LogoANnoir-v

TEXTE ADOPTÉ  107

« Petite loi »

__

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE

 

6 mai 2025

 

 

 

rÉsolution EUROPÉENNE

 

appelant à la libération immédiate et inconditionnelle
de
M. Boualem Sansal

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

L’Assemblée nationale a adopté la résolution dont la teneur suit :

 

 Voir les numéros : 852 rect., 914 et 1021.

 


1

L’Assemblée nationale,

Vu l’article 88‑4 de la Constitution,

Vu l’article 151‑5 du Règlement de l’Assemblée nationale,

Vu la résolution du Parlement européen du 23 janvier 2025 sur le cas de Boualem Sansal en Algérie (2025/2512[RSP]),

Vu la résolution du Parlement européen du 11 mai 2023 sur la liberté des médias et la liberté d’expression en Algérie, le cas du journaliste Ihsane El‑Kadi (2023/2661[RSP]),

Vu la résolution du Parlement européen du 3 mai 2022 sur la persécution des minorités fondée sur les convictions ou la religion (2021/2055[INI]),

Vu la résolution du Parlement européen du 26 novembre 2020 sur la détérioration de la situation des droits de l’homme en Algérie, en particulier le cas du journaliste Khaled Drareni (2020/2880[RSP]),

Vu la résolution du Parlement européen du 28 novembre 2019 sur la situation des libertés en Algérie (2019/2927[RSP]),

Vu la résolution du Parlement européen du 27 mars 2019 sur l’aprèsprintemps arabe : la voie à suivre pour la région MENA (2018/2160[INI]),

Vu la résolution du Parlement européen du 30 avril 2015 sur l’incarcération de militants des droits de l’homme et des travailleurs en Algérie (2015/2665[RSP]),

Vu la résolution du Parlement européen du 9 juin 2005 sur la liberté de la presse en Algérie,

Vu la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne,

Vu les orientations et les valeurs de l’Union européenne concernant la peine de mort, la torture et les autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, la liberté d’expression, en ligne et hors ligne, et les défenseurs des droits de l’homme,

Vu la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950, notamment ses articles 5 et 10 sur le droit à la liberté et à la sûreté et sur la liberté d’expression,

Vu la convention pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants du Conseil de l’Europe, faite à Strasbourg le 26 novembre 1987,

Vu la charte africaine des droits de l’homme et des peuples,

Vu l’article 40 de la Constitution de l’Algérie, qui proscrit toute forme de violence physique ou morale ou d’atteinte à la dignité. Cet article dénonce également tout traitement cruel, inhumain ou dégradant. Aussi, l’État algérien est garant de l’inviolabilité de la personne humaine,

Vu l’article 42 de la Constitution de l’Algérie, qui consacre l’inviolabilité de la liberté de conscience et de la liberté d’opinion,

Vu les articles 48 et 50 de cette même constitution, qui reconnaissent la liberté d’expression et la liberté de la presse et proscrivent toute forme de censure,

Vu l’accord euro-méditerranéen du 22 avril 2002 établissant une association entre la Communauté européenne et ses États membres, d’une part, et la République Algérienne démocratique et populaire, d’autre part,

Vu le rapport de la Commission européenne du 9 mars 2017 sur l’état des relations Union européenneAlgérie dans le cadre de la politique européenne de voisinage rénovée (SWD[2017] 109 final),

Vu les conclusions du Conseil d’association Union européenne‑Algérie du 7 décembre 2020,

Considérant que l’Algérie est signataire de la Déclaration universelle des droits de l’homme et qu’elle s’est engagée à garantir et à promouvoir la liberté d’expression, dans le strict respect de ses obligations internationales ;

Considérant que, le 16 novembre 2024, les autorités algériennes ont procédé à l’arrestation de l’écrivain franco‑algérien Boualem Sansal, connu pour ses prises de position fermes et publiques contre le régime en place, réclamant notamment la garantie de la liberté d’expression en Algérie. Il est demeuré introuvable pendant une semaine, période durant laquelle il lui a été interdit de communiquer avec sa famille et de consulter un avocat, en violation flagrante du droit international. M. Sansal a été interrogé sans la présence de son conseil juridique, portant ainsi atteinte à son droit à un procès équitable. Par la suite, il a été inculpé pour atteinte à la sûreté de l’État sur la base de l’article 87 bis du code pénal algérien, un texte souvent invoqué pour réprimer les critiques à l’égard du Gouvernement, y compris celles des défenseurs des droits de l’homme ;

Considérant que la promotion des droits humains, de la liberté d’expression et de la liberté de pensée est un objectif commun des États membres du Conseil de l’Europe et que ces principes doivent guider les relations de l’Union européenne avec ses partenaires extérieurs, conformément aux engagements pris dans la politique européenne de voisinage ;

Considérant que M. Boualem Sansal, âgé de quatre-vingts ans, est, depuis plusieurs mois, privé de la présence de sa famille, de ses proches et de ses repères habituels ; que la prolongation de sa détention fait naître de graves préoccupations quant à la préservation de son intégrité physique ; que ses filles, par une lettre ouverte du 15 avril 2025, ont publiquement exprimé leur vive inquiétude en décrivant une situation d’isolement, de maladie et de vulnérabilité croissante ;

Considérant les propos tenus par le Premier ministre en conférence de presse à l’issue du comité interministériel de contrôle de l’immigration du 26 février 2025, exprimant la grande inquiétude de la France quant à la santé de l’écrivain francoalgérien Boualem Sansal et aux pressions exercées sur lui et sur son entourage, notamment ses avocats, et réaffirmant ainsi l’importance accordée à sa personne ainsi qu’au respect qui lui est dû ;

Considérant que la liberté d’expression a régressé en Algérie. Le pays est classé à la cent trente‑neuvième place du classement mondial de la liberté de la presse de Reporters sans frontières en 2024 ;

Considérant l’adoption en Algérie en 2023 de trois lois sur les médias, dénoncées comme répressives par de nombreuses organisations non gouvernementales : la loi organique sur l’information, la loi relative à la presse écrite et électronique et la loi relative à l’activité audiovisuelle ;

Considérant, selon les chiffres des défenseurs des droits de l’homme en Algérie, que deux cent quinze personnes sont aujourd’hui détenues en Algérie comme « prisonniers d’opinion » ;

Considérant que, entre 2021 et 2024, l’Union européenne est demeurée un partenaire privilégié de l’Algérie, qu’elle souhaite le rester et qu’elle lui a versé 213 millions d’euros dans le cadre du programme indicatif pluriannuel ;

Considérant que les autorités françaises ont œuvré au maintien d’un cadre de dialogue constructif avec l’Algérie, ainsi qu’en atteste la visite à Alger, le 6 avril 2025, du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, au cours de laquelle les préoccupations de la France relatives à la condamnation de M. Boualem Sansal ont été expressément formulées, dans le plein respect des principes qui fondent son attachement à la liberté d’expression et à la protection des droits fondamentaux ;

1. Rappelle les liens d’amitié et de respect qui lient les peuples algérien et français et souhaite que les éventuelles tensions diplomatiques entre deux États souverains n’aient pas de répercussions directes sur les destins et les droits des individus ;

2. Condamne fortement l’arrestation et la détention de M. Boualem Sansal et réclame sa libération immédiate et inconditionnelle ;

3. Appelle les autorités algériennes à un geste humanitaire, compte tenu de la situation humaine et sanitaire dégradée de M. Boualem Sansal, en le libérant ;

4. Condamne la détention en Algérie des personnes considérées comme « prisonniers d’opinion », notamment les militants, journalistes, blogueurs ou défenseurs des droits de l’homme, réclame leur libération et demande l’envoi d’une mission internationale indépendante, sous l’égide du Haut‑Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme ou en coopération avec des mécanismes du Conseil de l’Europe spécialisés dans la prévention de la torture, afin d’évaluer les conditions de détention de M. Boualem Sansal et d’autres prisonniers d’opinion en Algérie ;

5. Condamne les méthodes d’intimidation du régime algérien qui réduisent, de fait, la liberté d’expression et la liberté de la presse ;

6. Appelle le Gouvernement ainsi que la Commission européenne à appeler aux autorités algériennes à respecter le droit de la défense de M. Boualem Sansal et à permettre à son avocat de le rejoindre à Alger pour le défendre ;

7. Appelle à la mise en place d’une mission médicale internationale afin d’évaluer l’état de santé de M. Boualem Sansal ;

8. Appelle le Gouvernement à nommer M. Boualem Sansal ambassadeur de la francophonie ;

9. Invite le Gouvernement ainsi que la Commission européenne à inscrire la promotion de l’État de droit et des libertés fondamentales au cœur du dialogue avec l’Algérie, en veillant à ce que les engagements internationaux en matière de droits humains soient pleinement respectés et en intégrant des mécanismes de suivi dans les discussions bilatérales et multilatérales ;

10. Invite le Gouvernement, la Commission européenne et le Conseil européen à veiller à ce que toute coopération renforcée avec l’Algérie soit subordonnée à des avancées concrètes et mesurables en matière d’État de droit et de libertés fondamentales et à faire de la libération de M. Boualem Sansal une exigence préalable dans le cadre des discussions sur la modernisation de l’accord d’association entre l’Union européenne et l’Algérie.

 

 

Délibéré en séance publique, à Paris, le 6 mai 2025.

 

 La Présidente,

Signé : Yaël BRAUN-PIVET