N° 1963

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 15 octobre 2025.

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

en application de l’article 146 du Règlement

PAR LA COMMISSION DES FINANCES, dE L’Économie gÉnÉrale
et du contrÔLE BUDGÉTAIRE

sur les implications juridiques et budgétaires des accords bilatéraux conclus en matière de circulation, de séjour, de santé et d’emploi :
l’exemple de l’Algérie

 

ET PRÉSENTÉ PAR

M. Charles RODWELL,
rapporteur spécial

 

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SOMMAIRE

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Pages

INTRODUCTION

I. Les dispositions dérogatoires applicables aux algériens créent un VÉRITABLE STATUT JURIDIQUE À part

A. La circulation, le séjour et l’emploi des ressortissants algériens

1. Une volonté politique constante de la France depuis 1962 : la maîtrise des flux migratoires en provenance d’Algérie

a. Le contexte historique de l’accord de 1968

b. L’accord de 1968 visait prioritairement à restreindre l’immigration de travail salarié et à s’assurer que les Algériens ne dépendent pas de la solidarité nationale

c. L’accord de 1968 s’est progressivement écarté du droit commun des étrangers dans un sens particulièrement favorable à l’immigration algérienne

2. Un accord international favorable et rigide que la France n’a pas su faire évoluer

a. L’entrée des Algériens en France est facilitée

b. Les Algériens bénéficient de dispositions favorisant leur installation durable en France, notamment à titre familial

c. Les ressortissants algériens peuvent accéder plus rapidement que les ressortissants d'autres États à la délivrance d'un titre de séjour valable dix ans.

d. L’éloignement des Algériens est plus difficile

3. Le levier européen manque d’efficacité

a. L’accord d’association Union européenne (UE)-Algérie

b. Le levier visa-réadmission et les accords de réadmission

B. Le statut des Algériens en matière de protection sociale

1. Une interprétation anachronique des accords d’Évian en matière d’accès au RSA et à l’ASPA

2. Les accords de sécurité sociale conclus avec l’Algérie

3. Le droit au séjour pour raisons médicales

4. L’interprétation de l’accord d’association UE-Algérie en matière de droit aux prestations familiales

II. Les conséquences de ce statut dérogatoire sont multiples

A. Le statut des Algériens en France est-il constitutionnel ?

B. Les caractéristiques de l’immigration algérienne en France

1. Les Algériens représentent la première nationalité étrangère présente sur le sol français

a. Les statistiques de l’Insee issues du recensement

b. Les statistiques du ministère de l’intérieur

c. L’acquisition de la nationalité française

d. Les ressortissants algériens en situation irrégulière

2. Les ressortissants algériens sont plus éloignés du marché du travail

a. L’immigration algérienne est essentiellement familiale

b. Un taux de chômage et d’inactivité plus important

c. En conséquence, une moins bonne intégration socio-économique et une plus grande dépendance aux dispositifs de solidarité

C. Les enjeux d’ordre public sont particulièrement importants

D. La question des transferts de fonds

III. un surcoût budgétaire impossible À fiabiliser rigoureusement en l’etat des données transmises mais qui peut être estimé à environ DEUX milliards d’euros par an

TRAVAUX DE LA COMMISSION

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LE RAPPORTEUR SPÉCIAL

 

 


   INTRODUCTION

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Nota : La présente mission d’information a été conduite conjointement par les députés Charles Rodwell et Mathieu Lefèvre, rapporteurs spéciaux de la mission budgétaire Immigration, Asile, Intégration. En raison de la nomination au Gouvernement de M. Mathieu Lefèvre le 12 octobre dernier, le présent rapport d’information est signé par M. Rodwell seul. Le rapporteur spécial tient à souligner la qualité de la collaboration avec M. Lefèvre et le remercie pour son engagement sur ces sujets.

*

Le Conseil constitutionnel s’est fréquemment prononcé sur la conformité à la Constitution des lois successives relatives à l’immigration. Dans ce cadre, il rappelle de façon constante que « les étrangers se trouvent placés dans une situation différente de celle des nationaux » et que le législateur peut donc prendre à leur égard des dispositions spécifiques ([1]).

Ces dispositions législatives et réglementaires spécifiques sont regroupées pour l’essentiel au sein du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA). Ces textes régissent l’intégralité du parcours d’un étranger souhaitant accéder temporairement ou durablement au territoire national, des conditions d’admission aux procédures d’éloignement en passant par les dispositifs d’intégration, les différents titres de séjours accessibles aux étrangers, les autorisations de travail, ou bien les conditions du regroupement familial. Le droit aux prestations sociales est quant à lui régi par le code de la sécurité sociale (CSS), et par un principe de non-discrimination entre les étrangers et les nationaux.

Ce corpus juridique fait l’objet d’une attention toute particulière des autorités publiques. Le droit des étrangers, qui reflète la politique migratoire que la France souhaite appliquer, génère de très nombreux débats politiques et juridiques, et fait l’objet de modifications législatives ou réglementaires fréquentes. Dans son rapport sur la lutte contre l’immigration irrégulière, la Cour des comptes soulignait que ce cadre législatif a fait l’objet de 133 modifications en moins de dix ans ([2]).

Comme le rappelle le Conseil constitutionnel, être « national » constitue donc, dans les relations avec l’État dont on est ressortissant, une « situation » qui permet un traitement plus favorable que celui de l’étranger. Ce qui paraît moins évident en revanche, c’est qu’il existe parmi les étrangers, des nationalités bénéficiant d’un traitement plus favorable que les autres, sous l’effet, essentiellement, du droit international.

En effet, la politique migratoire française est parfois régie par une réglementation supranationale, sur laquelle les multiples modifications du cadre juridique n’ont pas toujours prise. Si ces dispositions doivent être conformes à la Constitution, en vertu de l’article 54, elles acquièrent après leur ratification, selon l’article 55, « une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve, pour chaque accord ou traité, de son application par l’autre partie ». Or, en matière migratoire, la France est partie à près de 200 instruments internationaux, bilatéraux ou européens, qui ont une portée juridique très variable, et dont l’application effective est aléatoire ([3]). Au sein de ce que la commission des lois du Sénat a pu qualifier de « cacophonie », certains accords ont une place particulière. C’est le cas de l’accord du 27 décembre 1968 entre le Gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire et le Gouvernement de la République française relatif à la circulation, à l’emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles, et de son protocole annexe, signé à Alger le 22 décembre 1985, dit « accord franco-algérien de 1968 ».

Cette convention bilatérale a une place particulière, pour plusieurs raisons. Tout d’abord, elle concerne la première nationalité étrangère présente sur le sol français. Les conditions fixées par le texte de la convention ont par ailleurs pu contribuer à favoriser le maintien d’un lien privilégié entre cette communauté et la France. Ensuite, il convient de noter que l’accord franco-algérien est toujours d’une grande actualité. Il fait l’objet d’une mise en application quotidienne par les services consulaires et les services préfectoraux, ainsi que par les juridictions administratives. Par ailleurs, cet accord est global et exclusif, c’est-à-dire qu’il concerne tous les aspects du parcours migratoire des Algériens lorsqu’ils séjournent légalement en France, et qu’il écarte l’application du droit commun et de l’ensemble des modifications dont celui-ci fait régulièrement l’objet. Enfin, l’accord franco-algérien de 1968 ne comporte aucune disposition concernant la partie algérienne, ni aucune clause de réciprocité, si bien que sa qualification « d’accord bilatéral » peut poser question. Ce texte s’apparenterait davantage à un engagement unilatéral de la France.

Au-delà de règles spécifiques en matière d’entrée, de circulation et de séjour en France, les Algériens bénéficient également d’un droit particulier en matière de protection sociale, avec des instruments dédiés que sont notamment la convention générale de Sécurité sociale du 1er octobre 1980, le protocole annexe signé le 10 avril 2016, mais également du fait de l’interprétation par la jurisprudence des accords d’Évian de 1962.

Enfin, la jurisprudence d’une part, et l’attitude des autorités algériennes d’autre part, achèvent de dessiner les contours d’un véritable « statut » de l’Algérien en France, très différent des règles prévalant pour les étrangers d’autres nationalités résidant sur le territoire national.

Eu égard à l’importance de l’immigration algérienne en France, et au caractère dérogatoire du droit qui lui est applicable, le rapporteur spécial a cherché à déterminer dans quelle mesure ces instruments juridiques ont façonné l’immigration algérienne telle que nous la connaissons aujourd’hui, et quelles sont les conséquences juridiques et budgétaires qui peuvent être rattachées à ces caractéristiques.

Cette problématique intègre le champ d’un questionnement plus vaste sur les conséquences budgétaires de l’immigration de manière générale. En ce domaine, le rapporteur spécial déplore des difficultés dans l’accès aux données relatives à l’immigration algérienne en France. En ce qui concerne l’analyse juridique, le rapporteur soulève la question importante de l’égalité de traitement entre étrangers.

Le présent rapport est organisé en une première partie centrée sur l’analyse des dispositions en matière de séjour, de circulation, d’emploi et de sécurité sociale. L’analyse du bilan juridique, social, sécuritaire et budgétaire qui découle de ces caractéristiques fait l’objet de la seconde partie du rapport.

À l’issue de ses travaux, le rapporteur spécial fait les constats suivants :

 les dispositions applicables aux ressortissants algériens, comme les dispositions similaires que l’on retrouve, dans une moindre mesure, au sein de différents accords bilatéraux conclus en matière de circulation, de séjour ou d’emploi, créent une situation juridique problématique en ce qu’ils instituent une différence de traitement entre étrangers fondée sur un critère de nationalité ;

 au contraire des accords internationaux ou des arrangements administratifs portant sur les visas ou la réadmission, les accords relatifs au séjour en France ne devraient pas permettre de déroger de manière générale au droit commun des étrangers qui s’applique à tous ceux qui souhaitent s’installer durablement en France ;

 aucun élément d’extranéité ni aucune différence objective de situation ne semblent pouvoir aujourd’hui justifier une différence de traitement aussi globale en matière d’application des dispositions du droit interne, selon que l’étranger est ou non ressortissant d’un pays avec lequel la France a conclu une convention internationale, à partir du moment où ce dernier souhaite séjourner ou s’installer en France ;

 l’exemple de l’accord franco-algérien de 1968, tel qu’interprété par la jurisprudence administrative, qui se double de dispositions favorables en matière sociale, illustre cette distorsion en ce qu’il crée un véritable « statut de l’Algérien en France », complexe et problématique au regard des principes généraux du droit français et des exigences constitutionnelles ;

 ce statut, que le Gouvernement n’a jamais su résorber malgré une volonté politique constante en ce sens, a contribué à façonner une immigration dans son ensemble importante, familiale, relativement éloignée du marché du travail et globalement moins bien intégrée du point de vue social et économique ;

 ces caractéristiques de l’immigration algérienne entraînent un surcoût certain, que le rapporteur n’a pu évaluer précisément faute de réponses suffisamment précises des administrations centrales, mais qu’ils estiment à environ deux milliards d’euros annuels ;

 l’absence de données statistiques fiables, notamment dans la sphère sociale, ne permet pas de disposer d’une vision précise sur la typologie des bénéficiaires et prive l’État de leviers pour connaître et piloter ces dépenses publiques.

En conséquence :

 le rapporteur spécial invite le Gouvernement à procéder au recensement des accords comprenant des dispositions plus ou moins favorables que la législation générale applicable en vertu de l’ordre juridique interne et à garantir dans toute la mesure du possible une application uniforme et équitable du CESEDA pour les étrangers qui résident sur le territoire de la République. Cela implique de notifier officiellement cette décision par voie diplomatique aux partenaires concernés, et de ménager une période de transition par le biais de l’actualisation de la circulaire du 27 octobre 2005 relative au droit au séjour en France des étrangers relevant de régimes juridiques spéciaux ;

En ce qui concerne l’accord franco-algérien, cette décision s’apparenterait davantage à une rétractation pour changement de circonstances de droit, qu’à une dénonciation, en l’absence de clause de réciprocité ou d’engagement de quelque nature que ce soit de la partie algérienne.

 à défaut, le rapporteur spécial est favorable à l’insertion dans le CESEDA de dispositions législatives qui prévoiraient de façon générale que le droit commun s’applique dans toutes les matières que les conventions internationales ne traitent pas. Cela permettrait de soumettre les ressortissants algériens a minima aux mêmes conséquences que les autres étrangers en cas de non-respect des valeurs de la République (la liberté personnelle, la liberté d’expression et de conscience, l’égalité entre les femmes et les hommes, la dignité de la personne humaine, la devise et les symboles de la République, l’intégrité territoriale, la laïcité), de menace à l’ordre public, de non-intégration dans la société française. Cela permettrait également de délivrer aux ressortissants algériens certains titres auxquels ils n’ont aujourd’hui pas accès, comme la carte pluriannuelle « talent » par exemple ;

 le rapporteur spécial recommande dans le même esprit d’insérer une clause d’ordre public relative à l’égalité de traitement de tous les étrangers au regard des conditions d’ouverture des droits aux prestations sociales, au sein du code de la sécurité sociale. Cela nécessitera d’actualiser les circulaires administratives correspondant aux prestations concernées ;

 le rapporteur spécial invite le Gouvernement à faire usage de l’article 47 de la loi du 26 janvier 2024 qui prévoit que « le visa de long séjour peut être refusé au ressortissant d’un État coopérant insuffisamment en matière de réadmission de ses ressortissants en situation irrégulière ou ne respectant pas un accord bilatéral ou multilatéral de gestion des flux migratoires » ;

 le rapporteur spécial appelle le Gouvernement à mobiliser davantage la Commission européenne et les leviers du droit communautaire, et à prêter une attention toute particulière aux demandes de renégociation de l’accord d’association de 2005 formulées par l’Algérie ;

 le rapporteur spécial invite le Gouvernement à refuser les dossiers de demande d’ASPA émanant de pensionnés du régime algérien qui se sont vus suspendre le paiement de leur pension afin de résoudre au plus vite le différend d’interprétation sur la convention générale de 1980 ;

 le rapporteur spécial sollicite la mise en place d’un audit interne ou d’une mission flash des inspections générales de l’administration, des finances et des affaires sociales, permettant de mesurer avec précision les surcoûts de ces dispositifs dérogatoires. Cet audit devrait également formuler des recommandations afin que les ministères se dotent d’outils statistiques de pilotage et de suivi plus rigoureux.

 

 

 


I.   Les dispositions dérogatoires applicables aux algériens créent un VÉRITABLE STATUT JURIDIQUE À part

Après plusieurs années de négociation, un accord « relatif à la circulation, à l’emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles » a été signé entre la France et le gouvernement de l’Algérie le 27 décembre 1968. Il régit de manière complète les conditions de circulation et de séjour des personnes de nationalité algérienne. Cet accord a fait l’objet de trois avenants en 1985, 1994 et 2001. Il existe quatre autres accords bilatéraux entre la France et l’Algérie en matière migratoire : l’accord du 31 août 1983 (sous forme d’échanges de lettres) relatif à la circulation des personnes, l’accord entre la France et l’Algérie portant sur l’exemption réciproque de visas pour les titulaires de passeports diplomatiques du 10 juillet 2007 et étendu en 2013 aux titulaires d’un passeport de service, l’accord relatif aux échanges de jeunes actifs signé le 26 octobre 2015, et l’accord du 16 décembre 2013 sur l’exemption réciproque de visa de court séjour pour les titulaires d’un passeport diplomatique ou de service ([4]). Ces trois derniers accords ne sont pas inclus dans le champ du présent rapport. Le premier car il n’a qu’un impact limité en la matière ([5]), le second car il n’a jamais connu d’application effective, et le troisième car il ne concerne qu’un nombre limité de personnes et qui n’ont en outre pas vocation à s’installer sur le territoire national. Il convient également de relever l’existence d’un « procès-verbal » de 1994, confidentiel mais très important, relatif aux laissez-passer consulaires.

A.   La circulation, le séjour et l’emploi des ressortissants algériens

Les développements qui suivent visent à replacer l’accord de 1968 dans son contexte historique et à décrire brièvement les modifications intervenues depuis sa signature. Par ailleurs, une analyse des dispositions de l’accord permet de confirmer le caractère particulièrement dérogatoire et très avantageux qu’il a acquis au fil du temps.

1.   Une volonté politique constante de la France depuis 1962 : la maîtrise des flux migratoires en provenance d’Algérie

a.   Le contexte historique de l’accord de 1968

La première date historique importante en matière d’immigration algérienne, est celle de la publication de loi organique du 20 septembre 1947 prévoyant l’attribution de la citoyenneté aux musulmans d’Algérie et légalisant leur liberté de circulation en métropole ([6]). Selon le politologue Patrick Weil, entre 1949 et 1955, 160 000 travailleurs d’autres nationalités se sont installés en France, tandis que 180 000 Algériens ont pu le faire en bénéficiant de la libre circulation ([7]). Afin de permettre l’arrivée spontanée de plus de travailleurs d’autres nationalités, une circulaire du 18 avril 1956 mettra sur le même plan les procédures d’introduction et de régularisation des travailleurs, ce qui donnera aux autres étrangers une quasi-liberté d’installation à la condition d’être embauché ([8]). Ce n’est qu’en 1972 que l’administration va chercher à limiter ces processus de régularisation ([9]).

Il ne sera pas mis fin tout de suite à la liberté totale de circulation en France des Algériens. La signature des accords d’Évian le 18 mars 1962 laisse perdurer ce régime favorable. La déclaration des garanties du 19 mars 1962 prévoyait que « sauf décision de justice, tout Algérien muni d’une carte d’identité est libre de circuler entre l’Algérie et la France ». Il s’agissait alors de ne pas pénaliser les nombreux Français résidant encore en Algérie. Ces accords d’Évian comportaient plusieurs instruments juridiques : un accord de cessez-le-feu et des déclarations associées, une procédure de transfert de souveraineté de la France à un nouvel État algérien dans le cadre d’une phase de transition, et la définition des rapports futurs entre les deux États. Selon le professeur Guy Pervillé, la gestation de ces accords avait été longue et difficile et leur application fut extrêmement brève ([10]).

En matière de circulation des personnes, le régime de libre circulation et d’installation qui avait été maintenu par les accords d’Évian aura duré au plus six années, le temps de négocier le nouveau régime. Dès le lendemain de l’indépendance en effet, la présence en France d’une communauté algérienne nombreuse va devenir un irritant politique entre les deux États. Fin octobre 1962, le solde des arrivées par rapport aux départs s’élève à 70 000 personnes par semaine ([11]). La France et l’Algérie rouvrent dès 1963 les négociations, qui aboutissent à la signature du protocole du 10 avril 1964, première étape vers la réglementation des flux de personnes l’Algérie vers la France ([12]).

Selon ce protocole, le gouvernement algérien devait indiquer périodiquement l’étendue des disponibilités en main-d’œuvre de son pays et de son côté, le gouvernement français faisait connaître trimestriellement son estimation sur les capacités du marché de l’emploi. L’article 11 du protocole prévoyait que « le Gouvernement algérien s’engage à suspendre les départs à destination de la France à la demande du Gouvernement français lorsque les mouvements entre les deux pays atteignent un niveau non compatible avec les possibilités d’emploi en France ». Les observateurs indiquent que cette volonté de limiter l’immigration algérienne salariée aux seuls travailleurs répondant aux besoins de l’économie fut amplement contournée. Il suffisait à un Algérien d’entrer en France comme simple visiteur puis de se prévaloir de l’article 7 de la déclaration de principes des accords d’Évian ([13]) pour pouvoir exercer légalement une activité professionnelle en France. Le protocole de 1964 sera dénoncé l’année suivante par l’Algérie du fait de la détermination unilatérale par la France de son besoin de main-d’œuvre.

La volonté persistante des autorités françaises de contrôler le flux important et inattendu d’Algériens ayant souhaité s’établir en France après l’indépendance ([14]) a abouti après de longues négociations à la signature de l’accord du 27 décembre 1968 qui instaure pour la première fois un titre de séjour pour les Algériens ([15]). Le préambule cet accord affirme que son objectif est « d’apporter une solution globale et durable aux problèmes relatifs à la circulation, à l’emploi et au séjour des ressortissants algériens sur le territoire français ». Il entend également garantir « un courant régulier de travailleurs, qui tienne compte du volume de l’immigration traditionnelle algérienne en France » ainsi que « la libre circulation des ressortissants algériens se rendant en France sans intention d’y exercer une activité professionnelle salariée ».

Au-delà de ce préambule toujours en vigueur, il convient de noter que les protocoles de 1985, 1994 et 2002 ont très largement modifié l’accord de 1968 dont il ne subsiste presque aucune disposition originelle de fond ([16]).

b.   L’accord de 1968 visait prioritairement à restreindre l’immigration de travail salarié et à s’assurer que les Algériens ne dépendent pas de la solidarité nationale

Dans la droite ligne du protocole de 1964, l’équilibre négocié en 1968 reposait prioritairement sur le contrôle de l’immigration de travail salarié, avec la détermination d’un contingent annuel de 35 000 travailleurs algériens, ramené ensuite à 25 000 en 1972, alors que le gouvernement algérien souhaitait qu'il soit fixé à 80 000. Pour les travailleurs, la libre circulation était donc révolue. Ces derniers étaient sélectionnés par le gouvernement algérien et se voyaient délivrer une carte de l’Office national de la main-d’œuvre algérien (ONAMO) pour pouvoir entrer en France. Par la suite, les travailleurs disposaient d’un délai de neuf mois pour trouver un travail. Une fois employés, ils se voyaient délivrer un certificat de résidence de cinq ans.

Pour les personnes autres que celles titulaires de la carte de l’ONAMO soumises au contingent, un certificat de résidence de cinq ans était délivré sous réserve qu’elles soient inscrites au RCS ou qu’elles possèdent des moyens d’existence suffisants (article 5 et 7b de l’accord initial).

Au-delà des travailleurs, l’accord « régularisait » également la question des ressortissants présents sur le territoire français depuis moins ou plus de trois ans à la date de signature de l’accord, en prévoyant à leur bénéfice la délivrance d’un certificat de résidence de cinq ou dix ans selon le cas.

L’accord de 1968 était ensuite particulièrement strict quant à l’obligation pour les Algériens de se maintenir en situation de travail. L’article 7 prévoyait tout d’abord qu’au moment de leur renouvellement, la durée de validité des certificats de résidence pouvait être réduite en cas de « chômage involontaire depuis plus de douze mois consécutifs ». Surtout, l’article 10 de l’accord, abrogé en 1994, prévoyait qu’« en dehors des cas d’expulsion, les certificats de résidence peuvent être retirés aux seuls ressortissants algériens considérés comme oisifs du fait qu’ils se trouvent en France sans emploi ni ressources depuis plus de six mois consécutifs ». Répondant à la question d’un député, le ministre de l’intérieur fit d’ailleurs état à l’Assemblée nationale, le 21 novembre 1966, de cette innovation du protocole franco-algérien de main-d’œuvre, et qui n’existait dans aucune convention du même genre : la latitude laissée aux autorités françaises d'expulser les « oisifs » algériens sans travail depuis quelques mois ([17]).

Les étudiants, agents des organismes algériens, travailleurs saisonniers et malades faisaient l’objet de dispositions regroupées au sein du titre IV du protocole annexe à l’accord, prévoyant la délivrance de certificats d’au maximum deux ans. En ce qui concerne les malades admis dans des établissements de soin français, ils étaient autorisés à résider en France durant la durée de leur traitement, augmentée de trois mois, sous couvert d’une attestation de l’établissement.

L’immigration familiale était quant à elle prévue pour le conjoint et les enfants mineurs de moins de dix-huit ans ou à charge qui s’établissent en France :

– par l’article 4 au bénéfice des travailleurs salariés soumis au contingent ;

– par l’article 5 au bénéfice des personnes non-salariés inscrites au RCS ou disposant de moyens d’existence suffisants.

Si la question de l’entrée et du droit au séjour des familles étrangères n’était pas spécifiquement abordée par l’ordonnance du 2 novembre 1945 en vigueur à cette date ([18]), il convient de remarquer que l’accord de 1968 n’est pas particulièrement favorable à l’immigration familiale par rapport à la pratique administrative de l’époque. En 1947 et 1948, près de vingt circulaires encouragent le redémarrage de l’immigration familiale ([19]). Dès 1950, le terme « regroupement » est d’ailleurs utilisé. Une circulaire du ministère de l’intérieur évoque la « procédure permettant le regroupement des familles de travailleurs étrangers » ([20]). En 1954, le ministère de la santé publique et de la population reprend cette expression et le « regroupement de famille » identifie désormais une catégorie administrative autonome. La circulaire du 4 février 1960 autorise désormais la régularisation des familles de travailleurs. En 1965, un règlement administratif confirme que la venue des familles peut se faire selon deux modalités : d’une part l’« introduction de famille », qui consiste à faire venir sa famille après en avoir obtenu l’autorisation, de sorte qu’elle bénéficie dès son arrivée d’une carte de séjour de même nature que le chef de famille, et d’autre part l’« admission au séjour » c’est-à-dire la régularisation a posteriori.

Avant 1968, la procédure de regroupement familial des familles algériennes est progressivement alignée sur celle mise en place pour les familles des autres nationalités, avec l’obligation de justifier d’un hébergement adapté. Le protocole de 1964 et l’accord de 1968 viennent consacrer cette pratique en stipulant que les familles algériennes doivent, avant de s’installer en France, avoir obtenu un certificat de logement.

En juillet 1974, le Gouvernement prend des mesures importantes concernant l’immigration. Celle-ci est suspendue à titre provisoire pour les travailleurs et les familles. Cette suspension s’est traduite par la publication de nombreux décrets et circulaires, dont une grande partie a été annulée par la jurisprudence administrative ([21]). Si juridiquement cette annonce n’a donc eu que peu d’impact, l’orientation politique était claire et la France souhaitait inclure l’immigration algérienne dans ces nouvelles orientations.

Toutefois, parallèlement à la suspension de l’immigration des travailleurs, le secrétaire d’État aux travailleurs immigrés Paul Dijoud a défendu l’immigration familiale comme un moyen d’intégrer les étrangers déjà établis en France. Dans ce but, le décret du 29 avril 1976 a mis en place le droit au regroupement familial.

Ce décret réglemente les conditions selon lesquelles un travailleur étranger séjournant régulièrement en France peut être rejoint par les membres de sa famille. L’accès au territoire français et le titre de séjour ne peuvent être refusés à ces derniers que pour quatre motifs : durée de résidence en France du chef de famille trop courte, ressources insuffisantes, conditions de logement inadaptées et nécessités d’ordre public.

Dès 1976, l’accord franco algérien devient donc plus favorable que le droit commun : absence de conditions de ressources et absence de mention de la durée de résidence en France de la personne permettant le regroupement, absence de réserve explicite tenant à des questions d’ordre public.

Ce décret, suspendu en 1977, a ensuite donné l’occasion au Conseil d’État d’affirmer le regroupement familial comme faisant partie des principes généraux du droit français ([22]).

À l’issue de cette rétrospective historique, le rapporteur spécial fait le constat suivant : au regard du droit des étrangers et surtout de la pratique administrative en vigueur au tournant des années 1970, l’accord franco-algérien de 1968 ne semble pas à sa signature proposer pour les ressortissants algériens un droit excessivement dérogatoire par rapport aux étrangers d’autres nationalités. Il doit être regardé comme ayant constitué une étape indispensable dans la volonté de normaliser et de contrôler progressivement l’immigration algérienne. Cet accord était rendu nécessaire par le contexte de l’époque : d’une part les citoyens d’Algérie n’étaient pas étrangers mais étaient Français, et, d’autre part, il convenait de préserver les droits des travailleurs français encore établis en Algérie. C’est d’ailleurs ce dernier point qui occupait prioritairement l’esprit des négociateurs français ([23]).

La possibilité unique de retirer un titre de séjour pour « oisiveté », même si elle fut d’application extrêmement rare, témoigne à elle seule de la rigueur affichée par la France en 1968, et de son souci permanent d’ajuster l’immigration algérienne aux stricts besoins de l’économie nationale. La possibilité de faire venir les familles était par ailleurs motivée par le souci de faciliter l’intégration des travailleurs autorisés. De fait, cette immigration familiale ne paraît pas non plus ouverte de façon beaucoup plus large que ce qui était autorisé à cette époque par la pratique administrative.

Par ailleurs, il est indispensable de rappeler qu’en 1970, 80 % des immigrés arrivaient en dehors des procédures régulières, ce qui fausse les comparaisons des systèmes juridiques.

Les mesures qui apparaissent aujourd’hui comme ayant structuré l’immigration algérienne, et notamment l’immigration familiale, sont en réalité la résultante de trois phénomènes ultérieurs à la signature de l’accord et qui se sont cumulés :

– la négociation de trois avenants, en 1985, 1994 et 2001, qui, tout en rapprochant du droit commun, sur certains aspects, le statut des Algériens, ont permis de retirer ou de modifier certaines dispositions considérées comme pénalisantes pour les Algériens et d’ajouter les mesures favorables prévues par l’évolution du droit commun ;

– une jurisprudence administrative qui a accentué la singularité juridique de l’accord franco-algérien dans un sens globalement plus favorable à l’installation en France ;

– surtout, l’évolution constante du droit commun dont les dispositions de plus en plus restrictives restaient, elles, non applicables aux Algériens.

c.   L’accord de 1968 s’est progressivement écarté du droit commun des étrangers dans un sens particulièrement favorable à l’immigration algérienne

  1.   Les avenants négociés en 1985, 1994 et 2001

L’accord de 1968 a été modifié une première fois par un avenant du 22 décembre 1985. Cet avenant a abrogé les dispositions relatives au contingentement annuel du nombre de travailleurs migrants. Il a surtout consacré un premier rapprochement avec le droit commun des étrangers en alignant sur ce dernier la durée de validité du certificat de résidence, fixée à un an ou à dix ans selon les cas et en introduisant une condition de ressource au moins égale au SMIC pour la personne souhaitant faire venir sa famille.

En octobre 1986, à la suite des attentats survenus en France, une obligation de visa a été imposée aux visiteurs algériens non titulaires d’un certificat de résidence, changement majeur étendu par avenant, en 1994, aux longs séjours ([24]).

Ce deuxième avenant, signé le 28 septembre 1994, a modifié l’accord de 1968 afin de tenir compte des évolutions intervenues dans la législation française par la loi du 24 août 1993 relative à la maîtrise de l’immigration et aux conditions d’entrée, d’accueil et de séjour des étrangers en France. Il s’agissait essentiellement pour les Algériens de bénéficier des mesures favorables de ce texte de loi, en contrepartie de l’obligation de disposer d’un visa long séjour pour les séjours supérieurs à trois mois ([25]). L’avenant a également étendu à trois années au lieu de six mois la durée de présence hors du territoire français qui entraîne une péremption du certificat de résidence, ce qui est une évolution très favorable pour les Algériens.

L’avenant à l’accord franco-algérien qui a été signé en juillet 2001, avait également pour objet d’aligner les dispositions applicables aux Algériens sur les dispositions les plus favorables du droit commun issues de la loi du 11 mai 1998 ([26]). Mais la législation a profondément évolué depuis, du fait des nombreuses lois modifiant le CESEDA : lois des 26 novembre 2003 ([27]), 24 juillet 2006 ([28]), 20 novembre 2007 ([29]), 16 juin 2011 ([30]), 7 mars 2016 ([31]) , 10 septembre 2018 ([32]) , 26 janvier 2024 ([33]). S’agissant du regroupement familial, ce troisième avenant procède à des ajustements importants. Jusqu’à cette modification, les Algériens n’étaient pas soumis aux obligations de séjour en France durant au moins un an de la personne qui sollicite l’entrée de sa famille et de regroupement en une seule fois, ni à des conditions de ressources parfaitement explicites ([34]). L’avenant a en revanche supprimé le contrôle des moyens d’existence dont pouvaient faire l’objet les ressortissants algériens s’établissant en France à un autre titre que celui de travailleurs salariés. Il convient de relever le contexte de la négociation de cet avenant tel que succinctement décrit par l’étude d’impact du projet de loi de ratification, qui est révélateur de la relation franco-algérienne dans son ensemble : « les autorités françaises auraient préféré remplacer l’accord de 1968 modifié par un texte entièrement nouveau mais la négociation d’un nouvel avenant a été imposée par la partie algérienne » ([35]).

Au final, s’ils ont substantiellement modifié l’accord de 1968 pour en actualiser les termes et améliorer les correspondances avec les critères du droit commun, ces trois avenants ont laissé perdurer les spécificités du régime applicable aux Algériens (cf. infra l’analyse des mesures favorables par rapport au droit actuel). L’évolution la moins favorable reste celle qui a consisté en l’introduction d’une obligation de visa, en 1986 pour les courts séjours, puis en 1994 pour les longs séjours.

Hormis cela, La France n’a jamais été en mesure de signer des compromis qui auraient véritablement rapproché les Algériens du droit commun ([36]).

Le Gouvernement français a souhaité à compter de 2010, procéder à une nouvelle révision de l’accord franco-algérien.

À l’occasion de ces discussions visant à conclure un quatrième avenant à l’accord franco-algérien, les autorités françaises ont défendu une position visant à rapprocher les dispositions de cet accord des dispositions prévues dans le CESEDA.

Les propositions de la partie française étaient les suivantes :

– maîtriser davantage l'immigration à caractère familial en luttant contre certaines dérives, notamment en fixant pour le regroupement familial un niveau de ressources permettant des conditions de vie dignes, en conditionnant l’obtention d’un certificat de résidence à la régularité de l’entrée et du séjour et en engageant une lutte conjointe contre la fraude au mariage ;

– exiger la preuve de la viabilité du projet économique pour exercer une activité commerciale en cas de changement de statut ;

– intégrer des dispositions sur les garanties d’intégration et du respect des valeurs de la République, notamment par la signature du contrat d’accueil et d’intégration ;

– aligner avec le droit commun le temps de travail autorisé pour les titulaires d’un CRA « étudiant » (60 %) ;

– soumettre les Algériens désireux de s’établir en France à l’obligation de visa de long séjour et, en contrepartie, faciliter la circulation entre les deux pays en favorisant la délivrance de visas de circulation à entrées multiples, notamment pour les visites familiales ;

– renforcer la qualification de l’immigration professionnelle algérienne par la délivrance de certificats de résidence « compétences et talents », « salariés en mission », « profession libérale ou indépendante » ;

– aligner le régime de circulation, de séjour, d’emploi et d’établissement des Français en Algérie sur celui prévu pour les Algériens en France.

Ces négociations, qui ont eu lieu en 2011 et 2012, n’ont toutefois pas été conclusives.

  1.   Le rôle important de la jurisprudence

La jurisprudence a tout d’abord conféré à l’accord franco-algérien une portée juridique sans équivalent. Selon une formule régulièrement répétée par le Conseil d’État, l’accord régit « d’une manière complète les conditions dans lesquelles les ressortissants algériens peuvent être admis à séjourner en France et y exercer une activité professionnelle, ainsi que les règles concernant la nature des titres de séjour qui peuvent leur être délivrés et leur durée de validité, et les conditions dans lesquelles leurs conjoints et leurs enfants mineurs peuvent s’établir en France » ([37]).

Au contraire d’autres traités régissant la circulation des personnes, l’accord franco-algérien de 1968 ne prévoit effectivement pas l’application de la législation nationale sur les points qu’il n’aborde pas ([38]).

Pourtant, le juge judiciaire avait pu retenir une interprétation moins rigoureuse de cette exclusivité. La Cour de cassation avait en effet fait application des dispositions de l’ordonnance de 1945 relatives au délit de séjour irrégulier, alors même que son article 2 disposait que texte de 1945 n’était applicable que sous réserve des conventions internationales ([39]).

L’analyse du Conseil d’État fait obstacle à ce que les réformes du droit des étrangers susmentionnées, portant sur les conditions de délivrance des titres de séjour et des autorisations de travail et à leur durée, ainsi que les dispositifs d’intégration comme le contrat d’intégration républicaine ou le contrat d’engagement à respecter les valeurs de la République soient applicables aux ressortissants algériens ([40]).

La jurisprudence administrative a en outre régulièrement interprété cette convention en attrayant certaines dispositions favorables du droit commun dans le champ du droit applicable aux Algériens d’une part, et en interprétant au contraire strictement certaines mesures défavorables d’autre part.

Le juge a par exemple estimé que même si un ressortissant algérien ne remplissait pas l’ensemble des conditions prévues par l’accord pour la délivrance d’un titre de plein droit, le préfet était tenu d’apprécier, compte tenu de la situation de l’intéressé, l’opportunité d’une mesure de régularisation ([41]). De manière générale, le Conseil d’État estime qu’ « aucun texte ne s’oppose à une mesure de régularisation en faveur d’un Algérien qui ne satisfait pas à l’accord du 27 décembre 1968 » ([42]). À travers le pouvoir discrétionnaire du préfet, cela revient à appliquer l’admission exceptionnelle au séjour prévue par les articles L. 4351 à L. 435-4 du CESEDA alors qu’elle ne figure pourtant pas dans l’accord de 1968 ([43]). Cette procédure a concerné 4 382 ressortissants algériens en 2023 et 4 292 en 2024.

A contrario, en matière de retrait des certificats de résidence, la jurisprudence a adopté une interprétation stricte. L’administration ne peut jamais retirer un titre de séjour à un ressortissant algérien dès lors que cette possibilité n’est pas explicitement prévue dans l’accord. Or, le rapporteur spécial souligne que l’accord n’aborde à aucun moment la question du retrait du certificat en cours de validité depuis l’abrogation en 1994 de l’article 10 portant sur les Algériens « oisifs » ([44]). La jurisprudence aurait donc pu combler cette lacune en faisant appel aux principes généraux du droit des étrangers, mais cela n’a pas été le cas. C’est ainsi par exemple que :

– le titre de séjour d’un algérien dont la présence en France constitue une menace pour l’ordre public ne peut pas être retiré. Dans un jugement récent du 21 janvier 2025, le tribunal administratif de Cergy Pontoise a ainsi rappelé cette jurisprudence constante du Conseil d’État en indiquant qu’ « aucune stipulation de cet accord franco-algérien, ni aucun principe ou disposition applicables dans son silence, ne permettent le retrait d’un certificat de résidence valable dix ans, délivré en application de l’article 7 bis de ce même accord, pour un motif tiré de la menace pour l’ordre public que représente la présence en France de son titulaire ». En l’espèce, le ressortissant algérien avait été condamné pour des faits de violences conjugales et il était connu des services de police pour l’emploi d’un étranger en situation de travail dissimulé, une infraction à une interdiction de séjour et la fréquentation d’un lieu interdit. Le tribunal relève que « si, eu égard à la nature et la gravité des faits qui lui sont reprochés, la présence en France de M. A caractérise une menace pour l’ordre public, […] aucune stipulation de l’accord franco-algérien ne prévoit la possibilité pour l’autorité administrative de retirer un certificat de résidence algérien de dix ans, pour un tel motif » ;

– les cas de retrait de la carte de séjour temporaire à l’étranger passible des condamnations visées à l’article L.432-6 du CESEDA ne sont pas applicables aux ressortissants algériens ([45]) ;

– les dispositions du CESEDA relatives aux possibilités de retrait du titre de séjour en cas de polygamie ([46]), d’irrespect de la procédure de regroupement familial ([47]) ou de certaines condamnations pénales ([48]) ne sont pas opposables aux ressortissants algériens.

Dans ces conditions, le seul moyen pour l’administration de retirer un certificat de résidence à une personne de nationalité algérienne est de recourir à la procédure d’expulsion prévue par l’article L. 631-1 du CESEDA.

Extrait de la décision n° 206914 du Conseil d’État du 14 février 2001

« Aux termes du troisième alinéa de l'article 7 bis de l’accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié, le certificat de résidence valable dix ans est renouvelé automatiquement ; […] il résulte de ces stipulations qu’aucune restriction n’est prévue au renouvellement de ce certificat tenant à l’existence d’une menace à l’ordre public ; […] en revanche cet engagement international ne fait pas obstacle à l’application de la réglementation générale autorisant qu’il soit procédé à l’expulsion d’un étranger suivant les modalités définies par le législateur en fonction de l’importance respective qu’il attache, d’une part, aux impératifs liés à la sauvegarde de l’ordre public et à leur degré d’exigence et, d’autre part, au but d’assurer l’insertion de catégories d’étrangers déterminées à raison de considérations humanitaires, du souci de ne pas remettre en cause l’unité de la cellule familiale ou de l’ancienneté des liens noués par les intéressés avec la France »

Or l’expulsion est une décision lourde, prise par le préfet ou le ministre de l’intérieur. Elle est justifiée pour certaines personnes constituant une menace particulièrement grave à l’ordre public ou ayant commis certaines infractions comme le terrorisme, la détention illégale d’armes, le proxénétisme, le trafic de drogues. Cette procédure est par exemple en cours à l’encontre de l’influenceur « Doualemm » ([49]).

De façon presque contradictoire, la jurisprudence est plus souple lorsque l’administration souhaite opposer un refus de première délivrance ou de renouvellement ([50]). Même en l’absence de stipulations expresses dans l’accord de 1968, la menace à l’ordre public est ainsi opposable à une demande de titre de séjour formulée par un ressortissant algérien, sauf s’il s’agit d’un renouvellement de titre valable dix ans, renouvelable automatiquement en vertu de l’article 7 bis de l’accord. Ainsi le ministère de l’intérieur considère que « l’ordre public n’est ni plus ni moins invocable à l’encontre des Algériens qu’à l’encontre des ressortissants des autres nationalités, qu’ils relèvent du régime général ou des régimes spéciaux, pour fonder un refus de délivrance de titre ou un refus de renouvellement de titre valable un an. » ([51]) . Cette jurisprudence autorisant le refus de délivrance ou de renouvellement d’un certificat d’un an sur des motifs tenant à l’ordre public est laconiquement fondée sur l’« application de la réglementation générale relative à l’entrée et au séjour des étrangers en France » ([52]).

En conclusion, le rapporteur spécial tient à souligner le caractère très dérogatoire de la combinaison entre les stipulations de l’accord et l’interprétation de la jurisprudence. L’accord franco-algérien facilite de façon très significative la délivrance d’un certificat de résidence de dix ans (cf. infra analyse des dispositions plus favorables). La jurisprudence, quant à elle, a considéré le retrait ou le refus de renouvellement d’un tel certificat comme quasiment impossible ([53]).

Cette combinaison créée un droit à se maintenir régulièrement sur le territoire national qui est exorbitant pour les Algériens, et absolument sans équivalent pour les ressortissants d’autres nationalités. Or le séjour régulier entraîne une série de conséquences en matière sociale, les étrangers étant automatiquement traités comme les nationaux, sauf exceptions.

  1.   Les Algériens sont restés en marge des évolutions du droit commun

Les écarts qui se sont creusés au fil des évolutions entre la législation nationale et l’accord franco-algérien peuvent être illustrés par un exemple, révélateur de cette inertie de l’accord international sur une matière qui devrait au contraire accompagner les évolutions de la société.

L’article 6.2 de l’accord franco-algérien porte sur la délivrance des certificats de résidence d’un an mention « vie privée et familiale » pour les conjoints de Français. L’article est issu de l’avenant de 2001 et visait à transposer au sein de l’accord le 4° de l’article 12 bis de l’ordonnance du 2 novembre 1945 dans sa rédaction issue de la loi du 11 mai 1998 précitée. Cette modification a permis d’instaurer une condition d’entrée régulière en France. En revanche, cet article ne conditionnait pas la délivrance du titre de séjour à l’existence d’une communauté de vie.

Or, afin de prévenir le développement des mariages de complaisance, la loi dite « MISEFEN » ([54]) a introduit dès 2003 la nécessité du maintien de la communauté de vie entre les époux dans les conditions de délivrance de la carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » aux ressortissants étrangers conjoints de Français, dès le stade de la première demande.

Toutefois, en raison de l’absence de modification ultérieure de l’accord permettant de prendre en compte cette évolution législative, la communauté de vie n’est pas opposable, lors de sa première demande de certificat de résidence valable un an, à un Algérien conjoint de Français.

Ce décalage permanent et anormal entre l’état du droit des étrangers non-communautaires et l’état du droit applicable à la première nationalité étrangère présente sur le sol français a été résumé par Xavier Driencourt, ancien ambassadeur de France en Algérie, en ces termes : « quand le législateur vote des lois sur l’immigration, il doit savoir qu’une large partie de la population issue de l’immigration n’est pas concernée par le résultat de ses délibérations. Cette anomalie crée une brèche importante dans notre ordre juridique » ([55]).

2.   Un accord international favorable et rigide que la France n’a pas su faire évoluer

À toutes les étapes du parcours migratoire, l’accord de 1968 facilite l’immigration algérienne en France.

a.   L’entrée des Algériens en France est facilitée

Les Algériens, comme tous les étrangers extracommunautaires, ont l’obligation de posséder un titre de séjour, dès l’âge de l’âge de 18 ans, lorsqu’ils désirent séjourner plus de trois mois sur le territoire français. L’accord franco-algérien distingue deux catégories de titre : les certificats de résidence temporaire d’un an et les certificats de résidence de dix ans.

Dans certains cas, la délivrance d’un certificat de résidence d’un an est soumise à la seule condition d’entrée régulière, et non de visa de long séjour. C’est le cas pour le conjoint de Français ou le conjoint d’une personne titulaire d’un titre de séjour portant la mention « scientifique ».

Pour les autres catégories de certificats de résidence d’un an « vie privée et familiale », aucune condition relative à la régularité de l’entrée ne peut être exigée ([56]).

La détention d’un visa de long séjour n’est pas une condition d’obtention des certificats de résidence pour les catégories qui ne sont pas expressément prévues par l’article 9 de l’accord franco-algérien. C’est notamment le cas des personnes relevant de l’article 6 de l’accord, qui peuvent obtenir de plein droit un certificat de résidence « vie privée et familiale », sans exigence d’une entrée régulière en France. Ces facilités accordées par la convention de 1968 ont durablement façonné l’immigration algérienne.

b.   Les Algériens bénéficient de dispositions favorisant leur installation durable en France, notamment à titre familial

Au sein des certificats de résidence d’un an, il faut distinguer les certificats de résidence portant la mention « vie privée et familiale », qui sont délivrés de plein droit aux personnes qui remplissent certaines conditions (article 6 de l’accord franco-algérien), et les certificats de résidence portant différentes mentions (visiteur, salarié, travailleur temporaire, scientifique, profession artistique ou culturelle, étudiant, stagiaire prévu par les articles 5 et 7, et le titre II du protocole annexé) ([57]).

  1.   Les motifs familiaux

Les dispositions permettant aux ressortissants algériens de bénéficier d’un titre de séjour pour un motif d’ordre privé et familial sont prévues par les articles 4, 6 et 7 bis de l’accord.

 L’article 6

L’article 6 de l’accord franco-algérien réglait initialement uniquement le cas des résidents en France à la date d’entrée en vigueur de l’accord. La version actuelle est issue de l’avenant du 3 juillet 2001. Cette catégorie n’existait pas en 1968 ([58]).

Comme il vient d’être analysé, la quasi-totalité des certificats de résidence d’un an « vie privée et familiale » sont délivrés aux Algériens de plein droit même s’ils sont entrés irrégulièrement en France, ce qui revient quasiment à une dispense de visa. Il convient toutefois de nuancer ce propos en rappelant que, même si, dans le droit commun, le maintien durable en France est subordonné à l’obtention d’un visa de long séjour, la portée de cette exigence est très relative lorsque l’on considère le nombre de dérogations prévues par le CESEDA et la possibilité de régulariser a posteriori une situation, sous le contrôle juridictionnel de l’erreur manifeste d’appréciation.

Dans le détail, l’article 6.1 de l’accord prévoit la délivrance du certificat de résidence au bout de dix ans de présence habituelle en France (quinze si l’intéressé a séjourné en qualité d’étudiant). La voie autonome d’accès au séjour consacrée par cette disposition, qui n’impose pas que le séjour ait été régulier ni qu’il ait débuté avant la majorité, est sans équivalent. Cette admission au séjour de droit à compter de dix ans de résidence habituelle sur le territoire national, sorte de « droit à régularisation », a d’ailleurs été supprimée du CESEDA par la loi du 24 juillet 2006. Cette disposition a même été retirée en 2008 de l’accord franco-tunisien du 17 mars 1988, qui ne s’écarte désormais qu’à la marge du droit commun.

L’article 6.2 est également favorable aux Algériens. Il concerne le conjoint de Français qui se voit délivrer de plein droit une carte de résident avec des conditions plus légères que celles prévues par les articles L. 423-1 à L. 423-6 du CESEDA :

 régularité de l’entrée seulement contre visa long séjour pour le droit commun ([59]) ;

 exigence d’une communauté de vie effective uniquement à l’occasion d’un renouvellement contre une exigence dès la première délivrance pour le droit commun depuis la loi de 2003 ;

 absence de possibilité de retirer le certificat pour polygamie contrairement au droit commun.

Ces dispositions facilitent fortement le séjour pour les ressortissants algériens conjoints de français, ce qui se traduit dans les chiffres du ministère de l’intérieur.

En effet, 6 386 premiers CRA d’un an « conjoint de Français » ont été délivrés en 2023 à des Algériens, soit 30 % des premiers titres délivrés. Le titre de séjour de 10 ans est par ailleurs accordé de plein droit après un an de mariage et dès lors que la communauté de vie est établie, contre trois années en application du CESEDA.

L’absence d’obligation de communauté de vie imposée dès le début du mariage semble donc avoir un impact important sur le nombre de premiers titres délivrés « conjoints de Français ».

Il apparaît que sur les 5 917 premiers CRA d’un an « conjoint de Français » délivrés en 2022 à des Algériens, seuls 786 ont été renouvelés en 2023 (l’accord franco-algérien imposant en effet l’existence d’une communauté de vie au moment du renouvellement) et 1 192 CRA de 10 ans « conjoint de Français » ont été délivrés (après un an de mariage).

L’article 6.3 concerne les conjoints de scientifiques. L’accord est plus favorable en ce sens qu’il n’impose pas de visa long séjour pour prétendre au certificat de résidence.

L’article 6.4 de l’accord reprend les dispositions de la loi du 11 mai 1998, qui ont été remises en cause en 2003. Il concerne les parents d’un enfant français mineur. Le régime prévu par cette disposition est plus favorable en ce qu’il n’impose aucune condition de durée pour établir sa contribution aux besoins de l’enfant. Par ailleurs, l’exercice partiel de l’autorité parentale ne remet pas en cause le droit à la délivrance du certificat.

L’article 6.5, qui regroupe le cas des personnes disposant en France de liens familiaux et personnels importants, se confond avec le droit au séjour qui se déduit de l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme. La mesure est équivalente à celle prévue par l’article L. 423-23 du CESEDA.

L’article 6.6 qui concerne les Algériens ayant suivi une scolarité en France est équivalent à la mesure prévue par l’article L. 421-13 du CESEDA.

L’article 6.7 concerne les étrangers malades dont il sera question infra.

 L’article 4

En matière de regroupement familial, l’article 4 de l’accord permet aux Algériens de bénéficier de mesures qui sont devenues particulièrement favorables avec le temps :

– les membres de la famille admis au séjour en France au titre du regroupement familial reçoivent un titre de séjour de même durée que la personne qu’ils rejoignent, contrairement au droit commun qui prévoit depuis la réforme du 26 novembre 2003 un titre de séjour temporaire d’un an. Le fait qu’il y ait identité de titre favorise l’obtention d’un certificat de 10 ans dans le cadre du regroupement familial ([60])  ;

– la condition de ressource imposée aux Algériens ne peut faire obstacle au regroupement familial si les ressources du demandeur sont au moins égales au SMIC. Le droit commun prévoit quant à lui depuis la loi du 20 novembre 2007 une obligation de justifier de ressources plus élevées en fonction de la taille du foyer, par exemple 1 982 euros par mois pour un foyer de quatre personnes ;

– comme dans le droit commun, les prestations familiales dont bénéficient les ressortissants algériens sont exclues du calcul de la condition de ressources. En revanche, l’élargissement des ressources exclues du calcul et opéré par l’article L. 434-8 du CESEDA n’est pas applicable aux Algériens. Sont donc pris en compte comme ressources autonomes pour le demandeur algérien : le revenu de solidarité active (RSA), l’allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA), l’allocation de solidarité spécifique (ASS) ou encore l’allocation équivalent retraite (AER). Pour rappel, pour un couple sans revenu, le plafond de l’ASPA est fixé à 1 605,73 euros par mois ;

– les ressortissants algériens peuvent solliciter un regroupement familial dès douze mois de présence en France sauf cas de force majeure contre dix-huit mois pour les autres nationalités, là encore du fait d’une modification du droit postérieure à l’avenant de 2001 ;

– en matière d’enquête logement, l’avis du maire de la commune concernée n’est pas prévu par l’accord franco-algérien ;

– le retrait du certificat de résidence délivré à un ressortissant algérien dans les deux années qui suivent sa délivrance pour rupture de la communauté de vie, polygamie, non-respect de la procédure de regroupement familial, non-respect des valeurs de la République ou trouble à l’ordre public n’est pas possible, contrairement à ce que prévoit le CESEDA pour les étrangers d’autres nationalités. Par ailleurs, en matière de refus de délivrance pour des motifs d’ordre public, la jurisprudence a précisé que, pour ce qui concerne les demandes de regroupement familial, « le préfet n'est pas fondé à retenir la circonstance que [le demandeur] constitue une menace pour l'ordre public, en ne se conformant pas aux principes essentiels qui, conformément aux lois de la République, régissent la vie familiale en France, dès lors qu'un tel motif n'est pas applicable au cas des ressortissants algériens » ([61]) . Il résulte de cette analyse que l’accord, en limitant drastiquement les possibilités de refus, de non-renouvellement ou de retrait, fait du regroupement familial, pour les Algériens qui remplissent les conditions et hors cas de fraude avérée, un droit opposable à l’administration française ;

– l’article 4 de l’accord prévoit expressément le cas des enfants recueillis par le biais d’une procédure dite de « kafala ». Il s’agit d’un système de nature religieuse permettant, dans certains pays musulmans, de recueillir des enfants pendant leur minorité de manière bénévole pour participer à leur protection, leur entretien et leur éducation. Dans sa note précitée, l’ancien ambassadeur Xavier Driencourt indique, en évoquant le cas des refus de visa pour les enfants concernés, que « dans de nombreux cas, le juge annule ce refus, considérant qu’il n’appartenait pas à l’administration consulaire de « contester le bien-fondé d’une décision de justice algérienne ». Cela revient à donner au juge algérien  décideur en dernier ressort des kafalas  le pouvoir de délivrer les autorisations d’entrer sur le territoire français et donc la maîtrise de ce flux migratoire ». Le caractère discriminatoire de cette disposition de l’accord est d’autant plus important qu’il convient de rappeler qu’en application du droit commun, même les grands-parents qui ont reçu délégation de l’autorité parentale sur leurs petits-enfants ne peuvent pas les faire venir en France au titre du regroupement familial ([62]). En 2023, 315 demandes de regroupement familial au titre de la « kafala » ont été déposées, ce nombre s’est établi à 340 en 2024.

En 2023, 968 ressortissants algériens ont bénéficié d’un CRA d’un an au titre du regroupement familial ([63]) et 3 601 ressortissants ont bénéficié d’un CRA de 10 ans en primo-délivrance pour ce même motif ([64]).

L’application équitable du CESEDA pour tous les étrangers résidant en France conduirait par exemple à ce que des titres d’une durée de validité de 10 ans ne puissent plus être délivrés en primo-délivrance aux bénéficiaires algériens du regroupement familial, soit 3 601 titres en 2023.

 L’article 7 bis

L’article 7 bis de l’accord accroît le caractère dérogatoire de l’immigration algérienne pour motifs familiaux en ce qu’il facilite la délivrance de plein droit d’un certificat d’une durée de dix ans :

 la délivrance d’un tel certificat est de droit pour le conjoint de Français avec une condition d’ancienneté du mariage limitée à un an contre trois ans pour les étrangers d’autres nationalités et sans condition de visa long séjour ;

 pour les enfants ou ascendants de Français, la délivrance du certificat de résidence de dix ans est de plein droit, sans condition de visa long séjour et sans limitation aux seuls parents pour ce qui est des ascendants ;

 pour les parents d’enfants français, la délivrance de plein droit est ouverte après seulement une année de séjour contre trois années prévues par l’article L. 423-10 du CESEDA ;

 pour les ressortissants titulaires d’un certificat de résidence « vie privée et familiale », la délivrance d’un certificat de dix ans est de droit, ce qui est sans équivalent dans le CESEDA ;

 pour ces certificats valables dix ans, comme étudié supra, le retrait ou le refus de renouvellement ne peuvent être fondés sur des motifs tenant à l’ordre public ou au non-respect des valeurs de la République.

À l’issue de l’examen attentif des dispositions de l’accord franco-algérien, le rapporteur spécial constate l’étendue des mesures dérogatoires dont bénéficient les personnes de nationalité algérienne, notamment en matière de droit au séjour pour motif familial.

L’accord franco-algérien comporte une série de dispositions qui ont accentué la tendance historique d’une immigration algérienne familiale, et le Gouvernement n’est pas parvenu à modifier cette tendance depuis 1968.

Le rôle de la jurisprudence, en limitant les cas où l’administration peut refuser la délivrance, le renouvellement ou prononcer le retrait d’un titre de séjour, doit de nouveau être souligné. L’application de la réglementation générale relative à l’entrée et au séjour des étrangers en France, voire le rappel des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République issus de la jurisprudence constitutionnelle, aurait pu conduire à adopter des solutions moins insatisfaisantes.

En vertu du principe constitutionnel d’égalité, le rapporteur spécial recommande donc a minima d’intégrer au sein du CESEDA une disposition liminaire rassemblant les dispositions générales relatives à l’entrée et au séjour des étrangers en France et de les appliquer à tous les étrangers, y compris les ressortissants soumis à des conventions internationales relatives à la circulation et au séjour des personnes.

Il conviendrait de faire figurer au sein de ces dispositions générales les réserves liées à l’ordre public et à la fraude documentaire, les impératifs de respect des valeurs de la République et d’intégration dans la société française.

 L’article 9

Sur le fondement de l’article 9 de l’accord franco-algérien, les ressortissants algériens venant séjourner en France doivent être munis d’un visa délivré par les autorités françaises. Le même article prévoit les titres de séjour dont la délivrance est conditionnée à la présentation d’un visa de long séjour.

Les titres de séjour accessibles avec un visa touristique sont, par défaut, les titres conditionnés à une entrée régulière et qui ne sont pas mentionnés à l’article 9, à savoir les CRA suivants :

– CRA de 10 ans « retraité » et « conjoint de retraité » (7 ter) ;

– CRA de 10 ans « ascendant d’un ressortissant français à sa charge » (7 bis b) ;

– CRA de 10 ans « conjoint de Français » (7 bis a) ;

– CRA de 1 an « conjoint de Français » (6.2) ;

– CRA de 1 an « conjoint de scientifique » (6.3) ;

– CRA de 1 an « parent d’enfant français à charge » (6.4) ;

– CRA de 1 an « liens personnels et familiaux » (6.5).

L’article 12 de l’accord franco-algérien a mis en place une commission mixte chargée de suivre l’application de l’accord. Celle-ci n’est aujourd’hui plus active. À l’automne 2019, un accord de principe entre les autorités algériennes et françaises a été trouvé en vue de la réactivation de la commission mixte sans que ce dernier n’ait été mis en œuvre.

Depuis lors, aucune discussion en vue de relancer le fonctionnement de la commission n’a été entamée, ce qui témoigne également d’une forme de caducité d’un accord figé dans un monde juridique et migratoire qui n’est plus celui d’aujourd’hui.

  1.   Le droit au séjour des étudiants algériens

Le certificat de résidence délivré aux étudiants algériens est prévu par le titre III du protocole annexé. Les étudiants peuvent être autorisés à travailler « dans la limite d’un mi-temps annuel pour la branche ou la profession concernée ». Ils doivent donc solliciter une autorisation de travail alors que cette autorisation n’est pas nécessaire pour le titre de séjour prévu par l’article L. 422-1 du CESEDA. Par ailleurs, ils n’ont pas d’accès à un titre leur permettant de prolonger leur séjour comme celui prévu par l’article L. 422-14 du Cesdea portant la mention « recherche d’emploi ou création d’entreprise ». Ainsi, cette disposition est souvent considérée comme moins favorable pour les Algériens.

Pourtant, l’accord permet très facilement aux Algériens étudiants de prolonger leur séjour, par exemple en sollicitant un certificat de résidence « commerçant ».

Par ailleurs, l’accord franco-algérien ne prévoit pas de motifs spécifiques de retrait comme c’est le cas de l’article L. 432-9 du CESEDA indiquant que la carte de séjour temporaire prévue à l’article ou la carte de séjour pluriannuelle générale portant la mention « étudiant » « peut être retirée à l’étudiant étranger qui ne respecte pas la limite de 60 % de la durée de travail annuelle prévue au même article ». L’accord ne prévoit ainsi aucune possibilité de retirer un certificat de résidence, par exemple pour absence ou non-respect de l’autorisation provisoire de travail.

Quant à la condition de ressources, elle prive les autorités consulaires françaises de fonder un refus sur l’incapacité du requérant à assumer ses frais de subsistance, d’études et de retour.

Le rapporteur spécial considère donc l’accord comme favorable aux étudiants algériens. Au cours de l’année universitaire 2023-2024, 34 269 étudiants algériens étaient présents en France, soit 8 % du total des étudiants étrangers en France (+10% en 5 ans). La plupart des étudiants algériens s’inscrivent dans des formations universitaires.

Outre les universités, on dénombrait en 2023 également 2 234 étudiants algériens en école de commerce (7e pays en nombre d’étudiants ; 4 % du total des étudiants étrangers en école de commerce en France), 1 059 étudiants algériens en école d’ingénieurs (8e pays en nombre d’étudiants ; 3 % du total des étudiants étrangers en école d’ingénieurs en France) et 1 090 étudiants algériens en doctorat en France (5e pays en nombre d’étudiants ; 5 % du total des doctorants étrangers en France).

Effectif des étudiants algériens par type d’établissement en France

Source : observatoire de l’immigration et de la démographie à partir des données publiques du ministère de l’Enseignement Supérieur et de Campus France.

Répartition des étudiants algériens par niveau à l’Université en France

Source : observatoire de l’immigration et de la démographie à partir des données publiques du ministère de l’Enseignement Supérieur et de Campus France.

Il convient de noter que l’aide publique au développement bilatérale française que la France déclare au bénéfice de l’Algérie est constituée à 94 % des bourses accordées à des étudiants algériens, soit 136 millions d’euros en 2023 ([65]).

  1.   Le certificat de résidence portant la mention « commerçant »

L’article 5 de l’accord franco-algérien porte sur les personnes souhaitant séjourner en France pour exercer une activité professionnelle autre que salariée. Pour eux, outre la possession d’un visa long séjour, l’accord ne prévoit pas d’autres conditions que celle de l’inscription au registre du commerce, au registre des métiers ou à un ordre professionnel, alors que le CESEDA impose aux personnes étrangères non communautaires désireuses d’exercer une activité professionnelle non salariée de démontrer que leur activité est économiquement viable, qu’elle respecte la législation en vigueur et qu’elles en tirent des moyens d’existence suffisants.

Comme le rappelle le GISTI dans sa note précitée, « le démarrage de l’activité commerciale étant subordonné à la délivrance préalable du certificat de résidence, la préfecture ne peut pas procéder à la vérification du caractère effectif de l’activité commerciale lors de l’instruction de la première demande de titre de séjour. Cette vérification ne peut intervenir qu’à l’occasion de la demande de renouvellement de ce titre ».

La DGEF a d’ailleurs indiqué à la mission d’information sénatoriale sur les accords internationaux conclus en matière migratoire qu’en matière de titre « commerçant », « les préfectures relèvent de nombreux détournements de son objet notamment par les étudiants arrivant en fin de cursus ou n'ayant pas obtenu leur diplôme » ([66]).

D’ailleurs, le rapporteur spécial constate une forte augmentation des inscriptions nouvelles annuelles au registre du commerce et des sociétés (RCS) entre 2017 (4 533 nouvelles inscriptions) et 2024 (18 565 nouvelles inscriptions).

Dirigeants algériens - Nombre d’inscriptions nouvelles annuelles entre 2017 et 2024

Année

Commerçants

Sociétés commerciales

2017

1 387

3 146

2018

2 460

3 379

2019

4 254

3 388

2020

6 692

3 300

2021

9 575

4 158

2022

8 302

4 197

2023

9 838

4 424

2024

13 440

5 125

Source : ministère de la Justice.

Selon les chiffres transmis au rapporteur, au sein du RCS, on dénombre 105 590 personnes physiques de nationalité algérienne, soit une proportion importante correspondant à environ 18 % de l’ensemble des personnes de nationalité algérienne résidant en France (contre une moyenne de 6,7 % des actifs pour l’ensemble de la population). Les trois premiers secteurs d’activité des Algériens exerçant une activité indépendante sont les suivants :

– autres activités de poste et de courrier : il s’agit de très loin du premier secteur d’activité déclaré, c’est-à-dire essentiellement les coursiers, avec 17 374 sociétés actives (durée moyenne de 2,6 ans) ;

– location de terrains et d’autres biens immobiliers, avec 5 369 sociétés actives : cette sous-classe comprend notamment la location de fonds de commerce (durée moyenne de 14,5 ans) ;

– nettoyage courant des bâtiments, avec 5 087 sociétés actives (durée moyenne de 2,6 ans).

En 2023, 5 412 certificats de résidence « commerçants » ont été délivrés par le ministère de l’intérieur : 112 titres en première demande et 5 300 en renouvellement. L’application du CESEDA et la délivrance d’une carte de séjour temporaire entrepreneur/profession libérale serait probablement de nature à limiter fortement le nombre de titres délivrés aux commerçants algériens.

c.   Les ressortissants algériens peuvent accéder plus rapidement que les ressortissants d'autres États à la délivrance d'un titre de séjour valable dix ans.

Alors que les conditions d’obtention des cartes de résidents, valables dix ans, sont régulièrement durcies, la délivrance de ce titre de séjour pour les Algériens reste facilitée.

L’accord prévoit que le certificat de résidence valable dix ans est délivré soit de manière discrétionnaire, à l’issue d’une résidence régulière ininterrompue de trois ans à quelque titre que ce soit (article 7 bis, alinéas 1 et 2), soit de plein droit (article 7 bis, alinéas 4 et suivants).

  1.   L’attribution discrétionnaire

La délivrance discrétionnaire d’un certificat de dix ans au titre de la résidence régulière de trois ans est particulièrement favorable. Le droit commun impose en effet pour la délivrance du titre équivalent « carte de résident longue durée UE » une condition de ressources stricte (SMIC sur cinq années), contrôlée en excluant certaines prestations sociales, dont le RSA ([67]), ainsi qu’une condition de résidence de cinq ans qui exclut du décompte le séjour réalisé au titre de nombreuses situations, notamment une autorisation provisoire, ou un titre de séjour étudiant, stagiaire ou saisonnier, retraité, passeport talent famille, en plus de la condition d’intégration républicaine.

Cette disposition favorable est également prévue par l’accord franco-tunisien du 17 mars 1988 et une mesure équivalente figure dans l’accord franco-marocain du 9 octobre 1987. Ces dispositifs dérogatoires permettant un accès facilité à un titre de séjour de longue durée renouvelé automatiquement soulèvent des difficultés en matière d’égalité de traitement avec les ressortissants d’autres nationalités extracommunautaires, et en matière d’intégration dans la société.

  1.   L’attribution de plein droit

Les cas d’attribution des certificats de résidence de dix ans de plein droit sont plus nombreux pour les ressortissants algériens et leurs conditions de délivrance sont en outre plus souples.

L’accord prévoit par exemple trois voies d’accès à un titre de plein droit sans équivalent dans le droit commun :

– pour les ressortissants algériens en situation régulière depuis plus de dix ans, sauf s’ils ont été pendant cette période titulaires d’un certificat de résidence mention « étudiant » ;

– pour les titulaires d’un certificat de résidence temporaire « vie privée et familiale » qui résident en France de manière ininterrompue depuis cinq ans. Il peut s’agir de personnes ayant obtenu leur certificat de résidence de un an sur le fondement du 5° de l’article 6 de l’accord (parce qu’elles ont des liens personnels et familiaux particulièrement forts avec la France) ou de l’article 7 (Algériens malades) ;

– pour les ressortissants algériens qui justifient résider habituellement en France depuis qu’ils ont atteint au plus l’âge de dix ans. Les personnes soumises au régime général ne bénéficient que d’une carte de séjour temporaire « vie privée et familiale », et elles doivent avoir résidé en France avec au moins l’un de leurs parents. Selon la circulaire du 27 octobre 2005 précitée « il s’agit du seul cas de délivrance d’un titre de séjour valable dix ans à un ressortissant étranger en situation irrégulière au regard du droit au séjour en France ».

En matière familiale, les dispositifs dérogatoires ont été étudiés supra. Ils seront simplement rappelés ici. La délivrance du certificat de résidence de dix ans est de droit pour :

– le ressortissant algérien conjoint de Français marié depuis un an seulement et sans condition de visa long séjour ;

– l’ascendant algérien d’un Français et de son conjoint à charge ou de l’enfant algérien d’un ressortissant français, sans condition de visa long séjour ;

– les membres de la famille ayant rejoint au titre du regroupement familial un ressortissant algérien lui-même titulaire d’un certificat de résidence de dix ans ;

– le ressortissant algérien parent d’un enfant français, à l’issue d’une période d’un an contre trois ans en application du droit commun.

Le rapporteur spécial considère que ces facilités d’accès à un titre longue durée compensent par exemple l’absence de titres pluriannuels « intermédiaires » pour les Algériens, qui ne peuvent bénéficier que d’un certificat d’un an ou de dix ans. Ainsi, les ressortissants algériens sont inéligibles au dispositif des « cartes talents », dont la DGEF a rappelé à la mission sénatoriale déjà citée qu’il était « particulièrement avantageux pour les publics d’attractivité, puisqu’il permet de déroger à la procédure de regroupement familial et d’obtenir une carte de séjour pluriannuelle dès la première délivrance ». Le rapporteur remarque toutefois que ces cartes sont délivrées à des publics très ciblés. Par exemple, pour les salariés qualifiés, il faut avoir obtenu en France un diplôme de mastère spécialisé labellisé par la conférence des grandes écoles et bénéficier d’un contrat de travail de plus de trois mois prévoyant une rémunération brute annuelle supérieure ou égale à 43 243 euros.

Concernant la famille, quoi qu’il en soit, les ressortissants algériens bénéficiaient d’ores et déjà de grandes souplesses dans la mise en œuvre de la procédure de regroupement familial.

d.   L’éloignement des Algériens est plus difficile

À partir du moment où l’administration considère que la présence d’un ressortissant algérien n’est plus souhaitable sur le territoire, pour des raisons de fait ou de droit (non-respect des conditions de délivrance ou des obligations imposées par le titre de séjour par exemple, absence de capacités financières suffisantes pour les cas où celles-ci sont vérifiées, menace à l’ordre public justifiant une procédure d’expulsion, …), les chances que la procédure qui sera choisie aboutisse effectivement au départ de l’intéressé sont infimes.

  1.   L’accord de 1968 sécurise la présence des ressortissants algériens en France

L’ensemble des développements précédents démontrent tout d’abord que les refus de délivrance, les refus de renouvellement ou les retraits d’un titre de séjour à un ressortissant algérien sont beaucoup plus difficiles que pour les autres nationalités ([68]). Il a en effet été rappelé que l’accord franco-algérien ne prévoit aucune stipulation permettant le retrait d’un certificat de résidence algérien en cours de validité.

Par ailleurs, les Algériens ne sont soumis ni à la vérification d’une connaissance minimale de la langue française, ni à la signature du contrat d’intégration républicaine et au suivi de la formation civique qui lui est associée ([69]), ni à la vérification de l’adhésion aux principes républicains regroupés au sein du nouveau contrat d’engagement à respecter les principes de la République mis en place par la loi du 26 janvier 2024 ([70]).

Or ce n’est pas tant la vérification d’une adhésion a priori à ces valeurs qui donne du poids à ce document mais davantage la sanction qui est attachée au manquement à ces valeurs : le refus de renouvellement ou de délivrance, ou bien le retrait du titre et l’éloignement forcé.

Contrat d’engagement à respecter les principes de la République, non opposable aux ressortissants algériens

Extraits

« Je m'engage à respecter la liberté personnelle, la liberté d'expression et de conscience, l'égalité entre les femmes et les hommes, la dignité de la personne humaine, la devise et les symboles de la République au sens de l'article 2 de la Constitution, l'intégrité territoriale, définie par les frontières nationales, et à ne pas me prévaloir de mes croyances ou de mes convictions pour m'affranchir des règles communes régissant les relations entre les services publics et les particuliers.

« Je suis informé que si je ne souscris pas cet engagement, le préfet me refusera la délivrance du document de séjour.

« Je suis également informé qu'en cas d'agissements délibérés portant une atteinte grave à un de ces principes, commis dans un cadre public ou privé, et constitutifs d'un trouble à l’ordre public, le préfet pourra refuser le renouvellement de mon document de séjour, voire le retirer et, en conséquence, prendre une décision d'éloignement. »

Toutefois, le ministère de l’intérieur a demandé aux préfectures de proposer une signature volontaire de ce contrat. Dans ce cas, le manquement au respect des obligations prévues par le contrat, dans la sphère publique comme privée, pourra être caractérisé par des agissements délibérés et constitutifs d’un trouble à l’ordre public. En conséquence, le non-respect des principes de la République pourrait conduire à une procédure de retrait de titre de séjour à l’encontre des ressortissants algériens ayant signé volontairement le contrat. Cette interprétation de l’administration nécessitera de passer au filtre du contrôle du juge administratif, qui, pour l’heure, s’est toujours montré très fermé sur cette question du retrait.

  1.   Les relations bilatérales avec l’Algérie sont une source de blocages récurrents

Les rapports avec l’Algérie sont de longue date compliqués. L’OFII a par exemple indiqué au rapporteur que l’Algérie interdisait le versement des pécules pour l’aide au retour à travers les agences Western union comme il est procédé pour les autres pays. Les pécules sont donnés en liquide avant les départs. Mais cette restriction empêche l’OFII de mettre en œuvre les aides au retour à partir des centres de rétention administratifs.

De façon plus substantielle, les crises diplomatiques récurrentes avec l’Algérie freinent régulièrement, voire empêchent l’éloignement forcé des individus que la France souhaite expulser.

L’accord franco-algérien de 1968, outre le fait qu’il n’impose aucune obligation à la partie algérienne, ne porte pas sur le volet réadmission.

Un protocole en matière de délivrance des laissez-passer consulaires a cependant été conclu en 1994, sous la forme d’un « procès-verbal ». Cet accord n’est pas public, mais la circulaire du 18 juillet 1994, qui en détaille le contenu et les implications pour les services, indique que « les autorités algériennes se sont engagées à coopérer plus étroitement avec les préfectures françaises » et que « les dispositions qui ont été convenues doivent permettre d’améliorer de manière significative la délivrance des laissez-passer » ([71]). Le procès-verbal en question résume les engagements de la partie algérienne, ventilés en six situations qui vont de la possession de documents d’identité valides et reconnus à la situation où les preuves ne suffisent pas à lever le doute sur la nationalité. Les autorités algériennes se sont par exemple engagées à répondre lorsqu’elles envisagent de ne pas délivrer de LPC, ou à procéder à l’audition de l’intéressé en cas de doute persistant sur la nationalité. Il est précisé qu’« en contrepartie de ce dispositif d’identification des présumés nationaux dans les délais utiles de la rétention administrative, la France s’est engagée à reprendre immédiatement et sans formalité les personnes dont il apparaîtrait postérieurement à leur éloignement qu’elles ne sont pas algériennes ».

Un comité d’experts franco-algérien ainsi que des réunions périodiques de suivi devaient permettre de garantir la bonne application de ce protocole d’accord concernant les réadmissions.

Malgré tout, les relations avec les autorités consulaires algériennes n’ont jamais permis d’obtenir des taux satisfaisant d’exécution des décisions d’expulsion.

Récemment, l’expulsion de l’influenceur algérien dit « Doualemn », pourtant validée par la justice, n’a pu être mise en œuvre bien que son renvoi ne nécessite nullement la délivrance d’un laissez-passer.

Le tableau ci-après retrace l’évolution entre 2017 et 2025 ([72]) du nombre de mesures d’éloignement prononcées, du nombre de demandes de laissez-passer consulaires, du nombre de laissez-passer consulaires obtenus dans les délais, et du nombre d’éloignements aidés et forcés.

Évolution entre 2017 et fin avril 2025 de la coopération migratoire
avec l’Algérie

 

2017

2018

2019

2020

2021

2022

2023

2024

2025
(4 mois)

Mesures d'éloignement prononcées à l'encontre de ressortissants présumés algériens

10 245

13 911

15 828

16 238

21 452

27 645

25 797

22 426

9 055

Mesures d'éloignement exécutées de ressortissants algériens de manière forcée vers l'Algérie

1 015

1 268

1 650

388

34

987

1 680

1 719

414

Mesures d'éloignement exécutées de ressortissants algériens de manière aidée vers l'Algérie

59

76

84

22

62

242

149

383

182

Nombre de LPC demandés

1 943

2 814

3 180

2 038

2 111

4 043

5 465

5 350

1 939

Nombre de LPC délivrés dans les délais utiles

684

907

1 142

315

54

962

1 114

1 121

287

Nombre d’éloignements forcés exécutés par rapport au nombre de mesures d’éloignement prononcées

6,7 %

6,5 %

7,2 %

1,9 %

0,25 %

3,5 %

4,3 %

5 %

3,2 %

Source : ministère de l’intérieur.

Ces chiffres indiquent que :

– le nombre de mesures d’éloignements prononcées à l’encontre de ressortissants algériens a plus que doublé entre 2017 et le premier trimestre 2025 ;

– les retours aidés ont également connu une croissance importante à compter de 2022 – ce qui peut être mis en relation avec la reprise des éloignements forcés – , mais ces retours aidés restent à des niveaux relativement faibles ;

– le taux de mise en œuvre sous contrainte des mesures d’éloignement des ressortissants algériens est particulièrement faible, à hauteur de 3 % sur les premiers mois de l’année. Entre le 1er janvier et le 27 juin 2025, 439 ressortissants algériens ont fait l’objet d’un éloignement forcé vers leur pays d’origine contre 1 012 en 2024 sur la même période.

Le tableau suivant met en lumière cette très faible coopération migratoire de l’Algérie au regard de celle qui est constatée pour les autres nationalités. Il permet également de remarquer que la décision d’août 2022 de placer prioritairement en rétention les profils présentant une menace à l’ordre public a fait exploser la proportion de ressortissants algériens en CRA, qui est passée de 10% en 2021 à 48% en 2024.

 

Evolution des taux d’éloignements des personnes admises en centre de rétention administrative (CRA) entre 2019 et 2024

 

Total des admis

 en CRA

Expulsés par rapport au total des admis en CRA

Non-expulsés par rapport au total des admis en CRA

Taux d'expulsion des ressortissants algériens par rapport au nombre d'admis algériens en CRA

Taux d'expulsion des ressortissants non-algériens par rapport au nombre d'admis non-algériens en CRA

 

Algériens

Autres

nationalités

Algériens

Autres

nationalités

Algériens

Autre

nationalités

2019

16 %

84 %

7 %

46 %

9 %

39 %

44 %

55 %

2020

15 %

85 %

2 %

37 %

13 %

48 %

13 %

44 %

2021

10 %

90 %

2 %

40 %

8 %

51 %

20 %

44 %

2022

24 %

76 %

6 %

36 %

17 %

40 %

25 %

47 %

2023

34 %

66 %

9 %

27 %

25 %

40 %

26 %

41 %

2024

48 %

52 %

9 %

29 %

39 %

23 %

19 %

56 %

Source : commission des Finances d’après les données transmises par le ministère de l’Intérieur.

Note de lecture : en 2020, les Algériens ont représenté 15 % des admis en CRA. Cette année-là, 37 % des admis en CRA étaient des non-Algériens expulsés et 2 % étaient des Algériens expulsés, aussi, le taux d’expulsion des Algériens s’est élevé à 13 % contre 44 % pour les étrangers non-algériens.

Depuis mars 2025, l’Algérie a cessé toute coopération avec la France en suspendant les auditions consulaires et en refusant les délivrances de laissez-passer. Au 1er octobre 2025, les services du ministère de l’intérieur constatent que le nombre d’éloignements forcés réalisés depuis le début de l’année s’élève à 486, soit – 63% par rapport à la même période en 2024.

La crise diplomatique entre la France et l’Algérie se traduit par un nombre important de refoulements de ressortissants algériens sur leur propre sol

La forte baisse des éloignements constatée en 2025 est liée pour partie à l’interruption dans certains consulats d’Algérie en France de la délivrance des laissez-passer consulaires (LPC). Ce mouvement a débuté au mois de mars 2025 dans les consulats d’Algérie à Marseille, Montpellier et Nice avant de gagner d’autres postes.

Le ministère de l’intérieur constate par ailleurs qu’il est de moins en moins donné suite aux demandes d’auditions consulaires préalables à la délivrance des LPC. La forte diminution du nombre de LPC délivrés dans le délai utile à l’éloignement est particulièrement sensible en comparant les quatre premiers mois de l’année 2025 à ceux de 2024, le total des LPC obtenus s’élevant à 287 contre 1 182 l’année dernière sur la même période.

En outre, les autorités algériennes procèdent à des refus d’admission sur leur territoire de leurs ressortissants disposant pourtant d’une carte d’identité ou d’un passeport algérien et qui font l’objet d’un éloignement forcé.

Au 23 juin 2025, le nombre de refus d’admission par l’Algérie de ses propres ressortissants s’élève à 113. Cette situation intervient en violation de nombreux instruments juridiques internationaux bilatéraux ou multilatéraux ([73]), et viole le droit des individus à séjourner légalement dans leur propre pays, prévu par exemple par le pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) de 1996 ([74]).

  1.   La politique de restriction des visas

La France concentre 78 % des demandes de visas déposées par des ressortissants Algériens.

En septembre 2021, la France avait appliqué une restriction sur les visas, avec des cibles de rejet des demandes à 50 %, afin de protester contre les refus répétés de réadmettre les Algériens en situation irrégulière.

Dans les faits, 50,46 % des demandes de visas déposées en Algérie ont été refusées en 2022 (contre 48,40 % en 2018, 45,77 % en 2019, 37,45 % en 2020 et 39,66 % en 2021). Au vu de la reprise de la coopération consulaire des autorités algériennes en matière de retour, ces mesures de restriction ont pris fin en janvier 2023. Le taux de refus, qui s’élevait à 37,91 % en 2023, affiche un léger recul en 2024 avec 34,79 %.

Les graphiques suivants montrent la hausse des éloignements forcés de ressortissants algériens sur une base mensuelle puis annuelle (1 680 éloignements forcés en 2023 contre 34 en 2021 et 987 en 2022) durant la période d’application des mesures restrictives sur les visas.

CORRELATION ENTRE LA POLITIQUE DE RESTRICTION DES DÉLIVRANCES DE VISAS
ET LA HAUSSE DE LA COOPÉRATION MIGRATOIRE

Source : ministère de l’intérieur.


Évolution des demandes de visas de ressortissants algériens et des taux de refus des autorités françaises entre 2017 et 2024

Nationalité

2017

2018

2019

Visas demandés

Visas refusés

Taux de refus

Visas demandés

Visas refusés

Taux de refus

Visas demandés

Visas refusés

Taux de refus

Algérienne

633 802

223 967

35,11 %

572 314

275 867

48,14%

504 186

229 883

45,58%

 

Nationalité

2020

2021

2022

Visas demandés

Visas refusés

Taux de refus

Visas demandés

Visas refusés

Taux de refus

Visas demandés

Visas refusés

Taux de refus

Algérienne

110 829

43 315

37,15 %

115 951

40 760

39,04%

277 478

131 710

50,08%

 

Nationalité

2023

2024

Visas demandés

Visas refusés

Taux de refus

Visas demandés

Visas refusés

Taux de refus

Algérienne

319 123

109 232

34,22 %

388 480

132 201

34,55 %

Source : ministère de l’intérieur.

La loi du 26 janvier 2024 pour contrôler l’immigration et améliorer l’intégration a consacré le mécanisme « visas contre réadmission » aux articles L. 312-1-1 et suivants de CESEDA. Ces dispositions prévoient qu’un visa de court séjour sollicité par le titulaire d’un passeport diplomatique ou d’un passeport de service peut être refusé au ressortissant d’un État coopérant insuffisamment en matière de réadmission de ses ressortissants en situation irrégulière ou ne respectant pas un accord bilatéral ou multilatéral de gestion des flux migratoires et qu’un visa de long séjour peut être refusé à tout ressortissant d’un même État non-coopératif ([75]).

Ces dispositions, qui s’appliquent a priori aux ressortissants algériens, hors conjoints de Français, n’ont pas été censurées par le Conseil constitutionnel ([76]) .

Le rapporteur spécial est favorable à l’activation de ce mécanisme dès lors que la relation migratoire entre la France et l’Algérie est déséquilibrée. Ils alertent toutefois sur la montée en puissance du contentieux de refus de visa. Le recours en annulation permet de demander l’annulation d’un refus de visa, voire d’obtenir une injonction de délivrer le visa s’il a été illégalement refusé.

L’Algérie est le pays qui génère le plus de recours administratifs préalables obligatoires devant la commission de recours contre les décisions de refus de visa d’entrée en France (CRRV), soit 24 % en 2024. Le nombre de décisions de justice concernant des ressortissants algériens, s’il a progressé depuis 2017 (+58% en 7 ans), représente toutefois une part limitée et même en décroissance dans l’ensemble des contentieux afférents aux refus de visa.

Le rapporteur souhaite attirer l’attention sur ce contentieux mal connu, mais qui se massifie avec l’appui notamment des auxiliaires de justice, et qui offre une grande marge d’appréciation au juge. De fait, le taux de décision défavorable à l’administration a fortement progressé (de 18 % à 34 %, avec un pic à 42 % en 2023), cette évolution ayant deux causes principales selon le ministère de l’intérieur :

– les contentieux initiés concernent aujourd’hui essentiellement des visas de long séjour demandés pour des motifs familiaux (conjoints de Français, ascendants ou descendants de Français, enfants pris en charge dans le cadre de kafalas ou délégations d’autorité parentale), la jurisprudence étant à cet égard favorable aux requérants ;

– les contentieux initiés sur des refus de visas de court séjour sont plus difficiles à défendre : nombre d’entre eux concernent des demandeurs qui, en présentant des dossiers identiques, s’étaient auparavant déjà vus délivrer des visas de même nature, voire des visas de circulation, ce qui affaiblit la position de l’administration dans la défense contentieuse.

Les tensions diplomatiques avec l’Algérie ont été réactivées en début d’année 2025, après que l’Algérie a refusé à quatorze reprises de délivrer le laissez-passer consulaire permettant de renvoyer dans son pays le principal suspect d’une attaque mortelle au couteau perpétrée à Mulhouse le 22 février 2025, un Algérien de 37 ans sous le coup d’une obligation de quitter le territoire français (OQTF).

Quelques jours plus tard, un comité interministériel de contrôle de l’immigration a été réuni par le Premier ministre. La coopération migratoire avec l’Algérie a fait l’objet de développements spécifiques concluant à la possibilité pour la France de remettre en cause les accords conclus avec l’Algérie.

Compte rendu du comité interministériel de contrôle de l’immigration
du 26 février 2025

Extrait

S’agissant spécifiquement de notre coopération migratoire avec l’Algérie, le Premier ministre a constaté que l’Algérie, en refusant la réadmission sur son territoire de ressortissants algériens expulsés de France, ne respectait plus ses engagements envers la France et les accords qui lient les deux pays. L’Algérie a refusé, à 14 reprises, de donner suite aux demandes de réadmission formulées par la France concernant l’auteur de l’attentat commis à Mulhouse.

Le peuple français est victime de cette attitude inacceptable de l’Algérie, de même que notre compatriote franco-algérien Boualem SANSAL, injustement détenu en Algérie depuis plusieurs mois.

Le Premier ministre a rappelé que la France était liée avec l’Algérie par une série d’accords migratoires qui comportent des avantages considérables pour les Algériens, en facilitant leur circulation entre nos deux pays ainsi que leur installation en France.

Dans ce contexte, le Gouvernement français souhaite ouvrir une discussion avec l’Algérie sur la manière dont sont mis en œuvre ces accords afin de revenir à leur plein respect dans un délai de six semaines. Une liste de ressortissants algériens devant être réadmis en Algérie sera présentée aux autorités algériennes. À l’issue de ce délai, le gouvernement français souhaite que la coopération avec l’Algérie ait retrouvé le niveau attendu. La France se réserve le droit de remettre en cause ces accords.

François Bayrou, Premier ministre : « La France n’est pas à l’origine de la situation. Je ne confonds pas les autorités algériennes avec le peuple algérien ni avec nos compatriotes d’origine algérienne. Il n’y a pas de volonté d’escalade. Mais les refus de réadmission sont une atteinte directe aux accords que nous avons avec l’Algérie. Nous souhaitons le retour aux accords auxquels se sont engagés les deux Gouvernements ».

En application des orientations du comité interministériel, le rapporteur spécial recommande la mise en œuvre des articles L. 312-1-1 et L. 312-3-1 du CESEDA, dans leur rédaction issue de la loi du 26 janvier 2024, à l’égard des demandes de visa émanant de ressortissants algériens.

3.   Le levier européen manque d’efficacité

Étant donné la complexité des relations bilatérales avec l’Algérie, il serait pertinent d’élever le dialogue au niveau européen.

a.   L’accord d’association Union européenne (UE)-Algérie

L’accord d’association Union européenne-Algérie dit « Euro-méditerranéen » a été signé en avril 2002 et il est entré en vigueur en septembre 2005. L’accord définit un cadre pour les relations entre l’UE et l’Algérie dans tous les domaines et libéralise réciproquement les échanges de marchandises.

Dans son article 84 intitulé « coopération dans le domaine de la prévention, contrôle de l’immigration et réadmission », l’accord d’association indique que « l’Algérie, d’une part, et chaque État membre de la Communauté, d’autre part, acceptent de réadmettre leurs ressortissants présents illégalement sur le territoire de l’autre partie, après accomplissement des procédures d’identification nécessaires ». L’article énonce également que les parties « s’engagent à négocier des accords de réadmission et de lutte contre l’immigration illégale ».

La Commission européenne dispose d’un mandat de négociation depuis 2002 afin d’élaborer avec l’Algérie un accord de réadmission. À ce jour, l’Algérie a toujours refusé l’ouverture des discussions.

Indépendamment de la conclusion d’un tel accord, pourtant prévu par le texte de 2005, force est de constater l’absence de respect par la partie algérienne des autres dispositions de l’article 84 de l’accord « euro-méditerranée ».

Pourtant, l’accord d’association s’accompagne d’un partenariat technique et financier important. Ainsi, sur la période 2011-2017, l’UE a fourni à l’Algérie une assistance financière totalisant 273 millions d’euros. Le partenariat 2018-2020 portait quant à lui sur un montant de 125 millions d’euros.

b.   Le levier visa-réadmission et les accords de réadmission

La question de la réadmission des ressortissants de pays tiers à l’Union européenne est un sujet que la Commission européenne peine à faire avancer avec succès.

Pourtant, dans son rapport précité sur l’état des relations UE-Algérie, la Commission européenne a noté qu’« il existe un mouvement considérable de migrants algériens vers l’UE, principalement vers la France ». Avec 374 287 visas délivrés en 2019, l’Algérie est le 7e pays bénéficiaire mondial des visas de court séjour Schengen. Le rapport souligne également que « le regroupement familial est le motif le plus souvent indiqué, suivi à distance par l'éducation, l’emploi et d'autres raisons, dont la protection internationale ».

Enfin, ce rapport appuie les constats réalisés en France en rappelant que « malgré un taux de refus de visas qui figure parmi les plus élevés au niveau mondial [43,0 % en 2019], le phénomène de « visa overstay » demeure une source de préoccupation. Le nombre d’Algériens en situation irrégulière sur le territoire de l’UE a augmenté de 25 005 en 2017 à 27 110 en 2018 et à 30 890 en 2019. De plus, le taux de retour, qui a baissé de 21,4 % en 2018 à 19,5 % en 2019, reste considérablement inférieur à la moyenne enregistrée pour les ressortissants des pays tiers (36 % en 2018 et 32 % en 2019) ».

La Cour des comptes européenne avait également souligné en 2019 que les opérations de retour étaient entravées par une coopération difficile avec les pays tiers ([77]). Ainsi, l’Algérie (comme le Maroc) n’accepte pas les vols charters et préfère les accords bilatéraux aux accords de réadmission conclus avec l’UE. L’Algérie exige parfois que le retour d’une personne soit effectué dans les 24 heures qui suivent la délivrance des documents de voyage, ce qui est impossible.

Dans son rapport spécial de 2021 sur la coopération de l’UE avec les pays tiers en matière de réadmission, la Cour des comptes européenne a estimé que « si les résultats des négociations avec les pays tiers laissaient à désirer, c’était en raison d’un manque de synergies tant avec les États membres qu’entre les différentes politiques menées par l’UE ». Elle note également que « peu de progrès ont été réalisés au niveau de l’UE pour ce qui est d’introduire des incitations structurelles susceptibles d’encourager les pays tiers à s’acquitter de leurs obligations en matière de réadmission » ([78]).

Dans le rapport sur l’état des relations entre l’Union européenne et l’Algérie paru en novembre 2020, la Commission évoque un nombre important d’arrivées irrégulières d’Algériens en Espagne, un phénomène régulier de dépassement de la durée légale du visa pour les nombreux ressortissants algériens voyageant en France ainsi que la faiblesse du taux d’expulsions vers l’Algérie, « considérablement inférieur à la moyenne enregistrée pour les ressortissants des pays tiers » ([79]).

Face à ces constats partagés, le rapporteur spécial appelle à une révision des relations entre l’UE et l’Algérie afin d’améliorer le respect par l’Algérie des accords conclus soit directement avec les États membres soit avec l’Union européenne.

Dans ce cadre, le rapporteur spécial considère comme prioritaire pour la France le suivi des échanges autour d’une éventuelle renégociation des accords avec l’Algérie. Le 8 octobre 2024, le ministre algérien des affaires étrangères M. Ahmed Attaf, avait réaffirmé le souhait de l’Algérie de réviser l’accord d’association avec l’Union européenne pour « qu’il soit équitable pour les deux parties ». Le 27 janvier dernier, le président de la République M. Abdelmadjid Tebboune a indiqué que cette révision s’imposait « au regard de la réalité économique actuelle, sachant que depuis son entrée en vigueur, en 2005, les exportations de l’Algérie étaient basées principalement sur les hydrocarbures, alors qu’aujourd’hui, nos exportations hors hydrocarbures se sont diversifiées et étendues à d’autres domaines, notamment la production agricole, les minerais, le ciment et les produits alimentaires et autres » ([80]).

Le 17 février, le délégué de l’UE à Alger, M. Diego Mellado, s’est montré favorable à l’ouverture des discussions et a déclaré que « les relations entre l’Algérie et l’UE sont fondamentales et indispensables » et que l’année 2025 sera « une bonne occasion de les approfondir et de les consolider sur la base d'un partenariat gagnant-gagnant ».

Il convient de rappeler que l’UE est le plus grand partenaire de l’Algérie et représentait environ 50,6 % du commerce international du pays en 2023.

Ces dernières années, la valeur totale des exportations de l’UE vers l’Algérie a régulièrement diminué, passant de 22,3 milliards d’euros en 2015 à 14,9 milliards d’euros en 2023.

Par cette renégociation, l’Algérie souhaite obtenir de l’UE un accès plus important pour ses produits hors hydrocarbures dont les exportations vers les marchés européens sont limitées par les quotas ou les normes.

Le 14 juin 2025, Bruxelles a d’ailleurs annoncé avoir engagé une procédure de « règlement des différends » à l’égard de l’Algérie à cause des restrictions sur les importations en provenance de l’UE, intervenant en violation de l’accord d’association.

Le rapporteur spécial formule donc les recommandations suivantes :

  suivre avec une attention toute particulière l’éventuelle renégociation de l’accord d’association UE-Algérie de 2005 et notamment des clauses relatives à la circulation des personnes et à la réadmission ;

  conditionner toute ouverture de négociation à un engagement ferme des autorités algériennes en matière de retour et de réadmission ou mettre dans la balance de toute négociation de quelque nature que ce soit, y compris commerciale ou de coopération, la question de la mise en place d’un accord de réadmission ;

 solliciter de la part de la commission l’activation du levier visa-réadmission prévu par l’article 25 bis du code communautaire des visas ([81]).

B.   Le statut des Algériens en matière de protection sociale

Le principe en matière de protection sociale est l’égalité de traitement entre les résidents étrangers et les ressortissants français. Par une décision du 22 janvier 1990, le Conseil constitutionnel a reconnu l’applicabilité du principe constitutionnel d’égalité aux étrangers en matière de protection sociale ([82]). Par la suite, la loi du 11 mai 1998 a supprimé les principales différences de traitement qui subsistaient en droit français.

Le bénéfice des prestations de sécurité sociale reste soumis à une condition de régularité de séjour et la liste des titres exigés pour bénéficier de ces prestations est fixée par les textes législatifs ou réglementaires. Certaines prestations sociales sont toutefois soumises, en plus, à une condition de durée de résidence.

Dans ce domaine, les ressortissants algériens bénéficient d’une différence de traitement qui leur est favorable. Cette différence concerne pour l’essentiel le revenu de solidarité active (RSA), la prime d’activité et l’allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA).

Par ailleurs, des conventions ont été signées en matière de sécurité sociale, qui offrent aux Algériens un dispositif inédit de soins dits « programmés » en France.

L’accord d’association UE-Algérie a également été interprété par la jurisprudence comme conférant des droits importants et dérogatoires en matière d’allocations familiales.

Enfin, l’accord franco-algérien de 1968 ouvre lui aussi des voies dérogatoires d’accès à un titre de séjour pour raisons médicales.

1.   Une interprétation anachronique des accords d’Évian en matière d’accès au RSA et à l’ASPA

Concernant le RSA, la loi impose à tout étranger de disposer d’un titre de séjour autorisant à travailler depuis cinq ans. Le législateur a entendu maintenir certaines exceptions pour prendre en compte des situations particulières (les personnes isolées assumant la charge d’un ou de plusieurs enfants ou les femmes enceintes isolées). Une durée analogue de dix ans existe dans le cas de l’ASPA.

Toutefois, dans un arrêt du 9 novembre 2007 concernant le RSA, le Conseil d’État a estimé qu’au regard notamment de l’article 7 de la déclaration de principes du 19 mars 1962 relative à la coopération économique et financière entre la France et l’Algérie, les ressortissants algériens résidant en France, en particulier les travailleurs, ont, à l’exception des droits politiques, les mêmes droits que les nationaux français ([83]). Le Conseil d’État a donc écarté pour les Algériens la condition préalable de durée de résidence. Cette disposition a été rappelée dans une circulaire de la caisse nationale d’allocation familiale (CNAF) du 21 avril 2010 ([84]).

Le rapporteur spécial s’étonne d’un tel usage par la jurisprudence des déclarations annexées à un accord de cessez-le-feu datant de plus de 60 ans, signées dans des conditions d’urgence et qui n’ont jamais fait l’objet d’une mise en œuvre réciproque ni d’un plein respect par les parties ([85]), pour justifier une rupture d’égalité majeure entre étrangers en fonction de leur nationalité dans l’accès à des prestations sociales qui n’existaient au demeurant pas à l’époque de ces accords ([86]).

Le rapporteur spécial rappelle que l’enjeu est particulièrement important puisque le RSA est inclus, pour les Algériens uniquement, dans le calcul de la condition de ressources indispensable à la délivrance de certains titres ou à la mise en œuvre du regroupement familial. Il en est de même pour l’ASPA, à propos de laquelle une décision similaire de non-application de la condition de résidence de dix ans a été prise. Par ailleurs, l’accord de 1968 facilitant l’octroi d’un titre de séjour aux Algériens, le rapporteur spécial constate que le statut des Algériens leur permet de bénéficier d’avantages « en cascade ».

Une circulaire de la caisse nationale d’allocation vieillesse (CNAV) du 19 novembre 2014 a confirmé que « conformément aux engagements internationaux signés par la France, la condition de régularité du séjour préalable sur une sur une durée déterminée, définie à l’article L. 816-1 du code de la sécurité sociale pour le bénéfice de l’allocation de solidarité aux personnes âgées n’est pas opposable aux ressortissants algériens ».

Il est probable que l’exclusion de la condition liée à la durée de présence en France ne soit pas non plus opposable en cas de demande de prime d’activité ([87]).

Cette interprétation place les Algériens dans une situation presque plus favorable que les ressortissants de l’Union Européennes pour lesquels les dispositions spécifiques du CESEDA indiquent que, quelle que soit la durée du séjour, les étrangers « ne doivent pas devenir une charge pour le système d’assistance sociale » et qu’ils doivent justifier d’une assurance maladie ([88]). Par ailleurs, l’article L. 262-6 du CESEDA indique que « le ressortissant d’un État membre de l’Union européenne, d’un autre État partie à l'accord sur l’Espace économique européen ou de la Confédération suisse, entré en France pour y chercher un emploi et qui s’y maintient à ce titre, n’a pas droit au revenu de solidarité active ».

2.   Les accords de sécurité sociale conclus avec l’Algérie

Le 1er octobre 1980, la France et l’Algérie ont signé un protocole relatif aux soins de santé dispensés en France à certaines catégories d’assurés sociaux algériens. Ce texte est entré en vigueur le 1er février 1982.

  1.   La convention générale de sécurité sociale

La convention générale de sécurité sociale conclue entre la France et l’Algérie le 1er octobre 1980, et son arrangement administratif du 28 octobre 1981, prévoient une coordination des systèmes de sécurité sociale des deux États concernant l’ensemble des branches de la sécurité sociale : maladie, famille, accident du travail-maladies professionnelles (AT-MP), retraite. Cet accord, comme la quarantaine des autres accords internationaux de sécurité sociale conclus par la France dans ce domaine, vise à garantir la continuité des droits à la protection sociale des travailleurs en situation de mobilité et de leur famille, mais également des pensionnés d’un régime de retraite.

Les principales dispositions de la convention, qui bénéficient aux travailleurs français et algériens qui exercent ou qui ont exercé une activité salariée en Algérie ou en France, sont les suivantes :

– le travailleur est assuré dans l’État d’emploi, sauf détachement, fonctionnaires, personnels des postes diplomatiques et consulaires, coopérants et travailleurs des entreprises de transport ;

– il peut être fait appel aux périodes d’assurance accomplies dans chacun des deux États pour l’ouverture des droits aux prestations sociales dans leur État d’emploi. Pour la liquidation des pensions de vieillesse, les trimestres accomplis de part et d’autre sont par exemple totalisés pour calculer le montant de la pension ;

– sur autorisation des institutions de sécurité sociale compétentes, l’exportation dans l’autre État de certaines prestations telles que les prestations maladie (durant trois mois), les prestations maternité et les prestations AT-MP est possible ;

– le titulaire d’une pension de vieillesse liquidée et les membres de sa famille, quel que soit son lieu de résidence, ont droit aux prestations en nature des assurances maladie et maternité ;

– les prestations maladie sont servies par l’institution de l’État de résidence mais l’institution de l’autre État y contribue pour moitié sur la base d’un montant forfaitaire, pour les personnes percevant une pension dans chaque État.

Les dispositions de la convention sont réciproques et bénéficient aux ressortissants des deux États.

● L’application de la convention en matière de prestations de santé

L’application de la convention de 1980 génère en matière de santé une dette « publique » croisée, évaluée de façon forfaitaire par chacun des deux États, et qui doit périodiquement faire l’objet d’opérations d’apurement.

En pratique, chaque État évalue forfaitairement le coût des soins qu’il dispense. Ce coût est estimé entre 40 et 60 millions d’euros par an pour ce qui est des soins dispensés en Algérie pour des bénéficiaires du régime social français, et à 20 millions d’euros par an pour ce qui est des soins délivrés en France à des bénéficiaires du régime social algérien. Ces bénéficiaires sont définis par la convention, à savoir :

– articles 9 à 12 : le travailleur français ou algérien occupé respectivement en Algérie ou en France et les membres de sa famille ;

– article 16 : cas des membres de la famille du travailleur ne résidant pas dans le pays d’activité du travailleur (ex. : travailleur algérien occupé en France et famille résidant en Algérie) ;

– article 17 : le pensionné français ou algérien et les membres de sa famille.

Voici trois exemples de refacturation forfaitaire des soins par l’Algérie à la France :

– un pensionné de l’assurance vieillesse française résidant en Algérie ;

– un travailleur algérien occupé en France lors d’un séjour temporaire à l’occasion de congés payés en Algérie ;

– la famille restée en Algérie de ce travailleur ou de ce pensionné.

Les dettes croisées sont générées par les soins dispensés à l’ensemble des personnes qui relèvent en réalité du régime de protection sociale de l’autre pays, multiplié par un « coût moyen annuel des soins ». Les opérations d’apurement portent essentiellement sur le nombre de bénéficiaires identifiés par l’enregistrement par le pays de résidence des formulaires de droits délivré par le pays d’affiliation ([89]).

La dernière commission mixte a par exemple permis d’apurer les créances réciproques pour les exercices de 2015 à 2017. Pour chaque exercice, des avances sont fixées en commission mixte sur la base de 80 % du montant des créances soldées au titre de l’exercice précédent ([90]). La durée des cycles de remboursement, traditionnellement longue, est aggravée par le contexte diplomatique actuel peu favorable à la tenue de commissions mixtes puisque les deux États n’ont pas versé d’avance pour la période 2020-2024.

Selon les estimations du centre national des soins à l’étranger, les créances cumulées de la France vis-à-vis de l’Algérie s’élèvent à 102,5 millions d’euros et se décomposent de la manière suivante : 

– 2,56 millions d’euros issus de facturations aux coûts réels pour des soins délivrés aux salariés détachés de l’article 15 de la convention générale et les soins programmés prévus par le protocole 2016 (période 2015-2024) ([91]) ;

– 100 millions d’euros de montants forfaitaires (période 2018-2024).

Les créances cumulées de l’Algérie vis-à-vis de la France sont quant à elles estimées à 430 millions d’euros pour la période 2018-2024. La dette de la France auprès de l’Algérie est principalement constituée au bénéfice de titulaires d’une pension de vieillesse française résidant en Algérie.

Mieux comprendre le mécanisme de dettes réciproques entre la France et l’Algérie

Le Centre national des soins à l'étranger (CNSE), organisme rattaché à la Caisse primaire d’assurance-maladie du Morbihan, joue le rôle d’intermédiaire entre institutions françaises et étrangères, notamment algériennes, en matière de frais de santé :

– d’une part, il gère l’instruction et le remboursement des soins prodigués par les institutions algériennes à des assurés du régime de sécurité sociale français résidant en Algérie. Le coût de ces soins est calculé sur la base de montants forfaitaires qui forment la dette de la France vis-à-vis de l’Algérie. Cette dernière s’élève à environ 50 millions d’euros par an et, en l’absence de commission mixte permettant d’apurer les comptes, représente une dette cumulée de 430 millions d’euros sur la période 2018-2024. Ce montant représente le coût pour la France des soins prodigués en Algérie pour des personnes bénéficiant du protocole de 1980.

Il peut s’agir d’un retraité d’un régime français ayant décidé de passer sa retraite en Algérie, ou bien encore d’un travailleur algérien occupé en France qui bénéficie de soins en Algérie lors de période de congés payés. À noter que les membres de la famille restés en Algérie de ce retraité ou de ce travailleur bénéficient également de ces dispositions conventionnelles.

– d’autre part, il a la charge du recouvrement du coût des soins prodigués par les institutions françaises à des assurés du régime de sécurité sociale algérien résidant en France. Ces soins représentent un montant forfaitaire d’environ 20 millions d’euros par an et, en l’absence de commission mixte permettant d’apurer les comptes, représentent une dette cumulée de 100 millions d’euros sur la période 2018-2024. À ces soins calculés sur la base de montants forfaitaires, il convient d’ajouter les soins prodigués à des travailleurs algériens détachés en France (article 15 de la convention générale du 1er octobre 1980) et les soins programmés visés par le protocole de 2016. Ces soins sont facturés aux coûts réels et représentent une somme de 2,56 millions d’euros pour la période 2015-2024. Par conséquent, le solde de la dette publique algérienne vis-à-vis de la France s’élevait à 102,5 millions d’euros à la fin de l’année 2024.

Focus sur le circuit spécifique du protocole 2016 relatif aux soins de santé programmés dispensés en France aux ressortissants algériens 

Ce protocole prévoit la prise en charge de ces soins par l’assurance maladie française puis leur refacturation au coût réel par le CNSE à la CNAS à la condition qu’une autorisation préalable de la CNAS (formulaire SE 352 – 301) ait été délivrée au ressortissant algérien et ce à l’appui du devis réalisé par l’hôpital français.

À défaut de cette autorisation préalable de la CNAS, le CNSE ne peut pas refacturer le montant de ces soins à la CNAS. Le recouvrement de cette créance est de la compétence de l’hôpital (cas de l’APHP). Il s’avère que ce protocole n’est pas respecté en pratique, ou de façon très marginale, et que faute d’accord préalable de la CNAS les soins prodigués par les établissements français génèrent une importante dette dite « privée » (cf infra) et qui est presque impossible à recouvrer.

● Le différend en matière de retraites

En matière de prestations de retraite, il est important de noter que depuis près de 40 ans, un différend d’interprétation lié au champ d’application de la convention générale de sécurité sociale de 1980 oppose la France et l’Algérie.

L’Algérie considère que seuls les travailleurs migrants retournant dans leur pays d’origines sont couverts par les dispositions de la convention. L’Algérie argue du fait que sa législation nationale pose un principe de territorialité des prestations de sécurité sociale acquises en Algérie. En conséquence, la caisse nationale des retraites (CNR) algérienne refuse de servir leur pension aux retraités algériens et binationaux résidant en France et ne relevant que du régime de retraite algérien.

Les pensionnés algériens venus résider en France se retrouvent, dans les faits, privés de ressources et se tournent donc fréquemment vers le système français afin de bénéficier, entre autres, de l’allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA).

La France conteste cette interprétation car elle est contraire à la lettre et à l’esprit de la convention générale de sécurité sociale ([92]). Pour l’heure, la France n’est pas parvenue à trouver une issue à ce différend, et, selon les informations dont dispose le rapporteur, dans cette attente, la France fait malgré tout droit aux demandes d’allocations de substitution qui émanent de travailleurs pourtant pensionnés algériens.

À l’inverse, le rapporteur constate que la France n’a pas mis en œuvre de mesure de réciprocité, et que ce non-respect par la partie algérienne n’est donc pas sanctionné. Selon le rapport statistique 2023 du Centre des Liaisons Européennes et Internationales de Sécurité Sociale (CLEISS), la France a versé en 2023 un total de 1,49 million de pensions à des assurés résidant à l’étranger pour un montant total de 5 milliards d’euros.

Avec 138 638 pensions de vieillesse et 223 133 pensions de réversion versées sur son territoire, l’Algérie est en tête du classement, devant l’Espagne et le Portugal.

Ces 361 771 pensions versées par la France à des pensionnés résidant en Algérie représentent un montant total d’1 milliard d’euros.

Exemple d’un ressortissant algérien de plus de 65 ans pensionné du régime de retraite algérien, et qui dispose de liens personnels et familiaux avec la France

Sa nationalité lui accorde le bénéfice de dispositions favorables en cascade :

 Entrée en France au moyen d’un visa touristique, délivrance d’un certificat de résidence d’un an au titre des liens personnels et familiaux, dispositions équivalentes au droit commun. S’il est ascendant de Français considéré à charge, la personne peut entrer en France au moyen d’un visa court séjour également, alors qu’un visa long séjour est nécessaire dans le droit commun.

 Suspension du versement de sa pension de retraite par le gouvernement algérien en violation du protocole de sécurité sociale de 1980. En conséquence, la personne demande d’ouverture des droits à l’ASPA et l’administration française ne peut lui opposer la condition de résidence préalable de dix années applicable à tous les étrangers, alors que le gouvernement algérien conserve le bénéficie des cotisations et de la pension de l’assuré.

 Résidence de longue durée en France : délivrance d’un certificat de résidence de dix ans après cinq années de séjour régulier, alors que l’équivalent de cette disposition dans le droit commun a été supprimé du CESEDA par la loi du 26 novembre 2003, ou bien dès une année de résidence en France s’il est parent d’un ressortissant ayant acquis la nationalité française, contre trois années de résidence dans le droit commun ;

 Respect des valeurs de la République : impossibilité de refuser le renouvellement d’un certificat de résidence de 10 ans, ou de procéder à son retrait (ce qui priverait l’intéressé du droit aux prestations sociales et à la protection maladie universelle), ou à la réduction de sa durée de validité, même en cas de menace à l’ordre public ou en cas de non-respect des valeurs républicaines, sauf à engager une procédure d’expulsion.

 Regroupement familial : si l’intéressé souhaite faire venir en France une personne de sa famille restée en Algérie via la procédure du regroupement familial, il bénéficiera de la pleine prise en compte de l’ASPA dans la vérification de ses ressources alors que l’ASPA est exclue du calcul pour les autres nationalités et d’une ouverture du regroupement familial par « kafala » au bénéfice par exemple d’un petit-fils, neveu ou nièce, ce que le droit commun interdit, et la personne se verra délivrer un titre de dix ans identique à la personne rejointe contre un an seulement dans le droit commun. À son tour, cette personne « regroupée » bénéficiera de la protection que confère un certificat de résidence algérien de dix ans, ainsi que du versement du RSA s’il est sans ressources.

  1.   Le protocole annexe

À côté de cette convention générale de sécurité sociale de 1980, la Caisse nationale des assurances sociales des travailleurs salariés (CNAS) algérienne avait décidé de développer des relations contractuelles directes avec les hôpitaux français pour le transfert en France de patients algériens résidant en Algérie, pour des soins programmés. Ces relations se sont substituées dans les faits au dispositif du protocole mais elles ont créé de nombreuses complications et engendré des contestations par la CNAS de ses dettes ([93]).

C’est pourquoi, un nouveau protocole a été signé le 10 avril 2016 à Alger au cours d’un Comité intergouvernemental franco-algérien de haut niveau. Selon l’étude d’impact du projet de loi autorisant l’approbation dudit protocole, « il s’agit d’un dispositif historique et unique. En dehors de la coordination européenne de sécurité sociale, la France ne dispose d’aucune convention bilatérale avec un État tiers prévoyant de possibilité analogue de soins programmés en France. Le protocole donne aux patients algériens l'accès à l'offre de soins française pour les actes thérapeutiques qui ne sont pas réalisés en Algérie » ([94]).

Selon les informations transmises au rapporteur par le ministère des affaires sociales, il s’agit de soins généralement lourds liés, par exemple, à des cancers, des chirurgies cardiaques ou encore des greffes. Cette prise en charge est faite sur autorisation préalable de la Caisse nationale des assurances sociales (CNAS) et les soins prodigués font ensuite l’objet d’un remboursement par cette dernière.

La mise en œuvre de ce protocole n’a pas permis de résoudre l’intégralité des difficultés qui préexistaient puisqu’aujourd’hui, la procédure d’accord préalable de la CNAS est très peu utilisée.

Le ministère des affaires sociales a en effet indiqué que de nombreux ressortissants algériens nécessitant des soins urgents viennent en France en dehors de toute autorisation préalable, ce qui a généré la constitution d’une dette hospitalière dite « privée » conséquente.

En ce qui concerne cette dette privée, elle est logée dans les déficits de chacun des établissements de soins concernés. Elle est en conséquence difficilement identifiable et encore plus difficilement récupérable. Ayant été contractée en dehors du dispositif conventionnel, les sommes ne peuvent faire l’objet d’un remboursement par les institutions algériennes, et doivent être réclamées directement auprès des individus.

Or, selon les services du ministère des affaires sociales, ces ressortissants algériens sont souvent admis en urgence dans un état de santé dégradé et, une fois pris en charge, peuvent se révéler insolvables, et sans une assurance privée susceptible de couvrir les frais engagés. Ils peuvent également quitter le territoire sans régler les prestations servies. Outre la fraude, l’absence de paiement s’expliquerait par des facturations tardives, n’intervenant qu’après résultats et examens annexes à l’hospitalisation.

L’AP-HP prend en charge un flux annuel d’environ 1 000 ressortissants algériens en dehors du dispositif conventionnel et donc sans prise en charge par la CNAS. Au 31 décembre 2024, une enquête portant sur les créances étrangères privées de l’AP-HP faisait état d’une créance cumulée de 10,7 millions d’euros vis-à-vis de particuliers algériens.

3.   Le droit au séjour pour raisons médicales

Les Algériens bénéficient de plusieurs voies d’accès au séjour en France pour raisons médicales, au-delà du dispositif des soins programmés prévus par le protocole de 1980 et analysé supra.

  1.   Le titre de séjour « Algérien malade »

Selon l’article 6.7 de l’accord franco-algérien de 1968, un certificat de résidence d’un an portant la mention « vie privée et familiale » est délivré de plein droit « au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l’état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d’une exceptionnelle gravité, sous réserve qu’il ne puisse pas effectivement bénéficier d’un traitement approprié dans son pays ». Ce certificat de résidence a été jugé équivalent aux dispositions de l’article L. 425-9 du CESEDA qui prévoient que « l’étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » d'une durée d'un an ».

La jurisprudence a donc étendu aux Algériens la réforme du 7 mars 2016 ([95]), pourtant inapplicable étant donné que les Algériens sont couverts exclusivement par l’article 6.7 de l’accord. Cette interprétation permet de prendre en compte les capacités notamment financières de l’intéressé ou les mécanismes de protection sociale du pays d’origine, au-delà de l’existence objective des traitements.

C’est ainsi que le ressortissant algérien peut faire valoir qu’il ne dispose pas des ressources suffisantes pour bénéficier effectivement des soins dont il a besoin ([96]), ou qu’une personne souffrant de troubles psychiatriques résultant d’un événement traumatisant vécu en Algérie peut également soutenir que sa pathologie ne peut être prise en charge dans ce pays ([97]).

En 2024, selon les données transmises par l’OFII, les Algériens ont fait 2 070 demandes de titres de séjour pour soins, soit une baisse de – 5,6 % par rapport à 2023 ([98]). Ils sont la première nationalité à demander un titre de séjour pour des soins, et représentent 9,3 % de toutes les demandes.

La proportion des primo-demandes pour les Algériens est de 50 %, contre 37,5 % pour les autres demandeurs. Cela suggère qu’un plus grand nombre d’algériens choisissent de séjourner en France pour des raisons médicales, et contournent ainsi les accords de caisses analysés supra. L’OFII a indiqué que 24,9 % des primo-demandeurs algériens sont arrivés en France il y a moins de douze mois.

Il convient de rappeler qu’il est possible d’être soigné en France quel que soit son statut administratif mais que les prestations sociales sont conditionnées par la régularité de la résidence sur le territoire français, d’où l’importance de la possibilité d’obtenir un titre de séjour ou une autorisation provisoire de séjour.

Les Algériens représentent à eux seuls 18,4 % des primo-demandes de soins pour des mineurs :

– dont 11,4 % des primo-demandes pour troubles mentaux ;

– dont 23,9 % des primo-demandes pour malformation congénitale ou anomalie, chromosomique ;

– dont 22,9 % des primo-demandes pour tumeur.

Les avis favorables sont moins fréquemment rendus pour les Algériens (51,5 %) qu’en moyenne pour toutes les nationalités confondues (64,3 %).

  1.   L’autorisation provisoire de séjour pour soins

Le dernier alinéa du titre III du protocole annexé à l’accord de 1968 s’adresse aux Algériens n’ayant pas leur résidence habituelle en France. Ceux-ci peuvent se voir délivrer une autorisation provisoire de séjour, renouvelable. Cette mesure figurait déjà dans l’accord initial de 1968 et n’a pas été remise en cause depuis. Il s’agit d’une disposition qui n’a pas d’équivalent pour les autres nationalités.

Le ministère de l’intérieur n’a pas transmis au rapporteur de statistiques sur la délivrance de cette autorisation provisoire de séjour.

4.   L’interprétation de l’accord d’association UE-Algérie en matière de droit aux prestations familiales

En application de l’article L. 512-2 du code de la sécurité sociale, les étrangers bénéficient de plein droit des prestations familiales sous réserve que soit justifiée, pour les enfants au titre desquels les allocations sont demandées, leur entrée régulière dans le cadre de la procédure de regroupement familial.

En pratique, les caisses d’allocation familiale subordonnent le droit aux prestations à la production du certificat médical délivré par l’OFII. Dans un arrêt de 2011, la chambre plénière de la Cour de cassation avait jugé ces dispositions conformes au principe de non-discrimination et à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme ([99]).

Le 5 avril 2013, l’Assemblée plénière de la Cour de cassation, confirmant cette solution pour la majorité des étrangers, a toutefois décidé que les prestations familiales pour les enfants entrés irrégulièrement sur le territoire ne pouvaient être refusées aux Algériens ([100]). La Cour de cassation s’est appuyée sur l’article 68 de l’accord d’association UE-Algérie, qui prévoit que « les travailleurs de nationalité algérienne et les membres de leur famille résidant avec eux bénéficient, dans le domaine de la Sécurité sociale, d'un régime caractérisé par l'absence de toute discrimination fondée sur la nationalité par rapport aux propres ressortissants des États membres dans lesquels ils sont occupés ».

Dans une circulaire du 5 juillet 2013, la CNAF a précisé que tous les pays concernés par un accord d’association euro-méditerrannéen présentant une telle clause bénéficiaient de la dispense de condition de régularité du séjour des enfants ([101]).

Par suite, le 19 décembre 2024, la Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE) a déclaré l’exclusion du droit aux prestations familiales pour les enfants entrés hors du regroupement familial contraire à la directive « Permis unique », venant élargir, et complexifier, le droit applicable en fonction de la nationalité des intéressés ([102]).

II.   Les conséquences de ce statut dérogatoire sont multiples

  1.   Le statut des Algériens en France est-il constitutionnel ?

Il est possible de s’interroger sur la constitutionnalité de la différence entre les droits accordés aux ressortissants algériens en France et ceux accordés aux autres ressortissants étrangers non-communautaires, au regard du principe d’égalité. L’article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 qui fait partie du bloc de constitutionnalité dispose que « la loi doit être la même pour tous ». Par ailleurs, en application du Préambule de 1946, les seules limitations admissibles des droits économiques et sociaux sont celles touchant les étrangers en situation irrégulière. Cette interrogation porte donc également sur les différences d’accès aux prestations sociales, telles que prévue par certaines conventions internationales ([103]).

Même les discriminations entre les nationaux et les non-nationaux sont aujourd’hui particulièrement limitées, et touchent exclusivement à la question des droits politiques et à l’expression de la souveraineté. A fortiori, les discriminations entre étrangers en fonction de leur seule nationalité devraient être contraires à la Constitution française.

Ces discriminations sont en tout cas constitutives d’une distorsion importante de notre ordre juridique tel qu’il est aujourd’hui interprété et mis en œuvre par les juridictions administrative, judiciaire et constitutionnelle.

Or, les normes constitutionnelles l’emportent sur les normes internationales. Dans son arrêt d’Assemblée Koné du 3 juillet 1996, le Conseil d’État a précisé que les stipulations d’un traité franco-malien devaient être écartées en raison de l’application du principe fondamental reconnu par les lois de la République qui interdit les extraditions demandées dans un but politique. Cette solution a été confirmée de façon plus explicite par l’arrêt d’Assemblée Sarran et Levacher du 30 octobre 1998, à l’occasion duquel le Conseil d’État a indiqué que « la suprématie conférée aux engagements internationaux par l’article 55 de la Constitution ne s’applique pas dans l’ordre interne aux dispositions de nature constitutionnelle ».

L’inégalité de traitement entre les Algériens et les autres étrangers est relevée en ces termes dans l’étude d’impact du projet de loi autorisant l’approbation de l’avenant de 2001 : « l’entrée en vigueur du troisième avenant […] instaurera juridiquement une égalité de traitement plus complète entre les Algériens et les autres étrangers ». L’étude d’impact indique également que l’avenant de 2001 « résorbe l’inégalité de traitement apparue depuis 1998 au détriment des ressortissants algériens ».

En effet, les discriminations entre étrangers et nationaux ont été très largement supprimées ou du moins très fortement réduites au cours de ces dernières années. Et lorsque le législateur omet de mettre fin à ces différences, le Conseil constitutionnel peut être conduit, par le biais de la question prioritaire de constitutionnalité, à abroger ces régimes particuliers ([104]). Dans une décision du 28 mai 2010, le Conseil constitutionnel a par exemple censuré une double entorse au principe d’égalité que la loi avait instaurée en matière de pensions de retraite ([105]) :

– le Conseil constitutionnel a censuré la différence de traitement entre des ressortissants étrangers bénéficiaires d’une pension française et résidant à l’étranger et les ressortissants français résidant dans le même pays étranger : autrement dit, le lieu de résidence peut fonder une différence de traitement pour le versement d’une pension de retraite française, mais pas la nationalité ;

– le Conseil a censuré comme contraire au principe d’égalité une différence de traitement fondée sur la nationalité entre les titulaires de pensions selon qu’ils sont ressortissants algériens ou ressortissants des autres pays ayant appartenu à l’Union française ou à la Communauté ou ayant été placés sous le protectorat ou sous la tutelle de la France.

Par ailleurs, dans sa décision précitée du 22 janvier 1990, le Conseil constitutionnel a décidé que « l’exclusion des étrangers résidant régulièrement en France du bénéfice de l’allocation supplémentaire, dès lors qu'ils ne peuvent se prévaloir d'engagements internationaux ou de règlements pris sur leur fondement, méconnaît le principe constitutionnel d'égalité » ([106]). Par cette formulation, le Conseil constitutionnel décide donc que le principe d’égalité interdit de réserver certains droits aux seuls étrangers pouvant se prévaloir de conventions internationales.

Dans sa décision du 13 août 1993 portant sur la loi relative à la maîtrise de l'immigration et aux conditions d'entrée, d'accueil et de séjour des étrangers en France, le Conseil constitutionnel a admis que les étrangers qui peuvent se prévaloir d’un droit qui est propre à certains d’entre eux le peuvent grâce aux dispositions constitutionnelles consacrant le droit d’asile ([107]). En creux, cela signifie qu’une disposition qui ne serait pas de nature constitutionnelle ne peut fonder de discrimination entre étrangers, surtout lorsqu’elles sont générales.

Par ailleurs, à l’appui de cette analyse juridique, il est utile de citer le Conseil constitutionnel à l’occasion de son examen de la loi du 26 janvier 2024 ([108]). Les auteurs de la saisine ont soumis au Conseil l’article 46, qui prévoit la souscription d’un contrat d’engagement au respect des principes de la République par l’étranger qui sollicite un document de séjour. Comme évoqué précédemment, cette mesure n’est pas applicable aux Algériens. Pourtant, le Conseil rappelle qu’« aux termes de l’article 10 de la Déclaration de 1789 : « Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la loi ». En vertu de son article 11 : « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’homme : tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi ». Selon les trois premières phrases du premier alinéa de l’article 1er de la Constitution : « La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances ». Le Conseil constitutionnel en conclut que « loin de méconnaître ces exigences constitutionnelles, le législateur a pu, pour en assurer la protection, prévoir qu’un étranger qui sollicite la délivrance d’un document de séjour doit s’engager à respecter des principes, parmi lesquels figure la liberté d’expression et de conscience, qui s’imposent à tous ceux qui résident sur le territoire de la République. À cette fin, c’est à bon droit qu’il a imposé aux ressortissants étrangers, qui ne se trouvent pas dans la même situation que celle des nationaux, la souscription d’un contrat ». Au regard de la force des principes constitutionnels qui sous-tendent la mesure prévue par l’article 46 de la loi de 2024, peut-on considérer qu’une telle mesure est inapplicable aux ressortissants algériens sans méconnaître les exigences constitutionnelles ?

Il est par ailleurs possible de douter de la constitutionnalité d’une éventuelle intégration des dispositions de l’accord de 1968 au sein du CESEDA, faute de différence de situation en lien avec la différence de traitement entre un immigré de nationalité algérienne et un étranger d’une autre nationalité.

Sans doute le Conseil serait-il amené à prendre en considération l’histoire de l’accession à l’indépendance de l’Algérie et les liens particuliers avec la France pour apprécier au prisme de cette histoire un certain nombre de situations dérogatoires prévues en faveur des Algériens résidant en France. Pour autant, il n’est pas certain que le caractère général des dérogations qui s’appliquent aux Algériens soit conforme aux exigences constitutionnelles actuelles.

Ces réflexions n’ont pas de conséquences juridiques immédiates, dans la mesure où le contrôle de constitutionnalité a posteriori des traités internationaux n’existe pas, et que, même si les deux premiers avenants n’ont pas été ratifiés, le Conseil d’État a estimé que la ratification parlementaire du troisième avait nécessairement eu pour effet d’approuver l’accord initial et ses modifications successives ([109]). Par ailleurs, il est peu probable qu’un ressortissant algérien saisisse le juge pour écarter l’application des dispositions de l’accord de 1968 tant elles lui sont favorables. Enfin, le rapporteur n’a pas connaissance de recours introduits par des ressortissants d’États tiers qui s’estimeraient victimes d’une rupture d’égalité.

C’est donc au Gouvernement de tirer lui-même les conséquences de ce constat.

Deux voies sont possibles :

 déclarer l’accord franco-algérien de 1968 inapplicable, voire caduc, au regard des principes constitutionnels tels qu’ils sont aujourd’hui interprétés rigoureusement et régulièrement par le Conseil constitutionnel ;

– une voie médiane permettrait de revenir sur le caractère exclusif de l’accord de 1968, en intégrant au sein du CESEDA une disposition générale visant à prévoir que les conventions internationales ne peuvent faire échec au droit commun qui doit s’appliquer dans toutes les matières que les conventions ne traitent pas explicitement.

En conclusion, le rapporteur considère que si les conditions d’accès au territoire national peuvent faire l’objet de différenciations – restrictions ou accès privilégiés –  en fonction de la nationalité des intéressés, que, de même, si certains titres de séjour très spécifiques devraient pouvoir être prévus par des conventions internationales, tout comme des arrangements administratifs en matière de remboursements de soins ou de procédures de réadmission, il est en revanche discutable que l’ordre juridique français permette, par le biais d’une convention internationale, d’écarter l’application pour certaines nationalités de l’ensemble des principes généraux du droit des étrangers, dont certains ont une valeur constitutionnelle.

Ainsi, le rapporteur spécial recommande :

 de mener une analyse juridique portant sur l’impact des accords bilatéraux en matière de séjour, d’emploi et de protection sociale sur le respect du principe constitutionnel d’égalité ;

 d’en tirer toutes les conséquences en prévoyant de soumettre l’ensemble des étrangers résidents sur le territoire de la République aux dispositions du CESEDA, ou, à tout le moins, aux principes généraux du droit français et à toutes les normes à valeur constitutionnelle par le biais d’une nouvelle disposition législative à prévoir au sein du CESEDA.

Cela pourrait revenir à considérer que toute convention internationale conclue en la matière intègre une stipulation implicite prévoyant que le droit français s’applique dans toutes les matières que la convention n’aborde pas et que la convention ne peut pas faire échec à l’application de principes constitutionnels.

Cette évolution nécessiterait d’en informer préalablement et officiellement les autorités des pays concernés puis d’actualiser la circulaire du 26 octobre 2005.

Outre l’Algérie, qui possède un véritable statut dérogatoire, l’analyse devrait prendre en compte les accords conclus avec d’autres États et qui comportent des dispositions dérogatoires.

Seraient essentiellement concernés les accords relatifs aux conditions de circulation, de séjour ou d’emploi. Comme l’a indiqué la mission d’information sénatoriale précitée, ces accords constituent une catégorie particulièrement hétérogène : certains aménagent des régimes dérogatoires substantiels, à l'image des accords conclus avec les États du Maghreb, et d’autres sont essentiellement symboliques, à l’instar des conventions de circulation et de séjour conclues avec des États d’Afrique de l’Ouest.

Le travail sur l’accord de 1968 pourrait ainsi être l’occasion de clarifier notre politique en matière d’accords internationaux migratoires.

Le rapporteur spécial considère en revanche que les accords très spécifiques relatifs à la mobilité professionnelle, les accords relatifs à la lutte contre l’immigration irrégulière les accords relatifs aux visas court séjour ou les arrangements administratifs ne présentent pas de difficulté juridique particulière ([110]).

B.   Les caractéristiques de l’immigration algérienne en France

Le caractère dérogatoire de l’accord franco-algérien du 27 décembre 1968, fortement accentué par la jurisprudence et par les mesures plus favorables dont les Algériens bénéficient également en matière sociale, est en outre aggravé par le non-respect par l’Algérie du protocole de 1994 sur les réadmissions mais également des dispositions de l’article 84 de l’accord d’association conclu avec l’Union européenne. Cette situation « prive le législateur et le gouvernement français de la possibilité d’agir significativement sur les flux en provenance de l’Algérie » ([111]).

Du fait de ces dispositifs qui se cumulent et se renforcent, l’immigration algérienne revêt une structure très particulière en France, qui entraîne une série de surcoûts qu’il n’a pas été possible d’évaluer de façon rigoureuse et scientifique.

1.   Les Algériens représentent la première nationalité étrangère présente sur le sol français

Les principales statistiques en matière migratoire sont produites par deux entités publiques :

– l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) estime le nombre d’immigrés résidant ou entrant chaque année sur le territoire français, à partir des données issues du recensement de la population. Ces données intègrent donc les personnes mineures mais également, en théorie, les étrangers en situation irrégulière ([112]) ;

– le Département des Statistiques, des études et de la Documentation de la Direction générale des étrangers en France (DGEF) du ministère de l’intérieur produit des statistiques sur le nombre de titres de séjour en cours de validité ou délivrés chaque année, à partir de sources administratives. Il concerne donc essentiellement les étrangers majeurs (les mineurs étant dispensés de titre de séjour) en situation régulière sur le territoire. Ce service produit également une importante enquête dite ELIPA (enquête longitudinale sur l’intégration des primo-arrivants), dont la deuxième version a été publiée en janvier 2024 et qui permet d’appréhender les parcours d’intégration des personnes bénéficiaires d’un premier titre de séjour.

Il convient de citer également l’enquête « Trajectoires et Origines », associant l’Institut national d'études démographiques (Ined) et l’Insee, dont la deuxième édition porte sur les années 2019-2020, et qui fait référence sur le thème de l’immigration.

a.   Les statistiques de l’Insee issues du recensement

Selon la dernière publication de l’Insee, qui porte sur l’année 2023, les pays de naissance les plus fréquents des immigrés extra-européens présents en France sont l’Algérie (18 % des immigrés extra-européens), le Maroc (17,2 %), et la Tunisie (7 %) ([113]).

Les Algériens représentent 12,2 % de l’ensemble des immigrés vivant en France, soit la première nationalité devant les Marocains (11,7 %) et les Portugais (7,9 %).

En ce qui concerne les seules personnes de nationalité algérienne, présentes sur le territoire national, les dernières données disponibles portent également sur l’année 2023 ([114]).

Cette année-là, l’Insee décompte 587 200 personnes de nationalité algérienne en France, soit 0,8 % de la population française totale et 10,5 % du total des personnes de nationalité étrangère présentes en France. Parmi eux, on dénombre 86 919 mineurs de 15 ans de nationalité algérienne contre 11 849 035 mineurs de moins de 15 ans en France, soit 0,7 % de l’ensemble des mineurs.

Hors réfugiés ukrainiens, les Algériens sont toujours le premier groupe d’étrangers à entrer en France. En 2022, ils représentent 10,7 % des nouveaux arrivants extra-européens, ce qui signifie que ce classement en tête des nationalités étrangères présentes en France devrait perdurer.

En 1968, année de conclusion de l’accord franco-algérien, 378 000 immigrés algériens sont recensés en France, représentant alors 59 % de l’immigration africaine. Avec la fin de la libre circulation et les restrictions progressivement mises en place, les travailleurs algériens qui choisissent de rester s’installent durablement et sont progressivement rejoints par leur famille. L’Insee rappelle que l’immigration algérienne augmente à nouveau depuis les années 2000 : la moitié des immigrés algériens vivant en France en 2023 sont arrivés en 2001 ou après.

Selon l’Insee, en 2023, on compte en France 892 000 immigrés algériens ([115]). Est considérée comme immigrée une personne née étrangère à l’étranger, indépendamment de l’acquisition ultérieure de la nationalité française. Ce chiffrage est donc plus large que celui portant sur les seuls nationaux algériens, même s’il comporte par ailleurs un minorant (exclusion des personnes nées en France mais ayant conservé la nationalité de leur parent, avec ou sans binationalité).

Un indice de l’ampleur plus large des populations concernées a également été publié par l’Insee dans son étude parue en août 2024 : en 2023, sur les 7,6 millions de personnes nées en France d’au moins un parent immigré – immigrés dits de « deuxième génération », 1,238 million étaient d’origine algérienne.

En ce qui concerne les petits-enfants d’immigrés algériens – « troisième génération » –  la démographe Michèle Tribalat estimait leur nombre à 563 000 en 2011 ([116]), un volume ayant sans doute augmenté depuis près de quinze ans.

Ces données ont permis à l’observatoire de l’immigration et de la démographie d’évaluer la diaspora algérienne (incluant trois générations d’immigrés) à environ 3 millions de personnes en France.

Les autorités algériennes évoquent quant à elles régulièrement des chiffres plus élevés, allant de 4 à 6 millions de personnes.

Au vu de ces chiffres, il est possible d’estimer raisonnablement que la diaspora algérienne au sens large représente entre 4,5 et 6 % de la population française.

On constate toutefois une érosion relative de la dynamique de l’immigration algérienne sur le temps long. En effet, si la situation historique d’une immigration algérienne très prédominante en France ne s’est jamais démentie, le poids relatif des ressortissants algériens au sein de l’immigration tend à diminuer du fait d’un accroissement des migrations issues de l’Afrique subsaharienne, mais également de certains pays comme l’Afghanistan.

Même si le nombre d’immigrés algériens n’a jamais été aussi élevé en France en 2023 que depuis 1968, cette statistique semble donc avoir atteint une sorte de plateau, au regard des chiffres d’autres régions du monde. L’immigration maghrébine, même en augmentation constante, représente aujourd’hui six immigrés africains sur dix, contre neuf sur dix en 1968, le nombre d’immigrés originaires d’Afrique sahélienne, guinéenne ou centrale ayant doublé depuis 2006. Le tableau ci-dessous permet d’illustrer ces tendances.

Nombre d'immigrés africains par région de naissance depuis 1968

Source : Insee Première, n° 2010, 29 août 2024.

Les données de l’Insee indiquent également que la part des personnes de plus de 60 ans est importante dans l’immigration originaire d’Algérie, et du Maghreb en général. En effet, en 2018, 28 % des immigrés algériens avaient plus de 60 ans, contre 12 % pour les autres pays d’Afrique, 9 % pour la Chine ou 14 % pour les personnes originaires d’Amérique ou d’Océanie par exemple. Il peut être relevé également que cette proportion de personnes de 60 ans et plus augmente peu concernant l’Algérie (+ 0,9 point entre 2008 et 2018). Cela peut être lié au fait qu’il existe un flux régulier de nouveaux jeunes Algériens entrant, venant en quelque sorte compenser le vieillissement de l’immigration algérienne : la moitié des immigrés algériens vivant en France en 2023 sont arrivés en 2001 ou après ([117]).

Cette statistique témoigne à la fois de l’ancienneté de l’installation algérienne en France et de son caractère durable et renouvelé.

b.   Les statistiques du ministère de l’intérieur

Selon les chiffres du ministère de l’intérieur, au 31 décembre 2024, 649 991 ressortissants algériens étaient titulaires d’un titre valide ou d’un document provisoire de séjour, en hausse de +0,5 % par rapport à 2023.

Ceux-ci représentent 15,6 % du total des titres et documents de séjour en cours de validité. Les Algériens sont la principale nationalité bénéficiaire de titres de séjour en France, suivis des Marocains.

La différence entre les 556 910 ressortissants algériens présents en France en 2021 (Insee) et les 610 992 titres de séjour algériens valides en 2021 (ministère de l’intérieur) pourrait s’expliquer par des questions de temporalité ([118]) et des taux importants de non-réponse aux enquêtes de recensement ([119]).

En ce qui concerne le flux de primo-délivrance, les Algériens ont reçu 29 100 premiers titres de séjour en 2024, ce qui représente 8,6 % du total des premiers titres de séjour délivrés l’an dernier ([120]).

La primo-délivrance des certificats de résidence est généralement gratuite pour les Algériens. Les étrangers issus d’autres pays non-européens doivent s’acquitter d’une somme de 225 euros : un droit de timbre de 25 euros ainsi qu’une taxe de 200 euros. Pour ce qui est des certificats de résidence de dix ans, l’avenant de 1985 prévoyait « le versement d’une somme ne dépassant pas les droits et taxes exigés pour la délivrance des cartes d’identité aux nationaux français » (article 7 bis), mais la gratuité a finalement été accordée également pour la délivrance et le renouvellement de ces titres par l’avenant de 2001.

 

Part des premiers titres de séjour délivrés et des titres de séjour en circulation bénéficiant À des ressortissants algériens

Source : Observatoire de l’immigration et de la démographie à partir des données du ministère de l’intérieur.

Nota : la différence entre les 649 99 Algériens titulaires d’un titre valide ou d’un document provisoire de séjour et les 613 923 Algériens titulaires d’un certificat de résidence s’explique par le retard de traitement des dossiers dans les préfectures.

La France a octroyé les deux tiers des premiers titres de séjour accordés aux Algériens dans l’ensemble de l’Union européenne en 2023, ce qui témoigne de la forte concentration en France de la diaspora algérienne européenne.

Les Algériens ont par ailleurs reçu 250 095 visas pour la France en 2024, soit 9 % des visas accordés par la France ([121]). Malgré la crise diplomatique entre les deux pays, il convient de noter que ce chiffre représente une augmentation de près de 20 % par rapport à 2023.

c.   L’acquisition de la nationalité française

L’acquisition de la nationalité française peut s’effectuer par le biais de procédures dépendant du ministère de l’intérieur, ou du ministère de la justice.

En 2024, pour l’ensemble des procédures, les Algériens représentent la deuxième nationalité, avec 12 002 ([122]) acquisitions de nationalité française, soit +5 % par rapport à 2023 ([123]).

Le tableau suivant retrace les acquisitions de nationalité française de personnes de nationalité algérienne.

 

2014

2015

2016

2017

2018

2019

2020

2021

2022

2023

2024

Procédure ministère de la justice

Déclaration anticipée

1 471

1 738

2 018

2 273

2 439

2 696

1 950

2 960

3 048

3 310

3 437

Autre déclaration

228

208

261

245

214

282

147

182

168

135

110

Total

1 699

1 946

2 279

2 518

2 653

2 978

2 097

3 142

3 216

3 445

3 547

Procédure ministère de l’intérieur

Acquisition par décret et par déclaration

Non connu

Non connu

Non connu

Non connu

Non connu

9 934

7 363

9 354

8 038

6 737

8 455

Total

 

-

-

-

-

-

12 912

9 460

12 496

11 254

10 182

12 002

Acquisitions de nationalité française de personnes de nationalité algérienne, enregistrées par le ministère de la Justice entre 2014 et 2024 et par le ministère de l’intérieur entre 2019 et 2024

Source : ministère de la justice en réponse aux questions du rapporteur et ministère de l’intérieur (statistiques publiques).

Nota : la ventilation par nationalités n’est disponible qu’à compter de 2019 pour ce qui est des acquisitions relevant du ministère de l’intérieur.

Près de 70 000 personnes de nationalité algérienne ont donc acquis la nationalité française via l’une de ces procédures depuis le 1er janvier 2019 ([124]).

Le rapporteur constate l’augmentation régulière et importante des acquisitions de nationalité par déclaration anticipée. Il s’agit d’un mode d’acquisition qui permet, sous condition de résidence, aux jeunes étrangers nés en France de devenir français de plein droit à 18 ans. Eux-mêmes, à 16 ans, ou leurs parents pour eux, à 13 ans, peuvent demander la nationalité française avant leur majorité, sous certaines conditions.

d.   Les ressortissants algériens en situation irrégulière

Le rapporteur spécial ne peut pas établir une corrélation certaine entre l’importance de l’immigration algérienne illégale et les facilités en matière d’accès au territoire, de séjour et de régularisation dont les Algériens disposent en vertu des dispositions spécifiques étudiées dans le cadre de ce rapport.

Il est cependant difficilement contestable que le cumul entre un droit favorable et un Gouvernement algérien fermé en matière de négociation et de réadmission n’a pas permis à la France d’opérer une régulation ou un contrôle réel des flux migratoires en provenance d’Algérie, malgré une volonté politique constante en ce sens. Cette absence de contrôle a un coût non seulement budgétaire, mais également en matière de cohésion sociale.

Si par principe les données du recensement incluent toutes les personnes quelle que soit leur situation administrative, il est toutefois peu probable que le recensement permette de comptabiliser rigoureusement dans les chiffres de l’immigration les personnes en situation irrégulière.

L’une des données qui permettrait d’estimer approximativement la part que représentent les ressortissants algériens au sein de l’immigration illégale serait la ventilation par nationalités des bénéficiaires de l’aide médicale d’État.

Sollicité en ce sens par le rapporteur spécial, le ministère des affaires sociales a indiqué que cette donnée n’était pas collectée par les services qui instruisent les demandes d’AME, et qu’il était donc impossible de connaître cette répartition.

Le rapporteur spécial regrette que l’État se prive de collecter certaines données qui pourraient par ailleurs être utiles en matière de gestion et de pilotage des dépenses sociales.

Il convient donc de se rapporter à des données partielles. Les Algériens comptaient à eux seuls pour 42,7 % de l’ensemble des récipiendaires de l’AME traités dans les hôpitaux publics de Marseille en 2018, et pour 31,5 % de ceux traités dans les hôpitaux publics de Lyon cette même année ([125]).

À noter également que 33 754 Algériens ont été interpellés en situation irrégulière en 2024, en hausse de 6 % par rapport à 2023, soit la nationalité la plus interpellée en la matière : les personnes de nationalité algérienne représentent 23 % du total des personnes interpellées en situation irrégulière en France en 2024 ([126]).

Par ailleurs, 5 159 Algériens ont été retenus dans un centre de rétention administrative (CRA) en 2024, soit 31,9 % du total des étrangers placés en CRA, ce qui en fait également la nationalité la plus retenue en CRA.

Enfin, selon les derniers chiffres transmis par la commission européenne, début de l’année 2025 les Algériens sont la principale nationalité d’origine des arrivées maritimes en Espagne continentale et aux Baléares, avec 14 000 ressortissants ayant franchi la frontière européenne par cette voie.

L’ensemble des éléments disponibles porte donc à considérer que les Algériens représenteraient très probablement les ressortissants les plus nombreux dans l’immigration clandestine en France, ce qui ne semble pas cohérent avec les facilités dont ils disposent pourtant en matière d’immigration légale.

La conséquence logique est que les Algériens sont la nationalité représentant le plus grand nombre de mesures d’éloignement prononcées et exécutées. Le rapporteur spécial salue l’action des agents du ministère de l’intérieur, même si les éloignements représentent une partie très faible des personnes interpellées en situation irrégulière.

2.   Les ressortissants algériens sont plus éloignés du marché du travail

Au-delà de du nombre de personnes de nationalité ou d’origine algériennes établies en France, il convient de relever que l’immigration algérienne présente certaines caractéristiques qui suggèrent un plus grand éloignement du marché du travail et une plus grande dépendance à la solidarité nationale que pour d’autres populations immigrées.

Là encore, les conventions internationales aggravent une tendance probablement historique, alors que ces textes avaient justement pour vocation d’y remédier.

La situation esquissée dans cette partie peut en effet être directement mise en relation avec le cadre juridique applicable à l’immigration algérienne.

Le rapporteur spécial considère que l’accord franco-algérien de 1968 génère des aberrations importantes qui pénalisent l’intégration socio-économique des intéressés. Il permet à un couple qui vit uniquement de prestations sociales françaises de faire venir sa famille sur le fondement du regroupement familial, en revanche, il ne permet pas à un salarié algérien hautement qualifié et hautement rémunéré ou travaillant au sein d’une entreprise innovante, de bénéficier des titres de séjour pluriannuels « talent » prévus par les articles L. 421-7 et suivants du CESEDA.

L’analyse de la liste des titres de séjour auxquels les ressortissants algériens n’ont pas accès du fait de l’accord de 1968 révèle d’ailleurs que tous ces titres concernent l’immigration professionnelle.

Liste des titres de séjour auxquels les ressortissants algériens n’ont pas accès
du fait de l’accord de 1968

 la carte de séjour temporaire « recherche d'emploi/ création d'entreprise », qui permet aux étudiants et aux chercheurs étrangers concernés de rester en France à la fin de leurs études ou de leurs recherches pour compléter leur formation par une première expérience professionnelle ou pour créer une entreprise ;

 la carte de séjour « salarié détaché ICT », valable 3 ans, délivrée à l’étranger détaché par son employeur dans un établissement de l’entreprise ou dans une entreprise du groupe, ainsi que celle délivrée de plein droit aux membres de leur famille et les autorisant à exercer une activité professionnelle ;

 la carte de séjour pluriannuelle « salarié » (de 2 à 4 ans) à laquelle peuvent prétendre certains étrangers, lors du renouvellement de leur 1ère carte de séjour temporaire ;

 la carte de séjour pluriannuelle « talents », à laquelle peut prétendre l’étranger susceptible de participer du fait de ses talents ou ses compétences, au développement économique ou au rayonnement de la France ou de son pays d’origine, ainsi que celle délivrée de plein droit aux membres de leur famille et les autorisant à exercer une activité professionnelle ;

 la carte de séjour pluriannuelle « saisonnier » valable 3 ans : elle autorise son titulaire à travailler et à séjourner en France pendant une durée cumulée de 6 mois par an dès lors qu'il est titulaire d'un contrat de travail supérieur à 3 mois et qu'il s'est engagé à maintenir sa résidence hors de France. Le certificat de résidence prévu par le Protocole annexé à l'Accord franco-algérien porte la mention « travailleur temporaire » et est valable pour une durée inférieure à un an.

a.   L’immigration algérienne est essentiellement familiale

Selon la DGEF, l’immigration familiale représente plus de la moitié (54,6 %) des premiers titres délivrés à des ressortissants algériens en 2024, contre 32,4 % pour les ressortissants marocains et 38,4 % pour les ressortissants tunisiens.

Part des différents motifs dans les titres de séjour octroyés
aux algériens en 2024

Motifs familiaux

54,6 %

Motifs étudiants

27,2 %

Motifs économiques

9,4 %

Motifs humanitaires

2 %

Divers

6,8 %

Source : Statistiques DGEF.

Il s’agit d’une des caractéristiques majeures de l’immigration algérienne, dont l’origine peut être directement liée à l’accord de 1968 tel qu’interprété par la jurisprudence et au statut très favorable qu’il accorde aujourd’hui en matière familiale.

Il convient toutefois de replacer l’immigration algérienne dans le contexte de l’immigration générale à destination de la France. En effet, la France reçoit l’immigration la plus « familiale » de toute l’Europe de l’Ouest : la part des entrées d’immigrés permanents effectuées sur le fondement d’un motif « famille » a représenté 41 % du total des entrées sur la période 2005-2020 (un taux 3 fois supérieur à celui constaté en Allemagne), contre 10,5 % pour le motif « travail ».

Cette caractéristique est particulièrement accentuée par l’immigration algérienne qui possède un poids statistique important en France.

Les données de l’Insee et de l’Ined indiquent que 53 % des immigrés nés en Algérie vivant en France métropolitaine en 2019-2020 ont immigré en France pour accompagner ou rejoindre un membre de leur famille.

Motif de la migration en France des immigrés africains
selon la région de naissance

Sources : Ined-Insee, enquête Trajectoires et Origines 2 (2019-2020), cité dans la note Insee Première d’Août 2024.

En matière de regroupement familial, en 2023 les dossiers déposés par des ressortissants algériens ont représenté 24,15 % du total national, c’est-à-dire un pourcentage très supérieur à la part des Algériens dans l’immigration – qui est de 10,5 % si l’on prend en compte les seules personnes de nationalité étrangères (auxquelles s’applique le regroupement familial). En effet, selon les chiffres transmis au rapporteur par l’OFII, 21 071 dossiers de regroupement familial complets ont été déposés toutes nationalités confondues dont 5 088 dossiers déposés par un demandeur de nationalité algérienne ([127]).

Pour 2024, les chiffres sont sensiblement identiques avec 25 093 dossiers complets déposés, dont 5 405 dossiers déposés par un demandeur de nationalité algérienne, soit 21,5 % du total national.

Le rapporteur spécial souligne toutefois que le regroupement familial n’est pas la voie privilégiée par les ressortissants algériens qui émigrent pour des raisons d’ordre privées. Cette procédure strictement délimitée est en effet réservée aux travailleurs étrangers qui souhaitent être rejoints par leur famille, étrangère également. Or l’ancienneté de l’immigration algérienne en France, et son ampleur qui ne s’est pas démentie au fil du temps, conduit les ressortissants algériens à faire un usage bien plus important des certificats de résidence délivrés au titre de la « vie privée et familiale ».

Selon les chiffres de la DGEF, en 2024, parmi les ressortissants algériens 29 269 obtenaient un premier titre et 124 484 renouvelaient leur titre. Si l’on isole les titres délivrés sur le fondement du regroupement familial stricto sensu, en 2024, 1 069 ressortissants algériens ont bénéficié d’un CRA d’un an à ce titre ([128]) et 4 424 ressortissants algériens ont bénéficié d’un CRA de 10 ans pour ce même motif ([129]) , soit au total, 3,57 % de l’ensemble des titres délivrés en 2024.

Le tableau suivant présente le nombre de première délivrance de certificats de résidence algérien par motif depuis 2023. Ces données démontrent effectivement le poids du motif familial au sens large dans la primo-délivrance des titres.

Nombre de premières délivrances de certificats de résidence ALGÉRIENS
PAR motifs entre 2017 et 2023

 

2017

2018

2019

2020

2021

2022

2023

Économique

915

1 144

1 460

1 342

1 286

1 940

2 503

Salarié (article 7 b) AFA)

635

826

1 097

943

1 089

1 631

2 135

Scientifique (article 7 f) AFA)

201

199

292

310

86

151

176

Actif non salarié (article 7 c) AFA)

51

83

52

62

81

84

107

Artiste (article 7 g) AFA)

2

1

2

1

1

3

2

Saisonnier ou temporaire (article 7 e) et Protocole)

26

35

17

26

29

71

83

Familial

18 583

19 048

17 895

14 755

15 132

15 666

16 116

Famille de Français (article 6-2, 6-4, 7 bis a) et b) g) AFA)

12 988

12 534

11 588

9 088

8 620

8 659

9 245

Membre de famille (article 4, 7d), 7 bis d)

3 434

4 238

4 004

3 276

4 143

4 619

4 487

Liens personnels et familiaux (article 6-1, 6-5, 7 bis f) h)

2 161

2 276

2 303

2 391

2 369

2 388

2 384

Étudiants (protocole de l'AFA)

9 059

6 608

5 693

6 042

7 556

9 105

10 902

Humanitaire

758

754

808

633

637

437

505

Étranger malade (article 6-7, et Titre III Protocole)

514

548

546

445

429

298

321

Divers

1 571

1 662

1 596

1 166

1 314

2 123

1 977

Visiteur (article 7 a) AFA)

298

369

484

344

375

803

782

Étrangers entrés mineurs (article 6-6, article 7 bis e)

744

699

555

427

449

475

610

Autres

529

594

557

395

490

845

585

Total

30 886

29 216

27 452

23 938

25 925

29 271

32 003

Source : ministère de l’intérieur.

b.   Un taux de chômage et d’inactivité plus important

Sur la question de l’insertion économique, il convient tout d’abord de se reporter aux travaux de l’Insee.

Selon les données issues du dernier recensement en 2021, 38,9 % des étrangers algériens âgés de 15 ans et plus n’étaient ni en emploi, ni en études, ni à la retraite (contre 12,9 % pour les Français). Pour les ressortissantes algériennes, ce taux monte à 51,3 %.

Par ailleurs, l’Insee souligne que le taux d’emploi des immigrés algériens (1re génération) était de 56,2 % en 2023, soit plus de 14 points de moins que pour les personnes sans ascendance migratoire (70,7 %). Plus inquiétant, à rebours d’un parcours d’intégration classique au fil des générations, le taux d’emploi des descendants d’immigrés algériens (2e génération) est abaissé à 48,9 % (soit près de 22 points de moins que pour les personnes sans ascendance migratoire).

Les chiffres du ministère de l’intérieur, qui reprennent également les données de l’Insee ([130]), permettent par ailleurs au rapporteur de mesurer certains écarts significatifs en matière d’insertion économique.

Ainsi, le taux de chômage des personnes de nationalité algérienne est de 15,7 %, contre 6 % concernant les Français de naissance. Le taux d’inactifs divers (par exemple parent au foyer) des personnes de nationalité algérienne est de 23 %, ce qui reste dans la moyenne de l’immigration africaine en général, contre 6,3 % pour les Français de naissance.

Le présent rapport n’a pas pour but d’analyser les causes de ces disparités, encore moins de porter un jugement de valeur. Le rapporteur spécial considère toutefois ces données comme des éléments objectifs permettant de fournir des indications sur l’impact budgétaire des facilités d’installation accordées aux ressortissants algériens.

c.   En conséquence, une moins bonne intégration socio-économique et une plus grande dépendance aux dispositifs de solidarité

Il convient de rappeler qu’en France, les transferts monétaires et les services publics améliorent le niveau de vie de 57 % des habitants ([131]). La construction du système socio-fiscal français repose sur ces transferts monétaires, eux-mêmes reposant sur un pacte social qui est le ferment de la cohésion sociale et nationale.

Le rapporteur spécial considère qu’en la matière, la préservation d’un équilibre général entre les contributeurs et les bénéficiaires (ces deux catégories n’étant pas exclusives l’une de l’autre) est indispensable à la préservation de ce modèle.

Or, le rapporteur constate que le statut accordé aux ressortissants algériens, en plus de créer une brèche juridique, est susceptible de générer une forme de déséquilibre du système socio-fiscal français, à leur profit.

Interrogés par le rapporteur spécial, les ministères sociaux n’ont indiqué ne pouvoir transmettre aucune ventilation par nationalité des bénéficiaires des principales prestations sociales ou des aides en matière de logement et d’hébergement. Le rapporteur regrette ce positionnement qui prive la représentation nationale, mais également les gestionnaires eux-mêmes, des leviers de compréhension des mécanismes de la dépense sociale en France.

  1.   Le logement et l’hébergement

S’agissant des données concernant le logement social, le ministère de l’aménagement du territoire et de la décentralisation a indiqué au rapporteur que l’« État ne peut disposer des informations personnelles relatives aux locataires des bailleurs sociaux ».

S’agissant de l’hébergement d’urgence, le ministère a indiqué au rapporteur que « la délibération CNIL [Commission nationale de l’informatique et des libertés] n° 2011-224 du 21 juillet 2011 encadre les finalités pour lesquelles la collecte de données est autorisée, et stipule que la nationalité ne saurait être recueillie par défaut. Selon la CNIL, seules des contraintes exceptionnelles, telles qu'une arrivée massive sur le territoire et autres cas particuliers, pourraient motiver la mise en œuvre provisoire de la collecte de la nationalité précise des personnes sollicitant une orientation en hébergement. En application de la délibération, et pour respecter le principe de proportionnalité de la collecte de données vis-à-vis des finalités de traitement, la nationalité des personnes enregistrées est collectée sous la seule forme de l’origine géographique : Français / Union européenne / Hors Union européenne / Apatride ». Le rapporteur estime que le fait que 50 à 60 % du parc d’hébergement d’urgence de l’État, qui représente un budget annuel de plus de 3 milliards d’euros, soit mis à disposition de personnes « dont le statut administratif ne permet pas l’accès au logement » devrait pourtant justifier le fait de connaître la nationalité des bénéficiaires. Par ailleurs, rien n’interdit la réalisation d’un échantillonnage anonyme sur la base d’une demande officielle de la représentation nationale.

Dans le domaine du logement, il est possible de s’appuyer sur certaines publications partielles, comme cette parution de l’Insee Franche-Comté de 2011, intitulée « des immigrés résidant très souvent en HLM » ([132]).

Dans cette publication, l’Insee, rappelle tout d’abord qu’une forte proportion de la population immigrée vit dans un logement appartenant au parc locatif HLM (40 % contre 12 % pour le reste de la population) et que les immigrés qui représentent 7 % de la population franc-comtoise constituent 19 % des locataires HLM. L’Insee indique que cette sur-représentation n’est pas générale et qu’elle diffère selon le pays d’origine : « les immigrés d’origine maghrébine y sont davantage présents (plus de la moitié). À caractéristiques égales, un immigré d’origine algérienne a une probabilité d’habiter en HLM neuf fois plus importante qu’un immigré issu d’un pays de l’Union européenne ou de Suisse. Cette propension est sept fois plus élevée pour un immigré né au Maroc ou en Tunisie et six fois plus s’il est originaire de Turquie ou des Balkans ».

Source : Insee, données portant sur la région Franche-Comté, sur la base du recensement de population 2007.

Au-delà de ces parutions qui ne couvrent pas la France entière, il convient de nouveau de se reporter aux chiffres de l’Insee : en 2019-2020, 49 % des immigrés algériens (1ère génération) vivaient dans un ménage en logement social. Cette part est encore de 44 % pour les descendants d’immigrés algériens (2e génération) ([133]).

Estimation du coût des immigrés algériens dans le logement social – travaux de l’observatoire de l’immigration et de la démographie

Les aides au logement – prestations d’aide au logement, subventions d’exploitation et d’investissement, avantages de taux et avantages fiscaux – représentaient environ 43,5 milliards d'euros en 2023. Parmi ces aides, 38,2 % ont été spécifiquement dirigées vers le secteur locatif social, soit environ 16,6 milliards d'euros.

Étant donné que 49 % des 892 000 immigrés algériens (soit 437 080 personnes) et 44 % du 1,238 million de descendants d’immigrés algériens (soit 544 720 personnes) résident dans le logement social, cela représente un total de 981 800 immigrés et descendants d’immigrés algériens (sur deux générations) actuellement bénéficiaires d’un logement social ([134]).

En 2022, 10,5 millions de personnes étaient locataires du parc social : les immigrés et descendants d’immigrés algériens (sur deux générations) représentent donc 9,35 % du total de ces locataires.

Il est possible d’estimer à 1,55 milliard d’euros le coût du logement social qui bénéficie aux immigrés et descendants d’immigrés algériens.

Le rapporteur considère que les avantages dont bénéficient les Algériens, comme l’aménagement favorable des ressources prises en considération, sont une source importante de surcoût en ce qu’ils permettent plus facilement que pour les autres nationalités l’installation en France de ménages qui éprouvent dès leur arrivée des difficultés pour subvenir seuls à leurs besoins.

  1.   Les prestations familiales et sociales

Étant donné la structure de la dépense publique en France, le secteur des prestations sociales représente un intérêt certain dans le cadre du présent rapport d’évaluation.

Paradoxalement, il s’agit du domaine pour lequel les données sont très peu, voire pas du tout, disponibles.

Dans un premier temps, les ministères sociaux ont ainsi indiqué au rapporteur spécial que « conformément au principe de minimisation prévu par l’article 5.1 c du RGPD ([135]), les organismes de sécurité sociale n’ont le droit de collecter et de traiter que les données strictement nécessaires à l’accomplissement des finalités du traitement. Or, la nationalité n’est pas une donnée discriminante pour identifier ceux qui ont droit et ceux qui n’ont pas droit au versement de prestations vieillesse ou familiales ».

Les ministères sociaux évoquent également l’article 6 de la loi informatique et libertés ([136]), considérant que la nationalité peut aussi être utilisée pour en déduire « la prétendue origine raciale ou ethnique » des personnes.

Ainsi, « les organismes de sécurité sociale ne traitent pas la donnée « nationalité » et ne sont pas en mesure de fournir de statistiques concernant les personnes de nationalité algérienne bénéficiaires d’allocations familiales, de l’ASPA ou de l’AME, ni concernant toute autre nationalité ».

Le rapporteur spécial rappelle que le but d’un rapport d’évaluation n’est pas de mettre en place ou d’alimenter un fichier ou un traitement automatisé à caractère personnel. Les travaux du rapporteur spécial, qui visent à exercer le pouvoir de contrôle et d’évaluation des politiques publiques du Parlement, ne sont bien entendus pas dans le champ des interdictions formulées par l’article 6 de la loi et ne concernent pas des données nominatives à caractère personnel. La loi, tout comme le RGPD, prennent en compte les missions spécifiques d’ordre statistique menées dans l’intérêt général.

Par ailleurs, le rapporteur spécial doute de l’indisponibilité des données demandées. En effet, la réglementation applicable aux ressortissants algériens diffère de celle qui est appliquée aux autres étrangers, au moins en ce qui concerne le RSA, la prime d’activité et l’ASPA (cf. supra). La nationalité des personnes est donc nécessairement relevée, puisqu’elle conditionne l’application de certains critères dérogatoires d’attribution des droits.

De fait, les formulaires CERFA de demande de RSA et d’ASPA collectent pour l’un le lieu de naissance du demandeur et, pour l’autre, sa nationalité.

La nationalité est par ailleurs une donnée objective essentielle à la bonne compréhension des phénomènes sociétaux, et entre parfaitement dans les critères d’analyse de nombreux ministères ou organismes publics.

Il convient toutefois de préciser que la caisse nationale d’assurance vieillesse a effectué, à la demande expresse du rapporteur spécial et à son attention exclusive, une enquête statistique anonyme sur la base des 100 dossiers de demande d’ASPA en cours d’instruction auprès de la caisse régionale d’Île de France. Si ces données ne permettent pas de mesurer avec précision l’impact de la réglementation spécifique applicable aux Algériens, en l’absence de précision concernant la durée de présence effective sur le territoire, elles illustrent toutefois, avec toutes les précautions rendues nécessaires par la faiblesse de l’échantillonnage, une sur-représentation des demandeurs de nationalité étrangère, y compris donc des demandeurs de nationalité algérienne.

Échantillonnage par nationalité de 100 dossiers de demandes d’ASPA
en cours de traitement auprÈs de la Caisse d’assurance retraite
Île de France – juillet 2025

 

Nationalité française

Nationalité algérienne

Autres nationalités

Nombre de dossiers considérés comme recevables

50 %

12 %

38 %

Source : CNAV.

Sur la base de cet échantillonnage on constate que 50 % des demandeurs de l’ASPA en Île de France sont de nationalité étrangère, et que les Algériens représentent 24 % de ces demandeurs ([137]). Le rapporteur insiste sur le caractère très imparfait et peu représentatif de cet échantillonnage. Ces statistiques mériteraient donc d’être rapidement fiabilisées au moyen d’une enquête portant sur un volume de demandeurs plus large, et sur une durée plus longue.

En ce qui concerne le RSA, la caisse nationale d’allocation familiale a finalement transmis au rapporteur des données concernant le nombre de « foyers algériens » ([138]) bénéficiaires du RSA en décembre 2024, et qui s’élève à 46 405 foyers, soit 2,6 % de l’ensemble du 1,8 million de foyers auxquels les caisses d’allocations familiales versent cette prestation.

Quant au montant moyen versé, il varie peu quelle que soit la nationalité du foyer considéré. Les foyers ressortissants algériens identifiés à partir du titre de séjour reçoivent un montant moyen de 544 euros de RSA. Ce montant s’établit à 557 euros pour l’ensemble des foyers bénéficiaires du RSA et à 551 euros pour les foyers de nationalité française. Pour rappel, les montants versés dépendent des ressources du foyer ainsi que de sa composition familiale.

Dans le tableau suivant, il est constaté que la part des foyers algériens au sein de l’ensemble des nouvelles demandes de foyers étrangers tend à diminuer, ce qui est peut-être en cohérence avec le constat d’une diminution du poids relatif des ressortissants algériens dans l’immigration à destination de la France.

Nombre de nouvelles demandes de RSA – comparaison 2022-2023

 

Nombre de nouvelles inscriptions au RSA

Nombre de nouvelles inscriptions au RSA par des foyers étrangers (UE ou hors UE)

Nombre de nouvelles inscriptions au RSA par des foyers algériens (selon le titre de séjour)

Part des foyers algériens au sein de l’ensemble des nouvelles demandes

Part des foyers algériens au sein de l’ensemble des nouvelles demandes de foyers étrangers

Décembre 2022

28 388

5 545

691

2,4 %

12,5 %

Décembre 2023

29 850

5 662

674

2,4%

11,9 %

Décembre 2024

29 921

5 461

590

2,0%

10,8 %

Source : CNAF.

Champ : foyers bénéficiaires du RSA en décembre 2022, 2023 et 2024, hors MSA

Note : la nationalité algérienne est identifiée à partir du certificat de résidence de ressortissant algérien ou d’un récépissé de renouvellement, au sein des foyers de nationalité « étrangers hors UE ». Lorsque c’est un couple qui est à la tête du foyer RSA, on considère que le foyer est ressortissant algérien si les deux personnes sont concernées. La nationalité étrangère est identifiée à partir des modalités « étranger UE » et « étranger hors UE » de la variable de nationalité en 3 modalités.

Même si elles ont le mérite d’exister, ces statistiques sont difficilement exploitables.

Elles sont souvent partielles et non représentatives, comme c’est le cas des chiffres transmis par la CNAV, et il est parfois impossible d’établir des ratios ou des comparaisons pertinentes, comme c’est le cas pour les données transmises par la CNAF (la notion de foyer exclut les foyers mixtes, et il n’existe pas de référence qui serait le nombre total de foyers en France). La CNAF n’a pas donné suite aux demandes du rapporteur portant sur le nombre de personnes nées en Algérie et couvertes par le RSA au sein de leur foyer, ce qui aurait permis une comparaison avec l’ensemble des personnes couvertes par cette prestation en France.

À défaut d’éléments précis et fiables, il convient de se reporter aux éléments généraux de l’Insee qui indiquent que les immigrés nés en Afrique recevaient en moyenne 3 110 euros de prestations sociales par an en 2021 (prestations familiales, prestations logement, minimas sociaux et prime d’activité, bruts de CRDS, ce qui écarte les pensions de retraite et les allocations-chômage), contre 1 530 euros de prestations sociales par an pour les non-immigrés ([139]).

Ces éléments ne permettent pas au rapporteur spécial de mesurer avec précision l’impact sur les finances sociales des accords internationaux conclus avec l’Algérie. Il se dessine néanmoins des tendances générales qui permettent de se livrer à un exercice d’estimation.

C.   Les enjeux d’ordre public sont particulièrement importants

La question des atteintes ou des menaces à l’ordre public ne doit pas être passée sous silence tant ce sujet est une source de coûts humains sociaux et financiers très importants. Mais là encore, le rapporteur spécial n’a pu obtenir de réponse à l’intégralité de leurs demandes.

Les enjeux sécuritaires sont pourtant un ressort important de la cohésion sociale et, comme il a été dit, les ressortissants algériens ne sont pas soumis à la réserve d’ordre public dès lors qu’ils sont titulaires d’un certificat de résidence de dix ans. Par ailleurs, l’absence de respect par l’Algérie des dispositions du protocole de 1994 rend l’éloignement des Algériens, même à l’issue d’une procédure d’expulsion, très difficile.

La capacité du corps social à prévenir, mais aussi à sanctionner les comportements répréhensibles ne devrait pourtant pas souffrir d’exception, en application du principe d’égalité de tous devant la loi commune. Une rupture de l’engagement à respecter les valeurs de la République, une atteinte grave aux biens ou aux personnes, des menaces à l’ordre public, devraient permettre à l’administration de dégrader ou de retirer un titre de séjour, ainsi que tous les droits attachés à la condition de séjour régulier qui vont avec, et ce pour l’ensemble de la communauté étrangère résidant sur le territoire de la République.

En matière d’ordre public, les chiffres transmis au rapporteur spécial par le ministère de la justice, révèlent que :

– au 1er janvier 2024, 5 404 personnes de nationalité algérienne ou nées en Algérie étaient écrouées en France, soit 6 % de la population écrouée à cette date (91 647 personnes) ;

– en termes de flux, en 2024, 6 882 personnes de nationalité algérienne ou nées en Algérie ont été écrouées, soit 6,5 % du total ;

– en 2024, 12 289 personnes de nationalité algérienne ou nées en Algérie ont fait l’objet d’une mesure de classement sans suite après une procédure alternative aux poursuites pénales réussie, soit 4,2 % de l’ensemble de ces mesures.

Par ailleurs, les tableaux suivants permettent de noter une présence importante de ressortissants algériens au sein du système pénal et carcéral français, présence qui s’accentue avec la gravité des sanctions, notamment pour les mineurs.

Nombre de personnes (majeurs et mineurs) de nationalité algérienne condamnées hors dispense de peines, ratio par rapport au nombre total de personnes condamnées

Année

Personnes de nationalité algérienne condamnées à une peine

Part dans l'ensemble des condamnés

Dont à une peine privative de liberté

Part dans l'ensemble des condamnés à une peine privative de liberté

2019

13 651

2,50 %

9 037

3,20 %

2020

12 466

2,60 %

8 035

3,80 %

2021

17 320

3,10 %

11 523

4,40 %

2022

19 621

3,70 %

12 928

5,20 %

2023(p)

19 724

3,60 %

12 743

5,00 %

Source : ministère de la justice.

NOMBRE DE PERSONNES MINEURES DE NATIONALITÉ ALGÉRIENNE CONDAMNÉES ET POIDS DANS l’ensemble des condamnés mineurs – hors dispense de peine

Année

Personnes mineures de nationalité algérienne condamnées

Part dans l'ensemble des condamnés mineurs

Dont à une peine privative de liberté

Part dans l'ensemble des condamnés mineurs à une peine privative de liberté

Dont à une mesure / sanction éducative

Part dans l'ensemble des condamnés mineurs à une mesure / sanction éducative

2019

2 106

5,20 %

1 049

7,10 %

1 006

4,70 %

2020

1 805

6,00 %

900

8,50 %

861

5,40 %

2021

2 408

5,50 %

1 066

7,30 %

1 283

5,40 %

2022

2 089

7,00 %

729

7,20 %

1 283

7,90 %

2023(p)

1 634

5,70 %

626

6,60 %

920

6,20 %

Source : ministère de la justice.

Les coûts associés à la délinquance et aux fraudes sont massifs pour la société. Si les chiffrages sont difficiles, certains chercheurs les ont estimés à plusieurs dizaines de milliards d’euros par an ([140]).

Au regard du bilan humain et budgétaire des troubles à l’ordre public et de la criminalité de manière générale, et vu la part que représentent les ressortissants algériens au sein du système judiciaire, le rapporteur spécial considère qu’il est impératif que la réserve d’ordre public puisse leur être opposée par le ministère de l’intérieur en matière de délivrance, de retrait ou de renouvellement de titres de séjour.

D.   La question des transferts de fonds

L’enjeu des transferts de fonds privés est particulièrement important. Historiquement, cette question faisait l’objet d’une grande attention, de la part des pouvoirs publics français comme des autorités algériennes.

Il est intéressant de relever ces extraits des circulaires françaises de la fin des années 1940 qui incitaient à l’accueil des familles des travailleurs migrants en ces termes : « l’introduction rapide des familles présente la plus grande importance au point de vue démographique, et aussi du point de vue financier, en raison de la charge très lourde que représente, pour le Trésor, le transfert en devises appréciées, des économies des travailleurs et de leurs allocations familiales » ([141]) ; ou encore : « lors de la conclusion des accords d’immigration avec les pays étrangers, des dispositions organisant le transfert d’un certain pourcentage des salaires des travailleurs au soutien de leur famille restée au pays d’origine peuvent être prévues. Les allocations familiales accordées par notre législation peuvent même devenir l’objet d’un transfert au pays d’origine dans leur totalité sur justification précise de la situation de la famille du travailleur. Diminuer progressivement l’importance de ces transferts monétaires par l’arrivée des familles doit donc constituer l’une des principales préoccupations de vos services » ([142]).

Dans le même esprit, il est intéressant de noter que les travaux d’Anicet Le Pors, chargé par le Gouvernement en 1975 d’une mission interministérielle sur le rôle de l’immigration dans le développement économique et social, développe en premier lieu et de façon précise les effets de l’immigration sur les transferts de fonds à l’extérieur ([143]). De fait, les transferts de fonds sont au cœur de l’économie de la migration. Ils justifient souvent l’engagement de la communauté familiale de la personne migrante, qui se cotise afin de permettre le financement du voyage et le paiement des intermédiaires, et qui se voit rentabilisé ou remboursé par les envois d’argent effectués depuis le pays de destination. Sans les transferts de fonds, les mouvements migratoires perdraient un important moteur.

Du point de vue de l’Algérie, les transferts sortants ont historiquement fait l’objet d’un suivi rigoureux. Un article du Monde daté du 21 janvier 1964 commentait ainsi une publication du Journal officiel algérien détaillant les modalités de transfert pour les travailleurs étrangers en Algérie ([144]).

Avec le retrait de la quasi-totalité des travailleurs français d’Algérie, l’attention doit désormais se porter sur les transferts sortants de France. Ces derniers ne font l’objet d’aucune étude rigoureuse, ni d’aucun suivi statistique.

Il convient sur ce sujet de reproduire l’analyse estimative réalisée par le député Corentin Le Fur dans son rapport d’information du Printemps de l’évaluation 2025 portant sur « les enjeux migratoires au sein de l’aide publique au développement française et européenne ». Le rapporteur spécial Corentin Le Fur relevait que pour l’année 2022, les envois de fonds vers l’étranger s’étaient élevés à 12,9 milliards d’euros, tandis que les transferts effectués depuis l’étranger vers la France atteignaient seulement 231 millions d’euros, soit un déficit de 12,7 milliards d’euros.

La difficile estimation des transferts de fonds depuis la France :
l’exemple de l’Algérie ([145])

Selon les données de la Banque mondiale pour l’année 2023, l’Algérie a reçu officiellement 1,8 milliard de dollars de transferts de fonds de sa diaspora établie à l’étranger. Si l’on en croit les données transmises par la Banque de France, 90 % de ce volume provient de France ([146]).

Ce montant d’1,8 milliard de dollar est très inférieur au montant transféré par exemple au Maroc. Ce dernier a reçu via les circuits officiels 11,7 milliards de dollars pour cette même année 2023, dont seulement 34 % proviennent de France.

En 2014 la Banque mondiale estimait les transferts vers l’Algérie à 2,1 milliards de dollars. Attendu que les envois de fonds n’ont fait qu’augmenter, le chiffre d’1,8 milliard de dollars paraît très largement sous-évalué.

Cette faiblesse pourrait être en grande partie liée à l’importance du marché des transferts informels en Algérie, du fait de multiples rigidités administratives mais également de l’existence d’un double taux de change. D’ailleurs, la Banque mondiale invite régulièrement les pays où le différentiel entre le marché parallèle de la devise et le taux officiel dépasse les 10 % à résoudre cette difficulté. Cette dualité du marché des changes algérien reflète et entretient les dysfonctionnements structurels de l’économie nationale et a des impacts particulièrement négatifs. David Malpass, ancien président du groupe de la Banque mondiale, rappelle par ailleurs qu’il existe une étroite corrélation, sinon une relation de cause à effet, entre l’existence des taux parallèles et la corruption.

En Algérie, le différentiel entre le taux officiel et le marché informel était de 53 % en 2023, mais il atteint parfois les 80 %, comme en novembre 2024.

À l’heure actuelle, un billet de 100 euros s’échange 26 000 dinars au marché noir des cambistes du Square Port-Saïd. Sur le marché réglementé, ces mêmes 100 euros s’échangeront contre seulement 15 162 dinars ([147]).

Par ailleurs, il existe d’autres contraintes qui favorisent le marché parallèle : l’Algérie a mis en place un très strict contrôle des changes, l’importation et l’exportation de devises fait l’objet d’une réglementation restrictive, et, par ailleurs, le dinar algérien n’est pas convertible.

Étant donné les avantages importants du marché informel, on peut raisonnablement penser que les transferts formels de fonds vers l’Algérie s’élèvent au moins au quadruple des transferts formels, soit a minima 7,2 milliards d’euros. En reprenant la même clé de répartition que pour les transferts formels, on aboutit à une estimation du montant annuellement transféré depuis la France vers l’Algérie de 6,5 milliards d’euros incluant les transferts informels, un chiffre probablement encore sous-estimé mais cohérent avec les volumes transférés formellement de la France vers le Maroc. Par ailleurs, si l’on considère qu’environ 6 millions de personnes ont en France des liens très directs et forts avec la communauté algérienne, cela revient à dire qu’un peu moins de 1 100 euros sont transférés en moyenne par an pour ces personnes, soit environ 90 euros par mois. Ce chiffrage ne semble pas exorbitant. Face aux montants formels malgré tout très faibles, l’Algérie cherche à améliorer sa capacité à attirer les fonds de sa diaspora.

L’ouverture récente de la Banque extérieure d’Algérie Internationale (BEA) en France, qui a reçu son agrément de l’ACPR le 16 janvier 2025 malgré la crise politique et diplomatique en cours entre la France et l’Algérie, vise justement à faciliter et sécuriser les transactions financières des Algériens établis à l’étranger. La BEA prévoit d’ouvrir cinq agences dans les principales villes de France dans les mois à venir.

Le rapporteur spécial appelle le Gouvernement à prêter davantage attention à ces mouvements de fonds, notamment à destination de l’Algérie et à prévoir un moratoire sur l’installation d’agences qui faciliteraient ces transferts.

Au-delà du rôle important de la dépense publique dans la consolidation du modèle économique et social français permettant de générer ces transferts, les transferts de fonds représentent pour la France une perte en matière d’épargne, d’investissement ou de consommation selon les cas, et donc de fiscalité indirecte ([148]). L’impact pour le système économique comme pour les finances publiques est donc négatif. Il s’agit là d’un « coût » économique réel, certains pays ayant d’ailleurs tenté de taxer ces transferts ([149]). En outre, les débats qui entourent régulièrement la valorisation ou la mobilisation de l’épargne privée des Français (fléchage du Livret A, « grand emprunt », financement du réarmement militaire) témoignent du caractère éminemment stratégique de cet agrégat.

De façon plus anecdotique, il est à noter qu’un résident fiscal français peut déduire de son revenu les sommes transférés à l’étranger dans le but de pourvoir aux besoins de bénéficiaires de l’obligation alimentaire ([150]). L’administration fiscale a indiqué ne disposer d’aucune donnée sur la mise en œuvre de cette déductibilité.

III.   un surcoût budgétaire impossible À fiabiliser rigoureusement en l’etat des données transmises mais qui peut être estimé à environ DEUX milliards d’euros par an

L’étude d’impact du projet de loi de ratification du troisième avenant à l’accord franco-algérien de 1968 comportait une sous-partie ainsi rédigée « bénéfices escomptés en matière financière : sans objet ». Cette matière est en effet peu propice aux évaluations financières.

De fait, en l’état actuel des données dont le rapporteur a pu disposer, il est délicat de procéder à un chiffrage rigoureux des surcoûts imputables au « statut spécifique de l’Algérien en France ». Le coût de l’immigration algérienne est en effet une partie de l’impact financier de l’immigration en général, et les surcoûts liés aux accords sont eux-mêmes un ratio à appliquer à ce coût.

L’analyse du droit applicable, et des caractéristiques de l’immigration algérienne en France permet toutefois au rapporteur d’affirmer que ces accords entraînent des dépenses publiques supplémentaires certaines et conséquentes pour la France.

Les conventions bilatérales ne sont bien entendu applicables qu’aux personnes de nationalité algérienne. Sont donc exclus les binationaux Franco-Algériens, et les personnes immigrées qui ont acquis la nationalité française. Toutefois, les impacts des accords bilatéraux doivent se mesurer de façon beaucoup plus large. Ainsi, en excluant par exemple la condition de régularité de l’entrée sur le territoire, l’accord franco-algérien de 1968 favorise l’immigration algérienne, même irrégulière. Par ailleurs, en facilitant l’installation et le maintien sur le territoire national de manière générale, et le regroupement familial en particulier, l’accord de 1968 accroît les possibilités d’acquérir la nationalité française. À titre d’exemple, à peine plus de la moitié (55 %) des foyers allocataires du RSA « nés en Algérie » est de nationalité « étrangère hors UE », ce qui confirme le lien assez lâche entre nationalité algérienne et naissance en Algérie.

Le rapporteur spécial a donc également pris en compte les surcoûts liés à une partie de l’immigration algérienne irrégulière, et ceux pouvant être reliés à des personnes nées Algériennes en Algérie même si celles-ci ont acquis la nationalité française par la suite.

Les indices concordants d’une sur-représentation significative des ressortissants algériens ou nés en Algérie au sein des dispositifs les plus coûteux pour les finances publiques ont été mis en évidence dans le cadre du présent rapport à plusieurs niveaux : que ce soit au regard des filets sociaux comme le RSA, ou l’ASPA, de l’importance de l’immigration clandestine, du poids du traitement des demandes issues de personnes de nationalité algérienne au sein du système judiciaire et administratif français, ou de la part significative des moyens mobilisés par la chaîne pénale au profit de ressortissants algériens.

La faiblesse de la vérification des moyens d’existence peut faire partie des explications possibles à cette moindre insertion socio-économique.

Selon le rapporteur, les surcoûts engendrés par ce statut dérogatoire sont de deux ordres :

- les facilités d’accès au territoire national et donc le volume des personnes autorisées engendrent des charges directes importantes pour la chaîne administrative, juridictionnelle voire pénale du ministère de l’intérieur et du ministère de la justice (traitement des dossiers, défense contentieuse, aide juridictionnelle, mobilisation des tribunaux administratifs et judiciaires, dépenses d’accueil et d’intégration, financement des centres de rétention, etc). Ce surcoût pourrait être de l’ordre de 200 à 300 millions d’euros ;

- les conditions de maintien sur le territoire entraînent ensuite des surcoûts pour la sphère sociale et les collectivités locales, car elles autorisent une immigration plus familiale et une moindre insertion socio-économique et donc une plus forte dépendance aux dispositifs de solidarité et une plus grande sollicitation des services publics. En outre, elles permettent à la personne présente de faire ensuite plus facilement bénéficier de ces avantages des personnes nouvellement arrivées, et ainsi de suite. Les surcoûts s’aggravent donc avec le temps et pourraient avoisiner les 1,5 à 2 milliards d’euros par an.

Ces tendances mériteraient d’être étayées par une analyse plus approfondie dans le but d’éclairer les Français et les personnes établies durablement en France sur les conséquences de l’application d’une réglementation dérogatoire à certaines catégories d’étrangers.

 


   TRAVAUX DE LA COMMISSION

Lors de sa première réunion du mercredi 15 octobre 2025, la commission a entendu M. Charles Rodwell, rapporteur spécial des crédits de la mission Immigration, asile et intégration, sur son rapport d’information sur les implications juridiques et budgétaires des accords bilatéraux conclus en matière de circulation, de séjour, de santé et d’emploi : l’exemple de l’Algérie, présenté en application de l’article 146, aliéna 3, du règlement de l’Assemblée nationale.

La commission a autorisé la publication du rapport d’information.

L’enregistrement audiovisuel de cette réunion est disponible sur le site de l’Assemblée nationale.

Le compte rendu sera prochainement consultable

 

 


   LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES
PAR LE RAPPORTEUR SPÉCIAL

Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII)

– M. Nicolas Pouvreau-Monti, directeur général

– M. Grégoire Daubigny, directeur des relations institutionnelles

– M. Didier Leschi, directeur de l’Office français de l’immigration et de l’intégration ;

 

Ambassadeurs

– M. Xavier Direncourt, ancien ambassadeur de France en Algérie ;

– M. Stéphane Romatet, actuel ambassadeur de France en Algérie ;

 

Ministère de l’intérieur

– M. Patrick Stéfanini, représentant spécial du ministre de l’intérieur

 

 

 

 

 

 

 


([1]) Voir par exemple la décision du 12-13 août 1993, n° 93-325 DC.

([2]) Rapport sur la politique de lutte contre l’immigration irrégulière, Cour des comptes, janvier 2024.

([3]) « Les accords internationaux conclus par la France en matière migratoire : mettre fin à la cacophonie », rapport d’information n° 304 (2024-2025) de la commission des lois du Sénat, déposé le 5 février 2025.

([4]) Cet accord a étendu le champ d’application d’un premier accord du 10 juillet 2007 qui ne concernait que les titulaires d’un passeport diplomatique.

([5]) Selon le rapport d’information sénatorial précité, les stipulations pouvant être considérées comme juridiquement applicables aujourd’hui sont celles qui régissent les visites familiales et privées – pour lesquelles une obligation de présentation d’un certificat d’hébergement est prévue –, ainsi que les séjours pour hospitalisation. Sur le premier point, l’accord semble plus favorable que le droit commun dans la mesure où il prévoit une exception à l’obligation de présentation du certificat d’hébergement pour les conjoints et enfants mineurs de dix-huit ans des ressortissants algériens résidant en France ayant un titre de séjour valide.

([6]) Loi n° 47-1353 du 20 septembre 1947, portant statut organique de l’Algérie.

([7]) Patrick Weil, « L’ordonnance de 1945 : l’aboutissement d’un long processus », in Plein Droit, n° 22-23, octobre 1993.

([8]) En 1957, la part des régularisations atteint 50 % des travailleurs permanents enregistrés par l’office national de l’immigration.

([9]) Circulaires du 24 janvier 1972 du ministre de l’intérieur et circulaire du 23 février 1972 du ministre du travail, de l’emploi et de la population concernant les conditions d’établissement en France des travailleurs étrangers.

([10]) Guy Pervillé, Les accords d’Évian (1962) Succès ou échec de la réconciliation franco-algérienne (1954-2012), Armand Colin, 2012.

([11]) « Algériens : feu la liberté de circulation », Plein Droit n° 29-30, novembre 1995.

([12]) M. Nekkache, ministre algérien des affaires sociales en 1964, avait alors déclaré que « l’immigration algérienne n’est pas suspendue. Elle est simplement régularisée ».

([13]) L’article 7 de la déclaration de principe relative à la coopération économique et financière était ainsi rédigé : « Les ressortissants algériens résidant en France, et notamment les travailleurs, auront les mêmes droits que les nationaux français, à l’exception des droits politiques ».

([14]) Près de 200 000 Algériens se seraient ainsi installés sur le territoire national sur le fondement des accords d’Évian. Selon l’historien Daniel Lefeuvre, en 1972, on compte 720 000 immigrés algériens, soit 65 % de plus qu’en 1962.

([15]) Le protocole du 10 avril 1964 prévoyait cependant déjà dans son article 8 une « attestation d’établissement » pour les travailleurs sélectionnés, valable 10 ans.

([16]) À l’exception de l’article 3 de l’accord, peu modifié, mais qui ne comporte pas de disposition directement applicable en matière de droit au séjour. Il est question dans cet article d’un effort spécial que la France réalisera en faveur des travailleurs algériens pour développer l’enseignement, la formation et les conditions de vie.

([17]) Propos cités dans un article paru dans Le Monde le 27 février 1969 et intitulé « Justice pour les travailleurs algériens ». Ces propos portaient sur l’article 10 du protocole du 10 avril 1964 qui était rédigé dans des termes similaires à ceux repris par l’accord de 1968, à savoir : « peuvent être rapatriés en Algérie par les soins du Gouvernement français les Algériens qui, arrivés en France depuis plus de deux mois, se trouvent sans emploi, ainsi que ceux, établis en France, se trouvent sans emploi ni ressources depuis plus de quatre mois ».

([18]) Ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 relative aux conditions d’entrée et de séjour des étrangers en France. L’article 16 concerne les conjoints de Françaises et les étrangers parents d’un enfant français.

([19]) Il est intéressant de révéler cet extrait de la circulaire du 5 mai 1947 : « l’introduction rapide des familles présente la plus grande importance au point de vue démographique, et aussi du point de vue financier, en raison de la charge très lourde que représente, pour le Trésor, le transfert en devises appréciées, des économies des travailleurs et de leurs allocations familiales ».Une autre circulaire du 20 janvier 1947 reprend ces mêmes orientations, à savoir « diminuer progressivement l’importance de ces transferts monétaires par l’arrivée des familles ».

([20]) Circulaire du 15 janvier 1950, ministère de l’intérieur, sous-direction des étrangers et des passeports, « note sur l’introduction des familles de travailleurs étrangers »

([21]) Par exemple, décision du Conseil d’État, 1 / 4 SSR, du 24 novembre 1978 procédant à l’annulation de la quasi-totalité des circulaires en date des 5 juillet, 9 juillet, 9 août, 26 novembre et 27 décembre 1974, qui prévoyaient notamment la suspension de l’introduction en France des familles de travailleurs algériens.

([22]) Conseil d’État, 1 / 4 SSR, du 24 novembre 1978, arrêt GISTI.

([23]) « Paradoxalement, on avait discuté à Évian d’une situation qui n’exista jamais, celle d’un million de pieds noirs dans l’Algérie indépendante. En revanche, personne n’envisageait ce que serait, trente ans plus tard, le problème de la nationalité et de la citoyenneté d’un chiffre à peu près équivalent d’Algériens en France » J. Hélie, Les accords d’Évian : histoire de la paix ratée en Algérie, Olivier Orban, 1992.

([24]) C’est un échange de lettres, daté du 10 et 11 octobre 1986, qui introduit la nécessité pour les Algériens souhaitant effectuer un court séjour en France l’obligation d’obtenir, au préalable, un visa délivré par les autorités françaises.

([25]) La circulaire du 18 juillet 1994 relative à la circulation, au séjour et à la réadmission des Algériens énumère les concessions faites par la France en contrepartie de l’obligation de visa long séjour, et notamment la suppression de l’article 10 concernant les Algériens oisifs.

([26]) « L’avenant à l’accord franco-algérien qui a été signé en juillet 2001, [..] a pour objet d’aligner les dispositions applicables aux Algériens sur les dispositions les plus favorables du droit commun issu de la loi du 11 mai 1998 » Réponse du Ministère de l’intérieur, à la question écrite de Mme Borvo Cohen-Seat, publiée le 24 octobre 2002. On peut citer par exemple le fait de bénéficier des nouveaux titres de séjour introduits par cette loi portant les mentions « scientifique », « profession artistique et culturelle », « vie privée et familiale » et « retraité ».

([27]) Loi n° 2003-1119 du 26 novembre 2003 relative à la maîtrise de l’immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité.

([28]) Loi n° 2006-911 du 24 juillet 2006 relative à l’immigration et à l’intégration.

([29]) Loi n° 2007-1631 du 20 novembre 2007 relative à la maîtrise de l’immigration, à l’intégration et à l’asile.

([30]) Loi n° 2011-672 du 16 juin 2011 relative à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité.

([31]) Loi n° 2016-274 du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France.

([32]) Loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie.

([33]) Loi n° 2024-42 du 26 janvier 2024 pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration

([34]) Rapport n° 14 (2002-2003) de Robert del Picchia sur le Projet de loi autorisant l’approbation de l’avenant à l’accord du 17 mars 1988, tel que modifié par l’avenant du 19 décembre 1991, entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République tunisienne en matière de séjour et de travail (9 octobre 2002).

([35]) Loi n° 2002-1305 du 29 octobre 2002 autorisant l’approbation du troisième avenant à l’accord du 27 décembre 1968 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire relatif à la circulation, à l’emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles et à son protocole annexe (ensemble un échange de lettres).

([36]) Pourtant dès 1971 la France a souhaité abrogé le texte. Dans son livre La France et ses étrangers, l’historien Patrick Weil rappelle que « ce n’est qu’en dernière instance, contre l’avis persistant de certains ministères, et sur décision personnelle de Georges Pompidou, auprès de qui Houari Boumédiene est intervenu personnellement, qu’un nouvel accord est conclu ».

([37]) Par exemple : Conseil d’État, 25 mai 1988, n° 81420  ; Conseil d’État, 30 juin 2016, n° 391489.

([38]) Par exemple, l’article 11 de l’accord franco-tunisien du 8 février 1989 prévoit que l’accord « ne fait pas obstacle à l’application de la législation des deux États sur tous les points qu’il ne prévoit pas ».

([39]) Cour de cassation, Chambre criminelle, 27 février 1991, 90-82.403 :«  s’il est exact que les dispositions de l’accord conclu entre la France et l’Algérie le 27 décembre 1968 et modifié par avenant du 22 décembre 1985, se sont substituées en ce qui concerne les ressortissants de ce dernier État, à celles de l’ordonnance du 2 novembre 1945 en ce qu’elles déterminent les conditions d’entrée et de séjour en France des étrangers, il n’en demeure pas moins que les sanctions édictées par l’article 19 de ladite ordonnance sont applicables aux Algériens lorsqu’ils séjournent sur le territoire français sans satisfaire aux obligations définies par l’accord précité ».

([40]) Le Conseil d’État a seulement admis que les dispositions de procédure sont opposables aux ressortissants algériens.

([41]) Cour administrative d’appel de Lyon, 26 janvier 2017.

([42]) Conseil d’État, avis, 10 mai 1996, n°177117.

([43]) Conseil d’État, 22 mars 2010, n° 333679 : « Si l’accord franco-algérien ne prévoit pas, pour sa part, de semblables modalités d’admission exceptionnelle au séjour, il y a lieu d’observer que ses stipulations n’interdisent pas au préfet de délivrer un certificat de résidence à un ressortissant algérien qui ne remplit pas l’ensemble des conditions auxquelles est subordonnée sa délivrance de plein droit ».

([44]) La rédaction de l’article tendait d’ailleurs à faire penser qu’il s’agissait du seul cas de retrait en dehors de l’expulsion.

([45]) Trafic de stupéfiants, proxénétisme, traite d’êtres humains, travail indigne, etc.

([46]) Selon le 5° de l’article R. 432-3 du CESEDA, le retrait du titre de séjour est obligatoire pour l’autorité administrative lorsque « l’étranger titulaire d’une carte de résident vit en France en état de polygamie ». Le code précise que dans ce cas, « la carte de résident est également retirée au conjoint ».

([47]) 4° de l’article R. 432-3 du CESEDA

([48]) Par exemple, en application du 8° de l’article R. 432-3 du CESEDA le retrait est obligatoire pour les personnes condamnées pour violences ayant entraîné une mutilation ou une infirmité permanente sur un mineur de quinze ans.

([49]) Tribunal administratif de Melun, 6 février 2025. N° 2501378,2501379.

([50]) Voir par exemple l’arrêt du Conseil d’État, du 11 juillet 2018 n° 409090 : « Les stipulations de l’article 6 de l’accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ne privent pas l’autorité compétente du pouvoir qui lui appartient de refuser à un ressortissant algérien la délivrance du certificat de résidence d’un an lorsque sa présence en France constitue une menace pour l’ordre public ».

([51]) Circulaire du 27 octobre 2005 sur le droit au séjour en France des étrangers relevant de régimes juridiques spéciaux, NOR/INT/D/05/00094/C.

([52]) Conseil d’État, M. Azzaz, 4 mai 1990, n° 110034.

([53]) Hors cas de fraude avérée, la charge de la preuve repensant sur l’administration.

([54]) Loi n° 2003-1119 du 26 novembre 2003 relative à la maîtrise de l’immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité.

([55]) Politique migratoire, : que faire de l’accord franco-algérien de 1968 ? Note de la Fondapol, mai 2023.

([56]) Voir l’analyse du Groupe d’information et de soutien des immigrés (GISTI) intitulée « Statut des Algériennes et des Algériens en France » et publié en juillet 2020.

([57]) Pour une présentation détaillée du droit au séjour des Algériens en France, voir la note pratique du GISTI précitée.

([58]) À plusieurs titres, l’accord originel de 1968 semblait moins favorable que l’accord actuel pour les personnes visées à l’article 6 hors conjoint et enfants mineurs : pour les personnes venant à un autre titre que celui de travailleurs salariés, l’accord de 1968 exigeait soit une inscription au RCS soit la preuve de moyens d’existence suffisants ; il permettait en outre de limiter la durée de validité du certificat de résidence en cas de chômage lors du premier renouvellement, et le certificat pouvait être retiré pour « oisiveté ».

([59]) La jurisprudence a par ailleurs jugé que ce droit n’est pas remis en cause lorsque l’intéressé après s’être maintenu au-delà de la durée de validité de son visa a fait l’objet d’une mesure de départ forcé : Conseil d’État, avis, 19 février 2009, n° 315725.

([60]) À noter qu’il s’agit de la seule disposition commune à l’ensemble des étrangers bénéficiant d’une convention bilatérale avec la France en matière de droit au séjour.

([61]) Tribunal administratif de Cergy-Pontoise - 9ème Chambre, 4 février 2025 / n° 2413382.

([62]) Conseil d’État, 18 octobre 1996, Oustou, n° 153669.

([63]) 492 premiers titres et 476 renouvellements.

([64]) Soit 2 542 premiers titres et 1 059 renouvellements.

([65]) Entre 1995 et 2023, le montant total de l’APD de la France vers l’Algérie s’est élevé à 2,96 milliards d’euros. Au cours de cette période, les crédits d’intervention français ont augmenté progressivement jusqu’à atteindre 186 millions d’euros en 2005, soit 5,1 % de notre aide bilatérale globale. À partir de 2007, le montant de l’APD française à l’Algérie baisse, principalement en raison du refus du gouvernement algérien de recourir à l’endettement extérieur, et se stabilise pour atteindre, jusqu’à aujourd’hui, des montants représentant en moyenne 1,5 % de l’aide bilatérale globale française. Les coopérations les plus structurantes mobilisent des fonds de l’Union européenne (près de 50 millions d’euros en 2023 : 37,2 millions d’euros pour Expertise France et 10 millions d’euros pour l’agence française de développement).

([66]) Rapport d’information précité.

([67]) L’accord indique pour sa part que la décision doit être prise « en tenant compte des moyens d’existence dont ils peuvent faire état ».

([68]) En plus de tous les exemples déjà cités, il est possible d’évoquer le retrait de la carte de séjour temporaire d’un an aux étrangers coupables d’infractions pénales ou d’infractions à la législation sur le droit au travail ou le retrait du titre de séjour lorsque l’étranger cesse de remplir l’une des conditions exigées pour la délivrance de la carte de séjour dont il est titulaire, fait obstacle aux contrôles ou ne défère pas aux convocations, mesures qui ne sont pas applicables aux Algériens.

([69]) En pratique, la signature du CIR est proposée aux ressortissants algériens par l’OFII. En 2024, 114 443 CIR ont été signés dont 6 709 avec des ressortissants algériens, soit moins de 6 % du total, un ratio bien inférieur à la part que représentent les ressortissants algériens dans la primo-délivrance de titres de séjour.

([70]) Décret n° 2024-811 du 8 juillet 2024 relatif au contrat d’engagement au respect des principes de la République prévu par l’article L. 412-7 du CESEDA.

([71]) Circulaire du 18 juillet 1994 « relative à la circulation, au séjour et à la réadmission des Algériens » NOR : INT/D/94/00207/C (BO Int. n° 3, 1994).

([72]) Les dernières données disponibles sont arrêtées à fin avril 2025.

([73]) On peut citer le protocole de 1994 sur les réadmissions, l’accord d’association UE-Algérie, mais également l’objectif 21 du Pacte des nations Unies pour des migrations sûres, ordonnées et régulière (Nous nous engageons en outre à faire en sorte que nos ressortissants soient accueillis et réadmis comme il se doit, dans le plein respect du droit fondamental de revenir dans son pays et de l’obligation faite aux États de réadmettre sur leur territoire leurs nationaux).

([74]) L’article 12 du pacte stipule que « nul ne peut être arbitrairement privé du droit d’entrer dans son propre pays ».

([75]) Voir la rédaction de l’article L. 312-3-1 du CESEDA : « Sans préjudice de l’article L. 312-3, le visa de long séjour peut être refusé au ressortissant d’un État coopérant insuffisamment en matière de réadmission de ses ressortissants en situation irrégulière ou ne respectant pas un accord bilatéral ou multilatéral de gestion des flux migratoires ».

([76]) Décision n° 2023-863 DC du 25 janvier 2024.

([77]) Asile, relocalisation et retour des migrants : il est temps de renforcer la lutte contre les disparités entre les objectifs et les résultats.

([78]) Coopération de l’UE avec les pays tiers en matière de réadmission : des actions pertinentes, mais peu de résultats.

([79]) Rapport sur l’état des relations UE-Algérie : 2018-2020.

([80]) Site Internet de l’ambassade d’Algérie en France, actualités du 27 janvier 2025.

([81]) Règlement (CE) no  810/2009 du Parlement européen et du Conseil du 13 juillet 2009 établissant un code communautaire des visas.

([82]) Décision n° 89-269 DC du 22 janvier 1990.

([83]) Conseil d’État, 1re et 6ème sous-sections réunies, 09 novembre 2007, 279685 : « […] il résulte de l’article 7 de la déclaration de principes du 19 mars 1962 relative à la coopération économique et financière entre la France et l’Algérie que les ressortissants algériens résidant en France, en particulier les travailleurs, ont, à l’exception des droits politiques, les mêmes droits que les nationaux français, notamment au regard de la législation sur le revenu minimum d’insertion […] ».

([84]) Lettre-circulaire CNAF N° 2010-067 du 21 avril 2010 : « La condition d’antériorité de 5 ans de résidence est supprimée pour les ressortissants algériens titulaires d’un certificat de résidence algérien d’une durée de validité d’un an » et « cette suppression concerne à la fois l’allocataire et son conjoint ».

([85]) Guy Pervillé, Les accords d’Évian (1962) : Succès ou échec de la réconciliation franco-algérienne (1954-2012), précité.

([86]) Selon l’article 55 de la Constitution, « les traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve, pour chaque accord ou traité, de son application par l’autre partie ». En droit international, le principe de réciprocité est l’une des bases juridiques des relations entre États.

([87]) Dans le cas de la prime d’activité, la condition de résidence est prévue par l’article L. 842-2 du code de la sécurité sociale.

([88]) Articles L. 232-1 et L. 233-1 du CESEDA, pris en application de la directive 2004/38 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004. Ces textes ouvrent la possibilité aux autorités nationales de restreindre le droit de séjour de personnes qui pourraient menacer la cohésion nationale en sollicitant le dispositif d’aide sociale.

([89]) Par exemple, le formulaire de droits « pension vieillesse française » n° SE 352-08 II délivré par la CARSAT (caisse d’assurance retraite et de la santé au travail) enregistré par l’institution compétente algérienne : la CNAS (caisse nationale des assurances sociales des travailleurs salariés).

([90]) Des avances ont été versées tant par la France que par l’Algérie au titre des années 2018 et 2019. Ces montants n’ayant pas été rendus définitifs par la tenue d’une commission d’apurement, les chiffres présentés n’en tiennent pas compte.  

([91]) Le protocole de 2026 fait l’objet d’un développement spécifique infra.  

([92]) L’article 26 de la convention prévoit en effet que « lorsque, pour l’octroi de prestations de vieillesse à caractère contributif ou pour l’accomplissement de certaines formalités, la législation de l’un des États contractants oppose aux travailleurs étrangers des conditions de résidence sur le territoire de cet État, celles-ci ne sont pas opposables aux bénéficiaires de la présente Convention résidant sur le territoire de l’autre État ».

([93]) Face à ces difficultés, l’Assistance publique-hôpitaux de Marseille et les CHU de Strasbourg et de Lyon ont rapidement cessé d’admettre des patients munis d’une prise en charge de la CNAS. L’Assistance publique des hôpitaux de Paris (AP-HP), qui a adopté en 1993 un protocole d’accord direct avec la CNAS, a continué à recevoir des patients dans ce cadre. Elle a néanmoins régulièrement déploré des difficultés pour le recouvrement de créances dont le montant a culminé à 16 millions d’euros en 2012 et était toujours de 11 millions d’euros en septembre 2015.

([94]) Étude d’impact de la loi n° 2018-149 du 2 mars 2018 autorisant l’approbation du protocole annexe à la convention générale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire sur la sécurité sociale du 1er octobre 1980 relatif aux soins de santé programmés dispensés en France aux ressortissants algériens assurés sociaux et démunis non assurés sociaux résidant en Algérie.

([95]) Loi n° 2016-274 du 7 mars 2016.

([96]) Conseil d’État, 9 février 2011, n° 324147, pour un cas où les traitements existent en Algérie mais où l’étranger fait valoir qu’ils ne sont pas accessibles à la généralité de la population, « eu égard notamment aux coûts du traitement ou à l’absence de modes de prise en charge adaptés ».

([97]) Conseil d’État, 30 avril 2009, n° 311428, pour un « syndrome persécutif à thématique politique ».

([98]) Cette baisse est toutefois moins importante que pour la totalité des TSEM entre 2023 et 2024 qui était de 10,1 %.

([99]) Cour de cassation, Assemblée plénière, 3 juin 2011, 09-69.052 : « Ces dispositions revêtent un caractère objectif justifié par la nécessité dans un État démocratique d’exercer un contrôle des conditions d’accueil des enfants ».

([100]) Cour de cassation, Assemblée plénière, 5 avril 2013, 11-17.520 « l’absence de toute discrimination fondée sur la nationalité dans le domaine d’application de l’accord implique qu’un ressortissant algérien résidant légalement dans un État membre soit traité de la même manière que les nationaux de l’État membre d’accueil, de sorte que la législation de cet État membre ne saurait soumettre l’octroi d’une prestation sociale à un tel ressortissant algérien à des conditions supplémentaires ou plus rigoureuses par rapport à celles applicables à ses propres ressortissants ».

([101]) Il s’agit en plus de l’Algérie du Maroc, de la Tunisie, de la Turquie, de l’Albanie, du Monténégro et de San Marin.

([102]) Affaire C‑664/23.

([103]) Le protocole de 2016 relatif aux soins programmés ne semble en revanche pas créer de discrimination en ce qu’il ne modifie pas les conditions applicables à tous par le code de la sécurité sociale ; il crée simplement un arrangement administratif avec une caisse étrangère ‑ ce qui relève bien du champ des conventions internationales.

([104]) Voir l’analyse de M. Rémy Schwartz « Constitution et nationalité », Les nouveaux cahiers du conseil Constitutionnel, n° 39, avril 2013.

([105]) Décision n° 2010-1 QPC du 28 mai 2010.

([106]) L’article 24 de la loi portant diverses dispositions relatives à la sécurité sociale et à la santé conférait à l’article L. 815-5 du code de la sécurité sociale une nouvelle rédaction aux termes de laquelle « l’allocation supplémentaire n’est due aux étrangers qu’en application des règlements communautaires ou de conventions internationales de réciprocité ».

([107])  « Considérant en outre que les étrangers peuvent se prévaloir d’un droit qui est propre à certains d’entre eux, reconnu par le quatrième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 auquel le peuple français a proclamé solennellement son attachement, selon lequel tout homme persécuté en raison de son action en faveur de la liberté a droit d’asile sur les territoires de la République ». Décision n° 93-325 DC.

([108]) Décision n° 2023-863 DC du 25 janvier 2024.

([109]) Conseil d’État, 5 mars 2003, n° 242860.

([110]) La liste et la nature de ces conventions a été décrite avec précision dans le cadre de la mission d’information sénatoriale précitée ; il convient de s’y reporter.

([111]) Politique migratoire : que faire de l’accord franco-algérien de 1968, Fondation pour l’innovation politique, mai 2023.

([112]) L’Insee indique cependant que le recensement de ces populations est plus difficile, et qu’il demeure possible malgré tout que certaines personnes immigrées ne soient pas comptabilisées comme telles, « notamment si elles sont en situation irrégulière et redoutent de communiquer des informations lors du recensement ».

([113]) « L’essentiel sur les immigrés et les étrangers », étude INSEE publiée le 22 mai 2025.

([114]) Insee – Étrangers - Immigrés en 202, paru le 27 juin 2024.

([115]) Publication Insee Première, n° 2010, 29 août 2024, « En 2023, 3,5 millions d’immigrés nés en Afrique vivent en France », parue le 29 août 2024. Ils étaient 839 000 en 2018.

([116]) Michèle Tribalat, Une estimation des populations d’origine étrangère en France en 2011, 2015.

([117]) A contrario, la part des personnes de plus de 60 ans originaires des anciennes colonies françaises en Indochine – Cambodge, Laos, Vietnam – est élevée (36 %) et s’accroît avec le temps (+15 points depuis 2008), ce qui tend à démontrer un tarissement des entrées en France concernant ces nationalités.

([118]) Voir l’article publié sur le blog de l’Insee le 4 avril 2024 intitulé « Population immigrée, entrées sur le territoire, titres de séjour. S’y retrouver dans les chiffres de l’immigration », qui indique par exemple que l’Insee ne recense par les personnes ayant vocation à s’installer pour une durée d’au moins un an, contrairement au ministère de l’intérieur qui comptabilise tous les titres de séjour. Par ailleurs, il peut y avoir un décalage de plusieurs années entre le moment où un même individu est considéré comme entrant sur le territoire au titre du recensement et celui où il sera comptabilisé comme primo-détenteur d’un titre de séjour.

([119]) « Estimation des flux d’immigration : réconciliation de deux sources par une approche bayésienne », Économie et Statistique n° 483-484-485, 28 avril 2016.

([120]) DGEF, Les titres de séjour - La délivrance des premiers titres de séjour : principales nationalités, 4 février 2025.

([121]) Dans le détail, les Algériens ont bénéficié de 9 % des visas de court séjour délivrés par la France, la première nationalité en la matière étant les Chinois, ce qui illustre le poids du secteur touristique pour eux. En matière de visas long séjour, les Algériens représentent 6 % de l’ensemble des nationalités, derrière les Marocains (11 %) et les Tunisiens (7 %).

([122]) À l’exclusion des acquisitions sans formalités, y compris effets collectifs.

([123]) La première nationalité est représentée par les Marocains avec 14 454 acquisitions de nationalité en 2024. Au total, 101 509 personnes ont acquis la nationalité française en 2024.

([124]) 68 306 personnes très exactement.

([125]) L’aide médicale d’État : diagnostic et propositions, Inspection générale des finances et Inspection générale des affaires sociales, octobre 2019.

([126]) DGEF, Lutte contre l’immigration irrégulière, publications des 04/02/2025 et 27/06/2025.

([127]) Le taux d’acceptation des dossiers de regroupement familial est sensiblement le même pour les Algériens par rapport à celui constaté pour les autres nationalités.

([128]) 619 premiers titres et 449 renouvellements

([129]) 2 605 premiers titres et 1 819 renouvellements. La différence entre les chiffres du ministère de l’intérieur et les chiffres de l’OFII s’explique. Les statistiques OFII correspondent à des dossiers déposés sur une période arrêtée de janvier à décembre 2024. Les statistiques du ministère correspondent à des titres de séjours accordés sur cette même période mais les décisions favorables correspondent à des dossiers déposés sur le début de l’année 2024 et 2023.

([130]) DGEF, L’immigration en France, données du recensement 2021, publié le 25 octobre 2024.

([131]) Insee, Enquête sur les revenus fiscaux et sociaux (ERFS), 27 juin 2025.

([132]) Intégration des immigrés de Franche-Comté dans leur parcours résidentiel : mieux comprendre pour mieux agir, Insee, juin 2011, n° 129.

([133]) Insee, Immigrés et descendants d’immigrés – Conditions de logement, paru le 30 mars 2023.

([134]) L’étude de l’Insee en question a un champ restreint puisqu’elle parle des « immigrés de 18 à 59 ans ».

([135]) Règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la directive 95/46/CE (règlement général sur la protection des données).

([136]) Loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés.

([137]) Pour rappel, en Île de France en 2019, les ressortissants algériens de + de 55 ans ne représentent que 2,4 % de la population selon l’étude « Étrangers - Immigrés en 2019 Région d’Île-de-France » parue en 2022 de l’Insee. Les étrangers de plus de 55 ans toute nationalité confondue représentent quant à eux 14,4 % des habitants de cette tranche d’âge en Île de France, selon cette même étude.

([138]) La CNAF indique qu’est considéré comme « foyer algérien » un foyer composé soit d’une seule personne titulaire d’un certificat de résidence algérien, soit d’un couple dont les deux personnes sont titulaires d’un titre de séjour algérien. Aussi, cette statistique exclut les foyers « mixtes », dont l’un aurait la nationalité algérienne et l’autre serait français.

([139]) Insee, Les revenus et le patrimoine des ménages édition 2024, paru le 17 octobre 2024.

([140]) Voir par exemple : « Les coûts du crime en France », Jérémie Vandenbunder, 2022 ou « Le coût du crime et de la délinquance », Jacques Bichot, 2010.

([141]) Circulaire du 5 mai 1947.

([142]) Circulaire du 20 janvier 1947.

([143]) « Immigration et développement économique et social », Études prioritaires interministérielles, par Anicet Le Pors.

([144]) Pour ceux travaillant au titre de la coopération, le pourcentage transférable a été fixé à 30 % du salaire net pour les célibataires ou hommes mariés ayant leur famille en Algérie, et à 50 % pour ceux ayant leur famille hors d’Algérie. Les autres travailleurs pouvaient transférer 25 % de leur salaire dans le premier cas, et 45 % dans le deuxième cas. Les transferts s’effectuent mensuellement sur la base de la rémunération encaissée le mois précédent. Les transferts non effectués au cours d’un ou de plusieurs mois ne peuvent se reporter sur les mois suivants, sauf autorisation de la Banque centrale d’Algérie.

([145]) Rapport d’information de Monsieur Corentin Le Fur, n° 1481, déposé le mercredi 28 mai 2025.

([146]) Les transferts de fonds depuis la France vers l’Algérie se sont élevés 1,4 milliard d’euros soit 1,6 milliard de dollars en 2023.

([147]) Données au 21 avril 2025. Pour rappel, le SMIC algérien est égal à 20 000 dinars.

([148]) Ainsi, c’est notamment du fait du poids de la fiscalité indirecte que la part des prélèvements obligatoires dans les revenus des ménages est moins élevée pour les 10 % les plus aisés (48 %) que pour les 10 % les plus modestes (64 %), selon l’Insee.

([149]) L’Italie a ainsi mis en place en janvier 2019 une taxe de 1,5 % sur chaque transfert d’argent réalisé vers une zone hors UE. Le rapporteur spécial ne dispose pas de données sur la mise en œuvre de cette disposition. Le Cameroun et la Côte d’Ivoire ont également mis en place une taxation de certains transferts (y compris entrants lorsqu’ils aboutissent à des retraits pour ce qui est du Cameroun).

([150]) Article 156 II. 2° du code général des impôts et articles 205 à 207 du code civil.