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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 24 septembre 2025.
RAPPORT D’INFORMATION
DÉPOSÉ
en application de l’article 146 du Règlement
PAR LA COMMISSION DES FINANCES, dE L’Économie gÉnÉrale
et du contrÔLE BUDGÉTAIRE
sur l’évaluation des exonérations de cotisations sociales spécifiques
aux Outre-mer
ET PRÉSENTÉ PAR
M. Christian BAPTISTE,
rapporteur spécial
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SOMMAIRE
___
Pages
A. des territoires partageant des caractéristiques communes pesant sur leur développement économique
B. des territoires dont les économies, au-delà des ressemblances, doivent être différenciées.
C. un dispositif vital bénéficiant à plus de 50 000 établissements ultramarins
III. examen des recommandations 6 à 8 du rapport des inspections
A. la nécessaire réforme et non la suppression du régime innovation et croissance
liste des personnes auditionnées
Une réforme des dispositifs d’allègements des exonérations de cotisations sociales dits LODEOM s’avérant imminente à la suite, d’une part, des annonces faites par l’exécutif lors des projets de loi de finances pour 2024 et 2025 et, d’autre part, de la publication en mai 2025 d’un rapport d’évaluation dédié de l’IGF et de l’IGAS ([1]), le rapporteur spécial des crédits de la mission Outre-mer a considéré indispensable de mener sa propre analyse des propositions faites par ces dernières inspections, afin d’éclairer les débats qui se tiendront au Parlement. En effet, à l’issue des constats effectués, les inspections proposent de réaliser entre 138 et 308 millions d’euros d’économie sur les exonérations de charges spécifiques dont bénéficient plus de 50 000 établissements ultramarins.
Pour appuyer ses travaux, le rapporteur spécial a estimé qu’il était impératif de recueillir les retours directs du terrain. Il s’est donc rendu en Guadeloupe, à la Martinique, en Guyane et à La Réunion pour rencontrer les administrations, les élus, les représentants consulaires et surtout les entreprises bénéficiaires des exonérations.
Toutes les personnes auditionnées se sont dites opposées à une disparition des dispositifs, initialement conçus pour compenser les entraves au développement économique de ces territoires. Le rapporteur spécial refuse de même une telle suppression, qui serait une catastrophe, tout particulièrement pour les petites entreprises qui en sont les principales bénéficiaires et constituent 90 % du tissu économique ultramarin.
En outre, les entreprises rencontrées l’ont fortement sensibilisé sur l’importance que les exonérations continuent à s’appliquer aussi bien aux bas salaires qu’à ceux des cadres. Ces derniers participent en effet à l’attractivité des territoires dits d’outre-mer, notamment pour permettre le maintien et le retour des jeunes diplômés qui en sont originaires. La position du rapporteur spécial sur ce sujet est simple : les outre-mer doivent sortir de l’économie de « comptoir » héritée du passé colonial et se développer, se moderniser en investissant notamment dans les nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC) – qui font l’objet d’un barème spécifique que les inspections proposent de supprimer, pour 34 millions d’euros d’économies.
Les inspections proposent par ailleurs de réaligner le barème spécifique applicable à la Guyane sur celui des autres départements et régions d’outre-mer (DROM), alors que le rapport souligne que le développement de ce territoire diverge de celui de l’Hexagone depuis vingt ans. Les échanges sur place ont conforté le rapporteur spécial dans son opposition à une homogénéisation dogmatique qui paraît disproportionnée au regard des difficultés rencontrées par ce territoire.
L’opposition du rapporteur spécial à une disparition du dispositif ne signifie pas pour autant qu’il ne doit pas être réformé, bien au contraire, notamment s’agissant :
– du manque de lisibilité et de la complexité avérée des régimes et barèmes tant pour les entreprises que pour les administrations chargées du contrôle ;
– du constat d’importantes erreurs et de fraudes dans les déclarations faites par les entreprises assurant leur éligibilité aux différents barèmes ;
– du non-respect pour 18,5 % des 50 000 établissements bénéficiaires de leur obligation légale d’être à jour de leurs obligations sociales, ou d’être inscrit dans un plan d’apurement, pour pouvoir prétendre à ces exonérations ;
– de contrôles insuffisants des administrations qui en ont la responsabilité et qui n’appliquent notamment pas cette dernière obligation.
En parallèle de la probable réforme à venir, le rapporteur spécial a bien relevé la nécessité de remédier aux délais de paiement des collectivités et établissements publics de santé, qui peuvent atteindre le délai inacceptable de 210 jours. Dans ces conditions, les exonérations LODEOM permettent en effet aux petites entreprises de préserver une partie de leur trésorerie dans l’attente du règlement des sommes dues par les donneurs d’ordre publics.
En conclusion, le rapporteur spécial s’associe à M. Antoine Bozioet M. Étienne Wasmer qui, dans leur rapport d’octobre 2024 sur les politiques d’exonérations de cotisations sociales ([2]), expliquent « [être] conscients de la dégradation des finances publiques et des contraintes de très court terme pouvant nécessiter de réduire le volume des exonérations. Avec cette contrainte, l’objectif doit impérativement rester centré sur une stratégie de montée en gamme des emplois d’une part, et de maintien du niveau d’emploi d’autre part. Pour dire les choses autrement, s’il est possible de diminuer de quelques milliards le montant des exonérations, cette hausse de prélèvements obligatoires sur les salaires doit rester limitée et il vaut mieux chercher des recettes sur d’autres bases fiscales […] ».
Le rapporteur spécial condamne la recherche court-termiste d’économies budgétaires par rabot via le recentrage des exonérations sur les plus bas salaires. Il formule dès lors treize recommandations, présentées ci-après.
Recommandation n° 1 : Lier toute réforme des dispositifs d’exonération de cotisations sociales LODEOM à l’amélioration substantielle des délais globaux de paiement des donneurs d’ordre publics.
Recommandation n° 2 : Précéder toute réforme des dispositifs d’exonération de cotisations sociales LODEOM à la publication d’une étude approfondie des marges des entreprises ultramarines, par territoire, selon qu’elles sont bénéficiaires ou non de l’exonération et selon leur secteur d’activité.
Recommandation n° 3 : Examiner la possibilité de préremplir les déclarations en ligne des bénéficiaires des dispositifs d’exonération LODEOM.
Recommandation n° 4 : (identique à celle des inspections) Fiabiliser les données relatives aux montants d’exonération LODEOM, le nombre d’établissements et de salariés concernés et harmoniser les périmètres retenus dans les différents documents de présentation.
Recommandation n° 5 : S’appuyer sur les prévisions d’automne de l’URSSAF Caisse nationale pour, si nécessaire, ajuster le budget de l’action 1 du programme 138 dans le cadre du PLF de l’année N+ 1.
Recommandation n° 6 : (identique à celle des inspections) Renforcer les contrôles de cohérence quant à l’application des barèmes aux secteurs éligibles et mettre en œuvre un plan de contrôle de l’application des codes type de personnel (CTP) pour les entreprises situées à Saint-Martin afin de régulariser l’application des barèmes pour ce territoire.
Recommandation n° 7 : (identique à celle des inspections) Transférer le pilotage et la gestion des exonérations de cotisations sociales pour Saint-Barthélemy de la MSA du Poitou à la CGSS de la Guadeloupe.
Recommandation n° 8 : Appliquer la condition légale d’être à jour de ses cotisations sociales pour bénéficier des exonérations LODEOM, à l’issue d’une suspension des poursuites accompagnée de la possibilité de bénéficier d’un plan exceptionnel d’apurement de trois à cinq ans.
Recommandation n° 9 : Réformer et non supprimer le barème spécifique d’exonération dit innovation et croissance en remédiant aux difficultés constatées et en maintenant son application aux salaires des cadres.
Recommandation n° 10 : Maintenir des critères d’éligibilité aux dispositifs d’exonération LODEOM plus étendus en Guyane que dans les autres DROM au regard des enjeux atypiques auxquels ce territoire est confronté.
Recommandation n° 11 : Maintenir les points de sortie des exonérations LODEOM actuellement applicables aux DROM afin d’éviter la constitution de trappes à bas salaires et favoriser la montée en gamme des emplois locaux.
Recommandation n° 12 : Simplifier les dispositifs d’exonération LODEOM en fusionnant les régimes applicables dans les DROM et les COM des Antilles tout en conservant des critères d’éligibilité plus favorables pour les territoires de Guyane et ultérieurement de Mayotte.
Recommandation n° 13 : Dans le cadre d’une stratégie pour les Outre-mer de montée en gamme des emplois et de maintien du niveau d’emploi, limiter la hausse des prélèvements obligatoires sur les salaires en cherchant des recettes sur d’autres assiettes fiscales.
Le rapporteur spécial de la mission Outre-mer a décidé d’évaluer les exonérations de cotisations sociales spécifiques aux Outre-mer au regard :
– d’une part, des enjeux économiques, sociaux et financiers de ces dispositifs destinés à soutenir les entreprises ultramarines et à développer les territoires dits d’« outre-mer » ;
– d’autre part, de la volonté du Gouvernement de réformer ce dispositif, annoncée dès le projet de loi de finances pour 2024 ([3]) en s’appuyant sur une mission d’inspection confiée le 16 mai 2024 à l’IGF et à l’IGAS ([4]).
Le rapporteur spécial s’est procuré le 13 mars 2025 les conclusions du rapport alors confidentiel rendu en novembre 2024 par les inspections précitées en utilisant les pouvoirs spéciaux qui lui sont conférés par l’article 57 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) ([5]). Le rapport a, par la suite, été rendu public le 20 mai 2025.
Devant l’imminence d’une réforme de ces dispositifs, le rapporteur spécial a décidé de mener sa propre évaluation de leur efficacité et de leur efficience, afin d’éclairer les débats au Parlement, notamment en recueillant des informations auprès des acteurs de terrain les plus affectés par une réforme de ces exonérations.
À cette fin, outre les auditions des administrations centrales, le rapporteur s’est déplacé successivement en 2025 en Guadeloupe, Martinique, Guyane et à La Réunion pour s’entretenir avec les représentants des services de l’État et des administrations de Sécurité sociale, des entreprises et des chambres consulaires. Ainsi, 134 personnes ont été auditionnées par le rapporteur spécial. Il s’est en outre directement rendu, lors de ses déplacements, auprès des établissements ([6]) de taille et de secteurs différents représentatifs de l’ensemble des entreprises bénéficiaires de ces exonérations.
Le rapporteur spécial ne s’est pas penché sur la disposition législative habilitant le Gouvernement à étendre les exonérations LODEOM à Mayotte à compter de 2027 ([7]). Il n’a pas souhaité en outre évaluer le dispositif spécifique applicable à Saint-Pierre-et-Miquelon.
Ainsi, sans traiter en intégralité la question des allègements sociaux dont bénéficient les employeurs ultramarins, dont tous les aspects ne relèvent pas du domaine de compétences de la commission des finances, le présent rapport se concentre sur l’application des exonérations de cotisations patronales à la Guadeloupe, la Martinique, la Guyane, La Réunion ainsi qu’à Saint-Martin et Saint-Barthélemy.
Si le rapporteur spécial ne remet pas en cause la plupart des constats posés par les inspections sur ces dispositifs, les recommandations qu’il formule s’en écartent substantiellement.
I. un dispositif d’allègement indispensable aux territoires dits d’outre-mer pour compenser les facteurs entravant leur développement économique
Le rapporteur spécial considère comme essentiel de garder à l’esprit les principales caractéristiques des économies ultramarines avant d’examiner une politique publique ou la réforme de dispositifs de soutien applicables à ces territoires. Les caractéristiques et contraintes particulières de ces régions ultrapériphériques sont d’ailleurs reconnues à l’article 349 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne ([8]).
Le panorama non exhaustif présenté dans les développements ci-dessous se fonde principalement sur les données issues du rapport des inspections précité, le rapport annuel économique 2024 de l’Institut d’émission des départements d’outre-mer (IEDOM), France Stratégie, des informations transmises par la direction générale du Trésor (DGT), la direction générale des Outre-mer (DGOM), les directions régionales des finances publiques (DRFIP) et enfin l’avis n 19-A-12 de l’Autorité de la concurrence du 4 juillet 2019 concernant le fonctionnement de la concurrence en outre-mer.
A. des territoires partageant des caractéristiques communes pesant sur leur développement économique
Le rapporteur spécial relève des différents travaux précités que des contraintes géographiques, économiques, sociales, historiques, climatiques similaires freinent le développement des territoires éligibles aux dispositifs LODEOM.
Ces déterminants communs justifiant un soutien adapté aux économies ultramarines sont :
– leur nature insulaire ou enclavée s’agissant de la Guyane, isolée au sein de l’Amérique du Sud par la forêt amazonienne et les fleuves Maroni à l’Ouest et Oyapock à l’Est ;
– un éloignement de la France hexagonale : 9 500 kilomètres la séparent de La Réunion, 7 100 kilomètres de la Guyane, 6 840 kilomètres de la Martinique, 6 700 kilomètres de la Guadeloupe, Saint-Martin et Saint-Barthélemy.
● un marché local étroit, qui limite fortement la possibilité pour les entreprises de réaliser des économies d’échelle, que ce soit en termes de taille de population ou de revenu par habitant.
tableau 1 : DÉmographie
(nombre d’habitants)
Territoire |
1999 |
2019 |
2023 |
France métropolitaine |
58 661 000 |
65 250 000 |
66 000 000 |
Guadeloupe |
422 496 |
395 000 |
390 000 |
Martinique |
381 427 |
368 000 |
360 000 |
Guyane |
157 213 |
290 000 |
300 000 |
La Réunion |
706 300 |
860 000 |
870 000 |
Mayotte |
160 265 (2002) |
270 000 |
310 000 |
Saint-Martin |
29 078 |
35 000 |
36 000 |
Saint-Barthélemy |
6 854 |
10 000 |
10 500 |
Saint-Pierre-et-Miquelon |
6 316 |
6 000 |
5 800 |
Source : Institut national des statistiques et des études économiques (Insee)/DGOM.
Tableau 2 : Produit intÉrieur brut (PIB) en valeur par habitant 2000 – 2022
(en euros courants)
Territoires |
2000 |
2022 |
Taux de croissance annuel moyen |
PIB par habitant par rapport à la France hexagonale en 2000 (hors IDF) |
PIB par habitant par rapport à la France hexagonale en 2022 (hors IDF) |
Guadeloupe |
13 120 |
25 903 |
3,1 % |
62 % |
77 % |
Martinique |
13 864 |
27 179 |
3,1 % |
65 % |
80 % |
Guyane |
11 814 |
15 656 |
1,3 % |
56 % |
46 % |
La Réunion |
13 218 |
24 663 |
2,9 % |
62 % |
73 % |
France hexagonale hors IDF |
21 248 |
33 780 |
2,1 % |
Non applicable (N.A.) |
N.A. |
France hexagonale |
24 633 |
39 323 |
2,1 % |
N.A. |
N.A. |
Source : Insee cité par le rapport des inspections.
À cet égard, la Direction générale du Trésor a transmis au rapporteur spécial en mai 2025 son analyse macroéconomique des territoires d’outre-mer dont un extrait est cité ci-dessous :
Analyse macroéconomique de la Direction générale du Trésor (extraits)
|
– une production locale globalement moins compétitive par rapport aux produits importés, du fait, selon l’Autorité de la concurrence, de l’étroitesse du marché intérieur et en dépit des coûts d’approche et de la fiscalité spécifique aux DROM. Selon elle, cette situation favorise la concentration et les risques de collusion, ce qui justifie d’ailleurs de la part de l’Autorité une vigilance particulière ;
– un important écart de productivité apparente comparé à la France hexagonale, qui s’expliquerait, selon des travaux de la direction générale du Trésor de 2018 ([9]) cités par le rapport des inspections, par une sous-capitalisation importante des entreprises, un nombre d’heures travaillées inférieur de 4 % par rapport à la France hexagonale et à une moindre qualification et formation (voir infra) ;
Tableau 3 : ProductivitÉ apparente (PIB par emploi)
(en milliers d’euros)
Territoires |
2022 |
Écart par rapport à la France hexagonale en 2022 |
Guadeloupe |
66,3 |
25 % |
Martinique |
65,1 |
26 % |
Guyane |
58,0 |
34 % |
La Réunion |
63,9 |
27 % |
France hexagonale hors Île-de-France |
79,8 |
N.A. |
France hexagonale |
87,9 |
N.A. |
Source : Insee cité par le rapport des inspections.
– un niveau de formation et de qualification professionnelle plus faible qu’en Hexagone, pesant également sur la productivité et la compétitivité des entreprises ultramarines. Ainsi, comme le constate le rapport précité des inspections, la part de la population de plus de 15 ans non scolarisée est plus élevée outre-mer que dans l’Hexagone, tandis que celle des diplômés de niveau bac + 5 y demeure inférieure. Par exemple, la proportion de personnes non ou faiblement diplômées parmi les non-scolarisés s’élève à 21,0 % en France hexagonale contre 44,6 % en Guyane. Selon France Stratégie ([10]), à origine sociale équivalente, les personnes nées dans les DROM ont entre 20 % et 25 % de chances en moins d’obtenir un diplôme de l’enseignement supérieur, et entre 35 % et 45 % de chances en moins d’accéder à un poste de cadre ;
Tableau 4 : Niveau de diplÔme en 2021
(en pourcentage)
Territoires |
Part des non ou peu diplômés dans la population non scolarisée des plus de 15 ans |
Part des diplômés d’un bac + 5 ou plus dans la population non scolarisée des plus de 15 ans |
Guadeloupe |
32,3 |
6,2 |
Martinique |
30,1 |
7,4 |
Guyane |
44,6 |
6,8 |
La Réunion |
35,7 |
6,3 |
France hexagonale |
21,0 |
9,0 |
Source : Insee citée par le rapport des inspections.
– une sur-rémunération des agents du secteur public conduisant à l’augmentation du salaire horaire net moyen par effet d’entraînement. À cet égard, le rapport des inspections indique que « les fonctionnaires et agents publics exerçant leurs fonctions en outre-mer bénéficient de compléments de rémunérations, dont la généralisation à tous les agents date de 1953, et qui ont pour objectif de compenser le coût de la vie plus élevé dans les territoires ultramarins, de couvrir les frais d’installation et de renforcer l’attractivité des emplois publics en outre-mer. Ces dispositifs sont appliqués par les collectivités territoriales pour lesquelles ils sont autorisés, mais non obligatoires. La différence de rémunération dans la fonction publique entre les outre-mer et la France hexagonale varie de 22 % à La Réunion à 24 % en Guadeloupe. ».
Tableau 5 : Salaires mensuels nets moyens en Équivalent temps plein (ETP) en 2021
Territoires |
Secteur privé |
Différentiel avec la France hexagonale hors IDF (en %) |
Secteur public (en €) |
Différentiel avec la France hexagonale Hors IDF (en %) |
Guadeloupe |
2 280 |
4 % |
3 070 |
24 % |
Martinique |
2 270 |
4 % |
3 000 |
22 % |
Guyane |
2 340 |
7 % |
3 040 |
23 % |
La Réunion |
2 130 |
– 3 % |
2 970 |
22 % |
France hexagonale (hors IDF) |
2 187 |
N.A. |
2 327 |
N.A. |
France hexagonale |
2 253 |
N.A. |
2 343 |
N.A. |
Source : Insee citée par le rapport des inspections.
Le rapporteur spécial a été sensibilisé à cette difficulté rencontrée par les entreprises lors de ses déplacements, celles-ci lui indiquant que, pour demeurer attractives face aux administrations publiques, elles doivent revoir leurs rémunérations à la hausse, notamment pour les cadres supérieurs et les professions intermédiaires. En conséquence, comme le relève le rapport des inspections, « le salaire net horaire moyen est ainsi plus élevé dans les DROM qu’en France hexagonale pour les cadres supérieurs, les professions intermédiaires et les employés et plus faible pour les ouvriers ».
Tableau 6 : Salaire net horaire moyen en France hexagonale et en outre-mer selon les catÉgories professionnelles en 2022
(en euros)
Territoires |
Ouvriers |
Employés |
Professions intermédiaires |
Cadres, professions intellectuelles et chefs d’entreprises |
Guadeloupe |
12,1 |
12,4 |
17,0 |
28,0 |
Martinique |
12,1 |
12,2 |
16,7 |
28,1 |
Guyane |
12,2 |
12,1 |
17,5 |
28,6 |
La Réunion |
11,9 |
11,8 |
16,0 |
27,1 |
France hexagonale (hors IDF) |
12,4 |
11,9 |
16,2 |
25,9 |
France hexagonale |
12,4 |
11,9 |
16,3 |
26,5 |
Source : Insee citée par le rapport des inspections.
– une balance commerciale structurellement déficitaire et une forte dépendance aux importations : selon les territoires, entre la majorité et les deux tiers des échanges commerciaux se font avec la France hexagonale.
Dans les cas de la Martinique, de la Guadeloupe et de La Réunion, le déséquilibre commercial observé ne résulte pas d’un volume d’importations anormalement élevé – ci étant similaire à celui enregistré au niveau national – mais plutôt de la faiblesse de leurs exportations, nettement inférieures à la moyenne française. À l’inverse, en Guyane, le déficit du solde extérieur s’explique principalement par l’importance des importations, les exportations étant quant à elles proches des standards nationaux.
Sur ce déséquilibre des échanges, l’éclairage présenté par le site vie-publique.fr ([11]) rappelle que « cette situation est un héritage du système économique colonial dit “ de l’Exclusif ” : les territoires étaient soumis à une obligation de commerce exclusif avec l'Hexagone et lui fournissaient matières premières agricoles ou minières tout en servant de débouchés à ses produits industriels ». À cet égard, le rapporteur spécial ne cesse d’appeler à ce que les territoires dits d’outre-mer sortent de cette économie de comptoir, héritée du passé colonial (voir infra le lien fait avec le refus de limiter les exonérations de cotisations sociales aux seuls bas salaires, en excluant les cadres).
En outre, le rapporteur spécial relève que la forte spécialisation de l’agriculture des DROM dans les cultures destinées à l’exportation, telles que la canne à sucre et la banane, contribue directement à la faible autosuffisance alimentaire de ces territoires. En moyenne, seulement 50 % des besoins alimentaires sont couverts par la production locale, avec des écarts marqués entre les territoires – 33 % en Martinique contre 60 % à La Réunion – ce qui accentue leur dépendance vis-à-vis des importations alimentaires ;
● une faible intégration dans les échanges régionaux et internationaux : en dépit de leur éloignement géographique, les DROM réalisent en effet la majeure partie de leurs échanges commerciaux, tant à l’importation qu’à l’exportation, avec la France hexagonale, malgré la proximité des grands partenaires commerciaux que sont le Brésil ou les États-Unis – notamment dans la zone Antilles-Guyane avec lesquels la France entretient pourtant des relations commerciales étroites ;
● une vulnérabilité climatique renforcée, résultant à la fois des effets du changement climatique – notamment la variabilité des températures et des précipitations – et de la récurrence accrue des aléas naturels tels que les cyclones, les sécheresses et les inondations. Les exemples récents sont frappants à l’instar du cyclone Irma qui, le 6 septembre 2017, a dévasté Saint-Martin et Saint-Barthélemy, causant la mort d’une douzaine de personnes, endommageant à divers degrés 95 % du bâti et occasionnant 25 600 sinistres pour un coût total estimé à 1,9 milliard d’euros et du cyclone Chido endeuillant le 14 décembre 2024 Mayotte de 39 morts et causant plus de 3,5 milliards d’euros de dégâts ;
● des délais de paiement des donneurs d’ordre publics, en particulier des établissements de santé et des collectivités territoriales sur lesquels le rapporteur spécial a été systématiquement interpellé par les entreprises lors de ses déplacements : comme le rapport des inspections le relève, les entreprises implantées dans les territoires ultramarins subissent un préjudice significatif en raison des délais de paiement particulièrement longs observés au sein des collectivités locales et des établissements publics de santé.
D’après les données publiées par l’Institut d’émission des départements d’outre-mer (IEDOM), la durée moyenne de règlement des créances par le secteur public local et hospitalier s’établissait, en 2023, à 60,6 jours, soit un niveau deux fois supérieur à la moyenne nationale et dépassant le seuil réglementaire en vigueur de 30 jours pour l’État et les collectivités et de 50 jours pour les établissements publics de santé ([12]). Par ailleurs, le délai de paiement médian dans les DROM atteignait 38,8 jours sur la même période, contre 15,6 jours en France hexagonale. Ces retards de paiement de la part des donneurs d’ordre publics constituent un frein majeur à la fluidité du financement du cycle d’exploitation des entreprises concernées.
Tableau 7 : DÉlai de paiement moyen du secteur public local et hospitalier en 2023
(en jours)
Territoires |
Délai de paiement moyen en 2022 |
Délai de paiement moyen en 2023 |
Guadeloupe |
92,3 |
83,5 |
Martinique |
91,9 |
86,9 |
Guyane |
73,8 |
64,2 |
La Réunion |
37,4 |
38,0 |
France hexagonale |
29,5 |
30,6 |
Source : IEDOM cité par le rapport des inspections.
Le rapporteur spécial observe à la suite des auditions réalisées lors de ses déplacements que les données ci-dessus représentent des moyennes, qui, par nature, combinent des délais de paiement inférieurs au seuil réglementaire avec des délais bien supérieurs. Ainsi, pour illustration, il ressort des données transmises par la DRFIP ([13]) de Martinique qu’au 31 mars 2025, les écarts de délai global de paiement (DGP) ([14]) des communes de ce territoire évoluent entre 6 jours et 162 jours. La situation des établissements publics de santé est encore plus critique pour leurs créanciers, avec par exemple, un DGP de 210 jours pour le centre hospitalier de Martinique au 31 mars 2025.
Tableau 8 : DÉlai global de paiement des ÉtablissemeNTs publics de santÉ
au 31 mars 2024/2025
(en jours)
Délai global de paiement (DGP) |
|||
Établissements publics de santé |
DGP cumulé au 31/03/2024 |
DGP cumulé au 31/03/2025 |
Variation 2025/2024 |
CH Trois-Ilets (Les) |
56 |
114 |
103,6 % |
CH Nord Caraïbe |
184 |
173 |
– 6,0 % |
CH de Saint Esprit |
183 |
188 |
2,7 % |
CHI Lorrain/Basse-pointe |
276 |
177 |
– 35,9 % |
CHRU Martinique |
213 |
210 |
– 1,4 % |
CHS Maurice Despinoy |
154 |
140 |
– 9,1 % |
CH du François |
206 |
202 |
– 1,9 % |
CH R Blondet |
92 |
54 |
– 41,3 % |
EHPAD du Robert |
26 |
19 |
– 26,9 % |
EHPAD des Anses-d’Arlet |
51 |
68 |
33,3 % |
CH du Marin |
90 |
89 |
– 1,1 % |
Sous-total Établissements publics de santé |
139 |
130 |
– 6,5% |
Source : DRFIP de la Martinique/Commission des finances.
La DRFIP de la Martinique a par ailleurs précisé au rapporteur spécial que, s’agissant des délais de paiement des communes, « de façon générale, moins d’un tiers des mandats sont payés à 30 jours. Il en résulte des risques importants pour les collectivités qui s’exposent à payer des intérêts moratoires conséquents alors même que les difficultés de trésorerie s’atténuent. Cela pose également des difficultés pour les entreprises qui voient leurs factures réglées trop tardivement ».
Comme le relève le rapport des inspections, « les effets négatifs des retards de paiement sur le cycle d’exploitation des entreprises sont amplifiés par les trois éléments suivants :
– le poids de la commande publique dans les économies de ces territoires en particulier pour le secteur des bâtiments-travaux publics (BTP) ;
– le coût du crédit : celui-ci est majoré par rapport à la France hexagonale (cf. tableau [9]);
– l’accès au crédit, qui selon les acteurs rencontrés, est rendu complexe par les difficultés, variables selon les territoires et les établissements financiers, que rencontrent leurs équipes d’analyse de crédit, à appréhender la qualité des signatures et des projets, lorsqu’elles sont situées en France hexagonale ».
Tableau 9 : CoÛt du crÉdit bancaire en janvier 2024
(en pourcentage)
Territoires |
Découverts |
Trésorerie échéancée |
Équipement |
Immobilier |
Guadeloupe |
9,54 |
5,83 |
4,84 |
4,23 |
Martinique |
8,00 |
5,40 |
4,62 |
2,83 |
Guyane |
13,38 |
5,91 |
5,18 |
4,13 |
La Réunion |
7,48 |
5,55 |
4,83 |
4,68 |
France entière |
1,49 |
1,12 |
1,30 |
0,94 |
Source : IEDOM cité par le rapport des inspections.
Comme indiqué précédemment, lors de ses déplacements, le rapporteur spécial a été systématiquement sensibilisé par ses interlocuteurs sur les conséquences des délais de paiement des collectivités et établissements publics de santé. Ces délais affectent tout particulièrement les trésoreries des petites entreprises, souvent non adossées à des grands groupes. Ces derniers soutiennent en effet la trésorerie de leurs filiales ultramarines jusqu’au paiement des factures.
À l’instar de ce qu’indique le rapport des inspections, le rapporteur spécial note que les exonérations de cotisations LODEOM permettent aux entreprises de financer leur cycle d’exploitation afin de faire face à ces délais de paiement.
Il ajoute que certaines entreprises ont indiqué subir des pressions des donneurs d’ordre publics dépassant les délais légaux de paiement pour ne pas demander à celles-ci l’application – pourtant de plein droit et sans formalités ([15])– d’intérêts moratoires. Certaines entreprises concernées, tout particulièrement s’agissant du secteur du BTP, ont indiqué au rapporteur spécial qu’elles étaient tenues de suivre cette consigne, au regard de leur dépendance aux commandes publiques, sous peine de répercussions lors de leur candidature à de prochains appels d’offres.
Le rapporteur spécial dénonce cette situation et appelle d’une part les donneurs d’ordre publics concernés, en particulier les établissements relevant de l’État, à améliorer nettement leurs délais de paiement, et d’autre part, les préfets et directeurs régionaux des finances publiques à renforcer les mesures de soutien initiées auprès des donneurs d’ordre publics. Le rapporteur spécial a relevé que les préfets et DRFIP rencontrés avaient conscience de la situation et de ses conséquences sur le tissu économique local et s’employaient à y remédier.
Au regard du lien entre l’affectation de la trésorerie des entreprises ultramarines les plus fragiles par les délais de paiement publics et les exonérations de cotisations sociales LODEOM, qui leur permettent indirectement de préserver leur trésorerie jusqu’au paiement des factures dues, le rapporteur spécial considère qu’il est indispensable de lier toute réforme des exonérations de cotisations sociales LODEOM à l’amélioration substantielle des délais globaux de paiement des donneurs d’ordre publics. De nouvelles instructions aux préfets et DRFIP ultramarins, fondées sur les meilleures pratiques recensées dans les territoires, pourraient à cet égard leur être utilement adressées. En outre, le délai global de paiement des donneurs d’ordre public pourrait être rendu public par territoire, afin que les entreprises soient informées avant de candidater. Le rapporteur spécial considère que cette publication annuelle et sa médiatisation seraient probablement les plus à même de produire des effets vertueux sur la gestion des donneurs d’ordre concernés.
Recommandation n° 1 : Lier toute réforme des dispositifs d’exonération de cotisations sociales LODEOM à l’amélioration substantielle des délais globaux de paiement des donneurs d’ordre publics.
● un constat fait par le rapport des inspections de taux de marges médians des entreprises plus élevé qu’en France hexagonale, quelle que soit leur taille, et d’autant plus marqué pour les plus grandes entreprises.
Tableau 10 : Taux de marge des entreprises par territoire en 2021
(en pourcentage)
Territoires |
Taux de marge |
Guadeloupe |
33,8 |
Martinique |
38,5 |
Guyane |
35,8 |
La Réunion |
35,0 |
Saint-Barthélemy et Saint-Martin |
44,6 |
France hexagonale hors IDF |
31,3 |
IDF |
32,0 |
Total |
31,6 |
Source : FARE, 2021 cité par le rapport des inspections.
Tableau 11 : Taux de marge mÉdian en fonction de la taille de l’entreprise par territoire en 2021
(en pourcentage)
Territoires |
PME |
ETI |
GE |
Guadeloupe |
25 |
27 |
33 |
Martinique |
26 |
32 |
41 |
Guyane |
29 |
40 |
27 |
La Réunion |
27 |
43 |
44 |
Saint-Barthélemy et Saint-Martin |
25 |
N.D. |
26 |
France hexagonale hors IDF |
22 |
26 |
21 |
IDF |
21 |
27 |
31 |
Source : FARE, 2021 cité par le rapport des inspections.
L’attention du rapporteur spécial a été particulièrement attirée par ce constat fait par le rapport des inspections, dans un contexte de lutte contre la vie chère. Il rappelle que pour lui, l’important est le partage de la valeur qui doit profiter à tous, et en particulier au développement des économies ultramarines et aux travailleurs locaux, et qui ne doit pas peser démesurément sur le pouvoir d’achat et la cherté de la vie. Il regrette que dans l’optique d’une réforme de la LODEOM, les travaux des inspections ne soient pas davantage approfondis. À l’instar des réponses faites par le ministère des outre-mer, il considère que l’analyse reste limitée : les données disponibles sont partielles (pas d’information sur l’évolution de cette marge sur le court et moyen terme, sur l’effet de la période COVID et des aides qui l’ont accompagnée), et insuffisamment détaillées par secteur et régime fiscal (notamment des bénéficiaires de la LODEOM).
Interrogée sur ce point par le rapporteur spécial, la Fédération des entreprises d'outre-mer (FEDOM) a fortement contesté l’analyse des inspections, en relevant notamment qu’« elles fondaient leur analyse sur l’année 2021, […] année parasitée par le poids de l’intervention publique apportée en réponse à la vague épidémique de COVID ayant frappé de plein fouet les outre-mer autour de l’été 2021 – alors que l’analyse des données 2022 démontre un effondrement des marges des entreprises avec la fin des aides COVID et l’impact du choc inflationniste résultant de la crise ukrainienne ».
Le rapporteur spécial observe que cette faiblesse statistique complique l’évaluation des effets réels des dispositifs de soutien économique. En outre, ces taux de marges peuvent être liés à des difficultés structurelles (par exemple la nécessité de compenser les problèmes de trésorerie liés aux difficultés d’approvisionnement ou aux délais de paiement des marchés publics).
Enfin, lors de ses déplacements, le rapporteur spécial a systématiquement posé la question des marges à ses interlocuteurs, qui, en réponse, ont mis en doute les statistiques avancées et regretté l’absence de données par secteur d’activité. Par ailleurs, les entreprises auditionnées ont fait part au rapporteur spécial de leur étonnement quant au nombre élevé de procédures de redressement et de liquidation judiciaires observées en outre-mer, au regard des marges affichées. À cet égard, le rapporteur spécial relève effectivement que le dernier rapport annuel d’activité publié par l’IEDOM indique que dans les DROM, les défaillances sont en hausse de 14,3 % en 2024 (+ 45 % en 2023) pour environ 2 000 procédures.
Graphique 1 : DÉfaillances des entreprises ultramarines 2019 – 2024
Indice base 100 = moyenne sur la période 2004 – 2024
Source : rapport annuel 2024 IEDOM-IEOM.
En conséquence, le rapporteur spécial regrette que le rapport des inspections n’ait pas davantage approfondi cette question complexe des marges des entreprises. La présentation faite des marges des entreprises ultramarines, sans savoir si elles sont bénéficiaires ou pas de la LODEOM, laisse à penser que celles-ci, par effet d’aubaine, profitent de ces exonérations pour accroître leurs marges, ce qui n’est pas démontré. Dès lors, le rapporteur spécial demande que toute réforme de la LODEOM soit précédée d’une analyse détaillée des marges des entreprises bénéficiant de la LODEOM, selon leur secteur d’activité, pour que le Parlement puisse se prononcer lors d’un débat éclairé sur une réforme de ces dispositifs.
Une telle étude – réalisée en toute transparence et en rendant les résultats publics – permettrait en outre d’éclairer très opportunément la problématique prioritaire pour nos concitoyens ultramarins de la lutte contre la vie chère.
Recommandation n° 2 : Faire précéder toute réforme des dispositifs d’exonération de cotisations sociales LODEOM de la publication d’une étude approfondie des marges des entreprises ultramarines, par territoire, selon qu’elles sont bénéficiaires ou non de la LODEOM et selon leur secteur d’activité.
B. des territoires dont les économies, au-delà des ressemblances, doivent être différenciées.
Si les territoires dits d’outre-mer doivent faire face à de nombreuses problématiques communes, évoquées supra, chaque territoire dispose de caractéristiques propres qu’il est également nécessaire de prendre en compte lors de l’élaboration – ou de la réforme – de toute politique publique ou dispositif spécifique qui leur est applicable.
En premier lieu, la démographie de ces territoires est très contrastée avec :
– d’une part, des populations de taille très variée, que l’on peut rassembler en trois groupes (chiffres 2023) :
● Saint-Martin (36 000 habitants) et Saint-Barthélemy (10 500 habitants) ;
● la Guyane (300 000 habitants), la Martinique (360 000 habitants) et la Guadeloupe (390 000 habitants) ;
● La Réunion (870 000 habitants).
– d’autre part, des trajectoires opposées : la Martinique et la Guadeloupe souffrent d’une dynamique démographique négative. Entre 2010 et 2024, la population y a enregistré une baisse respective de 11,2 % et de 6,1 %, contrairement à la tendance observée dans d’autres territoires. La population a en effet progressé de 29,0 % en Guyane, de 7,9 % à La Réunion et de 5,4 % en France hexagonale.
En deuxième lieu, comme l’expose le tableau 2, on constate sur le long terme que le développement de la Martinique, la Guadeloupe et La Réunion convergent avec celui de la France hexagonale hors Île-de-France. Ainsi, alors qu’en 2000, ces trois territoires représentaient entre 62 et 65 % du PIB hexagonal hors Île-de-France, ils atteignent en 2022 entre 73 % et 80 % de ce PIB. À titre de comparaison, le rapport des inspections indique que le niveau de PIB par habitant de ces territoires équivaut, en 2023, en standard de pouvoir d’achat, à celui de la Bulgarie (24 200 euros par habitant), de la Grèce (25 300 euros par habitant) ou de la Lettonie (26 600 euros par habitant).
À l’inverse, la Guyane diverge avec un PIB par habitant par rapport à la France hexagonale hors Île-de-France évoluant de 56 % en 2000 à 46 % en 2022.
En dernier lieu, les tissus économiques des territoires ultramarins diffèrent, comme l’expose le rapport des inspections :
« La Guadeloupe se distingue par la part plus élevée de l’industrie dans la valeur ajoutée en 2021 (10,1 %) et dans l’emploi (8,0 %). Il s’agit de la part la plus élevée parmi les quatre DROM. L’industrie constitue, en comparaison, 14,8 % de l’emploi en France hexagonale. La part du tertiaire marchand dans la valeur ajoutée y est, en revanche, plus faible que dans les autres DROM (44,7 %) et la part du tertiaire non marchand plus élevée (39,7 %), soit la part la plus élevée parmi les régions françaises. L’agriculture représente une part relativement faible de la valeur ajoutée (1,8 %), notamment comparée à la France hexagonale (2,6 %).
« La Martinique présente une position médiane au sein des DROM quant à la répartition de la valeur ajoutée. C’est notamment le cas du secteur tertiaire marchand et non marchand (respectivement 47,5 % et 39,5 %). L’agriculture représente 2,5 % de la valeur ajoutée, mais 3,2 % des emplois tandis que l’industrie ne constitue que 7,1 % de la valeur ajoutée de l’île et 7,2 % des emplois.
« La Réunion se caractérise, en 2021, par une part de l’agriculture (1,7 %) et de l’industrie (6,1 %) dans la valeur ajoutée plus faible en moyenne que dans les autres DROM. En revanche, la part du tertiaire marchand (49,8 %) et de la construction (6,1 %), notamment sous l’effet de la construction de la route du littoral, y est plus importante expliquant le poids du secteur des bâtiments-travaux publics (BTP) dans l’économie locale. Enfin, le tertiaire non marchand représente 36,3 % de la valeur ajoutée, soit la part la plus faible au sein des quatre DROM. La Réunion est également le seul DROM labellisé “ French tech ”.
« Enfin, la Guyane se caractérise par une part un peu plus élevée dans la valeur ajoutée de l’agriculture (4,2 %), qui ne représente toutefois que 0,7 % des emplois, et de l’industrie (9,4 %) du fait des activités d’extraction minière. Le tertiaire marchand y est faible (45,3 %) soit la part la plus faible dans les régions françaises et ne représente que 33,2 % des emplois. Le tertiaire non marchand apparaît important (36,1 %) avec 52,6 % des emplois. Sans qu’il soit, par construction, possible de la quantifier, le poids de l’économie informelle y semble davantage prégnant que dans les autres DROM. Enfin, le centre spatial guyanais constitue un atout pour la Guyane. Il contribue à 17 % du PIB guyanais et à 25 % de l’emploi privé en 2015.
« Les données relatives à la structure des économies des trois collectivités d’outre-mer éligibles au dispositif d’exonérations LODEOM ne permettent pas de caractériser le tissu économique de ces territoires avec le même degré de précision. Saint-Martin dispose d’une économie orientée essentiellement vers le tourisme qui a donc particulièrement souffert des catastrophes climatiques récentes (ouragan Irma en 2017) et de la crise du Covid-19. Le tissu économique de Saint-Pierre-et-Miquelon est structuré autour d’entreprises polyvalentes du fait de la petite taille de l’archipel. Ces trois territoires sont caractérisés par la faible consommation locale liée à l’étroitesse des marchés et par la prédominance des très petites entreprises ».
Tableau 12 : Structure des emplois selon le secteur d’activitÉ en 2021
(en pourcentage)
Territoires |
Agriculture, sylviculture et pêche |
Industrie |
Construction |
Tertiaire marchand |
Tertiaire non marchand |
Guadeloupe |
1,3 |
8,0 |
6,2 |
41,5 |
43,0 |
Martinique |
3,2 |
7,2 |
5,0 |
42 |
42,6 |
Guyane |
0,7 |
7,3 |
6,3 |
33,2 |
52,6 |
La Réunion |
1,4 |
7,5 |
6,4 |
41,6 |
43,1 |
France hexagonale (hors IDF) |
1,8 |
15,4 |
6,6 |
41,0 |
35,2 |
France hexagonale |
1,7 |
14,8 |
6,6 |
42,4 |
34,6 |
Source : Insee citée par le rapport des inspections.
Tableau 13 : Structure de la valeur ajoutÉe selon le secteur d’activitÉ en 2021
(en pourcentage
Territoires |
Agriculture, sylviculture et pêche |
Industrie |
Construction |
Tertiaire marchand |
Tertiaire non marchand |
Guadeloupe |
1,8 |
10,1 |
3,7 |
44,7 |
39,7 |
Martinique |
2,5 |
7,1 |
3,5 |
47,5 |
39,5 |
Guyane |
4,2 |
9,4 |
5,1 |
45,3 |
36,1 |
La Réunion |
1,7 |
6,1 |
6,1 |
49,8 |
36,2 |
France hexagonale (hors IDF) |
2,8 |
14,9 |
6,5 |
49,8 |
26,1 |
France hexagonale |
2,6 |
14,3 |
6,3 |
51,5 |
25,3 |
Source : Insee citée par le rapport des inspections.
II. un dispositif vital pour les entreprises ultramarines devant être réformé et consolidé plutôt que raboté ou supprimé
A. le nécessaire recentrage des objectifs de la lodeom vers le développement des territoires et non des seules entreprises
Le rapporteur spécial a demandé au ministère des outre-mer de lui présenter les dispositifs LODEOM et les objectifs recherchés et de lui indiquer s’ils correspondent toujours aux priorités du gouvernement.
En réponse, il lui a été précisé que :
« Depuis sa mise en place dans les années 1990, la politique de réduction des cotisations employeur sur les bas salaires a eu un impact significatif sur l’emploi. En effet, divers rapports documentent l’amélioration du marché du travail depuis cette date ([16]) et notamment l’efficacité de ces dispositifs contre le chômage de masse de la population moins qualifiée.
« En parallèle des allègements généraux qui constituent le dispositif de droit commun, les dispositifs d’exonération de cotisations spécifiques en outre-mer ont été introduits par la loi n°94-638 du 25 juillet 1994 tendant à favoriser l’emploi, l’insertion et les activités économiques dans les départements d’outre-mer, à Saint-Pierre-et-Miquelon et à Mayotte. Ces dispositifs ont par la suite été révisés par la loi n 2009-594 du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer (LODEOM), puis renforcés par la loi de financement de la Sécurité sociale (LFSS) pour 2019.
« Les objectifs affectés aux dispositifs ont connu des évolutions au fil des différentes réformes. En effet, si en 1994 les dispositifs ont été créés par la loi tendant à favoriser l’emploi, l’insertion et les activités économiques dans les DOM, en 2009 les modifications apportées avaient vocation à rendre plus efficiente l’intervention publique en la concentrant sur les salaires sur lesquels l’impact est le plus fort. En 2019, le PLFSS fait référence à la réduction des difficultés économiques structurelles des collectivités d’outre-mer, l’amélioration de la compétitivité des entreprises et l’encouragement à la création d’emplois pérennes.
« Les dispositifs d’exonération LODEOM mis en place en Guadeloupe, en Martinique, en Guyane et à La Réunion diffèrent s’agissant de leur application à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin. À Saint-Pierre-et-Miquelon, le dispositif d’exonération de cotisations spécifiques issu de la loi de programme pour les outre-mer (LOPOM) est quant à lui appliqué.
« Ces dispositifs, dérogatoires des allègements généraux de cotisations et contributions sociales, ont été mis en place au regard des spécificités géographiques des économies ultramarines et des handicaps structurels tels que l’éloignement, l’insularité, la faible superficie, l’étroitesse des marchés, qui entraînent des coûts unitaires de production, d’exploitation et de structure plus élevés.
« La réduction du coût du travail permis par ces dispositifs à vocation à encourager la création d’emploi et ainsi contribuer à la réduction du chômage en outre-mer. À ce titre, ils participent aux priorités du Gouvernement. ».
Le rapport des inspections précise quant à lui que « Si les dispositifs d’exonération de cotisations LODEOM ont pour principal objectif l’amélioration de la situation de l’emploi ([17]), ils poursuivent, dans les faits, de trop nombreux objectifs notamment l’amélioration des niveaux de rémunérations, le financement du cycle d’exploitation des entreprises, la rentabilité des entreprises, en particulier de la marge des entreprises et le soutien spécifique au développement économique de secteurs d’activité ciblés. Ce constat ne constitue pas un optimum du point de vue économique et nécessite de clarifier l’objectif assigné au dispositif ».
Le rapporteur spécial considère également que de trop nombreux objectifs ont été fixés au dispositif LODEOM, ce qui explique pour partie sa complexité et son manque de lisibilité (voir infra). Au regard des caractéristiques des territoires dits d’outre-mer mis en lumière dans la première partie de ce rapport et dans un contexte de crise de la vie chère, il considère que le principal objectif devant être fixé à ce dispositif ne doit pas être uniquement centré sur les entreprises mais doit être plus ambitieux et inclusif en visant le développement de chaque territoire afin de les dégager du carcan de l’économie de comptoir où ils sont confinés.
B. l’indispensable simplification des différents dispositifs lodeom jugés complexes et illisibles par l’ensemble des acteurs concernés
À l’instar de l’ensemble des acteurs rencontrés dans ses déplacements, le rapporteur spécial relève la grande difficulté d’appréhender les dispositifs LODEOM et pour une entreprise de savoir avec certitude à quel barème elle est éligible.
Le rapporteur spécial a repris ci-dessous les présentations des dispositifs du rapport des inspections et des documents budgétaires.
Ainsi, les dispositifs d’exonération de cotisations patronales applicables dans les territoires ultramarins, prévus par la loi pour le développement économique des outre-mer (LODEOM) et la loi de programmation pour l’outre-mer (LOPOM), se déclinent en trois régimes distincts, dont l’application varie selon les territoires concernés :
– le régime LODEOM applicable aux départements et régions d’outre-mer (DROM), à savoir la Martinique, la Guadeloupe, la Guyane et La Réunion ;
– le régime LODEOM applicable aux collectivités d’outre-mer (COM) des Antilles, incluant Saint-Martin et Saint-Barthélemy ;
– le régime LOPOM spécifique à Saint-Pierre-et-Miquelon (non étudié dans le présent apport).
Chacun de ces régimes comporte trois barèmes d’exonération différenciés, déterminés en fonction de la taille de l’entreprise et de son secteur d’activité. Les régimes LODEOM applicables aux DROM et aux COM des Antilles reposent sur un mécanisme commun : une exonération totale des charges sociales patronales jusqu’à un seuil exprimé en multiples du salaire minimum interprofessionnel de croissance (SMIC), puis une exonération dégressive appliquée jusqu’au point de sortie du dispositif (cf. graphique suivant).
Ces régimes sont plus intéressants pour les entreprises ultramarines éligibles que le recours au droit commun des allègements généraux.
Graphique 2 : Seuils et barÈmes en vigueur dans les deux rÉgimes LodEom
(DROM et COM)
Source : Rapport des inspections.
Tableau 14 : RÉcapitulatif des seuils et barÈmes
en vigueur dans les dispositifs LODEOM
Guadeloupe, Guyane, Martinique et la Réunion |
Saint-Barthélemy et Saint-Martin |
||||
Barème compétitivité |
Taux d’exonération maximal jusqu’à… |
1,3 SMIC |
Barème moins de 11 salariés |
Taux d’exonération maximal jusqu’à… |
1,4 SMIC |
Exonération dégressive à partir de… |
1,3 SMIC |
Exonération dégressive à partir de… |
2 SMIC |
||
Exonération nulle à partir de… |
2,2 SMIC |
Exonération nulle à partir de… |
3 SMIC |
||
Barème compétitivité renforcée |
Taux d’exonération maximal jusqu’à… |
2 SMIC |
Barème sectoriel |
Taux d’exonération maximal jusqu’à… |
1,4 SMIC |
Exonération dégressive à partir de… |
2 SMIC |
Exonération dégressive à partir de… |
1,4 SMIC |
||
Exonération nulle à partir de… |
2,7 SMIC |
Exonération nulle à partir de… |
3 SMIC |
||
Barème innovation & croissance |
Taux d’exonération maximal jusqu’à… |
1,7 SMIC |
Barème renforcé |
Taux d’exonération maximal jusqu’à… |
1,7 SMIC |
Exonération dégressive à partir de… |
2,5 SMIC |
Exonération dégressive à partir de… |
2,5 SMIC |
||
Exonération nulle à partir de… |
3,5 SMIC |
Exonération nulle à partir de… |
4,5 SMIC |
Source : Rapport des inspections.
Plus précisément, le régime LODEOM a été profondément remanié par les LFSS pour 2019 et pour 2020, consécutivement à la suppression du CICE ([18]) au 1er janvier 2019 et sa compensation par un renforcement des exonérations et des allègements de cotisations sociales patronales.
La LFSS pour 2019 a ainsi prévu, pour les employeurs situés en Guadeloupe, en Guyane, à la Martinique et à la Réunion, un alignement du champ des cotisations et contributions exonérées sur celui des allègements généraux renforcés et la modification des barèmes d’exonération ([19]).
Cette réforme s’est appuyée sur deux principes directeurs :
– la préservation des entreprises de moins de 11 salariés, quel que soit leur secteur d’activité,
– une modulation du niveau d’exonération en fonction du secteur d’activité afin de renforcer l’aide ainsi apportée aux entreprises vers les secteurs d’activité sensibles du fait de leur exposition à la concurrence extérieure ou essentiels du fait de leur capacité à créer de la valeur et de l’emploi.
De fait, c’est un niveau de cotisation sociale patronale nul qui est atteint au niveau du SMIC, et qui est modulé ensuite selon les trois régimes d’exonérations définis pour les outre-mer avec :
● pour le régime de compétitivité : une exonération totale jusqu’à 1,3 SMIC suivie d’une dégressivité de cette exonération avec un point de sortie fixé à 2,2 SMIC pour toutes les entreprises de moins de 11 salariés, pour les employeurs de plus de onze salariés et relevant des secteurs du bâtiment et des travaux publics, du transport aérien, maritime et fluvial (pour les personnels assurant la desserte des départements d’outre-mer, de Saint-Martin et Saint-Barthélemy) et pour les employeurs des secteurs éligibles aux régimes de compétitivité renforcée ou d’innovation et de croissance, qui ne respectent pas les conditions d’effectifs (moins de 250 salariés) ou de chiffres d’affaires annuels (moins de 50 millions d’euros) ;
● pour le régime de compétitivité renforcée : une exonération totale jusqu’à 2 SMIC, suivie d’une dégressivité avec un point de sortie fixé à 2,7 SMIC pour les employeurs occupant moins de 250 salariés ayant réalisé un chiffre d’affaires annuel inférieur à 50 millions d’euros et qui :
– soit relèvent des secteurs de l’environnement, de l’industrie, de l’agronutrition, des énergies renouvelables, des nouvelles technologies de l’information et de la communication, des centres d’appel, de la pêche et des cultures marines, de l’aquaculture, de l’agriculture, du tourisme (y compris les activités de loisirs s’y rapportant, du nautisme, de l’hôtellerie, de la recherche et du développement), de la presse (depuis le 1er janvier 2020) et de la production audiovisuelle (depuis le 1er janvier 2021) ;
– soit sont situés en Guyane et exercent une activité principale relevant de l’un des secteurs d’activité éligibles à la réduction d’impôt prévue à l’article 199 undecies B du code général des impôts, ou correspondant à l’une des activités suivantes : comptabilité, conseil aux entreprises, ingénierie ou études techniques ;
● pour le régime dit « innovation et croissance » : une exonération totale jusqu’à 1,7 SMIC, puis un maintien de l’exonération calculée pour un salaire de 1,7 SMIC jusqu’au seuil de 2,5 SMIC, seuil à partir duquel une dégressivité est appliquée avec un point de sortie fixé à 3,5 SMIC. Sont éligibles à ce régime les employeurs occupant moins de 250 salariés et ayant réalisé un chiffre d’affaires annuel inférieur à 50 millions d’euros, au titre de la rémunération des salariés concourant essentiellement à la réalisation de projets innovants dans le domaine des technologies de l’information et de la communication.
Le régime applicable à Saint-Martin et Saint-Barthélemy se décompose, pour sa part, de la façon suivante :
● Pour tous les employeurs occupant moins de onze salariés, l’exonération est totale jusqu’à un seuil de 1,4 SMIC. Cette exonération, calculée pour un salaire de 1,4 SMIC, est maintenue jusqu’au seuil de 2 SMIC et le point de sortie du dispositif est fixé à 3 SMIC ;
● Pour les employeurs, quel que soit leur effectif, qui sont éligibles en fonction de leur secteur d’activité, l’exonération demeure totale jusqu’au seuil de 1,4 SMIC puis devient dégressive avec un point de sortie fixé à 3 SMIC ;
● Pour les entreprises des secteurs prioritaires ; l’exonération totale est maintenue jusqu’au seuil de 1,7 SMIC, elle reste à ce montant jusqu’au niveau de 2,5 SMIC avec un point de sortie fixé à 3,5 SMIC.
Enfin, le rapport des inspections rappelle que « dans chacun des barèmes, la dégressivité du taux d’exonération jusqu’à l’extinction de l’exonération s’effectue selon des formules de constructions différentes. Il s’ensuit un entrecroisement des courbes des taux d’exonération qui nuit à la lisibilité et à la cohérence des barèmes ».
Tableau 15 : Formule de dÉGRESSIVITÉ de l’exonÉration LodEom
dans les DROM selon le barÈme
Barème |
Formule de dégressivité du taux |
Compétitivité |
1,3 × T/0,9 × (2,2 × SMIC annuel/RAB – 1) |
Compétitivité renforcée |
2 × T/0,7 × (2,7 × SMIC annuel/RAB – 1) |
Innovation et croissance |
1,7 × T × (3,5 × SMIC annuel/RAB – 1) |
Note de lecture : RAB = rémunération annuelle brute.
Source : rapport des inspections.
Sur ce dernier point, le rapporteur spécial relève que, conformément à l’article L. 752-3-2 du code de la sécurité sociale ([20]), ces formules de dégressivité des taux sont fixées par le pouvoir réglementaire, et pourraient ainsi être aisément simplifiées par le Gouvernement.
Le graphique n 1 ci-dessus illustre de manière indiscutable l’illisibilité et la complexité des régimes LODEOM applicables dans les DROM et les COM des Antilles. Ce manque de clarté, source d’erreurs, a d’ailleurs été systématiquement évoqué par les acteurs rencontrés par le rapporteur spécial lors de ses déplacements, que ce soit les administrations, notamment celles chargées du contrôle (CGSS), les chambres consulaires, les entreprises et même leurs experts-comptables.
Les difficultés rencontrées sont d’autant plus fortes que la majorité des bénéficiaires des régimes LODEOM sont des petites entreprises ne disposant pas des ressources humaines pour appréhender correctement leurs droits.
Au cours des auditions, il a été souligné que certaines entreprises renoncent à solliciter le bénéfice du dispositif d’exonération, par crainte de commettre une erreur déclarative susceptible d’entraîner un redressement ultérieur par la CGSS.
Cette difficulté est par ailleurs objectivée par la fréquence des régularisations effectuées par les CGSS à l’issue des contrôles menés. Pour 2023 et 2024, l’URSSAF a d’ailleurs indiqué au rapporteur spécial que sur les 400 régularisations annuelles réalisées par les CGSS, les montants des restitutions aux entreprises (4,2 millions d’euros en 2023 et 7,9 millions d’euros en 2024) ont dépassé ceux des redressements (3,2 millions d’euros en 2023 et 4,3 millions d’euros en 2024).
En conclusion, la simplification des dispositifs LODEOM apparaît pour le rapporteur spécial, comme pour l’ensemble des acteurs concernés, incontournable.
Au-delà de la révision très sensible des régimes et barèmes (voir infra), le rapporteur spécial considère que des améliorations pourraient être apportées au système d’information sur lequel les entreprises réalisent leur déclaration en ligne. En effet, comme lui a confirmé l’URSSAF, « c’est le cotisant qui détermine lui-même le montant des cotisations et contributions dont il est redevable, montants dont il s’acquitte en même temps qu’il les déclare à son organisme de recouvrement ».
Au regard du nombre d’erreurs commises lors de cette déclaration, notamment quant à l’éligibilité aux barèmes selon l’activité exercée (voir infra), le rapporteur spécial souhaiterait que soit examinée la possibilité de préremplir les déclarations en ligne des bénéficiaires de la LODEOM.
Recommandation n° 3 : Examiner la possibilité de préremplir les déclarations en ligne des bénéficiaires des dispositifs d’exonération LODEOM.
C. un dispositif vital bénéficiant à plus de 50 000 établissements ultramarins
Le rapporteur spécial tient à souligner que lors de ses auditions et déplacements, l’ensemble des administrations, élus, représentants consulaires et surtout entreprises auditionnées, s’opposent unanimement à une disparition du dispositif. Celle-ci serait vécue comme une catastrophe, tout particulièrement pour les petites entreprises.
Le rapporteur spécial considère qu’une suppression du dispositif serait dangereuse, au regard, notamment, du nombre d’entreprises – essentiellement de petite taille – et de salariés concernés par ces exonérations.
Ainsi, tout en relevant les faiblesses statistiques des administrations auxquelles il appelle à remédier (voir infra), il observe, en s’appuyant sur les statistiques de l’URSSAF présentées par le rapport des inspections, qu’en 2023, dans les DROM, 50 120 établissements regroupant 316 505 salariés sont concernés par les exonérations LODEOM ([21]).
Tableau 16 : Évolution du nombre d’Établissements exonÉRÉs
entre 2019 et 2023
Territoires |
2019 |
2020 |
2021 |
2022 |
2023 |
Évolution 2019 - 2023 |
Guadeloupe |
10 594 |
10 402 |
10 896 |
11 376 |
11 595 |
9,4 % |
Martinique |
9 634 |
9 414 |
9 847 |
10 335 |
10 492 |
8,9 % |
Guyane |
4 652 |
4 402 |
4 635 |
4 819 |
4 931 |
6,0 % |
La Réunion |
20 270 |
20 416 |
21 784 |
22 696 |
23 102 |
14,0 % |
Total |
45 150 |
44 634 |
47 162 |
49 226 |
50 120 |
11,0 % |
Source : rapport des inspections d’après les données de l’URSSAF.
Les établissements bénéficiant des exonérations prévues dans les trois barèmes sont constitués à 88 % d’employeurs de moins de 11 salariés, ce qui reflète la structure économique des DROM, caractérisée par une prédominance de ce type, d’entreprises représentant plus de 90 % du tissu entrepreneurial local.
Graphique 3 : RÉpartition des entreprises bÉNÉficiaires des exonÉrations LodEom, tous barÈmes confondus, selon la taille de l’entreprise en 2023
Source : rapport des inspections d’après les données de l’URSSAF.
Hormis la situation particulière de la Guyane, où l’on observe une prédominance des exonérations relevant des barèmes de compétitivité renforcée ([22]) et d’innovation et croissance, la répartition des exonérations est relativement équilibrée entre les différents territoires. Ainsi, comme le relève le rapport des inspections, « les exonérations dans les DROM sont principalement accordées au titre du barème compétitivité (61 % du total des exonérations, pour un total de 861 millions d’euros) et du barème de compétitivité renforcée (37 % du total, avec 527 millions d’euros). Les exonérations accordées au titre du barème innovation et croissance sont marginales (moins de 2 % du total, avec moins de 34 millions d’euros) ».
Graphique 4 : RÉpartition des entreprises bÉNÉficiant de la LodEom
en fonction du barÈme en 2023
Source : rapport des inspections d’après les données de l’URSSAF.
D. un coût budgétaire variable dont l’estimation préalable à l’examen parlementaire manque de fiabilité
Les dispositifs LODEOM sont des dispositifs dits de guichet, peu pilotables : il s’agit en effet de mécanismes automatiques dès lors que le bénéficiaire remplit les conditions définies par les textes. La compensation par le budget de l’État à la sécurité sociale est portée par la mission Outre-mer. En son sein, l’action 01 Soutien aux entreprises du programme budgétaire 138 (P138) Emploi Outre-mer finance principalement cette compensation, ainsi que d’autres dispositifs en faveur des entreprises ultramarines comme l’aide au fret. Avec plus de 1,6 milliard d’euros versés en AE et CP en 2024, les dispositifs LODEOM représentent 55 % des CP de la mission et 81 % des crédits du programme 138. Le versement effectué en 2024 a été inférieur d’un peu plus de 210 millions d’euros à celui réalisé en 2023 (1,8 milliard d’euros).
Tableau 17 : PrÉvision/ExÉcution des crÉdits de paiement destinÉs À la compensation des exonÉrations LODEOM
(en millions d’euros)
Compensation exonérations LODEOM |
2019 |
2020 |
2021 |
2022 |
2023 |
2024 |
Écart 2023/2024 |
Écart 2020/2024 |
||
LFI (prévision) |
1 375,4 |
1 470,7 |
1 565,1 |
1 478,0 |
1 413,2 |
1 539,18 |
126,0 |
9 % |
68,4 |
5 % |
Réalisation |
1 390,3 |
1 435,0 |
1 378,2 |
1 726,4 |
1 816,2 |
1 605,45 |
– 210,8 |
– 12 % |
170,4 |
12 % |
Écart LFI/réalisation |
14,9 |
– 35,7 |
– 187,0 |
248,3 |
403,0 |
66,3 |
– |
– |
– |
– |
Source : Commission des finances d’après les documents budgétaires (PAP et RAP 2019-2024).
Le rapporteur spécial tient à souligner la difficulté à estimer avec exactitude – voire sincérité – le coût réel des dispositifs d’exonération.
En effet, les montants compensés ne représentent pas les coûts réels des exonérations et peuvent par exemple intégrer ou exclure un apurement de dette résiduelle envers l’ACOSS. Dans sa note d’analyse de l’exécution budgétaire 2024 de la mission Outre-mer, la Cour des comptes relève ainsi « que le risque que représente la dette contractée auprès des organismes sociaux sur le remboursement des exonérations de charges au titre de l’action n° 1 du programme 138 n’est pas neutre. Cette dette s’élève en 2024 à plus de 261 millions d’euros, dont 171 millions d’euros contractés sur cette seule année, et 90 millions d’euros de cumul de dettes antérieures ».
Le rapport des inspections retient quant à lui les montants suivants :
Tableau 18 : PrÉvision/ExÉcution des crÉdits de paiement destinÉs
À la compensation des exonÉrations LODEOM
(en millions d’euros)
Territoires |
2019 |
2020 |
2021 |
2022 |
2023 |
Évolution 2019 – 2023 |
DROM et Saint-Martin |
1 114,1 |
1 006,1 |
1 165,7 |
1 343,3 |
1 491,3 |
33,9 % |
Saint-Barthélemy |
21,3 |
14,4 |
19,1 |
20,4 |
26,5 |
24,5 % |
Saint-Pierre-et-Miquelon |
6,7 |
6,9 |
6,5 |
6,4 |
7,5 |
11,2 % |
Total |
1 142,1 |
1 027,4 |
1 191,3 |
1 370,0 |
1 525,3 |
33,6 % |
Évolution annuelle |
N.A. ([23]) |
– 10,0 % |
16,0 % |
15,0 % |
11,3 % |
N.A. |
Source : Rapport des inspections d’après les données Urssaf-CN, MSA, PLACSS 2023.
Dès lors, afin notamment de rendre le suivi de ces exonérations davantage transparent et de permettre des débats sincères et éclairés pour l’ensemble des acteurs concernés, et en particulier le Parlement, le rapporteur spécial reprend à l’identique la recommandation suivante faite par le rapport des inspections :
Recommandation n° 4 : (identique à celle des inspections) Fiabiliser les données relatives aux montants d’exonération LODEOM, le nombre d’établissements et de salariés concernés et harmoniser les périmètres retenus dans les différents documents de présentation.
Par ailleurs, sur le fondement du tableau ci-dessus, les inspections précisent que « deux facteurs peuvent expliquer l’évolution du montant des exonérations : l’augmentation du nombre de salariés pour lesquels les cotisations sont exonérées et l’évolution des rémunérations et leur distribution. Le nombre de salariés exonérés au titre des exonérations LODEOM dans les DROM a augmenté de 1,9 % entre 2019 et 2023. La masse salariale totale a, quant à elle, augmenté dans les DROM de 22,5 % entre 2019 et 2023. Cette augmentation de la masse salariale, si elle n’en reste pas moins significative, ne suffit donc pas à expliquer l’augmentation du montant des exonérations LODEOM (de 34,2 %) sur la même période. L’augmentation du taux d’exonération apparent, qui se définit comme le rapport entre le montant total des exonérations et la masse salariale, montre que la croissance des exonérations a été plus forte que l’augmentation de la masse salariale dans les DROM. Il évolue pour le dispositif LODEOM de 11,0 % en 2019 à 12,1 % en 2023. Cette évolution s’explique par le tassement des rémunérations au niveau des plus bas salaires en outre-mer, en particulier sous l’effet des hausses du SMIC. Ainsi, la part des salariés dont la rémunération est inférieure à 1,3 SMIC atteint 53 % dans les DROM ».
Le rapporteur spécial relève ainsi que la hausse du montant des exonérations est essentiellement due aux hausses du SMIC intervenues sur la période, comme le montre le tableau ci-dessous.
Tableau 19 : Salaire minimum interprofessionnel de croissance (Smic)
en France hors Mayotte
Source : INSEE.
S’agissant de l’évolution à la hausse du coût de ces exonérations, le rapport des inspections, relevait que « l’évolution du coût général des exonérations de cotisations sur le seul périmètre des DROM suit la même dynamique que celle observable pour le régime général dans l’ensemble de la France depuis 2019. Celui-ci a évolué de 33,2 % entre 2019 et 2023 tandis qu’il augmentait de 30,5 % dans l’ensemble de la France ([24]). En revanche, hors bandeaux famille et maladie ([25]), le coût du dispositif LODEOM a augmenté moins rapidement que le dispositif de l’allègement général dans l’ensemble de la France (44,0 % sur la même période) ».
Le rapporteur spécial tient par ailleurs à souligner l’importance des écarts qui peuvent être constatés entre la prévision faite dans le PLF et la consommation effective des crédits.
Comme le montre le tableau ci-dessus, les écarts de réalisation sur les cinq dernières années ont alterné entre – 187 millions d’euros et + 403 millions d’euros.
Si la réalisation ne peut correspondre exactement aux prévisions pour une dépense de guichet, le rapporteur spécial appelle depuis plusieurs années au suivi des recommandations de fiabilisation de la Cour des comptes, émises dans ses notes d’exécution budgétaire. Celles – ci dénoncent en effet « des prévisions budgétaires irréalistes qui rendent nécessaire une budgétisation supplémentaire en cours d’exercice ».
En effet, les crédits nécessaires à la compensation des exonérations pour l’année N + 1 sont établis à partir des prévisions de dépenses de l’année N réalisées au mois de mai par l’URSSAF Caisse nationale présentées en juin lors d’une réunion entre les organismes concernés (URSSAF Caisse nationale, direction de la Sécurité sociale, direction du budget et DGOM). Les prévisions se fondent par ailleurs sur des modèles économétriques (emploi et salaire moyen par tête) reposant sur le champ global de la France. Les spécificités ultramarines ne sont pas prises en compte. Selon l’URSSAF, le resserrement du périmètre des modèles utilisés sur les seuls territoires ultramarins contribuerait à diminuer la fiabilité des prévisions.
De telles réunions se tiennent en mars, juin et octobre de chaque année. La dernière réunion de concertation d’octobre est, selon la DGOM, « essentielle car elle permet notamment d’élaborer un schéma de fin de gestion qui prend en compte les dernières dépenses et les projections actualisées ». La Cour des comptes précise que « cette réunion pourrait également permettre d’affiner encore les prévisions budgétaires de l’année N+ 1 et, le cas échéant, de les ajuster pour présenter un projet de loi de finances plus près des dépenses attendues qui ne manqueront pas, faute de prévisions fiables, d’être corrigées en cours d’exercice, mais dans une probable moindre mesure. Dans sa réponse à la Cour, la DGOM indique souscrire totalement à cette proposition, mais rappelle que la prise en compte de la prévision d’automne de l’URSSAF interviendrait dès lors après l’examen du PLF au Parlement et ne pourrait être effective que par un amendement gouvernemental. La DGOM conclut sa réponse en précisant qu’“il reviendra[it] donc à la direction du budget de prendre cette initiative ” ».
Le rapporteur spécial souscrit à la proposition de la Cour des comptes afin notamment qu’un débat éclairé intervienne au Parlement, et renouvelle ainsi la recommandation visant à la sincérisation de l’évaluation des crédits destinés à compenser les exonérations LODEOM, quelle que soit la réforme qui sera engagée.
Recommandation n° 5 : S’appuyer sur les prévisions d’automne de l’URSSAF Caisse nationale pour, si nécessaire, ajuster le budget de l’action 1 du programme 138 dans le cadre du PLF de l’année N+ 1.
E. des dispositifs indispensables pour sauvegarder et favoriser l’emploi outre-mer en dépit des conclusions du rapport des inspections
Dans leur rapport, les inspections indiquent avoir mené des travaux économétriques en s’appuyant sur la réforme de 2019 ayant conduit à la suppression du CICE et à la refonte des barèmes LODEOM pour évaluer l’impact d’une évolution des exonérations. Il ressort de leur modélisation les résultats suivants :
« – l’absence d’impact statistiquement significatif sur l’emploi à l’exception des entreprises de 2 à 11 salariés négativement affectés par la refonte des barèmes : toutes choses égales par ailleurs, avoir été défavorisées par la refonte des barèmes (c’est-à-dire avoir subi une hausse du coût du travail de 1,3 % à 11 %) fait apparaître un effet économétrique de baisse moyenne de 0,32 ETP pour les entreprises concernées, qui en moyenne emploient 4,50 ETP ;
« – l’absence d’impact significatif sur les salaires ;
« – l’absence d’impact significatif sur les indicateurs de rentabilité ».
Tout d’abord, le rapporteur spécial relève que de nombreux auditionnés, par raccourci, concluent, à la lecture du rapport précité, à l’inefficacité globale des dispositifs LODEOM, notamment sur l’emploi. Or, cette modélisation est fortement contestée, en particulier par les acteurs économiques. Ainsi la FEDOM a indiqué au rapporteur spécial que « la faible augmentation du nombre de salariés exonérés au titre des exonérations LODEOM (+ 1,9 %) en fondant son argumentaire sur l’analyse de la période 2019 à 2023 alors que pour évaluer les effets de la réforme de 2019, il aurait fallu prendre comme point de départ de la comparaison l’année précédant l’entrée en vigueur de la réforme à savoir 2018. Ce biais méthodologique n’est pas anodin car l’analyse des données URSSAF démontre que les entreprises bénéficiant des exonérations LODEOM ont significativement augmenté leurs effectifs entre 2018 et 2019. Il va donc sans dire que la prise en compte de cette année aurait donc sensiblement rehaussé cette moyenne ».
Outre le biais de la période retenue par les inspections, le rapporteur spécial estime imprudent de justifier d’éventuelles mesures d’économies sur les dispositifs par les résultats de l’étude économétrique menée par les inspections. Il condamne ainsi le « procès en inefficacité » parfois conduit à l’encontre des exonérations LODEOM sur le seul fondement des conclusions du rapport des inspections.
En effet, le rapporteur spécial souligne que la modélisation réalisée consiste en une extrapolation à l’ensemble du dispositif de la réforme menée en 2019 et que les inspections elles-mêmes assortissent leurs travaux de réserves importantes. Elles indiquent ainsi que « ces conclusions sont valables sous réserve de précautions méthodologiques notamment la réforme du CICE qui a été réalisée à budget légèrement croissant. Une évolution des barèmes réduisant le montant des exonérations engendrerait des effets d’équilibre général impactant les économies ultramarines et qui n’ont pu être ici modélisés. Par ailleurs, la taille des échantillons retenus pour la modélisation, du fait de la faible profondeur des marchés ultramarins, demeure limitée, l’absence d’effets observés pouvant résulter d’une puissance statistique insuffisante ».
Ensuite, le rapporteur spécial relève de ces conclusions, l’effet négatif pour les petites entreprises d’« avoir subi une hausse du coût du travail de 1,3 % à 11 %, [qui] fait apparaître un effet économétrique de baisse moyenne de 0,32 ETP pour les entreprises concernées, qui en moyenne emploient 4,50 ETP ». Cette conséquence immédiate pour les petites entreprises d’une baisse des exonérations de la LODEOM montre son importance et sa sensibilité sur l’emploi. Or, comme indiqué supra, les entreprises de moins de 10 salariés représentent plus de 90 % du tissu entrepreneurial local.
Par ailleurs, l’analyse faite par les acteurs économiques des effets de la LODEOM a attiré l’attention du rapporteur.
Analyse des acteurs économiques (FEDOM) relative aux effets de la LODEOM
« La logique économique sous-jacente à la mise en place d’exonérations de charges sociales patronales par le législateur peut être de favoriser, directement ou indirectement, le développement de l’emploi dans les territoires concernés et considérés comme étant désavantagés sur le plan concurrentiel.
« Toutefois, il convient d’avoir conscience que les choix de gestion qui pourraient résulter d’une amélioration de ces conditions d’exploitations restent propres aux ambitions et orientations de chaque dirigeant d’entreprise. Ces choix sont divers et sont fonction de paramètres divers tels que :
« – la structure générale (en démarrage, en croissance, en difficulté…) et financière de l’entreprise (besoins prioritaires en trésorerie dans des situations de fragilité) ;
« – la situation concurrentielle (réactivité du marché aux prix) ;
« – les facteurs de production à privilégier pour le développement (investissements ou recrutements),
« – la situation du marché du travail (attractivité, métiers en tension, niveaux de qualification…)
« Les acteurs économiques soulignent de manière convergente la problématique des besoins en encadrement et fonctions supports pour soutenir le développement des entreprises, postes à la fois difficiles à pourvoir du fait d’une attractivité limitée ou de la concurrence du secteur public et correspondant à des niveaux de rémunération plus élevés, donc non concernés par les exonérations.
« Pour toutes ces raisons, les bénéfices résultants des exonérations ne pourront se traduire par des créations d’emploi que dans des circonstances précises et limitées. C’est ce constat qui, dans un contexte économique parfois dégradé selon les secteurs d’activités et les territoires, fait dire aux acteurs économiques que la vertu première des exonérations est avant tout celle du maintien de l’équilibre d’exploitation des entreprises et par conséquent, des emplois existants.
« Ainsi, afin de mieux comprendre les effets d’un tel régime sur le développement économique et la compétitivité, il conviendrait d’essayer d’analyser, au-delà des critères d’emploi classiques (dont certaines études ont montré l’insuffisance), les effets du régime sur :
« – la structure de l’appareil productif, la spécialisation des entreprises et leur effort de « montée en gamme » ;
« – sur la qualification des salariés, que ce soit par le biais de l’effort de formation des individus (notamment en formation initiale) ou de l’effort des entreprises en faveur de leurs salariés les moins qualifiés ;
« – sur les exportations, les investissements matériels et immatériels, l’innovation et in fine sur la croissance potentielle.
« Cela permettrait aussi de mieux identifier, peut-être, l’effet trappe à bas salaire que peut générer ce régime dans certains secteurs d’activité. »
En conclusion, le rapporteur spécial est effectivement convaincu, au regard des nombreuses caractéristiques et défis des territoires ultramarins rappelés supra, de la très forte élasticité existant entre les dispositifs d’exonération LODEOM et l’emploi outre-mer, en particulier l’emploi formel dans les petites entreprises. Les réserves émises par les inspections sur leurs propres travaux amènent à considérer les conclusions faites sur l’inefficacité du dispositif sur l’emploi avec beaucoup de prudence. Le rapporteur spécial relève en outre qu’une réforme de la LODEOM défavorable aux petites entreprises – qui composent l’essentiel du tissu économique ultramarin – se traduirait sans aucun doute par des pertes d’emplois conséquentes.
F. des contrôles insuffisants devant être renforcés notamment sur le respect des conditions fixées par le législateur pour bénéficier des exonérations
Le rapporteur spécial tient à rappeler son positionnement sur les aides aux entreprises. Il n’y est pas opposé par principe, mais considère qu’elles doivent notamment être conditionnées :
– au partage équilibré de la valeur au sein de l’entreprise, afin qu’il ne s’opère pas au détriment des salariés ;
– à la création si possible de nouveaux emplois et a minima à la sauvegarde des emplois existants ;
– au développement local avec le recours autant que possible à l’emploi local ;
– à la vertu sociale et sociétale des entreprises, notamment à ce qu’elles soient en règle avec leurs obligations fiscales et sociales et ne recherchent pas une optimisation fiscale exacerbée.
Sur ce dernier point, le rapporteur spécial a été sensibilisé par des acteurs économiques lui indiquant souffrir d’une concurrence déloyale d’entreprises bénéficiant à tort de la LODEOM, du fait de fraudes dans leur déclaration, ou ne respectant pas la condition légale d’être à jour de ses cotisations sociales ou d’être inscrite dans un plan d’apurement.
Le rapporteur spécial souligne en effet que le système actuel rend les déclarations frauduleuses très aisées : en effet, comme lui a confirmé l’URSSAF « c’est le cotisant qui détermine lui-même le montant des cotisations et contributions dont il est redevable, montants dont il s’acquitte en même temps qu’il les déclare à son organisme de recouvrement ».
Les conséquences ont été mises en évidence par le rapport des inspections lors de leur analyse des codes de la nomenclature d’activité française (NAF) des entreprises bénéficiaires :
« Tout d’abord, des secteurs dont le code NAF emporte une présomption de non-éligibilité au barème de compétitivité renforcée y recourent toutefois de manière significative. C’est notamment le cas du secteur de la construction qui bénéficie de 36 millions d’euros d’exonérations au titre du barème de compétitivité renforcée, dont 12 millions d’euros hors Guyane (soit 6 % des exonérations reçues par le secteur), alors que les établissements de ce secteur ne sont éligibles au barème de compétitivité qu’en Guyane (à travers leur éligibilité au dispositif de l’investissement productif).
« Ensuite, des secteurs dont le code NAF emporte une présomption d’éligibilité au barème compétitivité renforcée ne bénéficient, en pratique, que du barème compétitivité, moins avantageux. C’est notamment le cas du secteur de l’hôtellerie-restauration, du secteur de l’agriculture et de la pêche et du secteur de l’agroalimentaire et de l’agronutrition, qui bénéficient respectivement de 49 millions d’euros, 9,5 millions d’euros et 30,8 millions d’euros d’exonérations au titre du barème de compétitivité.
« La construction du barème innovation et croissance, qui cible les salariés de manière individuelle plutôt que l’entreprise, ne permet pas d’utiliser les codes NAF comme présomption de l’éligibilité d’une entreprise à ce barème. Ceci rend impossible, pour les CGSS, l’exercice d’une détection d’anomalies au regard du code NAF. En tout état de cause, il apparaît que le barème innovation et croissance bénéficie à de nombreux secteurs qui ne relèvent pas des secteurs des technologies de l’informatique et des communications.
« Enfin, les anomalies de déclaration des entreprises de Saint-Martin représentent 18 % des déclarations en 2023. Le taux d’anomalie de déclaration la première année de mise en œuvre des nouveaux barèmes dans les DROM, en 2019, pour les établissements installés à Saint-Martin était de 62 %, puis de 35 % la deuxième année avant d’atteindre 18 % en 2023 pour un total de 4,6 millions d’euros d’exonérations. Il est à noter que ces anomalies de déclaration sont principalement effectuées sur le barème DROM compétitivité (à 82 %), qui correspond aux très petites entreprises. ».
Au surplus, les inspections relèvent que « 18 millions d’euros d’exonérations, soit 4 % du total pour le barème compétitivité renforcée, sont perçues par des entreprises de plus de 250 salariés, alors que les critères d’éligibilité de ce barème ne permettent a priori pas à ces entreprises d’en bénéficier ».
En conséquence, la mission recommande de renforcer les contrôles de cohérence quant à l’application des barèmes aux secteurs éligibles et mettre en œuvre un plan de contrôle de l’application des codes type de personnel (CTP) pour les entreprises situées à Saint-Martin afin de régulariser l’application des barèmes pour ce territoire. Le rapporteur spécial partage cette analyse et la recommandation émise et la reprend en conséquence à l’identique.
Il observe en outre le nombre très limité de contrôles opérés par les caisses de sécurité sociale au regard du nombre de bénéficiaires. Ainsi, par exemple, à La Réunion, en 2024, 145 entreprises ont été contrôlées sur les dispositifs LODEOM, sur 23 273 établissements bénéficiaires, soit un taux de contrôle inférieur à 1 % (0,62 %).
Recommandation n° 6 : (identique à celle des inspections) Renforcer les contrôles de cohérence quant à l’application des barèmes aux secteurs éligibles et mettre en œuvre un plan de contrôle de l’application des codes type de personnel (CTP) pour les entreprises situées à Saint-Martin afin de régulariser l’application des barèmes pour ce territoire.
S’agissant spécifiquement de l’application de la LODEOM à Saint-Barthélemy, la mission indique que « le système informatique de remplissage des déclarations sociales nominatives (DSN) sur ce territoire, géré par la mutualité sociale agricole (MSA) Poitou, ne permet pas de déclarer spécifiquement des exonérations LODEOM. La MSA Poitou a indiqué à la mission que cette situation perdure depuis 2017, date à laquelle elle est devenue responsable de la gestion pour Saint-Barthélemy. Aucune date prévisionnelle de correction de cette anomalie n’a pu être communiquée à la mission. En l’état, et selon la MSA Poitou, les employeurs installés à Saint-Barthélemy déclarent donc les exonérations LODEOM, qu’ils ont eux-mêmes calculées, en tant qu’exonérations au titre de l’allègement général. Aucun contrôle n’ayant été mené sur Saint-Barthélemy depuis 2017 (une première phase de contrôle est prévue pour décembre 2024 selon la MSA Poitou), la déclaration des exonérations LODEOM sur ce territoire est intégralement laissée à la main et à la confiance des employeurs. Sans se prononcer sur le choix de confier la gestion du système de Sécurité sociale de Saint-Barthélemy à la MSA Poitou, question dépassant le champ des investigations réalisées, la mission constate que le pilotage et le contrôle par cette dernière des exonérations de cotisations LODEOM n’est aujourd’hui pas satisfaisante ».
La mission d’inspection recommande dès lors de réinterroger la répartition des responsabilités quant au pilotage et à la gestion des exonérations de cotisations sociales pour Saint-Barthélemy. Au regard du constat fait, le rapporteur spécial recommande que le contrôle des déclarations faites à Saint-Barthélemy soit confié à la CGSS de la Guadeloupe, à l’instar de la situation existante à Saint-Martin.
Recommandation n° 7 : (identique à celle des inspections) Transférer le pilotage et la gestion des exonérations de cotisations sociales pour Saint-Barthélemy de la MSA du Poitou à la CGSS de la Guadeloupe.
En dernier lieu, le rapporteur spécial relève qu’en application des articles L. 752-3-2 et L. 752-3-3 du code de la sécurité sociale, pour pouvoir bénéficier des exonérations LODEOM, l’entreprise doit être à jour de ses obligations déclaratives ou de paiements à l’égard de l’organisme de recouvrement ([26]), ne pas avoir été condamnée pénalement pour travail dissimulé, fraude fiscale, marchandage ou prêt illicite de main-d’œuvre.
Les modalités de mise en œuvre de cette obligation légale sont fixées par instructions, publiées au Bulletin officiel de la Sécurité sociale (BOSS) ([27]).
L’URSSAF a indiqué au rapporteur spécial que 18,5 % des établissements bénéficiaires de la LODEOM en juin 2024 – soit plus de 9 200 établissements ([28]) – n’étaient pas à jour de leurs cotisations sociales et ne bénéficiaient pas d’un plan d’apurement.
Elle précise que cette obligation n’est contrôlée que très ponctuellement par certaines CGSS ([29]) car elle s’avère lourde à mettre en œuvre. Elle ajoute qu’ « en effet, il est prévu que l’employeur pourra, après avoir régularisé sa situation ou dans le cadre de la conclusion d’un plan d’apurement, demander à bénéficier de l’exonération pour les périodes régularisées, donc revenir sur le passé et obtenir à nouveau le bénéfice de la LODEOM. Cela conduirait donc à une série de DSN de régularisation en sens inverse, dans la foulée du premier constat.
« Parallèlement, pour ces mêmes périodes et tant que la situation n’est pas régularisée, l’employeur peut bénéficier des allègements généraux de droit commun, puisque ceux-ci ne présentent pas la même conditionnalité. Il serait donc amené à effectuer les déclarations rectificatives correspondantes, ce qui mouvementerait le compte cotisant ».
Le rapporteur spécial prend note des difficultés mises en avant par l’URSSAF, mais constate également que 18,5 % des entreprises bénéficiaires des exonérations LODEOM le sont indûment, ce qui crée de facto une concurrence déloyale avec les entreprises respectant leurs obligations légales et sociales.
L’absence d’application de la loi, et les conséquences qu’elle entraîne apparaissent problématiques pour le rapporteur spécial. Il rappelle d’ailleurs que le bulletin officiel de la sécurité sociale souligne que cette obligation a pour finalité « d’inciter l’employeur à être à jour de ses cotisations et à régulariser rapidement une période éventuellement débitrice ». L’URSSAF précise qu’elle partage cet objectif et mobilise d’ailleurs une palette d’instruments à cette fin dans le cadre du recouvrement amiable et forcé. Toutefois, le rapporteur spécial considère, au regard du nombre d’entreprises bénéficiant indûment d’exonérations LODEOM, que le statu quo n’est pas tenable et que les actions de l’administration de la sécurité sociale doivent être renforcées pour que les exonérations LODEOM ne bénéficient qu’à des entreprises vertueuses, respectant leurs obligations légales.
La non-application de cette obligation légale a par ailleurs été justifiée par l’absence d’existence d’une condition similaire pour pouvoir bénéficier du régime d’exonération de droit commun que sont les allègements généraux. Il a donc été suggéré qu’une solution serait de supprimer l’obligation d’être à jour de ses cotisations pour pouvoir bénéficier de ces exonérations. Le rapporteur spécial s’émeut de cette proposition et conteste avec virulence cet argumentaire : il considère qu’il appartient aux pouvoirs publics de promouvoir la vertu dans l’utilisation de l’argent public et dans les exonérations accordées aux entreprises. Il considère ainsi, au contraire, qu’il serait judicieux d’étendre au régime des allègements généraux cette obligation vertueuse d’être à jour de ses obligations sociales pour pouvoir bénéficier d’une exonération de cotisations.
Lors de son déplacement en Guadeloupe, une proposition de la CCI a attiré son attention pour rendre applicable cette obligation légale pour bénéficier de la LODEOM. En effet, celle-ci propose d’appliquer une suspension des poursuites pour une durée de six mois à un an, au cours de laquelle les entreprises concernées seraient appelées à régulariser leur situation, avec la possibilité exceptionnelle de bénéficier d’un plan d’apurement étalé sur un délai proche de celui accordé lors des procédures de redressement judiciaire, soit de trois à cinq ans.
Au regard du nombre d’entreprises bénéficiant indûment des exonérations LODEOM, une application immédiate de la loi paraîtrait en effet par trop brutale et risquerait de générer des défaillances d’entreprises voire des mouvements sociaux. Prévoir une suspension des poursuites avant l’application de la loi est donc indispensable.
Le rapporteur spécial ne remet par ailleurs pas en doute les difficultés avancées par l’URSSAF pour appliquer cette condition légale. Il relève toutefois que les modalités de mise en œuvre jugées quasi inapplicables par l’URSSAF ont été déterminées par instruction publiée au BOSS, et que celles-ci peuvent être aisément modifiées par le Gouvernement. Il invite en conséquence l’URSSAF à faire des propositions à sa tutelle, la direction de la sécurité sociale, pour y remédier et rendre la loi applicable.
Recommandation n° 8 : Appliquer la condition légale d’être à jour de ses cotisations sociales pour bénéficier des exonérations LODEOM, à l’issue d’une suspension des poursuites accompagnée de la possibilité de bénéficier d’un plan exceptionnel d’apurement de trois à cinq ans.
III. examen des recommandations 6 à 8 du rapport des inspections
A. la nécessaire réforme et non la suppression du régime innovation et croissance
Les inspections proposent dans leur rapport de supprimer le régime innovation et croissance en lui substituant des mesures d’exonération de cotisations existantes :
« Le barème innovation et croissance représente moins de 2 % du total des exonérations totales soit 34 millions d’euros. Il présente des conditions d’éligibilité restrictives qui ajoutent à la complexité de régimes d’exonération déjà peu lisibles. Ce régime apparaît à la fois peu compris et peu sécurisant pour les entreprises et difficilement contrôlable par les caisses générales de Sécurité sociale (CGSS) ([30]).
La suppression du barème innovation et croissance conduirait à un report des salariés concernés vers les autres barèmes d’exonération. En effet, 84 % des ETP concernés par le barème innovation et croissance sont éligibles à d’autres barèmes et pourraient bénéficier, en cas de suppression, d’un autre régime d’exonération ».
Los de ses déplacements, le rapporteur a rencontré les acteurs économiques concernés par ce régime et les administrations chargées de son contrôle. Il partage une partie du constat réalisé, s’agissant de sa complexité et des difficultés de contrôle par les CGSS. Pour autant, il s’oppose à la conclusion tirée conduisant à proposer sa suppression.
Le rapporteur spécial rappelle que ce barème a pour objectif de favoriser l’émergence et le développement des entreprises des nouvelles technologies de l’information et des télécommunications. Ce secteur employant essentiellement des cadres, les exonérations de cotisations sont dégressives jusqu’à 3,5 SMIC. Les entreprises de ce secteur, notamment rencontrées en Guadeloupe, lui ont présenté leurs équipes, composées de de jeunes cadres guadeloupéens, formés en France hexagonale et pour lesquels l’embauche a été favorisée par les exonérations de cotisation LODEOM de ce barème.
Le rapporteur spécial tient à rappeler les caractéristiques des outre-mer qu’il a présentées en début de ce rapport, montrant que ces territoires sont demeurés des économies de comptoir. Il observe que ce barème de la LODEOM permet justement de s’attaquer à cet héritage historique entravant leur développement, en leur permettant d’être attractifs pour de jeunes cadres souhaitant revenir dans leur territoire d’origine dans des secteurs d’avenir. Ce barème contribue ainsi à la nécessaire diversification des économies ultramarines et à leur essor.
Le rapporteur spécial comprend le souci de simplification prôné par les inspections et la recherche d’économies à réaliser au regard de la situation financière de la France. Une solution de simplification très efficace serait de créer un seul barème avec des points de sortie alignée sur le régime innovation et croissance, soit 3,5 SMIC et qui s’appliquerait à tous les cadres. Toutefois, compte tenu, comme indiqué, de la situation financière de la France, la solution de conserver un régime propre aux NTIC – mais renouvelé – avec un point de sortie permettant son application aux cadres lui paraît constituer la voie la moins onéreuse pour permettre le développement des territoires ultramarins.
En conséquence, le rapporteur spécial, appelle à réformer – et non à supprimer par facilité – ce barème en remédiant aux difficultés constatées par les inspections tout en maintenant son application aux salaires des cadres.
Recommandation n° 9 : Réformer et non supprimer le barème spécifique d’exonération dit innovation et croissance en remédiant aux difficultés constatées et en maintenant son application aux salaires des cadres.
B. l’effort disproportionné d’alignement des secteurs bénéficiant du régime de compétitivité renforcée en guyane sur les secteurs éligibles dans les autres drom
Invoquant la nécessaire mise en cohérence et simplification des critères d’éligibilité au barème de compétitivité renforcée, les inspections proposent d’aligner les conditions d’éligibilité applicables à la Guyane sur celles des autres DROM. Cette proposition permettrait, selon elles, en ciblant des secteurs identiques, de renforcer la lisibilité et d’éviter la juxtaposition de nombreux critères d’éligibilité et de dérogations.
L’assiette des entreprises éligibles au barème compétitivité renforcée en Guyane est plus large, dès lors qu’elle intègre les employeurs ayant une activité principale relevant de l’un des secteurs éligibles au régime de défiscalisation des investissements productifs ([31]) ou relevant des activités de comptabilité, de conseil aux entreprises, ingénierie ou études techniques.
Cette spécificité guyanaise prise en compte dans cette assiette adaptée aurait un coût de l’ordre de 51 millions d’euros, selon les estimations des inspections.
Or, comme exposé supra la Guyane présente des caractéristiques géographiques et démographiques atypiques qui créent des besoins particuliers auxquels il est nécessaire d’apporter des réponses ciblées.
Pour mémoire, plus vaste département de France, la Guyane affiche – et de loin – le taux de pauvreté le plus élevé (après Mayotte) : 53 % de la population est pauvre, contre 14 % dans l’Hexagone hors Île-de-France.
Tableau 20 : Taux de pauvretÉ au seuil national
(en pourcentage)
Territoires |
Taux de pauvreté au seuil national |
Guadeloupe (2017) |
35 |
Martinique (2019) |
27 |
Guyane (2017) |
53 |
La Réunion (2020) |
36 |
France hexagonale hors IDF (2021) |
14 |
France hexagonale (2021) |
15 |
Source : IEDOM cité par le rapport des inspections.
En outre, comme indiqué supra notamment dans le tableau 2, on constate sur le long terme que la Martinique, la Guadeloupe et La Réunion convergent avec la France hexagonale hors Île-de-France alors que la Guyane diverge avec un PIB par habitant par rapport à la France hexagonale hors Île-de-France régressant de 56 % en 2000 à 46 % en 2022. Le PIB par habitant en Guyane s’élève à 15 700 euros en 2022 contre 25 900 euros en Guadeloupe, 27 200 euros en Martinique et à 39 300 euros pour la France hexagonale.
Par ailleurs, comme l’indique la FEDOM, « sa croissance démographique est exceptionnelle puisqu’à la différence des autres régions françaises confrontées à des problèmes de vieillissement de leur population, la population guyanaise a augmenté 8 fois plus rapidement qu’en hexagone sur la période 2010-2020 (+ 26,9 % contre + 3,4 %). Cependant, cette vigueur démographique, même si elle accroît positivement le marché intérieur, constitue un défi pour la Guyane tant le développement économique et social du territoire est à la fois limité et inégal. En effet, alors que la moitié de la population a moins de 25 ans, la problématique relative à l’absorption de cette jeunesse par le marché du travail reste plus que jamais d’actualité. En effet, d’après l’INSEE, un tiers des jeunes guyanais n’est ni en emploi, ni en études, ni en formation contre un sur huit en France hexagonale. D’où l’importance de permettre au territoire de bénéficier des moyens de développer durablement une économie légale, compétitive et productive en vue de susciter une dynamique de croissance favorable et d’accroître significativement les taux d’emploi et notamment des jeunes guyanais ».
Le rapporteur spécial confirme que, lors de son déplacement en Guyane, il a été particulièrement sensibilisé à l’importance de conserver le régime d’exonération LODEOM actuel, au regard certes de la croissance démographique en Guyane et de la nécessité pour son marché de l’emploi d’absorber cette jeunesse, mais surtout du besoin de lutter contre le secteur informel, particulièrement important dans ce département partageant de vastes frontières avec le Brésil et le Surinam. En effet, selon l’IEDOM, l’émission nette cumulée par habitant permet d’appréhender la part de l’économie informelle. Elle est plus élevée dans les DROM qu’en France hexagonale. Fin 2017, date de la dernière étude de l’IEDOM sur l’ensemble des DROM, elle atteint 14 417 euros par habitant en Guyane, 5 050 euros par habitant à La Réunion, 3 122 euros par habitant en Guadeloupe, 2 866 euros par habitant en Martinique pour 1 920 euros par habitant en France hexagonale.
Le rapporteur spécial a bien conscience de la nécessité de simplifier les dispositifs d’exonération LODEOM au regard de leur complexité et de leur manque de lisibilité (voir supra), mais vouloir, par principe, homogénéiser les régimes LODEOM sans tenir compte des particularités et enjeux locaux paraît contreproductif voire dangereux et irresponsable dans le cas de la Guyane. Enlever à ce territoire plus de 50 millions d’euros d’exonération sur les 162 millions d’euros dont il bénéficie en 2023 paraît disproportionné et conduirait très vraisemblablement de nombreuses entreprises à rejoindre le secteur informel. Des mouvements sociaux comme ceux qu’a connus La Martinique, notamment à la suite de la crise de la vie chère, ne sont pas à écarter. Le rapporteur spécial recommande dès lors de maintenir un régime préférentiel d’exonération pour la Guyane.
Recommandation n° 10 : Maintenir des critères d’éligibilité aux dispositifs d’exonération LODEOM plus étendus en Guyane que dans les autres DROM au regard des enjeux atypiques auxquels ce territoire est confronté.
C. le refus d’enfermer les outre-mer dans des économies de comptoir par la création de trappes à bas salaires résultant d’un recentrage des dispositifs sur les emplois les moins rémunérés
Les inspections affirment dans leur rapport que « les effets très limités relevés lors de la modélisation sur l’impact des exonérations de cotisations sur l’emploi et le niveau de l’avantage différentiel des dispositifs LODEOM invitent à les recentrer sur les niveaux de rémunérations pour lesquels ils sont les plus efficaces selon la littérature économique tout en veillant à contenir la dynamique d’augmentation de la dépense. À court terme, une évolution paramétrique du dispositif LODEOM visant à les recentrer sur une échelle de rémunération plus réduite, mais supérieure aux dispositifs d’allègement général, permettrait de réduire l’avantage différentiel en contenant la croissance du coût budgétaire sans modifier sa nature compensatrice de facteurs exogènes spécifiques. La mission propose ainsi de diminuer les points de sortie des barèmes pour cibler les rémunérations allant jusqu’à 2,5 SMIC. ».
Il paraît essentiel au rapporteur spécial de déconstruire le raisonnement des inspections conduisant à proposer le recentrage des exonérations LODEOM et ses fondements.
Tout d’abord, le rapporteur spécial renvoie aux fortes réserves qu’il a exprimées supra sur l’invocation de la modélisation réalisée par les inspections pour affirmer que la LODEOM n’a que des effets très limités sur l’emploi.
Ensuite, il a démontré supra que la « croissance du coût budgétaire » exposée par les inspections est également à relativiser, celle-ci ayant notamment diminué de 210 millions d’euros, soit – 12 % entre 2023 et 2024.
En outre, il tient à nuancer la seule référence faite à la littérature économique pour fonder le recentrage des exonérations sur les bas salaires. En effet, cette même littérature économique, et notamment M. Antoine Bozioet M. Étienne Wasmer dans leur rapport d’octobre 2024 ([32]), pourtant abondamment cité par les inspections, constate « un écrasement de la distribution des salaires, susceptible d’être lié à la forte dégressivité du barème des exonérations de cotisation et des retraits d’autres prestations sociales. Cela préoccupe l’ensemble des acteurs. Une même réalité est décrite par des mots différents : les économistes soulignent des taux marginaux de prélèvement élevés ou d’effets de trappes à bas salaire, les employeurs l’ampleur du coût pour augmenter le salaire net et les représentants des salariés la faible dynamique salariale. Les craintes d’effets décourageant la formation, les efforts pour obtenir et accepter des promotions et, au final, les gains de productivité, sont régulièrement relayés. Notre analyse est qu’aucune étude empirique ne vient réellement effacer ces craintes légitimes, même si ces phénomènes sont difficiles à identifier ».
Pour mémoire, les auteurs précités rappellent que les trappes à bas salaire « recouvrent plusieurs notions décrivant une concentration des emplois dans le bas de la distribution des salaires [encadré ci-dessous]. Cette concentration peut être la résultante de trois mécanismes : i) les augmentations du salaire minimum contribuent à ce que les bas salaires rattrapent les salaires plus haut et conduisent à une concentration au SMIC, ii) les réductions de cotisation employeurs conduisent à la création d’emplois à bas salaires, et iii) le retrait des réductions de cotisation à mesure que les salaires s’élèvent conduit à une hausse importante du taux marginal d’imposition, et donc une forte désincitation à la progression salariale, à la formation et à la promotion. C’est ce dernier effet qui fait l’objet des plus grandes craintes dans le dispositif des exonérations de cotisations sociales ».
Définition et décomposition des potentiels effets de trappes ([33])
« Les effets de trappes à bas salaires sont la résultante de plusieurs mécanismes distincts, qui peuvent se cumuler. Cet encadré vise à clarifier ces différents effets. Tous les effets n’ont pas les mêmes conséquences sur le choix du barème optimal. Les effets sont par ailleurs soit individuels, soit au niveau entreprises ou secteurs, et leur identification diffère selon les cas. En particulier, la dynamique salariale individuelle ne suffit pas et il faut regarder la distribution des salaires dans les entreprises ou les secteurs.
« Le premier effet est au niveau des nouvelles embauches. Celles-ci se font dans le bas de la distribution des salaires pour bénéficier des allègements de cotisation ; les salariés peuvent cependant progresser en particulier dans le cas des jeunes travailleurs qui sortent assez rapidement du voisinage du SMIC. Nous appellerons à cet effet la trappe à bas salaire d’embauche. Si la politique de réduction de cotisations employeur est efficace, elle conduira à plus d’embauches dans la tranche de salaire concernée par les exonérations.
« Un deuxième effet est au niveau de la dynamique salariale individuelle. Ce salaire d’embauche peut ne pas progresser beaucoup même si la personne a gagné en ancienneté car cela coûte trop cher à l’employeur, avec un taux marginal effectif de 50 % sur les cotisations patronales qui sont régressives. Nous appellerons cet effet la trappe à non-augmentation salariale.
« Un troisième effet est que les salariés sont désincités à investir en qualifications s’ils ne capturent qu’une très faible partie de l’augmentation de productivité. C’est aussi le cas de l’employeur qui ne veut pas investir si le salarié ne le souhaite pas. Ces deux phénomènes se renforcent et constituent une trappe de sous-investissement en qualifications.
« Les salariés peuvent aussi refuser des promotions car le gain salarial est trop faible pour justifier plus de responsabilités et d’efforts. Si cette promotion requiert une formation, elle est similaire à la trappe précédente. Sinon, il s’agit juste d’une trappe de démotivation ou de refus de promotion.
« Ces effets sont des trappes qui passent par le tissu d’entreprises existants, et peuvent être appréhendés par la dynamique salariale individuelle (d’embauche et leur progression), ou la dynamique de formation et de compétence.
« Néanmoins d’autres effets de trappes peuvent se matérialiser via la demande d’emploi des entreprises. D’une part, les entreprises ont des niveaux de technologie et de productivité distincts ; en allégeant le coût du travail sur les bas salaires, on peut favoriser l’entrée ou la survie de plus d’entreprises parmi les moins productives. On a alors une trappe à bas salaires due à des entreprises sous-performantes. Cet effet peut d’ailleurs être dynamique : les entreprises sous-investissant en nouvelles technologies car elles bénéficient d’une main-d’œuvre subventionnée. C’est une trappe à basse productivité par sous-investissement en technologie et innovation.
« D’autre part, cet effet peut être sectoriel (on favorise des secteurs à plus faible valeur ajoutée). On aurait une trappe à bas salaires par mauvaise allocation sectorielle.
« Ces effets de trappe entreprises et secteurs ne peuvent pas se mesurer à l’aune de la dynamique salariale individuelle, mais sont des effets de composition du tissu productif, particulièrement difficiles à identifier empiriquement ».
Le rapporteur spécial partage les constats et conclusions du rapport Bozio – Wasmer sur la nécessité de faire monter en gamme les emplois tout en maintenant leur niveau. Il relève que, lors de ses déplacements, ses interlocuteurs, notamment des administrations comme la CGSS, lui ont confirmé le risque d’accentuation du phénomène de trappe à bas salaires en cas de recentrage des exonérations LODEOM sur le SMIC.
Le rapporteur spécial a fait état supra des caractéristiques des économies ultramarines, pouvant être qualifiées d’économies de « comptoir », qui doivent se diversifier, faire monter en gamme les emplois, et développer en particulier les secteurs des nouvelles technologies. Ces derniers, comme tous ceux innovants, nécessitent le recours à des cadres, de préférence locaux, pour favoriser le développement des territoires sur la durée. À cet égard, les difficultés de formation et de qualification outre-mer ont été également décrites supra. Elles obligent de nombreux jeunes ultramarins à se former en hexagone. Pour les faire revenir, les entreprises ont besoin de leur proposer des salaires attractifs, et les dispositifs actuels de la LODEOM, avec des points de sortie des exonérations situés à 2,2 SMIC pour le barème compétitivité, 2,7 SMIC pour le barème compétitivité renforcée, et 3,5 SMIC pour le barème innovation et croissance y contribuent.
Ce dernier point a été de nombreuses fois mis en avant par les interlocuteurs du rapporteur spécial dans ses déplacements. Outre le secteur des NTIC déjà évoqué, le rapporteur spécial tient à évoquer sa rencontre à Kourou, en Guyane, avec une société d’ingénierie écologique spécialisée dans la préservation et la restauration du capital naturel des sols. Spécialisée en microbiologie des sols et des plantes, elle développe des probiotiques agricoles. Cette entreprise innovante, très inquiète de la proposition de recentrage des exonérations LODEOM sur les bas salaires, a indiqué qu’une telle réforme remettrait en cause ses décisions d’embauches de nouveaux salariés et aurait des répercussions en interne. À l’appui de son affirmation, elle a transmis un bulletin de salaire de mai 2025 de l’un de ses cadres, où le montant des exonérations LODEOM figure. On constate que le montant mensuel des exonérations appliqué s’élève à plus de 700 euros pour un coût salarial total de plus de 5 300 euros. Cet exemple illustre le caractère non négligeable des exonérations LODEOM sur l’emploi de cadres et sa contribution à l’attractivité des emplois de cadre en outre-mer.
Le rapporteur spécial s’oppose ainsi à la proposition des inspections dans leur rapport et soutient le maintien de l’application des dispositifs LODEOM aux salaires des cadres, afin que ceux-ci concourent au développement et à la diversification des économies ultramarines.
Recommandation n° 11 : Maintenir les points de sortie des exonérations LODEOM actuellement applicables aux DROM afin d’éviter la constitution de trappes à bas salaires et favoriser la montée en gamme des emplois locaux.
D. la simplification des régimes et critères d’éligibilité des dispositifs lodeom ne doit pas répondre à une pure logique d’économie budgétaire
Les inspections proposent dans leur rapport « deux scénarios qui, chacun, s’appuie sur un socle de mesures de simplification et d’harmonisation visant à recentrer des dispositifs sur les barèmes compétitivité et compétitivité renforcée en supprimant le régime innovation et croissance, en harmonisant les conditions d’éligibilité du régime compétitivité renforcée [applicable en Guyane] et en intégrant les collectivités de Saint-Barthélemy et Saint-Martin dans le régime des DROM.
« Une évolution paramétrique visant à recentrer les dispositifs LODEOM sur les salaires inférieurs à 2,5 SMIC permettrait de cibler les niveaux de rémunérations pour lesquelles la baisse du coût du travail est la plus efficace pour améliorer l’emploi, tout en contenant la croissance du coût budgétaire du dispositif. […].
« Au-delà d’une réforme paramétrique, les constats dressés conduisent la mission à proposer une évolution structurelle des dispositifs LODEOM. La refonte structurelle proposée consisterait à ne retenir qu’un barème d’exonération appliqué à l’ensemble des acteurs économiques, constitué d’un “plateau” d’exonération maximal fixé par la mission, dans le cadre de ses simulations, jusqu’à 1,3 SMIC [scénario structurel n° 1] et 1,2 SMIC [scénario structurel n° 2] puis d’un taux d’exonération dégressif jusqu’à s’annuler à 2,5 SMIC ».
GRAPHIQUE 5 : ScÉnario structurel n° 1 proposÉ par les inspections
Source : rapport des inspections.
GRAPHIQUE 6 : ScÉnario structurel n° 2 proposé par les inspections
Source : rapport des inspections.
Les inspections assortissent leurs scénarios des conséquences budgétaires dont l’évaluation oscille entre des économies de – 138 millions d’euros et – 308 millions d’euros et des hausses du coût du travail estimées entre 0,9 % et 2,1 %.
Chacun de ces scénarios intègre la suppression du régime innovation et croissance et l’intégration de la Guyane dans le droit commun des DROM s’agissant des conditions d’éligibilité plus favorables dont ses entrepreneurs bénéficient actuellement. Le rapporteur spécial renvoie à ses observations supra l’amenant à s’opposer très fermement à ces propositions, particulièrement disproportionnées et dangereuse économiquement et socialement s’agissant de la seconde.
Conscient de la nécessité de simplifier les régimes LODEOM, le rapporteur spécial propose pour sa part de recourir au critère de la convergence des revenus par habitant des DROM et des COM des Antilles. En utilisant ce critère, deux blocs se dessinent, l’un constitué des territoires convergeant : Guadeloupe, Martinique, La Réunion, Saint-Martin et Saint-Barthélemy, et l’autre bloc constitué des territoires divergeant : la Guyane à laquelle on peut ajouter Mayotte pour lequel le régime LODEOM devrait s’appliquer prochainement, le législateur ayant habilité le Gouvernement à prendre une ordonnance dans un délai d’un an à compter du 11 août 2025 pour fixer les conditions dans lesquelles les exonérations LODEOM prévues pour les DROM seront rendues applicables à ce territoire à partir du 1er janvier 2027.
Compte tenu des difficultés d’application du régime actuel d’exonération aux COM de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy (voir les développements supra portant sur le renforcement des contrôles), le rapporteur spécial ne s’oppose pas à la proposition des inspections d’aligner le régime de ces deux COM sur celui des DROM.
Recommandation n° 12 : Simplifier les dispositifs d’exonération LODEOM en fusionnant les régimes applicables dans les DROM et les COM des Antilles tout en conservant des critères d’éligibilité plus favorables pour la Guyane et ultérieurement Mayotte.
Le rapporteur spécial considère par ailleurs que des économies supérieures à des centaines de millions d’euros – sur une dépense de 1,6 milliard d’euros en 2024 – résulteraient sans aucun doute du renforcement des contrôles sur les entreprises bénéficiant indûment des exonérations légales. Au-delà des fraudes et défaillances des administrations chargées du contrôle relevées par les inspections (notamment s’agissant de l’exemple de la MSA du Poitou pour Saint-Barthélemy), le rapporteur spécial rappelle à nouveau que 18,5 % des bénéficiaires de la LODEOM sont exonérés indûment, car ils ne respectent pas la condition légale d’être à jour de leurs obligations sociales sans être inscrits dans un plan d’apurement (voir les développements et la recommandation associée supra). Le rapporteur spécial regrette à cet égard que le rapport des inspections n’ait pas davantage exploré cette piste d’économie potentielle.
En conclusion, le rapporteur spécial souhaite s’associer à M. Antoine Bozioet M. Étienne Wasmer qui, dans leur rapport précité et abondamment repris par les inspections, expliquent « [être] conscients de la dégradation des finances publiques et des contraintes de très court terme pouvant nécessiter de réduire le volume des exonérations. Avec cette contrainte, l’objectif doit impérativement rester centré sur une stratégie de montée en gamme des emplois d’une part, et de maintien du niveau d’emploi d’autre part. Pour dire les choses autrement, s’il est possible de diminuer de quelques milliards le montant des exonérations, cette hausse de prélèvements obligatoires sur les salaires doit rester limitée et il vaut mieux chercher des recettes sur d’autres bases fiscales ».
Comme indiqué supra, le rapporteur spécial condamne la recherche court-termiste d’économies budgétaires par rabot via le recentrage des exonérations sur les plus bas salaires. Il formule dès lors la recommandation suivante en paraphrasant la conclusion de ces économistes :
Recommandation n° 13 : Dans le cadre d’une stratégie pour les Outre-mer de montée en gamme des emplois et de maintien du niveau d’emploi, limiter la hausse des prélèvements obligatoires sur les salaires en cherchant des recettes sur d’autres assiettes fiscales.
Lors de sa réunion de 9 heures, le mercredi 24 septembre 2025, la commission a entendu M. Christian Baptiste, rapporteur spécial des crédits de la mission Outre-mer, sur son rapport d’information sur l’évaluation des exonérations de cotisations sociales spécifiques aux Outre-mer, présenté en application de l’article 146, aliéna 3, du règlement de l’Assemblée nationale.
La commission a autorisé la publication de ce rapport d’information.
liste des personnes auditionnées
● Présidence de la République
– M. Guillaume VUILLETET, Conseiller Outre-mer
● Sénat
– Mme Audrey BELLIM, Sénatrice de La Réunion, Vice-Présidente de la délégation sénatoriale aux outre-mer
– M. Victorin LUREL, Sénateur de la Guadeloupe, Vice-Président de la délégation sénatoriale aux outre-mer
● Assemblée nationale
– M. Thibault BAZIN, Député de Meurthe-et-Moselle, Rapporteur général de la Commission des affaires sociales
– Mme Béatrice BELLAY, Députée de la Martinique
– M. Émeline K/BIDI, Députée de La Réunion
– M. Jean-Victor CASTOR, Député de Guyane
– Mme Karine LEBON, Députée de La Réunion
– M. Frédéric MAILLOT, Député de La Réunion
– M. Philippe NAILLET, Député de La Réunion
– M. Jean-Philippe NILOR, Député de la Martinique
– M. Davy RIMANE, Député de Guyane, président de la délégation aux Outre-mer
● Premier ministre
– M. Mikael QUIMBERT, Conseiller Outre-mer
– M. Etienne BARRAUD, Conseiller des comptes sociaux
● Ministère des Outre-mer
– M. Manuel VALLS, Ministre d’État, ministre des Outre-mer
– M. Marc INQUIMBERT, Conseiller en charge des relations avec les parlementaires et les élus locaux
– Mme Marine GALES-MELO, Conseillère budget et finances locales
● Direction générale des Outre-mer, ministère des Outre-mer
– M. Olivier JACOB, Directeur général des Outre-mer
– M. François LE VERGER, Adjoint au sous-directeur des politiques économiques, de l'emploi et du développement durable
– M. Thomas LABRUNE, Adjoint au chef de bureau de la vie économique, de l’emploi et de la formation
– Mme Fanny MISS, Chargée de mission emploi
● Ministère de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique
– Mme Carin VILLEMOT, Conseillère en charge des collectivités locales, des outre-mer, des achats et de l'immobilier de l'État, de la lutte contre la corruption et du renseignement douanier
● Direction du budget, ministère de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique
– Mme Carole ANSELIN, Sous-directrice des sports, de l'économie, des finances, de l'outre-mer, de la justice et des médias
– M. Bao NGUYEN-HUY, Adjoint à la sous-directrice des sports, de l'économie, des finances, de l'outre-mer, de la justice et des médias
– Mme Caroline GABRIELE LOVICHI, Adjointe au chef de bureau de l’économie, des finances et de l’Outre-mer
● Inspection générale des finances
– M. Jean Pierre MENANTEAU, Inspecteur général des finances
– M. Émile BLAISON, Inspecteur des finances
– Mme Agathe ROSENZWEIG, Data scientist
● Direction de la sécurité sociale, ministère du travail, de la santé, des solidarités et des familles
– M. Thomas RAMILIJAONA, Sous-directeur du financement de la sécurité sociale
● Inspection générale des affaires sociales, ministère du travail, de la santé, des solidarités et des familles
– Mme Fabienne BARTOLI, Inspectrice générale des affaires sociales
● URSSAF Caisse Nationale
– Mme Maud CHOQUET, Directrice du recouvrement en Outre-mer
● Fédération des entreprises des outre-mer (FEDOM) *
– M. Hervé MARITON, Président
– M. Laurent RENOUF, Délégué général
– Mme Mélinda JERCO, Responsable des Affaires économiques
Déplacement en Guadeloupe
● Préfecture de Guadeloupe
– M. Hervé MAYET, Adjoint au Secrétaire général pour les affaires régionales
– Mme Isabelle FOIX, Commissaire vie des entreprises / développement productif
– M. Christian BALIN, Directeur adjoint de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités
● Direction régionale des finances publiques
– M. Jean-Yves LE GALL, directeur régional des finances publiques
● Caisse générale de Sécurité sociale
– M. Pierre-Jean DALLEAU, Directeur
– M. Gilbert SAINT-LOUIS, Manager secteur contrôle et sécurisation juridique
● Région Guadeloupe
– M. Rémy MARCIN, Collaborateur de cabinet
– M. Denis CELESTE, Directeur général adjoint de l’économie
– M. José ENCELADE, Directeur des stratégies des interventions économiques
– Mme Angela CLODION, Directrice de l’économie solidaire et de l’innovation sociale
– M. Harold DOUARED, Directeur fiscalité indirecte et analyse économique
– Mme Linda THOMAS, Cheffe de service du développement de l'offre touristique
● Association des maires de Guadeloupe
– M. Jocelyn SAPOTILLE, Président, maire du Lamentin
● Chambre de commerce et d’industrie
– M. Patrick VIAL-COLLET, Président
– M. François XAVIER MARTIN, Expert-comptable / Commissaire aux comptes
● Chambre des métiers et de l’artisanat
– M. Jean Yves RAMASSAMY, Premier Vice-Président
– M. Willy MARTINE, Directeur du Développement économique et territorial par intérim
● Mouvement des entreprises de France
– Mme Isabelle MICHEL-GABRIEL, présidente de la Commission économie et finances
● Fédération régionale du bâtiment et des travaux publics de Guadeloupe
– M. Patrice LASNIER, Administrateur
● Confédération des petites et moyennes entreprises
– Mme Ornella PATRICK, Présidente de la Commission économique et sociale
● KLINGELE
– M. Christophe PLACY, directeur général
● CAP CRÉOLE
– M. Benjamin AUBERY, directeur général
● IPEOS
– Mme Betty FAUSTA, directrice générale
● EGER
– M. Charles FORESTIER, Directeur général
● TOP CARAIBES
– M. Jean-Philippe GABOURG, Directeur
Déplacement en Martinique
● Préfecture de Martinique
– M. Étienne DESPLANQUES, Préfet
– M. Aurélien ADAM, Secrétaire général
– M. Yannick DECOMPOIS, Directeur de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités
● Direction régionale des finances publiques
– M. Willy WILCZEC, Directeur régional adjoint des finances publiques
● Caisse générale de Sécurité sociale
– M. Maclou RIGOBERT, Directeur général
● Chambre de commerce et d’industrie
– M. Philippe JOCK, Président
– M. Franck ZAMEO, Secrétaire Adjoint, président de la commission accompagnement des entreprises
● Chambre des métiers et de l’artisanat
– M. Henri SALOMON, Président
● Mouvement des entreprises de France
– M. Patrice FABRE, Président de la commission tourisme
● Confédération des petites et moyennes entreprises
– Mme Céline ROSE, Présidente
● Association martiniquaise pour la promotion de l’industrie
– Mme Line PARDON, Secrétaire générale
● Fédération régionale des bâtiments et des travaux publics
– M. Jean-Yves BONNAIRE, Secrétaire général
● LA SUITE VILLA
– M. Patrick FOURNET, Propriétaire de l’Hôtel
● GROUPE FABRE DOMERGUE
– M. Enguerrand FABRE, Directeur
Déplacement en Guyane
● Préfecture de Guyane
– M. Antoine POUSSIER, Préfet
– Mme Sylvie BERNOT, directrice générale de la cohésion et des populations
● Direction régionale des finances publiques
– M. Grégory ROUTARD, directeur régional des finances publiques
● Caisse générale de Sécurité sociale
– M. Jean-Xavier BELLO, directeur général
– M. Sofien SAHRAOUI, directeur du recouvrement et des affaires juridiques
● Collectivité Territoriale de Guyane
– M. Jean-Luc LE WEST, Vice-Président, Délégué au développement économie et tourisme, Président du comité du tourisme de la Guyane
– M. Lucien ALEXANDER, Conseiller territorial délégué à la fiscalité et à la performance budgétaire
– M. Grégoire MICHAU, Directeur général des services
● Association des maires de Guyane
– M. Michel-Ange JÉRÉMIE, Président, maire de Sinnamary
● Chambre de commerce et d’industrie
– Mme Carine SINAÏ-BOSSOU, Présidente
– Mme Patricia CALUT, Responsable International – Tourisme – ICC Team France Export Guyane
– M. Franck KRIVSKY, élu
● Mouvement des entreprises de France
– M. Dave DRELIN, Président
– M. Stéphane LAMBERT, Président d’honneur
– Mme Nathalie HO-A-CHUCK ABCHÉE, Trésorière adjointe
● Ordre des experts-comptables de la Guyane
– Mme Naïké BOUCHAUT, Présidente
● Fédération régionale du bâtiment et des travaux publics de Guyane
– M. Emmanuel BAZIN DE JESSAY, Président
– M. Lauric SOPHIE, Secrétaire général
● Fédération des Opérateurs Miniers de Guyane
– M. Pierre-Michel ROSIER, Premier vice-président
● Union des Commerçants de l'Ile de Cayenne
– Françoise GIMEL, Présidente
● Association des moyennes et petites industries
– M. Laurent MIRABEL, Président
– M. Ludovic BEHR, Membre
● SOLICAZ
– Mme Elodie BRUNSTEIN, Directrice générale
● SOLAM
– M. MIRABEL, Directeur général
● CMI GUYANE
– M. Ludovic BEHR, Directeur général
● DELICES DE GUYANE
– Mme Amalia BOULLANGER, Responsable de site
● GUYANE AUTOMOBILE
– Mme Myriam JACQUES, Directrice
Déplacement à La Réunion
● Préfecture de La Réunion
– Mme Nathalie INFANTE, Secrétaire générale pour les affaires régionales
– M. Arnaud SICCARDI, responsable du service économique de l’État en région, Direction de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités
● Direction régionale des finances publiques
– Christelle PORTIER, Directrice adjointe et Directrice du pôle pilotage et animation du réseau
● Caisse générale de Sécurité sociale
– M. Christophe CAMBONA, Directeur adjoint recouvrement et des affaires juridiques, Directeur régional recouvrement des travailleurs indépendants
● Région de La Réunion
– M. Patrick LEBRETON, Premier Vice-Président délégué aux finances, à l’économie et au tourisme
– M. Idriss OMARJEE, Directeur de cabinet
– Mme Séverine NIRLO, Directrice générale adjointe développement économique et innovation
– M. Jimmy LE GON, Directeur des affaires économiques
– M. Guito FOLIO, Chargé de mission, direction générale des services
● Association des maires de La Réunion
– M. Serge HOAREAU, Président, Maire de Petite-Ile
● Mairie de Saint-Paul
–M. Emmanuel SÉRAPHIN, Maire
● Chambre de commerce et d’industrie
– M. Pierrick ROBERT, Président
● Chambre des métiers et de l’artisanat
– M. Bernard PICARDO, Président
● Chambre d’agriculture
– M. Olivier FONTAINE, Président
● Mouvement des entreprises de France
– Mme Katy HOARAU, Présidente
● Association pour le développement industriel de la Réunion
– M. Michel DIJOUX, Président
● Confédération de l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment
– M. Cyrille RICKMOUNIE, Président
– M. Raymond VAITILINGOM, Secrétaire général
● Confédération des petites et moyennes entreprises
– M. Gérard LEBON, Président
● Conseil régional de l’ordre des experts-comptables de La Réunion
– M. Jérôme CANABADY MOUTIEN, Président
● Fédération nationale des transporteurs routiers
– M. Gaël RIVIERE, Président
● Fédération nationale des transporteurs de voyageurs
– M. Bruno FONTAINE, Président
● Fédération réunionnaise du bâtiment et travaux publics
– M. Anthony LEBON, Président
– M. Philippe LEBON, Secrétaire général
● Fédération des transporteurs routiers de La Réunion et Organisation des transporteurs routiers européens
– M. Johnny GRINDU, Président
● Union des entreprises de proximité
– M. Gérard MOUTOUCAMARAPOULE
● Union des métiers et des industries de l'hôtellerie
– M. Patrick SERVEAUX, Président
● Union professionnelle artisanale
– M. Franck LEGROS, Président
● Union nationale des professions libérales
– M. Abdoullah LALA, Président
● Club export
– Mme Dominique VALGRESY, Présidente
● Syndicat de l'importation et du commerce de La Réunion
– M. Arzou MAHAMADALY, Président
● Digital Réunion
– M. Yannick BEREZAIE, Directeur général
● AKOYA HÔTEL & SPA
– M. Joël NARAYANIN, Dirigeant de La Financière JANAR
● MASCARIN
– M. Frédéric AUCHÉ, Président directeur général
([1]) Rapport de l’Inspection générale des finances (IGF) n° 2024-M-033-02 et de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) n° 2024-065R, Évaluation des mesures d’exonération de cotisations sociales spécifiques aux Outre-mer, novembre 2024, rendu public le 20 mai 2025. La référence à ce rapport sera par la suite abrégée en « rapport des inspections ».
([2]) Rapport Bozio-Wasmer, Les politiques d’exonérations de cotisations sociales : une inflexion nécessaire, octobre 2024.
([3]) Les documents budgétaires accompagnant le PLF 2024 indiquaient effectivement une « évaluation lancée avant la fin de l’année 2023 pour en estimer les effets sur l’emploi privé, leur contribution au développement économique des territoires ultramarins et leur efficience, et proposer les éventuelles évolutions nécessaires ».
([4]) Inspections générales des finances (IGF) et des affaires sociales (IGAS).
([5]) Cette disposition prévoit le droit à la communication de « tous les renseignements et documents d’ordre financier et administratif » liés aux crédits suivis par les rapporteurs spéciaux de la Commission des finances.
([6]) Comme le précise le rapport des inspections, pour l’application des critères d’éligibilité aux dispositifs spécifiques aux outre-mer, les entités considérées sont les établissements. L’établissement et l’entreprise recouvrent deux notions différentes. L’établissement est une unité de production (de l’entreprise) géographiquement individualisée, mais juridiquement dépendante de l’unité légale. Il produit des biens ou des services : ce peut être une usine, une boulangerie, un magasin, un des hôtels d’une chaîne hôtelière… Chaque établissement est doté d’un numéro unique de Siret.
([7]) Ainsi que cela résulte du 7° de l’article 23 de la loi n 2025-797 du 11 août 2025 de programmation pour la refondation de Mayotte
([8]) Selon cet article : « Compte tenu de la situation économique et sociale structurelle de la Guadeloupe, de la Guyane française, de la Martinique, de la Réunion, de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin, des Açores, de Madère et des îles Canaries, qui est aggravée par leur éloignement, l'insularité, leur faible superficie, le relief et le climat difficiles, leur dépendance économique vis-à-vis d'un petit nombre de produits, facteurs dont la permanence et la combinaison nuisent gravement à leur développement, le Conseil, sur proposition de la Commission et après consultation du Parlement européen, arrête des mesures spécifiques visant, en particulier, à fixer les conditions de l'application des traités à ces régions, y compris les politiques communes. Lorsque les mesures spécifiques en question sont adoptées par le Conseil conformément à une procédure législative spéciale, il statue également sur proposition de la Commission et après consultation du Parlement européen.
Les mesures visées au premier alinéa portent notamment sur les politiques douanières et commerciales, la politique fiscale, les zones franches, les politiques dans les domaines de l'agriculture et de la pêche, les conditions d'approvisionnement en matières premières et en biens de consommation de première nécessité, les aides d'État, et les conditions d'accès aux fonds structurels et aux programmes horizontaux de l'Union.
Le Conseil arrête les mesures visées au premier alinéa en tenant compte des caractéristiques et contraintes particulières des régions ultrapériphériques sans nuire à l'intégrité et à la cohérence de l'ordre juridique de l'Union, y compris le marché intérieur et les politiques communes ».
([9]) Direction générale du Trésor, 2018, Quelles politiques économiques pour les départements d’outre-mer ?
([10]) France Stratégie, mai 2024, Naître en outre-mer : de moindres opportunités que dans les autres régions en France, cité par le rapport des inspections
([12]) Les articles R. 2192-10 et R. 2192-11 du code de la commande publique fixent notamment ces délais.
([13]) Direction régionale des finances publiques de La Martinique.
([14]) Le délai global de paiement se détermine en partant de la date de réception de la facture à la date de mise en paiement.
([15]) Art. L. 2192– 13 et R. 2192– 32 du code de la commande publique.
([16]) Rapport Bozio-Wasmer, Les politiques d’exonérations de cotisations sociales : une inflexion nécessaire, octobre 2024
([17]) Exposé des motifs de la loi n 2009-594 du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer.
([18]) Crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE).
([19]) Les exonérations applicables au plan national ont vu leur assiette élargie en intégrant des contributions complémentaires (FNAL, CSA, une partie des cotisations accidents du travail/maladies professionnelles, retraite complémentaire AGIRC/ARRCO).
([20]) Art. L. 752- 3- 2 IV du code de la sécurité sociale « […] Lorsque les exonérations mentionnées au III du présent article sont décroissantes, le montant de celles-ci est déterminé par l’application d’une formule de calcul définie par décret. La valeur maximale du taux de l’exonération est fixée par décret, dans la limite de la somme des taux des cotisations mentionnées au I pour une rémunération égale au salaire minimum de croissance […] ».
([21]) Chiffres issus du rapport des inspections, d’après les données de l’Urssaf-CN
([22]) Importance due à l’éligibilité plus large à ce barème que dans les autres territoires (voir supra).
([23]) Non applicable
([24]) L’ensemble de la France désigne l’ensemble des territoires français où ces dispositifs sont applicables, dont les DROM.
([25]) L’allègement général des cotisations est complété par deux réductions de cotisations pour l’assurance maladie et pour les allocations familiales. Ces réductions, qui sont cumulables avec l’allègement général, consistent en l’application d’un taux réduit de cotisation pour les rémunérations en dessous d’un certain seuil.
([26]) Cette condition est considérée comme remplie si l’entreprise a souscrit et respecte un plan d’apurement des dettes contractées.
([27]) https://www.google.com/url?sa=t&source=web&rct=j&opi=89978449&url=https://boss.gouv.fr/accueil/exonerations/exonerations-zonees.html&ved=2ahUKEwjDl6vkjueOAxVuNPsDHdVXHaYQFnoECBUQAQ&usg=AOvVaw1vDUqFMa3egWTY_C8iFaTf
([28]) La condition de régularité a vocation à être appréciée d’après les textes au plus de façon semestrielle. Ainsi, il est structurellement possible que des usagers non à jour continuent à bénéficier de la LODEOM, pendant un temps, indique l’URSSAF.
([29]) Notamment en cas de rescrit, face à des débiteurs importants pour conforter la négociation des plans.
([30]) Le rapport précise que « le barème innovation et croissance, au périmètre plus spécifique, ne concerne que les établissements des secteurs des technologies de l’information et des télécommunications (TIC), y compris les activités d’hébergement des données, d’édition de sites internet et de logiciels, ainsi que de conception de contenus visuels et numériques ou d’objets connectés. Par ailleurs, au sein de ces entreprises, seuls sont éligibles les salariés “concourant directement et principalement ” à la réalisation de “projets innovants” – cette condition excluant de fait les autres salariés, exerçant par exemple des fonctions supports ou commerciales. Sous ces conditions particulièrement restrictives, ce barème est le plus avantageux pour les rémunérations importantes, la réduction de cotisations se poursuivant de façon dégressive jusqu’à 3,5 SMIC.
La construction des critères d’éligibilité de ce barème innovation et croissance semble complexe et fragile. En effet, l’appréciation de ces deux critères, quant au salarié et quant au projet, ne repose sur aucune base déclarative particulière. Il n’est donc pas possible pour les services de contrôle des caisses générales de sécurité sociale (CGSS) d’évaluer, sur la seule base des déclarations sociales, le bien-fondé de l’application de l’exonération selon ce barème. Même en cas de contrôle, l’appréciation de ces critères reste difficilement objectivable, faisant courir un risque de contentieux ».
([31]) Soit toutes les activités en dehors du commerce et de la distribution, de l’immobilier et des activités de banque et d’assurance.
([32]) Rapport Bozio-Wasmer, les politiques d’exonérations de cotisations sociales : une inflexion nécessaire, octobre 2024.
([33]) Rapport Bozio-Wasmer, Les politiques d’exonérations de cotisations sociales : une inflexion nécessaire, octobre 2024.