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N° 172

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

  QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 25 septembre 2017.

AVIS

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES
SUR LE PROJET DE LOI mettant fin à la recherche
ainsi qu’à l’exploitation des hydrocarbures conventionnels et non conventionnels et portant diverses dispositions relatives à l’énergie et à l’environnement (n° 155)

PAR Mme célia de lavergne

Députée

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 Voir les numéros : 155 et 174.


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SOMMAIRE

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 Pages

introduction

I. Un projet de loi ambitieux contre le réchauffement climatique

A. une trajectoire politique forte

1. Vers la fin de lexploration et de lexploitation des hydrocarbures en France...

2. ... dans un objectif de limitation du réchauffement climatique

B. Une loi nécessitant des mesures daccompagnement à moyen terme

1. Renforcer les activités de R&D pour trouver des solutions alternatives aux hydrocarbures

2. Accompagner les entreprises dans leur reconversion

3. Accompagner les territoires confrontés à une perte de recettes

II. le stockage dE gaz : une réforme urgente à mettre en œuvre (Article 4)

A. lÉtat du droit

1. Les stockages souterrains de gaz naturel : un maillon logistique essentiel de lapprovisionnement gazier de la France

2. Les problèmes liés au dispositif de stockage existant

3. Des tentatives de réforme structurelles qui nont pour linstant pas abouti

B. Les dispositions du projet de loi

1. La réforme du stockage de gaz

a. Lhabilitation

b. Le contenu de lordonnance

2. Les dispositions complémentaires visant à assurer le bon fonctionnement du système gazier

C. La position de la commission

III. Le contraT unique : un dispositif à sécuriser juridiquement (article 5)

A. lÉtat du droit

B. Les dispositions du projet de loi

1. De nouvelles compétences octroyées à la Commission de régulation de lénergie

2. Les éléments et montants de rémunération envisagés

C. La position de la commission

IV. Les articles additionnels adoptés par la commission

A. les réseaux intérieurs de distribution (article 5 bis)

B. Le raccordement des éoliennes en mer (article 5 bis)

C. L’information du consommateur relative au type de gaz fourni (article 5 ter)

TRAVAUX EN COMMISSION

I. discussion générale

II. EXAMEN DES ARTICLES

Chapitre Ier Arrêt de la recherche et de l’exploitation des hydrocarbures dans le cadre de la lutte contre le réchauffement climatique

Avant l’article 1er

Article 1er Arrêt progressif de l’exploration et de l’exploitation des hydrocarbures

Après l’article 1er

Article 2 Dispositions relatives à l’entrée en vigueur de l’article 1er

Article 3 Suppression de la Commission nationale d'orientation, de suivi et d'évaluation des techniques d'exploration et d'exploitation des hydrocarbures liquides et gazeux

Après l’article 3

Chapitre II Dispositions relatives aux stockages et aux consommateurs de gaz

Article 4 Réforme du stockage souterrain de gaz naturel

Chapitre III Dispositions relatives aux relations entre fournisseurs et gestionnaires de réseaux

Article 5 (articles L. 134-1, L. 134-2, L. 341-4-3 et L. 452-3-1 [nouveaux] du code de l’énergie) Sécurisation du dispositif du contrat unique

Après l’article 5

Chapitre IV Dispositions relatives aux contrôles des biocarburants

Article 6 (articles L. 661-4 et L. 661-10 à L.661-20 [nouveaux] du code de lénergie) Performance environnementale des biocarburants et contrôle du non-respect des règles de durabilité : transposition de la directive (UE) 2015/1513 du 9 septembre 2015

Chapitre V Dispositions relatives à la réduction des émissions de certains polluants atmosphériques

Article 7 (article L. 222-9 du code de lenvironnement) Réduction des émissions de polluants atmosphériques : transposition de la directive 2016/2284 du 14 décembre 2016

Après l’article 7

Article 8  Dispositions relatives à l’application outre-mer des articles 1er et 2

Liste des personnes auditionnées

Annexe 1 : tarifs du commissionnement

ANNEXE 2 : concessions de mines dhydrocarbures

ANNEXE 3 : permis exclusifs de recherches de mines d’hydrocarbures


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   introduction

L’accord de Paris, adopté le 12 décembre 2015 à l’issue de la COP21, prévoit de limiter l’augmentation de la température en deçà de 2°C par rapport aux niveaux préindustriels, et de tendre vers un objectif de 1,5°C. Les travaux du groupe d’experts intergouvernementaux sur l’évolution du climat (GIEC) montrent que cet objectif impose de laisser dans le sous-sol 80 % des réserves fossiles (pétrole, gaz, charbon) déjà connues.

Dans cette droite lignée, à l’échelle de la France, M. Nicolas Hulot, ministre d’État à la transition écologique et solidaire a présenté le plan climat le 6 juillet 2017. Le présent projet de loi constitue un élément clé de l’axe 9 du plan intitulé « laisser les hydrocarbures dans le sous-sol ».

Il est essentiel de noter que ce projet de loi s’inscrit donc dans un ensemble bien plus large de mesures formant un tout cohérent et ambitieux, qui doit permettre à la France de prendre sa part dans la lutte contre le dérèglement climatique, de manière responsable et engagée, tout en entraînant, autant que possible, d’autres pays dans ce combat qui nous oblige vis-à-vis des générations futures.

Le projet de loi a, en réalité, une double finalité. La première, à la fois la plus symbolique et la plus ambitieuse, est de mettre fin à l’exploration et à l’exploitation des hydrocarbures sur le sol français à l’horizon 2040. C’est sans doute la mesure phare de ce projet de loi qui envoie un nouveau signal extrêmement fort, notamment à l’international, quant à la volonté de la France de s’engager résolument, de manière progressive mais irréversible, dans la lutte contre le dérèglement climatique. Ce signal pourrait avoir un effet d’entraînement sur d’autres pays et permettre une action responsable collective à l’échelle de la planète.

La seconde finalité du texte n’est pas moins importante puisqu’il s’agit de prendre un certain nombre de dispositions afin d’assurer notre sécurité d’approvisionnement en gaz naturel et de protéger les consommateurs finaux d’électricité ou de gaz. Ces dispositions sont utiles voire urgentes à mettre en œuvre.

Plus spécifiquement, les articles 1er, 2, 3 et 8 traitent de la fin de l’exploration et de l’exploitation des hydrocarbures. L’article 4 autorise le Gouvernement à légiférer par ordonnance pour prendre des dispositions concernant la sécurité d’approvisionnement en gaz naturel des consommateurs français et, en particulier, la mise en place d’une régulation pour les infrastructures de stockages souterrains de gaz. L’article 5 sécurise le dispositif du contrat unique de fourniture et de distribution de gaz ou d’électricité. L’article 6 transpose les mesures au niveau législatif prévues par la directive européenne 2015/1513 ([1]) définissant les sanctions applicables à tous les acteurs concernés par la « chaîne biocarburants ». L’article 7 transpose la directive européenne 2016/2284 ([2]) en prévoyant notamment une révision du Plan national de réduction des émissions de polluants atmosphériques (PRÉPA) tous les 4 ans au lieu de tous les 5 ans.

La commission des affaires économiques s’est saisie pour avis de l’ensemble du texte et a bénéficié d’une délégation au fond sur les articles 4 et 5 du projet de loi. Votre rapporteure a mené, conjointement avec le rapporteur de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, un certain nombre d’auditions. Force est de constater que si tous les acteurs ne partagent pas exactement le même point de vue sur les dispositions du projet de loi, nombreux sont ceux qui les considèrent utiles voire nécessaires et bien équilibrées. C’est également l’avis de votre rapporteure qui a néanmoins proposé à la commission un certain nombre d’amendements afin de sécuriser juridiquement certaines situations existantes, de renforcer la protection des consommateurs finaux et de préserver l’équilibre économique des acteurs concernés par les réformes mises en place par le texte.

Ce rapport porte en priorité sur les articles 4 et 5 pour lesquels la commission des affaires économiques a bénéficié d’une délégation au fond. Les amendements adoptés sur ces articles par la commission ont tous été adoptés par la suite par la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, conformément au principe de la délégation.

 


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I.   Un projet de loi ambitieux contre le réchauffement climatique

Le présent projet de loi est ambitieux, à la hauteur du défi posé par le réchauffement climatique auquel nous sommes aujourd’hui confrontés. S’il ne constitue qu’une brique d’un ensemble plus large de mesures, son adoption pourrait envoyer un signal fort et servir d’exemple à bien d’autres pays.

A.   une trajectoire politique forte

Loin d’être un texte purement symbolique, ce projet de loi décline concrètement l’axe 9 du Plan climat, intitulé « laisser les hydrocarbures dans le sous-sol ». La France est le premier pays au monde à proposer un projet de loi visant à interdire la recherche et l’exploitation des hydrocarbures sur son territoire.

1.   Vers la fin de l’exploration et de l’exploitation des hydrocarbures en France...

Aujourd’hui, la France dispose d’une soixantaine de gisements pétroliers et gaziers en exploitation. Avec une production de 0,8 million de tonnes de pétrole et de 0,16 milliard de mètres cubes de gaz en 2015, la production d’hydrocarbures en France représente 1 % de la consommation nationale. La France doit donc importer 99 % de sa consommation d’hydrocarbures. En 2015, le coût d’importation des énergies fossiles depuis l’étranger s’élevait à 39,7 milliards d’euros, environ 9 Mds € d’importations pour le gaz naturel et 31 Mds € d’importations pour le pétrole.

Le terme hydrocarbures est un terme générique qui rassemble les énergies fossiles sous forme liquide (pétrole) ou gazeux (gaz naturel). On peut distinguer deux types d’hydrocarbures :

– les hydrocarbures qualifiés de conventionnels contenus dans des réservoirs perméables et exploités par l’intermédiaire de forages classiques ;

– les hydrocarbures dits non conventionnels (comme le gaz ou l’huile de schiste, les sables bitumineux, les hydrates de méthane...) nécessitant le recours à des techniques spécifiques d’extraction, de fracturation ou de stimulation ayant un fort impact environnemental. La seule technique existant aujourd’hui est celle de la fracturation hydraulique, d’ores et déjà interdite par la loi du 13 juillet 2011 visant à interdire l’exploration et l’exploitation des mines d’hydrocarbures liquides ou gazeux par fracturation hydraulique et à abroger les permis exclusifs de recherches comportant des projets ayant recours à cette technique.

Le code minier ne donne ni de définition claire de ce que sont des hydrocarbures conventionnels et non conventionnels, ni ne distingue ces deux types de gisements. Par ailleurs, il n’existe pas à ce jour de définition consensuelle sur le plan technique et scientifique.

L’exploration et la production d’hydrocarbures sont soumises aux dispositions du code minier. La loi distingue plusieurs étapes : l’exploration et l’exploitation, pour chacune desquelles l’attribution d’un titre spécifique est nécessaire, puis l’obtention d’une autorisation administrative pour l’ouverture de certains travaux en découlant. Un titre d’exploration peut être délivré pour une durée initiale allant jusqu’à cinq ans et être renouvelé jusqu’à une durée totale de quinze ans. Un titre d’exploitation peut être accordé pour une durée initiale allant jusqu’à cinquante ans et être prolongé par périodes de vingt-cinq ans. 31 permis exclusifs de recherches d’hydrocarbures conventionnels sont en cours de validité aujourd’hui en France ainsi que 63 concessions pour une superficie globale de 4 000 km² sur les bassins parisien et aquitain et en Alsace. Ces permis et concessions figurent en annexe au présent rapport.

À noter que ce projet de loi n’a pas pour objectif de modifier en profondeur le code minier. Le ministère de la transition écologique et solidaire a confirmé à votre rapporteure qu’une réflexion globale sur l’optimisation de la gestion de nos ressources aurait lieu prochainement afin d’amorcer, dans les meilleures conditions, une réforme structurelle du code minier qui abordera la question des mines non énergétiques et l’après-mine. Cette réforme devrait intervenir dès 2018, elle est très attendue par les différents acteurs de terrain.

Le projet de loi vise, lui, à engager, de manière prévisible, progressive et irréversible, la sortie de la production d’hydrocarbures à l’horizon 2040. Il prévoit :

– l’interdiction d’octroyer des nouveaux permis de recherches d’hydrocarbures ainsi que de prolonger les concessions en cours au-delà de 2040 sur le territoire français ;

– la possibilité de prolonger les permis exclusifs de recherches d’hydrocarbures déjà attribués et d’octroyer une concession d’exploitation faisant suite à un permis de recherches (« droit de suite ») ;

– la création d’une exception pour le gaz de mine (grisou), c’est-à-dire le maintien de la possibilité de le rechercher et de l’exploiter, pour des raisons de sécurité et de protection de l’environnement.

2.   ... dans un objectif de limitation du réchauffement climatique

L’arrêt de la production nationale d’hydrocarbures trouve sa justification dans la poursuite de l’objectif plus global de limitation du réchauffement climatique. Le 5e rapport du groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) indique en effet qu’il est nécessaire de renoncer à l’exploitation d’au minimum 80 % des ressources d’hydrocarbures pour limiter la hausse de la température à 2°C à l’échelle mondiale.

La France s’est, à cette fin, dotée d’une stratégie, rappelée à l’article L. 100-4 du code de l’énergie, conduisant à une réduction de 30 % de sa consommation énergétique primaire de combustibles fossiles en 2030, par rapport à 2012. Le plan climat présenté par M. Nicolas Hulot le 6 juillet 2017 y ajoute un objectif de neutralité carbone d’ici 2050.

L’objectif de ce projet de loi est d’agir, directement sur la production des hydrocarbures. Comme le souligne le Conseil d’État dans son avis ([3]), de nouvelles recherches engagées aujourd’hui pourraient conduire, en 2030 ou en 2050, à des niveaux de production incompatibles avec les objectifs de lutte contre le réchauffement climatique.

Ce projet de loi doit être envisagé comme faisant partie d’un ensemble plus large de mesures mettant en œuvre, à l’échelle nationale, l’accord de Paris. Parmi ces mesures figurent notamment celles prévues par le Plan climat lancé le 6 juillet 2017 par le ministre d’État, Nicolas Hulot.

Les principales mesures du Plan climat :

– viser la neutralité carbone à horizon 2050 ;

– aller vers la fin de la vente des voitures essence ou diesel en 2040, pour encourager les constructeurs automobiles à innover et devenir leaders de ce marché ;

– faire converger la fiscalité entre le diesel et l’essence avant 2022 et accélérer la montée en puissance du prix du carbone ;

– aider les Français à changer de véhicule et trouver des solutions pour réduire leur facture de chauffage ;

– arrêter l’utilisation du charbon dans la production d’électricité ; soutenir les énergies renouvelables pour atteindre l’objectif de 32 % d’énergies renouvelables en 2030 ;

– faire disparaître en dix ans les « passoires thermiques », logements qui, mal isolés, conduisent à la précarité énergétique.

La France est le premier pays au monde à proposer un projet de loi visant à interdire la recherche et l’exploitation des hydrocarbures sur son territoire. L’objectif est de porter un message politique emblématique à l’international et d’inciter d’autres pays à prendre des dispositions similaires. Lors du débat d’ouverture de la 72e session de l’Assemblée générale des Nations Unies à New York, ce projet de loi, présenté par le ministre d’État Nicolas Hulot, a d’ores et déjà suscité des débats constructifs et positifs.

Votre rapporteure se félicite de ce que le message politique n’ait pas fait abstraction des réalités économiques. Ces dernières ont bien été prises en compte, notamment à la suite du passage du texte en Conseil d’État. Le projet de loi est désormais équilibré en ce qu’il concilie les prérogatives de l’État en matière de politique minière avec les droits et libertés des différents acteurs. C’est pour préserver les droits acquis des opérateurs économiques que la date de 2040 n’est pas une date butoir : cinq concessions arriveront à échéance après cette date (la plus tardive, octroyée en 2004, arrivant à échéance en 2054) et de nouvelles concessions, obtenues en application du « droit de suite », sont également susceptibles d’arriver à échéance après 2040. Comme le souligne l’étude d’impact, les niveaux de production d’hydrocarbures après 2040 devraient néanmoins être très faibles.

Ce projet de loi permet donc, tout à la fois de mettre en œuvre des dispositions fortes contre le réchauffement climatique et de prendre en compte les exigences constitutionnelles en matière de droits et libertés des acteurs économiques.

B.   Une loi nécessitant des mesures d’accompagnement à moyen terme

Le caractère progressif de la sortie de l’exploitation des hydrocarbures à l’horizon 2040 doit permettre d’accompagner les entreprises et les territoires dans leur reconversion. Cet engagement courageux de sortie des hydrocarbures doit bien évidemment veiller à éviter l’apparition de déserts industriels, par l’anticipation (tout à fait organisable compte tenu de la date de 2040) et l’orientation de ces territoires vers des secteurs d’avenir.

1.   Renforcer les activités de R&D pour trouver des solutions alternatives aux hydrocarbures

Le constat est sans appel : la France ne pourra pas totalement se passer d’hydrocarbures à l’horizon 2040.

Certes, la consommation d’hydrocarbures aura fortement diminué d’ici là, la France s’étant fixé des objectifs ambitieux en matière de baisse de consommation des énergies fossiles. La France sera ainsi beaucoup moins dépendante des hydrocarbures dans le domaine de la mobilité. Des solutions alternatives économiques et efficaces aux hydrocarbures voient déjà le jour : les biocarburants, dont il est d’ailleurs question à l’article 6 du projet de loi, sont davantage incorporés dans l’essence et le gazole, les voitures hybrides et électriques sont de plus en plus présentes sur le marché et le gaz renouvelable permet d’alimenter des flottes de plus en plus importantes de véhicules.

Les hydrocarbures sont toutefois utilisés dans d’autres domaines dans lesquels il n’existe pas encore d’alternatives propres et économiquement viables. Par exemple, pour la pétrochimie (caoutchoucs, plastiques, textiles, chimie), de nombreux efforts sont entrepris pour mettre au point de nouveaux procédés permettant de substituer au naphta, issu du pétrole brut, d’autres matières premières (comme le sucre ou les déchets) mais il reste encore du chemin à parcourir afin d’adapter les procédés chimiques classiques (catalyse, milieux réactionnels, voies d’activation...) aux matières premières renouvelables.

Il est donc nécessaire de soutenir et d’accélérer la recherche, publique et privée, ainsi que le déploiement à grande échelle d’alternatives propres et économiquement viables aux usages actuels et variés, des hydrocarbures. Comme l’a rappelé le ministre d’État Nicolas Hulot lors de l’examen du texte en commission des affaires économiques, « la contrainte n’est pas l’ennemie de l’innovation, elle en est bien souvent la condition ».

2.   Accompagner les entreprises dans leur reconversion

L’activité consacrée à l’exploration et la production d’hydrocarbures sur le territoire représentent, en 2017, 1 500 emplois directs et 4 000 emplois indirects, principalement en Aquitaine (Parentis, Lacq), en Seine-et-Marne, dans la Marne ou en Moselle. Les acteurs de l’exploration-production nourrissent l’activité d’un important réseau de fournisseurs de biens et de services par les achats et commandes qu’ils passent à des entreprises de toutes tailles (sociétés de transport, de manutention, de génie civil, électriciens, grutiers, chaudronniers, soudeurs, contrôleurs d’installations, fabricants de tubulaires, ingénieurs de l’environnement, bureaux d’études, etc.). L’écosystème lié à l’exploration et à la production d’hydrocarbures est donc loin d’être négligeable en France.

Certes, comme le souligne l’étude d’impact, les conséquences de l’arrêt de l’activité exploration et production sur le territoire national sur les entreprises de ce secteur sera limité par le poids de l’export dans leur activité. D’après une étude ([4]) du pôle interministériel de prospective et d’anticipation des mutations économiques (PIPAME), l’essentiel du chiffre d’affaires des entreprises spécialisées dans ce secteur est réalisé à l’export (environ 75 %). La filière compte également près de 700 entreprises non spécialisées (équipements mécaniques et électroniques, tuyauterie-robinetterie, services de maintenance…) qui effectuent en moyenne de l’ordre de 20 % de leur chiffre d’affaires sur la filière et 40 % à l’export.

Il est toutefois nécessaire de trouver les bons outils pour accompagner les entreprises et les salariés dans leur reconversion. C’est également ce sur quoi insistent les membres du Conseil national de la transition écologique (CNTE) qui appellent le Gouvernement, dans leur délibération ([5]), à proposer des actions dans ce sens, notamment par la mobilisation des futurs contrats de transition écologique.

Votre rapporteure est convaincue :

– de la capacité collective à anticiper l’échéance de 2040, par des stratégies industrielles publiques et privées, notamment en termes de gestion des ressources humaines et d’anticipation de l’avenir de l’outil industriel existant, éventuellement accompagnée par la puissance publique, afin de garantir à ces entreprises une reconversion positive ;

– des opportunités de transferts de technologies et de compétences entre la filière hydrocarbures et d’autres filières, existantes ou en cours de structuration et qui sont au cœur de la transition énergétique. Les compétences acquises pour l’extraction d’hydrocarbures permettront d’offrir de nouveaux débouchés aux entreprises travaillant aujourd’hui dans cette filière. Les opportunités d’ores et déjà identifiées concernent le stockage de la chaleur, utilisé aujourd’hui pour remplacer, limiter ou déplacer la consommation d’électricité, en majeure partie dans les systèmes de refroidissement. Son principe consiste à utiliser l’inertie thermique du sous-sol pour stocker la chaleur excédentaire. Un autre débouché, dont ont fait part les certains acteurs auditionnés, est le stockage géologique d’hydrogène. Le stockage en milieu poreux (gisements d’hydrocarbures déplétés ([6]) ou nappes aquifères) pourrait être une solution face à la croissance potentielle attendue du marché de l’hydrogène.

 

Opportunités de transferts de technologies : l’exemple de la géothermie

E&P : filière exploration et production de pétrole et de gaz

HT / HP : haute pression / haute température

Source : IGPEN et BRGM

L’État a donc un rôle à jouer, notamment dans la mise en place de formations continues, pour aider ces transferts de compétences, vecteurs d’une transition énergétique et écologique réussie.

3.   Accompagner les territoires confrontés à une perte de recettes

Les territoires bénéficiant de redevances liées à l’extraction d’hydrocarbures verront leurs recettes diminuer à la suite de l’adoption du présent projet de loi. Ils doivent donc être accompagnés à court et moyen terme pour faire face à ces moindres ressources fiscales.

L’extraction d’hydrocarbures en France est soumise à deux types de redevances :

– la redevance progressive des mines (5,57 millions d’euros en 2016) ; Son taux d’imposition se calcule selon des tranches progressives de production exprimées en « tonnes par an ». Elle est payée par 7 sociétés (Vermilion REP, Lundin, Geopetrol, SPPE, Petrorep, Bridgeoil et Oelweg) ;

– les redevances communale et départementale des mines ou RDCM (14,22 millions d’euros en 2016). Les taux d’imposition sont publiés chaque année dans la loi de finances et s’appliquent en euros par tonne de pétrole ou en euros par mètre cube de gaz extraits du sous-sol. Elle est payée par 2 sociétés (Vermilion REP, Lundin). Le mode de répartition, régi par le code des impôts, tient compte de plusieurs facteurs dont la localisation des puits producteurs en surface et la localisation des infrastructures participant à l’extraction.

Dans le cadre du prochain projet de loi de finances, le Gouvernement semble avoir pris en compte cette préoccupation puisqu’il envisage une réforme de la redevance : la redevance à taux progressif, qui était en 2016 de 5,57 millions d’euros, passerait à 23 M€ puis diminuerait progressivement jusqu’en 2040.

Évolution des redevances d’ici à 2040

http://www.assemblee-nationale.fr/15/projets/pl0155-ei-2.gif

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Source : Étude d’impact

Au-delà de l’aspect purement financier, ces territoires doivent être guidés vers le nouveau modèle énergétique, économique et sociétal que nous souhaitons voir émerger. Le ministre d’État Nicolas Hulot s’est ainsi engagé, lors de son audition devant la commission des affaires économiques, à proposer une feuille de route précise portant sur l’accompagnement des personnes et des territoires concernés par ce projet de loi.

II.   le stockage dE gaz : une réforme urgente à mettre en œuvre (Article 4)

L’article 4 autorise le Gouvernement à légiférer par ordonnance pour prendre des dispositions concernant la sécurité d’approvisionnement en gaz naturel des consommateurs français et, en particulier, la mise en place d’une régulation pour les infrastructures de stockages souterrains de gaz permettant de mieux garantir la disponibilité du gaz en hiver, tout en maîtrisant le coût de cette sécurité pour les consommateurs.

A.   l’État du droit

1.   Les stockages souterrains de gaz naturel : un maillon logistique essentiel de l’approvisionnement gazier de la France

Le gaz naturel représente 14,2 % de la consommation d’énergie primaire en France. La demande française de gaz naturel est satisfaite, à plus de 99 %, par des importations. Le gaz naturel provient de la Norvège (38 %), de la Russie (12 %), des Pays-Bas (11 %) et de l’Algérie (9,5 %).

Le réseau de transport de gaz, géré par l’entreprise GRTgaz, permet l’importation du gaz depuis les interconnexions terrestres avec les pays limitrophes et depuis les terminaux méthaniers où le gaz arrive sous forme liquide avant d’être regazéifié. Le réseau de transport est ensuite chargé d’acheminer le gaz vers les points de sortie, soit vers les clients directement raccordés au réseau de transport (gros industriels ou centrales à cycle combiné notamment), soit vers le réseau de distribution géré principalement par l’entreprise GRDF et par les distributeurs locaux (ELD).

Plusieurs méthodes permettent de stocker le gaz soit dans des sites aériens (sous la forme de réservoirs cylindriques stockant le gaz à pression atmosphérique à l’état liquide ou gazeux), soit dans des sites souterrains. Le stockage souterrain est le moyen technique le plus efficace, le plus économique et le plus sûr en matière de respect de l’environnement. Selon les structures géologiques disponibles, le gaz peut être stocké dans des gisements épuisés (c’est-à-dire d’anciens gisements d’hydrocarbures reconvertis pour le stockage), dans des nappes aquifères ou dans des cavités salines.

Les 700 sites de stockage souterrains présents dans le monde renferment un volume équivalent à plus de 10 % de la consommation mondiale annuelle. 414 se trouvent aux États-Unis et 144 en Europe, dont 15 en France.

 

 

Liste des sites de stockage de gaz en France

Source : Rapport sur le stockage souterrain de gaz, avril 2017, de l’Inspection générale des finances, du conseil général de l’environnement et du développement durable et du conseil général de l’économie, de l’industrie, de l’énergie et des technologies

Le stockage de gaz répond à d’importants enjeux :

– il permet de pallier les défaillances des fournisseurs (qui peuvent être de nature technique ou politique) ;

– il permet d’équilibrer les approvisionnements, relativement constants au cours de l’année, et les besoins en gaz naturel qui varient fortement suivant les saisons. En France, la consommation de gaz naturel est 8 fois plus importante en hiver qu’en été : durant la période hivernale, le stockage du gaz permet de répondre à plus de 60 % de la demande française en gaz ;

– il permet d’assurer l’équilibre entre l’offre et la demande à un coût plus avantageux. Les acteurs gaziers peuvent décider de stocker le gaz lorsque son prix est faible et le revendre ensuite lorsque le prix est plus élevé ;

– il permet de réguler le réseau en cas de difficultés techniques d’équilibrage ou de congestion.

2.   Les problèmes liés au dispositif de stockage existant

En France, les sites de stockage souterrains sont gérés par deux entreprises gestionnaires de stockage ([7]) :

– Storengy, filiale d’Engie (à 100 %), qui gère trois-quarts des sites ;

– TIGF, revendue par Total à un consortium associant la société italienne d’infrastructures gazières SNAM (45 %), le fonds d’investissement singapourien GIC (35 %) et EDF (20 %), qui gère le reste des sites dans le Sud-Ouest.

Les fournisseurs de gaz, dont les clients se trouvent sur le réseau de distribution et ne sont pas délestables, ont des obligations individuelles de souscription de capacité de stockage auprès de Storengy ou de TIGF. Ces obligations doivent être remplies au 1er novembre de chaque année. Elles dépendent du nombre de clients des fournisseurs et ont été renforcées par le décret n° 2014-328 du 12 mars 2014. Elles représentent environ 25 % du volume vendu annuellement et couvrent le risque de pointe d’hiver de probabilité 2 % ([8]) (c’est-à-dire un hiver froid tel qu’il en existe une fois tous les 50 ans).

Le cadre actuel n’est pas satisfaisant, et ce pour deux raisons :

– en raison de sa fragilité juridique :

Le cadre juridique actuel est susceptible d’être annulé. Certains fournisseurs réunis dans l’Uprigaz (Union des fournisseurs privés de gaz) ont en effet déposé un recours pour excès de pouvoir devant le Conseil d’État à l’encontre du décret susmentionné. Le Conseil d’État a transmis à la Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE) ([9]) deux questions préjudicielles. Si la décision finale de la CJUE, qui doit intervenir prochainement, n’est pas encore connue, force est de constater que les conclusions remises fin juillet 2017 par l’avocat général de la CJUE soulignent la fragilité juridique du cadre français actuel ;

– en raison de son incapacité à assurer le remplissage des stockages et la sécurité dapprovisionnement :

La difficulté du système actuel tient au fait que les opérateurs de stockage, qui peuvent fixer librement leurs tarifs, pratiquent des tarifs de stockage relativement élevés. Ces tarifs étant plus importants que l’écart entre les prix du gaz (spread) l’été et l’hiver, les fournisseurs ne sont pas incités à respecter leurs obligations de stockage. Les capacités ne sont pas complètes en début d’hiver, sauf complément apporté par les stockeurs eux-mêmes.

Évolution des spreads été-hiver depuis 2009

Source : DGEC

La plupart des acteurs entendus par votre rapporteure lui ont fait part de leurs inquiétudes pour l’hiver 2017/2018. Pour la première fois, le niveau minimum de souscription et de remplissage des stockages n’est pas atteint. Le niveau des stocks souscrit au 1er septembre 2017 ne sécurise les clients protégés que pour un risque de pointe de froid de 20 % (c’est‑à-dire pour un hiver froid tel qu’il s’en produit tous les 5 ans).

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Souscription des capacités de stockage au 1er septembre 2017

Source : Storengy

Le niveau actuel de souscription et de remplissage des stockages, trop bas, l’aurait d’ailleurs été davantage si le Gouvernement n’avait pas pris, pendant l’été, un arrêté ([10]) pour trouver des marges d’actions au sein du cadre en vigueur. Cet arrêté précise la nature des autres instruments de modulation (notamment les stocks de gaz situés dans d’autres États membres ainsi que les terminaux méthaniers) et leurs modalités de prise en compte dans le service rendu à la sécurité d’approvisionnement.

Cet arrêté a permis un remplissage plus important des stockages de gaz mais de manière insuffisante et dans des conditions que même le ministère de la transition écologique et solidaire qualifie de peu satisfaisantes. Il est également susceptible de faire prochainement l’objet de recours : l’Uprigaz a indiqué, dans une contribution écrite adressée à votre rapporteure, avoir l’intention de le contester devant le Conseil d’État. L’Union de fournisseurs considère que cet arrêté ne retient pas l’ensemble des instruments de modulation qui peuvent être mobilisés par les fournisseurs (par exemple l’interruptibilité) et que les conditions posées pour bénéficier des divers instruments de modulation sont si restrictives qu’elles empêchent en réalité les fournisseurs de les mettre en œuvre.

Une réforme structurelle du système de stockage de gaz est donc, plus que jamais, nécessaire.

3.   Des tentatives de réforme structurelles qui n’ont pour l’instant pas abouti

La loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte du 17 août 2015 avait habilité le Gouvernement de l’époque à légiférer par ordonnance pour mettre en place un nouveau système de régulation du stockage de gaz. Le projet d’ordonnance, soumis au Conseil d’État, prévoyait de faire des opérateurs de stockage des acteurs régulés dont le revenu viendrait, en partie, d’un « terme tarifaire » spécifique du tarif de transport de gaz. Le Conseil d’État a rejeté le projet d’ordonnance en considérant que la compensation envisagée revêtait le caractère d’un impôt de répartition sur les fournisseurs et n’entrait dès lors pas dans le cadre de l’habilitation.

Ce même « terme tarifaire », requalifié en taxe, a ensuite été présenté en loi de finances rectificative pour 2016 en tant que complément à la taxe intérieure sur la consommation de gaz naturel (TICGN), mais fut retiré finalement du projet de loi. Le Gouvernement a en effet estimé nécessaire de passer par un autre vecteur législatif et de mettre en place une réforme en profondeur du système de stockage de gaz.

Il a ainsi confié la mission, en décembre 2016, au conseil général de l’économie, de l’industrie, de l’énergie et des technologies, à l’Inspection générale des finances et au conseil général de l’environnement et du développement durable de faire des propositions de réforme. Les préconisations faites par la mission dans son rapport d’avril 2017 ([11]) ont été très largement reprises dans le projet d’ordonnance en préparation.

B.   Les dispositions du projet de loi

1.   La réforme du stockage de gaz

a.   L’habilitation

L’article 4 du projet de loi habilite le Gouvernement, dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, à prendre une ordonnance réformant le système de stockage de gaz. Cette ordonnance devra être prise dans un délai de douze mois à compter de la promulgation de la loi.

Les objectifs de la réforme sont clairement identifiés dans l’habilitation : assurer la sécurité d’approvisionnement en gaz pour répondre aux aléas hivernaux dans des conditions transparentes n’engendrant pas de discrimination entre les acteurs et n’entraînant pas de surcoûts excessifs pour les consommateurs de gaz.

Le Gouvernement pourra pour cela prendre des mesures relevant du domaine de la loi modifiant les règles applicables aux infrastructures de stockage souterrain de gaz naturel ainsi que les missions ou obligations des différents acteurs du système gazier. L’habilitation prévoit explicitement le passage d’un régime d’accès négocié au stockage de gaz à un régime d’accès régulé. La Commission de régulation de l’énergie (CRE) assurera la régulation des infrastructures de stockage souterrain de gaz naturel. Les coûts supportés par les opérateurs d’infrastructures de stockage souterrain de gaz naturel seront couverts, en partie, par les tarifs d’utilisation des réseaux de transport de gaz naturel.

b.   Le contenu de l’ordonnance

Votre rapporteure a pu avoir accès au contenu de l’ordonnance, actuellement soumise à consultations. Ce projet d’ordonnance prévoit :

– une définition annuelle des stocks minimaux de gaz nécessaires, à la suite d’une évaluation du contexte d’approvisionnement en gaz naturel pour l’hiver suivant ;

Le périmètre des infrastructures à réguler, lié aux nécessités de sécurité d’approvisionnement et de bon fonctionnement du système gazier, a vocation à être défini dans le cadre de la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE), qui est révisée tous les 5 ans. Celle adoptée en 2016 fixe un périmètre incluant l’ensemble des infrastructures de stockage actuelles et celles projetées (15 sites), ainsi que les sites mis sous cocon (3 sites) ;

– une suppression de l’obligation de souscription de capacités de stockage qui pesait sur les fournisseurs et une mise aux enchères des capacités de stockage ;

Les fournisseurs de gaz naturel auront toujours une obligation de résultat, l’obligation de continuité de la fourniture de gaz, mais n’auront plus d’obligation de moyen. Ils soumettront des offres dans le cadre du mécanisme d’enchère pour souscrire des capacités de stockage auprès des opérateurs de stockage.

– un « filet de sécurité » reposant sur les opérateurs de stockage ;

Le ministre chargé de l’énergie, s’il constate, après l’échéance d’un cycle d’enchères, que les capacités minimales n’ont pas été souscrites, pourra imposer aux opérateurs de stockage de constituer les stocks complémentaires ;

– une régulation du revenu des opérateurs de stockage ;

La CRE sera chargée de fixer, pour chaque site de stockage, le revenu autorisé de l’opérateur. L’opérateur se verra compenser l’écart entre le revenu autorisé et le produit des recettes commerciales des stockages souterrains de gaz qu’il aura tirées des enchères.

– un financement de l’écart entre le revenu autorisé et le montant moyen tiré des enchères par les stockeurs via le tarif de transport de gaz.

Dans l’étude d’impact, le Gouvernement indique que le coût global supporté par les consommateurs de gaz naturel serait stable, voire réduit, du fait de la régulation des revenus des opérateurs de stockage qui pratiquaient jusqu’alors des prix de stockage élevés.

Les effets de la réforme sur le consommateur de gaz,
selon la direction générale de l’énergie et du climat

Dans le cadre législatif et réglementaire actuellement en vigueur, le coût des souscriptions de capacités de stockage est important car les fournisseurs font face à un duopole de stockeurs. Ce coût est répercuté par les fournisseurs sur les consommateurs de gaz naturel. Pour un consommateur chauffé au gaz, le coût implicite de l’obligation de stockage actuelle est estimé à 51 € par an, soit environ 5 % de sa facture annuelle. La régulation des opérateurs de stockage permettra de contrôler le coût du stockage. Un gain de 10 % par rapport à la situation actuelle de duopole semble envisageable. Le coût estimé du stockage serait alors d’environ 46 €/an pour un consommateur résidentiel chauffé au gaz, réparti entre la part implicite payée par le fournisseur pour souscrire lors des enchères et l’augmentation du tarif d’utilisation du réseau de transport nécessaire au financement de la compensation.

L’enjeu n’est donc pas tant lié à une augmentation du coût global supporté par les consommateurs de gaz qu’à la répartition de ce coût entre les consommateurs.

Actuellement, seuls les acteurs dits « obligés » raccordés au réseau de distribution paient le coût du stockage de gaz. C’est le cas de tous les clients particuliers. Cela se justifie économiquement par le fait que les gros clients raccordés au réseau de transport de gaz ont le plus souvent des profils prévisibles, stables ou anticycliques et ont donc moins besoin du système de stockage de gaz. La réforme envisagée dans le projet d’ordonnance prévoit de faire reposer une partie du coût du stockage sur le tarif de transport de gaz. Les clients finaux raccordés au réseau de transport contribueront donc désormais à financer le stockage. En contrepartie, le projet de loi prévoit de moduler le tarif de transport de gaz des clients qui rendraient service au système gazier en participant à des opérations de délestage ou aux mécanismes d’interruptibilité. L’article 4 prévoit ainsi, à son dernier alinéa, de modifier les tarifs d’utilisation des réseaux de transport et de distribution de gaz naturel applicables aux sites fortement consommateurs.

Quelques définitions

 Linterruptibilité est une mesure prévue dans les contrats entre fournisseur et consommateur, ou entre gestionnaire de réseau et consommateur. C’est une mesure dite de marché mise en œuvre dans les conditions prévues au contrat.

– Le délestage est, elle, une mesure d’urgence employée une fois que l’on a constaté que les autres mesures, dont l’interruptibilité, ne suffisent pas.

2.   Les dispositions complémentaires visant à assurer le bon fonctionnement du système gazier

L’article 4 habilite également le Gouvernement à prendre par ordonnance des mesures améliorant le fonctionnement général du système gazier.

L’article vise à mettre à la disposition des gestionnaires de réseaux des services destinés à réduire les situations de contrainte des réseaux ou de déséquilibre grave entre l’offre disponible et la consommation de gaz. Les gestionnaires de réseaux de gaz disposent en effet, à l’heure actuelle, de beaucoup moins d’outils que les gestionnaires de réseaux d’électricité.

Il vise également à permettre aux gestionnaires de réseaux de distribution de contractualiser des capacités interruptibles avec leurs clients. Jusqu’alors, seul le gestionnaire de réseau de transport en avait la possibilité (article L. 431-6-2 du code de l’énergie). Cette disposition autorisera les gros consommateurs, qui ne seraient exceptionnellement pas raccordés sur le réseau de transport mais sur le réseau de distribution, à participer au mécanisme d’interruptibilité et donc à la résilience du système gazier. Le projet de loi rend optionnelle la rémunération directe actuellement versée au consommateur contractualisant des capacités interruptibles. Cette disposition permettra la mise en place d’autres types de contreparties, comme, par exemple, une réduction de la contribution au financement de mesures relatives à la sécurité d’approvisionnement.

L’article habilite le Gouvernement à définir les règles relatives au délestage. À l’heure actuelle, aucune disposition du code de l’énergie n’encadre le délestage de la consommation de gaz naturel. Le délestage repose exclusivement sur des arrangements contractuels entre les gestionnaires de réseau et les consommateurs, voire, comme le souligne l’étude d’impact « sur la bonne volonté de chacun des acteurs ». Est toutefois prévu, dans le cadre du PUG (Plan d’urgence gaz), un ordre de priorité dans la mise en œuvre du délestage. Les clients industriels sont d’abord concernés puis les clients non domestiques n’assurant pas de missions d’intérêt général (comme les hôpitaux ou les casernes de sapeurs-pompiers) suivis des clients assurant des missions d’intérêt général et, enfin, des particuliers. En cas de crise d’approvisionnement, la priorité est donc donnée à l’alimentation des réseaux de distribution.

C.   La position de la commission

Votre rapporteure se félicite de la rapidité avec laquelle le nouveau Gouvernement s’est attelé à mettre en œuvre la réforme du stockage de gaz, attendue par tous les acteurs de terrain. Puisque l’ambition du Gouvernement est que le nouveau cadre pour les stockages s’applique pour l’hiver 2018/2019, votre rapporteure souligne l’importance de publier l’ordonnance avant le début de la campagne gazière d’avril 2018. Le délai de douze mois laissé au Gouvernement pour prendre l’ordonnance n’empêche pas de mettre en œuvre de la réforme stockage plus rapidement.

Votre rapporteure estime que l’habilitation est suffisamment précise et complète pour permettre une mise en œuvre rapide de la réforme du stockage de gaz souterrain en France. Elle souligne toutefois la complexité du nouveau régime de stockage, tel qu’il est prévu dans le projet d’ordonnance. Cette complexité tient au caractère mixte du dispositif, faisant intervenir des mécanismes de marché (les enchères) et des mécanismes de régulation. Si ce nouveau système semble équilibré, trois éléments méritent toutefois une attention particulière : l’impact de la réforme sur les consommateurs de gaz, la responsabilisation des différents acteurs du système gazier et le maintien de l’équilibre économique des opérateurs de stockage.

Sur le premier point, votre rapporteure appelle de ses vœux une évaluation à moyen terme, par la Commission de régulation de l’énergie, de l’impact de la réforme de stockage de gaz sur les consommateurs de gaz.

Elle souhaiterait ensuite que figure dans l’ordonnance des moyens de responsabiliser les différents acteurs, notamment les fournisseurs qui ne disposeront désormais plus que d’une obligation de résultat (assurer la continuité de fourniture de leurs clients) et non plus de moyens.

Enfin, l’enjeu de préservation de l’équilibre économique des opérateurs de stockage doit être pris en compte. Aujourd’hui, la totalité du parc de stockage est inclus dans la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE). La révision de la PPE à la fin de l’année 2018, soit quelques mois après la publication à venir de l’ordonnance, engendre une incertitude sur le périmètre des actifs régulés. Certains acteurs ont fait savoir à votre rapporteure que si la France décidait, par exemple, de passer du risque de pointe de probabilité 2 % à un risque de pointe de probabilité 5 % comme tel est le cas dans la plupart des autres pays européens, 3 à 4 sites de stockage devraient fermer, ce qui entraînerait la suppression d’environ 300 emplois. La fermeture ou mise sous cocon d’un site étant quasi-irréversible, les opérateurs ont un fort besoin de visibilité quant au périmètre d’actifs de stockage régulés. Un amendement, proposé par votre rapporteure, a été adopté par la commission à ce sujet. Il habilite l’État à fixer un délai de préavis pendant lequel les infrastructures de stockage souterrain de gaz naturel qui sortiraient du périmètre des infrastructures nécessaires à la sécurité d’approvisionnement en gaz resteraient soumises aux règles de stockage avant d’être mises sous cocon.

Votre rapporteure a également tenu à déposer un amendement relatif au délestage. Si aujourd’hui, en cas de crise d’approvisionnement, la priorité est de facto donnée à l’alimentation des clients particuliers raccordés au réseau de distribution, il apparaît utile de l’inscrire comme objectif dans la loi. Cet amendement a été adopté par la commission.

III.   Le contraT unique : un dispositif à sécuriser juridiquement (article 5)

L’article 5, élaboré conjointement avec la CRE, traite des relations entre fournisseurs et gestionnaires de réseaux.

A.   l’État du droit

Afin d’être livré en électricité ou en gaz naturel, le consommateur doit conclure deux contrats : un contrat de fourniture avec un fournisseur ainsi qu’un contrat d’accès aux réseaux avec le gestionnaire de réseaux de distribution (GRD), généralement Enedis pour l’électricité ou GRDF pour le gaz naturel. Afin d’éviter la signature de ces deux contrats auprès de deux entités différentes, les consommateurs peuvent opter pour le contrat unique. Ils concluent, alors les deux contrats en même temps auprès de leur fournisseur. Cette possibilité est prévue par les articles L.332-3, L.224-8 et L.111-92 du code de l’énergie. C’est la solution pour laquelle opte la quasi-totalité des petits consommateurs (particuliers et petits professionnels).

Dans ce cadre, le fournisseur gère pour le compte du GRD une partie de sa relation contractuelle avec les utilisateurs concernant l’accès aux réseaux publics de distribution (gestion des dossiers des utilisateurs, souscription et modification des formules tarifaires, accueil téléphonique, facturation et recouvrement des factures, etc.).

À l’origine, les contrats conclus entre les GRD et les fournisseurs ne prévoyaient pas de modalités financières spécifiques concernant la gestion de clientèle. Le fournisseur était, le cas échéant, rémunéré par le consommateur via la part fourniture de la facture pour l’ensemble des activités réalisées pour son compte et pour celui du GRD.

En 2012 a été mis en place un dispositif dit de « régulation asymétrique » pour faciliter l’accès des opérateurs nouveaux entrants au marché de fourniture d’électricité. La société Enedis rémunérait ces petits fournisseurs, dont le nombre de clients ne devait pas excéder 1,7 million, pour la gestion des clients finals ayant souscrit un contrat unique. Six contrats prévoyant une telle rémunération ont été signés entre Enedis et des petits fournisseurs entre 2012 et 2016 et validés par la CRE. En 2017, ce mécanisme de régulation asymétrique a été abrogé. Le Conseil d’État ([12]) a en effet considéré ce type d’accord ne pouvait réserver le bénéfice d’une telle rémunération à certains fournisseurs seulement. Si trois des six contrats susmentionnés sont terminés, trois autres sont encore en cours d’exécution. À date, 135 millions d’euros ont été versés par Enedis aux fournisseurs avec lesquels un tel contrat a été conclu.

Il résulte de la décision susmentionnée du Conseil d’État et d’une décision de la cour d’appel de Paris ([13]) que la gestion des clients en contrat unique réalisée par les fournisseurs, de gaz naturel ou d’électricité pour le compte des GRD doit désormais faire l’objet d’une contrepartie par les gestionnaires de réseaux.

B.   Les dispositions du projet de loi

1.   De nouvelles compétences octroyées à la Commission de régulation de l’énergie

L’article 5 prend acte des décisions de justice précitées et prévoit que la gestion de clientèle réalisée par les fournisseurs de gaz naturel et d’électricité pour le compte des gestionnaires de réseaux de distribution peut donner lieu à une rémunération. L’article attribue à la CRE le pouvoir d’en déterminer les éléments et le montant.

2.   Les éléments et montants de rémunération envisagés

Dans quatre délibérations datées du 7 septembre 2017 ([14]) et entrant en vigueur au 1er janvier 2018, la CRE a déterminé les niveaux de rémunération des fournisseurs et leur prise en charge par les tarifs de distribution. Ces éléments se trouvent en annexe au présent rapport.

Le versement du GRD au fournisseur sera pris en compte dans les coûts couverts par le tarif d’utilisation des réseaux publics de distribution.

Les tarifs d’utilisation des réseaux publics de distribution

Les tarifs d’utilisation des réseaux publics d’électricité (TURPE) et de gaz (ATRD) sont calculés afin que les recettes des gestionnaires de ces réseaux couvrent les charges engagées pour l’exploitation, le développement et l’entretien des réseaux. Le coût de l’utilisation du réseau est en général facturé au fournisseur par le gestionnaire de réseau auquel est raccordé le consommateur. Le fournisseur le refacture ensuite au consommateur.

La CRE considère que le niveau de la rémunération des fournisseurs doit s’appuyer sur les coûts d’un fournisseur normalement efficace. Elle retient comme référence le niveau d’efficacité d’un fournisseur alternatif actif sur un seul marché (c’est-à-dire actif uniquement en électricité ou en gaz, soit sur le seul marché de masse soit sur le seul marché d’affaires) et disposant d’une part de marché de 10 %. Elle prévoit que la rémunération des fournisseurs pour leur gestion des clients en tarifs réglementés de vente (TRV) est temporairement moindre que pour la gestion des clients en offre de marché. Le caractère plus « passif » des clients en tarifs réglementés de vente engendre en effet de moindres coûts de gestion de clientèle.

Les tarifs réglementés de vente de gaz ou d’électricité n’évoluent pas librement : ils sont fixés et régulièrement mis à jour par le ministère de l’Énergie, sur proposition de la CRE. Seuls les opérateurs historiques sont autorisés à le commercialiser : il s’agit le plus souvent d’EDF pour l’électricité et d’Engie (ex-GDF Suez) pour le gaz naturel. Dans certaines régions, des entreprises locales de distribution (ELD) peuvent toutefois se substituer à ces opérateurs pour la fourniture d’énergie aux tarifs réglementés.

Les tarifs de marché sont déterminés librement et sont proposés par une variété de fournisseurs alternatifs de gaz et/ou d’électricité ainsi que par les fournisseurs historiques.

C.   La position de la commission

Votre rapporteure considère que cette disposition du projet de loi est bienvenue et permet de sécuriser le dispositif du contrat unique. Confier à la CRE la définition des montants et niveaux de rémunération permettra d’assurer une concurrence non biaisée entre fournisseurs et d’encadrer leur rémunération, dans l’intérêt du consommateur d’énergie.

Votre rapporteure insiste sur l’importance d’évaluer dans quelques mois les conséquences de ce dispositif pour le consommateur. En pratique, dans le cadre du contrat unique, le GRD facturera, d’une part, les tarifs d’utilisation des réseaux directement aux fournisseurs et, d’autre part, versera à ces derniers une contrepartie financière pour leur gestion de clientèle. Si les marchés sont concurrentiels, l’augmentation des tarifs de réseau facturée par le fournisseur au consommateur devrait être compensée par une baisse de la part fourniture de la facture dont le fournisseur se servait jusqu’à présent pour se rémunérer et financer la gestion de clientèle effectuée pour le compte du GRD.

Votre rapporteure considère qu’il y également un enjeu à sécuriser, pour le passé, les effets des conventions conclues entre fournisseurs et GRD. Trois types de conventions peuvent être distingués :

– les conventions conclues entre Enedis et un certain nombre de fournisseurs d’électricité, qui prévoyaient une rémunération du fournisseur (dispositif de « régulation asymétrique ») ;

– les conventions ne prévoyant pas de rémunération du fournisseur mais ayant d’ores et déjà fait l’objet de recours de la part des fournisseurs ;

– les conventions ne prévoyant pas de rémunération du fournisseur qui n’ont pas fait l’objet de recours de la part des fournisseurs. Dans ce cas de figure, la rémunération des fournisseurs par les GRD pour les prestations qu’ils ont d’ores et déjà effectuées ne paraît pas justifiée. Elle engendrerait un effet d’aubaine pur : une rémunération était déjà versée à l’époque par les consommateurs finals aux fournisseurs, lesquels avaient vraisemblablement intégré cette charge dans leurs coûts commerciaux. Permettre à ces fournisseurs d’être rémunéré à la fois par le GRD et par les clients pour les mêmes prestations conduirait à un enrichissement sans cause. Cela pourrait, par ailleurs, entraîner une hausse des tarifs de réseaux, et partant une augmentation significative de la facture acquittée par les consommateurs domestiques, les petits professionnels et les industriels. D’après le ministère de la transition écologique et solidaire, les sommes demandées par les fournisseurs pourraient s’élever à plusieurs centaines de millions d’euros, dans le cadre d’un grand nombre de procédures contentieuses devant des juridictions différentes.

Un amendement de votre rapporteure a été adopté afin de sécuriser, pour le passé, les effets des conventions conclues entre fournisseurs et GRD.

IV.   Les articles additionnels adoptés par la commission

La commission des affaires économiques a également adopté deux articles additionnels, l’un créé par un amendement de votre rapporteure et l’autre par un amendement du Gouvernement.

A.   les réseaux intérieurs de distribution (article 5 bis)

En général, dans les bâtiments composés de plusieurs logements, de plusieurs bureaux ou ayant une occupation mixte, l’électricité est acheminée à chaque unité de consommation d’électricité par une colonne montante faisant partie du réseau public de distribution d’électricité. Chaque unité de consommation a son propre compteur.

Depuis quelques années, un nouveau schéma de distribution de l’électricité s’est développé dans les immeubles de bureaux. Un unique compteur est installé pour tout l’immeuble. Un réseau intérieur, n’appartenant pas au réseau public de distribution d’électricité, achemine l’électricité à tous les bureaux. Ce schéma existe quand le bâtiment appartient à un unique propriétaire et que les surfaces occupées par chaque locataire changent au cours du temps. Les locataires n’ont pas leur propre compteur mais payent l’électricité via les charges locatives.

Or, Enedis, s’appuyant sur un arrêt de la cour d’appel de Paris du 12 janvier 2017 ([15]), n’accepte plus ce schéma de raccordement et, par ce biais, les raccordements indirects de consommateurs. Afin de légaliser les situations existantes et de permettre le développement de ce schéma de distribution de l’électricité dans les immeubles de bureaux, il est nécessaire de créer la notion de réseaux intérieurs.

L’amendement, proposé par votre rapporteure et adopté par la commission, attribue aux réseaux intérieurs des bâtiments un statut distinct des réseaux publics de distribution et des réseaux fermés de distribution. Il ne crée pas de statut spécifique pour les « gestionnaires » de ces réseaux intérieurs, il permet de lever le régime de non-droit en vigueur et réduit le risque de contentieux futurs. Par ailleurs, il limite la notion de réseaux intérieurs à certains bâtiments. Les bâtiments à usage principal industriel ou les bâtiments constituant un ensemble commercial ne pourront pas contenir de réseaux intérieurs car ces deux types de bâtiments peuvent déjà renfermer des réseaux fermés de distribution ([16]). Seuls les bâtiments détenus par un unique propriétaire pourront contenir des réseaux intérieurs de distribution, afin d’éviter les cas d’infrastructures dont la gestion serait trop complexe voire impossible (par exemple, des infrastructures comprenant des colonnes montantes dont une partie relèverait du réseau public et une autre de plusieurs réseaux intérieurs).

L’amendement adopté permet ainsi de sécuriser le monopole de la distribution publique d’électricité en délimitant clairement les possibilités de recours aux réseaux intérieurs.

B.   Le raccordement des éoliennes en mer (article 5 bis)

L’énergie éolienne transforme l’énergie mécanique du vent en énergie électrique. La France bénéficie du deuxième gisement d’éolien en mer en Europe après la Grande-Bretagne.

L’amendement, proposé par le Gouvernement et adopté par la commission, vise à changer le modèle de régulation des raccordements en mer d’énergies renouvelables pour accélérer la réalisation des projets d’énergies renouvelables en mer.

Cet amendement rapproche les modalités de raccordement mises en œuvre en France avec celles applicables dans les pays nordiques : le raccordement ne sera plus, financièrement, à la charge du producteur (dont le prix est couvert aujourd’hui par les charges de services publiques au travers du tarif d’achat) mais sera réalisé par le gestionnaire du réseau public de transport d’électricité (RTE) sur ses propres fonds. Son coût sera couvert par le tarif de réseau de transport.

Ceci permettra de décorréler la réalisation du raccordement de celle du parc et d’anticiper la réalisation du raccordement. RTE pourra désormais réaliser les plateformes de raccordement dans une logique de mutualisation du raccordement.

De plus, cette nouvelle disposition doit permettre la mutualisation des raccordements et une meilleure efficacité économique globale.

Compte tenu du calendrier actuel de l’appel d’offres Dunkerque 3 et de la sécurité juridique à garantir à l’appel d’offres, il est important que le nouveau cadre relatif au raccordement entre en vigueur d’ici mai 2018.

C.   L’information du consommateur relative au type de gaz fourni (article 5 ter)

La commission a adopté un amendement, sous-amendé par votre rapporteure, afin d’encourager le développement de la méthanisation et l’usage du biogaz. L’offre du fournisseur devra désormais préciser les proportions de gaz naturel et de biométhane dans le gaz proposé.

 


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   TRAVAUX EN COMMISSION

I.   discussion générale

M. le président Roland Lescure. Chers collègues, notre commission sera bien occupée cet automne. Deux auditions importantes se tiendront ce mercredi 27 septembre. Au cours de la première, nos collègues Laure de La Raudière et Éric Bothorel nous présenteront les travaux de la mission d’information sur la couverture numérique du territoire. Au cours de la seconde, nous entendrons M. Stéphane Travert, ministre de l’agriculture et de l’alimentation, essentiellement à propos de la pêche – mais je suis sûr qu’il y aura quelques questions d’actualité. Ce jeudi 28 septembre, M. Jean Pisani-Ferry viendra nous présenter les conclusions du rapport de préfiguration du grand plan d’investissement présenté aujourd’hui par le Premier ministre, et répondre à nos questions.

Aujourd’hui, la commission des affaires économiques examine son premier texte législatif de la XVe législature. Nous sommes saisis pour avis de l’ensemble du projet de loi mettant fin à la recherche ainsi qu’à l’exploitation des hydrocarbures, pour lequel la commission du développement durable nous a accordé une délégation au fond sur les articles 4 et 5.

Je salue M. Nicolas Hulot, ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, qui a accepté de venir défendre ce texte devant notre commission. Je salue également Mme Célia de Lavergne, notre rapporteure pour avis, et M. Jean-Charles Colas-Roy, rapporteur de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, saisie au fond, qui ont mené de nombreuses auditions en commun en vue de l’examen de ce texte. Je les en félicite, car ce n’était pas forcément facile en cette période.

Nous débuterons nos travaux par une discussion générale, ouverte par une intervention de M. le ministre d’État et une intervention de notre rapporteure pour avis, chacune d’environ dix minutes. Je donnerai ensuite la parole à un orateur de chaque groupe, qui disposera de quatre minutes. Après la réponse du ministre à ces interventions, nous prendrons éventuellement d’autres questions, le temps de parole de chaque orateur étant de deux minutes. Suivra l’examen des amendements, qui pourra donner lieu à d’autres échanges, mais je vous prierai de continuer de respecter un temps de parole de deux minutes par intervention, conformément aux règles dont nous sommes convenus lors de la réunion du bureau de notre commission – je souhaite que cette discussion générale ne s’éternise pas, d’autant que le ministre doit nous quitter à 19 heures. Nous aurons largement le temps d’examiner la logique générale du texte et les quarante-cinq amendements déposés, mais j’éviterai de suspendre nos travaux au moment des votes dans l’hémicycle. Ceux d’entre vous qui voudraient y participer pourront s’absenter quelques minutes.

Après la discussion générale, nous examinerons au fond les articles 4 et 5 et les amendements portant articles additionnels après l’article 5. Ensuite, nous reprendrons l’examen du texte et des amendements dans l’ordre, à partir de l’amendement portant article additionnel avant l’article 1er.

Je vous rappelle, enfin, que si tous les députés peuvent présenter des amendements devant notre commission, seuls les membres de la commission des affaires économiques ont le droit de voter.

Monsieur le ministre d’État, vous avez la parole.

M. Nicolas Hulot, ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire. Monsieur le président, Madame la rapporteure pour avis, Mesdames et Messieurs les députés, chers amis, de mon point de vue, le projet de loi que vous examinez aujourd’hui est plus que symbolique ; n’employons pas de grands mots, il n’est pas l’alpha et l’oméga de la transition écologique, mais s’il est voté, il en sera un axe essentiel. Selon Bossuet, nous sommes d’étranges « créatures qui nous affligeons des conséquences dont nous continuons à adorer les causes ». Cela caractérise bien notre époque, et nous en faisons souvent l’expérience. Ainsi, tout le monde est pour la lutte contre le réchauffement climatique, mais souvent contre ce que cela implique. Même si l’accord de Paris n’est pas juridiquement contraignant, il nous engage : d’une certaine manière, c’est un serment, une promesse que nous avons faits à nos enfants. Ces mots peuvent paraître un peu grandiloquents, mais tel n’est pas mon objectif. Je veux simplement resituer ce projet de loi qui est une pièce d’un dispositif au service d’une ambition et d’un objectif. L’accord de Paris ne fait qu’établir une feuille de route – c’est déjà, sur le plan diplomatique, un miracle – qui nous enjoint d’éviter, si tant est qu’il ne soit pas déjà trop tard, un scénario de changement climatique irréversible, dont les conséquences ne seraient pas moins irréversibles. La fenêtre dont nous disposons pour y parvenir est relativement étroite – la réalité vient d’ailleurs, malheureusement, de se rappeler à nous et aux esprits les plus sceptiques avec les ouragans qui ont touché les Antilles.

La science, que quasiment plus personne n’ose contester, nous dit d’éviter des élévations de température supérieures à 1,5 degré par rapport à l’ère préindustrielle. Pour l’instant, la somme des engagements pris dans le cadre de l’accord de Paris nous met plutôt sur la trajectoire d’une élévation de 2 degrés, mais l’important est de passer des intentions aux modalités qui permettent d’atteindre nos objectifs. Ce projet de loi, auquel s’articuleront d’autres éléments, d’autres ambitions et peut-être d’autres textes législatifs, offre enfin une mise en œuvre cohérente des objectifs que nous nous sommes fixés. C’est peut-être un peu caricatural et cela peut effrayer, mais, pour résumer, si nous voulons avoir une chance d’éviter un scénario catastrophe aux conséquences tout aussi irréversibles, la science nous commande de laisser 80 % des énergies fossiles sous nos pieds. Soyons sincères : c’est souvent au stade de cet énoncé que les regards se détournent. C’est effectivement demander de renoncer volontairement à ce qui fut pendant 150 ans un allié pour une partie de la communauté internationale ; la solution devient brutalement le problème. Je peux évidemment comprendre que ce renversement puisse provoquer une forme de sidération. Au prétexte que l’exercice est difficile, on a donc parfois tendance, en ce domaine comme en d’autres, à l’occulter, mais, si j’ai une toute petite ambition, en tant que ministre, c’est bien de ne pas dissimuler les transformations que nous imposent les objectifs visés.

Ce projet de loi vise donc à un minimum de cohérence. Certes, celle-ci ne se décrète pas du jour au lendemain, mais elle peut s’instaurer progressivement. Nos objectifs climatiques vont nous obliger à une transformation profonde de notre modèle énergétique et, par voie de conséquence, de notre modèle économique et de notre modèle sociétal. Nous en sommes au premier temps de cette transformation en profondeur. Pour y parvenir, la prévisibilité joue un rôle-clé, et c’est précisément ce que ce projet de loi vise à instaurer : la prévisibilité, associée à l’irréversibilité. Si les objectifs et les règles ne sont pas clairs, ou s’il subsiste quelque doute quant au risque que les règles ou les objectifs changent en cours de route, la créativité et l’innovation ne seront pas au rendez-vous. Il faut aussi, et c’est le troisième élément, de la progressivité, ce qui justifie l’horizon que nous avons retenu pour ce projet de loi : 2040.

D’une certaine manière, le projet de loi sonne, sans brutalité, le glas de l’ère des énergies fossiles. Ce sera probablement un peu compliqué, a fortiori si nous ne créons pas les conditions nécessaires à l’émergence d’une alternative et si nous n’arrivons pas à donner à nos concitoyens une vision claire de ce que sera notre modèle en 2040, de ce que nous allons perdre d’un côté mais aussi de ce que nous allons gagner de l’autre. Cette tâche nous incombe évidemment, aux uns et aux autres.

Si nous arrivons par bonheur à nous libérer d’une forme d’addiction, si j’ose dire, aux énergies fossiles, j’y vois plusieurs autres vertus, outre celle de nous protéger des aléas des changements climatiques. Tout d’abord, la lutte contre le changement climatique est également un agenda de santé publique – l’expression n’est pas de moi, elle est de l’actuelle directrice de l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Considérez les conséquences sanitaires et, accessoirement, économiques, à l’échelle du monde, de l’utilisation des énergies fossiles. Je sais bien que la France seule ne pourra pas tout réussir, mais elle a intérêt à prendre le train qui est déjà en marche tant qu’il est à sa portée. Cela aura une vertu économique et sanitaire : selon certains organismes onusiens, le coût pour la communauté internationale des externalités négatives des énergies fossiles est l’équivalent de 5 000 milliards de dollars par an – je retiens au moins l’ordre de grandeur. L’autre vertu de cette transformation tiendrait au fait que le pétrole, le gaz et le charbon n’ont jamais été complètement étrangers aux causes des conflits auxquels nous avons assisté depuis la Seconde Guerre mondiale. Disons-le autrement : sous la contrainte climatique, qui nous oblige à accélérer notre transition énergétique, nous pourrions arriver à nous affranchir des énergies fossiles pour construire un modèle énergétique qui nous donne notre indépendance et notre autonomie énergétiques. Bien sûr, des ruptures technologiques seront probablement nécessaires, mais si la contrainte est bien fixée, l’innovation sera au rendez-vous – la contrainte n’est pas l’ennemie de l’innovation, elle en est la condition. Nous avons ce potentiel, en termes d’ingéniosité et en termes économiques ; nous pouvons retrouver une forme d’abondance énergétique : les sources énergétiques renouvelables sont abondantes et les machines pour les exploiter, une fois mises au point, gratuites. Ce seront autant de milliards d’euros que nous pourrons consacrer aux priorités de notre société. Je voulais simplement, en guise d’introduction, vous rappeler le contexte et les vertus de cette transformation, si la France réussit ce pari.

Avec l’adoption de ce projet de loi, le leadership de la France dans la prise de conscience climatique se prolongera en un leadership dans le passage à l’action. Ce projet de loi a effectivement pour horizon 2040. J’emploie délibérément le terme d’horizon, car certains démontreront probablement qu’il y aura quelques « fuites » au-delà de 2040, mais le chemin ( ?) sera d’une importance considérable. Toutes les intelligences, toutes les énergies vont converger, parce que personne ne pourra ignorer l’objectif à atteindre.

À compter de la promulgation de cette loi, plus aucun permis d’exploration ou de recherche d’hydrocarbures, conventionnels ou non conventionnels, ne pourra plus être délivré sur notre territoire. Nous respecterons les droits acquis – cela aura au moins le mérite de clarifier une situation que j’ai moi-même découverte en prenant mes fonctions –, mais il y aura au moins un avant et un après. Et nous ferons en sorte, autant que faire se peut, que les concessions existantes ne soient pas renouvelées au-delà de l’horizon 2040.

Ce projet de loi s’inscrit dans un ensemble, dont il est l’axe principal. J’ai présenté les autres objectifs au moment de l’annonce du plan climat : la neutralité carbone, d’ici à 2050, et la fin de la production d’électricité à base de charbon d’ici à 2022. J’ai aussi proposé l’interdiction, à partir de 2040, de tout véhicule qui émettrait des gaz à effet de serre. Ces horizons peuvent sembler lointains mais, depuis que nous avons simplement annoncé l’objectif d’une interdiction des véhicules émettant des gaz à effet de serre, trois ou quatre pays nous ont emboîté le pas ! Ce projet de loi aura-t-il le même effet contagieux ?

J’entends bien qu’il ne nous libérera pas du jour au lendemain de nos importations de pétrole – certains seront même enclins à penser que celles-ci augmenteront –, mais la transition énergétique nous assigne également des objectifs de réduction de notre consommation de pétrole et de développement des énergies renouvelables. Et, par souci de cohérence et pour éviter que l’augmentation du prix du carbone ne conduise nos concitoyens dans une impasse économique, j’ai présenté, il y a quelques jours, un plan de solidarité qui sera inscrit dans le projet de loi de finances initiale. Il prévoit, entre autres, une prime à la conversion des véhicules les plus polluants, qui pourra atteindre, pour les ménages les plus modestes, 2 000 euros ; une prime de 3 000 euros pour le remplacement de chaudières ; une prime de 6 000 euros pour l’achat d’une voiture électrique ; des crédits d’impôt. Tout cet arsenal, qui s’intègre au plan climat et dont nous allons vérifier et améliorer l’efficacité, sera mis en place en 2018 et en 2019.

Il me semble que c’est la réponse la plus intelligente que nous pouvons donner au signal un peu dramatique que nous avons reçu de l’administration américaine. La France, comme d’autres pays, avait jusqu’à la fin de l’année 2018 pour réviser à la hausse ses ambitions en matière de lutte contre le réchauffement climatique. Par ce projet de loi, grâce à cet objectif que nous nous donnons, nos acteurs économiques et la société civile s’inscriront dans une démarche de cohérence et de progression. Je souhaitais vous y associer, et je suis à l’écoute de vos remarques, de vos réserves et des compléments que vous souhaitez apporter. Ce projet de loi, j’en ai conscience, est une partie d’un tout. Ensemble, nous allons précisément construire ce tout.

M. le président Roland Lescure. Merci, Monsieur le ministre d’État, pour cette mise en perspective globale et cette présentation du projet de loi.

Mme Célia de Lavergne, rapporteure pour avis. Monsieur le ministre d’État, cher président, chers collègues, notre commission est saisie pour avis du projet de loi mettant fin à la recherche ainsi qu’à l’exploitation des hydrocarbures conventionnels et non conventionnels et portant diverses dispositions relatives à l’énergie et à l’environnement. Nous sommes saisis au fond sur deux articles, l’article 4 et l’article 5, sur lesquels j’insisterai donc tout particulièrement.

Vous l’avez rappelé, Monsieur le ministre, ce projet de loi doit être envisagé comme faisant partie d’un ensemble plus large de mesures déjà prises – je pense notamment à la loi relative à la transition énergétique et au plan climat récemment annoncé – et de mesures restant à prendre, notamment pour mettre en œuvre, à l’échelle nationale, l’accord de Paris. Ce texte délivre un message politique fort à l’international visant à inciter d’autres pays à prendre des dispositions similaires. J’espère qu’il sera entendu.

En tant que rapporteure pour avis, j’ai auditionné plus d’une quinzaine d’acteurs et reçu près de dix contributions écrites. De nombreuses auditions ont été réalisées conjointement avec la commission du développement durable, dont je salue le rapporteur, Jean-Charles Colas‑Roy, présent parmi nous cet après-midi. J’ai entendu des fournisseurs de gaz et d’électricité, historiques comme alternatifs, les opérateurs de stockage, les associations de consommateurs, les acteurs économiques de la filière hydrocarbures, les gestionnaires de réseaux, le régulateur qu’est la Commission de régulation de l’énergie (CRE), ainsi que deux ministères, celui de l’économie et des finances et celui de la transition écologique et solidaire, lequel présente le texte. Si tous les acteurs ne sont pas d’accord avec l’ensemble des dispositions, force est de constater que nombreux sont ceux qui considèrent les dispositions du texte de loi comme fortement utiles et relativement bien équilibrées.

En ce qui concerne la fin de l’exploration et de la production d’hydrocarbures, qui est l’objet des articles 1er, 2, 3 et 8, le projet de loi a pour objectif d’engager, de manière irréversible, la sortie de la production d’hydrocarbures à l’horizon 2040. Il prévoit donc : l’interdiction d’octroyer des nouveaux permis de recherche d’hydrocarbures ainsi que celle de prolonger les concessions en cours au-delà de 2040 sur le territoire français ; la possibilité de prolonger les permis exclusifs de recherches d’hydrocarbures déjà attribués et d’octroyer une concession d’exploitation faisant suite à un permis de recherches, le fameux « droit de suite » ; la création d’une exception pour le gaz de mine, le grisou, avec le maintien de la possibilité de le rechercher et de l’exploiter, pour des raisons de sécurité assez évidentes.

Je me félicite de ce que l’ambition de la France en matière de lutte contre le réchauffement climatique s’affirme tout en prenant en compte les réalités économiques et les réalités de nos territoires, notamment à la suite de l’examen du projet de loi par le Conseil d’État. Ce projet de loi est désormais équilibré en ce qu’il concilie les prérogatives de l’État en matière de politique minière avec les droits et libertés des différents acteurs, ce qui passe notamment par la possibilité de prolonger les concessions pour une durée dont l’échéance n’excède pas 2040.

Le caractère progressif de la sortie de l’exploitation des hydrocarbures à l’horizon 2040 doit permettre d’accompagner les entreprises et les territoires dans leur reconversion. Je suis intimement convaincue – c’est ce qui est ressorti des auditions – qu’il existe d’importantes possibilités de transferts de technologies et de compétences entre la filière hydrocarbures et d’autres filières, par exemple la géothermie.

Quant à la réforme du stockage de gaz, l’article 4 autorise le Gouvernement à légiférer par ordonnance pour prendre des dispositions concernant la sécurité d’approvisionnement en gaz naturel des consommateurs français, en particulier la mise en place d’une régulation pour les infrastructures de stockages souterrains de gaz.

Le gaz naturel représente 14,2 % de la consommation d’énergie primaire en France. La demande française de gaz naturel est satisfaite, à plus de 99 %, par des importations. Le stockage souterrain de gaz est donc indispensable à la sécurité d’approvisionnement : il permet d’équilibrer les approvisionnements, relativement constants au cours de l’année, et les besoins en gaz naturel qui varient fortement suivant les saisons. En France, la consommation de gaz naturel est huit fois plus importante en hiver qu’en été : durant la période hivernale, le stockage du gaz permet de répondre à plus de 60 % de la demande française en gaz.

Malheureusement, le système actuel de stockage de gaz ne fonctionne plus. Aujourd’hui, les fournisseurs de gaz ont des obligations individuelles de souscription de capacité de stockage auprès des deux opérateurs de stockage que sont Storengy et Transport et Infrastructures Gaz France (TIGF). La difficulté tient au fait que les opérateurs de stockage sont en duopole et qu’ils pratiquent des tarifs élevés. Les fournisseurs ne respectent donc pas tous leurs obligations de stockage, ce qui pose un problème de sécurité d’approvisionnement. La plupart des acteurs entendus m’ont fait part de leurs inquiétudes pour cet hiver. La situation n’a pu être sécurisée que partiellement, grâce à un arrêté transitoire, fragile juridiquement et pris rapidement. Pour la première fois, le niveau minimum de souscription et de remplissage des stockages n’est pas atteint. S’il est trop tard pour que la réforme s’applique cet hiver, il est indispensable qu’elle soit mise en place pour l’hiver 2018-2019.

Les objectifs de la réforme sont clairement identifiés dans l’habilitation : assurer la sécurité d’approvisionnement en gaz pour répondre aux aléas hivernaux dans des conditions transparentes n’engendrant pas de discrimination entre les acteurs et n’entraînant pas de surcoûts excessifs pour les consommateurs de gaz. Le projet d’ordonnance prévoit ainsi de mettre en place un système similaire à celui applicable en Italie, qui repose sur la mise aux enchères des capacités de stockage, complété par un filet de sécurité qui offre un revenu régulé aux opérateurs de stockage et garantit le système d’approvisionnement. Je vous l’accorde, c’est un système relativement complexe, en raison du caractère mixte du dispositif, faisant intervenir des mécanismes de marché – les enchères – et des mécanismes de régulation.

Je me félicite de la rapidité avec laquelle le Gouvernement s’est attelé à mettre en œuvre la réforme du stockage de gaz, attendue par tous les acteurs de terrain. Il est important que les ordonnances soient publiées avant le début de la campagne gazière d’avril 2018. J’ai déposé deux amendements sur cet article, l’un relatif au délestage pour protéger les clients particuliers en cas de coupure nécessaire de gaz, l’autre relatif à l’équilibre économique des opérateurs de stockage. J’y reviendrai tout à l’heure.

S’agissant de l’article 5, relatif au commissionnement, il sécurise le dispositif du contrat unique : les consommateurs d’électricité et de gaz naturel concluent avec leur fournisseur un contrat qui inclut à la fois la fourniture d’énergie et l’accès au réseau ; ils n’ont ainsi pas besoin de conclure avec le gestionnaire du réseau de distribution (GRD) un contrat spécifique d’accès au réseau. À l’origine, les contrats conclus entre les GRD et les fournisseurs ne prévoyaient pas de rémunération des seconds par les premiers ; le cas échéant, les fournisseurs étaient rémunérés directement par le consommateur, via la part « fourniture » de la facture, pour l’ensemble des prestations.

Il résulte de décisions de la cour d’appel de Paris et du Conseil d’État que les GRD doivent rémunérer les fournisseurs pour la gestion des clients en contrat unique. L’article 5 du projet de loi est donc nécessaire : il sécurise le dispositif du contrat unique en confiant à la Commission de régulation de l’énergie (CRE) la définition des montants et des niveaux de rémunération entre GRD et fournisseurs, afin d’assurer une concurrence non biaisée et d’encadrer la rémunération, dans l’intérêt du consommateur final.

Si, en théorie, cette disposition ne devrait pas avoir de conséquences pour les clients finaux, je souhaite toutefois que soient évaluées, dans quelques mois, les conséquences de ce dispositif pour le consommateur.

J’ai par ailleurs déposé un amendement visant à valider les conventions passées. Une rémunération des fournisseurs par les GRD au titre du passé pour les prestations d’ores et déjà effectuées ne paraît en effet pas justifiée ; les offres intégraient déjà le coût de cette prestation. Il y aurait un effet d’aubaine, un enrichissement sans cause ; en outre, il pourrait en résulter une hausse des tarifs de réseau, ce qui pénaliserait le consommateur final.

J’ai également déposé un amendement relatif aux réseaux intérieurs de bâtiments à usage de bureaux, raccordés en un point unique au gestionnaire de réseau ; c’est un sujet apparu lors des auditions.

Enfin, l’article 6 transpose la directive européenne 2015/1513 relative aux biocarburants et l’article 7 transpose la directive 2016/2284 relative à la réduction des émissions de certains polluants atmosphériques.

Mme Huguette Tiegna. Au nom du groupe La République en Marche, je salue votre présence parmi nous aujourd’hui, Monsieur le ministre d’État. Ce projet de loi est très attendu. Je remercie notre rapporteure pour avis pour la qualité du travail effectué.

Notre commission est saisie au fond sur les articles 4 et 5 mais je dirai d’abord quelques mots des articles 1er à 3, dont nous sommes saisis pour avis, et qui visent à arrêter progressivement l’exploration et l’exploitation des hydrocarbures sur notre territoire.

Cette mesure, symbolique aux yeux de certains, essentielle pour d’autres, permet à notre pays de montrer l’exemple ; elle est cohérente avec nos engagements en faveur de la lutte contre le changement climatique. La France sera le premier pays à cesser la production d’hydrocarbures sur son sol. Cette production représente 1 % de notre consommation. Il est donc certain que pour lutter pleinement contre le changement climatique, il sera nécessaire de penser dans le même temps la réduction de notre consommation d’hydrocarbures et de notre dépendance énergétique globale. Ce projet de loi représente ainsi un premier pas en avant, mais un pas important, dans la marche vers nos objectifs pour le climat. Nous ne pouvons donc que saluer ce projet de loi.

Nous présentons sur ces trois articles deux amendements, le premier visant à engager une discussion sur la possibilité de faire de 2040 une date butoir pour l’arrêt de l’exploitation des hydrocarbures, et le second, important pour notre groupe, portant sur l’accompagnement des territoires touchés.

Sur l’article 4, qui autorise le Gouvernement à légiférer par ordonnance pour sécuriser l’approvisionnement en gaz naturel des Français, les discussions sont en cours ; notre groupe suivra les recommandations de la rapporteure pour avis.

L’article 5 donne à la CRE compétence pour fixer la rémunération des prestations de gestion de clientèle effectuées par les fournisseurs d’énergie pour le compte des gestionnaires de réseau. Cette clarification permettra à la CRE de fixer de façon transparente les rémunérations des fournisseurs, et ainsi de garantir que les consommateurs ne payeront pas de surcoûts pour ce service de contrat unique. Notre groupe soutient cet article et propose un amendement de précision portant sur les contrats passés.

De manière générale, ce texte nous semble important et équilibré. C’est la raison pour laquelle nous proposons uniquement quelques amendements – essentiellement de précision – qui n’en changent pas l’esprit, et appelons de nos vœux l’adoption rapide de ce texte.

M. Paul Christophe. Monsieur le ministre d’État, pour lutter contre le réchauffement climatique, il faut sans doute en passer par des symboles ; ce texte en est un. Le refus de l’exploration et de l’exploitation des gaz de schiste a fait consensus au cours des dernières législatures. Le groupe Les Constructifs considère qu’il est bon aujourd’hui de clore définitivement ce chapitre par la loi. Pour les autres hydrocarbures, nous débattrons peut-être des modalités qui permettront d’atteindre l’objectif ; mais celui-ci fera sans doute consensus également. Cela va dans le sens de l’histoire.

La loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte, votée en 2015, avait énoncé des objectifs à l’emporte-pièce, dans un but d’affichage, et souvent de façon peu réaliste – l’exemple du nucléaire est particulièrement parlant. Ici, la fin de la recherche et de l’exploitation des hydrocarbures est fixée à 2040 ; mais, à l’inverse de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte, le projet de loi se donne les moyens économiques et juridiques d’atteindre son but, même si ce n’est bien sûr qu’à l’approche de l’échéance que l’on pourra évaluer son succès.

C’est donc un pas qui est franchi, mais restons humbles : ce n’est là qu’une petite partie d’un ensemble bien plus vaste, que vous avez notamment dessiné avec la présentation du plan climat.

Que notre pays ne produise plus de pétrole, c’est très bien ; mais ce résultat ne vaudra rien si nous ne réduisons pas notre dépendance, et donc nos importations d’hydrocarbures. Il nous faut aussi mettre fin, d’ici à 2040, à la vente des véhicules à moteur thermique. Pour cela, une loi ne suffira pas : ce sont les habitudes de déplacement, et celles des industriels, qu’il faut changer. Il faut aussi équiper tout le territoire d’infrastructures de recharge.

Sur le plan économique, il faudra nous assurer que les collectivités auront le temps de compenser les recettes perdues, dans un contexte budgétaire déjà très difficile. Pour les entreprises qui exploitent aujourd’hui des hydrocarbures, je voudrais être sûr que toutes les mesures nécessaires à l’accompagnement de leur reconversion seront prises. L’année 2040 paraît lointaine ; mais, à l’échelle d’une activité économique et d’un bassin d’emploi, elle est proche. Or c’est un véritable changement de modèle économique qui est demandé, notamment aux moins grandes de ces entreprises. Vous évoquiez tout à l’heure, Monsieur le ministre d’État, d’éventuelles « fuites » au-delà de 2040. Je ne peux manquer de rappeler que plusieurs constructeurs automobiles ont déjà fait des annonces rassurantes.

J’en viens aux articles 4 et 5, dont notre commission est saisie au fond.

L’article 5 n’appelle aucune remarque particulière ; il comble une sorte de vide juridique en complétant les compétences de la CRE en matière de contrat unique.

L’article 4 devrait permettre l’aboutissement d’une réforme qui traîne depuis maintenant trois ans. Le périmètre de cette ordonnance avait déjà été défini dans la loi relative à la transition énergétique ; de nombreuses consultations ont, je crois, déjà été menées. Je comprends l’intérêt d’utiliser cette procédure, en raison de la nécessité de faire face aux prochains pics de consommation, comme ceux observés l’hiver dernier.

L’essentiel du texte, c’est bien sûr la fin de la recherche et de la production d’hydrocarbures sur notre territoire ; nous partageons cet objectif. Nous souhaitons un texte juridiquement solide et économiquement soutenable pour que le succès soit au rendez-vous en 2040.

M. Philippe Bolo. Le groupe Modem souscrit entièrement à ce projet de loi, qui constitue à nos yeux une traduction pertinente de l’urgence de la lutte contre le changement climatique. Les cyclones qui ont ravagé les Caraïbes ces dernières semaines ont montré les dommages que peut causer le dérèglement climatique pour les personnes et les biens. Nul besoin d’ailleurs d’attendre de tels événements extrêmes pour agir.

Ce texte complète, par ailleurs, diverses dispositions nationales et internationales, en cohérence avec les engagements pris lors de l’accord de Paris.

Ce projet de loi est donc essentiel à plusieurs titres. Il vise à mettre fin à l’extraction de carbone souterrain – ce carbone qui, une fois relâché dans l’atmosphère, produit l’effet de serre qui est à l’origine du réchauffement de la Terre. Il signale aussi que la transition énergétique est bel et bien engagée. Avec d’autres actes du Gouvernement, notamment le plan climat, il montre ainsi aux industriels et à toute la société la nécessité d’agir. La transition énergétique doit permettre des innovations de rupture ; quel sera demain notre mix énergétique, quels services et quels métiers – non délocalisables, car la France est pionnière en ce domaine – seront inventés ? Cela reste à imaginer.

Je souligne néanmoins qu’il faudra accompagner le changement pour les entreprises qui exploitent aujourd’hui les hydrocarbures, et notamment les aider à maintenir les savoir-faire acquis par l’investissement de la Nation dans la formation des salariés. Nous serons vigilants sur ces points.

Le groupe Modem approuve également les articles 4 et 5. En ce qui concerne l’article 4, ces nouvelles règles ne doivent toutefois pas faire augmenter les prix payés par les consommateurs ; nous serons attentifs à cet aspect. L’article 5 permettra une concurrence plus juste. Là aussi, nous serons vigilants sur les prix, et je présenterai tout à l’heure un amendement sur la rétroactivité.

Mme Delphine Batho. Au nom du groupe Nouvelle Gauche, je veux ici saluer ce projet de loi pour ce qu’il représente. J’entends dire – par des gens souvent sincères – qu’il serait essentiellement symbolique. Outre le fait que les symboles politiques ont toute leur importance – le fait que la France cesse la recherche et l’exploitation d’hydrocarbures constitue un signal pour le monde entier – il est faux de laisser entendre que ce texte n’engage pas à grand chose.

Ce serait en effet oublier que se mène depuis des années, au sein de l’appareil d’État, une bataille souterraine à propos de la délivrance de permis d’exploration et d’exploitation, alors que notre pays est le deuxième exportateur mondial des industries extractives liées aux énergies fossiles. La réalité, Monsieur le ministre d’État, c’est que vous héritez aujourd’hui d’un stock considérable de demandes de permis, accumulé depuis 2010, c’est-à-dire depuis le moment que l’on pourrait appeler la « crise du gaz de schiste ». L’État ne s’est pas prononcé – les gouvernements successifs attendant, non sans hypocrisie, que les tribunaux enjoignent à l’État de délivrer les permis, ce qui permettait ensuite de dire à la société civile que le Gouvernement n’y était pour rien.

Le grand mérite de ce texte, c’est donc de sortir de cette duplicité.

La précédente majorité avait voulu engager une réforme du code minier ; celle-ci n’a pas été menée à bien, malgré la très bonne proposition de loi de M. Jean-Paul Chanteguet. La solution proposée était d’établir des procédures permettant de garantir la participation des citoyens aux décisions prises. Vous prenez une décision beaucoup plus forte et plus courageuse : les hydrocarbures en France, c’est fini. Nous nous en réjouissons d’autant plus que nous avions déposé des amendements en ce sens lors du débat sur le code minier qui avait eu lieu en janvier dernier.

Je reviendrai sans doute plus longuement en commission du développement durable sur l’évolution du texte à la suite de l’avis rendu par le Conseil d’État.

Nous proposerons d’inscrire dans le texte, et non seulement dans l’exposé des motifs, l’accord de Paris et la neutralité carbone. Cela permettra de clarifier la notion de transition énergétique, et de dire clairement que l’État mène une politique de sortie des énergies fossiles, en cohérence avec le plan climat que vous avez présenté.

Nous plaiderons aussi pour la cohérence : le corollaire de l’arrêt de la recherche et de l’exploitation des hydrocarbures en France, c’est la réduction de la consommation et l’arrêt de la promotion des énergies fossiles à l’exportation. On ne peut pas vouloir faire chez les autres ce que l’on refuse de faire chez soi.

Nous proposerons également de revenir à la première version du texte en interdisant immédiatement les hydrocarbures non conventionnels.

Enfin, comme d’autres, nous demanderons que l’échéance de 2040 soit bien le terme des concessions.

Monsieur le ministre d’État, les contrats de transition écologique et solidaire dont vous avez parlé sont essentiels pour résoudre les problèmes notamment sociaux posés par la fin de l’exploitation des hydrocarbures, mais aussi par la réduction de la part du nucléaire ou du charbon. En effet, il est indispensable d’accompagner les salariés et les territoires lors de cette mutation industrielle majeure. Comment cette belle idée se concrétisera-t-elle ?

Mme Bénédicte Taurine. Avec l’article 4, vous avez l’ambition, Monsieur le ministre d’État, de garantir la sécurité des approvisionnements en gaz. Cet objectif est certes louable, mais ce projet pèche, aux yeux du groupe de La France insoumise, tant sur la forme que sur le fond.

Sur la forme, vous demandez une nouvelle fois une habilitation à rédiger des ordonnances. Autrement dit, vous souhaitez que le Parlement se dessaisisse à nouveau de ses prérogatives et donne un blanc-seing au Gouvernement. Pourquoi cette démarche, puisqu’il n’y a pas d’urgence ? Cette réforme aurait un caractère « technique ». Mais il est temps de comprendre que la faillite de notre système politique tient précisément à ce que les réformes ne sont plus soumises à la délibération collective, mais sont imposées au nom d’une expertise. Nous refusons que l’exception devienne la règle et revendiquons la capacité du Parlement à délibérer.

Sur le fond, nous faisons aujourd’hui les frais de choix politiques passés qui mériteraient d’être débattus à nouveau. Si l’approvisionnement pose problème, c’est avant tout parce que vos prédécesseurs ont organisé le démantèlement du pôle public de l’énergie, avec privatisations et mise en concurrence.

Aujourd’hui, le prix du gaz sur les marchés n’inciterait plus les fournisseurs à constituer des stocks ; ce n’est pas surprenant, puisqu’un opérateur privé vise spontanément le profit, à moins d’être contraint par la réglementation. Votre proposition ouvre la porte à des délestages ; les compensations financières seraient optionnelles, et rien n’est dit des consommateurs finaux susceptibles d’être affectés. Pensez-vous autoriser le délestage des ménages en plein hiver ? Une politique sérieuse de sécurisation des approvisionnements ne vise-t-elle pas justement à rendre impossible de telles situations ?

Ce projet fait la part belle aux fournisseurs, aux détenteurs des infrastructures de stockages qui réussissent à obtenir des tarifs garantis, couvrant leur coût, mais aussi aux plus gros consommateurs finaux de gaz, qui bénéficieraient de baisses de prix. En revanche, aucun engagement contraignant n’est prévu en matière d’efficacité énergétique.

Les perdants seront, nous en avons peur, les particuliers et les PME – qui supporteront le coût de ces cadeaux injustifiés, ainsi que d’éventuelles coupures de service – mais aussi l’environnement et les générations futures, pour qui il faudrait, au contraire, prévoir un plan ambitieux de transition énergétique.

Quant à l’article 5, il prête le flanc aux mêmes critiques : une rémunération des fournisseurs pour le service de gestion des clients qu’ils effectuent pour le compte des distributeurs paraît a priori légitime. Mais rien ne garantit que la mesure sera neutre pour les consommateurs. Les distributeurs pourraient très bien répercuter cette nouvelle charge sur leurs prix. Là encore, c’est l’organisation même du secteur qui est problématique et doit être revue. Nous continuons de penser que la transition écologique exige d’en finir avec l’idéologie de la libre concurrence.

Pour toutes ces raisons, nous demanderons la suppression de ces deux articles.

M. Fabien Di Filippo. Le groupe Les Républicains est plutôt favorable aux articles 4 et 5.

Nous appelons néanmoins votre attention sur les conséquences économiques que la réforme prévue à l’article 5 pourrait entraîner ; le risque est important pour le consommateur. Les auditions ont montré que nous ne savons pas comment ces changements pèseront sur les prix et nous aimerions qu’une expertise apporte des précisions sur ce point. Cela permettrait de rassurer les consommateurs.

S’agissant de l’article 4, il nous paraît important que les ordonnances soient rédigées en concertation avec les acteurs. Le sujet est en effet très technique.

En ce qui concerne la philosophie du texte dans son ensemble, vous souhaitez, Monsieur le ministre d’État, « laisser les hydrocarbures dans le sous-sol » français et pour cela, mettre fin sur l’ensemble du territoire, y compris dans les outre-mer, à la production de tous les hydrocarbures, mêmes conventionnels, c’est-à-dire extraits sans fracturation hydraulique.

Ce projet de loi pose problème à la filière de production d’hydrocarbures, mais aussi plus généralement dans le cadre global de notre politique énergétique. En effet, nous ne pouvons pas mettre fin à l’exploitation des énergies fossiles, développer les énergies renouvelables et réduire considérablement notre parc nucléaire sans remettre en cause notre indépendance énergétique, et surtout sans que la facture payée par les consommateurs n’augmente significativement. Toutes ces questions devront être abordées ; on ne peut pas se contenter de se féliciter de votre volonté, louable, de faire cesser l’exploitation des hydrocarbures.

Vous signez l’arrêt de mort de la production française d’hydrocarbures pour 2040. Cela pose un problème de cohérence. Aujourd’hui, 45 % de l’énergie finale consommée en France provient du pétrole, 22 % de l’électricité et 19 % du gaz. Il est logique et souhaitable que la part du pétrole diminue ; mais la quantité consommée sera encore, selon les estimations, de 50 millions de tonnes en 2040, contre 75 millions aujourd’hui. Or ce projet de loi ne prévoit rien pour faire diminuer la consommation. Il ne concerne que la production, et uniquement la production française – qui ne représente que 1 % de notre consommation, c’est vrai. Mais si la consommation ne diminue pas, nous devrons simplement importer davantage d’hydrocarbures, ce qui aura des conséquences négatives tant pour notre balance commerciale, déjà lourdement déficitaire, que pour l’environnement et le changement climatique. En effet, le transport de davantage d’hydrocarbures fera augmenter les émissions de gaz à effet de serre : nos concitoyens doivent savoir que l’on estime qu’une tonne de pétrole produite en France émet trois fois moins de CO2 qu’une tonne de pétrole importée. Elle fait ainsi économiser 100 000 tonnes de CO2 globalement.

Nous sommes donc très réservés.

Je voudrais souligner un dernier point. Le groupe La République en Marche a déposé un amendement demandant un rapport sur la façon dont le Gouvernement compte accompagner les territoires qui vont voir disparaître les emplois liés à la production d’hydrocarbures. Ce souci est plus que légitime. Cela prouve qu’il y a bien là un risque, d’autant que ces territoires seront aussi affectés par la hausse du prix de l’énergie.

Les progrès technologiques et économiques seront toujours plus efficaces que l’écologie punitive pour diminuer les émissions de gaz à effet de serre, et toujours plus efficaces qu’une communication politique à double tranchant.

M. le ministre d’État. Monsieur Fabien Di Filippo, si la disparition de notre production – qui représente seulement 1 % de notre consommation, vous l’avez souligné – nous oblige à augmenter nos importations, alors nous aurons perdu, c’est vrai. L’effort de neutralité carbone devra être beaucoup plus important ! Mais ne partons pas perdants et ne baissons pas les bras. Je suis plus confiant que vous, même si je reconnais que l’exercice sera difficile.

Vous avez raison : la réussite de l’objectif inscrit dans ce projet de loi est conditionnée par la réussite d’autres objectifs, qui sont d’ores et déjà inscrits dans la loi relative à la transition énergétique. Il faudra mener tous ces combats simultanément ; il faudra réduire notre consommation.

Si nous devons, dans un délai raisonnable, parce que cela a été inscrit dans la loi, réduire un peu ou beaucoup – je n’en sais rien – la part du nucléaire, ce sera décidé en fonction des résultats obtenus par les énergies renouvelables. Beaucoup de gens doutent de la capacité de celles-ci à prendre le relais des énergies conventionnelles. Mais gardez à l’esprit qu’en la matière, nous sommes sinon à la préhistoire, du moins aux tout débuts de l’histoire. Jusqu’ici, avec les énergies fossiles et le nucléaire, pour ceux qui considéraient que cette technologie pouvait répondre à nos besoins, nous n’avions pas vraiment de raison de nous lancer de toutes nos forces dans les énergies renouvelables.

Observons bien ce qui est en train de se passer dans les pays émergents qui n’ont pas les mêmes réserves et les mêmes réticences que nous : ils ont atteint, voilà déjà quelques années, les objectifs de développement des énergies renouvelables qu’ils s’étaient fixés pour 2020.

Tout dépend de la foi que l’on a et des moyens que l’on va consacrer à ces nouvelles énergies. Il n’y aura pas une énergie de substitution mais un panel. J’espère qu’il y aura quelques ruptures technologiques sur le stockage des énergies intermittentes. En tout cas, il faut que la France affiche sa détermination à un moment donné.

Je me réjouis que beaucoup d’entre vous soient plus ambitieux que je ne le suis à ce stade. Mais s’il existe dans ce projet de loi quelques petites faiblesses qui ont pu être pointées du doigt et qui seront probablement rappelées à travers vos amendements, c’est par crainte d’être censurés par le Conseil constitutionnel.

Dans mon discours liminaire, je n’ai pas évoqué les deux articles sur lesquels vous êtes saisis au fond, et je vous prie de m’en excuser. Sur l’article 4, comme vous, j’espère que le recours aux ordonnances ne deviendra pas la norme. Il est cependant urgent d’agir. J’ai appris que nous étions passés l’année dernière au bord d’une rupture d’approvisionnement. Il faut donc sécuriser notre approvisionnement pendant l’été pour pouvoir faire face aux besoins l’hiver.

L’article 5, quant à lui, n’a pas pour objectif d’augmenter le coût pour les consommateurs mais au contraire de le réduire. Il est donc urgent d’adopter cette disposition pour les protéger.

J’essaie d’avoir de la prévisibilité car, comme vous l’avez dit, il y aura des gagnants et des perdants. Si, à terme, l’idée est qu’il n’y ait que des gagnants, à un moment il faudra bien passer par des conversions professionnelles, des bouleversements dans certains territoires. Je n’ai toutefois pas le sentiment que ce projet de loi va toucher tant d’emplois que cela, les entreprises concernées n’étant pas monofonctionnelles, et exerçant une grande diversité d’activités. En tout état de cause, l’objectif est de planifier la transition et d’identifier les territoires ou les personnes qui vont subir cette transition afin de pouvoir les accompagner. Tel est l’esprit des contrats de transition, clé de l’acceptabilité sociale de la transition écologique.

M. Didier Martin. La France est souvent perçue comme à l’avant-garde en matière de lutte contre le réchauffement climatique dans la mesure où c’est le premier pays au monde à présenter une telle interdiction. Est-il possible d’imaginer qu’elle entraîne d’autres pays sur son chemin ? Si oui, par quel biais et dans quelle mesure ? Autrement dit, quel effet d’entraînement peut-on réellement attendre ?

M. Max Mathiasin. Monsieur le ministre d’État, le groupe du Mouvement démocrate et apparentés (Modem) approuve pleinement le projet de loi. Toutefois, je ferai quelques remarques.

Ce texte s’applique à l’ensemble des zones sous juridiction de la République, donc aux outre-mer. En Guadeloupe, nous avons subi des cyclones terribles : d’abord Hugo il y a quelques années et cette année Irma, ouragan de catégorie 5. De mémoire de Guadeloupéen, je n’avais jamais vu cela.

Ne faudrait-il pas revoir les dispositions de la loi de loi de 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte afin d’accélérer cette transition énergétique dans les départements français de la Caraïbe? Je dis cela car nous sommes totalement tributaires de l’énergie fossile alors que nous pouvons développer le solaire, le photovoltaïque et l’éolien.

M. Jacques Cattin. J’ai été maire pendant vingt-deux ans d’un village viticole en Alsace. Avec mon équipe nous avons toujours veillé à ce que nos administrés aient accès à différentes énergies. Ainsi, nous avons le gaz naturel depuis un an, ce qui n’était pas évident pour un village rural.

De mon bureau à Paris, je vois la tour Eiffel et le dôme des Invalides, tandis que lorsque je suis dans ma circonscription, c’est la centrale de Fessenheim que je vois. La fermeture de cette centrale est programmée – et je crois que nous sommes tous d’accord sur ce point – mais nous devons veiller à ce que celle-ci soit le plus sécurisée possible.

Dans mon village, nous sommes confrontés également aux inconvénients liés au chauffage au bois. Les particuliers comme les petites exploitations viticoles s’équipent de plus en plus de chaudières qui émettent de la fumée qui nous empeste. En période de basses pressions, c’est la catastrophe. Que faire ?

Si le présent texte va dans le bon sens, il n’agit pas suffisamment sur la consommation. Comme nous sommes nombreux, depuis que nous sommes élus, à avoir la chance de fréquenter les ministres – qui sont par ailleurs bien sympathiques (Sourires) –, nous pouvons les interpeller : Monsieur le ministre d’État, alors que nous devrions montrer l’exemple, il n’y a pas de double vitrage à l’Assemblée nationale. On m’a expliqué qu’il en était ainsi parce qu’il s’agit de bâtiments classés. Mais en Alsace, nous avons aussi des bâtiments classés que l’on a pu cependant isoler. Vous devriez insister sur ce point. Dans ma commune, la dernière mesure que j’ai prise avant de partir a consisté précisément à isoler les bâtiments de la mairie, et l’année prochaine ce sera au tour de l’école. Le projet de loi ne va donc pas assez loin en ce domaine.

On nous dit qu’il faut développer les énergies autres que les énergies fossiles. Je viens d’entendre un de mes collègues dire qu’il y avait dans sa circonscription du soleil et du vent. Chez nous, il n’y a rien de cela, seulement du bon vin. Il faut donc faire des efforts en matière d’isolation.

M. José Évrard. Les éléments qui se déchaînent semblent donner raison à l’urgence climatique. Néanmoins, il y a des contradicteurs comme M. Emmanuel Le Roy Ladurie qui avait fait une étude climatique sur mille ans de climat, ou d’autres qui mettent en cause le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC).

Les énergies propres sont-elles nécessairement la solution ? Ainsi, une éolienne nécessite 1,5 tonne de béton, des métaux rares et ne produit pas forcément toujours de l’énergie.

Par ailleurs, nous ne sommes pas seuls au monde. Que vont faire les États-Unis, sachant que les fermes du Midwest produisent plus de CO2 que le pétrole ? Que va faire le Brésil, qui déforeste ? La consommation d’huile de palme engendre également la déforestation. Alors que les problèmes énergétiques sont considérables, les solutions locales ne seront pas déterminantes. Il faudra les traiter au niveau mondial pour avancer sur cette question.

Monsieur le ministre d’État, vous avez parlé de foi : je sais bien que parfois elle déplace des montagnes. Mais la foi c’est la croyance et pas toujours le savoir.

Mme Emmanuelle Ménard. L’arrêt de l’exploitation des hydrocarbures conventionnels et non conventionnels implique bien évidemment le développement d’autres énergies, et notamment l’énergie éolienne industrielle qui suscite de nombreuses interrogations et beaucoup de colère parce qu’elle est souvent imposée. Parmi les objections à cette énergie, les plus fréquentes mentionnent un intérêt écologique marginal, une production inconciliable avec la consommation, une énergie intermittente difficile à contrôler, un réseau électrique inadapté, un pari économique incertain puisque largement subventionné, et surtout une présence souvent très mal acceptée par les populations qui les subissent. Pour ces populations, les enjeux majeurs sont la protection des paysages et des sites souvent magnifiques.

Je sais bien qu’à tous ces arguments on m’opposera autant de contre-arguments, mais personne ici, je pense, n’habite à proximité de ces gigantesques machines. La problématique majeure soulevée par ces associations est le mitage des parcs éoliens sur tout notre territoire.

Monsieur le ministre d’État, est-il envisageable de faire participer les associations implantées dans les zones où existent des parcs éoliens et de leur reconnaître le statut d’expert citoyen puisque ce sont leurs membres qui vivent au quotidien dans ces zones ? Est-il envisageable d’engager un véritable débat public sincère, et, en attendant ce débat, d’imposer un moratoire qui permettrait d’établir un bilan des impacts et des résultats des installations éoliennes, ce qui apaiserait la colère souvent justifiée de ces collectifs parce qu’on leur impose beaucoup de choses ?

M. le ministre d’État. Sans vouloir esquiver les questions soulevées, ce n’est peut‑être pas le moment de refaire le débat sur la transition énergétique. Mieux vaut se concentrer sur le présent texte.

Je comprends les réserves et les réticences de ceux qui, vivant dans un paysage séculaire, se retrouvent tout à coup face à ces mâts imposants. Mais qu’est-ce qui est le plus urgent ? Personne n’a envie d’avoir une centrale nucléaire ou une centrale à charbon à côté de chez soi et peu de gens ont envie d’avoir des éoliennes à côté de chez eux. Mais à ce compte-là, on est sûr d’avoir le pire des scénarios en matière de changement climatique. Regardez ce qui se passe au quotidien et pas seulement dans les îles des Caraïbes, même si elles sont plus vulnérables que nous ! Demandez aux agriculteurs de vous parler des conséquences du changement climatique ! À un moment ou un autre, il faudra donc bien faire des choix.

Comme vous, je suis attaché aux paysages, mais je suis obligé de définir une sorte de hiérarchie en matière de choix. Pour protéger demain l’humanité, il faudra bien sacrifier un certain nombre de choses.

Monsieur Max Mathiasin, il est aberrant en effet qu’il n’y ait pas, en outre-mer, une forme d’autonomie énergétique. S’agissant de la géothermie, je ne sais que trop bien pourquoi il n’y a pas un nouveau forage en Guadeloupe… Vous avez parlé du vent et du soleil, mais il ne faut pas oublier les énergies thermiques marines qui peuvent combattre l’intermittence. Dans les mois qui viennent, il nous faudra travaille sur ces sujets avec Mme Annick Girardin, la ministre des outre-mer.

L’énergie conventionnelle, et notamment la production d’électricité, a été subventionnée pendant très longtemps. C’est pour cela qu’elle a changé d’échelle et qu’elle a pu devenir ce qu’elle est. Gardez à l’esprit qu’il y a beaucoup d’appels d’offres en Europe, s’agissant notamment des éoliennes, qui se font sans la moindre subvention. On parvient parfois à une parité avec le coût du réseau.

La première fois que j’ai rencontré Narendra Modi, le Premier ministre indien, il m’avait dit ceci : « Monsieur Hulot, j’ai été élu en Inde pour donner accès à l’électricité à 500 millions d’Indiens qui n’en disposent qu’une heure par jour et aux 500 autres millions qui ne l’ont pas du tout. Et comme j’ai du charbon, je vais l’exploiter. » C’était il y a quatre ans. Entre-temps, il a été à l’origine de l’Alliance solaire internationale et, sans aller jusqu’à dire qu’il ne va pas du tout exploiter le charbon, sa priorité, c’est les énergies solaires. Croyez-moi, il risque de nous surprendre.

Comment convaincre ? Par l’exemple, l’effet d’entraînement – le dispositif mis en place pour les véhicules va être suivi –, la réussite, c’est-à-dire la mise en place de mesures. Pourquoi vouloir augmenter le prix du carbone – tout en diminuant bien sûr d’autres prélèvements pour ne pas entraîner les acteurs économiques et les citoyens dans une impasse ? Parce que sans introduire un avantage compétitif en faveur de l’économie bas carbone, nous n’y arriverons pas. Parce que si la commande publique ne s’approvisionne pas auprès d’une économie bas carbone, nous ne créerons pas les nouveaux standards de demain.

Certes, l’administration Trump a tourné le dos à l’accord de Paris, mais au moment où je vous parle, il y a trois fois plus d’emplois aux États-Unis dans les énergies renouvelables que dans le charbon. Pour avoir discuté il y a quatre jours avec Jerry Brown, le gouverneur de Californie, et avec le maire de New York, je peux vous dire que les nouveaux standards industriels dans le transport aux États-Unis vont se faire en Californie et à New York. Une grande partie des États-Unis est en train de préparer le modèle économique et énergétique de demain. Nous avons intérêt à fixer des objectifs et à garder à l’esprit que nos petites, moyennes et grandes entreprises couvrent l’ensemble du dispositif de la transition climatique.

Monsieur Jacques Cattin, le ministère que j’occupe est probablement l’une des pires passoires thermiques de Paris, ce qui est un comble. Ce matin, le Gouvernement a présenté un grand plan d’investissement qui a fixé comme priorité les bâtiments publics. Quelque 210 millions de mètres carrés de bâtiments publics de l’État et des collectivités locales sont ainsi concernés. Quand on demande aux autres de faire un effort, il faut commencer par le faire à soi-même.

M. le président Roland Lescure. Monsieur le ministre d’État, nous aurons l’occasion de vous auditionner dans les semaines qui viennent, et donc de débattre de tous ces sujets essentiels.

 

 

 


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II.   EXAMEN DES ARTICLES

La commission en vient à l’examen des articles dont elle est saisie pour avis.

Chapitre Ier
Arrêt de la recherche et de l’exploitation des hydrocarbures dans le cadre de la lutte contre le réchauffement climatique

Avant l’article 1er

La commission est saisie de l’amendement CE11 de Mme Delphine Batho. 

Mme Delphine Batho. Dans le droit actuel, le code de l’énergie fixe un objectif de réduction de 30 % de la consommation primaire d’énergie fossile en 2030 mais n’en prévoit aucun à l’horizon de 2040 ni de 2050. En cohérence avec l’échéance fixée par le présent projet de loi, cet amendement propose une échéance pour la réduction, voire la suppression de la consommation d’énergies primaires d’origine fossile.

M. le ministre d’État. Nous souscrivons totalement à cette volonté de réduire rapidement la consommation d’énergies fossiles. La loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte a déjà fixé un objectif précis à l’horizon de 2030 et le plan climat vise, quant à lui, une ambition majeure : la neutralité carbone à l’horizon de 2050.

Plutôt que de fixer dans la loi, sans approfondissement, un nouvel objectif de consommation à l’horizon de 2040, nous préférons lancer des actions concrètes pour accompagner cette transition et essayer de réduire autant que faire se peut le recours aux énergies fossiles : ces actions concernent notamment l’électrification des usages, la prime pour le remplacement d’équipements anciens et la promotion de l’efficacité énergétique.

Par ailleurs, les révisions, d’ici à la fin de l’année 2018, de la stratégie nationale bas carbone (SNBC) et de la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) nous apporteront, je l’espère, des éclaircissements au-delà de l’échéance de 2030 – notamment quant à la trajectoire vers la neutralité carbone. Je vous demanderai donc de retirer votre amendement.

Mme la rapporteure pour avis. Cet amendement modifie en effet les objectifs de la politique énergétique nationale, en prévoyant non plus seulement une réduction de la production et de la consommation primaire d’énergies fossiles de 30 % d’ici à 2030, mais également de 100 % en 2040. Si cet amendement a le mérite d’insister sur l’importance de poursuivre nos efforts pour développer les énergies renouvelables et réduire de manière significative notre consommation d’énergies fossiles, il me semble, au vu des études prospectives, que la France ne sera pas en mesure de se passer d’hydrocarbures à l’horizon de 2040, tant en ce qui concerne la consommation des véhicules thermiques que dans d’autres secteurs. Avec cette loi, nous souhaitons, grâce à des actions concrètes, mettre progressivement un terme à cette consommation. Avis défavorable.

M. Fabien Di Filippo. Si l’amendement de Mme Delphine Batho est très ambitieux, il a le mérite d’être cohérent avec ce que vous prônez. Car contrairement à ce que vous avez répondu à mes explications de vote tout à l’heure, je pense que ce 1 % d’hydrocarbures que l’on produit en France devraient être le dernier dont on se passera. Il devrait n’être supprimé qu’en bout de chaîne, quand on arrivera au terme de l’utilisation des énergies fossiles puisque c’est celui qui nous coûte le moins cher et qui est le moins polluant. On devrait d’abord réussir à se passer de tous les hydrocarbures importés. C’est un point de désaccord : vous proposez de commencer par nous priver des hydrocarbures produits en France avant de réussir à nous passer de ceux que nous importons. En ce sens, l’amendement de Mme Delphine Batho me paraît plus cohérent avec la stratégie que nous devrions mener.

M. le ministre d’État. Dans mon esprit, il ne s’agit pas de privilégier les uns au détriment des autres. Puisque nous ne pouvons influer que sur notre territoire national, nous devons donner un signal fort en appliquant la règle chez nous. Mais cela ne nous exonèrera pas, compte tenu des objectifs inscrits dans le texte, de réduire également, pas à pas, nos propres importations. C’est bien l’addition de ces deux objectifs qu’il faut se fixer, et certainement pas se limiter à nos 1 %.

Mme Delphine Batho. Madame la rapporteure pour avis, mon amendement ne modifie pas les objectifs figurant aujourd’hui dans le code de l’énergie : il les complète, dans une logique de cohérence entre les objectifs fixés en matière de production, d’une part, et de réduction de la consommation, d’autre part. Je suis d’ailleurs prête à discuter des chiffres.

Monsieur le ministre d’État, nous sommes parfaitement d’accord que l’action concrète importe bien davantage que tous les objectifs inscrits dans les lois qui restent parfois virtuels – l’histoire l’a trop souvent montré. Mais, du fait des choix du précédent Gouvernement, la PPE est fixée par décret et ne sera donc pas débattue par le Parlement. C’est pourquoi, à l’occasion de ce projet de loi mettant fin à l’exploitation des hydrocarbures, j’ai déposé plusieurs amendements visant à faire figurer la neutralité carbone et l’objectif de réduction de la consommation d’énergies fossiles parmi les objectifs généraux de la politique énergétique de la Nation. C’est un sujet sur lequel nous reviendrons en séance car il est pour nous important.

La commission rejette l’amendement CE11.

Article 1er
Arrêt progressif de l’exploration et de l’exploitation des hydrocarbures

La commission aborde l’amendement CE17 de Mme Delphine Batho.

Mme Delphine Batho. Cet amendement est quasi rédactionnel et vise à assurer une cohérence entre l’alinéa 3 de l’article 1er, qui vise explicitement les hydrocarbures solides, et l’alinéa 7. Même s’il n’y a plus d’exploitation de charbon, à mon sens, toutes les dispositions du projet de loi s’appliquent aussi à cette source d’énergie.

M. le ministre d’État. Sous réserve que vous fassiez explicitement référence au charbon, le Gouvernement est favorable à cet amendement. En effet, même si la France ne produit plus de charbon aujourd’hui, il paraît utile et nécessaire d’inscrire dans cette loi que nous ne voulons pas rouvrir les mines de charbon dans les années à venir.

Par contre, la définition des hydrocarbures solides peut prêter à confusion, en particulier en ce qui concerne les bitumes. Ainsi, il existe une mine de calcaires bitumineux qui est utilisée à des fins non énergétiques comme la cosmétique ou la pharmacie. Le Gouvernement propose donc une rédaction visant explicitement le charbon parmi les substances concernées par les dispositions de la loi : un projet d’amendement, qui a été transmis aux rapporteurs, sera discuté demain en commission du développement durable. Nous vous proposons donc de retirer votre amendement, Madame Delphine Batho.

Mme la rapporteure pour avis. Même avis. Un projet d’amendement nous a effectivement été transmis et sera soutenu par le rapporteur au fond, M. Jean-Charles Colas‑Roy. 

Mme Delphine Batho. Je retire mon amendement.

L’amendement CE17 est retiré.

La commission en vient à l’amendement CE18 de Mme Delphine Batho. 

Mme Delphine Batho. Cet amendement vise à interdire explicitement l’exploration et l’exploitation des hydrocarbures non conventionnels. Nous ne souscrivons pas au raisonnement suivi par le Conseil d’État dans son avis. À partir du moment où le projet de loi interdit la délivrance de nouveaux permis pour tous les hydrocarbures, il empêche de fait la délivrance de permis qui concerneraient des hydrocarbures non conventionnels. Mais nous pensons qu’il est nécessaire d’inscrire dans la loi l’interdiction des hydrocarbures non conventionnels, quelle que soit la technique utilisée, pour avoir la garantie totale que les permis et concessions existants ne puissent pas être utilisés à des fins non conventionnelles. On ne peut répondre à cette question comme le fait le Conseil d’État dans son avis, en invoquant les dispositions de la police des mines relatives au contrôle des autorisations de travaux. Car il a été procédé, sur la concession de Champotran par exemple, à une fracturation hydraulique pour tester l’extraction d’hydrocarbures non conventionnels. Nous pensons qu’il y a un biais dans le raisonnement du Conseil d’État et qu’il serait préférable que ce qui a été énoncé par circulaire dans le passé par différents ministres, moi-même y compris, sur la surveillance des autorisations de travaux figure dans la loi.

M. le ministre d’État. Je dois reconnaître que nous avons eu ce débat au sein même du Gouvernement et que je suis un peu chagriné que le texte ne soit pas plus précis. Je me suis rangé à l’argument selon lequel le Conseil constitutionnel risquait de trouver là un motif d’annulation qui pourrait fragiliser notre dispositif. On le sait pour différentes raisons : la question des hydrocarbures non conventionnels est importante. Prenons acte du fait que le projet de loi met fin à la possibilité de recherche et d’exploitation de tous les types d’hydrocarbures – gaz et pétrole de schiste inclus. En ce qui concerne les hydrocarbures non conventionnels, le Conseil d’État a estimé, comme vous l’avez rappelé, que leur définition n’était pas consensuelle sur les plans technique et scientifique et nous a donc demandé de retirer cette définition de la loi.

Effectivement, toutes les concessions qui existent exploitent des gisements classiques, piégeages dans une roche dont on peut extraire les hydrocarbures sans recourir à la fracturation hydraulique. Et ce sont uniquement ces gisements classiques qui sont recherchés dans le cadre des permis d’exploration existants. Le Conseil d’État a estimé que le dispositif actuel ne permettait pas l’exploration et l’exploitation d’hydrocarbures qui ne seraient pas dans ces gisements classiques.

Si entre-temps, d’autres techniques présentaient des inconvénients ou des dangers tels qu’il faille en envisager l’interdiction, on considère que l’État disposerait, dans le cadre de la police des mines, des outils nécessaires pour en proscrire immédiatement l’utilisation dans les travaux miniers qui sont subordonnés à une autorisation préalable, c’est-à-dire à une étude de danger et une étude d’impact, et soumis à des contrôles.

On peut toujours imaginer le pire des scénarios. Il faudrait un enchaînement de circonstances aussi peu probable que de tirer le ticket gagnant au loto – mais on ne sait jamais – pour qu’un gisement non conventionnel soit découvert parce qu’adossé à une concession ou à un permis conventionnel actuel, qu’une technique autre que la fracturation hydraulique ait été découverte à l’étranger – puisque la recherche sur ces techniques est prohibée sur notre territoire – et que l’exercice de cette technique soit autorisé par l’État car ne nuisant pas à l’environnement. Cela fait beaucoup mais je ne puis dire que le risque zéro n’existe pas. N’oublions pas cependant encore une fois que le projet de loi interdit l’expérimentation d’autres techniques que la fracturation hydraulique, en abrogeant les articles de la loi du 13 juillet 2011.

Enfin, rappelons l’essentiel : le projet de loi met fin à l’exploration et à l’exploitation des hydrocarbures moyennant la fin du stock des permis et concessions actuels. Pour garder à la loi sa solidité juridique, il est important de suivre l’avis du Conseil d’État. Il convient de ne pas affaiblir la loi par des amendements que l’on considère sans portée réelle.

C’est pourquoi nous vous suggérons de retirer votre amendement. À défaut, nous y serons défavorables.

Mme la rapporteure pour avis. Comme vient de le souligner M. le ministre d’État, la définition des hydrocarbures non conventionnels n’est pas consensuelle. Il existe par ailleurs un ensemble des mesures permettant d’encadrer les possibilités d’exploration et d’exploitation de ces hydrocarbures. Avis défavorable.

Mme Delphine Batho. Je tiens effectivement à souligner que l’article 3 du projet de loi, qui supprime les articles 2 et 4 de la loi du 13 juillet 2011, est une avancée majeure. Il met fin à un sempiternel feuilleton sur l’expérimentation et la recherche sur les gaz de schiste.

Quant à la disposition que je propose, elle a déjà été adoptée par l’Assemblée nationale dans le cadre de la proposition de loi dite « Chanteguet » portant adaptation du code minier au droit de l’environnement. La définition – prétendument « non consensuelle » – des hydrocarbures non conventionnels est aussi celle qui figurait dans le projet de loi initial du Gouvernement, débattu devant le Conseil national de la transition écologique. Nous maintenons donc cet amendement important. Je crois qu’une des manières de « bétonner » la constitutionnalité du texte est de faire figurer l’accord de Paris sur le climat et le principe de neutralité carbone dans un chapitre liminaire du projet de loi. Ces deux éléments sont en effet le pourquoi du texte, la raison de l’arrêt de la production et de la consommation d’hydrocarbures, et contribuent donc à la solidité de la loi. Nous reprendrons en séance le débat sur ces dispositions mais je vous ferai simplement remarquer que l’interdiction des hydrocarbures non conventionnels reste actuellement dans le titre du projet de loi ainsi que dans son exposé des motifs mais ne figure plus dans le texte même, si ce n’est indirectement. Les hypothèses que j’ai évoquées peuvent effectivement paraître très rares et saugrenues mais l’histoire a montré qu’il faut quand même être prudent.

La commission rejette l’amendement CE18.

La commission examine en discussion commune les amendements CE12 et CE13 de Mme Delphine Batho. 

Mme Delphine Batho. Ces amendements visent à insérer l’échéance de 2040 à l’alinéa 9 de l’article 1er. L’amendement CE12 propose une rédaction que je qualifierai de stricte, visant l’année 2040, tandis que la rédaction de l’amendement CE13 est plus souple, visant « l’horizon 2040 ».

M. le ministre d’État. J’aurais effectivement préféré que les choses soient plus claires. Si l’on vise un horizon, c’est qu’il risque d’y avoir quelques résidus au-delà de 2040 mais cette date sera déjà, je l’espère, une étape conséquente. La date figure dans le projet de loi, dans le texte proposé pour l’article L. 111-8 du code minier qui dispose que les concessions ne pourront être prolongées au-delà de 2040. Par ailleurs, comme vous l’avez mentionné, aucun permis exclusif de recherche n’étant plus délivré, aucun permis ne pourra être encore valide en 2040.

Reste évidemment la question des futures concessions issues du droit de suite qui n’ont pas encore été demandées. Elles seront nécessairement en nombre très limité et ne pourraient théoriquement être accordées pour une durée de validité susceptible de dépasser l’année 2040. C’est un dilemme que nous avons tranché. Le Conseil d’État recommande, toujours dans le même esprit, au titre de la garantie des droits des opérateurs, que le projet de loi ne remette pas en cause cette possibilité, ce qui risquerait selon lui de fragiliser l’ensemble du texte et de susciter des demandes d’indemnisation. C’est pourquoi nous vous demandons, à ce stade, de retirer ces amendements.

Mme la rapporteure pour avis. Ces amendements sont effectivement de nature à fragiliser le texte dans sa globalité. J’entends la proposition que vient de faire le ministre d’État, de clarifier certains éléments et je crois que le rapporteur de la commission du développement durable, M. Jean-Charles Colas-Roy soumettra demain à la commission du développement durable une rédaction alternative sur ces sujets. Avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements CE12 et CE13.

Elle est saisie, en discussion commune, des amendements CE25 de M. Denis Sommer et CE16 rectifié de Mme Delphine Batho. 

M. Denis Sommer. L’amendement CE25 vise à préciser que les concessions accordées à la suite d’un permis exclusif de recherche ne peuvent excéder l’échéance de 2040. Cette interdiction concrétise ainsi l’objectif du projet de loi. Elle est conforme tant à l’accord de Paris qu’au plan climat du Gouvernement et à l’intention de laisser les hydrocarbures dans le sous-sol. D’ailleurs, l’étude d’impact du projet de loi rappelle que compte tenu des délais inhérents à la recherche – cinq ans renouvelables deux fois –, l’exploitation d’hydrocarbures pourrait aller jusqu’à cinquante ans, et la production, au-delà de 2050-2060. En l’état actuel, au moins quatre des soixante-trois concessions en cours de validité seraient prolongées au-delà de 2041. Nous proposons donc l’adoption de cet amendement, tout en sachant que nous laissons vingt ans aux industriels pour amorcer une sortie progressive de la production d’hydrocarbures sur notre territoire et que nous facilitons leur reconversion. Vous avez insisté, Monsieur le ministre d’État, sur la nécessaire progressivité mais aussi sur le caractère contraignant qui est l’une des conditions des innovations de rupture que nous attendons. Cet amendement est donc en cohérence avec l’objectif fixé par ce projet de loi.

Mme Delphine Batho. L’amendement CE16 a le même but. Comme le ministre d’État l’a évoqué lui-même, il y a pour l’instant un « trou dans la raquette ». Prenons le cas du permis « Guyane Maritime » qui a été prolongé en fin de semaine dernière. Si une concession est délivrée, elle ira au-delà des échéances de la loi. Je considère comme mon collègue que le délai de prévenance proposé est suffisant : dès lors que la disposition concernera les permis de recherche en cours qui, si jamais il existait un gisement, donneraient lieu à la délivrance d’une concession, nous proposons de prévoir la possibilité de la borner elle aussi à 2040.

M. le ministre d’État. Je partage vos réserves. Pour l’instant, nous avons privilégié la sécurité juridique. Mais si d’avenir, une solution nous était proposée, j’en serais évidemment le premier satisfait. Car même si les « trous dans la raquette »,  ne sont pas gros, ils existent néanmoins et plus l’horizon sera clair, plus efficace sera la mise en cohérence de notre société. À ce stade, le Gouvernement demande le retrait de ces amendements.

Mme la rapporteure pour avis. Ces concessions relèvent de droits légalement acquis par leurs titulaires. Les amendements proposés nous semblent donc de nature à fragiliser le texte. Une rédaction alternative, qui sera proposée en commission du développement durable, pourrait satisfaire les attentes des uns et des autres. Avis défavorable aux deux amendements.

M. le président Roland Lescure. Madame Delphine Batho, Monsieur Denis Sommer, souhaitez-vous retirer vos amendements ?

M. Denis Sommer. Non. L’amendement CE25 est proposé par un large groupe de députés et je n’ai pas autorité pour décider seul de son retrait.

Mme Delphine Batho. Je maintiens mon amendement à ce stade en attendant de voir les propositions censées le satisfaire.

La commission rejette successivement les amendements CE25 et CE16 rectifié.

Elle en vient à l’amendement CE14 de Mme Delphine Batho. 

Mme Delphine Batho. Je le reconnais, Monsieur le président, cet amendement est sinon provocateur, à tout le moins polémique. Nous avons déjà connu par le passé des situations comme celle d’aujourd’hui où, en même temps que la France assume une position de leadership dans la lutte contre le réchauffement climatique – position dont il faut d’ailleurs se réjouir –, on assure parallèlement et de façon plus discrète la promotion des industries liées aux énergies fossiles à l’international. Compte tenu du principe de la liberté d’entreprendre, il ne s’agit pas, bien sûr, de vouloir tout régenter. Mais l’État ne doit plus accompagner ni soutenir cette promotion des énergies fossiles à l’export. C’est une question de cohérence mais aussi d’éthique : nous ne pouvons pas dire que nous ne voulons plus de recherche ou d’exploitation des hydrocarbures en France tandis que nous voudrions bien continuer à en assurer l’exploitation chez les autres.

M. le ministre d’État. Dans son esprit, cet amendement ne relève pas de la provocation mais d’une exigence de cohérence. Madame la députée, je ne peux que partager cet esprit. Mais plusieurs dizaines de milliers d’emplois et un chiffre d’affaires très important sont en jeu. Cela ne veut pas dire qu’il faille laisser cette incohérence en jachère. Nous considérons cependant qu’il serait un peu brutal de procéder ainsi dans le cadre du projet de loi. Le Gouvernement proposera à cette filière un dialogue et des actions pour qu’elle s’engage de manière beaucoup plus cohérente et probante dans la transition énergétique et qu’elle prépare, elle aussi, l’après-hydrocarbures. Elle a d’ailleurs intérêt à le faire – d’autres n’ayant pas les mêmes réserves – en mobilisant ses compétences pour diverses activités comme la géothermie – cela a été évoqué – ou le développement des énergies marines. Nous passerons d’ailleurs en revue les aides à l’export afin de limiter au maximum leur contribution au réchauffement climatique. Nous verrons aussi avec l’Agence française du développement (AFD) ou Bpifrance. La rédaction que vous proposez est trop large : elle pourrait toucher toutes sortes d’aides indirectes. Elle serait donc inefficace, en raison de la possibilité qui est encore offerte de filialisation des activités dans d’autres pays.

En revanche, le Gouvernement s’est fixé un objectif d’exemplarité en matière de lutte contre le dérèglement climatique et va continuer à agir sur le plan diplomatique pour convaincre d’autres pays – j’en suis convenu avec M. Jean-Yves Le Drian – d’adopter sur leur territoire la démarche d’arrêt progressif de la production d’hydrocarbures. À New York, lors de l’Assemblée générale des Nations Unies, l’initiative française, qui était un peu anticipée puisque j’ai bien précisé que les députés ne s’étaient pas encore exprimés, a déjà suscité de nombreux débats que j’ai sentis très positifs. J’espère donc que la contagion va gagner. À ce stade, c’est avec regret que je vous demanderai de retirer votre amendement.

Mme la rapporteure pour avis. Il me semble que l’amendement est trop large et qu’il serait difficilement applicable, mais il a le mérite de s’inscrire dans une cohérence intellectuelle et de soulever une véritable question. C’est pourquoi je souhaiterais, Monsieur le ministre d’État, que vous puissiez prochainement détailler devant notre assemblée les mesures que vous venez d’évoquer. Néanmoins, je suggère à Mme Delphine Batho de retirer son amendement, faute de quoi j’y serais défavorable.

M. Fabien Di Filippo. L’amendement de Mme Delphine Batho est, sinon provocateur, du moins très malicieux en ce qu’il souligne les contradictions du Gouvernement. En effet, celui-ci dénonce la brutalité d’une telle mesure et, sur ce point, je suis d’accord : elle menacerait des dizaines de milliers d’emplois et pourrait porter un coup rude à notre économie. Mais ce qu’il s’apprête à faire sur notre sol aura les mêmes conséquences. À une plus petite échelle, certes, mais sa politique sera tout aussi brutale et elle aura des effets très importants dans les territoires concernés. J’y reviendrai lorsque nous aborderons l’amendement CE10, qui me permettra d’évoquer l’analyse de ces conséquences.

Mme Delphine Batho. Je tiens à remercier le ministre et la rapporteure pour avis pour l’intérêt qu’ils manifestent pour cet amendement. En effet, si j’ai bien compris leurs réponses, il conviendrait, selon eux, de mieux définir l’objet de l’amendement, mais ils considèrent que la mise en cohérence de l’action que nous menons au plan international et de la politique conduite au niveau national en matière d’hydrocarbures relève du bon sens. Je vais donc retirer l’amendement CE10, et je le retravaillerai, en tenant compte des remarques qui ont été faites, en vue de la séance publique.

L’amendement est retiré.

L’amendement CE23 de M. Denis Sommer est également retiré.

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 1er sans modification.

Après l’article 1er

L’amendement CE19 de Mme Delphine Batho n’a plus d’objet

Article 2
Dispositions relatives à l’entrée en vigueur de l’article 1er

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 2 sans modification.

Article 3
Suppression de la Commission nationale d'orientation, de suivi et d'évaluation des techniques d'exploration et d'exploitation des hydrocarbures liquides et gazeux

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 3 sans modification.

Après l’article 3

La commission est saisie de l’amendement CE20 de Mme Delphine Batho.

Mme Delphine Batho. S’il n’apporte pas une solution juridique satisfaisante, cet amendement permet de rappeler que le risque existe que soient importés en France des hydrocarbures issus, par exemple, des sables bitumineux. Du reste, ce risque, le rapport qui a été remis au Premier ministre sur le CETA (Comprehensive economic and trade agreement), accord entre l’Union européenne et le Canada, ne l’écarte pas, tout en précisant qu’il n’est pas exclusivement lié à cet accord. De fait, on peut craindre l’importation de tels hydrocarbures suite à la relance du pipeline Keystone et à une probable hausse du prix du baril.

Par le passé, des propositions beaucoup plus ambitieuses avaient été formulées à propos de l’élaboration d’une norme européenne de qualité des carburants qui permettrait d’empêcher l’importation des hydrocarbures dont le bilan environnemental est le plus désastreux, mais le débat européen avait été bloqué. Je souhaiterais donc connaître vos intentions en la matière, monsieur le ministre d’État.

M. le ministre d’État. Le Gouvernement partage pleinement les préoccupations que vous venez d’exprimer. Il a engagé des mesures concrètes pour réduire la consommation d’énergies fossiles mais aussi celle des produits les plus polluants. Toutefois, la mesure que vous proposez impose la création d’un système de traçabilité des produits. De plus, elle ne peut pas être discriminatoire et concerner un seul carburant ou uniquement un carburant importé. Aussi le Gouvernement a-t-il prévu de réaliser une étude approfondie des bruts et des produits importés qui fera l’objet d’un rapport au Parlement et qui, je l’espère, servira de base pour appuyer la demande de révision de la directive relative à la qualité des carburants – qui est, selon moi, l’outil essentiel – afin d’introduire des dispositions qui permettront d’écarter l’importation des bruts les plus polluants ainsi que les sous-produits issus de ces bruts.

À la suite du fameux rapport sur le CETA du 7 septembre dernier, un plan d’action va être initié et, dans ce cadre, il pourrait être opportun d’introduire les mesures que vous proposez dans votre amendement. Je vous suggère donc, Madame la députée, de retirer cet amendement.

Mme la rapporteure pour avis. Même avis que le Gouvernement.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle examine, en discussion commune, les amendements CE10 de Mme Huguette Tiegna et CE15 de Mme Delphine Batho.

Mme Huguette Tiegna. La fin de l’exploration et de l’exploitation des hydrocarbures aura un impact sur les territoires concernés. L’amendement CE10, qui s’inscrit dans l’esprit des contrats de transition écologique, vise à inciter le Gouvernement et les parties prenantes à réfléchir aux solutions de conversion possibles pour ces territoires, de façon à anticiper la fin de l’exploitation des hydrocarbures sur le territoire français à l’horizon 2040. Il convient en effet d’éviter que ne se reproduise la situation qu’ont connue les territoires des anciens bassins miniers, pour lesquels la conversion a été très compliquée et l’accompagnement insuffisant.

Mme Delphine Batho. N’étant pas moi-même adepte des demandes de rapport, je précise que la forme de l’amendement importe moins que le fond. Je crois en effet important que le Gouvernement nous présente, en séance publique, une feuille de route qui précise la manière dont il compte consulter les partenaires sociaux et les secteurs industriels concernés dans le cadre de l’élaboration des contrats de transition écologique et solidaire. Les préoccupations liées à l’impact social et économique du projet de loi et d’autres décisions à venir s’exprimeront certainement plus fortement en séance publique qu’en commission, et il est important d’y apporter des réponses précises, au moins sur le processus qui va être engagé.

Par ailleurs, la semaine dernière, le secrétaire d’État, M. Sébastien Lecornu, a évoqué un contrat de transition qui ne concernerait que les territoires. Or, ce contrat doit comporter un volet consacré aux salariés concernés.

Par cet amendement d’appel, je vous invite donc à nous expliquer en séance publique la manière dont vous comptez travailler et la façon dont la commission des affaires économiques pourrait être associée à ce travail. Pour sortir de l’impasse, il faut s’appuyer sur les offensives industrielles nouvelles dans un certain nombre de secteurs pourvoyeurs d’activités et d’emplois nouveaux, plutôt que se limiter à une stratégie défensive telle que celles que nous connaissons dans nos territoires ; je pense aux conventions de revitalisation ou aux contrats de reclassement.

M. le ministre d’État. Le projet de loi affectera – je le dis avec toutes les précautions nécessaires – environ 1 800 emplois directs ; ce n’est pas rien, mais ce sera progressif. Bien entendu, les contrats de transition énergétique concernent non seulement les territoires mais aussi les personnes ou les secteurs d’activité. Vous faites bien de nous inviter à être plus précis sur ce sujet en séance publique, car il conditionne la recevabilité sociale du texte. Ces fameux contrats qui permettront d’accompagner les bassins d’emploi seront conclus sur la base d’un état des lieux, et de l’existence ou non de perspectives de développement du territoire, qui sera établi en concertation avec les collectivités locales.

Sachez que nous sommes bien conscients que cet élément conditionne le succès de ce projet ; si nous agissons avec une forme de brutalité sans offrir d’alternatives, ce sera difficile. Certains salariés de cette filière sont très spécialisés, mais ils pourront se reconvertir dans d’autres métiers liés au sous-sol – je pense notamment à la géothermie. Quoi qu’il en soit, le Gouvernement ne juge pas forcément nécessaire d’inclure cette analyse dans la loi pour la réaliser. Demande de retrait, donc.

Mme la rapporteure pour avis. Ces amendements me paraissent essentiels, dans la mesure où nous nous devons, en tant que parlementaires, de prendre des mesures ambitieuses tout en préparant l’avenir. En l’espèce, cela signifie que nous voulons nous assurer que le Gouvernement pense à ces territoires, à ces entreprises, et qu’il a, comme l’a indiqué Mme Delphine Batho, une feuille de route claire et précise qui détermine au plan social, environnemental et économique, les dispositifs que le Gouvernement souhaite leur proposer.

Sur la forme, l’amendement de Mme Delphine Batho cible les « contrats de transition écologique et solidaire ». Or, cet outil nous sera certainement utile, mais il en est peut-être d’autres que nous pourrions mobiliser en faveur de ces territoires. C’est pourquoi j’opterai pour la formule retenue par Mme Huguette Tiegna dans l’amendement CE10, auquel je donne un avis favorable.

M. Fabien Di Filippo. Il s’agit là de l’un des principaux écueils du projet de loi, lequel risque d’être non seulement inefficace au plan environnemental, puisqu’il ne sera appliqué qu’en France, mais aussi très dommageable au plan économique. Je comprends qu’à une échelle macro-économique, ces 1 800 emplois puissent paraître dérisoires mais, on l’a vu pour d’autres secteurs, la disparition d’une activité peut avoir des conséquences dramatiques sur des bassins de vie entiers. De plus, les habitants de ces territoires, où il n’existe pas forcément d’alternative à l’automobile, seront les premiers frappés par la hausse du coût des carburants, que l’on devra importer en plus grande quantité, augmentant par là même les émissions de CO2. Plutôt que d’un rapport postérieur à la promulgation de la loi, nous devrions disposer d’une véritable étude d’impact, afin de pouvoir nous prononcer sur le texte en toute connaissance de cause.

Encore une fois, ces mesures seront appliquées à une trop petite échelle pour avoir un véritable impact sur l’environnement. Je ne doute pas de votre foi dans la réussite de la transition énergétique, Monsieur le ministre, mais force est de constater qu’en 2040, vous serez probablement à la retraite.

M. le président Roland Lescure. J’en doute : il est inépuisable, et j’en suis très heureux !

M. Fabien Di Filippo. Quoi qu’il en soit, je souhaiterais qu’un rapport nous soit remis le plus tôt possible ; c’est pourquoi je suis plutôt favorable à l’amendement de Mme Delphine Batho.

Mme Huguette Tiegna. Si nous sommes évidemment favorables à ce projet de loi, nous ne souhaitons pas qu’il ait sur les territoires, notamment ruraux, un impact négatif équivalent à celui qu’a pu avoir, dans le passé, l’arrêt d’autres activités. Nous maintenons donc notre amendement.

M. Denis Sommer. Je ne suis pas d’accord avec M. Fabien Di Filippo, dont la position reflète une vision statique des choses. En réalité, nous entrons dans une dynamique particulière qui doit offrir à la France et à ses industriels une chance de devenir leaders dans un certain nombre de technologies alternatives. Le mouvement est déjà amorcé, et il l’est précisément grâce à la perspective de 2040. Il y a encore cinq ans, lorsque nous parlions du développement de l’hydrogène comme vecteur énergétique, on nous prenait pour des fous ! Or, des industriels, des universitaires, travaillent actuellement sur des projets d’utilisation de l’hydrogène pour produire de l’électricité à l’aide du photovoltaïque ou de l’éolien extrêmement puissants. La Chine est en train de réaliser un saut technologique dans ce domaine et, si nous prenons du retard, ces marchés vont nous échapper. Il faut donc conforter l’avance technologique dont nous bénéficions aujourd’hui. L’emploi industriel dépend aussi de notre capacité à innover. N’ayons pas une vision statique des décisions qui sont prises !

Mme Delphine Batho. Les amendements CE10 et CE15 se distinguent sur deux points : le premier, celui de Mme Huguette Tiegna, prévoit que le Gouvernement remettra un rapport au Parlement dans un an et ne fait pas référence aux personnes ; dans le second, je propose que ce rapport soit remis dans un délai de trois mois, qu’il porte également sur les salariés, et je mentionne volontairement les contrats de transition écologique et solidaire.

Cependant, je proposerai volontiers à ma collègue que nous retirions nos amendements, compte tenu de l’engagement pris par le ministre d’État de nous présenter en séance publique un dispositif solide. Il ne faut pas faire croire à ceux de nos collègues dont les circonscriptions sont directement concernées par l’arrêt de l’exploitation des hydrocarbures que le problème sera réglé parce que nous aurons inscrit dans la loi que le Gouvernement nous remettra, dans un an, un rapport sur les mesures d’accompagnement.

M. Fabien Di Filippo. La vision statique dont parle M. Denis Sommer, c’est précisément celle qui caractérise ce texte et qui consiste à punir et à interdire pour forcer le progrès. La nôtre, ce n’est pas celle de l’écologie punitive. Nous pensons en effet que c’est parce que l’on aura encouragé le progrès en aidant les entreprises à développer de nouvelles technologies et à être leaders sur ces marchés que l’on aura la possibilité de se passer des hydrocarbures et de réussir la transition énergétique. Nous ne nions pas l’existence du réchauffement climatique et ses effets, mais nous avons une conception différente de la lutte contre ce phénomène. Si la Chine est actuellement en mesure de nous devancer, c’est parce qu’elle a incité les industriels à développer ces technologies et certainement pas parce qu’elle a limité les émissions de gaz à effet de serre.

M. le ministre d’État. Vous avez raison, Monsieur Fabien Di Filippo : si nous sommes les seuls à traiter un problème universel, cela ne servira pas à grand-chose. Mais il existe une feuille de route universelle qui a été écrite à la conférence de Paris. La France a pris des engagements ambitieux, mais certains pays qui n’ont pas forcément les mêmes capacités ni, surtout, les mêmes responsabilités historiques que nous, ont pris, toutes proportions gardées, des engagements largement supérieurs aux nôtres.

La transition doit être équitable et solidaire ; du reste, cette préoccupation sociale est inscrite dans l’intitulé de mon ministère. Mais les effets qu’aura cette transition sur ces 1 800 emplois – voire davantage, si l’on tient compte des emplois indirects – seront largement compensés, j’espère vous en convaincre, par ceux qui seront créés grâce au développement de nouvelles filières, notamment industrielles. J’ai pu constater, lors des visites que j’ai effectuées en tant qu’envoyé spécial du Président de la République, l’extraordinaire créativité de nos entreprises, et elle doit être encouragée. Ne parlons plus d’écologie punitive : la fiscalité doit être et incitative et dissuasive pour structurer les modes de production et de consommation. Ainsi, une trajectoire carbone est nécessaire pour créer un avantage compétitif en faveur de l’économie bas carbone.

Je crois que l’on ne soupçonne pas la révolution – pardon, le mot est un peu galvaudé – qui est en marche. Le modèle énergétique de demain n’aura plus rien à voir avec celui d’aujourd’hui, et il sera merveilleux si l’on parvient à le développer, car il favorisera une forme d’autoconsommation des citoyens et permettra de retrouver une certaine abondance énergétique grâce à la combinaison de l’intelligence numérique et du vent, du soleil, de la géothermie, de la biomasse, des vagues ou du gradient thermique des océans.

Cette révolution, certains ne l’ont pas perçue – contrairement aux Chinois, qui vont très vite. C’est pourquoi j’ai parlé de foi : si nous faisons les choses en petit, nous ne changerons rien. Mais si l’ensemble de la société – dans les secteurs du transport, du logement, de l’agriculture – a le même objectif, la contrainte climatique, j’en suis convaincu, contribuera à nous sortir de la crise économique : nous pouvons réindustrialiser la France grâce à ces filières. Mais attention ! Certains brevets naissent chez nous, grâce au Programme d’investissements d’avenir ou aux aides de BPIfrance, et vont se développer à l’étranger, précisément parce que nous n’avons pas la foi, parce que les investisseurs n’y croient pas.

J’ajoute, à l’intention de ceux qui doutent encore de la réalité du changement climatique, que la transition a une double vertu, car elle nous permettra également de nous épargner les externalités négatives liées à l’utilisation des énergies fossiles. À l’échelle mondiale, on accorde, sous forme de subventions et d’exonérations, environ 500 milliards de dollars aux énergies fossiles, qui, en termes d’externalités négatives, coûtent 5 000 milliards de dollars. Si l’on parvient à s’affranchir de nos importations d’énergies fossiles, ces sommes, qui couvrent pratiquement notre déficit budgétaire, pourront être investies dans l’éducation, la santé ou la formation.

Je voudrais que la France ait une grande vision dans ce domaine, et que cela suscite l’enthousiasme. La créativité est là ! Nous avons tout ce qu’il faut pour faire de cette contrainte une extraordinaire opportunité économique.

Mme Huguette Tiegna. Je souhaite répondre à Mme Delphine Batho. Comme cela a été dit, ce texte est symbolique, mais il doit aussi entraîner les autres pays et la population. Renoncer à demander au Gouvernement un état des lieux et d’assurer un suivi, cela revient un peu à se désintéresser de nos territoires. Nous savons que de nouvelles technologies existent, mais nos concitoyens ont besoin de savoir quelles sont ces alternatives. C’est pourquoi nous maintenons notre amendement.

Mme Delphine Batho. Dans ce cas, nous maintenons également le nôtre.

Mme la rapporteure pour avis. Comme le ministre l’a très justement dit en introduction, ce qui était hier une solution est hélas devenu un problème. On peut envisager les choses de deux manières : soit nous nous raccrochons à nos entreprises et à nos territoires et nous agitons de-ci de-là pour tenter de préserver quelque chose qui n’a plus de raison d’être à l’échelle nationale et internationale, soit nous saisissons cette problématique à bras-le-corps et assumons – les parlementaires comme le Gouvernement – le fait d’annoncer que les emplois de demain ne seront pas les mêmes, qu’il faudra fermer certains sites et que cela entraînera des conséquences, mais que nous nous donnons, pour y parvenir, des délais raisonnables – jusqu’en 2040 – et des moyens économiques d’accompagnement et de formation professionnelle pour faciliter cette transition.

L’objet de ces amendements consiste à réaffirmer cet état d’esprit. J’ai une préférence pour l’amendement CE10 de Mme Huguette Tiegna par rapport à l’amendement CE15, même si les débats que nous venons d’avoir montrent qu’il pourrait être enrichi avant son examen dans l’hémicycle.

La commission adopte l’amendement CE10.

En conséquence, l’amendement CE15 tombe.

La commission en vient à l’examen des articles 4 et 5, dont elle est saisie au fond par délégation.

Chapitre II
Dispositions relatives aux stockages et aux consommateurs de gaz

Article 4
Réforme du stockage souterrain de gaz naturel

La commission examine l’amendement CE2 de Mme Bénédicte Taurine.

Mme Bénédicte Taurine. Cet amendement vise à supprimer cet article d’habilitation à prendre des ordonnances. En effet, nous nous opposons à la méthode employée par le Gouvernement. Nous estimons que cette dépossession par le Parlement de ses prérogatives législatives méconnaît l’esprit de l’article 38 de la Constitution.

En outre, l’étude d’impact du Gouvernement n’apporte pas toutes les précisions nécessaires. Elle soulève des inquiétudes sur divers sujets et mériterait d’être approfondie. Il y est ainsi fait mention d’une baisse non justifiée des tarifs pour les plus gros consommateurs de gaz, d’un pouvoir accru de délestage sans précision sur les consommateurs pouvant être touchés et sans compensations financières.

M. le ministre d’État. Nous considérons que le stockage du gaz naturel est essentiel en termes de sécurité d’approvisionnement, pour se mettre notamment à l’abri des délestages dont vous parlez.

Avis défavorable.

Mme la rapporteure pour avis. Contrairement à ce que vous nous avez dit précédemment, Madame Bénédicte Taurine, je confirme l’urgence qu’il y a à légiférer par ordonnance dans la mesure où les stocks de gaz se font au printemps 2018 pour l’hiver 2018-2019. Il est donc urgent que cette réforme intervienne avant le début de la campagne gazière en avril 2018 et nous espérons que l’ordonnance sera signée par le Gouvernement avant cette échéance.

Par ailleurs, le projet d’habilitation est suffisamment précis et il prend un certain nombre d’engagements vis-à-vis des consommateurs finaux en matière de disponibilité en gaz.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

La commission en vient à l’amendement CE3 de M. François Ruffin.

Mme Bénédicte Taurine. C’est un amendement de repli.

Nous proposons d’inscrire cet article dans ce que devait être la priorité absolue de toute politique énergétique : la lutte contre le changement climatique et la réduction de la consommation d’énergies fossiles, conformément à l’engagement pris par la France lors de la COP21.

M. le ministre d’État. L’habilitation proposée porte en quasi-totalité sur des mesures visant à assurer la sécurité d’approvisionnement en gaz naturel. De notre point de vue, ces mesures sont sans impact direct sur la consommation de gaz naturel et donc de fait sur la lutte contre le changement climatique. Je demande donc le retrait de cet amendement.

Mme la rapporteure pour avis. Si nous partageons cette « optique de lutter contre le réchauffement climatique », il nous semble assez lourd de l’ajouter à chaque article. Je demande donc le retrait de cet amendement. À défaut, j’y suis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte successivement les amendements rédactionnels CE32, CE33 et CE34, tous de la rapporteure pour avis.

La commission étudie ensuite l’amendement CE4 de Mme Bénédicte Taurine.

Mme Bénédicte Taurine. Nous proposons de supprimer la possibilité pour le Gouvernement de modifier par ordonnance les obligations des acteurs du secteur gazier.

M. le ministre d’État. Cette réforme vise à mettre en place une régulation des stockages afin d’assurer la sécurité des approvisionnements. Elle repose notamment sur une commercialisation aux enchères des capacités de stockage afin de restaurer leur compétitivité. L’obligation de stockage qui pèse actuellement sur les fournisseurs est incompatible dans sa forme actuelle avec la commercialisation aux enchères et elle impose, de notre point de vue, d’être modifiée.

Avis défavorable.

Mme la rapporteure pour avis. La réforme prévoit effectivement de modifier les obligations des acteurs du secteur gazier mais pas de les supprimer. On conserve l’obligation de résultats même s’il n’y aura plus d’obligation de moyens. Je tiens à vous rassurer sur ces obligations : l’esprit de la réforme est un système d’enchères complété par un filet de sécurité qui permet avec un revenu régulé pour les opérateurs de stockage d’assurer les niveaux de stock en gaz disponibles pour la consommation en France.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle examine, en discussion commune, les amendements CE43 de la rapporteure pour avis et CE26 de Mme Marie-Noëlle Battistel.

Mme la rapporteure pour avis. Lors des auditions, il nous a paru nécessaire de clarifier la visibilité avec laquelle les opérateurs de stockage peuvent prévoir la gestion de leurs infrastructures, notamment la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE). La première période se terminant à la fin de 2018, une inquiétude a pu naître à cet égard. Nous proposons donc une formulation qui permettrait d’instaurer dans les ordonnances un préavis pour ces entreprises. Elles disposeraient ainsi d’un délai suffisant.

L’amendement CE26, quant à lui, ne porte que sur la prochaine programmation pluriannuelle de l’énergie.

Mme Marie-Noëlle Battistel. L’amendement CE26 est un amendement de précaution qui vise à préserver la capacité à assurer la sécurité d’approvisionnement entre la date de la PPE et celle d’application de la loi.

M. le ministre d’État. Le Gouvernement est favorable à l’amendement CE43 et demande le retrait de l’amendement CE26.

Mme Marie-Noëlle Battistel. Je retire l’amendement CE26 au profit de l’amendement CE43.

L’amendement CE26 est retiré.

Mme Delphine Batho. Il me semble que l’amendement CE43 règle une partie du problème mais pas celle de l’articulation du calendrier de la PPE. Les services du ministère et la direction générale de l’énergie et du climat (DGEC) pourront peut-être se pencher sur ce point d’ici à l’examen du texte en séance publique.

La commission adopte l’amendement CE43.

La commission examine l’amendement de clarification CE35 de la rapporteure pour avis.

Mme la rapporteure pour avis. Lors des auditions, il nous a été demandé à plusieurs reprises ce que nous entendions par « consommateurs finals ». Nous précisons donc qu’il s’agit des consommateurs raccordés aux réseaux de transport ou de distribution.

M. le ministre d’État. Ce rajout ne me paraît pas nécessairement utile. Je m’en remets à la sagesse de la commission.

La commission adopte l’amendement.

Elle en vient à l’amendement CE5 de M. François Ruffin.

Mme Bénédicte Taurine. Nous considérons que, si le risque de délestage peut être pris en compte en amont par une entreprise, il est plus difficile en revanche pour un particulier de l’anticiper, ce qui peut occasionner pour lui des frais supplémentaires

M. le ministre d’État. L’alinéa 6 concerne les contrats d’interruptibilité et non le délestage. Il vise à disposer d’une flexibilité permettant de faire face aux crises d’approvisionnement et d’éviter précisément le recours au délestage. Il concerne en majorité les sites qui ont une consommation très significative de gaz naturel – supérieure à cinq gigawattheures par an, soit plus de trois cents fois la consommation d’un ménage moyen chauffé au gaz naturel. Ces contrats ne concernent donc pas les particuliers, et il n’y a pas lieu de prévoir une compensation pour les personnes physiques. Avis défavorable.

Mme la rapporteure pour avis. Même avis.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle en vient à l’amendement CE7 de M. François Ruffin.

Mme Bénédicte Taurine. L’idée est toujours que les mesures adoptées ne se traduisent pas par une augmentation des coûts pour les consommateurs particuliers.

M. le ministre d’État. Les règles relatives au délestage de la consommation de gaz naturel ne doivent pas induire de hausse des tarifs pour les consommateurs de gaz naturel. Elles ne fragiliseront donc pas le consommateur particulier, qui doit rester un consommateur protégé, en ce qui concerne la continuité de la fourniture. Avis défavorable.

Mme la rapporteure pour avis. Le délestage est par définition non prévisible, et il n’implique pas en tant que tel de hausse des tarifs. Par ailleurs, les études d’impact montrent que, par rapport au système actuel organisé autour d’un duopole, le système des enchères et la régulation ont des effets positifs sur le coût du stockage. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle examine, en discussion commune, les amendements CE8 de Mme Bénédicte Taurine et CE41 de la rapporteure pour avis.

Mme Bénédicte Taurine. Cet amendement s’inscrit dans la même logique que nos amendements précédents.

Mme la rapporteure pour avis. Je répète que le délestage n’est pas prévisible et que le plan d’urgence gaz (PUG) hiérarchise les clients potentiellement concernés par le délestage, les particuliers étant évidemment les derniers à être touchés. Notre amendement précise donc que l’intention du législateur est bien de maintenir l’alimentation du plus grand nombre de clients particuliers en cas de recours nécessaire au délestage.

Je suggère donc à Mme Bénédicte Taurine de retirer son amendement.

M. le ministre d’État. Madame Bénédicte Taurine, n’y voyez rien de personnel mais je suis défavorable à votre amendement, et favorable à l’amendement de la rapporteure pour avis.

La commission rejette l’amendement CE8.

Puis elle adopte l’amendement CE41.

Elle en vient ensuite à l’amendement CE6 de Mme Bénédicte Taurine.

Mme Bénédicte Taurine. Cet amendement vise à ôter au Gouvernement la possibilité de baisser les tarifs des plus gros consommateurs, comme il indique vouloir le faire dans son étude d’impact. Cette proposition ne nous paraît nullement justifiée : pourquoi en effet, dans la perspective de la transition écologique, favoriserions-nous les plus gros consommateurs de gaz ?

M. le ministre d’État. Avis défavorable. En réalité, la loi prévoit déjà un dispositif de réduction des tarifs d’utilisation des réseaux pour les consommateurs gazo-intensifs. Mais les dispositions envisagées pour renforcer la sécurité d’approvisionnement en gaz naturel pourraient induire des coûts nouveaux pour les sites consommateurs. Il convient donc d’en tenir compte, notamment pour préserver leur compétitivité.

Comme indiqué dans l’étude d’impact, le Gouvernement prévoit, conformément à notre objectif de réduction de la consommation d’énergie, de demander en contrepartie aux bénéficiaires, des mesures d’efficacité énergétique.

J’ajoute que le Gouvernement comme la CRE, autorité de régulation indépendante chargée d’établir les tarifs d’utilisation des réseaux de transport et de distribution, sont particulièrement attentifs à ce que les dispositions envisagées ne conduisent pas à des transferts de charges inconsidérés vers le consommateur particulier.

Mme la rapporteure pour avis. Même avis.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 4 modifié.

Chapitre III
Dispositions relatives aux relations entre fournisseurs et gestionnaires de réseaux

Article 5
(articles L. 134-1, L. 134-2, L. 341-4-3 et L. 452-3-1 [nouveaux] du code de l’énergie)
Sécurisation du dispositif du contrat unique

La commission est saisie de l’amendement de suppression CE9 de M. François Ruffin.

Mme Bénédicte Taurine. Nous souhaitons la suppression de cet article qui concerne les relations entre fournisseurs et gestionnaires de réseau. Nous contestons en effet la logique qui le sous-tend, à savoir celle de la concurrence libre et non faussée imposée par l’Union européenne. Opposés à l’ouverture du marché et à la disparition d’un pôle public de l’énergie, nous sommes donc défavorables à cet article.

M. le ministre d’État. Nous avons manifestement deux interprétations différentes de l’article 5. En effet, de notre point de vue, il vise précisément à protéger les consommateurs. Sa suppression serait contraire à l’objectif que vous visez, puisqu’elle aboutirait à réduire le niveau de protection dont jouissent ces consommateurs. Je suggère donc le retrait de l’amendement.

Mme la rapporteure pour avis. Cet article permet en effet de sécuriser le dispositif applicable aux consommateurs et empêche qu’ils soient pénalisés par une hausse des tarifs.

Par ailleurs, en ce qui concerne la question d’un pôle public de l’énergie, je vous invite à utiliser votre « niche » parlementaire pour déposer une proposition de loi sur la question. Nous avons choisi ici la voie de la responsabilité en nous attachant prioritairement à résoudre les problèmes existants et en suivant pour cela le Gouvernement dans ses propositions.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte ensuite, successivement, les amendements rédactionnels CE36, CE37, CE38 et CE39 de la rapporteure pour avis.

Puis elle examine, en discussion commune, l’amendement CE40 de la rapporteure pour avis, et les amendements identiques CE1 de M. Philippe Bolo et CE27 de Mme Huguette Tiegna.

Mme la rapporteure pour avis. L’article 5 donne compétence à la Commission de régulation de l’énergie pour fixer le montant de la rémunération des fournisseurs assurant, pour le compte des gestionnaires de distribution, la relation contractuelle avec le consommateur. Par le passé, le contrat unique ne prévoyait pas de rémunération du fournisseur, mais un récent arrêt de la cour d’appel de Paris va dans le sens inverse. Il est donc nécessaire de stabiliser juridiquement non seulement les relations contractuelles futures mais également celles antérieures à la loi. L’objet de cet amendement est donc d’éviter les effets d’aubaine.

M. Philippe Bolo. Mes arguments sont les mêmes que ceux de la rapporteure pour avis.

Mme Huguette Tiegna. Nous nous rallierons à l’amendement de la rapporteure pour avis.

Les amendements CE1 et CE27 sont retirés.

La commission adopte l’amendement CE41.

Puis elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 5 modifié.

Après l’article 5

La commission examine, en discussion commune, l’amendement CE42 de M. Loïc Prud’homme et l’amendement CE22 de Mme Delphine Batho, qui fait l’objet d’un sousamendement CE44 de la rapporteure pour avis.

Mme Bénédicte Taurine. Dans un souci de transparence, il s’agit d’introduire dans la loi une obligation d’information sur l’origine et la composition des gaz importés, notamment leur contenu en carbone.

Mme Delphine Batho. Nous souhaitons que les consommateurs soient informés sur la composition en gaz naturel ou en biométhane du gaz qu’ils utilisent. Pour accompagner la méthanisation, il est important en effet de pouvoir faire valoir que la proportion de gaz produite localement est de plus en plus importante dans leur consommation.

Mme la rapporteure pour avis. Faire figurer chaque mois sur les factures les proportions de gaz naturel et de biométhane servies pose des difficultés. En revanche, les auditions nous ont confirmé qu’il serait judicieux de fournir ce type d’information au moins en moyenne annuelle. Nous proposons donc de sous-amender l’amendement de Mme Delphine Batho en ce sens.

M. le ministre d’État. Si la mention de la part de biométhane dans l’offre du fournisseur est bienvenue, en revanche la facture, où seules figurent les mentions relatives au paiement, ne peut être le seul vecteur utilisé pour transmettre cette information. Le Gouvernement est donc défavorable à l’amendement CE42.

Nous sommes en revanche favorables à l’amendement CE22, à condition qu’il soit sous-amendé ainsi que le propose la rapporteure pour avis.

Mme Delphine Batho. Je remercie la rapporteure et le Gouvernement de leur soutien. J’accepte le sous-amendement, car il ne s’agissait pas, dans mon esprit, de faire figurer systématiquement la proportion de biométhane consommée sur la facture mensuelle. Néanmoins, il ne me paraît pas suffisant de ne faire figurer cette information que dans la seule offre de départ. Dans la mesure où le code de la consommation renvoie à un arrêté du ministre, qui détermine ce qui doit ou non figurer sur la facture, sans doute pourrait-on agir au plan réglementaire pour qu’y figure régulièrement une moyenne annuelle. J’y reviendrai en séance.

La commission rejette l’amendement CE42.

Elle adopte le sous-amendement CE44, puis l’amendement CE22 ainsi sous-amendé.

Elle en vient ensuite à l’examen de l’amendement CE29 rectifié du Gouvernement.

M. le ministre d’État. Dans le cadre des objectifs de développement des énergies renouvelables l’éolien en mer et les énergies marines auront un rôle important à jouer. Dans cette perspective, les procédures et les conditions de raccordement doivent être simplifiées et adaptées aux gros projets plus risqués à réaliser. Cela doit nous permette d’aller beaucoup plus vite pour déployer ces projets, sans quoi nous serons incapables de tenir les engagements pris dans la loi relative à la transition énergétique.

La réforme du raccordement présentée ici est la première étape des réformes que je souhaite mener dans ce domaine. Elle permettra au gestionnaire du réseau public de transport, Réseau de transport d’électricité (RTE), de commencer à préparer le raccordement dès qu’une zone de déploiement d’éolien aura été choisie, sans attendre de devoir contractualiser avec le lauréat retenu, comme c’est le cas aujourd’hui. Cela permettra une meilleure mutualisation des raccordements entre les parcs d’énergies renouvelables (ENR) d’une part, et parcs de production et interconnexions, d’autre part.

Mme la rapporteure pour avis. Avis favorable. Cet amendement permet un gain de temps dans le déploiement des projets d’éolien en mer – je pense en particulier au dialogue concurrentiel engagé pour l’attribution du projet Dunkerque 3. Il permet également des gains financiers pour le consommateur, puisque la gestion par RTE de ce raccordement permettra la mutualisation.

D’ici à l’examen du projet en séance, nous nous entretiendrons néanmoins avec RTE sur le sujet.

M. Fabien Di Filippo. Les énergies marémotrices et l’éolien offshore sont des énergies inépuisables qu’il faut naturellement développer. Néanmoins, le gain pour les consommateurs dont parle la rapporteure pour avis ne risque-t-il pas d’être annulé par le coût que représentent pour le contribuable ces installations financées sur fonds publics ?

Nous nous inscrivons ici dans une logique de publicisation des coûts et de privatisation des bénéfices, mais a-t-on évalué le nombre de projets que cela concernerait, l’ordre de grandeur des coûts et l’argent public qui serait mis à contribution ?

Mme Delphine Batho. Nous soutenons cet amendement du Gouvernement, dont on se demande pourquoi il n’a pas été proposé plus tôt !

M. le ministre d’État. Monsieur Fabien Di Filippo, ces projets s’inscrivent dans le grand plan d’investissement sur lequel nous sommes en train de travailler pour accompagner le développement de cette filière. Ils sont inclus dans l’enveloppe des programmes d’investissements d’avenir (PIA).

Nous espérons qu’avec le temps et compte tenu du fait que le coût des énergies renouvelables et notamment des énergies offshore décroît, ces projets vont finir par atteindre leur équilibre financier.

C’est en tout cas la seule manière de changer d’échelle pour faire baisser les coûts. Si l’on ne fait pas sauter ce verrou, nous n’atteindrons pas les objectifs que nous nous sommes fixés dans la loi et qui conditionnent tout le reste.

La commission adopte l’amendement.

Elle est ensuite saisie, en discussion commune, des amendements CE45 de la rapporteure pour avis et CE28 de Mme Huguette Tiegna.

Mme la rapporteure pour avis. Beaucoup de gestionnaires de bâtiments abritant notamment des bureaux ont demandé un raccordement unique au réseau, de manière à faciliter la gestion de ces bâtiments. C’est en particulier souhaitable quand le taux de vacance de ces bureaux ou le rythme de changement de leurs occupants sont importants.

Nous proposons d’introduire dans la loi la possibilité pour le propriétaire d’un réseau intérieur d’abandonner ses droits sur ledit réseau, sachant que cette mesure ne saurait concerner les bâtiments à usage industriel ou les centres commerciaux, qui relèvent des dispositions relatives aux réseaux fermés de distribution

Enfin nous avons restreint l’usage de ces réseaux intérieurs aux bâtiments à propriétaire unique, afin d’éviter la multiplicité des interlocuteurs pour Enedis.

Mme Huguette Tiegna. Le but de cet amendement est de sécuriser et de pérenniser le schéma de raccordement à emploi unique des bâtiments tertiaires, fragilisés par un récent arrêt de la cour d’appel de Paris. En effet les installations intérieures d’électricité des bâtiments tertiaires sont généralement raccordées en un point unique au réseau public de distribution. Or, à la suite de l’arrêt de la cour d’appel, Enedis n’accepte plus ce schéma de raccordement. L’amendement introduit donc un nouveau chapitre, qui distingue les réseaux publics de distribution et les réseaux fermés. Il ne crée pas de statut spécifique pour les gestionnaires de ces réseaux intérieurs mais permet de lever le régime de non-droit en vigueur et réduit les risques de contentieux futurs.

M. le ministre d’État. Avis favorable sur l’amendement CE45. Avis défavorable sur l’amendement CE28.

Mme Delphine Batho. Je suis perplexe sur le fait qu’il faille ici se préoccuper du statut des réseaux, dans la mesure où j’avais cru comprendre que ce texte avait pour seule vocation de régler des questions urgentes.

Si je fais cette remarque c’est que, lorsque nous proposerons des amendements pour intégrer l’accord de Paris dans le code de l’énergie, il ne faudra pas nous répondre que ce n’est pas l’objet de la discussion.

Mme la rapporteure pour avis. Les personnes que nous avons auditionnées ont unanimement dénoncé l’instabilité juridique qui pèse sur le schéma de raccordement des installations intérieures d’électricité. L’urgence est certes relative mais il est nécessaire de clarifier au niveau de la loi ce que peut être un réseau intérieur, afin de pérenniser le schéma de raccordement en un point unique.

M. le ministre d’État. Cet amendement permettra de résoudre beaucoup de situations qui demeurent en suspens au moment où nous parlons.

La commission adopte l’amendement CE45.

En conséquence, l’amendement CE28 tombe.

Chapitre IV
Dispositions relatives aux contrôles des biocarburants

Article 6
(articles L. 661-4 et L. 661-10 à L.661-20 [nouveaux] du code de lénergie)
Performance environnementale des biocarburants et
contrôle du non-respect des règles de durabilité :
transposition de la directive (UE) 2015/1513 du 9 septembre 2015

La commission examine l’amendement CE21 de Mme Delphine Batho.

Mme Delphine Batho. Cet amendement vise à comptabiliser les émissions directes et indirectes de gaz à effet de serre, afin de tenir compte des émissions dues aux changements d’affectation des sols.

M. le ministre d’État. Je suis d’accord avec le principe qui inspire cet amendement mais il est extrêmement difficile de calculer ces effets. Il faut proposer une méthode d’évaluation estimative provisoire qui permettra aux États membres de les quantifier et d’en rendre compte. Les dispositions que vous proposez seront reprises par voie réglementaire lors de la modification de l’arrêté du 2 novembre 2011, puisque l’article concerné est le fruit de la transposition de la fameuse directive 2015/1513 du 9 septembre 2015 – dite « directive ILUC », indirect land use change – qui prévoit que les effets indirects du changement d’affectation des sols soient pris en compte par les États membres. À ce stade, je vous propose donc de retirer cet amendement.

Mme la rapporteure pour avis. Même avis : en l’état, cet amendement présente un risque de surtransposition de la directive.

Mme Delphine Batho. Je maintiens mon amendement tout en m’engageant à creuser la directive.

M. le ministre d’État. À force de creuser, vous allez finir par trouver des hydrocarbures…

La commission rejette l’amendement CE21.

Puis elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 6 sans modification.

Chapitre V
Dispositions relatives à la réduction des émissions de certains polluants atmosphériques

Article 7
(article L. 222-9 du code de lenvironnement)
Réduction des émissions de polluants atmosphériques : transposition de la directive 2016/2284 du 14 décembre 2016

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 7 sans modification.

Après l’article 7

La commission examine l’amendement CE24 de M. Denis Sommer.

M. Denis Sommer. Cet amendement vise à prévoir une consultation publique avant la révision du plan national de réduction des émissions de polluants atmosphériques (PREPA). Comme d’autres, je suis persuadé qu’il nous faut enrichir le débat public en la matière afin de mobiliser nos concitoyens non seulement concernant la marche à suivre mais aussi sur les alternatives à proposer : le débat, en effet, ne doit pas porter sur les seules mauvaises nouvelles et doit s’étendre aux perspectives heureuses que nous pouvons envisager. Si nous ne nourrissons pas la confiance et la compréhension, nous peinerons à avancer.

Tel est l’objet de cet amendement, dont je reconnais qu’il ne modifiera pas fondamentalement le texte.

M. le ministre d’État. Par principe, j’approuve cet amendement qui vise à garantir la consultation du public au sujet du PREPA. En pratique, cependant, il est satisfait puisque cette consultation est obligatoire en droit national comme en droit européen – c’est le point 5 de l’article 6 de la directive 2016/2284.

Le PREPA adopté le 10 mai 2017 a justement fait l’objet d’une consultation du public du 6 au 27 avril 2017, après une concertation de plus d’un an avec l’ensemble des parties prenantes. Je propose donc le retrait de cet amendement certes justifié, mais déjà satisfait.

Mme la rapporteure pour avis. Même avis.

L’amendement CE24 est retiré.

Article 8
Dispositions relatives à l’application outre-mer des articles 1er et 2

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 8 sans modification.

M. le président Roland Lescure. Permettez-moi quelques mots avant de mettre l’ensemble du texte aux voix. J’ai la chance d’avoir assisté la semaine dernière à plusieurs manifestations françaises et internationales autour de l’environnement à New York, en particulier une conférence à l’Université Columbia où l’anglais s’est beaucoup parlé avec l’accent français, et pour cause : la France est de retour sur la scène diplomatique, notamment dans le domaine de l’environnement. C’est en grande partie à vous que nous le devons, Monsieur le ministre d’État : lors de cette conférence sur le pacte mondial pour l’environnement – une initiative française défendue par le Président de la République –, vous avez donné une présentation magistrale. La semaine dernière, j’étais fier d’être Français, et j’espère que nous sommes fiers aujourd’hui d’avancer dans cette voie, une voie certes difficile mais sur laquelle je souhaite que nous continuions à montrer l’exemple. Merci et bravo, Monsieur le ministre d’État : j’étais fier de vous la semaine dernière et je le suis encore aujourd’hui !

M. le ministre d’État. Je serais aussi fier si sur ce sujet, sur lequel nous serons tous gagnants ou tous perdants, nous pouvions, plutôt que les confronter, additionner nos intelligences par-delà les divergences philosophiques ou pratiques. Ce projet de loi fait partie d’un tout ; c’est un axe sur lequel nous devrons greffer beaucoup d’autres mesures, car nombreux seront les secteurs concernés. Si nous voulons atteindre nos objectifs, il faudra modifier nos modèles agricoles, nos modèles de transport, notre manière de nous loger, peut-être même la manière d’échanger dans le monde. J’espère que l’axe qui nous occupe aujourd’hui sera un point de convergence et non de divergence – même s’il va de soi que le débat est nécessaire. Ne faisons pas fausse route : comme vous, Monsieur Fabien Di Filippo, je sais que la loi de programmation pluriannuelle de l’énergie me donnera du fil à retordre car elle nous engagera à long terme et il faut la mettre à l’épreuve – raison pour laquelle elle ne sera achevée qu’en 2018.

Nous devons partager une vision. Rien ne sera jamais parfait : je suis chagriné de voir des éoliennes en mer, parce que j’estimais que la mer devait rester un espace neutre et sauvage, mais il faut savoir ce que l’on veut. J’espère que nous pourrons faire ces choix collectivement et non de manière partisane. À en juger par l’échantillon que je viens d’observer, il me semble que nous sommes plutôt dans l’état d’esprit consistant à additionner nos intelligences et nos points de vue.

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’ensemble du projet de loi modifié.

 


—  1  —

   Liste des personnes auditionnées

EDF

– Mme Véronique Loy, directrice adjointe des affaires publiques

– M. Patrice Bruel, directeur des régulations

TIGF

– M. Dominique Mockly, directeur général

– M. Gilles Doyhamboure, responsable du département tarification, économie et régulation

Direct Energie

– M. Fabien Choné, directeur général délégué

– Mme Frédérique Barthélémy, directrice de la communication et des relations institutionnelles

Engie

– M. Jean-Baptiste Séjourné, directeur de la régulation

– Mme Valérie Alain, directrice « Institutions France et Territoires »

Storengy

– Mme Cécile Prévieu, directrice générale

GRT gaz

– M. Thierry Trouvé, directeur général

– M. Christophe Bouvier, directeur adjoint du système Gaz

– Mme Agnès Boulard, responsable des relations institutionnelles

Commission de régulation de l’énergie (CRE)

– M. Brice Bohuon, directeur général

– Mme Domitille Bonnefoi, directrice des réseaux

– M. Nicolas Deloge, chef du département infrastructures amont gaz

– Mme Olivia Fritzinger, chargée des relations institutionnelles

Union française des industries pétrolières (UFIP)

– M. Francis Duseux, président

– Mme Isabelle Muller, déléguée générale

– M. Bruno Ageorges, directeur des relations institutionnelles et des affaires juridiques

Vermilion

– M. Darcy Kerwin, président et directeur général

– Mme Pantxika Etcheverry, responsable des études

– M. Jean-Pascal Simard, directeur des relations publiques

Enedis

– M. Jean-François Vaquieri, directeur de la régulation et des affaires juridiques

– M. Christopher Menard, chef du pôle des affaires juridiques

– M. Pierre Guelman, directeur des affaires publiques

Gaz Réseau Distribution France (GRDF)

– M. Jean Lemaistre, directeur général adjoint

– Mme Catherine Leboul Proust, directrice stratégie

– Mme Laurence Confort, chef de mission affaires publiques

Ministère de la transition écologique et solidaire

– M. Laurent Michel, directeur général de l’énergie et du climat

– Mme Virginie Schwarz, directrice de l’énergie

– M. Xavier Ploquin, conseiller en charge de l’énergie, de l’industrie et de l’innovation

– M. Laurent Grave-Raulin, conseiller parlementaire et relations avec les élus

– Mme Anne-Florie Coron, sous-directrice de la sécurité d’approvisionnement et des nouveaux produits énergétiques

Direction générale des entreprises (DGE)

– M. Franck Tarrier, sous-directeur matériels de transport, mécanique et énergie

– M. Marc Glita, chef du bureau des industries de l’énergie

Réseau de transport d’électricité (RTE)

– M. Jean Michel Prost, responsable des projets raccordements offshore

– Mme Aurore Gillman, responsable des projets raccordements offshore


—  1  —

Les acteurs suivants ont envoyé une contribution écrite à la rapporteure :

– Eni

– L’Ademe

– L’Agence française du gaz

– Uprigaz

– Galli Coz / Oelweg

– UFC que Choisir

– France Nature Environnement (FNE)

 

 


—  1  —

   Annexe 1 : tarifs du commissionnement

Les tableaux suivants, issus des délibérations de la CRE, indiquent les montants, pris en compte par les tarifs de réseaux, de la rémunération versée aux fournisseurs au titre de la gestion de clientèle qu’ils effectuent pour le compte des gestionnaires de réseaux.

Pour l’électricité

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Pour le gaz

 

 

 

 

 

 


—  1  —

   ANNEXE 2 : concessions de mines d’hydrocarbures

Ce tableau liste les concessions de mines d’hydrocarbures liquides ou gazeux en cours de validité à la date du 15 septembre 2017.

concessions de mines d’hydrocarbures

DÉNOMINATION

TITULAIRES

km²

DURÉE

DÉPARTEMENTS

Péchelbronn

ÉTAT

360,74

01.01.1921 au 31.12.2018

67 - Bas-Rhin

Saint-Marcet

TOTAL EPF

39,43

01.01.1943 au 31.12.2018

31 - Haute-Garonne

Lacq

GEOPETROL

415,00

03.10.1942 au 03.10.2041

64 - Pyrénées-Atlantiques

Proupiary

TOTAL EPF

13,00

01.10.1952 au 31.12.2018

31 - Haute-Garonne

Parentis

VERMILION REP

93,36

01.01.1956 au 01.01.2031

40 - Landes

Mothes

VERMILION REP

8,58

01.07.1962 au 01.07.2027

40 - Landes

Chartrettes

GEOPETROL

21,41

01.01.1960 au 31.12.2034

77 - Seine-et-Marne

Saint-Martin-de-Bossenay

SPPE

20,35

01.01.1961 au 01.01.2036

10 - Aube

Cazaux

VERMILION REP

54,90

01.01.1960 au 01.01.2035

33 - Gironde

Château-Renard

VERMILION MORAINE

45,60

01.01.1961 au 01.01.2036

45 - Loiret

Saint-Firmin-des-Bois

VERMILION MORAINE

16,10

01.01.1961 au 01.01.2036

45 - Loiret

Coulommes-Vaucourtois

PETROREP

26,10

01.12.1959 au 01.12.2024

77 - Seine-et-Marne

Lugos

VERMILION REP

11,52

05.06.1964 au 05.06.2034

33 - Gironde

Lavergne

VERMILION REP

12,80

01.01.1964 au 01.01.2029

33 - Gironde

Lucats-Cabeil

VERMILION REP

14,30

01.01.1966 au 01.01.2041

40 - Landes

Bonrepos-Montastruc

GEOPETROL

47,09

07.03.1980 au 07.03.2030

65 - Hautes-Pyrénées

Pécorade

GEOPETROL

34,86

20.05.1980 au 20.05.2030

40 - Landes

Vic-Bilh

VERMILION REP / VERMILION EXPLO

54,57

04.02.1984 au 04.02.2034

64 - Pyrénées-Atlantiques

Donnemarie

VERMILION REP

32,00

13.06.1984 au 13.06.2034

77 - Seine-et-Marne

Trois-Fontaines

ENGIE (ex GDF Suez)

157,80

30.01.1985 au 30.01.2035

51 - Marne, 52 - Haute-Marne, 55 - Meuse

Soudron

IPC (ex Lundin International)

51,60

22.03.1985 au 22.03.2035

51 - Marne

Villeperdue

IPC (ex Lundin International)

141,30

15.01.1987 au 15.01.2037

02 - Aisne, 51 - Marne, 77 - Seine-et-Marne

Chaunoy

VERMILION REP

143,40

04.01.1985 au 04.01.2035

77 - Seine-et-Marne

Lagrave

GEOPETROL

30,65

17.02.1988 au 17.02.2038

64 - Pyrénées-Atl.,
65 - Hautes-Pyrénées

Courdemanges

IPC (ex Lundin International)

19,90

12.03.1988 au 12.03.2038

51 - Marne

Laméac

GEOPETROL

4,40

06.08.1985 au 06.08.2025

65 - Hautes-pyrénées

Grandville

IPC PETROLEUM FRANCE
(ex Lundin International)

33,90

07.08.1988 au 07.08.2038

10 - Aube

Castéra-Lou

GEOPETROL

26,30

06.08.1985 au 06.08.2035

65 - Hautes-Pyrénées

Champotran

VERMILION REP

94,00

14.08.1988 au 14.08.2038

77 - Seine-et-Marne

Malnoue

VERMILION REP

56,20

14.08.1988 au 14.08.2038

77 - Seine-et-Marne

Schelmenberg

GEOPETROL

7,20

22.01.1989 au 22.01.2034

67 - Bas-Rhin

Scheibenhard

GEOPETROL

9,20

22.01.1989 au 22.01.2034

67 - Bas-Rhin

Lacq-Nord

GEOPETROL

94,62

17.05.1991 au 17.05.2041

40 - Landes, 64 - Pyrénées-Atlantiques

Saint-Germain-Laxis

GEOPETROL

20,00

28.09.1991 au 28.09.2016

77 - Seine-et-Marne

Eschau

GEOPETROL

5,38

10.10.1991 au 10.10.2016

67 - Bas-Rhin

Fontaine-au-Bron

GEOPETROL / IPC (ex Lundin International)

62,10

10.10.1992 au 10.10.2017

51 - Marne

Désirée

GAZONOR

68,01

23.12.1992 au 23.12.2042

59 - Nord

Poissonnière

GAZONOR

698,05

23.12.1992 au 23.12.2042

59 - Nord,
62 - Pas-de-Calais

Vert-le-Petit

VERMILION PYRÉNÉES

9,97

01.02.1994 au 01.02.2019

91 - Essonne

La Croix-Blanche

VERMILION PYRÉNÉES

14,60

12.02.1994 au 12.02.2019

91 - Essonne

Vert-le-Grand

VERMILION REP /
VERMILION PYRÉNÉES

21,90

12.02.1994 au 12.02.2019

91 - Essonne

Les Arbousiers

VERMILION REP / IPC (ex Lundin International)

7,85

13.01.1995 au 13.01.2045

33 - Gironde

Bagneaux

GEOPETROL

17,37

28.04.1996 au 28.04.2021

10 - Aube, 89 - Yonne

Les Pins

VERMILION REP / IPC GASC (ex Lundin Gascogne)

3,56

08.11.1996 au 08.11.2021

33 - Gironde

Île-du-Gord

PETROREP

64,70

10.01.1998 au 10.01.2028

77 - Seine-et-Marne

Pézarches

GEOPETROL

9,30

07.05.1998 au 07.05.2023

77 - Seine-et-Marne

Itteville

VERMILION REP /
VERMILION PYRÉNÉES

46,48

07.05.1998 au 07.05.2023

91 - Essonne

Charmottes

VERMILION MORAINE

36,50

24.10.1998 au 24.10.2038

77 - Seine-et-Marne

Dommartin-Lettrée

IPC (ex Lundin International) / VERMILION EXPLO

13,20

09.02.1999 au 09.02.2024

51 - Marne

Nesles

GEOPETROL

11,27

16.09.1999 au 08.05.2022

77 - Seine-et-Marne

Bremonderie

VERMILION REP

11,30

05.11.2002 au 05.11.2027

77 - Seine-et-Marne

Vulaines

VERMILION REP

27,90

05.11.2002 au 05.11.2032

77 - Seine-et-Marne

Vert-la-Gravelle

IPC (ex Lundin International)

23,00

20.09.2003 au 20.09.2028

51 - Marne

Sivry

GEOPETROL

20,00

21.11.2003 au 21.11.2028

77 - Seine-et-Marne

Courbey

VERMILION REP / IPC GASC (ex Lundin Gascogne)

22,12

31.03.2004 au 31.03.2054

33 - Gironde

Merisier

IPC PETROLEUM FRANCE
(ex Lundin International)

26,50

30.11.2004 au 30.11.2029

77 - Seine-et-Marne

La Motte Noire

IPC PETROLEUM FRANCE
(ex Lundin International)

15,84

19.03.2005 au 19.03.2030

51 - Marne

Tamaris

VERMILION REP / IPC GASC (ex Lundin Gascogne)

10,00

05.04.2006 au 05.04.2021

33 - Gironde

Les Mimosas

VERMILION REP / IPC GASC (ex Lundin Gascogne)

20,00

26.11.2006 au 26.11.2031

33 - Gironde

La Vignotte

GEOPETROL

9,30

07.01.2009 au 07.01.2024

77 - Seine-et-Marne

Nonville

BRIDGEOIL

10,00

19.07.2009 au 19.07.2034

77 - Seine-et-Marne

Muehlweg

OELWEG

3,30

06.12.2009 au 06.12.2034

67 - Bas-Rhin

Source : ministère de la Transition écologique et solidaire.

 


—  1  —

   ANNEXE 3 : permis exclusifs de recherches de mines d’hydrocarbures

Ce tableau liste les permis exclusifs de recherches de mines d’hydrocarbures liquides ou gazeux en cours de validité à la date du 15 septembre 2017.

permis exclusifs de recherches de mines d’hydrocarbures

DÉNOMINATION

TITULAIRES

km²

EXPIRATION

DÉPARTEMENTS

Val-des-Marais (prorogé)

IPC (ex Lundin International)

37,08

-–

51 - Marne

Saint-Just-en-Brie (prorogé)

VERMILION REP

158,81

-–

77 - Seine-et-Marne

Bleue Lorraine

HERITAGE PETROLEUM /
FRANÇAISE DE L'ÉNERGIE

198,00

30.11.2018

57 - Moselle

Foix

VERMILION PYRÉNÉES

476,00

07.02.2014

31 - Hte-Garonne, 09 - Ariège, 65 - Htes-Pyr

L'Attila

GALLI COZ / TETHYS OIL

995,00

15.02.2019

55 - Meuse

Claracq

CELTIQUE ENERGIE

463,00

03.11.2017

64 - Pyrénées-Atl,
40 -Landes

Bleue Lorraine Sud

FRANÇAISE DE L'ÉNERGIE

264,00

07.11.2016

57 - Moselle

Lons-le-Saunier

FRANÇAISE DE L'ÉNERGIE

1860,00

28.07.2012

39 - Jura, 01 - Ain,
71 - Saône-et-Loire

Mairy

IPC (ex Lundin) / VERMILION MORAINE

444,00

15.08.2011

51 - Marne

Plivot

IPC (ex Lundin International)

198,00

31.10.2020

51 - Marne

Pays du Saulnois

IPC (ex Lundin) / ENGIE E&P (ex GDF) / DIAMOCO

198,00

06.11.2013

57 - Moselle

Soufflenheim

MILLENIUM / GEOPETROL

200,00

04.10.2017

67 - Bas-Rhin

Ger

PETROMANAS

293,00

16.04.2018

65 - Hautes-Pyrénées, 64 - Pyrénées-Atl

Saint-Griède

GAS2GRID

656,00

31.05.2013

32 - Gers, 65 - Htes-Pyr, 64 - Pyrénées-Atl

La Folie de Paris

FRANÇAISE DE L'ÉNERGIE

266,00

07.08.2016

77 - Seine-et-Marne, 51 - Marne, 10 - Aube

Ledeuix

PETROMANAS

393,00

08.08.2018

64 - Pyrénées-Atlantiques

Romilly-sur-Seine

SPPE

199,00

19.08.2018

10 - Aube, 51 - Marne

Ardennes

THERMOPYLES / PILATUS

522,00

13.12.2013

08 - Ardennes

Moselle

ELIXIR

2653,00

20.01.2014

54 - Meurthe-et-M, 57 - Moselle, 55 - Meuse

Gex

EGDON / EAGLE / NAUTICAL

932,00

11.06.2014

74 - Haute-Savoie, 01 - Ain, 39 - Jura

Mios

MAREX / MAUREL&PROM / INDORAMA

60,00

24.10.2013

33 - Gironde

Valenciennois

GAZONOR

432,00

24.10.2017

59 - Nord

Marcilly-le-Hayer

SPPE

370,00

30.10.2014

10 - Aube, 89 - Yonne

Plaines du Languedoc

IPC PETROLEUM FRANCE
(ex Lundin International)

1100,00

30.10.2014

34 - Hérault, 11 - Aude

Pays de Buch

VERMILION REP

178,00

10.12.2018

33 - Gironde,
40 - Landes

Savigny

GEOPETROL

201,00

09.01.2015

77 - Seine-et-Marne

Forcelles

TERRE

20,00

07.09.2016

54 - Meurthe-et-Moselle

Seebach

BLUEBACH

328,00

07.09.2017

67 - Bas-Rhin

Champfolie

VERMILION REP

120,00

29.09.2019

77 - Seine-et-Marne

Estheria

IPC (ex Lundin International)

43,00

29.09.2020

51 - Marne

Herbsheim

BLUEBACH

506,00

29.09.2020

67 - Bas-Rhin

Guyane Maritime

TOTAL E&P GUYANE

non défini

01.06.2019

973 - Guyane

Juan de Nova Maritime Profond

SOUTH ATLANTIC PETROLEUM / MAREX

non défini

30.12.2018

TAFF

Source : ministère de la Transition écologique et solidaire.

 

 

 


([1]) Directive (UE) 2015/1513 du Parlement européen et du Conseil du 9 septembre 2015 modifiant la directive 98/70/CE concernant la qualité de l'essence et des carburants diesel et modifiant la directive 2009/28/CE relative à la promotion de l'utilisation de l'énergie produite à partir de sources renouvelables

([2]) Directive (EU) 2016/2284 du Parlement européen et du Conseil du 14 décembre 2016 concernant la réduction des émissions nationales de certains polluants atmosphériques

([3]) Avis n° 393503, 1er septembre 2017

([4]) Enjeux et perspectives des filières industrielles de la valorisation énergétique du sous-sol profond

([5]) Délibération n° 2017-05 adopté le 23 août 2017

([6]) Un gisement déplété est un gisement épuisé de gaz naturel ou de pétrole

([7]) À noter que le site de stockage souterrain de gaz naturel de Manosque situé dans les Alpes‑de‑Haute‑Provence, est détenu par Géométhane, un groupement d’intérêt économique spécialisé dans le stockage souterrain de gaz naturel, mais que son exploitation et sa commercialisation ont été confiées à Storengy.

([8]) À noter qu’ailleurs en Europe, elle ne couvre en général que le risque de probabilité de 5 % (pointe de probabilité une fois tous les 20 ans)

([9]) Une variété de cadres réglementaires est appliquée à l’activité de stockage de gaz naturel par les pays européens, le droit européen laissant explicitement aux États membres le choix entre des approches régulées ou non.

([10]) Arrêté du 31 juillet 2017 relatif aux modalités de prise en compte des autres instruments de modulation pour l'application de l'obligation de déclaration et de détention de stocks et de capacités de stockage des fournisseurs de gaz naturel

([11]) Stockage souterrain de gaz, avril 2017

([12]) Conseil d'État, Section, 13/07/2016, 388150, publié au recueil Lebon

([13]) CA Paris, 2 juin 2016, Société GrDF sa et autres, n° 2014/26021

([14]) Délibérations n° 2017-196, 2017-197, 2017-198 et 2017-199

([15]) Arrêt 2015/15157

([16]) Tels que définis dans la directive européenne 2009/72/CE transposée en droit français dans l’ordonnance n° 2016-1725 du 15 décembre 2016