N° 1971
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 16 octobre 2025
RAPPORT D’INFORMATION
DÉPOSÉ
en application de l’article 145 du Règlement
PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES
en conclusion des travaux de la mission d’information
sur les congés parentaux,
ET PRÉSENTÉ PAR
M. Thibault BAZIN et Mme Céline THIÉBAULT‑MARTINEZ,
Députés.
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SOMMAIRE
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Pages
avant‑propos de M. Thibault Bazin, RAPPORTEUR
avant‑propos de Mme Céline Thiébault-Martinez, rapporteure
I. le recours aux congés parentaux en France aujourd’hui : VÉcu, pratiques et attentes des familles
1. Conditions d’éligibilité, durées et modalités d’indemnisation des congés parentaux « courts »
b. Les congés de naissance, de paternité et d’accueil du jeune enfant
a. Un congé long et faiblement rémunéré via la prestation partagée d’éducation de l’enfant (PreParE)
b. Moins de 15 % des familles bénéficient aujourd’hui de la PreParE
c. La PreParE bénéficie tendanciellement davantage aux mères issues des catégories intermédiaires
1. Congés parentaux et modes de garde choisis ou « subis »
c. Garder son enfant soi-même en « bricolant » des congés ?
b. Les mères employées ou ouvrières se retirent plus souvent du marché du travail
C. Des dépenses stables dont le pilotage et le suivi pourraient être améliorés
1. Des dépenses relativement stables malgré la baisse du nombre de naissances
a. Les dépenses liées aux congés de maternité et de paternité : des dynamiques différentes
b. Les dépenses liées à la PreParE : une division par deux depuis 2015
c. Les autres dépenses liées aux congés parentaux
2. Un manque persistant de pilotage et de suivi des dépenses de congés de maternité et de paternité
D. Le modÈle français des congÉs parentaux en comparaison internationale
1. Une diversité marquée des systèmes de congés parentaux
2. Un congé à la disposition des mères plus court mais mieux rémunéré en France qu’à l’étranger
3. Un congé réservé aux pères théoriquement plus long mais faiblement indemnisé dans la durée
4. Un taux de recours aux congés parentaux par les pères particulièrement faible en France
A. L’accès aux droits À congés et l’ÉquitÉ entre les diffÉrents rÉgimes de sÉcurité sociale
1. Une convergence des droits à poursuivre
b. Un suivi inexistant des congés pathologiques
1. L’instauration de la PreParE en 2014 n’a pas atteint ses objectifs
c. L’échec de l’incitation au partage du congé et des responsabilités parentales au sein du couple
e. L’impact de la réforme de la PreParE à Asnières‑sur‑Seine : un exemple de cas local
2. Les effets de l’allongement de la durée du congé de paternité depuis 2021
1. Mieux accompagner la parentalité au travail avant, pendant et au retour de congés parentaux
a. Santé mentale des mères et 1 000 premiers jours de l’enfant
b. Un déploiement encore embryonnaire du service public de la petite enfance
c. Garantir un environnement plus favorable aux familles dans un contexte où la natalité baisse
1. Un allongement des congés de maternité et de paternité
a. Les propositions relatives à un allongement du congé de maternité
b. Un alignement de la durée du congé de paternité sur celle du congé de maternité ?
2. Un congé parental plus court mais mieux rémunéré
c. Un coût qu’il est difficile d’estimer faute de consensus sur les paramètres
3. Vers la fusion des dispositifs existants dans un congé parental unique ?
4. Quel financement pour une réforme des congés parentaux ?
ANNEXE : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNéES PAR Les RAPPORTEURs
Depuis les annonces du Président de la République en faveur d’un nouveau congé de naissance, plus court et mieux rémunéré, lors de sa conférence de presse du 16 janvier 2024 ([1]), les contours d’une future réforme des congés parentaux en France restent à définir. Les attentes des parents et de la société civile pour une rénovation globale du cadre des congés pris autour de la naissance et des premières années de l’enfant sont fortes, comme en témoigne la pétition relative à l’allongement de la durée du congé maternité qui, après avoir recueilli plus de 40 000 signatures, fut examinée par la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale le 12 juillet 2023 ([2]). Il est urgent d’y apporter des réponses et établir des propositions concrètes de manière à construire en France le cadre le plus propice à l’exercice d’une parentalité sereine, librement choisie et plus équitablement partagée entre les hommes et les femmes.
Dans la perspective d’une prochaine réforme, la présente mission d’information vise à informer utilement les débats en dressant un état des lieux précis du cadre applicable aux congés parentaux en France et des manières dont les parents y recourent et vivent leurs congés. Elle défend une approche globale des congés parentaux qui tienne compte à la fois des modes de garde et d’accueil choisis par les parents dans les trois premières années de vie de leur enfant ainsi que des effets différenciés de la maternité et de la paternité sur les trajectoires et la vie professionnelles des mères et des pères. À l’appui de ce constat, la mission envisage plusieurs scénarios de réforme et en évalue à la fois l’opportunité et le coût.
Pour aboutir à leurs conclusions, les rapporteurs ont rencontré et auditionné des experts et chercheurs ainsi que des représentants de l’Institut national d’études démographiques (Ined), de la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees) et de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) ; des associations dont l’Union nationale des associations familiales (Unaf) ; les organisations syndicales représentatives de salariés et patronales, les administrations de la sécurité sociale – dont la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf), la Caisse nationale de l’assurance maladie (Cnam) et la Caisse centrale de la mutualité sociale agricole (CCMSA) – ainsi que les services compétents du ministère du travail, de la santé, des solidarités et des familles. Ils ont également échangé avec des représentants de la Commission européenne, de collectivités locales et du monde de l’entreprise.
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● Le champ de leur mission couvre les deux principaux types de congés parentaux existants en France pouvant être pris autour de la naissance jusqu’au troisième anniversaire de l’enfant :
– d’une part, le congé de maternité, le congé de paternité et d’accueil du jeune enfant et le congé d’adoption, qui sont des congés « courts » d’une durée de seize semaines pour une adoption et pour la mère dans le cas d’une naissance simple de rang 1 ou 2 et de vingt-cinq jours (dont quatre jours obligatoires) ([3]) pour le père ou second parent depuis la réforme entrée en vigueur en juillet 2021 ([4]). Ces congés donnent droit à des indemnités proportionnelles aux revenus du bénéficiaire et plafonnées dans le secteur privé – sous réserve de dispositifs conventionnels ouvrant droit à un complément – et au maintien intégral de la rémunération dans le secteur public ;
– d’autre part, le congé parental d’éducation. Ce congé « long » d’une durée d’un an au plus pouvant être prolongée deux fois jusqu’au troisième anniversaire de l’enfant ([5]) peut faire l’objet, sous certaines conditions, d’une rémunération « à taux plein » en cas d’arrêt total de l’activité ou à « taux partiel » pour une activité à temps partiel via la prestation partagée d’éducation de l’enfant (PreParE) d’un montant forfaitaire ([6]). Depuis 2015 ([7]), la durée maximale de versement de la PreParE est de six mois par parent pour le premier enfant et de deux ans par parent à partir du deuxième enfant.
● Si la plupart des parents utilisent leurs droits aux congés de maternité et de paternité à la naissance de leur enfant, des disparités importantes demeurent entre les pères et les mères d’une part, et selon la situation dans l’emploi d’autre part :
– bien qu’en progression, le congé de paternité demeure moins pris par les pères que le congé de maternité ne l’est par les mères : en 2021, 93 % des mères éligibles recourent ainsi à un congé de maternité contre 71 % des pères éligibles (+5 points par rapport à 2013 parmi l’ensemble des pères) ;
– les travailleurs indépendants, les chômeurs indemnisés et les salariés en contrat court ou discontinu (contrat à durée déterminée, intérim) continuent d’y recourir significativement moins ([8]). Les rapporteurs appellent à ce titre à renforcer l’information sur les droits aux congés trop souvent méconnus par les travailleurs qui ne sont pas en contrat à durée indéterminée (CDI).
Le congé parental long apparaît quant à lui plus rarement pris, en lien avec la faible attractivité de la PreParE dont le nombre de bénéficiaires chute de manière continue avec 209 000 familles bénéficiaires en juin 2023, soit moitié moins par rapport à 2015. 94 % de ses bénéficiaires sont des femmes ([9]).
● Le recours aux congés parentaux est à remettre en perspective avec les manières dont les parents choisissent de garder leur enfant après la naissance et adaptent leurs vies professionnelles en conséquence. Il apparaît à ce titre que :
– les mères ajustent, interrompent ou réduisent plus fréquemment leur activité professionnelle que les hommes après une naissance. Ces ajustements différenciés des temps professionnels creusent les inégalités salariales entre les hommes et les femmes et pénalisent durablement les trajectoires professionnelles des mères, notamment celles des mères les moins favorisées qui ont une probabilité plus importante de cesser leur activité ou de prendre un temps partiel pour garder leur enfant elle-même ([10]). Dans une note récente du Conseil d’analyse économique ([11]), la perte de revenus dans les dix premières années de l’enfant a pu être estimée à près de 38 % pour les femmes par rapport à une situation où elles n’auraient pas eu d’enfants. La Fondation des femmes évoque à ce titre « le coût d’être mère » qui se mesure tant à court terme qu’à long terme sur les carrières et les retraites des mères ([12]) ;
– plus de la moitié des enfants de moins de 3 ans sont gardés à titre principal par un de leurs parents (le plus souvent la mère) en journée pendant la semaine ; la seconde moitié étant accueillie chez une assistante maternelle ou un établissement d’accueil du jeune enfant (EAJE).
La garde parentale exclusive (sans recours à titre secondaire à un mode d’accueil formel) concerne 34 % des enfants de moins de 3 ans. Ce choix peut parfois être « subi » en l’absence de solution d’accueil accessible et de proximité ([13]) mais il peut également être choisi, notamment dans les premiers mois de l’enfant ; 46 % des familles estimant que la garde parentale serait le mode d’accueil le plus adapté entre les six mois et le premier anniversaire de l’enfant, d’après une étude de la Caisse nationale des allocations familiales ([14]).
Au regard de ces éléments, il apparaît aujourd’hui probable qu’à l’issue de la durée légale du congé de maternité, un grand nombre de parents continue de garder leur enfant par eux-mêmes en semaine en dehors de tout congé parental « formel ». Pour allonger la période d’interruption du travail après la naissance, certains parents « bricolent » en ayant recours à d’autres types de congés comme des congés annuels – 40 % des pères et des mères en emploi salarié en 2021 ([15]) – voire à des périodes de chômage indemnisé. Ces choix dépendent toutefois étroitement de la situation socioprofessionnelle des parents.
● Sur le plan des finances publiques, les dépenses en faveur des congés parentaux ont représenté 4,7 milliards d’euros en 2023, dont
– 3,2 milliards d’euros d’indemnités journalières de maternité ;
– 0,7 milliard d’euros d’indemnités journalières de paternité et d’accueil du jeune enfant ;
– 0,7 milliard d’euros de PreParE ([16]).
Le total des dépenses publiques en faveur des congés parentaux est relativement stable depuis une dizaine d’années mais les différentes prestations connaissent des dynamiques très différentes :
– les dépenses liées au congé de maternité et de paternité ont augmenté de 0,7 milliard d’euros en huit ans (+ 19 %). La hausse est particulièrement forte s’agissant du congé de paternité puisque, à l’évolution des montants moyens des indemnités journalières perçues, s’est ajoutée une augmentation du nombre de journées indemnisées du fait de l’allongement de sa durée par la réforme de 2021. La conjonction de ces deux effets a plus que compensé la diminution du nombre de bénéficiaires liée à la baisse de la natalité en France.
– les dépenses liées à la PreParE connaissent une dynamique exactement inverse puisqu’elles ont été divisées par deux depuis 2015 (de 1,6 milliard d’euros à 0,7 milliard d’euros). Le ralentissement des naissances s’est accompagné d’une baisse du taux de recours que les rapporteurs se sont attachés à étudier.
De façon indirecte, l’arrivée des enfants dans le foyer peut également induire d’autres dépenses publiques dont les plus significatives sont celles liées aux dispositifs de compensation prévus par le système de retraite.
En effet, les congés de maternité et d’adoption influent sur le montant des pensions de retraite à la fois en tant que périodes assimilées prises en compte pour déterminer le taux de la pension, mais également car les indemnités journalières perçues à ce titre entrent dans le calcul du salaire annuel moyen (SAM) auquel s’applique ce taux.
En outre, certains dispositifs visent à compenser l’effet qu’une interruption de travail liée à l’arrivée et à l’éducation des enfants exerce sur les droits à la retraite :
– les majorations de durée d’assurance (MDA) au titre de la maternité, de l’adoption et de l’éducation qui consistent en l’attribution de trimestres validés « gratuitement », dont l’effet sur les pensions de droit direct était estimé à 11,3 milliards d’euros en 2022 ([17]) ;
– l’assurance vieillesse des parents au foyer (AVPF) qui permet une affiliation au régime général des parents qui s’interrompent de travailler pour s’occuper de leurs enfants en contrepartie du versement de cotisations par la Cnaf (5,1 milliards d’euros en 2024) ([18]). En 2022, la prise en compte des trimestres au titre de l’AVPF représentait un montant de dépenses supplémentaires pour les régimes de retraites estimé à 3,7 milliards d’euros ([19]).
Les dépenses d’assurance vieillesse directement imputables à ces dispositifs de compensation à la retraite sont difficilement estimables et la part que représentent les congés parentaux en leur sein l’est encore plus puisque la prise des seconds n’est pas la seule condition de l’éligibilité aux premiers. Dans la lignée de travaux récents ([20]), les rapporteurs constatent en outre que l’articulation des dispositifs de compensation avec les congés parentaux n’est pas toujours très claire, en particulier car ils ne sont pas toujours conditionnés à la réduction ou la cessation d’activité réelle des parents.
Dans le prolongement des travaux que mène actuellement le Conseil d’orientation des retraites (COR) sur la question, il serait judicieux qu’une évolution des droits familiaux à la retraite prenne en compte la question des congés parentaux et inversement.
Au‑delà des masses financières concernées, il apparaît que les dépenses liées aux congés parentaux ne font pas l’objet d’un suivi ni d’un pilotage suffisants. Ce constat est particulièrement vrai pour les dépenses d’indemnités journalières de maternité et de paternité, considérées comme des dépenses « subies » par les caisses primaires d’assurance maladie et les caisses de mutualité sociale agricole, presque exogènes aux politiques mises en œuvre.
À ce titre, rejoignant une interrogation formulée par la Cour des comptes ([21]), il apparaît nécessaire de mieux intégrer aux futures conventions d’objectifs et de gestion entre la Cnam et la CCMSA un véritable dispositif de suivi du recours aux congés de maternité, d’adoption et de paternité et des dépenses d’indemnités journalières qui y sont associées, afin de lier les résultats à des indicateurs de suivi de la santé des mères et des enfants.
● La comparaison internationale des systèmes de congés parentaux illustre les disparités existantes entre États et fait ressortir plusieurs spécificités du modèle français ([22]) :
– la durée du congé à la disposition des mères est relativement moins longue en France (42 semaines) que dans les autres pays (51,9 semaines en moyenne dans les pays de l’OCDE), sauf pour le cas spécifique des mères de deux enfants ou plus et son indemnisation, plutôt favorable pour ce qui concerne les deux premiers mois et demi suivant la naissance (c’est-à-dire pendant le congé de maternité), l’est beaucoup moins s’agissant des périodes ultérieures. Plus spécifiquement, la durée du congé de maternité (16 semaines) y est moins longue que dans la moyenne des pays de l’OCDE (18,4 semaines) ;
– la durée du congé réservé aux pères est, en théorie, plus longue en France (30 semaines) que dans la plupart des autres pays (12,7 semaines en moyenne) mais ce constat doit toutefois être nuancé du fait du faible taux de recours des pères au congé parental d’éducation (en 2016, environ 5 % des utilisateurs du congé parental étaient des hommes tandis qu’ils étaient 40 % au Portugal, en Norvège, en Suède, au Danemark ou encore en Islande). En matière d’indemnisation, si elle est plutôt favorable pour ce qui concerne le premier mois (qui correspond au congé de paternité), elle est très faible s’agissant des périodes ultérieures.
Ce constat mitigé s’agissant du niveau d’indemnisation s’explique par les paramètres de la PreParE. En effet, sur le seul champ du congé parental d’éducation au sens français ([23]), la France fait partie des pays qui prévoient des congés longs et faiblement rémunérés avec la Hongrie, la République tchèque et la Slovaquie par exemple, par contraste avec ceux qui mettent à disposition des congés plus courts mais mieux indemnisés tels que les pays scandinaves, le Portugal ou le Luxembourg pour ne citer que quelques exemples.
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Dans une perspective dynamique, les réformes intervenues ces dix dernières années témoignent des objectifs divers attribués aux congés parentaux et laissent voir des marges de progrès persistantes.
● Elles ont d’abord poursuivi un objectif d’harmonisation entre régimes. L’alignement du congé de maternité des travailleuses indépendantes et des agricultrices sur celui des salariées, acté par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2019 ([24]), a constitué une avancée en matière d’équité. Toutefois, certaines disparités demeurent, notamment concernant le congé pathologique ou le congé d’adoption, dont les conditions d’indemnisation et de durée diffèrent encore selon les régimes. Les rapporteurs suggèrent de poursuivre cette œuvre d’harmonisation en alignant le montant minimal des indemnités journalières de maternité et les durées du congé d’adoption des indépendantes sur celles prévues pour les assurés du régime général. Ils proposent en outre d’assouplir les règles permettant le recours au service de remplacement pour les non‑salariés agricoles, spécificité de leur régime.
● L’allongement du congé de paternité à vingt‑cinq jours calendaires en juillet 2021, dont sept obligatoires, marque un tournant vers une meilleure reconnaissance du rôle des pères près de vingt ans après sa création. L’absence de données statistiques récentes ne permet malheureusement pas une évaluation quantitative rigoureuse des effets de cette réforme sur les modalités de recours au congé de paternité en population générale. La dernière vague de l’enquête « Modes de garde et d’accueil des jeunes enfants » de la Drees date de 2021. À la date de sa collecte, 65 % des pères avaient déjà pris la totalité des vingt‑cinq jours et 20 % avaient fractionné leur congé. Ces premières données suggéraient une bonne appropriation de la réforme mais n’informaient pas des disparités de recours ni de la proportion de pères qui ne le prennent pas en totalité.
Plusieurs freins au recours au congé par les pères persistent aujourd’hui, parmi lesquels se trouvent les conditions d’indemnisation (en l’absence de maintien de la totalité du salaire par l’entreprise), la méconnaissance des droits au congé et des obstacles informationnels et administratifs ([25]). Ces freins seraient d’autant plus prégnants pour les indépendants, les salariés en contrat précaire et les demandeurs d’emploi.
Outre la méconnaissance de leurs droits, les entretiens menés auprès de pères suite à la réforme du congé de paternité de 2021 ([26]) témoignent de pressions, réelles ou ressenties, dans l’environnement de travail incitant les hommes à ne pas mettre de côté trop longuement leurs obligations professionnelles. Les études qualitatives mettent en avant des attentes et des normes contradictoires concernant la présence paternelle auprès de l’enfant et la présence continue des hommes sur leur lieu de travail.
Du point de vue de l’organisation familiale, si la période du congé de paternité a pu parfois être décrite comme une « parenthèse enchantée » au cours de laquelle on assiste à un rééquilibrage temporaire des tâches parentales et domestiques, celle‑ci tend à se refermer au moment du retour à l’emploi du père. De fait, quelques mois après la naissance, la priorité est presque toujours redonnée à l’emploi ([27]).
● L’instauration de la PreParE en 2015 visait à favoriser un meilleur partage du congé parental d’éducation entre les deux parents et à lutter contre l’éloignement des mères du marché du travail en raccourcissant la durée maximale d’indemnisation à vingt‑quatre mois par parent dans une limite de trente‑six mois au total pour les parents de deux enfants ou plus et en l’allongeant à douze mois pour le premier enfant dont six mois au maximum par parent. Dans les faits, ces ambitions n’ont pas été atteintes.
Sur le retour à l’emploi des mères, les évaluations montrent des effets positifs à court et moyen terme quoique insuffisants : la probabilité d’être en emploi au cours de la troisième année de l’enfant augmente d’environ 20 points, effet mécanique de la suppression de l’indemnisation après vingt‑quatre mois tandis que celle d’être en emploi entre le troisième et le sixième anniversaire de l’enfant augmente d’environ 3,4 points. Autrement dit, un certain nombre de mères qui n’auraient pas repris une activité après trois années de congé parental indemnisé l’ont fait lorsque ce congé ne durait que deux années ([28]). La réforme s’est en outre accompagnée d’une augmentation du revenu d’activité des mères, conséquence de son effet sur l’emploi, mais également des allocations chômage perçues, traduisant le fait qu’une partie d’entre elles n’a pas repris d’emploi au cours de la troisième année de leur enfant ([29]). Enfin, cette situation masque d’importants contrastes selon les caractéristiques socio‑économiques des familles concernées que les rapporteurs se sont attachés à décrire.
S’agissant de l’incitation à la prise du congé parental par les pères, le constat d’échec est unanime : le taux de recours des pères éligibles se maintient à moins de 1 % pour la PreParE à taux plein et environ 2 % pour la PreParE à taux partiel ([30]). L’indemnisation forfaitaire (456,05 euros en 2025 à taux plein) reste trop faible pour compenser la perte de revenu associée à un congé parental pour les pères dont le revenu est bien souvent supérieur à celui de leur conjointe. Cet effet se conjugue à un problème de méconnaissance du dispositif ainsi qu’à une forme de stigmatisation à la prise du congé parental par les pères dans une société où l’éducation et le soin apportés aux jeunes enfants incombent encore essentiellement à la mère.
En pratique, la réforme a donc davantage contribué à réduire la durée moyenne d’indemnisation des congés parentaux qu’à favoriser une prise effective par les pères.
Au total, le système français présente une configuration contrastée : un congé de maternité relativement bien indemnisé mais plus court que dans d’autres pays, un congé de paternité désormais étendu mais encore sous-utilisé, et un congé parental long mais faiblement rémunéré. Ce triptyque illustre un équilibre fragile entre protection de la santé maternelle, égalité professionnelle et accompagnement de la petite enfance, et appelle à une refonte d’ensemble pour garantir à la fois lisibilité, équité et attractivité des congés parentaux.
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● Tout projet de réforme des congés parentaux doit s’inscrire dans une approche globale de la parentalité qui prenne en considération leurs temps professionnels ainsi que leurs usages de solutions d’accueil « formels » pendant, avant ou après un congé à la naissance de l’enfant. À ce titre, les rapporteurs constatent d’une manière générale un retard en France sur les enjeux d’articulation entre temps professionnels et temps familiaux dans le monde du travail, de même que la persistance alarmante de discriminations en lien avec la grossesse et la parentalité ([31]). La prégnance de normes et pratiques professionnelles hostiles aux contraintes familiales contribue aujourd’hui à freiner en France le recours au congé pour les pères et inversement, la reprise d’activité pour les mères.
Si quelques secteurs et grandes entreprises se distinguent par de bonnes pratiques en la matière et peuvent prévoir des dispositions conventionnelles particulièrement avantageuses pour leurs salariés en matière de congés parentaux et d’accompagnement à la parentalité avant et après la naissance ([32]), les salariés demeurent très inégalement concernés. Les rapporteurs recommandent de renforcer le dialogue social et rendre obligatoire la négociation collective sur ces sujets tant à l’échelle des branches que des entreprises, et d’inciter à la diffusion de bonnes pratiques de manière à favoriser des transitions « douces » avant et au retour d’un congé de maternité, de paternité ou parental (aménagements du temps de travail, encadrement des horaires de réunions, télétravail, temps partiel, entretien professionnel, etc.).
● Ces considérations rejoignent les préconisations issues des travaux de la commission présidée par le neuropsychiatre Boris Cyrulnik sur les 1 000 premiers jours de l’enfant qui appellent à améliorer l’accompagnement des parents durant cette période considérée comme clef pour le développement de l’enfant et également la santé des parents, notamment au regard de la prévalence et du sous‑diagnostic des situations de dépression du post-partum pouvant affecter les mères ([33]). Les rapporteurs recommandent de mieux articuler la prise de congés parentaux au parcours des « 1 000 premiers jours » et d’y intégrer en particulier des possibilités d’accompagnement renforcé ainsi qu’une information systématique sur les droits aux congés pour lutter contre le non-recours.
● Enfin, afin de favoriser un environnement de confiance pour les familles, particulièrement attendu dans le contexte de déclin de la natalité en France depuis une dizaine d’années ([34]), une réforme des congés parentaux ne devrait pas rendre moins prioritaire celle du service public de la petite enfance ([35]) ainsi que le déploiement effectif de 200 000 nouvelles places d’accueil supplémentaires attendues à l’horizon 2030 ([36]). Il convient à la fois de créer les conditions d’un véritable choix entre une garde parentale rémunérée par un congé parental et le recours à un mode d’accueil « formel » ([37]) pouvant permettre une reprise d’activité ; et de faciliter, aux différents âges de l’enfant, les transitions entre les périodes de congé de manière à répondre à la diversité des aspirations parentales en France. Les rapporteurs rappellent que l’offre d’accueil « formel » demeure très inégalement répartie d’un territoire à l’autre et diminue globalement depuis 2017, en particulier du fait de la baisse continue du nombre de places offertes auprès d’assistantes maternelles (– 116 000 places entre 2013 et 2022) ([38]).
● Sur le sujet de la réforme des congés parentaux, les travaux des rapporteurs ont conduit à dégager plusieurs pistes de travail sans toutefois permettre de trouver un consensus sur les paramètres d’une évolution structurelle des dispositifs, par ailleurs appelée de leurs vœux par l’intégralité des personnes auditionnées.
Sur la méthode, il apparaît plus pertinent de mener une réflexion d’ensemble sur l’évolution des congés de maternité d’une part et de paternité et d’accueil de l’enfant d’autre part tant leur articulation influe sur les choix des familles et la répartition des tâches parentales.
● Sur le fond, et de façon générale, la question de l’allongement de leur durée a été centrale lors des auditions. Les rapporteurs recommandent ainsi d’allonger la durée du congé de maternité postnatal de deux semaines afin de l’aligner sur la moyenne des pays de l’OCDE. Une telle proposition représenterait un coût estimé à 0,4 milliard d’euros pour la branche famille.
Les rapporteurs assument leurs divergences quant aux évolutions souhaitées du congé de paternité et d’accueil de l’enfant : dans un objectif d’égalité entre les femmes et les hommes, la rapporteure propose, à court terme, de rendre obligatoire la prise du congé dans son intégralité avant d’envisager, dans un second temps, d’aligner sa durée sur celle du congé de maternité ; le rapporteur suggère quant à lui de maintenir la durée actuelle du congé de paternité mais de permettre d’accroître les possibilités de fractionnement afin de le rendre plus souple et modulable.
● S’agissant du congé parental d’éducation et de la PreParE, les auditions ont permis de dégager un consensus sur la nécessité d’instaurer une forme de congé court et mieux rémunéré. Sans entrer dans le détail de la durée, les rapporteurs recommandent que soit mise en place une indemnisation proportionnelle aux revenus comme cela existe dans la plupart des pays européens. Une telle réforme représenterait en effet un premier pas important dans une démarche de refonte des congés parentaux et serait susceptible d’améliorer le recours des pères. La rapporteure préconise de combiner, à l’image du modèle suédois, une indemnisation équivalente à près de 80 % du salaire, dans la limite d’un plafond, avec un système de quotas non transférables pour chaque parent.
Les auditions ont toutefois permis de constater une volonté partagée de maintenir une forme de congé long et moins bien indemnisé, qu’il s’agisse du maintien de la PreParE actuelle ou de l’intégration au sein d’un futur congé de naissance d’un congé de longue durée sous forme de droit d’option. Ce point a d’ailleurs été évoqué à de nombreuses reprises comme l’une des principales critiques du scénario de réforme des congés parentaux initialement envisagé par le Gouvernement.
Les rapporteurs appellent en outre à ce qu’une réforme des congés parentaux prenne en considération la diversité des situations. Elle devra notamment assurer une équité de traitement pour les familles monoparentales et ménager des possibilités de prise du congé à temps partiel ainsi que des modalités de fractionnement sur de longues durées. Certains pays tels que la Suède offrent à ce titre des exemples dont il pourrait être possible de s’inspirer.
Les auditions ont également tracé des pistes s’agissant d’une réforme plus ambitieuse consistant à fusionner les dispositifs de congés de maternité postnatal, de paternité et parental en un dispositif unique, sur le modèle de ce qui existe dans certains pays tels que la Norvège. Sans trancher sur l’opportunité d’une telle réforme qui nécessite un véritable débat public, les rapporteurs évoquent les avantages et inconvénients qu’il est possible d’en attendre ainsi que les questions auxquelles il conviendrait d’apporter des réponses.
● Quels que soient les choix qui pourraient être faits à l’avenir, ces réformes auraient un coût que les rapporteurs se sont attachés à évaluer lorsque cela était possible. La branche famille étant sur une trajectoire financière structurellement favorable du fait de la baisse de la natalité, elle pourrait être en capacité d’absorber des dépenses supplémentaires à moyen‑terme : le Haut Conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge projette ainsi un excédent compris entre 4,5 et 6 milliards d’euros pour la branche famille à l’horizon de 2029 ([39]).
Afin de ne pas dégrader les finances publiques dans leur ensemble, des pistes de compensations financières devraient toutefois être trouvées, qu’il s’agisse de recettes supplémentaires ou d’économies en dépenses. En recettes, les gains attendus pour la branche famille de la réforme des allégements généraux résultant de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 devraient être préservés et ne pas faire l’objet d’un transfert vers d’autres branches. En dépenses, une réflexion d’ensemble sur les dispositifs de compensation de l’arrivée des enfants sur les droits à la retraite pourrait être menée en lien avec les travaux du Conseil d’orientation des retraites sur le sujet. Celle‑ci devrait tenir compte de l’effet au niveau individuel entre chaque assuré mais aussi au niveau du foyer.
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avant‑propos de M. Thibault Bazin, RAPPORTEUR
La mission d’information sur les congés parentaux a été créée par la commission des affaires sociales pour dresser un état des lieux complet d’un dispositif central de la politique familiale en France. Elle a conduit ses travaux dans un contexte de baisse continue de la natalité – avec un indice conjoncturel de fécondité tombé à 1,62 enfant par femme en 2024, son plus bas niveau depuis 1994, ou encore une baisse de 21,5% du nombre de bébés nés en France entre 2010 et 2024 – et d’interrogations croissantes sur la nécessaire articulation entre vie familiale et vie professionnelle.
Le rapporteur souhaite en premier lieu faire part d’une forme de frustration liée au fait que les travaux de la mission ont mis en lumière une carence de données statistiques sur plusieurs points pourtant essentiels. Il demeure en effet aujourd’hui difficile de relier les choix des familles en matière de congé parental à leurs aspirations profondes : souhait de passer plus de temps auprès du jeune enfant, difficultés d’accès à un mode de garde, arbitrages économiques au sein du couple, ou encore désir d’adapter le rythme de travail. Si l’enquête « Modes de garde et d’accueil des jeunes enfants » menée par la direction de la recherche, de l’évaluation, des études et des statistiques (Drees) des ministères sociaux fournit des éléments précieux, elle ne permet pas d’appréhender avec suffisamment de précision les parcours discontinus ni les arrangements intermédiaires auxquels recourent de nombreux parents : congés sans solde, temps partiel, interruptions temporaires d’activité.
Cette insuffisance des données ne permet pas de lever le voile sur les comportements parentaux et limite de facto la portée des réformes envisagées. Le rapporteur appelle à un effort renforcé d’observation statistique et d’évaluation : connaître plus finement les motivations, contraintes et attentes des familles est une condition préalable à toute évolution du dispositif.
Au-delà de la question fondamentale d’une éventuelle réforme structurelle des congés parentaux, la mission d’information a souhaité embrasser un champ d’étude large, fidèle à l’esprit des politiques familiales françaises qui reposent sur une articulation, parfois complexe, entre soutien à la natalité, égalité professionnelle et accompagnement de la petite enfance.
La mission a ainsi examiné l’ensemble des paramètres qui influent sur la réussite du dispositif : niveau et durée de l’indemnisation, conditions d’accès pour les travailleurs indépendants et les agents publics, articulation entre les congés de maternité et de paternité, prise en compte des naissances multiples ou encore compatibilité avec le retour progressif à l’emploi.
Cette approche globale vise à mieux comprendre les obstacles concrets rencontrés par les familles et à identifier des marges d’évolution réalistes, susceptibles d’améliorer le recours au congé.
Les constats formulés au fil du rapport laissent entrevoir plusieurs pistes de progression pragmatiques. Certaines relèvent d’ajustements dits « paramétriques » mais auraient des effets tangibles sur la vie quotidienne des parents : adaptation des durées minimales de congé pour plus d’équité, assouplissement des règles de cumul avec une activité à temps partiel, simplification des démarches administratives ou encore meilleure information des familles.
Ces évolutions, si elles sont coordonnées entre régimes et accompagnées d’une politique d’accueil du jeune enfant renforcée, pourraient rendre le dispositif plus lisible et plus attractif, sans aller jusqu’à en bouleverser la philosophie ni en dégrader la soutenabilité financière.
Elles traduisent la conviction du rapporteur que des progrès sont possibles sans attendre une réforme radicale : elle peut consister à rendre un droit existant plus simple, plus souple et plus accessible à tous.
Évidemment, la mission s’est également attachée à traiter de la question maintes fois évoquée d’une réforme structurelle des congés parentaux.
Malgré ses limites, le congé parental demeure une composante essentielle du pacte social français. Il offre aux parents une possibilité de choix et un temps de respiration dans les premières années de la vie de l’enfant, période cruciale pour la construction du lien d’attachement et l’équilibre familial. Les auditions menées ont ainsi souligné ses effets bénéfiques : amélioration du bien-être de l’enfant, réduction du stress parental, consolidation du rôle éducatif des deux parents. Les recherches menées par la Drees et par la commission des « 1000 premiers jours » confirment ces dimensions positives : près de 80 % des parents déclarent avoir apprécié le temps passé auprès de leur enfant pendant cette période, et plus de 60 % des mères affirment qu’elles auraient souhaité reprendre plus progressivement leur activité professionnelle si les conditions financières ou organisationnelles le leur avaient permis.
Le rapporteur tient à souligner que la clef d’une réforme réussie réside dans la souplesse et la liberté de choix laissées aux familles. Le dispositif actuel demeure trop rigide : la PreParE impose des durées standardisées, difficilement conciliables avec la diversité des situations professionnelles et familiales. Or, comme le montre la comparaison européenne, des voies sont possibles pour concevoir des dispositifs offrant une flexibilité accrue : fractionnement du congé, possibilité de travail à temps partiel modulé, partage libre entre les parents, ou encore utilisation jusqu’à un âge plus avancé de l’enfant.
Pour améliorer le recours aux congés parentaux, le rapporteur appelle à sa revalorisation d’une part mais également à un assouplissement de ses paramètres, notamment par :
– une modularité accrue de la durée, avec des formules plus courtes mais mieux indemnisées, notamment en proportion du revenu, ou plus longues et faiblement indemnisées selon le choix du ménage ;
– la possibilité d’un fractionnement du congé, pour permettre aux parents d’alterner périodes d’activité et de présence auprès de l’enfant ;
– une meilleure articulation avec les modes d’accueil (crèches, assistantes maternelles) afin d’éviter les ruptures de prise en charge.
Ces pistes visent à replacer les familles au centre de la décision, en reconnaissant la diversité de leurs aspirations et la pluralité de leurs contraintes concrètes.
Dans cette même perspective, le rapporteur souligne la nécessité d’une meilleure adaptation des dispositifs de congés parentaux à la réalité de certaines situations familiales : d’une part, celles des familles accueillant ou souhaitant accueillir un troisième enfant, dont les équilibres économiques et professionnels sont souvent fragilisés ; d’autre part, celles des familles ayant la charge d’un enfant en situation de handicap, confrontées à des contraintes spécifiques d’organisation, de soins et de disponibilité. Il s’agit, pour le législateur, de mieux cerner, cibler et accompagner ces réalités, afin que le droit du congé parental réponde pleinement à son ambition initiale.
Le rapporteur souligne enfin que les dispositifs de soutien à la parentalité et ceux visant à compenser les effets de celle-ci sur les droits à la retraite demeurent insuffisamment articulés.
Leur coexistence au sein de régimes multiples – congés parentaux, majorations de durée d’assurance, validations de trimestres via l’assurance vieillesse des parents au foyer – se traduit par une grande complexité administrative et une méconnaissance fréquente des droits par les assurés eux-mêmes. Cette situation contribue à fragiliser la lisibilité du système et justifie de mieux coordonner les politiques familiales et sociales, afin d’assurer une reconnaissance cohérente du rôle parental tout au long de la vie professionnelle.
Le rapporteur espère que ces travaux contribueront à nourrir un débat lucide, dépassionné et éclairé par l’étude des données disponibles. Il ne s’agit pas d’imposer un modèle unique de parentalité, mais de donner à chacun les moyens de choisir librement, sans que ce choix ne se traduise par une perte durable d’emploi, de revenu ou de perspective de carrière.
Au-delà des paramètres techniques ou des réformes structurelles, il invite enfin à réaffirmer une vision positive de la parentalité. Le modèle français de soutien à la famille, longtemps source de fierté nationale, doit reposer sur cette conviction : la maternité et la paternité, pour ceux qui la désirent, ne sont pas seulement un coût à estimer et des charges à compenser, mais des expériences de vie fondatrices, porteuses de richesse, d’épanouissement et de lien social.
Reconnaître la valeur du temps parental, mieux l’articuler avec la vie professionnelle et offrir des droits réels à la flexibilité : tel est, selon le rapporteur, le cap que doit suivre toute réforme ambitieuse des congés parentaux.
avant‑propos de Mme Céline Thiébault-Martinez, rapporteure
Lorsque le Président de la République a renouvelé, en 2022, l’engagement de faire de l’égalité entre les femmes et les hommes la « grande cause du quinquennat », beaucoup ont voulu y voir un signal fort, porteur d’espoir. Espoir d’un changement concret, d’une traduction législative enfin à la hauteur des ambitions affichées. Trois ans plus tard, force est de constater que ces promesses n’ont pas trouvé leur prolongement dans les actes.
Je ne reviendrai pas sur l’ensemble des réformes demeurées inabouties, qu’il s’agisse de la lutte contre les violences sexistes et sexuelles, de l’égalité salariale ou encore de la précarité menstruelle. Je concentrerai ici mes propos sur un domaine qui cristallise, à lui seul, une grande partie de ces renoncements : les congés parentaux.
Ce sujet, qui touche à la fois à la place des femmes dans notre société, à l’articulation entre vie professionnelle et vie personnelle, et au développement de l’enfant, devrait être au cœur des politiques publiques d’égalité. Pourtant, malgré les annonces successives du Gouvernement, de Mme Élisabeth Borne à Mme Catherine Vautrin, en passant par Mme Aurore Bergé ou le Président de la République lui-même, aucune réforme structurante n’a vu le jour. Aucun texte, aucune concertation d’ampleur, aucune réflexion approfondie n’a véritablement été engagée.
Notre mission d’information en apporte d’ailleurs la démonstration : en six mois de travaux, aucun membre du Gouvernement n’a accepté d’être auditionné. Ce refus de dialogue en dit long sur le manque de portage politique de ce sujet, pourtant central dans la vie quotidienne de millions de familles.
Ce désintérêt s’accompagne d’un manque criant de données. Les statistiques disponibles sont souvent anciennes, incomplètes ou inexistantes : pas de chiffres consolidés sur les congés pathologiques postnataux, peu d’éléments sur les profils des bénéficiaires du congé parental d’éducation, aucune évaluation rigoureuse de la réforme de 2021 sur le congé paternité. Nous plaidons ainsi pour une actualisation urgente des données publiques, afin de permettre une action politique fondée sur des statistiques.
Car lorsque les données existent, elles révèlent des inégalités profondes. Notre rapport rappelle que 93 % des mères éligibles utilisent leur congé maternité, contre 71 % des pères. En moyenne, les mères s’arrêtent 128 jours, contre 23 pour les pères. Après une naissance, les femmes ajustent ou réduisent plus fréquemment leur activité professionnelle : le recours au temps partiel est dix fois plus fréquent chez elles que chez les hommes. À long terme, ces interruptions ou réductions d’activité entraînent une perte de revenus estimée à 38 % dans les dix premières années suivant la naissance d’un enfant. Près de 90 % de l’écart de revenus entre les femmes et les hommes s’expliquerait par la pénalité maternelle liée à l’arrivée des enfants.
Les politiques publiques en vigueur, loin de corriger ces déséquilibres, les entretiennent. La stratégie des 1000 premiers jours, lancée en 2019, a pourtant établi de manière incontestable que cette période constitue un moment clef du développement de l’enfant, et que la présence des deux parents est déterminante pour son équilibre affectif et cognitif. Mais nos dispositifs actuels ne traduisent pas cette ambition : les pères disposent d’un congé largement facultatif, dont seuls quatre jours sont obligatoires, quand les mères sont tenues de cesser de travailler au moins huit semaines, dont six après l’accouchement. L’asymétrie est structurelle, et avec elle, l’inégalité.
Le congé parental, tel qu’il existe aujourd’hui, n’est pas plus satisfaisant. La réforme de 2015, censée en favoriser le partage et le retour à l’emploi des mères, a échoué sur les deux plans : 94 % des bénéficiaires restent des femmes, 6 % des hommes seulement. Dans le même temps, la pénurie de modes de garde renforce une garde parentale souvent subie. Si les parents pouvaient accéder à leur premier choix, la garde par les parents concernerait 36 % des enfants, contre 56 % aujourd’hui. En d’autres termes, les femmes demeurent les variables d’ajustement d’une politique de la petite enfance insuffisante.
Nos travaux, nourris d’auditions, d’analyses comparatives à l’international et de constats de terrain, nous conduisent à une conviction claire : il est temps de repenser globalement les congés parentaux, non pas comme une succession de dispositifs isolés, mais comme un ensemble cohérent au service de deux finalités indissociables que sont le bon développement de l’enfant et l’égalité réelle entre les femmes et les hommes.
Je soutiens ainsi trois orientations majeures :
● d’abord, allonger la durée du congé maternité, pour mieux répondre aux besoins des mères ;
● ensuite, étendre et renforcer le congé paternité, ou plutôt le congé du second parent, en rendant sa partie obligatoire équivalente à celle du congé maternité ;
● enfin, refonder le congé parental pour qu’il soit à la fois plus flexible, mieux rémunéré et réellement partagé, à l’image du modèle suédois basé sur une indemnisation équivalente à près de 80 % du salaire, dans la limite d’un plafond. Dans ce système, chaque parent se voit attribuer un minimum de jours de congés non transférables, afin d’éviter que l’un des deux parents, le plus souvent la mère, se retrouve seul à assumer l’essentiel du temps parental. Il est également possible de fractionner le congé, afin de mieux articuler des périodes de travail avec des périodes de présence auprès de l’enfant.
À terme, ces pistes de réforme devraient converger vers la création d’un congé d’accueil du nourrisson, identique et obligatoire pour les deux parents, comprenant une période commune et une période fractionnable, sans exclure un congé prénatal spécifique pour les mères et un congé parental à plus long terme inspiré du modèle suédois.
Au fond, notre mission l’a montré : repenser les congés parentaux, ce n’est pas seulement corriger un déséquilibre sur le plan législatif mais affirmer une vision féministe de la société, celle où la naissance d’un enfant ne marque plus le début d’une inégalité durable entre les femmes et les hommes.
Recommandation n° 1 : intégrer à l’enquête « Modes de garde et d’accueil des jeunes enfants » (MDG) de la Drees un module détaillé sur le recours à d’autres types de congés que les congés parentaux de façon à éclairer les arrangements informels des parents pour prolonger la période postnatale auprès de l’enfant.
Recommandation n° 2 : intégrer aux travaux sur une future évolution des droits familiaux à la retraite la question de leur articulation avec les congés parentaux.
Recommandation n° 3 : intégrer aux futures conventions d’objectifs et de gestion un dispositif de suivi du recours aux congés de maternité et de paternité ainsi que des dépenses d’indemnités journalières associées et lier les résultats à des indicateurs de suivi de la santé des mères et des enfants.
Recommandation n° 4 : assouplir les conditions de délais dans lesquels un agriculteur ou une agricultrice doit adresser sa demande de remplacement à sa caisse de mutualité sociale agricole.
Recommandation n° 5 : prévoir une communication à destination des allocataires de France Travail concernant leurs droits aux congés de maternité, d’adoption et de paternité.
Recommandation n° 6 : aligner le montant minimal des indemnités journalières pour les travailleuses indépendantes sur celui applicable aux salariées.
Recommandation n° 7 : harmoniser par voie législative les durées minimales et maximales du congé d’adoption des indépendants sur celles prévues pour les assurés du régime général.
Recommandation n° 8 : harmoniser les durées d’indemnisation des congés pathologiques entre les différents régimes ou, a minima, assouplir les conditions applicables aux travailleuses indépendantes en supprimant la condition d’un arrêt minimal de quinze jours pour en bénéficier.
Recommandation n° 9 : permettre l’indemnisation des congés pathologiques postnataux pour les non‑salariées agricoles dans les mêmes conditions que celles applicables aux travailleuses indépendantes.
Recommandation n° 10 : mettre en place, dans la loi, une subrogation systématique de l’employeur sous réserve d’une garantie de remboursement sous sept jours.
Recommandation n° 11 : instaurer un repérage automatisé des arrêts maladie correspondant à des congés pathologiques postnataux.
Recommandation n° 12 : assurer un suivi statistique des congés pathologiques et des dépenses associées.
Recommandation n° 13 : actualiser les données relatives aux congés de maternité et de paternité qui ne l’ont pas été depuis l’enquête « Modes de garde et d’accueil des jeunes enfants » de la Drees de 2021.
Recommandation n° 14 : mener une évaluation quantitative de la réforme du congé de paternité entrée en vigueur en juillet 2021 – qui n’a été que partiellement évaluée à travers l’enquête « Modes de garde et d’accueil des jeunes enfants » de 2021 – de façon à mesurer les effets de l’allongement du congé et de la possibilité de le fractionner sur les modalités du recours des pères et le partage des tâches parentales.
Recommandation n° 15 : renforcer l’information aux droits au congé de paternité et d’accueil du jeune enfant à destination des travailleurs indépendants, des salariés en contrat court et des chômeurs indemnisés qui méconnaissent fréquemment leur éligibilité au dispositif.
Recommandation n° 16 (M. Thibault Bazin) : étendre les possibilités de fractionnement du congé de paternité et d’accueil du jeune enfant de manière à donner davantage de flexibilité aux pères pour s’adapter à leurs contraintes professionnelles et familiales.
Recommandation n° 17 (Mme Céline Thiébault-Martinez) : rendre l’intégralité de la durée légale du congé de paternité, rebaptisé « congé du second parent », obligatoire de façon à limiter les pressions pouvant s’exercer sur les pères salariés et lutter contre le non‑recours des salariés les plus précaires, en contrat à durée déterminée ou en intérim.
Recommandation n° 18 (Mme Céline Thiébault-Martinez) : aligner la durée du congé du second parent sur la durée du congé de maternité afin de favoriser un partage équitable des tâches domestiques et parentales à l’arrivée de l’enfant ainsi que l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes.
Recommandation n° 19 : améliorer l’information des femmes sur leurs droits et renforcer les contrôles et les sanctions contre les employeurs afin de lutter contre les discriminations liées à la grossesse et à la maternité dans le monde du travail.
Recommandation n° 20 : former les responsables des ressources humaines et les managers en entreprise à la prévention des discriminations liés à la parentalité et à la bonne gestion des retours de congés parentaux.
Recommandation n° 21 : inscrire les congés parentaux et plus largement, l’articulation entre la vie professionnelle et la vie personnelle, parmi les thèmes de négociation obligatoire au niveau des branches prévue à l’article L. 2241-1 du code du travail de façon à assurer, au niveau de chaque branche, un socle minimal de garanties essentielles.
Recommandation n° 22 : inciter les branches professionnelles à négocier sur le versement d’un complément partiel ou total du salaire durant les congés de maternité, de paternité et d’accueil du jeune enfant (en sus des indemnités journalières versées par la sécurité sociale) et les droits associés à la prise d’un congé parental d’éducation.
Recommandation n° 23 : rendre obligatoire la négociation collective d’entreprise sur les congés parentaux et l’articulation entre la vie personnelle et familiale des salariés, et favoriser le dialogue social sur ces thématiques.
Recommandation n° 24 : à l’échelle des entreprises, améliorer l’accompagnement à la maternité des salariées enceintes pendant la période précédant le congé de maternité (aménagements de postes, réduction du temps de travail, temps nécessaire aux examens médicaux, etc.).
Recommandation n° 25 : diffuser de bonnes pratiques en entreprise favorisant un retour « en douceur » d’un congé pris à la naissance d’un enfant (aménagements du temps de travail, encadrement des horaires de réunions, télétravail, temps partiel, soutien aux modes de garde de l’enfant, etc.).
Recommandation n° 26 : mettre en place un entretien professionnel systématique au retour d’un congé de maternité, de paternité, d’adoption ou d’un congé parental d’éducation afin de permettre un temps d’échange sur les possibilités d’aménagements de poste, l’évolution de la rémunération et les perspectives de carrière.
Recommandation n° 27 : intégrer la future réforme des congés parentaux à la prochaine feuille de route 2025-2027 des « 1 000 premiers jours de l’enfant ».
Recommandation n° 28 : intégrer une information et un temps d’échange sur les droits aux congés parentaux au cours de l’entretien prénatal précoce obligatoire à partir du quatrième mois de grossesse, en ciblant tout particulièrement les travailleuses indépendantes et au chômage indemnisé.
Recommandation n° 29 : rattacher la prise de congés parentaux au parcours des « 1 000 premiers jours » de l’enfant avec un temps d’accompagnement renforcé le temps du ou des congés (information et sensibilisation, ateliers et groupes de parents, lieux d’accueil et de partage entre parents, solutions de répit, etc.).
Recommandation n° 30 : articuler toute réforme des congés parentaux au développement d’une offre d’accueil du jeune enfant de qualité et de proximité.
Recommandation n° 31 : déployer 200 000 nouvelles places d’accueil supplémentaires à l’horizon 2030 conformément aux engagements en faveur du service public de la petite enfance. L’objectif poursuivi tient compte des suppressions de places, en particulier auprès des assistantes maternelles, sur la même période.
Recommandation n° 32 : allonger la période du congé de maternité postnatal de deux semaines de manière à porter la durée totale du congé de maternité de seize à dix-huit semaines afin de l’aligner sur la moyenne des pays de l’OCDE.
Recommandation n° 33 (M. Thibault Bazin) : dans le cadre d’une réforme des congés parentaux, prévoir la création d’un congé parental plus court que l’actuel congé parental d’éducation rémunéré par la PreParE et dont l’indemnisation serait proportionnelle aux revenus, tout en laissant la liberté d’un congé parental d’éducation plus long pouvant aller jusqu’à l’entrée à l’école maternelle.
Recommandation n° 34 (Mme Céline Thiébault-Martinez) : refonder le congé parental pour qu’il soit à la fois plus flexible, mieux rémunéré et réellement partagé, à l’image du modèle suédois, qui combine une indemnisation équivalente à près de 80 % du salaire, dans la limite d’un plafond, avec un système de quotas non transférables pour chaque parent. Ce dispositif inciterait les pères à prendre leur part et favoriserait un partage équilibré des responsabilités parentales dès les premiers mois de l’enfant.
Recommandation n° 35 : créer un portail unique de la parentalité qui fusionnerait les solutions existantes (monenfant.fr, 1000-premiers-jours.fr) pour centraliser les informations relatives à la parentalité et l’ensemble des démarches associées dans une logique interbranches.
I. le recours aux congés parentaux en France aujourd’hui : VÉcu, pratiques et attentes des familles
Le champ de la présente mission relative à l’étude des congés parentaux et leurs perspectives de réforme s’attache aux congés pris à la naissance et aux premiers mois de l’enfant jusqu’à ses 3 ans et son entrée à l’école maternelle. Il concerne prioritairement les congés de maternité, d’adoption, de paternité et d’accueil du jeune enfant et enfin, le congé parental d’éducation (CPE) et n’évoque qu’à la marge d’autres congés familiaux notamment ceux pris pour s’occuper d’un enfant malade.
La présente partie présente le cadre juridique applicable à ces congés, les taux et modalités de recours de leurs bénéficiaires ainsi que l’évolution des dépenses publiques associées. Elle remet également en perspective leur utilisation en France d’une part, au regard des modes de garde et d’accueil choisis par le ou les parents et des trajectoires professionnelles des pères et des mères, et d’autre part, en comparaison d’autres modèles européens de congés parentaux.
1. Conditions d’éligibilité, durées et modalités d’indemnisation des congés parentaux « courts »
Régi par les articles L. 1225-17 à L. 1225-28 du code du travail pour les femmes salariées ([40]), le congé de maternité bénéficie à toutes les femmes en emploi ou au chômage indemnisé au cours des douze derniers mois au moment de la naissance de leur enfant. Hors situations particulières, pour les grossesses simples (un seul enfant), sa durée varie en fonction du nombre d’enfants à charge :
– dans le cas d’une première ou d’une deuxième naissance, sa durée totale est de seize semaines dont six semaines avant la date présumée de l’accouchement et dix semaines après celui-ci. Cette durée n’a pas été modifiée depuis la loi « Veil » du 17 juillet 1980 (cf. encadré) ;
– au-delà de deux enfants à charge, à partir de la naissance du troisième enfant, sa durée est portée à vingt-six semaines dont huit semaines avant l’accouchement et dix-huit semaines après celui-ci.
Une brève histoire du congé de maternité
Le principe d’un congé de maternité émerge dans le droit français au début du XXe siècle. La loi « Engerand » du 27 novembre 1909 reconnaît pour la première fois aux femmes un congé de maternité non rémunéré de huit semaines consécutives, dans la période qui précède et suit l’accouchement, sans rupture de contrat de travail. La loi « Strauss » du 12 juin 1913 le rend obligatoire en partie pour les femmes salariées et lui associe une indemnisation compensatrice partielle. Dans les débats de l’époque, la création du congé est justifiée d’un point de vue sanitaire et médical par la santé de la mère et du nourrisson et répond également à des préoccupations natalistes. La durée du congé de maternité est progressivement allongée en 1928 par la loi sur les assurances sociales et à la sortie de la Seconde Guerre mondiale pour l’ensemble des femmes actives (salariées, indépendantes, fonctionnaires) ; elle est portée à seize semaines (durée légale actuellement en vigueur pour une naissance simple jusqu’au deuxième enfant) par la loi « Veil » du 17 juillet 1980 qui acte également le principe d’une indemnisation complète du salaire (sous conditions et plafonnée). Sa durée n’a pas été modifiée depuis.
Dans le cas de naissances multiples, sa durée totale est de trente‑quatre semaines pour des jumeaux et quarante‑six semaines pour des triplés ou plus.
En cas de risques ou de complications liés à la grossesse attestés par un certificat médical, dans le cadre d’un congé dit « pathologique », la durée du congé de maternité peut être augmentée dans la limite de deux semaines avant la date présumée de l’accouchement et de quatre semaines après la date de celui-ci ([41]).
En outre, lorsque l’enfant est resté hospitalisé jusqu’à l’expiration de la sixième semaine suivant l’accouchement, la salariée peut reporter à la date de la fin de l’hospitalisation tout ou partie du congé auquel elle peut encore prétendre ([42]).
durÉes lÉgales du congÉ de maternitÉ selon la situation familiale et le nombre de naissances attendues
(en nombre de semaines)
Situation familiale |
Avant l’accouchement (congé prénatal) |
Après l’accouchement (congé postnatal) |
Total |
< 1 ou 2 enfants |
6 |
10 |
16 semaines |
> 3 enfants |
8 |
18 |
26 semaines |
Jumeaux |
12 |
22 |
34 semaines |
Triplés ou plus |
24 |
22 |
46 semaines |
Pathologique |
+ 2 |
+ 4 |
+ 6 |
Le congé prénatal peut être abrégé, sur avis médical favorable, d’au plus trois semaines qui se reportent sur la période postnatale. De même, en cas de naissance prématurée, les jours non-pris sur la période prénatale sont reportés sur la période postnatale.
En 2023, au titre de leur congé de maternité, les mères relevant du régime général de la sécurité sociale – hors fonction publique et régimes spéciaux – se sont arrêtées en moyenne 128 jours (soit dix-huit semaines et deux jours), dont 48 jours au titre du congé prénatal et/ou pathologique et 80 jours au titre du congé postnatal. Parmi ces mères :
– un tiers le sont 112 jours, soit seize semaines, correspondant à la durée de congé obligatoire pour la naissance des deux premiers enfants ;
– 17 % le sont 126 jours, soit dix-huit semaines, correspondant aux seize semaines de congé obligatoire allongées de deux semaines de congé pathologique ;
– 7 % le sont 182 jours, soit vingt-six semaines, correspondant à la limite du congé indemnisé pour un troisième enfant ([43]).
Fréquence des durées (en jours) de congés maternité et paternité indemnisés en 2023 au régime général
Source : Commission des comptes de la sécurité sociale, mai 2024.
Dans le secteur privé, le congé de maternité entraîne la suspension du contrat de travail avant et après l’accouchement et ouvre droit, sous conditions, au versement d’indemnités journalières par la sécurité sociale pour compenser la perte de revenus. Les salariées du secteur privé perçoivent ainsi des indemnités proportionnelles à leur salaire dans la limite du plafond annuel de la sécurité sociale (Pass) ([44]) et pouvant être complétées dans le cadre de conventions collectives ou d’accords d’entreprise plus favorables ([45]). En 2023, le montant brut d’indemnités journalières versées aux mères relevant du régime général de la sécurité sociale s’élève à 59 euros soit 1 790 euros par mois.
Les travailleuses indépendantes, de même que les professionnelles libérales, disposent d’une allocation forfaitaire dite de repos maternel ([46]) et d’une indemnité journalière forfaitaire ([47]).
Quant aux professionnelles de santé (praticiennes et auxiliaires médicales conventionnées ou PAMC) ([48]), celles‑ci sont affiliées à un régime de maternité spécifique ([49]) qui leur permet de bénéficier des prestations dans des conditions très proches des travailleuses indépendantes ([50]). Les médecins bénéficient en outre d’une aide financière complémentaire prévue par leur convention médicale qui leur permet « de les aider à faire face, pendant cette période, aux charges inhérentes à la gestion du cabinet médical » ([51]). Cette aide, dont le montant est modulé selon le type de congé, le type de secteur et le temps consacré par le médecin à son activité libérale permet à la mère d’obtenir entre 1 033 euros et 3 100 euros par mois.
Dans le secteur public, les fonctionnaires bénéficient du maintien de l’intégralité de leur traitement auquel peuvent s’ajouter le supplément familial de traitement (SFT), l’indemnité de résidence (IR), des primes et autres indemnités. Les agents contractuels de la fonction publique conservent également l’intégralité de leur rémunération sans condition d’ancienneté ([52]).
b. Les congés de naissance, de paternité et d’accueil du jeune enfant
Le congé de paternité et d’accueil du jeune enfant est apparu en 2002 soit bien plus récemment que le congé de maternité afin de favoriser l’engagement des pères à la naissance et les liens entre le père et l’enfant, rééquilibrer le partage des tâches domestiques et familiales et favoriser l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes.
Régi par les articles L. 1225-35 à L. 1225-36 du code du travail, ce congé bénéficie au père biologique, au conjoint (ou à la conjointe), concubin (ou concubine) de la mère ou à la personne liée à elle par un pacte civil de solidarité, en emploi au moment de la naissance ou au chômage indemnisé au cours des douze derniers mois. Il est ouvert sans conditions d’ancienneté et quel que soit le type de contrat de travail (contrat à durée indéterminée ou contrat temporaire).
Sa durée a été portée de onze jours à vingt‑cinq jours dont quatre jours obligatoires (et de dix‑huit à trente‑deux jours en cas de naissances multiples) par la loi n° 2020‑1576 du 14 décembre 2020 de financement de la sécurité sociale pour 2021. Elle s’ajoute au congé de naissance prévu au 3° de l’article L. 3142-1 du code du travail, correspondant à trois jours d’absence autorisés lors de la naissance d’un enfant, à la charge de l’employeur. La réforme, entrée en vigueur le 1er juillet 2021, a également introduit la possibilité de fractionner une partie de la durée du congé.
Depuis 2021, le congé de paternité se compose ainsi de deux périodes :
– l’une, suivant immédiatement la naissance, compte sept jours obligatoires incluant trois jours au titre du congé de naissance (à la charge de l’employeur) et quatre jours au titre du congé de paternité ([53]). L’employeur a interdiction d’employer le salarié pendant cette période ([54]) ;
– la seconde, optionnelle, de vingt et un jours calendaires (vingt‑huit jours en cas de naissances multiples), peut elle-même être fractionnée en deux périodes jusqu’aux six mois de l’enfant (contre quatre mois avant la réforme).
En cas d’hospitalisation immédiate de l’enfant après la naissance, la durée du congé de paternité est prolongée de droit pendant la période d’hospitalisation, dans la limite de trente jours consécutifs ([55]).
En 2023, les pères relevant du régime général (hors fonction publique ou régimes spéciaux) se sont arrêtés en moyenne 23 jours pour la naissance de leur enfant ([56]). Plus de 60 % de ces pères maximisent leur durée de congé (25 jours) et 4 % s’arrêtent aux 4 jours de congés obligatoires.
Dans le secteur privé, le congé de paternité et d’accueil du jeune enfant entraîne la suspension du contrat de travail et ouvre droit, sous conditions, au versement d’indemnités journalières par la sécurité sociale pour compenser la perte de revenus. Ces indemnités sont proportionnelles aux salaires dans la limite du Pass ([57]). Des modalités spécifiques en matière de taux d’indemnisation et de durée peuvent s’appliquer dans certains secteurs professionnels en application de dispositifs conventionnels ([58]). En 2023, le montant brut moyen d’indemnités journalières versées aux pères salariés relevant du régime général s’élève à 70 euros (hors compléments versés par l’employeur).
Distribution des montants moyens d’indemnités journalières maternité et paternité en 2021 au régime général
Source : Rapport à la Commission des comptes de la sécurité sociale, mai 2024.
Les travailleurs indépendants bénéficient d’une indemnité journalière forfaitaire fixée à 64,52 euros maximum par jour au 1er janvier 2025.
Les fonctionnaires et agents contractuels de la fonction publique bénéficient du maintien intégral de leur traitement ou rémunération et conservent le bénéfice des droits acquis avant le début du congé ([59]).
Le congé d’adoption bénéficie aux parents à qui un service départemental d’aide sociale à l’enfance (ASE), un organisme français autorisé pour l’adoption (OAA), l’Agence française de l’adoption (AFA) ou une autorité étrangère compétente ([60]) confie un enfant en vue de son adoption (il ne concerne donc pas les adoptions intrafamiliales). Pour les salariés, il est régi par les articles L. 1225-37 et suivants du code du travail et l’article L. 331-7 du code de la sécurité sociale ([61]).
Sa durée varie selon qu’il est partagé ou non entre les deux parents. S’il est pris par un seul des deux parents, le congé est de seize semaines pour les deux premiers enfants arrivant au foyer, de dix‑huit semaines lorsque l’adoption porte à trois ou plus le nombre d’enfants à charge et de vingt‑deux semaines en cas d’adoptions multiples, quel que soit le nombre d’enfants au foyer. Il peut débuter sept jours calendaires avant l’arrivée de l’enfant et se terminer au plus tard dans les huit mois suivant cette date.
L’article 73 de la loi n° 2020-1576 du 14 décembre 2020 de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2021 a allongé la majoration de la durée du congé d’adoption lorsqu’il est partagé entre les deux parents (de onze jours à vingt‑cinq jours lorsque le couple a moins de deux enfants à charge et à trente-deux jours lorsqu’il a au moins deux enfants à charge en plus de l’enfant adopté).
Le congé d’adoption entraîne la suspension du contrat de travail et des indemnités journalières sont versées dans les mêmes conditions que pour les congés de maternité et de paternité. Les travailleurs indépendants et les exploitants agricoles bénéficient également du congé d’adoption ([62]) mais sa durée n’est pas alignée entre les différents régimes ([63]).
2. Des inégalités de recours persistantes aux congés de maternité, de paternité et d’accueil du jeune enfant
a. Bien qu’en progression, le congé de paternité demeure moins pris par les pères que le congé de maternité ne l’est par les mères
La quasi-totalité des mères éligibles recourent au congé de maternité au moment de la naissance de leur enfant. En 2021, d’après l’enquête « Modes de garde et d’accueil des jeunes enfants » (MDG) réalisée par la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees), parmi les parents d’enfants de moins de 3 ans, 82 % des mères étaient éligibles au congé de maternité dont 88 % en emploi et 12 % au chômage.
Parmi ces mères éligibles, 93 % ont utilisé leurs droits au congé de maternité. En 2023, 370 000 mères affiliées au régime général (hors fonction publique et régimes spéciaux) ont pris un congé de maternité.
Si les pères sont plus souvent éligibles au congé de paternité que les mères à hauteur de 94 % – ce qui s’explique par leur plus forte participation au marché du travail, ils y recourent moins fréquemment : en 2021, 71 % des pères éligibles ont déclaré avoir pris au moins un jour de congé de paternité au moment de la naissance de leur enfant ([64]). Ce recours s’inscrit en légère progression depuis 2013 ; la proportion de pères d’enfants de moins de 3 ans ayant bénéficié d’un congé de paternité étant passée de 62 % à 67 % (+ 5 points).
b. Les indépendants, les salariés en contrat court et les chômeurs mobilisent moins leurs droits aux congés de maternité et de paternité
Le non-recours aux congés de maternité et de paternité demeure fréquent parmi les pères et mères éligibles et dépend étroitement de leur statut d’emploi.
Ainsi, parmi les mères éligibles, les chômeuses indemnisées (75 %), les salariées en contrat discontinu (84 %) et les indépendantes (88 %) recourent moins au congé de maternité que les fonctionnaires ou salariées en contrat stable dans le secteur public (96 %) ou dans le secteur privé (96 %) ([65]). Ce moindre recours s’expliquerait principalement par le fait que les mères au chômage, en contrat atypique et indépendantes méconnaîtraient davantage leurs droits au congé.
Ces tendances s’observent également pour les pères avec des écarts encore plus marqués : parmi les pères éligibles, 91 % des fonctionnaires et des agents titulaires d’un contrat à durée indéterminée (CDI) dans le secteur public et 82 % des salariés en CDI du secteur privé ont bénéficié d’un congé de paternité. En revanche, seulement 13 % des chômeurs, moins d’un indépendant sur deux – 46 % en 2021, + 14 points par rapport à 2013 – et 51 % des salariés en contrat court ou discontinu ont utilisé leurs droits au congé de paternité. La méconnaissance des droits ([66]), les contraintes professionnelles réelles ou perçues ainsi que les conditions d’indemnisation continuent de freiner la généralisation du recours au congé de paternité en France ([67]).
taux de recours des mères et pères éligibles aux congés de maternité et de paternité selon le statut dans l’emploi en 2021
(en %)
Statut dans l’emploi |
Congé de maternité |
Congé de paternité |
Salarié en CDI dans le secteur privé |
96 |
82 |
Fonctionnaire ou agent en CDI dans le secteur public |
96 |
91 |
Salarié en CDD, autres contrats dans le secteur privé ou public |
84 |
51 |
Indépendant |
88 |
46 |
Ensemble (éligibilité) |
93 |
74 |
Source : Drees, Études et résultats n° 1275, d’après l’enquête MDG.
3. Le congé parental d’éducation (CPE) : un congé faiblement attractif dont le recours demeure mal évalué
a. Un congé long et faiblement rémunéré via la prestation partagée d’éducation de l’enfant (PreParE)
Le congé parental d’éducation (CPE), prévu aux articles L. 1225-47 à L. 1225-59 du code du travail, bénéficie à tout salarié du secteur privé ou public qui justifie d’une ancienneté minimale d’une année ([68]). Il permet au salarié d’interrompre son activité professionnelle – congé dit « total » durant lequel le contrat de travail est suspendu – ou de la réduire – congé « à temps partiel » avec un minimum de seize heures hebdomadaires – pour s’occuper de son enfant. Il a une durée d’un an au plus et peut être prolongé deux fois de manière à prendre fin au plus tard au troisième anniversaire de l’enfant (et jusqu’aux six ans de l’enfant en cas de naissances multiples).
Ce congé n’est pas rémunéré par l’employeur. Toutefois, sous certaines conditions, le salarié qui en bénéficie peut percevoir la prestation partagée d’éducation de l’enfant (PreParE).
Conditions d’éligibilité à la PreParE
Créée par la loi n° 2014-873 du 4 août 2014 pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes, la PreParE s’est substituée, à compter de 2015, au complément de libre choix d’activité (CLCA). Cette prestation, versée par les caisses d’allocations familiales (CAF), bénéficie aux parents qui cessent ou réduisent leur activité professionnelle pour s’occuper d’un enfant de moins de 3 ans – ou d’un enfant adopté de moins de 20 ans – sous réserve de justifier d’au moins deux années en emploi (ou périodes assimilées) dans les années qui précédent la naissance ou l’accueil de l’enfant. Elle est versée sans conditions de ressources.
Depuis le 1er avril 2025, son montant à taux plein (c’est-à-dire en cas d’arrêt total de l’activité) s’élève à 456,05 euros par mois. Son montant à taux partiel s’établit à 294,81 euros par mois pour une activité égale ou inférieure à 50 % et à 170,07 euros par mois pour une activité supérieure à 50 %. Pour les familles ayant à charge au moins trois enfants, la PreParE à taux plein peut être majorée sur option à 745,43 euros pendant huit mois dans la limite du premier anniversaire de l’enfant. Le bénéfice de la PreParE majorée exclut celui de la PreParE de droit commun et en limite donc la durée à huit mois ([69]).
Montants de la prepare au 1er avril 2025 selon la quotité de travail
Activité |
Montants mensuels |
Cessation totale d’activité |
456,05 euros |
Dont majoration à partir du troisième enfant |
745,43 euros |
Temps de travail inférieur ou égal au mi-temps |
294,81 euros |
Temps de travail entre 50 % et 80 % |
170,07 euros |
La réforme de 2015 a modifié la durée et la répartition du droit à l’allocation entre les deux parents :
– pour le premier enfant, chaque parent peut en bénéficier pendant six mois maximum jusqu’au mois précédent le premier anniversaire de l’enfant ;
– à partir du deuxième enfant, chaque parent peut en bénéficier pendant vingt-quatre mois maximum (au lieu de 3 ans avant la réforme) de façon à inciter le second parent à prendre une partie du congé pour couvrir la troisième année de l’enfant.
La réforme visait ainsi à favoriser le retour à l’emploi des mères d’une part, et favoriser le partage du congé entre les deux parents d’autre part. Les nombreuses évaluations disponibles soulignent que le dispositif n’a que très partiellement atteint ses objectifs et demeure aujourd’hui méconnu et faiblement attractif ; ce dont témoigne la chute de son nombre de bénéficiaires depuis 2015 ([70]).
durée maximale d’indemnisation du congé parental via la prepare
|
Après la naissance du premier enfant |
À partir du deuxième enfant |
Avant la réforme (CLCA) |
6 mois par famille |
36 mois par famille |
Après la réforme (PreParE) |
6 mois par parent |
24 mois par parent (dans la limite de 36 mois par famille) |
b. Moins de 15 % des familles bénéficient aujourd’hui de la PreParE
Les rapporteurs ne disposent pas de statistiques consolidées permettant d’évaluer le recours au congé parental d’éducation autrement qu’à travers les données disponibles relatives aux allocataires de la PreParE.
Depuis 2015, parallèlement à la baisse de la natalité ([71]), leur nombre a chuté de manière continue de moitié. À la fin juin 2023, un peu plus de 209 000 familles bénéficient de cette allocation, dont 110 300 à taux plein et 98 300 à taux réduit (contre 455 000 bénéficiaires en 2014, soit une baisse de 54 %).
Évolution du nombre de bénéficiaires de la Prepare (anciennement clca) depuis 2014
(en milliers)
Années |
2014 |
2015 |
2016 |
2017 |
2018 (déc)* |
2018 (juin) |
2019 |
2020 |
2021 |
2022 |
2023 |
Nombre de bénéficiaires (en milliers) |
495 |
455 |
411 |
279 |
258 |
290 |
273 |
255 |
228 |
221 |
209 |
Dont taux plein |
265 |
238 |
208 |
142 |
134 |
nr |
143 |
134 |
118 |
nr |
110 |
Évolution annuelle (en %) |
‑ 3,7 |
‑ 7,9 |
‑ 9,8 |
‑ 32,0 |
‑ 7,5 |
ns |
‑ 5,8 |
‑ 6,7 |
‑ 10,4 |
‑ 3,0 |
‑ 5,3 |
* Rupture de série 2018 : à partir de 2019, les données sont celles du mois de juin, contre décembre auparavant.
Source : Placss 2024, rapport d’évaluation des politiques de sécurité sociale pour la branche famille.
D’après le rapport d’évaluation des politiques de sécurité sociale pour la branche famille de 2024 ([72]), plus de quatre familles bénéficiaires sur cinq ont deux enfants ou plus. Les familles dont les revenus d’activité sont plus élevés privilégient la PreParE à temps partiel ; celles ayant des revenus d’activité inférieurs à 30 000 euros annuels sont surreprésentées parmi les bénéficiaires de la PreParE à taux plein. Les mères représentent 94 % des bénéficiaires et les pères, 6 %. La durée moyenne de recours à cette prestation s’élève à 13 mois.
c. La PreParE bénéficie tendanciellement davantage aux mères issues des catégories intermédiaires
D’une manière générale, les rapporteurs regrettent que les profils et les trajectoires des mères bénéficiaires d’un congé parental d’éducation, rémunéré ou non par la PreParE, demeurent peu documentés par des travaux récents ; les données mises à leur disposition étant issus de l’enquête « Revenus fiscaux et sociaux » (ERFS) de l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) de 2018 et de 2019.
D’après cette enquête, parmi les mères d’au moins deux ans enfants dont un âgé de moins de 3 ans, les bénéficiaires de la PreParE occupent une situation relativement plus favorable que les mères non bénéficiaires à temps partiel ou ayant arrêté de travailler. Elles sont plus fréquemment salariées du secteur public, plus diplômées en moyenne et leur conjoint exerce plus souvent un emploi de cadre ou de profession intermédiaire.
Les mères non bénéficiaires de la PreParE à temps partiel ou qui ne travaillent plus ont les niveaux de vie les plus faibles et sont beaucoup plus exposées à la pauvreté que les mères bénéficiaires : une mère sur deux ayant un niveau de vie en‑dessous du seuil de pauvreté ([73]).
Niveau de vie mensuel médian et taux de pauvreté des mères de plusieurs enfants dont un de moins de 3 ans, selon qu’elles bénéficient ou non de la prepare
Source : Buisson et Pinel (2022) pour la Drees.
Les mères appartenant aux catégories socioprofessionnelles les plus favorisées (cadres ou profession intermédiaire) ou ayant les diplômes les plus élevés arbitrent moins souvent en faveur d’un congé parental long et sont plus souvent à temps complet qu’à temps partiel avec prestation.
Le congé parental long et/ou la PreParE bénéficient de la sorte tendanciellement davantage aux mères issues des catégories intermédiaires de la population occupant des emplois comparativement plus stables. Les mères sans emploi ou à temps partiel les plus précaires – pouvant être inéligibles ou davantage méconnaître leurs droits – et les mères mieux rémunérées et/ou les plus diplômées – qui privilégient le maintien dans l’emploi à temps complet et le recours des solutions d’accueil « formel » – y ont relativement moins recours.
répartition des bénéficiaires de la prepare en 2019 par décile*
Source : Direction de la sécurité sociale, d’après le dossier statistique des prestations familiales, décembre 2023.
En 2019, d’après l’enquête ERFS, 41 % des bénéficiaires de la PreParE appartiennent à des ménages appartenant aux quatrième, cinquième et sixième déciles de revenus. A contrario, seuls 5 % des bénéficiaires font partie des 10 % des ménages les plus pauvres et 6 %, des 10 % des ménages les plus riches.
B. vies familiale et professionnelle : l’articulation des congés parentaux aux modes de garde et aux trajectoires professionnelles des pères et mères
D’après l’enquête « Modes de garde et d’accueil des jeunes enfants » (MDG) réalisée en 2021 par la Drees, en France métropolitaine, plus de la moitié des enfants de moins de 3 ans (56 %) sont gardés à titre principal ([74]) par un de leurs parents en journée, en semaine ; 20 % sont accueillis chez une assistante maternelle et 18 % dans un autre établissement d’accueil du jeune enfant (EAJE) ([75]) dont les crèches municipales ou départementales (11 %).
L’enquête « Modes de garde et d’accueil des jeunes enfants »
L’enquête « Modes de garde et d’accueil des jeunes enfants » (MDG), réalisée par la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees) et menée en 2002, en 2007, en 2013 et en 2021 pour sa dernière édition auprès d’un échantillon représentatif de 9 100 ménages, couvre les ménages vivant en France métropolitaine ayant au moins un enfant de moins de 6 ans.
Son objectif est d’identifier précisément les solutions adoptées par les parents pour la garde et l’accueil de leurs enfants. Le parent enquêté est invité à renseigner l’ensemble des modes de garde et d’accueil auxquels il a eu recours pour son enfant sur une semaine de référence. L’enquête renseigne également la situation professionnelle des parents et les éventuels changements liés au mode de garde.
Une majorité de parents combine plusieurs modes de garde formels et informels : la combinaison la plus répandue étant la garde à titre principal par une assistante maternelle et à titre secondaire par les parents (19 % des enfants de moins de 3 ans).
Parmi les enfants gardés à titre principal par les parents, 61 % le sont exclusivement par les parents ; 14 % recourent également à une assistante maternelle et 11 %, à un EAJE. La garde parentale quasi exclusive par les parents concerne 34 % des enfants de moins de 3 ans.
Combinaisons de modes de garde et d’accueil principal et complémentaire en semaine d’après l’enquête mdg en 2021
Source : Drees.
D’autres solutions de garde comme les grands-parents (ou autres membres de la famille) ou d’autres modes d’accueil payant (baby-sitter, centre de loisirs, aide‑ménagère, etc.) peuvent également être utilisés de façon plus marginale ou ponctuelle.
Le mode de garde ou d’accueil choisi varie également selon l’âge de l’enfant, de sa naissance à son entrée à l’école maternelle. D’après les données longitudinales de l’enquête MDG de 2013 ([76]), si à l’âge de 6 mois, la garde parentale exclusive est largement majoritaire (53 %), cette proportion diminue sensiblement entre les 6 mois et 1 an (– 14 points), puis progressivement par la suite. Elle concernait, en 2013, 39 % des enfants âgés de 1 an et 30 % des enfants âgés de 2 ans. L’accès à un mode d’accueil collectif ou individuel formel tend à se stabiliser après un 1 an ou 1 an et demi.
Source : Francou et al., 2017.
L’analyse des parcours d’accueil de l’enfant permet d’identifier cinq groupes :
– le premier concerne les enfants gardés majoritairement par leurs parents de la naissance à l’entrée à l’école maternelle (35 % des enfants de la cohorte étudiée) ;
– le deuxième est caractérisé par une période plutôt courte de garde parentale après la naissance, pouvant se rapprocher des trois mois correspondant au congé de maternité, suivie d’une garde principale chez une assistante maternelle pouvant être prolongée après l’entrée à l’école (29 %) ;
– le troisième caractérise les enfants gardés majoritairement en crèche ou autre mode d’accueil collectif. L’accès à ce mode de garde peut intervenir plus tardivement en comparaison du recours à une assistante maternelle (20 %) ;
– le quatrième (9 % des enfants) caractérise des parcours plus heurtés où les modes de garde collectifs et individuels se succèdent ou se chevauchent, avec 3,4 changements de modes d’accueil en moyenne. Les parents y restent le plus longtemps seuls à garder l’enfant en début de séquence et peuvent également redevenir le mode d’accueil principal lorsque l’un des modes d’accueil s’arrête ;
– le cinquième groupe (7 %) concerne les enfants gardés majoritairement de façon informelle (grands-parents notamment) ([77]).
L’abaissement de l’obligation d’instruction à l’âge de 3 ans par la loi n° 2019-791 du 26 juillet 2019 pour une école de la confiance a probablement modifié la répartition indiquée ci-dessus (à partir de données antérieures à la réforme) des modes de garde choisis par les parents à partir de cet âge-là.
Ces données reflètent à la fois la diversité des modèles familiaux en France ainsi que les représentations et aspirations moyennes exprimées par une majorité de familles. D’après l’enquête « Baromètre » pilotée par la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf) en 2021, lorsque l’enfant est âgé de moins de 6 mois, 61 % des familles estiment que la garde maternelle est le mode d’accueil le plus adapté. Après l’âge de 1 an, la crèche et l’assistante maternelle sont considérées comme les modes d’accueil les plus adaptés alors que le cadre familial est moins fréquemment évoqué ([78]).
mode d’accueil perçu par les familles comme étant le plus adaptÉ selon l’âge de l’enfant en 2021
Source : Baromètre de l’accueil du jeune enfant 2021, Cnaf.
Ces aspirations ne se traduisent néanmoins pas systématiquement dans les modes de garde et d’accueil effectivement choisis par les familles. Si globalement, la plupart des parents se déclarent satisfaits des conditions de garde ou d’accueil principales de leurs enfants, celles-ci peuvent être également subies.
L’enquête MDG de la Drees permet à ce titre d’estimer que si le premier choix des parents en termes de mode de garde était systématiquement réalisé, la garde parentale à titre principale pourrait être très inférieure à son niveau observé (36 % contre 56 %) au profit d’un accueil en EAJE (35 % contre 18 %). Pour 37 % des enfants gardés à titre principal par leurs parents, ce mode de garde n’était par leur premiers choix ; en revanche, l’accueil en EAJE constituait le premier choix des parents pour 93 % des enfants ([79]).
Les mères les plus éloignées de l’emploi sont davantage concernées par la garde parentale « subie » (c’est-à-dire lorsque la garde parentale ne correspond pas au premier choix déclaré par les parents). Ces mères ont notamment pu se retirer de l’emploi faute de mode d’accueil extérieur ([80]).
Le choix du mode de garde est tout d’abord fortement corrélé à la situation dans l’emploi des parents. La garde par l’un des parents à titre principal se rencontre plus souvent lorsqu’au moins l’un d’eux, le plus souvent la mère, est sans emploi (85 %) ou lorsque l’un travaille à temps partiel inférieur ou égal à un mi‑temps (69 %) ou supérieur à 50 % (34 %). Lorsque les deux parents exercent un emploi à temps complet, le recours à un mode de garde ou d’accueil extérieur à titre principal demeure la solution la plus fréquente (67 %).
Les données administratives publiées par la Cnaf couvrant le champ des enfants des familles bénéficiaires d’au moins une prestation de la CAF ([81]) confirment que les enfants dont les deux parents travaillent recourent davantage aux modes d’accueil formels (EAJE, assistante maternelle, garde à domicile) (voir graphique).
Source : Rapport d’évaluation des politiques de sécurité sociale (REPSS) 2025, branche « Famille ».
La catégorie socioprofessionnelle de la mère, qui elle-même détermine fortement la situation dans l’emploi après la naissance ([82]), est également l’une des variables les plus prédictives du mode de garde et d’accueil de l’enfant. L’accueil par une assistante maternelle ou en crèche est ainsi d’autant plus répandu que la mère occupe un emploi de cadre ou de profession intellectuelle supérieure. Autrement dit, une mère cadre a moins de probabilité de garder elle-même ses enfants qu’une mère exerçant une profession intermédiaire ou qu’une mère ouvrière ou employée.
Le rang de l’enfant constitue également une variable déterminante ; les premiers et deuxièmes enfants ayant significativement moins de chances d’être gardés par leurs parents que les troisièmes.
Enfin, le lieu de résidence qui contraint l’offre de garde de proximité accessible contribue à orienter les parents dans leur choix de mode de garde. Ainsi, les familles qui vivent dans une commune rurale ont plus souvent recours à une assistante maternelle comme mode de garde principal (28 %) que dans les moyennes et grandes agglomérations (18 % au-delà de 50 000 habitants). Inversement, la part des enfants gardés principalement en EAJE augmente avec la taille de la commune et atteint jusqu’à 26 % en agglomération parisienne (contre 9 % dans les communes rurales) ([83]).
Au cours de leurs auditions, les rapporteurs ont constaté l’insuffisance des travaux et des réflexions qui croisent pertinemment les usages en matière de garde et d’accueil de l’enfant et le recours aux congés parentaux. Les données de cadrage en la matière précédemment présentées suggèrent pour autant que l’offre de congés parentaux « formels » (congés de maternité et de paternité, congé parental d’éducation) ne permettrait qu’imparfaitement de répondre aux besoins des parents.
En particulier, compte tenu de la fréquence de la garde parentale exclusive au-delà de la durée légale d’un congé de maternité (53 % des enfants âgés de 6 mois, voir supra) et du faible recours au congé parental d’éducation long (moins de 15 % de familles étant bénéficiaires de la PreParE), il est probable qu’une majorité de parents gardent aujourd’hui leur enfant en semaine en dehors de tout congé parental « formel » à l’issue d’un congé de maternité.
Une enquête réalisée par l’Union nationale des associations familiales (Unaf) auprès de parents d’enfants nés entre 2015 et 2021 suggère qu’après la naissance, la période de suspension de l’activité professionnelle des mères pour s’occuper de l’enfant excède en moyenne la durée légale d’un congé de maternité. Dans le champ spécifique de cette enquête qui concernait des parents en moyenne mieux insérés dans l’emploi et plus aisés qu’en population générale, environ la moitié des mères sont ainsi restées sans activité cinq mois ou plus après la naissance (contre moins de trois mois correspondant au congé de maternité).
Les mères interrogées par l’Unaf tendent à « bricoler » des formules de congés, parfois de manière complexe, pour prolonger la période postnatale auprès de l’enfant. Elles peuvent recourir au congé parental total indemnisé par la PreParE à taux plein (22 %) (moins d’un an dans sept cas sur dix) mais également aux congés payés (32 %), au chômage indemnisé (9 %), et de façon plus marginale, à des congés maladie, des congés spéciaux prévus par leur entreprise, des congés sans solde, etc.
À travers cette enquête, l’Unaf souligne que l’interruption de l’activité professionnelle pendant une période limitée à la durée du congé maternité légal constituerait plutôt l’exception que la norme. De même, le recours aux congés parentaux « formels » dont le congé parental long, rémunéré ou non par la PreParE occuperait également une place modeste parmi les arrangements auxquels les parents recourent en pratique pour se ménager du temps ([84]).
Sans renseigner précisément les motivations des parents ni l’articulation de leurs pratiques avec les modes de garde et d’accueil, l’enquête MDG de 2021 confirme que les congés de maternité et de paternité s’accompagnent très fréquemment du recours à d’autres congés permettant d’allonger la période d’interruption de travail, en particulier dans les catégories les plus aisées de la population :
– environ deux pères sur cinq en emploi salarié déclarent ainsi avoir assorti leur congé de paternité avec des congés annuels, des jours de réduction du temps de travail (RTT), des congés sans solde ou des congés spécifiques prévus dans le cadre d’une convention collective. La pratique concerne davantage les fonctionnaires ou salariés en CDI dans le secteur public (48 %) et moins les pères salariés en contrat court (24 %) ;
– de même, dans deux cas sur cinq, les mères en emploi salarié déclarent prendre d’autres types de congé au moment de la naissance de leur enfant. Ce recours est d’autant plus fréquent que la mère occupe un emploi de cadre ou de profession intellectuelle supérieure (54 %). Seules 32 % des mères employées et 22 % des mères ouvrières ont déclaré avoir pris d’autres congés ([85]).
Autres congés pris par les mères (à gauche) et par les pères (à droite) en emploi salarié au moment de la naissance
Source : Drees, Études et résultats n° 1275, juillet 2023.
Pour les mères, le congé pathologique permet également d’allonger de quelques semaines la durée légale du congé de maternité – dans la limite de deux semaines avant la date présumée de l’accouchement et de quatre semaines après la date de celui-ci ([86]). En 2021, 48 % des mères éligibles au congé de maternité déclaraient en bénéficier : 53 % des mères en emploi salarié, 31 % des mères indépendantes et 16 % des mères au chômage indemnisé ([87]).
Enfin, dans la fonction publique de l’État, le régime de la « mise en disponibilité » peut également être utilisé pour s’occuper d’un enfant âgé de moins de 12 ans ([88]). En 2020, ce statut concernait 39 800 fonctionnaires dont 43 % pour des raisons familiales ([89]) sans que la proportion de recours justifié en raison spécifiquement de l’éducation d’un enfant en bas âge ne soit connue.
Ces arrangements informels témoignent plus largement de la faible attractivité du congé parental long et/ou de la PreParE qui y est le plus souvent associée. On peut à ce titre souligner qu’en 2018, parmi les mères de plusieurs enfants dont un enfant âgé de moins de 3 ans qui travaillent à temps partiel, seules deux sur trois percevaient la PreParE ; et parmi celles qui ne travaillent plus, une sur trois en bénéficiait ([90]). Compte tenu de la diminution du nombre de bénéficiaires depuis 2018, ces estimations sont probablement plus basses aujourd’hui.
D’après les travaux des rapporteurs, ces pratiques informelles pouvant s’apparenter à du « bricolage » de congés demeurent très peu analysées et sont notamment rarement mises en perspective avec les choix des parents en matière de modes de garde et d’accueil. Elles sont pourtant essentielles pour informer utilement le législateur et nos politiques publiques sur l’adéquation entre la durée actuelle des congés parentaux, leur indemnisation et les besoins des familles.
Recommandation n° 1 : intégrer à l’enquête « Modes de garde et d’accueil des jeunes enfants » (MDG) de la Drees un module détaillé sur le recours à d’autres types de congés que les congés parentaux « formels » de façon à éclairer les arrangements informels des parents pour prolonger la période postnatale auprès de l’enfant.
À l’arrivée des enfants, les parents sont fréquemment amenés à ajuster leur emploi à de nouvelles contraintes familiales. Ces choix demeurent aujourd’hui fortement différenciés entre les pères et les mères et tendent à pénaliser davantage les trajectoires professionnelles des mères, et in fine, leurs revenus à la fois à court et à long terme. Les congés parentaux ont un rôle à jouer dans ces dynamiques de genre dans la mesure où l’offre existante de congés contribue à influencer dans un sens ou dans l’autre les arbitrages des pères et des mères sur le marché du travail.
À l’arrivée des enfants, les pères et les mères opèrent des ajustements professionnels fortement différenciés. Alors que les pères maintiennent pour la plupart leur situation dans l’emploi sans changement majeur, les femmes choisissent plus fréquemment :
– d’interrompre leur emploi pendant une période plus ou moins longue ;
– de diminuer leur nombre d’heures travaillées ;
– de s’orienter vers un emploi pouvant offrir des avantages en termes d’articulation avec leur vie familiale (flexibilité horaire, moindre engagement professionnel, proximité au domicile, etc.) mais susceptibles de pénaliser leur carrière à plus ou moins long terme (en termes de salaire et plus largement, de possibilités de valorisation de leurs compétences, d’apprentissage, d’évolution, d’avancement, etc.).
À partir de données issues de l’enquête « Conditions de travail » recueillies en 2013 et en 2016 ([91]), l’Insee documente précisément l’impact différencié d’une naissance sur le recours au temps partiel et aux aménagements du temps de travail des pères et des mères en emploi :
– il apparaît que la probabilité d’être à temps partiel augmente très fortement chez les femmes après une naissance. Parmi les femmes en emploi ayant eu un enfant au moins entre 2013 et 2016, le taux de recours au temps partiel augmente de 23 % à 45 % alors qu’il diminue de 31 % à 20 % parmi les femmes n’ayant pas eu d’enfant. A contrario, ce choix demeure rare parmi les hommes : seuls 6 % des hommes occupaient un emploi à temps partiel après une naissance en 2016 contre 4 % en 2013. 5 % des hommes sans nouvel enfant sont à temps partiel en 2016 contre 6 % en 2013 ;
Évolution du temps de travail après une naissance
Source : Insee Références, édition 2022.
– alors que les femmes diminuent en moyenne leur nombre d’heures travaillées hebdomadaires après une naissance (– 3,6 heures), soit une baisse correspondant souvent à un passage à temps partiel de 80 %, les hommes tendent à augmenter leur temps de travail (+ 0,4 heure en moyenne). Les pères effectuent notamment en moyenne 0,7 heure supplémentaire en plus et la fréquence du travail occasionnel ou régulier le soir et/ou le dimanche augmente après une naissance (respectivement + 4,6 et + 5,5 points).
Les trois quarts des mères à temps partiel interrogées dans le champ de l’enquête « Modes de garde et d’accueil des jeunes enfants » de la Drees déclarent l’être principalement pour une raison liée aux enfants et 66 % des mères d’un enfant en âge d’être scolarisé exercent leur temps partiel le mercredi après-midi, jour de fermeture des écoles. La composition familiale influence également leur recours au temps partiel : plus il y a d’enfants dans le foyer, plus la probabilité d’être à temps partiel ou sans emploi qu’à temps complet sont élevées.
Parmi l’ensemble des salariés à temps partiel, d’après l’Observatoire des inégalités, 27 % déclarent un temps partiel « subi » (c’est-à-dire qu’ils travailleraient davantage s’ils en avaient la possibilité). La proportion de mères et de pères à temps partiel « subi » n’est pas précisément documentée ; en outre, il est difficile d’évaluer ce qui relève du choix et de la contrainte dans des situations pouvant imbriquer des facteurs multiples (absence de mode de garde formel, horaires, transports, santé, etc.).
Ces ajustements professionnels différenciés entre les pères et les mères à l’arrivée des enfants ont pour effet de creuser sensiblement les inégalités de revenus au sein des couples et dans l’ensemble de la population entre les hommes et les femmes.
Dans une note publiée en novembre 2024, le Conseil d’analyse économique (CAE) rappelle la persistance d’un écart substantiel de revenus entre les femmes et les hommes en France estimé autour de 30 % en 2020 en tenant compte des personnes qui ne sont pas en emploi. Cet écart s’explique statistiquement par une moindre participation des femmes au marché du travail, des interruptions de carrière et un recours au travail à temps partiel plus fréquents, ainsi que des écarts salariaux persistants à temps de travail égal notamment liés à l’orientation des femmes vers des secteurs d’emploi moins rémunérés ([92]).
L’étude estime que près de 90 % des inégalités de revenu observées s’expliqueraient ainsi par la pénalité induite pour les mères par l’arrivée des enfants sur le marché du travail. Outre l’impact de choix d’orientation professionnelle, la maternité et l’arrivée des enfants constitueraient aujourd’hui le facteur le plus déterminant pour expliquer la persistance des inégalités salariales entre les hommes et les femmes.
déterminants des Écarts de revenus du travail observés entre les hommes et les femmes
Source : données 1990-2020 de l’enquête Emploi (Insee). Graphique issu de la note du CAE n° 83, novembre 2024.
Dans les dix années suivant la naissance d’un premier enfant, en comparaison des cinq années précédentes, d’après les données de l’enquête « Emploi » sur la période 1990-2020, il apparaît que le revenu moyen des mères chute brutalement avant de se stabiliser à un niveau beaucoup plus bas tandis que le revenu moyen des hommes n’apparaît quant à lui pratiquement pas affecté par la paternité.
La perte de revenus dans les dix premières années de l’enfant est estimée à près de 38 % pour les femmes par rapport à une situation contrefactuelle où elles n’auraient pas eu d’enfants.
Impact de la naissance du premier enfant sur les revenus du travail des pères et des mères
Source : données 1990-2020 de l’enquête Emploi (Insee). Graphique issu de la note du CAE n° 83, novembre 2024.
D’après une étude de l’Observatoire de l’émancipation économique des femmes, la Fondation des femmes souligne à ce titre « le coût d’être mère » ([93]) qui se mesure autant avant et après une naissance – discriminations au travail liées à la grossesse et la maternité, frais médicaux résiduels liés à la grossesse, effets sur la situation professionnelle et les salaires, coût physique voire psychologique en cas de dépression post-partum ([94]), retrait de l’emploi ou réduction du temps de travail pouvant être subis en l’absence de solution d’accueil, etc. – ainsi qu’à plus long terme en raison des effets durables des choix professionnels des mères de jeunes enfants sur leur carrière, leurs revenus et leurs retraites.
Les ajustements professionnels au sein des couples diffèrent également selon les milieux sociaux et contribuent, d’une manière générale, à pénaliser davantage les trajectoires professionnelles des mères issues des classes populaires :
– les mères cadres ou de professions intellectuelles supérieures sont ainsi plus fréquemment à temps complet avec un conjoint dans la même situation (68 %) que les mères employées ou ouvrières (37 %) ;
– les couples dans lesquels la mère est sans emploi et le père à temps complet sont trois fois plus nombreux quand la mère est employée ou ouvrière (27 %) que lorsque la mère est cadre ou de profession intellectuelle supérieure (9 %) ([95]).
situation dans l’emploi des couples avec au moins un enfant de moins de six ans selon la catégorie sociale de la mère
Dans les catégories sociales les moins aisées, les plus faibles rémunérations peuvent justifier une préférence à garder l’enfant soi-même plutôt que de rester en emploi à temps complet et de faire appel à un mode de garde extérieur trop coûteux.
Les mères employées ou ouvrières ont également plus souvent des conditions d’emploi qui compliquent l’articulation entre leurs vies familiale et professionnelle – contrat à durée déterminée ou autre contrat précaire, pas ou peu de possibilités de télétravail, manque de flexibilité horaire en cas d’imprévus, horaires irréguliers, etc. Ces contraintes professionnelles peuvent justifier un retrait ou une réduction de l’activité pour s’occuper de l’enfant.
Ainsi, les mères dont les revenus sont les plus modestes et qui occupent des emplois leur permettant plus difficilement d’articuler vie familiale et vie professionnelle sont davantage incitées à prendre des congés parentaux à la rémunération faible mais stable. Inversement, les femmes mieux rémunérées et plus diplômés sont moins incitées à se retirer du marché du travail ([96]).
L’architecture des congés parentaux en France contribue à cette répartition inégalitaire des rôles au sein des couples à l’arrivée des enfants en favorisant notamment la présence des mères dans les premiers mois de l’enfant et a fortiori l’engagement différencié des pères en raison du désalignement de la durée des congés de maternité et de paternité.
Les dépenses publiques en faveur des congés parentaux ont atteint 4,7 milliards d’euros en 2023, dont 3,9 milliards d’euros d’indemnités liées aux congés de maternité, de paternité et d’adoption et 0,7 milliard d’euros pour la PreParE ([97]). À ces dépenses, s’ajoutent également 250 millions d’euros d’allocation journalière de présence parentale (AJPP). La dynamique de ces dépenses depuis dix ans varie selon le dispositif concerné.
Près des trois‑quarts de ces dépenses (72,3 %) incombent à la branche famille, soit qu’elle en gère elle-même le versement – c’est le cas de la PreParE –, soit qu’elle en assure le financement par le remboursement des sommes engagées par l’assurance maladie – c’est le cas des indemnités journalières de paternité et, depuis 2023, des indemnités journalières de maternité postnatales.
● En 2023, les congés de maternité et de paternité représentent des dépenses respectives de 3,2 milliards d’euros (83 %) et de 0,7 milliard d’euros (17 %) ([98]). Ces dépenses sont prises en charge par l’assurance maladie à hauteur de 1,2 milliard d’euros, et par la branche famille à hauteur de 2,7 milliards d’euros ([99]).
L’ensemble des dépenses d’indemnités journalières liées à ces congés a augmenté de 0,7 milliard d’euros en huit ans, passant ainsi de 3,2 milliards d’euros en 2015 à 3,9 milliards d’euros en 2023, soit une hausse de 19 %. La hausse des dépenses observée depuis 2015 est particulièrement importante pour le congé de paternité, du fait principal de l’allongement de la durée moyenne de congé à partir de 2021 à vingt‑cinq jours, qui fait plus que compenser la baisse concomitante des effectifs de bénéficiaires ([100]). D’après les derniers chiffres transmis aux rapporteurs par la direction de la sécurité sociale, ces dépenses de congés de maternité et de paternité auraient progressé de 2 % en 2024.
Évolution des dépenses d’indemnités journalières liées aux congés de maternité et de paternité depuis 2015
Source : réponses de la direction de la sécurité sociale au questionnaire des rapporteurs.
● Depuis 2016, l’évolution des dépenses de congés de paternité et de maternité résulte d’abord d’un double effet :
– un « effet volume » d’une part, lié au nombre de jours indemnisés par la sécurité sociale au titre des congés ;
– un « effet prix » d’autre part, qui résulte à la fois de l’évolution des salaires sur la base desquels est calculé le montant des indemnités et de celle du plafond annuel de la sécurité sociale (Pass) qui permet de déterminer le plafond des indemnités journalières.
Qu’il s’agisse du congé de maternité ou du congé de paternité, l’effet prix a contribué positivement à l’évolution des dépenses : entre 2016 et 2023, l’indemnité journalière moyenne des pères est ainsi passée de 64 euros à 70 euros (+ 9 %) tandis que l’indemnité journalière moyenne des mères est passée de 48 euros à 59 euros (+ 23 %).
En revanche, l’effet volume a eu des implications différentes selon le type de congé considéré : dans les deux cas, la baisse du nombre de bénéficiaires a contribué à réduire le nombre total de jours indemnisés de sorte que les effets prix et l’effet volume se compensent globalement. Toutefois, l’allongement de la durée du congé de paternité adopté en loi de financement de la sécurité sociale pour 2021 a très largement surcompensé cet effet baissier. Aussi, alors que le nombre total de jours indemnisés au titre du congé de maternité a diminué de 19 % depuis 2016, il a augmenté de 106 % au titre du congé de paternité.
● L’on notera que le nombre de jours de congés de maternité et de paternité indemnisés au régime général, et l’évolution de l’indemnité journalière moyenne, ne permettent pas d’expliquer à eux seuls l’intégralité du dynamisme de la masse de dépenses observé tous régimes confondus.
Comme la direction de la sécurité sociale l’a confirmé aux rapporteurs, il existe d’autres effets en lien avec des évolutions législatives récentes pour les fonctionnaires, les travailleurs indépendants et les agriculteurs. Pour eux, les dépenses de congé de maternité et de paternité ont augmenté plus rapidement que pour le régime général. En effet, l’alignement des modalités d’indemnisation des indépendants sur le régime général depuis 2019, ainsi que l’allongement de la durée du congé de paternité et l’obligation de prendre au minimum quatre jours de congés ont accru le recours et les durées de congés pris par les parents dans les autres régimes ([101]).
Selon un calcul effectué pour la Commission des comptes de la sécurité sociale, ces effets expliquent 10 % de l’évolution des dépenses pour les congés de maternité et 36 % pour les congés de paternité ([102]).
Déterminants de l’évolution des dépenses pour les congés de maternité et de paternité
● Depuis 2015, les dépenses de PreParE ont été divisées par plus de deux, en lien avec la baisse de la natalité sur la période mais également en raison d’une baisse du recours au dispositif. D’un niveau proche de 1,6 milliard d’euros en 2016, la PreParE ne représentait plus que 743 millions d’euros en 2023. Selon les données fournies par la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf) aux rapporteurs, cette baisse s’est poursuivie en 2024 (714 millions d’euros).
Évolution des dépenses de CLCA et de PreParE depuis 2016
(en milliards d’euros)
Source : réponses de la direction de la sécurité sociale au questionnaire des rapporteurs.
Celle‑ci s’explique en partie par le ralentissement des naissances, mais également par un recours en recul dont la réforme de 2015 est partiellement responsable ([103]). En 2023, le nombre de familles couvertes par cette prestation a diminué de 5,5 % par rapport à l’année précédente, passant de 221 000 à environ 209 000. Cette tendance se retrouve aussi bien parmi les bénéficiaires de la PreParE à taux plein (– 4,6 %) que parmi ceux en bénéficiant à taux réduit (– 6,3 %). Parmi ces derniers, cette baisse est particulièrement marquée chez les familles dont les membres diminuent leur activité professionnelle à moins de 50 % (– 10,4 % entre 2022 et 2023) ([104]).
● Outre les congés parentaux stricto sensu, d’autres dépenses publiques participent de l’accompagnement des parents qui s’interrompent de travailler pour garder leurs enfants.
S’agissant des parents ayant la charge d’un enfant gravement malade, l’allocation journalière de présence parentale (AJPP) connaît une croissance régulière et soutenue du nombre de ses bénéficiaires (+ 8,9 % par an en moyenne en 2010 et 2023). Cette hausse est particulièrement forte entre 2022 et 2023 (+ 33,5 %). Plus de 17 000 foyers ont aujourd’hui recours à cette allocation pour un montant total de dépenses de 251 millions d’euros (contre 92 millions d’euros en 2020).
Le congé de présence parentale (CPP) et l’allocation journalière de présence parentale (AJPP)
Le congé de présence parentale (CPP) est ouvert à tout salarié ayant la charge d’un enfant victime d’une maladie, d’un accident ou d’un handicap grave nécessitant une présence soutenue ou des soins contraignants, sans autre condition liée à l’ancienneté, à la nature du contrat de travail ou à l’effectif de l’entreprise. Le salarié bénéficie d’une réserve de jours de congés (actuellement au maximum de 310 jours ouvrés, soit quatorze mois, dans la limite d’une durée de trois ans), qu’il utilise en fonction de ses besoins.
Il n’est pas rémunéré mais peut ouvrir droit au versement de l’allocation journalière de présence mentale (AJPP) pour chaque journée ou demi-journée passée auprès de l’enfant dans la limite de vingt-deux jours par mois.
Afin de répondre à certaines situations, en particulier pour les parents d’enfants atteints d’un cancer, la loi n° 2011-1484 du 15 novembre 2021 visant à améliorer les conditions de présence parentale auprès d’un enfant dont la pathologie nécessite un accompagnement soutenu permet au salarié ayant atteint le nombre maximal de 310 jours de congés avant l’expiration de la période de trois ans de bénéficier d’un renouvellement de son congé « au titre de la même maladie, du même handicap ou du même accident dont l’enfant a été victime ». En d’autres termes, lorsque la gravité de la pathologie de l’enfant nécessite toujours une présence soutenue et des soins contraignants, les parents peuvent bénéficier de 310 jours supplémentaires (soit 620 jours au total) de CPP et d’AJPP mobilisables sur trois ans.
● De façon indirecte, l’arrivée des enfants dans le foyer peut également induire d’autres dépenses publiques dont les plus significatives sont celles liées aux dispositifs de compensation prévus par le système de retraite. Les rapporteurs ont souhaité étudier la manière dont ces dispositifs interagissent avec les congés parentaux.
S’agissant des périodes de congés de maternité et d’adoption, celles‑ci influent sur le montant des pensions de retraites de deux façons :
– d’une part, dans la plupart des régimes de retraite, elles sont assimilées à des périodes d’assurance, prises en compte pour déterminer le taux de la pension ([105]) : pour les enfants nés à compter du 1er janvier 2014, la mère valide un trimestre pour chaque période de 90 jours d’indemnités journalières ou, si la durée d’indemnisation a été inférieure à 90 jours, elle valide le trimestre civil au cours duquel elle a bénéficié du dernier jour d’indemnisation ([106]) ;
– d’autre part, elles sont prises en compte dans le calcul du revenu annuel moyen ([107]). Les indemnités journalières perçues depuis le 1er janvier 2012 sont reportées au compte après une majoration de 125 % ([108]), tandis que celles perçues antérieurement le sont sur la base d’un salaire forfaitaire ([109]).
Les parents peuvent en outre bénéficier de deux principaux dispositifs visant à compenser l’effet qu’une interruption de travail lié à l’arrivée et à l’éducation des enfants exerce sur les droits à la retraite :
– les majorations de durée d’assurance (MDA) accordées aux mères au titre de leur maternité et aux parents au titre de l’adoption ou de l’éducation, qui consistent en l’attribution de trimestres validés « gratuitement » et pris en compte dans le calcul du taux de leurs pensions ([110]).
Au régime général, aux régimes agricoles et au régime des professions libérales, l’attribution de ces trimestres ne requiert pas d’interruption de travail. La prise d’un congé parental n’a donc pas d’effet en soi sur les dépenses liées aux MDA.
En revanche, il existe également une majoration de durée d’assurance attribuée aux personnes qui ont recours au congé parental d’éducation ([111]). Non cumulable avec les autres MDA, elle n’est servie que lorsque son application est plus favorable que celles‑ci. De facto, cette condition est assez rarement remplie puisque seules 2 625 femmes parties à la retraite en 2020 en ont bénéficié soit seulement 0,9 % de l’ensemble des femmes ayant obtenu une majoration de durée d’assurance la même année, étant entendu que 99 % des bénéficiaires de MDA sont des femmes ([112]). Au régime de la fonction publique de l’État, les règles sont différentes puisque les périodes de congé parental, de temps partiel et de disponibilité de droit pour élever un enfant sont prises en compte dans la limite de trois ans par enfant né ou adopté à partir du 1er janvier 2004 ([113]) ;
Les majorations de durée d’assurance vieillesse liées aux enfants
Des majorations de durée d’assurance (MDA) au titre de la maternité, de l’adoption et de l’éducation permettent d’ajouter des trimestres supplémentaires pour compenser l’incidence de l’arrivée des enfants sur la carrière. Plus précisément, au régime général, dans les régimes agricoles et ceux des professions libérales :
– quatre trimestres peuvent être attribués à la mère au titre de la maternité ;
– quatre trimestres peuvent être attribués au titre de l’adoption d’un enfant ;
– et quatre autres peuvent être attribués au titre de l’éducation des enfants.
Les trimestres liés à l’adoption et à l’éducation peuvent être répartis entre les parents, s’ils en expriment le souhait avant les 4 ans et demi de l’enfant, et à condition que deux trimestres au moins soient octroyés à la mère. À défaut d’option exprimée, les quatre trimestres sont attribués à la mère.
Dans le régime général et les régimes agricoles, est également prévue une majoration de durée d’assurance attribuée aux assurés bénéficiant d’un congé parental d’éducation. La majoration de durée d’assurance est alors égale à la durée effective du congé parental, un trimestre étant validé pour chaque période de 90 jours en situation de congé. Elle n’est pas cumulable avec les autres majorations pour enfants et n’est attribuée que lorsqu’elle est plus favorable à l’assuré que celles‑ci.
Les trimestres de MDA ne sont pas directement attribués au titre des congés parentaux, et ne majorent par ailleurs pas directement le montant de la pension. En revanche, leur prise en compte dans la durée d’assurance requise pour le taux plein peut compenser un faible nombre de trimestres réellement cotisés.
Dans la fonction publique, les mères bénéficient d’une « majoration pour accouchement » de deux trimestres par enfant, à condition de ne pas avoir bénéficié d’un congé parental de six mois ou plus. S’il n’existe pas de majoration pour éducation, les périodes de congé parental sont toutefois prises en compte pour la constitution des droits à pension de retraite dans la limite de trois ans par enfant né ou adopté à partir du 1er janvier 2024.
En 2022, les MDA ont permis d’augmenter en moyenne les durées validées des femmes de treize trimestres.
– l’assurance vieillesse des parents au foyer (AVPF) qui permet une affiliation au régime général des parents qui s’interrompent de travailler pour s’occuper de leurs enfants ([114]).
L’assurance vieillesse des parents au foyer (AVPF)
L’AVPF a pour but de maintenir des droits à la retraite de base pour les personnes qui cessent ou réduisent leur activité professionnelle pour s’occuper d’un enfant à travers leur affiliation au régime général. Créée en 1972 pour les mères de famille assumant la charge de jeunes enfants, son accès a été progressivement étendu à d’autres populations, notamment aux pères à compter de 1979.
Les caisses d’allocations familiales ou les caisses de mutualité sociale agricole se substituent aux bénéficiaires pour le paiement de leurs cotisations d’assurance vieillesse, lesquelles sont calculées sur la base d’un salaire forfaitaire correspondant à 169 fois le Smic en vigueur le 1er juillet de l’année civile précédente. Pour les bénéficiaires de la prestation partagée d’éducation de l’enfant qui ont réduit leur activité, cette assiette forfaitaire de cotisations peut être réduite à 20 % ou 50 % en fonction du taux de la prestation servie. L’assuré valide donc des trimestres et bénéficie d’une prise en compte d’un « salaire virtuel » égal à l’assiette forfaitaire dans son revenu annuel moyen.
Le bénéfice de l’AVPF requiert trois conditions cumulatives :
– percevoir une prestation familiale parmi l’allocation de base, le complément familial ou la prestation partagée d’éducation de l’enfant ;
– justifier de ressources inférieures à un plafond qui varie selon le motif d’affiliation ;
– cesser ou réduire son activité professionnelle.
L’affiliation est automatique pour les personnes éligibles et dure aussi longtemps que l’assuré en remplit les conditions. Elle ne peut toutefois intervenir lorsque, au titre du ou des enfants considérés et de la même période, la personne bénéfice de la majoration de durée d’assurance prévue au titre de son congé parental.
Les dépenses liées à ces deux dispositifs ne font pas l’objet d’un suivi précis et consolidé au niveau de l’ensemble des régimes. Seules sont identifiables les dépenses relatives à la prise en charge des cotisations des bénéficiaires de l’assurance vieillesse des parents au foyer compte tenu du fait qu’elles sont financées par la branche famille sous la forme d’un transfert à la Caisse nationale d’assurance vieillesse (Cnav).
Rapportées aux dépenses de congés parentaux stricto sensu, les masses financières sont considérables. Ainsi, en 2024, la Caisse nationale des allocations familiales a‑t‑elle versé 5,1 milliards d’euros au titre des prises en charge de cotisations des bénéficiaires de l’AVPF ([115]). Selon la direction de la sécurité sociale, l’affiliation à l’AVPF représenterait cependant une part marginale des cotisations prises en charge par la branche famille (0,4 milliard d’euros). Toutefois, les rapporteurs n’ont pas obtenu d’informations s’agissant de la manière dont étaient imputées les affiliations à l’AVPF. En effet, la PreParE étant cumulable avec d’autres prestations ouvrant droit à l’AVPF (telle que l’allocation de base de la prestation d’accueil du jeune enfant), les rapporteurs ne peuvent exclure que des personnes bénéficiant de la PreParE soient affiliées à l’AVPF, non pas à raison de ce bénéfice, mais à raison de celui d’une autre prestation cumulable. Autrement dit, si les allocations cumulables avec la PreParE étaient supprimées, les montants de cotisations versés par la Cnaf au titre de l’AVPF des personnes en congé parental pourraient être virtuellement plus élevés.
Quant aux dépenses liées aux majorations de durée d’assurance, celles‑ci sont particulièrement difficiles à évaluer dans la mesure où les droits qu’elles financent sont valorisés au moment de la liquidation de la pension de retraite et non du fait générateur – c’est-à-dire de la naissance ou de l’éducation des enfants.
Le secrétariat général du Conseil d’orientation des retraites estimait toutefois de manière conventionnelle leur coût à 11,3 milliards d’euros en 2022, soit 3,6 % du montant total des pensions de droit direct versées par l’ensemble des régimes obligatoires ([116]). En faisant l’hypothèse que cette part est stable dans le temps, il est possible d’estimer que les majorations de durée d’assurance représentaient environ 11,9 milliards d’euros en 2023 ([117]). Compte tenu du faible nombre de trimestres attribués au titre de la MDA congé parental, il est toutefois vraisemblable que leur contribution à ce montant soit l’épaisseur du trait.
S’il apparaît donc difficile de connaître avec précision le montant des dépenses publiques directes et indirectes induites par les congés parentaux, les rapporteurs considèrent que tout projet d’évolution de ces dispositifs doit prendre en compte l’impact global sur les finances sociales.
Ils constatent enfin que ces dispositifs de compensation, en particulier au régime général et dans les régimes alignés, ne sont pas toujours conditionnés à la réduction ou la cessation d’activité réelle des parents. Ce constat, également formulé par la Cour des comptes dans son rapport sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale pour 2022 ([118]) puis à nouveau par le secrétariat général du COR dans un document de travail portant sur les évolutions des droits familiaux à la retraite ([119]), conduit à s’interroger sur des évolutions de ces dispositifs.
Si le présent rapport n’est pas le lieu de trancher cette question, il semble toutefois important d’y réfléchir en lien avec les évolutions des congés parentaux : en effet, instaurer une forme de conditionnalité du bénéfice de la validation de trimestres via l’AVPF ou les majorations de durée d’assurance à la cessation d’activité pourrait modifier les comportements des parents en rendant les congés parentaux plus attractifs.
Recommandation n° 2 : intégrer aux travaux sur une future évolution des droits familiaux à la retraite la question de leur articulation avec les congés parentaux.
2. Un manque persistant de pilotage et de suivi des dépenses de congés de maternité et de paternité
Dans son rapport sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale pour 2023 ([120]), la Cour des comptes regrettait que les régimes de sécurité sociale considéraient les congés de maternité comme des dépenses « subies » et ne mettaient par conséquent en place aucun pilotage ni suivi. Les indemnités journalières sont considérées comme des dépenses de guichet, presque exogènes aux politiques mises en œuvre.
De fait, les conventions d’objectifs et de gestion (COG) des principaux organismes d’assurance maladie avec l’État, c’est-à-dire la Caisse nationale de l’assurance maladie (Cnam) et la Caisse centrale de la Mutualité sociale agricole (MSA), ne comportaient aucun objectif de taux de recours aux congés de maternité ou de paternité ou d’indicateurs liés à la santé maternelle.
● Par rapport à la convention précédente, la nouvelle COG de la Cnam comprend quelques éléments nouveaux ([121]) : un objectif de suivi du délai de traitement des indemnités journalières de maternité et de paternité subrogées et de l’extension de la subrogation aux indemnités journalières de maternité ([122]) ; le déploiement d’un programme structuré autour de la maternité et la petite enfance qui comporte des mesures spécifiquement consacrées à la santé maternelle (prévention de la dépression post‑partum, entretien prénatal précoce) ; le lancement d’un programme de dépistage du diabète gestationnel.
● S’agissant des agriculteurs, la COG de la MSA ne prévoit rien d’autre que la mise en œuvre d’un service en ligne de demande d’allocation de remplacement pour la paternité ou la maternité ([123]). Aucun objectif chiffré permettant de suivre les dépenses ni d’évaluer le recours à ces services de remplacement n’est fixé, permettant de suivre l’efficacité des politiques mises en œuvre.
Malgré de légers progrès, les rapporteurs réitèrent donc le constat fait par la Cour selon lequel les caisses d’assurance maladie ne font pas du suivi des congés de maternité et de paternité l’une de leurs priorités.
Recommandation n° 3 : intégrer aux futures conventions d’objectifs et de gestion un dispositif de suivi du recours aux congés de maternité et de paternité ainsi que des dépenses d’indemnités journalières associées et lier les résultats à des indicateurs de suivi de la santé des mères et des enfants.
D. Le modÈle français des congÉs parentaux en comparaison internationale
La comparaison internationale présente une complexité certaine. Outre les différences de modèles sociaux et administratifs, les conceptions nationales du rôle parental et des libertés individuelles influencent les politiques mises en œuvre. S’ajoute à cela le fait que la distinction par dispositif – congé de maternité, congé de paternité et congé parental d’éducation – se heurte à l’existence, dans certains pays tels que la Norvège, de dispositifs unifiés s’adressant à la fois à la mère et au père, pour la période suivant directement la naissance de l’enfant et pouvant aller jusqu’à ses premières années. En outre, la France présente la singularité de faire varier la durée des congés indemnisés en fonction du rang de l’enfant, ce qui n’est le cas dans presque aucun autre pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) ([124]). Enfin, juger de l’efficacité des congés parentaux en tant que tels n’a de sens que s’ils peuvent être remis dans le contexte plus global des offres d’accueil du jeune enfant dans chaque pays : un congé court d’un an n’a pas les mêmes conséquences dans un pays où les établissements d’accueil collectif garantissent une place aux enfants après leur premier anniversaire et dans un pays où de telles solutions sont rares.
Cela étant rappelé, la comparaison demeure toutefois pertinente car, sans viser la transposition mécanique de solutions étrangères, elle offre un cadre de réflexion élargi et contribue à une meilleure identification des leviers de réforme envisageables. Une façon de la mener consiste à analyser les caractéristiques des congés réservés à la mère d’une part et au père d’autre part, et à évaluer la manière dont ils interagissent ensemble. Cela permet ainsi de dégager les principaux axes qui structurent les politiques de congés parentaux dans les différents pays étudiés : la durée des congés, leur niveau d’indemnisation, le degré de flexibilité laissé aux parents et le degré d’incitation à une prise de congé répartie entre les parents.
Les analyses de la présente partie s’appuient sur les travaux de l’OCDE ([125]) et sur son audition par les rapporteurs ainsi que sur les études très riches du réseau international pour la recherche sur les politiques de congés parentaux (International Network on Leave Policies and Research) ([126]).
● Le premier constat général est que, si les disparités entre États demeurent marquées, presque tous, à l’exception des États‑Unis, prévoient des dispositifs de congés parentaux à l’échelon national.
En Europe, bien qu’une dynamique d’harmonisation soit engagée autour de principes communs, notamment à travers la directive européenne de 2019 sur l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée ([127]), des différences substantielles subsistent.
● Premièrement, les politiques relatives au nombre de jours de congés parentaux rémunérés varient considérablement d’un pays à l’autre. En moyenne, dans les pays de l’OCDE, la durée des congés à la disposition des mères s’élève à environ 52 semaines tandis que celle des congés réservés aux pères n’est que de 13 semaines ([128]).
Cette moyenne cache néanmoins des écarts significatifs. S’agissant des congés parentaux indemnisés, si les parents suédois et norvégiens bénéficient d’un congé total d’environ 64 et 59 semaines, les parents danois peuvent prendre vingt‑huit semaines au total (en cas de prise par les deux parents) et les parents irlandais, jusqu’à quatorze semaines (en cas de prise par les deux parents l’un à la suite de l’autre).
● Deuxièmement, un critère structurant de différenciation réside dans les modalités d’indemnisation des congés parentaux. Dans la majorité des cas, les congés font l’objet d’une indemnisation proportionnelle au revenu antérieur, généralement fixée à un niveau égal ou supérieur aux deux tiers du salaire, et plafonnée selon des barèmes spécifiques.
Concernant les congés de maternité et de paternité, certains pays comme l’Estonie ou la France garantissent une indemnisation équivalente à 100 % du salaire journalier moyen, dans la limite d’un plafond réglementaire. La Slovaquie indemnise à hauteur de 75 % du revenu journalier moyen de l’année précédente, dans la limite de deux fois le salaire moyen national, tandis que l’Allemagne et l’Italie appliquent des taux respectifs de 100 % et 80 % sans toutefois imposer de plafond aux indemnités journalières. Seuls quelques États, tels l’Autriche, l’Irlande ou le Royaume-Uni, retiennent une logique forfaitaire pour les indemnités de congés de maternité. Au‑delà du caractère proportionnel ou forfaitaire de l’indemnisation et du taux de remplacement, les pays diffèrent aussi par l’assiette retenue : si le taux de remplacement du congé de maternité en Italie n’est que de 80 %, il s’applique toutefois au salaire brut, tandis que le taux de remplacement du congé de maternité en France s’applique à un salaire « net » (de même qu’au Chili, en Autriche et en Allemagne) ([129]). Compte tenu de l’application d’un abattement de 21 % sur l’assiette considérée, le taux de remplacement des indemnités journalières en France est donc en réalité proche de celui applicable en Italie ([130]).
S’agissant des équivalents du congé parental d’éducation, et à la différence de la France, une majorité de pays européens a fait le choix d’une indemnisation proportionnelle au revenu. C’est notamment le cas de l’Allemagne, qui a substitué en 2007 un congé parental lié aux revenus à une allocation forfaitaire auparavant modeste et soumise à conditions de ressources. Le dispositif allemand prévoit une durée d’indemnisation du congé parental de douze mois, à hauteur de 65 % du revenu de l’année précédente en moyenne, dans la limite d’un plafond équivalent à 1 800 euros par mois ([131]). Les parents peuvent en outre bénéficier d’une extension de deux mois supplémentaires dès lors que les deux parents utilisent chacun a minima deux mois ([132]). Les parents choisissant de passer à temps partiel pour garder leurs enfants peuvent également avoir recours à un congé parental indemnisant totalement ou partiellement la perte de revenus liée à la réduction de leur temps de travail, dans la limite de vingt‑quatre mois maximum.
Quelques rares pays tels que l’Autriche ou la Lituanie se distinguent quant à eux en proposant plusieurs options de congés parentaux aux parents. En Autriche, les parents peuvent ainsi choisir un congé parental long (jusqu’à 851 jours, soit environ 121 semaines) mais faiblement indemnisé ou un congé parental plus court (douze mois avec deux mois supplémentaires en cas de partage par les deux parents) et indemnisé à hauteur de 80 % des revenus jusqu’à 2 500 euros par mois ([133]).
● Troisièmement, l’analyse comparative des politiques de congés parentaux illustre, en creux, la diversité des principes qui les sous‑tendent dans les différents pays étudiés.
Dans une perspective égalitaire, certains pays adoptent un modèle fondé sur la coresponsabilité parentale comme la Suède, la Finlande, la Norvège et l’Espagne. Ces pays ne distinguent ainsi généralement pas le congé de maternité, le congé de paternité et le congé parental. Par exemple, en Espagne depuis avril 2019, les prestations de congé maternité et de paternité sont regroupées en une seule prestation « Naissance et soin d’un enfant » accessible à la mère et au second parent ([134]). La Norvège prévoit un dispositif unique, intégrant l’équivalent français des congés de maternité, de paternité et parental d’éducation, dans lequel les parents se voient octroyer des périodes de congés non transférables entre eux : jusqu’à vingt‑deux semaines pour la mère, dont trois pour la période prénatale, et dix‑neuf semaines pour le père ([135]). Les dix‑huit semaines restantes pouvant être partagées par les parents en toute flexibilité.
D’autres pays au contraire sont les héritiers d’une conception plus différenciée des rôles parentaux, entre le parent qui assure la subsistance de la famille – le breadwinner – et celui qui prend en charge le travail parental – le caregiver. En Allemagne et au Canada par exemple, le congé de paternité au sens français du terme est inexistant.
● Comme le rappelle un rapport récent de France Stratégie et du Haut Conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge (HCFEA) ([136]), l’on observe toutefois une tendance récente dans les pays européens à favoriser un meilleur partage du congé entre les deux parents. Cette tendance aboutit en général à des réformes sous‑tendues par deux logiques opposées.
La première logique consiste à rendre le congé parental plus généreux dans sa durée et son indemnisation dès lors que les parents le partagent. Cette logique conduit a priori à des dépenses supplémentaires si les pères se saisissent de ce nouveau droit mais apparaît plus respectueuse du principe de libre choix des parents en matière de modes de garde qui est au cœur du modèle français.
La seconde logique consiste à l’inverse à instaurer une forme de malus en diminuant la durée totale du congé parental disponible en l’absence de partage entre les parents. Elle induit généralement des économies pour les dépenses publiques si les conditions du partage n’incitent pas les pères à y avoir recours et réduit par construction davantage les options de garde à disposition des parents.
L’exemple de l’instauration de la PreParE en 2015 illustre ce mouvement puisqu’il illustre les deux logiques à l’œuvre dans une seule et même réforme ([137]) :
– pour le premier enfant, la réforme a allongé de six mois supplémentaires la durée maximale d’indemnisation du congé en réservant toutefois son bénéfice à six mois maximum par parent (première logique) ;
– à partir du deuxième enfant, la réforme a maintenu la durée maximale d’indemnisation de trente‑six mois mais l’a assortie d’une obligation de partage entre les deux parents, lesquels ne peuvent dorénavant plus bénéficier que de vingt‑quatre mois d’indemnisation à titre individuel (seconde logique).
● Il ressort d’abord des auditions menées que la durée du congé de maternité en France (16 semaines) est légèrement en dessous de la moyenne des pays de l’OCDE (18,4 semaines). La durée maximale est observée en Bulgarie, en Grèce et au Royaume-Uni, où les mères ont respectivement droit à 58, 56 et 39 semaines de congé de maternité indemnisé. À l’inverse, le Portugal ne prévoit que six semaines de congé réservé à la mère au sein d’un congé parental unique pouvant aller jusqu’à 150 jours au total pour les deux parents (soit environ 21 semaines). De même, la Finlande ne prévoit que quarante jours ouvrés de congé de maternité stricto sensu (soit 6,7 semaines).
Semaines de congé de maternité indemnisé
Note : les taux de rémunération en France et Allemagne sont basés sur les revenus nets. Les données sur l’ensemble des revenus se rapportent à 2023. Les taux de paiement moyens sont basés sur un individu recevant le salaire moyen national.
Source : OCDE.
En revanche, l’indemnisation du congé de maternité français est plutôt favorable, avec un taux de remplacement égal à 100 % du salaire pris en compte dans la limite du plafond mensuel de la sécurité sociale ([138]) et auquel s’applique l’abattement forfaitaire de 21 % (voir supra). Ainsi, depuis le 1er janvier 2025, l’indemnité journalière maximale versée par la sécurité sociale est fixée à 101,94 euros bruts. D’autres pays européens proposent des modèles différents. En Italie, par exemple, l’indemnité journalière, généralement payée directement par l’employeur, représente 80 % du salaire moyen, mais ne fait l’objet d’aucun plafond. Dans les pays anglo‑saxons, du fait de son caractère forfaitaire ou d’un faible taux de remplacement, l’indemnisation du congé de maternité est particulièrement faible. Le taux de rémunération ne dépasse ainsi pas 23 % en Irlande, 30 % au Royaume-Uni, 35 % au Canada ou 43 % en Australie.
Taux moyen de rémunération du congé de maternité payé (% salaire moyen)
Note : les taux de rémunération en France et Allemagne sont basés sur les revenus nets. Les données sur l’ensemble des revenus se rapportent à 2023. Les taux de paiement moyens sont basés sur un individu recevant le salaire moyen national.
Source : OCDE.
Si l’on s’intéresse à la durée totale des congés à la disposition des mères – incluant donc non seulement le congé de maternité stricto sensu mais également l’équivalent du congé parental d’éducation non réservé au second parent et le congé de garde à domicile –, l’on observe que, s’agissant des mères d’un enfant, la France (42 semaines) accuse un retard encore plus grand sur la moyenne des pays de l’OCDE (51,9 semaines). Ce constat ressortant des travaux de l’OCDE doit toutefois être nuancé au regard du fait que la France propose une durée de congé parental indemnisé plus longue pour les parents à partir de leur deuxième enfant, ce qui contribue à porter la durée totale des congés à la disposition de la mère à 114 semaines, un niveau bien plus élevé que la moyenne des pays de l’OCDE.
Du fait du caractère forfaitaire de la PreParE, les conditions d’indemnisation globale des congés à la disposition de la mère sont quant à elles beaucoup moins favorables que celles du congé de maternité stricto sensu. Ainsi, la durée en « semaine équivalent taux plein » de ces congés n’est que de 19,7 semaines contre 25 semaines en Italie, 43 semaines en Allemagne.
Comparer les conditions d’indemnisation des congés entre pays : la durée en « semaines équivalent taux plein » de l’OCDE
Afin de pouvoir comparer la qualité de l’indemnisation entre pays, l’OCDE procède à un calcul de la durée des congés en « semaines équivalent taux plein » (full‑rate equivalent), c’est‑à‑dire la durée du congé payé en semaines s’il était indemnisé à 100 % des revenus antérieurs. Le calcul de l’équivalent en taux plein (SETP) peut se résumer ainsi :
« semaine équivalent taux plein » = durée du congé (en semaines) × taux de rémunération (en pourcentage du salaire moyen) perçu par le bénéficiaire pendant la durée du congé.
Le « taux moyen de rémunération » correspond à la proportion des revenus antérieurs remplacée par la prestation sur toute la durée du congé payé pour une personne percevant 100 % du salaire moyen national à temps plein.
Si cela couvre plusieurs périodes de congé avec deux taux de rémunération différents, comme c’est le cas en France, une moyenne pondérée est calculée en fonction de la durée de chaque période.
À titre d’exemple, la durée totale des congés réservés aux mères en France est de 42 semaines mais le taux de rémunération globale de ces congés n’est que de 46,9 %. Il en résulte donc que la durée totale des congés de la mère, s’ils étaient indemnisés à 100 % du salaire, ne serait que de 19,7 semaines.
Source : OCDE.
● En ce qui concerne le congé de paternité en France, les travaux de l’OCDE révèlent une situation relativement avantageuse : depuis son allongement en juillet 2021, la durée du congé français (quatre semaines) dépasse la moyenne de l’OCDE (2,4 semaines) et son niveau d’indemnisation est élevé. Si la plupart des pays prévoyant un congé de paternité indemnisé ont retenu une durée proche des deux semaines, l’Espagne se distingue quant à elle par la mise en place en 2021 d’un congé de paternité d’une durée équivalente à celle du congé de maternité (soit seize semaines), tandis que le Portugal, qui arrive en deuxième position, ne prévoit que cinq semaines réservées au père.
Semaines de congÉs indemnisÉs rÉservÉs aux pÈres
Source : OCDE.
La durée totale théorique des congés rémunérés ouverts aux pères – incluant le congé de paternité, le congé parental spécifiquement accessible aux pères, et le congé de garde à domicile – atteint trente semaines en France, un niveau très supérieur à la moyenne des pays de l’OCDE (12,7 semaines). Il est ainsi plus élevé que celui observé en Italie ou dans les pays nordiques, mais inférieur à celui existant en Corée du Sud ou au Japon.
Pour autant, l’indemnisation moyenne perçue par les pères français durant cette période reste limitée, le taux de rémunération étant estimé à 26,3 % du salaire moyen, contre plus de 40 % dans la majorité des pays de l’OCDE. Seuls l’Irlande, la Hongrie et le Royaume-Uni proposent des taux de rémunération plus faibles. Ainsi, selon la méthode de calcul de l’OCDE, la durée totale du congé réservé aux pères en « semaines équivalent taux plein » n’est plus que de 8,7 semaines en France contre 10,5 semaines en Finlande, 10,8 semaines en Suède, 13,8 semaines en Norvège et 16 semaines en Espagne.
● Comme le rappelle l’OCDE, si le fait de prévoir des périodes non transférables entre parents peut conduire théoriquement à un partage des congés, en pratique, les mères continuent à avoir davantage recours aux congés parentaux dans l’ensemble des pays malgré des diversités marquées.
En effet, lorsque l’on s’intéresse à la répartition par sexe des bénéficiaires d’un congé parental indemnisé, on observe que la France se caractérise par l’un des taux de recours par les pères le plus faible de tous les pays de l’OCDE : en France en 2016, environ 5 % des utilisateurs du congé parental étaient des hommes, tandis que ces derniers représentaient 40 % des bénéficiaires du congé parental dans de nombreux pays tels que le Portugal, la Norvège, la Suède, le Danemark ou encore l’Islande ces dernières années.
Ainsi, malgré une législation très favorable en termes de durée des congés réservés aux pères français, la durée réellement prise est inférieure à ce qui se pratique dans d’autres pays européens.
Répartition par sexe des bénéficiaires du congé parental indemnisé
(2021 ou dernière année disponible)
Note : les données pour la France se rapportent à 2016 et aux bénéficiaires de la PreParE.
Source : réponses de l’OCDE au questionnaire des rapporteurs.
● Plusieurs facteurs expliquent ce phénomène : les inégalités salariales en faveur des hommes créent des incitations financières à ce que la mère prenne la plus grande part des congés parentaux, en particulier lorsque l’indemnisation ne compense pas la perte de revenus du père ([139]). Comme les rapporteurs l’ont constaté à travers leurs travaux, ce facteur joue vraisemblablement un rôle important en France compte tenu de la faible indemnisation de la PreParE ([140]).
S’ajoute à cela l’influence des normes sociales en matière de répartition des rôles parentaux entre la mère et le père qui conduisent ce dernier à avoir moins recours aux congés parentaux ([141]). Ce facteur joue en France comme le révèlent des enquêtes menées sur l’organisation des temps parental et professionnel ([142]). Il semble également particulièrement marqué en Autriche puisque, malgré l’existence d’une option permettant un congé plus court et mieux rémunéré, la part des pères ayant recours à un congé parental est encore plus faible qu’en France, ce qui s’explique en partie par le fait que les deux tiers des parents autrichiens recourant au congé parental privilégient le congé long et faiblement rémunéré, lequel est pris à 90 % par les mères ([143]).
● En résumé, plusieurs caractéristiques du modèle français de congés parentaux peuvent être dégagées au regard de nos partenaires européens :
– la durée du congé à la disposition des mères est relativement moins longue en France que dans les autres pays, sauf pour le cas spécifique des mères de deux enfants ou plus et son indemnisation, plutôt favorable pour ce qui concerne les deux premiers mois et demi suivant la naissance (c’est-à-dire pendant le congé de maternité), l’est beaucoup moins s’agissant des périodes ultérieures ;
– la durée du congé réservé aux pères est théoriquement plus longue en France que dans la plupart des autres pays mais ce constat doit toutefois être nuancé du fait du faible taux de recours des pères au congé parental d’éducation. En matière d’indemnisation, si elle est plutôt favorable pour ce qui concerne le premier mois (qui correspond au congé de paternité), elle est très faible s’agissant des périodes ultérieures.
Ce constat mitigé s’agissant du niveau d’indemnisation s’explique essentiellement par les paramètres de la PreParE. Sur le seul champ du congé parental d’éducation au sens français (hors congés de maternité et de paternité), la France fait partie des pays dont la législation prévoit des congés longs et faiblement rémunérés avec la Hongrie, la République tchèque et la Slovaquie par exemple, par contraste avec ceux qui prévoient des congés plus courts mais mieux indemnisés tels que les pays scandinaves, le Portugal ou le Luxembourg pour ne citer que quelques exemples.
II. Les rÉformes intervenues ces dix dernières annÉes sur les congÉs parentaux : des objectifs divers, des marges de progrès persistantes
A. L’accès aux droits À congés et l’ÉquitÉ entre les diffÉrents rÉgimes de sÉcurité sociale
Malgré l’existence de plusieurs régimes d’affiliations distincts, les règles relatives aux congés de maternité et de paternité ont fait l’objet d’une convergence ces dernières années. Le congé de paternité a quant à lui été allongé en 2021, passant de onze à vingt‑cinq jours dans tous les régimes.
Sur le plan de la gestion, les travaux des rapporteurs mettent en lumière des marges de progression, en particulier concernant le suivi des congés pathologiques et les délais de versement des indemnités journalières.
Outre des mesures concernant la gestion en tant que telle des prestations, une poursuite de l’harmonisation des règles applicables dans les différents régimes d’assurance maternité serait de nature à faciliter le travail des caisses de sécurité sociale tout en renforçant l’équité entre les mères et les pères quelle que soit leur situation professionnelle.
1. Une convergence des droits à poursuivre
a. Une harmonisation avancée des régimes applicables aux mères salariées, indépendantes et non-salariées agricoles
Les dernières réformes du congé de maternité ont eu pour principal objet d’harmoniser les conditions d’éligibilité et d’indemnisation des mères indépendantes et agricultrices sur celles applicables aux mères salariées, tout en conservant les spécificités pertinentes au regard de la nature de l’activité professionnelle exercée.
● Faisant suite aux recommandations du rapport de Mme Marie‑Pierre Rixain, rendu en juillet 2018 ([144]), la loi de financement de la sécurité sociale pour 2019 a ainsi aligné la durée du congé de maternité et les conditions d’ouverture du droit aux indemnités journalières des travailleuses indépendantes sur celles des salariées ([145]). La durée maximale de versement des indemnités journalières, initialement fixée à 74 jours – soit dix semaines –, a été relevée à 112 jours – soit seize semaines ([146]). L’octroi de ces indemnités est par ailleurs soumis, comme pour les salariées, à une cessation d’activité d’au moins huit semaines (contre six semaines auparavant) dans le but d’inciter les mères à prendre un arrêt suffisant pour leur santé et celle de leur enfant ([147]).
Depuis le 1er janvier 2019, les assurées relevant des professions libérales ou travailleuses indépendantes bénéficient donc, à l’occasion de leur maternité, d’une indemnité journalière ainsi que d’une allocation forfaitaire de repos maternel. De plus, les travailleuses indépendantes justifiant des conditions d’ouverture des droits aux indemnités journalières maternité au titre de leur nouvelle activité professionnelle indépendante mais dont le montant de l’indemnité journalière est faible peuvent percevoir des indemnités journalières au titre de leur précédente activité.
● Dans le régime agricole, les salariées bénéficient des indemnisations au titre de la maternité aux mêmes conditions que dans le régime général. Sa principale spécificité réside dans le fait que les non‑salariées agricoles – cheffes d’exploitation ou d’entreprise agricole, associées d’exploitation, collaboratrices d’exploitation et aidantes familiales – ont des contraintes fortes en matière d’activité et d’une manière générale, la prise de congé est difficile, en particulier pour les activités d’élevage nécessitant un travail quotidien.
Par conséquent, le remplacement des agricultrices sur leur exploitation est essentiel en cas de maternité. Celui‑ci se fait par le recours à un service de remplacement qui met à disposition de l’assurée un personnel salarié qualifié pour la remplacer sur cette période, permettant la continuité de son activité agricole ([148]). Le coût de ce remplacement est pris en charge par la Caisse centrale de la Mutualité sociale agricole (CCMSA) via le versement de l’allocation de remplacement.
Toutefois, face aux difficultés auxquelles elles font face dans la recherche d’une solution de remplacement, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2019, outre qu’elle a harmonisé la durée du congé de maternité avec celle applicable au régime général, a également créé la possibilité pour les agricultrices d’obtenir des indemnités journalières forfaitaires lorsqu’elles ne parviennent pas à trouver un remplaçant pour leur activité ([149]).
Selon la MSA, le nombre de bénéficiaires du congé de maternité a légèrement augmenté entre 2018 et 2020 du fait de l’entrée en vigueur de cette réforme en juillet 2019. Depuis 2021, en l’absence de nouvelles mesures législatives, et en raison de la baisse du nombre de naissances, le nombre de bénéficiaires du congé maternité est en diminution chaque année, de manière plus prononcée que la baisse des dépenses, car celle-ci a été atténuée par les fortes revalorisations successives intervenues en 2022 et en 2023.
Parmi les éléments de frein au recours aux congés de maternité et de paternité par les agriculteurs, la Caisse centrale de la MSA a évoqué aux rapporteurs les règles concernant les délais obligatoires devant être respectés par les non‑salariés agricoles pour formuler leur demande de remplacement.
En effet, en application des dispositions du code rural et de la pêche maritime, l’assuré non‑salarié agricole doit adresser à la caisse de MSA, une demande de remplacement pour congés de maternité de paternité ou d’adoption, « sauf cas de force majeure » trente jours au moins avant la date du début du congé maternité et trente jours avant la date de naissance de l’enfant pour le congé de paternité ([150]).
Or, les caisses de MSA ont alerté la CCMSA sur le fait que beaucoup d’assurés envoyaient les demandes quelques jours seulement après expiration du délai susmentionné. Or, par application stricte de la réglementation, les caisses sont fondées à refuser la prise en charge des congés de maternité, de paternité et d’adoption, lorsque la demande parvient avec quelques jours de retard.
En conséquence, il conviendrait de modifier la réglementation et d’assouplir cette règle afin d’améliorer la prise en charge des assurés. Une telle option nécessiterait la prise d’un décret par le Gouvernement.
Recommandation n° 4 : assouplir les conditions de délais dans lesquels un agriculteur ou une agricultrice doit adresser sa demande de remplacement à sa caisse de mutualité sociale agricole.
● Quant aux allocataires de France Travail, elles peuvent bénéficier des indemnités journalières de maternité si elles ont perçu une allocation chômage au cours des douze derniers mois ou si elles ont arrêté de travailler depuis moins de douze mois. Dans ce cas, le bénéfice de l’allocation d’aide au retour à l’emploi (ARE) est suspendu et reprend à la fin de la période de perception des indemnités journalières ([151]). Toutefois, comme l’ont indiqué la direction de la sécurité sociale et le Gouvernement aux rapporteurs, certaines assurées ne savent pas qu’elles peuvent bénéficier de ces droits, ce qui limite la perception des indemnités journalières. Il semble donc nécessaire de prendre des mesures visant à mieux informer les chômeuses de leurs droits en matière de maternité.
Recommandation n° 5 : prévoir une communication à destination des allocataires de France Travail concernant leurs droits aux congés de maternité, d’adoption et de paternité.
● S’agissant du congé de paternité, son allongement de onze à vingt‑cinq jours s’est accompagné de l’instauration d’une période obligatoire de quatre jours et d’une possibilité de fractionnement, deux aménagements visant à « supprimer les freins professionnels au non‑recours » ([152]) car applicables aux salariés comme aux indépendants, fonctionnaires et agriculteurs.
b. Des écarts de droits persistants à réduire s’agissant en particulier des congés pathologique et d’adoption
Pourtant, les auditions menées par les rapporteurs ont permis de montrer que certaines différences qui n’apparaissent pas justifiées par la spécificité des situations professionnelles subsistent encore.
● Le montant minimal des indemnités journalières des indépendantes reste inférieur à celui dont bénéficient les salariées. Lorsque leur revenu d’activité annuel moyen au titre des années prises en compte pour le calcul des indemnités journalières est inférieur à 4 383,20 euros – c’est-à-dire, 10 % de la moyenne des valeurs annuelles du plafond annuel de la sécurité sociale ([153]) –, l’allocation de repos maternel et l’indemnité journalière forfaitaire sont toutes deux rapportées à 10 % de leur montant ([154]). Cela correspond, pour 2025, à 392,50 euros pour l’allocation forfaitaire et 6,452 euros pour l’indemnité journalière, tandis que le montant de l’indemnité minimale pour les salariées est fixé à 10,79 euros.
Si les allocations et indemnités dont bénéficient les professionnelles de santé sont calculées selon les modalités prévues au régime des indépendants ([155]), elles ne bénéficient toutefois pas du montant minimal ([156]). Toutefois, le seuil de fixation du plancher des indemnités journalières fait que les PAMC sont peu concernées par cette disposition : en 2021, le revenu moyen de l’ensemble des médecins libéraux conventionnés était de 7 900 euros par mois, soit 94 800 euros par an, et celui des auxiliaires médicaux de 3 900 euros par mois, soit 46 800 euros par an. Les sages-femmes percevaient en moyenne 2 700 euros par mois, soit 32 400 euros par an.
Une harmonisation des montants permettrait à ces indépendantes – dont beaucoup ont le statut de micro‑entrepreneuses – de bénéficier d’une indemnisation plus protectrice compensant à la fois leur impossibilité de continuer à exercer leur activité professionnelle pendant cette période, mais aussi la faiblesse de leurs ressources. Elle pourrait ainsi inciter davantage au recours au congé. Les modalités de calcul des indemnités journalières des indépendantes étant fixées à l’article D. 623‑3 du code de la sécurité sociale, cette modification n’incombe toutefois pas au législateur et nécessiterait l’intervention du pouvoir réglementaire.
Recommandation n° 6 : aligner le montant minimal des indemnités journalières pour les travailleuses indépendantes sur celui applicable aux salariées.
● À la différence des congés de maternité et de paternité, le congé d’adoption des indépendants et des salariés n’a pas été harmonisé. Le congé prévu au régime des indépendants est resté plus court pour une adoption simple dans une famille sans enfant à charge – douze semaines pour un seul parent ([157]), contre seize semaines au régime général et au régime des salariés agricoles ([158]) –, mais plus long dans les autres cas – jusqu’à trente‑neuf semaines contre environ vingt‑six semaines au maximum pour les salariés ou les agents publics. Or, aux yeux des rapporteurs, aucun élément objectif ne permet de justifier l’existence d’un tel écart.
Une mesure législative prévoyant d’harmoniser les durées du congé d’adoption pour les travailleurs indépendants permettrait de supprimer cette inégalité tout en répondant à une préconisation de la Cour des comptes ([159]) et faciliterait le processus de liquidation de l’indemnité journalière pour les caisses primaires d’assurance maladie (Cpam).
Recommandation n° 7 : harmoniser par voie législative les durées minimales et maximales du congé d’adoption des indépendants sur celles prévues pour les assurés du régime général.
● S’agissant du congé pathologique (cf. infra), des harmonisations pourraient être apportées :
– l’harmonisation de sa durée entre les salariées, les agricultrices et les indépendantes. En effet, tandis que les salariées et agricultrices peuvent se voir prescrire un congé pathologique prénatal pour une durée pouvant aller jusqu’à deux semaines, le congé des travailleuses indépendantes peut être prolongé par une période de trente jours consécutifs fractionnables en deux périodes de quinze jours ([160]). L’indemnisation peut être versée pendant la période postnatale pour une durée ne pouvant dépasser quinze jours (inclus dans le total de trente jours).
Il en résulte qu’une travailleuse indépendante qui aurait cessé son activité pour une durée inférieure à quinze jours à raison d’un état pathologique n’est pas fondée à demander des indemnités journalières de maternité à ce titre. Plusieurs décisions judiciaires récentes confirment la légalité du refus par la caisse primaire d’assurance maladie de verser des indemnités pour congés pathologiques à une travailleuse indépendante pour des périodes inférieures à quinze jours ([161]).
Celles‑ci sont alors contraintes de demander une indemnisation au titre d’un arrêt maladie de droit commun, moins protectrice. En outre, les dispositions relatives à l’indemnisation du congé pathologique des indépendantes relèvent exclusivement du domaine réglementaire alors qu’elles sont inscrites dans la loi pour les salariées et les agricultrices. Il pourrait donc être possible de les harmoniser, sur le fond comme sur la forme, ou, à tout le moins, d’assouplir les conditions d’indemnisation des congés pathologiques des travailleuses indépendantes ;
– son ouverture, pour la période postnatale, aux non-salariées agricoles. Alors que les indépendantes peuvent bénéficier de quinze jours supplémentaires d’indemnisation au titre d’un congé pathologique postnatal, aucune disposition du code rural et de la pêche maritime ne prévoit une telle possibilité pour les agricultrices.
En effet, la partie réglementaire du code rural et de la pêche maritime prévoit que les deux semaines supplémentaires de remplacement octroyées en cas d’état pathologique résultant de la grossesse peuvent être prises « au cours de la période prénatale » ([162]). Une telle différence n’apparaît pas justifiée s’agissant d’assurées dont les situations peuvent être similaires.
Recommandation n° 8 : harmoniser les durées d’indemnisation des congés pathologiques entre les différents régimes ou, a minima, assouplir les conditions applicables aux travailleuses indépendantes en supprimant la condition d’un arrêt minimal de quinze jours pour en bénéficier.
Recommandation n° 9 : permettre l’indemnisation des congés pathologiques postnataux pour les non‑salariées agricoles dans les mêmes conditions que celles applicables aux travailleuses indépendantes.
2. Des problématiques de gestion en matière de délais de versement des indemnités journalières et de suivi des congés pathologiques
● Dans son rapport de 2023 sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale, la Cour des comptes faisait état de marges de progression importantes en matière de gestion des indemnités journalières liées aux congés de maternité et de paternité ([163]). Les rapporteurs ont constaté que les problèmes soulevés par la Cour n’ont pas été résolus à ce jour, qu’il s’agisse des délais de versement des indemnités journalières ou du suivi des congés pathologiques par la Caisse nationale de l’assurance maladie (Cnam).
a. Des délais de versement des indemnités journalières qui peuvent entraîner une rupture de ressources pour les parents
● En 2023, la Cour avait constaté que les délais de versement des indemnités journalières s’étaient allongés depuis le début de la crise sanitaire et elle avait relevé de fortes disparités selon les régimes d’affiliation et les caisses de sécurité sociale.
Le délai moyen de versement à partir du premier jour de congé de maternité était ainsi passé de 31,4 jours en 2018 à 34,5 jours en 2021. Tandis que les assurées de Seine‑Maritime bénéficiaient en moyenne d’un paiement 26,5 jours après le début de leur congé, les assurées de Guyane et de Seine‑Saint‑Denis devaient attendre respectivement 45 et 49,5 jours.
S’agissant des indépendantes, la Cour reconnaissait que leur intégration au régime général avait contribué à fortement réduire les délais de versement (46 jours en 2021 contre 90 jours en 2020). Elle constatait enfin que les caisses de MSA avaient considérablement amélioré les délais pour les agricultrices, lesquelles bénéficiaient en moyenne d’un versement 25 jours après le début de leur congé (en 2021) contre 37,8 jours en 2018.
● L’existence de tels délais s’explique par les modalités d’ouverture du droit et de calcul du montant des indemnités journalières. Comme l’a expliqué la Cnam aux rapporteurs, la liquidation d’une indemnité journalière suppose que les caisses primaires d’assurance maladie puissent disposer de la prescription d’arrêt de travail ainsi que des éléments de salaire. Les délais évoqués supra comprennent donc non seulement le délai de traitement interne à l’assurance maladie, mais également le délai de transmission de la prescription d’arrêt de travail par l’assuré et celui des éléments de salaire par l’employeur.
Selon la Cour des comptes, les retards constatés en 2021 étaient imputables « en partie aux employeurs, qui [envoyaient] tardivement les attestations de salaire aux caisses primaires », lesquelles étaient encore trop souvent transmises via le portail Net Entreprises – voire au format papier dans certains cas – plutôt que par la déclaration sociale nominative ([164]).
La déclaration sociale nominative
La déclaration sociale nominative (DSN) constitue aujourd’hui le principal outil de la transmission des données sociales des entreprises vers les administrations et organismes de protection sociale.
Instituée par la loi du 22 mars 2012 relative à la simplification du droit ([165]), elle a vocation à remplacer la plupart des déclarations sociales périodiques ou événementielles. Sa généralisation à l’ensemble des acteurs du secteur privé est intervenue en 2017 ([166]), à l’issue d’une phase expérimentale engagée dès 2013.
La DSN repose sur un mécanisme simple : à partir de la paie mensuelle, l’employeur transmet un flux unique de données dématérialisées qui alimente l’ensemble des organismes concernés. Cette transmission couvre à la fois :
– les déclarations périodiques, notamment les bases de calcul des cotisations sociales recouvrées par les unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales (Urssaf) ou les caisses de MSA ;
– les événements de la vie professionnelle (arrêt de travail pour maladie, maternité, paternité, accident du travail, fin de contrat, etc.) qui déclenchent directement les droits des assurés.
La DSN alimente aujourd’hui un large périmètre d’acteurs :
– les organismes de recouvrement (Urssaf, MSA) ;
– les organismes de protection sociale (assurance maladie, assurance chômage, caisses de retraite, caisses de prévoyance) ;
– l’administration fiscale (déclarations de revenus préremplies, prélèvement à la source).
La DSN poursuit trois objectifs majeurs :
– simplification administrative pour les entreprises, qui n’ont plus à produire une multitude de déclarations distinctes ;
– sécurisation des droits sociaux des assurés grâce à des informations nominatives précises et mises à jour en temps réel ;
– fiabilisation du recouvrement et du suivi statistique des données sociales.
L’une des solutions régulièrement avancées pour améliorer les délais de versement des indemnités journalières aux salariés est la subrogation, laquelle consiste pour l’employeur à verser les indemnités journalières en lieu et place de l’assurance maladie qui procède ultérieurement à leur remboursement. Le maintien de ressources est alors garanti pour le salarié – dans la limite du plafond des indemnités journalières – mais c’est à l’employeur d’assumer le risque de trésorerie lié aux délais de traitement par l’assurance maladie.
À l’occasion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2023, le Gouvernement avait souhaité rendre systématique la subrogation des indemnités journalières de maternité, de paternité et d’adoption par l’employeur ([167]). Définitivement adoptée, cette disposition fut toutefois censurée par le Conseil constitutionnel comme cavalier social ([168]). De facto, la pratique de la subrogation est beaucoup moins courante s’agissant des indemnités de maternité et de paternité (29 % du total) qu’elle ne l’est pour les indemnités de maladie (environ 60 %).
● Les rapporteurs constatent une très légère amélioration des délais de paiement des indemnités journalières des salariés et des indépendants par rapport à 2021 sans toutefois que ceux‑ci aient retrouvé leur niveau d’avant la crise sanitaire. Ainsi le délai moyen de paiement des indemnités journalières de maternité était-il de 33,96 jours en 2024 contre 31,4 jours en 2018.
Délai moyen de paiement et de traitement des indemnités journalières de maternité (salariées et indépendantes)
|
Délai moyen de paiement |
Délai moyen de traitement interne |
Volumétrie |
2024 |
|||
Non subrogées |
33,96 jours |
9,6 jours |
308 343 |
Subrogées |
42,16 jours |
13,5 jours |
124 345 |
2025 (1) |
|
|
|
Non subrogées |
33,13 jours |
8,8 jours |
68 398 |
Subrogées |
41,69 jours |
13,2 jours |
27 530 |
Source : réponses de la Cnam au questionnaire des rapporteurs.
(1) Données portant sur les douze premières semaines de l’année.
Délai moyen de paiement et de traitement des indemnités journalières de Paternité (salariés et indépendants)
|
Délai moyen de paiement |
Délai moyen de traitement interne |
Volumétrie |
2024 |
|||
Non subrogées |
34,44 jours |
9,6 jours |
369 047 |
Subrogées |
40,65 jours |
10,7 jours |
154 028 |
2025 (1) |
|
|
|
Non subrogées |
32,51 jours |
8,5 jours |
83 934 |
Subrogées |
39,30 jours |
10,3 jours |
34 605 |
Source : réponses de la Cnam au questionnaire des rapporteurs.
(1) Données portant sur les douze premières semaines de l’année.
Les données recueillies par les rapporteurs permettent toutefois de constater que le délai de traitement interne par les caisses primaires d’assurance maladie représente seulement 9,6 jours pour les indemnités non subrogées – soit moins d’un tiers du délai total de versement. S’agissant des indemnités subrogées, l’on constate d’une part que les délais de traitement interne sont plus élevés que pour les indemnités non subrogées et d’autre part qu’ils sont plus importants pour les indemnités de maternité que pour celles de paternité (respectivement 13,5 et 10,7 jours).
Dans le régime agricole, les délais de paiement sont dans la continuité de ceux observés en 2023 par la Cour des comptes : 25,8 jours en moyenne ([169]). Les données fournies aux rapporteurs ne permettent toutefois pas de distinguer ce qui relève du délai de traitement interne aux caisses de MSA de ce qui relève du délai de transmission des pièces justificatives.
● De tels délais de versement ne sont pas satisfaisants eu égard au risque de rupture de ressources qu’ils entraînent pour les parents. Il n’est en effet pas admissible que les parents doivent attendre plus d’un mois après le début de leur congé avant de percevoir les indemnités journalières. Cette situation, qui concerne au premier chef les salariés et les indépendants, apparaît d’autant plus inéquitable que les fonctionnaires et agents publics bénéficient d’un maintien de leur rémunération par leur employeur.
Au regard de l’importance que revêt un versement rapide des indemnités journalières aux assurés, les rapporteurs estiment qu’une systématisation de la subrogation est une voie à poursuivre. Celle‑ci doit toutefois s’accompagner d’une accélération des délais de traitement interne par les caisses ([170]). En effet, il ne serait pas souhaitable qu’au risque de rupture de ressources pour les assurés se substitue le risque d’accroître les difficultés de trésorerie des employeurs. Une garantie de paiement sous sept jours, à compter de la réception de l’ensemble des pièces justificatives, pourrait ainsi être prévue pour les entreprises, en particulier les très petites entreprises (TPE) et les petites et moyennes entreprises (PME). L’analyse des délais actuels de traitement interne par les caisses primaires d’assurance maladie suggère qu’une telle garantie est raisonnablement atteignable.
Recommandation n° 10 : mettre en place, dans la loi, une subrogation systématique de l’employeur sous réserve d’une garantie de remboursement sous sept jours.
b. Un suivi inexistant des congés pathologiques
● Le code du travail distingue deux catégories de congés pathologiques pour les salariées ([171]) :
– le congé prénatal, lequel peut être prescrit dans la limite de deux semaines avant la date présumée de l’accouchement ;
– le congé postnatal, lequel peut être prescrit dans la limite de quatre semaines après ladite date.
La prescription d’un congé pathologique suspend le décompte des jours de congé de maternité et conduit donc à allonger celui‑ci d’une durée maximale de six semaines.
Cette distinction entre les périodes pré et postnatales applicable en matière de droit du travail n’existe toutefois pas s’agissant de l’indemnisation des congés pathologiques par l’assurance maternité. En effet, le code de la sécurité sociale ne prévoit d’allongement de la durée de versement des indemnités journalières que pour la période prénatale. En cas d’état pathologique, un repos supplémentaire médicalement prescrit peut alors conduire à allonger le versement de l’indemnité journalière pendant une période supplémentaire n’excédant pas deux semaines, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État ([172]). Aucune disposition législative ne prévoit toutefois que cet allongement ne peut concerner que la période prénatale. C’est la partie réglementaire du code qui le précise ([173]).
Aussi, lorsque la mère bénéficie d’un congé pathologique postnatal au titre du droit du travail, elle ne bénéficie pas des indemnités journalières de maternité mais des indemnités journalières de maladie.
Cela emporte plusieurs conséquences :
– d’une part, les conditions d’indemnisation sont différentes. En effet, les indemnités journalières pour maladie garantissent un taux de remplacement de 50 % du salaire journalier de base ([174]) – dans la limite d’un plafond de 1,4 Smic ([175]) –, contre un taux de 79 % pour les indemnités journalières pour maternité ([176]) – dans la limite de 100 % du plafond mensuel de la sécurité sociale (soit 3 925 euros depuis le 1er janvier 2025). En 2025, l’écart d’indemnisation peut donc s’élever à plus de 60 euros par jour, le plafond étant fixé à 41,47 euros pour les indemnités de maladie contre 101,94 euros pour les indemnités de maternité. En outre, les indemnités journalières pour maternité font l’objet d’un minimum garanti fixé à 10 % du Smic journalier, soit environ 10,24 euros en 2025. Un tel minimum n’existe pas pour les indemnités de maladie, sauf au‑delà du sixième mois d’arrêt de travail ;
– d’autre part, la Cnam n’assure pas de suivi des dépenses de congés pathologiques postnatal, lesquelles sont incluses dans les dépenses d’indemnités journalières pour arrêt maladie.
● Dans son rapport précité, la Cour des comptes avait signalé l’absence de suivi et de pilotage des congés pathologiques ([177]). Eu égard aux enjeux de santé publique qu’ils pouvaient représenter, elle avait ainsi recommandé à la Cnam de mettre en place un repérage automatisé des arrêts maladie correspondant à des congés pathologiques.
Les rapporteurs constatent que cette recommandation n’a pas été suivie d’effet. Ils regrettent en outre que la dernière convention d’objectifs et de gestion de la Cnam, pourtant signée quelques semaines après la publication du rapport de la Cour des comptes, ne mentionne aucun objectif de suivi des congés pathologiques ([178]).
Cela est d’autant plus regrettable que les congés pathologiques prénataux concernent une grossesse sur deux au régime général. Si l’on observe certes un recul depuis 2014 (62,3 % des grossesses faisaient alors l’objet d’un congé pathologique), l’absence de données concernant les congés pathologiques postnataux empêche d’en analyser les ressorts d’une part, et d’en apprécier l’ampleur en termes de durée d’autre part.
évolution de la part des congés de maternité faisant l’objet d’un congé pathologique prénatal (régime général)
Source : commission des affaires sociales.
Note de lecture : en 2023, 50,1 % des congés de maternité ont fait l’objet de versement d’indemnités journalières pour congé pathologique.
Ces limites ayant été rappelées, le fait qu’une grossesse sur deux fasse l’objet d’un allongement pour état pathologique suggère que ce dispositif est utilisé par une partie des mères comme un moyen d’augmenter la durée de leur congé en amont de la naissance ([179]). Il eût été fort instructif de pouvoir mesurer la part des mères qui ont recours à un congé pathologique postnatal afin de mieux appréhender la manière dont ce dispositif joue sur la durée totale des congés liés à la grossesse et à l’accouchement. En tout état de cause, ce phénomène interroge sur la pertinence de la durée actuelle du congé de maternité, notoirement plus court en France que dans les autres pays comparables.
Recommandation n° 11 : instaurer un repérage automatisé des arrêts maladie correspondant à des congés pathologiques postnataux.
Recommandation n° 12 : assurer un suivi statistique des congés pathologiques et des dépenses associées.
B. Favoriser une plus juste rÉpartition des responsabilitÉs parentales entre les pères et les mères et assurer un libre choix rÉel pour les familles
1. L’instauration de la PreParE en 2014 n’a pas atteint ses objectifs
a. L’indemnisation du congé parental d’éducation a poursuivi des objectifs variables depuis sa mise en place
● Alors que le congé parental d’éducation fut introduit dans le droit du travail par la loi du 12 juillet 1977 ([180]), il fallut attendre 1985 pour qu’il s’accompagne d’une forme d’indemnisation à travers l’allocation parentale d’éducation (APE) ([181]). Initialement ouverte aux seules familles ayant au moins trois enfants, le droit à l’APE fut ouvert dès le deuxième enfant à compter de 1994 dans le but d’inciter les mères de famille à cesser ou réduire leur activité dans une période marquée par un taux de chômage élevé.
L’APE fut intégrée en 2004 à la prestation d’accueil du jeune enfant (Paje) sous la forme du complément de libre choix d’activité (CLCA) ([182]), lequel était versé dès le premier enfant et comportait davantage d’incitation au recours à temps partiel afin d’inciter à une meilleure articulation entre vie familiale et vie professionnelle pour les mères. L’objectif était alors inverse de celui poursuivi par l’APE, à savoir le maintien sur le marché de l’emploi des mères de famille ([183]). À compter du 1er janvier 2006, le CLCA fut complété par un droit d’option réservé aux familles ayant au moins trois enfants et permettant une meilleure indemnisation en contrepartie d’une durée plus courte : le « complément optionnel de libre choix d’activité » (Colca) ([184]).
● Prévue par la loi du 4 août 2014 pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes ([185]), l’instauration en 2015 de la prestation partagée d’éducation de l’enfant (PreParE) répondait à deux objectifs explicites :
– renforcer le taux d’emploi des femmes en réduisant leur éloignement du marché du travail ;
– inciter les pères à recourir au congé parental.
Cette réforme s’inscrivait donc dans le prolongement de la mise en place du CLCA tout en la complétant d’un objectif explicite d’une meilleure incitation au partage du congé parental d’éducation au sein des couples.
Comme le révèlent les travaux préparatoires de la loi du 4 août 2014 – et comme l’ont relevé des rapports consacrés à la PreParE ([186]) –, s’ajoutait à cela la volonté de dégager des économies budgétaires à une époque où la branche famille présentait des déficits chroniques oscillant autour de 2,5 à 3,2 milliards d’euros par an ([187]). Dans la version initiale du projet de loi, qui prévoyait de réserver seulement six mois de la prestation au second parent, l’étude d’impact prévoyait ainsi des économies nettes de l’ordre de 200 millions d’euros pour la branche famille, compte tenu de la réduction des dépenses liées à la PreParE en elle‑même et au financement des cotisations de retraite des personnes affiliées à l’assurance vieillesse des parents au foyer (AVPF) d’une part et du report sur les dépenses liées aux autres modes de garde en accueils collectifs et individuels d’autre part ([188]).
La poursuite de ces deux objectifs s’est traduite, s’agissant des familles ayant au moins deux enfants, par :
– la réduction de trois à deux ans de la durée maximale d’indemnisation dont peut bénéficier un parent en congé parental d’éducation ([189]) ;
– l’instauration d’une obligation de prise du congé parental d’éducation par le second parent pour pouvoir bénéficier d’une durée d’indemnisation à trois ans.
S’agissant de la PreParE ouverte aux familles pour leur premier enfant, le délai de six mois a été allongé de six mois supplémentaires en cas de prise du congé par le second parent.
Plus de dix ans après l’entrée en vigueur de ce nouveau dispositif, le constat de ses insuffisances est désormais bien établi grâce aux très nombreuses évaluations menées à son sujet.
b. Des effets mesurés sur l’emploi et les revenus d’activité des mères mais contrastés selon leurs caractéristiques
● S’agissant du premier objectif poursuivi, les études montrent des effets positifs de la réforme sur le taux d’emploi des femmes ainsi que, de façon plus notable, sur les revenus qu’elles tirent de leur activité. Ces effets, pour réels qu’ils soient, restent toutefois insuffisants au regard de l’ambition initiale de la réforme.
Une étude menée pour France Stratégie et le Haut Conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge (HCFEA) en 2023 a mesuré un effet positif de la réforme sur la probabilité des mères d’être en emploi au cours de la troisième année de l’enfant (+ 20 points), lequel s’explique mécaniquement par la suppression de la possibilité d’indemnisation après les deux ans de l’enfant ([190]).
De façon plus notable, les auteurs ont également identifié un effet positif à moyen terme puisque les mères ayant bénéficié de la PreParE plutôt que du CLCA étaient également plus nombreuses à exercer un emploi au cours des trois années suivant le troisième anniversaire de l’enfant (+ 3,4 points). Autrement dit, un certain nombre de mères qui n’auraient pas repris une activité après trois années de congé parental indemnisé l’ont fait lorsque ce congé ne durait que deux années.
Comme l’ont rappelé les auteurs de cette étude lors de leur audition par les rapporteurs, cet effet positif ne doit toutefois pas masquer le fait qu’une part importante de mères est restée en congé parental sans percevoir l’indemnité : près de deux tiers des mères en congé parental au deuxième anniversaire de leur enfant et concernées par la réforme ne sont pas en emploi au cours de la troisième année suivant la naissance. Celles‑ci sont donc soit au chômage, soit en congé parental non indemnisé.
Méthodologie de l’étude menée pour France Stratégie et le HCFEA
La stratégie d’estimation mise en œuvre repose sur une méthode dite de « régression sur discontinuité » qui consiste à comparer la situation des familles ayant eu un deuxième enfant ou plus le mois juste après l’entrée en vigueur de la réforme (soit janvier 2015) à celle des familles ayant eu un enfant le mois précédent (soit décembre 2014). Plus précisément, les auteurs ont comparé, au cours de la troisième année suivant la naissance, leur recours à un congé parental indemnisé, leur recours à un mode de garde formel et la situation d’emploi des mères (effet de « court terme »). Cette situation d’emploi est également comparée entre les troisième et sixième anniversaires de l’enfant afin de mesurer d’éventuels effets de « moyen terme » indirectement liés aux modifications des paramètres de la prestation.
Cette méthodologie fait donc l’hypothèse que, à l’exception de la date de naissance de l’enfant, ces deux populations de familles peuvent être considérées comme semblables concernant, non seulement leurs caractéristiques observables (âge, nombre d’enfants déjà présents dans la famille, diplôme, revenus, etc.), mais également leurs caractéristiques inobservables (préférences, normes sociales et familiales, etc.). En outre, leurs décisions, notamment en termes de recours à un congé parental, à un mode de garde ou d’emploi, s’effectuent dans un contexte économique et social similaire. Enfin, les auteurs se sont assurés, d’une part, que le mois de naissance de l’enfant n’influençait pas ces décisions et, d’autre part, que les familles n’avaient pas planifié la naissance de leur enfant en fonction de la date de la réforme, hypothèse plausible puisque cette dernière a été votée en août 2014, soit cinq mois seulement avant son entrée en vigueur. Les changements de situations observés entre les familles peuvent ainsi être attribués au seul effet de la réforme.
● Conséquence de cet effet sur l’emploi, une étude menée par Mme Hélène Périvier et M. Grégory Verdugo en 2021 met en avant le fait que le revenu d’activité des mères concernées par la réforme a substantiellement augmenté ([191]). L’étude montre néanmoins un accroissement du montant moyen des allocations de chômage perçues par les mères au cours de la troisième année de l’enfant (passant de 600 euros à 840 euros), suggérant qu’une partie d’entre elles a eu des difficultés à retrouver du travail.
La réforme n’ayant pas eu d’effet sur le revenu d’activité des pères, il en résulte donc une réduction de l’écart de rémunération entre les parents trois ans après la naissance de l’enfant de l’ordre de 14 %, au bénéfice des mères.
En intégrant l’ensemble des revenus et des transferts, les auteurs ne constatent pas de diminution du revenu des ménages, confirmant que la hausse des revenus d’activité et des allocations de chômage des mères a compensé en moyenne la perte de la troisième année d’indemnisation de la PreParE.
● Ces données générales masquent toutefois des situations contrastées selon les caractéristiques socio‑économiques des familles concernées. Comme le rappellent les auteurs de l’étude menée pour France Stratégie et le HCFEA, parmi les 30 % de mères de deux enfants ou plus qui ont dû renoncer à une troisième année de congé parental indemnisé, 85 % percevaient moins de 18 000 euros annuels bruts au moment de la naissance et 50 % moins de 12 000 euros annuels bruts. La réforme de la PreParE a donc essentiellement concerné des mères percevant de faibles revenus. L’étude révèle en outre que les mères les plus affectées par le fait de ne plus pouvoir recourir à une indemnisation durant la troisième année de l’enfant sont celles pour lesquelles les contraintes familiales sont les plus fortes : les mères ayant au moins deux enfants à charge ainsi que celles ayant au moins déjà un enfant de moins de 3 ans.
Des enquêtes de la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees) corroborent ce résultat : les mères les plus vulnérables par rapport à la pauvreté ne travaillent pas plus souvent à temps complet en 2018 qu’en 2014, mais elles sont beaucoup moins souvent bénéficiaires de la PreParE qu’elles ne l’étaient du CLCA ([192]). La baisse de la proportion de bénéficiaires est particulièrement marquée pour les mères sans emploi. Il en va de même pour les femmes les moins diplômées ou celles qui évoluaient dans des secteurs où les conditions de travail peuvent paraître plus difficiles : elles restent sans emploi dans des proportions comparables, mais bénéficient moins souvent de la PreParE.
La diminution de la durée d’indemnisation n’explique pas à elle seule la réduction du recours à la PreParE par les mères les plus précaires : ainsi, pour les mères de famille monoparentale dont la durée de perception de la prestation n’a pas évolué, la part de celles sans emploi bénéficiant d’une prestation baisse de 10 points et la part de celles sans emploi sans prestation augmente de 8 points.
Comme le suggère la Drees, « moins qu’un effet mécanique lié à la réduction de la durée de la perception, la baisse de la part des bénéficiaires de la prestation serait à relier davantage à une diminution de son recours. La PreParE pourrait être moins bien comprise ou moins connue que la précédente prestation, mais aussi paraître moins attractive pour les personnes en couple notamment. En effet, en l’absence de partage de la prestation avec son conjoint, la nouvelle prestation ne permet plus de garder son enfant jusqu’à l’entrée en maternelle. » ([193])
À l’inverse, les mères appartenant aux catégories sociales les plus favorisées ou ayant les diplômes les plus élevés sont plus souvent en emploi à temps complet en 2018 qu’en 2014 et moins souvent en emploi à temps partiel avec prestation en 2018 qu’en 2014. C’est particulièrement le cas pour les mères diplômées de l’enseignement supérieur ou pour celles en couple de cadres ou professions intermédiaires. Si la réforme de la PreParE a donc pu favoriser l’emploi des mères les plus favorisées, elle n’a pas eu les effets escomptés sur les mères les plus précaires.
Hélène Périvier et Grégory Verdugo montrent que l’effet de la réforme sur les revenus d’activité des femmes varie fortement selon le niveau de revenu initial de la mère : les femmes appartenant aux deuxième et troisième quartiles de revenus – c’est-à-dire les femmes dont les revenus d’activité étaient supérieurs à ceux des 25 % de femmes ayant les plus faibles revenus et inférieurs à ceux des 25 % de femmes ayant les revenus les plus élevés – sont celles qui ont connu la plus forte augmentation de leurs revenus du travail suite à la réforme. À l’inverse, les femmes ayant les plus faibles revenus d’activité sont celles dont le montant des allocations de chômage a le plus fortement augmenté (+ 1 600 euros annuels en moyenne).
c. L’échec de l’incitation au partage du congé et des responsabilités parentales au sein du couple
● S’agissant du deuxième objectif assigné à la réforme de la PreParE, le constat d’échec est unanime et bien documenté. Malgré la suppression de la troisième année d’indemnisation en cas de non‑partage du congé parental au sein du couple, l’étude menée pour l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) montre que le recours des pères à l’allocation n’a ainsi presque pas augmenté, passant de 0,6 % des pères éligibles au taux plein à 0,8 % et de 1,1 % à 1,8 % de ceux éligibles au taux partiel ([194]).
Ces résultats sont cohérents avec ceux mesurés par l’étude menée pour France Stratégie et le HCFEA : la proportion de pères recourant au congé parental indemnisé à taux plein la troisième année suivant la naissance de l’enfant n’a augmenté que de 0,2 point de pourcentage. Cette augmentation est légèrement plus marquée pour les pères recourant à la PreParE au taux partiel (+ 1,1 point).
Autrement dit, la suppression de l’indemnisation possible au‑delà de vingt‑quatre mois pour un parent s’est traduite par une diminution de la durée d’indemnisation pour les mères sans que celle prise par les pères n’augmente de manière significative.
taux de recours mensuel à l’indemnisation du congé parental pour les parents d’un enfant de rang 2 ou supérieur au cours de la troisième année suivant la naissance
Source : Mathilde Guergoat‑Larivière, Mathieu Narcy et Florent Sari, « L’impact de la PreParE sur l’activité, les revenus et les modes de garde », France Stratégie et HCFEA.
Note de lecture : pour les mères d’un enfant né en janvier 2015 (concernées par la réforme), le taux de recours à la PreParE entre les vingt‑cinquième et trente‑cinquième mois suivant la naissance est inférieur de 15 points de pourcentage par rapport aux mères d’un enfant né en décembre 2014 (non concernées par la réforme).
L’on note en outre que, à la différence des mères, pour lesquelles l’on constate des effets contrastés de la réforme selon leurs caractéristiques socio‑économiques et leurs contraintes familiales, l’effet de la réforme sur les pères est globalement insensible à ces mêmes caractéristiques : le revenu des pères entre peu en compte dans le choix de recourir ou non à un congé parental indemnisé à taux plein et très légèrement dans celui de recourir à la PreParE à taux partiel. En effet, la réforme a eu un effet légèrement plus positif sur les pères qui gagnent relativement moins bien leur vie mais les différences ne sont pas majeures ([195]).
Comme le rappelle l’étude de France Stratégie et du HCFEA ([196]), « les pères ayant le plus augmenté leur prise de congé parental à taux partiel sont ceux dont la conjointe affiche des revenus au-dessus de la médiane et qui, eux-mêmes, ne sont pas les mieux rémunérés. En d’autres termes, les pères les plus enclins à prendre un congé parental à taux partiel sont ceux dont les revenus de leur conjointe compensent leur perte de revenus générée par la réduction d’activité », ce qui ne correspond pas à la majeure partie des configurations familiales.
● Plusieurs justifications ont été avancées pour expliquer cet échec, dont certaines tiennent aux paramètres de la prestation tandis que d’autres relèvent davantage des représentations sociales et familiales.
Le premier argument consiste dans le caractère forfaitaire et dans la faiblesse de l’indemnisation de la PreParE. Les pères ayant généralement des revenus plus élevés que leurs conjointes ([197]), le coût d’opportunité associé à la prise d’un congé parental est donc plus élevé pour eux. L’absence de proportionnalité de la prestation en fonction des revenus accentue davantage ce coût pour les pères dont les revenus d’activité sont les plus élevés.
Les enseignements étrangers confortent cette hypothèse. Sur la base d’une étude comparative de l’ensemble des pays qui la composent, l’OCDE écrivait ainsi en 2016 que trois conditions cumulatives permettaient d’expliquer les taux de recours élevés des pères au congé parental dans certains pays ([198]) :
– le fait de réserver une fraction du congé parental indemnisé aux pères (ce que la PreParE a prévu) ;
– le fait d’assurer une rémunération du congé parental suffisante, que l’OCDE estimait à au moins 50 % du revenu précédent (absent de la réforme de 2015) ;
– le fait d’offrir des possibilités de départ en congé parental flexibles, les pères étant plus sensibles à la possibilité de fractionnement et de prise à temps partiel du congé.
Lors de son audition par les rapporteurs, l’OCDE a confirmé ces éléments, indiquant notamment que le niveau de rémunération de la PreParE était particulièrement faible au regard de ce qui se pratiquait dans d’autres pays européens tels que la Suède ou l’Allemagne.
Il convient de noter que la faiblesse du niveau d’indemnisation du congé parental d’éducation n’est pas une découverte récente puisque, dès avant l’instauration du Colca, des travaux d’experts avaient suggéré de substituer à l’indemnisation forfaitaire une indemnisation proportionnelle aux revenus du bénéficiaire :
« La modalité d’indemnisation du congé parental par un versement d’un montant uniforme – et très inférieur au salaire des parents – conduit à orienter le recours au congé vers les parents dont les salaires sont les moins élevés, vers ceux qui sont déjà ou qui sont sur le point de devenir chômeurs, vers les salariés en situation précaire. Soit, pour partie, une mesure de traitement social du chômage étrangère à la prise en compte de l’intérêt de l’enfant. Allié à la durée de trois ans, ce mode d’indemnisation fait du congé parental d’éducation, pour une partie de ceux qui y recourent, l’antichambre de l’inactivité ou du chômage de longue durée, car il contribue à les éloigner plus définitivement d’un marché de l’emploi sur lequel ils avaient déjà du mal à se placer. Le fait que seulement 60 % des personnes entrant dans le dispositif de complément de libre choix d’activité soient en situation de suspension de leur contrat de travail confirme l’attraction vers le non-emploi exercé par ce dispositif. » ([199])
Sous l’impulsion du Gouvernement, le législateur avait finalement fait le choix en 2006 de maintenir une indemnisation forfaitaire dans un contexte où la branche famille était en déficit.
Le déficit d’attractivité de la PreParE française, notamment chez les pères, rejoint par certains aspects les limites observées dans le cas britannique. En 2015, le Royaume-Uni a instauré un dispositif de congé parental partagé ([200]) assorti d’une indemnité statutaire de congé parental partagé ([201]), avec une double ambition : encourager une implication accrue des pères dès la naissance de l’enfant, et permettre aux mères de préserver leur ancrage professionnel. Si le cadre légal offrait une souplesse notable en matière de partage entre les parents, l’absence d’incitation économique suffisante a limité son efficacité. Le recours au dispositif est resté marginal, révélant l’écart entre la volonté politique affichée et les réalités sociales, culturelles et économiques des familles ([202]).
● Le niveau d’indemnisation de la PreParE n’explique toutefois pas à lui seul le faible attrait que le congé parental d’éducation exerce sur les pères. L’étude menée pour l’OFCE révèle ainsi que les pères exerçant à temps partiel sont très peu nombreux à demander le bénéfice de la PreParE à taux partiel au cours de la troisième année de leur enfant alors même qu’ils pourraient y avoir droit sans modifier leur temps de travail ([203]).
Cette absence de recours par des pères qui assurent déjà la garde de leurs enfants et remplissent les conditions d’éligibilité à la PreParE peut s’expliquer par deux facteurs complémentaires :
– une méconnaissance du dispositif ;
– une forme de stigmatisation à la prise du congé parental par les pères dans une société où l’éducation et le soin apportés aux jeunes enfants incombent encore essentiellement à la mère.
Ce second facteur est explicitement mis en avant dans l’étude menée pour l’OFCE : « Ce non-recours important des pères travaillant à temps partiel relativement à celui des mères suggère un effet genré du congé parental : les pères ne demandent pas cette allocation soit parce qu’ils supposent qu’ils n’y ont pas droit, soit parce qu’ils estiment que le congé parental est une affaire de femme ou encore parce que dans leur environnement professionnel leurs collègues masculins n’y recourent pas, ce qui les dissuade de le faire. Il est possible qu’avec la diffusion de ce droit progressivement le recours des pères augmente et s’accélère mais jusqu’en 2018, nous n’observons pas une telle dynamique. Quoiqu’il en soit cela suggère qu’une meilleure indemnisation du congé parental ne suffirait probablement pas pour accroître le recours des pères. » ([204])
Bien que l’ampleur de ces effets genrés soit difficile à quantifier avec précision, leur existence est attestée par des études qualitatives portant sur l’organisation des temps parental et professionnel au sein des couples.
D’après le barème d’opinion de la Drees, réalisé en France métropolitaine en 2020 et 2022, les stéréotypes de genre liés à la maternité et à l’éducation des enfants demeurent ancrés. Près des deux tiers de la population adhèrent ainsi à l’idée que « les mères savent mieux répondre aux besoins et attentes des enfants que les pères » 20 % déclarent être d’accord avec l’idée selon laquelle « dans l’idéal, les femmes devraient rester à la maison pour élever leurs enfants » ([205]).
Le projet de recherche « Paternage », mis en place par la Drees et plusieurs instituts de recherche et universités en complément de la dernière vague de l’enquête « Modes de garde et d’accueil des jeunes enfants » menée en 2021, met en lumière un investissement asymétrique des pères et des mères dans la vie familiale.
Comme le révèlent les entretiens menés auprès d’une cinquantaine de pères issus de milieux sociaux différents, peu d’entre eux envisagent de réduire leur activité en passant à temps partiel tandis qu’ils « entrevoient cette option spontanément pour leur conjointe, décrivant son emploi comme plus flexible ou valorisant ses qualités maternelles et son souhait d’être plus présente auprès des enfants » ([206]). Ce phénomène existe même « quand il est plus avantageux financièrement que ce soit le père qui passe à temps partiel plutôt que la mère » ([207]).
À ce titre, il est éclairant de constater que l’investissement des pères dans la vie familiale est influencé par l’acceptabilité des ajustements professionnels dans leur milieu de travail. Ainsi, si les paramètres d’une prestation influent sur son recours par les bénéficiaires potentiels, d’autres facteurs sociaux et professionnels entrent en compte dans leurs choix de la solliciter ou non.
d. Des économies générées sur l’indemnisation des congés parentaux mais des dépenses induites sur les autres modes de garde difficilement évaluables
● Les rapporteurs ont déjà eu l’occasion de présenter la baisse des dépenses de PreParE depuis 2015 ainsi que les facteurs qui l’expliquaient ([208]). En première analyse, il semble donc que l’objectif implicite d’économies pour la branche famille ait été atteint par la réforme. Toutefois, une telle analyse ne prend pas en compte les interactions entre le recours au congé parental et aux autres modes de garde. En effet, la baisse du recours à la PreParE s’est vraisemblablement traduite par un recours accru à d’autres modes d’accueils formels collectifs ou individuels.
Or, à nombre d’enfants constant, une modification de la répartition du recours aux différents modes de garde n’est pas neutre financièrement. En 2024, la Cour des comptes estimait ainsi que, en évitant le recours à environ 170 000 places d’accueil formel à temps plein par an au coût estimé de 2,2 milliards d’euros ([209]), la PreParE avait permis des moindres dépenses publiques de l’ordre de 1,43 milliard d’euros (les dépenses de PreParE s’étant élevées à 770 millions d’euros) ([210]).
Ce calcul apparaît toutefois relativement théorique aux rapporteurs. En effet, la situation d’extrême tension sur les capacités d’accueil formel, bien documentée par des rapports récents ([211]), laisse penser que l’incitation au recours au congé parental ne se traduirait pas nécessairement par des économies. En matière de recours aux modes de garde du jeune enfant, toute estimation des coûts et bénéfices d’une réforme doit être prise avec grande précaution tant il est difficile d’anticiper les comportements qu’adopteront les parents. Cela étant rappelé, le constat selon lequel la PreParE a permis de contenir l’évolution des dépenses de la branche famille doit être nuancé au regard des conséquences qu’un plus faible recours au congé parental d’éducation entraîne sur l’ensemble des dépenses publiques, en particulier pour celles des collectivités territoriales.
e. L’impact de la réforme de la PreParE à Asnières‑sur‑Seine : un exemple de cas local
● Les rapporteurs ont pu prendre connaissance d’une étude menée par la commune d’Asnières‑sur‑Seine dans le cadre d’un projet de mise en place d’un complément d’indemnisation du congé parental à l’échelon municipal. Les résultats sont conformes aux constats formulés à l’échelon national.
À Asnières-sur-Seine, le nombre de foyers ayant recours à un congé parental indemnisé a baissé de 70 % entre 2016 et 2022 passant de 431 personnes à taux plein en 2016 à 130 personnes en 2022 et de 279 personnes à temps partiel en 2016 à 68 en 2022. Dans le département des Hauts‑de‑Seine, le nombre de congés parentaux à temps plein est passé de 6 158 à 2 441 sur cette même période.
● Il est intéressant de constater que, selon l’étude, cette baisse a induit des dépenses et des tensions sur les modes d’accueil formels, confirmant ce que les rapporteurs ont écrit supra : environ 500 familles supplémentaires auraient ainsi été conduites à chercher un autre mode de garde alors que leur premier choix était de rester plus longtemps auprès de leur enfant.
Enfin, faute de places suffisantes en crèches et d’assistantes maternelles, la réduction du recours au congé parental s’est également traduite par une augmentation du recours à des solutions « informelles », le plus souvent au sein de la famille. La réforme aurait donc contribué à réduire le libre choix des familles.
En conclusion, la réforme de la PreParE n’a pas permis d’atteindre les objectifs poursuivis initialement : en particulier, le taux de recours au congé parental par les pères n’a que très faiblement augmenté tandis que la réduction du recours à la troisième année de l’enfant a vraisemblablement renforcé les contraintes pesant sur les familles au détriment du principe de libre choix, par les parents, du mode d’accueil de leurs enfants, au cœur du modèle français. Les économies pour la branche famille générées par la réforme doivent en outre être mises en regard des contraintes qu’elle a pu induire sur l’offre d’accueil formel.
2. Les effets de l’allongement de la durée du congé de paternité depuis 2021
a. Mieux évaluer les effets de la réforme de 2021 sur les modalités de recours au congé de paternité et le partage des tâches parentales
Introduite par la loi n° 2020-1576 du 14 décembre 2020 de financement de la sécurité sociale pour 2021 et entrée en vigueur le 1er juillet 2021, la réforme du congé de paternité a allongé ce congé (hors congé de naissance) de onze à vingt‑cinq jours calendaires (de dix‑huit à trente‑deux jours en cas de naissances multiples) dont quatre jours obligatoires pris immédiatement après le congé de naissance ([212]). Elle a également introduit la possibilité de fractionner la partie optionnelle du congé en plusieurs périodes jusqu’à six mois après la naissance. La réforme visait ainsi à renforcer la présence du père auprès de l’enfant ainsi que le lien père-enfant dans les premiers mois suivant la naissance et favoriser un partage des tâches domestiques plus équitable entre le père et la mère.
Les rapporteurs regrettent l’absence de données statistiques récentes permettant une évaluation quantitative rigoureuse des effets de cette réforme sur les modalités de recours au congé de paternité en population générale (durée, fractionnement). Si l’enquête « Modes de garde et d’accueil des jeunes enfants » de la Drees réalisée en 2021 a permis d’esquisser une première analyse quantitative, celle-ci n’a pas été reconduite depuis. À la date de sa collecte, 65 % des pères avaient déjà pris la totalité des vingt‑cinq jours et 20 % avaient fractionné leur congé. Ces premières données suggéraient une bonne appropriation de la réforme mais n’informaient pas des disparités de recours.
Il est notamment probable que l’allongement de la durée légale du congé de paternité dans les catégories de la population où le recours était le plus faible (indépendants, salariés en contrat précaire) se soit accompagné d’une hausse de la proportion de pères qui ne le prennent pas en totalité. Ainsi, en 2021 (avant réforme), 25 % des indépendants avaient pris moins de onze jours au titre du congé de paternité (facultatif).
Recommandation n° 13 : actualiser les données relatives aux congés de maternité et de paternité qui ne l’ont pas été depuis l’enquête « Modes de garde et d’accueil des jeunes enfants » de la Drees de 2021.
Recommandation n° 14 : mener une évaluation quantitative de la réforme du congé de paternité entrée en vigueur en juillet 2021 – qui n’a été que partiellement évaluée à travers l’enquête « Modes de garde et d’accueil des jeunes enfants » de 2021 – de façon à mesurer les effets de l’allongement du congé et de la possibilité de le fractionner sur les modalités du recours des pères et le partage des tâches parentales.
D’après les données les plus récentes issues des comptes de la sécurité sociale, en 2023, 310 000 pères du régime général (hors fonction publique ou régimes spéciaux) ont débuté un congé de paternité financé par la sécurité sociale, ce qui représente 46 % des pères ayant eu un enfant au cours de l’année ([213]). Ces pères se sont arrêtés en moyenne 23 jours à la naissance de leur enfant.
b. Contraintes professionnelles et méconnaissance des droits : des freins persistants au recours au congé de paternité
Si la réforme n’a pas fait l’objet d’une évaluation quantitative, plusieurs études qualitatives ont en revanche été réalisées. La Drees a notamment piloté une enquête qualitative « Paternage » auprès d’une cinquantaine de pères dont l’enfant est né aux alentours de la réforme du congé de paternité en 2021 (cf. encadré).
Le projet de recherche « Paternage », piloté par la Drees, associe l’Université Lumière Lyon 2, l’Institut national des études démographiques (Ined), Sciences Po Paris et AgroParisTech. Réalisé dans le sillage de l’enquête « Modes de garde et d’accueil des jeunes enfants » de 2021, qui ne permettait qu’une évaluation quantitative partielle de la réforme du congé de paternité de juillet 2021, ce projet propose une évaluation qualitative longitudinale avec l’objectif de suivre des pères qui ont bénéficié de la réforme.
À travers trois vagues d’entretiens menées auprès de pères ayant un enfant né en 2021, l’enquête vise à éclairer les modalités concrètes du recours au congé de paternité, tant du point de vue familial que professionnel ; la mise en place du partage des tâches ménagères et parentales liées à l’arrivée de l’enfant dans le foyer et son évolution avant, pendant et après le congé ; ainsi que les représentations et les pratiques des pères en matière d’éducation. En interrogeant les mêmes pères sur trois ans, elle permet d’apprécier les effets concrets de la réforme du congé de paternité sur le temps long.
Les deux vagues d’entretiens menées auprès d’une cinquantaine de pères et réalisés pour la première vague, entre avril et septembre 2022, et pour la seconde, entre avril et octobre 2023, ont fait l’objet de publications parues respectivement en juin 2023 et en janvier 2025. La troisième vague d’entretiens prévus en 2024 n’a pas encore donné lieu à une publication.
La première vague d’entretiens menés en 2022 dans le cadre du projet de recherche « Paternage » témoigne tout d’abord d’une forte acculturation au principe du congé de paternité qui a le plus souvent été pris dans son intégralité par la quasi-totalité des pères interrogés.
Ce premier constat est toutefois à nuancer au regard de la persistance des freins exprimés par les pères en lien avec des contraintes professionnelles réelles et/ou intériorisées ([214]). Les pères, le plus souvent cadres, expriment notamment des craintes à s’absenter trop longuement de leur lieu de travail et délaisser leurs responsabilités professionnelles. Pour des salariés en contrat à durée déterminée ou en intérim, la précarité du statut dans l’emploi peut aller de pair avec une certaine pression hiérarchique et un plus faible pouvoir de négociation vis-à-vis de l’employeur dans l’organisation du congé. Du point de vue des travailleurs indépendants, l’arrêt temporaire du travail est davantage perçu comme « un risque » d’autant plus important à prendre que le congé est long. Les conditions d’indemnisation sont également citées comme un frein par certains pères, notamment pour ceux qui anticipent et/ou subissent une perte de revenus.
Dans ce contexte, le choix de fractionner le congé est plus souvent justifié par la nécessité de s’adapter à des contraintes professionnelles (ne pas s’absenter au travail sur une période jugée trop longue, prendre son congé avant ou après une période d’activité particulièrement forte, terminer une mission en cours, répondre à une demande explicite de l’employeur, etc.) que par l’ajustement à des contraintes familiales citées moins fréquemment (relayer la mère en attendant d’obtenir une place en crèche ou après d’une assistante maternelle par exemple).
Ces témoignages permettent d’expliquer pour partie la fréquence du non‑recours au congé de paternité : en 2021 (avant réforme), 29 % des pères éligibles ne prennent pas de jours de congé à la naissance de leur enfant (contre 7 % des mères). Les taux de recours particulièrement faibles parmi les travailleurs indépendants (46 %) et les salariés en contrat court ou discontinu (51 %) en comparaison des pères ayant le statut d’emploi le plus stable (91 % parmi les fonctionnaires et agents titulaires d’un contrat à durée indéterminée dans le secteur public et 82 % parmi les salariés en CDI du secteur privé) ([215]) traduisent la propension des pères à ne pas utiliser leurs droits à congé lorsque leur environnement de travail y est désincitatif ou moins favorable.
La méconnaissance des droits au congé de paternité ainsi que les obstacles informationnels et administratifs à diverses étapes du parcours de demande ne seraient également pas à sous-estimer pour expliquer non recours des pères. D’après l’enquête réalisée par Mme Alix Sponton, sociologue ([216]), les pères indépendants, en contrat à durée limitée ou les demandeurs d’emploi indemnisés interrogés se croient ainsi fréquemment inéligibles même lorsqu’ils remplissent les conditions pour réaliser une demande. Le congé de paternité est perçu comme un droit réservé aux salariés en CDI auquel ils n’auraient pas accès. La faiblesse des liens professionnels qui peut caractériser leur situation d’emploi en comparaison de salariés en contrat stable, intégrés dans des collectifs de travail, favorise ce défaut d’information au sujet de la paternité et des droits associés.
S’agissant tout particulièrement des travailleurs non salariés, les démarches administratives à mener par eux-mêmes désincitent au recours. Ces profils de travailleurs autonomes peuvent être tentés de privilégier des arrangements informels de leurs horaires et de leur emploi du temps à un congé de paternité formel indemnisé.
Recommandation n° 15 : renforcer l’information aux droits au congé de paternité à destination des travailleurs indépendants, des salariés en contrat court et des chômeurs indemnisés qui méconnaissent fréquemment leur éligibilité au dispositif.
c. Une parenthèse « enchantée » de courte durée pour l’équilibre du partage des tâches domestiques et parentales
Du point de vue de l’organisation familiale, la seconde vague d’entretiens de l’enquête « Paternage » menée auprès des mêmes pères en 2023 tend à démontrer que si le congé de paternité permet une répartition des tâches plus équilibrée au moment où il est pris par les pères, cette parenthèse « enchantée » tend à se refermer au moment du retour à l’emploi du père qui s’accompagne d’un retour des inégalités dans le partage des tâches domestiques et parentales ([217]).
D’une manière générale, les entretiens témoignent d’un sentiment fréquent de tiraillement exprimé par les pères entre leur vie professionnelle et leur vie familiale. Leurs discours soulignent des attentes et des normes contradictoires valorisant à la fois la « présence paternelle » auprès de l’enfant et la présence continue sur leur lieu de travail pour garder leur emploi et évoluer professionnellement. En ce sens, le congé de paternité n’apparaît pas seulement comme un temps d’accueil de l’enfant ; c’est aussi, pour certains pères, un moment de redéfinition de la place accordée à leur vie familiale. D’après les résultats de la première vague d’entretiens, la période du congé de paternité s’accompagne d’un rééquilibrage temporaire du partage des tâches domestiques entre le père et la mère. Les pères tendent notamment à prendre en charge davantage de tâches ménagères afin de « soulager » la mère à la suite de l’accouchement.
Dans les faits, les ambivalences que décrivent les pères se traduisent néanmoins rarement à terme par un désengagement professionnel. Quelques mois après la naissance, la priorité est quasiment toujours redonnée à l’emploi. Rare sont les pères qui réduisent leur activité professionnelle ; le travail à temps plein, avec des horaires parfois extensifs, demeurant la norme. Les ajustements qui s’opèrent à la naissance de l’enfant, facilités dans les emplois de cadres ou de professions libérales, se font à la marge : départs plus tôt certains soirs, travail à domicile le soir après l’heure du coucher de l’enfant, pratique du télétravail, etc. Les horaires de travail contraignants des pères interrogés réinstaurent de facto une répartition inégalitaire des tâches domestiques et parentales en particulier les jours de semaine alors que la mère demeure en congé. « De nouvelles habitudes se prennent pendant cette période où la mère est souvent seule à s’occuper de l’enfant, et vont entériner un partage inégal de certaines tâches, notamment des tâches parentales qui ne cessent d’évoluer au cours des premiers mois. » ([218])
Le désalignement des congés de paternité et de maternité en termes de durée favorise de ce point de vue le déséquilibre dans la répartition des tâches parentales.
C’est dans les configurations conduisant les pères à se trouver régulièrement seuls au foyer avec l’enfant, en raison par exemple d’horaires atypiques ou décalés, que l’engagement des pères dans le travail parental et domestique apparaît davantage équilibrer celui des mères ([219]).
D’après ces témoignages, la norme de la pleine disponibilité dans l’emploi continue d’irriguer fortement les cultures professionnelles en France et d’orienter les perceptions et les comportements des pères de jeunes enfants. Les pratiques et les usages dans les entreprises apparaissent de ce point de vue déterminants pour permettre une évolution des manières d’exercer son congé de paternité et in fine, sa paternité ([220]).
Recommandation n° 16 (M. Thibault Bazin) : étendre les possibilités de fractionnement du congé de paternité et d’accueil du jeune enfant de manière à donner davantage de flexibilité aux pères pour s’adapter à leurs contraintes professionnelles et familiales.
Recommandation n° 17 (Mme Céline Thiébault-Martinez) : rendre l’intégralité de la durée légale du congé de paternité, rebaptisé « congé du second parent », obligatoire de façon à limiter les pressions pouvant s’exercer sur les pères salariés et lutter contre le non‑recours des salariés les plus précaires, en contrat à durée déterminée ou en intérim.
Recommandation n° 18 (Mme Céline Thiébault-Martinez) : aligner la durée du congé du second parent sur la durée du congé de maternité afin de favoriser un partage équitable des tâches domestiques et parentales à l’arrivée de l’enfant ainsi que l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes.
III. faire Évoluer le modèle français des congés parentaux : quelle(s) rÉforme(s) pour quel(s) objectif(s) ?
A. Pour une approche globale des congés parentaux permettant aux parents d’investir sereinement leur parentalité au bénéfice de l’enfant
1. Mieux accompagner la parentalité au travail avant, pendant et au retour de congés parentaux
a. Des pressions managériales et des discriminations persistantes au travail en lien avec la grossesse et la parentalité
La parentalité demeure associée en France à des pressions, des situations de stigmatisation au travail voire des comportements discriminatoires pouvant influer sur le recours et le vécu des congés parentaux par les pères et les mères, ainsi que la qualité de l’articulation entre leurs vies professionnelle et familiale au retour d’un congé.
D’après les entretiens menés auprès de pères ayant eu un enfant né en 2021 dans le cadre du projet de recherche « Paternage » piloté par la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees), les pères, en particulier ceux occupant des emplois de cadres, rapportent fréquemment une certaine pression, qu’elle soit réelle ou intériorisée, à ne pas prendre l’intégralité de leur congé de paternité de manière à ne pas mettre de côté trop longuement leurs obligations professionnelles. Au retour du congé de paternité, leurs contraintes familiales peuvent leur sembler mal acceptées dans leur environnement professionnel et favoriser un désengagement vis-à-vis de la sphère familiale et domestique au cours de la semaine, contribuant de fait à creuser les inégalités dans le partage des responsabilités parentales. Ces témoignages démontrent la prégnance en France de normes et d’une éthique professionnelle valorisant la pleine disponibilité au travail indépendamment des contraintes familiales, ainsi que la présence continue et l’implication sur le lieu de travail ([221]).
Allonger la part obligatoire du congé de paternité, dans le sillage de la réforme entrée en vigueur en juillet 2021, pourrait constituer un premier pas pour limiter les pressions s’exerçant sur les salariés et contribuer à modifier les représentations et les usages autour du congé de paternité ([222]).
S’il n’existe pas d’études permettant de documenter les discriminations subies par les pères au cours ou à l’issue d’un congé de paternité dont l’allongement est encore récent, de même que celles en lien avec un projet d’adoption ou un parcours de procréation médicalement assistée (PMA) ([223]), il est en revanche démontré que celles-ci touchent fréquemment les femmes, avant, pendant et après un congé de maternité et/ou un congé parental. La persistance de ces discriminations alerte par leur gravité et illustre plus généralement l’hostilité de certains environnements de travail à l’exercice d’une parentalité apaisée.
En dépit d’une législation globalement protectrice (cf. encadré), ces discriminations concernent les femmes dans le secteur privé aussi bien que dans le secteur public et peuvent revêtir diverses formes, telles que le refus d’embauche, le refus d’une promotion ou d’une augmentation de salaire, la rupture de la période d’essai, la « mise au placard » ou la non-réintégration dans l’emploi précédent ou similaire, la mise à l’écart avec une perte de responsabilités et des formes de déclassement au retour d’un congé de maternité, la stagnation du salaire, l’absence d’évolution de carrière, ou encore des faits de harcèlement.
Protections légales contre les discriminations au travail en raison de la grossesse et de la situation de famille
Le code du travail interdit tout comportement discriminatoire de l’employeur en raison de la grossesse (articles L. 1132-1, L. 1142-1 et L. 1225-1). L’aménagement de la charge de la preuve, prévu par l’article L. 1144-1, bénéficie ainsi aux salariées victimes de discriminations pour ce motif : autrement dit, si une salariée présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination, c’est à l’employeur de prouver que sa décision n’est pas liée à son état de grossesse. Lorsqu’un doute subsiste, il profite à la salariée enceinte (article L. 1225-3).
Au même titre que la grossesse, le ou la salariée qui prend un congé d’adoption, un congé de paternité et d’accueil de l’enfant, un congé parental d’éducation ou encore qui s’inscrit dans un parcours d’assistance médicale à la procréation (article L. 1225-3-1) ne doit subir aucune discrimination en raison de sa situation de famille (article L. 1132-1).
En 2024, plus de 3 % des saisines enregistrées par la Défenseure des droits en matière de discriminations avaient ainsi pour motif la grossesse ([224]). Au cours de cette année, la Défenseure des droits est intervenue dans plusieurs cas, dont une employée, assistante d’éducation, qui estimait que le refus de renouvellement de son dernier contrat à durée déterminée (CDD) était fondé sur son état de grossesse ([225]) ou encore une réclamante n’ayant pas retrouvé son poste au sein de l’entreprise qui l’employait à l’issue de son congé de maternité ([226]). Constatant la persistance de ces situations, la Défenseure des droits publiait en 2022 un guide sur les discriminations en raison de l’état de grossesse dans le secteur privé.
Si les salariées déclarent majoritairement des réactions positives de leur employeur à l’annonce de leur grossesse, l’enquête réalisée par l’Union nationale des associations familiales (Unaf) sur le parcours de conciliation des parents de jeunes enfants suggère que les réactions négatives de l’employeur à l’annonce d’une grossesse sont plus répandues lorsque les mères sont en contrat précaire (CDD ou intérim) ou occupent un emploi d’employée. Moins le ménage se décrit comme aisé, plus les réactions de l’employeur sont décrites comme indifférentes ou négatives ([227]).
Si les femmes victimes de discriminations en raison de leur grossesse ou de leur maternité disposent de nombreux recours légaux, une faible proportion engage une procédure et font effectivement valoir leurs droits.
Recommandation n° 19 : améliorer l’information des femmes sur leurs droits et renforcer les contrôles et les sanctions contre les employeurs afin de lutter contre les discriminations liées à la grossesse et à la maternité dans le monde du travail.
Recommandation n° 20 : former les responsables des ressources humaines et les managers en entreprise à la prévention des discriminations liés à la parentalité et à la bonne gestion des retours de congés parentaux.
Le cadre législatif applicable aux salariés qui bénéficient d’un congé de maternité, d’adoption, de paternité ou d’un congé parental a été récemment révisé à la marge à la faveur de la transposition de la directive (UE) 2019/1158 du 20 juin 2019 concernant l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée des parents et des aidants (cf. encadré). Il apparaît aujourd’hui globalement protecteur des salariés. Il prévoit notamment que le contrat de travail d’un salarié ne peut être rompu pendant les dix semaines suivant la naissance de son enfant (article L. 1225‑4‑1 du code du travail) et que le salarié retrouve son précédent emploi ou un emploi similaire assorti d’une rémunération au moins équivalente à l’issue du congé de paternité (article L. 1225-36) ou d’un congé de maternité (article L. 1225-25).
La transposition en droit interne de la directive (UE) 2019/1158 du 20 juin 2019 concernant l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée des parents et des aidants
La loi n° 2023-171 du 9 mars 2023 portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne dans les domaines de l’économie, de la santé, du travail, des transports et de l’agriculture a transposé plusieurs dispositions relatives aux congés parentaux (congé de paternité, congé parental d’éducation, congé de présence parentale en particulier) issues de la directive européenne (UE) 2019/1158 du 20 juin 2019, s’agissant en particulier de :
– la conservation du bénéfice des avantages acquis par le salarié avant la prise d’un congé (voir les articles L. 1225-35-2 pour le congé de paternité, L. 1225-54 pour le congé parental d’éducation et L. 1225-65 pour le congé de présence parentale) ;
– l’ajustement du calcul de l’ancienneté requise pour le bénéfice d’un congé parental d’éducation : désormais, l’ancienneté requise minimale d’une année en emploi pour bénéficier du congé ne s’apprécie plus « à la date de naissance de l’enfant » mais à la date de la demande de congé par le salarié (article L. 1225-47 du code du travail modifié) ;
– l’assimilation de la période du congé de paternité à une « période de présence » en entreprise pour le calcul de la répartition de l’intéressement et de la participation des salariés (voir les articles L. 3314-5 et 3324-6 du code du travail) ;
– l’extension des droits aux congés de proche aidant et de solidarité familiale pour les salariés des particuliers employeurs (articles L. 7221-2 du code du travail et L. 423-2 du code de l’action sociale et des familles).
Les pères et les mères doivent pouvoir davantage s’en saisir pour faire valoir leurs droits en cas de manquements de leurs employeurs. Les rapporteurs appellent également à une évolution profonde des mentalités et des pratiques dans le monde du travail. Le renforcement du dialogue social et des négociations collectives tant à l’échelle des branches que des entreprises au sujet des congés parentaux, de la parentalité et plus largement, de l’articulation entre la vie professionnelle et la vie familiale est à ce titre essentiel.
b. Renforcer le dialogue social sur les congés parentaux et favoriser la diffusion de bonnes pratiques dans le monde du travail
Le bilan annuel des négociations collectives des branches professionnelles réalisé pour l’année 2023 identifie le thème des congés familiaux, du soutien à la parentalité et aux salariés aidants comme « un sujet de dialogue social où les partenaires sociaux sont investis » avec seize accords traitant de congés liés à la parentalité (maternité, paternité, adoption et enfant malade).
À l’appui de ce bilan et des observations transmises par les organisations syndicales, les rapporteurs relèvent divers exemples de dispositions conventionnelles ayant pu être négociées à l’échelle des branches dont :
– la réduction de la durée de travail quotidienne pendant la grossesse : en 2023, la branche aide, accompagnement, soins et services à domicile prévoit notamment un cumul possible sous forme de demi-journée ou journée entière de repos. La convention collective des industries électriques et gazières (IEG) prévoit une autorisation d’absence rémunérée pour les femmes enceintes (une heure par jour à partir du troisième mois de grossesse) et l’assouplissement du travail à distance pendant le troisième trimestre sur préconisation du médecin du travail.
La convention collective de la mutualité dispose qu’à partir du septième mois de grossesse, les salariées enceintes bénéficient d’une réduction d’une heure de travail par jour, sans diminution de salaire ;
– le maintien intégral du salaire pour la durée des congés de maternité et d’adoption et/ou de paternité avec ou sans condition d’ancienneté (généralement un an de présence dans l’entreprise au jour de la naissance) dans plusieurs branches (entreprises de courtage d’assurances, bureaux d’études et cabinets de conseil, métallurgie, organismes de formation, transports et activités auxiliaires du transport, bijouterie, joaillerie, orfèvrerie, horlogerie, etc.) ;
– l’allongement de la durée du congé de maternité et/ou de paternité dans la convention IEG– dix‑huit semaines pour le congé de maternité – et les branches des assurances, des banques et de la mutualité ;
– l’information des salariés qui en font la demande sur la marche de l’entreprise durant leur période d’absence au titre d’un congé familial, ainsi que la mise à disposition d’un guide d’accompagnement à la gestion des absences liées aux congés familiaux (branche métallurgie) ;
– l’incitation au financement des frais de garde via le recours aux chèques emploi‑service universel (Cesu) (branche métallurgie) ;
– la prise en compte à 100 % de la durée du congé parental pour le calcul de l’ancienneté (sous réserve que le salarié totalise cinq ans d’ancienneté) dans la branche de la fabrication et du commerce des produits à usage pharmaceutique ;
– en lien avec les négociations portant sur la formation professionnelle : pour l’année 2023, la branche du transport aérien – personnel au sol prévoit un abondement complémentaire de 10 % du compte personnel de formation aux salariés revenant de congé maternité, congé d’adoption ou congé parental d’éducation et qui souhaitent se former au retour de leur congé ; la branche des fleuristes, vente et service des animaux prévoit une prise en charge totale ou partielle des besoins matériels permettant que les formations puissent être suivies, notamment les frais supplémentaires de gardes d’enfants ; la branche commerce des détaillants de la chaussure mentionne l’entretien professionnel au retour d’un congé maternité ou d’adoption ou d’un congé parental comme un levier pour limiter les éventuels phénomènes d’autocensure de salariées vers des postes à responsabilité.
Certaines dispositions conventionnelles parmi les plus novatrices concernent plus particulièrement les congés pris pour enfant malade, comme le dispositif de « don de jours » ([228]) par exemple.
Les dispositions précitées sont néanmoins loin de couvrir l’ensemble des branches en l’absence d’obligation de négociation. À l’échelle des branches, il n’existe en effet pas de négociation obligatoire portant spécifiquement sur les congés parentaux, l’exercice de la parentalité jusqu’à l’entrée de l’enfant à l’école maternelle et l’articulation entre la vie professionnelle et la vie familiale. Ces thématiques peuvent être abordées indirectement dans le cadre des négociations sur l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes ou encore sur les mesures destinées à faciliter l’articulation entre la vie professionnelle et la vie personnelle des salariés proches aidants respectivement prévues aux 2° et 3° de l’article L. 2241-1 du code du travail.
Plusieurs syndicats auditionnés par les rapporteurs constatent de fortes disparités dans le dialogue social d’une branche à l’autre sur ces thématiques qui demeurent peu abordées dans des secteurs disposant de moindres moyens et faisant face à des complexités organisationnelles, comme l’artisanat, l’agriculture, l’intérim, l’hôtellerie-restauration, le tourisme, le bâtiment et les travaux publics, etc.
Ces disparités de couverture contribuent à creuser les écarts entre les salariés d’un secteur à l’autre, en particulier sur les sujets essentiels de l’adaptation du temps de travail et des postes au temps de la grossesse pour les mères et la question du maintien de la rémunération, en particulier pour le congé de paternité aujourd’hui depuis la réforme de son allongement. Si la plupart des branches semblent assurer un maintien partiel ou total du salaire pendant le congé de maternité (sous condition d’ancienneté le plus souvent), le congé de paternité n’est en effet pas encore bien couvert. Le congé parental d’éducation demeure largement régi par les dispositions de droit commun, à l’exception de quelques avancées sectorielles notables (comme la métallurgie).
En 2017, une estimation réalisée par la direction de la sécurité sociale évaluait à moins de 20 % la proportion de salariés du secteur privé couverts par des conventions collectives assurant un complément total ou partiel de salaire pour le congé de paternité. Les rapporteurs n’ont pas eu connaissance d’une actualisation de cette donnée.
Recommandation n° 21 : inscrire les congés parentaux et plus largement, l’articulation entre la vie professionnelle et la vie personnelle, parmi les thèmes de négociation obligatoire au niveau des branches prévue à l’article L. 2241-1 du code du travail de façon à assurer, au niveau de chaque branche, un socle minimal de garanties essentielles.
Recommandation n° 22 : inciter les branches professionnelles à négocier sur le versement d’un complément partiel ou total du salaire durant les congés de maternité, de paternité et d’accueil du jeune enfant (en sus des indemnités journalières versées par la sécurité sociale) et les droits associés à la prise d’un congé parental d’éducation.
L’entreprise peut également constituer une échelle pertinente pour définir des normes supra-légales relatives aux congés parentaux ainsi que des modes d’organisation du travail favorables à la grossesse, à la prise de congés parentaux dans de bonnes conditions et à des retours de congés « en douceur » qui prennent en compte les contraintes liées à l’arrivée d’un enfant.
Dans les entreprises de plus de cinquante salariés, la thématique des congés parentaux et plus largement, de l’articulation entre la vie professionnelle et la vie familiale des parents de jeunes enfants peut notamment être abordée dans le cadre des négociations obligatoires sur l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes, les conditions de travail et la qualité de vie (QVCT) prévues aux 2° de l’article L. 2242-1 du code du travail. Conformément à l’article L. 2242-17 du même code, en l’absence d’accord précisant le champ de cette négociation, celle‑ci peut porter sur « l’articulation entre la vie personnelle et la vie professionnelle pour les salariés ».
Le recensement des accords d’entreprises et bonnes pratiques menées par les rapporteurs, à l’appui des observations transmises par les syndicats, témoigne d’un foisonnement d’initiatives. Toutefois, celles-ci ne sont mises en place et/ou formalisées qu’à l’échelle de très grandes entreprises et de grands groupes ; ce qui suggère qu’elles ne concerneraient de ce fait qu’une poignée de salariés en France. Parmi les dispositions et bonnes pratiques, peuvent être cités :
– la réduction ou l’aménagement du temps de travail des salariées durant leur grossesse voire dans les mois suivant la naissance avec, par exemple, la possibilité de travailler à domicile à partir du quatrième mois de grossesse et de réduire la durée du travail de dix heures par semaine à compter du sixième mois (accord de 2016 du groupe TF1) ; la prise en compte du temps d’allaitement pendant un an et des consultations prénatales obligatoires ayant lieu pendant le temps de travail (accord de 2024 de Cargill) ; l’attribution à compter du 1er janvier 2025 d’un crédit de vingt‑cinq jours ouvrés aux salariées à partir de leur troisième mois révolu de grossesse afin de réduire leur temps de travail sur la période précédant le début du congé de maternité (accord Dassault Systèmes de 2024), etc. ;
– le maintien de la rémunération des salariés pendant les congés de maternité, d’adoption et/ou de paternité (accord SNCF Connect & Tech de 2024 ; accord européen Safran de février 2025 ; L’Oréal, etc.) ;
– l’assouplissement du recours au télétravail avec, par exemple, la possibilité de bénéficier d’un troisième jour de télétravail dans les quatre semaines au retour d’un congé lié à la parentalité (accord de l’entreprise Segens dédié à la parentalité en 2024) ;
– l’encadrement des réunions (demi-journée par semaine sans réunion, encadrement des horaires des réunions entre 9 heures 30 et 17 heures 30, etc.) ;
– l’octroi de jours de congés supplémentaires, par exemple sept jours calendaires complémentaires au congé de paternité légal (accord Matmut de 2025) ou encore l’allongement du congé maternité à dix‑huit semaines chez Sanofi depuis 2021 ;
– la mise à disposition de places en crèches financées par l’entreprise ou la contribution aux frais de garde des enfants par le biais du financement partiel de chèques emploi-service universel (Cesu) (accords Sequens et Framatom de 2024) et/ou en cas de frais supplémentaires occasionnés par une formation avec hébergement (accord Bouygues Telecom de 2024, Orange, TotalEnergies, etc.) ;
– la possibilité de bénéficier d’un entretien professionnel avec la hiérarchie avant le départ en congé et au retour du congé afin d’examiner les possibilités de retour à l’emploi initial ou à un emploi équivalent, les possibilités d’aménagement du temps du travail, les besoins de formation et les conséquences éventuelles du congé sur la rémunération et l’évolution de carrière du salarié concerné (accord Carrefour de 2014) ;
– la prise en compte de la durée du congé parental pour la détermination des droits liés à l’ancienneté (accord du groupe TF1 de 2016) ou encore le maintien de la complémentaire santé et des cotisations retraite pour les salariés en congé parental (accord de 2017 d’Alstom).
Dans les entreprises d’au moins cinquante salariés dont l’index de l’égalité professionnelle est inférieur à 75 points ([229]), les accords pris relatifs à l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes mentionnent fréquemment le versement d’augmentations salariales, notamment au retour du congé de maternité, comme mesure de correction ([230]).
Certaines très grandes entreprises peuvent ainsi proposer des dispositifs avantageux en matière de congés de maternité, d’adoption et de paternité (maintien de la rémunération, voire allongement de sa durée), ainsi qu’avant et après la prise de congé (assouplissement du temps de travail, adaptation de l’organisation du travail, gestion des carrières, aides aux frais de garde, etc.). Ces dispositions apparaissent efficaces pour articuler les responsabilités professionnelles de parents de jeunes enfants avec leurs contraintes familiales mais ne bénéficient de facto qu’à une minorité de salariés, les accords et bonnes pratiques convoqués ici concernant des entreprises de plusieurs milliers de salariés parfois présents dans plusieurs pays et plutôt issus du secteur tertiaire.
Il est plus difficile de documenter le dialogue social, les usages et bonnes pratiques pouvant être mis en place dans les petites et moyennes entreprises (PME) et très petites entreprises (TPE). Il est probable que de fortes disparités existent d’une entreprise à l’autre et que les « bonnes pratiques » y soient moins formalisées et acquises dans le temps en l’absence d’accord d’entreprise ou d’accord de branche étendu.
Il convient de rappeler à ce titre la faible implantation des organisations syndicales dans les TPE-PME, de même que des représentants élus de personnel pouvant négocier un accord en l’absence de délégués syndicaux ([231]). Or, la propension à engager une négociation collective est d’autant plus réduite que l’entreprise ne dispose que d’élus, et elle est quasi nulle sans instances représentatives du personnel. Les TPE-PME employaient, en 2023, 46 % des salariés en équivalent temps plein des secteurs marchands non agricoles et non financiers ([232]).
Recommandation n° 23 : rendre obligatoire la négociation collective d’entreprise sur les congés parentaux et l’articulation entre la vie personnelle et familiale des salariés, et favoriser le dialogue social sur ces thématiques.
Recommandation n° 24 : à l’échelle des entreprises, améliorer l’accompagnement à la maternité des salariées enceintes pendant la période précédant le congé de maternité (aménagements de postes, réduction du temps de travail, temps nécessaire aux examens médicaux, etc.).
Recommandation n° 25 : diffuser de bonnes pratiques en entreprise favorisant un retour « en douceur » d’un congé pris à la naissance d’un enfant (aménagements du temps de travail, encadrement des horaires de réunions, télétravail, temps partiel, soutien aux modes de garde de l’enfant, etc.).
Recommandation n° 26 : mettre en place un entretien professionnel systématique au retour d’un congé de maternité, de paternité, d’adoption ou d’un congé parental d’éducation afin de permettre un temps d’échange sur les possibilités d’aménagements de poste, l’évolution de la rémunération et les perspectives de carrière.
Dans le secteur public, l’accord en faveur de l’égalité professionnelle dans la fonction publique du 30 novembre 2018 prévoit un certain nombre de dispositions visant à « mieux accompagner les situations de grossesse, la parentalité et l’articulation des temps de vie professionnelle et personnelle ». Quelques mesures concrètes ont été mises en œuvre dont :
– l’exemption du jour de carence pour les arrêts maladie durant la grossesse ;
– l’instauration du droit à avancement pour les bénéficiaires d’un congé parental ;
– et l’augmentation du nombre de places en crèches dans les administrations de la fonction publique d’État (5 000 places aujourd’hui) ([233]).
La direction générale de l’administration et de la fonction publique (DGAFP), chargée notamment de l’élaboration de la réglementation sur les congés parentaux des agents de la fonction publique, relève de bonnes pratiques en matière d’accompagnement à la parentalité dans les différentes fonctions publiques dont :
– le recours au télétravail, encadré par l’accord relatif à la mise en œuvre du télétravail dans la fonction publique signé le 13 juillet 2021. Cet accord formalise par ailleurs un « droit à la déconnexion » visant à garantir le respect des temps de repos et de la vie personnelle en lien avec les usages numériques et en particulier l’usage des messageries ;
– l’aménagement d’horaires de travail individualisés ou personnalisés en fonction des contraintes familiales, la mise en œuvre de « chartes de temps » imposant par exemple de ne pas programmer des réunions après 18 heures ;
– l’assouplissement du recours au temps partiel pour les parents et les proches aidants ([234]) ;
– l’attribution de chèques emploi‑service universel (Cesu) pour le financement de frais de garde d’enfants âgés de zéro à six ans à 95 000 bénéficiaires au sein de la fonction publique de l’État, pour une dépense annuelle estimée à 35,9 millions d’euros.
Des initiatives innovantes mais plus isolées peuvent également être citées :
– la mise en place de salles d’allaitement dans plusieurs administrations, dont les ministères de la culture, de l’intérieur et des finances, avec le soutien financier du fonds en faveur de l’égalité professionnelle (FEP). Ce type d’espace dédié et équipé permet de réduire le stress associé à la gestion de l’allaitement pendant les heures de travail et contribue à une transition plus douce et moins anxiogène à la reprise d’activité après un congé de maternité ;
– la mise à disposition d’abonnements à la plateforme numérique « Mamabears » destinée à soutenir les parents en situation de monoparentalité, en particulier les mères seules, au sein de la direction générale des finances publiques (DGFiP).
Un exemple d’initiative en matière d’accompagnement à la maternité dans la fonction publique hospitalière
Constatant les difficultés rencontrées par les infirmières et les aides-soignantes pour articuler l’exercice de leur métier avec une grossesse, notamment en raison des contraintes physiques de leur activité, le centre hospitalier de Béziers a mis en place des actions pour accompagner les femmes enceintes au sein de l’hôpital comprenant :
– l’envoi d’un courrier aux futures mères précisant qu’une référente au sein de l’unité dédiée à l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes est disponible pour mettre en place des actions adaptées ;
– la transmission d’un formulaire pour bénéficier d’une heure de travail en moins par jour ;
– la fourniture d’une tenue de travail adaptée à la grossesse et d’un kit dit de « félicitation » (savons, biberons, couches, etc.) accompagné d’un carnet de santé et d’un carnet de bord « Votre grossesse » ;
– des aménagements de poste, le cas échéant, avec par exemple des stages de découverte et des immersions dans d’autres services ou l’assouplissement du recours au télétravail pour le personnel administratif ;
– la mise à disposition d’un coaching axé sur les problématiques d’articulation entre la vie professionnelle et la vie personnelle (dispositif mis en place avec le soutien de la Mutuelle nationale hospitalière et du fonds en faveur de l’égalité professionnelle).
2. Concevoir une réforme des congés parentaux compatibles avec le bien‑être des parents et des enfants
a. Santé mentale des mères et 1 000 premiers jours de l’enfant
Les travaux et réflexions qui ont émergé ces dernières années autour des « 1 000 premiers jours de l’enfant » ont contribué à sensibiliser à la nécessité de concevoir des politiques familiales et de la petite enfance favorables à la santé et au bien-être de l’enfant et de ses parents. Ces objectifs sont à prendre en considération pour orienter toute nouvelle réforme des congés parentaux en France.
La période des « 1 000 premiers jours de l’enfant »
Les 1 000 premiers jours désignent la période qui court de la grossesse aux 2 ans révolus de l’enfant. Elle est considérée aujourd’hui par les scientifiques comme un moment de vie clef pour le développement social, cognitif et affectif de l’enfant, son bien-être et sa santé tout au long de la vie, « là où tout commence » même si « tout ne s’y décide pas » ([235]). Elle est aussi identifiée comme une période de fortes vulnérabilités pour l’enfant et ses parents, notamment en lien avec les bouleversements associés à la grossesse, l’accouchement et l’arrivée de l’enfant dans le foyer ainsi que sa trajectoire neuro-développementale.
La santé mentale des mères constitue notamment à ce titre une priorité d’action publique dans un contexte où la dépression du post-partum (DPP) toucherait entre 10 % à 20 % des mères dans l’année suivant l’accouchement et demeure largement sous-diagnostiquée. D’après l’enquête nationale périnatale menée en 2021 par Santé publique France, la prévalence de la dépression du post‑partum deux mois après l’accouchement est estimée à 16,7 % des mères en France métropolitaine. 12,6 % des mères présentent une symptomatologie dépressive modérée ; 27,6 % des symptômes anxieux et 5,4 % signalent des idées suicidaires ([236]).
chevauchements entre la ddp, l’anxiété et les idées suicidaires dépistées auprès des mères à deux mois post-partum (mars 2021)
Source : Alexandra Doncarli et al., septembre 2023.
Les suicides et causes psychiatriques de décès constituent la première cause de mortalité maternelle au cours de la première année, après l’accouchement devant les maladies cardiovasculaires ([237]).
Dans le sillage du rapport de la commission présidée par le neuropsychiatre Boris Cyrulnik ([238]), le programme des 1 000 premiers jours défini en 2021 met l’accent sur la nécessité de prévenir et de détecter précocement les troubles pouvant toucher l’enfant et ses parents (signes de développement atypique, dépressions périnatales, détresse psychologique, troubles psychiques, etc.). Il vise également à mieux informer et accompagner les familles et les professionnels, en particulier les parents en situation de handicap et les familles en grande précarité.
Le Gouvernement définit en 2021 cinq axes prioritaires :
1° Mettre à disposition des parents et futurs parents des informations simples, accessibles et fiables, notamment grâce au site « 1000-premiers-jours.fr » ;
2° Améliorer l’accompagnement des parents pendant toute la période, en particulier à travers la généralisation de « l’entretien prénatal précoce » rendu obligatoire à compter de mai 2020 ([239]) et de « l’entretien postnatal précoce » depuis 2022 ;
3° Proposer un accompagnement renforcé selon les besoins des parents et les vulnérabilités, notamment à destination des parents en situation de handicap ou souffrant de détresses psychologiques ;
4° Inviter les parents à prendre du temps pour construire la relation avec leur enfant : cet axe s’est notamment traduit par la réforme de l’allongement de congé de paternité entrée en vigueur en juillet 2021 ;
5° Améliorer encore la qualité des modes d’accueil du jeune enfant.
La mise en œuvre du programme des 1 000 premiers jours dans les territoires a fait l’objet de diverses instructions ministérielles ([240]). Entre 2021 et 2023, des appels à projets régionaux, organisés par les agences régionales de santé (ARS) et les directions régionales de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités (Dreets), ont été lancés et ont permis le financement de 400 projets locaux. En 2024, après une pause dans son animation nationale, cette politique a été relancée à travers le lancement d’un appel à manifestation d’intérêt pour la création de « maisons des 1 000 premiers jours » dans cinq départements et régions d’outre‑mer et la préparation d’une nouvelle feuille de route pour la période 2025‑2027.
Au cours de son audition, la direction générale de la cohésion sociale (DGCS), en charge depuis 2024 de la coordination interministérielle de cette politique, a indiqué que la nouvelle feuille de route viserait essentiellement à consolider et renforcer les actions déjà mises en place pour informer et accompagner les parents, notamment ceux en situation de handicap ou de détresse psychique. De nouveaux développements pourraient concerner : le renforcement de la place des pères ou seconds parents au sein du parcours des 1 000 premiers jours ; l’expérimentation de techniciens et techniciennes de l’intervention sociale et familiale (TISF) en périnatalité ainsi que l’incitation à faire de la parentalité un objet de dialogue social de manière à diffuser de bonnes pratiques en entreprises en matière d’articulation entre la vie familiale et la vie professionnelle.
b. Intégrer les enjeux relatifs aux congés parentaux à la mise en œuvre de la politique des 1 000 premiers jours
Alors que le rapport de la commission « Cyrulnik » soulignait l’importance de congés parentaux « qui donnent les moyens adéquats aux parents en termes de temps » ([241]), les rapporteurs regrettent une articulation insuffisante entre les congés parentaux et la politique mise en œuvre des 1 000 premiers jours de l’enfant.
Le rapport souligne d’une manière générale l’incidence positive, durable et déterminante pour la santé et le développement des enfants de la présence des parents pendant les premiers mois de la vie, en particulier pour construire les bases d’une « relation sécurisante » et d’un « lien d’attachement sécure » entre les parents et l’enfant. Il recommande à ce titre de prolonger la période des congés parentaux (dix‑huit semaines pour les mères, neuf pour les pères) tout en garantissant, à l’issue de ces congés, un accueil de qualité au jeune enfant « afin d’assurer une continuité de soin et d’attention ».
Il défend dans cette perspective une approche globale des congés parentaux donnant les moyens aux parents d’investir leur parentalité grâce au développement :
– de « solutions innovantes de répit » en cas de défaillance, de fatigue ou de difficulté passagère ;
– d’une offre d’accueil de qualité et de proximité et de transitions souples entre la garde parentale et les lieux d’accueil ;
– d’actions volontaristes pour une reconnaissance accrue de la parentalité au sein des entreprises avec notamment une plus grande flexibilité horaire ;
– d’actions spécifiques à destination des pères ou seconds parents afin d’améliorer la qualité de leur lien avec l’enfant et développer leurs compétences ([242]).
Ces travaux ont notamment soutenu la réforme de l’allongement du congé du père ou second parent afin de favoriser la construction de liens entre le père et l’enfant dès les premiers mois ; étant démontré qu’une implication précoce du second parent est à la fois favorable à la fois au développement de l’enfant et à un partage plus équitable des tâches parentales entre les parents. Elle permet également d’apporter un soutien à la mère en diminuant le risque d’épuisement psychique et de dépression.
Alors que la première feuille de route d’avril 2021 des 1 000 premiers jours comprenait ainsi la réforme du congé de paternité et son allongement de onze à vingt‑cinq jours, à ce stade, la nouvelle feuille de route n’intègre aucune orientation politique s’agissant des congés parentaux.
Recommandation n° 27 : intégrer la future réforme des congés parentaux à la prochaine feuille de route 2025-2027 des « 1 000 premiers jours de l’enfant ».
Au-delà de l’intégration d’une prochaine réforme, les congés parentaux existants n’apparaissent pas ou peu pris en compte au sein du parcours des « 1 000 premiers jours » alors même qu’ils structurent une partie de la période pour la plupart des pères et des mères avant et après la naissance. Le parcours pourrait notamment intégrer une information sur les droits aux congés, visant notamment à lutter contre le non-recours des futurs mères et pères qui méconnaîtraient leurs droits, en particulier les travailleurs indépendants, au chômage indemnisé et en contrat précaire.
Recommandation n° 28 : intégrer une information et un temps d’échange sur les droits aux congés parentaux au cours de l’entretien prénatal précoce obligatoire à partir du quatrième mois de grossesse, en ciblant tout particulièrement les travailleuses indépendantes et au chômage indemnisé.
Le temps des congés pourrait spécifiquement donner lieu à des actions d’accompagnement visant à améliorer le vécu de la parentalité dans les premiers mois de l’enfant (information et sensibilisation, ateliers et groupes de parents, lieux d’accueil et de partage entre parents, solutions de répit, etc.).
Recommandation n° 29 : rattacher la prise de congés parentaux au parcours des « 1 000 premiers jours » de l’enfant avec un temps d’accompagnement renforcé le temps du ou des congés (information et sensibilisation, ateliers et groupes de parents, lieux d’accueil et de partage entre parents, solutions de répit, etc.).
3. Articuler toute réforme des congés parentaux avec le développement d’une offre d’accueil « formel » de qualité et de proximité
a. L’offre d’accueil « formel » en France ne couvre pas la demande et les besoins exprimés par les parents
La question des congés parentaux n’ignore ni ne règle la problématique du déficit actuel et à venir de solutions d’accueil « formel » en France ([243]) ; les deux sujets allant de pair et se renforçant l’un et l’autre pour contribuer à voir émerger un environnement de confiance pour les familles.
Le succès d’une réforme des congés parentaux apparaît en effet pour partie conditionné au déploiement effectif de nouvelles places d’accueil du jeune enfant, conformément aux engagements du Président de la République en 2022. A contrario, une réforme des congés parentaux envisagée comme un moyen de réduire la demande en modes d’accueil du jeune enfant est susceptible de contrevenir au libre choix des parents ; aux multiples arrangements que la mission a permis de mettre en lumière et combinant ensemble ou successivement la garde parentale et un mode d’accueil formel tout au long des premières années de vie de l’enfant ; et enfin, de pénaliser les femmes qui souhaiteraient reprendre à tout moment dans les mois qui suivent la naissance une activité professionnelle à la suite d’un congé de maternité et/ou parental. L’insuffisance des modes d’accueil « formel » en France tend en effet à pénaliser l’activité professionnelle des femmes dont certaines arbitrent en faveur d’une garde parentale « subie ».
Il convient à la fois de créer les conditions d’un véritable choix entre une garde parentale rémunérée par le congé parental et le recours à un mode d’accueil formel pouvant permettre une reprise d’activité ; et de faciliter, aux différents âges de l’enfant, les transitions entre les périodes de congé, de reprise d’activité et de recours à des modes d’accueil formel, conformément à la diversité des aspirations parentales en France.
Or, actuellement, les rapporteurs rappellent que l’offre d’accueil « formel » ne couvre pas la demande et les besoins exprimés des parents. L’enquête « Modes de garde et d’accueil des jeunes enfants » de la Drees permet d’estimer que, si le premier choix des parents était respecté, la garde parentale à titre principal serait inférieure à son niveau observé (36 % contre 56 %) au profit d’un accueil en EAJE (35 %). Le Haut Conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge (HCFEA) estimait déjà en 2018 les besoins à hauteur de 230 000 places supplémentaires à l’horizon 2022. Pour répondre aux attentes exprimées par les parents, la commission d’enquête de l’Assemblée nationale sur le modèle économique des crèches ([244]) évaluait entre 180 000 et 250 000 le nombre de places à créer à l’horizon 2027. Or, depuis une dizaine d’années :
– le nombre de places offertes auprès d’assistantes maternelles baisse de manière continue (684 600 places en 2022, – 1,7 % par rapport à 2021, – 116 000 places par rapport à 2013) du fait de la diminution du nombre de professionnelles qui accueillent aujourd’hui davantage d’enfants pour un volume d’heures plus important. Cette trajectoire est amenée à se poursuivre du fait des départs à la retraite d’assistantes maternelles : plus de la moitié partiront à la retraite à l’horizon 2030 ;
– parallèlement, si le nombre de places en accueil collectif augmente de façon régulière sur la période (507 100 places en 2022, + 3,2 % par rapport à 2021, + 103 000 places par rapport à 2013), cette progression est essentiellement soutenue par la création de places en micro-crèches financées par la prestation d’accueil du jeune enfant (Paje) dont le reste à charge pour les parents est important et qui représentent seulement 6 % de l’offre de places en accueil formel ([245]). Le nombre de places en crèches financées par la prestation de service unique (PSU), qui représentent un tiers de l’offre en accueil formel, reste stable en 2022.
Globalement, l’offre d’accueil « formel » (assistantes maternelles, établissements d’accueil du jeune enfant ou EAJE, école et garde à domicile) diminue depuis 2017 dans une proportion néanmoins moindre que la baisse du nombre d’enfants de moins de 3 ans. De ce fait, le taux de couverture augmente sur la période passant de 58,9 places pour 100 enfants en 2017 à 60,3 places en 2022 ([246]). En 2022, l’offre de places auprès d’assistantes maternelles et en accueil collectif s’établit respectivement à 31,5 et 23,3 places pour 100 enfants de moins de 3 ans.
offre d’accueil formel et population des enfants de moins de 3 ans
(en milliers de places)
|
2013 |
2017** |
2020 |
2021 |
2022 |
2022/2013 |
2017/2013 |
2022/2017 |
EAJE |
404 |
449 |
479 |
491 |
507 |
+ 103 |
+ 45 |
+ 58 |
Assistantes maternelles |
801 |
771 |
711 |
696 |
685 |
‑ 116 |
‑ 30 |
‑ 86 |
Ensemble* |
1 343 |
1 358 |
1 308 |
1 307 |
1 312 |
‑ 31 |
+ 15 |
‑ 46 |
Enfants de moins de 3 ans (en milliers) |
2 376 |
2 232 |
2 122 |
2 104 |
2 076 |
‑ 300 |
‑ 144 |
‑ 156 |
Taux de couverture (en %) |
55,1 |
58,9 |
58,8 |
59,4 |
60,3 |
+ 5,2 |
+ 3,8 |
+ 1,4 |
* Y compris les places en garde à domicile et en école pré‑élémentaire.
** Rupture de série en 2016.
Champ : France, hors Mayotte, pour l’offre de mode d’accueil et le taux de couverture ; France pour la population des enfants de moins de 3 ans.
Source : ONAPE ; Insee (estimations de la population).
Le non-remplacement des assistantes maternelles partant à la retraite accroît les tensions sur la demande de places en crèches d’autant plus que le taux de recours à la garde parentale à titre principal baisse tendanciellement – de 70 % en 2022 à 56 % des enfants de moins de trois ans en 2021. L’augmentation du nombre de places en crèches, essentiellement en « micro-crèches » (et non en crèches « PSU » moins onéreuses et plus répandues), ne compense pas actuellement la perte des places proposées par les assistantes maternelles.
En outre, le secteur des crèches connaît des pénuries de personnel conduisant au « gel » de places d’accueil. En 2022, la Cnaf estime a minima à 10 000 le nombre de professionnels manquant pour rouvrir les berceaux fermés du fait de difficultés de recrutement dans les crèches collectives ([247]).
La capacité d’accueil demeure également très inégale d’un département à l’autre ; l’Ouest de la France, notamment la Bretagne et les Pays de la Loire, étant relativement mieux doté que d’autres régions tandis que la Seine-Saint-Denis offre moins de quatre places pour dix enfants.
Taux de couverture des enfants de moins de 3 ans par une offre d’accueil formel en 2022 par département (en %)
Source : ONAPE.
Recommandation n° 30 : articuler toute réforme des congés parentaux au développement d’une offre d’accueil du jeune enfant de qualité et de proximité.
b. Un déploiement encore embryonnaire du service public de la petite enfance
Le déploiement de 200 000 nouvelles places d’accueil supplémentaire à l’horizon 2030 constituait une promesse de campagne du Président de la République, M. Emmanuel Macron, en 2022. Conformément à cet engagement, Mme Élisabeth Borne, alors Première ministre, annonçait, dans sa déclaration de politique générale devant l’Assemblée nationale, la construction d’un « service public de la petite enfance » (SPPE) visant à répondre aux besoins des parents confrontés au manque de solution de garde et d’accueil pour leur enfant, et ce quel que soit leur lieu de résidence.
La loi n° 2023-1196 du 18 décembre 2023 pour le plein emploi a donné compétences aux communes et établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), désignées « autorités organisatrices de l’accueil du jeune enfant » (article L. 214-1-3 du code de l’action sociale et des familles), pour :
1° Recenser les besoins des enfants âgés de moins de trois ans et de leurs familles en matière de modes d’accueil disponibles sur leur territoire dont les assistantes maternelles et les établissements d’accueil du jeune enfant (EAJE) ;
2° Informer et accompagner les familles ayant un ou plusieurs enfants âgés de moins de trois ans ainsi que les futurs parents ;
3° Planifier, au vu du recensement des besoins, le développement des modes d’accueil sur le territoire. Pour les communes de plus de 10 000 habitants, cette planification doit se traduire par l’adoption d’un « schéma pluriannuel de maintien et de développement de l’offre d’accueil du jeune enfant » ;
4° Soutenir la qualité de ces modes d’accueil.
Piloté par les communes et les intercommunalités, le SPPE vise ainsi à améliorer l’information et l’orientation des familles grâce à la mise en place de guichets uniques locaux et de « relais petite enfance » (cf. encadré), à développer une offre d’accueil territoire par territoire en fonction des besoins recensés, et enfin, à renforcer la qualité d’accueil du jeune enfant. Entré en vigueur le 1er janvier 2025, son déploiement demeure encore à ce jour embryonnaire et n’a pas permis un développement significatif de nouvelles solutions d’accueil pour les enfants de moins de 3 ans.
Les relais petite enfance
Les relais petite enfance, hérités des relais assistants maternels (Ram) (1989) et issus de la loi n° 2020-1525 du 7 décembre 2020 d’accélération et simplfiication de l’action publique, dite loi « Asap », sont des lieux d’information, de rencontres et d’échanges ouverts aux parents et aux professionnels de la garde d’enfants à domicile au sujet des modes d’accueil de proximité existants (établissements d’accueil du jeune enfant, assistants maternets et gardes d’enfants à domicile sur le territoire concerné). Leur mise en place devient obligatoire à compter du 1er janvier 2026 dans les communes de plus de 10 000 habitants.
Recommandation n° 31 : déployer 200 000 nouvelles places d’accueil supplémentaires à l’horizon 2030 conformément aux engagements en faveur du service public de la petite enfance. L’objectif poursuivi tient compte des suppressions de places, en particulier auprès des assistantes maternelles, sur la même période.
c. Garantir un environnement plus favorable aux familles dans un contexte où la natalité baisse
Dans le contexte du recul de la natalité en France, il apparaît également essentiel aux rapporteurs de garantir un environnement favorable aux familles, ce à quoi l’attractivité de congés parentaux adaptés aux besoins de chaque famille associée à une couverture suffisante de modes d’accueil pour les jeunes enfants peuvent contribuer conjointement.
La baisse de la natalité en France et en comparaison européenne
Depuis une dizaine d’années, le nombre de naissances baisse tendanciellement en France, évoluant de 840 000 naissances en 2010 à 726 000 en 2022. La tendance se poursuit avec 678 000 naissances comptabilisées en 2023 (– 6,6 % par rapport à 2022) ([248]) et 663 000 en 2024 (– 2,2 %) ([249]). Ce repli s’explique à la fois par la diminution du nombre de femmes âgées de 20 à 40 ans en France ainsi que par la baisse de la fécondité. L’indice conjoncturel de fécondité (ICF) s’élève à 1,62 enfant par femme en 2024 (contre 2 en 2014, 1,79 en 2022 et 1,66 en 2023).
Ce recul de la natalité s’observe dans tous les pays européens. En comparaison d’autres pays européens, l’ICF demeure à un niveau plus élevé en France ; la moyenne observée en Europe s’établissant à 1,5 enfant par femme.
La mesure du « désir d’enfant » en France par l’Institut national des études démographiques (Ined) d’après l’enquête « Étude des relations familiales et intergénérationnelles » (Erfi 2), permet de constater :
– d’une part, un écart persistant entre les intentions de fécondité exprimées et leur réalisation quelle que soit la génération de femmes interrogées ;
– et d’autre part, une baisse tendancielle du nombre idéal d’enfants et des souhaits de fécondité exprimés depuis 25 ans.
En 2024, les femmes âgées de 18 à 24 ans souhaitent avoir 1,9 enfant en moyenne ; celles de 25 à 34 ans en souhaitent 2 ; celles âgées de 35 à 39 ans, 2,1 et de 40 à 44 ans, 2,2. L’évolution de la taille moyenne des familles en France, qu’elle soit idéale, souhaitée ou effective, traduit de manière générale un moindre attrait pour les familles nombreuses et la diffusion du modèle de la famille à deux enfants. Entre 18 et 49 ans, 65 % des femmes et des hommes considèrent 2 comme étant le nombre idéal d’enfants dans une famille et 29 % déclarent « 3 ou plus » (contre 50 % en 1998). Les intentions de fécondité suivent une tendance similaire : 46 % souhaitent deux enfants ; 23 % trois enfants ou plus ; 18 %, un seul enfant et 12 % déclarent ne pas souhaiter d’enfants ([250]).
Évolution du nombre idéal d’enfants et du nombre d’enfants souhaités en France entre 2005 et 2024
Si les effets des politiques familiales sur la natalité demeurent difficiles à mesurer au regard de la multiplicité des facteurs influençant le désir d’enfant et sa concrétisation, les dispositifs visant à assurer l’articulation entre la vie professionnelle et la vie familiale des parents, et en particulier le développement de l’offre d’accueil des jeunes enfants, ont démontré un impact plus important sur la décision d’avoir un enfant que les aides financières ([251]). Le rapport d’évaluation des politiques de sécurité sociale pour la branche famille souligne également que « les études internationales comparées montrent que ce sont aujourd’hui les pays dans lesquels les femmes sont le plus présentes sur le marché du travail qui ont aussi le plus haut niveau de fécondité. Faciliter le maintien ou le retour vers l’emploi, en particulier des mères, tout en offrant aux parents les moyens d’éduquer leurs enfants permet donc d’accompagner les désirs d’enfants des familles, de lutter contre la pauvreté des ménages et les inégalités de genre. » ([252]) La revue des dépenses socio-fiscales en faveur de la politique familiale, menée par l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) et l’Inspection générale des finances (IGF) en juillet 2021, invitait à ce titre à « consolider l’environnement de confiance des familles » en développant notamment l’offre d’accueil du jeune enfant ([253]).
A contrario, le manque d’attractivité des congés parentaux en France ainsi que la pénurie de solutions d’accueil pour les jeunes enfants contribuent à fragiliser aujourd’hui le désir d’enfant et de parentalité de nombreux foyers.
B. Des dispositifs qui pourraient faire l’objet d’ajustements paramétriques voire d’une réforme structurelle
1. Un allongement des congés de maternité et de paternité
La question de l’allongement de la durée des congés de maternité et de paternité a été régulièrement abordée lors des auditions et des travaux menés par les rapporteurs. Si le choix d’intervenir sur l’un de ces congés peut s’envisager indépendamment de toute modification de l’autre, les rapporteurs estiment plus pertinent de mener une réflexion d’ensemble sur leur évolution : en effet, les conséquences d’un allongement du congé de maternité sur la répartition des tâches parentales et les perspectives professionnelles des mères ne sont pas les mêmes selon que l’on augmente également ou non la durée du congé de paternité. De même, les choix familiaux que feraient nos concitoyens pourraient varier selon que l’on modifie à la fois le congé de maternité ou bien seulement le congé de paternité (ou inversement).
La présente partie n’a pas pour ambition de présenter des recommandations clefs en main ni de prescrire des réformes qui nécessiteraient des arbitrages démocratiques. Elle propose en revanche d’éclairer le débat public sur la question des congés parentaux en étudiant divers scénarios issus des travaux des rapporteurs. Lorsque cela est possible, des estimations chiffrées du coût des différentes mesures évoquées sont présentées.
a. Les propositions relatives à un allongement du congé de maternité
● L’une des origines de la présente mission d’information provient d’une pétition adressée à l’Assemblée nationale qui, après avoir recueilli 44 903 signatures, fut examinée par la commission des affaires sociales lors de sa réunion du mercredi 12 juillet 2023 ([254]). Cette pétition réclamait un allongement du congé de maternité postnatal au‑delà des dix semaines actuellement prévues par le code du travail.
Cette proposition d’allonger le congé de maternité, dont la durée est restée inchangée depuis 1980, a également été évoquée par plusieurs associations et syndicats auditionnés par les rapporteurs. Si elle présente plusieurs avantages, elle doit être mise en balance avec l’objectif de maintien des femmes dans l’emploi.
● Plusieurs travaux ont mis en évidence l’intérêt que pouvait représenter un congé de maternité allongé, à la fois sur la santé de la mère et sur celui des enfants. Ainsi, selon le rapport de la commission des 1 000 premiers jours de l’enfant, « le congé maternité paraît “court” par rapport aux besoins des enfants et des mères et à l’impact à long terme sur l’évolution de la société » ([255]).
Les relations précoces entre les parents et les enfants pendant les premiers mois de la vie ont une incidence positive et durable sur la santé et le développement des enfants ([256]). La littérature scientifique met en avant l’importance de la continuité des relations sociales et affectives sur le développement cognitif du très jeune enfant. Jusqu’à l’âge de 6 mois, les bébés ont moins de facilité à communiquer avec des personnes non familières. C’est environ à cet âge qu’ils ont acquis suffisamment de connaissances sur leur environnement pour réagir plus facilement à la séparation d’avec leurs figures d’attachement.
Les avantages d’une proximité physique et affective durant les premiers mois de l’enfant concernent aussi les parents qui peuvent alors développer une plus grande sensibilité aux besoins de leur enfant et prendre davantage de confiance dans leur rôle auprès de lui.
En se fondant sur ces enseignements tirés de la littérature scientifique, la commission des 1000 premiers jours de l’enfant recommande ainsi de prolonger la période du congé de maternité postnatal de deux semaines, ce qui permettrait en outre à la France de rejoindre la moyenne des pays de l’OCDE ([257]).
● Considérant ces propositions, les rapporteurs ont souhaité évaluer le coût que représenterait un allongement du congé de maternité de deux à cinq semaines. En 2023, la branche famille de la sécurité sociale a financé de l’ordre de 2,1 milliards d’euros de congés de maternité postnatal. Cette année-là, les mères avaient en moyenne recours à 80 jours de congé de maternité à la suite de la naissance de leur enfant, correspondant à dix semaines de congé postnatal pour les naissances de rang 1 et 2, aux dix‑huit semaines de congé postnatal pour les naissances de rang 3, ou aux vingt‑deux semaines de congé postnatal pour les grossesses multiples.
En faisant l’hypothèse d’une stabilité du recours, qui semble plausible s’agissant du congé de maternité, les données fournies aux rapporteurs permettent d’estimer qu’un allongement de ce congé de deux ou cinq semaines pour l’ensemble des mères augmenterait les dépenses de congés de maternité de respectivement 20 % ou 40 %, correspondant à des dépenses supplémentaires comprises entre 0,4 milliard d’euros et 0,9 milliard d’euros. Ces étiages sont cohérents avec les calculs faits en 2024 par la Cour des comptes d’un allongement du congé de maternité de quatre semaines (+ 800 millions d’euros) ([258]).
Cette estimation ne tient toutefois pas compte d’une potentielle hausse du non‑recours des mères de famille qui jugeraient cette durée trop importante, ni des effets induits sur les recettes de la contribution sociale généralisée (CSG) et de la contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS) ([259]). Elle n’intègre pas non plus les moindres dépenses de complément de libre choix du mode de garde (CMG) qu’elle pourrait occasionner, ni de potentiels effets de substitution avec les jours pris au titre du congé pathologique, dont il est possible de penser qu’ils sont parfois utilisés aux seules fins d’augmenter la durée du congé de maternité.
Pour le régime agricole, une augmentation de deux ou cinq semaines de la durée du congé de maternité postnatal représenterait un coût supplémentaire de 11,5 millions d’euros ou 29 millions d’euros respectivement ([260]).
Recommandation n° 32 : allonger la période du congé de maternité postnatal de deux semaines de manière à porter la durée totale du congé de maternité de seize à dix-huit semaines afin de l’aligner sur la moyenne des pays de l’OCDE.
b. Un alignement de la durée du congé de paternité sur celle du congé de maternité ?
● La proposition d’un allongement du congé de paternité a été formulée à de très nombreuses reprises par les personnes auditionnées. Les rapporteurs notent que, de même que l’allongement du congé de maternité, cette proposition a été formulée par la commission des 1000 premiers jours, qui y voit à la fois un moyen de renforcer le développement du jeune enfant et de diminuer le risque d’épuisement psychique et de dépression de la mère ([261]).
Au‑delà de son effet sur le bien‑être de l’enfant et celui de la mère, une plus forte présence du second parent dans les premiers mois de la vie favorise une coparentalité et un partage équitable du travail et de la vie de famille entre parents. Plusieurs études montrent que ces effets sur la responsabilité et le partage de l’engagement avec l’enfant se maintiennent dans le temps ([262]).
Un autre argument évoqué par les personnes auditionnées en faveur d’un congé de paternité plus long réside dans le fait qu’un congé parental réservé aux pères favoriserait l’emploi des mères et contribuerait à réduire les inégalités salariales, ce qui permet de poursuivre à la fois l’objectif d’une répartition plus égalitaire des tâches parentales tout en luttant contre l’éloignement des femmes du marché du travail. Cet argument a été notamment avancé par le Conseil d’analyse économique (CAE) dans une note publiée le 28 novembre 2024 pour justifier sa proposition d’aligner la durée du congé de paternité sur celle du congé de maternité ([263]).
La proposition du Conseil d’analyse économique : un congé de paternité de dix semaines dont six obligatoires
Le Conseil d’analyse économique recommande une réforme du congé de paternité conduisant à aligner strictement ses conditions de durée sur celles du congé de maternité postnatal.
À cette fin, il suggère que la durée du congé de paternité soit portée à dix semaines contre vingt‑cinq jours aujourd’hui. Il préconise en outre d’allonger la durée obligatoire de prise du congé à six semaines quand elle n’est aujourd’hui que de quatre jours, auxquels s’ajoutent les trois jours obligatoires de l’actuel congé de naissance.
L’originalité de la proposition du CAE réside toutefois dans le fait d’imposer qu’au moins six semaines du congé de paternité soient prises en dehors de la période du congé de maternité. Il s’inspire en cela des exemples des pays scandinaves.
La philosophie sous‑jacente à cette proposition est que l’effet de la parentalité sur les trajectoires professionnelles des femmes serait réduit si les pères s’arrêtaient davantage après la naissance de leurs enfants : le « coût d’opportunité » de recruter une femme plutôt qu’un homme serait en effet moindre si les congés liés à la naissance et à l’éducation des enfants étaient plus égalitaires.
Source : Conseil d’analyse économique.
Le Haut-commissariat à la stratégie et au plan soutient quant à lui la recommandation du Conseil d’analyse économique dans son rapport de mai 2025 sur la lutte contre les stéréotypes entre les filles et les garçons ([264]).
● Si la proposition d’un allongement du congé de paternité a semblé plutôt majoritaire auprès des personnes auditionnées par les rapporteurs, force est de constater qu’il n’existe pas de consensus sur les modalités de cet allongement.
Il n’existe d’abord pas de consensus sur la durée idéale du congé de paternité. Le rapport des 1000 premiers jours recommande son allongement à neuf semaines ([265]), tandis que la note du CAE préconise dix semaines, rejoignant ainsi plusieurs personnes auditionnées par les rapporteurs sur la nécessité d’aligner sa durée sur celle du congé de maternité. Certains syndicats, tels que la Confédération française démocratique du travail (CFDT), souhaitent un allongement progressif, passant d’abord à deux mois avant d’aller éventuellement plus loin.
Pas plus que sur la durée n’existe‑t‑il de consensus sur l’extension de la durée obligatoire du congé ni sur le fait d’imposer une période à prendre hors des congés de la mère. Plus spécifiquement, certains experts et syndicats – tels que la Confédération générale du travail (CGT), Force ouvrière (FO) ou la Confédération française de l’encadrement-Confédération générale des cadres (CFE‑CGC) – ont plaidé, à l’instar du CAE, pour un allongement de la période obligatoire de prise de congé afin de réduire le risque de non‑recours.
De la même manière, la proposition d’instaurer une période au cours de laquelle la mère et le père ne pourraient prendre en même temps leurs congés de maternité et de paternité a été plusieurs fois évoquée mais ne fait pas consensus. Mme Violaine Dutrop, autrice, auditionnée par les rapporteurs, a ainsi suggéré une « période systématique d’autonomie » comprise entre deux semaines et un mois afin de faciliter la reprise professionnelle de la mère et d’impliquer davantage le père dans la garde de ses enfants. Mme Marie‑Clémence Le Pape, sociologue, a proposé quant à elle de favoriser le recours au congé de paternité hors périodes de congé de maternité afin de permettre un engagement durable des pères dans le travail parental.
Les organisations représentatives d’employeurs mettent quant à elles l’accent sur le développement des négociations au sein de l’entreprise pour trouver des dispositifs adaptés à sa situation et à ses besoins plutôt que sur une augmentation indifférenciée de la durée du congé de paternité par la loi.
Plusieurs options alternatives ou cumulatives peuvent donc être envisagées selon l’objectif poursuivi :
– un allongement de la durée totale du congé de paternité, voire son alignement avec la durée du congé de maternité ;
– un allongement de la période obligatoire du congé de paternité, aujourd’hui limitée à quatre jours (hors congé de naissance), voire son alignement avec la période obligatoire du congé de maternité ;
– l’instauration d’une « prime » à la prise du congé de paternité hors périodes de congé de maternité, qui pourrait prendre la forme de jours supplémentaires de congé accordés au père lorsqu’il s’arrête et que sa conjointe a repris le travail ;
– réserver une partie de la période obligatoire du congé de paternité à une période où la mère n’est plus en congé de maternité.
S’agissant des deux dernières options évoquées, la première paraît plus flexible et conforme au modèle français de libre choix du mode de garde, chaque couple pouvant décider ou non de bénéficier des jours de congés supplémentaires de la « prime ». Elle est toutefois soumise à la même limite que la période réservée au deuxième parent dans le dispositif de la prestation partagée d’éducation de l’enfant (PreParE) : elle ne garantit pas que les pères s’en saisiront quand bien même les conditions d’indemnisation du congé de paternité sont plus favorables que celles du congé parental d’éducation.
La seconde, dans un objectif assumé d’implication des pères dans les tâches parentales, orienterait nécessairement le choix des familles puisque le père perdrait le bénéfice d’une partie de ses congés s’il refuse de les prendre de façon décalée d’avec sa conjointe. En pratique, si le congé de paternité était allongé et qu’une partie de l’allongement n’était pas consacrée exclusivement à des jours de congés réservés hors périodes de congé de maternité, une telle obligation n’entraînerait pas de « perte sèche » de droits pour les pères, simplement un moindre gain à la réforme.
● L’estimation du coût d’une prolongation de la durée du congé de paternité est complexe, dans la mesure où elle nécessite de formuler une hypothèse sur la durée de congé qui sera effectivement prise par les pères. Il est possible d’approximer un ordre de grandeur du coût que représenterait un alignement de la durée du congé de paternité sur celle du congé de maternité, si cet allongement était obligatoire.
En 2022, les pères ont pris en moyenne 24 jours de congé de paternité, soit la durée maximale pour les naissances uniques. La même année, les mères ont en moyenne eu recours à 80 jours de congé postnatal, correspondant aux dix semaines de congé postnatal pour les naissances de rang 1 et 2, aux dix‑huit semaines de congé postnatal pour les naissances de rang 3, ou aux vingt‑deux semaines de congé postnatal pour les grossesses multiples. Ainsi, au régime général, on peut estimer qu’un congé de paternité avec une durée équivalente au congé postnatal des mères représenterait une dépense de 2,3 milliards d’euros bruts, soit de l’ordre de 1,6 milliard d’euros supplémentaires par rapport aux dépenses de congé de paternité versées en 2024 ([266]). Dans la mesure où le taux de recours des pères à la durée maximale du congé de paternité ne serait pas de 100 %, cette estimation doit donc être considérée comme un majorant.
Le CAE estimait quant à lui que le coût d’un allongement du congé de paternité à dix semaines dont six semaines seraient rendues obligatoires s’élèverait à 1,3 milliard d’euros. Il propose de financer cet effort ainsi que la création de nouvelles places en crèche par la suppression d’un jour férié ou d’un jour de congé ce qui peut toutefois susciter un fort rejet ([267]).
Selon les informations fournies par la Caisse centrale de Mutualité sociale agricole, l’alignement de la durée du congé de paternité sur celle du congé de maternité représenterait un coût d’environ 123 millions d’euros pour le régime agricole, dont 80 millions d’euros au titre des salariés agricoles et 43 millions d’euros au titre des non‑salariés agricoles ([268]).
Si cet alignement devait s’accompagner d’un allongement du congé de maternité de deux semaines supplémentaires, à savoir douze semaines de congé postnatal, le coût total pour les régimes agricoles serait de 151 millions d’euros, dont 100 millions pour les salariés agricoles et 51 millions pour les non‑salariés agricoles ([269]).
2. Un congé parental plus court mais mieux rémunéré
a. Le scénario initial de la réforme du « congé de naissance » présentait plusieurs écueils importants
● La réforme du « congé de naissance » est un serpent de mer qui a fait l’objet de nombreux débats et travaux depuis l’annonce faite par le Président de la République lors de sa conférence de presse du 16 janvier 2024 ([270]).
« Après l’allongement du congé paternité, je crois profondément que la mise en place d’un nouveau congé de naissance sera un élément utile dans une telle stratégie, congé de naissance qui viendra remplacer le congé parental actuel. » ([271])
Plus d’un an et demi après son annonce, la réforme n’a toujours pas été présentée au Parlement. Si l’on peut imputer au moins partiellement la responsabilité de cette attente à la dissolution de l’Assemblée nationale du 9 juin 2024, qui a eu pour effet de suspendre de nombreux chantiers en cours, il faut également y voir le résultat des nombreuses interrogations suscitées par le projet initialement envisagé par le Gouvernement.
● Comme l’a rappelé Mme Catherine Vautrin, alors ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles, dans un courrier adressé aux rapporteurs, le Gouvernement envisageait de réformer la PreParE pour tirer les conséquences de son échec.
La réforme du congé de naissance devait poursuivre trois objectifs :
– offrir davantage de possibilités aux parents pour mieux articuler vies professionnelle et familiale ;
– renforcer la présence des deux parents dès les premiers mois de l’enfant, ce qui suppose de mieux inciter les pères à la prise de ce congé ;
– lutter contre l’éloignement des femmes du marché du travail.
Le scénario initial du nouveau congé de naissance reposait sur trois axes :
– la création d’un congé de naissance d’une durée fixe de trois mois par parent, en complément des congés de maternité et de paternité existants ;
– la mise en place d’une indemnisation à hauteur de 50 % du salaire antérieur encadrée par une borne minimale correspondant au montant actuel de la PreParE et une borne maximale correspondant à la moitié du plafond mensuel de la sécurité sociale (PMSS) ([272]) ;
– la suppression de la PreParE dans un délai de deux ans suivant le déploiement de la réforme. Les familles actuellement bénéficiaires de la PrePare auraient pu bénéficier d’un droit d’option pour le nouveau congé de naissance.
● Cette proposition présentait toutefois de nombreux écueils soulevés par les personnes auditionnées par les rapporteurs et reconnus par le Gouvernement lui‑même.
Premièrement, la suppression de la PreParE était fortement contestée dans un contexte de tensions sur les offres de garde formelle. Supprimer la possibilité pour les familles de recourir à un congé long, même moins bien indemnisé, aurait en effet abouti à renforcer la difficulté rencontrée par les parents pour trouver une place en crèche ou chez une assistante maternelle. Certaines personnes ont également avancé qu’une telle suppression aurait conduit à réduire le libre choix des parents, en particulier de ceux qui souhaitent pouvoir garder leurs enfants jusqu’à l’entrée à l’école maternelle.
Deuxièmement, elle aurait été particulièrement défavorable pour les ménages modestes, qui sont aujourd’hui plus nombreux à recourir à la PreParE du fait de son faible montant. Comme l’a rappelé dans ses réponses aux rapporteurs M. Mathieu Narcy, économiste, coauteur de l’étude menée pour le Haut Conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge (HCFEA) et France Stratégie, 85 % des mères de deux enfants ou plus ayant dû renoncer à une troisième année de congé parental indemnisé suite à la réforme de la PreParE percevaient moins de 18 000 euros annuels bruts et 50 % percevaient moins de 12 000 euros. Pour ces mères, une indemnisation à hauteur de 50 % du salaire perçu aurait conduit à des montants de prestations proches de celui de la PreParE actuelle. La réforme se serait donc traduite par un congé indemnisé raccourci de plus d’un an et demi avec une indemnité à peine revalorisée.
Troisièmement, le taux de remplacement initialement envisagé, de 50 % du salaire antérieur plafonné en fonction du PMSS, était jugé trop faible pour inciter efficacement les pères à y avoir recours. Les comparaisons internationales montrent en effet que, dans les pays où une indemnisation proportionnelle du congé parental est prévue, le taux de rémunération est plus proche de 80 % ou 100 %, en particulier dans ceux où le taux de recours des pères est le plus élevé (notamment en Norvège, en Suède ou au Portugal).
Enfin, l’attribution de trois mois non transférables à chaque parent paraissait insuffisamment flexible pour les familles qui peuvent avoir des envies et des besoins très divers en matière de retour à l’emploi et de garde d’enfant. Elle semblait donc assez peu compatible avec le premier objectif de cette réforme : faciliter l’articulation entre les vies familiale et professionnelle des parents.
● Face à ces critiques, la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles a indiqué aux rapporteurs travailler sur un autre projet présenté comme plus simple et incitatif ([273]). Selon les éléments à disposition des rapporteurs, le futur congé de naissance envisagé par le précédent Gouvernement se serait articulé autour des dispositifs de congés de maternité et de paternité.
Il était envisagé de permettre à chaque parent de prolonger jusqu’à deux mois leurs congés, sur la base d’une indemnisation calculée selon un pourcentage dégressif du revenu antérieur.
Afin de favoriser plus de flexibilité, ces périodes auraient pu être prises par les deux parents en même temps, ou de manière séparée, de façon à allonger la présence des parents auprès de leur enfant jusqu’à quatre mois supplémentaires, en cas de prise alternée, par rapport à la durée actuelle du congé de maternité.
Les rapporteurs ne disposent toutefois pas des détails des différents paramètres de ce nouveau congé. En particulier, aucune information ne leur a été fournie sur le taux de remplacement envisagé ni sur le profil de la pente de la dégressivité de l’indemnisation. Les informations ne mentionnent pas non plus l’articulation envisagée de ce nouveau de congé avec l’actuel congé parental d’éducation et la PreParE.
b. Une indemnisation revalorisée et un besoin de flexibilité : des points qui semblent faire consensus mais des paramètres précis qui restent à définir
Cette réforme de la PreParE est un enjeu majeur, comme en témoigne le fait qu’elle a été réclamée par la totalité des personnes auditionnées par les rapporteurs. Malgré des propositions très diverses s’agissant des paramètres précis d’un congé parental rénové, quelques idées semblent faire l’objet d’un consensus relativement large.
● Premièrement, toutes les personnes rencontrées par les rapporteurs constatent la nécessité de substituer à la faible indemnisation forfaitaire actuelle une indemnisation revalorisée et proportionnelle au salaire. Les expériences internationales montrent en effet qu’il s’agit d’une des conditions pour que les pères y aient davantage recours ([274]). Dans le détail, la plupart des personnes auditionnées ont indiqué aux rapporteurs leur souhait d’une indemnisation d’au minimum 80 % du salaire antérieur, certains proposant même de prévoir une indemnisation à hauteur de 100 %. En tout état de cause, le taux initialement envisagé de 50 %, calqué sur celui applicable en matière d’arrêt maladie, apparaît très en deçà des aspirations exprimées lors des auditions.
Outre le taux de remplacement, aucun consensus ne semble se dégager sur l’instauration d’un montant plancher ni d’un plafond. Les rapporteurs se contenteront de constater que, dans les pays où existe une indemnisation du congé proportionnelle aux revenus, le montant servi aux assurés est souvent encadré par le bas et par le haut. Quelques exceptions existent toutefois, telles qu’en Pologne et au Portugal où aucun plafond n’est prévu ([275]).
Dans son rapport sur la lutte contre les stéréotypes de genre ([276]), le Haut‑commissariat à la stratégie et au plan préconise la mise en place d’un congé parental permettant une indemnisation de huit mois au total à partager entre les deux parents, dont trois mois par parent non transférables. Il suggère une rémunération à hauteur de 60 % du salaire brut – soit légèrement plus favorable que le scénario initial du Gouvernement mais insuffisant au regard des expériences internationales – et l’instauration de mécanismes incitatifs tels qu’une bonification du montant en cas de recours partagé.
Recommandation n° 33 (M. Thibault Bazin) : dans le cadre d’une réforme des congés parentaux, prévoir la création d’un congé parental plus court que l’actuel congé parental d’éducation rémunéré par la PreParE et dont l’indemnisation serait proportionnelle aux revenus, tout en laissant la liberté d’un congé parental d’éducation plus long pouvant aller jusqu’à l’entrée à l’école maternelle.
Recommandation n° 34 (Mme Céline Thiébault-Martinez) : refonder le congé parental pour qu’il soit à la fois plus flexible, mieux rémunéré et réellement partagé, à l’image du modèle suédois, qui combine une indemnisation équivalente à près de 80 % du salaire, dans la limite d’un plafond, avec un système de quotas non transférables pour chaque parent. Ce dispositif inciterait les pères à prendre leur part et favoriserait un partage équilibré des responsabilités parentales dès les premiers mois de l’enfant.
● Deuxièmement, les auditions ont permis de constater une volonté partagée de maintenir une forme de congé long et moins bien indemnisé, qu’il s’agisse du maintien de la PreParE actuelle ou de l’intégration au sein d’un futur congé de naissance d’un congé de longue durée.
Dans le premier cas – maintien de la PreParE actuelle – plusieurs associations ont suggéré une revalorisation de son montant, allant de son alignement avec le revenu de solidarité activité (RSA) (l’association Parents et Féministes) jusqu’à sa fixation à 1 100 euros par mois (les associations familiales catholiques).
Dans le second cas, le maintien d’un congé long pourrait prendre plusieurs formes :
– un droit d’option pour un congé court et bien indemnisé ou pour un congé long et moins bien rémunéré. Cette formule se caractérise généralement par le fait que l’option est irrévocable, un congé court bien indemnisé ne pouvant se transformer par la suite en congé long et moins bien indemnisé. C’est le choix qui a été retenu dans certains pays tels que l’Autriche, la Lituanie, le Portugal ou la Norvège (voir infra). Cette proposition a été faite notamment par des syndicats comme Force ouvrière ou des associations telles que les associations familiales catholiques ;
Les congés parentaux au Portugal
Les congés parentaux au Portugal se décomposent en un congé parental initial (Licença Parental Inicial), qui inclut le congé de maternité obligatoire mais dont certains parties s’adressent au père, un congé de paternité et un congé parental complémentaire.
La durée maximale du congé parental initial portugais varie entre 120 et 150 jours calendaires selon l’option d’indemnisation retenue :
– option courte : indemnisation à hauteur 100 % des revenus ;
– option longue : indemnisation à hauteur de 80 % des revenus.
La législation impose à la mère de prendre au moins six semaines de congé suivant la naissance de l’enfant. La période restante peut être répartie entre les parents mais il leur est impossible, sauf exception, de bénéficier d’un congé parental en même temps.
L’incitation à la prise du congé parental par les pères passe par plusieurs mécanismes :
– l’attribution de trente jours de congés supplémentaires en cas de partage entre les deux parents ;
– des conditions d’indemnisation plus favorables : lorsque le père prend au moins soixante jours de congés consécutifs ou deux périodes de trente jours consécutifs après que la mère a repris le travail, l’indemnisation associée à l’option longue passe de 80 % à 90 % des revenus.
Le congé de paternité est d’une durée maximale de trente‑cinq jours calendaires dont vingt‑huit sont obligatoires et sept doivent être pris immédiatement après la naissance. Le père bénéficie d’une indemnisation équivalant à 100 % de son salaire brut sans plafond.
Le congé parental complémentaire permet à chaque parent la prise de trois mois de congés en plus dans les six premières années de l’enfant. Ces périodes ne sont pas transférables et les conditions d’indemnisation sont moins favorables puisqu’elles varient entre 30 % et 40 % des revenus du parent. Il offre toutefois de nombreuses options de flexibilité en permettant des prises fractionnées et alternant temps plein et temps partiel.
Source : Leitão, M., Atalaia, S., Correia, R. B. and Wall, K. (2025) ‘Portugal country note’, in Dobrotić, I., Blum, S., Kaufmann, G., Koslowski, A., Moss, P. and Valentova, M. (eds.) (2025), 21th International Review of Leave Policies and Research 2025.
– un dispositif unique, sans droit d’option, mais avec une dégressivité du montant de l’indemnisation : les premiers mois seraient fortement rémunérés puis le montant de l’indemnisation diminuerait au fur et à mesure du temps. La dégressivité peut alors prendre alternativement ou simultanément la forme d’une baisse des taux de remplacement et l’instauration de plafonds fixés à différentes hauteurs en fonction de la durée du congé. L’instauration d’une prestation dégressive a notamment été défendue devant les rapporteurs par Mme Violaine Dutrop mais également par le Mouvement des entreprises de France (Medef) avec plusieurs différences notables toutefois, la première soutenant la nécessité d’une indemnisation maintenue jusqu’à la scolarisation de l’enfant, le second suggérant une durée totale de dix mois de congés tant que les offres d’accueil formel ne seront pas à la hauteur des besoins.
L’on remarquera qu’une forme de dégressivité existe déjà de facto dans le système actuel, seulement celle‑ci se caractérise par un effet de seuil important et une chute drastique des revenus à l’issue des congés de maternité et de paternité pour les parents qui prennent un congé parental. La spécificité de l’indemnisation forfaitaire par rapport à une indemnisation proportionnelle aux revenus réside dans ce que cette dégressivité est plus ou moins pénalisante selon le niveau de revenu de la personne considérée : pour les parents qui ont de hauts revenus, le coût du passage d’une indemnisation à 100 % du salaire net au montant de la PreParE est relativement plus élevé que pour les parents avec des revenus plus faibles. L’effet de seuil est particulièrement fort dans un cas et moins dans l’autre.
Or, en matière de politiques de congés parentaux, les effets de seuils peuvent être à la fois un problème qu’il faut régler, lorsque l’objectif est de créer et maintenir une vraie incitation des parents à la prise de congés parentaux tout en maîtrisant le coût pour les finances publiques, ou un instrument à mobiliser lorsqu’il s’agit au contraire d’inciter les parents, notamment les mères, à retourner en emploi pour lutter contre leur éloignement du marché du travail tout en maintenant la possibilité d’un congé long pour ceux qui le souhaitent réellement.
Les rapporteurs estiment que le maintien d’un congé long apparaît nécessaire au regard de la situation de l’offre de modes de garde. Toutefois, ils souhaitent attirer l’attention sur le fait qu’une telle solution présente le risque de segmenter socialement les dispositifs selon la catégorie socioprofessionnelle des parents : les parents issus de catégories favorisées auraient davantage recours au congé court mais mieux indemnisé tandis que les parents issus de catégories plus modestes privilégieraient le recours au congé long, permettant une garde de l’enfant jusqu’à sa scolarisation.
● Troisièmement, les rapporteurs ont pu constater l’importance que chaque personne auditionnée attachait à la nécessaire prise en considération de la diversité des situations.
Une future réforme des congés parentaux doit assurer une équité de traitement pour les familles monoparentales, en particulier celles gérées par un parent isolé ([277]). Plus spécifiquement, si certaines parts du congé parental sont réservées à chaque parent, un tel objectif pourrait être atteint par un transfert des périodes à la disposition du parent absent soit vers le parent isolé, comme cela est actuellement prévu pour la PreParE ([278]), soit vers un proche ou un membre de la famille pouvant assurer la garde, comme cela existe dans certains pays tels que la Suède.
Elle doit en outre prendre en compte la situation des parents qui font le choix de reprendre une activité à mi‑temps tout en gardant leurs enfants le reste du temps. Cela passe par exemple par l’instauration de dispositions permettant d’adapter la durée totale du congé en fonction de la quotité de travail.
Une plus grande flexibilité dans la prise des congés peut aider à mieux prendre en compte la spécificité des situations de chaque parent. À cette fin, permettre aux parents de fractionner leurs congés en plusieurs périodes peut accroître la liberté de choix et la souplesse d’organisation dans la garde des enfants. Lors de son audition, la Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC) a ainsi recommandé la mise en place d’un congé plus modulable que le congé parental d’éducation et que le scénario initialement envisagé par le Gouvernement, dans lequel les parents pourraient bénéficier d’un congé d’un an, indemnisé à hauteur de 80 % des revenus antérieurs, et pouvant être pris de manière fractionnée jusqu’aux 16 ans de l’enfant. De ce point de vue, les fonctionnaires bénéficient de dispositions intéressantes puisqu’ils peuvent bénéficier d’une disponibilité de droit pour éduquer un enfant jusqu’à l’âge de 12 ans ([279]), ainsi que de la possibilité de passer à temps partiel à l’occasion de chaque naissance ou de chaque adoption, jusqu’au troisième anniversaire de l’enfant ([280]).
Parmi les pays favorisant une grande souplesse dans la prise des congés, la Suède fait office de modèle puisque les jours de congés parentaux y sont totalement fractionnables en deux, en quatre voire en huit (cf. infra).
Les congés parentaux en Suède
En Suède, les congés parentaux se décomposent en des congés de maternité et de paternité, à la durée très brève et essentiellement associés à l’accouchement et aux premières semaines de vie de l’enfant, et un congé parental plus long correspondant aux mois suivant la naissance.
Le congé parental (föräldrapenning) est conçu pour permettre aux parents de rester près de leur enfant jusqu’à ses dix‑huit mois. Chaque parent se voit octroyer une durée individuelle de 240 jours d’indemnisation, dont 90 jours sont non transférables (appelés quotas maternel et paternel). Les parents ne peuvent prendre simultanément leurs jours de congés que dans la limite de 60 jours dans les quinze premiers mois de l’enfant. Les parents isolés ou dont le conjoint est dans l’impossibilité de s’occuper de l’enfant pour raisons médicales peuvent prendre l’intégralité des 480 jours de congés.
La durée est exprimée en jours plutôt qu’en semaines ou en mois pour favoriser la flexibilité : les jours de congés peuvent ainsi être fractionnés en deux, en quatre voire en huit, allongeant d’autant la durée calendaire du congé (un jour plein de congés peut être transformé en deux jours à mi-temps ou quatre jours à quart‑temps etc.). La loi prévoit la possibilité pour chaque parent de fractionner son congé en trois périodes par an. C’est un minimum légal mais de nombreux employeurs autorisent un fractionnement en davantage de périodes.
L’indemnisation est dégressive : les 195 premiers jours sont rémunérés à hauteur de 77,6 % des revenus pris en compte dans la limite de 588 000 couronnes suédoises par an (soit environ 55 008 euros) tandis que les 45 jours restants font l’objet d’une indemnisation forfaitaire à hauteur de 180 couronnes suédoises par jour (environ 17 euros).
Le congé de maternité est relativement court : deux semaines obligatoires avant ou après l’accouchement, qui sont décomptées de la durée totale du congé parental. Des périodes supplémentaires peuvent être octroyées durant la période prénatale si l’emploi exercé par la mère peut présenter un risque pour le fœtus. Ces périodes supplémentaires sont indemnisées à hauteur de 77,6 % des revenus de la mère.
Le congé de paternité est d’une durée de dix jours ouvrés (soit deux semaines). Il est conçu comme une période au cours de laquelle le second parent accompagne la mère pendant l’accouchement et s’occupe de la fratrie lorsque celle‑ci est à l’hôpital bien qu’il puisse être pris à n’importe quel moment au cours des deux premiers mois de vie de l’enfant. Il est rémunéré à hauteur de 77,6 % des revenus pris en compte dans la limite de 441 000 couronnes suédoises par an (soit 41 256 euros). Il n’est toutefois pas réservé au second parent : si la mère est isolée ou si le second parent donne son accord, ces jours de congés peuvent être pris par un proche.
Source : Duvander, A.‑Z. and Löfgren, N (2025) ‘Sweden country note’, in Dobrotić, I., Blum, S., Kaufmann, G., Koslowski, A., Moss, P. and Valentova, M. (eds.) (2025), 21th International Review of Leave Policies and Research 2025.
c. Un coût qu’il est difficile d’estimer faute de consensus sur les paramètres
Le coût que représenterait une réforme des congés parentaux dépend intrinsèquement des paramètres retenus ainsi que du taux de recours des parents. Les estimations disponibles pour les rapporteurs ne correspondent donc pas à des scénarios qu’ils pourraient proposer faute de consensus sur les paramètres à retenir.
Selon les hypothèses conventionnelles retenues – à savoir un taux de recours estimé de 40 % pour les mères et de 10 % pour les pères –, le coût de la mise en place d’une réforme selon le scénario initial du Gouvernement était estimé à 1,1 milliard d’euros de dépenses brutes supplémentaires.
Compte tenu de la suppression de la PreParE et des économies réalisées sur d’autres prestations qui n’auraient pas été cumulables avec le congé de naissance telles que le complément du libre choix de mode de garde (CMG), le coût net aurait été de 450 millions d’euros pour la branche famille.
● Dans son rapport public thématique sur la politique d’accueil du jeune enfant ([281]), la Cour des comptes avait estimé le coût net d’une réforme de la PreParE autour de plusieurs hypothèses :
– une durée maximale d’indemnisation de quatre mois et demi au premier enfant et neuf mois à partir du deuxième ;
– une majoration de six mois pour le premier enfant (douze mois à partir du deuxième) en cas de répartition par les parents afin de les inciter au partage ;
– une indemnisation portée à 50 % du salaire brut antérieur avec un plancher de 600 euros par mois et un plafond de 1 400 euros par mois, fixé pour ne pas dépasser le coût d’une place en crèche ;
– l’interdiction faite aux parents de prendre un congé indemnisé simultanément ;
– la suppression de la PreParE.
Elle avait ainsi estimé que le coût brut d’une telle prestation s’élèverait à 2,41 milliards d’euros, desquels il faut soustraire les économies faites grâce à la suppression de la PreParE (770 millions d’euros) et celles réalisées sur les places d’accueil formel libérées par un plus grand recours aux congés parentaux (910 millions d’euros) ([282]). Au total, la Cour considérait que le coût net théorique de cette réforme aurait été de 361 millions d’euros.
L’on peut toutefois s’interroger sur la réalité de telles économies liées aux places d’accueil formel libérées dans la mesure où lesdites places seraient vraisemblablement remplies par d’autres enfants de parents qui privilégieraient cette solution, comme en témoignent les données de la Drees relatives aux modes de garde souhaités par les parents ([283]). La Cour des comptes reconnaît elle‑même qu’il s’agit là d’économies théoriques ([284]).
Ces exemples montrent en tout état de cause la précaution qui doit s’attacher à tout chiffrage des coûts liés à une réforme des congés parentaux tant il est difficile d’anticiper les modifications de comportements qu’elle pourrait induire.
3. Vers la fusion des dispositifs existants dans un congé parental unique ?
● Plusieurs personnes auditionnées par les rapporteurs ont suggéré une réforme plus ambitieuse consistant à fusionner les dispositifs de congés de maternité postnatal, de paternité et parental en un dispositif unique. Une telle proposition présenterait plusieurs avantages mais entraînerait également quelques inconvénients.
Les avantages d’un congé unique s’adressant aux deux parents peuvent être multiples :
– premièrement, il pourrait être plus lisible pour les assurés qu’un enchevêtrement de dispositifs présentant des conditions d’éligibilité variables et des modalités d’indemnisation spécifiques ;
– deuxièmement, il serait susceptible de faciliter la gestion des prestations associées dès lors qu’un seul organisme de sécurité sociale en serait chargé ;
– troisièmement, il pourrait contribuer, selon ses promoteurs, à diffuser l’idée selon laquelle le congé parental a vocation à être partagé entre les parents : ainsi n’y aurait‑il plus un dispositif consacré à la mère distinct de celui consacré au père, mais un dispositif parental présentant, le cas échéant, des règles de répartition assurant une durée minimale de congé à chacun d’eux.
La fusion des congés postnataux actuels en un congé parental unique présenterait toutefois l’inconvénient d’associer des dispositifs qui peuvent poursuivre des finalités distinctes : le congé de maternité a notamment pour objectif de permettre le repos de la mère après l’accouchement et il peut être légitime que ses paramètres diffèrent de ceux applicables au congé réservé au second parent.
Le congé parental norvégien
Les parents norvégiens bénéficient d’un congé parental unique. Sa durée totale dépend du choix d’indemnisation retenue. Deux options existent :
– option courte : une indemnisation à hauteur de 100 % des revenus du foyer pendant une durée maximale de 46 semaines ;
– option longue : une indemnisation à hauteur de 80 % des revenus du foyer pendant une durée maximale de 59 semaines.
Dans les deux cas, l’allocation est plafonnée à environ 10 300 euros par mois.
Des quotas sont attribués à chaque parent : quinze semaines en cas de congé court et dix‑neuf semaines en cas de congé long. Les semaines faisant partie des quotas maternel et paternel ne sont pas transférables. Le reste du congé peut quant à lui être pris de façon indifférente par chaque parent dans la limite de seize ou dix-huit semaines.
Le congé norvégien est relativement flexible puisque les parents peuvent modifier l’option d’indemnisation pour chaque partie différente du congé (quotas réservés à la mère et au père et partie transférable). Le congé peut être pris à temps partiel avec comme conséquence d’allonger la durée de perception de l’indemnisation. Hors périodes obligatoires, il est possible de le fractionner sur toute la période allant jusqu’aux 3 ans de l’enfant.
Le père ne peut toutefois pas avoir recours aux semaines de congé de son quota dans les six premières semaines suivant la naissance, lesquelles sont des semaines de congés obligatoires pour la mère, l’objectif étant d’encourager la prise alternative de congés par les parents.
En Norvège, neuf pères sur dix ont recours au congé parental, parmi lesquels 70 % prennent l’entièreté des périodes qui leur sont réservées.
Source : Bungum, B. and Kvande, E. (2025) ‘Norway country note’, in Dobrotić, I., Blum, S., Kaufmann, G., Koslowski, A., Moss, P. and Valentova, M. (eds.) (2025), 21th International Review of Leave Policies and Research 2025.
● Le présent rapport n’est pas le lieu de trancher sur l’opportunité d’une telle réforme tant sa mise en œuvre nécessiterait un véritable débat public portant sur des questions éminemment structurantes :
– quelle serait la durée totale du congé parental accordé aux familles ? Faut‑il maintenir la possibilité d’une interruption de travail et d’une indemnisation jusqu’aux 3 ans de l’enfant ou bien réduire la durée ?
– quelles seraient les règles de répartition des périodes de congé entre les parents ? Quelle proportion du congé devrait être rendue obligatoire ?
– quel niveau d’indemnisation prévoir ? Aujourd’hui, le système français se caractérise par une très forte indemnisation des premières semaines correspondant aux congés de maternité et de paternité suivie par une indemnisation forfaitaire limitée à travers la PreParE. La fusion des dispositifs pourrait être l’occasion de refondre les mécanismes d’indemnisation : le niveau élevé de rémunération des périodes correspondant aux congés obligatoires de chaque parent pourrait être maintenu tandis que les périodes facultatives pourraient faire l’objet d’une indemnisation dégressive en fonction de la durée prise ;
– quel degré de fractionnement faut‑il prévoir ? Le corollaire de cette question étant de savoir comment assurer une flexibilité suffisante pour les parents et compatible avec le fonctionnement du marché du travail pour limiter les freins au recours.
● De façon plus générale – mais le constat vaut également pour toute modification des dispositifs existants – les rapporteurs réitèrent leur conviction qu’il ne pourra y avoir de réforme d’ampleur juste et efficace, respectueuse du principe de libre‑choix des familles, et accompagnant les évolutions de la société, qui ne prenne en compte l’environnement global des offres d’accueil du jeune enfant.
Cela nécessite de s’interroger tant sur le déploiement du service public de la petite enfance, le réseau des offres d’accueil collectif et l’avenir de la profession d’assistante‑maternelle que sur l’articulation avec l’éducation nationale et les possibilités de scolarisation des enfants.
● À court‑terme, sans aller jusqu’à une telle révolution copernicienne, les rapporteurs estimeraient utile de créer un portail unique de la parentalité qui contiendrait non seulement les informations utiles à destination des futurs parents ([285]) et des outils de simulation de droits mais centraliserait également toutes les démarches associées, de la déclaration de grossesse à la demande de recours au congé parental indemnisé dans une logique interbranches de la sécurité sociale.
Un tel portail pourrait s’appuyer sur le site « monenfant.fr », géré par la Cnaf, qui, pour utile qu’il est, mériterait d’être complété. Aujourd’hui en effet, les informations relatives au congé parental indemnisé et aux congés de maternité et de paternité ne sont pas suffisamment mises en avant sur ce site. En outre, celui‑ci s’adresse aux parents et aux professionnels de la petite enfance mais pourrait être complété d’un espace consacré aux employeurs et d’outils permettant au salarié de connaître les règles applicables en fonction de la convention collective à laquelle appartient l’entreprise.
Enfin, il conviendrait de renforcer l’information et de mieux communiquer autour de ces solutions numériques.
Recommandation n° 35 : créer un portail unique de la parentalité qui fusionnerait les solutions existantes (monenfant.fr, 1000-premiers-jours.fr) pour centraliser les informations relatives à la parentalité et l’ensemble des démarches associées dans une logique interbranches.
4. Quel financement pour une réforme des congés parentaux ?
● Dans les perspectives étudiées par les rapporteurs, une réforme des congés parentaux, qu’il s’agisse d’un allongement des congés de maternité et de paternité ou de l’instauration d’un congé parental rénové, se traduirait par des dépenses supplémentaires.
Dans toutes les hypothèses retenues, et sauf à modifier les règles de répartition du financement des congés parentaux, ces dépenses incomberaient à la branche famille, laquelle assure le financement de la PreParE mais également des congés de paternité et d’adoption et, depuis 2023, du congé de maternité postnatal.
Or, le dernier rapport à la Commission des comptes de la sécurité sociale prévoyait que la branche famille présenterait un excédent d’environ 0,6 milliard d’euros en 2025 après un exercice 2024 en excédent de 1,1 milliard d’euros ([286]), contre respectivement 0,4 milliard d’euros et 0,5 milliard d’euros initialement anticipé dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2025. À plus long terme, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 prévoyait un excédent nul en 2026 puis autour de 0,8 milliard d’euros en 2027 et 1,6 milliard d’euros en 2028 ([287]). Le HCFEA estime quant à lui que, selon les hypothèses retenues ([288]), le solde de la branche famille pourrait être largement excédentaire en 2029, de l’ordre de 4,5 milliards d’euros à 6 milliards d’euros ([289]).
Or, les excédents de la branche famille ont historiquement été utilisés pour prendre en charge des prestations servies par d’autres branches ([290]) : d’abord via des transferts à destination de la branche vieillesse (pour financer les cotisations d’assurance vieillesse des parents au foyer mais surtout les majorations de pension pour enfant) puis vers la branche maladie pour financer des cotisations pour certaines familles et les indemnités journalières de paternité et de maternité postnatales.
Les transferts de la branche famille de 1972 à 2025
(en milliards d’euros courants)
Source : « Pour un redressement durable de la sécurité sociale », rapport conjoint des Hauts Conseils, p. 284.
À l’horizon de plusieurs années, la branche famille serait donc en capacité d’absorber une partie des coûts supplémentaires induits par une réforme des congés parentaux. Celle‑ci se traduirait toutefois par une dégradation des finances publiques dans leur ensemble ce qui plaide pour trouver une compensation financière aux mesures retenues, qu’il s’agisse de recettes supplémentaires ou d’économies en dépenses.
● Or, aucun consensus n’existe au sujet du financement d’une réforme des congés parentaux. Plusieurs pistes pourraient toutefois être étudiées.
Du point de vue des recettes, le passage d’une indemnisation forfaitaire de la PreParE à une indemnisation proportionnelle aux revenus renforcerait le caractère assurantiel des congés parentaux car la prestation servie serait directement dépendante des revenus d’activité. Comme le préconisait le Haut Conseil pour le financement de la protection sociale en 2025, « les prestations qui garantissent des revenus de remplacement doivent être fonction des revenus d’activité qu’elles sont amenées à remplacer et qui doivent prioritairement servir d’assiette à leur financement » ([291]). La modalité historique de financement des prestations assurantielles est la cotisation sociale mais d’autres recettes reposent sur les revenus d’activité telles que la contribution sociale généralisée (CSG) ou la taxe sur les salaires.
Pour rappel, le rapport à Commission des comptes de la sécurité sociale estimait qu’un point de cotisation représentait 10,5 milliards d’euros en 2024 ([292]), tandis que 1 point de CSG sur les revenus d’activité rapportait 11,8 milliards d’euros la même année. Autrement dit, une hausse de 0,15 point des cotisations familiales ou de 0,14 point du taux de la CSG sur les revenus d’activité suffirait à compenser le coût maximal estimé d’un alignement de la durée du congé de paternité sur celle du congé de maternité (1,6 milliard d’euros). Cela se traduirait toutefois par une augmentation du coût du travail et une diminution du salaire net des travailleurs.
Une solution en recettes qui n’impliquerait pas de hausse des prélèvements obligatoires consisterait à réaffecter à la branche famille une partie des recettes tirées de la réforme des allégements généraux, et plus particulièrement de la suppression du « bandeau famille », telles qu’adoptée en loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 ([293]).
La réforme des allègements généraux opérée par la LFSS 2025
L’article 18 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 a réformé les dispositifs d’allégements généraux de cotisations sociales.
Pour l’année 2025, le point de sortie du « bandeau maladie » – c’est‑à‑dire la réduction de 6 points des cotisations d’assurance maladie – a été abaissé d’environ 2,4 Smic à 2,25 Smic et celui du « bandeau famille » – c’est-à-dire la réduction de 1,8 point des allocations familiales – d’environ 3,4 Smic à 3,3 Smic.
Dans l’hypothèse où le nouveau barème aurait été appliqué aux revenus versés au titre des périodes d’activité à compter du 1er janvier 2025, le rendement net de la réforme – tenant compte de l’effet de la mesure sur le produit de l’impôt sur les sociétés – se serait élevé à 1,6 milliard d’euros ([294]).
Pour l’année 2026, le législateur financier social a acté la fusion des deux bandeaux avec le dispositif de réduction générale dégressive sur les salaires inférieurs ou égaux à 1,6 Smic. Le nouveau dispositif, dont les paramètres ont été fixés par un décret du 4 septembre 2025 ([295]), prévoit une réduction générale dégressive unique jusqu’à 3 Smic.
Selon les travaux préparatoires à la loi de financement de la sécurité sociale pour 2025, le rendement estimé de cette fusion était également de 1,6 milliard d’euros ([296]).
Les rapporteurs ne disposent toutefois pas des données permettant de connaître la ventilation par branche des gains liés à cette réforme pour l’année 2026. Cependant, ils estimeraient légitime sur le principe que les gains qui en résulteraient pour la branche famille soient fléchés vers le financement d’une réforme des congés parentaux plutôt qu’ils ne fassent l’objet d’un transfert vers les branches déficitaires de l’assurance vieillesse ou de l’assurance maladie.
Du point de vue des dépenses, le HCFEA rappelle dans le rapport conjoint des Hauts Conseils pour le redressement durable de la sécurité sociale que 24,2 % des dépenses de la branche famille en 2023 étaient constituées de transferts vers d’autres organismes ou branches de la sécurité sociale, dont la majeure partie sert à financer les droits familiaux à la retraite ([297]). En 2024, cette part s’élevait à 23,8 %.
Le HCFEA préconise d’étudier la possibilité de réformer certains droits familiaux à la retraite, dont la majoration de pension de retraite de 10 % pour les assurés ayant eu au moins trois enfants. Pour rappel, ce dispositif est accordé indistinctement aux hommes et aux femmes. Or, contrairement aux majorations de durée d’assurance et à l’assurance vieillesse des parents au foyer (AVPF), ce dispositif contribue à renforcer les écarts de pensions entre les femmes et les hommes.
Dans une étude produite pour le Conseil d’orientation des retraites (COR), la Drees calculait ainsi que les 1 % des retraités les plus aisés avaient reçu environ 569 millions d’euros en 2020 au titre de cette majoration dont 546 millions d’euros pour les hommes et seulement 22 millions d’euros pour les femmes ([298]). Pourtant, ce dispositif représente un coût de 5,8 milliards d’euros pour la branche famille en 2024, soit 10 % des dépenses de la branche famille. Sur l’ensemble du système de retraites, de base et complémentaires, les majorations de pensions représentaient 9,1 milliards d’euros en 2022 selon le COR ([299]). Les travaux de la Drees ne permettent toutefois d’isoler que les effets individuels de la majoration pour enfant sans connaître ceux qu’elle exerce au niveau du foyer empêchant toute analyse en économie familiale.
Si les scénarios évalués par la Drees sont paramétrés pour être neutre financièrement à court terme, des pistes de réformes engendrant des économies pourraient être envisagées. Il serait techniquement possible de concevoir une évolution du dispositif qui améliore la situation des femmes, voire qui s’appliquerait dès le premier enfant tout en réduisant le coût global. Toutefois, une telle réforme mettrait du temps à produire ses effets financiers car elle ne concernerait par construction que les pensions futures.
Si elle peut présenter une justification sur le principe selon lequel il convient plutôt de privilégier la correction ex ante des aléas de carrière liés à la maternité et à l’éducation des enfants plutôt que de viser une compensation ex post au moment de la retraite, la modification des dispositifs de droits familiaux ne permettrait donc pas de dégager des ressources pour une réforme des congés parentaux à court terme. Il conviendrait en outre d’évaluer l’impact qu’une évolution de ces dispositifs pourrait avoir sur la natalité ainsi que sur les incitations que ces dispositifs ont sur le fait de cesser ou de réduire son activité pour éduquer des enfants. Plus spécifiquement, il faudrait être vigilant à ce que la modification des dispositifs vers une correction ex ante des aléas de carrière pour maternité ne soit pas redondante avec d’autres dispositifs de compensation à la retraite pour les assurés ayant eu des carrières hachées ni contradictoire avec l’objectif d’inciter les pères à prendre une plus large part dans la parentalité.
Les scénarios de réforme de la majoration pour enfant évalués par la Drees
Dans le cadre de son rapport thématique consacré aux droits familiaux et conjugaux, le Conseil d’orientation des retraites a demandé à la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees) de réaliser diverses simulations relatives au mode de calcul et/ou au périmètre de ces majorations pour enfants. Les scénarios, au nombre de trois, sont calibrés pour être neutres financièrement à court terme.
Dans un scénario A, la majoration proportionnelle est remplacée par un forfait (150 euros en 2026, revalorisé ensuite selon l’évolution du salaire moyen par tête [SMPT]), identique selon le sexe et surtout le niveau de pension. Le périmètre est inchangé (femmes et hommes ayant au moins trois enfants).
Dans un scénario B, la majoration proportionnelle est accordée uniquement aux femmes et dès le premier enfant ; le taux de majoration augmente avec le nombre d’enfants (3 % pour un enfant, 6 % pour deux enfants et 13 % à partir de trois enfants). Un plafonnement de la majoration est également introduit.
Enfin, dans un scénario C, les approches des scénarios A (majoration forfaitaire) et B (versement dès le premier enfant et uniquement pour les femmes) sont combinées. La majoration forfaitaire croîtrait avec le nombre d’enfants. En 2026, le forfait serait ainsi de 40 euros pour un enfant, 80 euros pour deux enfants et 160 euros à partir de trois enfants. Ces montants évolueraient ensuite comme le SMPT.
Les forfaits et taux de majoration calibrés par le modèle pour assurer une neutralité financière à court terme doivent néanmoins être considérés comme des majorants, pour deux raisons. D’une part, cette calibration devrait être affinée si l’on voulait garantir, à long terme, la neutralité financière de ces changements de législation. D’autre part, il est possible que le modèle Trajectoire surestime quelque peu (de l’ordre de 10 %) les montants totaux de droits versés au titre de la majoration de pension pour enfants.
Le scénario A engendre une redistribution verticale notable, mais sans réduire de façon prononcée les écarts de pension entre sexes. C’est l’inverse pour le scénario B. Le scénario C cumule ces deux effets, en faisant passer de 8,0 à 7,1 le rapport entre la pension moyenne des retraités du dernier quintile et celle de ceux du premier quintile, tout en réduisant de 15 % à 9 % l’écart de pensions moyennes entre femmes et hommes sur la génération 1978 par rapport à la législation actuelle.
Source : Chopard M., Herbillon-Leprince S., Katossky A., Sigal M., « Retraites : simulation de trois scénarios d’évolution de la majoration de pension pour trois enfants », Les dossiers de la Drees, n° 128, mars 2025.
Ces précautions ayant été rappelées, et au‑delà de la question de la situation financière de la branche famille, les rapporteurs seront attentifs aux propositions que formulera le Conseil d’orientation des retraites en conclusion de ses travaux sur les droits familiaux et conjugaux à la retraite.
ANNEXE :
LISTE DES PERSONNES AUDITIONNéES PAR Les RAPPORTEURs
(Par ordre chronologique)
Audition conjointe :
– Mme Hélène Périvier, économiste, responsable du pôle « Évaluation des politiques sociales et familiales » de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE)
– M. Grégory Verdugo, économiste, professeur des universités à Cergy Paris Université
Audition conjointe :
– Mme Violaine Dutrop, consultante et autrice de Maternité, paternité, parité (2021)
– Mme Rebecca Amsellem, économiste
Table ronde :
– Collectif pour une parentalité féministe – Mme Déborah Vignot Kott, membre du conseil d’administration
– Mme Elsa Foucraut, consultante et formatrice
– Fondation des femmes – Mme Floriane Volt, directrice des affaires publiques et juridiques
Table ronde de chercheurs :
– Mme Ariane Pailhé, directrice de recherche à l’Institut national d’études démographiques (Ined)
– Mme Alix Sponton, docteure en sociologie
– Mme Marie-Clémence Le Pape, maîtresse de conférences à l’université Lyon 2
Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees) – M. Fabrice Lenglart, directeur
Union nationale des associations familiales (UNAF) – M. Bernard Tranchand, vice-président, Mmes Guillemette Leneveu, directrice générale et Claire Ménard, chargée des relations parlementaires
Audition conjointe :
– Direction générale de la cohésion sociale (DGCS) – M. Guillaume Roussier, chef de bureau « Familles et parentalité », et M. Pierre Stecker, directeur de projet chargé du développement des politiques de soutien à la parentalité et des 1000 premiers jours
– Direction générale du travail (DGT) – M. Sacha Reingewirtz, adjoint à la sous-directrice des relations du travail, et M. Théo Albarracín, chef de bureau des relations individuelles du travail
Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) – Département du travail et des affaires sociales – M. Stefano Scarpetta, directeur, M. Willem Adema, économiste, et M. Alexandre Lloyd, analyste politique
Direction de la sécurité sociale (DSS) – Mme Marion Muscat, sous-directrice de l’accès aux soins, des prestations familiales et des accidents du travail, Mme Camille Brunat, adjointe à la cheffe du bureau de l’accès aux soins, Mme Noémie Aubertin, chargée de mission au bureau des prestations familiales, M. Harry Partouche, sous-directeur des études et des prévisions financières, Mme Cléo Lhermet, adjointe à la cheffe du bureau des études, et Mme Jaspal De Oliveira Gill, chargée de mission
M. Mathieu Narcy, maître de conférences au Conservatoire national des arts et métiers (Cnam), membre du Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes (HCE)
Commission européenne, Direction générale de la justice et des consommateurs (JUST) – Mme Ana Carla Pereira, directrice à l’égalité et à la non-discrimination
Caisse nationale de l’assurance maladie (Cnam) – Mme Manon Chonavel, directrice de cabinet, et Mme Nina Vassilieff, responsable du département de la réglementation
Caisse centrale de la mutualité sociale agricole (CCMSA)* – Mme Christine Dechesne-Ceard, directrice de la réglementation, et M. Christophe Simon, chargé des relations parlementaires
Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf) – M. Nicolas Grivel, directeur général, et Mme Klara Le Corre, chargée des relations institutionnelles
Commune d’Asnières-sur-Seine – Mme Caroline Carmantrand, maire adjointe à la famille et à la petite enfance
Table ronde des organisations syndicales de salariés :
– Confédération française démocratique du travail (CFDT) – Mme Isabelle Taniou et M. Bruno Lamy, secrétaires confédéraux
– Confédération générale du travail (CGT) – Mme Fanny De Coster, secrétaire nationale, et M. Joël Raffard, conseiller confédéral
– Confédération générale du travail-Force ouvrière (CGT-FO) – Mme Béatrice Clicq, secrétaire confédérale en charge de l’égalité et du développement durable, et M. Éric Gautron, secrétaire confédéral en charge de la protection sociale collective
– Confédération française de l’encadrement-Confédération générale des cadres (CFE‑CGC) – Mme Marielle Mangeon et M. Louis Delbos, délégués nationaux
– Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC) – M. Frédéric Romain, secrétaire confédéral
Audition conjointe :
– Direction générale de l’administration et de la fonction publique (DGAFP) – M. Philippe Charpentier, chef du service des politiques sociales, salariales et des carrières
– Direction générale de l’offre de soins (DGOS) – M. Romain Bégué, sous-directeur des ressources humaines du système de santé
Audition conjointe des organisations patronales :
– Mouvement des entreprises de France (Medef)* – M. Thierry Hulot, coprésident de la commission « Protection sociale », et Mme Garance Pineau, directrice générale
– Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME)* – M. Christian Gélis, administrateur, et M. Philippe Chognard, responsable du pôle « Conditions de travail »
Société May – Mme Cécilia Creuzet, cofondatrice et directrice générale, et Mme Emmanuelle Rigeade, infirmière puéricultrice référente de l’équipe May
* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le répertoire de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale.
([1]) Conférence de presse de M. Emmanuel Macron, Président de la République, sur les priorités du nouveau Gouvernement en matière d’école, d’ordre public, d’économie, de natalité, d’égalité des chances, d’écologie, de services publics et de santé, à Paris le 16 janvier 2024.
([2]) Pétition n° 1067, déposée le 20 octobre 2022 par Mme Gwladys Anthoine, examinée par la commission des affaires sociales en juillet 2023 (voir rapport n° 1525).
([3]) S’y ajoutent trois jours d’absence autorisés à la naissance d’un enfant à la charge de l’employeur au titre du congé de naissance prévu au 3° de l’article L. 3142-1 du code du travail.
([4]) Loi n° 2020-1576 du 14 décembre 2020 de financement de la sécurité sociale pour 2021.
([5]) Article L. 1225-48 du code du travail.
([6]) Soit, au 1er avril 2025, 456,05 euros à taux plein, 294,81 euros en cas d’activité égale ou inférieure à 50 % et 170,07 euros par mois pour une activité comprise entre 50 % et 80 %.
([7]) Loi n° 2014-873 du 4 août 2014 pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes.
([8]) Hélène Guedj et Marie-Clémence Le Pape (Drees), « Premiers jours de l’enfant : un temps de plus en plus sanctuarisé par les pères via le congé de paternité », Études et résultats n° 1275, juillet 2023.
([9]) Rapport d’évaluation des politiques de sécurité sociale annexée au projet de loi d’approbation des comptes de la sécurité sociale (Placss) 2024 pour la branche famille.
([10]) Litti Esteban (Drees), « L’articulation entre vies familiale et professionnelle repose toujours fortement sur les mères », Études et résultats n° 1298, mars 2024.
([11]) Emmanuelle Auriol, Camille Landais et Nina Roussille, « Égalité hommes-femmes : une question d’équité, un impératif économique », Les notes du Conseil d’analyse économique, n° 83, novembre 2024.
([12]) Fondation des femmes, « Le coût d’être mère », juin 2023.
([13]) Yann Caenen, Pauline Virot (Drees), « La part des enfants de moins de 3 ans confiés principalement à une assistante maternelle ou une crèche a presque doublé entre 2002 et 2021 », Études et Résultats n° 1257, février 2023.
([14]) Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf), « Baromètre de l’accueil du jeune enfant 2021. La crise sanitaire n’a guère modifié les représentations, les aspirations et les recours aux modes d’accueil », L’essentiel n° 209, 2022.
([15]) D’après l’enquête « Modes de garde et d’accueil des jeunes enfants » de la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees). Voir également à ce sujet le compte rendu d’enquête quantitative sur le parcours de conciliation des parents de jeunes enfants, réalisé par l’Union nationale des associations familiales (Unaf), publié en octobre 2021.
([16]) Le total des dépenses ne correspond pas à la somme des parties compte tenu des arrondis.
([17]) Secrétariat général du Conseil d’orientation des retraites, « Droits familiaux et conjugaux : masses financières en jeu et financement », document de travail n° 7, séance plénière du 19 octobre 2023. Montant correspondant à l’ensemble des régimes obligatoires, de base et complémentaire.
([18]) Rapport à la Commission des comptes de la sécurité sociale, juin 2025.
([19]) Secrétariat général du Conseil d’orientation des retraites, op. cit.
([20]) Cour des comptes, « Les droits familiaux de retraite : des dispositifs à simplifier et à harmoniser », Rapport sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale, octobre 2022 ; Secrétariat général du Conseil d’orientation des retraites, « Propositions d’évolution des droits familiaux et conjugaux », document de travail n° 5, séance plénière du 17 octobre 2024.
([21]) Cour des comptes, « Les dépenses de congés de maternité et de paternité : des droits élargis, des progrès de gestion nécessaires », Rapport sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale pour 2023, mai 2023.
([22]) Suivant les définitions de l’OCDE, les « congés réservés à la disposition des mères » correspondent à l’ensemble des congés qui leur sont spécifiquement réservés ainsi qu’à ceux pouvant être pris indifféremment par l’un et l’autre parent. Ils recouvrent donc le congé de maternité et les périodes de congé parental transférables entre parents. Les « congés réservés aux pères » correspondent quant à eux aux seuls congés qui ne peuvent en aucun cas être pris par la mère. Cela recouvre le congé de paternité et, le cas échéant, les périodes de congé parental réservées au père et non transférables.
([23]) Hors congés de maternité et de paternité.
([24]) Article 71 de la loi n° 2018‑1203 du 22 décembre 2018 de financement de la sécurité sociale pour 2019.
([25]) Voir notamment les études menées dans le cadre du projet « Paternage ».
([26]) Rapport de la deuxième vague de l’enquête Paternage, « Paternité : organisation des temps professionnels et familiaux deux ans après la naissance d’un enfant », sous la direction de Marie-Clémence Le Pape (Drees), Les Dossiers de la Drees n° 126, janvier 2025.
([27]) Ibid.
([28]) Mathilde Guergoat‑Larivière, Mathieu Narcy et Florent Sari, « L’impact de la PreParE sur l’activité, les revenus et les modes de garde », France Stratégie et HCFEA, 2023.
([29]) Hélène Périvier et Grégory Verdugo, « Cinq ans après la réforme du congé parental (PreParE), les objectifs sont‑ils atteints ? », OFCE, Policy Brief n° 88, 6 avril 2021.
([30]) Ibid.
([31]) En 2024, plus de 3 % des saisines enregistrées par la Défenseure des droits en matière de discriminations avaient pour motif la grossesse.
([32]) D’après les réponses des organisations syndicales de salariés et patronales au questionnaire des rapporteurs et le bilan annuel des négociations collectives des branches professionnelles réalisées pour l’année 2023 par la direction générale du travail (DGT).
([33]) Alexandra Doncarli et al. « Prévalence de la dépression, de l’anxiété et des idées suicidaires à deux mois post-partum : données de l’enquête nationale périnatale 2021 en France hexagonale », septembre 2023.
([34]) Insee, « Bilan démographique 2024 – En 2024, la fécondité continue de diminuer, l’espérance de vie se stabilise », Insee Première n° 2023, janvier 2025.
([35]) Issu de la loi n° 2023-1196 du 18 décembre 2023 pour le plein emploi et entré en vigueur le 1er janvier 2025.
([36]) D’après l’engagement du Président de la République en 2022.
([37]) L’offre d’accueil dite « formelle » comprend les assistantes maternelles, les établissements d’accueil du jeune enfant (EAJE), l’école et les solutions de garde à domicile.
([38]) Observatoire national de la petite enfance (Onape), « L’accueil des jeunes enfants – édition 2024 ».
([39]) « Pour un redressement durable de la sécurité sociale », rapport conjoint du Haut Conseil pour l’avenir de l’assurance maladie, du Haut Conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge et du Haut Conseil pour le financement de la protection sociale, juin 2025, p. 274.
([40]) Articles L. 631-1 à L. 631-5 du code général de la fonction publique pour les fonctionnaires.
([41]) Article L. 1225-20 du code du travail.
([42]) Article L. 1225‑22 du code du travail.
([43]) Rapport à la Commission des comptes de la sécurité sociale, fiche « Congés maternité et paternité », mai 2024.
([44]) Soit au maximum 101,94 euros par jour au 1er janvier 2025.
([45]) Voir partie III.A.1. du présent rapport.
([46]) Elle est versée pour moitié au début du congé et pour moitié à la fin de la période obligatoire de cessation d’activité de huit semaines. Son montant est de 3 925 euros au 1er janvier 2025 pour un revenu d’activité annuel moyen supérieur ou égal à 4 208 euros.
([47]) Soit au maximum 64,52 euros au 1er janvier 2025.
([48]) Médecins conventionnés, chirurgiens‑dentistes, sages‑femmes, auxiliaires médicaux et étudiants en médecine ayant validé leur diplôme de deuxième cycle et effectuant des remplacements professionnels conventionnés.
([49]) Régi au chapitre 6 du titre IV du livre VI du code de la sécurité sociale.
([50]) Article D. 646‑1 du code de la sécurité sociale.
([51]) Article 97 de la convention nationale organisant les rapports entre les médecins libéraux et l’assurance maladie conclue le 4 juin 2024.
([52]) Voir les décrets n° 86-83 du 17 janvier 1986 (article 15) pour la fonction publique d’État, n° 88-145 du 15 février 1988 (article 10) pour la fonction publique territoriale et n° 91-155 du 6 février 1991 (article 13) pour la fonction publique hospitalière.
([53]) Au régime agricole, les exploitants agricoles et les non-salariés agricoles peuvent prendre les sept premiers jours dans les quinze jours à compter de la date effective de la naissance de l’enfant et les jours restants peuvent être fractionnés en trois périodes d’au moins cinq jours chacune (article D. 732-27 du code rural et de la pêche maritime).
([54]) Article L. 1225-35-1 du code du travail.
([55]) Article L. 1225-35 (alinéa 5) et D. 1225-8-1 du code du travail.
([56]) Rapport à la Commission des comptes de la sécurité sociale, fiche « Congés maternité et paternité », mai 2024.
([57]) Soit au maximum 101,94 euros par jour au 1er janvier 2025.
([58]) Voir partie III.A.1. du présent rapport.
([59]) Article L. 631-9 du code de la fonction publique.
([60]) À condition que l’enfant ait été autorisé à entrer en France.
([61]) Pour les fonctionnaires, voir l’article L. 631‑8 du code général de la fonction publique.
([62]) Pour les agriculteurs, voir l’article L. 732‑10‑1 du code rural et de la pêche maritime. Pour les indépendants, voir le II de l’article L. 623‑1 du code de la sécurité sociale.
([63]) Voir la partie II.A.1. du présent rapport.
([64]) L’enquête « Modes de garde et d’accueil des jeunes enfants », dont les données ont été collectées à la fin de l’année 2021, ne saisit que très partiellement les effets de la réforme entrée en vigueur en juillet 2021 qui a allongé la durée du congé de paternité et rendu obligatoire pour partie. Voir à ce sujet la partie II.B.2. du présent rapport.
([65]) Hélène Guedj et Marie-Clémence Le Pape (Drees), « Premiers jours de l’enfant : un temps de plus en plus sanctuarisé par les pères via le congé de paternité », Études et Résultats n° 1275, juillet 2023.
([66]) Alix Sponton, « Des pères absents ? Saisir la diversité du non-recours au congé de paternité à partir de méthodes mixtes », Population 2023/1.
([67]) Voir la partie II.B.2. du présent rapport.
([68]) La condition d’avoir à justifier d’une ancienneté d’un an « à la date de naissance ou de l’arrivée au foyer de l’enfant » a été supprimée par l’article 18 de la loi n° 2023‑171 du 9 mars 2023 portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne dans les domaines de l’économie, de la santé, du travail, des transports et de l’agriculture dans le but de permettre aux parents qui ne sont pas en emploi au moment de la naissance ou de l’adoption de l’enfant de bénéficier du congé ultérieurement. Cette même loi a également précisé les modalités de prise en compte du congé au titre des droits à l’ancienneté (article L. 1225-54 du code du travail).
([69]) VI de l’article L. 531‑4 du code de la sécurité sociale et article D. 531‑16‑1 du même code.
([70]) Voir la partie II.B.1. du présent rapport pour une présentation détaillée de la réforme et ses effets sur les modalités de recours et le partage de la prestation entre les parents.
([71]) Insee, « Bilan démographique 2024 – En 2024, la fécondité continue de diminuer, l’espérance de vie se stabilise », Insee Première n° 2023, janvier 2025.
([72]) Rapport d’évaluation des politiques de sécurité sociale2024 pour la branche famille annexé au projet de loi d’approbation des comptes de la sécurité sociale (Placss).
([73]) G. Buisson, L. Pinel, « Les bénéficiaires des prestations liées au congé parental : profils des mères et évolutions après la réforme de 2014 », Les Dossiers de la Drees n° 91, 2022.
([74]) Dans l’enquête MDG, le mode de garde principal est celui dans lequel l’enfant passe la plus longue durée du lundi au vendredi, de 8 heures à 19 heures.
([75]) Les établissements d’accueil du jeune enfant (EAJE) comprennent les crèches municipales et départementales, les crèches d’entreprise, les crèches parentales (gérées par les parents) et les crèches familiales (avec des assistantes maternelles employées par la commune et non par les parents), ainsi que les haltes-garderies.
([76]) Ces données permettent, au-delà d’une semaine de référence, de documenter l’ensemble des modes d’accueil auxquels les parents ont eu recours depuis la naissance.
([77]) Quentin Francou, Lidia Panico, Anne Solaz, « De la naissance à l’école maternelle : des parcours de mode d’accueil diversifiés », Revue française des affaires sociales 2017/2.
([78]) Cnaf, « Baromètre de l’accueil du jeune enfant 2021. La crise sanitaire n’a guère modifié les représentations, les aspirations et les recours aux modes d’accueil », L’essentiel n° 209, 2022.
([79]) Yann Caenen, Pauline Virot (Drees), « La part des enfants de moins de 3 ans confiés principalement à une assistante maternelle ou une crèche a presque doublé entre 2002 et 2021 », Études et résultats n° 1257, février 2023.
([80]) Litti Esteban (Drees), « L’articulation entre vie familiale et professionnelle repose toujours fortement sur les mères », Études et résultats n° 1298, mars 2024.
([81]) Soit 88 % des enfants de moins de 3 ans.
([82]) Les mères employées ou ouvrières ont également une probabilité plus forte de prendre un temps partiel ou d’arrêter leur activité professionnelle pour s’occuper de leur plus jeune enfant.
([83]) Caenen et Virot (Drees), février 2023 (précité).
([84]) Compte rendu d’enquête quantitative sur le parcours de conciliation des parents de jeunes enfants, réalisé par l’Union nationale des associations familiales (Unaf), publié en octobre 2021.
([85]) Guedj et Le Pape (Drees), juillet 2023 (précité).
([86]) Article L. 1225-20 du code du travail.
([87]) D’après l’enquête « Modes de garde et d’accueil des jeunes enfants » (Drees).
([88]) Le décret n° 2020-529 du 5 mai 2020 modifiant les dispositions relatives au congé parental des fonctionnaires et à la disponibilité pour élever un enfant a porté l’âge de l’enfant de 8 à 12 ans pour bénéficier d’une disponibilité pour élever un enfant.
([89]) La donnée sur la seule disponibilité de droit pour élever un enfant de moins de 12 ans n’est pas connue.
([90]) G. Buisson, L. Pinel, « Les bénéficiaires des prestations liées au congé parental : profils des mères et évolutions après la réforme de 2014 », Les Dossiers de la Drees n° 91, 2022.
([91]) Insee Références, édition 2022, « Après la naissance d’un enfant, les conditions de travail diffèrent entre les pères et les mères ».
([92]) Emmanuelle Auriol, Camille Landais et Nina Roussille, « Égalité hommes-femmes : une question d’équité, un impératif économique », Les notes du Conseil d’analyse économique, n° 83, novembre 2024.
([93]) Fondation des femmes, « Le coût d’être mère », juin 2023.
([94]) Voir à ce sujet la partie III.A.1. du présent rapport.
([95]) Esteban (Drees), mars 2024 (précité).
([96]) Meurs D. et Pora P., « Child penalties and financial incentives: Exploiting variation along the wage distribution », Document de travail, n° G2019/08, Insee, octobre 2019.
([97]) Rapport d’évaluation des politiques de sécurité sociale pour la branche famille annexé au Placss 2024, mai 2025. Le total ne correspond pas à la somme des parties en raison des arrondis.
([98]) Les rapporteurs notent toutefois que ces chiffres n’intègrent pas le coût lié aux congés pathologiques postnataux, lesquels sont indemnisés dans les conditions applicables aux arrêts de travail pour maladie et ne font donc l’objet d’aucun suivi de dépenses par la Caisse nationale de l’assurance maladie (Cnam) (voir la partie II.A. du présent rapport).
([99]) Rapport d’évaluation des politiques de sécurité sociale pour la branche famille (précité).
([100]) Rapport à la Commission des comptes de la sécurité sociale, mai 2024.
([101]) Ces évolutions sont présentées plus en détail au II.A. du présent rapport.
([102]) Commission des comptes de la sécurité sociale, op. cit.
([103]) Voir la partie II B.1. du présent rapport.
([104]) Rapport d’évaluation des politiques de sécurité sociale pour la branche famille (précité).
([105]) En application du 1° de l’article L. 351‑3 du code de la sécurité sociale.
([106]) En application du a du 2° de l’article R. 351‑12 du code de la sécurité sociale.
([107]) La loi n° 2010‑1330 du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites prévoit la prise en compte, dans le calcul du salaire de base, des indemnités journalières d’assurance maternité ou adoption versées à compter du 1er janvier 2012. La loi n0 2023‑270 du 14 avril 2023 de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023 a étendu cette prise en compte aux indemnités versées antérieurement.
([108]) La majoration s’applique avant déduction des prélèvements sociaux. Elle permet de reconstituer un montant brut fictif.
([109]) Circulaire de la Caisse nationale d’assurance vieillesse (Cnav) n° 2025‑11 du 28 mars 2025.
([110]) Article L. 351‑4 du code de la sécurité sociale pour le régime général (salariés et travailleurs indépendants, par renvoi de l’article L. 634‑2 du même code) ; articles L. 742‑3 et L. 732‑38 du code rural et de la pêche maritime qui renvoient aux règles applicables au régime général pour les salariés et les exploitants agricoles respectivement ; article L. 643‑1‑1 du code de la sécurité sociale pour les professions libérales.
([111]) Article L. 351‑5 du code de la sécurité sociale.
([112]) Julliot M. et Bac C., « Les droits familiaux de retraite pour les nouveaux retraités de 2020 », note de la Cnav réalisée pour la séance plénière du Conseil d’orientation des retraites du 19 octobre 2023.
([113]) b du 1° de l’article L. 9 du code des pensions civiles et militaires de retraite.
([114]) Article L. 381‑1 du code de la sécurité sociale.
([115]) Rapport à la Commission des comptes de la sécurité sociale, juin 2025. S’agissant de l’AVPF, la Cnaf se substitue aux bénéficiaires pour le paiement de leurs cotisations de retraites à la Cnav. Ce coût ne reflète donc pas réellement les dépenses que l’AVPF entraîne pour la branche vieillesse puisque celles‑ci sont intégrées aux pensions de droit direct. Elles correspondent plutôt à des recettes « perdues » par la branche vieillesse du fait de l’absence de cotisations des parents au foyer. D’après le secrétariat général du Conseil d’orientation des retraites, le coût de l’AVPF en termes de prestations serait évalué à 3,7 milliards d’euros en 2022.
([116]) Secrétariat général du Conseil d’orientation des retraites, « Droits familiaux et conjugaux : masses financières en jeu et financement », document de travail n° 7, séance plénière du 19 octobre 2023.
([117]) Il convient de noter que ces montants incluent non seulement les majorations de durée d’assurance liée à la naissance, à l’adoption ou à l’accueil du jeune enfant, mais également d’autres majorations telles que celles attribuées aux titulaires d’un compte professionnel de prévention ou aux personnes chargées d’un adulte en situation de handicap.
([118]) Cour des comptes, « Les droits familiaux de retraite : des dispositifs à simplifier et à harmoniser », Rapport sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale pour 2022, octobre 2022.
([119]) Secrétariat général du Conseil d’orientation des retraites, « Propositions d’évolution des droits familiaux et conjugaux », document de travail n° 5, séance plénière du 17 octobre 2024.
([120]) Cour des comptes, « Les dépenses de congés de maternité et de paternité : des droits élargis, des progrès de gestion nécessaires », Rapport sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale, mai 2023.
([121]) Convention d’objectifs et de gestion entre l’État et la Cnam 2023‑2027.
([122]) Le A du II du présent rapport présente des développements plus poussés sur le sujet de la subrogation des indemnités journalières sont accessibles.
([123]) Convention d’objectifs et de gestion de la MSA 2021‑2025, p. 16.
([124]) Cette spécificité conduit à nuancer les constats qu’il est possible de tirer des travaux de l’OCDE, en particulier en matière de durée des congés, puisqu’ils comparent les législations nationales en prenant l’hypothèse conventionnelle d’une famille avec un seul enfant.
([125]) OCDE (2023), Agir ensemble pour l’égalité des genres (version abrégée) : Quelles priorités ?, Éditions OCDE, Paris.
([126]) Dobrotić, I., Blum, S., Kaufmann, G., Koslowski, A., Moss, P. and Valentova, M. (eds.) (2025), 21th International Review of Leave Policies and Research 2025.
([127]) Directive (UE) 2019/1158 du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2019 concernant l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée des parents et des aidants et abrogeant la directive 2010/18/UE du Conseil.
([128]) Suivant les définitions de l’OCDE, les « congés réservés à la disposition des mères » correspondent à l’ensemble des congés qui leur sont spécifiquement réservés ainsi qu’à ceux pouvant être pris indifféremment par l’un et l’autre parent. Ils recouvrent donc le congé de maternité et les périodes de congé parental transférables entre parents. Les « congés réservés aux pères » correspondent quant à eux aux seuls congés qui ne peuvent en aucun cas être pris par la mère. Cela recouvre le congé de paternité et, le cas échéant, les périodes de congé parental réservées au père et non transférables.
([129]) En application de l’article R. 331‑5 du code de la sécurité sociale, qui renvoie partiellement aux règles prévues par les articles R. 323‑4 et R. 323‑8 du même code s’agissant des indemnités pour maladie, le salaire pris en compte pour le calcul des indemnités journalières correspond à la somme des salaires des trois mois précédant le début du congé, auquel la Cnam applique un abattement fixé par arrêté censé représenter la part salariale des cotisations et contributions d’origine légale ou conventionnelle rendues obligatoires par la loi.
([130]) Depuis un arrêté du 28 mars 2013 fixant le taux forfaitaire mentionné à l’article R. 331‑5 du code de la sécurité sociale, ledit taux est fixé à 21 %.
([131]) Le taux d’indemnisation varie entre 65 % et 67 % selon les revenus et des surcote et décote forfaitaires s’appliquent aux parents ayant respectivement de faibles et de hauts revenus.
([132]) Elternzeit.
([133]) Elternkarenz.
([134]) Nacimiento y cuidado de menor.
([135]) Foreldrepengeperioden.
([136]) Mathilde Guergoat‑Larivière, Mathieu Narcy et Florent Sari, « L’impact de la PreParE sur l’activité, les revenus et les modes de garde », France Stratégie et HCFEA, 2023.
([137]) L’analyse de cette réforme et des effets qu’elle a produits fait l’objet de développements en partie II du présent rapport.
([138]) 3 925 euros en 2025.
([139]) Marynissen, L. et al. (2019), « Fathers’ Parental Leave Uptake in Belgium and Sweden: Self‑Evident or Subject to Employment Characteristics ? », Social Sciences, Vol. 8/11, p. 312.
([140]) Voir la partie II.B. du présent rapport.
([141]) J. Agerström, M. Carlsson and A. Erenel (2023), « The effect of social gender norms on parental leave uptake intentions: evidence from two survey experiments on prospective fathers and mothers », Applied Economics, pp. 1-17.
([142]) Voir notamment la partie II.B.2. du présent rapport.
([143]) Schmidt, E.‑M. and Mauerer, G. (2025); « Austria country note », in Dobrotić, I., Blum, S., Kaufmann, G., Koslowski, A., Moss, P. and Valentova, M. (eds.) (2025), 21th International Review of Leave Policies and Research 2025.
([144]) « Rendre effectif le congé de maternité pour toutes les femmes », juillet 2018, rapport remis au Gouvernement par Mme Marie‑Pierre Rixain, députée, chargée, par décret du Premier ministre du 8 janvier 2028 pris en application de l’article L.O. 144 du code électoral, d’une mission temporaire ayant pour objet le congé maternité.
([145]) Article 71 de la loi n° 2018‑1203 du 22 décembre 2018 de financement de la sécurité sociale pour 2019.
([146]) Décret n° 2019‑529 du 27 mai 2019 relatif à l’amélioration de la protection sociale au titre de la maladie et de la maternité des travailleurs indépendants.
([147]) Par renvoi à la « durée minimale prévue à l’article L. 331‑3 » du code de la sécurité sociale qui concerne les assurées du régime général.
([148]) Article L. 732‑10 du code rural et de la pêche maritime.
([149]) Article 71 de la loi n° 2018‑1203 précitée.
([150]) Article R. 732‑25 du code rural et de la pêche maritime.
([151]) Article 25 de la convention du 15 novembre 2024 relative à l’assurance chômage.
([152]) Fiche d’évaluation préalable des articles du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2021, annexe 9, p. 202.
([153]) Cette période de référence correspond aux trois années civiles d’activité précédant la date prévue du premier versement de l’allocation.
([154]) Article D. 623‑3 du code de la sécurité sociale.
([155]) Article D. 646‑1 du code de la sécurité sociale.
([156]) L’article D. 646‑1 du code de la sécurité sociale dispose que s’appliquent aux PAMC les « articles D. 623‑1, D. 623‑2, D. 623‑4, D. 623‑5 et D. 623‑6 » du même code à l’exclusion donc de l’article D. 623‑3 qui prévoit le montant planche en cas de faibles revenus.
([157]) Article L. 623‑1 du code de la sécurité sociale.
([158]) Article L. 331‑7 du code de la sécurité sociale.
([159]) Cour des comptes, « Les dépenses de congés de maternité et de paternité : des droits élargis, des progrès de gestion nécessaires », Rapport sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale, mai 2023.
([160]) Article D. 623‑4 du code de la sécurité sociale.
([161]) Voir notamment Tribunal judiciaire de Rennes, 18 février 2025 / n° 23/00102, ou Tribunal judiciaire de Bobigny, 19 décembre 2023 / n° 22/00804
([162]) Article R. 732‑19 du code rural et de la pêche maritime.
([163]) Cour des comptes, op. cit.
([164]) Cour des comptes, op. cit., p. 212.
([165]) Article 35 de la loi n° 2012‑387 du 22 mars 2012 relative à la simplification du droit et à l’allégement des démarches administratives.
([166]) Décret n° 2013‑266 du 28 mars 2013 relatif à la déclaration sociale nominative.
([167]) Article 37 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2023.
([168]) Décision n° 2022‑845 DC du 20 décembre 2022 du Conseil constitutionnel, Loi de financement de la sécurité sociale pour 2023, considérant n° 93.
([169]) Indemnités de maternité et de paternité comprises.
([170]) La convention d’objectifs et de gestion entre l’État et la Cnam 2023‑2027 le prévoit d’ailleurs explicitement puisque la Cnam « s’engage à rembourser les indemnités journalières en moins de 20 jours partout sur le territoire, aux assurés comme aux employeurs en cas de subrogation ». Les rapporteurs considèrent toutefois qu’un délai de vingt jours est trop long.
([171]) Article L. 1225‑21 du code du travail.
([172]) Article L. 331‑5 du code de la sécurité sociale.
([173]) Article R. 331‑6 du code de la sécurité sociale.
([174]) Article R. 323‑5 du code de la sécurité sociale.
([175]) Article R. 323‑4 du code de la sécurité sociale. Le plafond de 1,4 Smic est applicable aux arrêts de travail débutant à compter du 1er avril 2025, en application du décret n° 2025‑160 du 20 février 2025 relatif au plafond du revenu d’activité servant de base au calcul des indemnités journalières dues au titre de l’assurance maladie.
([176]) Le taux de remplacement des indemnités journalières de maladie est de 100 % mais s’applique sur une assiette constituée du salaire brut auquel on applique un abattement de 21 % censé refléter les cotisations et prélèvements sociaux sur les salaires.
([177]) Cour des comptes, op. cit.
([178]) Convention d’objectifs et de gestion entre l’État et la Caisse nationale de l’assurance maladie, 2023‑2027.
([179]) Voir la partie I.B.2 du présent rapport.
([180]) Loi n° 77‑766 du 12 juillet 1977 instituant un congé parental d’éducation.
([181]) L’allocation parentale d’éducation ne concernait, à ses débuts, que les parents interrompant ou réduisant leur activité professionnelle à la naissance de leur troisième enfant ou d’un enfant ultérieur.
([182]) Loi n° 2003‑1199 du 18 décembre 2003 de financement de la sécurité sociale pour 2004.
([183]) Les travaux préparatoires à la réforme du CLCA pointaient un « effet néfaste » de l’APE sur l’activité des femmes : « en effet, à l’heure actuelle, 25 % des femmes entrant dans le dispositif sont au chômage et 50 % le restent plusieurs années après la sortie » (rapport de M. Claude Gaillard, au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, sur le projet loi de financement de la sécurité sociale pour 2004, n° 1157, tome III, Famille).
([184]) Article 86 de la loi n° 2005‑1579 du 19 décembre 2005 de financement de la sécurité sociale pour 2006.
([185]) Article 8 de la loi n° 2014‑873 du 4 août 2014 pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes.
([186]) Voir notamment le rapport d’avril 2019 de la mission d’évaluation du congé parental d’éducation et de la prestation partagée d’éducation de l’enfant (PreParE) menée par l’Inspection générale des affaires sociales (Igas).
([187]) Le déficit de la branche famille s’élevait ainsi à 3,2 milliards d’euros en 2013, dernier résultat connu à la date d’adoption définitive de la loi du 4 août 2014.
([188]) Étude d’impact du projet de loi, p. 30. La même étude projetait des recettes supplémentaires liées à l’accroissement des cotisations hors cotisations familiales et du rendement de l’impôt sur le revenu de sorte que la réforme devait représenter une amélioration du solde de l’ensemble des finances publiques de près de 400 millions d’euros.
([189]) La durée maximale dont peut bénéficier un parent d’une famille monoparentale reste inchangée, c’est-à-dire trois ans.
([190]) Mathilde Guergoat‑Larivière, Mathieu Narcy et Florent Sari, « L’impact de la PreParE sur l’activité, les revenus et les modes de garde », France Stratégie et HCFEA, 2023.
([191]) Hélène Périvier et Grégory Verdugo, « Cinq ans après la réforme du congé parental (PreParE), les objectifs sont‑ils atteints ? », OFCE, Policy Brief n° 88, 6 avril 2021.
([192]) Buisson G., Pinel L., « Les bénéficiaires des prestations liées au congé parental : profils des mères et évolutions après la réforme de 2014 », Dossiers de la Drees n° 91, 2022.
([193]) Ibid.
([194]) Hélène Périvier et Grégory Verdugo, op. cit.
([195]) Mathilde Guergoat Larivière, Mathieu Narcy et Florent Sari, op. cit.
([196]) Mathilde Guergoat Larivière, Mathieu Narcy et Florent Sari, op. cit.
([197]) Voir notamment les travaux de l’Observatoire des inégalités : « La richesse a-t-elle un genre ? », 8 juillet 2024, qui montre que les revenus de la femme ne représentent en moyenne que 28 % dans les couples riches et 33 % dans les autres couples (données 2019 issues de l’enquête SRCV de l’Insee).
([198]) « Parental leave: Where are the fathers ? », OCDE, Policy Brief, mars 2016.
([199]) « Enjeux démographiques et accompagnement du désir d’enfant des familles », rapport du groupe de travail présidé par M. Hubert Brin, 1er mai 2005.
([200]) Shared Parental Leave.
([201]) Statutory Shared Parental Pay.
([202]) « Shared Parental Leave. Evaluation report », BEIS/DBT Research Paper Series Number 2023/010, Department for Business and Trade, Gouvernement britannique, juin 2023. https://assets.publishing.service.gov.uk/media/649d54be45b6a2000c3d4539/shared-parental-leave-evaluation-report-2023.pdf
([203]) Hélène Périvier et Grégory Verdugo, op. cit.
([204]) Ibid, p. 10.
([205]) Clémentine De Champs et Claudine Pirus (Drees), « Des stéréotypes de genre encore très ancrés, notamment chez les hommes », Études et Résultats n° 1294, février 2024.
([206]) « Paternité : organisation des temps professionnels et familiaux deux ans après la naissance d’un enfant », Les Dossiers de la Drees n° 126, janvier 2025, p. 5.
([207]) Ibid, p. 5.
([208]) Voir le I.C. du présent rapport.
([209]) Compte tenu du coût annuel moyen d’une place en crèche pour les administrations publiques, estimé à 13 000 euros par la Cour.
([210]) Cour des comptes, « La politique d’accueil du jeune enfant », rapport public thématique, décembre 2024, p. 127.
([211]) Dont le rapport de la Cour des comptes précité mais également le rapport de Mme Sarah Tanzilli fait au nom de la commission d’enquête sur le modèle économique des crèches et sur la qualité de l’accueil des jeunes enfants au sein de leurs établissements, n° 2660, déposé le lundi 27 mai 2024.
([212]) Article L. 1225-35 du code du travail.
([213]) Les Comptes de la Sécurité sociale, fiche « Congés maternité et paternité », mai 2024.
([214]) Rapport d’enquête pour la Drees coordonné par M. Ludovic Viévard, « Réforme du congé de paternité : modalités de recours, vécus, effets sur les inégalités femmes-hommes et la construction de la paternité », juin 2023.
([215]) Hélène Guedj et Marie-Clémence Le Pape (Drees), « Premiers jours de l’enfant : un temps de plus en plus sanctuarisé par les pères via le congé de paternité », Études et Résultats n° 1275, juillet 2023.
([216]) Alix Sponton, « Des pères absents ? Saisir la diversité du non-recours au congé de paternité à partir de méthodes mixtes », Population 2023/1.
([217]) Rapport de la deuxième vague de l’enquête Paternage, « Paternité : organisation des temps professionnels et familiaux deux ans après la naissance d’un enfant », sous la direction de Marie-Clémence Le Pape (Drees), publié dans « Les Dossiers de la Drees » n° 126, janvier 2025.
([218]) Ibidem.
([219]) Marie Cartier et al. « Allez les pères ! Les conditions de l’engagement des hommes dans le travail domestique et parental », Travail, genre et sociétés n° 46, novembre 2021.
([220]) Voir la partie III.A.1. du présent rapport.
([221]) Rapport de la deuxième vague de l’enquête Paternage, « Paternité : organisation des temps professionnels et familiaux deux ans après la naissance d’un enfant », sous la direction de Marie-Clémence Le Pape (Drees), publié dans « Les dossiers de la Drees » n° 126, janvier 2025.
([222]) Voir la partie II.B.2. du présent rapport et les recommandations des rapporteurs à ce sujet.
([223]) Loi n° 2025-595 du 30 juin 2025 visant à protéger les personnes engagées dans un projet parental des discriminations au travail.
([224]) Rapport annuel d’activité 2024 de la Défenseure des droits.
([225]) Voir décision du Défenseur des droits n° 2024-169 du 12 novembre 2024.
([226]) Voir règlement amiable RA-2024-038 du 16 avril 2024.
([227]) Compte rendu d’enquête quantitative sur le parcours de conciliation des parents de jeunes enfants, réalisé par l’Union nationale des associations familiales (Unaf), publié en octobre 2021.
([228]) Le don de jours de repos par un salarié au bénéfice d’un autre est né d’un mouvement de solidarité lancé par des salariés qui avaient décidé de faire don à un de leurs collègues dont l’enfant était gravement malade de jours de repos pour lui permettre, avec l’accord de la direction, de rester près de son enfant sans perte de revenu. Voir l’accord relatif à l’égalité professionnelle et à la qualité de vie au travail chez Michelin en date du 5 juin 2023.
([229]) En 2025, d’après les statistiques établies par le ministère du travail, la note moyenne des entreprises à l’index « égalité professionnelle » s’élève à 88,5 sur 100 points.
([230]) D’après le bilan annuel des négociations collectives des branches professionnelles réalisées pour l’année 2023 par la direction générale du travail (DGT).
([231]) En 2022, 36 % des entreprises de dix salariés ou plus du secteur privé non agricole sont couvertes par au moins une instance représentative du personnel, d’après la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares), « Les instances de représentation des salariés dans les entreprises en 2022 », mars 2024.
([232]) « Les entreprises en France », Insee Références, septembre 2025.
([233]) D’après les réponses écrites de la direction générale de l’administration et de la fonction publique (DGAFP) au questionnaire des rapporteurs.
([234]) Décret n° 2024-1263 du 30 décembre 2024 relatif aux conditions requises pour l’accès au temps partiel de certains agents de la fonction publique.
([235]) Rapport de la commission des 1000 premiers jours, « Les 1000 premiers jours. Là où tout commence », septembre 2020.
([236]) Alexandra Doncarli et al. « Prévalence de la dépression, de l’anxiété et des idées suicidaires à deux mois post-partum : données de l’enquête nationale périnatale 2021 en France hexagonale », septembre 2023.
([237]) Santé publique France-Inserm, « Les morts maternelles en France : mieux comprendre pour mieux prévenir. 7ème rapport de l’Enquête nationale confidentielle sur les morts maternelles (ENCMM) 2016-2018 », avril 2024.
([238]) Rapport de la commission des 1000 premiers jours, « Les 1000 premiers jours. Là où tout commence », septembre 2020.
([239]) Cet entretien, créé en 2007 et obligatoire depuis mai 2020, codifié à l’article L. 2122-1 du code de la santé publique, constitue le premier moment clef du parcours des « 1000 premiers jours ». Pris en charge à 100 % par l’assurance malade, il est réalisé pendant la grossesse auprès d’un professionnel de santé et ne constitue pas une consultation médicale (pas d’examen physique) mais davantage un entretien « d’écoute et de partage ». En 2023, 64 % des femmes enceintes en auraient bénéficié.
([240]) Instructions SGMCAS/2021/74 du 1er avril 2021 ; SGMCAS/2022/106 du 12 avril 2022 ; SGMCAS/2023/110 du 18 juillet 2023.
([241]) « Il s’agit de donner les moyens adéquats aux parents en termes de temps (à travers la question des congés) et d’offrir des solutions adaptées en termes de lieux (autour des structures d’accueil des jeunes enfants). » (p. 12 du rapport).
([242]) Voir le rapport issu de la commission des 1 000 premiers jours de l’enfant, p. 104.
([243]) Problématique bien documentée dans des rapports récents. Voir notamment Cour des comptes, « La politique d’accueil du jeune enfant », rapport public thématique, décembre 2024.
([244]) Rapport de Mme Sarah Tanzilli fait au nom de la commission d’enquête sur le modèle économique des crèches et sur la qualité de l’accueil des jeunes enfants au sein de leurs établissements, n° 2660, déposé le lundi 27 mai 2024.
([245]) Voir à ce sujet le rapport Igas-IGF, « Micro-crèches : modèles de financement et qualité d’accueil », janvier 2024.
([246]) Observatoire national de la petite enfance (Onape), « L’accueil des jeunes enfants – édition 2024 ».
([247]) Cnaf, « Pénurie de professionnels en établissements d’accueil du jeune enfant. », 2022.
([248]) Insee, « En 2022, des naissances au plus bas depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale », Insee Focus n° 307, septembre 2023.
([249]) Insee, « Bilan démographique 2024 – En 2024, la fécondité continue de diminuer, l’espérance de vie se stabilise », Insee Première n° 2023, janvier 2025.
([250]) Milian Bouchet-Valat et Laurent Toulemon, « Les Français·es veulent moins d’enfants », Population et Sociétés n° 635, juillet-août 2025.
([251]) Olivier Thévenon (Ined), « Politiques familiales, fécondité et emploi des femmes : apports et limites des comparaisons au niveau national », 2014.
([252]) Rapport d’évaluation des politiques de sécurité sociale annexé au projet de loi d’approbation des comptes de la sécurité sociale (Placss) pour 2024, branche famille, p. 10.
([253]) Inspection générale des affaires sociales et Inspection générale des finances, revue des dépenses socio‑fiscales en faveur de la politique familiale, juillet 2021.
([254]) Pétition n° 1067 déposée par Mme Gwladys Anthoine et mise en ligne le 20 octobre 2022.
([255]) « Les 1000 premiers jours. Là où tout commence », rapport de la commission des 1000 premiers jours, septembre 2020.
([256]) Ruhm CJ., Incidences de l’emploi des parents et des congés parentaux sur la santé et sur le développement des enfants in : Tremblay RE., Barr RG., Peters RDeV [eds], Encyclopédie sur le développement des jeunes enfants. Centre d’excellence pour le développement des jeunes enfants, 2003.
([257]) Voir la partie I.D. du présent rapport.
([258]) Cour des comptes, « La politique d’accueil du jeune enfant », rapport public thématique, décembre 2024, p. 179.
([259]) Qui tiennent au fait que les indemnités journalières sont des revenus de remplacement imposés au taux de 6,2 % là où les revenus d’activité sont imposés au taux de 9,2 %.
([260]) Réponses de la CCMSA au questionnaire des rapporteurs.
([261]) Aitken, Z. et al., The Maternal Health Outcomes of Paid Maternity Leave : A Systemic Review, Social Science and Medicine, 2025, 130 : pp. 32‑41.
([262]) Corboz-Warnery, A. et al, Systematic analysis of father-mother-baby interactions: The Lausanne triadic play. Infant Mental Health Journal, 2013. 14(4), pp. 298‑316.
([263]) Emmanuelle Auriol, Camille Landais et Nina Roussille, « Égalité hommes‑femmes : une question d’équité, un impératif économique », Les notes du Conseil d’analyse économique n° 83, novembre 2024.
([264]) France Stratégie-Haut-commissariat au plan, « Lutter contre les stéréotypes filles-garçons. Quel bilan de la décennie, quelles priorités d’ici à 2030 ? », mai 2025.
([265]) La durée du congé de paternité était alors limitée à onze jours.
([266]) Compte non tenu des effets de substitution sur le rendement de la CSG et de la CRDS et d’éventuelles moindres dépenses de CMG.
([267]) Conseil d’analyse économique, op. cit.
([268]) Dans une hypothèse où le taux de recours est inchangé et où la durée moyenne effective des congés de maternité était appliquée aux congés de paternité.
([269]) Paternité et maternité comprises.
([270]) Les rapporteurs notent que cette dénomination n’est pas très heureuse compte tenu du fait que le congé de naissance correspond déjà aux trois jours de congés suivant la naissance de l’enfant.
([271]) Conférence de presse de M. Emmanuel Macron, Président de la République, sur les priorités du nouveau Gouvernement en matière d’école, d’ordre public, d’économie, de natalité, d’égalité des chances, d’écologie, de services publics et de santé, à Paris le 16 janvier 2024.
([272]) Les rapporteurs comprennent que le salaire antérieur aurait été pris en compte dans la seule limite du plafond mensuel de la sécurité sociale. Pour l’année 2025, ce plafond étant fixé à 3 925 euros par mois, l’indemnisation maximale aurait été de 1 962,5 euros.
([273]) Courrier adressé aux rapporteurs par Mme Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles, juillet 2025.
([274]) Voir notamment « Parental leave: Where are the fathers ? », OCDE, Policy Brief, mars 2016, ou Marynissen, L. et al. (2019), « Fathers’ Parental Leave Uptake in Belgium and Sweden: Self‑Evident or Subject to Employment Characteristics ? », Social Sciences, Vol. 8/11, p. 312. Voir pour un exemple inverse, dans le cas britannique d’une faible indemnisation des congés parentaux : « Shared Parental Leave. Evaluation report », BEIS/DBT Research Paper Series Number 2023/010, Department for Business and Trade, Gouvernement britannique, juin 2023. https://assets.publishing.service.gov.uk/media/649d54be45b6a2000c3d4539/shared-parental-leave-evaluation-report-2023.pdf
([275]) Base de données de l’OCDE, PF2.1. systèmes de congés parentaux.
([276]) Haut-commissariat à la stratégie et au plan, « Lutter contre les stéréotypes filles-garçons. Quel bilan de la décennie, quelles priorités d’ici à 2030 ? », mai 2025.
([277]) C’est-à-dire une personne célibataire, divorcée, séparée, veuve ayant des enfants à charge.
([278]) L’article D. 531‑13 du code de la sécurité sociale prévoit que, lorsque la charge de l’enfant est assumée par une personne seule, celle‑ci peut bénéficier de la durée maximale de la prestation applicable selon le rang de l’enfant. Cela revient à lui octroyer le bénéfice des périodes réservées à l’autre parent.
([279]) Article 47 du décret n° 85‑986 du 16 septembre 1985 relatif au régime particulier de certaines positions des fonctionnaires de l’État, à la mise à disposition, à l’intégration et à la cessation définitive des fonctions. La borne d’âge permettant de bénéficier de cette disponibilité de droit a été augmentée du 8 à 12 ans par le décret n° 2020-529 du 5 mai 2020 modifiant les dispositions relatives au congé parental des fonctionnaires et à la disponibilité pour élever un enfant. Des dispositions identiques existent pour la fonction publique hospitalière et la fonction publique territoriale.
([280]) Article L. 612‑3 du code général de la fonction publique.
([281]) Cour des comptes, « La politique d’accueil du jeune enfant », rapport public thématique, décembre 2024, p. 183.
([282]) Cette économie correspond à la libération de 70 000 places en accueil formel évalué en moyenne à 13 000 euros par place. Le détail des calculs est accessible à l’annexe 13 du rapport de la Cour des comptes précité.
([283]) Voir le partie I.B.1 du présent rapport.
([284]) S’agissant de sa proposition d’allonger le congé de maternité, la Cour des comptes indique que « les places [d’accueil] libérées permettraient de satisfaire, sans délai, des parents actuellement sans solution d’accueil, en réutilisant, il est vrai, l’économie théorique de 450 M€ ». Cour des comptes, « La politique d’accueil du jeune enfant », rapport public thématique, décembre 2024, p. 123.
([285]) Notamment celles actuellement accessibles sur le site www.1000-premiers-jours.fr.
([286]) Rapport à la Commission des comptes de la sécurité sociale, juin 2025.
([287]) Annexe pluriannuelle à la loi n° 2025‑199 du 28 février 2025 de financement de la sécurité sociale pour 2025.
([288]) Le HCFEA retient deux scénarios : celui d’un maintien du nombre de naissances annuelles à son niveau de 2024 (663 000 naissances) et celui d’une baisse de 2,1 % par an, correspondant à l’évolution moyenne observée entre 2014 et 2024.
([289]) « Pour un redressement durable de la sécurité sociale », rapport conjoint du Haut Conseil pour l’avenir de l’assurance maladie, du Haut Conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge et du Haut Conseil pour le financement de la protection sociale, juin 2025, p. 285
([290]) Math A., 2023, « L’évolution de la politique familiale depuis 1950 revisitée à travers le rôle joué par son financement », La Revue de l’Ires, n° 110-111.
([291]) « Pour un redressement durable de la sécurité sociale », rapport conjoint du Haut Conseil pour l’avenir de l’assurance maladie, du Haut Conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge et du Haut Conseil pour le financement de la protection sociale, juin 2025, p. 99.
([292]) Rapport à la Commission des comptes de la sécurité sociale, juin 2025, p. 43.
([293]) Article 18 de la loi n° 2025‑199 du 28 février 2025 de financement de la sécurité sociale pour 2025.
([294]) Rapport, en nouvelle lecture, sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale, modifié par le Sénat, de financement de la sécurité sociale pour 2025 (n° 622), n° 869, déposé le jeudi 30 janvier 2025.
([295]) Décret n° 2025‑887 du 4 septembre 2025 relatif aux modalités d’applications de différents dispositifs de réduction et d’exonération de cotisations patronales de sécurité sociale.
([296]) Rapport n° 869 précité.
([297]) Rapport conjoint précité du Haut Conseil pour l’avenir de l’assurance maladie, du Haut Conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge et du Haut Conseil pour le financement de la protection sociale, juin 2025, p. 274.
([298]) Chopard M., Herbillon-Leprince S., Katossky A., Sigal M., « Retraites : simulation de trois scénarios d’évolution de la majoration de pension pour trois enfants », Les dossiers de la Drees, n° 128, mars 2025.
([299]) Secrétariat général du Conseil d’orientation des retraites, « Droits familiaux et conjugaux : masses financières en jeu et financement », document de travail n° 7, séance plénière du 19 octobre 2023.