 7 % à 12 % du parc social. 26 à 28 % du parc seraient accessibles au sens de la réglementation de 2005 et 15 à 31 % des logements sont considérés comme adaptables (voir le tableau ci-dessous). En outre, 33 % des logements livrés sont considérés comme adaptés, avec des disparités importantes en fonction des bailleurs ([379]).

Nombre et part de logements sociaux adaptés, accessibles et adaptables

 

Estimation basse

Estimation haute

Nombre de logements adaptés

350 000 (7 %)

590 000 (12 %)

Nombre de logements adaptables

750 000 (15 %)

1 570 000 (31 %)

Nombre de logements accessibles

1 280 000 (26 %)

1 420 000 (28 %)

Source : Ancols et Credoc, Adaptation au vieillissement et au handicap dans le parc social, août 2024.

4.   Inverser la tendance : des évolutions urgentes pour adapter le parc et garantir le droit au logement des personnes handicapées

Alors que le vieillissement de la population constitue un enjeu majeur et que la France doit répondre au double défi du virage domiciliaire et de la désinstitutionnalisation, les questions d’accessibilité paraissent encore trop peu prises en compte, voire parfois absentes des réflexions actuelles en matière de politiques du logement. Face aux reculs successifs intervenus en la matière, les rapporteurs appellent à un renversement de tendance, pour adapter le parc et ainsi garantir le droit au logement des personnes handicapées.

a.   Rendre obligatoire l’accessibilité de tous les logements neufs et renforcer les contrôles

● Les logements neufs représentent aujourd’hui environ 1 % du parc de logements en France. Dans un contexte où il est plus facile et moins coûteux de construire un logement accessible que de rendre ce même logement accessible par des travaux ultérieurs, la construction de logements neufs joue un rôle stratégique pour rattraper le retard et la pénurie globale de logements accessibles. Il s’agit là d’un investissement indispensable pour l’avenir. Les rapporteurs ont conscience des implications économiques de cette généralisation, mais il s’agit là d’un investissement d’intérêt général nécessaire pour garantir les droits des personnes handicapées, engager la désinstitutionnalisation et anticiper le vieillissement démographique.

C’est pourquoi les rapporteurs appellent, à l’instar de très nombreuses instances citées supra (ONU, Comité européen des droits sociaux, associations, Défenseur des droits, etc.) à revenir sur le recul qu’a constitué à la loi Elan à cet égard en garantissant l’accessibilité de tous les logements neufs ou faisant l’objet de rénovations de très grande ampleur. Les rapporteurs souhaitent également rendre obligatoires les ascenseurs dans l’ensemble des constructions neuves, en supprimant la disposition qui limite aujourd’hui l’application des règles d’accessibilité aux bâtiments d’habitation d’au moins trois étages.

La réaffirmation de l’accessibilité universelle des logements nouvellement construits, qui nécessite une modification législative, doit également s’accompagner d’une clarification du cadre réglementaire. Il convient ainsi de mettre fin aux trop nombreuses dérogations réglementaires existantes, détaillées supra, qui conduisent à déclarer accessibles des logements qui ne le sont pas. Une revue des dérogations existantes est nécessaire, afin d’identifier les faiblesses de ce cadre et d’y remédier. En parallèle, des guides de mise en œuvre seraient utiles, pour clarifier les règles applicables et remédier aux disparités territoriales.

En outre, les rapporteurs considèrent qu’il convient d’informer et de sensibiliser systématiquement les propriétaires construisant ou améliorant un logement pour leur propre usage, quant aux enjeux de l’accessibilité. En effet, des aménagements jugés a priori superflus peuvent s’avérer indispensables en cas de perte d’autonomie temporaire ou durable, qu’elle soit liée à un accident ou au vieillissement.

● Ce nouveau cadre doit s’accompagner d’une meilleure prise en compte de la pluralité des formes de handicap.

Si la loi de 2005 avait pour ambition de penser l’accessibilité du bâti pour l’ensemble des formes de handicap, les questions d’accessibilité pour les personnes handicapées dont le handicap est cognitif ou psychique sont souvent reléguées au second plan.

Or, les enjeux d’accessibilité sont majeurs en ce qui les concerne, et progresseront sous l’effet de la désinstitutionnalisation. Comme le souligne le rapport du Collectif Handicaps, « si la mise en place de rampes, de boucles magnétiques, de balises sonores est évidemment essentielle, ces dispositifs ne répondent pas aux besoins de toutes les personnes en situation de handicap : l’accompagnement humain formé, l’attention aux stimulations sensorielles, la signalétique, l’agencement des espaces, la sécurité du site sont autant d’aménagements nécessaires pour permettre une accessibilité universelle ». L’éclairage, les couleurs, l’acoustique, la signalisation sont aujourd’hui insuffisamment pris en compte dans la réglementation et dans les pratiques des professionnels. En particulier, la question des nuisances sonores, qui peuvent provoquer des crises chez les personnes autistes, a été évoquée à plusieurs reprises au cours des auditions.

L’accessibilité du cadre bâti : des besoins qui ne se limitent pas au handicap moteur

Le handicap moteur nécessite des adaptations pour permettre la circulation et l’accès aux sanitaires et pièces de vie, ainsi qu’aux prises, fenêtres, interrupteurs, etc.

Le handicap visuel implique des adaptations pour faciliter le repérage dans l’espace ; le handicap auditif peut rendre pertinents des alertes et systèmes lumineux, notamment pour l’interphone ou l’alarme incendie.

Certains handicaps, comme ceux relevant des troubles neuro-développementaux, peuvent nécessiter une isolation phonique pour limiter les bruits extérieurs, qui peuvent engendrer, pour certaines personnes autistes, des nuisances à même de provoquer des crises résultant d’une hyper-stimulation sensorielle.

Une approche fine, parfois au cas par cas, est nécessaire car les besoins peuvent être différents y compris pour une même forme de handicap. La prise en compte du vécu et des usages constituent des points essentiels. Cela passe par la formation des professionnels (voir infra), par l’écoute et la prise en compte de l’expérience des personnes concernées, et par une évolution du cadre réglementaire. Il convient ainsi, comme le recommande le Collectif Handicaps, de veiller à ce que les cahiers des charges en matière d’accessibilité prennent en compte les différentes formes de handicap.

● Enfin, il est indispensable de développer une politique de contrôles à la hauteur des enjeux, qui implique de renforcer les moyens des services compétents. Il est également souhaitable de prendre les décrets d’application pour rendre effectives les sanctions administratives créées par le législateur.

Recommandation n° 45 : Rendre obligatoire l’accessibilité de l’ensemble des logements neufs ou faisant l’objet de travaux de grande ampleur :

 rendre obligatoires les ascenseurs dans l’ensemble des constructions neuves dès le premier étage ;

 établir une revue du cadre réglementaire en matière d’accessibilité des logements afin d’identifier et les dérogations excessives et d’y mettre fin ;

 veiller à ce que les différentes formes de handicap soient prises en compte dans les normes d’accessibilité ;

 élaborer une doctrine d’interprétation des règles d’accessibilité afin de garantir leur application uniforme sur tout le territoire ;

 informer et sensibiliser systématiquement les propriétaires construisant ou améliorant un logement pour leur propre usage, quant aux enjeux de l’accessibilité.

Recommandation n° 46 : Bâtir une politique de contrôles des normes d’accessibilité en y accordant les moyens adéquats :

– publier les textes réglementaires nécessaires à l’effectivité des sanctions administratives prévues par la loi ;

– renforcer les moyens des services préfectoraux en charge du contrôle du respect des normes d’accessibilité.

b.   Renforcer la transparence autour de l’offre de logements accessibles

Une meilleure connaissance de l’état du parc est essentielle pour piloter les politiques publiques et orienter les personnes handicapées vers l’offre de logements accessibles. Malgré des annonces formulées depuis plusieurs années déjà – et notamment à l’occasion de la Conférence nationale du handicap du 26 avril 2023 – les outils peinent encore à voir le jour.

● Du côté du parc social, selon les informations fournies par la DHUP, en 2025, l’accessibilité de chaque logement devrait pouvoir être connue dans le cadre du répertoire du logement social. Toutefois, à l’heure actuelle, seul un bailleur sur deux utilise un système d’identification ou de classification des logements pour en connaître le niveau d’accessibilité et d’adaptation ([380]) et 80 % des bailleurs déclarent ne pas être en mesure d’identifier les personnes handicapées parmi les occupants des logements sociaux ([381]).

En outre, lorsqu’ils existent, les systèmes d’information et de classification sont loin d’être pleinement opérants. Le rapport précité de la Fondation pour le logement des défavorisés souligne des problèmes de classification, avec notamment des logements pouvant être classés « adaptés personnes à mobilité réduite » alors même que toutes les pièces ne sont pas accessibles. L’amélioration et la fiabilisation des systèmes d’information utilisés par les bailleurs sociaux apparaît donc indispensable pour améliorer la connaissance du niveau d’accessibilité du parc.

Témoignage issu de la consultation Rien Sans Nous (voir annexe n° 1)

Jérémy : « Alors qu’on m’avait attribué un logement social en 2023 et qu’on m’avait juré qu’il était adapté aux PMR, ce n’était pas du tout le cas. J’ai dû attendre un an avant de pouvoir profiter d’un appartement plus accessible sans que ça ne soit parfait. Aucune solution de repli ne m’a pas été proposée pendant ce laps de temps, m’éloignant un peu du marché de l’emploi et de mes amis pendant 14 mois. »

Les rapporteurs invitent le Gouvernement à faire de cette question une priorité et à outiller les bailleurs sociaux avec des systèmes d’information efficaces.

● Concernant la connaissance de l’accessibilité du parc privé, un label facultatif est en cours d’élaboration – depuis plus de deux ans. Celui-ci doit permettre aux personnes handicapées de repérer plus facilement les logements accessibles sur les annonces immobilières. Les rapporteurs considèrent qu’un tel label devrait être rendu obligatoire, à la condition qu’il garantisse réellement l’accessibilité des logements recensés.

Recommandation n° 47 : Améliorer la connaissance de l’accessibilité du parc privé et social :

– veiller à ce que les bailleurs sociaux se dotent de systèmes d’information performants pour répertorier l’offre de logements accessibles aux personnes handicapées ;

– rendre obligatoire la publicité des informations sur l’accessibilité des logements proposés à la vente ou à la location.

c.   Accompagner la rénovation du parc de logements

Des actions sont indispensables pour engager un travail de rénovation du parc de logements afin d’en améliorer l’accessibilité.

En complément du soutien financier qui peut être obtenu dans le cadre de la PCH, des aides financières existent pour encourager et soutenir les travaux d’adaptation des logements. Toutefois, les restes à charge restent élevés, et les délais de traitement des demandes excessifs. Par ailleurs, la réalisation des travaux nécessaires suppose également la mobilisation d’entreprises qualifiées, dont l’offre est aujourd’hui insuffisante.

● Depuis 2024, la principale subvention aux travaux d’adaptation du logement à la perte d’autonomie et au handicap est MaPrimeAdapt’, distribuée par l’Agence nationale de l’habitat (Anah), qui a remplacé plusieurs aides préexistantes. Initialement pensée pour les travaux d’adaptation nécessaires à la perte d’autonomie des personnes âgées, elle a été étendue aux personnes handicapées. Versée sous conditions de ressources, elle cible les propriétaires occupants ainsi que les locataires. En pratique, le demandeur de l’aide est orienté vers un assistant à maîtrise d’ouvrage spécialisé en matière d’autonomie. MaPrimeAdapt’ couvre 70 % des dépenses engagées au titre des travaux pour les ménages très modestes et 50 % de ces dépenses pour les ménages modestes, dans la limite d’un plafond de 22 000 euros hors taxes.

En 2024, MaPrimeAdapt’ a permis le financement des travaux d’adaptation de 36 293 logements, pour un montant total de 207,5 millions d’euros. Les opérations les plus fréquentes sont l’installation d’une douche sans ressaut, l’adaptation de la salle de bains, la pose de barres d’appui et de mains courantes, le rehaussement des toilettes et l’installation d’un monte-escalier.

Les bénéficiaires de MaPrimeAdapt’ en 2024

En 2024, le montant moyen de subvention a été de 5 596 euros, pour un coût total moyen des travaux réalisés de 8 940 euros. L’Île-de-France et les départements d’outre-mer présentent des coûts de travaux plus élevés, avec des moyennes respectives de 12 511 euros et 10 791 euros par dossier. Les aides complémentaires des collectivités et caisses de retraite peuvent prendre en charge jusqu’à 40 % du montant du reste à charge(pour un montant moyen de 1 663 euros).

L’âge moyen du bénéficiaire est passé d’environ 81 ans à 78 ans entre 2023 et 2024. 81 % des bénéficiaires ont plus de 70 ans.

70 % des bénéficiaires ont des revenus très modestes et 30 % des revenus modestes. 97 % sont propriétaires de leur logement, contre seulement 3 % de locataires. 67 % des ménages aidés habitent dans une maison et 33 % dans un immeuble collectif. 75 % habitent dans un logement construit après 1950.

En 2024, 10 % des dossiers MaPrimeAdapt’ ont été déposés par un ménage dont l’un des membres présente un handicap. Ce chiffre est stable par rapport aux années précédentes (dispositif « Habiter facile » de l’Anah). Le montant moyen des travaux, et donc de la subvention, est plus élevé pour les dossiers déposés par des personnes handicapées que pour les dossiers déposées par des personnes âgées : 11 600 euros contre 8 645 euros pour le coût des travaux, et 7 061 euros contre 5 559 euros pour le montant de la subvention.

Source : contribution écrite de la DHUP.

L’impact de MaPrimeAdapt’ reste pour le moment insuffisant pour atteindre l’objectif fixé de 680 000 logements adaptés d’ici 2032, dont 250 000 d’ici 2027.

Outre le besoin d’accroître l’information et la communication à destination des personnes handicapées sur les aides disponibles pour financer des travaux d’adaptation de leur logement, d’autres pistes d’amélioration sont également envisageables :

– réduire la complexité administrative dans l’accès à cette aide et envisager des mécanismes pour limiter l’avance de frais pour les ménages les plus modestes ;

– mettre en place des dispositifs anti-fraude efficaces et s’assurer de la qualification des professionnels en charge de la réalisation des travaux ;

– réduire le reste à charge pour les ménages les plus modestes, et rehausser le plafond des dépenses éligibles pour aller jusqu’à 30 000 euros (le coût des travaux d’adaptation pour un handicap est significativement plus élevé que celui des travaux d’adaptation au vieillissement), comme le propose la Fondation pour le logement des défavorisés ;

– ouvrir le dispositif aux ménages dont les revenus sont intermédiaires ;

– rendre le dispositif effectif dans les territoires ultramarins, où sa mise en œuvre se heurte aujourd’hui à un déficit d’opérateurs qualifiés.

Recommandation n° 48 : Améliorer le fonctionnement de Ma PrimeAdapt’ :

– réduire la complexité administrative de l’accès à cette aide et envisager des mécanismes pour limiter l’avance de frais pour les ménages les plus modestes ;

– mettre en place des dispositifs anti-fraude efficaces et s’assurer de la qualification des professionnels en charge de la réalisation des travaux ;

– réduire le reste à charge pour les ménages les plus modestes, ouvrir le dispositif aux ménages dont les revenus sont intermédiaires et rehausser le plafond des dépenses éligibles à hauteur de 30 000 euros ;

– rendre le dispositif effectif dans les territoires ultramarins.

● En complément de MaPrimeAdapt’, l’Anah verse aussi des subventions spécifiques à l’adaptation des logements détenus par des propriétaires bailleurs privés et à l’accessibilité des halls d’immeubles pour les copropriétés. Le nombre de bénéficiaires de ces aides reste extrêmement faible, avec respectivement en 2024, 42 bénéficiaires pour la première catégorie et 20 copropriétés aidées pour la seconde ([382]).

À cela s’ajoutent différentes subventions versées par les collectivités territoriales ou les caisses de retraite complémentaire, ainsi que les prêts à taux bonifié proposés par Action Logement. Un crédit d’impôt ([383]) soutient également le financement des travaux d’adaptation et d’accessibilité, mais, depuis le 1er janvier 2024, il est réservé aux ménages aux revenus intermédiaires et a vocation à disparaître.

Un effort de lisibilité et de communication sur les différentes aides disponibles en complément de MaPrimeAdapt’ paraît souhaitable. La subvention accordée aux copropriétés mérite en outre une attention particulière. En effet, la possibilité pour l’assemblée générale de la copropriété de refuser des travaux de mise en accessibilité des parties communes a été identifiée au cours des auditions comme l’un des freins à la mise en accessibilité du parc.

En complément, les rapporteurs notent que le Collectif Handicaps demande la révision des plafonds du volet « adaptation du logement » de la PCH, afin de le mettre en cohérence avec le coût actuel des travaux. Les rapporteurs y sont évidemment favorables mais considèrent que cette proposition pourrait s’inscrire dans le cadre de la refonte globale de la PCH qu’ils préconisent (voir supra). La rupture de la logique en silos pourrait permettre de financer de tels travaux en lien avec le projet de vie de la personne handicapée bénéficiaire.

● Enfin, un grand plan relatif à l’entretien des ascenseurs est essentiel. Les pannes d’ascenseur, contraignantes pour tous les habitants, peuvent rendre impossible le quotidien des personnes handicapées. 85 % des personnes handicapées évoquent des difficultés à sortir de chez elles et pour 77 % d’entre elles, les escaliers représentent un obstacle quotidien ([384]). La longueur des délais d’intervention et l’absence de réponses concrètes imposent des engagements renforcés des bailleurs et des ascensoristes pour ne pas laisser les personnes sans solution. La proposition de loi visant à lutter contre les pannes d’ascenseur non prises en charge, votée en première lecture à l’Assemblée nationale ([385]), comprend des avancées en ce sens, en ce qu’elle renforce les obligations d’intervention et les sanctions afférentes. Comme le propose l’association Handi-social, il serait aussi pertinent d’étendre les dispositions de l’article 12 de l’arrêté du 18 novembre 2004 ([386]) afin que l’obligation d’intervention 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 ne concernent plus uniquement les personnes bloquées en cabine, mais aussi celles qui sont dans l’impossibilité d’entrer ou de sortir librement de leur immeuble.

d.   Des actions spécifiques à conduire dans le parc social

Bien que les personnes handicapées fassent partie des publics prioritaires pour l’attribution d’un logement social, elles ont proportionnellement moins de chances de l’obtenir qu’une personne valide ([387]) et l’attendent plus longtemps.

Le récent rapport conjoint de l’Ancols et du Credoc précité met en lumière de grandes disparités d’implication des bailleurs sociaux quant aux politiques mises en œuvre pour faciliter l’accès au parc social des personnes handicapées. Si deux tiers des bailleurs indiquent disposer de ressources en interne pour conduire la politique d’adaptation, seuls 14 % disposent d’un service dédié à ces questions. En 2022, seul un quart des bailleurs avait réalisé des travaux d’adaptation sur un peu plus de 1 % de leur parc. L’effort d’investissement reste modeste : entre 230 et 280 millions d’euros, soit 1 % à 2 % de l’investissement des bailleurs ([388]).

Les auditions conduites par les rapporteurs ont permis de mettre en exergue certaines difficultés et d’identifier des pistes d’amélioration.

● L’attribution des logements adaptés aux personnes en situation de handicap se heurte à des difficultés d’appariement. Le droit prévoit que les logements adaptés pour les personnes handicapées doivent leur être attribués en priorité ([389]) et autorise les bailleurs sociaux à réserver un logement pour une personne en situation de handicap ([390]). Dans les faits, les bailleurs ne réservent pas toujours les logements adaptés aux bénéficiaires qui en ont le plus besoin, compte tenu des problématiques de gestion des flux et des vacances. C’est particulièrement le cas dans les territoires ruraux, où le nombre des candidats ne permet pas toujours d’identifier un bénéficiaire en perte d’autonomie liée à l’âge ou au handicap. Les bailleurs sociaux font valoir qu’il est difficile de suspendre des attributions dans un contexte de tensions générales ente l’offre et la demande dans le parc social.

Des attributions de logements adaptés non ciblés
L’analyse de l’Ancols et du Credoc

« Plusieurs freins peuvent expliquer cette difficile projection dans une politique de réattribution systématique. D’une part, cela nécessite des outils de suivi adéquats [...]. D’autre part, cela nécessite une articulation fine avec la politique attributive [...]. Enfin, cela peut engendrer dans certains cas une perte financière. C’est plus vraisemblablement le cas dans les zones détendues, où les bailleurs connaissent un taux de vacance plus élevé et des difficultés objectives à la location. Sans remettre en cause cette complexité, il importe de souligner que la stratégie actuelle de travaux a minima et le refus de dédier une partie du parc aux besoins du vieillissement de manière durable a également un coût :

«  pour les locataires ayant un besoin d’adaptation, en termes de confort, de sécurité et de santé ;

«  pour les bailleurs, en termes financiers (les travaux n’étant pas valorisés au-delà du premier locataire). »

Les rapporteurs estiment qu’il est nécessaire de développer des stratégies permettant la réattribution systématique des logements adaptés aux bénéficiaires présentant des besoins d’accessibilité, ce qui suppose une connaissance fine du parc et des demandeurs, mais également des outils pour compenser la perte financière supportée par les bailleurs. Cela doit nécessairement s’ancrer dans le cadre d’une réflexion plus large sur les capacités du parc social, qui fait l’objet de fortes tensions – le logement social répond aujourd’hui positivement à une demande sur sept, contre une sur quatre il y a dix ans ([391]).

Recommandation n° 49 : Développer des stratégies permettant la réattribution systématique des logements adaptés aux bénéficiaires présentant des besoins d’accessibilité.

 Les travaux d’adaptation sont insuffisants, interviennent dans des délais trop longs et sont parfois mal réalisés.

Les locataires du parc social peuvent demander à leur bailleur des travaux d’adaptation. Les délais d’attente pour la réalisation des travaux sont supérieurs à six mois pour la moitié des bailleurs. L’Ancols et le Credoc soulignent que certains travaux sont parfois mal réalisés. L’implication d’ergothérapeutes reste limitée, reflétant une approche principalement axée sur le bâti plutôt que sur les besoins spécifiques des occupants. En outre, un quart environ des demandes ne sont pas acceptées, pour des raisons tenant à des contraintes techniques ou financières. Moins d’un bailleur sur deux informe ses locataires sur la possibilité de demander une adaptation du logement, dans un contexte où ils peinent déjà à gérer l’ampleur de la demande spontanée. Or, il est impératif de mieux répondre aux besoins des locataires.

Recommandation n° 50 : Mieux répondre aux demandes d’adaptation de logements formulées par les locataires du parc social :

– renforcer l’information des locataires sur la possibilité de solliciter des travaux d’aménagement ;

– réduire les délais de traitement de demande, en fixant une durée maximale ;

– améliorer la qualité des adaptations, en encourageant les bailleurs à faire appel à des ergothérapeutes de manière plus systématique ;

– sécuriser les financements alloués à ces opérations ;

– renforcer la formation des acteurs du logement social aux enjeux de l’accessibilité.

Au-delà des adaptations réalisées à la demande des locataires, les logements peuvent être rendus accessibles dans le cadre des programmes de rénovation déployés par les bailleurs. Ainsi, un tiers des logements ayant fait l’objet d’une rénovation globale visant à renforcer la performance énergétique du bâti aurait bénéficié́ par la même occasion de travaux d’adaptation au vieillissement ou au handicap ([392]).

Il est impératif d’intégrer dans le cadre du conventionnement entre l’État et les acteurs du logement social des engagements ambitieux en matière d’adaptation et d’accessibilité du parc social. Si la DHUP indique qu’il est prévu « d’encourager la création d’un référentiel commun sur le logement adapté, adaptable et accessible dans le parc social » ([393]), les rapporteurs considèrent que cette initiative, bien que bienvenue, reste insuffisante au regard des enjeux. Une planification de l’adaptation du parc social est nécessaire. En particulier, la question de l’accessibilité devrait être systématiquement intégrée dans le cadre des programmes de rénovation engagés pour répondre aux nouvelles règles en matière de performance énergétique.

● Pour financer ces travaux de rénovation, les bailleurs sociaux s’appuient très majoritairement sur le dégrèvement de la taxe foncière ([394]). Auditionnée par les rapporteurs, l’Union sociale pour l’habitat (USH) a fait part des difficultés financières rencontrées dans les territoires où la taxe foncière a été supprimée ou réduite, limitant de fait les possibilités de financement par dégrèvement. L’USH demande à ce que le dégrèvement reste possible en raisonnant à l’échelle de l’ensemble du patrimoine du bailleur. Par ailleurs, il est regrettable que les bailleurs sociaux fassent peu appel aux autres aides financières disponibles proposées par la Caisse nationale d’assurance vieillesse ou les collectivités territoriales, principalement en raison d’une méconnaissance de ces dispositifs ([395]).

Recommandation n° 51 : Élaborer une trajectoire de rénovation du parc social pour répondre aux enjeux de l’accessibilité :

– intégrer la question de l’accessibilité dans le cadre des programmes de rénovation des logements engagés pour répondre aux nouvelles règles en matière de performance énergétique ;

– faciliter le financement de ces travaux en garantissant la possibilité de recourir au dégrèvement de la taxe foncière et en faisant mieux connaître les autres aides existantes.

e.   Un enjeu central de formation

Le retard actuel en matière d’accessibilité résulte en partie du manque de formation et de sensibilisation des professionnels du bâtiment au handicap. Les rapporteurs considèrent que la formation sur les besoins et les usages des personnes handicapées est primordiale.

La formation, la sensibilisation et l’acculturation des acteurs du secteur du logement constituent un enjeu central pour que le secteur s’empare et s’approprie les enjeux de l’accessibilité. Il convient ainsi de dépasser une vision médicalisée et exclusivement normative de l’accessibilité, pour donner une place beaucoup plus importante au confort d’usage, à la diversité des besoins, et promouvoir de conceptions architecturales alliant accessibilité et qualité esthétique.

La plupart des formations initiales des professionnels du secteur intègrent désormais des modules portant sur les enjeux du handicap, conformément aux dispositions de l’article 41 de la loi de 2005. Plusieurs textes réglementaires – publiés tardivement – sont venus préciser ces dispositions ([396]). Ces obligations concernent l’ensemble des professions impliquées : architectes, urbanistes, artisans et différents corps de métiers intervenant sur le terrain.

Au cours de leurs travaux, les rapporteurs se sont tout particulièrement intéressés à la formation des architectes. Lors de leur audition par la mission d’évaluation, les représentants des écoles d’architecture ont confirmé l’existence de modules portant sur le corpus normatif relatif aux règles d’accessibilité. Toutefois, ces modules apparaissent assez tardivement dans la formation, puisque les premières années des écoles d’architecture sont consacrées aux cours dits de « projets », délivrés par des praticiens, qui n’ont pas tous la même sensibilité aux questions du handicap. De plus, ces modules semblent très théoriques et ne font pas intervenir les usagers concernés. Les écoles d’architecture soulignent qu’elles ne disposent pas d’enveloppe spécifique de leur administration de tutelle pour bénéficier d’experts extérieurs qui pourraient venir éclairer les étudiants. Ces formations paraissent trop centrées sur des enjeux purement réglementaires et ne prennent que peu en compte les questions d’usage.

Le rapport de la Fondation pour le logement des défavorisés précité recommande ainsi de rendre « réellement obligatoire pour les architectes une formation sur l’accessibilité universelle, les besoins et usages des personnes en situation de handicap, en lien avec les associations d’usagers, ainsi que dans le cursus des professionnels de l’immobilier ». Le Collectif Handicaps plaide pour la rédaction d’un cahier des charges clair et précis pour la formation des professionnels concernés, en lien avec les associations d’usagers et après avoir fait un état des lieux de la mise en application des modules de formation obligatoires en matière d’accessibilité.

La délégation interministérielle à l’accessibilité (DIA) identifie elle‑même le manque de formation comme l’un des principaux facteurs expliquant le retard accumulé en matière de mise en accessibilité du bâti. Elle pointe ainsi le manque de formation à l’accessibilité des architectes qui « dans leur cursus initial n’ont bénéficié le plus souvent que d’un module dédié de quelques heures sur le sujet » ([397]). Dans le prolongement du dernier comité interministériel du handicap, un recensement des modalités concrètes de mise en œuvre des formations à l’accessibilité est en cours et doit permettre de proposer, si cela s’avère nécessaire, des évolutions des maquettes pédagogiques pour la rentrée universitaire 2026.

L’effort doit également porter sur la formation continue. Selon la Confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment (Capeb), répondre aux besoins d’adaptation du parc nécessite de former dix fois plus d’entreprises qu’à l’heure actuelle. Les fédérations professionnelles développent des initiatives en matière de formation continue (voir l’encadré ci-dessous) mais celles-ci sont loin d’être suivies par l’ensemble des professionnels.

Les initiatives en matière de formation et de labellisation des fédérations des professionnels du secteur du bâtiment

Certaines initiatives sont mises en place par le secteur. Ainsi, la Confédération de l’artisanat et des entreprises du bâtiment (Capeb) a créé le label « Handibat » en 2010, qui vise à garantir une expertise et des compétences spécifiques en matière d’accessibilité et d’adaptation des logements et des ERP aux entreprises artisanales du secteur du bâtiment. Ce label s’accompagne d’une charte, à travers laquelle les participants s’engagent à dépasser le simple respect de la réglementation issue de la loi de 2005 pour aller vers le plus grand confort d’usage, à envisager systématiquement la continuité de la chaîne de déplacements et à articuler les compétences pour mieux travailler avec les différentes parties prenantes, dont les ergothérapeutes.

En 2021, la Capeb a également créé le label « Silverbat » davantage tourné vers les problématiques liées aux seniors.

Au total, la Capeb, qui compte 61 000 adhérents, a formé 13 000 entreprises sur ces deux thématiques – mais 20 % n’ont pas été jusqu’au bout de la formation.

La Fédération française du bâtiment (FFB) conduit également une démarche de formation de ses adhérents sur la formation et l’accessibilité des logements et du bâti, dans l’objectif de répondre aux marchés d’adaptation des ERP ainsi qu’aux marchés relatifs à Ma PrimeAdapt’. Le cumul de ces deux labels atteint le millier d’entreprises.

Le financement de travaux de recherche, visant à trouver de nouvelles solutions d’accessibilité et de nouvelles façons de concevoir le bâti est également souhaitable.

Recommandation n° 52 : Renforcer la formation initiale et continue des professionnels du logement (architectes, BTP) en matière d’accessibilité :

– réaliser un état des lieux des maquettes pédagogiques et des modules d’enseignements existants et réviser les contenus afin que ceux-ci intègrent plus largement les enjeux d’accessibilité universelle tout au long des formations ;

– développer la formation continue en s’appuyant sur les initiatives du secteur et en s’assurant que leur contenu répond bien aux enjeux de l’accessibilité universelle.

C.   Les ambitions en matière de mise en accessibilité des établissements recevant du public ont été amoindries et reportées

1.   Une obligation faiblement appliquée

Les établissements recevant du public (ERP) recouvrent l’ensemble des bâtiments qui ont vocation à accueillir des personnes extérieures, qu’il s’agisse de bâtiments publics (mairie, préfecture, écoles, lieux culturels, etc.), de commerces, d’hôtels, de restaurants, de locaux associatifs, de lieux de culte, etc. Le droit distingue cinq catégories d’ERP, en fonction des capacités d’accueil, allant de capacités très réduites pour la cinquième catégorie à plus de 1 500 personnes pour la première.

Dès 1975, le législateur a cherché à garantir l’accessibilité des ERP aux personnes handicapées. Ce principe a été réaffirmé en 2005 mais les obligations n’ont cessé d’être reportées et la grande majorité demeure aujourd’hui inaccessible.

2.   Un principe assorti de dérogations nombreuses

● La loi de 2005 a prévu une obligation d’accessibilité pour tous les ERP nouvellement construits et avait imposé la mise en accessibilité des ERP préexistants dans un délai maximal de dix ans – qui devait être précisé par décret en fonction des catégories d’ERP.

Le décret n° 2006-555 du 17 mai 2006 ([398]) a fixé l’échéancier de mise en accessibilité des ERP. En vertu de ce décret, à compter de 2015 :

– les ERP autres que ceux de cinquième catégorie devaient être totalement accessibles ;

– les ERP de cinquième catégorie devaient garantir l’accessibilité d’une partie au moins de leur bâti, afin de permettre l’accès à l’ensemble des prestations proposées par l’établissement ([399]).

● Tout en affirmant l’obligation d’accessibilité des ERP, le législateur a aussi ouvert la voie à de nombreuses dérogations, qui en ont considérablement réduit la portée effective. En 2005, le législateur a ainsi prévu trois motifs de dérogations : l’impossibilité technique, la conservation du patrimoine et les conséquences excessives sur l’activité de l’établissement. Une ordonnance du 26 septembre 2014 ([400]) a, plus encore, amoindri la portée de l’obligation en ajoutant un nouveau motif de dérogation en cas de refus de la copropriété d’effectuer les travaux nécessaires. Le cadre de ces dérogations est aujourd’hui fixé aux articles L. 164‑3 et R. 164-3 du code de la construction et de l’habitation (voir encadré ci‑dessous).

L’article R. 164-3 du code de la construction et de l’habitation : les dérogations aux obligations d’accessibilité

I.- Le représentant de l’État dans le département peut accorder des dérogations aux règles d’accessibilité prévues par les dispositions du présent chapitre :

1° En cas d’impossibilité technique résultant de l’environnement du bâtiment, notamment des caractéristiques du terrain, de la présence de constructions existantes ou de contraintes liées au classement de la zone de construction, notamment au regard de la réglementation de prévention contre les inondations ou en raison de difficultés liées à ses caractéristiques ou à la nature des travaux qui y sont réalisés ;

2° En cas de contraintes liées à la conservation du patrimoine architectural dès lors que les travaux doivent être exécutés à l’extérieur et, le cas échéant, à l’intérieur d’un établissement recevant du public classé au titre des monuments historiques [...] ou sur un bâtiment protégé au titre des abords [...] situé dans le périmètre d’un site patrimonial remarquable classé ou sur un bâtiment identifié en application de l’article L. 151-19 du code de l’urbanisme (1) ;

3° Lorsqu’il y a une disproportion manifeste entre les améliorations apportées par la mise en œuvre des prescriptions techniques d’accessibilité, d’une part, et leurs coûts, leurs effets sur l’usage du bâtiment et de ses abords ou la viabilité de l’exploitation de l’établissement, d’autre part, notamment :

a) Lorsque le coût ou la nature des travaux d’accessibilité sont tels qu’ils s’avèrent impossibles à financer ou qu’ils ont un impact négatif critique sur la viabilité économique de l’établissement et que l’existence de cette impossibilité ou de ces difficultés est établie notamment par le dépassement de seuils fixés par arrêté ;

b) Lorsqu’une rupture de la chaîne de déplacement au sein de l’emprise de l’établissement rend inutile la mise en œuvre, en aval de cette rupture, d’une prescription technique d’accessibilité pour le ou les types de handicap déterminés ;

4° Lorsque les copropriétaires d’un bâtiment à usage principal d’habitation existant au 28 septembre 2014 réunis en assemblée générale s’opposent [...] à la réalisation des travaux de mise en accessibilité d’un établissement recevant du public existant ou créé dans ce bâtiment. Lorsque ce refus est opposé à un établissement recevant du public existant dans ce bâtiment, la dérogation est accordée de plein droit.

[...]

II.- Dans le cas où l’établissement remplit une mission de service public, le représentant de l’État dans le département ne peut accorder une dérogation que si une mesure de substitution est prévue.

(1)    Il s’agit des bâtiments identifiés comme faisant partie d’un site ou secteur à protéger, à conserver, à mettre en valeur ou à requalifier pour des motifs d’ordre culturel, historique ou architectural.

3.   Une obligation reportée dans le cadre des agendas d’accessibilité programmés

En 2011, un rapport du conseil général de l’environnement et du développement (CGEDD), de l’Igas et du contrôle général économique et financier (CGefi) alerte sur le fait que les objectifs fixés à échéance du 1er janvier 2015 ne seront pas atteints ([401]). Le risque d’une multiplication des contentieux constitue alors un motif de craintes important ([402]). En 2013, le comité interministériel du handicap prend acte de ces difficultés, et lance une concertation sur la question de l’accessibilité. À la suite d’un rapport rendu par Mme Claire-Lise Campion, sénatrice ([403]), le Parlement habilite le Gouvernement à légiférer ([404]) afin de mettre en place les agendas d’accessibilité programmée (Ad’AP), qui voient le jour avec l’ordonnance du 26 septembre 2014 ([405]). Ces agendas, qui concernent les ERP mais également les services de transports publics (voir infra) visent à donner plus de temps aux acteurs pour garantir l’accessibilité, tout en programmant les travaux nécessaires.

L’ensemble des gestionnaires d’ERP ont été appelés à se mettre en conformité avec ce nouveau cadre, dès le 1er janvier 2015, en transmettant aux préfets une attestation d’accessibilité ou en déposant un agenda d’accessibilité programmée. Ce dernier devait permettre d’échelonner les travaux programmés sur trois ans, avec la possibilité de bénéficier d’une délai plus long, jusqu’à neuf ans, en fonction de la complexité du patrimoine. Les gestionnaires étaient tenus de rendre public un registre d’accessibilité, indiquant le degré d’accessibilité de leur établissement. Lors de la mise en place des agendas programmés, le législateur a également instauré un régime de sanctions en cas de non-respect de ce nouveau cadre. Ces sanctions se caractérisent toutefois par de faibles montants, de 1 500 à 5 000 euros d’amende en fonction de la taille de l’ERP.

Les agendas programmés devaient garantir l’accessibilité de l’ensemble des ERP, sauf dérogations, au plus tard pour le 26 septembre 2024. Depuis le 31 mars 2019, il n’est plus possible de déposer un agenda programmé.

Au total, selon les chiffres communiqués par la DHUP, 900 000 ERP sont entrés dans le dispositif des agendas programmés, 600 000 en déposant un agenda programmé et 300 000 sous attestation d’accessibilité. Alors que les agendas d’accessibilité programmés devaient donc prendre fin en 2024, de nombreux ERP restent de facto sous ce régime, un volume significatif de gestionnaires publics et privés faisant part de leur incapacité à tenir les délais ([406]).

4.   Des ERP qui restent en très grande majorité inaccessibles

Malgré des données globalement très lacunaires, quelques chiffres nous renseignent sur le niveau actuel d’accessibilité des ERP.

Selon le dernier bilan rendu public par la délégation ministérielle à l’accessibilité (DMA) en 2022, sur 2 millions d’ERP environ, 942 000 respecteraient la réglementation. Plus d’un ERP sur deux n’est donc engagé dans aucune démarche de mise en accessibilité. Parmi les 942 000 ERP identifiés, seuls 50 % étaient accessibles : 35 % bénéficiaient de dérogations et 15 % étaient encore sous le régime des agendas programmés ([407]). On peut donc estimer qu’au minimum, trois quarts des ERP demeurent inaccessibles aux personnes handicapées. Les difficultés se concentrent sur les ERP de cinquième catégorie, dont 90 % ne seraient pas aux normes ([408]).

Plus préoccupant encore, une enquête conduite par APF France handicap en 2019 dans les Pays de la Loire montre que sur 442 établissements qui s’étaient déclarés accessibles sur l’honneur à la préfecture, 86 % ne le sont pas ([409]).

5.   Des mesures fortes nécessaires pour sortir d’une accessibilité de façade

a.   Rendre effectives les obligations en rehaussant les contrôles et en améliorant l’accompagnement

L’accessibilité des ERP fait l’objet d’un suivi politique et administratif insuffisant. La faiblesse des contrôles et des sanctions résulte du manque de moyens des autorités en charge de ces contrôles et d’un manque de volonté politique de sanctionner financièrement les gestionnaires, en particulier les petits établissements (commerces, hôtellerie‑restauration notamment).

● Face à l’inertie observée, en 2023, le Président de la République avait fait part de son souhait de passer à une logique contraignante. La Conférence nationale du handicap prévoyait ainsi de confier aux préfets le pilotage d’une politique territoriale de mise en accessibilité des ERP, articulée autour d’un renforcement de l’accompagnement, des contrôles et des sanctions.

En pratique, ces annonces ont été peu suivies d’effets. Selon le bilan de la loi de 2005 dressé par le Collectif Handicaps, seules quatre préfectures ont imposé des sanctions administratives pour nonaccessibilité. Le collectif dénonce un sentiment d’impunité, nourrit par l’absence de sanctions effectives prononcées et le caractère déclaratif des contrôles.

● En parallèle, des moyens d’accompagnement ont été mis en œuvre, mais tardivement, et sans rencontrer le succès escompté. Ainsi, dans le prolongement de la CNH, l’État a mis en place le fonds territorial d’accessibilité à destination des ERP privés de cinquième catégorie ([410]). Ce fonds garantit le financement de 50 % des travaux pour les TPE et PME de cinquième catégorie, dans la limite de 25 000 euros. Il est complété par la mobilisation des ambassadeurs de l’accessibilité, des jeunes en service civique chargés de faire la promotion de l’accessibilité auprès des ERP. Un site internet « Accès libre » vise également à inciter les ERP à rendre public le niveau d’accessibilité de l’établissement et à se mettre en règle.

Toutefois, le fonds territorial pour l’accessibilité est en situation d’échec. Ainsi, alors qu’il est doté de 300 millions d’euros pour la période de 2023 à 2027, seuls 1,6 million d’euros ont à ce jour été engagés ([411]).

● Les rapporteurs considèrent qu’il est impératif de refonder la stratégie nationale en matière d’accessibilité des ERP, en renforçant le suivi, le contrôle, l’accompagnement et les sanctions.

Un recensement des ERP non conformes pourrait être établi par les préfectures en lien avec les associations et les usagers. À l’issue de ce travail, il pourrait leur être adressé un courrier rappelant les obligations légales, les sanctions encourues et les outils d’accompagnement existants. Cette démarche gagnerait à s’accompagner d’une campagne de communication relayée par les fédérations professionnelles et les réseaux consulaires. Il conviendrait dans ce cadre de sensibiliser les établissements aux enjeux de l’accessibilité, à la diversité des formes de handicaps et de rappeler que dans de nombreux cas, l’accessibilité peut être assurée sans engager de travaux lourds et coûteux. Au vu de l’échec actuel du fonds territorial d’accessibilité, il pourrait être envisagé une prise en charge financière pouvant aller au-delà des 50 % en cas de difficultés financières de l’établissement.

Par ailleurs, les ERP toujours couverts par un agenda d’accessibilité programmée devraient aussi faire l’objet d’un suivi très appuyé. Pour les ERP considérés comme accessibles, les contrôles doivent s’accentuer pour vérifier que l’accessibilité est bien effective et garantie pour toutes les formes de handicap.

Enfin, les rapporteurs tiennent à rappeler l’importance de concevoir l’accessibilité en amont de tout projet, dans le cadre d’une approche globale. Ainsi, concernant les équipements sportifs, il n’est pas acceptable que certains équipements soient encore livrés sans espace dédiés au stockage du matériel nécessaire à la pratique du sport des personnes handicapées, comme c’est le cas aujourd’hui.

Recommandation n° 53 : Élaborer une stratégie nationale pour l’accessibilité des ERP :

– recenser les ERP non conformes et leur rappeler leurs obligations et les outils d’accompagnement existants ;

– amplifier les dispositifs d’accompagnement, en renforçant la communication autour du fonds territorial d’accessibilité et en envisageant de réduire le reste à charge pour les ERP en difficultés financières ;

– assurer un suivi spécifique des ERP encore sous agenda d’accessibilité programmé ;

– renforcer les contrôles et les sanctions.

b.   Limiter strictement les possibilités de dérogations

● Les dérogations sont accordées par l’autorité administrative après avis consultatif de la commission départementale d’accessibilité. Elles sont délivrées au cas par cas pour des points réglementaires précis et pour une partie du bâtiment ([412]).

Toutefois, le recours fréquent aux dérogations pour des motifs variés, conjugué au faible nombre de refus, conduit à vider de sa substance l’obligation d’accessibilité. À titre d’exemple, à Paris, en 2022 et 2023, entre 70 % et 75 % des demandes de dérogation formulées auraient été acceptées, selon la préfecture de police ([413]).

Motifs dérogatoires invoqués

Difficultés techniques

70 %

Difficultés financières

23 %

Refus de la copropriété

3,5

Préservation du patrimoine

3,5 %

Source : page internet de la délégation ministérielle à l’accessibilité.

Les rapporteurs appellent à une réforme du régime dérogatoire. Seule la stricte impossibilité technique devrait à l’avenir permettre de déroger à l’accessibilité. Les autres motifs, instrumentalisés, doivent être strictement encadrés voire supprimés.

Recommandation n° 54 : Réformer le régime dérogatoire de la mise en accessibilité des ERP en le limitant à la stricte impossibilité technique.

● Les rapporteurs ont par ailleurs identifié un enjeu majeur autour du rôle des architectes des bâtiments de France et des conservateurs des monuments historiques.

Aujourd’hui, 30 % du territoire est couvert par une protection patrimoniale (secteurs sauvegardés, sites classés ou inscrits, abords de monuments historiques) et près de la moitié des édifices publics sont concernés ([414]). En conséquence, une part relativement importante des demandes de travaux pour mise en accessibilité ayant un impact sur l’extérieur du bâtiment implique un avis conforme de l’architecte des bâtiments de France (ABF) et, dans certains cas, du conservateur des monuments historiques. Or, plusieurs témoignages de terrain montrent que leur intervention peut conduire à freiner ou refuser des projets de mise en accessibilité du bâti. Un rapport de la commission des affaires culturelles et de l’éducation de l’Assemblée nationale soulignait ces difficultés en relayant les propos d’APF France handicap, qui signalait que « malgré les efforts du ministère pour sensibiliser les architectes des bâtiments de France au handicap et à l’accessibilité physique, il s’avère fort difficile d’instaurer dans la majorité des cas un dialogue constructif avec ces professionnels » ([415]). En outre, les ABF ne sont parfois pas suffisamment associés en amont des projets et leurs décisions peuvent être instrumentalisées par certains élus ou gestionnaires pour justifier un refus de mise en accessibilité, alors que d’autres solutions compatibles avec les enjeux patrimoniaux auraient pu être envisagées.

Les rapporteurs estiment que la préservation du patrimoine, qui constitue un objectif légitime, ne saurait être invoquée systématiquement pour faire obstacle à la mise en accessibilité. Le patrimoine n’est pas figé et chaque époque y imprime sa marque. Les rapporteurs souhaitent faire part de plusieurs pistes de réflexion :

– il serait d’abord souhaitable d’objectiver le phénomène, en rendant public la part des avis des ABF ayant pour conséquence d’empêcher des travaux d’accessibilité ;

– il serait ensuite opportun de mieux encadrer les cas dans lesquels l’ABF peut s’opposer à des aménagements et de renforcer la procédure d’instruction des dossiers ;

– la sensibilisation et la formation des ABF aux questions d’accessibilité et aux techniques contemporaines favorisant une mise en accessibilité harmonieuse sont par ailleurs indispensables ;

– enfin, si une médiation existe depuis peu, elle est confiée à un élu local. Il pourrait être pertinent de prévoir une médiation auprès d’un interlocuteur spécialiste des questions de handicap ou du Défenseur des droits.

II.   Le manque d’accessibilité de la chaîne de déplacement

L’article 45 de la loi du 11 février 2005 confère une importance fondamentale à la notion de « chaîne de déplacement », qui comprend le cadre bâti, la voirie, les aménagements des espaces publics, les systèmes de transport et leur intermodalité. Ainsi, il prévoyait que la chaîne de déplacement soit « organisée pour permettre son accessibilité dans sa totalité aux personnes handicapées ou à mobilité réduite ». Les travaux de la mission d’évaluation ont montré que, vingt ans après l’adoption de la loi du 11 février 2005, ni la voirie, ni les transports publics ne présentent un niveau d’accessibilité satisfaisant pour les personnes handicapées.

Témoignage issu de la consultation Rien Sans Nous (voir annexe n° 1)

Gaylord : « Je vis dans un village où il n’y a pas de transports en communs. Le plus dur pour moi est de dépendre de quelqu’un à chaque fois que je veux me rendre quelque part (école, entretiens, médecin, hôpital, déplacements personnels...). Il n’existe pas d’aide pour les déplacements personnels hors travail. Je suis donc très souvent chez moi, très isolé socialement et je souffre de la situation. »

A.   Les obligations imposées par la loi de 2005 en matière de mise en accessibilité de la voirie et des transports publics ont été progressivement amoindries ou reportées

La loi du 11 février 2005 imposait la mise en accessibilité de la voirie et des transports. Toutefois, la portée de ces normes a progressivement été restreinte, et les délais fixés prorogés.

1.   Un objectif de mise en accessibilité de la voirie et des espaces publics peu ambitieux

En matière de mise en accessibilité de la voirie et des espaces publics, la loi du 11 février 2005 était peu ambitieuse, se contentant d’une formulation générale relative à l’accessibilité de la totalité de chaîne de déplacement. Aucun délai n’était fixé.

a.   Une double obligation de mise en accessibilité de la voirie en cas de travaux et de programmation pluriannuelle

La loi du 11 février 2005 aborde peu la question de la mise en accessibilité de la voirie. Son article 45 prévoit la mise en accessibilité de la chaîne de déplacement, ainsi que l’établissement par les communes ou les intercommunalités d’un plan de mise en accessibilité de la voirie et des aménagements des espaces publics (PAVE), qui fixe notamment « les dispositions susceptibles de rendre accessible aux personnes handicapées et à mobilité réduite l’ensemble des circulations piétonnes et des aires de stationnement d’automobiles situées sur le territoire de la commune ou de l’établissement public de coopération intercommunale ».

Deux décrets publiés le 21 décembre 2006 ([416]), encore en vigueur aujourd’hui, ont explicité cette obligation.

● Il est ainsi prévu qu’à compter du 1er juillet 2007, « l’aménagement, en agglomération, des espaces publics et de l’ensemble de la voirie ouverte à la circulation publique et, hors agglomération, des zones de stationnement, des emplacements d’arrêt des véhicules de transport en commun et des postes d’appel d’urgence est réalisé de manière à permettre l’accessibilité de ces voiries et espaces publics aux personnes handicapées ou à mobilité réduite avec la plus grande autonomie possible ». Néanmoins, ces dispositions ne sont applicables qu’« à l’occasion de la réalisation de voies nouvelles, d’aménagements ou de travaux ayant pour effet de modifier la structure des voies ou d’en changer l’assiette ou de travaux de réaménagement, de réhabilitation ou de réfection des voies, des cheminements existants ou des espaces publics, que ceux-ci soient ou non réalisés dans le cadre d’un projet de mise en accessibilité de la voirie et des espaces publics ». En conséquence, il est imposé aux communes la mise en accessibilité de la voirie et des espaces publics dès lors qu’ils font l’objet de travaux d’aménagement ou de réaménagement.

Les prescriptions relatives à l’accessibilité de la voirie et des espaces publics concernent :

– les cheminements : ils impliquent un sol dur, un revêtement non glissant, l’absence d’obstacle, une pente la plus faible possible, avec un minimum de ressauts, une largeur suffisante pour permettre la circulation des piétons en sécurité, des bateaux ([417]) sur les trottoirs, des bandes d’éveil de la vigilance ([418]) et des passages piétons facilement identifiables ;

– le stationnement : au moins 2 % de l’ensemble des emplacements de chaque zone de stationnement doivent être accessibles aux personnes circulant en fauteuil roulant, et les parcmètres et autres systèmes d’accès doivent facilement accessibles et utilisables, situés au plus près des emplacements réservés aux personnes à mobilité réduite (PMR) ;

– les feux de signalisation doivent comporter un dispositif permettant aux personnes aveugles ou malvoyantes de connaître les périodes durant lesquelles il est possible de traverser les voies de circulation ;

– les postes d’appel d’urgence doivent être conçus pour être utilisés par les personnes handicapées, notamment les personnes qui circulent en fauteuil roulant et les personnes sourdes ou malentendantes ;

– les arrêts de transports en commun doivent être conçus ou aménagés pour faciliter l’accès et l’embarquement des personnes handicapées dans les véhicules.

L’arrêté du 15 juin 2007 est ensuite intervenu pour compléter ces prescriptions techniques : dénivellation des pentes, marquage des passages pour piétons, ressauts, présence d’équipements ou de mobilier urbain sur le cheminement, signalétique et systèmes d’information, etc. Il précise également qu’en cas d’impossibilité technique de satisfaire aux dites prescriptions, la commune ou l’intercommunalité doit solliciter l’avis de la commission consultative départementale de sécurité et d’accessibilité pour obtenir une dérogation.

Les PAVE devaient quant à eux être élaborés dans un délai de trois ans à compter de la publication des décrets, en concertation avec l’autorité compétente pour l’organisation des transports en commun, ainsi que les associations représentatives des personnes handicapées ou à mobilité réduite et les associations représentatives des commerçants implantés sur le territoire communal. Le PAVE doit indiquer les conditions et délais de réalisation des équipements et aménagements prévus. Ainsi, l’ordonnance du 26 septembre 2014 ([419]) s’est traduite par un amoindrissement des obligations normatives. Elle a ainsi modifié le premier alinéa de l’article 45 de la loi du 11 février 2005 en supprimant la référence à la totalité de la chaîne de déplacement. Elle a également précisé que seules les communes de plus de 1 000 habitants étaient tenues d’élaborer un PAVE.

b.   L’absence de contrôles et de données sur les travaux de mise en accessibilité, au détriment de la mobilité des personnes handicapées

L’accessibilité de la voirie et des espaces publics aux personnes handicapées ne fait pas l’objet de données agrégées au niveau national. Il est donc très difficile d’estimer l’effet des obligations fixées par la loi du 11 février 2005 et des textes réglementaires qui l’ont appliquée.

● Les témoignages de personnes handicapées recueillis par la mission d’évaluation tendent toutefois à démontrer que l’accessibilité est loin d’être atteinte en la matière. Ainsi, le CLHEE a pu indiquer : « en France, les rues à dénivelé très élevé, digne d’une épreuve du Tour de France, sont monnaie courante, mais les travaux ne sont pas toujours faisables. Nous le savons. Mais les MDPH, quand il s’agit d’accorder un remboursement pour une motorisation de fauteuil roulant ne le savent pas. Nous sommes soumis aux prix exorbitant des solutions proposées par des entreprises privées, qu’il s’agisse de motorisation auxiliaire à ajouter au fauteuil, ou de tricycles à assistance électrique, trottinettes omni, etc. ». Avec une certaine ironie, les militantes auditionnées ont aussi souligné que « durant la seconde moitié du XXe siècle, la France entière a été rendue accessible à des voitures et camions de plus en plus larges. Pourquoi est-ce impossible pour les usagers d’aide à la mobilité ? C’est pourtant plus petit » ([420]). Selon une enquête commandée en 2020 par APF France handicap auprès de près de 12 000 personnes (handicapées et non handicapées), 86 % des répondants déclarent expérimenter des difficultés d’accès lors des déplacements de la vie quotidienne en lien avec le manque d’accessibilité (marches, trottoirs, pavés, obstacles). 60 % d’entre eux considéraient qu’il était « difficile » de se déplacer à pied dans leur commune ([421]).

Parmi les principales difficultés rencontrées par les personnes handicapées dans l’espace public, on retrouve ainsi les travaux non signalés sur la voirie, ou n’aménageant aucun cheminement alternatif temporaire, l’insuffisance de lampadaires, de bandes de guidage visuel, de feux de signalisation sonorisés. Alors que le paysage urbain ne cesse ne se complexifier, et à mesure que les conflits d’usage entre les automobilistes, les cyclistes et les piétons se multiplient, « il faut mettre des indications plus claires, notamment au sol » ([422]) afin de mieux délimiter les espaces. La disparition des trottoirs dans certaines zones en tout ou partie piétonnisées peut ainsi se révéler dangereuse pour les personnes malvoyantes ou aveugles qui ont recours à un chien guide, ce dernier ayant été formé pour suivre le bord du trottoir. De même, la suppression des feux tricolores et le développement des véhicules électriques peuvent mettre en danger les personnes aveugles ou malvoyantes. Odile Maurin, présidente de l’association Handi-social, souligne par ailleurs que dans les villes, la voirie et l’espace public sont davantage accessibles car les travaux y sont plus fréquents. Toutefois, la piétonnisation des centres-villes, lorsqu’elle conduit à restreindre les possibilités de stationnement, peut conduire à limiter la mobilité des personnes handicapées, car elles ne peuvent pas toujours se déplacer à pied sur des distances importantes.

Témoignage issu de la consultation Rien Sans Nous (voir annexe n° 1)

Loïs : « Circuler sur la voie publique est devenu une vraie épreuve, je “marche” plus souvent sur la route que sur les trottoirs, ils sont souvent trop étroits ou tordus. »

● La mise en accessibilité de la voirie et de l’espace public s’est heurtée à plusieurs difficultés : d’une part, aucune échéance n’a été fixée ; d’autre part, et comme le souligne la Défenseure des droits, « en contradiction avec le principe d’accessibilité de la chaîne de déplacement, les prescriptions en matière d’accessibilité de la voirie ne s’appliquent que dans le cas de réalisation de voies nouvelles, d’aménagements ou de réalisation de travaux » ([423]). En outre, les contrôles ont été insuffisants, voire absents, pour s’assurer du respect des normes d’accessibilité dans le cadre de ces travaux. « La réglementation a de fait organisé l’impunité des collectivités territoriales et de l’État en la matière. De surcroît, quand de nouveaux espaces sont réalisés, ils ne sont pas forcément conformes car il n’y a aucun contrôle indépendant pour s’assurer de cela. » ([424])

● Enfin, concernant les PAVE, les communes se sont très peu saisies de cet instrument pourtant obligatoire ([425]). En outre, comme le relève la Défenseure des droits, seules les communes de plus de 1 000 habitants sont tenues d’élaborer un PAVE, alors que 54 % des communes françaises comptent moins de 500 habitants. Or, si l’inaccessibilité de la voirie et des espaces publics rend plus difficile la mise en accessibilité des transports en commun, et notamment des arrêts de bus ou de tramway.

2.   Une obligation de mise en accessibilité des transports publics dans un délai de dix ans prorogée et amoindrie

La loi du 11 février 2005 se montrait plus ambitieuse en matière de mise en accessibilité des transports publics. Elle imposait un délai de dix ans pour rendre les services de transports collectifs accessibles dans leur intégralité, à l’exception des réseaux de métro préexistants, et notamment le métro parisien. Or, ce délai a été prorogé et la portée de l’obligation de mise en accessibilité a été restreinte aux seuls arrêts considérés comme prioritaires.

a.   Le report répété de la mise en accessibilité des transports publics

● L’article 45 de la loi du 11 février 2005 a prévu une obligation de mise en accessibilité des services de transport collectif dans un délai de dix ans à compter de sa publication. Les autorités compétentes en matière d’organisation des transports en commun, de transports ferroviaires, maritimes ou aériens devaient, dans un délai de trois ans, élaborer un schéma directeur d’accessibilité des services qui fixe la programmation de la mise en accessibilité des services de transport et définit les modalités de l’accessibilité des différents types de transport.

En cas d’impossibilité technique avérée, l’article 45 prévoyait la mise à disposition de moyens de transport adaptés aux besoins des personnes handicapées ou à mobilité réduite, organisés et financés par l’autorité organisatrice de transport compétente, et donc le coût ne devait pas excéder, pour l’usager handicapé, celui du transport public existant. En outre, les réseaux souterrains de transports ferroviaires et de transports guidés existants n’étaient pas soumis au délai de dix ans, à condition d’élaborer le schéma directeur et de mettre en place des transports de substitution.

L’article 45 disposait enfin que « tout matériel roulant acquis lors d’un renouvellement de matériel ou à l’occasion de l’extension des réseaux doit être accessible aux personnes handicapées ou à mobilité réduite ».

● L’article L. 1112‑1 du code des transports, introduit par une ordonnance de 2010 ([426]), prévoit encore aujourd’hui que « sans préjudice des dispositions particulières applicables au transport aérien [...], les services de transport collectif sont rendus accessibles aux personnes handicapées ou dont la mobilité est réduite ». Toutefois, l’ordonnance du 26 septembre 2014 ([427]) a restreint la portée de ces dispositions en introduisant la notion de « points d’arrêt prioritaires » au regard de leur fréquentation, des modalités de leur exploitation, de l’organisation des réseaux de transports et des nécessités de desserte suffisante du territoire. Cette disposition instaure ainsi une hiérarchisation des arrêts de transports collectifs.

Le décret du 4 novembre 2014 ([428]) a précisé la notion de point d’arrêt ou de gare prioritaire. L’article D. 1112-10 du code des transports prévoit que pour les transports publics routiers urbains et non urbains de personnes hors ÎledeFrance, un arrêt est prioritaire lorsqu’il répond à l’une des conditions suivantes :

– il est situé sur une ligne structurante d’un réseau de transport public urbain ;

– il est desservi par au moins deux lignes de transport public ;

– il constitue un pôle d’échanges ;

– il est situé dans un rayon de 200 mètres autour d’un pôle générateur de déplacements ou d’une structure d’accueil pour personnes handicapées ou personnes âgées.

Lorsque l’application de ces critères ne permet pas d’identifier un point d’arrêt ou une gare prioritaire dans une commune desservie, l’autorité organisatrice de transport détermine au moins un point d’arrêt à rendre accessible dans la commune pour les réseaux urbains, et au moins un point d’arrêt à rendre accessible dans la principale zone agglomérée de la commune, dès lors que cette zone est desservie et que la population de la commune est supérieure à 1 000 habitants pour les réseaux non urbains.

En Île-de-France, l’article D. 1112-11 du code des transports prévoit qu’un arrêt est prioritaire dès lors qu’il est situé sur l’une des lignes définies comme prioritaires par Île-de-France Mobilités en tenant compte de la fréquentation, de l’organisation du réseau de transport et de la desserte du territoire et qu’il est desservi par au moins deux lignes de transport public ou qu’il constitue un pôle d’échanges, ou qu’il est situé dans un rayon de 200 mètres autour d’un pôle générateur de déplacements ou d’une structure d’accueil pour personnes handicapées ou personnes âgées. Lorsque l’application de ces conditions n’aboutit pas à rendre prioritaires au moins 70 % des arrêts de la ligne en cause, Île-de-France Mobilités détermine un ou plusieurs points d’arrêt à rendre accessibles afin d’atteindre ce seuil.

L’article D. 1112-12 du code des transports définit la notion d’arrêt prioritaire pour les transports ferroviaires et pour les services de transport empruntant les lignes du réseau express régional (RER) d’Île-de-France comme un arrêt qui n’appartient pas aux réseaux souterrains existant avant la loi du 11 février 2005 et répondant à au moins une des conditions suivantes :

– la fréquentation y est supérieure à 5 000 voyageurs par jour en Île‑de‑France et 1 000 voyageurs par jour hors Île-de-France ;

– il est situé dans un rayon de 200 mètres autour d’une structure d’accueil pour personnes handicapées ou personnes âgées.

Lorsque l’application de ces conditions ne permet pas de répondre à l’objectif que tout point d’arrêt ferroviaire non accessible se situe à moins de 50 kilomètres, sur la même ligne, d’un point d’arrêt ferroviaire accessible, l’autorité organisatrice de transport ou, en l’absence d’une telle autorité, l’État, détermine un point d’arrêt à rendre accessible afin d’atteindre cet objectif. L’article D. 1112-13 précise que pour les transports publics guidés (tels que les tramways), tous les points d’arrêt et gares qui n’appartiennent pas aux réseaux souterrains existant avant la loi du 11 février 2005 sont prioritaires, à l’exception de ceux qui sont desservis par les services de transport empruntant les lignes de RER.

L’article L. 1112-4 du code des transports précise enfin que lorsque, dans un réseau existant, la mise en accessibilité d’un arrêt identifié comme prioritaire au sens de l’article L. 1112-1 s’avère techniquement impossible en raison d’un obstacle impossible à surmonter sauf à procéder à des aménagements d’un coût manifestement disproportionné, des services de substitution adaptés aux besoins des personnes handicapées ou dont la mobilité est réduite sont mis à leur disposition. Les services de substitution peuvent prendre la forme de transports de substitution, c’est-à-dire de services de transport public accessibles se substituant à la desserte d’une ligne de transport public non accessible ou partiellement accessible, ou de mesures de substitution, de nature humaine, organisationnelle ou technique permettant de réaliser le trajet dans des conditions de durée analogues à celles du trajet initialement souhaité.

● La loi du 5 août 2015 ratifiant l’ordonnance du 26 septembre 2014 ([429]) a créé l’article L. 1112-2-1 du code des transports, qui prévoit la possibilité, pour les services de transport, d’élaborer un schéma directeur d’accessibilité-agenda d’accessibilité programmée (Sd’AP). Celui-ci contient une analyse des actions nécessaires à la mise en accessibilité de ce service et prévoit les modalités et la programmation de la réalisation de ces actions ainsi que le financement correspondant. Il précise les points d’arrêt identifiés comme prioritaires, les dérogations sollicitées en cas d’impossibilité technique avérée et les mesures de substitution prévues dans ces derniers cas. Les Sd’AP ont une durée de réalisation :

– d’une période de trois ans pour les transports publics urbains ;

– de deux périodes de trois ans pour les transports routiers publics non urbains et pour les transports publics en Île-de-France ;

– de trois périodes de trois ans pour les transports ferroviaires et les lignes de RER en Île-de-France ([430]).

En cas de force majeure, la prorogation du délai de mise en œuvre du Sd’AP pouvait être demandée, pour un nouveau délai de trois ans renouvelable une fois ([431]). À l’issue de chaque période, un bilan des travaux d’accessibilité effectués est réalisé et rendu public, sous peine de sanctions financières. En outre, au terme du Sd’AP, si les engagements pris n’ont pas été mis en œuvre, l’autorité administrative peut engager une procédure de carence pouvant aboutir à une sanction pécuniaire ([432]).

b.   Un niveau insuffisant d’accessibilité des transports

● En matière de transports, les rapporteurs rejoignent le constat formulé par la Défenseure des droits : « si l’accessibilité des transports a progressé, elle est loin d’être effective sur l’ensemble des réseaux existants. De plus, depuis 2015, l’obligation des infrastructures de transport est remplie par l’aménagement des seuls points d’arrêt considérés comme prioritaire, les autres n’étant plus tenus d’être rendus accessibles, ce qui constitue un véritable recul par rapport à la loi de 2005. » ([433]) Ainsi, APF France handicap relève que « seuls 35 % à 40 % des points d’arrêt doivent être rendus accessibles selon la réglementation : quelle personne valide accepterait de ne pouvoir accéder qu’à un tiers des points d’arrêt d’un réseau de transport ? » ([434])

La loi du 11 février 2005 avait pourtant introduit la notion de chaîne de déplacement pour permettre tous déplacements de la vie quotidienne des personnes handicapées entre le logement, le lieu de travail, les commerces, les lieux d’activités culturelles et loisirs, etc. Le principe d’arrêts prioritaires et non prioritaires s’oppose frontalement à cette approche universelle, qui limite le choix du lieu d’habitation pour les personnes handicapées – déjà confrontées à de grandes difficultés en la matière (cf. supra) – car elles sont dès lors contraintes de résider à proximité d’un arrêt considéré comme prioritaire. En outre, même la mise en accessibilité des arrêts considérés comme prioritaires présente des retards très importants sans qu’il ne soit possible, faute de données consolidées, d’objectiver cette situation.

Dès lors, APF France handicap estime que « la France accuse un retard important en matière d’accessibilité qui pénalise des millions de personnes, dont celles en situation de handicap. De nombreux textes sur l’obligation d’accessibilité des transports existent, mais ils ne sont que très partiellement mis en œuvre. Les délais sans cesse repoussés et les dérogations créent une rupture d’égalité dans l’accès au cadre bâti, à la voirie et aux transports. Des échéances majeures ne sont pas respectées ni contrôlées. Toutes les règles d’assouplissement ajoutent à la discrimination vécue par les personnes et sont contraires à une société inclusive. » ([435])

● Des progrès conséquents ont néanmoins été réalisés en matière d’accessibilité des gares par la SNCF. Ainsi, 91 % des bâtiments des gares et 74 % des quais concernés par le programme de mise en accessibilité (sur un total de 736 gares) ont été rendus accessibles.

Toutefois, l’entreprise et ses usagers restent confrontés à des difficultés importantes résultant des hauteurs de quais et de plancher du matériel roulant variables, et de l’ancienneté des matériels roulants, conçus dans les années 1990, ainsi que du coût important des travaux de mise en accessibilité : 10 millions d’euros pour une petite gare, et jusqu’à 100 millions d’euros pour les gares complexes ([436]). Au sein des rames, le nombre de places réservées aux personnes en fauteuil roulant reste très limité (deux par train en moyenne), et certains trajets leur restent encore totalement inaccessibles, à l’image des Intercités de nuit. Cette situation n’est pas admissible. Il ne doit pas être permis de proposer des lignes de train n’intégrant aucune solution pour les personnes handicapées. L’ancienneté des rames ne peut constituer une justification acceptable : lorsqu’elles font l’objet d’une maintenance, celles-ci doivent être rendues aussi accessibles que possible aux différentes formes de handicaps. En outre, au moins une rame par train doit être aménagée pour les personnes à mobilité réduite. L’augmentation du nombre de places qui leur sont réservées doit également être engagée.

Recommandation n° 55 : Procéder à la mise en accessibilité des rames de train lors de leur maintenance et garantir la présence d’au moins une rame accessible aux PMR dans chaque train et pour toutes les lignes.

● Les réseaux de transports en commun présentent des niveaux d’accessibilité variables selon les territoires. Le réseau de métro parisien, qui avait été exclu dès l’origine par la loi du 11 février 2005 de l’obligation de mise en accessibilité, est ainsi très peu accessible aux personnes à mobilité réduite – une seule ligne leur étant entièrement accessible. À l’inverse, des réseaux plus récents, comme ceux de Lille ou Rennes, présentent des niveaux d’accessibilité jugés plutôt corrects par les personnes handicapées.


Niveau d’accessibilité des six réseaux de métro français

Réseau

Nombre de lignes

Nombre de stations

Date d’ouverture

Exploitant

Accessibilité

Paris

16

308

1900

RATP

1 ligne

Lyon

4

40

1977

Keolis Lyon

Non accessible

Marseille

2

31

1977

RTM

En cours avec accompagnement

Lille

2

60

1983

Keolis Lille Métropole

Accessible

Toulouse

2

38

1993

Tisséo Voyageurs

Accessible

Rennes

2

30

2002

Keolis Rennes (STAR)

Accessible

Source : ecologie.gouv.fr

L’accessibilité partielle des réseaux de transports peut conduire les personnes handicapées à renoncer à leurs trajets, à utiliser des itinéraires alternatifs accessibles dont la durée est bien supérieure à celle des itinéraires non accessibles – c’est notamment le cas dans Paris, lorsque l’on compare le temps de déplacement en métro et en bus : « les bus sont le transport le plus lent, quand seul le trajet en bus est accessible, l’usager handicapé subit un retard par rapport aux autres qui va impacter qualité de vie, emploi... » ([437]).

En outre, même lorsqu’ils sont annoncés comme accessibles, les réseaux de transport peuvent en réalité ne l’être que partiellement. La réglementation fixe un seuil de 70 % des arrêts accessibles pour déclarer une ligne comme accessible. Un arrêt de bus est considéré comme accessible dans les deux sens de circulation dès lors que l’arrêt est accessible dans un sens. En outre, les personnes handicapées sont régulièrement confrontées à des équipements qui ne fonctionnent pas : rampe non fonctionnelle dans le bus, escaliers mécaniques ou ascenseurs en panne... Or, ces difficultés techniques peuvent rarement être anticipées par l’usager, au point de générer des situations très problématiques : descendre d’une rame de métro à une station, constater que l’ascenseur est en panne et ne pas pouvoir sortir par exemple.

● La souplesse et la spontanéité sont également les grandes oubliées de la démarche de mise en accessibilité des transports en commun. Face au retard pris dans les aménagements, de nombreux opérateurs ont mis en place des dispositifs d’assistance humaine au bénéfice des personnes handicapées souhaitant emprunter les transports qu’ils exploitent. Toutefois, ces dispositifs sont souvent ouverts uniquement sur réservation, ce qui constitue une restriction de l’autonomie des personnes handicapées.

L’offre de transports adaptés et/ou à la demande est par ailleurs insuffisante pour répondre aux besoins, et trop contraignante pour les personnes handicapées : amplitudes horaires limitées, délais de réservation, périmètre couvert restreint. Selon l’enquête réalisée en 2020 par APF France handicap, lorsqu’une offre de transport spécialisé destiné aux personnes handicapées existe dans la commune, les modalités d’organisation sont majoritairement considérées comme inadaptées aux besoins exprimés.

Selon une enquête réalisée auprès des personnes handicapées sur l'adaptation de l'offre de transports spécialisés, les principaux motifs d'insatisfaction sont les délais de réservation, l'amplitude horaire et la prise en compte de la demande. Les personnes interrogées étaient un peu plus de satisfaites de la qualité de service et des tarifs.
Réponses obtenues sur l’adaptation de l’offre de transports spécialisés pour les personnes handicapées

 Source : APF France handicap.

La SNCF a mis en place un service d’assistance, Assist’enGare, pour faciliter et accompagner l’accès des personnes handicapées aux transports ferroviaires. En 2024, les personnels d’assistance en gare ont ainsi réalisé plus d’un million de prises en charge, en hausse de 17,5 % par rapport à l’année 2023, en raison notamment de l’organisation des jeux Olympiques et Paralympiques. Toutefois, les rapporteurs constatent que si les modalités de recours à ce service ont été assouplies, elles restent contraignantes pour les personnes handicapées, qui doivent ainsi réserver la prestation d’assistance au moins 24 heures à l’avance et se présenter au minimum 30 minutes avant le départ du train. Elles se heurtent parfois à des refus de prise en charge de la part de certains agents dès lors qu’elles ne respectent pas parfaitement ces consignes (réservation décalée au dernier moment qui implique de modifier l’horaire de la prestation ou présentation avec quelques minutes de retard à l’accueil du service avant le départ du train).

Témoignage issu de la consultation Rien Sans Nous (voir annexe n° 1)

Marie-Claude : « Je n’ai pas pu aller dire au revoir à mon père mourant, la rampe du bus ne fonctionnait pas, l’église non adaptée, pas de transport pour la mise en terre, car je ne peux pas être transférée, il me faut un transport PMR. Je n’ai pas pu non plus aller à l’enterrement de mon frère, car pour le TGV, il faut prévenir 48 h à l’avance. »

Les rapporteurs soulignent que les agents de la SNCF sont très souvent bien plus aimables et serviables à l’égard des personnes handicapées qui les sollicitent pour accéder aux trains que les agents du prestataire de services Assist’enGare, dont la mauvaise volonté est parfois flagrante.

En outre, les rapporteurs s’inquiètent de la disparition, à terme, des agents de la SNCF postés dans les petites gares, notamment en milieu rural. En effet, les travaux de mise en accessibilité des quais et des rames devraient permettre, dans le futur, l’accès aux trains des personnes en fauteuil roulant en toute autonomie, sans aide humaine. Si cette évolution est éminemment souhaitable, les rapporteurs tiennent à souligner l’importance de la présence humaine en gare pour orienter, accompagner et aider les usagers, handicapés ou non, en cas d’éventuelles difficultés.

L’expérience des jeux Olympiques et Paralympiques (JOP), un héritage à faire fructifier

L’organisation des JOP en 2024 a catalysé la mise en accessibilité de la voirie et des transports en commun. Bien que celle-ci reste partielle et insuffisante, l’expérience a montré que des progrès considérables pouvaient être réalisés en l’espace de quelques années, voire quelques mois.

En ce qui concerne le réseau de transports en commun parisiens, la RATP a notamment :

– refondu son site internet pour assurer son accessibilité à hauteur de 80 % ;

– déployé l’application TRADIVIA pour permettre, à travers des modules conversationnels, des échanges par écrit et oral dans seize langues, y compris avec les personnes sourdes ou malentendantes ;

– installé de nouveaux automates de vente avec interface vocale dans les stations les plus fréquentées ;

– sonorisé l’annonce du nom des stations dans les matériels roulants d’ancienne génération à travers l’application « Compagnon Train » ;

– amélioré la signalétique en station avec des hyper-signes et des manchons en braille.

La SNCF a quant à elle rendu accessibles l’ensemble des gares relevant du dispositif « Jeux de Paris 2024 », couvrant ainsi 90 % des flux voyageurs en Île-de-France, ou équipé l’ensemble des agents en contact avec la clientèle de l’application ACCEO, qui permet en quelques secondes d’entrer en contact avec un interprète en langue des signes française, un codeur en langue française parlée complétée ou un traducteur de texte, pour échanger en face-à-face avec les personnes malentendantes.

Lors de leur audition par la mission d’évaluation, les représentants de la SNCF et de la RATP ont par ailleurs souligné le renforcement très important de la présence humaine en stations et en gares pendant la période des jeux Olympiques et Paralympiques grâce à l’engagement des volontaires.

B.   Sur la base d’un état des lieux du niveau d’accessibilité de la voirie et des transports, accélérer leur mise en accessibilité et sanctionner l’inertie

La mise en accessibilité de la voirie et des transports publics s’est heurtée à une triple problématique :

– un déficit de pilotage, en l’absence de données agrégées ;

– un déficit de formation des urbanistes, fonctionnaires et autres agents chargés de lancer, de concevoir et de réaliser les projets d’aménagement ;

– un manque de volonté politique qui a toléré une inertie attentatoire aux droits des personnes handicapées.

1.   Réaliser un diagnostic de l’accessibilité de la voirie et des transports publics en renforçant la collecte et l’agrégation de données

En matière d’accessibilité de la voirie et des espaces publics, il est très difficile d’établir un bilan de la loi du 11 février 2005, faute de données collectées et agrégées.

La loi du 24 décembre 2019 d’orientation des mobilités, dite « LOM » ([438]), a pourtant introduit au sein du code des transports l’article L. 1115-6, qui prévoit la collecte, par les autorités chargées des transports, des données sur l’accessibilité des services réguliers de transport public aux personnes handicapées ou à mobilité réduite ([439]). De même, la loi LOM a créé l’article L. 141‑13 du code de la voirie routière, qui prévoit que les organismes chargés d’une opération d’aménagement, les communes et les intercommunalités collectent les données relatives à l’accessibilité aux personnes handicapées ou à mobilité réduite des principaux itinéraires pédestres situés dans un rayon de 200 mètres autour des points d’arrêt prioritaires. L’objectif de ces collectes est d’alimenter des bases de données pouvant ensuite être retranscrites dans des applications utilisables par les voyageurs pour construire des itinéraires accessibles. Un arrêté du 28 mai 2024 est intervenu pour préciser les modèles de données utilisés et le format d’échange à respecter.

Les rapporteurs se réjouissent de cette démarche, bien qu’elle soit tardive et parcellaire. En effet, si le recueil des données sur l’accessibilité de la voirie autour des arrêts prioritaires va dans le bon sens, cela reste insuffisant : les personnes handicapées se déplacent  ou sont empêchées de se déplacer  dans un rayon plus large que celui de 200 mètres autour desdits arrêts. En outre, l’inaccessibilité de la voirie en amont de ce périmètre peut impliquer le renoncement à un trajet pourtant lui accessible.

Les rapporteurs préconisent donc de revenir aux ambitions initiales de la loi de 2005 en contraignant les communes à élaborer les PAVE sur la base d’un diagnostic intégrant a minima les principaux axes de circulation de chaque bassin de vie. Les préfectures doivent contrôler l’existence des PAVE et sanctionner leur absence.

Recommandation n° 56 : Contraindre les communes à élaborer les plans d’accessibilité et de la voirie des espaces publics (PAVE) sur la base d’un diagnostic intégrant a minima les principaux axes de circulation de chaque bassin de vie.

En outre, les données ainsi collectées doivent être agrégées au niveau national de sorte que la politique de mise en accessibilité de la voirie puisse faire l’objet d’un réel pilotage. À ce titre, les rapporteurs recommandent de confier au Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (Cerema) la mission de produire un état des lieux régulier du niveau d’accessibilité de la voirie sur l’ensemble du territoire.

Recommandation n° 57 : Confier au Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (Cerema) la mission de produire un état des lieux régulier du niveau d’accessibilité de la voirie sur l’ensemble du territoire.

Enfin, les rapporteurs relèvent que l’accessibilité n’est pas figée dans le temps. Une voirie adaptée suppose d’une part un entretien fréquent afin de garantir son accessibilité dans le temps, et d’autre part, une actualisation à échéances régulières, en lien avec l’évolution des normes et des solutions techniques. Les communes ayant respecté leurs obligations de mise en accessibilité doivent ainsi veiller à s’y conformer sur le long terme.

2.   Garantir la formation des urbanistes et des fonctionnaires territoriaux

● Les rapporteurs ont constaté, lors des travaux de la mission d’évaluation, que la mise en accessibilité des équipements, de la voirie et des transports tient souvent à la prise en compte des enjeux d’accessibilité dès l’origine du projet. En effet, lorsqu’une concertation avec les représentants des personnes handicapées prend place très en amont sur un projet d’aménagement, ils sont susceptibles de faire valoir leurs besoins et d’exprimer leurs critiques avant même que des études de faisabilité soient lancées, que des devis soient réalisés, et que les travaux soient entamés. Cela permet de donner la priorité aux problématiques de mobilité et de circulation rencontrées par les personnes handicapées, par rapport aux besoins des personnes valides ou aux considérations d’ordre financier, patrimonial ou esthétique.

Très souvent, les solutions techniques accessibles sont à peine plus coûteuses que les projets d’aménagement conçus sans concertation. En revanche, elles doivent être réfléchies très en amont et leur accessibilité à toutes les formes de handicaps doit être vérifiée à toutes les étapes de développement et d’exécution du projet. Les commissions communales ou intercommunales pour l’accessibilité, instaurées par la loi du 11 février 2005, constituent l’instance privilégiée à associer à cette démarche. Toutefois, elles n’ont pas été installées dans toutes les communes ou intercommunalités, ce qui est absolument regrettable au regard de la nécessité de consulter et d’associer étroitement les usagers aux questions d’accessibilité. Aussi, les rapporteurs appellent à l’application des dispositions relatives aux commissions pour l’accessibilité, et souhaitent insister sur l’importance de l’articulation entre le niveau communal et intercommunal, afin de garantir la cohérence et l’exhaustivité des opérations de mise en accessibilité au niveau des différents bassins de vie.

Recommandation n° 58 : Installer les commissions communales ou intercommunales pour l’accessibilité sur tout le territoire et les associer de manière systématique et précoce à tout projet d’aménagement de la voirie et des espaces publics afin de garantir la prise en compte des enjeux d’accessibilité le plus en amont possible.

● En matière de mise en accessibilité de la voirie et des transports, la formation des personnes chargées de lancer et de concevoir les projets d’aménagement est centrale.

À l’instar de leurs recommandations relatives à la formation des personnels d’accueil en relation avec le public, des professionnels de santé et du secteur médico-social, des architectes ou des professionnels du secteur du BTP, les rapporteurs préconisent d’intégrer des enseignements obligatoires relatifs aux questions d’accessibilité dans la formation initiale et continue des urbanistes et des fonctionnaires territoriaux.

Recommandation n° 59 : Intégrer des enseignements obligatoires relatifs à l’accessibilité dans la formation initiale et continue des urbanistes et des fonctionnaires territoriaux.

● En outre, les rapporteurs considèrent que la réalisation de travaux publics ne doit pas entraîner d’entrave à la circulation des personnes handicapées. Or, par inadvertance ou par méconnaissance, les ouvriers des chantiers ou les maîtres d’ouvrage peuvent être amenés à entreposer sur la voie publique des outils ou du matériel qui font obstacle au cheminement des piétons sur les trottoirs. Or, pour les personnes handicapées, notamment les personnes malvoyantes ou circulant en fauteuil roulant, cela peut engendrer une mise en danger considérable – risque de chute, obligation de se déporter vers la route.

En conséquence, les rapporteurs préconisent de sensibiliser les responsables de travaux publics pour organiser, de manière systématique, le cheminement accessible des piétons autour des zones de chantiers et ainsi garantir la sécurité des usagers handicapés.

Recommandation n° 60 : Sensibiliser les responsables de travaux publics aux dangers que peuvent représenter les chantiers de travaux publics pour les personnes handicapées et organiser, de manière systématique, le cheminement accessible des piétons autour des zones de travaux.

3.   Sanctionner l’inertie en matière de mise en accessibilité de la voirie et des transports publics

Tout au long des travaux de la mission d’évaluation, les rapporteurs se sont interrogés sur les blocages et les freins qui ont conduit à ce que vingt ans après l’adoption de la loi du 11 février 2005 – et cinquante ans après l’adoption de la loi du 30 janvier 1975, qui prévoyait déjà une obligation générale de mise en accessibilité – le retard pris en la matière soit si important.

Ils formulent le constat suivant : la mise en accessibilité est souvent considérée comme un chantier irréalisable, à tout le moins trop ambitieux pour aboutir dans les délais fixés. Dès lors, les acteurs chargés de lancer, de financer et d’effectuer les travaux s’enlisent dans une forme d’inertie qui les conduit à ignorer l’existence des normes d’accessibilité aussi longtemps que le délai court, et à reprendre conscience de son existence à la veille de son expiration. Ils plaident alors pour le report des obligations, et les pouvoirs publics, eux-mêmes concernés par cette inertie, confrontés à l’ampleur des sanctions qui devraient être prononcées, acceptent de prolonger le délai et d’amoindrir les normes.

Les rapporteurs souhaitent mettre fin à ce cercle vicieux de l’inertie, qui paralyse chaque acteur au lieu de créer une émulation bénéfique à tous, et en premier lieu aux personnes handicapées. Dès lors, en matière de transports et de voirie, ils préconisent également l’application des sanctions prévues par la loi en cas de non-respect des normes d’accessibilité prévues par la loi. Toutefois, ils souhaitent en parallèle encourager la « politique des petits pas » en valorisant les mises aux normes de faible ampleur et/ou peu coûteuses, car elles constituent souvent le point de départ de démarches plus ambitieuses pour les personnes qui conçoivent et mettent en œuvre des projets d’aménagement du territoire. Le fait de réussir à rendre accessible aux personnes handicapées un projet, même de petite taille, invite généralement à reproduire l’expérience sur les projets suivants.

Une telle philosophie doit également permettre de remédier à la logique du « tout ou rien » dont ont parfois fait preuve les acteurs en charge de ces projets d’aménagement : confrontés à l’impossibilité technique ou au coût financier trop importante d’une mise en accessibilité intégrale d’un espace aux personnes circulant en fauteuil roulant, le respect des normes d’accessibilité applicables aux autres formes de handicaps est également abandonné. Par exemple, si les rapporteurs acceptent l’impossibilité de rendre le réseau de métro parisien accessible aux personnes en fauteuil roulant, la densité urbaine et des réseaux ne permettant pas l’installation d’ascenseurs en nombre suffisant, cela ne doit pas empêcher l’autorité chargée du transport et ses financeurs de déployer tous les moyens nécessaires à la sonorisation des rames, à l’installation d’ascenseurs et d’escaliers mécaniques partout où cela est techniquement faisable, au déploiement de bandes de guidage et de manchons en braille, etc.

Lors de leur déplacement à Lyon, les rapporteurs ont pu assister à une réunion de la commission métropolitaine d’accessibilité. Une fonctionnaire de la Métropole de Lyon avait, à cette occasion, souligné le caractère paralysant de la recherche du « 100 % accessible », et insisté sur la nécessité de procéder par paliers. La direction interministérielle du numérique (Dinum), lors de son audition, avait formulé la même remarque : en encourageant à franchir chaque palier successivement, les objectifs sont plus facilement atteints que lorsqu’on laisse du temps sans accompagner la démarche.

En conséquence, les rapporteurs proposent d’associer à l’obligation de résultat qui incombe aux collectivités et aux autorités chargées des transports une obligation de moyens : ainsi, à l’obligation de mettre aux normes, dans un délai donné, s’ajouterait celle de démontrer que l’on a engagé les démarches nécessaires à l’atteinte de cet objectif. Tout usager devrait être en mesure de demander des comptes à sa commune ou à l’opérateur en charge des transports dont il dépend sur la programmation des travaux et sur les éventuels freins rencontrés. En réponse, la collectivité ou l’opérateur devrait démontrer qu’il a pris toutes les mesures nécessaires à la réalisation de l’objectif dans les délais fixés  ou qu’il a rencontré des obstacles indépendants de sa volonté qui en freine la réalisation. L’absence de réponse ou une réponse insatisfaisante devrait pouvoir faire l’objet d’un recours devant les juridictions de droit commun, et entraîner une sanction financière à la hauteur du préjudice subi par l’usager.

Dans ce cadre, lorsque la mise en accessibilité d’un espace s’avère coûteuse, les collectivités doivent être autorisées à programmer sa réalisation à moyen terme, à condition de proposer des solutions alternatives pratiques et temporaires. À titre d’exemple, lorsqu’une commune comprend un grand nombre de rues pavées de manière irrégulière, elle doit programmer, à moyen terme, la réfection de la voirie avec le ponçage et le jointoiement des pavés afin de faciliter le cheminement des personnes en fauteuil roulant. Une telle opération, coûteuse et de grande ampleur, doit pouvoir faire l’objet d’une programmation pluriannuelle. Toutefois, dans l’attente d’une mise en accessibilité, une solution alternative doit également être proposée aux personnes handicapées qui résident ou visitent la commune : cela peut consister en la mise à disposition à la mairie ou à l’office de tourisme d’une cinquième roue de support pour les fauteuils roulants.

Cette démarche, en lien avec la réforme de l’action de groupe (cfinfra), devrait permettre aux personnes handicapées et aux associations qui les représentent d’exercer une pression régulière et soutenue sur l’État, les collectivités et les opérateurs de transport de façon à améliorer le niveau d’accessibilité de la voirie et des transports sur tout le territoire.

Recommandation n° 61 : Associer à l’obligation de mise aux normes d’accessibilité (obligation de résultat) une obligation de moyen contraignant les acteurs en charge de la voirie ou des transports à justifier avoir engagé toutes les mesures nécessaires à l’atteinte de l’objectif d’accessibilité dans les délais fixés.

Lorsqu’aucune démarche sérieuse et volontaire n’a été initiée ou poursuivie, permettre à tout usager de saisir les juridictions pour faire appliquer les sanctions financières prévues par la loi.


III.   L’accessibilité numérique doit devenir un réflexe

La participation à la vie sociale des personnes handicapées n’implique pas uniquement la mise en accessibilité du cadre bâti et de la chaîne de déplacement. Dès 2005, la loi avait anticipé la place grandissante du numérique dans la société et dans les services publics, en imposant l’accessibilité numérique qui doit permettre, quelle que soit la nature du handicap, d’accéder aux contenus et services numériques dans des conditions équivalentes à celles des personnes valides.

Les quatre principes fondamentaux de l’accessibilité numérique

L’accessibilité numérique repose sur quatre principes fondamentaux définis par les Web Content Accessibility Guidelines (WCAG) (1) :

 perceptible : les contenus doivent être présentés de manière à être perçus par les sens, (ouïe, vue et toucher) ;

 utilisable : les éléments interactifs et d’orientation doivent être fonctionnels et utilisables avec succès ;

 compréhensible : l’interface doit faciliter la navigation et rendre l’apprentissage intuitif ;

 robuste : le contenu doit être compatible avec les technologies actuelles et futures, y compris les technologies d’assistance afin de garantir un accès fiable aux utilisateurs.

(1)    Ensemble de recommandations internationales élaborées par le World Wide Web Consortium (W3C) pour rendre les contenus internet plus accessibles aux personnes en situation de handicap.

 

A.   Dans un contexte de transformation numérique de l’action publique, l’insuffisante conformité des services numériques au cadre légal et réglementaire

Malgré le renforcement du cadre législatif et réglementaire en matière d’accessibilité numérique, sa mise en œuvre reste inégale. L’absence de pilotage interministériel structuré ainsi que le manque de moyens humains et financiers obèrent la capacité des administrations à respecter leurs obligations. La méconnaissance persistante des exigences légales et des référentiels applicables empêche par ailleurs l’émergence d’une véritable culture de l’accessibilité numérique. Ce constat souligne la nécessite d’un engagement politique et opérationnel plus soutenu.

1.   Face aux difficultés d’accès au numérique de certaines personnes handicapées, de nombreuses solutions techniques existent

● Pour des millions de personnes en situation de handicap, l’accès aux services numériques constitue encore un obstacle majeur. Ces difficultés, souvent invisibles, se traduisent concrètement par des situations d’exclusion :

– une personne aveugle, utilisant un lecteur d’écran, se trouve dans l’incapacité d’accéder à un site internet qui n’a pas été conçu pour être compatible avec les technologies d’assistance ;

– une personne malvoyante, qui peut avoir besoin d’agrandir les textes ou d’ajuster les contrastes, se trouve bloquée si l’interface ne le permet pas ;

– une personne présentant des troubles cognitifs peut être confrontée à des interfaces trop complexes, à des instructions peu claires ou à une organisation confuse des contenus, rendant le site inutilisable.

● Pour répondre aux besoins spécifiques des personnes en situation de handicap, plusieurs outils et technologies d’assistance existent aujourd’hui pour accéder aux services numériques de manière autonome :

 les lecteurs d’écran (ou synthèse vocale) permettent aux personnes aveugles ou très malvoyantes d’entendre une lecture vocale des contenus affichés à l’écran. Ils analysent le code source d’une page et en restituent les textes, les titres, les liens ou encore les boutons, à condition que ceux-ci soient correctement structurés et balisés ;

– les plages braille sont des dispositifs matériels connectés à l’ordinateur ou au smartphone. Elles traduisent en temps réel les textes affichés à l’écran en braille tactile, ligne par ligne, et s’utilisent en complément ou en remplacement de la synthèse vocale ;

– les options de personnalisation de l’affichage comme l’agrandissement des caractères, l’ajustement des contrastes et le choix des polices facilitent la lecture pour les personnes malvoyantes ;

– les interfaces simplifiées ou les contenus rédigés en langage facile à lire et à comprendre (FALC) sont particulièrement utiles aux personnes présentant des troubles cognitifs ou intellectuels.

L’efficacité de ces différents outils repose toutefois sur la conformité des sites et applications aux standards d’accessibilité. Leur utilisation est conditionnée au respect d’un principe fondamental : la conception universelle. À l’instar du bâti et de l’aménagement des espaces publics, penser en amont des services numériques accessibles à tous permet d’éviter leur adaptation en aval, souvent coûteuse et incomplète.

● La transformation numérique de l’action publique est un objectif prioritaire des politiques publiques françaises depuis plusieurs années. La dématérialisation, si elle est perçue comme un levier de modernisation, présente toutefois un risque accru d’exclusion pour les publics les plus vulnérables, en particulier les personnes handicapées. L’absence d’accessibilité universelle intégrée dès la conception des services numériques suscite un effet de sélection indirecte, excluant quiconque ne peut interagir avec des interfaces non adaptées.

Par ailleurs, le remplacement des guichets physiques par des bornes numériques non accessibles, comme cela a été constaté dans certaines gares ferroviaires ou préfectures, constitue également une régression en matière d’accessibilité. Dans ces situations, l’absence de solution alternative adaptée (accompagnement humain, interface vocale) contrevient directement au principe d’égalité d’accès aux services publics. Cette dynamique s’est accélérée depuis la crise sanitaire liée à la Covid-19, qui avait entraîné la fermeture temporaire de nombreux guichets physiques et le basculement vers des services dématérialisés.

Ces obstacles alimentent une fracture numérique persistante et privent de nombreux usagers d’accès à des services essentiels : démarches administratives, informations publiques, communication avec les services de l’État. La prise en compte de ces situations dans la conception des services numériques ne saurait être facultative. Elle suppose la sensibilisation et la formation de l’ensemble des acteurs concernés afin de garantir une véritable inclusion numérique.

2.   Un cadre juridique et stratégique renforcé mais une application très inégale en matière d’accessibilité numérique

● L’article 47 de la loi du 11 février 2005 reconnaît le caractère essentiel de l’accessibilité numérique dans l’accès aux droits. Dans sa version initiale, il disposait que « les services de communication publique en ligne des services de l’État, des collectivités territoriales et des établissements publics qui en dépendent doivent être accessibles aux personnes handicapées ».

Cette disposition affirmait un principe sans définir précisément son périmètre ni ses modalités de mise en œuvre. Le décret du 14 mai 2009 ([440]) a ensuite prévu un délai de deux ans pour l’État, et de trois ans pour les collectivités territoriales, pour rendre leurs services numériques accessibles. Ainsi, depuis le mois de mai 2012, tous les sites internet publics sont soumis à l’obligation d’accessibilité.

● L’article 47 a depuis été profondément modifié, notamment par l’article 106 de la loi pour une République numérique du 7 octobre 2016 ([441]) et la transposition de deux directives européennes adoptées en 2016 ([442]) et 2019 ([443]). Les obligations d’accessibilité numérique s’adressent désormais :

– aux personnes morales de droit public ;

– aux personnes morales de droit privé délégataires d’une mission de service public ou poursuivant une mission d’intérêt général sous le contrôle d’une ou plusieurs personnes publiques ;

– aux entreprises privées dont le chiffre d’affaires est supérieur à 250 millions d’euros réalisés en France, calculé sur la base de moyenne des trois années précédentes.

Le cadre normatif français repose sur la version 4.1 du référentiel général d’amélioration de l’accessibilité (RGAA) ([444]), datée de février 2021, elle-même alignée sur les normes internationales WCAG dans leur version 2.1. Il s’agit d’un référentiel qui définit les critères techniques permettant de rendre un service numérique accessible, quel que soit le handicap – visuel, auditif, moteur ou cognitif.

Depuis le 23 septembre 2019, chaque application ou site public est tenu de publier une déclaration d’accessibilité et d’afficher son niveau de conformité dès la page d’accueil.

● L’accessibilité numérique a également été intégrée dans d’autres corpus législatifs. Depuis le mois d’août 2019, le code du travail impose l’accessibilité des intranets, systèmes d’information et applications métiers pour les salariés en situation de handicap ([445]).

Par ailleurs, la circulaire de la Première ministre du 7 juillet 2023 ([446]) a réaffirmé l’objectif de rendre 100 % des démarches administratives accessibles, avec un suivi trimestriel de la conformité des 247 démarches essentielles de l’État via un tableau de bord public, Vos démarches essentielles, établi par la direction interministérielle du numérique (Dinum).


Extraits du tableau de suivi de la qualité des démarches essentielles

Démarche

Réalisable en ligne

Satisfaction usagers

Prise en compte du handicap

Dites-le-nous une fois

Clarté du langage

Demande d’inscription sur les listes électorales communales
(Ministère de l’intérieur)

Oui

8,8/10

Partielle
93 %

Optimal

9,6/10

Déclarer un changement de situation pour les prestations familiales
(Cnaf)

Oui

7,5/10

Partielle
89 %

Faible

7,4/10

Déclaration des revenus
(Ministère de l’économie et des finances)

Oui

8,1/10

Non
32,6 %

Optimal

8/10

Demande de logement en cité universitaire
(Crous)

Oui

8,7/10

Partiel
80,4 %

Optimal

9,4/10

Source : observatoire.numerique.gouv.fr

● Ces dispositions nationales s’inscrivent dans un cadre européen. La directive du 26 octobre 2016 ([447]), transposée en droit français, impose l’accessibilité de tous les sites publics depuis le 23 septembre 2020 et de toutes les applications mobiles depuis le 23 juin 2021. Elle prévoit également un mécanisme de suivi avec la remise, par chaque État membre, d’un rapport triennal sur l’état de l’accessibilité.

La directive européenne du 17 avril 2019, dite « European Accessibility Act » ([448]), élargit les obligations d’accessibilité aux services et produits du secteur privé, notamment dans le secteur bancaire, des transports, du commerce en ligne, des télécommunications, des médias et des services de billetterie. Elle impose à ces opérateurs, à compter du 28 juin 2025, la conformité à la norme européenne EN 301 549, qui définit des exigences techniques précises pour des produits et services numériques accessibles à tous, y compris aux personnes en situation de handicap ([449]), alignée sur les WCAG 2.2. Une période transitoire est prévue jusqu’en 2030, durant laquelle les produits et services peuvent continuer à être proposés même s’ils ne sont pas totalement conformes aux nouvelles exigences, à condition qu’ils aient été mis en circulation légalement avant la date d’application de la directive. La transposition en droit français a été effectuée par la loi du 9 mars 2023 ([450]), puis précisée au moyen de l’ordonnance n° 2023‑859 du 6 septembre 2023 ([451]), qui renforce le régime des sanctions.

● Une enveloppe budgétaire de 60 millions d’euros sur cinq ans (20232028) a été mobilisée par l’État pour accompagner la mise en accessibilité numérique des services publics ([452]).

3.   L’accessibilité numérique des sites internet publics et privés reste largement insuffisante

L’application de ce cadre juridique reste inégale et souvent lacunaire. En octobre 2024, seules 3 % des démarches essentielles de l’État étaient entièrement conformes à la norme en vigueur RGAA. En juillet 2023, seules 6 des 248 démarches administratives en ligne les plus courantes étaient totalement accessibles aux personnes en situation de handicap ([453]). Le taux global de conformité a ainsi progressé de 40 % à 59 % en trois ans ([454]), ce qui marque un progrès réel mais insuffisant au regard de l’objectif, qui ne sera pas atteint, de 100 % d’ici fin 2025. Par ailleurs, dans le secteur privé, la majorité des sites internet des entreprises visées par l’obligation n’atteignent pas les seuils minimaux prévus par la réglementation.

En outre, depuis 2022, la Fédération des Aveugles de France a créé un observatoire national du respect des obligations d’accessibilité numérique. En juin 2025, sur un échantillon de 7 309 sites contrôlés, moins de 3,61 % respectent leurs obligations d’affichage, et seulement 28 sites déclarent être en conformité totale avec le référentiel général d’amélioration de l’accessibilité, soit 0,38 %. L’observatoire propose également une analyse du niveau d’accessibilité selon les secteurs d’activité. Dans le secteur bancaire, 15 des 57 sites contrôlés respectent leurs obligations d’affichage et 17 sites font état d’un niveau d’accessibilité « partiellement conforme ». Dans l’hôtellerie, la restauration et les loisirs, sur 44 sites contrôlés, 5 sont en conformité. Enfin, dans l’immobilier, aucun des 7 sites contrôlés ne satisfait à ses obligations d’affichage ([455]).

Ces résultats, bien qu’en progression, demeurent insuffisants pour un accès effectif et équitable aux services en ligne. L’enjeu demeure, pour les années à venir, de transformer le cadre juridique en réalité opérationnelle, notamment à travers le renforcement des moyens, des compétences et des contrôles.

B.   Construire une culture de l’accessibilité numérique à travers la formation et l’expertise

La mise en accessibilité des services numériques publics, prévue à l’article 47 de la loi du 11 février 2005, suppose que l’ensemble des acteurs impliqués dans leur conception, leur développement et leur mise en œuvre soient formés aux exigences du référentiel général d’amélioration de l’accessibilité et outillés pour les appliquer.

1.   Des freins persistants à la mise en œuvre : le déficit de compétences, un pilotage encore fragile et des contrôles défaillants

Les obstacles à la mise en œuvre des obligations d’accessibilité numérique sont nombreux.

● Le faible niveau de maîtrise des exigences du référentiel général d’amélioration de l’accessibilité par les équipes en charge de la conception, de la gestion ou de la maintenance des sites publics constitue l’un des principaux freins à la mise en œuvre effective de la loi.

Les services rencontrent fréquemment des difficultés dans la mise en œuvre opérationnelle des obligations d’accessibilité numérique, en particulier lorsqu’il s’agit de traduire les exigences du référentiel général d’amélioration de l’accessibilité en solutions techniques concrètes sur leurs sites internet. Ces difficultés résultent d’un déficit de compétences, aggravé par le manque de formation continue et de soutien opérationnel. Malgré une augmentation progressive, le nombre d’experts en accessibilité numérique reste limité, le marché n’ayant commencé à se structurer que récemment. Cette pénurie a un effet direct sur les collectivités les plus petites ou les établissements publics isolés, qui peinent à recruter ou à former en interne des référents accessibilité. D’après le baromètre numérique des collectivités publié par la direction interministérielle du numérique en 2024 ([456]), seules 18 % des collectivités territoriales ont procédé à un audit RGAA, et 19 % ont engagé des actions de mise en conformité de leur site internet.

● Le pilotage interministériel de la politique d’accessibilité numérique reste insuffisant. La direction interministérielle du numérique est chargée d’éditer le référentiel, d’accompagner les administrations et de piloter la politique interministérielle du numérique. S’il existe des feuilles de route interministérielles qu’elle rédige avec la délégation interministérielle à l’accessibilité (Dia), celles-ci n’ont aucun caractère contraignant et ne sont pas systématiquement déclinées à l’échelle territoriale. Leur application repose essentiellement sur l’engagement des ministères et des acteurs locaux. Bien que centrale, l’action de la direction interministérielle du numérique se heurte à un manque de leviers opérationnels pour garantir la cohérence et l’homogénéité de la mise en œuvre de l’accessibilité numérique au sein des ministères, des administrations déconcentrées et des collectivités territoriales.

Conformément à la réglementation en vigueur, l’ensemble des organismes publics, ainsi que certains acteurs privés, ont l’obligation d’élaborer et de publier un schéma pluriannuel d’accessibilité numérique assorti de plans d’actions annuels. Ces documents informent les usagers sur les mesures prises en direction de la conformité au référentiel général d’amélioration de l’accessibilité.

Les bilans des schémas d’accessibilité numérique des différents organismes publics montrent que, malgré des actions de sensibilisation, de formation et d’accompagnement des équipes, l’amélioration de l’accessibilité numérique reste progressive et inégale. La Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie appelle à renforcer l’engagement de l’ensemble de ses directions internes et au doublement des effectifs concernés ces deux dernières années ([457]). La Banque de France rappelle de son côté que la mise en œuvre de l’obligation d’accessibilité suppose une adaptation de l’organisation interne et un suivi régulier ([458]).

La brigade d’intervention numérique, mise en place en 2022 par la direction interministérielle du numérique, a vocation à accompagner l’ensemble des ministères et opérateurs publics dans leur mise en conformité. Elle rassemble des experts issus de divers domaines du numérique : recherche utilisateurs, design, accessibilité numérique, numérique éco-responsable, cloud ([459]), conseil en transformation numérique, etc. En 2023, la brigade a mené 100 missions auprès des ministères pour améliorer la qualité de leurs démarches, accompagnant 20 démarches essentielles en accessibilité ([460]). Cependant, cette force de soutien reste très insuffisante au regard des milliers de sites publics concernés et de la nécessité d’un appui permanent, notamment dans les phases de conception et de refonte.

Recommandation n° 62 : Renforcer les ressources humaines et financières de la direction interministérielle du numérique afin de lui permettre d’accompagner plus étroitement les administrations dans la mise en accessibilité des services numériques.

● Le contrôle de la conformité des services numériques aux règles d’accessibilité s’appuie principalement, en application de l’article 471 de la loi du 11 août 2005 modifié par l’ordonnance du 6 septembre 2023 ([461]), sur l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom). Celle-ci a pour mission de veiller au respect des obligations légales, notamment la publication d’une mention sur la page d’accueil, la déclaration d’accessibilité, l’élaboration d’un schéma pluriannuel de mise en accessibilité ainsi que la conformité au référentiel général d’amélioration de l’accessibilité.

Toutefois, les moyens humains, techniques, et financiers alloués à l’Autorité pour cette mission restent limités au regard de l’ampleur de la tâche : plusieurs milliers de sites publics, applications mobiles et intranets, sans compter les obligations étendues aux grandes entreprises du secteur privé. Cette situation limite la capacité de l’Arcom à diligenter des contrôles approfondis et systématiques.

L’Autorité a mis en place deux méthodes :

– les contrôles programmés, qui concernent un échantillon représentatif de plusieurs centaines de sites publics ;

– le traitement des signalements, qui permet aux usagers de signaler les manquements au moyen d’un formulaire accessible.

En pratique, les contrôles demeurent donc ponctuels, essentiellement déclaratifs, et rarement suivis d’effets.

En outre, l’article 47‑1 de la loi du 11 février 2005 prévoit que le non-respect des obligations d’accessibilité expose les administrations publiques, au 1er janvier 2024, à des sanctions financières pouvant atteindre 50 000 euros par site non conforme, voire davantage en cas de récidive après six mois. Cependant, ces sanctions ne sont quasiment pas appliquées, faute de procédures et de capacités à exercer une surveillance réelle des administrations concernées. L’Autorité peut émettre des injonctions et des mises en demeure, mais la traduction en sanctions pécuniaires reste exceptionnelle.

Concernant le secteur privé, une amende d’un montant maximal de 25 000 euros réprime le défaut de déclaration d’accessibilité ou l’absence de schéma pluriannuel. Des amendes journalières d’un maximum de 3 000 euros peuvent lui succéder en cas de manquement répété, pour un montant plafonné à 300 000 euros.

L’absence de mécanismes de contrôle robustes, conjuguée à un déficit d’expertise et de pilotage, explique en grande partie le retard persistant de la France en matière d’accessibilité numérique. Malgré une nette amélioration dans la publication des déclarations d’accessibilité, de 19 % des sites publics en 2020 à 92 % aujourd’hui, la conformité réelle au référentiel général d’amélioration de l’accessibilité progresse lentement, de 13 % en 2020 à 48 % actuellement ([462]).

Recommandation n° 63 : Garantir l’effectivité des sanctions en cas de non-conformité et renforcer les contrôles de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique en lui allouant les moyens nécessaires.

2.   Un déficit structurel de formation et d’expertise qui ralentit la mise en œuvre des obligations existantes

L’accessibilité numérique est une compétence technique spécifique, nécessitant une maîtrise approfondie des référentiels, des outils d’audit, des normes, ainsi qu’une capacité à tester les interfaces avec des technologies d’assistance. Or, cette expertise est encore faiblement développée. Les acteurs spécialisés sont peu nombreux en France, comme en témoignent les difficultés rencontrées par les collectivités locales pour procéder à des audits externes ou faire appel à des prestataires compétents.

Plusieurs études et témoignages d’experts soulignent qu’une large majorité de développeurs français ignorent la réglementation sur l’accessibilité numérique des services en ligne, ce qui empêche l’intégration systématique des bonnes pratiques dès la phase de conception. Ce déficit de connaissances s’accompagne de l’absence de référents formés dans de nombreux établissements, la fonction de référent accessibilité numérique restant souvent non définie ou non pourvue.

L’absence de formation à l’accessibilité numérique concerne ainsi les normes techniques, les outils de conception inclusive, les méthodes de test par les utilisateurs ou encore les enjeux de droit d’accès aux services pour les personnes handicapées. En l’absence de ce socle de base, la majorité des jeunes professionnels de l’informatique entre sur le marché du travail, en entreprises ou dans les administrations, sans avoir été sensibilisée à ces enjeux, ni formée pour y répondre.

● Dans le secteur public, plusieurs initiatives ont fleuri ces dernières années pour une meilleure formation des agents aux normes d’accessibilité numérique. La direction interministérielle du numérique propose des modules sur l’accessibilité avec la plateforme « DesignGouv ». Celle-ci s’adresse à tous les agents publics, quels que soient leur métier et leur niveau : sensibilisation générale, fondamentaux techniques, critères RGAA, conception et développement accessibles. Chaque module combine théorie, pratique, exercices interactifs et études de cas, avec des évaluations pour valider les acquis. Depuis le début de l’année 2024, 800 agents publics ont été formés dans une démarche de sensibilisation aux enjeux de l’accessibilité numérique et de renforcement des compétences nécessaires à la conception de service numériques inclusifs ([463]).

La Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie a construit un plan triennal 2025‑2027 comprenant des actions régulières de sensibilisation et de formation à l’accessibilité numérique de ses agents. En 2024, une soixantaine d’entre eux ont ainsi été sensibilisés lors de leur intégration, une quinzaine a suivi une formation relative à la production de contenus accessibles et sept autres ont été formés au pilotage de l’accessibilité dans les projets web.

Malgré ces efforts, aucune formation n’est obligatoire ni intégrée aux plans annuels de formation de l’État ou des collectivités. Les dispositifs sont donc parcellaires et peu visibles. Ils ne précipitent aucune montée en compétences à l’échelle de l’ensemble du secteur public.

● Dans le secteur privé, la directive européenne du 17 avril 2019 impose l’accessibilité numérique à un nombre croissant d’entreprises, et en particulier aux opérateurs de services essentiels. Cependant, il n’existe à ce jour aucun référentiel de formation partagé par toutes les branches professionnelles. L’offre est laissée au marché, avec quelques prestataires spécialisés, mais sans mutualisation ni harmonisation nationale.

Les entreprises de taille intermédiaire et les petites et moyennes entreprises, à l’instar des petites collectivités territoriales, ne bénéficient pas d’un accompagnement adapté. En l’absence d’un appui institutionnel ou d’un guichet unique leur facilitant l’accès aux informations, aux ressources, à des conseils ou à des formations adaptées, ces acteurs peinent à répondre aux nouvelles obligations.

3.   Une dynamique de formation à renforcer et à stabiliser dans la durée

Pour répondre à l’ampleur des besoins, il est essentiel de proposer des formations adaptées à tous les profils :

– des modules de sensibilisation pour tous les agents et décideurs afin de comprendre les enjeux et les impacts utilisateurs ;

– des formations techniques pour les développeurs, concepteurs et responsables de projet pour maitriser la conception, l’audit et la mise en conformité des sites et applications ;

– des parcours diplômants et certifiants destinés à former des référents accessibilité numérique et à garantir une expertise pérenne dans les organisations.

Sans formation obligatoire, sans référentiel commun de compétences et sans articulation avec les besoins concrets des administrations et des opérateurs publics, les obligations légales ne deviendront pas effectives.

Dès lors, la formation ne doit pas être ponctuelle, mais au contraire s’inscrire dans une démarche continue, faire l’objet de mises à jour régulières en lien avec l’évolution des normes et des technologies, et s’accompagner du plan d’action annuel et pluriannuel d’accessibilité désormais exigé par la loi.

Recommandation n° 64 : Engager un vaste plan de formation des agents publics à l’accessibilité numérique au sein de tous les ministères.

C.   Une accessibilité pensée sans les personnes concernées, fragilisant l’effectivité des droits dans un contexte de numérisation croissante

Comme souvent en matière d’accessibilité, les outils et les services numériques sont conçus sans associer suffisamment leurs principaux destinataires : les personnes handicapées. Or, l’accessibilité numérique ne pourra jamais s’imposer sans une implication étroite des usagers concernés.

1.   Une culture de la conformité qui ne suffit pas à garantir une réelle accessibilité pour tous les types de handicap

L’approche actuelle de l’accessibilité repose sur une logique de conformité formelle, non sur une logique d’usage réel. Les services numériques sont conçus pour être conformes au référentiel général d’amélioration de l’accessibilité, sans nécessairement être accessibles dans la pratique à l’ensemble des personnes en situation de handicap. Cette approche techniciste privilégie les critères mesurables – respect des contrastes, bonne structuration HTML – au détriment d’une réflexion globale sur l’ergonomie, l’expérience utilisateur, la fluidité de navigation et la diversité des situations de handicap – sensoriels, cognitifs, psychiques.

De nombreux exemples illustrent cette déconnexion entre conformité et accessibilité effective. Tel est le cas :

– des documents en format PDF (portal document format) qui ne peuvent être lus par les lecteurs d’écran ;

– des Captcha (Completely Automated Public Turing test to tell Computers and Humans Apart), dispositifs de vérification automatisée conçus pour distinguer un utilisateur d’un robot, qui reposent souvent sur des exercices de reconnaissance visuelle ou sonore, et bloquent de fait l’accès aux personnes aveugles ou malvoyantes ;

– des formulaires complexes et peu intuitifs ;

– ou encore des contenus non sous-titrés, y compris dans des services essentiels (éducation, santé, emploi, impôts).

Le numérique accessible n’est pas encore conçu comme une exigence de qualité universelle, mais comme une contrainte technique à satisfaire après coup et souvent dans l’urgence.

Une culture centrée sur les usages réels, associant les personnes concernées dès la conception des services, reste à construire. Leur participation active permet de détecter des obstacles concrets que les seules exigences normatives ne suffisent pas toujours à anticiper. Tests utilisateurs, démarches de design inclusif, consultations ou panels de personnes en situation de handicap doivent devenir des étapes courantes et structurantes des projets numériques publics. Cette culture de l’usage suppose une prise en compte élargie de la diversité des situations de handicap, mais aussi des situations temporaires de limitation fonctionnelle. Elle engage les administrations à penser l’accessibilité comme une composante essentielle de la qualité de service, non comme une contrainte additionnelle ou marginale.

À cet égard, l’organisation par la direction interministérielle du numérique, d’un hackathon ([464]) interministériel sur l’accessibilité numérique, en 2024, constitue une initiative prometteuse. Cet évènement a conduit les développeurs à travailler en lien direct avec des personnes en situation de handicap, à tester des solutions concrètes et à produire des outils technologiques ciblés, notamment pour améliorer l’accessibilité des fichiers PDF et des Captcha. En créant les conditions d’une coconstruction opérationnelle, ce type de démarche suscite de l’engagement, favorise une compréhension partagée des besoins réels et encourage l’innovation inclusive.

Enfin, un enjeu en pleine évolution concerne le développement des technologies émergentes, notamment de l’intelligence artificielle. Certaines applications, comme la description d’images pour les personnes malvoyantes ou les assistants conversationnels adaptés devraient contribuer à améliorer l’accessibilité. En revanche, des solutions comme les surcouches génératives ([465]), qui utilisent l’intelligence artificielle pour modifier en temps réel des sites non accessibles, soulèvent un certain scepticisme en raison de leur caractère non pérenne, partiel et parfois instable. À ce titre, la Commission européenne a rappelé que ces surcouches ne permettent pas de respecter la législation en vigueur et ne sauraient se substituer à une accessibilité intégrée dès la conception ([466]). En ce sens, la priorité doit rester la conception accessible nativement, dès les premières étapes des projets numériques. L’intelligence artificielle peut jouer un rôle d’appoint ; elle ne saurait pallier l’absence d’une conception inclusive dès l’origine.

2.   Une absence des personnes en situation de handicap dans la conception et l’évaluation des outils numériques publics

L’évaluation de la mise en œuvre de la loi du 11 février 2005 met en lumière un déficit structurel de participation des personnes en situation de handicap dans les projets numériques. Or, les associations de défense de leurs droits soulignent que ne pas intégrer ces publics dans la conception des outils numériques revient à les priver de leur accès la vie sociale, économique et citoyenne ([467]).

Alors même que les personnes en situation de handicap sont les premières utilisatrices concernées, elles ne sont que très rarement intégrées aux panels d’usagers mobilisés pour les tests d’accessibilité.

La loi impose aux services publics de fournir un moyen permettant aux utilisateurs de signaler les problèmes d’accessibilité et d’auditer régulièrement leurs sites, mais l’évaluation reste trop souvent technique, sans les retours des premiers concernés.

Des exemples vertueux existent néanmoins. L’application SNCF Connect a été saluée pour l’intégration de fonctionnalités pensées avec et pour les personnes en situation de handicap, notamment l’adaptation des temps de correspondance pour les voyageurs à mobilité réduite. La SNCF a également déployé la solution Accéo permettant aux agents d’échanger en temps réel avec des personnes sourdes ou malentendantes grâce à un centre relais téléphonique.

Ces initiatives restent cependant isolées. Elles dépendent, selon les cas, de la stratégie propre à certains opérateurs publics ou de la volonté locale des maîtres d’ouvrage. Il n’existe pas, à ce jour, d’obligation réglementaire imposant la participation systématique des personnes en situation de handicap aux phases de conception et d’évaluation des outils numériques publics.

La loi du 11 février 2005 révèle ainsi un paradoxe structurel : alors même que les politiques d’accessibilité visent à garantir l’égalité des droits, les personnes directement concernées par les obstacles numériques sont rarement associées à la conception, au développement et à l’évaluation des outils publics. Le manque de concertation avec les associations représentatives, les utilisateurs experts et les personnes en situation de handicap elles-mêmes est un facteur de non‑conformité autant qu’un levier d’inefficacité. Les projets numériques sont trop souvent pilotés sans phase de test utilisateur représentatif, ni mécanisme systématique d’écoute des besoins spécifiques. Cela se traduit par des solutions qui, même techniquement conformes, peinent à être réellement utilisables par tous.

Face à ce constat, les rapporteurs appellent à associer systématiquement les représentants des personnes handicapées à la conception des services numériques et à systématiser les tests utilisateurs.

Recommandation n° 65 : Associer les représentants des personnes handicapées dès la conception des services numériques et rendre systématiques les tests utilisateurs.

 


   Partie IV : Garantir la participation des personnes handicapées à l’élaboration et au pilotage des politiques publiques

L’élaboration et le pilotage des pilotages publiques sont effectués, aujourd’hui, sans prendre en compte la question du handicap. Cela dépasse le seul champ des politiques du handicap, auxquelles les personnes handicapées sont encore insuffisamment associées. Alors que les enjeux du handicap sont transversaux à toutes les politiques publiques, ils sont souvent ignorés ou relégués en arrière-plan, ce qui en complexifie le pilotage, en l’absence de statistiques sur les problématiques rencontrées et de données agrégées sur les moyens alloués.

I.   Redonner voix aux personnes handicapées par la reconnaissance de leur pleine citoyenneté et la révision des modalités de leur représentation

Alors même que le handicap touche environ 12 millions de personnes en France, et que les personnes handicapées sont concernées par toutes les politiques publiques, leur accès à la citoyenneté et à la parole publique est encore trop limité pour que leurs voix soient véritablement entendues.

A.   Garantir le droit à la citoyenneté des personnes handicapées par la promotion de l’autodétermination et la suppression des dispositifs « incapacitants »

Les personnes handicapées sont concernées au premier chef par le régime de protection juridique des majeurs. La loi du 11 février 2005, malgré la référence à la « citoyenneté » des personnes handicapées dans son titre même, ne s’intéresse que marginalement aux personnes faisant l’objet d’une mesure de protection juridique, et uniquement en ce qui concerne leurs droits électoraux. Or, le régime français de protection juridique des majeurs est fortement remis en cause, notamment par le Comité des droits des personnes handicapées des Nations unies.

1.   Faire évoluer le régime de la protection juridique des majeurs vers des dispositifs de prise de décisions accompagnée

Bien qu’il ait connu des assouplissements significatifs au cours des vingt dernières années, le régime de protection juridique des majeurs véhicule, encore aujourd’hui, une approche paternaliste et infantilisante du handicap. Il convient de restituer leur capacité juridique à toutes les personnes handicapées et de développer les outils d’aide à la décision et à la communication afin de leur permettre d’être maîtresses de leur vie.

a.   Le droit français véhicule une conception datée et contestée de la capacité juridique, contraire à la Convention internationale des droits des personnes handicapées

En préambule du rapport de la mission interministérielle sur l’évolution de la protection juridique des personnes, publié en 2018 ([468]), il est rappelé la théorie générale des incapacités en droit civil du doyen Jean Carbonnier : « toute personne physique jouit de la personnalité juridique et se voit ainsi reconnaître des prérogatives, des droits. La pleine capacité de jouissance et d’exercice de ses droits suppose que la personne puisse exercer une volonté éclairée, résultant d’une aptitude à comprendre les données et les enjeux des questions qui lui sont soumises, à élaborer un raisonnement et à faire des choix. Si, en raison d’une altération de ses facultés personnelles, la personne majeure ne peut exprimer une volonté consciente, le droit ne lui reconnaît pas la capacité de participer efficacement à la vie juridique. Sa personnalité juridique en est ainsi diminuée puisque son aptitude à faire valoir seule ses droits, ou même à en être titulaire (par exemple pour le droit de vote) pourront être limitées. » ([469])

● Cette conception, datée et contestée, imprègne encore le droit français, malgré les évolutions importantes qu’il a connues depuis les années 2000. En 2021, dans ses observations finales, le Comité des droits des personnes handicapées (CDPH) notait ainsi que « certaines dispositions légales [...] nient le droit des personnes handicapées à la reconnaissance de leur personnalité juridique dans des conditions d’égalité et prévoient la déchéance de la capacité juridique et de l’autonomie et le placement sous tutelle ou curatelle sur la base d’une évaluation médicale des capacités mentales de la personne ». Il soulignait également l’absence de mécanisme de prise de décisions accompagnée et constatait que « certaines mesures perpétuent la prise de décisions substitutive et ne tiennent pas compte de la volonté et des préférences des personnes handicapées ».

L’Observation générale n° 1 du CDPH ([470]) propose une interprétation de l’article 12 de la Convention internationale des droits des personnes handicapées (CIDPH), relatif à la reconnaissance de la personnalité juridique dans des conditions d’égalité. Le CDPH indique ainsi que « nul ne peut être privé du droit à la reconnaissance de sa personnalité juridique, ni voir ce droit limité en aucune circonstance ». Or, « depuis toujours, les personnes handicapées sont privées de leur droit à la capacité juridique dans de nombreux domaines de manière discriminatoire dans le cadre de systèmes de prise de décisions substitutive comme la tutelle, la curatelle et les lois relatives à la santé mentale qui permettent le traitement forcé. Ces pratiques doivent être abolies afin que les personnes handicapées retrouvent une pleine capacité juridique, sur la base de l’égalité avec les autres. »

Le CDPH distingue la capacité juridique et la capacité mentale :

– la capacité juridique est la capacité d’avoir des droits et obligations (statut juridique) et d’exercer ces droits et d’exécuter ces obligations (capacité d’agir en droit) ;

– la capacité mentale renvoie à la capacité d’une personne de prendre des décisions, qui varie naturellement d’une personne à l’autre et peut également varier dans le cas d’une même personne en fonction de nombreux facteurs, y compris des facteurs environnementaux et sociaux.

Il indique ainsi qu’« en vertu de l’article 12 de la Convention, une incapacité mentale réelle ou supposée ne saurait justifier le déni de la capacité juridique ». Or, selon le CDPH, il y a un « amalgame entre les notions de capacité mentale et de capacité juridique, de sorte que, lorsque la capacité de décider d’une personne est jugée déficiente, souvent en raison d’un handicap cognitif ou psychosocial, sa capacité juridique de prendre une décision particulière lui est retirée ». L’article 12 de la CIDPH exige pourtant que les États parties donnent aux personnes handicapées « accès à l’accompagnement nécessaire pour exercer leur capacité juridique ». Cet accompagnement « doit respecter les droits, la volonté et les préférences des personnes handicapées et ne devrait jamais équivaloir à une prise de décision substitutive ».

L’article 12 ne précise pas la forme que doit revêtir cet accompagnement, mais le CDPH énonce les dispositifs suivants :

– les personnes handicapées peuvent charger une ou plusieurs personnes de confiance de leur choix de les accompagner dans l’exercice de leur capacité juridique pour certains types de décisions ;

– les personnes handicapées peuvent faire appel à d’autres formes d’accompagnement comme le soutien par les pairs, la défense de leurs intérêts (notamment par elles-mêmes) ou l’aide à la communication ;

– les mesures relatives à la conception universelle et à l’accessibilité, telles que l’obligation, pour les acteurs publics et privés, de fournir des informations sous une forme compréhensible ou une interprétation professionnelle en langue des signes, peuvent également permettre aux personnes handicapées d’accomplir les actes juridiques nécessaires de la vie sociale ;

– l’élaboration et la reconnaissance de diverses méthodes non conventionnelles de communication, en particulier à l’intention des personnes qui recourent à des formes non verbales de communication pour exprimer leur volonté et leurs préférences ;

– l’existence de diverses formes de mécanismes de planification pour permettre aux personnes handicapées d’indiquer leur volonté et leurs préférences pour le cas où elles ne seraient plus en mesure de les faire connaître.

● Depuis 2007, le droit français a fait l’objet d’évolutions successives en lien avec une meilleure reconnaissance de la capacité juridique des personnes handicapées.

La loi du 5 mars 2007 portant réforme de la protection juridique des majeurs ([471]) a considérablement réformé les principes institués par la loi du 3 janvier 1968 ([472]). Elle a ainsi prévu :

– que la mise sous tutelle ou curatelle n’est possible que si une altération des facultés est constatée par un certificat médical circonstancié, en supprimant la référence à la « prodigalité », à l’« intempérance » ou à l’« oisiveté » de la personne protégée ;

– la création d’un mandat de protection future, afin de prévoir à l’avance la personne chargée de veiller sur ses intérêts et sa personne ;

– le renforcement des droits de la personne protégée, notamment en rendant son audition obligatoire lors de la procédure de mise sous tutelle et en garantissant que les décisions en matière de santé et de logement sont prises par la personne concernée, dans la mesure de ses possibilités, le rôle du tuteur étant limité à l’information et à l’aide ;

– la suppression de la tutelle aux prestations sociales.

L’ordonnance du 15 octobre 2015 portant simplification et modernisation du droit de la famille ([473]) a ensuite créé le dispositif de l’habilitation familiale.

En matière de protection juridique des majeurs, la loi du 23 mars 2019 de programmation pour la justice ([474]) a notamment :

– réaffirmé le principe de primauté du mandat de protection future sur tout autre dispositif de représentation ;

– institué une évaluation sociale pluridisciplinaire de la situation du majeur à protéger et de sa sphère d’autonomie ;

– supprimé certaines autorisations préalables par le juge, notamment en matière de clôture des comptes ou d’acte médical grave ;

– supprimé la disposition du code électoral qui soumettait le droit de vote des personnes sous tutelle à une autorisation du juge et encadré strictement le régime des procurations ;

– assoupli les conditions dans lesquelles les personnes protégées peuvent se marier, se pacser ou divorcer ;

– créé la possibilité d’une passerelle entre les différentes mesures de protection et étendu le champ d’application de l’habilitation familiale à l’assistance ;

– symboliquement renommé le juge des tutelles, qui devient le juge des contentieux de la protection.

● Aujourd’hui, le droit français prévoit sept mesures de protection des majeurs. Il existe ainsi trois mesures judiciaires – la sauvegarde de justice, la curatelle et la tutelle –, une mesure de protection conventionnelle – le mandat de protection future –, le dispositif de l’habilitation familiale, et deux mesures d’accompagnement social pour les personnes en grandes difficultés sociales et économiques – la mesure d’accompagnement social personnalisé (Masp) et la mesure d’accompagnement judiciaire (MAJ).

En matière de protection judiciaire, l’article 415 du code civil dispose : « les personnes majeures reçoivent la protection de leur personne et de leurs biens que leur état ou leur situation rend nécessaire [...]. Cette protection est instaurée et assurée dans le respect des libertés individuelles, des droits fondamentaux et de la dignité de la personne. Elle a pour finalité l’intérêt de la personne protégée. Elle favorise, dans la mesure du possible, l’autonomie de celle-ci. » L’article 425 du code civil prévoit quant à lui : « Toute personne dans l’impossibilité de pourvoir seule à ses intérêts en raison d’une altération, médicalement constatée, soit de ses facultés mentales, soit de ses facultés corporelles de nature à empêcher l’expression de sa volonté peut bénéficier d’une mesure de protection juridique. »

Les critiques à l’égard des mesures de protection judiciaire restent vives, malgré les assouplissements intervenus dans le sens de la garantie des droits des personnes protégées. Sur les conditions de placement sous protection juridique, Anne Caron‑Déglise, avocate générale à la Cour de cassation, soulignait en 2018 que « la notion d’altération est très large » et que « l’appréciation de la possibilité de pourvoir seul à ses intérêts peut également être discutée à l’infini » ([475]). En outre, la protection juridique reste considérée comme stigmatisante, en particulier la tutelle, et ancrée dans une approche paternaliste qui contribue à nier les envies et les droits des personnes protégées. À ce titre, la recherche de la volonté et des préférences de la personne protégée n’est pas systématique, et les actes qu’elle est autorisée à réaliser en cas de placement sous tutelle ou sous curatelle restent marginaux.

La Défenseure des droits a ainsi signalé aux rapporteurs certaines difficultés rencontrées par les majeurs protégés dans leur vie quotidienne :

– « les majeurs protégés ne disposent pas tous des moyens de paiement classiques, comme des cartes de paiement ou des chèques, mais recourent majoritairement aux paiements en espèces, dans la mesure où la plupart du temps ils ne possèdent qu’une carte de retrait. Ils sont donc dans l’impossibilité d’accéder aux services accessibles uniquement via les terminaux en libre-service : terminaux de paiement, distributeurs automatiques de titres de transport, bornes d’enregistrement automatiques, etc. sans qu’aucune solution ne leur soit proposée en contrepartie » ;

– « le Défenseur des droits a été saisi d’une réclamation relative au refus d’octroi à un majeur protégé, par la caisse primaire d’assurance maladie (CPAM), de la complémentaire santé solidaire (C2S), au motif que les ressources annuelles de l’intéressé dépassaient le plafond autorisé. L’instruction a fait ressortir que les frais de curatelle imposés à l’assuré n’étaient pas déduits des ressources prises en compte, et que cette déduction aurait permis à l’assuré d’établir ses ressources en deçà du plafond, et de bénéficier de la C2S. La Défenseure a présenté des observations en se fondant sur la CIDPH devant le tribunal judiciaire qui a considéré que la législation nationale était contraire à la Convention et décidé de l’écarter et d’accorder le droit à la C2S au majeur protégé. » ([476])

Odile Maurin, présidente de l’association Handi-social, a également dénoncé, auprès des rapporteurs, le « scandale des tutelles et des curatelles, qui sont des mesures privatives de liberté, et qui devraient être remplacées par des mesures de prise de décision assistée » ([477]).

● Selon les données du ministère de la justice, en 2023, 711 600 majeurs étaient placés sous curatelle ou sous tutelle. Leur moyenne d’âge s’établissait à 58,2 ans. En 2022, 203 000 personnes accompagnées par des structures pour adultes handicapés faisaient l’objet d’une protection juridique, soit 63 % des usagers, dont 34 % au titre d’une tutelle et 25 % au titre d’une curatelle ; les autres bénéficient d’une sauvegarde de justice, d’un mandat de protection future ou d’une autre mesure de protection ([478]). Dans 47 % des cas la protection est assurée par une association et dans 41 % des cas par la famille. 90 % des adultes accompagnés en établissement d’accueil médicalisés en tout ou partie (EAM) et 93 % en maison d’accueil spécialisée (MAS) sont des personnes handicapées sous mesure de protection juridique ([479]).


Répartition des majeurs accompagnés par une structure pour adultes handicapés selon la mise en place d’une protection juridique

 

Effectifs

Proportion parmi les majeurs protégés

Proportion parmi les personnes accompagnées

 

Mesure de protection juridique selon le type de protection

Tutelle

110 720

54,5 %

34,4 %

Curatelle

81 150

39,9 %

25,2 %

Mandat de protection future

740

0,4 %

0,2 %

Sauvegarde de justice

700

0,3 %

0,2 %

Autre

5 720

2,8 %

1,8 %

Type de protection non renseignée

4 290

2,1 %

1,3 %

Total des majeurs protégés

203 320

100,0 %

63,2 %

 

Mesure de protection juridique selon la personne en charge

Association

95 570

47,0 %

29,7 %

Famille

83 060

40,9 %

25,8 %

Mandataire individuel

16 050

7,9 %

5,0 %

Préposé

5 670

2,8 %

1,8 %

Personne en charge non renseignée

2 970

1,5 %

0,9 %

Total des majeurs protégés

203 320

100 %

63,2 %

Total des majeurs handicapés accompagnés par des structures médico-sociales

321 460

100%

Source : Drees, Le handicap en chiffres, 2024.

b.   Poursuivre le développement des mécanismes de de prise de décision accompagnée en vue d’une extinction des régimes de tutelle et de curatelle

Les travaux de la mission d’évaluation ont montré que les personnes handicapées subissent, encore aujourd’hui, une présomption d’incapacité. Ainsi, selon le collectif CapDroits, les dispositions de protection du code civil renvoient à une forme d’infantilisation des personnes handicapées : « le constat est unanime que l’accompagnement à la décision n’est pas assez mis en œuvre, malgré le savoirfaire des professionnels et des proches ». Ainsi, « si les expériences du handicap peuvent varier, une commune limitation de l’exercice des droits est vécue. Cette limitation se traduit par l’interdépendance entre deux réalités : la remise en cause de la présomption de la capacité à agir, à décider et à consentir d’une part, et d’autre part l’autorisation de se passer du consentement des personnes pour des motifs liés directement ou indirectement au handicap. » ([480])

Les mesures de prise de décisions substitutive font l’objet de vifs débats. Le collectif CapDroits relève que « différents professionnels ont souligné leur nécessité dans une optique de protection », et que « certaines personnes [...] sont contentes de leur tutelle ou curatelle, car cela représente une assistance, un soutien, et parce que la confiance est suffisante ». Enfin, d’autres personnes « ont exprimé que des décisions qu’elles n’avaient pas prises ont pu les aider à aller mieux », tout en insistant sur la notion de « confiance » vis-à-vis du curateur ou du tuteur, considérée comme fondamentale. En revanche, selon CapDroits, « les savoirs partagés ont souligné la difficulté de faire place aux préférences des personnes en situation de handicap dans de très nombreuses situations, notamment face à des postures de la personne elle-même qui sont susceptibles de changer. Trop facilement, un certain nombre d’événements de vie, de visions de la vie sont recodés en termes médicaux et dévalorisent le savoir des personnes. [...] Les personnes manquent d’informations sur leurs droits et ne bénéficient pas du soutien nécessaire pour les exercer. Il y a une diversité d’outils qui ne sont pas assez utilisés. » De fait, « l’assistance à la décision et plus d’accompagnement à la compréhension de l’environnement sont unanimement reconnus comme insuffisants ».

Les rapporteurs souscrivent à ces propos. La question de la protection juridique des personnes handicapées est complexe, et aucune réponse facile ne peut y être apportée. S’ils adhèrent, dans son principe, à l’observation générale n° 1 du Comité des droits des personnes handicapées, ils perçoivent également l’utilité des mesures de protection juridique et les difficultés pratiques de mise en œuvre de la prise de décisions accompagnée. Malgré ces limites, ils estiment que rien ne doit conduire une personne handicapée à être privée de ses droits et de sa capacité juridique, et que tout doit être mis en œuvre pour lui permettre d’exprimer sa volonté, ses préférences, ses envies, ses aspirations et son consentement. Or, le droit actuel permet encore trop souvent à des tiers de décider à la place des personnes handicapées, pour des motifs tenant à la complexité des décisions, à l’urgence, ou à leur incapacité présumée. Les rapporteurs appellent donc à poursuivre le mouvement engagé depuis 2007 pour limiter le recours aux mesures judiciaires de protection juridique, pour leur assouplissement et la promotion de l’autodétermination des personnes handicapées.

Recommandation n° 66 : Poursuivre le mouvement engagé depuis 2007 pour limiter le recours aux mesures judiciaires de protection juridique au profit de dispositifs d’aide à la décision et d’accompagnement qui ne portent pas atteinte à la capacité juridique.

Des progrès immenses restent à réaliser en matière de développement des outils d’aide à la communication et à la décision, afin de permettre aux personnes handicapées de prendre pleinement part aux décisions qui les concernent. Cela implique une sensibilisation et une formation des professionnels qui les accompagnent au quotidien, mais aussi de leur entourage, car les proches sont souvent les premiers, au nom de la protection, à restreindre le libre exercice de la capacité juridique, par crainte d’une mise en danger. À ce titre, la pair-aidance et la pair‑émulation trouvent ici tout leur sens pour faciliter l’exercice des droits par les personnes handicapées.

Recommandation n° 67 : Accélérer le développement des outils d’aide à la communication et à la décision et la promotion de la pair-aidance et de la pair-émulation, en lien avec la formation des professionnels qui les accompagnent et de leur entourage afin de déconstruire la présomption d’incapacité qui pèse sur les personnes handicapées.

2.   Garantir le droit de voter et d’être élues pour les personnes handicapées

Le placement sous tutelle et sous curatelle des personnes handicapées s’est longtemps accompagné d’un retrait du droit de vote. Encore aujourd’hui, le manque d’accessibilité restreint l’accès au vote des personnes handicapées. En outre, la citoyenneté implique le droit de choisir ses représentants mais aussi le droit de se présenter à une élection et d’être investi d’un mandat électoral. Or, les personnes handicapées sont encore trop peu nombreuses parmi les élus, faute de bénéficier d’un droit à compensation des conséquences du handicap suffisant dans le cadre des campagnes électorales et de l’exercice des fonctions élective.

a.   Des progrès indéniables, mais encore insuffisants, ont été réalisés en faveur du droit de vote des personnes handicapées

Longtemps les personnes majeures faisant l’objet d’une mesure de protection juridique ont été privées de leur droit de vote.

La loi du 11 février 2005 a elle-même contribué à encadrer ce droit. Son article 71 confirmait ainsi, au sein du code électoral, le principe de l’interdiction du droit de vote pour les majeurs placés sous tutelle, sauf autorisation du juge des tutelles ([481]) ; l’inéligibilité des majeurs placés sous tutelle ou sous curatelle ([482]), de même que leur impossibilité d’être conseillers municipaux ([483]). En parallèle, son article 73 est venu préciser que « les bureaux et les techniques de vote doivent être accessibles aux personnes handicapées, quel que soit le type de ce handicap, notamment physique, sensoriel, mental ou psychique » ([484]), et son article 72 a imposé, dans l’hypothèse où des « machines à voter » sont utilisées, qu’elles permettent « aux électeurs handicapés de voter de façon autonome, quel que soit leur handicap » ([485]).

● Des avancées indéniables ont été réalisées depuis 2005, et en premier lieu l’abrogation, par la loi du 23 mars 2019 ([486]) de l’article L. 5 du code électoral, qui autorisait le juge à retirer le droit de vote aux personnes placées sous tutelle. En 2017, la CNCDH avait démontré le caractère profondément injuste et absurde de cette disposition : d’une part, la loi ne définissait pas la capacité électorale, dont l’évaluation était laissée au juge seul, sur le fondement d’un certificat médical ; d’autre part, les arguments tenant à « l’influençabilité » des personnes handicapées, et donc au risque d’insincérité du scrutin seraient à la fois spécieux – la politique, par essence, est un exercice d’influence – et infondés au regard de différentes études menées sur des élections américaines ou britanniques à la suite de l’ouverture du droit de vote aux personnes vivant avec un handicap intellectuel ou psychique. La CNCDH concluait ainsi : « si l’on s’inquiète du manque de capacité de certains électeurs, la CNCDH estime, au contraire, qu’il serait plus utile de faciliter et d’accompagner l’accès aux urnes, car, pour les personnes handicapées comme pour tous, la citoyenneté se construit à la faveur de son exercice » ([487]).

● D’importants progrès ont également pu être constatés en matière de mise en accessibilité des bureaux de vote ou des campagnes électorales. Le code électoral impose en effet l’accessibilité de tous les bureaux de vote le jour du scrutin, quel que soit le type de handicap, et si nécessaire au moyen d’aménagements provisoires ou permanents (rampes, chemins de guidage, etc.), y compris lorsque le bureau de vote est situé dans un ERP habituellement inaccessible. Toutefois, l’accessibilité du bureau de vote ne garantit pas pour autant que les personnes handicapées puissent s’y rendre le jour du scrutin, si l’aménagement de la voirie ou les transports sont, eux, inaccessibles. Certaines communes organisent le transport des personnes handicapées vers les bureaux de vote lors des journées électorales ; souvent, les personnes handicapées anticipent les difficultés d’accès et privilégient le vote par procuration ou sollicitent leurs proches ([488]).

L’accessibilité des techniques de vote doit également être garantie aux personnes handicapées : les urnes, les isoloirs, les machines de vote, de même que les démarches de vote par procuration doivent être accessibles. Toutefois, des difficultés persistent dans les conditions matérielles de vote : absence de bulletins en braille pour les personnes déficientes visuelles ou encore problèmes de préhension qui peuvent entraver la capacité à plier un bulletin de vote ou à le glisser dans une enveloppe.

Au-delà de l’accès aux opérations de vote elles-mêmes, le droit de vote des personnes handicapées interroge l’accessibilité de la campagne électorale. Les candidats doivent ainsi fournir leur profession de foi et leur bulletin en format numérique accessible et en format facile à lire et à comprendre (Falc), et sont encouragés à en produire une version audio à l’attention des électeurs aveugles ou malvoyants. L’accessibilité de la campagne implique également celle des réunions publiques organisées par les candidats, et donc celle des ERP qui les accueillent, mais aussi des sites internet des candidats ainsi que de l’ensemble de leurs éléments de communication, notamment publiés sur les réseaux sociaux ([489]). Si les campagnes électorales nationales – élection présidentielle et élections législatives notamment – doivent être entièrement accessibles aux personnes handicapées, les rapporteurs sont conscients qu’il est difficile d’exiger le même niveau d’accessibilité de la part de tous les candidats aux élections municipales, a fortiori lorsqu’ils ne bénéficient pas des ressources et du soutien d’un grand parti politique national. Pour autant, les rapporteurs estiment que des efforts d’accessibilité peuvent être réalisés sans compétences particulières ni surcoût, à condition d’y penser. Aussi, il préconise d’ajouter aux missions des sous-préfets référents handicap et inclusion l’accompagnement des candidats aux élections locales, afin de rappeler l’importance de l’accessibilité et de diffuser de bonnes pratiques.

Recommandation n° 68 : Ajouter aux missions des sous-préfets handicap et inclusion l’accompagnement des candidats aux élections locales en matière d’accessibilité, en diffusant notamment les bonnes pratiques à mettre en œuvre dans le cadre des campagnes électorales.

● Selon la Défenseure des droits, « de réels progrès ont [ainsi] été réalisés en matière d’accessibilité au vote lors des dernières élections s’agissant de l’accessibilité des bureaux de vote ou de la campagne électorale. Des améliorations restent néanmoins nécessaires pour garantir pleinement l’effectivité de ce droit notamment aux personnes accueillies en établissement social ou médicosocial (ESMS) ou polyhandicapées. » ([490]) Les rapporteurs partagent ce constat : le respect du droit de vote des personnes handicapées implique non seulement que celui-ci leur soit garanti par la loi, mais également que l’ensemble des opérations électorales, en amont du scrutin lors de la campagne, le jour du scrutin au sein du bureau de vote, et en aval lors de la proclamation des résultats leur soient accessibles. En outre, des efforts doivent être réalisés pour permettre à toutes les personnes handicapées, quel que soit leur lieu de vie, d’accéder aux bureaux de vote.

Recommandation n° 69 : Garantir l’exercice du droit de vote des personnes handicapées résidant en établissements médico-sociaux.

b.   Des progrès immenses restent à réaliser pour favoriser l’accès à l’élection des personnes handicapées

Si la loi du 11 février 2005 a favorisé l’exercice du droit de vote des personnes handicapées en imposant l’accessibilité des bureaux, elle s’intéresse peu à l’exercice d’une fonction élective. Les dispositions relatives à la prestation de compensation du handicap prévoient néanmoins la possibilité, pour une personne handicapée, de bénéficier d’une aide humaine lorsque l’exercice d’une fonction élective lui impose des frais supplémentaires. Toutefois, comme le souligne la Défenseure des droits « des obstacles persistent [...] en ce qui concerne l’exercice d’un mandat électoral par les personnes handicapées, en particulier en raison de la compensation insuffisante des besoins spécifiques en matière de déplacement, d’accompagnement et d’aide technique » ([491]).

● En premier lieu, si la loi du 23 mars 2019 a abrogé les dispositions du code électoral qui autorisaient le juge à retirer le droit de vote des personnes sous tutelle ou curatelle, elle n’a pas modifié les dispositions relatives à l’accès de ces mêmes personnes à des fonctions électives. Les personnes handicapées placées sous tutelle ou curatelle ne peuvent donc pas se présenter à une élection. Le 13 février 2025, le Conseil constitutionnel a ainsi annulé les opérations électorales qui s’étaient déroulées dans la deuxième circonscription du Jura les 30 juin et 7 juillet 2024 au motif que l’un des candidats arrivés au second tour de l’élection législative était placé sous curatelle renforcée, était donc inéligible le jour du scrutin, et n’aurait ainsi pas dû participer en tant que candidat au scrutin ([492]). Dans la continuité des efforts réalisés en matière d’accès au vote des personnes handicapées, les rapporteurs préconisent de réviser les dispositions du code électoral qui interdisent de manière absolue l’accès des personnes placées sous tutelle ou sous curatelle à des fonctions électives.

Recommandation n° 70 : Réviser les dispositions du code électoral qui interdisent de manière absolue l’accès des personnes placées sous tutelle ou sous curatelle à des fonctions électives.

● Ensuite, même lorsqu’elles sont éligibles, les personnes handicapées se heurtent à différents obstacles pour se présenter à une élection – et éventuellement l’emporter. Les campagnes électorales sont en effet exercice intense et difficile pour toutes les personnes qui s’y engagent, handicapées ou non : elles impliquent de nombreux déplacements sur le terrain, des opérations de tractage, la participation à des réunions publiques, etc. En fonction des types de handicaps, différentes aides humaines ou techniques sont donc nécessaires pour qu’une personne handicapée puisse organiser et participer à une campagne électorale. Or, la PCH ne couvre pas ces opérations pré-électorales, puisqu’elle n’est accordée que dans l’exercice d’une fonction élective – une fois la personne handicapée élue, donc.

En outre, l’insuffisante compensation des conséquences du handicap ne s’arrête pas une fois la personne handicapée élue. Audrey Hénocque, première adjointe à la ville de Lyon, en charge des finances, de la commande publique et des grands événements, témoigne des difficultés rencontrées par les personnes handicapées après l’élection : « l’étape de l’élection (de liste) passée, je suis aujourd’hui confrontée à un monde politique qui ne s’adapte pas aux spécificités que peuvent porter certain.es élu.es. [...] Du fait de ma tétraplégie, j’ai besoin d’aide humaine pour me lever, me préparer le matin, me coucher ou me déplacer notamment. Ceci fait que pour un séjour hors de Lyon dans le cadre de mon mandat, le coût de déplacement, d’hébergement et le salaire d’un auxiliaire de vie doit être financé. La loi actuelle est très restrictive avec un plafond trop faible pour couvrir la réalité des frais. » ([493]) Les collectivités territoriales ne sont quant à elles pas toujours volontaires ou en mesure de couvrir les coûts supplémentaires résultant du handicap d’un élu.

Les rapporteurs sont favorables à une refonte de la PCH pour que cette prestation puisse compenser les conséquences du handicap de manière globale, en fonction du projet de vie et des aspirations de la personne handicapée (voir supra). Dans cette perspective, l’aide et l’accompagnement d’une personne handicapée engagée dans une campagne électorale, puis dans ses fonctions électives, devrait évidemment être comprise dans le périmètre de la PCH. Toutefois, au regard de l’enjeu majeur que constitue la sous-représentation des personnes handicapées dans la vie politique française, les rapporteurs préconisent, a minima, une modification des critères d’attribution de la PCH, et notamment de l’aide humaine, afin que les personnes handicapées qui souhaitent se présenter à une élection puissent bénéficier du droit à compensation au cours de la campagne électorale.

Recommandation n° 71 : Élargir les critères d’attribution de la PCH pour que les personnes handicapées candidates à une élection ou exerçant une fonction élective bénéficie pleinement du droit à compensation.

● Les élus handicapés sont par ailleurs pénalisés lorsqu’ils étaient bénéficiaires de l’allocation aux adultes handicapés (AAH) avant leur prise de fonction. En effet, si l’article L. 821‑3 du code de la sécurité sociale énonce que « les indemnités de fonction des élus locaux sont en partie exclues du montant des ressources servant au calcul de l’allocation selon des modalités fixées par décret », ces dispositions n’ont pas fait l’objet d’un décret d’application.

La règle de droit commun relative aux revenus d’activité professionnelle, prévue à l’article D. 821‑9 du code de la sécurité sociale s’applique donc aux indemnités de fonction des élus locaux :

– au cours des six premiers mois qui suivent la reprise de l’activité professionnelle, les revenus perçus ne sont pas pris en compte pour le calcul du montant des ressources qui conditionne le bénéfice de l’AAH ;

– une fois ce délai de six mois écoulé, les revenus d’activité font l’objet d’un abattement à hauteur de 80 % pour la tranche de revenus inférieure ou égale à 30 % du Smic mensuel, et à hauteur de 40 % pour la tranche de revenus supérieure à 30 % du Smic mensuel.

L’absence de décret d’application crée une insécurité juridique pour les élus handicapés, car les caisses d’allocations familiales n’appliquent pas de manière uniforme les dispositions de l’article D 821‑9 du code de la sécurité sociale lorsqu’elles reçoivent les déclarations de revenus. Face à cette situation, et afin de faciliter l’exercice d’un mandat électif par les personnes handicapées, les rapporteurs invitent le Gouvernement à clarifier, par voie réglementaire, les règles relatives au cumul de l’AAH avec l’indemnité de fonction des élus locaux.

Recommandation n° 72 : Clarifier les règles de cumul de l’AAH avec l’indemnité de fonction des élus locaux.

B.   Réformer les modalités de représentation des personnes handicapées auprès des pouvoirs publics

La consultation systématique des personnes handicapées sur les enjeux qui les concernent revêt une importance centrale pour assurer le respect de leurs droits, que reflète la devise « Rien sur nous sans nous », issu du mouvement international en faveur des droits des personnes handicapées.

L’article 4§3 de la Convention internationale des droits des personnes handicapées prévoit que « dans l’élaboration et la mise en œuvre des lois et des politiques adoptées aux fins de l’application de la présente Convention, ainsi que dans l’adoption de toute décision sur des questions relatives aux personnes handicapées, les États Parties consultent étroitement et font activement participer ces personnes, y compris les enfants handicapés, par l’intermédiaire des organisations qui les représentent ». En outre, l’article 33§3 précise que « la société civile – en particulier les personnes handicapées et les organisations qui les représentent – est associée et participe pleinement à la fonction de suivi [de la Convention] ».

Or, il découle de la présomption d’incapacité qui pèse sur les personnes handicapées une prétention des personnes valides, des proches ou des professionnels du médico-social à parler au nom des personnes handicapées et à représenter leurs intérêts. L’enjeu de la représentation des personnes handicapées, en particulier auprès des pouvoirs publics, est donc majeur pour garantir que ce sont bien leurs voix qui sont entendues, et non celles des personnes qui les entourent ou qui sont en charge de leur accueil.

1.   Controverses autour de la notion d’organisations représentant les personnes handicapées

● Le Comité des droits des personnes handicapées distingue les organisations de personnes handicapées des organisations pour les personnes handicapées. Seules les premières sont considérées comme représentatives des personnes handicapées.

Le CDPH considère que les organisations de personnes handicapées doivent :

– respecter et défendre les principes et les droits consacrés par la CIDPH ;

– agir collectivement, exprimer, promouvoir, mettre en œuvre ou défendre les droits des personnes handicapées ;

– être menées, dirigées et régies par des personnes handicapées, en employant des personnes handicapées et en étant représentées par des personnes handicapées auxquelles elles confient un mandat par nomination ou par élection ;

– être composées, à la majorité de leurs membres au moins, de personnes handicapées ;

– n’être affiliées, dans la majorité des cas, à aucun parti politique et être indépendantes des pouvoirs publics ou de toute autre organisation non gouvernementale ;

En outre, les organisations de personnes handicapées peuvent :

– représenter un ou plusieurs groupes de personnes présentant une même déficience, réelle ou supposée, ou peuvent être ouvertes à la participation de toutes les personnes handicapées ;

– représenter des groupes de personnes handicapées en fonction de divers critères (sexe, genre, âge, race, statut de migrant ou de réfugié) ;

– être d’envergure locale, nationale, régionale ou internationale ;

– englober les membres de la famille ou les parents de personnes handicapées, et même des prestataires de soins, à condition que leur rôle au sein de l’organisation soit d’aider les personnes handicapées et de leur donner les moyens de faire entendre leur voix et de prendre pleinement en main leur propre vie (par exemple, par des processus de prise de décisions accompagnée).

Selon le CDPH, les organisations pour les personnes handicapées sont celles qui offrent des services aux personnes handicapées ou mènent des activités de plaidoyer en leur nom, « ce qui, dans la pratique, peut donner lieu à un conflit d’intérêts dans lequel ces organisations font passer leurs propres objectifs avant les droits des personnes handicapées ». Le Comité ne nie pas la légitimité de ces organisations à s’exprimer sur les politiques du handicap, mais considère qu’elles ne peuvent pas « représenter » les personnes handicapées, et donc parler en leur nom.

● La question des organisations représentant les personnes handicapées occupe une place particulière dans les débats sur la politique du handicap en France. L’article 1er de la loi du 11 février 2005 a créé l’article L. 146-1 A du code de l’action sociale et des familles qui dispose : « dans toutes les instances nationales ou territoriales qui émettent un avis ou adoptent des décisions concernant la politique en faveur des personnes handicapées, les représentants des personnes handicapées sont nommés sur proposition de leurs associations représentatives en veillant à la présence simultanée d’associations participant à la gestion des établissements et services sociaux et médico-sociaux [...] et d’associations n’y participant pas ». Dès 2005, une distinction est donc faite entre les associations dites « gestionnaires » et les associations non gestionnaires.

Toutefois, dans ses observations finales de 2021, le CDPH relève que « l’article premier de la loi n° 2005-102 et l’article L. 146-1 A du code de l’action sociale et des familles assimilent les associations de prestataires et de gestionnaires de services aux organisations de personnes handicapées ». En effet, si l’article L. 146‑1 A distingue les associations gestionnaires et les associations non gestionnaires, et exige une présence simultanée des deux formes d’organisations dans les instances consultatives des personnes handicapées, ils les considèrent toutes deux comme légitimes pour représenter les personnes handicapées.

Les grandes associations gestionnaires françaises ont, pour la plupart, émergé au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Initialement, elles n’ont pas pour objet principal la création et la gestion d’établissements et de services médico‑sociaux, mais visaient la représentation des personnes handicapées et de leurs proches auprès des pouvoirs publics. Elles étaient souvent spécialisées en fonction des catégories de handicaps, ou à tout le moins par grande catégorie de déficiences – motrices, auditives, visuelles, psychiques, cognitives. L’activité gestionnaire est apparue en réponse à l’absence d’offre d’accueil et d’accompagnement des personnes handicapées. La création de la sécurité sociale leur a permis d’obtenir le soutien de l’État pour créer des institutions spécialisées afin de prendre en charge les personnes handicapées, en lieu et place des hôpitaux, hospices et asiles. La loi du 30 juin 1975 d’orientation en faveur des personnes handicapées achèvera de structurer l’activité de ces associations désormais gestionnaires ([494]). Depuis lors, elles entretiennent avec l’État et les collectivités territoriales une relation de partenariat : elles sont financées par les pouvoirs publics et gèrent, en retour, pour leur compte, la politique d’accueil et d’accompagnement médico-social des personnes handicapées. En 2006, les associations représentaient près de 80 % des opérateurs gestionnaires d’établissements et de services ([495]).

Ces grandes associations gestionnaires exercent néanmoins également des activités de plaidoyer auprès des pouvoirs publics, au nom des personnes handicapées. Leur expertise est reconnue, de même que leur influence et leur capacité de mobilisation. Toutefois, c’est précisément en raison de leur dépendance visàvis des financements publics qu’elles sont critiquées, et ce dès les années 1970. En effet, les personnes handicapées au nom desquelles ces associations s’expriment sont aussi les usagers de leurs établissements et services. À ce titre, les associations gestionnaires sont exposées au risque de conflits d’intérêts : non seulement l’accueil et l’accompagnement des personnes handicapées constituent la source d’une partie de leurs revenus mais, en outre, leur dépendance aux financements publics peut constituer un frein à une critique vive des politiques étatiques ou à des revendications radicales. Les reproches qui leur sont adressés tiennent notamment au caractère « tiède » de leurs discours, à leur « complaisance » vis-à-vis des pouvoirs publics, ou encore à l’autocensure dont elles font preuve ([496]).

En parallèle, les personnes handicapées s’organisent également au sein d’un grand nombre d’associations non gestionnaires. Ces dernières sont souvent de petite taille, exclusivement ou majoritairement composées de personnes handicapées – une partie d’entre elles prône notamment la non-mixité afin de garantir l’accès à la parole des principaux concernés. Leur discours est souvent critique et radical, et pointe du doigt le rôle des associations gestionnaires dans la perpétuation du validisme et de l’institutionnalisation. Toutefois, par définition, leur capacité de mobilisation et d’accès à la parole publique et médiatique est bien moindre que celle des grandes associations.

2.   Organiser la représentation des personnes handicapées et de leur entourage auprès des pouvoirs publics

a.   Réformer l’organisation du CNCPH et des instances consultatives des personnes handicapées

La représentation des personnes handicapées auprès des pouvoirs publics, de même que leur consultation sur les politiques publiques en faveur du handicap, est, pour l’essentiel, organisée au sein du Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH).

● Le CNCPH a été créé par la loi du 17 janvier 2002 de modernisation sociale ([497]). En application de l’article L. 146-1 du code de l’action sociale et des familles, le CNCPH « assure la participation des personnes handicapées à l’élaboration et à la mise en œuvre des politiques les concernant ». Ainsi :

– il peut être consulté par les ministres compétents sur tout projet, programme ou étude intéressant les personnes handicapées ;

– il peut se saisir de toute question relative à la politique concernant les personnes handicapées ;

– il est chargé d’évaluer la situation matérielle, financière et morale des personnes handicapées et de présenter toutes les propositions jugées nécessaires au Parlement et au Gouvernement, visant à assurer, par une programmation pluriannuelle continue, la prise en charge de ces personnes.

Le CNCPH est composé d’un député et d’un sénateur, des représentants des départements, des associations ou organismes regroupant des personnes handicapées, développant des actions de recherche dans le domaine du handicap ou finançant leur protection sociale, ainsi que des organisations syndicales et patronales représentatives. La composition du CNCPH a connu une évolution récente visant à renforcer la place des personnes handicapées ([498]).

L’article D. 146-1 du code de l’action sociale et des familles prévoit que le CNCPH comprend trois collèges dont le poids relatif au sein du CNCPH est pondéré :

– le collège n° 1, composé des représentants des associations de personnes handicapées, désignés par celles-ci ;

– le collège n° 2, composé des représentants des associations de familles de personnes handicapées, désignés par celles-ci ;

– le collège n° 3, composé des représentants des associations ou d’organismes professionnels qui interviennent dans le champ du handicap ; des représentants des organisations syndicales de salariés interprofessionnelles représentatives au plan national et des organisations professionnelles nationales d’employeurs ; représentants des organismes institutionnels et des établissements publics intervenant dans le champ du handicap et agissant dans les domaines de la prévention, l’emploi, la protection sociale et la recherche ; d’un député et d’un sénateur ; de trois représentants des collectivités territoriales nommés, respectivement sur proposition de l’association des régions de France, sur proposition de l’assemblée des départements de France et sur proposition de l’Association des maires de France et d’un représentant du Conseil économique, social et environnemental.

Le collège n°1 détient 60% des voix au sein du CNCPH, le collège n°2 20% des voix, et le collège n°3 20% des voix.
Part des membres de chaque collège au sein du CNCPH

Source : commission des affaires sociales.

Les rapporteurs saluent la réforme de la composition du CNCPH, qui a permis de renforcer le poids accordé aux associations représentant les personnes handicapées. Toutefois, parmi les associations représentées au sein du collège n° 1, on retrouve encore aujourd’hui des associations gestionnaires d’établissements ou service médico-sociaux. Aussi, les rapporteurs préconisent d’exclure tout gestionnaire du collège n° 1 en prévoyant, dans les textes législatifs et réglementaires, que dès lors qu’une association ou une organisation assure la gestion ne serait-ce que d’un ESMS, elle ne peut plus prétendre à la représentation des personnes handicapées elles-mêmes.

Recommandation n° 73 : Définir dans la loi et au niveau réglementaire la notion d’organisation représentant les personnes handicapées en excluant toute association ou organisation assurant la gestion ne serait-ce que d’un établissement ou service médico-social.

Cette définition restrictive devra être appliquée dans toutes les instances nationales et territoriales relevant du champ de l’article L. 146-1 A du code de l’action sociale et des familles. Celui-ci doit également être modifié de façon à supprimer la référence aux associations gestionnaires parmi les associations représentatives des personnes handicapées. Les groupes de travail ponctuels ou informels créés au niveau national ou local sur des thématiques précises devront répondre à cette exigence.

Pour autant, les rapporteurs ne considèrent pas que les associations gestionnaires doivent être exclues de toute instance consultative sur la politique du handicap. Au contraire, ils souhaiteraient qu’elles puissent pleinement s’exprimer au sein du collège qui leur est dédié au sein du CNCPH, afin de pouvoir faire valoir leurs positions sur la politique en faveur des personnes handicapées, et notamment sur l’organisation du secteur médico-social.

● Lors des travaux de la mission d’évaluation, les rapporteurs se sont également longuement interrogés sur la représentation des différentes formes de handicaps au sein des instances consultatives des personnes handicapées. Du fait de la diversité de situation que recouvre la notion de handicap (voir supra), la catégorie des « personnes handicapées » n’est pas uniforme et homogène. Si le handicap mérite d’être appréhendé comme une problématique commune, cela ne signifie pas que les intérêts de toutes les personnes handicapées convergent en tout point dans tous les domaines.

Dès lors, les rapporteurs souhaiteraient que la représentation de tous les types de déficiences susceptibles de constituer un handicap puisse être organisée auprès des pouvoirs publics au sein du collège n° 1 du CNCPH, en veillant à la diversité des associations qui en sont membres.

b.   Soutenir financièrement les associations représentant des personnes handicapées

La réforme de la définition des associations représentant les personnes handicapées que les rapporteurs appellent de leurs vœux doit s’accompagner d’un soutien financier renforcé aux associations non gestionnaires. En effet, la place occupée par les associations gestionnaires auprès des pouvoirs publics s’explique en partie par leur taille critique, qui leur permet de revendiquer des milliers d’adhérents. Les grandes associations ont également les moyens financiers et humains pour produire des plaidoyers, des tribunes, des documents à l’attention des décideurs publics, et pour répondre présentes lorsque des consultations sont lancées.

En parallèle, les associations non gestionnaires, notamment lorsqu’elles sont constituées exclusivement de personnes handicapées auto-représentées, se heurtent à un déficit de moyen qui restreint leur capacité à accéder à des relais médiatiques et politiques. Les militants de ces associations font face aux mêmes difficultés quotidiennes que l’ensemble des personnes handicapées, et sont ainsi confrontés à la précarité, à des problèmes de santé, à l’inaccessibilité des espaces publics et privés, sans que le réseau associatif auquel ils appartiennent puisse pallier leurs absences, indisponibilités, ou difficultés personnelles. Les difficultés d’accès à la vie publique, sociale, citoyenne ou associative que rencontrent les personnes handicapées au quotidien se répercutent ainsi sur leur capacité à faire entendre leurs voix auprès des décideurs publics, et donc à infléchir les politiques publiques qui les concernent au premier chef.

Les rapporteurs considèrent qu’il revient aux pouvoirs publics de soutenir ces structures associatives de sorte qu’elles puissent permettre aux personnes handicapées d’accéder au débat public, médiatique et politique, et d’y défendre la pluralité de leurs intérêts et de leurs opinions. Dès lors, ils préconisent de construire un soutien financier public aux associations représentant les personnes handicapées sur le modèle du financement des associations familiales (Unaf) ou des associations agréées du système de santé (Union nationale des associations agréées du système de santé, dite France Assos Santé), grâce à une contribue de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie.

Recommandation  74 : Soutenir financièrement les associations représentant les personnes handicapées par l’intermédiaire de la branche autonomie.

C.   Renforcer la capacité d’agir collectivement des personnes handicapées

L’isolement et la vulnérabilité des personnes handicapées constituent des facteurs qui, plus encore que pour la population générale, limitent leur capacité à faire valoir leurs droits, notamment en justice. Les recours juridictionnels constituent en effet des procédures complexes, coûteuses en temps et en argent, et dont l’objectif se résume souvent à l’obtention d’un droit ou à la reconnaissance d’un préjudice individuel. Dès lors, ils sont insuffisants pour lutter contre les discriminations et les atteintes aux droits systémiques dont font l’objet les personnes handicapées.

En 2016, le législateur a introduit les actions collectives en droit français, sur le modèle des class actions américaines ([499]). L’action de groupe a fait l’objet d’une réforme en 2025. Il existe deux types d’actions collectives :

– l’action de groupe, qui permet à plusieurs personnes physiques ou morales placées dans une situation similaire à la suite d’un même manquement ou d’un manquement de même nature, commis par un professionnel, une personne publique ou un organisme investi d’une mission de service public, de faire valoir collectivement leurs droits devant une juridiction ;

– l’action en reconnaissance de droits, qui permet à une association ou à un syndicat professionnel de déposer une requête tendant à la reconnaissance de droits individuels résultant de l’application de la loi ou du règlement en faveur d’un groupe de personnes ayant le même intérêt, à condition que leur objet statutaire comporte la défense dudit intérêt.

Le droit français encadre néanmoins encore trop étroitement ces actions collectives pour qu’elles puissent avoir un effet utile pour les requérants : régimes différenciés selon les secteurs (discrimination, données personnelles, produits de santé, environnement, droit du travail), impossibilité de former un recours pour des associations qui seraient constituées dans le but de mener l’action de groupe, obligation de mise en demeure préalable de la personne à l’encontre de laquelle l’action de groupe a vocation à s’exercer, etc.

La réforme de 2025 introduit un régime unique simplifié de l’action de groupe dont les effets devront être évalués. Les rapporteurs se réjouissent des simplifications apportées, notamment en ce qui concerne la suppression de la mise en demeure préalable ou la rupture avec l’approche sectorielle. Toutefois, en première analyse, la réforme ne semble pas suffisamment ambitieuse pour conférer à l’action de groupe l’efficacité des class actions anglo-saxonnes.

Or, en matière de discriminations et d’accès aux droits des personnes handicapées, de telles procédures collectives, assorties de sanctions financières punitives, permettraient probablement de répondre à l’inertie des pouvoirs publics et des personnes privées (commerçants, employeurs, etc.), en particulier en ce qui concerne la mise en accessibilité des espaces privés et publics. Les rapporteurs préconisent donc une évolution de l’action de groupe afin d’en simplifier l’accès pour les associations œuvrant dans le champ du handicap, dans l’objectif de mieux reconnaître les discriminations dont sont victimes les personnes handicapées et d’assurer un meilleur respect de leurs droits.

Recommandation n° 75 : Simplifier l’accès à l’action de groupe pour les associations œuvrant dans le champ du handicap et garantir l’effet utile de la procédure en matière de lutte contre les discriminations et d’effectivité des droits par des sanctions financières punitives.

 

II.   Améliorer le pilotage des politiques du handicap en appréhendant le handicap de manière transversale dans toutes les politiques publiques

La question du handicap présente un caractère transversal en ce qu’il affecte tous les aspects de la vie des personnes handicapées, des plus politiques et publiques aux plus intimes et personnels. Or, les politiques du handicap restent des politiques très sectorielles, encore trop souvent cantonnées au champ du médico-social. Il en résulte de réelles difficultés de pilotage. Celles-ci découlent en partie de l’insuffisance des statistiques publiques disponibles sur ces questions, qu’il s’agisse de mieux identifier les personnes handicapées et les difficultés qu’elles rencontrent, mais aussi d’avoir une vision transversale des moyens alloués aux politiques du handicap dans toute leur diversité.

A.   La prise en compte de la transversalité du handicap doit être renforcée au niveau central et déclinée au niveau territorial

La question du handicap fait encore l’objet d’une approche très sectorielle au niveau ministériel et territorial. Le ministère en charge des personnes handicapées reste, encore aujourd’hui, celui de la santé et des affaires sociales, ce qui témoigne de la persistance d’une conception biomédicale du handicap. De fait, malgré le développement d’une démarche interministérielle, les travaux de la mission d’évaluation ont montré que les autres ministères peinent encore à s’emparer des problématiques du handicap. Ce constat est plus frappant encore au niveau territorial, déconcentré comme décentralisé.

1.   Au niveau central, le caractère transversal des politiques du handicap n’est pas encore acquis

Au cours des vingt dernières années, l’architecture gouvernementale et l’administration centrale ont progressivement intégré le caractère transversal du handicap. Toutefois, la culture de l’interministérialité sur cette question reste à consolider pour produire des effets concrets.

a.   L’interministérialité des politiques du handicap s’incarne au sein du secrétariat général du comité interministériel du handicap

 L’article 3 de la loi du 11 février 2005 a créé l’article L. 114-2-1 du code de l’action sociale et des familles, qui prévoit l’organisation, tous les trois ans, par le Gouvernement, d’une conférence nationale du handicap (CNH) à laquelle sont conviées les associations représentant les personnes handicapées, les représentants des organismes gestionnaires d’établissements ou services médico-sociaux, les représentants des départements et des organismes de sécurité sociale, les organisations syndicales et patronales représentatives et les organismes qualifiés, pour débattre des orientations et des moyens de la politique en faveur des personnes handicapées.

Le décret du 6 novembre 2009 a créé le comité interministériel du handicap (CIH) ([500]), présidé par le Premier ministre. Le CIH est « chargé de définir, coordonner et évaluer les politiques conduites par l’État en direction des personnes handicapées ». Il coordonne notamment les actions menées en faveur de l’accessibilité et de l’accompagnement des personnes handicapées et assure le suivi de la mise en œuvre de la CIDPH.

Le secrétariat général du CIH (SGCIH), également institué en 2009, prépare, organise et suit les mesures décidées lors des CNH et des CIH. Depuis 2016, celles-ci sont compilées par le SGCIH dans un tableau de suivi qui permet d’actualiser leur avancement et de dresser un panorama des mesures accomplies, abandonnées, ou ajoutées à chaque CNH et CIH. Chaque mesure est rattachée aux articles de la Convention internationale relative aux droits des personnes handicapées correspondant. Ce tableau recense pour chacune d’entre elles les ministères pilotes et les administrations associées, mais également les indicateurs de suivi, les avis du CNCPH, des éléments d’historique, d’échéance et un état d’avancement à date. Sa mise à jour est le fruit d’un important et méticuleux travail de coordination ([501]).

La dernière CNH s’est tenue le 26 avril 2023. Pendant six mois, près de 500 personnes ont participé aux groupes de travail animés par les différents ministères. 110 mesures y ont été actées, dans la continuité de dix grands engagements : l’école pour tous ; le repérage et l’accompagnement précoce pour les enfants ; l’université pleinement accessible, l’accès à l’emploi ; les mêmes droits pour les travailleurs en Esat que pour l’ensemble des salariés ; l’accès à la santé et aux aides techniques amélioré ; le respect des obligations d’accessibilité des ERP et des transports ; l’exemplarité des services publics pour l’accessibilité physique et numérique ; l’effectivité des droits et des solutions renforcées ; l’égal accès au sport, à la culture et aux loisirs ([502]).

Le douzième comité interministériel du handicap s’est tenu le 6 mars 2025, avec comme thématique principale l’accessibilité dans tous les territoires. Le prochain CIH est prévu à l’automne, sur les thèmes de la santé et de la transformation de l’offre médico-sociale.

En outre, lors de la CNH du 26 avril 2023, le Président de la République a annoncé la mise en place d’une gouvernance renforcée dans le cadre d’un comité de suivi afin de faire le point, de manière régulière, sur la mise en œuvre de la feuille de route des politiques du handicap. Selon les informations communiquées par le SGCIH aux rapporteurs, deux comités de suivi des mesures de la CNH se sont tenus à ce jour, en juillet 2023 et en avril 2024. Chaque ministère a également été chargé d’organiser son propre comité de suivi pour rendre compte de l’avancée des mesures annoncée par la CNH dans son propre champ d’action. Toutefois, ces comités de suivi n’ont pas tous été mis en place.

● Depuis 2017, un réseau de hauts fonctionnaires handicap et inclusion (HFHI) existe ([503]), dont l’animation est confiée au SGCIH. Les HFHI ont pour responsabilité de définir et de mettre en œuvre la politique de chaque ministère en matière d’accessibilité universelle et de handicap, dans le cadre des orientations générales du Gouvernement. Pour mener à bien cette mission, le HFHI s’appuie sur l’expertise du SGCIH et du CNCPH. Il est garant de la prise en compte de la question du handicap dans la préparation des textes législatifs et réglementaires, ainsi que dans les indicateurs de performance des programmes du budget de l’État.

Le SGCIH réunit l’ensemble des HFHI une fois par mois, afin d’évoquer les sujets d’actualité ou les thématiques de fond en fonction des demandes et des besoins.

L’action du Gouvernement en matière de handicap s’incarne enfin dans différentes feuilles et stratégies interministérielles portant sur des questions spécifiques, dont sont chargées des délégations ou des directions interministérielles dédiées. C’est notamment le cas de la direction interministérielle à l’accessibilité (DIA), qui assure la coordination, la promotion et la mise en œuvre des politiques d’accessibilité portées par l’ensemble des ministères, afin de les accompagner dans l’application des actions prescrites en matière d’accessibilité physique et numérique, tout en prenant en charge les enjeux transversaux ou insuffisamment couverts par les dispositifs existants.

● Au niveau de l’administration déconcentrée de l’État, un réseau de souspréfets référents handicap et inclusion a été instauré par une circulaire de 2023. Ces derniers sont chargés de décliner sur les territoires la politique de l’État en matière d’accès aux droits et de facilitation du quotidien des personnes handicapées. Trois missions prioritaires leur ont été confiées :

– la mise en œuvre des agendas d’accessibilité programmée pour les ERP et des schémas directeurs d’accessibilité programmée pour les transports, sur la base d’un état des lieux exhaustif de la situation par département ;

– la garantie de l’accès effectif aux droits, aux services publics et à la participation citoyenne sur le territoire ;

– la facilitation à l’accès et au maintien en emploi des personnes en situation de handicap, y compris dans les effectifs de l’État.

Le réseau des sous-préfets handicap est animé par le SGCIH, qui les réunit de façon dématérialisée tous les deux mois. Une plateforme partagée a été mise en place afin d’assurer la continuité et la transmission des informations entre les sous‑préfets, dont le corps se caractérise par un turnover important.

b.   Une interministérialité restant à consolider au niveau central

Les travaux de la mission d’évaluation ont montré que des efforts notables ont été réalisés en matière de développement de l’interministérialité sur les questions de handicap, pour mieux en appréhender toute la transversalité.

Le rattachement du secrétariat d’État au handicap, alors occupé par Mme Sophie Cluzel, aux services du Premier ministre en 2017 avait, à ce titre, envoyé un signal fort aux personnes handicapées et aux acteurs en charge des politiques du handicap. Toutefois, depuis lors, le secrétariat d’État ou le ministère en charge du handicap a été de nouveau rattaché au ministère de la santé et des affaires sociales. Les rapporteurs estiment que le positionnement du ministre chargé de la politique en faveur des personnes handicapées est tout sauf symbolique. En effet, le rattachement au ministère de la santé et des affaires sociales entretient la conception biomédicale du handicap, là où le rattachement au Premier ministre invite l’ensemble des ministères à se saisir de cette question.

Recommandation n° 76 : Rattacher le ministère en charge des personnes handicapées au Premier ministre, et non au ministère de la santé et des affaires sociales.

La mission d’évaluation a été l’occasion, pour les rapporteurs, d’auditionner un grand nombre de directions d’administration centrale relevant de différents ministères – santé et affaires sociales, éducation nationale, enseignement supérieur, travail et formation professionnelle, aménagement du territoire et transition écologique – ainsi que des organes à dimension interministérielle, tels que la Dinum, la DIA ou encore le SGCIH.

Ces différents échanges leur ont permis de mesurer la diffusion de l’approche par les droits humains promue par la Convention internationale des droits des personnes handicapées. Le secrétariat général du CIH, aujourd’hui dirigé par Mme Céline Poulet, témoigne d’une forte implication en la matière, et d’une mobilisation soutenue. Toutefois, les différentes directions ministérielles rencontrées ont, elles, fait preuve d’un dynamisme et d’une sensibilité très variables sur les questions de handicap. Dès lors, les rapporteurs en déduisent que l’approche prônée par le SGCIH n’a pas encore pleinement               atteint l’ensemble des ministères. La création du réseau des hauts fonctionnaires handicap et inclusion a constitué une avancée dont il convient de poursuivre le développement. Leur implication auprès des ministres eux-mêmes doit être renforcée, de sorte que chaque ministre soit le premier référent « handicap et inclusion » de son ministère.

En outre, la consultation des personnes handicapées, par l’intermédiaire du CNCPH ou de leurs associations représentatives doit être rendue plus systématique encore, sur tous les sujets, même lorsqu’ils présentent un lien indirect avec les questions du handicap. Seule cette démarche permettra de garantir la prise en compte transversale du handicap dans toutes les politiques publiques.

Recommandation n° 77 : Garantir la consultation systématique du CNCPH et des associations représentatives des personnes handicapées sur tous les sujets et tous les projets de textes réglementaires et législatifs, même lorsqu’ils ne présentent qu’un lien indirect avec la thématique du handicap.

Par ailleurs, les rapporteurs estiment que toutes les études d’impact annexées aux projets de loi déposés devant le Parlement doivent intégrer un volet relatif au handicap, afin d’évaluer l’effet de l’évolution de la législation sur la situation des personnes handicapées.

Recommandation n° 78 : Intégrer un volet relatif au handicap au sein de toutes les études d’impact annexées aux projets de loi déposés devant le Parlement.

Enfin, le Parlement doit également montrer l’exemple en matière de prise en compte transversale de la question du handicap. À l’Assemblée nationale comme au Sénat, les problématiques du handicap doivent être connues de chaque commission permanente, et être soulevées sur l’ensemble des textes qu’elles examinent.

2.   Une transversalité restant à appréhender au niveau local

Si les rapporteurs ont pu constater un réel effort au niveau national pour prendre en compte le caractère transversal du handicap à travers le développement de l’interministérialité, ils regrettent que celle-ci soit encore balbutiante au niveau territorial.

La création du réseau des sous-préfets handicap et inclusion constitue une avancée notable, mais ces derniers, bien que souvent de bonne volonté, sont insuffisamment formés aux problématiques du handicap. Leur implication dans la mise en œuvre de la politique d’accessibilité doit être renforcée, de même que le contrôle de l’État sur le fonctionnement des MDPH et l’accès aux droits des personnes handicapées.

Recommandation n° 79 : Assurer la formation des sous-préfets handicap et inclusion aux problématiques du handicap, selon l’approche par les droits humains promue par l’ONU.

Au niveau local, les représentants des personnes handicapées doivent également être plus étroitement associés à la mise en œuvre des politiques publiques, dans tous les domaines. Les conseils départementaux consultatifs des personnes handicapées (CDCPH) doivent être consultés de manière plus systématique sur l’ensemble des questions qui intéressent les personnes handicapées sur le territoire, y compris lorsqu’elles n’entretiennent qu’un lien indirect avec les politiques du handicap définies au niveau national.

Recommandation n° 80 : Associer plus étroitement les CDCPH à la mise en œuvre des politiques publiques au sein des préfectures, en organisant leur consultation systématique sur tous les sujets qui intéressent les personnes handicapées.

Enfin, il convient de garantir la formation de tous les fonctionnaires de l’administration déconcentrée de l’État, mais aussi des fonctionnaires territoriaux travaillant au sein des collectivités territoriales. Si le handicap, et notamment la question de l’accessibilité, sont souvent relégués au second plan, c’est parce qu’ils ne constituent pas encore un réflexe chez ceux qui élaborent, construisent et mettent en œuvre les politiques publiques sur le terrain.

Recommandation n° 81 : Garantir la formation des fonctionnaires de l’administration déconcentrée de l’État et de l’administration territoriale aux problématiques du handicap, et notamment de l’accessibilité, pour que celles-ci deviennent un réflexe.

B.   Les statistiques publiques doivent être uniformisées et développées pour piloter les politiques du handicap

Tout au long des travaux de la mission d’évaluation, l’insuffisance, voire l’absence, de statistiques publiques collectées, agrégées et consolidées ont été déplorées par les personnes auditionnées. Le présent rapport fait ainsi état de nombreux domaines dans lesquels l’absence de données ne permet pas de dresser un bilan fiable et exhaustif des politiques du handicap conduites depuis 2005.

La Défenseure des droits a souligné que « le recueil de données fiables et actualisées permettant d’identifier les besoins et les situations rencontrées par les personnes handicapées constitue un enjeu majeur de la prévention et de la lutte contre les discriminations. Or, les informations statistiques et les études sur le handicap témoignent d’un manque de visibilité et de comparabilité des données produites au niveau national et a fortiori international sur les besoins et prises en charge des personnes handicapées dans leur diversité. » ([504])

Les incertitudes qui pèsent sur le nombre de personnes handicapées en France illustrent les difficultés qui peuvent en découler en termes de pilotage des politiques publiques. Comment construire un système de prestations sociales et des parcours de prise en charge lorsque l’on n’est pas capable de déterminer de manière certaine le nombre de personnes qui seront concernées ? À l’instar de la Défenseure des droits, les rapporteurs préconisent donc de remédier aux nombreuses lacunes et incohérences des dispositifs de statistiques existants, notamment en :

– harmonisant la notion de handicap prise en compte dans les différentes sources statistiques et collectes de données, en lien avec la révision de la définition du handicap au sein du code de l’action sociale et des familles ;

– garantissant l’homogénéité des données recueillies, notamment en termes de périodicité des différentes études et statistiques, de sorte que l’on puisse comparer les données et identifier des tendances de moyen et long termes ;

– recueillant des données fiables et actualisées de manière régulière et a minima ventilées par sexe, tranche d’âge et typologie de handicap, dans une approche inter-sectionnelle et couvrant l’ensemble des politiques du handicap ([505]).

Recommandation n° 82 : Construire un dispositif unifié de statistiques publiques sur le handicap en :

– harmonisant la notion de handicap prise en compte dans les différentes sources statistiques et collectes de données, en lien avec la révision de la définition du handicap au sein du code de l’action sociale et des familles ;

– garantissant l’homogénéité des données recueillies, notamment en termes de périodicité des différentes études et statistiques, de sorte que l’on puisse comparer les données et identifier des tendances de moyen et long termes ;

– recueillant des données fiables et actualisées de manière régulière et a minima ventilées par sexe, tranche d’âge et typologie de handicap, dans une approche inter-sectionnelle et couvrant l’ensemble des politiques du handicap.

Dans toutes les politiques publiques, le handicap doit devenir un réflexe. Son appréhension statistique doit refléter la priorité qui est affichée en la matière. Ainsi, toutes les directions statistiques des ministères devraient réaliser un état des lieux de la prise en compte du handicap dans les données collectées par leurs services, et ainsi améliorer la connaissance de l’effet des différentes politiques sur le quotidien des personnes handicapées. À titre d’exemples, les rapporteurs soulignent la nécessité d’améliorer les données disponibles en matière d’accessibilité, de scolarisation des enfants handicapées et d’accès aux études supérieures pour les étudiants handicapées, d’accès au logement et à la propriété, ainsi qu’au sport, à la culture et à la vie associative, citoyenne et politique pour les personnes handicapées.

Recommandation n° 83 : Instaurer un réflexe « handicap » au sein de chaque direction statistique ministérielle afin d’améliorer la connaissance de l’effet des politiques publiques sur le quotidien des personnes handicapées.

Enfin, le pilotage des politiques publiques implique de connaître à la fois les besoins et les solutions disponibles. Or, en matière de handicap, la connaissance des besoins reste très parcellaire. Concernant les réponses apportées aux besoins identifiés, les données disponibles se limitent bien souvent à la question de l’accompagnement médico-social.

Les rapporteurs préconisent la création d’un observatoire des besoins et des solutions en matière de handicap chargé de collecter, d’agréger et de consolider les statistiques relatives aux personnes handicapées, à leurs besoins et aux solutions disponibles sur chaque territoire. Cet observatoire pourrait être rattaché au secrétariat général du comité interministériel du handicap, afin de garantir le caractère transversal et interministériel des données collectées, et d’assurer la diffusion des problématiques du handicap au sein de tous les ministères.

Recommandation n° 84 : Créer un observatoire des besoins et des solutions en matière de handicap rattaché au secrétariat général du CIH et chargé de collecter, d’agréger et de consolider l’ensemble des statistiques disponibles relatives aux personnes handicapées et à l’effet des politiques publiques sur leur situation, dans une démarche interministérielle.

C.   Les moyens alloués aux politiques du handicap doivent être identifiés et audités

En raison du caractère transversal de la question du handicap, les moyens qui sont alloués aux politiques en faveur des personnes handicapées sont éclatés entre différents financeurs intervenant dans une grande diversité de secteurs.

Chaque année, le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) contient une annexe consacrée à l’effort national en faveur du soutien à l’autonomie (Ensa), qui couvre les politiques publiques du grand âge et du handicap. L’Ensa inclut les prestations sociales individuelles – AEEH, AAH, PCH, APA, pensions d’invalidité et rentes d’incapacité permanente – ; les dépenses de sécurité sociale allouées au fonctionnement des établissements et services médico-sociaux ainsi qu’à la couverture des dépenses de soins de santé des personnes concernées ; les avantages sociaux et fiscaux dont peuvent bénéficier les personnes âgées dépendantes ou les personnes handicapées ; les programmes et actions pour l’inclusion scolaire et l’insertion professionnelle des personnes handicapées, financés par l’État, l’Agefiph ou le FIPHFP.

En 2030, l’Ensa a représenté 90 milliards d’euros. Le soutien aux personnes âgées dépendantes représente 29 milliards d’euros, et le soutien à l’autonomie des personnes handicapées atteint 61 milliards d’euros. La sécurité sociale finance 54 % de l’Ensa.

Dépenses de soutien à l’autonomie des personnes handicapées
comprises dans l’ENSA en 2023

 

Montants 2023
(en milliards d’euros)

Part dans le total de l’Ensa

Sécurité sociale

32,8

54 %

Branche autonomie  CNSA

18

29,7 %

Ondam médico-social  personnes en situation de handicap

14,7

24,3 %

Prestations en espèce (AEEH, AVA, AVPF)

1,6

2,7 %

Concours aux départements  PCH

0,9

1,5 %

Autres concours aux départements

0,4

0,6 %

MDPH

0,2

0,3 %

Plan d’aide à la modernisation des établissements et à l’investissement (charges nettes)

0

0,1 %

Dépenses d’animation, prévention et études et autres actions

0,2

0,3 %

Branche maladie – Cnam

8,9

14,6 %

Pension d’invalidité et allocation supplémentaire d’invalidité (ASI)

8,9

14,6 %

Action sociale du Fonds national d’action sanitaire et sociale (Fnass)

0

0 %

Branche ATMP

5,7

9,3 %

Rentes d’incapacité permanente

5,7

9,3 %

Branche famille

0,2

0,3 %

Allocation de présence parentale

0,2

0,3 %

État

19,4

31,9 %

Programme « Handicap et dépendance »

14,9

24,6 %

dont ressources d’existence (allocation aux adultes handicapés - AAH)

12,7

20,9 %

dont incitation à l’activité professionnelle (garantie de ressources des travailleurs handicapés)

1,5

2,5 %

Compensation des conséquences du handicap (dont instituts nationaux, fonds de compensation aux MDPH, FIAH...)

0

0 %

dont exonérations et réductions d’impôts

0,7

1,2 %

Autres programmes

3,1

5,1 %

dont inclusion scolaire des élèves en situation de handicap du programme « Vie de l’élève »

2,6

4,2 %

dont mesures en faveur de l’emploi des personnes handicapées du programme « Accès et retour à l’emploi »

0,4

0,6 %

dont allocations temporaires d’invalidité

0,1

0,2 %

Compensation d’exonérations de cotisations*

1,4

2,3 %

Départements

7,9

12,9 %

Frais de séjour en établissements et services pour adultes handicapés

5,8

9,5 %

Prestations ACTP et PCH

2,1

3,4 %

Agefiph

0,6

1 %

FIPHFP

0,1

0,2 %

Total Personnes en situation de handicap

60,7

100 %

Source : annexe 7 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025.

L’Ensa n’englobe toutefois pas toutes les dépenses consacrées à la politique en faveur des personnes handicapées. L’indicateur laisse ainsi de côté les dépenses publiques consacrées aux questions d’accessibilité du bâti par exemple. Or, les prestations sociales à destination des personnes handicapées, et en premier lieu le droit à compensation, sont étroitement liées à l’inaccessibilité des espaces privés et publics. Plus la société sera accessible aux personnes handicapées, moins elles auront besoin d’aides humaines et techniques pour participer à la vie sociale. Dès lors, il serait souhaitable de bénéficier d’une estimation de l’effort national réalisé en faveur de l’accessibilité dans toutes ses composantes, de façon à pouvoir évaluer l’effet des dépenses de mise en accessibilité sur le montant des dépenses de compensation et d’aide sociale.

Recommandation n° 85 : Estimer le montant des dépenses consacrées à la mise en accessibilité des espaces publics et privés afin de pouvoir évaluer leur effet sur les dépenses de compensation et d’aide sociale.

Les rapporteurs notent par ailleurs que les moyens consacrés aux politiques en faveur du handicap ont augmenté de manière constante depuis 2010.


Évolution des dépenses de l’ENSA consacrées aux personnes handicapées entre 2010 et 2023

(en Md€)

Les dépenses de soutien à l'autonomie des personnes handicapées sont passées de 43,2 milliards d'euros en 2010 à 60,7 milliards d'euros en 2023. La part des dépenses engagées par la sécurité sociale et l'État a plus progressé que celle des départements. Source : annexe 7 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025.

Toutefois, au regard du bilan dressé dans le présent rapport, il conviendrait de s’interroger sur l’effet de ces moyens sur les conditions de vie concrètes des personnes handicapées. Il existe en effet de nombreux débats sur le coût de l’institutionnalisation et de la désinstitutionnalisation des personnes handicapées, sur les coûts de l’inaccessibilité de la société, de l’emploi, de l’école, des études supérieures sur leurs trajectoires de vie et sur les dépenses publiques afférentes. Un certain nombre des mesures proposées par les rapporteurs sont coûteuses. Néanmoins, elles sont, d’une part, nécessaires pour garantir le respect des droits fondamentaux des personnes handicapées, et d’autre part, à mettre en parallèle avec le coût des grandes orientations de la politique du handicap au cours des vingt dernières années. Là où les investissements n’ont pas été réalisés il y a vingt ans se situent probablement des économies substantielles qui permettraient de financer les propositions du présent rapport. Les mesures proposées par les rapporteurs doivent être considérées comme des investissements, qui réduiront le coût social du non-respect des droits des personnes handicapées, et engendreront certainement à l’avenir des économies budgétaires.

Les rapporteurs préconisent donc de procéder à un audit exhaustif des moyens alloués aux politiques du handicap dans toute leur transversalité, afin notamment d’identifier les coûts cachés de l’institutionnalisation des personnes handicapées et de l’inaccessibilité de la société.

 

Recommandation n° 86 : Procéder à un audit complet des moyens alloués aux politiques du handicap dans toute leur transversalité afin notamment d’identifier les coûts cachés de l’institutionnalisation des personnes handicapées et de l’inaccessibilité de la société.

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   Conclusion

La loi du 11 février 2005 fut une grande loi en faveur des droits des personnes handicapées. Elle a traduit en droit des avancées majeures pour les personnes handicapées : droit à compensation, obligations de mise en accessibilité, priorité donnée au milieu ordinaire pour la scolarisation des enfants et pour l’emploi des personnes handicapées.

Vingt ans plus tard, le bilan est toutefois très mitigé.

En premier lieu, la loi du 11 février 2005 véhicule une vision historiquement datée du handicap et doit faire l’objet d’une actualisation au regard de l’évolution du cadre international relatif à la protection des droits des personnes handicapées.

En deuxième lieu, la loi du 11 février 2005 n’a pas été appliquée. Si ses dispositions avaient été effectives, sans être dénaturées par voie réglementaire ou amoindries par des modifications législatives ultérieures, nul doute qu’aujourd’hui les droits des personnes handicapées seraient bien mieux respectés de même que leur vie quotidienne facilitée.

En troisième lieu, la loi du 11 février 2005 n’est pas parvenue à créer les conditions d’une société pleinement inclusive pour les personnes handicapées. La sensibilisation et la formation du grand public et des professionnels de tous les secteurs doivent être considérablement renforcées, et tous les efforts réalisés en matière d’inclusion doivent être salués et encouragés afin d’engager une dynamique vertueuse.

Le présent rapport propose de tirer les leçons des erreurs du passé et d’initier un mouvement de transformation profonde en faveur des droits, de l’autonomie et de l’inclusion des personnes handicapées dans la société. Une telle démarche repose sur les principes de solidarité et d’interdépendance. Les politiques du handicap ne concernent pas que les personnes handicapées, mais la société dans son entièreté. La place faite aux personnes handicapées dans la vie sociale et économique est aussi le reflet des valeurs de solidarité, du respect de la différence et de la place accordée à l’altérité Autonomie et isolement ne sont pas synonymes, bien au contraire.

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   Travaux de la commission

Au cours de sa première réunion du mercredi 9 juillet 2025, la commission procède à l’examen du rapport de la mission d’évaluation de la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées.

Mme Annie Vidal, présidente. L’évaluation par notre commission de la loi n° 2005‑102 du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées coïncide avec les vingt ans de ce texte, qui venait lui-même trente ans après la loi d’orientation n° 75‑534 du 30 juin 1975 en faveur des personnes handicapées, ce qui témoigne de l’engagement constant du Parlement.

Cette évaluation a été confiée à une mission comprenant un représentant de chaque groupe politique. J’adresse mes remerciements à chacun d’entre eux. Ils vont en premier lieu à nos rapporteurs, Christine Le Nabour et Sébastien Peytavie, qui ont accompli un travail considérable, à la hauteur des ambitions de cette loi fondatrice.

Alors que la loi comprenait pas moins de cent un articles, la mission d’évaluation formule quatre-vingt-six recommandations. Il y a donc de quoi faire, notamment pour les législateurs que nous sommes. Voter la loi, l’évaluer puis la faire évoluer en conséquence, c’est le cercle vertueux que nous devons perpétuer.

M. Sébastien Peytavie, rapporteur. Je suis heureux de vous présenter le rapport de la mission d’évaluation. Nous avons fait le choix d’ouvrir parallèlement à nos travaux une consultation en ligne intitulée « Rien Sans Nous », permettant de recueillir des centaines de témoignages de personnes handicapées ou de leurs proches. Ces contributions irriguent chaque partie du rapport et elles en constituent le fil rouge : donner la parole aux premiers concernés.

Pendant six mois de travaux intenses, Christine Le Nabour et moi-même, ainsi que les différents membres de la mission d’évaluation que je remercie pour leur implication, avons auditionné près de quatre-vingts acteurs afin de recueillir leurs constats, leurs critiques et leurs préconisations au sujet des politiques du handicap menées en France depuis 2005. Nous avons ainsi rencontré de très nombreux représentants associatifs des personnes handicapées et de leurs proches, des gestionnaires de structures médico-sociales, des directions ministérielles, des experts et des personnalités qualifiées ainsi que des fédérations professionnelles. Si nous ne pouvons pas prétendre à l’exhaustivité, nous soulignons la diversité des points de vue et des sujets abordés : accès aux droits et prestations sociales, prise en charge médico-sociale, protection juridique des majeurs, école, enseignement supérieur, emploi, logement, cadre bâti, transports, numérique. C’est peu dire que la tâche était d’ampleur !

Nous nous sommes déplacés à deux reprises, en Côte-d’Or et dans le Rhône, afin d’échanger sur le terrain avec les professionnels et les usagers des politiques du handicap. Tous les membres de la mission d’évaluation ont, en outre, parcouru leurs circonscriptions et le territoire national afin de rencontrer le plus grand nombre possible de personnes et de visiter le maximum de lieux. Je me suis également rendu, au cours des six derniers mois, au sommet mondial du handicap à Berlin et à la Conférence des États parties à la Convention internationale des droits des personnes handicapées à New York.

Le rapport contient quatre-vingt-six recommandations portant sur les quatre axes de travail identifiés au début de la mission : les droits, les prestations et les modalités de prise en charge médico-sociale des personnes handicapées ; l’accès à l’école, à l’enseignement supérieur et à l’emploi ; l’accessibilité des logements, des établissements recevant du public, de la voirie, des transports et du numérique ; la représentation des personnes handicapées auprès des pouvoirs publics, la gouvernance et le pilotage des politiques du handicap.

J’évoquerai les droits, prestations et parcours médico-sociaux proposés aux personnes handicapées, ainsi que leur participation à l’élaboration et à l’application des politiques publiques qui les concernent. Christine Le Nabour vous présentera les enjeux en matière d’école, d’enseignement supérieur, d’emploi et d’accessibilité du cadre de vie.

Pour commencer, je souhaite rappeler qu’il est impossible d’évaluer la loi du 11 février 2005 indépendamment du contexte international. La Convention internationale relative aux droits des personnes handicapées a été adoptée en 2006, puis ratifiée par la France en 2010. En 2021, à la suite d’un long processus d’évaluation, l’Organisation des Nations unies a publié ses observations finales sur le respect de cette Convention. Le constat est particulièrement sévère pour la France. Les Nations unies pointent une atteinte à de nombreux droits fondamentaux des personnes handicapées. Il était essentiel de partir de ce constat et de la parole des premiers concernés pour produire le présent rapport.

D’abord, l’approche du handicap retenue par la loi de 2005 est différente de celle de la Convention des Nations unies. Notre loi, bien qu’elle souligne le rôle de l’environnement dans la production du handicap, reste centrée sur une approche biomédicale selon laquelle le handicap est avant tout une déficience individuelle qu’il convient de compenser. À l’inverse, la Convention propose un modèle social du handicap, fondé sur les droits humains : c’est avant tout à la société de s’adapter pour inclure les personnes handicapées, car c’est l’environnement qui génère les handicaps. Cette définition n’est pas qu’une question sémantique ou théorique car toute notre législation en découle : si le handicap n’est pas le fruit d’une déficience individuelle mais résulte d’un environnement inadapté, alors c’est bien un effort collectif que nous devons produire pour garantir la participation des personnes handicapées à la vie sociale, politique, économique et associative. C’est pourquoi nous proposons de modifier notre définition et d’intégrer en droit français les grands principes de la Convention des Nations unies.

Ensuite, la loi du 11 février 2005 reposait sur deux grands piliers : la compensation individuelle d’une part, l’accessibilité universelle d’autre part. Ces deux principes agissent comme des vases communicants : plus la société est accessible et moins les personnes handicapées ont besoin de voir les conséquences de leur handicap compensées. Sur le premier volet, la loi a créé la prestation de compensation du handicap (PCH). En 2005, la PCH constituait une avancée majeure, fondée sur la promesse d’une compensation intégrale des conséquences du handicap, sur la base d’une évaluation des besoins de la personne handicapée tenant compte de son projet de vie. Le constat est malheureusement celui d’une promesse non tenue : le mécanisme s’avère d’une complexité inouïe et sa portée a été fortement restreinte par voie réglementaire, notamment en ce qui concerne l’aide humaine. La vie quotidienne est découpée en actes minutés. À chaque acte correspondent un tarif et un plafond. Nous sommes bien loin du soutien promis à l’autodétermination des personnes handicapées. Nous proposons donc une refonte globale de la PCH en une prestation unique soutenant les aspirations et les projets de ses bénéficiaires.

Aux défis de la PCH s’ajoutent les dysfonctionnements des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH), que nous connaissons tous : délais de traitement des dossiers interminables, disparités territoriales majeures dans l’attribution des droits et des aides, complexité des démarches administratives pour les usagers. Une réforme de la gouvernance territoriale est nécessaire. Nous proposons deux pistes de réflexion afin de recentrer les missions des MDPH sur l’accueil et l’accompagnement des usagers ainsi que sur l’évaluation des situations les plus complexes.

Par ailleurs, la prise en charge médico-sociale des personnes handicapées fait l’objet d’une critique majeure de la part de l’ONU : la France n’a pas engagé de processus de désinstitutionnalisation des personnes handicapées. Ces dernières, faute d’alternative, sont encore souvent contraintes de résider dans des établissements d’hébergement, qui les coupent du monde extérieur en violation de leur droit à l’autonomie et à l’inclusion dans la société. Nous ne souhaitons pas dénigrer le travail des professionnels de ces structures, dont l’engagement est remarquable. Nous dénonçons néanmoins la ségrégation dont sont victimes les personnes handicapées, faute de logements adaptés ainsi que de services d’aide et d’accompagnement à domicile de qualité et en quantité. Nous préconisons de planifier la désinstitutionnalisation : celle-ci ne doit pas intervenir à marche forcée au risque d’occasionner des souffrances pour les personnes et leurs proches. En revanche, nous ne devons pas non plus partir du principe qu’elle est impossible. Elle est possible en facilitant l’accès au logement, en garantissant le bénéfice d’assistants personnels choisis par les personnes elles-mêmes, en s’assurant qu’il existe toujours des solutions alternatives, en réformant la gouvernance des établissements.

Comment pouvons-nous continuer à élaborer les politiques du handicap sans les personnes handicapées ? Nous devons nous interroger sur la place que nous donnons à leur parole, sur l’écoute que nous leur prêtons. Il faut accorder aux personnes handicapées la pleine citoyenneté en garantissant leur droit de vote mais aussi leur éligibilité. Il faut soutenir leur participation à la vie sociale, civile et associative. Trop souvent, nous pensons écouter les personnes handicapées alors que ce ne sont pas leurs voix que nous entendons. Ce sont celles de personnes qui parlent en leur nom, de bonne foi et avec de bonnes intentions : proches, parents, aidants, professionnels, gestionnaires d’établissements médico-sociaux. Tout au long de la mission d’évaluation, nous avons cherché à auditionner les personnes handicapées elles-mêmes. Ce n’est pas facile, cela demande des moyens techniques et du temps, mais c’est nécessaire. Nous devons toujours présumer – car c’est le cas, à de rares exceptions près – que les personnes handicapées peuvent s’exprimer, à condition qu’on les laisse le faire. Elles peuvent décider pour elles-mêmes. Elles sont capables. Écoutons-les vraiment nous dire ce qu’elles souhaitent, ce qu’elles veulent, ce qu’elles revendiquent. Et laissons-les décider, diriger et appliquer ces décisions. Bref, faisons de la place, dans tous les sens du terme.

Mme Christine Le Nabour, rapporteure. La mission d’évaluation fut pendant six mois une aventure humaine, exigeante et enrichissante. Elle nous oblige à tenir les promesses faites en 2005, donc à rendre effectifs les droits des personnes en situation de handicap. J’évoquerai plusieurs points qui occupent une place centrale dans la loi : l’école, l’emploi et l’accessibilité du cadre de vie.

Premièrement, en ce qui concerne l’école inclusive, nos travaux montrent que, malgré une impulsion importante, les engagements sont loin d’être honorés. La loi a posé un principe clair : le droit à l’éducation pour tous les enfants en privilégiant la scolarisation en milieu ordinaire. Les chiffres peuvent sembler, de prime abord, encourageants : le nombre d’élèves handicapés scolarisés a plus que triplé en vingt ans pour atteindre près de 470 000 enfants à la rentrée 2023. Mais ce succès quantitatif ne doit pas masquer un bilan contrasté. Trop d’enfants sont encore orientés par défaut vers le secteur médico-social. En vingt ans, leur nombre n’a pas évolué. Près d’un tiers d’entre eux suivent leur scolarité sans véritable lien avec l’école et 8 % ne sont pas du tout scolarisés.

Les associations dénoncent la scolarisation souvent partielle des enfants handicapés sans que les statistiques publiques, lacunaires, permettent d’en apprécier l’ampleur. Les démarches auprès des MDPH restent longues et complexes, les réponses apportées insuffisantes.

Les moyens sont importants – 4,6 milliards d’euros pour l’année 2025 – mais mal employés. Trop souvent, l’école inclusive se résume à l’intervention des accompagnants d’élèves en situation de handicap (AESH), qui sont principalement des femmes. Or on le sait, elles sont insuffisamment formées et leur situation est trop précaire. La présence de professionnels du secteur médico-social à l’école est aujourd’hui limitée et insuffisamment ancrée dans la culture. La formation de la communauté éducative, particulièrement des enseignants, est très médiocre, ce qui entraîne parfois un rejet préoccupant de l’école inclusive par les professeurs eux-mêmes.

Il ressort de nos travaux une conviction forte : ce n’est pas aux élèves de s’adapter à l’école, c’est à l’école de s’adapter à eux. L’implantation des structures médico-sociales dans l’institution scolaire doit se poursuivre. Il faut réunir les conditions de réussite des pôles d’appui à la scolarité (PAS), qui doivent permettre de resserrer les liens entre l’éducation nationale et le médico-social pour construire une culture commune. Il est à cet égard indispensable de garantir la cohérence de la réponse apportée aux besoins de chaque élève, laquelle doit être graduée. Le déploiement des PAS exige une clarification du rôle des différents intervenants ainsi que des moyens à la hauteur des ambitions fixées.

Surtout, il faut dépasser l’approche compensatoire au profit de l’accessibilité. Une conception universelle de l’école doit ainsi être promue, du bâti scolaire aux contenus pédagogiques en passant par le matériel utilisé en classe. Un travail s’impose avec les collectivités sur l’accessibilité physique des bâtiments en prenant en compte les différentes formes de handicap. La formation initiale et continue des enseignants mérite d’être considérablement étoffée : l’accessibilité implique une transformation profonde de la pédagogie et des contenus. Plus encore que l’école inclusive, c’est la notion de classe et d’enseignement inclusifs qu’il faut généraliser.

En ce qui concerne l’enseignement supérieur, la loi de 2005 a reconnu un droit d’accès pour les personnes handicapées et confié aux établissements la mise en œuvre de ce principe. Le nombre d’étudiants handicapés a été multiplié par huit depuis 2003, mais il demeure très faible au regard de la population étudiante. Les embûches sont encore nombreuses : manque de référents, difficultés à faire appliquer les aménagements de la pédagogie et des épreuves, ruptures d’un cycle à l’autre. Nous proposons de renforcer les budgets dédiés dans les établissements, de rendre les plans d’accompagnement opposables et d’instaurer une portabilité des droits pour éviter les ruptures de parcours.

J’en viens à l’emploi, sujet qui me tient particulièrement à cœur. En vingt ans, les outils ont évolué et la situation a progressé sans que les objectifs soient atteints. Le taux de chômage des personnes handicapées a diminué mais il reste deux fois plus élevé que celui de l’ensemble de la population active – 12 % contre 7,3 %. Les travailleurs handicapés représentent toujours moins de 6 % de la population active, avec des disparités importantes entre les secteurs privé et public. Le fait d’être handicapé ou malade chronique multiplie par trois le risque d’être victime de discrimination au travail.

Les aides proposées par l’Association de gestion du fonds pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées (Agefiph) et le Fonds pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées dans la fonction publique (FIPHFP) sont utiles mais encore trop complexes à obtenir, en particulier pour les petites structures – entreprises, hôpitaux ou collectivités territoriales. Elles doivent être bien mieux accompagnées. Les modalités de financement des fonds devront à terme être révisées en raison de l’effet ciseaux qui les affecte.

L’accompagnement des demandeurs d’emploi évolue depuis plusieurs années dans le sens d’un rapprochement avec le droit commun et de la simplification du parcours. La loi n° 2023‑1196 du 18 décembre 2023 pour le plein emploi a amorcé un changement de paradigme : l’accès au monde du travail ordinaire est désormais un droit universel, le principe d’orientation par la MDPH ayant été supprimé. Il s’agit de mener la réforme à son terme, ce qui implique des moyens suffisants pour la réussite du service public de l’emploi pour tous.

Les outils d’accompagnement personnalisés doivent être développés, à l’instar de l’emploi accompagné. Nous préconisons, comme le Président de la République s’y était engagé, d’autoriser le cumul entre l’allocation aux adultes handicapés (AAH) et un emploi au-delà d’un mi-temps.

Nous insistons sur la nécessité d’achever la transformation du secteur protégé. Des évolutions importantes ont été permises par le plan de transformation des établissements et services d’aide par le travail (Esat) et la loi pour le plein emploi, notamment la reconnaissance de droits collectifs fondamentaux. Mais beaucoup reste à faire. Les passerelles vers le milieu ordinaire sont trop rares : seulement 1 % des travailleurs en Esat y accèdent chaque année. Nous appelons à établir des objectifs chiffrés de sorties vers l’emploi, à revoir les rémunérations, à consolider les droits collectifs et à garantir un meilleur encadrement des établissements pour prévenir les situations de maltraitance et favoriser une transition vers un modèle plus inclusif. Ces différentes recommandations constituent des étapes vers la désinstitutionnalisation.

S’agissant de l’accessibilité du bâti et des transports, nous dressons un constat sévère. En matière de logement, les retards sont criants. La loi n° 2018‑1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, dite Élan, a mis un coup d’arrêt en abaissant les exigences d’accessibilité pour la production de logements neufs. Quant aux logements dits évolutifs, ils restent théoriques, faute de travaux simples à réaliser. Nous proposons de revenir sur le recul qu’a constitué la loi Élan. Il est également essentiel de mettre fin aux nombreuses dérogations injustifiées, de renforcer les contrôles et de mieux prendre en compte les handicaps psychiques et cognitifs, souvent ignorés ou relégués au second plan.

Pour ce qui est des établissements recevant du public (ERP), les ambitions ont été revues à la baisse et les échéances reportées. L’ordonnance n° 2014‑1090 du 26 septembre 2014 relative à la mise en accessibilité des établissements recevant du public, des transports publics, des bâtiments d’habitation et de la voirie pour les personnes handicapées a instauré les agendas d’accessibilité programmés, les fameux Ad’AP, destinés à adapter le calendrier des travaux d’accessibilité. Leur bilan est mitigé. Au moins trois quarts des ERP demeurent inaccessibles. Les difficultés se concentrent sur les petits établissements – petits commerces, restaurants, bars, petits musées, etc. – dont 90 % ne seraient pas aux normes. Les dérogations sont trop nombreuses et les contrôles insuffisants tandis que le fonds territorial d’accessibilité n’a pas rencontré le succès escompté. Nous appelons à refonder la stratégie d’accessibilité des ERP en renforçant le suivi, le contrôle, l’accompagnement et les sanctions. Les dérogations doivent être limitées à l’impossibilité technique. En parallèle, les conditions d’intervention des architectes des bâtiments de France et des conservateurs du patrimoine doivent évoluer.

En matière de voirie et de transports, une grande partie du réseau demeure hors de portée pour des millions de Français. Les exigences relatives à la voirie ont été considérablement abaissées par voie réglementaire. Quant aux transports publics, alors que la loi imposait leur mise en accessibilité dans un délai de dix ans, soit en 2014, l’obligation a été restreinte aux seuls arrêts prioritaires, donc à moins de 40 % des arrêts, et l’échéance a été reportée. Il est urgent de rappeler aux collectivités et aux autorités organisatrices de transports leur responsabilité en imposant une obligation de moyens, des sanctions et un devoir de transparence.

Enfin, en 2024, seulement 3 % des démarches numériques essentielles de l’État sont pleinement accessibles. Il faut renforcer les obligations d’accessibilité numérique des acteurs publics et privés, ainsi que la formation des agents et des développeurs.

Ce rapport est le fruit de plusieurs mois de travail, d’auditions, de déplacements et d’une consultation directe des personnes handicapées. Il ne se veut ni complaisant ni excessif, mais lucide. Nous proposons de tirer les leçons des erreurs du passé et d’amorcer un mouvement de transformation profonde en faveur des droits, de l’autonomie et de l’inclusion des personnes handicapées.

Les politiques du handicap ne concernent pas que les personnes handicapées, mais tout un chacun. La place qui leur est faite dans la vie sociale, dans le monde du travail, à l’école dit beaucoup de ce que nous sommes collectivement. Notre sens de la solidarité, le respect que nous accordons à ceux qui sont différents, la place faite à l’altérité sont autant de piliers de la société et du pacte social. C’est pourquoi je forme le vœu que nos quatre-vingt-six recommandations trouvent, le plus vite possible, une traduction concrète. L’heure n’est plus aux promesses mais aux actes.

Mme Annie Vidal, présidente. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

M. Guillaume Florquin (RN). Je salue la qualité de votre travail et je souligne l’importance de cette mission d’évaluation attendue depuis longtemps par les personnes en situation de handicap comme par leur famille.

Si elle a constitué une étape historique vers l’égalité des droits et des chances, la loi de 2005 ne tient toujours pas toutes ses promesses. Vingt ans après son adoption, le rapport le souligne, l’accessibilité, qu’elle soit physique, numérique ou liée au transport, demeure incomplète. Le taux d’emploi des personnes en situation de handicap est toujours en dessous de la moyenne nationale. Il ne suffit plus d’énoncer des principes. Il faut désormais des résultats mesurables et une volonté politique ferme pour lever les derniers verrous.

À cet égard, notre administration impose des démarches redondantes. Des personnes dont le handicap est reconnu irréversible – une amputation par exemple –doivent sans cesse prouver que leur situation n’a pas changé. Cette exigence est non seulement inutile mais aussi profondément absurde. Elle traduit une méconnaissance de la réalité du handicap et elle ajoute une souffrance administrative à une situation déjà difficile. Elle est aussi à l’origine d’un gaspillage de ressources pour les caisses d’allocations familiales (CAF) et les MDPH dont les agents sont mobilisés par des tâches répétitives au lieu de concentrer leurs efforts sur l’accompagnement et sur la lutte contre la fraude.

Notre société gagnerait à être plus juste, plus respectueuse et plus efficace. Que pensez-vous de l’attribution de certains droits – AAH, PCH, allocation d’éducation de l’enfant handicapé, carte mobilité inclusion, aides au logement – sans limitation de durée lorsque le handicap présente un caractère irréversible et n’est pas susceptible d’évoluer favorablement ? Ne devrions-nous pas faire preuve d’intelligence administrative, simplifier sans affaiblir le contrôle, alléger sans renoncer à l’exigence ?

Mme Camille Galliard-Minier (EPR). Il y a vingt ans, notre pays adoptait une grande loi de consensus, ambitieuse et structurante. Forte de ses cent un articles, elle a marqué un tournant : elle a posé une définition du handicap, créé les MDPH, élargi l’accès aux droits et affirmé des principes essentiels – inclusion scolaire, emploi, accessibilité, citoyenneté. Elle a permis une prise de conscience collective et la reconnaissance des quatre familles de handicap : moteur, sensoriel, cognitif et psychique. Le handicap est entré dans notre société, dans nos politiques publiques, dans nos vies.

Pour l’anniversaire des vingt ans de la loi, il appartenait à l’Assemblée nationale d’évaluer les effets du texte, qui a depuis été complété. Je veux saluer l’importance du travail accompli : six mois de travail, soixante-quinze auditions, deux déplacements et surtout une méthode exigeante fondée sur l’écoute. La consultation en ligne « Rien Sans Nous » est un fil rouge, comme l’a dit le rapporteur : elle a permis d’illustrer, parfois de manière bouleversante, la distance qui sépare les droits théoriques de la réalité quotidienne.

Les deux rapporteurs dressent un bilan lucide et exigeant. Oui, des progrès ont été accomplis dans les quatre axes évalués que sont l’accès aux droits et les prestations, l’accès à l’école, à l’enseignement supérieur et à l’emploi, l’accessibilité, la représentation au sein des pouvoirs publics. Mais nous restons encore loin des ambitions de la loi de 2005. Des obstacles persistent avec une scolarisation incomplète, une insertion professionnelle freinée, une accessibilité inégalement garantie, une fatigue administrative dans les démarches. Le rapport le montre clairement.

Quant à la gouvernance du handicap, la mission évalue de manière lucide un fonctionnement des MDPH aujourd’hui à bout de souffle : les délais de traitement sont excessifs, les évaluations trop médicalisées et les disparités territoriales inacceptables. Il est temps de réformer les maisons départementales en profondeur en les recentrant sur l’accompagnement, en déchargeant les personnels des tâches les plus simples et en créant un service public de l’évaluation garant de l’égalité républicaine.

Le rapport formule quatre-vingt-six recommandations dont le groupe EPR saura se saisir. Vous pouvez compter sur notre engagement. Ces propositions doivent nourrir un nouvel élan politique, une ambition partagée à la hauteur des enjeux du siècle pour construire la société inclusive de demain. Cette ambition, qui appelle une mobilisation forte, est à la fois une source d’émancipation pour les 12 millions de personnes en situation de handicap et de progrès social pour tous.

Mme Anaïs Belouassa-Cherifi (LFI-NFP). Vingt ans après, l’application de la loi de 2005 est un échec. Le rapport le dit clairement : c’est la conséquence du choix politique assumé depuis vingt ans de déroger aux règles fixées. Qu’il s’agisse d’éducation, d’accessibilité, de travail, de santé ou de citoyenneté, les chantiers restent immenses.

J’aimerais féliciter Sébastien Peytavie et Christine Le Nabour pour leur travail exigeant, qui a abouti à quatre-vingt-six recommandations de grande qualité et particulièrement riches. La plus essentielle à mes yeux, celle en faveur de laquelle nous devrions nous engager résolument, est la désinstitutionnalisation, conformément aux recommandations de l’ONU. Il est primordial de définir au plus vite, avec les personnes concernées, une programmation pluriannuelle. La Convention des Nations unies relative aux droits des personnes handicapées doit être pleinement appliquée. La France ne doit plus y déroger.

Les conditions d’attribution de l’AAH sont trop restrictives. Le taux de pauvreté des personnes handicapées est deux fois supérieur à la moyenne de la population. Exigeons la dignité humaine, revalorisons cette allocation !

En ce qui concerne la PCH, la barrière d’âge fixée à 60 ans, sur laquelle alertent de nombreuses associations et qui devait être supprimée au plus tard en 2010, crée des inégalités inacceptables. Là encore, une refonte totale est nécessaire.

La question du logement me tient particulièrement à cœur. Alma Dufour, Sébastien Peytavie et moi avons travaillé à une proposition de loi qui rejoint certaines recommandations du rapport, notamment l’exigence de 100 % de logements accessibles dans la construction neuve, la rénovation du parc social et le recensement des logements accessibles. Les véhicules législatifs existent. Œuvrons collectivement à leur inscription à l’ordre du jour du Parlement !

S’agissant de l’école inclusive, là encore, l’échec est patent et une refonte totale du système s’impose, comme le rapport le met en exergue. Les moyens sont insuffisants et mal employés. Donnons aux AESH le statut de fonctionnaire, améliorons leur rémunération et leurs conditions de travail. Garantissons l’accessibilité du bâti scolaire. Facilitons l’accès au matériel pédagogique adapté. Revoyons la formation de l’ensemble du personnel.

Ce rapport met en lumière un échec. Il est temps d’y remédier ensemble. La ministre chargée du handicap a promis un projet de loi d’ici à la fin de l’année. J’espère que ce rapport servira de base à nos futures délibérations. Rappelons-nous que les personnes handicapées ne demandent pas l’impossible. Elles aspirent simplement à une vie digne, comme tout un chacun. À nous de faire en sorte que cela devienne une réalité.

M. Arnaud Simon (SOC). Je remercie Sébastien Peytavie et Christine Le Nabour d’avoir pendant six mois animé cette mission d’évaluation. À chaque fois que j’ai participé à l’une de ses auditions, j’ai éprouvé une forme de honte et une forme d’espoir.

Une forme de honte parce que la promesse de transformation de la société n’a pas été tenue. Nous avons entendu des constats alarmants. Vingt ans après, l’accessibilité universelle n’existe pas ; 50 % des ERP ne sont pas aux normes. La question des personnes en situation de handicap vieillissantes n’est pas résolue. Le choix pour le chef de filat entre les agences régionales de santé (ARS) et les départements est toujours en discussion. Les parcours des personnes en situation de handicap ne sont pas aboutis. Nous devons encourager l’émergence de la parole et accroître la capacité d’autodétermination.

La transformation des Esat demeure compliquée. J’ai alerté récemment la ministre sur les difficultés persistantes qu’ils connaissent à cause du retard dans le versement des aides au poste. Près de 100 millions d’euros manquent à l’appel.

Les relations entre les MDPH et les Français sont toujours aussi tumultueuses. L’accès au droit reste problématique.

Notons aussi le manque de moyens financiers des conseils départementaux privés de levier fiscal. Comment s’étonner que des pans entiers des politiques publiques, comme celle du handicap, soient mis à mal, victimes de l’effet ciseaux des recettes et des dépenses ? Dans le cas de la PCH, les dépenses sont passées entre 2013 et 2023 de 1,4 à 3,1 milliards d’euros, tandis que le reste à charge pour les départements est passé de 800 millions à 2,1 milliards.

Enfin, j’ai ressenti une forme de honte après l’audition du Collectif des AESH-AVS En action ! Les accompagnants n’ont pas de statut et leur rémunération, qui s’élève en moyenne à 900 euros par mois, ne pourra atteindre le smic, à la faveur des changements d’échelon, qu’au bout de trente-trois ans ! En outre, ils sont souvent dépourvus d’outil informatique et confrontés à des problèmes hiérarchiques.

La diversité des compétences et des missions, l’engagement total des professionnels et des bénévoles suscitent l’espoir. Mais l’approche du handicap ne peut être le fait des seuls acteurs médico-sociaux. Ce n’est pas ainsi que nous concevons la société inclusive. Quelle est notre stratégie nationale sur la question du handicap ? Dans leur rapport, nos collègues apportent des réponses à cette question et formulent des recommandations. Ils ne demandent pas une nouvelle grande loi, mais l’application du droit actuel. Il est temps de nous réveiller !

Mme Justine Gruet (DR). Je tiens à remercier l’ensemble des personnes rencontrées ou interrogées au cours de cette évaluation ; leurs témoignages et leurs remarques m’ont été précieux.

La loi du 11 février 2005 reste un texte fondamental, une avancée importante. Mais, force est de le constater, l’accompagnement des politiques publiques est insuffisant et des obstacles concrets persistent dans la vie quotidienne des personnes en situation de handicap. L’objectif de cette évaluation approfondie est clair : transformer leur combat permanent en un accompagnement complet.

Il est impératif de simplifier les démarches et d’harmoniser les critères d’attribution des aides. À cette fin, nous devons rendre notre système d’allocations plus juste et plus lisible, faciliter le partage des dossiers entre départements grâce à des outils numériques communs et utiliser l’intelligence artificielle pour la numérisation des dossiers.

L’accessibilité des transports, des lieux publics ou des outils numériques demeure un enjeu majeur. Je plaide donc pour un renforcement significatif de l’accompagnement par des personnes concernées en amont, pour des contrôles plus fréquents et des sanctions plus dissuasives en aval, ainsi que pour le caractère obligatoire de la formation initiale et continue à l’accessibilité universelle des professionnels du bâtiment et pour la réutilisation du matériel d’aide médicale fonctionnel – les fauteuils roulants, par exemple.

Facilitons l’adaptation à l’école et au travail en formant mieux le personnel enseignant, en augmentant le nombre des AESH et en faisant évoluer leur statut afin de reconnaître pleinement leur rôle essentiel au sein de l’école. En vingt ans, le nombre des enfants en situation de handicap scolarisés a triplé. Ce serait une belle réussite si les moyens correspondants avaient suivi la même évolution. Il pourrait donc être pertinent de créer, sur le modèle des réseaux d’éducation prioritaire, des réseaux d’éducation inclusive pour individualiser des ressources humaines et matérielles accrues.

Dans le domaine de l’emploi, nous devons davantage valoriser les personnes qui travaillent en Esat : elles ont de véritables compétences mais pas encore les mêmes droits que les travailleurs classiques, notamment en matière de retraite. L’intégration en milieu ordinaire, pilotée par l’Agefiph et le FIPHFP, doit être plus pragmatique.

Enfin, une réflexion approfondie doit être menée sur l’accompagnement des personnes handicapées vieillissantes, car il n’existe pas toujours de solutions alternatives au domicile des parents ou au foyer d’hébergement.

Je salue la création par le Conseil supérieur du notariat du dispositif Not’isme, qui accompagne en toute confiance les personnes les plus vulnérables.

Il n’est plus acceptable que le quotidien des personnes en situation de handicap soit un combat permanent alors que chacun doit trouver sa juste place dans la société. Leurs droits ne doivent plus dépendre de ceux qu’elles ont face à elles. La Droite républicaine, à l’origine, avec Jacques Chirac, du texte de 2005, saura prendre part à la politique qui assurera à toutes les personnes en situation de handicap la considération qui leur est due.

Mme Marie-Charlotte Garin (EcoS). Vingt ans après la loi de 2005, les droits des personnes en situation de handicap restent trop souvent théoriques, conditionnels, abstraits. Le rapport de nos collègues est précieux à cet égard : il souligne combien le système, dénoncé par les associations depuis des années, masque, infantilise, ralentit l’accès aux droits et, surtout, continue d’exclure. Ce n’est pas à la personne handicapée de s’adapter à la société, mais à cette dernière d’être inclusive et accessible.

Or, 75 % des établissements recevant du public sont toujours inaccessibles et 90 % des petits commerces, bars et musées ne respectent pas les normes. Quant aux logements neufs accessibles, la loi Élan précitée est venue réduire leur part à 20 %. Cette régression majeure va à l’encontre des besoins et de nos engagements internationaux.

Certes, le nombre d’enfants handicapés scolarisés a triplé en vingt ans. Mais 8 % d’entre eux ne sont toujours pas scolarisés et, trop souvent, la scolarisation reste partielle, précaire, ségrégative.

Le taux de chômage des personnes handicapées demeure deux fois plus élevé que celui de la population générale. Les Esat sont des zones de non-droit social pour un trop grand nombre de travailleurs.

En réalité, la société française continue de penser le handicap comme un enjeu médico-social et non comme une question de justice, d’autonomie et de citoyenneté. C’est pourquoi, comme les rapporteurs, nous réclamons une stratégie de désinstitutionnalisation claire, construite avec les personnes concernées. Que l’on revienne sur les reculs de la loi Élan et que soit garantie l’effectivité des droits existants, à commencer par l’accessibilité universelle et les moyens financiers et humains afférents ! Une société inclusive ne coûte pas plus cher ; elle est simplement plus juste et se construit avec les personnes handicapées. C’est une question de dignité. Rien pour elles sans elles !

M. François Gernigon (HOR). En fixant le principe selon lequel toute personne en situation de handicap a droit, dans une logique d’autodétermination, à une compensation individualisée fondée sur son projet de vie, la loi de 2005 a marqué une rupture culturelle. Mais, vingt ans plus tard, cette ambition reste inachevée.

Nous saluons la clarté du rapport, qui met en lumière des avancées mais, surtout, des retards, des impasses et des attentes immenses.

La prestation de compensation du handicap est plus ouverte, plus souple et plus diversifiée. Mais elle reste inaccessible à de trop nombreuses personnes, notamment celles dont le handicap survient après 60 ans. En outre, le reste à charge est important, en particulier pour les aides techniques ou humaines. Les MDPH, conçues comme des guichets uniques, sont submergées : le manque de moyens humains, les délais d’instruction, l’hétérogénéité territoriale fragilisent le cœur du droit à compensation. Il faut garantir une évaluation pluridisciplinaire réelle, qui respecte le projet de vie et ne cède pas à une logique purement médicale.

Surtout, le rapport montre que les parcours restent souvent heurtés et imposés plus que choisis. Les familles sont épuisées et les personnes en situation de handicap laissées seules face à des décisions obscures. À court terme, nous devons améliorer l’accessibilité des droits, sécuriser les accompagnants et revaloriser les aides existantes afin d’éviter les ruptures de parcours tout au long de la vie. À long terme, il faut transformer la gouvernance, investir dans l’école inclusive, rendre la formation et l’emploi véritablement accessibles et garantir une offre médico-sociale lisible, cohérente et à la hauteur des besoins.

Les quatre-vingt-six recommandations de nos rapporteurs permettront d’élaborer une stratégie partagée par l’ensemble des acteurs. Le combat en faveur de l’inclusion, de l’ouverture et de l’autodétermination requiert méthode, constance et exigence collective. Cette exigence, nous la partageons avec les auteurs du rapport.

M. Stéphane Viry (LIOT). Dans votre rapport, vous ne dressez pas seulement un constat. Vous avancez également des propositions. Tel est le rôle du Parlement dans sa mission d’évaluation des politiques publiques.

En donnant une place centrale aux personnes en situation de handicap, en assignant des objectifs en matière d’égalité des droits et des chances et de participation à la citoyenneté, la loi de 2005 a imposé un changement de paradigme. Si vous jugez cette loi perfectible, madame et monsieur les rapporteurs, vous ne faites pas partie de ceux qui la remettent en cause.

En revanche, vous insistez, à juste titre, sur la nécessité d’une conformité de notre droit aux normes internationales. Vous nous incitez à réformer profondément la PCH – une avancée majeure de la loi de 2005, mais dont la traduction opérationnelle reste déficiente – ainsi que les maisons départementales, victimes d’embolie du fait de leur volume d’activité et dont les disparités territoriales sont facteur d’inégalité. Vous préconisez, à ce propos, de faire appel à la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) : pourquoi et comment ?

Enfin, pouvez-vous tracer des pistes d’amélioration des dispositifs existants en matière d’emploi, l’Agefiph et le FIPHFP, dont le fonctionnement vous paraît perfectible ?

Mme Karine Lebon (GDR). Tout d’abord, je tiens à saluer l’intégration d’une dimension ultramarine dans vos travaux. Nos territoires sont, en effet, trop souvent les grands oubliés des politiques publiques, même celles qui prétendent à l’universalité.

Votre évaluation intervient à un moment charnière puisque le Sénat vient de publier un rapport intitulé « Politique du handicap outre-mer : faux départ et course de fond ». Cette simultanéité est précieuse car les deux rapports s’éclairent l’un l’autre et révèlent une même urgence. Les constats des sénateurs sont sans appel : à La Réunion comme dans d’autres territoires ultramarins, les droits reconnus par la loi de 2005 restent en grande partie théoriques du fait de diagnostics tardifs, du dépassement des délais par les maisons départementales, d’une offre médico-sociale sous-dotée, d’une accessibilité défaillante, de l’exclusion de l’emploi et d’inégalités d’accès à la compensation. L’insertion professionnelle des personnes en situation de handicap y reste marginale malgré quelques avancées locales.

La recommandation n° 14, relative à la désinstitutionnalisation, paraît intéressante. Si vous préconisez une sortie du « tout établissement », vous jugez néanmoins nécessaire, outre‑mer, de commencer par créer des structures car l’offre fait cruellement défaut. Cela peut sembler paradoxal mais il s’agit en réalité d’appliquer strictement le principe d’égalité d’accès aux droits. Pourriez-vous préciser cette articulation ?

L’inclusion reste trop souvent un mot plus qu’un fait. Le cas de Solène, 9 ans, atteinte du syndrome de Williams-Beuren, l’illustre. Inscrite en CE2 dans son école de secteur, elle présente des troubles du développement mais progresse grâce à un accompagnement adapté. La MDPH a proposé une orientation cible en unité localisée pour l’inclusion scolaire (Ulis), et une alternative en classe ordinaire avec un AESH individualisé. La famille a opté pour le maintien en milieu ordinaire. Mais on lui a répondu que, en cas de refus de l’Ulis, Solène ne bénéficierait plus d’un AESH et qu’il faudrait tout recommencer. « C’est l’usage », a-t-on dit.

Ce que vit Solène est le symptôme d’un système où la logique de gestion prend le pas sur l’évaluation fine des besoins de l’enfant, où les familles sont sommées de choisir entre acceptation tacite et renoncement à l’accompagnement et où la place de l’école inclusive n’est pas consolidée dans les faits. Or, il y va du respect du projet de vie de l’enfant. C’est pourquoi, le rapport le rappelle, il faut que le droit à l’autodétermination soit respecté et que l’école soit véritablement inclusive : le droit doit y être effectif et les dispositifs ne pas devenir des assignations faute de moyens. Changer de paradigme, c’est reconnaître que chaque affectation scolaire est une décision humaine et non un traitement de flux ; c’est, tout simplement, respecter l’enfant.

Mme Annie Vidal, présidente. Nous en venons aux questions des autres députés.

M. Thibault Bazin, rapporteur général. La loi de 2005 a permis de très nombreux progrès. Mais, vingt ans après son adoption, l’évolution du droit international, le risque accru de confusion entre les problématiques du handicap et des personnes âgées en perte d’autonomie, les écueils de la prestation de compensation du handicap, les améliorations à apporter aux maisons départementales et les difficultés d’accès aux soins demeurent autant de défis, que vous avez traduits dans quatre-vingt-six recommandations. Je me concentrerai sur celles qui pourraient relever du budget de la sécurité sociale.

La recommandation n° 8 porte sur la suppression de la limite d’âge de 60 ans, qui conditionne l’accès à la PCH. Quelles en seraient les conséquences pour les bénéficiaires et pour les financeurs ?

La recommandation n° 9 a trait à l’article L. 146‑5 du code de l’action sociale et des familles, qui dispose que le reste à charge ne peut excéder 10 % des ressources personnelles des bénéficiaires de la PCH, en confiant soit à la CNSA, soit à l’État le rôle de financeur en dernier ressort des frais de compensation. Quel serait l’impact budgétaire d’une telle mesure ? Qu’en pensent Départements de France et la ministre chargée des personnes en situation de handicap ? Enfin, pourquoi envisager une prise en charge financée par le budget de l’État plutôt que par la branche de la sécurité sociale concernée ?

Mme Sylvie Bonnet (DR). Vingt ans après le vote de la grande loi relative au handicap, force est de constater qu’il est nécessaire d’accorder la réalité du terrain avec l’intention du législateur. Car si le combat mené par Jacques Chirac pour garantir aux personnes handicapées une égalité des chances et de traitement a porté ses fruits, beaucoup reste à faire, notamment dans le domaine scolaire. Nous rencontrons tous des familles dans le plus grand désarroi, qui se sentent abandonnées par l’État.

Je souhaiterais savoir quels sont les ajustements envisagés pour que les Ulis et les instituts médico-éducatifs (IME) ne soient pas saturés et s’adaptent mieux à la variété des profils. Enfin, comment améliorer la coordination entre l’éducation nationale, les MDPH et les familles pour fluidifier les parcours ?

Mme Nicole Dubré-Chirat (EPR). Je salue la méthode choisie, centrée sur le recueil de l’avis des personnes en situation de handicap.

En 2019, j’avais mené avec Sophie Cluzel une enquête sur les MDPH qui montrait les difficultés liées aux dépassements de délai et à la différence des pratiques selon les départements. Par la suite, la situation s’était améliorée. Mais la crise pandémique a favorisé le retour des vieilles habitudes, donc des mêmes difficultés.

Je tiens cependant à relever des points positifs. Dans ma circonscription, un institut de malvoyants a encouragé l’inclusion des enfants, de la maternelle à l’université. Il a favorisé, avec France Travail, un double accompagnement pour faciliter l’inclusion dans l’emploi. Par ailleurs, nous avons également pu travailler avec l’ARS pour que, après évaluation, des patients ayant subi une longue hospitalisation en psychiatrie puissent être hébergés dans des logements évolutifs. Il faut, hélas, y consacrer beaucoup de temps et d’énergie, mais des actions sont possibles et des aides existent.

Si les AESH doivent être mieux formés – je ne suis pas favorable à leur fonctionnarisation –, il convient également de mieux éduquer les familles car elles demandent parfois un AESH à temps plein alors que la visée est plutôt l’autonomie.

Enfin, les sanctions et les contrôles doivent être renforcés.

Vous formulez quatre-vingt-six recommandations. C’est beaucoup. Quelles doivent être les priorités, sachant que l’objectif est l’autonomie et l’inclusion des personnes en situation de handicap et qu’il faut penser avec elles plutôt qu’à leur place ?

M. Arnaud Simion (SOC). La suppression des leviers fiscaux dont disposaient les conseils départementaux, l’augmentation de la précarité et la baisse des droits de mutation à titre onéreux ont forcément des conséquences directes sur les politiques publiques départementales. Dès lors que tout tend à affaiblir la légitimité et les moyens d’action des collectivités, il ne faut pas s’étonner des disparités territoriales qui affectent la politique du handicap.

Mme Annie Vidal, présidente. Dans notre rapport d’évaluation de l’adaptation des logements aux transitions démographique et environnementale, Véronique Louwagie et moi-même avons préconisé, comme vous, la simplification du dispositif MaPrimeAdapt’. Aussi pourrions-nous unir nos forces pour que nos recommandations soient suivies d’effets.

M. Sébastien Peytavie, rapporteur. La création de la plateforme « Rien Sans Nous » relève d’une démarche inédite. Nous avons pour habitude d’entendre les membres d’associations. Or, celles qui sont invitées ne sont pas toujours représentées par des personnes concernées par le handicap. Par ailleurs, comme le souligne l’ONU, certaines d’entre elles se trouvent en conflit d’intérêts : elles prétendent représenter les personnes handicapées d’un côté ; elles gèrent des établissements de l’autre. Des clarifications sont nécessaires.

Il faut prendre en compte la diversité des associations et les soutenir financièrement. Il y va de la représentativité des différentes instances. La composition du Conseil national consultatif des personnes handicapées a évolué, mais un écart demeure entre une petite association et une structure plus importante qui dispose de salariés. La parole de l’une n’a pas le même poids que celle de l’autre. J’ajoute, puisque l’Assemblée nationale examine actuellement un texte sur le statut de l’élu, que l’enjeu existe sur le plan politique : les personnes en situation de handicap représentent 16 % de la population et seulement 0,001 % des élus.

Une belle loi a été adoptée en 2005. Il convient d’ailleurs de souligner, car c’est rare et cela nous fait défaut actuellement, que l’on a su, à l’époque, prendre le temps nécessaire pour l’élaborer, soit deux ans. Tous les acteurs concernés ont été associés à sa préparation.

Nous ne préconisons pas de balayer cette loi et d’en adopter une nouvelle. En revanche, il nous paraît indispensable de procéder à des ajustements en commençant par mettre à jour la définition du handicap. Cela peut sembler symbolique, mais nous devons achever le mouvement amorcé en 2005 en renonçant à la vision médicale du handicap, qui doit être considéré sous un angle social et environnemental. Ainsi, selon l’ONU, celui-ci naît d’un environnement qui n’a pas été rendu accessible. J’espère que nous pourrons examiner un texte sur cette question dans les semaines transpartisanes.

Beaucoup ont décrit le parcours du combattant que sont les démarches auprès d’une MDPH. Il suffit de lire un dossier de demande de prestation pour s’apercevoir de sa complexité : beaucoup ont besoin d’aide pour le remplir. Il faut, par exemple, rédiger un « projet de vie ». Cela peut être étrange, voire angoissant, mais c’est un élément essentiel qui procure beaucoup d’informations. Nous recommandons de le nommer « projet d’autodétermination ». Cette mesure peut, encore, sembler symbolique, mais l’intitulé influe sur la conception de l’exercice.

Cet enjeu est illustré par le cas de Solène, cité par Karine Lebon. La famille doit accepter la solution privilégiée par les organismes gestionnaires sous peine d’être privée d’aides. Or, la notion d’autodétermination implique précisément que la personne puisse choisir : par qui et comment elle sera accompagnée, où elle vivra – en établissement ou dans un appartement – et, si elle opte pour un établissement, à quelle heure, par exemple, elle sera réveillée. Dans un lieu de vie comme celui-là, ce n’est pas aux résidents de s’adapter aux professionnels, mais à ces derniers de s’adapter aux résidents.

La désinstitutionnalisation n’a jamais vraiment progressé. De fait, pour le dire brutalement, on demande aux organismes gestionnaires de travailler à leur disparition... Cette évolution doit être pensée. C’est pourquoi nous réclamons une planification. Peut-être faudra-t-il, dans un premier temps, créer des structures dans les territoires qui en sont dépourvus ; je pense notamment, en effet, aux territoires ultramarins. Mais il ne faut pas s’arrêter là : au bout du compte, les personnes doivent avoir le choix. L’autodétermination est un enjeu essentiel. Le médecin, l’éducateur, les parents ne doivent plus décider à la place et pour. C’est l’esprit dans lequel nous avons créé la plateforme.

J’en viens à une autre priorité : l’accessibilité. En vingt ans, les dérogations se sont multipliées. Nous avons entendu les architectes des bâtiments de France, à qui l’on reproche de faire obstacle à de nombreux projets. Or, nous avons compris que la réalité était plus complexe. En effet, il arrive fréquemment que les élus ne les consultent pas avant de soumettre un projet, de sorte que celui-ci peut ne pas être adapté et faire l’objet d’un avis négatif. En réalité, cela arrange bien l’équipe municipale, qui obtient ainsi une dérogation. Celle-ci porte souvent sur un aménagement lié à un handicap moteur, mais aucun des autres handicaps n’est pris en compte alors que 90 % des handicaps sont invisibles. Cette pratique permet d’échapper à la profonde transformation qui s’impose.

Nous préconisons donc qu’une dérogation ne soit accordée que lorsque les aménagements sont techniquement impossibles. Les motifs liés au coût ou à la complexité ne sont plus acceptables. Des contrôles doivent être effectués et les personnes concernées pouvoir intenter une action en justice. Autoriser les actions de groupe, qui ne sont actuellement pas possibles dans ce contentieux, redonnerait du pouvoir à ces personnes et aux associations. La référente de l’ONU pour les questions de handicap a d’ailleurs indiqué que c’est par ce biais que la question de l’accessibilité universelle s’est imposée. De fait, si la loi de 2005 a emporté des avancées considérables, on a, en privilégiant la compensation individuelle, laissé de côté la problématique de l’accessibilité universelle.

On demande à l’école de Jules Ferry de devenir inclusive. Or, l’école de Jules Ferry est conçue pour les enfants qui vont bien, qui sont autonomes et qui réussissent tout seuls. Pour les autres, pas seulement ceux souffrant d’un handicap, la vie scolaire est difficile. L’école se retrouve en panne. Un enfant dyslexique a besoin d’un support particulier, imprimé avec une police et une couleur précises. En vingt ans, nous n’avons pas été capables d’élaborer un manuel présentant un programme qui prenne en compte les besoins de 80 % à 90 % des enfants. Nous aussi, nous devons faire des efforts : nos documents ne sont pas adaptés à tout le monde ; en changeant la police des rapports parlementaires, nous faciliterions leur accès. Il faut tendre vers l’accessibilité universelle des programmes et des méthodes pédagogiques.

N’oublions pas le handicap psychique. Veillons à limiter les sollicitations sonores et visuelles pour les enfants autistes. Lors des jeux Olympiques et Paralympiques, des cocons ont été aménagés pour que certaines personnes puissent suivre des épreuves sportives sans être trop sollicitées. Le droit au silence doit entrer en ligne de compte dans la conception des logements, des cours d’école et des villes. Ce n’est pas le cas actuellement. Il faut mettre ces questions au cœur des débats des prochaines élections municipales car des leviers importants existent à l’échelle communale.

Monsieur le rapporteur général, nous avons manqué de chiffres pour évaluer l’impact de l’article L. 146‑5 du code de l’action sociale et des familles. Plus généralement, la plupart des ministères ont avoué leur incapacité à chiffrer le nombre de logements accessibles aux personnes handicapées ou celui d’enfants handicapés suivant une scolarisation complète. Comment un département peut-il financer les frais de compensation des bénéficiaires de la PCH sans savoir combien de personnes handicapées vivent dans son territoire ni de quels handicaps elles souffrent ? Comment réfléchir au déploiement d’un accompagnement à hauteur des besoins sans disposer de ces éléments ? Dans ce domaine, nous sommes nuls.

On nous dit que le nombre d’AESH a progressé. C’est très bien, mais combien en manque-t-il ? Beaucoup de parents sollicitent les parlementaires à chaque rentrée parce qu’ils ne sont pas satisfaits. Connaître les besoins doit être le préalable à toute réflexion.

La PCH a été segmentée pour financer plusieurs catégories d’aides – le ménage, l’habillement ou la toilette. Or, cette fragmentation conduit à délaisser de nombreux aspects de l’accompagnement, contrairement à ce que permettrait une approche intégrale fondée sur les besoins.

Pour la CNSA, nous avons proposé des scénarios qui sont à évaluer. Compte tenu des disparités territoriales, faut-il privilégier un dispositif national, seul à même de garantir une aide identique partout dans le pays ? Un habitant de Mayotte qui souffre d’un handicap ne perçoit que 50 % de l’AAH. On peut toucher une aide puis la perdre parce que l’on déménage dans un département qui n’a pas la même politique. Une telle situation est intolérable.

Mme Christine Le Nabour, rapporteure. Nous devons relever un défi de sensibilisation et de formation de la société entière. Cette tâche ne coûte pas d’argent. Ce sont des personnes sensibilisées à la question du handicap qui interviennent dans le débat public alors qu’il faut que l’ensemble de la société s’empare de ce thème.

Monsieur Florquin, des décrets des 24 et 27 décembre 2018 ont instauré les droits à vie, qui ne sont malheureusement pas effectifs partout. Le gouvernement doit contrôler leur respect dans tous les départements, ne serait-ce que pour faire gagner du temps aux MDPH dans leur gestion des situations complexes.

Vous avez tous souligné à raison le besoin de davantage d’obligations, de formations, de contrôles et de sanctions.

Quelques dispositifs sur les personnes vieillissantes sont à mettre en valeur, comme Un avenir après le travail, qui accompagne la première génération de personnes arrivant à la retraite après avoir travaillé dans un Esat. Il convient également de capitaliser davantage sur les bonnes pratiques des territoires.

Les inégalités territoriales sont grandes entre les MDPH. Les départements manquent d’un levier fiscal puissant. Mais certains d’entre eux sont parvenus à diminuer la durée de traitement des dossiers et à délivrer des notifications en quatre mois, quand d’autres mettent neuf mois voire davantage. Les disparités s’expliquent en partie par le financement mais également par l’organisation : certains départements ont réorganisé leurs services pour accroître leur efficacité. Il faudra vérifier si les progrès en termes de durée ne se font pas au détriment de la qualité des notifications.

L’une des promesses de la loi de 2005 était de lutter contre l’éloignement des établissements pour mieux intégrer les enfants dans le milieu scolaire ordinaire. Puisqu’il n’y aura pas de plateau technique dans tous les établissements, il faut assurer un maillage territorial garantissant à chaque enfant handicapé d’accéder à un établissement près de chez lui. Pour ce faire, des transports scolaires accessibles aux élèves souffrant de handicap sont nécessaires.

Le droit à la compensation est non seulement imparfait, mais son application s’est faite au détriment de l’accessibilité universelle. Après avoir pris le problème à l’envers, nous avons tout intérêt à améliorer l’adaptation de l’environnement aux contraintes de chacun.

Monsieur Viry, le FIPHFP, et l’Agefiph plus encore, ont tous deux connu des problèmes de gouvernance et de financement. Les rapports entre l’association et les entreprises sont parfois difficiles : ces dernières se plaignent d’un manque d’informations et disent attendre longtemps avant de bénéficier d’une aide pour aménager les postes. L’Agefiph finance les Cap emploi, structures qui accompagnent les personnes en situation de handicap cherchant un travail. Un effet ciseaux complique la soutenabilité du modèle à long terme. L’État devra mener une réflexion avec l’Agefiph pour augmenter le taux de 6 % de travailleurs handicapés dans les effectifs des entreprises employant plus de vingt salariés. Ce sont les contributions des entreprises qui n’atteignent pas ce taux qui alimentent l’Agefiph et le FIPHFP.

Je crois beaucoup aux plans régionaux d’insertion des travailleurs handicapés pour améliorer la gouvernance et nourrir la réflexion au sein des anciens comités régionaux de l’emploi, de la formation et de l’orientation professionnelles. On les nomme différemment selon les régions : en Bretagne, il s’agit du comité régional pour l’emploi, la formation et l’insertion. Nous avons intérêt à mettre les acteurs autour de la table, y compris l’Agefiph et le FIPHFP, pour améliorer l’insertion des personnes en situation de handicap.

Madame Bonnet, vous regrettez la saturation des Ulis et des IME : je partage votre constat. Il résulte de plusieurs facteurs, particulièrement du nombre trop faible d’enfants intégrés dans l’école ordinaire à cause d’un manque de moyens. Nous croyons aux PAS. Nous nous sommes déplacés en Côte-d’Or, département expérimental, où le dispositif fonctionne bien. Les raisons de ce succès tiennent à l’allocation de moyens pour recruter des coordonnateurs, à l’intégration culturelle du médico-social dans l’école et au déploiement d’un budget suffisant. Afin d’atteindre l’objectif des PAS, qui est de réussir l’accueil de premier niveau, il faut des matériels, notamment des ordinateurs pour les enfants « dys ». C’est à ce prix que des élèves n’entreront pas dans le champ du handicap. Il y a aussi lieu de former les enseignants et les AESH.

Il convient toutefois de ne pas réserver l’ensemble des crédits à l’accueil de premier niveau aux dépens des enfants réclamant une réponse de deuxième niveau. Dans cette optique, réfléchir au statut des AESH et à leur meilleure intégration dans les équipes pédagogiques s’impose. L’ensemble de la communauté éducative doit être sensibilisée et formée pour travailler avec le médico-social et les AESH. Dans le même temps, il lui faut des moyens pour accueillir davantage d’enfants dans les écoles. Depuis plusieurs années, on observe des externalisations ; à ce titre, il convient de saluer la présence d’IME dans les collèges. Plusieurs dispositifs existent pour faciliter le maintien dans l’école ordinaire.

De moins en moins d’élèves en situation de handicap sont scolarisés au fur et à mesure du parcours scolaire. On perd des élèves avec le temps à cause d’un manque de sensibilisation et de formation du corps enseignant et de la communauté éducative. Même s’il est insuffisant, le nombre d’étudiants en situation de handicap a énormément progressé, pour atteindre 64 000. APF France handicap les qualifie de « rescapés de l’éducation nationale » car ils ont réussi, tant bien que mal, à poursuivre leur cursus. Les élèves en situation de handicap sont moins scolarisés dans la filière générale à mesure qu’ils grandissent : beaucoup abandonnent dans le secondaire puis dans le supérieur. Ces enfants sont souvent orientés vers les filières professionnelles et ils n’ont pas accès aux études sélectives. Un travail considérable est nécessaire.

Madame Dubré-Chirat, il faut s’inspirer des bonnes pratiques territoriales. Nous devons adapter l’environnement aux besoins : dans ce cadre, nous parlons désormais davantage d’accessibilité universelle que de compensation, même si un équilibre doit être trouvé entre ces deux objectifs.

Nous sommes tous d’accord pour considérer que la barrière d’âge constitue un problème. La loi de 2005 visait à la supprimer, mais elle subsiste. Nous comptons sur vous, chers collègues, pour avancer sur ce point.

Nous souhaitons la suppression de la liste des emplois exigeant des conditions d’aptitude particulières. Les partenaires sociaux ne sont pas parvenus à se mettre d’accord. Cette liste, qui n’a pas été révisée depuis 1987, autorise certains secteurs à déroger à l’obligation d’emploi des travailleurs handicapés car leur activité est présumée inadaptée. Cette approche est obsolète du fait des évolutions technologiques, des aménagements de poste et des progrès qui ont permis à des personnes en situation de handicap de travailler dans des secteurs auxquels ils n’avaient auparavant pas accès. En outre, la loi du 18 décembre 2023 pour le plein emploi demande au service public de l’emploi d’établir avec France Travail, les Cap emploi et les missions locales pour l’insertion professionnelle et sociale des jeunes un diagnostic sur l’orientation des personnes en situation de handicap. Il faut chercher à accorder, comme pour tout le monde, le choix du métier et le projet de la personne. Faisons confiance aux conseillers qui posent le diagnostic avec la personne concernée.

Monsieur Bazin, nous avons transmis hier le rapport à la ministre déléguée chargée de l’autonomie et du handicap. Nous comptons sur elle pour lire nos quatre-vingt-six recommandations. Elle a lancé un travail transpartisan associant l’Assemblée nationale et le Sénat. Dans ce cadre, nous avons recensé l’ensemble des propositions de loi. Nous déterminerons prochainement quelles recommandations de notre rapport relèvent du domaine législatif, celles dont le déploiement est de la responsabilité du pouvoir réglementaire et celles, plus générales, qui ont trait à la sensibilisation et à la formation de l’ensemble de la société.

Mme Annie Vidal, présidente. Nous vous remercions, madame et monsieur les rapporteurs, pour le considérable travail accompli mais également pour votre engagement fort et constant en faveur des personnes en situation de handicap. Nous avons besoin de parlementaires déterminés pour faire avancer ces sujets si importants.

En application des dispositions de l’article 1457, alinéa 3, du Règlement, la commission autorise le dépôt du rapport de la mission d’information sur l’évaluation de la loi n° 2005102 du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées.

 


   Annexe n° 1 :
Synthèse des témoignages publiés
sur la plateforme riensansnous.fr

Mise en place en février 2025 à l’initiative des rapporteurs de la mission d’évaluation, la plateforme riensansnous.fr visait à recueillir des témoignages des personnes handicapées, premières concernées par la loi du 11 février 2005. Les personnes proches-aidantes et les professionnels du secteur médico-social pouvaient également témoigner en précisant leur statut.

Les témoins étaient invités à retranscrire leur vécu selon les catégories suivantes : accessibilité, accès aux droits et MDPH, institutions et services médico-sociaux, école, emploi, aidance et autres remarques. L’analyse qui suit est structurée autour de ces différents axes.

Les témoignages, au nombre de 260 au 25 juin 2025, sont publics et consultables sur le site internet riensansnous.fr. Certains éléments des témoignages cités ont été modifiés afin de garantir l’anonymat de leur auteur.

La présente synthèse vise à donner un aperçu qualitatif de l’expérience du quotidien et des multiples entraves que rencontrent les personnes handicapées, en complément des constats issus des auditions menées par les rapporteurs. Elle ne vise ni l’exhaustivité, ni la représentativité statistique de l’expérience de vie des 12 millions de personnes handicapées que compte notre pays, compte tenu de la diversité des formes de handicaps et des situations.

  1. Accès aux droits et MDPH

Les témoignages, particulièrement étayés en la matière, font état d’un sentiment de devoir constamment lutter pour faire valoir ses droits, comme le traduit le champ lexical observé : « parcours du combattant », « monstre bureaucratique », « lenteur institutionnalisée », « horreur », « sas kafkaïen », « maltraitance institutionnelle », « chemin de croix », « rapport de force permanent », « un traumatisme », « épuisement moral » … Les démarches administratives constituent à ce titre une charge mentale à part entière.

Les personnes ayant témoigné sur la plateforme dénoncent des délais allant de plusieurs mois à plusieurs années, ne respectant ainsi pas le délai légal de 4 mois, au risque d’entraîner un non‑recours aux droits.

Fiorella : « La MDPH a mis plus de 8 mois à statuer sur mon cas. 8 mois où je n’avais plus de revenu et où j’étais dans un flou. »

Sonia : « Ma PCH aide humaine n’est plus versée depuis quasiment un an. La PCH parentalité volet naissance, et mise à jour des droits en fonction du 3ème enfant, n’est toujours pas faite non plus. Mon compagnon étant mon salarié nous n’avons donc plus aucun revenu pour vivre. Les relances d’huissier et factures impayées s’accumulent dans la boîte aux lettres sans moyens de les régler. »

Laura : « Notre fils a 4 ans. Nous avons déjà dû faire 3 dossiers MDPH. Et des délais interminables… »

Lauriane : « Dossier déposé en novembre 2023 et toujours en cours de traitement. »

Olivier : « J’ai renoncé à leurs services en raison de la complexité des démarches + délai de traitement impensable (j’attendais en moyenne 9 mois pour obtenir une réponse standardisée). »

Alexis : « Je n’y vais pas, je ne demande rien, donc aucun problème. »

Ces délais conduisent les personnes handicapées à financer leurs besoins sur leurs propres deniers, à monter une association ou à faire des cagnottes.

Barbara : « Le temps de traitement pour avoir un fauteuil roulant et des accessoires est tellement long que j’ai dû les acheter moi-même. »

Cheiker : « La MDPH a refusé de me financer mon fauteuil sous prétexte que je l’avais acheté avant de recevoir la réponse alors que j’ai justifié avec des éléments médicaux que l’achat de ce fauteuil était urgent. »

Le fonctionnement de la MDPH est fréquemment pointé du doigt pour sa complexité. La MDPH est décrite comme une « usine à gaz ». Le manque de transparence et d’informations sur les droits pousse les personnes à devenir expertes de leurs propres dossiers, car régulièrement contraintes de réaliser plusieurs recours.

Solène : « Pas suffisamment simple d’explication et de compréhension. J’ai beaucoup cherché par moi-même et en discutant avec d’autres familles. »

Mylène : « Je suis devenue l’avocate de mon fils par la force des choses. »

Amélie : « J’ai beaucoup lu, je continue à lire pour connaître les droits de mes fils et savoir quoi faire. C’est bien souvent que les "institutions" nous mentent quant à nos possibilités de recours, aux lois. »

Mathieu : « Il faut être juriste ou travailleur.euse social.e pour savoir de quels droits on dispose et comment les faire valoir. »

Certaines personnes sont particulièrement lésées par ce système opaque et complexe, notamment les personnes polyhandicapées ou présentant un handicap invisible, mais aussi les personnes ne parlant pas ou peu français, ou encore les personnes atteintes d’illectronisme. Les personnes concernées sont par ailleurs contraintes de refaire des demandes, année après année, alors que leur handicap n’évolue pas, les droits étant attribués pour une période trop courte, sans renouvellement automatisé, ou du moins, facilité.

Alicia : « Personnel non formé, ignorant nombre de handicaps, ne prenant pas en compte les diagnostics fonctionnels mais seulement les diagnostics officiels. »

Thomas : « À Toulouse il y a deux jours où la permanence en LSF est ouverte, mais jamais le samedi donc pour ceux qui travaillent la semaine, pas de chance…Albi, c’est le vide encore. »

Benoît : « Le dossier reste fastidieux et le remplir tous les deux ou trois ans, le faire remplir par le médecin, attendre la réponse avec cette épée de Damoclès d’une cessation des droits malgré un handicap stabilisé, tout cela est générateur de stress. »

Lauriane : « Pourquoi justifier tous les ans que la maladie génétique de mon fils n’a pas miraculeusement guéri ? Attendre 8 mois pour avoir une réponse à un dossier est inadmissible. Au moment de la réponse, il faut soit refaire le dossier suivant, soit la situation a déjà changé. »

Jérémy : « Mon handicap a été déclaré en 1994 et la MDPH, qui savait très bien qu’il ne pouvait pas disparaître, me demandait quand même cela. C’est une grave atteinte à ma dignité en tant qu’être humain. »

Les témoignages font fréquemment état de prestations et d’une prise en charge financières insuffisantes au regard des besoins, ce qui accentue le handicap, la précarité et l’exclusion des personnes concernées.

Lou : « Refus d’aide (AAH et PCH) à une époque où je ne pouvais pas prendre mon enfant dans les bras, refus de motorisation de mon fauteuil je ne peux donc plus aller en forêt et perds mon indépendance. »

Alexis : « Si on a une CMI avec un handicap reconnu à 80 % on a beaucoup de droits qui sont ouverts... Alors que si le degré de handicap reconnu n’est que de 79 % là les droits ne sont pas les mêmes (il y en a quasiment beaucoup moins). »

C’est particulièrement le cas des personnes sourdes et malentendantes au regard des besoins en matière d’interprétation en langue des signes française (LSF).

Laure : « La PCH apporte une aide modeste, mais elle reste insuffisante pour couvrir l’ensemble de mes besoins. J’aimerais que le gouvernement finance et instaure un véritable accès aux services d’interprétation, notamment dans les services publics, afin de garantir une inclusion réelle des personnes sourdes dans la société. »

La prise en charge insuffisante des aides humaines, matérielles, individuelles et techniques signifie pour les personnes concernées un reste à charge important ou des avances de frais qui engendrent des difficultés financières.

Amélie : « Nous avons des droits pour notre fils. Des droits financiers, mais trop peu. Nous avons 10 000 euros de frais non remboursés par an ! »

Tyfanie : « Un an pour obtenir une aide pour équiper ma voiture, il a fallu que je fasse l’avance des frais, comment font ceux qui n’ont pas d’argent de côté ? »

Les droits peuvent également être coupés du jour au lendemain sans justification. Certaines personnes, en demandant une prise en charge supplémentaire à laquelle elles ont le droit peuvent se voir soudainement, au moment de l’examen de cette demande, supprimer une autre aide dont elles bénéficiaient depuis longtemps.

L’inadéquation, l’insuffisance ou la rupture soudaine de la prise en charge des aides individuelles, matérielles, humaines et techniques entravent la participation des personnes concernées à la vie en société, aggravent leur précarité et nuisent à leur autonomie en accentuant leur dépendance à des tierces personnes.

Christine : « Ma fille ne bénéficie plus de la PCH forfait Surdité ce qui entraîne son exclusion de la vie sociale. La MDPH lui a enlevé les aides qu’elle avait depuis juillet 2024, ce qui a entrainé une rupture de contrat "CESU" d’une jeune qui l’accompagnait pour ses activités extra-scolaires afin de traduire les consignes de l’entraineur. »

Si certains témoignages font état d’un accompagnement et d’une écoute de la part du personnel de la MDPH, la majorité des personnes ayant témoigné constatent un personnel manquant régulièrement de formation, certains déplorant des comportements irrespectueux, voire discriminants.

Laure : « Entretien d’évaluation avec un médecin de la MDPH pour mon premier recours en 2022 : propos sexistes, validistes et recours rejeté évidemment... »

Corentin : « Ce qui n’est pas normal c’est qu’un psychologue s’est permis de nous traiter de "débiles" moi et mon frère jumeau à l’époque, à l’âge de 12 ans »

Gaylord : « Certaines personnes travaillant à la MDPH ne sont pas respectueuses envers les personnes en situation de handicap. Une conciliatrice m’a conseillé d’installer des sites de rencontres quand je lui ai dit que j’étais isolé socialement et que je ne pouvais pas me déplacer où je veux […]. Elle m’a aussi demandé ce que j’allais faire de l’argent si je touchais l’AAH. »

Les personnes concernées rapportent un manque fréquent de prise en compte de leurs avis et de leurs besoins dans l’étude de leur dossier. Les professionnels ne se rendent plus au domicile, déplacement pourtant indispensable pour évaluer au mieux les besoins de la personne dans le cas des prestations complexes, telles que la PCH.

Les notifications sont jugées inadaptées aux besoins, au quotidien et aux aspirations des personnes.

Mathieu : « Quand j’allais rentrer à la maison, l’ergothérapeute de la MDPH qui m’a accueilli ne pensait pas que j’allais pouvoir revenir chez moi, donc il m’avait mis sur la PCH "établissement" et il a fallu que ma mère négocie pendant des mois avec la MDPH pour que je sois enfin remis sur la PCH "domicile"... »

Odile : « Les CDAPH qui décident avec un maximum d’organisations gestionnaires qui orientent illégalement vers des établissements spécialisés. »

Aurélie : « On demande des droits mais au final ils nous donnent des papiers pour des droits qu’on n’a pas demandés donc infantilisation comme nous orienter dans un milieu non ordinaire (dévalorisant !). »

Les handicaps invisibles pâtissent d’un manque de reconnaissance marqué.

Laure : « Lourdeur des dossiers MDPH, opacité des barèmes, démarches sans fin et manque de reconnaissance des handicaps invisibles liés à des maladies chroniques invalidantes (dans mon cas endométriose, adénomyose et douleurs neuropathiques). »

Lauriane : « Compliqué de ne pas être jugé, car handicap invisible, ‘‘vous n’avez pas l’air handicapée, madame"... »

Les personnes doivent fréquemment « prouver » leur handicap et justifier leurs besoins. Pour beaucoup, elles ressentent une suspicion de fraude permanente de la part d’un système paternaliste et culpabilisant.

Loïs : « Je viens d’envoyer mon dossier, après plusieurs mois à réunir les "preuves" et à obtenir les rendez-vous médicaux nécessaires. Mon handicap est difficile à prouver et à expliquer sans raconter toute ma vie et, étant encore très jeune, je ne suis pas confiant dans l’acceptation de mon dossier. »

Léa : « Incompétence claire : conseillers modifiés en cours de route, aucun suivi. Ils ne nous connaissent pas du tout : on me propose de me rendre sur place alors que je suis alitée ; on m’a envoyé un mail pour m’indiquer que j’étais décédée, j’ai également reçu cette semaine : "lorsque vous ne serez plus handicapée, vous n’aurez plus vos droits". Un mail sorti tout droit de nulle part puisque justement, je demandais plus d’heures d’auxiliaires de vie pour compenser mon handicap à +/=80 % en aggravation depuis les 10 dernières années. […] Certains conseillers ne répondent plus ou bloquent. »

Les notifications ne sont pas toujours logiques et justifiées, l’incompréhension des usagers est aggravée par l’absence de débat contradictoire, et les motifs de certaines décisions interrogent.

Lylou : « Après plus de 10 ans avec un certain volume d’heures d’aide humaine, Anthony s’est vu retirer près d’une centaine d’heures, sans explication valable. Quand nous avons contesté, on nous a dit qu’il fallait "équilibrer avec les autres bénéficiaires". Depuis quand l’accompagnement du handicap fonctionne-t-il avec des quotas ? »

Chloé : « Des délais longs, il est même arrivé qu’on refuse ma demande en prétendant que je ne suis plus handicapée alors que ma pathologie est incurable. »

Gabrielle : « Le fait que les dossiers MDPH soient si compliqués à entreprendre puisqu’il faut tout recommencer de 0 à chaque fois est fait exprès d’après moi. Je suis persuadée qu’en France, on complique les démarches administratives nous permettant d’accéder à nos droits systématiquement pour que la plupart abandonnent en cours de route. »

Pierre : « Le département ne donnant pas beaucoup de moyens, des choix doivent être faits. Et, comme souvent ailleurs j’imagine, on se retrouve alors à hiérarchiser les handicaps, donnant moins aux personnes qui, d’après cette commission, s’en "sortaient mieux". Ce genre de logique est d’une violence institutionnelle, validiste et humaine assez flagrante. »

Frédérique : « Mon sentiment, partagé par beaucoup de parents : on teste la résilience des personnes, les plus vulnérables vont abandonner ce qui permet de faire des économies. C’est un vrai parcours du combattant. »

Le manque d’accompagnement, de disponibilité et d’humanité dans le traitement des demandes a ainsi un impact moral très négatif sur les personnes concernées, épuisées par des processus fastidieux aux résultats parfois injustes.


Les témoignages décrivent parfois la MDPH comme un « monstre bureaucratique » qui fonctionne en silos, les différentes structures ne communiquant pas entre elles, ce qui entrave l’avancée et le suivi des dossiers.

Virginie : « Quand la MDPH ne transmet pas les informations à la CAF, on demande gentiment aux familles de rembourser le trop-perçu. C’est ce qu’il vient de m’arriver. »

Patrick : « Mon dossier a été perdu lors de son transfert de Châlons en Champagne vers Bordeaux. »

L’exercice des compétences relatives au handicap par les départements place ces derniers dans une position de juges et parties, ce qui peut affecter l’objectivité nécessaire à l’examen des dossiers.

Noël : « La composition des CDAPH pose problème. Les articles qui permettent de donner une voix prépondérante pour la PCH à la présidence de la CDAPH, généralement détenue par le département, renforce le côté juge et partie. »

L’ancrage territorial des MDPH suscite également des critiques, avec d’une part la prédominance de l’échelon départemental sur les bassins de vie, et d’autre part, faute d’harmonisation à l’échelle nationale, un système qui engendre des inégalités importantes selon les départements.

Lise : « Manque d’égalité selon les territoires : pourquoi les conditions sont-elles si différentes d’une MDPH à une autre ? Avec les réseaux sociaux, nous savons que le traitement est différent d’un département à l’autre, et ça peut être très frustrant ! Exemple : en Mayenne, des stages intensifs de rééducation organisés par des associations ont été remboursés ; en Ille-et-Vilaine, c’est refusé ! »

Anne-Sophie : « Comment des départements peuvent mettre 18 mois à traiter quand d’autres le font en 6/8 mois ? »

Hugo : « En déménageant, j’ai changé de département, et donc de MDPH. Résultat : décisions totalement différentes de la CDAPH, etc...(heureusement dans le bon sens !). La différence de traitement d’une MDPH à l’autre laisse perplexe (sauf erreur de ma part la France n’est pas un État fédéral et la loi est la même dans tous les départements). »

Ces inégalités, en lien avec la complexité des procédures, ont des conséquences particulièrement négatives pour les personnes vivant en milieu rural et confrontées aux déserts médicaux.

Astrid : « Besoin de l’avis d’un généraliste + 1 spécialiste (au minimum) dans la constitution d’1 dossier. Pourquoi ? Le spécialiste sait ce qu’il dit ! Oblige à multiplier les rdv, impossible dans les déserts médicaux, surtout que les certificats ne sont valables que quelques mois ! »

Thomas : « Habitant dans un désert médical, je dois fréquemment me déplacer à 2 heures de train pour avoir un rdv médical adapté ou/et rapidement. »

Alexia : « Extrême difficulté en milieu rural à obtenir des rdv avec des professionnels de santé. Obligation de faire de longs trajets (200 km pour un médecin de rééducation par exemple), avec des délais d’attente interminables. En 18 ans, je n’ai jamais réussi à les avoir au téléphone. »

 

  1. Institutions et services médico-sociaux

Une partie des témoignages, notamment de parents, font état de personnels du secteur médico-social formés et dispensant un accompagnement humain, tout en soulignant que leur travail est mis en difficulté par le manque de moyens.

La promesse d’une école inclusive non concrétisée, conjuguée au déficit de coordination entre le monde scolaire et le secteur médico-social, engendre des inquiétudes profondes chez les parents lorsqu’il s’agit de scolariser leurs enfants dans le milieu ordinaire. Si cela n’a pas déjà été suggéré par les MDPH, certains demandent d’office à ce que leurs enfants soient accueillis dans des établissements spécialisés, se confrontant alors au manque de places. Ils sont dès lors obligés de scolariser leurs enfants dans le milieu ordinaire, non adapté, et de recourir à des professionnels libéraux dont l’intervention, au titre de la prise en charge sanitaire et médico-sociale, n’est pas remboursée par la sécurité sociale.

Mylène : « Places trop rares et liste d’attente énormes. Nous avons une demande en cours, pour une orientation en IEM et on nous annonce 8 ans d’attente. Que fait-on en attendant si l’école n’est pas adaptée à l’enfant ? »

Sophie : « Mon fils est sur liste d’attente d’un Sessad depuis bientôt 2 ans, en attendant nous payons 85 € toutes les semaines pour les prises en charge rééducatives non remboursées. »

Odile : « Les établissements spécialisés sont des lieux de privation de liberté selon l’ONU et le sous-comité de prévention de la torture mais la France continue à financer ces solutions au détriment des services de proximité permettant la vie autonome comme le demande le droit international. Les familles n’ont pas vraiment le choix. »

Mathilde : « La qualité du travail en partenariat avec les structures de soins (SESSAD, Hôpitaux de jour, CMP) dépend vraiment du contexte de chaque structure. Il me semble que ce travail commun devrait être renforcé et un décloisonnement me semble nécessaire. Pour finir, de nombreux élèves n’ont plus de soins ce qui est, dans certaines situations, dramatique. Ce qui s’explique aussi par l’engorgement des structures de soins, parfois 6 mois pour obtenir une place en CMP. »

En revanche, lorsque les différents services ne fonctionnent pas en silos et que la collaboration a lieu entre le médico-social et l’éducatif, l’accompagnement est d’autant plus adapté.

Claude-Hélène : « Dans le cas de notre cadet, obtenir un accompagnement en SESSAD après six mois d’attente a été un vrai soulagement. Cela a permis une coordination de la prise en charge : soutien scolaire, psychologue et psychomotricité et aide éducative. Cela nous a permis de reprendre notre rôle de parents, moi de maman et de pouvoir travailler plus. Puisque pendant des années, j’ai réduit mon activité professionnelle et je n’avais pas le choix. Un point positif, le SESSAD a mis au point une vraie collaboration entre le collège et nous. C’est cette collaboration entre les 3 parties qui a permis à notre fils de progresser à tous niveaux. »

Dans le milieu institutionnalisé, plusieurs témoignages font état de l’inadéquation des établissements médico-sociaux avec l’objectif de vie autonome, voire de négligences et de maltraitances.

Sophie : « Des approches psychanalytiques, des mensonges sur les emplois du temps, sur la qualification des personnes, de la négligence, des handicaps tous mélangés (personnes avec troubles psychiques), des tranches d’âge élevées, des établissements isolés au fond de la campagne, des durées de transport inacceptables (3 h par jour), aucune ambition de rééducation « faut pas les fatiguer », une parole unique sur tout le territoire, des visites qui ont lieu quand l’établissement est vide, des pseudo professionnels qui n’acceptent pas les connaissances des parents, des réunions qui font souffrir les parents. Bref, ça n’a jamais été aussi bien que quand j’ai quitté ce milieu. »

Rémi : « D’un côté, il y a des personnes de terrain dévouées, des structures qui essaient de bien faire, et des accompagnements qui peuvent vraiment changer des trajectoires. Mais de l’autre, j’ai aussi vécu – et vu – des logiques de contrôle, de suspicion, d’infantilisation, où l’on parle sur les personnes plutôt qu’avec elles. »

Pascale et Thierry : « En septembre 2023, nous avons retiré Daniel de l’établissement où il se trouvait pour cause de maltraitance. »

Abdallah : « Il ne faut pas non plus laisser les enfants trop longtemps dans les centres médico-sociaux ou les institutions, car cela peut nuire à leur bien-être. »

Une personne dénonce les conditions de travail dans les ESAT, et notamment la mise en danger résultant de l’exposition des travailleurs en ESAT au PFAS dans le secteur industriel.

Oscar : « L’exposition des autistes (je suis moi-même porteur de ce handicap) aux PFAS dans le secteur industriel, qui devient progressivement l’un de leurs principaux employeurs en France […] est conséquente. Aucune étude sérieuse ne sera faite sur la qualité de l’eau dans les usines […], et sur la présence de PFAS dans les vêtements utilisés par les usagers de leurs Esat. »

Plusieurs témoignages appellent ainsi à changer de système, encore largement basé sur l’institutionnalisation des personnes handicapées.

Rémi : « Trop souvent, les dispositifs sont conçus sans la participation réelle des personnes concernées, ce qui génère des réponses standardisées, parfois hors sol. Je pense qu’on peut (et doit) faire mieux : sortir d’une approche uniquement médico-administrative pour aller vers une vision fondée sur l’autonomie, la confiance et l’écoute active. »

Pierre : « Concernant les institutions, comme dit auparavant, je suis plutôt pour une remise en question très forte de leur existence. À mon sens, elles traduisent une volonté de contrôler comment les choses sont faites, autant d’un point de vue financier et administratif. Elles perpétuent un système répressif, au moins d’un point de vue symbolique. Je précise que je parle ici des institutions en tant que telles, et non pas des individus qui les composent, qui font des métiers difficiles, et je ne crois pas un seul instant que la volonté de l’ensemble de ces personnes soit de mal faire. »

Thomas : « Transformer les institutions médico-sociales en centres de ressources à l’instar du système éducatif portugais. »


  1. École inclusive et scolarité

Les retours enregistrés sur la plateforme rejoignent les constats formulés par les rapporteurs dans le cadre de la mission d’évaluation, ainsi que les revendications de longue date des acteurs du secteur. Les témoignages, souvent ceux des parents, mettent en avant un hiatus entre l’augmentation sensible du nombre d’élèves en situation de handicap scolarisés en milieu ordinaire, et des moyens qui n’ont toujours pas été déployés pour qu’ils et elles puissent bénéficier d’une scolarité épanouissante, de qualité et adaptée à leurs besoins.

Intégrer son enfant à l’école relève du « parcours du combattant », l’école inclusive étant décrite tantôt comme « une horreur » ou « un doux rêve ».

Mathilde : « Le gouvernement prône l’école inclusive mais les moyens sur le terrain ne cessent de baisser et les premiers perdants sont les élèves et leurs familles […]. La capacité structurelle à les accueillir n’a, elle, pas augmenté et la qualité ne suit pas. Nous sommes encore trop dans l’intégration plutôt que dans l’inclusion. »

Chloé : « J’étais âgée de 5 ans lorsque la loi de 2005 a été promulguée. Avant 2005, mes parents ont dû se battre pour que je puisse aller à l’école (malgré l’existence de la loi de Jules Ferry). On pourrait espérer qu’après 2005, il y ait eu un changement mais non, toute ma scolarité a été un véritable chemin du combattant. Malgré une réticence à ce que j’aille en filière générale, j’ai été la première lycéenne en situation de handicap de mon lycée à obtenir un baccalauréat littéraire. »

Ce « parcours du combattant » commence pour certains avant même l’entrée en scolarité, des personnes soulignant l’insistance de leur MDPH de rattachement à encourager l’inscription de leurs enfants en établissement médico-social plutôt qu’en milieu ordinaire.

Corentin : « La MDPH et l’Éducation nationale ne donnent pas une chance aux enfants d’aller dans les classes normales pour faire des études et pour qu’un jour il puisse faire leurs rêves… »

Perrine : « Nous nous sommes battus pour obtenir cette année de petite section car la MDPH voulait qu’il aille dans une structure non adaptée à ses besoins. »

Lorsque ce n’est pas la MDPH, il est arrivé pour certains parents que ce soit l’école elle-même qui refuse l’inscription de leur enfant.

Anaïs : « Refus de l’école publique la plus proche de mon domicile d’inscrire mon fils en maternelle dès que j’ai prononcé "handicap"... »

Habiter en zone rurale et/ou dans un désert médical peut retarder davantage l’accès à la scolarité en milieu ordinaire, faute de professionnels de santé de proximité pour assurer les soins dont l’enfant a besoin.

Nicolas : « Nous voulions une école proche des thérapeutes pour éviter les trajets qui fatiguent notre fille, mais refusé. L’école près de chez nous est, quant à elle, adaptée jusqu’au CP. »

Alexia : « En milieu rural, nous avons eu la chance d’avoir des petites écoles avec des enseignantes bienveillantes et à l’écoute au primaire. Mais plus la scolarité avançait, plus les interlocuteurs se multipliaient, plus les choses se sont dégradées. »

Lorsque l’enfant est parvenu à intégrer l’école ordinaire, de nouveaux obstacles apparaissent, et notamment l’impossibilité d’obtenir les aménagements nécessaires à sa scolarité.

Anaïs : « Mon enfant a des troubles de la déglutition (eau gélifiée et alimentation mixée ou hachée). L’école de la République lui interdit l’accès à la cantine pour ce motif : Interdiction d’apporter son panier repas même avec certificat médical. »

Amélie : « Damien, dysgraphique sévère, est équipé d’un ordinateur. J’ai dû me battre face à certains professeurs au collège qui refusaient qu’il l’utilise. »

Lise : « À la récréation, Rachel reste dans une chaise adaptée pour être sous le contrôle de l’adulte et qu’il ne lui arrive rien :

 "Ah non, on ne va pas la remettre dans son fauteuil roulant sur la cour, elle risquerait de se blesser, et il faudrait dire aux enfants sans arrêt de ne pas jouer avec !"

Jusqu’au jour où, par défaut de surveillance, nous avons dû la récupérer en urgence pour trauma crânien car un enfant a bougé la chaise et qu’elle est tombée. Avec le fauteuil roulant, elle aurait pu freiner !

 "Pas de tablette tactile en classe ! Elle va jouer avec et faire du bruit ! Et puis vous savez, les écrans à son âge, ça peut être dangereux.

– Mais la tablette est sa voix ! Vous mettez du scotch sur la bouche des enfants en classe ? Parce que retirer la tablette c’est lui retirer sa voix !

 Oh ! Vous exagérez ! On ne l’empêche pas de s’exprimer : elle a toujours sa bouche ! Elle pourra aller faire 30 mn de tablette dans une salle à part avec son AESH 1 fois par jour !" »

Ce sont ces entraves à l’apprentissage, conjuguées au manque d’accessibilité des bâtiments scolaires, qui créent du handicap pour les élèves concernés.

Loïs : « Passage du bac au troisième étage d’un lycée sans ascenseur, heureusement que j’avais mes anti-douleurs. Pareil pour mon lycée en général, pas d’ascenseur et escalier en colimaçon étroit. »

Laure : « Avant de rejoindre une école bilingue à Toulouse, j’ai fréquenté plusieurs établissements. Mon intégration y était difficile, car je manquais d’un véritable accès à la langue. Par la suite, j’ai été scolarisée dans une école spécialisée où l’on infantilise les enfants sourds, les considérant comme des citoyens de seconde zone avec un niveau d’éducation très bas. »


Beaucoup rappellent les conditions de travail difficiles dans l’éducation et sont reconnaissants (tout en s’estimant chanceux) lorsque leurs enfants disposent d’un accompagnement bienveillant. Toutefois, un nombre significatif de témoignages fait état d’un manque de formation persistant au sein des équipes éducatives aux enjeux du handicap – éminemment lié au manque de moyens – pouvant parfois occasionner de l’incompréhension, de la peur, voire du rejet. C’est particulièrement le cas pour les handicaps « invisibles », notamment psychiques ou cognitifs.

Perrine : « École maternelle pour 1 an. Manque de formation des enseignants, AESH et ATSEM. Nous avons la chance cette année d’avoir une équipe motivée et bienveillante (en espérant avoir les mêmes pour l’année 2025/2026). Mais je dois payer des formations à l’école pour qu’ils soient formés à la CAA [Communication alternative et améliorée] afin qu’ils puissent communiquer avec Nathan. Ce n’est pas normal. »

Rébecca : « Au niveau de l’école, les professeurs sont à l’écoute et essaient de suivre les préconisations des différents professionnels de santé. Cependant, il est vrai que certains employés de l’école ont déjà fait des remarques à ma fille, insinuant qu’elle faisait exprès et qu’elle n’avait pas de handicap, ce qui l’a beaucoup perturbée. »

Thomas : « J’ai subi de mauvais traitements à l’école, au collège, au lycée et à l’université. Certains enseignants des différents niveaux pensaient que ma difficulté liée à l’écriture était une gêne pour eux et donc me l’ont fait subir. Du retrait de ma copie durant un examen lié à la lecture de "Mort sur le Nil" pour me donner des lignes de lettres à reproduire "pour ton bien" au feutre, des points retirés sur les copies "car ça n’était pas assez lisible" (alors que j’aurai dû avoir accès à un ordinateur), de l’insulte en classe pour me mettre plus bas que terre car j’aurais pris la place d’un autre qui l’aurait plus mérité que moi dans la vie. »

Magali : « Hermétique aux problématiques des handicaps invisibles ou dès qu’il nécessite une adaptation. Petite fille de 6 ans dyspraxique dont sa façon atypique de franchir les escaliers m’a alerté dès ses premières années a fait sa rentrée en CP dans une classe au 1er étage. Quand j’ai prévenu la maîtresse de ses difficultés avec les escaliers, la maîtresse m’a dit que j’étais dépressive. »

Les problématiques rencontrées dans le cadre du travail des AESH sont largement abordées. Les parents et les personnes concernées relèvent un manque de formation et, surtout, un manque de disponibilité des AESH. Malgré les notifications des MDPH, certains enfants se retrouvent sans AESH à la rentrée ou avec des heures d’accompagnement incomplètes et insuffisantes. La mutualisation des AESH est identifiée comme l’un des freins à l’accompagnement de chaque élève selon ses besoins. Il ressort des témoignages un appel généralisé à une meilleure reconnaissance du métier d’AESH, à une revalorisation de la profession, à de la formation et à des emplois du temps moins fractionnés.

Gaëlle : « Le refus d’attribution d’une AESH individualisée dès le début de sa scolarité. Elle n’a ensuite jamais obtenu les 24 h demandées (réponse : "si elle a besoin de 24 h c’est qu’elle n’est pas faite pour l’école ordinaire"). À l’école, obligation de changer d’établissement et par conséquent son petit frère lors de son orientation en Ulis...où elle a perdu son AESH avec qui un lien fort et utile avait été construit. Une seule AESH dans les classes Ulis pour 12 élèves avec troubles des apprentissages ? Aberration ! »

Tiffany : « Les élèves bénéficiant d’heures d’aide humaine (AVS/AESH) n’ont pas leur quota d’heures à cause de la mutualisation de l’AVS. Nous sommes une école de 10 classes, avec une dizaine d’élèves qui bénéficient d’une AVS pour seulement 1 AVS à temps plein et 1 AVS en mi-temps sur l’école. Donc sur 15 h ou 18 h, les élèves se retrouvent avec environ 8 h effectives en jonglant avec les AVS. »

Christine : « AESH niveau trop faible de LSF et n’a pas pour rôle de traduire les cours. Il faudrait des enseignants formés en LSF ou on peut encore peut être accepter des interprètes scolaires. »

Amélie : « Nous avons eu la chance d’avoir une école qui s’est battue pour que notre fils fasse sa rentrée, avec AESH ou sans ! Il devait en avoir une à la rentrée, il n’en avait toujours pas la veille de sa première rentrée scolaire ! Comment dire à ces enfants que le monde est inclusif alors que les moyens manquent ? »

Lauriane : « 2 matinées par semaine avec AESH mais pas plus car mutualisée »

Des difficultés à intégrer le médico-social au sein de l’école persistent, à l’image de la zone d’ombre concernant les tâches relevant non pas du domaine éducatif mais du médico-social et du soin.

Alicia : « Si nous parvenons à l’inscrire les matinées, je devrais venir 1 h 30 après l’avoir déposée pour la sonder. Aucune infirmière ne souhaite intervenir (trop contraignant) alors je ne peux reprendre le travail. »

Amélie : « Je passerais sous silence les AESH qui ont refusé de s’occuper de mon fils parce qu’il fallait l’emmener aux toilettes. »

Plusieurs personnes rappellent également que les principes de l’école inclusive ne concernent pas uniquement la scolarité mais également le temps périscolaire – dont l’aménagement est soumis au bon vouloir de la municipalité – et la capacité à développer du lien social avec les autres élèves.

Gaylord : « À partir du collège, j’étais très isolé et je me sentais seul. Quand les autres ont commencés à sortir en scooter et à faire leurs premières soirées, ça m’a vite exclu. »

Etienne : « Ne pas oublier le périscolaire qui n’était pas pris en charge par exemple à Agen, mais pris en charge à Angers, au bon vouloir des municipalités et de l’appétence des personnes au sujet. Ne pas oublier aussi la période des vacances scolaires, un casse-tête souvent au niveau de l’accessibilité des centres de loisirs. »

Les conséquences d’une école inclusive qui peine encore à se concrétiser impliquent des difficultés à obtenir les aménagements nécessaires et un manque d’accompagnement qui peut plonger les enfants dans une détresse profonde et nuire directement à leur droit à l’éducation : scolarité partielle, dégradation de la santé mentale et/ou de la pathologie, baisse des résultats, déscolarisation.

Magali : « Malgré la notification de la MDPH pour un PAP, l’école refuse d’adapter quoi que ce soit des recommandations des professionnels de santé. 2ème PAP et des résultats scolaires en chute pour ne pas dire régression... »

Claude-Hélène : « La primaire a été un véritable enfer pour notre fils cadet. Non prise en compte du handicap invisible, AESH absente, moqueries, harcèlement scolaire et au final dépression infantile avec hospitalisation. »

Annabelle : « Mon fils avait une notification de SESSAD et malheureusement sur liste d’attente 5 ans après quand il a commencé à se déscolariser et faire des tentatives de suicide, il est alors devenu une urgence mais quel gâchis pendant toutes ces années. »

Ces nombreuses difficultés poussent, de fait, certains parents à se tourner vers le placement en établissements médico-social, voire vers l’instruction en famille.

Mélodie : « On n’a pas cherché à y mettre notre fils. La directrice nous a renvoyé la balle à l’époque avec le Gevasco disant que ce n’était pas à elle de gérer alors que si. Bref ça en disait long sur la suite. Et quand on connaît les délais pour avoir une AESH. »

Lise : « L’école inclusive : une catastrophe ! Oui, l’école pour tous fait rêver... mais dans quelles conditions de maltraitance ? ! Ma fille a fait ses 3 années de maternelle en école ordinaire et est aujourd’hui dans un IEM. »

Le constat est relativement similaire pour les élèves ayant suivi des études supérieures, bien qu’ils et elles pâtissent d’un manque de prise en compte encore plus criant de leurs besoins, du fait du degré d’autonomie plus élevé exigé des étudiants à l’université, auquel les élèves handicapés sont rarement préparés dans l’enseignement secondaire. Si des aménagements peuvent être obtenus, les difficultés se situent principalement dans leur défaut d’application, ce qui accentue leur exclusion des étudiants concernés.

Maud : « À la fac de Tours, j’avais des droits mais les professeurs ne les respectaient pas. Leurs discours c’était que je n’avais qu’à aller dans des filières pour handicapés "comme moi". J’ai forcé à ce qu’ils les respectent, ils m’ont accusé de leur "tordre le bras". Je n’allais pas aux sorties pédagogiques […] car c’était "trop compliqué" pour eux à mettre en place (c’est-à-dire, trop dur de penser à me prendre un taxi au lieu du métro parisien ou alors de vérifier l’accessibilité d’un lieu de visite...). À la fin ils ne me prévenaient même plus que j’avais des sorties, ils partaient du principe que je ne serai pas là pour leur confort. »

Gabrielle : « Lors de ma licence pro (en 1 an donc), il y avait une étudiante avec plusieurs handicaps moteurs et psychiques. À cause des problèmes de transports pour accéder à l’école, des ascenseurs en panne pour monter dans nos salles de classe, du refus de proposer des cours/devoirs en distanciel, il lui aura fallu 3 ans pour valider sa licence pro. »


  1. Emploi

Les personnes ayant témoigné sur la plateforme font état d’un monde du travail encore excluant qui, non seulement peine à garantir un cadre approprié et adapté aux personnes handicapées, mais produit lui-même du handicap en imposant des cadences intenables qui abîment les corps et la santé mentale.

L’accès à l’emploi est entravé par la méconnaissance des droits et des aménagements possibles, en lien avec le manque de formation des personnels de France Travail, des services de ressources humaines et des directions sur les enjeux liés au handicap et d’un fonctionnement en silos persistant des différentes structures. Ces difficultés entraînent un défaut d’appropriation des droits par les salariés concernés et, pour les employeurs, des obligations méconnues.

Sébastien : « Mon aide de l’Agefiph a été bloquée parce que ma conseillère Pôle emploi refusait de faire les démarches, estimant que ce n’était pas à elle de s’en occuper. Résultat ? Une situation absurde où l’on se renvoie la balle, laissant les personnes concernées sans solution. »

Lou : « La référente Cap emploi de mon ancienne région ne savait pas comment m’aider à trouver un emploi adapté. »

Mar : « Orientation sur le Cap emploi qui ne m’aide pas du tout (incapacité à prendre en compte le TDAH invalidant et la phobie téléphonique). »

Hugo : « Il est parfois nécessaire de "pousser un nombre incalculable de portes" pour avoir obtenir des réponses. J’ai par exemple postulé pour bénéficier d’un contrat doctoral handicap, mais personne ne m’avait jamais informé de son existence (plusieurs membres de l’administration de mon université n’en avaient d’ailleurs jamais entendu parler). »

Les employeurs font encore preuve de nombreux de préjugés validistes à l’égard des personnes handicapées, générant des difficultés chroniques pour ces dernières pour trouver un travail, et conduisant certaines d’entre elles à cacher leur handicap par peur de discriminations.

Maud : « Je n’en ai pas encore, mais pour trouver un employeur pour un stage, j’ai dû envoyer 150 CV et lettres de motivation (pour 20 jours de stage) dans toute la Touraine et au final j’ai eu mon stage à Rennes tellement je n’ai pas eu de réponse ou alors négatives au téléphone. »

Sébastien : « Trois ans de recherche d’emploi dans le développement web. Un métier qu’on pourrait croire accessible, avec du télétravail… Mais en réalité, ce n’est pas si simple quand on est en situation de handicap. Dès que le sujet du handicap est évoqué en entretien, l’ambiance change. Je pouvais déjà sentir le refus arriver, parfois même avant la fin de l’échange. Peu importe mes compétences ou ma motivation, c’était comme si mon handicap prenait toute la place. Au final, ça n’a jamais abouti. Une formation intensive d’un an, qui m’a coûté une énorme rechute en termes de douleurs… pour rien. »

Eva : « J’ai caché à mon ancienne entreprise d’alternance mes difficultés en orthographe ainsi que l’effort de concentration que cela me demandait pour écrire. […] Aujourd’hui encore, personne n’est au courant. C’est quelque chose que je préfère dissimuler, car beaucoup d’entreprises se disent capables d’accueillir des personnes en situation de handicap, qu’il s’agisse de clients ou d’employés, alors que la réalité est tout autre. »

Il en résulte, pour les personnes concernées, des obstacles à l’obtention des aménagements nécessaires sur leur lieu de travail – adaptations matérielles, humaines ou organisationnelles.

Cécile : « Je n’ai pas obtenu d’aménagement de poste en lien avec ma RQTH, pendant plusieurs années (fonction publique d’État). J’ai travaillé 7 ans dans un établissement inaccessible à mon fauteuil roulant, devant compter sur mes collègues pour atteindre mon bureau, sans que rien ne soit jamais entrepris pour remédier à cette situation. »

Thierry : « Pour nous personnes non-voyantes, actuellement le plus grand défi ce serait l’accessibilité des logiciels métiers qui pose énormément de difficultés à une pleine inclusion dans le monde professionnel. »

Léa : « 4 emplois : refus de s’adapter à moi, à mon handicap, d’adapter mon poste avec APF France handicap, et la MDPH qui met 18 mois à étudier le dossier aide matérielle n’a pas aidé. Refus du télétravail, harcèlement jusqu’à mon domicile, maltraitance : rabaissement : "Mais vous n’êtes quand même pas plus con qu’un autre ?" (j’ai un trouble cognitif). »

Laure : « En tant que doctorante, mes droits sont bien inférieurs à ceux des autres doctorantes entendantes, notamment en matière d’accès à l’emploi. Je souhaite enseigner, mais mes besoins d’aménagement sont coûteux : par exemple, il me faut un interprète pour dispenser mes cours à des étudiants entendants non signants. Cette barrière financière et logistique limite grandement mes opportunités professionnelles, et la majorité des portes me restent fermées. »

Si plusieurs témoignages font état d’entreprises – souvent les plus grandes – ayant fait preuve de bonne volonté, d’autres constatent que certains employeurs préfèrent s’acquitter de l’amende liée à l’obligation d’emploi d’un travailleur handicapé plutôt que de procéder aux aménagements nécessaires.

Mickaël : « Je retravaille : mon employeur m’a trouvé un poste aménagé et ils ont fait les travaux nécessaires pour que ça soit adapté à mon handicap. »

Emmanuelle : « J’ai la chance d’être dans une grande entreprise qui essaie de s’adapter au quotidien pour les personnes handicapées, mais il y a encore des ratés. »

Assa : « J’ai effectué un CDD dans un EHPAD durant un mois […] la directrice m’avait dit qu’ils allaient adapter le poste de travail alors que j’ai appris en fin de mission qu’au bout d’une journée la directrice savait qu’elle n’allait pas me garder. […] Je pense que les entreprises dans la plupart des cas préfèrent payer une grosse amende plutôt que d’embaucher une personne en situation de handicap. »

L’omniprésence d’impératifs productivistes dans le monde du travail salarié est également pointée du doigt. La charge de travail et le culte de la performance souvent imposés par les employeurs représentent non seulement un frein pour les personnes handicapées mais créent eux-mêmes du handicap, dont témoigne le nombre croissant de burn out et de maladies professionnelles.

Jeremy : « Seul sur le poste avec des échéances précises à respecter […] et surtout malgré la bonne volonté affichée, aucune prise en compte de mes contraintes de santé (fatigabilité importante, besoin d’un suivi régulier en kiné). Tout cela a bien sûr abouti à un burn-out qui a duré 3 semaines. […] Derrière les beaux discours, le marché du travail est aujourd’hui profondément inadapté aux individus et plus particulièrement à ceux porteurs d’un handicap, auxquels on demande une productivité toujours plus importante sans tenir de leur état de santé général et sans s’assurer de leur bien-être au travail. »

Caroline : « J’ai deux RQTH. C’est très compliqué de concilier emploi et handicap car dans les faits, aucun poste n’est adapté aux handicapés. On nous demande de travailler comme les autres, avec le même rythme en faisant abstraction de nos rdv médicaux, nos maux, etc. C’est très dur. »

Les Esat n’échappent pas à la règle. La recherche de rentabilité y prend parfois le pas sur le respect des conditions de travail, la santé et le bien-être des travailleurs et travailleuses.

Patricia : « Aujourd’hui, les ESAT ne parlent que productivité et l’intérêt de la personne porteuse d’handicap n’est plus le sujet. L’accueil n’est plus réservé à ces personnes mais on privilégie des profils de personnes sans handicap (avec RQTH) ou un léger handicap ou rupture avec le monde du travail. »

Plusieurs personnes constatent que, dans ce contexte, la médecine du travail tend parfois à privilégier la mise en invalidité plutôt que d’imposer à l’employeur l’aménagement du poste. Or, cette approche débouche fréquemment sur des licenciements pour inaptitude, renforçant ainsi les obstacles au maintien en emploi des personnes concernées.

Florence : « De nombreux agents sont incités à partir pour invalidité alors qu’on pourrait mettre en œuvre un reclassement dans l’Éducation nationale ou une autre fonction publique. »

Sabine : « Trop de facilité pour la médecine du travail de choisir l’invalidité plutôt que d’obliger l’employeur à adapter le poste. »

Pascaline : « J’ai été licenciée pour inaptitude suite à mon passage en invalidité 2 en 2022, depuis juin 2024 j’essaye de percer en autoentrepreneuse pour bosser de chez moi. »

Les conséquences d’un marché du travail encore hostile à l’égard des personnes handicapées sont largement dénoncées. Les personnes concernées sont amenées à envoyer des centaines de candidatures avant d’obtenir une réponse, qui se cantonne souvent à des emplois non qualifiés ou considérés comme « circonscrit » à certains types de handicap. D’autres personnes sont sans emploi depuis des années – le taux de chômage des personnes handicapées s’établit à 12 %. Leur exclusion du marché du travail pousse un nombre croissant de personnes handicapées à se tourner vers le statut d’autoentrepreneur – bien moins protecteur que celui de salarié.

Chloé : « En recherche d’emploi dans le domaine culturel depuis le mois d’octobre, je me retrouve avec des centaines de candidatures envoyées mais aucune réponse favorable ni même d’entretien. J’éprouve une profonde lassitude de voir tous les efforts que j’ai fournis pendant mon parcours scolaire et professionnel restés vain. On me propose des emplois loin de mon domaine et de mes compétences ou avec des prétentions salariales bien en dessous de ce que vaut mon diplôme. On me dit que mon CV est très bien mais le handicap bloque. »

Gaylord : « Pour la recherche de CDD et de CDI, mes démarches ne paient pas. […] Souvent les personnes malvoyantes travaillent dans des entreprises spécialisées dans le handicap, dans les standards ou comme kiné. Très peu de personnes intègrent une entreprise "normale". »

Axel : « Malheureusement depuis il n’a pas trouvé d’emploi de manière stable, du coup il reste au chômage même s’il envoie des CV et des lettres de motivations chaque semaine, et qu’il a monté une boîte en autoentrepreneur mais il n’arrive pas à avoir de contrat. »

Rémi : « Dans le monde du travail, j’ai rapidement compris que les normes dominantes laissent peu de place à l’adaptation et à la singularité. Quand on vit avec un handicap, le télétravail, la flexibilité, ou les outils adaptés ne sont pas des “avantages” : ce sont des conditions de survie professionnelle. C’est l’une des raisons pour lesquelles j’ai choisi l’entrepreneuriat : pour créer un espace où je peux travailler selon mon rythme, mes forces, mes besoins, sans devoir constamment me justifier. »

Ces entraves dans l’accès et le maintien en emploi pour les personnes handicapées se répercutent à l’arrivée à la retraite qui, en lien avec un système d’aides sociales qui ne leur permet pas de vivre dignement, accentue leur précarité.

Christelle : « J’ai réduit mon activité professionnelle à 80 % car le travail à 100 % était trop épuisant. Mais je suis perdante au niveau de ma retraite car je ne peux pas bénéficier d’une pension d’invalidité étant fonctionnaire. Je suis donc pénalisée pour ma future retraite et cela sans le vouloir. Des droits AAH m’ont été accordés mais comme je travaille et que mon salaire annuel dépasse le montant, je n’ai le droit à rien et la CAF m’a même radiée d’office. »

Alexis : « Je vais avoir 50 ans, j’ai pu cotiser 1 an et demie pour la retraite. Tout va bien. »

 

  1. Accessibilité

En matière d’accessibilité (établissements recevant du public, logements, transports…), un certain nombre de personnes ayant témoigné témoignent des progrès réalisés depuis 2005 malgré une application inégale et insuffisante de la loi du 11 février 2005. Se déplacer dans les lieux du quotidien tient encore trop fréquemment du « parcours du combattant ». En effet, bien qu’ils soient catégorisés comme « accessibles », certains équipements sont, dans les faits, impraticables pour les personnes concernées ou sont utilisés pour d’autres fonctions (ex : des toilettes accessibles utilisés comme placard à balais). En, outre, l’accessibilité est régulièrement pensée sous le prisme d’un unique handicap – le handicap moteur – au mépris de la diversité des formes de handicaps et des besoins, notamment les handicaps « invisibles ».

Rébecca : « Pour les handicaps cognitifs, en particulier, je m’inquiète de l’absence de mesures adaptées. Il faudrait que le langage soit plus simple et clair pour elle, qu’il y ait des signalisations visuelles pour l’aider à s’orienter, que les instructions soient détaillées par étapes, et que le personnel soit conscient que le handicap n’est pas forcément visible et comprenne que la personne ne le fait pas exprès mais qu’elle a vraiment besoin d’être aidée. »

Muriel : « Aucun lieu ne prend en compte le handicap sensoriel (bruit, lumière...) et cognitif. Les réactions de nos enfants sont toujours vu comme celles d’enfants mal élevés alors qu’ils sont en surcharge sensorielle ou mis en difficulté par l’attente dans certains lieux. »

Maud : « Pour les rendez-vous médicaux, pratiquement tous mes médecins ont des marches à leur entrée de bâtiment, je pense notamment à mon gynéco, ma cardiologue. »

Charles : « La question d’accessibilité nous concernant est le plus souvent oubliée...alors que sans la vue, nous sommes aussi "PMR" ! »

Le manque d’accessibilité est décuplé par le manque de formation des professionnels au contact des personnes handicapées et les préjugés validistes encore trop répandus.

Mathieu : « Les Français ne sont pas sensibilisés au handicap, ce qui accentue encore davantage l’oppression. Je suis agressé physiquement au moins une fois par semaine dans le métro ou le bus, et jamais un employé n’est intervenu. »

Alexia : « Il nous est déjà arrivé de nous faire refuser violemment et avec insultes d’une terrasse de bar car le fauteuil prenait trop de place. »

Le manque d’accessibilité dans l’espace public se manifeste d’abord au niveau de la voirie et de la mobilité. Le manque de places de stationnement est souvent dénoncé. Ce problème est aggravé par la persistance des amendes injustifiées, qu’il faut ensuite contester, faute d’une harmonisation nationale pourtant attendue. Les travaux sur la voie publique rendent fréquemment l’environnement impraticable. Certaines personnes rencontrent encore des résistances lorsqu’elles souhaitent être accompagnées de leur chien guide, ce qui souligne un manque persistant de sensibilisation et une méconnaissance des droits.

Fanny : « Les parkings, ne sont pas toujours adaptés : places trop étroites, hauteurs sous plafond insuffisantes quand on dispose d’un bras pour sortir son fauteuil, absence de cheminement sécurisé ou accès mal conçu aux ascenseurs. »

Philippe : « Le manque d’harmonisation du contrôle des stationnements entre les villes est pitoyable. Je passe beaucoup de temps à contester des amendes pour non-paiement. La dernière en date, faute d’avoir pu la contester dans les temps pour des raisons en dehors de ma volonté, m’a coûté 80 €. »

Les bâtiments publics, notamment les lieux administratifs pâtissent encore d’un manque criant d’accessibilité, en particulier dans les petites villes et en zone rurale. Dans le domaine scolaire, l’inaccessibilité des établissements représente un véritable frein à la poursuite de la scolarité, au-delà du seul manque d’AESH ou d’adaptations pédagogiques.

Gaylord : « Je vis dans un village où il n’y a pas de transports en communs. Le plus dur pour moi est de dépendre de quelqu’un à chaque fois que je veux me rendre quelque part (école, entretiens, médecin, hôpital, déplacements personnels...). Il n’existe pas d’aide pour les déplacements personnels hors travail. Je suis donc très souvent chez moi, très isolé socialement et je souffre de la situation. »

Lise : « L’accessibilité en communication est trop faible. En dehors du handicap, personne n’est sensibilisé à la communication en signes ou avec pictogrammes. Cette sensibilisation doit passer par l’Éducation nationale. Pourquoi la LSF n’est pas une obligation dès 3 ans à l’école (elle est pratiquée dans de nombreuses crèches !). »

Les témoignages font état de freins importants dans l’accès au logement, notamment au logement social, avec des délais d’attente particulièrement longs. Certains logements sont, en effet, désignés comme « accessibles » mais ne le sont pas dans les faits. D’autres sont attribués à des personnes valides, réduisant l’offre déjà minime de logements adaptés.

Jérémy : « Alors qu’on m’avait attribué un logement social en 2023 et qu’on m’avait juré qu’il était adapté aux PMR, ce n’était pas du tout le cas. J’ai dû attendre un an avant de pouvoir profiter d’un appartement plus accessible sans que ça ne soit parfait. Aucune solution de repli ne m’a pas été proposée pendant ce laps de temps, m’éloignant un peu du marché de l’emploi et de mes amis pendant 14 mois. »

Fanny : « Même dans les constructions neuves censées être conformes aux normes, on observe des aberrations flagrantes : des terrasses avec un seuil infranchissable en fauteuil, des portes mal agencées qui s’entrechoquent, ou encore des salles de bain où l’espace de circulation est insuffisant. »

Mathieu : « J’ai dû acheter mon appartement pour pouvoir y faire les travaux dont j’avais besoin, mais si vous n’avez pas l’apport, vous crevez. »

L’impact de l’inadaptation de l’espace public et des logements aux personnes handicapées est, tout d’abord, d’ordre temporel. Les personnes concernées doivent programmer l’intégralité de leur quotidien en fonction de l’accessibilité des lieux et transports, une entrave grave à leur autonomie et à la maîtrise de leur temps (il faut l’aménager ou le perdre et il n’y a pas de place pour l’imprévu).

Marie-Claude : « Je n’ai pas pu aller dire au revoir à mon père mourant, la rampe du bus ne fonctionnait pas, l’église non adaptée, pas de transport pour la mise en terre, car je ne peux pas être transférée, il me faut un transport PMR. Je n’ai pas pu non plus aller à l’enterrement de mon frère, car pour le TGV, il faut prévenir 48 h à l’avance. »

Gwenn : « Pourquoi me déplacer dans les transports parisiens me prends trois fois plus de temps qu’une personne valide ? »

Les conséquences sont également financières. Ne pas disposer de transports ou d’un logement accessibles implique des dépenses supplémentaires pour trouver des alternatives. L’inaccessibilité des transports est particulièrement contraignante en ce qu’elle a un impact sur tous les aspects de la vie quotidienne (se rendre à des rendez-vous médicaux, aller travailler participer à des activités sportives ou culturelles, faire ses courses, etc.), ce qui constitue l’une des principales sources d’exclusion. Disposer de transports adaptés à ses besoins semble, de fait, être l’une des conditions sine qua none de la pleine participation à la vie en société.

Sébastien : « Pour me rendre à mon IRTS, situé à moins de 10 minutes de chez moi, je dois payer 2,50 € par trajet, soit près de 5 € par jour. Pourquoi ? Parce que l’arrêt de bus devant l’école n’a pas un trottoir adapté et qu’un bus sur deux seulement dispose d’une rampe fonctionnelle. Avec une allocation AAH, ces frais s’accumulent rapidement et deviennent un véritable poids financier. »

Anne-Sophie : « Sans aucun doute, la partie qui me freine le plus au quotidien. Les déplacements sont difficiles à cause du manque d’accessibilité des transports. On devrait pouvoir sortir sans se demander si on pourra accéder à tel ou tel lieu. »

Le manque d’accessibilité des transports en commun entraîne, par ricochet, un nécessaire recours à la voiture pour les personnes concernées, allant à l’encontre des objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre.

Alice : « Nous avons été obligés d’acheter une voiture pour pouvoir circuler dans Paris et nous déplacer pour les vacances (alors qu’on prenait toujours les transports en commun). »

Angélique : « Il y a énormément de travail à faire les rampes des bus ne fonctionnent pas ou très peu, ce qui me contraint à me dépêcher d’acquérir une voiture alors que l’endroit où je vis permettrait de se déplacer. »

L’inaccessibilité a également des conséquences sur la santé et la sécurité des personnes handicapées, en les contraignant à opter pour des alternatives moins adaptées, au risque d’aggraver leur dépendance à l’égard d’une tierce personne, voire de se mettre en danger.

Lylou : « […] C’est d’ailleurs pour ça qu’Anthony ne veut pas de fauteuil électrique. Avec un manuel, on arrive parfois à s’en sortir en improvisant, en le soulevant ou en demandant un coup de main. »

Amélie : « Devoir tout le temps réfléchir à quel fauteuil prendre (électrique ou manuel) selon les endroits parce qu’il y a des escaliers/marches partout. »

Loïs : « circuler sur la voie publique est devenu une vraie épreuve, je "marche" plus souvent sur la route que sur les trottoirs, ils sont souvent trop étroits ou tordus. »

Sur l’aspect social, enfin, les entraves à l’accès aux transports, aux lieux publics ou à un logement sont, d’après les témoignages, inextricablement liées à une aggravation de l’isolement des personnes concernées.

Vincent : « Canne. Isolé, ni famille, ni amis et livré à moi-même dans une cité HLM. »

Pierre : « Je ne compte plus le nombre de fois où j’ai dû faire un grand détour ou pire, abandonner et rebrousser chemin. »

Gwenn : « Pourquoi ne puis-je toujours pas me rendre chez les 3/4 des appartements de mes ami(e)s ? »

 

  1. Aidance

La plateforme semble avoir offert un espace bienvenu pour les proches-aidants, qui ont été nombreux et nombreuses à témoigner de leur isolement, de leur charge de travail et de l’effet de cette situation sur leur santé mentale et leur niveau de vie.

La principale difficulté soulignée par les aidants tient à l’épuisement moral et psychologique résultant d’une surcharge de travail : multiples rendez-vous à réserver et auxquels accompagner le proche handicapé, complexité administrative, difficultés financières et soins à réaliser soi-même faute de professionnels dédiés.

Amélie : « Nous sommes épuisés, éreintés ! À la fois physiquement à force de porter notre fils. Mais surtout psychologiquement !!!! Ces combats perpétuels pour tout nous lessivent ! »

Sophie : « Fatiguée de gérer tout cet administratif, fatiguée de devoir seule chercher les solutions pour l’accompagnement de mon fils, fatiguée de voir la non accessibilité de beaucoup d’endroits. »

Lylou : « Je le crie haut et fort : oui, je dois être là pour lui, et je le suis, et je le resterai. Parce que c’est lui, parce que c’est nous, parce qu’aimer, c’est aussi accompagner. Mais il y a une énorme différence entre aider et tout gérer seule. Aider, c’est être un soutien, un repère, une présence indispensable. Mais quand tout repose sur une seule personne, l’équilibre devient fragile. »

David : « Personne qui est à la fois parent, infirmier psychiatrique, éducateur, gérant de micro-IME, coordinateur d’emplois du temps d’intervenants, accompagnateur, spécialiste des démarches administratives, explorateurs des aides, dispositifs et institutions, et qui a aussi sa vie professionnelle et personnelle par ailleurs. »

Lise : « Manque d’aide médicale : les aidants devraient avoir accès à des séances remboursées en santé mentale / et en santé tout court d’ailleurs (sport santé, ostéo ou autres séances de remise en état d’un corps fatigué). »

La fatigue est décuplée par l’état d’isolement des personnes aidantes, qui sont souvent démunies, sans accompagnement, et doivent se débrouiller seules pour connaître leurs droits et les dispositifs d’accompagnement existants.

Lise : « Manque d’information : les aidants devraient avoir un droit à la formation supplémentaire, avec des formations / de l’éducation thérapeutique de l’aidant. »

Marion : « Aucun soutien, personne pour vous orienter, difficile de savoir vers qui se tourner quand l’enfant est touché par une maladie génétique avec seulement quelques cas dans le monde et aucun autre en France. Vous devenez coordinateur, aidante, pédiatre, infirmière et surtout secrétaire à temps plein. »

Caroline : « Rien n’est fait pour les proches aidants. Ils ne connaissent pas leurs droits, souvent ils ignorent même qu’ils sont considérés comme aidants.... Beaucoup travaillent encore et c’est très dur. Tout est à faire. »

Le manque de reconnaissance, de valorisation du travail d’aidance et de soutien financier, dont découlent l’absence de répit, voire la précarité, est également dénoncé.

Mylène : « Je me suis complètement sacrifiée pour m’occuper à 100 % de mon fils. Je ne le regrette pas car les progrès sont là. Par contre je n’ai plus de temps à moi. Il faudrait étendre les aides au répit et créer de nouveau dispositif de garde dans toutes les régions. »

Gaëlle : « Je suis infirmière, pour gérer les multiples rdvs de ma fille, on m’a répondu à la MDPH que je pouvais passer de nuit... Je n’ai donc pas diminué davantage mon temps de travail ne sachant pas si je pourrais compter sur un complément. On épuise les parents, très souvent les mamans. »

Sabine : « 10 ans que je suis proche aidant. Autant dire rien. C’est ainsi que nous sommes perçus par la société. Pas du tout valorisés alors que nous mettons notre vie entre parenthèses. Je ne parle pas du taux horaire du dédommagement qui est lamentable. »

Tsilla : « Mon mari s’est fait embaucher comme auxiliaire de vie par une structure car il gagne plus ainsi qu’avec les dédommagements proposés par la MDPH. Ce qui veut tout dire du point de vue de sa considération par l’administration : pour le même travail, les associations ont plus de financements que les proches. »

Le manque de soutien financier conjugué à un emploi du temps chargé, guidé par les obligations en matière de soins et de rendez-vous divers, oblige bon nombre d’aidants, et en particulier les femmes aidantes, à diminuer leur temps de travail, voire à cesser toute activité professionnelle, faute de solution d’accueil et d’accompagnement disponible pour leur proche et d’aménagement de leur poste. Cela accentue leur précarité.

Magali : « Précaire car je dois poser des jours de congés payés pour faire suivre ma fille au final aucun plus de jours pour les vraies vacances de qualité en famille. Pas de législation pour les parents aidants j’ai donc double sanction et plus de temps de qualité avec ma famille en dehors des rendez-vous médicaux. »

Mélodie : « Je suis proche aidant de mon fils de 4 ans. J’ai arrêté de travailler il y a 5 ans maintenant. J’ai, jusque-là, jonglé entre mes droits au chômage, l’AJPP et le RSA en tant que mère célibataire. De nouveau en couple je vais devoir faire maintenant avec le strict minimum et au vu des frais qu’engendre le handicap de mon fils cela va être très compliqué financièrement ».

Virginie : « Perte de salaire trop importante : on doit choisir entre son enfant, sa famille, son travail et le budget familial très lourdement impacté par l’adaptation du domicile, les fauteuils roulants et le permis de conduire. »

Rémi : « Dans notre situation avec un enfant polyhandicapé, obligation pour l’un des parents d’arrêter de travailler (ou on arrête et on a des aides, ou on bosse et on n’a pas d’aides, pas de juste milieu, donc baisse du niveau de vie, de moyen à précaire, perte de vie sociale, amis etc..). »

Ce retrait partiel ou total de la vie professionnelle a des répercussions profondes et durables sur les aidants et aidantes, notamment en matière de droits à la retraite : l’interruption ou la réduction d’activité entraîne une baisse des cotisations, et donc une diminution du montant de leur pension.

Claude-Hélène : « Aujourd’hui ça va. Mais mon mari et moi nous y avons laissé nos carrières professionnelles et nos ambitions. Cela aura forcément un impact négatif sur nos futures retraites, surtout moi. »

Corinne : « Aidante familiale de mes deux enfants durant 26 ans, reconnus à 80 % et plus, au décès nous ne sommes plus rien. Aucun statut social, plus de revenus du jour au lendemain, seulement 8 trimestres de retenus pour la retraite malgré une obligation de cessation d’activité. »

Certains témoignages dressent ainsi un constat sans équivoque sur l’invisibilisation de l’aidance par l’État. Ces parents, conjoints ou conjointes, ou encore enfants, deviennent souvent aidants faute d’alternative, et pallient ainsi les manquements de l’État en matière de soins et de prise en charge médico-sociale. L’État s’appuie ainsi sur une force de travail gratuite : l’aidance est considérée comme un travail presque naturel – « quand on aime on ne compte pas » – en particulier pour les femmes déjà assignées au travail domestique et de soin des plus vulnérables.

Laurianne : « Le proche aidant est le meilleur allié des équipes qui accompagnent mon enfant handicapé. Pourtant, l’État se repose beaucoup sur les proches aidants pour se soustraire à ses obligations. Nous sommes parents aidants et au prix de notre santé et notre énergie, nous faisons économiser à l’État bien des services qu’il devrait nous rendre en termes de prise en charge, d’accès aux soins, d’accompagnement, de répit. »

Lylou : « L’amour ne devrait pas être une excuse pour remplacer un système défaillant. Oui, certains font le choix de se consacrer entièrement à leur proche, et c’est une démarche admirable. Mais il y a aussi tous ceux qui aimeraient pouvoir concilier ce rôle avec leur propre vie, sans pour autant avoir l’impression d’abandonner. On devrait pouvoir être aidant sans avoir à tout sacrifier. On devrait pouvoir aimer et accompagner, sans que cela signifie s’oublier totalement. »

Odile : « Ils ne devraient avoir qu’à jouer le rôle de parents et non se retrouver à suppléer les carences du système en se transformant en soignants et accompagnants à la place des professionnels que les pouvoirs publics ne financent pas suffisamment et correctement. Tout est organisé pour pousser à institutionnalisation. »

*

*     *


   Annexe N°2 :
liste des personnes entendues par la mission

(Par ordre chronologique)

        Table ronde :

 HandiSocial  Mme Odile Maurin, présidente

 Collectif Luttes et handicaps pour l’égalité et l’émancipation (CLHEE)  Mme Gwenn Desliens, membre, et Mme Mathilde Fuchs, trésorière

 Me Elisa Rojas, avocate à la Cour

        Table ronde avec diverses associations membres du Collectif Handicaps :

 M. Arnaud de Broca, président du Collectif Handicaps *, et Mme Axelle Rousseau, coordinatrice du collectif

– Union nationale de familles et amis de personnes malades et/ou handicapées psychiques (Unafam)  Mme Emmanuelle Rémond, présidente

 Association Valentin Haüy *– M. Sylvain Nivard, président, membre de la Confédération française pour la promotion sociale des aveugles et amblyopes (CFPSAA)

– Association pour l’insertion sociale et professionnelle des personnes handicapées (Ladapt)  M. Philippe Berranger, directeur du plaidoyer

      M. Charles Gardou, anthropologue

   Commission consultative des droits de l’homme (CNCDH) – Groupe de travail « Droits des personnes handicapées » – Mme Maryvonne Lyazid, personnalité qualifiée, membre de la CNCDH, rapporteure du mandat handicap, Mme Bernadette Pilloy, membre, présidente du Conseil français des personnes handicapées pour les affaires européennes et internationales (CFHE), co-rapporteure du mandat handicap, et M. Damien Glad, coordinateur des travaux relatifs au mandat handicap pour le secrétariat général de la CNCDH, conseiller en politiques inclusives

   Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH)  M. Jérémie Boroy, président, Mme Julia Tabath et Mme Violette Viannay, vice-présidentes, M. Sébastien Claeys, responsable de la communication et des relations institutionnelles

   Mme Claire Hédon, Défenseure des droits, Mme Fabienne Jégu, conseillère experte handicap et autonomie, et M. Antoine Touron, conseiller parlementaire

   M. Alexandre Ployé, professeur des universités en sciences de l’éducation, spécialiste des dispositifs de l’école inclusive

        Audition conjointe :

 Association des directeurs de maisons départementales des personnes handicapées (MDPH)  Mme Karine Barthe, vice-présidente, directrice de la MDPH de la Haute-Vienne, et Mme Laetitia Barret, directrice de la MDPH du Var

 Association nationale des directeurs d’action sociale et de santé (Andass)  Mme Nadia Laporte Phoeun, membre du conseil d’administration, directrice autonomie du département de l’Essonne

        Table ronde :

 Fédération hospitalière de France (FHF) *– M. Benjamin Caniard, responsable du pôle autonomie-parcours

 Union nationale interfédérale des œuvres et organismes privés non lucratifs sanitaires et sociaux (Uniopss) *– M. Jérôme Voiturier, directeur général, et Mme Juliette Capelle, conseillère technique autonomie, handicap et domicile

 Fédération des établissements de réadaptation professionnelle et de leurs organismes gestionnaires (Fagerh) – Mme Laurence Rambour, directrice générale

 Fédération nationale de la mutualité française (FNMF) * Mme Guénaëlle Haumesser, directrice de la direction de la prévention et de l’accompagnement mutualiste, Mme Anne Pascaud, responsable du secteur médico-social à la direction de la prévention et de l’accompagnement mutualiste, et Mme Mary Plancq, responsable des affaires publiques nationales

 Fédération des établissements hospitaliers et d’assistance privés à but non lucratif (Fehap) *– Mme Elodie Hemery, directrice de l’autonomie et de la coordination des parcours de vie, et Mme Chloé Daudrix, conseillère protection de l’enfance – enfance handicapée

 APF France handicap * Mme Pascale Ribes, présidente, et M. Farbod Khansari, conseiller national politique

 Groupe national des établissements publics sociaux et medico-sociaux (GEPSo) – Mme Jeanne Cornaille, déléguée nationale

   Ministère de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche – Direction générale de l’enseignement supérieur et de l’insertion professionnelle (Dgesip) – M. Patrick Courilleau, adjoint à la cheffe du service de la stratégie des formations et de la vie étudiante, M. Alain Bouhours, chef du département de la réussite et de l’égalité des chances, et M. Sébastien Mounié, délégué ministériel à l’école inclusive

   Union des entreprises adaptées (Unea) *– M. Sébastien Citerne, délégué général, M. Fabrice Van Kote, membre du bureau en charge de la communication, et Mme Hortense de Cacquerey, responsable affaires publiques

   Collectif AESH en action  Mme Anne Falciola et Mme Aurélie Chassaing, co‑administratrices

        Table ronde :

 Fédération nationale pour l’accompagnement scolaire des élèves présentant un handicap (Fnaseph)  M. Nicolas Eglin, président

 Institut national supérieur de formation et de recherche pour l’éducation inclusive (Insei) – Mme Murielle Mauguin, directrice, et Mme Zineb Rachedi, directrice des études

 Association nationale des dispositifs inclusifs médico-éducatifs (Andime) – M. Dominique Driollet, président, et Mme Anne Santene, secrétaire adjointe

 Association Accompagner la réalisation des projets d’études de jeunes élèves et étudiants handicapés (Arpejeh) *– M. Jérémy Arnault, responsable des partenariats, référent mentorat

        Table ronde :

 Direction générale du travail (DGT)  Mme Sophie Fleurance, adjointe au chef de bureau des relations individuelles du travail

 Direction générale à l’emploi et à la formation professionnelle (DGEFP)  M. Fabrice Masi, délégué général, et M. Pascal Jean-Charles, chef de mission

 Direction générale de l’administration et de la fonction publique (DGAFP)  Mme Mathilde Icard, cheffe du service de la synthèse statutaire, du développement des compétences et de la donnée, et Mme Eloise Rousseau, cheffe de département des politiques de recrutement, d’égalité et de diversité

        Table ronde :

 France Travail – Mme Caroline Dekerle, directrice du programme handicap, et M. Eudes de Morel, chargé des affaires institutionnelles

 Conseil national handicap & emploi des organismes de placement spécialisés (Cheops)  Mme Isabelle Faure, vice-présidente, et Mme Marlène Cappelle, déléguée générale

 Union nationale des missions locales (UNML) – M. Philippe Robert, membre du bureau et référent sur les thématiques du handicap, Mme Vanessa Cothias, chargée de mission handicap et santé, et M. JeanMarc Delahaye, responsable des relations institutionnelles

   Ministère de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche – Direction générale de l’enseignement scolaire (Dgesco) – Mme Caroline Pascal, directrice générale de l’enseignement scolaire, et Mme Anne Padier-Savouroux, adjointe au sous-directeur des savoirs fondamentaux et des parcours scolaires

   Conseil de l’Europe – Mme Eliane Chemla, ancienne vice-présidente et membre française du Comité européen des droits sociaux

   Mouvement des entreprises de France (Medef) * Mme France Henry-Labordere, directrice générale adjointe, responsable du pôle social, M. Pierre-Matthieu Jourdan, directeur des relations sociales et de la politique de l’emploi, et M. Adrien Chouguiat, directeur adjoint du pôle Affaires publiques

        Audition conjointe :

 Hosmoz (réseau Gesat) – Groupement d’établissements et services d’aide par le travail et d’entreprises adaptées  M. Denis Charrier, directeur général, et M. Salim Nabti, directeur territorial Île-de-France, la Résidence sociale

 Association nationale des directeurs et cadres des établissements ou services d’aide par le travail (Andicat)  Mme Nathalie Gyomlai, vice‑présidente, directrice opérationnelle secteur Travail Apei Moselle, et Mme Axelle Pruvot, directrice exécutive

   Départements de France  M. Marc Fleuret, président du groupe de travail « autonomie et handicap » et président du département de l’Indre, Mme Silva Sahakian, conseillère handicap, et M. Brice Lacourieux, conseiller relations avec le Parlement

   Délégation interministérielle à l’accessibilité (DIA) – Mme Isabelle Saurat, déléguée interministérielle à l’accessibilité, M. Alain Maison, chargé de mission, et Mme Léna Le Houerou, chargée de communication

   M. Jonas Ruskus, rapporteur spécial du comité des droits des personnes handicapées de l’ONU pour la France en 2021

   Collectif Capdroits  M. Benoît Eyraud, enseignant à l’Université Lyon 2, membre du collectif, Mme Marika Lefki, Mme Chantal Bruno, M. Florian Chaléard, M. Christophe Dupont, Mme Isabel Miranda, M. Paul Véron, M. Philippe Aubert et Mme Camille Carpentier, membres du collectif

   Fondation pour le logement des défavorisés  M. Manuel Domergue, directeur des études

   SNCF *– Mme Laëtitia Monrond, directrice accessibilité de SNCF Réseau, M. Éric Lenfant, directeur adjoint du développement des gares et du schéma directeur d’accessibilité des gares de l’Île‑de‑France (SNCF Gares et connexions), M. Jérôme Mangili, chef du pôle accessibilité (SNCF Gares et connexions), Mme Agnès Chiroux, directrice du programme simplicité clients voyageurs (SNCF voyageurs), Mme Laurence Nion, conseillère parlementaire du groupe SNCF, et M. Julien Duperray, relations extérieures de SNCF Réseau

   Commission européenne – Mme Lucie Davoine, cheffe d’unité à la direction générale justice et consommateurs – unité handicap

   Direction de l’habitat, de l’urbanisme et des paysages (DHUP)  M. Olivier Marfaing, adjoint au sous-directeur de la qualité et du développement durable dans la construction, Mme Hélène Bertic, adjointe au chef du bureau de la réglementation technique et de la construction et de l’Outre-mer, M. Antoine Konieczka, adjoint au sous-directeur des politiques de l’habitat, M. Florent Aubert, chargé de mission au sein de la sous-direction des politiques de l’habitat, et M. Gaël Le Bourgeois, délégué ministériel à l’accessibilité au sein de délégation ministérielle à l’accessibilité du secrétariat général du ministère de la transition écologique

        Table ronde :

 Fonds pour l’insertion des personnes handicapées dans la fonction publique (FIPHFP) – Mme Marine Neuville, directrice

– Association de gestion du fonds pour l’insertion des personnes handicapées (Agefiph) – M. Christian Ploton, président, et M. Didier Eyssartier, directeur général

   Régie autonome des transports parisiens (RATP) *– M. Jimmy Brun, porte-parole et directeur de la communication, de l’engagement, de la marque, du marketing et du commercial du groupe RATP, et M. Quentin Cornic, responsable affaires publiques et parlementaires

   Direction interministérielle du numérique (Dinum) – Mme Stéphanie Schaer, directrice, et M. Jérémie Vallet, adjoint à la directrice et chef du département appui, conseil et expertise

        Table ronde :

 France Universités * M. Thomas Ducados, chargé de mission vie étudiante et vie de campus, et M. Antoine Guéry, chargé des relations parlementaires et institutionnelles

 Conférence des grandes écoles (CGE) * M. Marc Sagot, adjoint au délégué général en charge des relations extérieures et parlementaires, M. Xavier Quernin, délégué handicap de l’Institut polytechnique UniLaSalle, coordinateur du plaidoyer institutionnel handicap de la CGE, et Mme Sophie Odone, référente diversité et inclusion

        Table ronde :

 Collège des directeurs et directrices des écoles nationales supérieures d’architecture et de paysage  Mme Christine Leconte, directrice de l’école nationale supérieure d’architecture de Paris-Belleville (ENSA Paris-Belleville), et M. Alexis Markovics, directeur des études

 Conseil national de l’ordre des architectes *– Mme Marie Steenkiste, conseillère nationale de l’ordre des architectes, ancienne présidente du conseil régional de l’ordre des architectes Hauts-de-France

   Association nationale des architectes des bâtiments de France (ANABF)  M. Benjamin Aba-Perea, secrétaire général

   M. François-Xavier Bieuville, préfet de Mayotte

   Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA)  M. Maëlig Le Bayon, directeur général

        Table ronde :

 M. David Ursulet, sous-préfet chargé de mission de lutte contre la pauvreté, auprès du préfet de la région Guyane

– Collectivité territoriale de Guyane  Mme Vanessa Asselas, cheffe du département prévention et gestion des dispositifs sociaux et médico-sociaux, et Mme Géraldine Ho Tin Noe, cheffe du service autonomie

   Association pour la prise en compte du handicap dans les politiques publiques et privées (APHPP) – M. Matthieu Annereau, président, M. Vincent Julé et M. Guillaume Baugin, vice-présidents, et Mme Anaïs Annereau, stagiaire

        Table ronde consacrée à La Réunion :

 M. Frédéric Sautron, sous-préfet en charge de la cohésion sociale et de la jeunesse, et M. Brian Tourre, adjoint au sous-préfet en charge des politiques de prévention

 Conseil départemental de La Réunion – Mme Nathalie Anoumby, directrice générale adjointe des services – Pôle des solidarités, et Mme Aurélie Nativel, directrice de l’autonomie

 Maison départementale des personnes handicapées (MDPH) – M. Déva Radakichenin, directeur

 Rectorat – M. Jean Devries, conseiller technique en charge de l’école inclusive

– Délégation régionale académique à la jeunesse, à l’engagement et aux sports (Drajes) – Mme Elvire Teza, conseillère technique et pédagogique sport

   CLE Autistes – M. Thibault Corneloup, co-président CLE Autistes Île‑de‑France, Mme Natacha Guiller, M. Jérôme Tribout, et M. Jessy André Redha Pougnaud, membres du groupe plaidoyer

        Table ronde :

 Union sociale de l’habitat (USH) *– M. Alban Charrier, adjoint au directeur en charge de l’activité réglementaire, responsable du département politiques techniques, direction de la maîtrise d’ouvrage et des politiques patrimoniales, M. Thierry Asselin, directeur des politiques urbaines et sociales, et M. Antoine Galewski, directeur des relations institutionnelles et parlementaires

 Fédération des promoteurs immobiliers (FPI) de France *– M. Benoit Aiglon, vice-président, M. Rémy Defay, directeur technique, qualité et achats de l’immobilier résidentiel et des régions chez VINCI Immobilier, et Mme Bérengère Joly, directrice juridique

 Fédération française du bâtiment (FFB) *– M. Alain Chapuis, référent national « accessibilité et prévention », M. Jean-Charles Griffon du Bellay, ingénieur technique, et Mme Soraya Pitou, cheffe du service « législation du travail »

 Confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment (Capeb) *– M. Thierry Ravon, administrateur confédéral en charge de l’accessibilité, Mme Sylvie Montout, directrice des affaires économiques, et M. Thibaut Bousquet, directeur des affaires publiques

   Ministère du travail, de la santé, des solidarités et des familles  Direction générale de l’offre de soins (DGOS)  Mme Constance Favereau, adjointe à la sous-directrice de la prise en charge hospitalière et des parcours ville-hôpital, et Mme Claire Defives, adjointe à la cheffe du bureau de la prise en charge en santé mentale et des publics vulnérables

   Comité interministériel du handicap (CIH)  Mme Céline Poulet, secrétaire générale, Mme Sophie Rattaire, coordinatrice interministérielle à l’accessibilité universelle, et M. Maxime Oillaux, chef de projet « Participation des personnes »

   Ministère du travail, de la santé, des solidarités et des familles  Direction générale de la cohésion sociale (DGCS)  M. Benjamin Voisin, adjoint au directeur général, chef du service des politiques sociales et médico-sociales, et M. Joris Jonon, adjoint à la sous-direction du service autonomie des personnes handicapées et des personnes âgées

 

 

* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le répertoire de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale.


   Annexe N°3 :
Contribution écrite

Mme Justine GRUET, députée du Jura - 16 juin 2025

 

Je remercie tout particulièrement l’ensemble des personnes rencontrées en audition qui ont permis de nourrir mes réflexions qui, je l’espère, contribueront de manière constructive au rapport d’évaluation de la loi sur le Handicap.

 

En tant que députée profondément engagée pour l’égalité des droits et des chances, la loi du 11 février 2005 a toujours représenté pour moi un jalon législatif fondamental dans la reconnaissance des droits de nos concitoyens en situation de handicap. Vingt années se sont écoulées depuis sa promulgation, et si ce texte a indéniablement ouvert de nouvelles perspectives et instauré des droits essentiels, mon devoir, en tant que représentante de la Nation, m’oblige à un constat lucide : la pleine effectivité de ces droits se heurte encore trop souvent à un accompagnement insuffisant des politiques publiques et à des obstacles concrets dans le quotidien des personnes concernées et de leurs familles.

 

C’est pourquoi, forte de mes échanges avec les acteurs de terrain, les associations, les familles et les personnes directement concernées, une évaluation approfondie et sans complaisance de l’application de cette loi me paraît aujourd’hui non seulement opportune, mais impérative. Mon objectif est clair : identifier avec précision les axes d’amélioration nécessaires pour garantir une égalité des droits et des chances qui ne soit pas seulement un principe affirmé, mais une réalité vécue par chacun. Cette contribution se veut une étape dans cette démarche, un éclairage sur les défis persistants et les pistes d’action que je compte porter avec détermination.

 

Avant de l’utiliser pour la première fois dans ce rapport, je tiens à rappeler que le terme « inclusion » signifie en latin « enfermé ». Bien que communément employé, il suscite chez moi une interrogation sur le message sous-jacent qui est envoyé à travers cette locution.

 

Le droit à compensation du handicap constitue, à mes yeux, la pierre angulaire de l’autonomie des personnes en situation de handicap. Il vise à répondre aux besoins spécifiques engendrés par le handicap, qu’il s’agisse d’aides humaines, d’aides techniques, d’aménagements du logement ou du véhicule, ou encore de charges spécifiques. Or, l’accès effectif à ce droit, si fondamental soit-il, est encore trop souvent entravé par la complexité administrative et la multiplicité des aides existantes. La navigation complexe entre la Prestation de Compensation du Handicap (PCH), l’Allocation aux Adultes Handicapés (AAH) et l’Allocation d’Éducation de l’Enfant Handicapé (AEEH) représente un véritable labyrinthe, source de découragement et d’incompréhension pour les bénéficiaires et leurs familles, qui se sentent parfois perdus face à des procédures obscures et répétitives.

 

Je suis convaincue qu’une simplification des démarches administratives est essentielle. Elle permettrait des économies de gestion significatives, centraliserait les informations pour les professionnels et les usagers, faciliterait le dépôt et le suivi des dossiers, et réduirait considérablement le sentiment de perte de temps et de confusion souvent ressenti par les demandeurs. À cet égard, l’action de la MDPH du Jura, qui offre déjà des réponses claires et un accompagnement personnalisé dès le premier contact, est une source d’inspiration.

 

Pour aller plus loin vers une approche plus humaine, l’intelligence artificielle pourrait être un levier précieux en optimisant l’instruction des dossiers et en libérant ainsi du temps pour un accompagnement plus personnalisé.

 

Au-delà de cette simplification administrative, je crois profondément à la nécessité d’intégrer davantage d’humanité dans l’accompagnement des personnes en situation de handicap et de leurs familles. Cela passe par une écoute attentive de leurs besoins spécifiques, une information claire, accessible et personnalisée, et un soutien émotionnel face aux défis souvent considérables qu’ils rencontrent au quotidien. Les professionnels en charge de l’instruction et de l’évaluation des dossiers doivent être sensibilisés à la dimension humaine de leur mission, en privilégiant le dialogue et la compréhension des situations individuelles.

 

Parallèlement à cette simplification et à cet impératif d’humanité, une harmonisation des critères d’attribution des différentes aides est essentielle pour garantir une équité de traitement sur l’ensemble du territoire national. Les disparités actuelles dans l’interprétation et l’application des critères peuvent conduire à des injustices et à un profond sentiment d’incompréhension pour les personnes qui, confrontées à des situations similaires, se voient accorder des droits différents selon leur lieu de résidence. Une réflexion plus profonde sur une refonte globale du système des aides financières est également nécessaire. L’évaluation de la pertinence d’une fusion ou d’une meilleure articulation entre l’AEEH et l’AAH, voire l’intégration de certaines composantes de la PCH au sein de ces allocations, pourrait aboutir à un système plus cohérent, lisible et véritablement adapté aux parcours de vie des personnes handicapées, de l’enfance à l’âge adulte.

 

L’intégration des outils basés sur l’intelligence artificielle pourrait également apporter une aide précieuse dans la simplification des démarches administratives. Des systèmes d’assistance personnalisée au remplissage des dossiers, d’automatisation de certaines étapes du processus et de suivi en temps réel de l’avancement des demandes pourraient considérablement faire gagner du temps pour les demandeurs et les professionnels. Cependant, il est crucial que le développement et l’utilisation de ces outils se fassent dans le respect de la confidentialité des données et en complément d’un contact humain indispensable.

 

Un point spécifique qui mérite une attention particulière, et sur lequel j’ai été interpellée à de nombreuses reprises, concerne la prise en charge différenciée du matériel handicap selon l’âge. Les transitions entre les systèmes dédiés à l’enfance, à l’âge adulte et au vieillissement peuvent engendrer des ruptures préjudiciables dans l’accès aux aides techniques, pourtant essentielles à l’autonomie. La mise en place de protocoles de transition fluides et d’une évaluation continue des besoins tout au long du parcours de vie est cruciale pour assurer une continuité et une équité dans l’accès aux aides techniques nécessaires, sans que les personnes ne se retrouvent freinées dans leur quotidien par des démarches complexes et des délais inacceptables.

 

L’accessibilité universelle, principe fondamental de la loi de 2005, demeure, vingt ans après, un défi majeur. Si des avancées réglementaires ont été enregistrées, notamment en matière de construction neuve, leur application effective dans les transports et les espaces publics reste trop souvent lacunaire. Les bus inaccessibles, la voirie et les bâtiments publics non adaptés sont autant d’obstacles qui entravent la participation pleine et entière des personnes en situation de handicap à la vie de la cité, notamment dans les territoires ruraux.

 

Je plaide pour un renforcement significatif d’un réel accompagnement en amont pour s’assurer du respect strict des normes d’accessibilité, assorti de sanctions dissuasives en cas de non-conformité en aval. Il est inacceptable que les constructions nouvelles d’établissements recevant du public continuent d’ignorer les obligations légales en matière d’accessibilité et que l’on ne s’appuie pas plus sur l’expertise des publics concernés. Parallèlement, une amélioration de l’information et de la signalétique dans les transports et les espaces publics, utilisant des formats adaptés à tous les types de handicap (braille, gros caractères, pictogrammes clairs, informations sonores), est essentielle pour garantir une mobilité autonome et digne pour tous.

 

L’accessibilité des outils numériques est devenue une condition sine qua non de l’inclusion sociale et professionnelle. Dans un monde de plus en plus digitalisé, l’impossibilité d’accéder à l’information en ligne, aux services publics numériques ou aux plateformes d’emploi constitue une exclusion de fait. Le développement de normes d’accessibilité numérique plus strictes et le renforcement des contrôles de leur application, notamment en rendant obligatoire l’audit d’accessibilité pour les plateformes numériques des organismes publics et des entreprises importantes, sont nécessaires. Des programmes d’accompagnement numérique et de formation à l’utilisation des outils d’assistance pour les personnes ayant des handicaps sensoriels ou cognitifs doivent être développés et largement diffusés. La généralisation de l’utilisation du Facile à Lire et à Comprendre (FALC) pour les informations importantes et la systématisation de leur envoi au format papier pour les personnes qui en ont besoin sont également des mesures essentielles pour garantir une information accessible à tous.

 

Un frein important à l’accessibilité réside dans le manque de formation des professionnels du bâtiment, en particulier des architectes. Rendre obligatoire une formation initiale et continue sur l’accessibilité universelle pour ces professionnels est une nécessité pour intégrer avec logique ces principes dès la conception des espaces et éviter ainsi des coûts supplémentaires liés à des mises aux normes ultérieures. En matière de logement, au-delà des avancées dans les constructions neuves, des incitations financières et des dispositifs d’accompagnement renforcés doivent être mis en place pour encourager l’adaptation du parc existant, afin que chacun puisse vivre dans un environnement adapté à ses besoins.

 

Concernant le matériel handicap, je crois qu’il est impératif d’explorer de nouvelles pistes pour améliorer l’accès et réduire les coûts. L’intégration d’un marché de seconde main reconditionnée, encadré par des règles strictes de reconditionnement, une certification des reconditionneurs, une information transparente et un consentement éclairé des utilisateurs, ainsi qu’une prise en charge par les organismes financeurs, pourrait améliorer significativement l’accès aux aides techniques, réduire les coûts pour les personnes et la collectivité, et favoriser une économie circulaire.

 

Concernant l’obligation d’inclusion scolaire, inscrite dans la loi de 2005, est un principe fondamental auquel je suis profondément attachée. Chaque enfant, quelle que soit sa situation de handicap, a le droit de grandir et d’apprendre au sein d’un environnement scolaire ordinaire, gage d’une meilleure inclusion sociale future. Cependant, force est de constater que cette obligation n’a pas toujours été suivie de la mise en œuvre des moyens nécessaires pour permettre à chaque enfant de trouver véritablement sa place dans un environnement d’apprentissage adapté à ses besoins spécifiques.

 

Une inclusion peut, faute de moyens et de préparation, créer une fausse impression d’égalité sans réelle adaptation. Or, si l’intention d’une école inclusive est noble et nécessaire, sa mise en œuvre se heurte à des difficultés considérables.

 

Aujourd’hui, je souhaite insister sur plusieurs leviers d’action essentiels pour que l’inclusion devienne une véritable opportunité d’épanouissement. Cela nécessite en premier lieu une formation initiale et continue de qualité en pédagogie inclusive pour tous les enseignants. Ils doivent être outillés pour adapter leurs pratiques pédagogiques, identifier les besoins spécifiques de chaque élève et mettre en œuvre des stratégies d’enseignement différenciées. Une revalorisation du statut et un renforcement significatif du nombre d’Accompagnants d’Élèves en Situation de Handicap (AESH) sont également cruciaux. Leur rôle est essentiel pour soutenir l’inclusion des élèves, et il est impératif de leur offrir une formation adéquate, des conditions de travail dignes et une reconnaissance de leur engagement.

Face aux inégalités territoriales et à la nécessité de concentrer les moyens, je crois qu’il est pertinent d’étudier la création de Réseaux d’Éducation Inclusive (REI), sur le modèle des Réseaux d’Éducation Prioritaire (REP). L’objectif serait de concentrer dans ces zones des ressources humaines et matérielles renforcées, notamment en réduisant les effectifs des classes accueillant des élèves en situation de handicap et en y affectant des professionnels spécialisés (enseignants spécialisés, psychologues scolaires, ergothérapeutes, etc.). Un allègement des structures administratives au profit d’un renforcement des équipes opérationnelles sur le terrain pourrait également permettre de répondre plus efficacement aux besoins concrets des élèves et des équipes éducatives. La mise en place d’indicateurs de la qualité de l’inclusion, la facilitation de l’accompagnement lors des voyages scolaires, la désignation de référents handicap dans les écoles primaires, une réflexion sur la garde des enfants handicapés avant 4 ans et l’application du bon sens en matière d’accessibilité au sein des établissements scolaires sont autant de pistes à explorer pour une inclusion véritablement qualitative.

 

L’inclusion dans le monde du travail est un enjeu majeur pour l’autonomie et la dignité des personnes en situation de handicap. Or, le fonctionnement et le rôle des Établissements et Services d’Aide par le Travail (ESAT) soulèvent parfois des interrogations légitimes. Si ces structures ont vocation à offrir une activité professionnelle adaptée aux capacités des personnes handicapées, il est essentiel de veiller à ce qu’elles ne deviennent pas des lieux de relégation pour des personnes ayant des compétences permettant une insertion en milieu ordinaire. Je suis attentive à la nécessité d’une amélioration des tâches proposées en ESAT et d’une réflexion sur la retraite des travailleurs en ESAT par la mise en place d’un système de cotisation juste et équitable.

 

L’insertion professionnelle des personnes handicapées en milieu ordinaire doit être une priorité. Le développement des réseaux d’entreprises inclusives, un accompagnement renforcé de l’AGEFIPH, et la mise en place de mesures incitatives pour l’embauche de personnes handicapées sont des leviers essentiels. Le développement de structures d’accueil adaptées aux personnes handicapées vieillissantes est également crucial pour garantir un accompagnement qualitatif.

 

Sur le volet Citoyenneté et Participation à la vie sociale, il faut renforcer l’inclusion.
Je crois au développement des Groupes d’Entraide Mutuelle (GEM) et au renforcement de leur financement, à la généralisation de l’utilisation du FALC pour l’information et à la pérennisation du dispositif "Facile à Voter". L’accessibilité de la culture, des loisirs et des sports doit également être une priorité.

 

Concernant les Maisons Départementales des Personnes Handicapées (MDPH), elles jouent un rôle central dans l’accompagnement des personnes en situation de handicap. Il est donc impératif d’améliorer leur fonctionnement. Cela passe par une simplification permettant une meilleure efficacité des moyens, un renforcement de l’aspect humain de l’accompagnement, la généralisation d’un premier rendez-vous en présentiel, la facilitation de la transmission des dossiers entre départements en cas de déménagement par des logiciels communs, et l’intégration d’outils numériques pour optimiser le traitement des demandes, et remettre au cœur un contact humain essentiel et de qualité.

 

Enfin, je tiens à saluer l’initiative des notaires de France qui ont lancé Not’isme, un programme dédié à l’accompagnement des familles confrontées aux troubles du neurodéveloppement (TND) comme l’autisme ou les troubles "Dys". Ce dispositif essentiel vise à faciliter la vie des personnes en situation de handicap et de leurs proches, en les conseillant notamment sur la sécurisation de leur patrimoine.

 

En conclusion, je suis pleinement consciente des défis qui persistent vingt ans après la loi de 2005. Mon engagement en tant que députée est de continuer à œuvrer avec détermination pour une inclusion réelle et effective des personnes en situation de handicap dans tous les domaines de la vie. Cette contribution n’est qu’une étape dans un travail continu que je mènerai avec conviction, en étroite collaboration avec les personnes concernées, les associations et les acteurs de terrain, afin que l’égalité des droits et des chances devienne enfin une réalité pour tous.



















([1]) Comité des droits des personnes handicapées, Observations finales concernant le rapport initial de la France, 4 octobre 2021.

([2]) Comité européen des droits sociaux, 17 avril 2023, Forum européen des personnes handicapées (EDF) et Inclusion Europe c. France, n° 168/2018.

([3]) À noter qu’une même personne peut déposer plusieurs demandes pour différents droits et prestations ou parcours d’orientation.

([4]) CNSA, « Attribution des droits par les MDPH en 2023 », Repères statistiques, mars 2025.

([5]) Par opposition à l’accueil et la scolarisation en établissement médico-social.

([6]) Drees, Le handicap en chiffres, 2024.

([7]) Union localisée pour l’inclusion scolaire.

([8]) Unité d’enseignement autisme.

([9]) Loi n° 2025-127 du 14 février 2025 de finances pour 2025.

([10]) Ministère chargé de l’enseignement supérieur, Les étudiants en situation de handicap dans l’enseignement supérieur, 2024.

([11]) Exposé des motifs du projet de loi.

([12]) Baromètre annuel 2020 du Défenseur des droits et de l’Organisation internationale du travail.

([13]) Association nationale de gestion du fonds pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées.

([14]) Fonds pour l’insertion des personnes handicapées dans la fonction publique.

([15]) APF France handicap, Enquête auprès des citoyens en situation de handicap dans la perspective de l’élection présidentielle, 2022.

([16]) Rapport de l’Inspection générale de l’environnement et du développement durable (IGEDD) qui n’a pas été rendu public mais que les rapporteurs se sont procuré.

([17]) Ordonnance n° 2014-1090 du 26 septembre 2014 relative à la mise en accessibilité des établissements recevant du public, des transports publics, des bâtiments d’habitation et de la voirie pour les personnes handicapées, ratifiée par la loi n° 2015-988 du 5 août 2015 ratifiant l’ordonnance n° 2014-1090 du 26 septembre 2014.

([18]) Contribution écrite de la DHUP.

([19])Selon les données disponibles en ligne sur le site internet du ministère du travail, de la santé, des solidarités et de la famille.

([20]) Décret n° 2023-993 du 27 octobre 2023 relatif à l’instauration du fonds territorial d’accessibilité à destination des micro, petites et moyennes entreprises classées établissements recevant du public de 5e catégorie.

([21]) https://www.senat.fr/questions/base/2025/qSEQ25040459S.html

([22])Quatre motifs de dérogation sont prévus en droit : l’impossibilité technique ; la conservation du patrimoine ; les conséquences excessives sur l’activité de l’établissement ; le refus de la copropriété.

([23]) Le validisme peut être défini comme un ensemble de croyances, de processus et de pratiques dans le cadre duquel la personne valide constitue la norme sociale. Il produit des discriminations systémiques et de stigmates dont sont victimes les personnes handicapées.

([24]) Loi n° 2009‑1791 du 31 décembre 2009 autorisant la ratification de la convention relative aux droits des personnes handicapées et décret n° 2010‑356 du 1er avril 2010 portant publication de la convention relative aux droits des personnes handicapées.

([25]) Dans cette approche, le handicap est appréhendé comme une déficience individuelle qui doit être corrigée par un traitement médical pour permettre aux personnes de participer à la vie sociale.

([26]) Loi n° 75-534 du 30 juin 1975 d’orientation en faveur des personnes handicapées.

([27]) Catherine Barral, « Reconfiguration internationale du handicap et loi du 11 février 2005 », La lettre de l’enfance et de l’adolescence, 2008/3, n° 73.

([28]) Cette définition est codifiée à l’article L. 114 du code de l’action sociale et des familles.

([29]) Jean-François Ravaud, « Politiques du handicap : état des lieux », Regards sur l’actualité : mensuel de la vie publique en France, 2011.

([30]) Article 66 de la loi du 11 février 2005, codifié à l’article L. 241‑5 du code de l’action sociale et des familles.

([31]) Commission nationale consultative des droits de l’Homme, Guide pratique sur la Convention internationale relative aux droits des personnes handicapées, 2021.

([32]) Audition de la Commission nationale consultative des droits de l’Homme.

([33]) Défenseur des droits, « La Convention relative aux droits des personnes handicapées. Comprendre et mobiliser la Convention pour défendre les droits des personnes handicapées », décembre 2016.

([34]) Loi n° 99‑174 du 10 mars 1999 autorisant l’approbation de la Charte sociale européenne (révisée) et décret n° 2000‑110 du 4 février 2000 portant publication de la Charte sociale européenne (révisée) (ensemble une annexe), faite à Strasbourg le 3 mai 1996.

([35]) Violation de l’article 3 de la Convention : CEDH, 24 octobre 2006, Vincent c. France ; CEDH, 19 février 2015, Hlehal c. France.

([36]) Violation de l’article 14 de la Convention combiné avec l’article 1er du protocole n° 1 : CEDH, 30 septembre 2003, Koua Poirrez c. France.

([37]) Directive 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000 portant création d’un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail.

([38]) Directive 2016/2102 du Parlement européen et du Conseil du 26 octobre 2016 relative à l’accessibilité des sites internet et des applications mobiles des organismes du secteur public.

([39]) Comité des droits des personnes handicapées, Observations finales concernant le rapport initial de la France, 4 octobre 2021.

([40]) Comité européen des droits sociaux, 17 avril 2023, Forum européen des personnes handicapées (EDF) et Inclusion Europe c. France, n° 168/2018.

([41]) ONU, « La France n’a pas encore intégré l’approche du handicap fondée sur les droits de l’homme, regrette le Comité des droits des personnes handicapées », communiqué de presse, 23 août 2021.

([42]) Défenseur des droits, rapport parallèle du Défenseur des droits dans le cadre de l’examen du rapport initial de la France sur la mise en œuvre de la Convention des Nations unies relative aux droits des personnes handicapées, juillet 2021.

([43]) Commission nationale consultative des droits de l’Homme, « 20 ans de la loi Handicap : la CNCDH appelle la France à changer de paradigme », communiqué de presse du 13 février 2025.

([44]) Comité européen des droits sociaux, décision sur le bien-fondé : Forum européen des personnes handicapées (EDF) et Inclusion Europe c. France, réclamation n° 168/2018, 17 avril 2023.

([45]) Commission nationale consultative des droits de l’Homme, Guide pratique sur la Convention internationale relative aux droits des personnes handicapées, 2021.

([46]) Commission nationale consultative des droits de l’Homme, « 20 ans de la loi Handicap : la CNCDH appelle la France à changer de paradigme », op. cit.

([47]) Défenseur des droits, rapport parallèle du Défenseur des droits dans le cadre de l’examen du rapport initial de la France sur la mise en œuvre de la Convention des Nations unies relative aux droits des personnes handicapées, op. cit.

([48]) Contribution écrite de Mme Odile Maurin.

([49]) Article L. 5213‑6 du code du travail.

([50]) Organisation mondiale de la santé, « Global report on health equity for persons with disabilities », décembre 2022.

([51]) Ibid.

([52]) Ministère de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire, « Les grandes familles ou typologies de handicap », 18 juin 2023.

([53]) Ministère de la santé et de la prévention, « Santé mentale et psychiatrie. Synthèse du bilan de la feuille de route », 3 mars 2023.

([54]) Données de l’assurance maladie.

([55]) Ibid.

([56]) Témoignages extraits du compte Instagram Drawyourfight, association à but non lucratif qui sensibilise au handicap visible et invisible.

([57]) Commission nationale consultative des droits de l’Homme, « Enquête sur les préjugés et stéréotypes à l’égard du handicap en France. Rapport rédigé par Cindy Lebat sur l’enquête de la CNCDH conduite en avril 2021 », 15 avril 2022.

([58]) Paris Aéroport, « Voyager avec un handicap invisible », avril 2024.

([59]) Article 64 de la loi du 11 février 2005.

([60]) Contribution écrite de la Défenseure des droits.

([61]) Commission nationale consultative des droits de l’homme, « Enquête sur les préjugés et stéréotypes à l’égard du handicap en France. Rapport rédigé par Cindy Lebat sur l’enquête de la CNCDH conduite en avril 2021 », 15 avril 2022.

([62]) Ibid.

([63]) Contribution écrite de Mme Odile Maurin.

([64]) Contribution écrite du Collectif Lutte et handicaps pour l’égalité et l’émancipation.

([65]) Centre d’études sociologiques, « Une démarche inclusive pour construire le décret inclusion. Processus de concertation collective en vue de la proposition d’un nouveau décret relatif à l’inclusion des personnes handicapées en Région de Bruxelles-Capitale », 2011.

([66]) Commission nationale consultative des droits de l’Homme, « Enquête sur les préjugés et stéréotypes à l’égard du handicap en France. Rapport rédigé par Cindy Lebat sur l’enquête de la CNCDH conduite en avril 2021 », op. cit.

([67]) Article L. 5213-1 du code du travail.

([68]) Articles L. 245-1 et D. 245‑4 du code de l’action sociale et des familles.

([69]) Articles L. 821-1 et L. 821‑2 du code de la sécurité sociale.

([70]) Contribution écrite de CLE Autistes.

([71]) Henri-Jacques Stiker, « Vieillesse, pauvreté et handicap dans l’histoire », Revue d’histoire de la protection sociale, 2015/1, n° 8.

([72]) Catherine Gucher, « Des fondements aux enjeux contemporains des politiques publiques du handicap et de la vieillesse : divergences et convergences », Empan, 70(2), pp. 105‑114.

([73]) Kevin Charras, Colette Eynard, Fany Cérèse et Ankel Cérèse, « Handicap, vieillissement : histoire, politiques publiques et pratiques en évolution », S’affranchir du concept de handicap. Critique constructive d’une notion obsolète, In Press, 2022.

([74]) Loi n° 75-534 du 30 juin 1975 d’orientation en faveur des personnes handicapées.

([75]) Loi n° 75-535 du 30 juin 1975 relative aux institutions sociales et médico-sociales.

([76]) Catherine Gucher, op. cit.

([77]) Kevin Charras, Colette Eynard, Fany Cérèse et Ankel Cérèse, op. cit.

([78]) Catherine Gucher, op. cit.

([79]) Loi n° 2002‑2 du 2 janvier 2002 rénovant l’action sociale et médico-sociale.

([80]) Kevin Charras, Colette Eynard, Fany Cérèse et Ankel Cérèse, op. cit.

([81]) Loi n° 2015‑1776 du 28 décembre 2015 relative à l’adaptation de la société au vieillissement.

([82]) Loi n° 2020‑992 du 7 août 2020 relative à la dette sociale et à l’autonomie.

([83]) Contribution écrite de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie.

([84]) Kevin Charras, Colette Eynard, Fany Cérèse et Ankel Cérèse, op. cit.

([85]) Cour des comptes, « L’accompagnement des personnes en situation de handicap vieillissantes », 2023.

([86]) Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques, Le handicap en chiffres, 2024.

([87]) Contribution écrite de la Fédération des établissements hospitaliers et d’aide à la personne.

([88]) Cour des comptes, « L’accompagnement des personnes en situation de handicap vieillissantes », op. cit.

([89]) Comité des droits des personnes handicapées, Observation générale n° 5 sur l’autonomie de vie et l’inclusion dans la société, octobre 2017.

([90]) Défenseur des droits, rapport parallèle dans le cadre de l’examen du rapport initial de la France sur la mise en œuvre de la Convention des Nations unies relative aux droits des personnes handicapées, op. cit.

([91]) Loi n° 2020‑220 du 6 mars 2020 visant à améliorer l’accès à la prestation de compensation du handicap.

([92]) Décret n° 2020‑1826 du 31 décembre 2020 relatif à l’amélioration de la prestation de compensation du handicap.

([93]) Ils sont définis à l’article L. 160‑8 du code de la sécurité sociale.

([94]) Articles D. 245‑5 à D. 245‑9 et chapitre 2 du code de l’action sociale et des familles.

([95]) Décret n° 2022‑570 du 19 avril 2022 relatif à la prestation de compensation mentionnée à l’article D. 245‑9 du code de l’action sociale et des familles.

([96]) Articles D. 245‑10 à D. 245‑12 et chapitre 3 de l’annexe 2-5 du code de l’action sociale et des familles.

([97]) Articles D. 245‑13 à D. 245‑22 du même code.

([98]) Article D. 245‑23 du même code.

([99]) Articles D. 245‑24 à D. 245‑24‑4 du même code.

([100]) Article L. 146‑9 du même code.

([101]) Article D. 245‑31 du même code.

([102]) Loi n° 2020‑220 du 6 mars 2020 visant à améliorer l’accès à la prestation de compensation du handicap.

([103]) Défenseur des droits, rapport parallèle du Défenseur des droits dans le cadre de l’examen du rapport initial de la France sur la mise en œuvre de la Convention des Nations unies relative aux droits des personnes handicapées, op. cit.

([104]) Contribution écrite de la direction générale de la cohésion sociale.

([105]) Article 94 de la loi n° 2007‑1786 du 19 décembre 2007 de financement de la sécurité sociale pour 2008 et décret n° 2008‑451 du 7 mai 2008 relatif à l’accès des enfants à la prestation de compensation.

([106]) Inspection générale des affaires sociales, « Accueillir, évaluer, décider : Comment les maisons départementales des personnes handicapées traitent les demandes des usagers ? », juin 2024.

([107]) Rapport d’évaluation des politiques de sécurité sociale « Autonomie » annexé au projet de loi d’approbation des comptes de la sécurité sociale pour 2024.

([108]) Arrêtés du 28 décembre 2005 fixant les montants maximaux attribuables au titre des éléments de la prestation de compensation, et fixant les tarifs de l’élément de la prestation de compensation mentionné au 1° de l’article L. 245‑3 du code de l’action sociale et des familles.

([109]) Article L. 245‑6 du code de l’action sociale et des familles.

([110]) Article L. 146‑5 du code de l’action sociale et des familles.

([111]) Ibid.

([112]) Conseil d’État, 1ère/6ème sous-sections réunies, 24 février 2016, n° 383070.

([113]) Loi n° 2020‑220 du 6 mars 2020 visant à améliorer l’accès à la prestation de compensation du handicap.

([114]) Conseil d’État, 1ère chambre, 21 mai 2021, n° 383070.

([115]) Décret n° 2022‑639 du 25 avril 2022 relatif à l’amélioration des fonds départementaux de compensation du handicap.

([116]) Conseil national consultatif des personnes handicapées, avis défavorable portant sur le projet de décret relatif « à l’amélioration des fonds départementaux de compensation du handicap », mentionné à l’article L. 146‑5 du code de l’action sociale et des familles, assemblée plénière du 18 mars 2022.

([117]) Contribution écrite de Départements de France.

([118]) Contribution écrite de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie.

([119]) Contribution écrite du Collectif Luttes et handicaps pour l’égalité et l’émancipation.

([120]) Contribution écrite d’Odile Maurin.

([121]) Ibid.

([122]) Défenseur des droits, rapport parallèle du Défenseur des droits dans le cadre de l’examen du rapport initial de la France sur la mise en œuvre de la Convention des Nations unies relative aux droits des personnes handicapées, op. cit.

([123]) Décret n° 2020‑1826 du 31 décembre 2020 relatif à l’amélioration de la prestation de compensation du handicap.

([124]) Contribution écrite d’Odile Maurin.

([125]) Il s’agit du département, de l’État, des autres collectivités territoriales, des organismes d’assurance maladie, des caisses d’allocations familiales, des organismes régis par le code de la mutualité, de l’Agefiph et du FIPHFP ainsi que des autres personnes morales concernées peuvent participer au financement du fonds.

([126]) Contribution écrite de l’Association des directeurs de MDPH (ADMDPH).

([127]) Igas, « Accueillir, évaluer, décider : comment les maisons départementales des personnes handicapées traitent les demandes des usagers ? », juin 2024.

([128]) Une même personne peut cependant déposer plusieurs demandes pour différents droits et prestations ou parcours d’orientation.

([129]) CNSA, « Attribution des droits par les MDPH en 2023 », Repères statistiques, mars 2025.

([130]) Contribution écrite de l’Association des directeurs de maison départementale des personnes handicapées.

([131]) Contribution écrite de Départements de France.

([132]) Contribution écrite d’Odile Maurin.

([133]) Loi n° 2020-220 du 6 mars 2020 visant à améliorer l’accès à la prestation de compensation du handicap et décret n° 2021-1394 du 27 octobre 2021 relatif à la durée d’attribution de la prestation de compensation du handicap.

([134]) Inspection générale des affaires sociales, « Accueillir, évaluer, décider : comment les maisons départementales des personnes handicapées traitent les demandes des usagers ? », juin 2024.

([135]) Audition de Maëlig Le Bayon.

([136]) Inspection générale des affaires sociales, « Accueillir, évaluer, décider : comment les maisons départementales des personnes handicapées traitent les demandes des usagers ? », juin 2024.

([137]) Contribution écrite d’Odile Maurin.

([138]) Inspection générale des affaires sociales, « Accueillir, évaluer, décider : comment les maisons départementales des personnes handicapées traitent les demandes des usagers ? », juin 2024.

([139]) Ibid.

([140]) Contribution écrite du Collectif Luttes et handicaps pour l’égalité et l’émancipation.

([141]) Igas, « Accueillir, évaluer, décider : comment les maisons départementales des personnes handicapées traitent les demandes des usagers ? », juin 2024.

([142]) Ibid.

([143]) Contribution écrite d’Odile Maurin.

([144]) Inspection générale des affaires sociales, « Accueillir, évaluer, décider : comment les maisons départementales des personnes handicapées traitent les demandes des usagers ? », juin 2024.

([145]) Contribution écrite de l’Assemblée des départements de France.

([146]) Rapport d’évaluation des politiques de sécurité sociale « Autonomie » annexé au projet de loi d’approbation des comptes de la sécurité sociale pour 2024.

([147]) Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques, Le handicap en chiffres, 2024.

([148]) Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques, Le handicap en chiffres, 2024.

([149]) Loi n° 75-534 du 30 juin 1975 d’orientation en faveur des personnes handicapées.

([150]) Cour des comptes, L’allocation aux adultes handicapés, 2019.

([151]) Les ressources prises en compte sont celles de l’année N‑2.

([152]) Article 10 de la loi n° 2022‑1158 du 16 août 2022 portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat et décret n° 2023‑360 du 11 mai 2023 relatif à la déconjugalisation de l’allocation aux adultes handicapés (AAH).

([153]) Article D. 821‑1 du code de la sécurité sociale.

([154]) Ibid.

([155]) Loi n° 2018‑1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019.

([156]) CNCPH, « PLF 2023 : pour une Allocation aux adultes handicapés (AAH) a minima égale au seuil de pauvreté dès le 1er janvier 2023 », septembre 2022.

([157]) Ordonnance n° 2014‑463 du 7 mai 2014 portant extension et adaptation à Mayotte des dispositions du code de l’action sociale et des familles relatives à l’adoption, à l’allocation personnalisée d’autonomie et à la prestation de compensation du handicap.

([158]) Ordonnance n° 2008‑859 du 28 août 2008 relative à l’extension et à l’adaptation outre-mer de diverses mesures bénéficiant aux personnes handicapées et en matière d’action sociale et médico-sociale.

([159]) Décret n° 2020‑1518 du 4 décembre 2020 relatif à l’allocation d’éducation de l’enfant handicapé à Mayotte.

([160]) Cour des comptes, L’allocation aux adultes handicapés, 2019.

([161]) Cour des comptes, Le revenu de solidarité active (RSA), 2022.

([162]) Contribution écrite du Collectif Lutte et handicaps pour l’égalité et l’émancipation.

([163]) Ces derniers correspondent notamment aux activités suivantes : se comporter de façon logique et sensée ; se repérer dans le temps et les lieux ; assurer son hygiène corporelle ; s’habiller et se déshabiller de façon adaptée ; manger des aliments préparés ; assumer l’hygiène de l’élimination urinaire et fécale ; effectuer les mouvements (se lever, s’asseoir, se coucher) et les déplacements (au moins à l’intérieur d’un logement).

([164]) Guide-barème pour l’évaluation des déficiences et incapacités des personnes handicapées, annexe 2‑4 du code de l’action sociale et des familles.

([165]) Inspection générale des affaires sociales, « Accueillir, évaluer, décider : comment les maisons départementales des personnes handicapées traitent les demandes des usagers ? », juin 2024.

([166]) Ce point est développé dans la partie consacrée à l’emploi du présent rapport (Partie II. III)

([167]) Medhi Contrel, « Une histoire d’inclusion », Psychologues et Psychologies, 2019/5, n° 264.

([168]) Lois n° 75‑535 du 30 juin 1975 relative aux institutions sociales et médico-sociales et n° 75‑534 du 30 juin 1975 d’orientation en faveur des personnes handicapées.

([169]) Medhi Contrel, op. cit.

([170]) Catherine Barral, « Reconfiguration internationale du handicap et loi du 11 février 2005 », La lettre de l’enfance et de l’adolescence, 2008/3 n° 73.

([171]) Loi n° 2002‑2 du 2 janvier 2002 rénovant l’action sociale et médico-sociale.

([172]) Benoît Eyraud et Louis Triaille, « Désinstitutionnaliser le handicap, instituer l’autonomie », Alter, 2024.

([173]) Ibid.

([174]) Comité des droits des personnes handicapées, Observation générale n° 5 sur l’autonomie de vie et l’inclusion dans la société, 2017.

([175]) Ibid.

([176]) Comité des droits des personnes handicapées, Lignes directrices pour la désinstitutionnalisation, y compris dans les situations d’urgence, 2022.

([177]) Ibid.

([178]) CapDroits, « L’autonomie de vie comme droit humaine. Une contribution aux débats sur les conditions personnelles, interpersonnelles et institutionnelles de l’autonomie », 2022.

([179]) Benoit Eyraud et Louis Triaille, op. cit.

([180]) CapDroits, « L’autonomie de vie comme droit humaine. Une contribution aux débats sur les conditions personnelles, interpersonnelles et institutionnelles de l’autonomie », 2022.

([181]) Audition du Collectif Luttes et handicaps pour l’égalité et l’émancipation.

([182]) Comité des droits des personnes handicapées, Observations finales concernant le rapport initial de la France, 4 octobre 2021.

([183]) Décret n° 2017‑982 du 9 mai 2017 relatif à la nomenclature des établissements et services sociaux et médico-sociaux accompagnant des personnes handicapées ou malades chroniques.

([184]) Les services d’éducation spéciale et de soins à domicile (SESSAD) ne sont pas mentionnés en tant que tels dans cette liste alors qu’ils font par ailleurs l’objet d’une réglementation spécifique, codifiée dans le code de l’action sociale et des familles, et variable selon qu’ils interviennent auprès d’enfants ou d’adolescents présentant des déficiences intellectuelles ou une déficience motrice.

([185]) Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques, L’aide sociale aux personnes âgées ou handicapées, 2024.

([186]) Contribution écrite de la Défenseure des droits.

([187]) Cour des comptes, L’accompagnement des personnes en situation de handicap vieillissantes, septembre 2023.

([188]) Contribution écrite de la Défenseure des droits.

([189]) Article 22 de la loi n° 89‑18 du 13 janvier 1989 portant diverses mesures d’ordre social.

([190]) Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques, « 174 000 enfants et adolescents handicapés sont accompagnés par des structures dédiées fin 2022 », Études et résultats, mars 2025.

([191]) Contribution écrite de la Défenseure des droits.

([192]) Cour des comptes, L’accueil des Français en situation de handicap en Wallonie, septembre 2024.

([193]) Cour des comptes, L’accueil des Français en situation de handicap en Wallonie, septembre 2024.

([194]) Ibid.

([195]) Michel Foucault, Surveiller et punir, 1975.

([196]) Erving Goffman, Asiles, 1961.

([197]) Medhi Contrel, op. cit.

([198]) CapDroits, « L’autonomie de vie comme droit humaine. Une contribution aux débats sur les conditions personnelles, interpersonnelles et institutionnelles de l’autonomie », 2022.

([199]) Audition de M. Alexandre Ployé.

([200]) Voir notamment le rapport n° 339 (2002‑2003) de la commission d’enquête sénatoriale sur la maltraitance envers les personnes handicapées accueillies en établissements et services sociaux et médico-sociaux et les moyens de la prévenir, 12 juin 2003 (M. Paul Blanc, président ; M. Jean-Marc Juilhard, rapporteur).

([201]) CapDroits, op. cit.

([202]) Défenseur des droits, rapport parallèle du Défenseur des droits dans le cadre de l’examen du rapport initial de la France sur la mise en œuvre de la Convention des Nations unies relative aux droits des personnes handicapées, op. cit.

([203]) Contribution écrite de la direction générale de la cohésion sociale.

([204]) Contribution écrite de la direction générale de la cohésion sociale.

([205]) Contribution écrite de la Défenseure des droits.

([206]) Benoit Eyraud et Louis Triaille, Désinstitutionnaliser le handicap, instituer l’autonomie, Alter, 2024.

([207]) Contribution écrite de la Défenseure des droits.

([208]) Comité des droits des personnes handicapées, Lignes directrices pour la désinstitutionnalisation, y compris dans les situations d’urgence, 2022.

([209]) Fédération hospitalière de France, Baromètre de l’accès aux soins, 2025.

([210]) Cour des comptes, Organisation territoriale des soins de premier recours, 2024.

([211]) Ipsos, « Santé : un accès aux soins de plus en plus difficile en France », Enquête pour la Fédération hospitalière de France, mars 2024.

([212]) Ibid.

([213]) Conseil national de l’ordre des médecins, « Le difficile accès aux soins des personnes handicapées », Médecins, avril 2020.

([214]) APF France handicap, « Santé : stop aux inégalités sociales et territoriales ! », 2022.

([215]) Réseau Pro Santé, « Actualités : Entretien avec Elisa Rojas sur le validisme dans le soin », 5 juillet 2023.

([216]) Laetitia Rebord, « Le validisme médical : une lecture handiféministe », 7 avril 2025.

([217]) CLE Autistes, « Le validisme et la psychophobie », Formation Pôle Communication, 2021.

([218]) Contribution écrite de CLE Autistes.

([219]) Guylaine Cloutier et Philippe Maugiron, « La pair-aidance en santé mentale : l’expérience québécoise et française », L’information psychiatrique, 2016/9, Volume 92.

([220]) Article L. 2123‑2 du code de la santé publique.

([221]) Défenseur des droits, rapport parallèle du Défenseur des droits dans le cadre de l’examen du rapport initial de la France sur la mise en œuvre de la Convention des Nations unies relative aux droits des personnes handicapées, juillet 2021.

([222]) Lucia Riera Bosqued et Laura Llach Gil, « France : stérilisation des femmes handicapées, le consentement en jeu », Euronews, 6 juin 2023.

([223]) Rapport d’information de la délégation aux droits des femmes du Sénat (n°14), « Violences, femmes et handicap : dénoncer l’invisible et agir », déposé le 3 octobre 2019.

([224]) Lucia Riera Bosqued et Laura Llach Gil, op. cit.

([225]) Loi n° 2025-127 du 14 février 2025 de finances pour 2025.

([226]) Toutefois, le terme ne figure pas en tant que telle dans la loi de 2005. Il est introduit dans le code de l’éducation par la loi n° 2013-595 du 8 juillet 2013 d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République.

([227]) Loi n° 75-534 du 30 juin 1975 d’orientation en faveur des personnes handicapées.

([228]) Igas et IGEN, Rapport sur l’accès à l’enseignement des enfants et adolescents handicapés, 1999.

([229]) Loi n° 2013-595 du 8 juillet 2013 d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République.

([230]) Règle qui figure aujourd’hui à l’article L. 112-1 du code de l’éducation.

([231]) Article L. 112-2 du code de l’éducation.

([232]) Article L. 112-2 du code de l’éducation.

([233]) Rapport établi par le Sénat en première lecture sur l’examen du projet de loi.

([234]) Article L. 112-2-1 du code de l’éducation.

([235]) Article L. 112-4 du code de l’éducation.

([236]) Article 22 de la loi codifié à l’article L. 312-15 du code de l’éducation.

([237]) Loi n° 2014-1278 du 29 décembre 2013 de finances pour 2014.

([238]) Loi n° 2019-701 du 26 juillet 2019 pour une école de la confiance.

([239]) Contribution écrite de la direction générale de l’enseignement scolaire (Dgesco).

([240]) Il en existe au total une quarantaine entre le premier et le second degré selon les chiffres de l’Éducation nationale.

([241]) Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance (DEPP), Repères et références statistiques, 2024.

([242]) Drees, Le handicap en chiffres, 2024.

([243]) Contribution écrite de la Dgesco.

([244]) Drees, Le handicap en chiffres, 2024.

([245]) Ibid.

([246]) DEPP, Repères et références statistiques, 2024.

([247]) CNCDH, Les politiques publiques du handicap, 2022.

([248]) Cour des comptes, L’inclusion scolaire des élèves en situation de handicap, septembre 2024.

([249]) Igas – IGESR, Acte II de l’école inclusive, 2023.

([250]) Loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 de finances pour 2014.

([251]) DEPP, repères et références statistiques, 2024.

([252]) Contribution écrite de la Dgesco.

([253]) Cour des comptes, L’inclusion scolaire des élèves en situation de handicap, septembre 2024.

([254]) Collectif Handicaps, Loi du 11 février 2005, quel bilan 20 ans plus tard ?, 2025.

([255]) https://www.sgen-cfdt.fr/actu/rased-un-dispositif-mis-a-mal/

([256]) Sénat, réponse du ministère de l’éducation nationale à la question écrite n° 15767, 15ème législature.

([257]) CNCDH, Les politiques publiques du handicap, 2022.

([258]) Cour des comptes, L’inclusion scolaire des élèves en situation de handicap, septembre 2024.

([259]) Le Monde, L’école inclusive implique une révolution pédagogique, 11 février 2025.

([260]) Audition de M. Alexandre Ployé.

([261]) Voir notamment le rapport précité de la Cour des comptes sur l’inclusion scolaire.

([262]) Contribution écrite de la FNSF.

([263]) Le Monde, L’école inclusive, la politique actuelle ne permet pas de couvrir l’ensemble des besoins de manière efficace et équitable, 16 septembre 2024.

([264]) Dans l’ordre : programme personnalisé de réussite éducative, plan d’accompagnement personnalisé, projet personnalisé de scolarisation, guide d’évaluation des besoins en matière de compensation, unités localisées pour l’inclusion scolaire, unité d’enseignement, unité d’enseignement externalisé, unité d’enseignement maternelle autisme, unité d’enseignement élémentaire autisme, pôle inclusif d’accompagnement localisé, pôle d’accompagnement, spécialisé, équipe mobile d’appui à la scolarisation.

([265]) Le Monde, L’école inclusive, la politique actuelle ne permet pas de couvrir l’ensemble des besoins de manière efficace et équitable, 16 septembre 2024.

([266]) Conformément à la loi n° 2022-1574 du 16 décembre 2022 visant à lutter contre la précarité des accompagnants d’élèves en situation de handicap et des assistants d’éducation.

([267])Assemblée nationale, XVIIe législature, publication de la réponse au Journal officiel le 4 février 2025, Réponse à la question écrite n° 524

([268]) Loi n° 2024-475 du 27 mai 2024 visant la prise en charge par l’État de l’accompagnement humain des élèves en situation de handicap durant le temps de pause méridienne.

([269]) Conformément au décret n° 2018-666 du 27 juillet 2018 modifiant le décret n° 2014-724 du 27 juin 2014 relatif aux conditions de recrutement et d’emploi des accompagnants des élèves en situation de handicap.

([270]) Cour des comptes, L’inclusion scolaire des élèves en situation de handicap, septembre 2024.

([271]) En ce sens, un amendement défendu par la rapporteure Mme le Nabour, adopté en séance publique à l’Assemblée nationale sur la proposition de loi de Mme Julie Delpech visant à renforcer le parcours inclusif des élèves en situation de handicap, prévoit l’obligation de formation des AESH dans les deux mois suivant leur prise de poste.

([272])  Loi n° 2023-1322 du 29 décembre 2023 de finances pour 2024.

([273]) Eux-mêmes créés par la loi « école de la confiance » précitée.

([274]) Proposition de loi visant à renforcer le parcours inclusif des élèves en situation de handicap n° 439, XVIIe législature.

([275]) https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/amendements/1360/AN/69

([276]) Sénat, rapport n° 725 fait au nom de la commission de la culture, de l’éducation, de la communication et du sport sur la proposition de loi adoptée par l’Assemblée nationale visant à accélérer le parcours inclusif des enfants à besoins éducatifs particuliers, enregistré à la présidence du Sénat le 11 juin 2025.

([277]) DEPP, Repères et références statistiques, 2024.

([278])Cour des comptes, L’inclusion scolaire des élèves en situation de handicap, septembre 2024.

([279]) Ibid.

([280]) Voir notamment le rapport de l’Igas et de l’IGESR sur l’Acte II de l’école inclusive et le rapport de la Cour des comptes sur l’inclusion scolaire précités.

([281]) Instituts en charge de la formation initiale des étudiants souhaitant présenter les concours de l’enseignement.

([282]) Cour des comptes, Devenir enseignant : la formation initiale et le recrutement des enseignants des premiers et second degrés, 2023.

([283]) Inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche (IGESR), Inspection générale des finances (IGF), Scolarisation des enfants en situation de handicap, 2022.

([284]) Sondage IFOP pour le Collectif Handicaps, 2024.

([285]) Collectif Handicaps, Loi du 11 février 2005, quel bilan 20 ans plus tard ?, 2025.

([286])  Site internet de l’Académie de Grenoble.

([287]) Raffaele Ciambrone, L’évolution du modèle inclusif en Italie, mis en ligne sur Cairn.info le 7 septembre 2018.

([288]) Inspection générale de l’administration de l’éducation nationale et de la recherche, L’inclusion des élèves en situation de handicap en Italie, février 2018.

([289]) Le Monde, L’école inclusive implique une révolution pédagogique, 11 février 2025.

([290]) Cour des comptes, L’inclusion scolaire des élèves en situation de handicap, septembre 2024.

([291]) Dispositions aujourd’hui codifiées à l’article L. 123-4-2 du code de l’éducation.

([292]) La circulaire du 6 février 2023 détaille les adaptations et aménagements des épreuves d’examen et de concours pour les candidats en situation de handicap ou avec un trouble de santé invalidant dans l’enseignement supérieur.

([293]) Loi n° 2013-660 du 22 juillet 2013 relative à l’enseignement supérieur et à la recherche.

([294]) Loi n° 2018-166 du 8 mars 2018 relative à l’orientation et à la réussite des étudiants.

([295]) Voir le décret n° 2021-752 du 11 juin 2021 relatif aux conditions dans lesquelles les étudiants demandent le réexamen de leurs candidatures en première année d’une formation conduisant au diplôme national de master en raison de leur état de santé ou de leur handicap.

([296]) Voir le décret n° 2021-1480 du 12 novembre 2021 relatif à l’organisation des classes préparatoires aux grandes écoles et à la continuité des aménagements des épreuves des examens ou concours de l’enseignement supérieur pour les candidats en situation de handicap.

([297]) Circulaire du 10 juillet 2024 relative aux droits des étudiants en situation de handicap ou avec un trouble de santé invalidant dans le cadre de leur parcours de formation dans l’enseignement supérieur.

([298]) L’étudiant « aidant » est alors employé dans le cadre d’un contrat étudiant.

([299]) Ministère chargé de l’enseignement supérieur, Les étudiants en situation de handicap dans l’enseignement supérieur, 2024.

([300]) Le Monde, L’accès aux études supérieures, une série d’obstacles pour les étudiants handicapés, 5 novembre 2024.

([301]) https://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/fr/bo/2024/Hebdo28/ESRS2418046C

([302]) Proposition du CNCPH pour un établissement d’enseignement supérieur accessible.

([303]) Contribution écrite.

([304]) Certains éléments existent déjà, tels que la possibilité de continuer à percevoir l’AAH (exception permise par l’article L. 821-1 du code de la sécurité sociale, rappelée dans la circulaire précitée).

([305]) Exposé des motifs du projet de loi.

([306]) Ainsi, 44 % des personnes reconnues en situation de handicap sont actives contre 73 % de l’ensemble de la population, selon les chiffres de la Drees, Le handicap en chiffres, 2023.

([307]) Loi n° 57-1223 du 23 novembre 1957 sur le reclassement des personnes handicapées.

([308]) Articles L. 5212‑1 et L. 5212-2 du code du travail.

([309]) Ses missions sont aujourd’hui décrites aux articles L. 351-7 et L. 351-15 du code général de la fonction publique.

([310]) Décret n° 2012-943 du 1er août 2012 fixant le montant prévu au second alinéa de l’article L. 5212-10 du code du travail dans le cadre de l’obligation d’emploi des travailleurs handicapés.

([311]) Loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel.

([312]) Loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises.

([313]) Agefiph et FIPHFP, 2005 – 2025, l’emploi des personnes en situation de handicap, février 2025.

([314]) Dares, L’obligation d’emploi des travailleurs handicapés en 2023, 2023.

([315]) Contribution écrite du FIPHFP.

([316]) Id.

([317]) Id.

([318]) Igas, La gouvernance de la politique d’emploi des personnes en situation de handicap, janvier 2025.

([319]) Ibid.

([320]) Igas, Handicaps et emploi, 20192020, et Igas-IGF, Convergence des droits des travailleurs handicapés en établissement et services d’aide par le travail (Esat) vers un statut de quasi-salarié, 2024.

([321]) Le montant annuel de l’AETH peut atteindre jusqu’à 13 000 euros par an au bénéfice de l’employeur.

([322]) 33 millions d’euros prévus en 2025 contre 96 millions d’euros en 2023 selon le rapport de l’Igas.

([323]) Agefiph, « Emploi et chômage des personnes handicapées », 2023, pp. 8‑9.

([324]) Dares, « Temps partiel et conditions de travail », Analyses n° 34, mai 2024, pp. 1‑8, et Drees, op. cit., p. 62.

([325]) Drees, op. cit., p. 66.

([326]) Contribution écrite de France Travail.

([327]) Contribution écrite du Chlee.

([328])  Directive 2000/78/CE du 27 novembre 2000.

([329]) Modifications apportées à l’article L. 5213-2 du code du travail : suppression du principe d’une orientation vers un Esat, ou le marché du travail, ou un centre de rééducation professionnelle.

([330]) ter du I de l’article L. 5312-1 du code du travail.

([331]) Article 14 de la loi n° 2023‑1196 du 18 décembre 2023 pour le plein emploi.

([332]) Contribution écrite de France Travail.

([333]) Igas, La gouvernance de la politique d’emploi des personnes en situation de handicap, janvier 2025.

([334]) Avis présenté au nom de la commission des affaires sociales sur le projet de loi de finances pour 2025, crédits de la mission Solidarité, insertion et égalité des chances (n° 524, tome II).

([335]) Contribution écrite de France Travail.

([336]) Cette condition n’existe pas pour l’AAH 1 (taux d’incapacité supérieur à 80 %).

([337]) Article L. 5213-6-1 du code du travail.

([338]) Agefiph et Ifop, 6ème baromètre sur la perception de l’emploi des personnes handicapées, janvier 2024.

([339]) Contribution écrite du FIPHFP.

([340]) Extrait de l’exposé des motifs du projet de loi.

([341]) Article D. 5213‑63 du code du travail.

([342]) Cour des comptes, Les entreprises adaptées, 2023.

([343]) Plus de 6 000 places environ sont créées pendant cette période, comme l’indique le rapport d’information de M. Éric Bocquet sur les Esat, fait au nom de la commission des finances du Sénat (n° 409, 2014‑2015).

([344])  Loi n° 2022-217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale.

([345]) Précisions apportées par le décret n° 2022-1614 du 22 décembre 2022 relatif au calcul de l’allocation aux adultes handicapés en cas d’activité simultanée et à temps partiel en milieu ordinaire et dans un établissement et service d’aide par le travail.

([346]) L’article 4 du décret n° 2022-1561 du 13 décembre 2022 relatif au parcours professionnel et aux droits des travailleurs handicapés admis en établissements et services d’aide par le travail crée l’article R. 5213-1-2 du code du travail, qui prévoit que « le travailleur handicapé qui quitte un établissement ou un service d’aide par le travail pour rejoindre le milieu ordinaire de travail bénéficie obligatoirement, sans nouvelle décision de la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées, du parcours renforcé en emploi mentionné à l’article L. 5213-2 ».

([347]) Décret n° 2022-1561 du 13 décembre 2022.

([348]) Contribution écrite d’Andicat.

([349]) Selon les chiffres cités dans l’avis présenté au nom de la commission des affaires sociales sur le projet de loi de finances pour 2025, crédits de la mission Solidarité, insertion et égalité des chances (n° 524, tome II).

([350]) Thibault Petit, Le handicap à vendre, Les Arènes, 2022.

([351]) Igas, IGF, Convergence des droits des travailleurs handicapés en Esat vers un statut de quasi-salarié, février 2024.

([352]) Igas, IGF, Convergence des droits des travailleurs handicapés en Esat vers un statut de quasi-salarié, février 2024.

([353]) Loi n° 75-534 du 30 juin 1975 d’orientation en faveur des personnes handicapées.

([354]) Extrait du rapport n° 210 établi par la commission des affaires sociales du Sénat sur le projet de loi pour l’égalité des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, 11 février 2004.

([355]) Dispositions désormais codifiées aux articles L. 161-1 et L. 111-1 du code de la construction et de l’habitation.

([356]) Le décret n° 2006-555 du 17 mai 2006 relatif à l’accessibilité des établissements recevant du public, des installations ouvertes au public et des bâtiments d’habitation et modifiant le code de la construction et de l’habitation est venu préciser ces différentes règles, qui ont ensuite fait l’objet de plusieurs arrêtés.

([357]) Dispositions désormais codifiées à l’article L. 162-1 du code de la construction et de l’habitation.

([358]) Dispositions désormais codifiées aux articles L. 163-1 et L. 163-2 du code de la construction et de l’habitation.

([359]) Dispositions relatives aux ERP désormais codifiées aux articles L. 164-1 à L. 164-3 du code de la construction et de l’habitation. Le cadre juridique propre aux ERP est développé infra dans le rapport.

([360]) Par le décret n° 2015-1770 et l’arrêté du 24 décembre 2015 relatif à l’accessibilité aux personnes handicapées des bâtiments d’habitation collectifs et des maisons individuelles.

([361]) Pierre-Yves Baudot, Comment meurt un droit ? La loi Elan et la fin de l’accessibilité du bâti. Droit et Société : Revue internationale de théorie du droit et de sociologie juridique, 2023, 1 (113), pp.73-90.

([362])Dès 2013, la Fédération française du bâtiment évalue ce surcoût à 5 % et considère qu’il s’agit de l’un des freins à la construction de logements neufs.

([363]) Arrêté du 11 septembre 2020 modifiant l’arrêté du 24 décembre 2015 relatif à l’accessibilité aux personnes handicapées des bâtiments d’habitation collectifs et des maisons individuelles lors de leur construction. Obligation concernant les logements situés en rez-de-chaussée ou en étages desservis par ascenseur des bâtiments d’habitation collectifs et dans les maisons individuelles (à l’exception de celles réservées à l’usage du propriétaire).

([364]) Il s’agit du rapport initialement établi pour répondre à la demande de rapport du Gouvernement au Parlement prévue à l’article 64 de la loi Elan. Une autre version de ce rapport a été remise tardivement au Parlement (en mai 2025) mais son contenu diffère entièrement du rapport initialement établi par l’IGEDD.

([365]) Arrêté du 24 décembre 2015 relatif à l’accessibilité aux personnes handicapées des bâtiments d’habitation collectifs et des maisons individuelles lors de leur construction.

([366]) Contribution écrite de la Fédération française du bâtiment.

([367]) Les articles L. 181-11 à L. 181-13 prévoient notamment des procédures de mise en demeure, d’amendes et de provision comptable.

([368]) APF France handicap, Enquête auprès des citoyens en situation de handicap dans la perspective de l’élection présidentielle, 2022.

([369]) Selon les travaux des chercheurs Pierre-Yves Baudot et Thomas Chevallier, cités dans le rapport annuel 2025 de la Fondation pour le logement des défavorisés.

([370]) Anciennement Fondation Abbé Pierre.

([371]) Fondation pour le logement des défavorisés, 30e rapport annuel sur l’état du mal‑logement en France, 2025.

([372]) Alexandre Flage, Essais sur l’analyse économique des discriminations dans le marché de l’emploi et du logement locatif, septembre 2020.

([373]) Assemblée nationale, Question écrite n° 15171, Prise en compte de l’AAH pour les recherches de logements, réponse publiée au Journal officiel du 23 avril 2024.

([374]) Article 46 de la loi de 2005, codifié à l’article L. 2143-3 du code général des collectivités territoriales.

([375]) Enquête Share (Survey on Health, Ageing and Retirement in Europe), réalisée entre 2006 et 2007.

([376]) Contribution écrite de la DHUP.

([377]) Ancols et Credoc, Adaptation au vieillissement et au handicap dans le parc social, août 2024.

([378]) Le rapport distingue la notion d’accessibilité de celle d’adaptation : « L’accessibilité est principalement liée au handicap et consiste à prévenir les difficultés rencontrées pour accéder au logement [...]. L’adaptation consiste à répondre aux besoins particuliers de son occupant (en dehors des obligations réglementaires), afin de permettre la vie en autonomie de la personne concernée. »

([379]) Ancols et Credoc, Adaptation au vieillissement et au handicap dans le parc social, août 2024. Le rapport repose sur une enquête qualitative auprès de 362 bailleurs sociaux.

([380]) Source : Ancols et Credoc, Adaptation au vieillissement et au handicap dans le parc social, août 2024.

([381]) Ibid.

([382]) Contribution écrite de la DHUP.

([383]) Article 200 quater A du code général des impôts.

([384]) Enquête de l’Observatoire de la mobilité verticale.

([385]) Proposition de loi n° 269 adoptée par l’Assemblée nationale visant à lutter contre les pannes d’ascenseur non prises en charge.

([386]) Arrêté du 18 novembre 2004 relatif à l’entretien des installations d’ascenseurs.

([387]) Selon les travaux de l’économiste Pierre Madec, cités dans le rapport annuel 2025 de la Fondation pour le logement des défavorisés.

([388]) Ancols et Credoc, op. cit.

([389]) L’article R. 441-4 du code de la construction et de l’habitation prévoit ainsi : « Les logements construits ou aménagés en vue de leur occupation par des personnes handicapées sont attribués à celles-ci ou, à défaut de candidat, en priorité à des personnes âgées dont l’état le justifie ou à des ménages hébergeant de telles personnes. »

([390]) L’article 20 de la loi relative à l’adaptation de la société au vieillissement du 28 décembre 2015 permet de déroger, pour l’attribution de logements locatifs sociaux, aux priorisations fixées par la législation afin de pouvoir réserver des logements aux personnes en perte d’autonomie liée à l’âge ou au handicap. Cette mesure est codifiée aux troisième et quatrième alinéas du III de l’article L. 441-2 du code de la construction et de l’habitation.

([391]) Chiffres rappelés lors de l’audition de l’Union sociale pour l’habitat.

([392]) Ancols et Credoc, op. cit.

([393]) Contribution écrite de la DHUP.

([394]) Ce dégrèvement existe depuis la loi du 21 décembre 2001 donnant priorité à l’accès au logement social aux personnes handicapées.

([395]) Ancols et Credoc, op. cit.

([396]) Décret n° 2007-436 du 25 mars 2007 relatif à la formation à l’accessibilité du cadre bâti aux personnes handicapées ; l’arrêté du 26 mai 2008 fixe la liste des diplômes, titres et certifications délivrés par ces établissements concernés par l’obligation de formation à l’accessibilité du cadre bâti aux personnes handicapées ; l’arrêté interministériel du 22 janvier 2009 fixe quant à lui les références communes à la formation à l’accessibilité du cadre bâti aux personnes handicapées.

([397]) Contribution écrite.

([398]) Décret n° 2006-555 du 17 mai 2006 relatif à l’accessibilité des établissements recevant du public, des installations ouvertes au public et des bâtiments d’habitation et modifiant le code de la construction et de l’habitation.

([399]) Une partie du bâtiment ou de l’installation assure l’accessibilité des personnes handicapées, quel que soit leur handicap, à l’ensemble des prestations en vue desquelles l’établissement ou l’installation est conçu. Toutefois, une partie des prestations peut être fournie par des mesures de substitution.

([400]) Ordonnance n° 2014-1090 du 26 septembre 2014 relative à la mise en accessibilité des établissements recevant du public, des transports publics, des bâtiments d’habitation et de la voirie pour les personnes handicapées.

([401]) Igas, CGEDD et CGefi, Rapport sur les modalités d’application des règles d’accessibilité du cadre bâti pour les personnes handicapées, 2011.

([402]) Pierre-Yves Baudot, Comment meurt un droit ? La Loi Elan et la fin de l’accessibilité du bâti, op. cit.

([403]) Claire-Lise Campion, Compléter et améliorer le volet accessibilité de la loi du 11 février 2005 dans un cadre concerté, février 2014.

([404]) Loi n° 2014-789 du 10 juillet 2014 habilitant le Gouvernement à adopter des mesures législatives pour la mise en accessibilité des établissements recevant du public, des transports publics, des bâtiments d’habitation et de la voirie pour les personnes handicapées.

([405]) Ordonnance n° 2014-1090 du 26 septembre 2014 précitée, ratifiée par la loi n° 2015-988 du 5 août 2015 ratifiant l’ordonnance n° 2014-1090 du 26 septembre 2014.

([406]) Contribution écrite de la DHUP.

([407]) Données disponibles en ligne ici.

([408])Selon les données disponibles en ligne sur le site internet du ministère du travail, de la santé, des solidarités et de la famille.

([409]) Le Monde, Handicap : l’accessibilité des bâtiments, une exigence sans cesse repoussée, 26 avril 2023.

([410]) Décret n° 2023-993 du 27 octobre 2023 relatif à l’instauration du fonds territorial d’accessibilité à destination des micro, petites et moyennes entreprises classées établissements recevant du public de 5e catégorie.

([411]) Sénat, réponse de M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l’accès aux soins, à la question orale n° 0459S, XVIIe législature.

([412]) Comme indiqué par la DHUP dans sa contribution écrite : il n’existe pas d’exonération totale, de dérogation globale. Ainsi, il n’est pas possible pour un ERP d’être totalement inaccessible et pourtant conforme. Néanmoins, si une dérogation crée une rupture dans la chaîne du déplacement, alors il est autorisé de ne pas traiter les aménagements situés en aval du point de rupture et concernant le ou les handicaps impactés.

([413]) https://www.publicsenat.fr/actualites/societe/loi-handicap-de-2005-quel-bilan-vingt-ans-apres

([414]) Audition des architectes des bâtiments de France.

([415])  Assemblée nationale, XIIIe législature, avis budgétaire Culture et patrimoine sur le projet de loi de finances pour 2010, enregistré à la présidence de l’Assemblée nationale le 14 octobre 2009.

([416]) Décret n° 2006-1657 du 21 décembre 2006 relatif à l’accessibilité de la voirie et des espaces publics et décret n° 2006-1658 du 21 décembre 2006 relatif aux prescriptions techniques pour l’accessibilité de la voirie et des espaces publics.

([417]) Les bateaux correspondent à l’abaissement des trottoirs pour en faciliter le franchissement. Ils sont généralement situés au niveau des passages piétons et des entrées carrossables.

([418]) Les bandes d’éveil de la vigilance sont des dispositifs tactiles installés sur les sols afin d’alerter les personnes malvoyantes ou aveugles d’un danger imminent sur leur cheminement (route, escaliers, quais de métro, etc.).

([419]) Ordonnance n° 2014-1090 du 26 septembre 2014 relative à la mise en accessibilité des établissements recevant du public, des transports publics, des bâtiments d’habitation et de la voirie pour les personnes handicapées.

([420]) Contribution écrite du CLHEE.

([421]) APF France handicap et Ifop, « Accessibilité en France. Résultats d’ensemble et classement des métropoles », janvier 2020.

([422]) Ibid.

([423]) Contribution écrite de la Défenseure des droits.

([424]) Contribution écrite d’Odile Maurin.

([425])https://www.lagazettedescommunes.com/907247/comment-resoudre-rapidement-les-problemes-daccessibilite-a-la-voirie-pour-les-personnes-handicapees/

([426]) Ordonnance n° 2010-1307 du 28 octobre 2010 relative à la partie législative du code des transports.

([427]) Ordonnance n° 2014-1090 du 26 septembre 2014 relative à la mise en accessibilité des établissements recevant du public, des transports publics, des bâtiments d’habitation et de la voirie pour les personnes handicapées.

([428]) Décret n° 2014-1323 du 4 novembre 2014 relatif aux points d’arrêt des services de transport public à rendre accessibles de façon prioritaire aux personnes handicapées et précisant la notion d’impossibilité technique avérée.

([429]) Loi n° 2015-988 du 5 août 2015 ratifiant l’ordonnance n° 2014-1090 du 26 septembre 2014 relative à la mise en accessibilité des établissements recevant du public, des transports publics, des bâtiments d’habitation et de la voirie pour les personnes handicapées et visant à favoriser l’accès au service civique pour les jeunes en situation de handicap.

([430]) Article L. 1112-2-2 du code des transports.

([431]) Article L. 1112-2-3 du code des transports.

([432]) Article L. 1112-2-4 du code des transports.

([433]) Contribution écrite de la Défenseure des droits.

([434]) APF France handicap, « Pour un environnement des biens, services et activités accessibles à toutes et tous », 2022.

([435]) Contribution écrite d’APF France handicap.

([436]) Contribution écrite de la SNCF.

([437]) Contribution écrite du CLHEE.

([438]) Loi n° 2019-1428 du 24 décembre 2019 d’orientation des mobilités.

([439]) Dans sa rédaction résultant de la loi n° 2025-391 du 30 avril 2025 portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière économique, financière, environnementale, énergétique, de transport, de santé et de circulation des personnes.

([440]) Décret n° 2009‑546 du 14 mai 2009 pris en application de l’article 47 de la loi n° 2005‑102 du 11 février 2005 sur l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées et créant un référentiel d’accessibilité des services de communication publique en ligne.

([441]) Loi n° 2016‑1321 du 7 octobre 2016 pour une République numérique.

([442]) Directive (UE) 2016/2012 du Parlement Européen et du Conseil du 26 octobre 2016 relative à l’accessibilité des sites internet et des applications mobiles des organismes du secteur public.

([443]) Directive (UE) 2019/882 du Parlement européen et du Conseil du 17 avril 2019 relative aux exigences en matière d’accessibilité applicables aux produits et services (Texte présentant de l’intérêt pour l’EEE).

([444]) Cadre réglementaire français qui adapte les normes internationales d’accessibilité numérique (WCAG) afin de garantir que les sites internet, intranets, et applications soient accessibles aux personnes en situation de handicap.

([445]) Article L. 5213‑6 du code du travail.

([446]) Circulaire n° 6411‑SG relative à la lisibilité des sites internet de l’État et de la qualité des démarches numériques, 7 juillet 2023.

([447]) Directive (UE) 2016/2012 du Parlement Européen et du Conseil du 26 octobre 2016 relative à l’accessibilité des sites internet et des applications mobiles des organismes du secteur public.

([448]) Directive (UE) 2019/882 du Parlement européen et du Conseil du 17 avril 2019 relative aux exigences en matière d’accessibilité applicables aux produits et services (Texte présentant de l’intérêt pour l’EEE).

([449]) Norme EN 301 549 – Exigence d’accessibilité pour les produits et services TIC.

([450]) Loi n° 2023‑171 du 9 mars 2023 portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne dans les domaines de l’économie, de la santé, du travail, des transports et de l’agriculture.

([451]) Ordonnance n° 2023‑859 du 6 septembre 2023 prise en application du 1° du VII de l’article 16 de la loi n° 2023‑171 du 9 mars 2023 portant diverses dispositions d’adaptation de l’Union européenne dans les domaines de l’économie, de la santé, du travail, des transports et de l’agriculture.

([452]) Annonce faite dans le cadre du Comité interministériel du handicap (CIH) du 20 septembre 2023, présidé par la Première ministre Élisabeth Borne.

([453])  Contentsquare Foundation, Baromètre de l’accessibilité numérique, 2023.

([454]) Ministère chargé des personnes handicapées, Dossier de presse – 20 ans de la loi handicap, février 2025.

([455]) Fédération des aveugles de France, Observatoire du respect des obligations d’accessibilité numérique, juin 2025.

([456]) Direction interministérielle du numérique, Baromètre collectivités & numérique, les chiffres clés 2024.

([457]) Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, Schéma pluriannuel d’accessibilité numérique 2025‑2027.

([458]) Banque de France, Schéma pluriannuel d’accessibilité numérique, septembre 2023.

([459]) Le cloud computing (en français, « informatique dans les nuages ») fait référence à l’utilisation de la mémoire et des capacités de calcul des ordinateurs et des serveurs répartis dans le monde entier et liés par un réseau. Les applications et les données ne se trouvent plus sur un ordinateur déterminé mais dans un nuage (cloud) composé de nombreux serveurs distants interconnectés.

([460]) Direction interministérielle du numérique, rapport d’activité 2023, septembre 2024.

([461]) Ordonnance n° 2023‑857 du 6 septembre 2023 relative à l’accessibilité des personnes sourdes, malentendantes, sourdaveugles et aphasiques aux services téléphoniques.

([462]) Audition de la direction interministérielle du numérique.

([463]) Direction interministérielle du numérique « SEEPH 2024 : l’accessibilité numérique, une priorité pour le numérique de l’État », 25 novembre 2024.

([464]) Évènement au cours duquel des développeurs se réunissent durant plusieurs jours autour d’un projet collaboratif de programmation informatique ou de création numérique.

([465]) Outils s’appuyant sur l’intelligence artificielle générative (comme les modèles de langage ou d’image) qui se greffent à des logiciels ou systèmes existants afin d’en enrichir les fonctionnalités, d’en automatiser certaines tâches ou d’en faciliter l’usage.

([466]) Commission européenne, « Web accessibility – Accessibility overlays », 21 février 2025, cité par DesignGouv, « Les outils de surcouche et la conformité au RGAA », 18 décembre 2023.

([467]) Fédération des aveugles de France, ABC de l’accessibilité numérique – édition 2024.

([468]) Anne Caron Déglise, « L’évolution de la protection juridique des personnes. Reconnaître, soutenir et protéger les personnes les plus vulnérables », Rapport de mission interministérielle, 2018.

([469]) Jean Carbonnier, Section préliminaire de la théorie générale des incapacités, Droit civil I, Les personnes. Personnalité, incapacités, personnes morales, PUF, coll. Thémis, 17e éd., 2000, n° 98.

([470]) CDPH, Observation générale n° 1 relative à la reconnaissance de la personnalité juridique dans des conditions d’égalité (article 12), 2014.

([471]) Loi n° 2007-308 du 5 mars 2007 portant réforme de la protection juridique des majeurs.

([472]) Loi n° 68-5 du 3 janvier 1968 portant réforme du droit des incapables majeurs.

([473]) Ordonnance n° 2015-1288 du 15 octobre 2015 portant simplification et modernisation du droit de la famille.

([474]) Loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice.

([475]) Anne Caron‑Déglise, « L’évolution de la protection juridique des personnes. Reconnaître, soutenir et protéger les personnes les plus vulnérables », Rapport de mission interministérielle, 2018.

([476]) Contribution écrite de la Défenseure des droits.

([477]) Contribution écrite d’Odile Maurin.

([478]) Drees, Le handicap en chiffres, 2024.

([479]) Ibid.

([480]) CapDroits, « Capacités civiles et contraintes légales. Accompagner un changement de regards et de pratiques », Livret de plaidoyer, 2018.

([481]) Ancien article L. 5 du code électoral.

([482]) Article L. 200 du code électoral.

([483]) Article L. 230 du code électoral.

([484]) Article L. 62-2 du code électoral.

([485]) Article L. 57-1 du code électoral.

([486]) Loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice.

([487]) CNCDH, Avis sur le droit de vote des personnes handicapées. Citoyenneté et handicap « Le droit de vote est un droit, pas un privilège », 2017.

([488]) Défenseur des droits, L’accès au vote des personnes handicapées, mars 2015.

([489]) CNCPH, « Législatives 2024. Le mode d’emploi de la campagne accessible à tous », juin 2024.

([490]) Contribution écrite de la Défenseure des droits.

([491]Ibid.

([492]) Conseil constitutionnel, Décision n° 2024-6341 AN du 13 février 2025, A.N., Jura (2e circ.), Mme Évelyne Ternant.

([493]) Audrey Hénocque, « Le handicap – un mal-pensé des politiques publiques », Contribution publiée sur le site du CLHEE, 2023.

([494]) Elena Chamaro, « Associations gestionnaires : kesako ? », Entretien pour SUD éducation, 5 février 2025.

([495]) B. Cret, M. Robelet, M. et G. Jaubert, « La (dé)construction politique des associations gestionnaires d’établissements », Terrains & travaux, 2013.

([496]) Elsa Maudet, Sarah Bouillaud, « Handicap : ces militants qui cassent les codes », Libération, 2017.

([497]) Loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002 de modernisation sociale.

([498]) Décret n° 2023-844 du 30 août 2023 portant modification de la composition et du fonctionnement du Conseil national consultatif des personnes handicapées.

([499]) Loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle.

([500]) Décret n° 2009-1367 du 6 novembre 2009 portant création du comité interministériel du handicap.

([501]) Contribution écrite du SGCIH.

([502]) Conférence nationale du handicap, Dossier de presse, 26 avril 2023.

([503]) Circulaire du Premier ministre du 23 octobre 2017 relative à la mise en œuvre de la politique interministérielle en faveur des personnes handicapées et de leur inclusion.

([504]) Contribution écrite de la Défenseure des droits.

([505]) Ibid.