N° 1695

______

ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 9 juillet 2025.

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

en application de l’article 146 du Règlement

PAR LA COMMISSION DES FINANCES, dE L’Économie gÉnÉrale
et du contrÔLE BUDGÉTAIRE

sur l’efficacité de la réforme du calcul des aides au logement
et des dispositifs anti-fraude de la Cnaf

ET PRÉSENTÉ PAR

M. François Jolivet

Rapporteur spécial

——


 

SOMMAIRE

    

___

Pages

recommandations du rapporteur spÉcial

introduction

I. La gestion des aides au logement se caractÉrisait par une complexitÉ administrative prÉjudiciable pour les mÉnages modestes, appelant À une rÉforme du mode de calcul intervenue en 2021

A. Les aides au logement visent À rÉduire l’effort financier des mÉnages les plus modestes

1. Plusieurs dispositifs coexistent pour aider différentes catégories de populations vulnérables

2. Le mode de calcul de ces aides, soumises à des conditions de logement et de revenus, se caractérise par sa complexité

3. Le mode de financement des aides au logement a été simplifié

B. La contemporanÉisation du calcul des apl a fiabilisÉ le versement et a facilitÉ les dÉmarches des usagers

1. La contemporanéisation met fin à la désynchronisation de l’ouverture du droit à prestation et du versement de l’aide

2. La mise en œuvre du DRM a permis de simplifier les démarches des administrés dans l’examen de leur droit aux aides au logement

II. La rÉforme du calcul des aides au logement a entraÎnÉ une « machine À crÉer de la complexitÉ » susceptible d’alimenter la fraude sociale

A. La contemporanÉisation du mode de calcul des apl a eu des impacts contradictoires en matiÈre de simplification des dÉmarches des usagers et de lutte contre la fraude

1. La réforme systémique a entraîné un recours accru au déclaratif, source massive de complexité administrative et d’indus

2. Cette situation a par conséquent possiblement induit une augmentation des indicateurs de la fraude aux APL

B. L’action des CAF en matiÈre de lutte CONTRE LA FRAUDE a ÉtÉ rÉcemment modernisÉe mais Doit Être renforcÉe, notamment en matiÈre de lutte contre l’indÉcence des LOGEMENTS

1. La lutte contre la fraude opérée par les Caf s’exerce selon une approche par le risque, empêchant la collecte de données fiables et précises sur la fraude spécifique sur les APL

2. Le législateur a renforcé les pouvoirs de contrôle des Caf et les échanges de données pour accroître la pression sur les fraudeurs, malgré des marges d’amélioration

3. Les moyens dédiés au contrôle de la décence et de la performance énergétique, préalable nécessaire au versement des APL, sont insuffisants face à l’ampleur de l’enjeu

TRAVAUX DE LA COMMISSION

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LE RAPPORTEUR SPÉCIAL

 

 


 

 

   recommandations du rapporteur spÉcial

Recommandation  1 : poursuivre les travaux d’intégration de nouvelles ressources au sein du DRM, en particulier les travailleurs indépendants, les artistes-auteurs et les travailleurs frontaliers (Acoss, Cnaf, MSA).

Recommandation n° 2 : améliorer les connaissances de la Cnaf en matière de fraude, prestation par prestation (Cnaf).

Recommandation  3 : renforcer la lutte contre la fraude à l’occupation des logements conventionnés, prévenir la dissimulation de revenus des occupants de logements et définir au plus vite un plan de contrôle dédié (Cnaf).

Recommandation  4 : renforcer les moyens destinés aux contrôles de décence et de performance énergétique des logements conventionnés (Cnaf).

 

 


 

   introduction

Le présent rapport d’information, réalisé dans le cadre du Printemps de l’évaluation 2025, a pour objectif d’évaluer l’impact de la réforme du calcul des aides au logement, ainsi que l’efficacité des dispositifs anti-fraude mis en place par la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf).

Instaurées dès 1948, les aides personnelles au logement permettent de réduire l’effort financier des ménages les plus modestes afin de solvabiliser leurs dépenses de logement. Les APL bénéficiaient ainsi en 2023 à 5,87 millions de Français, soit 20 % des ménages, pour un budget de 17 milliards d’euros en 2024, soit 40 % de la dépense publique pour le logement.

Le mode de calcul de cette prestation sociale demeure très complexe au regard du nombre de paramètres pris en compte et de leur indexation à des indices de variation des prix. La réforme de la contemporanéisation ne visait pas à modifier ces paramètres, mais à mettre fin à la désynchronisation de l’ouverture du droit à prestation et du versement de l’aide, en passant d’une prise en compte des revenus d’activité salariée N-2 à celles de M-13 à M-2 (12 derniers mois des allocataires). Le montant mensuel de l’APL est désormais calculé par les organismes payeurs (Caf et caisses de MSA) tous les trimestres, grâce à l’utilisation du dispositif de ressources mensuelles (DRM), base-ressources adjointe à la déclaration sociale nominative (DSN). La mise en œuvre de ce DRM a permis de simplifier les démarches des administrés dans l’examen de leurs droits grâce au pré-remplissage de leur déclaration de ressources.

Bien que la simplification administrative n’ait pas constitué un objectif de la réforme du mode de calcul des APL – celle-ci ayant été conçue afin de mettre fin à des situations inéquitables entre allocataires d’une part, et dans le but de rechercher des économies budgétaires d’autre part –, il apparaît qu’elle a donné naissance à une véritable « machine à créer de la complexité ».

Les limites inhérentes au DRM ont conduit la Cnaf à prendre en compte trois bases ressources, avec des temporalités de référence différentes, au lieu d’une avant la réforme, ce qui a alimenté le recours au déclaratif. Cette situation a eu comme conséquence d’accroître le volume des indus, et possiblement, de la fraude.

Le rapporteur s’est ainsi intéressé aux moyens mis en œuvre par les Caf afin de lutter contre la fraude aux aides au logement. Malgré une baisse tendancielle du nombre de contrôles réalisés, ceux-ci apparaissent plus efficaces en matière de détection et de rappels des indus frauduleux, en particulier à l’appui de leur nouveau Service national de la lutte contre la fraude à enjeux (SNLFE).

Si le rapporteur se satisfait de sa montée en charge et observe une réelle prise en compte de l’ampleur de l’enjeu de cette fraude par la Cnaf et par le législateur, permettant aux caisses d’accroître leurs pouvoirs et de bénéficier d’échanges de données entre administrations, il appelle à intensifier les efforts, notamment en matière de fraude à l’occupation des logements conventionnés et à la dissimulation de revenus des occupants de logements, qui composent aujourd’hui près des deux tiers des fraudes.

Enfin, les allocations personnelles au logement ne peuvent être versées que si le logement occupé respecte les critères de décence et de performance énergétique. Face à l’ampleur de l’enjeu, il lui apparaît urgent d’accroître les moyens destinés aux contrôles des logements conventionnés afin de mettre fin à ce qui lui apparaît comme une « fraude du bailleur ».

 


 

I.   La gestion des aides au logement se caractÉrisait par une complexitÉ administrative prÉjudiciable pour les mÉnages modestes, appelant À une rÉforme du mode de calcul intervenue en 2021

A.   Les aides au logement visent À rÉduire l’effort financier des mÉnages les plus modestes

Les aides personnelles au logement (APL) ([1]) ont été instaurées en 1948 pour aider les familles avec l’allocation de logement familiale (ALF), puis ont été étendues aux personnes isolées (jeunes travailleurs et personnes âgées) avec l’allocation de logement sociale (ALS) en 1971 et, enfin aux locataires des logements sociaux conventionnés avec l’aide personnalisée au logement (APL) en 1977.

Ces aides au logement jouent un rôle central dans la redistribution monétaire au profit des plus modestes, en pesant pour près d’un tiers des transferts. Les APL bénéficiaient ainsi en 2023 à 5,87 millions de Français, soit 20 % des ménages ([2]). Elles représentent un budget de 17 milliards d’euros en 2024, soit 40 % de la dépense publique pour le logement ([3]). En 2015, 83 % des membres des ménages bénéficiaires d’aides au logement avaient un niveau de vie inférieur au quatrième décile de niveau de vie de l’ensemble de la population de France métropolitaine et 54 % un niveau de vie inférieur au deuxième décile. Leur taux de pauvreté s’élève ainsi à 40 %, largement supérieur à celui de l’ensemble de la population (14 %) ([4]).

1.   Plusieurs dispositifs coexistent pour aider différentes catégories de populations vulnérables

Les aides personnalisées au logement sont accessibles à toute personne locataire, ainsi qu’aux résidents en foyer et aux accédants à la propriété ayant souscrit un prêt aidé par l’État avant le 1er janvier 2018. Des dérogations pour les prêts signés entre cette date et le 31 décembre 2019, notamment en outre-mer, ont permis l’ouverture de droits aux aides au logement pour de nouveaux accédants à la propriété. Cependant, ces exceptions ne s’appliquent plus aux prêts signés depuis le 1er janvier 2020. Ces aides personnalisées au logement s’appliquent selon trois dispositifs différents :

– l’aide personnalisée au logement (APL), accordée en priorité, est destinée à toute personne résidant dans un logement conventionné. Pour les résidents en foyers, le conventionnement est possible et est décidé par accord entre l’État, le propriétaire et le gestionnaire ;

– l’allocation de logement à caractère familial (ALF) est attribuée aux ménages (personnes isolées et couples) ayant au moins un enfant à charge (ce qui représentait 98 % des bénéficiaires en 2020), un ascendant ou un proche parent infirme, ainsi qu’aux jeunes couples sans enfant à charge qui n’entrent pas dans le champ d’application de l’APL ;

– l’allocation de logement à caractère social (ALS) a été progressivement étendue à toute personne disposant de faibles ressources et ne pouvant prétendre ni à l’APL ni à l’ALF. Elle concerne principalement les jeunes, les étudiants, les ménages sans enfant (autres que les jeunes ménages) et les personnes âgées ou handicapées.

La distinction entre les différentes aides au logement est essentiellement une distinction administrative selon le type de financement et la population cible ([5]). Ces allocations, versées sous condition de ressources par les caisses d’allocations familiales (CAF) et de la Mutualité sociale agricole (MSA), ne sont pas cumulables. Elles concernent les résidences principales situées en France. Dans les départements et régions d’outre-mer, les droits à l’ALF et à l’ALS ont été ouverts plus tardivement (respectivement en 1976 et 1980), tandis que l’APL n’a pas été mise en place.

L’APL, l’ALS et l’ALF font partie d’un plus vaste ensemble d’aides au logement, à l’hébergement ou à l’accession à la propriété. Parmi elles figurent notamment l’aide sociale à l’hébergement (ASH), les aides du fonds de solidarité logement (FSL) et l’aide au logement temporaire (ALT).

2.   Le mode de calcul de ces aides, soumises à des conditions de logement et de revenus, se caractérise par sa complexité

Le versement de l’APL est soumis à différentes conditions portant aussi bien sur la nature du logement occupé que sur le niveau de revenus perçus par les potentiels allocataires.

● Le logement doit être décent (conforme aux normes de santé et de sécurité), occupé au moins huit mois dans l’année (par le bénéficiaire, son conjoint ou une personne à charge) et d’une superficie supérieure à la taille minimale requise (9 m² pour une personne seule, 16 m² pour deux personnes et augmentée de 9 m² par personne supplémentaire). Lorsque la condition de superficie n’est pas remplie, l’aide peut être versée par dérogation, par période de deux ans.

● Concernant les revenus, deux techniques d’actualisation permettent de tenir compte d’une évolution récente de la situation financière du ménage. Une neutralisation des revenus d’activité et de chômage est appliquée pour les personnes au revenu de solidarité active (RSA), au chômage non indemnisé ou au chômage indemnisé par le régime de solidarité, ou encore sur les revenus du conjoint dans le cas d’une séparation au sein du ménage. Un abattement de 30 % est pratiqué sur les revenus d’activité dans certains cas, comme lors de chômage partiel ou de chômage indemnisé par l’assurance chômage.

Pour les étudiants, jusqu’à 2020, leurs ressources étaient supposées supérieures ou égales à un montant « plancher ». Depuis 2021, les ressources sont réputées égales à un montant forfaitaire, minoré pour les étudiants boursiers.

Enfin, depuis octobre 2016, pour les foyers dont la somme du patrimoine mobilier financier et du patrimoine immobilier dépasse 30 000 euros, le patrimoine n’ayant pas produit de revenus imposables au cours de l’année de référence est pris en compte dans le calcul de l’allocation. Par ailleurs, les personnes rattachées au foyer fiscal de leurs parents ne sont pas éligibles aux aides au logement si ces derniers sont redevables de l’impôt sur la fortune immobilière (IFI).

● Le barème des aides personnelles au logement se caractérise par sa complexité excessive, comme le relève le rapporteur au regard du nombre de paramètres : schématiquement, les aides croissent avec le loyer – plafonné selon les trois zones géographiques – et avec la taille de la famille, et décroissent avec les revenus. De plus, un forfait représentatif des charges locatives est ajouté.

Les règles de calcul des aides personnelles au logement ([6])

Les règles de calcul en vigueur des aides personnelles au logement peuvent être formalisées de la manière suivante.

APL versée = L + C – (P0 + Tp * (R – R0)) – 5

L désigne le loyer éligible, correspondant au loyer principal pris en compte dans la limite d’un plafond fixé par arrêté en fonction de la zone géographique et de la composition familiale, à partir desquels il y a d’abord dégressivité puis annulation des APL. Concrètement, si le loyer réel de l’allocataire est supérieur au loyer plafond, le montant retenu pour le calcul est celui du plafond pertinent. En sus, deux seuils de loyers ont été créés en 2016 (premier seuil à partir duquel l’aide est dégressive, deuxième seuil à partir duquel l’aide est annulée) pour lutter contre les loyers élevés et favoriser l’optimisation de l’occupation du parc de logements, selon les capacités financières et la taille des ménages. Les aides personnelles au logement et le niveau des loyers sont aujourd’hui décorrélés, la grande majorité des loyers du parc privé étant supérieurs aux plafonds fixés.

C désigne le montant des charges forfaitaires, dit « forfait charges », qui dépend de la composition du foyer.

P0 désigne la participation minimale du ménage.

R représente les ressources du ménage, arrondies à la centaine d’euros supérieure. Pour les étudiants et depuis la réforme du versement contemporain des aides, R est remplacé par une constante dite montant forfaitaire de ressources applicable aux étudiants. Il est à noter que les ressources des parents ne sont pas prises en compte dans le calcul des aides pour les étudiants bénéficiaires rattachés à leur foyer fiscal.

R0 est un abattement forfaitaire appliqué aux ressources du ménage, son montant étant donc déduit de celui des ressources du bénéficiaire.

Tp représente le taux de prise en compte des ressources du ménage, calculé en fonction de la composition du foyer, du loyer éligible L et d’un loyer de référence.

Les paramètres de dépenses (variables L et C) ainsi que le montant forfaitaire de ressources applicable aux étudiants sont normalement revalorisés chaque année suivant l’évolution de l’indice de référence des loyers (IRL), qui correspond à la variation de la moyenne, sur les douze derniers mois, de l’indice des prix à la consommation hors tabac et hors loyers (IPC). La variable R0 est quant à elle revalorisée selon l’indice des prix à la consommation hors tabac (IPC).             
 

Source : Commission des finances.

3.   Le mode de financement des aides au logement a été simplifié

● Les aides personnelles au logement sont liquidées par les caisses chargées de gérer les prestations familiales : caisses d’allocations familiales (Caf) pour le régime général, caisses de mutualité sociale agricole (CMSA) pour le régime agricole. Elles ont à leur charge la gestion des dossiers, notamment l’ouverture des droits et leur révision en cas de changement de situation.

Le versement s’effectue de façon mensuelle. Les aides au logement peuvent être versées en tiers-payant :

–               de manière obligatoire pour les bailleurs sociaux ou à l’établissement prêteur d’un prêt conventionné ouvrant droit à l’aide personnalisée, qui déduit le montant de l’aide de la quittance ou de la mensualité de prêt (toutefois cette obligation ne concerne pas les bailleurs de moins de 10 logements). Ainsi 98,3 % des bénéficiaires de l’APL perçoivent leur aide en tiers-payant ;

– dans le parc privé, l’utilisation du tiers-payant est à la discrétion du bailleur ou du prêteur ; ainsi 45,2 % des bénéficiaires d’une aide au logement dans cette situation perçoivent leur aide en tiers-payant.

● Enfin, le mode de financement a fait l’objet de simplifications successives. Ainsi, depuis 2016, le financement des aides au logement est centralisé au sein du Fonds national d’aide au logement (Fnal) – alors que l’ALF était initialement financée par le Fonds national des prestations familiales (FNPF).

Jusqu’à 2024, le Fnal était alimenté par une cotisation employeur, versée par l’ACOSS, et par une dotation budgétaire du programme 109. Selon les exercices, ont également été allouées au Fnal des fractions de recettes fiscales (taxe sur les plus-values immobilières, taxe sur les bureaux en Île-de-France) ou des contributions d’Action logement au titre de la PEEC.

La loi de finances initiale pour 2025 assure la rebudgétisation de la taxe sur les bureaux et la cotisation employeurs affectées jusqu’à présent au FNAL pour un montant de 3 milliards d’euros. Les crédits budgétaires de l’État financent désormais intégralement les dépenses relatives aux aides personnelles au logement.

En 2023, environ 15,6 milliards d’euros de prestations d’aides personnelles au logement ont été versés à 5,7 millions de ménages. En fonction du régime de rattachement des allocataires, les aides personnelles au logement sont versées par la Cnaf ou par la CCMSA.

Ventilation des APL en fonction du type de bénéficiaires

(en millions d’euros)

Locatif ordinaire

Foyers

Accession

Ensemble

APL

6 130  

719  

99  

6 948

ALS

4 878  

398  

60  

5 335

ALF

3 150  

< 1    

176  

3 325

Ensemble

14 155  

719

334  

15 608

B.   La contemporanÉisation du calcul des apl a fiabilisÉ le versement et a facilitÉ les dÉmarches des usagers

  1.   La contemporanéisation met fin à la désynchronisation de l’ouverture du droit à prestation et du versement de l’aide

Jusqu’en 2021, l’aide personnalisée au logement était calculée au 1er janvier de chaque année et était versée soit pendant une période de douze mois débutant le 1er janvier, soit à compter de l’ouverture du droit jusqu’au 31 décembre suivant. Dans ce dernier cas, elle était calculée et servie proportionnellement au nombre de mois pendant lesquels le droit était ouvert ([7]).

Les ressources prises en considération pour le calcul de ces aides étaient celles perçues pendant l’année civile de référence, soit l’avant-dernière année précédant la période de paiement (N-2) ([8]), compte tenu de la nécessité de prendre en compte en tout début d’année N la totalité de la dernière année imposable connue. Or, cette méthode de calcul entraînait une désynchronisation de l’ouverture du droit à prestation et du versement de l’aide.

Malgré l’existence de mécanismes correctifs destinés à lisser les changements de situation des allocataires entre chaque période d’actualisation, ceux-ci étaient principalement limités aux cas d’évolutions défavorables de ressources. En sens inverse, un dispositif « d’évaluation forfaitaire » visait à prendre en compte des ressources « très récentes » lorsque celles-ci reflétaient des hausses de revenu au cours du temps ([9]) .

Pour autant, la situation des allocataires retrouvant entre temps un emploi ne faisait l’objet d’aucune correction, leur permettant de percevoir une aide régulière mais injustifiée, potentiellement pendant deux ans.

De même, cette méthode ne permettait pas de prendre en compte les revalorisations salariales intervenues au cours de la période ; les aides au logement étaient calculées sur la base d’un niveau de ressources plus ancien et, donc, plus faible. La contemporanéisation visait donc à calculer les aides au logement sur la base des ressources les plus récentes des bénéficiaires, de façon à éviter ce type de distorsion.

La mise en œuvre de cette réforme, initialement prévue le 1er juillet 2019, a subi plusieurs reports liés au retard du chantier inform              atique et à la crise sanitaire, pour finalement intervenir le 1er janvier 2021 ([10]). Le montant mensuel de l’APL est désormais calculé pour une période de trois mois à compter de laquelle les conditions d’ouverture du droit à cette aide sont réunies ([11]).

Les ressources et les charges prises en compte sont désormais appréciées, tous les trois mois, selon plusieurs périodes de référence :

– pour les revenus d’activité salariée pris en compte par la déclaration sociale nominative (DSN) et les revenus d’activité perçus hors de France ou versés par une organisation internationale, la période de référence court du treizième au deuxième mois précédant la date d’ouverture ou de réexamen du droit (M-13 à M-2) ; 

– pour les pensions alimentaires versées ou perçues, les frais de tutelle ou les frais professionnels exposés, la période de référence correspond à l’année civile qui précède la date d’ouverture ou de réexamen du droit (N-1) ;

– pour les autres revenus imposables, notamment les revenus d’activité non salariée et les revenus du patrimoine, la période de référence correspond à l’avant-dernière année précédant la date d’ouverture ou de réexamen du droit (N-2).

La déclaration sociale nominative (DSN)

Le développement de la DSN, qui remplace la quasi-totalité des démarches des entreprises en la matière, ainsi que diverses formalités liées à l’ouverture de droits sociaux (liquidation des indemnités journalières, formalités chômage, alimentation des comptes retraite et du compte personnel de formation, etc.), a fait converger les procédures déclaratives des employeurs.

Ouverte à partir de 2013 aux entreprises volontaires, la DSN a été généralisée à l’ensemble des employeurs du secteur privé au 1er janvier 2017, puis étendue progressivement aux employeurs publics, pour lesquels elle est obligatoire depuis le 1er janvier 2022. En avril 2023, elle concernait 2,3 millions d’entreprises, 65 000 émetteurs de la fonction publique et 28 millions de salariés et agents publics.

Réalisée sur le site net.entreprises.fr et transmise par voie électronique, la DSN est structurellement basée sur l’acte de paie, dont elle est un sous-produit. Elle établit, pour chaque salarié ou assimilé :

– le lieu d’activité et les caractéristiques de l’emploi et du contrat de travail ;

– les montants des rémunérations, des cotisations et contributions sociales et la durée de travail retenus ou établis pour la paie de chaque mois ;

– les dates de début et de fin de contrat, de suspension et de reprise du contrat de travail intervenant en cours de mois ;

– le cas échéant, une régularisation au titre des données inexactes ou incomplètes transmises au cours des mois précédents.

Cette nouvelle déclaration unifiée tend à rationaliser le système déclaratif en mutualisant la collecte des données, partagées entre les organismes sociaux selon leurs besoins, de façon à réduire la charge administrative pesant sur les employeurs, ainsi qu’à sécuriser les droits des assurés en limitant les risques d’erreur ou d’oubli.

Les organismes destinataires de la DSN utilisent les données qu’elle contient pour déterminer le taux de certaines cotisations sociales, pour recouvrer les cotisations et contributions sociales et certaines impositions, pour vérifier leur montant et verser certains revenus de remplacement, entre autres.

Le recalcul trimestriel du droit, adossé aux revenus des douze mois glissants – c’est-à-dire que la base ressources retenue évolue d’un quart tous les trois mois –, constitue un compromis entre la réactivité de l’aide aux fluctuations des revenus et sa stabilité qui permet aux bénéficiaires de pouvoir se projeter sur plusieurs mois avec le même montant de prestations ».

Le droit à l’APL et son montant mensuel sont réexaminés tous les trois mois, y compris, pendant une période qui ne peut dépasser neuf mois consécutifs, à la suite d’un réexamen aboutissant à un versement nul ou inférieur au seuil de versement, sans qu’il soit nécessaire à l’allocataire de déposer une nouvelle demande ([12]). À l’expiration de ce délai de neuf mois, en revanche, le réexamen du droit est conditionné au dépôt d’une nouvelle demande.

Afin d’éviter de susciter des difficultés de compréhension du mode de calcul des prestations pour les publics les plus fragiles, il est prévu que, lorsqu’il est constaté, au moment du réexamen trimestriel du droit à l’APL, qu’un bénéficiaire perçoit également le RSA, la prime d’activité ou l’allocation aux adultes handicapés (AAH), l’échéance trimestrielle du droit à l’aide au logement soit avancée pour coïncider avec le prochain réexamen trimestriel des aides dont il bénéficie également ([13]).

  1.   La mise en œuvre du DRM a permis de simplifier les démarches des administrés dans l’examen de leur droit aux aides au logement

Avant 2021, les déclarations de revenus des allocataires étaient récupérées chaque année par les Caf et les caisses de MSA auprès de la direction générale des finances publiques (DGFiP) ([14]) via le Centre national de transfert des données fiscales (CNTDF).

Pour épargner aux allocataires la charge de devoir déclarer leurs ressources chaque trimestre, le DRM a été mis à la disposition des organismes payeurs. Ce mécanisme intègre à la fois une base de données mensuelles relatives aux revenus d’activité salariée des assurés sociaux, alimentée par la DSN (cf. supra), et une base de données mensuelles relatives aux autres revenus, notamment les prestations sociales, alimentée par la DSN sur le « prélèvement à la source mis en œuvre par les collecteurs n’entrant pas dans le champ de la déclaration sociale nominative ou versant des revenus de remplacement » ou « Prélèvement À la Source Revenus Autres » (PASRAU).

Le dispositif de ressources mensuelles (DRM), instauré par l’article 78 de la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2019, est administré par la Caisse nationale d’assurance vieillesse (Cnav). Il s’inscrit dans une démarche de facilitation du parcours des usagers en suivant la logique du « dites-le nous une fois », puisque ces derniers n’ont plus à fournir, dans le cadre d’une démarche liée à une prestation ou une aide sociale, des informations déjà détenues par l’administration. Les organismes payeurs peuvent alors « interroger » ces bases-ressources afin de récupérer des données relatives aux ressources des demandeurs et des bénéficiaires des aides au logement en vue de l’examen ou du réexamen du droit.

La déclaration de ressources est désormais pré-remplie à partir des données du DRM. Dès lors, aucune démarche déclarative n’est plus nécessaire au titre des revenus d’activité salariée déclarés via la DSN.

Cependant, plusieurs types de revenus doivent toujours faire l’objet d’une déclaration. C’est le cas, notamment :

– des revenus d’activité perçus à l’étranger, déclarés trimestriellement par l’allocataire ;

– de plusieurs types de revenus de l’année N-1 (pensions alimentaires, frais de tutelle ou encore frais professionnels), déclarés annuellement par l’allocataire ;

– des revenus d’activité non salariée et des revenus du patrimoine de l’année N‑2, communiqués directement par la DGFiP aux CAF et caisses de MSA.

 

  1.   La rÉforme du calcul des aides au logement a entraÎnÉ une « machine À crÉer de la complexitÉ » susceptible d’alimenter la fraude sociale
    1.   La contemporanÉisation du mode de calcul des apl a eu des impacts contradictoires en matiÈre de simplification des dÉmarches des usagers et de lutte contre la fraude
      1.   La réforme systémique a entraîné un recours accru au déclaratif, source massive de complexité administrative et d’indus

La contemporanéisation s’est inscrite dans une démarche d’amélioration du service à l’usager à travers la simplification des formalités déclaratives pour les demandeurs ou les bénéficiaires des aides personnelles au logement.

Pour autant, cette réforme n’a pas été motivée par un objectif de simplification, mais par un souci d’économies budgétaires, potentiellement estimées à 1,11 milliard d’euros ([15]).

D’après un récent rapport de la Cour des comptes, la contemporanéisation a permis de « gommer des situations d’aubaine, légales mais injustifiables » et induit une économie substantielle, en provoquant « un effet d’éviction plus rapide des allocataires devenus inéligibles », « en temps réel » et non plus en différé. De plus, l’actualisation plus fréquente du montant des aides délivrées « a contribué mécaniquement à contenir l’évolution de la dépense globale en minorant le montant des aides versées, en application stricte du barème légal » ([16]).

D’ailleurs, la contemporanéisation a induit une complexification accrue tant au niveau de la prise en compte des ressources les plus variables, que des conditions dans lesquelles s’opère désormais le réexamen du droit des aides au logement.

● Tout d’abord, la réforme a accru l’instabilité des revenus des bénéficiaires des aides au logement. Alors que le niveau des droits demeurait stable sur une échéance annuelle, il varie désormais d’un trimestre à l’autre. Les personnes dont les revenus sont irréguliers peuvent dès lors rencontrer des difficultés dans l’anticipation du montant de leurs ressources, ce qui est d’autant plus délicat en matière de logement.

En outre, malgré l’ajout du PASRAU, le DRM n’automatise pas la collecte de tous les types de revenus. Certaines obligations déclaratives, dont la temporalité varie selon le type de revenu concerné, incombent désormais à des assurés qui n’y étaient pas astreints auparavant, dans la mesure où leurs revenus de N-2 étaient communiqués directement à la CNAF et à la CCMSA par la DGFiP.

Par conséquent, la proportion d’allocataires devant effectuer des déclarations trimestrielles ou annuelles a augmenté en raison de la diversité croissante des situations individuelles et des revenus non automatisables dans les flux d’information.

Ce recours accru à des déclarations manuelles concerne principalement certains types d’allocataires tels que les artistes-auteurs, les travailleurs frontaliers, les travailleurs indépendants installés depuis moins de deux ans, certains gérants salariés et les micro-entrepreneurs qui doivent désormais déclarer chaque mois leur chiffre d’affaires pour permettre un calcul au plus juste de leurs droits. En effet, en début d’année civile, ces usagers n’ont pas encore fait la déclaration de leurs ressources N-1 à la DGFIP et par ailleurs, ce sont des ressources mensuelles et non annuelles qui sont demandées pour l’APL.

De même, certains types de revenus spécifiques (comme les pensions alimentaires perçues ou versées, ou les frais professionnels réels) ne peuvent pas être récupérés automatiquement via les flux de la DGFIP et nécessitent une déclaration annuelle par l’allocataire.

● L’introduction de davantage de déclaratif pour les ressources ne relevant ni de la DRM, ni des données transmises par la DGFiP, a eu comme conséquence d’accroître le volume des indus, principalement en raison d’erreurs de déclaration de ressources ou de délais dans la production de ces mêmes déclarations. Le rapporteur observe que la réforme a construit « une machine à créer de la complexité » ([17]).

Pour rappel, les indus peuvent être générés de manière involontaire par les allocataires alors que la fraude se caractérise par l’intentionnalité de l’auteur pour un acte dont la matérialité est prouvée.

Ainsi, la réforme a entraîné une augmentation sensible du taux d’indus sur les APL, davantage que pour la prime d’activité ou le RSA, passant de 5,8 % en 2020 à 8,3 % en 2021, soit de 1,7 milliard d’euros à 2,68 milliards d’euros, et de 1,6 million de dossiers en 2020 à 3,6 millions de dossiers en 2021.

Selon la Cnaf, cette dynamique s’expliquerait par plusieurs facteurs :

– le recours accru aux déclarations manuelles a mécaniquement augmenté le risque d’erreurs déclaratives (oubli, imprécision, mauvaise interprétation) ;

– le rythme trimestriel de réexamen des droits multiplie les occasions de recalculs, et donc les risques de droits provisoires puis corrigés a posteriori, générant des indus. La Cour souligne à ce titre que les corrections de salaires peuvent intervenir trop tardivement pour permettre le recalcul de l’allocation à son juste niveau, contraignant la Caf à régulariser la situation au cours des mois suivants. Ces indus peuvent également provenir de la déclaration a posteriori de ressources isolées telles que des primes d’intéressement ou de participations versées après la clôture de l’exercice auxquelles elles se rattachent ;

– le système, désormais plus sensible aux variations de revenus à court terme, entraîne davantage d’ajustements qu’auparavant, en particulier pour les situations professionnelles instables ou les parcours atypiques.

Néanmoins, si le volume des indus a augmenté dans les premières années suivant la réforme, la tendance tend désormais à se stabiliser, mais à un niveau plus élevé qu’avant 2021, les indus ne concernant plus que 2,7 millions d’allocataires en 2023.

La procédure de signalement des anomalies affectant le calcul
du montant des aides au logement

S’agissant d’une demande de correction des données DRM servant au calcul des droits aux aides au logement, l’allocataire a la faculté de réaliser un signalement d’erreur potentielle a posteriori du calcul de ses prestations via le portail mesdroitssociaux.gouv.fr (PNDS). Ce signalement est ensuite directement traité par la cellule experte mutualisée (CEM) ou les URSSAF.

Néanmoins, il n’y a pas d’interopérabilité entre le système d’information de la Cnav et des Urssaf visant à traiter les signalements portant sur le montant net fiscal (réalisés via le PNDS) et le SI de la branche Famille permettant le calcul des prestations. Il appartient donc à l’allocataire, dès lors que la cellule lui a confirmé que son signalement était justifié, de saisir sa Caf pour intégrer la modification des ressources prises en compte pour le calcul de ses droits.

Le caractère haché de ce parcours de signalement, contraire au principe du « dites-le nous une fois », a conduit à mettre en place un « parcours sans couture » de signalement dans le cadre de l’adossement au DRM du calcul du RSA et de la prime d’activité. Dans ce dernier parcours, l’allocataire a ainsi la faculté de réaliser un signalement pour corriger la donnée DRM directement dans le cadre de sa déclaration trimestrielle de ressources préremplie et en amont du calcul de ses droits.

● L’objectif demeure désormais l’intégration progressive de ressources complémentaires au sein du DRM. La nouvelle convention d’objectifs et de gestion (COG) entre l’État et la CNAF couvrant la période 2023-2027 évoquait la nécessité d’intégrer les données de revenus et de chiffre d’affaires déclarés par les travailleurs indépendants, les artistes-auteurs et les micro-entrepreneurs pour déterminer le droit à allocation. Des travaux sont actuellement conduits avec l’Acoss dans ce sens mais seul le chiffre d’affaires des micro-entrepreneurs devrait être intégré au sein du DRM d’ici le 1er janvier 2027. Votre rapporteur appelle à accélérer ces travaux pour atteindre la complétude du DRM pour tous les allocataires.

Recommandation  1 : poursuivre les travaux d’intégration de nouvelles ressources au sein du DRM, en particulier les travailleurs indépendants, les artistes-auteurs et les travailleurs frontaliers (Acoss, Cnaf, CSMSA).

  1.   Cette situation a par conséquent possiblement induit une augmentation des indicateurs de la fraude aux APL

Si tout porte à croire que la réforme a induit une hausse de la fraude aux APL, la Cour des comptes relève, avec prudence, que la complexité du dispositif de délivrance des aides au logement « ne permet pas d’établir un lien de causalité mécanique entre la hausse de la fraude aux prestations et l’instauration de la contemporanéisation » ([18]).

D’après son enquête dite « Paiement à bon droit et fraude », la Cnaf estimait le montant des indus potentiellement frauduleux, pour toutes les prestations sociales dont elle a la gestion, à 3,9 milliards d’euros en 2022 contre 2,8 milliards d’euros en 2020, soit une hausse de 39 % en deux ans, et une hausse de 34 % pour les seules aides au logement sur la même période.

L’enquête sur la fraude et le paiement à bon droit

Depuis 2010, la Cnaf mesure la fraude par une enquête spécifique sur « la fraude et le paiement à bon droit » (dite enquête « FPBD ») réalisée sur près de 6 000 dossiers d’allocataires sélectionnés ex post, deux ans après, de manière aléatoire et dont la situation est intégralement vérifiée par un contrôle sur place mis en œuvre par un contrôleur des Caf.

Cette méthodologie permet une mesure de la fraude détectée mais également de celle non détectée par le contrôle interne. Il s’agit dès lors d’une estimation qui se veut intégrale du montant de la fraude aux prestations légales de la branche Famille.

Pour autant, bien qu’elles ne relèvent pas du champ de la fraude, la Cour des comptes souligne que le protocole méthodologique de cette enquête sous-estime fortement les anomalies de liquidation dites « erreurs métiers », c’est-à-dire celles commises par les Caf elles-mêmes.

Il convient de noter que si, auparavant, la fraude se concentrait principalement sur le revenu de solidarité active et la prime d’activité, en raison de leur système déclaratif par trimestre et de leur base ressource complexe, et dans une moindre mesure, sur les aides au logement, la complexification du mode de gestion des APL a entraîné un alignement de l’intensité frauduleuse sur les autres prestations sociales.

  1.   L’action des CAF en matiÈre de lutte CONTRE LA FRAUDE a ÉtÉ rÉcemment modernisÉe mais Doit Être renforcÉe, notamment en matiÈre de lutte contre l’indÉcence des LOGEMENTS

1.   La lutte contre la fraude opérée par les Caf s’exerce selon une approche par le risque, empêchant la collecte de données fiables et précises sur la fraude spécifique sur les APL

 Le caractère indu voire frauduleux de l’aide peut être lié à divers facteurs. Le caractère changeant de la situation des allocataires, notamment en termes de ressources, rend parfois difficile la preuve de l’intention frauduleuse.

La fraude aux prestations consiste à utiliser des moyens illégaux ou déloyaux pour obtenir le versement indu de prestations. La Caf a l’obligation de contrôler la bonne utilisation de l’argent public et par conséquent l’exactitude des informations déclarées en réalisant des contrôles automatisés, sur pièces et sur place, et à partir d’échanges de données avec ses partenaires (DGFiP, CNAM, etc.) réalisées quotidiennement pour vérifier la cohérence des déclarations faites à la Caf.

● La Cour des comptes liste huit types de fraudes pour les prestations sociales, dont six s’appliquent aux aides au logement ([19]) :

– la sous-déclaration des ressources ou des revenus professionnels de l’assuré ou de son foyer en vue d’obtenir l’attribution ou des montants majorés de prestations et d’aides sous condition de ressources (cette sous-déclaration pouvant notamment provenir du travail non déclaré) ;

– l’absence de déclaration d’une reprise d’activité ;

– l’absence de déclaration de la présence d’un conjoint ou du départ de personnes à charge qui peut majorer le montant des prestations versées ;

– l’absence de séjour régulier ou de résidence stable en France par des bénéficiaires de prestations et d’aides conditionnées ;

– la création d’identités fictives afin de bénéficier indûment de prestations, le cas échéant auprès de plusieurs organismes sociaux ;

– l’absence de réalité ou de l’occupation du logement au titre duquel un locataire ou un propriétaire perçoit une aide.

D’après les chiffres communiqués par la Cnaf ([20]), les principaux types de fraude en métropole en 2024 concerneraient :

– la dissimulation ou la fausse déclaration de ressources à hauteur de 34,2 % en montant du préjudice total – soit 141 millions d’euros ;

– la fraude à la résidence pour 28,1 % – soit 116 millions d’euros ;

– le faux isolement (ou fraude à la conjugalité) pour 15,7 % – 65 millions d’euros ;

– la fausse déclaration (notamment l’hébergement à titre gratuit pour obtenir le forfait logement au titre de la prime d’activité) pour 11,9 % du montant du préjudice total – soit 49 millions d’euros.

Par exemple, malgré les difficultés liées aux évolutions de mode de vie et des schémas de concubinage, un contrôleur pourra s’appuyer sur un faisceau d’indices pour une suspicion de fraude pour vie maritale non déclarée : des intérêts affectifs communs (enfant(s) né(s) de la relation du couple) ; la communauté financière (mouvements bancaires entre les comptes, factures établies aux 2 noms ou à celui non déclaré dans le dossier, acquittement des factures par ce dernier, etc.) ; la notoriété établie par une enquête de voisinage ou sur les réseaux sociaux ; la configuration du logement ne permettant pas une situation de colocation (nombre de pièces) ; le bail établi aux deux noms ; la domiciliation (adresse de l’allocataire communiquée par l’autre membre du couple à d’autres administrations, employeur, école, etc.) ; l’absence d’adresse différente et absence de recherche de logement ; et enfin, l’absence de démarche en vue de la fixation d’une pension alimentaire.

Le rapporteur constate néanmoins que les contrôles domiciliaires destinés à vérifier l’existence d’occupants non déclarés, notamment au sein des logements du parc social, restent insuffisants. Il appelle à intensifier les efforts des Caf en la matière afin de vérifier les fraudes à la conjugalité.

En fonction de la gravité des faits, la Caf sanctionne ses allocataires par un avertissement ; une pénalité financière pouvant aller de 135 à 31 400 euros ; ou un dépôt de plainte auprès du procureur de la République pouvant aboutir à des peines d’amendes (375 000 euros) ou de prison (2 ou 5 ans).

En plus de ces sanctions, les allocataires rembourseront les sommes perçues à tort sur les 3 ou 5 dernières années dans les cas les plus graves ; n’auront aucune remise de dettes accordée ; ne bénéficieront pas de la procédure de surendettement (rejet systématique par la Banque de France) ; et en cas de prestations versées, le montant de leurs mensualités de remboursement sera systématiquement augmenté ; et enfin, verront les sommes perçues à tort et à rembourser augmentées de 10 %.

 La lutte contre la fraude aux prestations gérées par les Caf s’exerce selon une approche orientée sur le risque. Les actions de détection des fraudes ne sont donc pas orientées sur une prestation spécifique mais sur des phénomènes globaux, comme l’usurpation d’identité, l’usurpation bancaire ou la fraude massive à la résidence. La Cnaf se trouve donc dans l’incapacité d’évaluer précisément la fraude aux APL, situation que le rapporteur appelle à corriger.

Recommandation  2 : améliorer les connaissances de la Cnaf en matière de fraude, prestation par prestation (Cnaf).

En 2024, les organismes du réseau ont réalisé 31,5 millions de contrôles, dont 29 millions de contrôles automatisés auprès de partenaires (France Travail, Urssaf, DGFiP, etc.) et 2,5 millions de contrôles sur pièces et sur place assurés par les 700 contrôleurs assermentés. Ces derniers vérifient les informations déclarées en demandant les pièces justificatives aux allocataires et les comparent à celles des autres organismes partenaires. Si les contrôles automatisés permettent de traiter un nombre important de dossiers, les contrôles sur place sont nettement plus efficaces car, par définition, plus ciblés, et révèlent un taux d’indus et de rappels en progression, illustrant la stratégie de contrôle de la Cnaf qui adapte la nature du contrôle selon l’évaluation du risque.

Ces contrôles ont ainsi permis de détecter 1,68 milliard d’euros d’indus ou de rappels, contre 1,36 milliard en 2022, soit une progression de 24 % en deux ans. En 2024, le montant moyen de l’indu à l’issue d’un contrôle sur place était de 1 553 euros, en progression par rapport à 2023 (1 390 euros), et le rappel moyen était de 966 euros, en progression également (912 euros en 2023).

Ces contrôles ont également permis de repérer 49 030 fraudes caractérisées, pour un montant de 449 millions d’euros, en progression de 20 % par rapport à l’année précédente, pour un objectif fixé à 400 millions d’euros au sein de la COG 2023-2027. Les résultats de l’action de la Cnaf en matière de lutte contre la fraude sont donc conformes voire supérieurs à la trajectoire prévisionnelle.

Ces contrôles ont enfin donné lieu à des sanctions : en 2024, la Cnaf a émis près de 14 000 avertissements et plus de 31 000 pénalités pour un montant de 24 millions d’euros (soit une pénalité moyenne de 774 euros), et engagé 3 361 poursuites pénales.

Les 4 phases du contrôle sur place

1°/Le contrôleur réalise l’instruction du contrôle. Il vérifie la véracité des données déclarées par l’allocataire à partir des portails d’informations à sa disposition (France travail, Assurance maladie, URSSAF).

Le contrôleur décide alors des pièces justificatives à produire par l’allocataire lors du contrôle. Il choisit également son mode d’entretien de contrôle, en fonction principalement de la typologie de l’anomalie détectée (visite domiciliaire, contrôle à l’accueil des Caf, contrôle par téléphone). Il rédige alors un avis de passage qui informe l’allocataire de la date, de l’heure et des modalités de réalisation de l’entretien de contrôle. L’avis de passage énumère également les pièces justificatives à présenter lors de l’entretien de contrôle.

2°/Lors de l’entretien de contrôle, le contrôleur passe en revue les différentes prestations versées à l’allocataire, vérifie les pièces justificatives et les anomalies constatées. Le contrôleur reçoit les déclarations de l’allocataire. Il mentionne les points en anomalies qui ne sont pas levées au terme de l’entretien. Il informe l’allocataire sur la suite du contrôle.

3°/Le contrôleur réalise des investigations complémentaires si les anomalies présentes au dossier ne sont pas levées. L’investigation principale, à ce stade, est l’exercice du droit de communication principalement sur les comptes bancaires.

4°/Le contrôleur rédige son rapport de contrôle à partir des constats réalisés lors de son enquête. Ce rapport détermine les opérations à réaliser sur les droits de l’allocataire. Celles-ci peuvent produire des indus ou des rappels. Le rapport de contrôle peut matérialiser également la suspicion de fraude. Cette suspicion de fraude est le premier stade de procédure permettant l’instruction du dossier fraude, c’est-à-dire la confirmation ou l’abandon de cette qualification.

Source : réponses de la Cnaf au questionnaire du rapporteur

 

 

 

Nombre de contrôles et allocataires contrôlés

Données

2019

2020

2021

2022

2023

2024

Nb contrôles clos

31 652 625

35 010 201

33 992 149

30 724 595

33 370 516

31 511 195

Nb allocataires

  5 833 176

  6 170 914

  5 908 505

  5 693 852

  6 380 809

  6 353 305

Impacts financiers détectés

(en euros)

Années

Montant indus

Montant rappels

Impacts financiers

2019

   894 597 607

311 180 138

1 205 777 744

2020

   285 887 255

828 962 223

1 114 849 478

2021

   894 618 124

328 852 028

1 223 470 151

2022

    985 434 056

378 265 964

1 363 700 020

2023

1 183 726 155

402 862 105

1 586 588 260

2024

1 264 591 146

416 184 028

1 680 775 174

Source : réponses de la Cnaf au questionnaire du rapporteur

● S’agissant des fraudes à enjeux, un Service national de lutte contre la fraude à enjeux (SNLFE) a été institué en mai 2021. Des équipes spécialisées ont été recrutées pour cibler ce type de fraude sophistiquée, comprenant notamment de fausses entreprises, fausses activités, fraudes aux logements et marchands de sommeil, avec parfois des ramifications liées à l’exploitation humaine. Le SNLFE compte 30 contrôleurs aux profils variés (dont un ancien gendarme et un ancien inspecteur d’Urssaf) et dispose d’un accès à de nombreux documents concernant le compte bancaire, la scolarité des enfants, le passeport, ou encore le fichier de passagers aériens PNR.

Les contrôleurs du SNLFE exploitent en masse les données du système d’information des Caf afin d’identifier des relations entre allocataires, en fonction de certains critères, sur l’ensemble du territoire national. À la suite de cibles de contrôle que leur adresse le SNLFE, les Caf font actuellement porter leurs investigations sur une quinzaine de thématiques dont certaines, comme les changements frauduleux de RIB par des tiers, l’absence de résidence en France et les faux micro-entrepreneurs, révèlent des fraudes à grande échelle.

D’une part, la montée en puissance du SNLFE a contribué à un meilleur ciblage des fraudes. Les contrôles du SNLFE ont représenté 32 % des préjudices frauduleux détectés en 2023, avec une forte présence dans la cible « 957 » (contrôle de résidence en France) qui a représenté 26 % des préjudices.

D’autre part, le SNLFE a également joué un rôle central dans la détection des fraudes. En 2023, 97 % des affaires provenant du SNLFE ont été qualifiées comme fraudes après passage en commission. Les cibles issues du SNLFE représentaient 31 % des montants de fraude détectés, avec un impact financier majeur sur les fraudes à la résidence.

● La « fraude à la résidence » repose sur la détection de situations d’allocataires percevant des prestations tout en résidant à l’étranger. Elle constitue la cible à plus fort impact financier détecté par le SNLFE et le réseau pour la branche famille, avec une augmentation de 49,3 % du nombre de dossiers frauduleux et de 48,5 % des montants détectés entre 2022 et 2023.

 

 

 

 

 

 

 

● La fraude aux usurpations d’identité et d’identité bancaire fait l’objet d’une meilleure détection et réactivité de la SNFLE grâce au renforcement des équipes dédiées, au gel des RIB identifiées frauduleux, à une meilleure étanchéisation par le déploiement du « One Time Password » (OTP) – qui est un code de sécurisation à usage unique envoyé aux allocataires en cas de modification des données sur leur compte –, et enfin, une démarche partenariale de croisement des données, permettant le partage de tous les RIB frauduleux entre toutes les administrations de la Mission interministérielle de coordination anti-fraude (Micaf).

2.   Le législateur a renforcé les pouvoirs de contrôle des Caf et les échanges de données pour accroître la pression sur les fraudeurs, malgré des marges d’amélioration

Le législateur a amélioré les conditions de réalisation des contrôles des organismes de protection sociale. Depuis 2008, les organismes de sécurité sociale (OSS) sont dotés des mêmes prérogatives que l’administration fiscale, ce qui leur permet d’obtenir de tiers la communication de documents. Ses modalités d’exercice ont été améliorées par la LFSS pour 2022, qui a donné la possibilité aux organismes sociaux d’exiger une transmission dématérialisée des informations demandées.

La LFSS pour 2023 a enfin conféré à certains agents des OSS des prérogatives d’officiers de police judiciaire leur permettant de rechercher et de constater des infractions pénales. À cette fin, ils peuvent procéder, sur convocation ou sur place, à des auditions libres des personnes suspectées ou susceptibles d’apporter des éléments utiles à leurs investigations et de constater les infractions par des procès-verbaux faisant foi jusqu’à preuve du contraire et transmis directement au procureur de la République. En outre, ils peuvent participer sous pseudonyme à des échanges électroniques (cyber-enquêtes), y compris avec les auteurs suspectés d’infractions, sans être pénalement responsables (à condition toutefois de ne pas inciter à en commettre).

La lutte contre la fraude s’appuie sur l’échange de données entre administrations. La loi du 23 octobre 2018 relative à la lutte contre la fraude a autorisé les OSS à consulter les bases nationales Ficovie, BNDP (données patrimoniales) et Patrim (ventes immobilières) de l’administration fiscale. La Cnaf et l’administration fiscale ont signé à cet égard une convention en début d’année 2022. Expérimenté en 2023, l’accès au fichier des comptes bancaires et assimilés (Ficoba), qui permet de réaliser une consultation, en temps réel, de l’identité du titulaire d’un compte et du bénéficiaire des prestations, a été déployé en 2024.

Enfin, une mission interministérielle de coordination antifraude (Micaf) a été mise en œuvre pour renforcer la coopération entre les organismes. Comme la délégation nationale à la lutte contre la fraude (DNLF) à laquelle elle a succédé en juillet 2020, la Micaf suit l’activité des comités opérationnels départementaux antifraude (Codaf), réunissant, sous la co-présidence du préfet de département et du procureur de la République du chef-lieu du département, les services de l’État et les organismes locaux de protection sociale. Ces instances échangent des renseignements et des expériences, organisent des opérations conjointes et proposent des formations.

La Micaf joue un rôle d’impulsion et de coordination des acteurs publics dans la lutte contre la fraude aux prélèvements fiscaux et sociaux et aux prestations sociales. Ce rôle s’exerce notamment à travers dix groupes nationaux antifraudes (Gonaf), qui visent à mettre en œuvre des stratégies communes d’action.

Dans le domaine de la fraude sociale, a été signé, en décembre 2021, un protocole renforçant les échanges d’informations pour lutter contre les fraudes documentaires et à l’identité entre le ministère de l’intérieur, les organismes de protection sociale et la Micaf. Cette dernière appuie les travaux visant à intégrer les dates des titres de séjour dans les systèmes d’information de l’ensemble des organismes de protection sociale et à rapprocher les fichiers de bénéficiaires de prestations avec ceux des non-résidents fiscaux et des Français établis hors de France. Elle pilote par ailleurs des projets de raccordement des OSS à des systèmes sécurisés d’échanges d’informations.

Le rapporteur reconnaît l’ampleur des moyens engagés par les pouvoirs publics pour renforcer la lutte contre la fraude aux aides au logement. Pour autant, il appelle à intensifier les efforts, en matière de fraude à l’occupation des logements conventionnés et à la dissimulation de revenus des occupants de logements, qui composent aujourd’hui près des deux tiers des fraudes.

Recommandation  3 : renforcer la lutte contre la fraude à l’occupation des logements conventionnés, prévenir la dissimulation de revenus des occupants de logements et définir au plus vite un plan de contrôle dédié (Cnaf).

3.   Les moyens dédiés au contrôle de la décence et de la performance énergétique, préalable nécessaire au versement des APL, sont insuffisants face à l’ampleur de l’enjeu

● La loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains dite « SRU » impose que le logement soit décent pour ouvrir droit à une allocation logement. Le décret n° 2002-120 du 30 janvier 2002 définit les caractéristiques de décence : ces critères portent sur la surface minimale de la pièce principale, le niveau d’équipement et de confort (eau, électricité, sanitaires, chauffage) et l’état du logement (gros œuvre, ventilation, menuiseries, luminosité et sécurité des personnes).

Or, les allocations logement ne peuvent être versées que si le logement occupé respecte les critères de décence ([21]). L’article 85 de la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové dite « ALUR » prévoit le maintien du droit à l’allocation logement pour le locataire ayant entamé une démarche auprès de son propriétaire pour qu’il mette aux normes son logement, ainsi que la consignation durant 18 mois de la part d’allocation logement qui aurait dû être versée au propriétaire ([22]).

Pendant la période de conservation, seul le montant résiduel du loyer (soit le montant total du loyer duquel est soustrait le montant de l’allocation logement) reste à la charge du locataire. Une fois la mise en conformité du logement réalisée, le montant d’aide conservé est débloqué et versé soit directement au bailleur en cas de tiers-payant, soit à l’allocataire. Dans le cas contraire, l’aide est définitivement perdue. L’aide personnalisée au logement n’est pas concernée par ce dispositif.

Ce dispositif de conservation permet ainsi d’inciter les bailleurs de logements non décents à effectuer les travaux nécessaires à leur mise en conformité.

Enfin, la présence de nuisibles, dont les punaises de lit, constitue depuis la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique dite « ELAN », un désordre qui caractérise la non-décence d’un logement.

● La loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte intègre la performance énergétique parmi les caractéristiques définissant un logement décent. Un calendrier a donc été défini par la loi n° 2021‑1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets dite « Climat et résilience » pour lutter contre les passoires thermiques :

– dès le 1er janvier 2023, les logements présentant une consommation conventionnelle en énergie finale supérieure à un seuil fixé à 450 kWh/m² sont considérés non décents ;

– dès le 1er janvier 2025, les logements doivent respecter un niveau de performance minimal : la classe F à partir du 1er janvier 2025, puis la classe E à compter du 1er janvier 2028.

Depuis le 1er janvier 2023, le non-respect du critère de performance énergétique minimale ([23]) justifie la mise en place d’une procédure de conservation des aides pour non-décence du logement ([24]). À ce titre, les organismes payeurs sont dorénavant habilités, suite à un signalement de non-décence, à demander le diagnostic de performance énergétique (DPE) lors des contrôles réalisés afin de vérifier la classe énergétique du logement et de mettre en place une conservation de l’aide le cas échéant.

● Le contrôle de la décence du logement pour l’attribution des aides est cependant en réalité peu mis en œuvre. D’une part, les logements conventionnés au titre de l’APL sont réputés être décents, sans autre forme de vérification. D’autre part, pour le parc privé, l’action des Caf est hétérogène selon les départements et d’une efficacité modérée au regard de l’ampleur du phénomène selon la Cour des comptes, même si l’amélioration des conditions de logement des familles et le traitement des situations d’indécence figurent depuis 2009 dans les conventions d’objectifs et de gestion successives.

Le déploiement de la plateforme Signal Logement (ex-Histologe) permet la centralisation de tous les signalements (insalubrité, défauts structurels, indécence, infractions aux règles sanitaires applicables aux logements, etc.) de même que la simplification de la procédure de repérage des logements non-décents.

Le dispositif de conservation connaît une activité légèrement en hausse, passant de près de 2 000 conservations enregistrées en 2019 à près de 5 000 en 2023 au titre de l’ensemble des indécences. L’efficacité du dispositif peut être caractérisée par le volume de conservations « libérées », rapporté au nombre total de sorties du dispositif. En 2023, parmi les 4 100 sorties de conservation, 3 990 faisaient suite à la mise aux normes de décence du logement dans les délais requis, soit 95 %. Ce taux élevé suggère que cet outil constitue un levier efficace pour la mise aux normes de décence d’un logement dès lors qu’un problème de cette nature est détecté.

Néanmoins, les moyens déployés par la Cnaf apparaissent insuffisants au regard de l’enjeu soulevé. La COG 2023-2027 inscrit à ce titre une hausse très limitée de 5 millions d’euros pour financer les diagnostics de non-décence.

Cette situation conduit à deux abus majeurs qui alertent le rapporteur. Non seulement, certains locataires ou leurs propriétaires pourraient percevoir des aides pour des logements qui ne réunissent pas les conditions décentes d’habitabilité, mais les aides aux logements pourraient également solvabiliser des locataires occupant des passoires thermiques. Il apparaît impératif pour le rapporteur de renforcer les moyens destinés aux contrôles de décence et de performance énergétique des logements conventionnés.

Recommandation  4 : renforcer les moyens destinés aux contrôles de décence et de performance énergétique des logements conventionnés (Cnaf).

 

 


 

   TRAVAUX DE LA COMMISSION

Lors de sa troisième réunion du mercredi 9 juillet 2025, la commission des finances, réunie en commission d’évaluation des politiques publiques, a entendu M. François Jolivet, rapporteurs spéciaux des crédits de la mission Cohésion des territoires : logement, sur son rapport d’information sur l’efficacité de la réforme du calcul des aides au logement et des dispositifs anti-fraude, présenté en application de l’article 146, alinéa 3, du règlement de l’Assemblée nationale.

La commission a autorisé la publication du rapport d’information.

L’enregistrement audiovisuel de cette réunion est disponible sur le site de l’Assemblée nationale.

Le compte rendu sera bientôt consultable en ligne.

 

 


 

   LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES
PAR LE RAPPORTEUR SPÉCIAL

 

Caisse nationale des Allocations familiales (CNAF)

– M. Nicolas Grivel, directeur général ;

– Mme Klara Le Corre, chargée des relations institutionnelles ;

– Mme Bérénice Martinaud-Boissin, conseillère technique lutte contre la fraude.

 

Union nationale des fédérations d’organismes HLM

– M. Antoine Galewski, directeur des relations institutionnelles et parlementaires ;

– M. Christophe Bellego, directeur des études ;

– M. Christophe Canu, adjoint au directeur chargé du pôle des études économiques et financières.

 


([1]) Par convention, l’abréviation APL concernera dans la suite du rapport toutes les aides personnelles au logement sauf mention contraire.

([2]) DREES, Minima sociaux et prestations sociales, édition 2024.

([3]) Rapport annuel de performance Cohésion des territoires, projet de loi de règlement 2024.

([4]) DREES, Les bénéficiaires d’aides au logement : profils et conditions de vie, octobre 2019.

([5]) Institut des politiques publiques, Les aides au logement en temps réel : évaluation d’impact, juillet 2021.

([6]) Les règles de calcul diffèrent dans un certain nombre de cas particuliers : les personnes résidant en foyers, les ménages bénéficiant de l’APL accession.

([7]) Ancien article R. 351-4 du code de la construction et de l’habitation.

([8]) Ancien article R. 351-5 du code de la construction et de l’habitation.  

([9]) Anciens articles R. 822-18 et R. 822-19 du code de la construction et de l’habitation.

([10]) Décret n° 2019-1574 du 30 décembre 2019 relatif aux ressources prises en compte pour le calcul des aides personnelles au logement ; Décret n° 2020-1816 du 29 décembre 2020 modifiant le décret n° 2019-1574 du 30 décembre 2019 relatif aux ressources prises en compte pour le calcul des aides personnelles au logement.

([11]) Article R. 822-3 du code de la construction et de l’habitation.

([12]) Article R. 823-6 du code de la construction et de l’habitation.

([13]) Article R. 823-6-1 du code de la construction et de l’habitation.

([14]) Arrêté du 3 mai 2002 relatif à la mise en service à la direction générale des impôts et dans les organismes de mutualité sociale agricole d’une procédure automatisée de transfert des données fiscales.

([15]) Cour des comptes, La contemporanéisation du versement des aides personnelles au logement, octobre 2024.

([16]) Idem.

([17]) Audition de l’Union sociale pour l’habitat par le rapporteur spécial.

([18]) Cour des comptes, La contemporanéisation du versement des aides personnelles au logement, octobre 2024.

([19]) Cour des comptes, La lutte contre les fraudes aux prestations sociales, septembre 2020, p. 25.

([20]) Réponses aux questionnaires.

([21]) Article R. 822‑24 du code de la construction et de l’habitation.

([22]) Article L. 843‑1 du code de la construction et de l’habitation.

([23]) Article R. 823-2 du code de la construction et de l’habitation.

([24]) Article R. 843-4 du code de la construction et de l’habitation.