N° 275

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 12 octobre 2017

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES
SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2018 (n° 235),

 

TOME V

 

ECOLOGIE, DEVELOPPEMENT ET MOBILITE DURABLES

 

 

PAR Mme Laurence GAYTE

Députée

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 Voir le numéro 273


 


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SOMMAIRE

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 Pages

introduction

I. trois éléments marquants en 2018 sur le plan climatique

A. la confirmation de l’urgence climatique

1. L’accumulation des événements extrêmes et exceptionnels

2. L’élévation des températures

3. La poursuite de l’augmentation de la concentration du CO2 et des autres gaz à effet de serre dans l’atmosphère en dépit d’une certaine stabilisation des émissions

4. L’épuisement de plus en plus précoce des ressources terrestres

B. Le marché enfin en  faveur de la transition énergétique : la compétitivité croissante de l’électricité d’origine renouvelable par rapport aux combustibles fossiles

C. le retrait des états-unis de l’accord de paris : des effets à priori limités sur le climat, mais importants et négatifs sur la place et l’influence DANS LE MONDE de ce grand pays allié

1. Un retrait annoncé, mais qui ne pourra intervenir officiellement qu’en décembre 2020

2. Un impact à priori réduit sur la poursuite de la baisse des émissions de CO2 aux États-Unis en raison de l’engagement des institutions fédérées, des entreprises et de la société américaine pour le climat

3. L’absence de contagion à d’autres pays

4. Un facteur, regrettable d’isolement, et donc d’affaiblissement, de la place des États-Unis dans le monde

II. un engagement renouvelé et amplifié de la France, dont le projet de budget pour 2018 renforce encore la crédibilité

A. La stratégie du président de la République

1. Deux discours fondateurs à l’ONU et à la Sorbonne

a. L’intervention devant l’Assemblée générale des Nations unies le 19 septembre

b. Le discours de la Sorbonne et la transition écologique et énergétique  de l’Union européenne

2. Deux initiatives diplomatiques majeures de la France

a. Le sommet sur le climat du 12 décembre à Paris

b. Le pacte mondial pour l’environnement

B. Une crédibililité internationale confortée par le projet de loi de finances pour 2018, en appui au plan « climat » du gouvernement

1. Le plan « climat »

2. Le projet de budget  2018

III. Les quatre priorités à recommander au gouvernement en matière de diplomatie environnementale

A. Première priorité : une mise en œuvre ambitieuse de l’accord de paris

1. Atteindre dès que possible le pic des émissions de gaz à effet de serre au niveau mondial en faisant de l’année 2018 celle de l’engagement des pays à réviser leurs contributions climat

2. Crédibiliser, notamment en faveur de l’atténuation, l’objectif des 100 milliards de dollars annuels de transferts Nord-Sud à l’horizon 2020

3. Être rigoureux sur les mesures d’application de l’Accord de Paris, en particulier sur les mesures de transparence et sur les modalités de contrôle des émissions

4. Réaffirmer la complémentarité entre la lutte contre les changements climatiques, et la protection de la biodiversité et la lutte contre la désertification

B. deuxième priorité : une application exigeante de la stratégie énergie-climat 2030 de l’union européenne et la convergence vers les objectifs climatiques des grandes politiques européennes

1. L’acquis de la stratégie énergie-climat de 2008

2. Être exigeant sur les directives d’application du nouveau cadre énergie-climat 2030

3. Aller vers un prix du carbone d’autant plus crédible et efficace qu’il est garanti par une taxe carbone aux frontières

a. Le prix du carbone : une idée de plus en plus partagée

b. L’extension progressive des mécanismes de prix carbone dans le monde

c. Deux mesures nécessaires au niveau européen : la réforme du SEQE et la mise en place d’une taxe carbone

d. Un complément indispensable : un prélèvement carbone, mécanisme  compensateur aux frontières de l’Union

4. La nécessaire cohésion environnementale et climatique des grandes politiques européennes : faire évoluer la PAC, mais surtout la politique de cohésion en matière d’infrastructures

a. Une PAC qui doit évoluer progressivement

b. Le financement des seules infrastructures vertes par la politique de cohésion après 2020

C. Troisième priorité : La mise en cohérence des engagements économiques et commerciaux de la France et de l’Union européenne avec les impératifs climatiques

1. Une compatibilité qui ne va pas de soi : le cas de l’Accord économique et commercial global (AECG ou CETA) avec le Canada, et la nécessité d’un plan d’action

a. Le constat de la commission indépendante présidée par Mme Katheline Schubert

b. La réponse appropriée du Gouvernement : le plan d’action, selon les préconisations des parlementaires

2. « Verdir » les futurs accords commerciaux

3. Promouvoir, par coordination, l’inclusion du transport maritime dans les dispositifs de maîtrise des émissions de gaz à effet de serre

a. Une exception unique depuis l’adoption d’un dispositif par l’OACI pour le transport aérien

b. Mettre en place dès 2018, pour le transport maritime international, une stratégie et des mécanismes de maîtrise des émissions carbone

D. Quatrième priorité : l’impératif opérationnel d’une recherche nationale et européenne coordonnée et visible garantissant notre présence et notre rayonnement dans les domaines clés du stockage de l’électricité, de la capture du CO2 et de la ville du futur

1. Mettre fin à l’insuffisante visibilité et au manque de coordination de la recherche européenne actuelle en matière de stockage de l’électricité

a. La clef de la transition énergétique et d’un nouveau cycle  économique mondial d’où la France et l’Europe ne peuvent être absentes

b. L’insuffisante coordination et visibilité des efforts actuels

c. Le projet récent d’un « Airbus » des batteries pour la voiture électrique : la reconnaissance nécessaire et indispensable, mais tardive, d’un défaut passé de coordination et d’anticipation

2. Le captage du CO2

3. La ville du futur

a. Inventer en Europe les nouveaux modes de vie urbains

b. L’économie circulaire : réduire l’empreinte écologique de l’humanité

c. Le rôle clef de l’éducation pour faire évoluer les comportements

TRAVAUX DE LA COMMISSION

Présentation DE l’AVIS devant la commission des affaires étrangÈres

EXAMEN DES CRÉDITS

annexe  1 : Liste des personnes auditionnées par la rapporteure

Annexe  2 : Liste des principales COp


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   introduction

 

 

Mesdames, Messieurs,

Chaque année, la commission des affaires étrangères examine à l’occasion du projet de loi finances les instruments, les objectifs et les modalités de la diplomatie environnementale.

Contrairement à d’autres avis budgétaires, celui-ci n’a pas vocation à examiner le détail des programmes et des actions qui constituent la mission Écologie, développement et mobilité durables, à laquelle il se rattache.

Centré sur la diplomatie environnementale et plus précisément sur la diplomatie climatique, c’est un avis de nature politique, et non budgétaire.

Il vise à donner au Gouvernement les recommandations de la commission des affaires étrangères sur les objectifs que doit avoir la France en la matière.

Engagée dès les années 1960 avec les conventions de lutte contre la pollution maritime, la diplomatie environnementale a changé de nature en plusieurs étapes. Après le premier Sommet de la Terre, à Stockholm, en 1972, elle a pris son élan avec le Protocole de Montréal en 1987 pour sauver la couche d’ozone qui protège la vie sur terre, puis avec l’adoption, lors du Sommet de Rio, en 1992, de la convention cadre sur les changements climatiques (CCNUC) et, surtout, avec celle en 1997 du Protocole de Kyoto. Cet accord est en effet le premier instrument international dans le cadre duquel les États les plus développés se sont engagés dans la démarche collective de réduction des émissions de CO2 et des autres gaz à effet de serre directement responsables du réchauffement des températures terrestres.

Un temps ralentie par le refus des États-Unis de ratifier ce protocole et l’échec de la COP 15 de Copenhague en 2009, la diplomatie environnementale a connu un succès aussi majeur que décisif avec l’Accord de Paris sur le climat, lors de la COP 21, en décembre 2015.

On peut y voir avec Hubert Védrine, ancien ministre des affaires étrangères, le signe d’une restructuration de la communauté internationale autour d’une géo-écologie, troisième pilier par essence coopératif qui s’ajoute aux deux piliers précédents, par nature plus conflictuels, que sont la géopolitique et la géo-économie.

Le rôle de la France en la matière a été majeur puisque c’est sous présidence française que s’est conclu l’Accord de Paris.

Tel a d’autant plus été le cas que la France a pu acquérir en tant que membre de l’Union européenne une expérience essentielle. L’Europe s’est affirmée comme leader mondial en matière environnementale non seulement en s’engageant dans le Protocole de Kyoto et en l’appliquant, mais aussi en adoptant dès 2008 une stratégie énergie-climat complète fondée sur l’objectif des 3 fois 20 à l’horizon 2020 : une réduction de 20 % des émissions de gaz à effet de serre ; une part de 20 % pour les énergies renouvelables dans le bouquet énergétique européen ; une augmentation de 20 % de l’efficacité énergétique. Plus récemment, c’est le cadre énergie-climat 2030, encore plus exigeant, qui a été adopté par l’Union autour des trois nouveaux objectifs : réduire les émissions de gaz à effet de serre d’au moins 40 % ; porter la part des énergies renouvelables à au moins 27 % ; améliorer l’efficacité énergétique d’au moins 27 %.

L’Union européenne est, en effet, pilote en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre.

Comme le montre le graphique suivant, elle a franchi le pic de ses émissions dans les années 1980, avant même que la question climatique ne soit identifiée par le rapport du groupe international d’experts sur le climat (GIEC) en 1988.

Elle est certes le troisième émetteur, mais ce sont essentiellement la Chine, l’Inde, et donc le charbon, qui sont les principales causes de l’augmentation des émissions dans les dernières décennies.

Évolution des émissions de gaz à effet de serre

Source : Global Carbon Project

Par comparaison, les pays émergents et les pays en développement représentent près de 60 % des émissions de gaz à effet de serre. C’est une catégorie très hétérogène, puisque ceux d’Afrique sub-saharienne ne représentent qu’un peu plus de 4 %, et la Chine et l’Inde 32 %.

Dans cet ensemble européen en avance sur le reste du monde, la France se situe en bonne position.

Pour ce qui concerne les émissions globales, elle est nettement moins émettrice, avec un peu plus de 1 % des émissions mondiales, que l’Allemagne (1,97 %, soit presque 2 % environ du total mondial). La France émet aussi moins de gaz à effet de serre que le Royaume-Uni (1,6 %) et l’Italie (1,1 %).

S’agissant des émissions par tête, la France est, en 2012, avec 5 tonnes de CO2 par habitant, hors utilisation des sols, en dessous de la moyenne européenne (6,7 tonnes) et de l’Allemagne (9,3 tonnes).

Le rôle essentiel de la France dans la diplomatie climatique, à la suite de l’Accord de Paris, a été confirmé et étayé par le président de la République, M. Emmanuel Macron, et par l’action du Gouvernement.

La place donnée au climat dans les deux discours fondateurs à caractère stratégique du Président de la République, en septembre, l’un à New York devant l’Assemblée générale des Nations unies, sur la situation internationale et le monde, et l’autre à la Sorbonne, sur la relance de l’Europe, est venue conforter une crédibilité déjà assise grâce au plan climat présenté par le Gouvernement en juillet.

La dimension climatique du projet de loi de finances, la réunion le 12 décembre prochain d’un sommet exceptionnel sur le climat, à Paris, renforcent encore cette dynamique d’ensemble.

Aussi, après avoir rappelé les trois principaux éléments qui ont marqué l’année en matière climatique, le présent rapport vise-t-il, dans la perspective stratégique ainsi tracée, à relever les quatre priorités qui s’imposent en matière de diplomatie environnementale : une mise en œuvre ambitieuse de l’Accord de Paris ; l’application exigeante de la stratégie énergie-climat 2030 de l’Union européenne et la convergence vers les objectifs climat des grandes politiques européennes, notamment la PAC et la politique de cohésion ; la mise en cohérence des engagements économiques et commerciaux de la France et de l’Union européenne, avec ces mêmes objectifs climatiques ; une recherche européenne et nationale coordonnée et visible en matière de stockage de l’électricité, du captage du carbone et de ville du futur, pour assurer notre présence et notre rayonnement économique à terme.

 


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I.   trois éléments marquants en 2018 sur le plan climatique

A.   la confirmation de l’urgence climatique

1.   L’accumulation des événements extrêmes et exceptionnels

L’année 2017 a été caractérisée par une accumulation jusque-là inconnue d’événements extrêmes et exceptionnels.

D’abord, l’été a été marqué par un nombre inhabituellement élevé de cyclones et ouragans d’une ampleur peu commune. Ils se sont pour l’essentiel sont succédé sur une période particulièrement brève.

Ainsi, à la fin du mois d’août,  l’ouragan Harvey a ravagé une grande partie du Sud des États-Unis, et en particulier la ville de Houston au Texas dont une très large part a été sous les eaux, mais aussi la Louisiane, le Tennessee et le Missouri. C’est, après l’ouragan Katrina qui a frappé la Nouvelle-Orléans en 2005, la deuxième plus grande catastrophe qui a frappé les États-Unis. Les dommages pourraient, selon certaines estimations, atteindre 190 milliards de dollars.

Ensuite, c’est l’ouragan Irma, d’une violence inégalée, car de catégorie 5, qui a frappé au début du mois de septembre les petites Antilles, et particulièrement la France ultramarine à Saint-Barthélemy et Saint-Martin, presque totalement détruites et dont les populations souffrent encore beaucoup de ce désastre sans précédent. Les dommages ont aussi été particulièrement importants à Barbuda, Anguilla et aux Îles vierges, ainsi que sur la côte septentrionale de Cuba. Par précaution, plus de de six millions de personnes ont été évacuées du sud de la Floride et notamment de Miami, régions moins éprouvées en définitive qu’initialement prévu. Les estimations des dommages sont de l’ordre de 100 milliards de dollars.

Quelques jours après, vers la mi-septembre, la région a encore été frappée par les ouragans José et Maria. Le second a causé des dommages importants en Martinique, encore davantage en Guadeloupe, mais surtout à Porto Rico qui a été sinistrée au point de devoir faire l’objet de mesures exceptionnelles de la part de l’État fédéral américain.

Il faut aussi mentionner la tempête tropicale Ophelia, à la mi-octobre. Formée à un endroit assez inhabituel dans l’Atlantique nord, plus au nord et à l’est que d’habitude, elle a évité le continent européen, mais s’est abattue sur les îles britanniques, faisant des victimes en Irlande.

Ces événements catastrophiques sont la conséquence directe de l’élévation de la température des eaux de surface dans l’Atlantique, qui résulte elle-même du réchauffement climatique.

Pour ce qui concerne l’Europe, le sud a été marqué par une sécheresse exceptionnelle qui a marqué l’été au point d’entraîner à Rome, qui n’avait pas connu une telle situation depuis deux siècles, des coupures d’eau drastiques.

Les feux de forêt ont pour leur part marqué le Portugal et la France en bordure de la Méditerranée cet été, puis à nouveau ces derniers jours. Trois jours de deuil national ont été décrétés en raison du nombre de victimes – plus de 40 – au Portugal, le 16 octobre. Le Canada a également été frappé avec la destruction de plus de 500 000 hectares en Colombie britannique, ce qui est le plus grand feu jamais recensé dans le pays.

2.   L’élévation des températures

L’année 2016 a été au niveau mondial l’année la plus chaude jamais enregistrée, comme l’a relevé dans son rapport annuel l’Organisation météorologique mondiale (OMM).

L’écart a été de 1,1° C par rapport à l’ère pré-industrielle, qui est la référence en matière de mesure du réchauffement climatique.

Sur les continents, 2016 a été l’année la plus chaude en Amérique du Nord. Plusieurs records de chaleur ont par ailleurs été dépassés. Tel a été le cas en mai 2016 avec 51°C à Phalodi, en Inde, puis en juillet avec 53°C à Dehloran (Iran), 53,9°C à Bassorah (Irak) et 54°C à Mitribah (Koweït). Pour l’Europe, c’est en septembre à Cordoue que le record a été atteint, avec 45,6°C.

Pour 2017, les températures relevées par la NASA au premier semestre sont inférieures à celles de l’année 2016, en raison d’une moindre intensité du phénomène El Niño dans le Pacifique, mais elles sont au deuxième rang, avec 0,94°C au-dessus de la moyenne des années 1950 à 1980.

Cette accumulation de records sans cesse battus dans l’ensemble du monde a conduit le directeur du programme recherche de l’OMM, M. David Carlson, lors de la présentation du rapport précité, le 21 mars dernier, à considérer que « nous constatons désormais des changements importants partout sur la planète, qui viennent repousser les limites de notre connaissance des systèmes climatiques. Nous sommes désormais à un point où nous entrons en territoire inexploré. » 

Ce constat, particulièrement inquiétant, rappelle l’extrême urgence à agir.

3.   La poursuite de l’augmentation de la concentration du CO2 et des autres gaz à effet de serre dans l’atmosphère en dépit d’une certaine stabilisation des émissions

L’augmentation des températures terrestres est directement liée à la concentration du CO2 et des autres gaz à effet de serre dans l’atmosphère, par le mécanisme de l’effet de serre.

C’est en 2015 que la concentration du CO2 a franchi le seuil symbolique de 400 parties par million (p.p.m.).

Il s’établit maintenant très nettement au-dessus et a atteint 407 p.p.m. en juillet, avant de retomber à 403 en septembre en raison des variations saisonnières.

Avant l’ère industrielle, ce seuil était de 280 p.p.m. et il est établi que c’est au niveau de 450 p.p.m. que se situe le seuil limite de 2° C pour l’augmentation des températures terrestres.

Pour ce qui concerne les deux autres gaz à effet de serre, les mesures relatives à l’année 2015 de 1845 p.p.m. pour le méthane, soit un niveau supérieur de 256 % à l’ère pré-industrielle, et de 328 p.p.m. pour le protoxyde d’azote, soit une progression de 121 %, sont également préoccupantes.

Le mouvement ne peut se poursuivre même si les émissions connaissent une certaine stabilisation. Il faut rappeler que si les émissions de CO2 représentent 73 % du potentiel de réchauffement global à 100 ans, la part du méthane s’élève à 20 % de ce même potentiel. 

La progression des émissions de gaz à effet de serre a diminué dans les années récentes. Alors qu’il était de +2,3 % par an selon le Global Carbon Project, entre 2004 et 2013, il s’établirait à +0,2 % en 2016, après une très légère progression en 2015. Le volume total des émissions s’établit à 36,3 milliards de tonnes.

Pour sa part, l’Agence internationale de l’énergie a fait état, le 17 mars dernier, d’une stabilisation des émissions de CO2 dues à la production d’énergie pour l’ensemble des activités humaines, à environ 32,1 milliards de tonnes par an – pour la troisième année consécutive –, alors même que l’économie mondiale a connu une croissance de 3,1 %.

Même stabilisé, le niveau actuel des émissions reste cependant préoccupant, car très supérieur à la capacité d’absorption des réservoirs terrestres, estimée autour de 9,4 milliards de tonnes par an (Chiffres clé du climat, France et Monde, 2017).

4.   L’épuisement de plus en plus précoce des ressources terrestres

Chaque année, l’organisation Global Footprint Network établit d’après ses travaux sur l’empreinte écologique le jour de dépassement ou « jour de la dette écologique », à partir duquel l’humanité a épuisé les ressources naturelles que produit la Terre pour l’année en cours.

Alors que jusque dans la décennie 1980 le fonctionnement de l’économie mondiale respectait encore pour une large part les grands équilibres du développement durable, tel n’est plus le cas.

Le jour de dépassement est intervenu le 19 décembre en 1987, il y a trente ans. Il est intervenu cette année le 2 août, presqu’une semaine avant la date de 2016 (8 août).

Le phénomène a donc tendance à s’accélérer : plus l’humanité puise dans les réserves terrestres, plus elle entame la capacité de ces réserves à se reconstituer.

B.   Le marché enfin en  faveur de la transition énergétique : la compétitivité croissante de l’électricité d’origine renouvelable par rapport aux combustibles fossiles

La lutte contre le réchauffement climatique et les dérèglements qu’il provoque repose sur la capacité de l’humanité à cesser l’exploitation comme combustible du charbon et des hydrocarbures, avec rejet des émissions de CO2 dans l’atmosphère.

La révolution énergétique qui a été à l’origine de la Révolution industrielle et des différents cycles de progrès économique intervenus depuis, se traduit en effet par le rejet dans l’atmosphère en deux siècles, de plusieurs centaines de millions d’années de stockage de carbone. Ce rejet est intervenu d’autant plus vite et massivement que le coût d’extraction de ces combustibles n’a jamais atteint sur la durée des niveaux prohibitifs.

À défaut d’un prix du carbone rétablissant l’équilibre entre le coût de production de l’électricité d’origine renouvelable et le prix du kilowatt heure d’origine fossile, le développement du solaire et de l’éolien est resté modeste, dépendant largement de dispositifs d’aides publiques permettant d’assurer leur équilibre économique.

La situation est en train de changer car les dernières installations implantées produisent de l’électricité à un coût enfin compétitif.

Les données communiquées par le ministère de la transition écologique et solidaire en réponse à la question de votre rapporteure, sont très éclairantes.

Sur la base d’appels d’offres récents, on constate que le mégawatt heure produit par l’éolien terrestre est autour de 70 euros et celui du solaire au sol de 58 euros, comme le montre le tableau suivant. 

Coût de production de l’électricité d’origine renouvelable

(en euros par mégawatt heure)

Filière

Coût de production par filière

Éolien terrestre

70

PV au sol

58

PV sur bâtiments

95

Petits systèmes PV (<100 kW)

190

Éolien en mer posé

200

Éolien en mer flottant

280

Petite hydroélectricité

100 (sites nouveaux) -140 (sites existants)

Hydroélectricité

[30-90] suivant les sites

Énergies marines

300

Bois énergie

120

Biogaz

170

Source : ministère de la transition écologique et solidaire

La baisse la plus spectaculaire recensée ces dernières années est celle de la production d’électricité d’origine solaire, sous l’effet notamment de la chute considérable des prix de fabrication des panneaux solaires produits en masse par la Chine.

Comparativement aux coûts de production de l’électricité couramment publiés en France, de l’ordre de 15 à 20 euros pour l’hydraulique, de 50 euros pour le nucléaire, et de 50 à 60 pour les centrales à charbon, et de 70 à 100 euros pour les centrales thermiques, on en mesure la compétitivité.

Tel est d’autant plus le cas que le coût de production du nucléaire est en augmentation sensible avec la technologie de l’EPR. Pour le site d’Hinkley Point au Royaume-Uni, le prix garanti s’est établi à 92,5 livres sterling, soit 100 euros environ. Il est estimé à plus de 70 euros pour Flamanville.

Ce mouvement de baisse des prix des renouvelables est aussi constaté à l’étranger.

En Allemagne, selon les éléments communiqués par le ministère de la transition écologique et solidaire, les derniers appels d’offres font apparaître pour l’éolien terrestre un tarif moyen de 57 euros le mégawatt heure (prix plafond de 70 euros le mégawatt heure). Pour le solaire au sol, celui-ci s’est établi à 56 euros le mégawatt heure contre 66 euros pour la période précédente.

Hors d’Europe, on a pu constater des coûts de l’ordre de 25 à 30 euros le mégawatt heure pour le solaire.

En se fondant sur un prix d’appel d’offres de 30 à 45 dollars pour la solaire, selon une fourchette constatée dans plusieurs pays (Inde, Mexique, Émirats arabes unis, et Argentine), l’Agence internationale de l’énergie a pu anticiper dans son rapport publié le 4 octobre dernier sur les énergies renouvelables (Renewables 2017) une percée du solaire au niveau mondial d’ici 2022.

L’éolien terrestre apparaît également à l’Agence de plus en plus avantageux, à raison de 35 à 50 dollars d’après les données des pays suivants : l’Inde, le Maroc, l’Égypte, la Turquie et le Chili.

Si l’éolien en mer est resté cher, avec notamment, pour les installations  posées, de l’ordre de 120 à 180 euros le mégawatt heure en 2015, proches des prix de plus de 200 euros recensés il y a quelques années, les derniers appels d’offres réalisés au Royaume-Uni sont encourageants. Deux projets y ont été sélectionnés avec un prix garanti de 57,5 livres par mégawattheure pendant quinze ans (63,5 euros environ) pour une production qui débuterait vers 2022-2023, à un prix inférieur à celui d’Hinkley Point.

L’éolien en mer flottant tend à prendre son essor, l’avantage étant que les opérations de montage se font à terre et que les parcs peuvent être établis en plus grande profondeur, plus loin des côtes, là où le vent est plus intense et plus fréquent, ce qui assure le fonctionnement des équipements en équivalent pleine puissance à mi-temps, contre un quart pour l’éolien terrestre.

Avec cette technologie, le potentiel de l’éolien en mer a été jugé suffisamment prometteur pour l’Atlantique nord, pour que deux chercheurs de l’Institut américain Carnegie pour la Science, Anna Possner et Ken Caldeira, estiment dans une récente étude qu’il pourrait assurer à terme l’approvisionnement en électricité de l’Amérique du Nord et de l’Europe.

C.   le retrait des états-unis de l’accord de paris : des effets à priori limités sur le climat, mais importants et négatifs sur la place et l’influence DANS LE MONDE de ce grand pays allié

1.   Un retrait annoncé, mais qui ne pourra intervenir officiellement qu’en décembre 2020

Dès la campagne des présidentielles américaines de 2016, des inquiétudes se sont manifestées sur la pérennité de l’engagement américain en matière de climat en cas de victoire de Donald Trump.

Contrairement à d’autres domaines des relations internationales où ses annonces de campagnes n’ont pas été mises en œuvre, le président Donald Trump n’a pas changé d’avis sur l’Accord de Paris.

C’est ainsi que celui-ci a annoncé le 1er juin à la Maison blanche la décision de retirer les États-Unis de l’Accord de Paris.

Ce retrait inclut l’arrêt de la mise en œuvre de la contribution nationale des États-Unis, qui prévoit une réduction de 26 à 28 % des émissions de gaz à effet de serre d’ici 2025, par rapport à 2005.

Il ne s’agit pas d’un retrait ferme : la porte d’une réadhésion n’est pas fermée, le président Trump ayant indiqué envisager des négociations pour une éventuelle réintégration, sur d’autres bases vraisemblablement, estimées plus justes pour le pays et son économie. L’universalité de l’Accord de Paris, menacée, reste donc en suspens.

Une notification de l’intention des États-Unis d’exercer leur droit de retrait est intervenue le 4 août auprès du Secrétaire général des Nations unies.

La procédure de sortie de l’Accord de Paris, qui ne peut intervenir avant l’expiration d’un délai de quatre ans à compter de son entrée en vigueur, en novembre 2016, est respectée. La lettre mentionne en effet que les États-Unis soumettront une notification formelle de retrait lorsqu’ils seront autorisés à le faire, c’est-à-dire au plus tôt le 4 novembre 2019 – et c’est alors que commencera à courir le délai d’un an prévu pour que le retrait devienne effectif, à moins que les termes d’un réengagement n’aient été identifiés d’ici là.

Comme l’a confirmé lors de son audition M. John Griffith, conseiller pour l’environnement, la science, la technologie et la santé à l’ambassade des États-Unis à Paris, et ainsi que l’a mentionné un communiqué du département d’État, daté du 4 août, les États-Unis continueront de participer aux négociations internationales sur le climat et notamment à la COP 23, et prendront ainsi part à l’élaboration des règles d’application de l’Accord de Paris. L’approche reste donc constructive, et il faut s’en féliciter, si ce n’est sur les financements fédéraux, interrompus, notamment sur le fonds vert, ce qui est regrettable.   

2.   Un impact à priori réduit sur la poursuite de la baisse des émissions de CO2 aux États-Unis en raison de l’engagement des institutions fédérées, des entreprises et de la société américaine pour le climat

Sur le plan interne, l’annonce de la sortie de l’Accord de Paris s’est accompagnée d’un geste de l’Administration Trump en faveur des énergies fossiles, et du charbon, bien que le secteur ne représente plus que 50 000 emplois, loin derrière les énergies renouvelables, selon les éléments communiqués.

Est en effet intervenue l’abrogation le 10 octobre du Clean Power Act d’août 2015, destiné à réduire les émissions du secteur de la production d’électricité, notamment des centrales au charbon. Le directeur de l’Agence fédérale de protection de l’environnement (EPA) a indiqué que la « guerre contre le charbon » était « terminée ». En outre, différentes coupes budgétaires ont été proposées par l’administration dans le budget fédéral pour les actions en matière d’environnement et de climat.

Il est difficile à ce stade de penser que cette décision aura un effet majeur sur les émissions américaines, pour trois raisons.

D’une part, les tendances de long terme sont déjà engagées vers une réduction des émissions de gaz à effet de serre aux États-Unis, depuis près de 10 ans, alors que le PIB a continué à croître. C’est en raison de certaines évolutions, dont la plus spectaculaire est le remplacement du charbon par du gaz naturel, nettement moins cher depuis la mise en exploitation du gaz de schiste, dans la production d’électricité. C’est ce qu’illustre le graphique suivant :

Évolution des émissions de gaz à effet de serre aux États-Unis

D’autre part, une partie des États fédérés, des villes, des entreprises et de la société civile s’est manifestée en faveur de l’Accord de Paris. Dès le mois de juin, l’ancien maire de New-York, M. Michael Bloomberg, a transmis au secrétaire général de l’ONU une lettre signée par 1 200 collectivités, entreprises et organisations témoignant de leur poursuite de l’engagement pour le climat. Parmi les signataires, on a observé 125 villes, neuf États fédérés, 902 entreprises et 193 universités. Les villes et États participants représentent 120 millions d'Américains et pèsent  le tiers du PIB américain. La liste comprend aussi bien des métropoles comme New-York, Los Angeles et Houston que des villes plus petites comme Pittsburgh (Pennsylvanie). Du côté du secteur privé, les entreprises et les investisseurs signataires affichent un revenu annuel global de 1 400 milliards de dollars. Se sont engagées dans ce cadre non seulement des très grandes entreprises comme Apple, eBay, Google, Intel, Microsoft, Nike, mais aussi plusieurs centaines d’entreprises plus petites.

On peut aussi rappeler l’importance de l’engagement de la finance, notamment dans le cadre de la Task Force on Climate-related Financial Disclosure (TCFD) lancée lors de la COP 21 par le Forum de stabilité financière (FSB) et dont le mandat court jusqu’en 2018.

Enfin, on peut observer que les fondamentaux financiers de la transition énergétiques ont bien été identifiés aux États-Unis, et que leur évolution ne saurait vraisemblablement être durablement contrariée par les segments encore climato-sceptiques de l’Administration et de la société.

Les projections montrent en effet que les prix du solaire et du l’éolien terrestre devraient passer très vite sous le seuil de 60 dollars le mégawatt heure, et devenir ainsi plus compétitives que le charbon, et ensuite ce devrait être le cas pour le gaz naturel si la tendance se poursuit comme prévu.

Évolution du coût du charbon et des énergies renouvelables pour la production d’électricité

Source : Bloomberg New Energy Finance

3.   L’absence de contagion à d’autres pays

Le cas des États-Unis n’a pas fait école dans le monde.

Lors des sommets du G7 à Taormine le 27 mai dernier et du G20 à Hambourg le 8 juillet, aucun autre pays n’a suivi le Président Trump.

On peut seulement observer que les conclusions du G7 sont sur le climat en retrait par rapport à celle de 2016, mais que s’agissant du G20, ses conclusions prévoient de la part des dix-neuf autres pays un engagement fondé sur l’irréversibilité de l’Accord de Paris et acceptant le plan d’action sur le climat et l’énergie et la croissance.

Au-delà de ce cercle des pays qui prennent part à la gouvernance mondiale, l’Administration Trump n’a pas non plus emporté la conviction.

Comme l’a rappelé lors de son audition Mme Brigitte Collet, ambassadrice chargée des négociations sur le changement climatique, des énergies renouvelables et de la prévention des risques climatiques, plus de dix pays ont ratifié l’Accord de Paris depuis l’annonce du début du mois de juin.

4.   Un facteur, regrettable d’isolement, et donc d’affaiblissement, de la place des États-Unis dans le monde

Le principal effet de la sortie annoncée des États-Unis de l’Accord de Paris est donc un affaiblissement de leur position internationale, qui se retrouvent seuls, sur un sujet majeur, face à leur principal concurrent qu’est la Chine, sur la scène diplomatique.

C’est un point que ne peuvent que très profondément regretter, comme c’est le cas de votre rapporteure, les personnes qui restent attachées au lien transatlantique comme élément stabilisateur de la communauté internationale.

En réaction à la sortie nord-américaine, la Chine, mais aussi l’Inde, ont réaffirmé leur engagement pour le climat.

II.   un engagement renouvelé et amplifié de la France, dont le projet de budget pour 2018 renforce encore la crédibilité

A.   La stratégie du président de la République

1.   Deux discours fondateurs à l’ONU et à la Sorbonne

a.   L’intervention devant l’Assemblée générale des Nations unies le 19 septembre

Le mardi 19 septembre, le Président de la République, M. Emmanuel Macron, est intervenu, à l’Assemblée générale des Nations unies pour la première fois de son mandat.

Ce long discours fondateur a consacré deux paragraphes au climat sur deux points essentiels.

Le Président de la République a d’abord rappelé la pérennité et l’irréversibilité de l’accord qui reste ouvert aux États-Unis : « la porte leur sera toujours ouverte ».  Il a insisté sur le fait que sa mise en œuvre se poursuivrait « avec tous les gouvernements, avec les collectivités locales, les villes, les entreprises, les ONG, les citoyens du monde. » L’engagement est très solennel car le Président de la République a ajouté que : « nous avons pour nous la force des pionniers, l’endurance, la certitude et l’énergie de ceux qui veulent construire un monde meilleur et, oui, ce monde meilleur créera de l’innovation, des emplois n’en déplaise à ceux et celles qui veulent croire que l’avenir ne se regarde qu’en arrière. »

Le Président de la République a aussi fait trois annonces essentielles :

– d’abord, il a confirmé la réunion à Paris d’un Sommet sur le climat, le 12 décembre, date du deuxième anniversaire de la conclusion de l’Accord de Paris ;

– ensuite, il a indiqué que la France allouerait une enveloppe de « cinq milliards d’euros par an à l’action sur le climat d’ici à 2020 » ;

– enfin, il a confirmé la présentation du projet de pacte mondial pour l’environnement.

La portée de l’engagement financier de la France est majeure. Notre pays prévoit en effet de contribuer à hauteur de 5 milliards d’euros par an à compter de 2020 et de prendre ainsi en charge 5 % environ des 100 milliards de dollars de transferts financiers vers le Sud qui sont l’élément central de la relation de confiance entre les pays les plus avancés et les pays émergents, ou en voie de l’être, sur le climat.

b.   Le discours de la Sorbonne et la transition écologique et énergétique  de l’Union européenne

Dans le cadre de son discours, également fondateur, à la Sorbonne le 16 septembre, une semaine après celui de l’ONU, le Président de la République s’est clairement prononcé pour une Europe à l’avant-garde d’une transition écologique efficace et équitable, et d’une Europe qui invente ainsi le futur modèle de société et de civilisation.

Il a mis l’accent sur trois éléments clés :

– la nécessité d’un prix du carbone à un niveau suffisamment élevé, de 25 à 30 euros la tonne, pour que le marché facilite cette transition ;

– le renforcement de l’efficacité du marché européen de l’énergie en développant les interconnexions des réseaux aux frontières, permettant de mutualiser la production d’électricité renouvelable de la péninsule ibérique, comme la production décarbonée des centrales nucléaires françaises ;

– une taxe carbone aux frontières de l’Europe, « indispensable » pour assurer que nos entreprises des secteurs les plus exposés à la mondialisation seront sur un pied d’égalité avec leurs concurrentes d’autres régions du monde.

Avec les contrats de territoire, ce sont les quatre piliers défensifs de l’« ambition » européenne en matière d’énergie et de climat.

Le Président de la République a souhaité que celle-ci soit aussi assortie d’un volet offensif.

Il s’agit de mettre en place un programme industriel européen de soutien aux véhicules propres, accompagné d’un programme d’infrastructures communes permettant de traverser l’Europe. L’insuffisance de l’autonomie des batteries des véhicules électriques et l’incertitude de pouvoir les recharger aisément sont en effet le principal frein au basculement nécessaire du parc automobile vers l’électricité.

2.   Deux initiatives diplomatiques majeures de la France

a.   Le sommet sur le climat du 12 décembre à Paris

C’est à l’issue du G20 à Hambourg en juillet 2017, que le Président de la République française a annoncé la tenue d’un sommet international sur le climat, le 12 décembre prochain, à Paris. Celui-ci sera co-organisé avec les Nations unies et la Banque mondiale. Il réunira un grand nombre d’acteurs engagés pour le climat parmi lesquels des chefs d’État et de Gouvernements, des membres  de gouvernement, ainsi que des représentants des institutions internationales, du secteur privé et de la société civile.

L’objectif est de maintenir et conforter l’esprit de Paris et l’engagement en faveur du climat deux ans jour pour jour après l’adoption de l’Accord.

Sans qu’il s’agisse de préempter une partie de l’agenda de la COP23 à Bonn du 6 au 17 novembre prochain, ce sommet s’inscrit dans le calendrier qui  prépare la COP24 de Katowice en 2018 et dans la perspective d’autres événements clés comme le sommet climat des Nations unies en 2019.

Il s’agit d’accélérer le financement de la lutte contre le changement climatique, de manière à changer d’échelle en passant d’une collection de projets ponctuels à une approche globale,  ainsi que d’intercaler entre des rendez-vous de négociation, une réunion de mobilisation permettant de faire émerger entre les pays et les partenaires non étatiques de nouvelles coalitions ou communautés d’intérêts, le cas échéant, sur des projets ou des propositions. 

Quatre résultats sont escomptés :

– une mobilisation politique renouvelée sur l’Accord de Paris ;

– de nouvelles annonces concrètes en faveur des financements des actions climat et des instruments de financement opérants, notamment le « verdissement » des actions de la Banque mondiale et des autres grandes institutions financières internationales. L’impératif est de réorienter les investissements, de développer les instruments de financements innovants et d’accompagner la transition écologique et énergétique ; 

– dans cette perspective, une consolidation et un partage des bonnes pratiques pour accélérer le verdissement de la finance et les flux de financement vers les projets de terrain ;

– la présentation d’une large palette de projets concrets qui contribuent à mettre en œuvre la transition vers une économie bas-carbone et résiliente face au dérèglement climatique.

 Il s’agit aussi de continuer à démontrer que la transition écologique est porteuse d’opportunités environnementales, économiques et sociales, qu’elle implique tous les acteurs, acteurs publics, acteurs du marché et de la société civile qui sont indispensables à tous les échelons – locaux, nationaux et internationaux et dont le dialogue et la coopération  à  différents niveaux permettra de démultiplier les résultats du sommet.

Après la cérémonie d’ouverture marquée par les discours du Président de la République, M. Emmanuel Macron, du Secrétaire général des Nations unies, M. Antonio Guterres et du Président de la Banque mondiale, M. Jim Yong Kim, douze projets dits « transformatifs » en faveur du climat, illustrant la transition vers une économie décarbonée, quatre tables rondes seront organisées sur les thèmes suivants :

–  Changer d’échelle les projets climat via les financements publics : Quels instruments pour mobiliser les financements vers des projets bas carbone et d’adaptation au dérèglement climatique, via des coopérations Nord-Sud et Sud-Sud ?

– « Verdir » la finance en faveur d’une économie durable : Comment mieux intégrer les enjeux climat dans le secteur privé, les institutions financières et les régulateurs pour réorienter les investissements vers une économie décarbonée ?

–  Amplifier l’action des villes et territoires, au plus près des citoyens : Quelles solutions pour mettre en œuvre l’Accord de Paris à l’échelle locale et financer la transition énergétique des territoires ?

– Façonner les politiques publiques pour accélérer la transition économique et solidaire : Quel cadre public pour poursuivre l’évolution de l’économie vers la transition bas carbone et l’adaptation au dérèglement climatique ?

En outre, pour donner encore davantage d’écho au sommet, deux événements connexes liés directement aux objectifs du sommet seront organisés la veille du 12 décembre pour mettre l’accent sur la mobilisation de la finance :

– l’édition 2017 du Climate Finance Day – pilotée par le ministère de l’économie ;

– un événement sur l’action climatique dans les institutions financières – piloté par l’Agence Française de Développement, en coordination avec l’initiative Climate Action in Financial Institutions.

D’autres événements seront organisés en marge du sommet par des partenaires publics, privés et associatifs, afin de participer à la dynamique de mobilisation en faveur du climat.

b.   Le pacte mondial pour l’environnement

Annoncé au début de l’été et confirmé lors de l’annonce du plan climat en juillet dernier, l’engagement de la France et du Président de la République, M. Emmanuel Macron, en faveur du pacte mondial pour l’environnement a été solennellement renouvelé lors du déplacement du Président de la République aux Nations unies lors de la semaine ministérielle d’ouverture de la 72e session de l’Assemblée générale des Nations unies à New York.

Le sommet de lancement du Pacte s’est ainsi tenu le 19 septembre, en présence notamment du secrétaire général des Nations unies, du président de l’Assemblée générale des Nations unies, d’une soixantaine de chefs d’État et de gouvernement, et de ministres, ainsi que de nombreuses personnalités marquantes de la société civile. Ce sommet a permis de mesurer l’ampleur du soutien au projet.

Initialement rédigé par un groupe de quatre-vingt juristes, issus de quarante pays, sous l’impulsion de M. Laurent Fabius, président du Conseil constitutionnel, le projet a été présenté à la Sorbonne, le 24 juin 2017.

Il s’agit de mettre fin à l’actuelle fragmentation du droit international face à la montée des menaces qui pèsent sur notre environnement à l’échelle planétaire, en tirant parti la dynamique de l’Accord de Paris et de l’Agenda 2030 de l’ONU en matière de développement durable. L’objectif est de de réunir dans un texte unique les différents éléments qui composent le droit international de l’environnement et de les compléter à l’aune des nouveaux enjeux.

Sur le plan juridique, le pacte a vocation à devenir un traité à caractère contraignant qui énonce l’ensemble des droits fondamentaux en matière environnementale, ainsi que les grands principes constitutifs du droit de l’environnement qui doivent guider l’action des États qui y sont parties.

L’objectif est donc un texte, à la fois ambitieux et acceptable par les gouvernements du monde entier.

Après l’Accord de Paris, le pacte mondial pour l’environnement est le deuxième élément qui doit structurer la dimension géo-écologique de la société internationale.

B.   Une crédibililité internationale confortée par le projet de loi de finances pour 2018, en appui au plan « climat » du gouvernement

1.   Le plan « climat »

C’est le 6 juillet 2017 que le ministre de la transition écologique et solidaire, M. Nicolas Hulot, a présenté le plan « climat » du Gouvernement.

Il s’agit de mobiliser l’ensemble des ministères, sur la durée du quinquennat, pour accélérer la transition énergétique et climatique et la mise en œuvre de l’Accord de Paris.

L’objectif est d’atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050.

Pour y parvenir, plusieurs mesures doivent être mises en œuvre, selon trois volets.

A tong terme, le plan programme la sortie de la France des énergies fossiles, afin d’atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050. Notre pays est l’un des premiers pays à la prévoir avec la Suède et le Costa Rica.

Sur le plan opératoire, sont ainsi prévus :

– la production d’une électricité sans carbone, ce qui implique la fermeture à moyen terme des quatre centrales électriques à charbon qui fonctionnent encore en France avec des solutions d’accompagnement pour les territoires concernés ;

– la fin de l’exploitation en France d’hydrocarbures à l’horizon 2040, selon des modalités en cours d’examen au Parlement dans le cadre du projet de loi mettant fin à la recherche, ainsi qu’à l’exploitation des hydrocarbures conventionnels et non conventionnels et portant diverses dispositions relatives à l’énergie et à l’environnement ;

– le renforcement du prix du carbone, selon le principe de la taxation  des sources de la pollution, avec la convergence de la fiscalité entre le diesel et l’essence ;

  la fin de la commercialisation en France des voitures à moteur thermique émettant des gaz à effet de serre d’ici 2040. L’objectif de cette annonce est de mettre fin à la vente de voiture à essence ou diesel pour d’ores et déjà inciter les constructeurs à innover avec l’objectif d’en faire des leaders sur le futur marché automobile ;

– selon une perspective plus large enfin, le développement de l’économie circulaire et le renforcement des dispositifs de recherche et de coopération scientifique pour combattre le changement climatique.

À court et moyen terme, l’objectif est de provoquer des améliorations dans la vie quotidienne des Français grâce à trois actions :

– la mobilité propre et accessible à tous par une prime à la transition permettant de remplacer un véhicule par un modèle moins émetteur de gaz à effet de serre ;

 – les aides aux propriétaires et locataires qui ont des difficultés à payer leurs factures d’énergie afin de faire disparaitre en 10 ans les « passoires thermiques » que sont les logements mal isolés ;

– le développement de la consommation responsable avec un soutien aux zones d’habitation qui souhaitent produire et consommer leurs énergies renouvelables (biogaz, énergie solaire, etc.) ;

– la promotion de la place de Paris comme capitale de la « finance verte ».

Le troisième volet du plan climat, visant à renforcer la mobilisation internationale en la matière a précédemment été évoqué, notamment avec le sommet sur le climat du 12 décembre prochain à Paris.

De manière complémentaire, on observe que la municipalité de Paris, après avoir décidé d’interdire à l’horizon 2020 les véhicules à moteur diesel, envisage celle des moteurs à essence à l’horizon 2030.

D’ici la fin de l’année 2018, le Gouvernement présentera également, comme prévu par la loi sur la transition énergétique, la stratégie nationale bas-carbone pour les 15 années suivantes.

2.   Le projet de budget  2018

Le projet de loi de finances pour 2018 conforte la crédibilité de l’engagement du Gouvernement et donc de la France en faveur du climat.

Il le fait d’autant plus qu’il s’inscrit dans le contexte exceptionnel des 20 milliards d’euros du Grand plan d’investissement dédiés à la transition vers la neutralité carbone.

La transition énergétique est la première priorité de ce plan de 57 milliards d’euros annoncé le 26 septembre par le Premier ministre, M. Édouard Philippe, à la suite du rapport présenté par M. Jean Pisani-Ferry.

Sur cette enveloppe de 20 milliards d’euros, 9 milliards d’euros seront destinés à améliorer l’efficacité énergétique, celle des logements des ménages modestes et celle des bâtiments publics, avec l’objectif de mettre fin aux « passoires » énergétiques construites avant le milieu des années 1970.

Le projet de loi de finances pour 2018 comprend aussi plusieurs mesures fiscales significatives en matière d’énergie et de climat. Il s’agit :

– de la prorogation et du recentrage sur les équipements les plus efficaces du crédit d’impôt pour la transition énergétique (CITE), à l’article 8 ;

– de la révision, à l’article 9, de la trajectoire de la composante carbone des taxes intérieures à la consommation des produits énergétique : le tarif serait ainsi fixé à 44,60 euros par tonne de CO2 en 2018, 55 euros en 2019, 65,40 euros en 2020, 75,80 euros en 2021 et 86,20 euros en 2022 ;

– de la révision, à la hausse, du mécanisme de malus automobile, à l’article 24, pour favoriser l’achat de véhicules moins polluants.

Sur le plan budgétaire, l’effort en faveur de l’écologie du développement durable et du climat se mesure par l’évolution des crédits de la mission Écologie, développement et mobilité durables.

Avec 11,32 milliards d’euros en 2018, contre 10,356 en loi de finances initiale pour 2017, les crédits de la mission écologie, développement et mobilité durables affichent une progression de 9,3 %.

 

Crédits de la mission Écologie, développement et mobilité durables

(En milliards d’euros)

 

LFI 2017

PLF 2018

 

AE

CP

AE

CP

Total mission

10,298

10,356

11,357

11,320

Dont transports

3,124

3,146

3,227

3,160

Total hors transp.

7,174

7,210

8,130

8,160

AE : autorisations d’engagement

CP : crédits de paiement

Source : projet de loi de finances pour 2018.

Si l’on ne tient pas compte des crédits correspondant au  compte d’affectation spéciale (CAS) pensions, le montant prévu pour 2018 est comme l’a indiqué le dossier de presse présentant le projet de loi de finances de 10,4 milliards d’euros, en augmentation de 5 %.

21 % de ces crédits sont dédiés au développement durable. La trajectoire annoncée est positive pour le futur, avec 10,6 milliards hors CAS annoncés pour 2020.

 La crédibilité de l’engagement financier de la France pour le développement durable n’est pas donc en cause.

Il n’appartient pas au présent rapport, consacré à la diplomatie climatique, d’entrer dans le détail des huit programmes de la mission, lesquelles ne comportent pas de volet spécifiquement international.

Le caractère atypique et non  budgétaire du présent avis est confirmé par les modalités selon lesquelles est conduite de la diplomatie environnementale.

Il s’agit d’une compétence partagée par le ministère de l’Europe et des affaires étrangères et par le ministère de la transition écologique et solidaire.

Pour sa part, le ministre d’État chargé de la transition écologique et solidaire est chargé des négociations climatiques.

Comme l’a expliqué lors de son audition, Mme Brigitte Collet ambassadrice chargée des négociations sur le changement climatique, des énergies renouvelables et de la prévention des risques climatiques, l’équipe interministérielle sur le climat, construite dans la perspective de la  COP21, est toujours en place, même si maintenant elle n’est plus localisée sur un même site.

Constituée essentiellement de personnels des différentes directions du ministère de la transition écologique et solidaire, du ministère des affaires étrangères, et du ministère des finances, elle s’adjoint en tant que de besoin d’autres experts au sein des ministères ainsi que de l’Agence française de développement (AFD) et de l’ADEME. Cette équipe fonctionne ainsi en réseau de manière souple et flexible, avec un pilotage par Mme Collet.

 Pour ce qui concerne les financements climats en faveur des pays tiers principalement mise en œuvre par le canal bilatéral de l’Agence française pour le développement (AFD), 3,6 milliards d’euros ont engagés dans ce cadre en 2016.

Dans le cadre du PLF 2018, le Gouvernement indique proposer de rationaliser l’architecture budgétaire des taxes affectées en réallouant la part de taxe sur les transactions financières (TTF) affectée à l’AFD, soit 270 millions d’euros, au Fonds de solidarité pour le développement, dont l’objectif est principalement sanitaire. Le produit affecté de la taxe resterait néanmoins inchangé, soit 798 millions d’euros.

Il avait été indiqué à votre rapporteure que cela n’obérerait pas la capacité de l’AFD de procéder à des financements climat. La réponse donnée par le Trésor est rassurante : « l’AFD s’est engagée à ce que 50 % des engagement annuels du Groupe AFD soient à co-bénéfice climat ; étant donné la trajectoire de croissance de l’Agence, en 2018, les engagements climat de l’AFD devraient donc se situer entre le niveau constaté en 2016 (3,6 milliards d’euros) et la cible 2020 (5 milliards d’euros). »

Cependant, l’Assemblée nationale a été d’un autre avis. Lors de l’examen de la première partie de la loi de finances, plusieurs amendements identiques ont été adoptés par l’Assemblée nationale pour maintenir la situation actuelle.

Avec le plan climat et ses déclinaisons budgétaires et fiscales, ce sont autant d’éléments qui confortent la crédibilité de la France dans le combat contre le réchauffement climatique.


—  1  —

III.   Les quatre priorités à recommander au gouvernement en matière de diplomatie environnementale

A.   Première priorité : une mise en œuvre ambitieuse de l’accord de paris

1.   Atteindre dès que possible le pic des émissions de gaz à effet de serre au niveau mondial en faisant de l’année 2018 celle de l’engagement des pays à réviser leurs contributions climat

Rester en-deçà de 2°C de réchauffement par rapport à l’ère préindustrielle, voire des 1,5° comme le prévoit l’Accord de Paris, va exiger des efforts accrus.

D’abord, les contributions climat (INDC pour Intended Nationally Determined Contributions) des pays telles qu’elles ont été déposées dans les semaines qui ont précédé l’accord de Paris ne permettent pas d’atteindre cet objectif. On estime qu’elles permettraient en effet de limiter à 3° C environ, voire 3,5°C, cette élévation.

Ensuite, comme l’observe M. Patrick Artus dans la note Flash Économie n° 1153 du 4 octobre 2017 (Que se passe-t-il si la progression de la demande d’énergie du monde est incompatible avec l’objectif climatique ?), la poursuite des tendances actuelles, et spontanées, de la consommation d’énergie conduirait vraisemblablement à une augmentation de 3,7° C des températures terrestres.

Par conséquent, comme l’a indiqué M. Jean Jouzel, climatologue, dans un entretien au Journal du dimanche daté du 13 août dernier, et comme il l’a confirmé à votre rapporteure lors de son audition, le monde est en situation d’extrême urgence et « nous n’avons que trois ans pour agir ». Le monde s’oriente actuellement vers un volume d’émission de 55 milliards de tonnes d’équivalent CO2 en 2030, ce niveau étant de 30 % supérieur à ce qu’il faudrait. En l’état en effet, l’humanité ne peut que rejeter encore 800 milliards de tonnes de CO2 avant d’atteindre le seuil limite des 2°C. Il reste d’ailleurs que deux décennies au rythme actuel.

C’est dans ce délai particulièrement bref qu’il convient de stabiliser les émissions de gaz à effet de serre de manière structurelle au niveau mondial et d’entamer leur décroissance à un rythme suffisamment soutenu.

Ce franchissement autour de 2020, c’est-à-dire demain, du pic mondial des émissions  de gaz à effet de serre n’est pas hors de portée.

En premier lieu, comme on l’a déjà vu et comme l’illustre le graphique suivant, publié par l’Agence internationale de l’énergie en mars dernier, les émissions de gaz à effet de serre liés à l’énergie au sens large (production d’électricité et transport, pour l’essentiel) connaissent un palier depuis trois ans.

Source : Agence internationale de l’énergie – mars 2017

Dans son communiqué accompagnant le graphique, l’Agence relève que cette stagnation à 32,1 milliards de tonnes de CO2 s’explique essentiellement par deux facteurs :

– la réduction de 3 % des émissions américaines, soit 160 millions de tonnes en raison de la compétitivité du gaz de schiste par rapport au charbon, ce qui réduit mécaniquement de 50 % les émissions concernées, et de la compétitivité des renouvelables. En 2016 pour la première fois, le charbon a été dépassé par le gaz naturel dans la production d’électricité ;

– une réduction de 1 % des émissions en Chine pour 2016, en raison d’une inflexion dans la composition du bouquet ou « mix » énergétique. Deux éléments ont joué : un recours accru au nucléaire, aux énergies renouvelables et au gaz naturel dans la production d’électricité, au détriment du charbon ; la substitution du gaz naturel au charbon pour le chauffage des bâtiments, en application des normes anti-pollution.

En deuxième lieu, les émissions de gaz à effet de serre sont encore suffisamment concentrées sur deux pays, la Chine surtout, mais aussi les États-Unis, et sur une source d’énergie, le charbon, pour que des résultats tangibles puissent intervenir. Or, la Chine agit vite et alors que le pic de ses émissions était prévu vers 2030, il devrait intervenir avant, notamment parce que le charbon est remplacé par les renouvelables. S’agissant de l’Inde, où 300 millions de personnes n’ont pas pour l’instant accès à l’électricité, l’engagement du Gouvernement en faveur du climat reste très ferme et sera confirmé au début du mois de décembre lors du sommet de l’Alliance solaire internationale.

Comme le montre en effet le tableau suivant, la Chine avec plus de 24 % et les États-Unis avec presque 14 %, concentrent plus du tiers des émissions mondiales de CO2, devant l’Union européenne (9,8 %) et l’Inde (6,7 %).

Part des vingt plus gros émetteurs dans les émissions totales de CO2

 

Émissions (en MtCO2e)

Part des émissions mondiales (en %)

Monde

44 815

 

Chine

10 975

24,5 %

États-Unis

6 235

13,9 %

Union Européenne

4 399

9,8 %

Inde

3 013

6,7 %

Russie

2 322

5,2 %

Japon

1 344

3,0 %

Brésil

1 012

2,3 %

Allemagne

887

2,0 %

Indonésie

760

1,7 %

Mexique

723

1,6 %

Iran

714

1,6 %

Canada

714

1,6 %

Corée du Sud

693

1,5 %

Australie

648

1,4 %

Royaume Uni

553

1,2 %

Arabie Saoudite

527

1,2 %

Italie

465

1,0 %

Afrique du Sud

462

1,0 %

France

457

1,0 %

Turquie

419

0,9 %

Source : ministère de la transition écologique et solidaire

Pour ce qui est des sources d’émissions du CO2, il faut observer que le charbon représente 27 % du bouquet énergétique mondial, 39 % de de la production d’électricité et environ 44 % des émissions.

En troisième lieu, l’Accord de Paris prévoit les mécanismes pour relever à la hausse l’ambition des pays en matière climatique.

Initialement, cet accord devait entrer en vigueur en 2020 et le premier exercice de révision vers davantage d’exigence des contributions nationales devait intervenir en 2023, deux ans avant la remise des contributions relatives au cycle 2025-2030.

La ratification particulièrement rapide de l’accord a fait qu’il est entré en vigueur en novembre 2016, moins d’un an après la COP21.

Par conséquent, il est envisageable et nécessaire de faire des deux éléments prévus pour 2018, que sont d’une part, le dialogue facilitateur, et d’autre part, le rapport spécial du GIEC sur les conséquences d’un réchauffement planétaire supérieur à 1,5°C par rapport aux niveaux préindustriels,  le premier élément de relèvement de l’ambition mondiale pour la maîtrise des dérèglements climatiques à l’échéance 2020. D’autant qu’il a été décidé lors de la COP22, comme l’a relevé M. Jean Jouzel, de déposer avec deux ans d’avance les contributions climat (NDC) prévues pour 2020.

Comme l’a indiqué lors de son audition à Bruxelles S. E. M. Deo Saran, ambassadeur de la République des Fidji, dont le pays exercera la présidence de la COP23, un grand nombre de pays partagent ce point de vue, et tel est celui de la France et de plusieurs de ses partenaires européens.

Il est ainsi prévu de faire de l’année 2018 celle du dialogue talanoa pour parvenir à ce résultat.

2.   Crédibiliser, notamment en faveur de l’atténuation, l’objectif des 100 milliards de dollars annuels de transferts Nord-Sud à l’horizon 2020

C’est lors de la COP15 à Copenhague en 2009, que les pays développés se sont engagés à transférer au moins 100 milliards par an d’ici 2020, en faveur des pays du Sud pour leur permettre de faire face aux dérèglements climatiques.

L’approche est large puisqu’il s’agit de fonds publics comme privés, de financements classiques, comme de financements alternatifs ou innovants, et de fonds destinés tant à l’atténuation, c’est-à-dire à la transition énergétique, qu’à l’adaptation, c’est-à-dire aux aménagements rendus nécessaires par les nouvelles conditions environnementales (nouvelles techniques agricoles, digues de protection, nouvelles normes en matière de bâti etc.).

Cet engagement a ensuite été constamment réitéré, notamment dans l’Accord de Paris.

De manière à vaincre le scepticisme de certains pays bénéficiaires, notamment sur la capacité à mobiliser des fonds privés, un premier rapport a été commandé à l’OCDE par le Pérou, présidant la COP20, et la France.

Celui-ci a été publié le 9 octobre 2015 et fait état d’un transfert de 62 milliards de dollars de transferts en 2014. Ce chiffre a été contesté, notamment par l’Inde.

Son ordre de grandeur a cependant été corroboré par l’évaluation du comité permanent pour les finances de la CNUCC, le 14 octobre suivant, qui s’est établie à environ 56 milliards de dollars.

Les plus gros contributeurs sont l’Union européenne et ses États membres, avec  plus de 17,5 milliards de dollars en 2015. À titre de comparaison, en 2014, ce sont 2,7 milliards de dollars qui ont été versés par les États-Unis.

Cet engagement financier est, avec les transferts de technologies, au cœur de la relation de confiance entre les pays du Nord et les pays du Sud qui a permis l’Accord de Paris.

C’est dans cette perspective qu’il faut comprendre l’engagement du Président de la République, M. Emmanuel Macron, de faire financer 5 milliards d’euros par la France à compter de 2020.

Ce message est nécessaire car il faut en outre compenser le manque à gagner provenant de l’interruption des financements de l’État fédéral américain.

A ce message d’ordre quantitatif, la France s’attache aussi, comme cela a été expliqué à votre rapporteure, à un message de nature qualitative pour un rééquilibrage, en vue de la parité, de l’enveloppe entre les actions en faveur de l’atténuation et celles en faveur de l’adaptation, encore trop faibles, alors que ce sont celles qui répondent aux besoins directement ressentis par les populations face à l’augmentation des catastrophes naturelles ou des aléas agricoles.

Cette somme de 100 milliards est indispensable, mais faible au regard des enjeux estimés à bien plus par an, pour faire les investissements nécessaires à la seule Europe.

3.   Être rigoureux sur les mesures d’application de l’Accord de Paris, en particulier sur les mesures de transparence et sur les modalités de contrôle des émissions

La COP 23 qui se déroulera à Bonn, du 6 au 17 novembre prochains, et sera présidée par le Premier ministre fidjien, M. Frank Bainimarama, a trois objectifs a son agenda :

– poursuivre la préparation des règles d’application de l’Accord de Paris ;

– définir le cadre du dialogue de facilitation, qui vient d’être évoqué ;

 – soutenir l’action climatique, notamment l’Agenda de l’action également appelé l’Agenda des solutions.

Il convient d’être à la hauteur de l’enjeu sur les règles d’application de l’Accord de Paris, notamment celles relatives à la teneur des contributions nationales et à la transparence. Celles-ci doivent être adoptées au plus tard en 2018.

De manière précise, il s’agit d’adopter d’ici cette échéance les lignes directrices relatives à l’élaboration des futures contributions nationales, notamment de celles qui devront être déposées d’ici 2020, de manière à les rendre plus claires, plus compréhensibles et plus transparentes.

Il s’agit aussi d’adopter le cadre de transparence dit renforcé, sur la teneur des rapports bisannuels et des communications nationales que les pays devront régulièrement transmettre.

C’est en fait le relèvement des obligations de transparence qui sont prévues par la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques, et dont la pratique actuelle est très variable.

Cet effort qualitatif d’amélioration des données collectées et transmises par les États est particulièrement exigeant à trois points de vue :

– d’abord, sur le plan statistique, car les rapports ne seront utiles que si les mesures statistiques sont suffisamment précises et fiables ;

– ensuite, sur le plan politique, car si l’on peut continuer à admettre une différenciation des obligations selon les pays, notamment selon leurs possibilités, un certain rapprochement doit s’opérer ;

– enfin, sur le plan technique, car est en jeu est la capacité de la communauté internationale à mettre en place un système de pilotage de ses émissions de gaz à effet de serre pour aller progressivement vers une économie décarbonée.

Il n’est pas fondé de penser que ces exigences sont inutiles dès lors que l’Accord de Paris ne prévoit pas de sanction.

En effet, comme tous les accords de ce type, celui-ci repose sur l’engagement volontaire et un mécanisme de revue par les pairs qui permet petit à petit de faire respecter ses engagements et la norme commune par un pays.

Ce mécanisme du risque de réputation est efficace : aucun pays ne souhaite figurer d’une manière ou d’une autre sur une liste noire ou s’y apparentant.

Il le sera, en outre, d’autant plus, que le développement des satellites permet de mesurer de manière beaucoup plus précise les émissions et les concentrations de gaz à effet de serre qu’il ne le permettait auparavant.

En effet, lancé par la Nasa en juillet 2014, le satellite d’observation OCO‑2, permet des observations très précises des concentrations de CO2, avec une marge d’erreur de 0,1 %, dans l’atmosphère et des données du cycle du carbone. Celles-ci viennent de faire l’objet de plusieurs articles dans la revue Science, datée du 13 octobre dernier. Survolant l’ensemble de la terre en 16 jours, le satellite fournit 2 millions de données par mois.   

4.   Réaffirmer la complémentarité entre la lutte contre les changements climatiques, et la protection de la biodiversité et la lutte contre la désertification

Il convient de ne pas méconnaître et par conséquent de jouer sur la synergie et la complémentarité de l’Accord de Paris et deux autres instruments majeurs de la diplomatie environnementale : la convention sur diversité biologique ; la convention sur la lutte contre la désertification.

En effet, et c’est essentiel, la préservation de la biodiversité est un élément de la résilience face aux conséquences désastreuses de la lutte contre les dérèglements climatiques.

De même, la lutte contre la désertification est l’un des instruments pour combattre les effets de l’élévation des températures et la tendance à l’extension des zones arides et désertiques.

B.   deuxième priorité : une application exigeante de la stratégie énergie-climat 2030 de l’union européenne et la convergence vers les objectifs climatiques des grandes politiques européennes

1.   L’acquis de la stratégie énergie-climat de 2008

La stratégie énergie-climat de 2008 de l’Union européenne a été fondée sur les trois fois 20 : 20 % d’émission en moins de gaz à effet de serre par rapport à 1990 ; 20 % d’énergies renouvelables dans le mix énergétique européen ; 20 % d’efficacité énergétique en plus.

Cette stratégie a réussi sur l’ensemble des points.

En effet, comme montre le graphique suivant, les objectifs fixés à horizon 2020 sont en voie d’être atteints au niveau européen.

Source : Agence européenne de l’environnement (Trends and projections in Europe 2016)

Plus précisément, les émissions de gaz à effet de serre ont été réduites de 23 % en 2014 par rapport à leur niveau de 1990 et de 22 % en 2015. Les émissions ont légèrement augmenté en 2015, car le résultat de 2014 était en partie dû à un hiver exceptionnellement doux, mais restent inférieures à l’objectif 2020 de -20 %. Selon les estimations disponibles prenant en compte l'ensemble des politiques et mesures décidées et mises en œuvre avant le 1er janvier 2014, l’Union européenne atteindra une réduction d’émissions de 24 % en 2020 par rapport à 1990. Si les mesures planifiées depuis le 1er janvier 2014 sont prises en compte, la réduction pourrait même atteindre 25 %.

En 2014, la consommation d’énergie renouvelable avait atteint 16 % de la consommation finale brute d’énergie. Le déploiement des énergies renouvelables a continué en 2015, atteignant 16,4 % selon les premières approximations. L’objectif de 20 % en 2020 pourra être atteint si la vitesse de déploiement actuelle des équipements est maintenue.

Enfin, s’agissant de l’efficacité énergétique, point sur lequel la situation est comparativement la moins bonne, l’Union européenne réduit sa consommation d’énergie. Depuis 2005, la consommation d’énergie primaire et finale de l’Union européenne a diminué à un rythme qui, s’il était maintenu, permettrait d’atteindre les objectifs fixés. La consommation d’énergie finale en 2014 était déjà inférieure à la cible fixée pour 2020. La consommation d’énergie primaire a diminué en 2014 et était 12 % sous les niveaux de 2005 (en partie grâce aux températures douces en 2014). Les premières estimations donnent un chiffre de 11 % pour 2015.

2.   Être exigeant sur les directives d’application du nouveau cadre énergie-climat 2030

Le cadre énergie-climat 2030 de l’Union européenne a été adopté en octobre 2014.

Il s’inscrit dans la perspective d’une économie à faible intensité en carbone en 2050, articulée au niveau de l’Union.

 Les trois grands objectifs de cette nouvelle stratégie énergie-climat, qui s’appliquera à partir de 2020, sont les suivants :

– la poursuite de la réduction des émissions de gaz à effet de serre, avec un objectif d’au moins -40 % en 2030  (par rapport aux niveaux de 1990) ;

– le renforcement de la part des énergies renouvelables à au moins 27 % dans le bouquet énergétique européen ;

– l’amélioration de l’efficacité énergétique d’au moins 27 %.

Pour leur application, la Commission européenne a prévu un programme ambitieux afin de mener les travaux en lien avec :

– la révision de la directive sur le système européen d’échange de quota d’émission (SEQE) ou EU-ETS, le marché carbone européen, publiée le 15 juillet 2015 ;

– le paquet sur la décarbonation de l’économie, présenté, le 20 juillet 2016 comprenant une communication pour « accélérer la transition de l'Europe vers une économie à faible intensité de carbone », une proposition de règlement sur la répartition de l’effort pour les secteurs non soumis au marché européen du carbone (ESR), une proposition de règlement concernant l’inclusion du secteur des terres (LULUCF), et une communication pour « une stratégie européenne pour une mobilité à faible taux d'émission » ;

– le paquet intitulé « une énergie propre pour tous les européens », publié par la Commission européenne le 30 novembre 2016.

Ce paquet, dont l’objectif est plus large que le seul climat – il vise à mettre en œuvre l’Union de l’énergie et la sécurité des approvisionnements énergétiques à la suite du retour de la puissance russe à l’est – comprend huit textes législatifs, dont certains concernent directement la stratégie 2030 :

– la révision des directives relatives à l’efficacité énergétique : directive efficacité énergétique et directive performance énergétique des bâtiments ;

– la révision de la directive énergies renouvelables ;

– le règlement relatif à la gouvernance de l’Union de l’énergie qui instaure l’obligation de plans nationaux énergie-climat pour la période 2020-2030.

L’objectif est de parvenir à un accord d’ici la fin de l’année 2018.

Il va de soi que les modalités de mise en œuvre de la stratégie énergie-climat 2030 doivent être à la hauteur des exigences de la situation.

Sur le plan politique, il convient que l’Union européenne continue d’envoyer un signal sur son ambition lors de la COP23, comme à l’occasion des autres grandes réunions de l’agenda international.

Deux projets de règlement essentiels viennent de faire l’objet d’un compromis lors du Conseil environnement du 13 octobre dernier :

– d’abord, celui sur le partage de l’effort de réduction des émissions de gaz à effet de serre pour les secteurs qui ne sont pas couverts par le système d’échange de quotas (SEQE). Cela concerne notamment le transport et l’agriculture ;

– ensuite, le projet sur  la prise en compte de l’affectation des terres.

Ils doivent faire l’objet d’une forte vigilance de manière que leurs dispositions permettent sans excès de rigidité, d’atteindre les résultats exigés. En l’état, plusieurs observateurs estiment à juste titre que la procédure devant le Parlement européen et la procédure de trilogue ensuite pourrait parvenir à un meilleur point d’équilibre que celui défini au dernier conseil Environnement, plus conforme aux trajectoires de long terme que doit anticiper l’Union européenne en matière d’énergie et de climat.

Pour ce qui concerne l’efficacité énergétique, le conseil énergie du 26 juin 2017 a adopté une orientation générale sur la directive « Performance énergétique des bâtiments », ainsi que sur la même directive  «  efficacité énergétique », selon les éléments suivants :

– un objectif de 30 %  non précisé, c’est-à-dire ni indicatif mais aussi ni contraignant ;

– une obligation d’économies d’énergies annuelle maintenue à 1,5 % jusqu’en 2025, puis abaissée à 1 %

– des flexibilités supplémentaires, mais encadrées : comptabilisation des énergies renouvelables produites dans ou sur les bâtiments, au titre de l’efficacité énergétique ; mécanisme pour les « petits États insulaires » ; possibilité de reporter sur 2020-2030 tout effort excédentaire fait sur la période 2014-2020.

Ce compromis est certes appréciable, mais il faut considérer comme l’ont proposé plusieurs des États membres qui l’ont accepté, dont la France, qu’il convient d’aller vers davantage d’ambition.

Idéalement, l’Union européenne devrait tirer parti du dialogue facilitateur prévu en 2018 dans la perspective de la COP24, pour affirmer son ambition d’aller au-delà de son objectif de -40 % en matière de réduction des gaz à effet de serre.

3.   Aller vers un prix du carbone d’autant plus crédible et efficace qu’il est garanti par une taxe carbone aux frontières

a.   Le prix du carbone : une idée de plus en plus partagée

Plus de la moitié des contributions climat déposées dans le cadre de l’Accord de Paris ont mentionné des politiques de tarification carbone.

C’est en effet la clef de la transition énergétique avec trois seuils essentiels :

– un prix de l’ordre de 25 à 30 euros la tonne pour donner au gaz naturel un avantage sur le charbon dans la production d’électricité ;

– un prix de l’ordre de 50 à 60 euros pour assurer la compétitivité des sources renouvelables. Ce seuil est en pleine évolution avec la baisse continue des prix des énergies renouvelables dans les appels d’offres lancés par les États, comme on l’a vu ;

– un prix de 70 ou 80 euros pour permettre l’utilisation de technologie comme le captage et stockage du CO2 (CSC), si l’on souhaite conserver les énergies fossiles pour la production d’électricité dans de grandes installations.

L’Accord de Paris ne mentionne pas explicitement le prix du carbone, ce qui a été regretté par un grand nombre de pays et d’ONG, mais il reconnaît cependant leur rôle.

D’une part, son article 6 prévoit la création d’un nouveau mécanisme de marché qui permettrait des échanges entre pays du résultat de leurs efforts de réduction d’émissions.

D’autre part, le paragraphe 136 de la décision l’accompagnant reconnaît les vertus incitatives de la tarification du carbone.

b.   L’extension progressive des mécanismes de prix carbone dans le monde

Sur proposition de la France, les chefs d’Etats participant à la coalition pour le prix du carbone (Carbon Pricing Leadership Coalition) ont adopté en avril 2016 un objectif d’augmenter la couverture des émissions mondiales à 25 % en 2020 puis 50 % en 2030, contre 15 % actuellement (8 milliards de tonnes équivalent CO2).

Environ 5 % des émissions mondiales sont couvertes par une taxe carbone. Les premières taxes carbone ont été mises en place dans les années 1990 dans les pays nordiques (Suède, Finlande, Danemark et Norvège). Une vingtaine de pays en ont institué une, pour des montants, allant jusqu’à 126 dollars en Suède.

Les marchés de quota carbone couvrent pour leur part environ 10 % des émissions et sont en plein développement.

Au Canada, les Provinces mettent peu à peu en place des marchés carbone et, au niveau fédéral, l’obligation pour chacune d’entre elles de couvrir au moins la combustion d’énergie fossile a été mise en place.

Aux États-Unis, les marchés se développent au niveau des États fédérés. Le marché Regional Greenhouse Gas Initiative (RGGI) instauré en 2009, est en place dans neuf États (Connecticut, Delaware, Maine, Maryland, Massachusetts, New Hampshire, New York, Rhode Island, et Vermont), et couvre les émissions des centrales électriques de la région avec l’objectif d’aboutir à une baisse de 45 % des émissions entre 2005 et 2020. Le California Cap-and-Trade Program a été initié en 2012 et couvre 85 % des émissions de gaz à effet de serre avec l’objectif de revenir en 2020 aux niveaux d’émissions de 1990. L’État de Washington a lancé un marché carbone en 2017, qui couvre les deux tiers des émissions de l’État et concerne les émissions d’installations fixes. Enfin, l’État du Massachusetts vient d’annoncer le lancement d’un nouveau marché carbone régional en 2018, en complément de RGGI, qui s’appliquera aux plus grandes centrales génératrices d’électricité.  

Des marchés carbone sont aussi en place ou en voie de l’être en Chine, non plus seulement au niveau des régions, mais au niveau national avec l’annonce d’un marché pour 2017, mais aussi en Corée du Sud, en Thaïlande, au Viet Nam, au Mexique, en Colombie, au Chili, au Kazakhstan, en Australie et en Nouvelle-Zélande.

c.   Deux mesures nécessaires au niveau européen : la réforme du SEQE et la mise en place d’une taxe carbone

Les émissions de CO2 des plus grandes installations industrielles sont soumises à un prix du carbone dans le cadre du système européenne d’échange de quotas d’émission (SEQE ou ETS – Emission Trading Scheme). Il concerne environ 11 000 installations européennes, responsables d’environ 50 % des émissions de CO2 et d’environ 40 % des émissions de gaz à effet de serre.

L’insuffisance du prix du carbone et la nécessité de parvenir à une réduction de 43 % des émissions de ces installations industrielles par rapport à 2005, pour atteindre l’objectif de la réduction de 40 % des émissions totales de l’Union à l’échéance de 2030, a conduit à envisager une réforme. La proposition en ce sens de la Commission européenne est intervenue en juillet 2015.

Celle-ci est urgente avec un prix du quota carbone de 7,45 euros la tonne de CO2 au moment de la rédaction du présent rapport, niveau trop faible pour avoir un impact réel.

Au Conseil environnement de février 2017, la France a obtenu, avec les autres États membres ambitieux deux mesures phares pour le prix du carbone : le renforcement d’un mécanisme de soutien du prix du marché prévu dès 2019, appelé la réserve de stabilité ; l’annulation des quotas d’émissions dès lors que leur nombre devient trop important.

L’absence d’avancée sur la directive, notamment en raison des réserves de la Pologne, est préjudiciable. Il est en effet impératif que ces mesures de stabilisation du marché puissent être actées à brève échéance, de manière à donner aux investisseurs une visibilité de long terme sur le relèvement du prix carbone au-delà de 20 euros au cours de la prochaine décennie.

De manière complémentaire, pour les secteurs non couverts par le SEQE, qui représentent environ 60 % des émissions de gaz à effet de serre dans l’Union européenne, la révision de la directive sur le partage de l’effort serait utilement complétée par la mise en place d’une taxe carbone dans le cadre de la révision de la taxation des produits énergétiques, comme l’a proposé la Commission européenne en 2011.

Cette proposition visait à asseoir la taxation des produits énergétique, actuellement empirique, sur une base rationnelle avec deux composantes : le contenu énergétique ; les émissions de CO2. Cette tentative de taxe carbone n’a pas connu de suite en raison de la nécessité d’obtenir l’unanimité au niveau européen sur le plan fiscal. Elle mériterait d’être relancée.

d.   Un complément indispensable : un prélèvement carbone, mécanisme  compensateur aux frontières de l’Union

La mise en place d’un prix du carbone crédible au niveau de l’Union européenne exige de prévoir un mécanisme de compensation aux frontières de l’Union.

Évoquée par le Président de la République dans le cadre de son discours de la Sorbonne en septembre dernier, cette proposition qui est incontestable sur le plan de l’économie et de la logique, ne suscite par le consensus d’une manière assez inexplicable.

En effet, dès lors que les entreprises dans l’Union européenne sont soumises à un prix du carbone, elles doivent soit l’acquitter, soit consentir à des investissements, destinés à réduire les émissions carbone, et qui s’ajoutent aux autres composantes de leurs coûts de production.

Leur compétitivité est donc entamée vis-à-vis des leurs concurrentes de pays tiers, qui ne sont pas soumises à un prix du carbone, ou bien qui sont soumises à un moindre prix.

En l’absence d’un prix mondial du carbone, ce qui exigerait soit une généralisation et une interconnexion des marchés carbone, soit une taxation universelles, une taxe carbone aux frontières doit être prévue.

Si tel n’est pas le cas, alors la production mondiale ne peut que se relocaliser dans les pays sans prix du carbone et il est illusoire de prétendre poursuivre les objectifs de l’Accord de Paris avec de telles fuites de carbone.

C’est dans cet esprit, et non par protectionnisme, que la France propose également d’accompagner toute mesure renforcement du prix du carbone de mesures efficaces de protection de l’industrie contre un risque de fuite de carbone vers les pays tiers.

Il ne faut pas cependant négliger le fait que la question est complexe, car le principe de responsabilité commune mais différenciée peut conduire à appliquer un taux différent selon le pays de provenance, et, en outre, les matières brutes sont plus aisées à taxer que les produits complexes dont la chaîne de valeur est répartie entre plusieurs pays.

4.   La nécessaire cohésion environnementale et climatique des grandes politiques européennes : faire évoluer la PAC, mais surtout la politique de cohésion en matière d’infrastructures

La décennie 2020-2030 va être cruciale pour la préservation du climat. C’est en effet au cours de ces années que l’économie mondiale va devoir se réorienter de manière aussi définitive qu’irréversible vers l’économie sobre en carbone indispensable au maintien de la viabilité de la planète à long terme.

Deux politiques européennes vont donc devoir connaître une nouvelle inflexion, un nouveau verdissement, pour répondre à ces exigences : la politique agricole commune et la politique de cohésion.

Elles vont devoir le faire pour la prochaine période de programmation budgétaire de l’Union européenne, au-delà du cadre financier pluriannuel 2014-2020.

a.   Une PAC qui doit évoluer progressivement

La politique agricole commune a déjà une dimension « verte ».

D’abord, au titre du premier pilier, un complément au droit à paiement de base (DPB), également découplé de la production, est accordé à l’exploitant suivant trois critères :

– la contribution au maintien, au niveau régional, d’un ratio de prairies permanentes par rapport à la surface agricole utile de la région, ce qui implique de ne pas retourner certaines prairies permanentes, dites « sensibles » ;

– une diversité des assolements ;

– des surfaces dites d’intérêt écologique (SIE) sur l’exploitation (arbres, haies, bandes tampon, certains types de culture...) correspondant à au moins 5 % de la surface en terres arables.

Le montant moyen de ce paiement vert est de 86 euros l’hectare au niveau national. L’aide verte correspond à 30 % environ des aides du premier pilier.

Ensuite, il faut mentionner les mesures dans le cadre du deuxième pilier, parmi lesquelles les mesures agro-environnementales et climatiques (MAEC), destinées à accompagner les exploitations agricoles qui s’engagent dans des pratiques combinant performance économique et performance environnementale ou dans le maintien de telles pratiques lorsqu’elles sont menacées de disparition. Il faut notamment citer à ce titre les aides à la conversion et au maintien de l’agriculture biologique, les MAEC systèmes herbagers et pastoraux, ainsi que l’indemnité compensatoire de handicaps naturels (ICHN) dans lequel a été intégrée il y a deux ans l’ancienne « prime à l’herbe » ou  prime herbagère agro-environnementale (PHAE).

Ces mesures sont essentielles, mais elles n’assurent pas en elles-mêmes la transition spontanée de l’agriculture vers un modèle le plus sobre possible en carbone.

C’est pourquoi, sans créer de heurts, et selon le principe de progressivité, la future PAC devra faciliter la transition des exploitations agricoles vers le modèle le plus durable à long terme.

Comme l’a rappelé le Président de la République, lors des états généraux de l’alimentation, le futur modèle agricole doit rémunérer l’agriculture non seulement pour sa production, mais aussi pour les services environnementaux qu’elle assure.

b.   Le financement des seules infrastructures vertes par la politique de cohésion après 2020

La politique de cohésion économique, sociale et territoriale doit elle-aussi évoluer. Cela concerne ses trois fonds : le fonds de cohésion, pour les États membres dont le revenu national brut (RNB) est le moins élevé ; le Fonds européen de développement régional (FEDER) et le Fonds social européen (FSE).

Chacun de ses trois instruments a déjà une dimension environnementale et « verte » significative.

Cependant, toutes leurs interventions ne s’inscrivent pas à ce stade dans la logique de l’Accord de Paris, notamment lorsqu’il s’agit d’infrastructures ou d’équipements qui reposent sur l’utilisation des énergies fossiles.

Pour une entrée encore plus efficace de l’Union européenne dans la transition énergétique, il apparaît nécessaire de ne plus financer après 2020, au titre de la cohésion, comme infrastructures nouvelles, que des infrastructures n’utilisant que des énergies renouvelables ou favorisant la réduction des émissions de gaz à effet de serre.

Ce verdissement des financements européens a commencé à être engagé par la BERD.

C.   Troisième priorité : La mise en cohérence des engagements économiques et commerciaux de la France et de l’Union européenne avec les impératifs climatiques

1.   Une compatibilité qui ne va pas de soi : le cas de l’Accord économique et commercial global (AECG ou CETA) avec le Canada, et la nécessité d’un plan d’action

a.   Le constat de la commission indépendante présidée par Mme Katheline Schubert

L’accord économique et commercial global (AECG ou CETA selon l’acronyme anglais, pour « Comprehensive Economic and Trade Agreement »), a fait l’objet de cinq années de négociation, qui se sont officiellement conclues le 26 septembre 2014, lors d’un sommet entre le Canada et l’Union européenne, à Ottawa.

C’était plus d’un an avant l’Accord de Paris du 12 décembre 2015. Son dispositif ne le mentionne donc pas.

L’accord a été officiellement signé le 30 octobre 2016. Une fois ratifié par l’Union européenne – le Parlement européen s’est prononcé en ce sens le 15 février 2017 –, il est entré en application de manière provisoire le 21 septembre dernier.

La question de sa compatibilité avec les engagements internationaux de l’Union européenne, et de la France, sur le plan environnemental et climatique, a été posée, à partir de 2016. Il en a été de même en matière sanitaire.

Elle a été jugée par le Gouvernement suffisamment fondée pour qu’il prenne l’initiative de confier à une commission indépendante présidée par Mme Katheline Schubert, professeure à l’École d’économie de Paris et à l’Université de Paris I. Mme Schubert a accordé une audition à votre rapporteure, en plus de l’audition conjointe de la commission des affaires étrangères et de la commission des affaires économiques, le 3 octobre dernier.

Publié le 7 septembre 2017, ce rapport est venu utilement compléter celui sur les relations entre le CETA et le climat, commandé par Mme Ségolène Royal, présidente de la COP 21 et ministre chargé des négociations sur le climat, publié en janvier 2017, et établi par MM. Dominique Bureau et Xavier Jardi.

Pour s’en tenir à l’essentiel, il faut observer que contrairement à la clause dite d’arbitrage, dite mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et États ou ISDS, qui a été remplacée par la Cour sur l’investissement (ICS) entre 2014 et 2016, de manière à offrir davantage de garanties pour le respect de la souveraineté des États, la protection du climat n’a pas fait l’objet d’un aménagement au projet d’accord dans cette longue période de deux ans qui a très précisément couru entre septembre 2014 et septembre 2016.

Le seul élément nouveau intervenu depuis est le point b) l’article 9 de l’instrument d’interprétation commun qui « reconnaît expressément au Canada ainsi quà lUnion européenne et à ses États membres le droit de définir leurs propres priorités environnementales, détablir leurs propres niveaux de protection de l’environnement et dadopter ou de modifier en conséquence leur législation et leurs politiques en la matière, tout en tenant compte de leurs obligations internationales, y compris celles prévues par des accords multilatéraux sur l'environnement ».

À défaut d’être suffisamment précis, de même que le texte de l’accord, il a été observé que la question climatique faisait l’objet d’une impasse de la part du CETA sur trois points :

– le niveau global des émissions de gaz à effet de serre, puisque le renforcement des relations commerciales entre les deux rives de l’Atlantique nord devrait se traduire par des émissions accrues de gaz à effet de serre, sans que celles-ci soient couvertes par l’Accord de Paris, qui ne concerne en effet, ce qui est un problème, ni le transport aérien, ni le transport maritime. Peut-être les émissions globales résultant des importations de l’Union européennes se seraient-elles pas mécaniquement impactées, si les produits canadiens se substituaient à d’autres produits venant de plus loin, mais aucune d’étude d’impact n’est venue étayer ou infirmer cette hypothèse ;

– l’importation des hydrocarbures provenant des sables bitumineux de l’Ouest canadien, dont l’exploitation est particulièrement émettrice de CO2 et polluante. En l’absence de droits de douanes actuellement sur ces produits, le CETA est d’une certaine manière neutre, mais il a été estimé que la question aurait pu être réglée dans un sens protecteur du climat ;

–  la protection des États européens face à une éventuelle demande d’indemnisation de la part d’un investisseur canadien dont l’activité dans le secteur de l’énergie pâtirait des objectifs climatiques.

La commission a recommandé sur ces trois points trois solutions : des dispositions complétant le CETA afin de le verdir (neutralité en matière de gaz à effet de serre, marché carbone et action sur le transport maritime) ; une incitation à la limitation des hydrocarbures issus des sables bitumineux ; un mécanisme de véto de manière que le mécanisme de protection des investissements en matière énergétique ne puisse être mis en œuvre sans le consentement des États ou de la Commission européenne.

La commission indépendante a également recommandé des mesures en matière sanitaire et agricole.

b.   La réponse appropriée du Gouvernement : le plan d’action, selon les préconisations des parlementaires

En réponse aux propositions de la commission indépendante présidée par Mme Schubert, le Gouvernement a annoncé un plan d’action, dont l’objectif a été confirmé par le président de la République. Tel a notamment été le cas le 11 octobre lors d’un déplacement à Rungis.

La démarche a été d’autant plus pertinente que les parlementaires, dont votre rapporteure, en ont été à l’origine et y ont été associés, faisant des propositions.

Le plan d’action a été présenté le 25 octobre. Il est structuré selon trois axes : les mesures concrètes pour assurer une mise en œuvre « exemplaire » de l’accord AECG/CETA ; des actions complémentaires pour faire avancer la coopération bilatérale et multilatérale sur les enjeux climatiques ; des propositions pour améliorer les accords commerciaux en matière sanitaire et de développement durable.

Chacun de ces trois axes contient des éléments environnementaux et climatiques, qui constitue un ensemble riche, dynamique et cohérent.

Le premier axe, sur les mesures concrètes d’une mise en œuvre exemplaire de l’accord, comprend deux éléments clefs : s’assurer que le mécanisme de fonctionnement de la cour d’investissement préserve le droit de l’Union européenne et des États à réguler, en particulier en matière climatique, grâce à un mécanisme d’interprétations conjointes contraignantes ; veiller à l’inscription de l’Accord de Paris à l’agenda du comité du commerce et du développement bilatéral.

Le deuxième axe porte sur les actions complémentaires pour faire avancer la coopération bilatérale et la coopération. Il recèle cinq mesures essentielles :

 – la réduction des émissions du transport maritime et du transport aérien internationaux, ce qui est particulièrement important pour le transport maritime comme on le verra au point 3 ci-après ;

– la tarification des émissions carbone, sujet majeur comme on vient de le voir ;

– une révision de la directive sur la qualité des carburants, pour réduire leur empreinte carbone à l’horizon 2030 ;

– une initiative européenne sur les énergies fossiles, à l’Organisation mondiale du commerce (OMC) et dans les accords bilatéraux : l’objectif est d’instaurer une discipline sur les subventions ayant un impact sur l’environnement, et en  particulier les subventions sur les énergies fossiles ;

– la promotion de « l’écologisation » des accords commerciaux au G20, à l’OMC et à l’OCDE.

Le troisième axe, qui vise à améliorer la prise en compte des enjeux sanitaires et de développement dans les accords commerciaux, a une ambition plus générale.

Il s’agit, d’abord, de faire des études d’impact plus détaillée de l’effet des accords sur le développement durable et d’améliorer la transparence vis-à-vis de la société civile.

Mais il s’agit aussi et surtout  d’enrichir concrètement les chapitres relatifs au développement durable par des références opératoires au principe de précaution, par la reconnaissance de la faculté des États à réguler pour des objectifs légitimes de politique publique, par la mention dans le texte des traités de l’Accord de Paris, et par des mesures spécifiques entravant le recours aux énergies fossiles.

L’objectif est enfin d’assurer une mise en œuvre effective des chapitres relatifs au développement durable, et prendre en compte les enjeux dans les accords de libre-échange, ainsi que d’accompagner les pays partenaires par des mesures de soutien au développement durable.  

2.   « Verdir » les futurs accords commerciaux

Le cas du CETA ne saurait se reproduire sans risquer d’entamer de manière aussi pernicieuse que paradoxale la crédibilité de l’engagement de l’Union européenne et de ses États membres en matière de climat.

Dans ces matières qui touchent à des intérêts précis, il convient de se garder de toute fragilité, même sur l’accessoire, et nous savons tous que la question climatique ne relève nullement de cette dernière catégorie, tant il est ensuite aisé de l’instrumentaliser.

Pour le futur, il appartient à la Commission européenne, compétente pour la négociation, comme aux États membres, qui ont leur mot à dire sur le mandat de négociation et sur la signature des accords, de veiller à ce que la compatibilité des accords commerciaux et de l’Accord de Paris soit respectée.

Cela signifie non seulement qu’il faut inclure des dispositions explicites qui garantissent l’application de l’Accord de Paris et le contrôle des émissions de gaz à effet de serre, mais aussi de veiller à mesurer par de véritables études d’impact plus précises et plus fines que celles qui sont actuellement réalisées, les effets attendus des accords sur les émissions de CO2 et autres gaz à effet de serre, afin de prévoir, si nécessaire, les mesures compensatrices appropriées.

L’enjeu d’un tel « verdissement » des futurs accords commerciaux de l’Union européenne n’est pas mince.

En effet, des accords de libre-échange sont actuellement en cours de négociation avec le Mercosur (Brésil, Argentine et Uruguay), le Japon et le Mexique, et l’ouverture de négociations est envisagée avec l’Australie et la Nouvelle-Zélande, de même qu’avec la Malaisie, la Thaïlande, l’Inde et les Philippines.

Le plan d’action du Gouvernement sur le CETA prévoit, comme on l’a vu, un tel « verdissement » des accords de libre-échange, avec dans le cadre du troisième axe, des mesures de prise en compte des enjeux de développement durable dans les accords de libre-échange : dans le cadre de la protection des investissements, pour éviter les litiges abusifs et encourager les investissements responsables ; dans la fixation de critères spécifiques pour l’accès aux marchés publics ; par des règles spécifiques sur la levée des barrières non tarifaires, sur les biens contribuant à la lutte contre le changement climatique et la protection de l’environnement.

3.   Promouvoir, par coordination, l’inclusion du transport maritime dans les dispositifs de maîtrise des émissions de gaz à effet de serre

Les transports aériens et les transports maritimes internationaux ne sont pas mentionnés dans l’Accord de Paris.

Ce statut hors champ des carburants dits « de soute », qui sont en outre détaxés, soulève une difficulté dès lors que le volume des émissions est de l’ordre de 5 % du total mondial, soit environ 2,5 % pour chaque mode de transport.

a.   Une exception unique depuis l’adoption d’un dispositif par l’OACI pour le transport aérien

Sour la pression internationale et européenne, le secteur du transport aérien a fini par accepter un mécanisme de maîtrise et  de compensation établi dans le cadre de l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI).

Comme le trafic aérien international connaît une croissance moyenne de l’ordre de 5 % par an, l’OACI a développé le concept de panier de mesures (Basket of measures) afin de limiter son impact sur le changement climatique  avec :  des mesures opérationnelles d’optimisation de la gestion du trafic aérien et d’amélioration des infrastructures ; des mesures technologiques de réduction des émissions de CO2 des aéronefs à la source ; le développement des carburants alternatifs durables ; la mise en œuvre d’un mécanisme mondial de compensation des émissions de CO2.

Adopté en octobre 2016, ce mécanisme mondial de compensation des émissions de CO2 de l’aviation internationale CORSIA (Carbon Offsetting and Reduction Scheme for International Aviation) vise à mettre en  place sur une base volontaire à partir de 2020, et universelle, sauf exception à partir de 2027, un mécanisme de compensation carbone. Des plantations d’arbres sont communément évoquées.

Dans une note du Conseil d’analyse économique (n° 37) de janvier 2017,  M. Dominique Bureau, M. Lionel Fontagné et Mme Katheline Schubert ont estimé que le prix implicite du carbone afférent à ce mécanisme était faible, car inférieur à 10 euros la tonne de CO2.

Même s’il est en état limité, celui-ci présente cependant l’avantage d’avoir fait entrer le transport aérien international dans une phase de maîtrise des émissions carbone. Sur le plan européen, l’inclusion du transport intra-européen dans le champ du SEQE a été relancée après l’adoption de son dispositif par l’OACI, sans qu’aucune décision ne soit en l’état intervenue.

Dans ce contexte, le transport maritime apparaît comme une exception.

b.   Mettre en place dès 2018, pour le transport maritime international, une stratégie et des mécanismes de maîtrise des émissions carbone

La mise en place d’un mécanisme de maîtrise des émissions de CO2 n’est qu’à un stade très peu avancé en matière maritime.

Aussi bien dans le cadre de l’Organisation maritime internationale (OMI) que dans le cadre européen, on en est à l’amélioration de l’efficacité énergétique et à la collecte de données.

Au sein de l’OMI, il a ainsi fallu l’action d’une coalition de pays, dont la France, pour parvenir à ce que le comité sur la protection du milieu marin (MEPC72) adopte en octobre 2016 une feuille de route prévoyant pour 2018 une stratégie initiale de réduction des émissions et, pour 2023, une stratégie révisée sur la base des premières données collectées. Il n’a pas été, en l’état, possible d’aller au-delà.

Au niveau européen, le règlement dit MRV n° 2015/757 du 29 avril 2015 concernant la surveillance, la déclaration et la vérification des émissions de dioxyde de carbone du secteur du transport maritime et modifiant la directive 2009/16/, prévoit l’obligation pour les compagnies maritimes de surveiller et déclarer leurs émissions de CO2 à partir du 1er janvier 2018, au-delà d’une certaine taille de navire.

Ces avancées sont nettement trop timides.

Il convient, en effet, qu’à la faveur des accords commerciaux, le secteur du transport maritime adopte des mesures de maîtrise et de réduction de ses émissions de gaz à effet de serre, compte tenu de son rôle croissant dans la mondialisation et les relations entre les pays.

Faute d’y parvenir, il risque de se trouver en porte-à-faux vis-à-vis d’une opinion publique mondiale de plus en plus sensible aux questions climatiques.

Il faut donc se féliciter des mesures prévues par le plan d’action présenté par le Gouvernement sur le CETA pour influer sur le secteur.

D.   Quatrième priorité : l’impératif opérationnel d’une recherche nationale et européenne coordonnée et visible garantissant notre présence et notre rayonnement dans les domaines clés du stockage de l’électricité, de la capture du CO2 et de la ville du futur

1.   Mettre fin à l’insuffisante visibilité et au manque de coordination de la recherche européenne actuelle en matière de stockage de l’électricité

a.   La clef de la transition énergétique et d’un nouveau cycle  économique mondial d’où la France et l’Europe ne peuvent être absentes

Développées dès les années 1970 en réaction aux deux chocs pétroliers, les sources d’énergie renouvelables ont mis longtemps à s’imposer en raison de leur intermittence. Elles produisent de l’électricité en fonction de deux paramètres, le vent ou l’ensoleillement, indépendamment des besoins des utilisateurs, de manière intermittente. Aucune solution simple et financièrement accessible n’a été découverte ni commercialisée pour stocker cette électricité.

Les batteries actuelles peuvent difficilement, en l’état des conditions économiques et techniques, notamment en raison du recours aux métaux rares ou critiques, prétendre à être ce qui sera la solution définitive aux difficultés de la transition énergétique. Si certains pays comme la France disposent de centrales électriques et d’un réseau suffisant pour absorber sans difficulté une forte proportion d’électricité d’origine renouvelable, tel n’est pas le cas de tous les pays, notamment dans les émergents et les pays en voie de le devenir, et qui doivent raisonner en termes décentralisés.

Les énergies renouvelables étant maintenant un impératif et n’étant plus seulement une option pour échapper à un prix trop élevé pour les hydrocarbures, les pays qui découvriront et commercialiseront les premiers, les batteries du futur prendront un avantage décisif dans la future économie mondiale.

La transition énergétique a ainsi de fortes probabilités de correspondre à un nouveau cycle économique mondial aux enjeux majeurs dont la France et l’Union européenne ne sauraient être absentes.

La condition nécessaire pour qu’il puisse en être ainsi est de mener les politiques de recherche qui leur permettront de rester en tête de l’économie mondiale.

Sur le seul segment de la voiture électrique et des batteries domestiques de grandes capacités, on voit se dessiner une géographie autour de deux pôles, les États-Unis et la Chine, qui risque d’être lourde de conséquence pour le futur de notre continent s’il ne fait pas les efforts nécessaires.

b.   L’insuffisante coordination et visibilité des efforts actuels

Il y a en matière d’énergies nouvelles des efforts de recherche au niveau français et au niveau européen, et de nos partenaires, mais ceux-ci sont encore trop peu visibles et trop peu coordonnés et structurés.

C’est un paradoxe car les chiffres de l’Agence internationale de l’énergie (données relatives à l’année 2014) montrent que l’Europe est au premier rang pour l’effort d’ensemble.

Les dépenses publiques de recherche, développement & démonstration (RD&D) dédiées aux énergies renouvelables ont atteint 1,188 milliard d’euros pour les 20 membres de l’Union membres de l’Agence, la Norvège et la Suisse. Parmi les 5 pays principaux contributeurs, l'Allemagne et la France, ont représenté 37 % de ce montant (respectivement 22 et 15 %), le Royaume-Uni 8 %, la Suisse 7 % et la Norvège 6 %.

Ces mêmes dépenses ont atteint 830 millions d’euros pour les États-Unis et 551 millions d’euros pour le Japon.

L’Europe est ainsi presqu’à parité avec la Chine, où les engagements en 2014 pour les énergies renouvelables étaient estimés par Bloomberg New Energy Finance à environ 1,4 milliards d’euros, soit un tiers du total mondial.

La France ne se situe pas dans une situation délicate, puisque qu’elle a consacré en 2014, 0,0084 % de son PIB à la RD&D dans le domaine des énergies, un chiffre un peu inférieur à celui de l’Allemagne (0,0088 %), supérieur à celui des États-Unis (0,0053 %), environ le double de celui du Royaume-Uni (0,0044 %) tout en restant très en deçà du Japon (0,0122 %) ou du Danemark, au premier rang en Europe avec 0,0221 %.

Plus précisément, les dépenses publiques destinées à la RD&D pour de nouvelles technologies de l’énergie (énergies renouvelables mais aussi efficacité énergétique, capture, stockage et valorisation du CO2, stockage et conversion de l'énergie, réseaux intelligents) se sont élevées à 437 millions d’euros en 2015.

Cet effort, dont le stockage de l’électricité n’est qu’une partie, ne se traduit pas par des résultats conséquents, faute de coordination : il n’y a au plan national ni au plan européen de grand projet visible et mobilisateur, avec un pilotage centralisé, sur le stockage de l’électricité.

Il y a à l’opposé plusieurs projets sans coordination d’ensemble, ce qui donne l’impression d’un foisonnement un peu désordonné.

Pour la France, dépassant fort heureusement la vision classique suivant laquelle notre pays n’a pas besoin de solution de stockage à court terme, notamment en raison de l’importance des ballons d’eau chaude et de l’utilisation des réserves des barrages hydroélectriques, des appels d’offres ont été lancés pour les zones non interconnectées, en dehors du territoire continental. Les lauréats ont répondu avec la technologie de la batterie lithium-ion. Les prix ont baissés, atteignant 113 euros par mégawatt heure pour le dernier d’entre eux.

L’Allemagne met en concurrence les différentes options de flexibilisation du système électrique. Elle soutient néanmoins le stockage à travers une aide à l’investissement pour batteries de stockage couplées à des panneaux photovoltaïques, dans le seul secteur résidentiel.

Le Royaume-Uni soutient des projets de stockage d’électricité innovants (R&D) selon une approche très diversifiée. Le rapport de la Renewable Energy Association comptabilise vingt-sept projets opérationnels ou en cours, soutenus essentiellement via les deux programmes d’aide au sein du Ministère de l’économie, de l’énergie et de la stratégie industrielle (BEIS) : Innovation Programm et Low Carbon Innovation Funding. Le régulateur de l’énergie, Ofgem, soutient pour sa part le déploiement opérationnel de projets tests de stockage d’électricité via le Low Carbon Fund. Le gestionnaire du réseau de transport National Grid a de son côté attribué en 2016 à huit entreprises, dont EDF Energy, des contrats pour contribuer au réglage de fréquence du réseau par stockage.

Au niveau européen, notre pays est pilote sur le projet de le stockage d’électricité est soutenu dans le cadre de la stratégie de recherche et d'innovation du SET Plan sur l’électro-mobilité et le stockage stationnaire. Au niveau industriel, plusieurs annonces de « gigafactory » (Royaume-Uni, Allemagne, Suède, France...) ont eu lieu récemment un peu partout en Europe.

La Commission européenne vient par conséquent, et enfin, de prendre la mesure de l’intérêt à rapprocher ces différentes initiatives afin de créer une véritable filière européenne du stockage : des initiatives devraient être prises en ce sens d’ici la fin de l’année ou au début de l’année 2018.

c.   Le projet récent d’un « Airbus » des batteries pour la voiture électrique : la reconnaissance nécessaire et indispensable, mais tardive, d’un défaut passé de coordination et d’anticipation

C’est en réaction au retard européen en matière de véhicules électrique, face à la Chine, qui équipe les taxis de Bruxelles, et aux États-Unis, dont une marque monopolise le segment des voitures électriques de luxe à grande autonomie, que le vice-président de la Commission européenne, chargé de l’énergie, a réuni le mercredi 11 octobre les grands acteurs de la filière constructeurs et énergéticiens (dont BASF, BMW, Solvay, Volkswagen, BMW, Mercedes-Benz, Renault, Saft, Siemens, Northvolt) pour discuter de la mise en place d’un « Airbus » de la batterie.

Cette initiative avait été soutenue par Renault quelques jours auparavant.

Elle est aussi soutenue par le Président de la République qui a estimé nécessaire, dans le discours de la Sorbonne, de mettre en place un programme industriel européen de soutien aux véhicules propres, accompagné d’un programme d’infrastructures communes permettant de traverser l’Europe.

Qualifiée de contre-offensive, alors même que plus de 100 000 véhicules électriques ont été vendus  en Europe en 2016, elle se fonde sur deux éléments lourds de menaces pour les constructeurs européens :

– le coût des batteries (environ 10.000 euros) représente près de la moitié du coût de production, donc de la valeur ajoutée du véhicule ;

– les constructeurs asiatiques construisent leurs « gigafactories » dans l’Union européenne : Samsung en Hongrie ; LG en Pologne ; Panasonic en Slovaquie.

La situation n’est pas irréversible tant que le prix de batteries reste trop élevé, et leur autonomie insuffisante, pour faire basculer brutalement le marché automobile vers la voiture électrique.

Il  y a cependant un défi à relever et il faut saluer le fait que l’Union européenne renoue avec la logique des champions industriels avec un consortium et un programme massif et coordonné de R&D pour créer la batterie économique et ayant des capacités suffisantes pour que le véhicule à moteur thermique, essence ou diesel, soit remplacé à terme.

Cette initiative salutaire, qui répond en tous points aux objectifs de votre rapporteure pour le stockage de l’électricité d’une manière générale, est un aveux tardif mais bienvenu et, il faut l’espérer, salutaire, d’une absence de vision stratégique par le passé, en Europe, des enjeux industriels de la transition énergétique dans le contexte très tendu de la mondialisation qui aiguise la concurrence.

2.   Le captage du CO2

Le captage du CO2 en est encore à un stade insuffisamment avancé.

Trois technologies sont envisageables, mais aucune n’est à un stade de maturité suffisamment avancée.

Le captage et séquestration (CCS) est pratiqué à titre expérimental par la Norvège, mais ne prend pas l’ampleur attendue en raison de son coût et de la difficulté à trouver les couches géologiques profondes où le CO2, qui est acide, peut être stocké à très long terme, sans risque.

Les procédés de valorisation du CO2, transformé en méthane après recombinaison avec de l’hydrogène lui-même issu de l’hydrolyse de l’eau, se heurtent à leur coût et à leur faible bilan énergétique : il faut environ 50 % de l’énergie d’une molécule de méthane pour la produire.

Ce procédé ne peut être conçu que dans l’hypothèse où la transition énergétique serait déjà réalisée et la production d’électricité renouvelable d’une telle abondance que des masses d’énergie seraient gratuites. Cette hypothèse est notamment et fort pertinemment soutenue par M. Jean Jouzel.

Le troisième procédé, le plus prometteur, qui est celui de la captation biologique du CO2 par des microorganismes et sa transformation en produit valorisable. Des procédés pilotes ont été identifiés pour leur transformation en hydrocarbures biologiques. Ils n’ont pas encore atteint la maturité nécessaire, ce qui est regrettable.   

Ils doivent donc prioritairement faire l’objet de programmes de recherche au niveau européen et au niveau national.

3.   La ville du futur 

a.   Inventer en Europe les nouveaux modes de vie urbains

Le futur de l’humanité est citadin. En 2050, la population mondiale devrait atteindre 9,8 milliards d’habitants et plus de 65 % sera dans les villes.

Le mode de vie et surtout le mode d’alimentation en énergie et les modalités de déplacement de ces 6,4 milliards d’urbains restent à inventer. Les niveaux de consommation, notamment en énergie, des villes actuelles ne permettent pas d’envisager qu’il en soit autrement.

Ce n’est pas la première fois que la ville doit s’adapter. 7 % des quelque 650 millions d’habitants que comptaient la planète en 1700 vivaient dans des villes : deux villes, Londres et Paris, comptaient plus de 500 000 habitants. Douze villes seulement en avaient plus de 100 000.

Les contours de la ville du futur commencent à se dessiner autour de quelques éléments clefs :

– l’énergie, avec le développement des systèmes et des bâtiments à énergie positive grâce à l’isolation, au captage de la lumière solaire et aussi à la production décentralisées d’électricité régulée par réseau intelligent ;

 – la connexion, avec le développement notamment de l’Internet des objets, et la dématérialisation croissante des supports de l’information ;

– les nouvelles mobilités autour d’un nouvel équilibre entre les transports collectifs, les moyens de transport individuels en partage, et les moyens de transport purement privés ;

– la gestion de la pollution et la dépollution, comme en témoignent les premières expériences pilotes de procédés de captation des polluants voire du CO2 en milieu urbain par des micro-organismes ;

– le paysage urbain, avec une reconfiguration amorcée dans les éco-quartiers de l’équilibre entre le végétal et le minéral. L’élément végétal permet en effet aux villes d’éviter l’effet de « cloche » et ainsi d’accumulation de chaleur dans les périodes de températures élevées. Il est donc la condition d’une adaptation au changement climatique.  Séparée de la campagne, la ville moderne a été surtout minérale. La ville du futur devra allier les deux mondes.

Ce sont autant de défis, et donc de chantiers et d’ateliers dans lesquels l’Europe a toute sa place à jouer, car il s’agit de configurer un nouveau cadre de vie sur des bases universelles.

D’une part, elle a l’expérience la plus ancienne en matière d’urbanisme de masse et a commencé à innover. Les éco-quartiers aménagés ici ou là n’en sont qu’un élément. D’autre part, elle doit d’autant plus innover qu’elle détient en matière de bâti avec un patrimoine historique essentiel qu’il lui appartient de conserver. Enfin, elle dispose d’atouts technologiques dans les domaines stratégiques. Que ce soit à Paris, Lyon ou dans des villes de plus petites tailles, on voit se développer et se déployer des expériences pilotes qui peuvent faire école, déboucher sur des technologies nouvelles et représenter autant d’atouts pour l’exportation et le rayonnement dans le monde.

De ce qui relève d’un enjeu de civilisation, façonner le monde futur, l’Europe ne saurait s’abstraire.

b.   L’économie circulaire : réduire l’empreinte écologique de l’humanité

Même s’il est en général distingué de la ville du futur, le sujet de l’économie circulaire lui est étroitement lié.

En effet, le défi essentiel est de diminuer progressivement l’empreinte écologique de l’humanité en reculant jusqu’au 31 décembre, voire au-delà, le jour du dépassement de la terre. Il implique de revenir sur l’extension et l’expansion continues de la géographie des chaînes de valeur et  des réseaux de distribution des produits. Le développement de l’économie circulaire dans une logique de proximité est donc son corolaire, sans naturellement remettre en cause l’un des acquis essentiels de l’évolution du monde au cours de ces derniers siècles, qui est l’ouverture sur le monde et sur sa diversité, et la richesse que cela représente.

La mise en place de mécanismes de collecte et de recyclage courts est l’une des premières étapes de cette transition beaucoup complexe que la transition énergétique, mais aussi beaucoup plus prometteuse en innovation et en capacité, pour les pays dont les expériences seront couronnées de succès, de rayonnement dans le monde de demain.

c.   Le rôle clef de l’éducation pour faire évoluer les comportements

Lors de la présentation des premières orientations de cet avis budgétaire, le 4 octobre dernier, M. Christian Hutin a relevé le rôle majeur de l’éducation des jeunes générations dans la transition énergétique et plus généralement dans la transition économique qui nous attend.

 Si l’on observe déjà grâce aux enseignements, en particulier dans le cadre de l’éducation civique, des comportements très responsables, beaucoup plus responsables que celui de leurs aînés parmi les générations plus jeunes, beaucoup reste encore à faire car ainsi que le révèle fort justement le nom du ministère chargé de l’écologie et du climat, la transition ne sera pas uniquement écologique et énergétique, mais aussi solidaire, ce qui implique une éducation maintenue sur le collectif et la notion d’intérêt commun.


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   TRAVAUX DE LA COMMISSION

   Présentation DE l’AVIS devant la commission des affaires étrangÈres

À la suite de la présentation, en commission le mercredi 25 octobre 2017, par Mme Laurence Gayte, rapporteure pour avis, du projet d’avis sur les crédits de la mission Ecologie, développement et mobilités durables, un débat a lieu.

M. Jean-Paul Lecoq.  La somme de 1 000 milliards pour financer la transition énergétique est égale au montant de la fraude et de l’évasion fiscales au niveau de l’Union européenne. Sur le transport maritime, il faut créer les conditions de son évolution écologique. Les navires n’utilisent maintenant plus les carburants de haute mer lorsqu’ils sont à quai, mais des combustibles moins polluants, et certains ports mettent en place des infrastructures d’interconnexion au réseau électrique. Cela exige des investissements, car la puissance électrique pour alimenter un paquebot ou un cargo est énorme. Cela fait partie des investissements que nous demandons, notamment pour le port du Havre. Pour ce qui concerne la valeur du carbone, c’est une vraie question, qui doit être tranchée au niveau mondial, pour que cela ait un sens, pour ne pas handicaper certains pays. Il y a un vrai travail diplomatique à faire. On aurait peut-être dû en saisir l’ONU. Sans partager toute sa teneur, j’apprécie beaucoup le rapport. Il faut intégrer la dimension environnementale au niveau international, et pour faire le lien avec le sujet précédent, l’Aide publique au développement peut aussi contribuer à l’évolution écologique de « notre » modèle actuel, qui n’est d’ailleurs pas « mon » modèle.

Mme Laurence Gayte, rapporteure. L’ampleur de l’ordre de grandeur, 1 000 milliards par an et pour plusieurs années, et pour la seule Europe, soulève une vraie question pour les autres pays. Il faut mener une réflexion au niveau mondial. Pour ce qui concerne les aménagements des ports, c’est la vocation de la politique de cohésion d’en faciliter le financement, au niveau européen. L’évolution du transport maritime ne concerne pas les navires que lorsqu’ils sont à quai, mais aussi lorsqu’ils sont en mer : je pense à la voile et à l’énergie au solaire.

M. Jean-Paul Lecoq. Les derniers navires produits par les chantiers du Havre avant leur fermeture, sont les navires Club Med à voile.

Mme la présidente Marielle de Sarnez. C’est très juste.

Mme Laurence Gayte, rapporteure. On peut utiliser d’autres forces motrices que celle du fioul. La valeur du carbone est un vrai défi. Les dispositifs actuellement en place ne concernent que 15% des émissions. C’est le seul point sur lequel il y eu échec de l’Accord de Paris. Cela ne veut pas dire qu’il ne faut pas avancer.

Mme la présidente Marielle de Sarnez. Mme la Rapporteure, je vous remercie pour cet excellent rapport, très complet.


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   EXAMEN DES CRÉDITS

À l’issue de l’audition en commission élargie ([1]) de M. Sébastien Lecornu, secrétaire d’État auprès du ministre de la transition écologique et solidaire, le mardi 31 octobre 2017, et suivant les conclusions de la rapporteure, la commission des affaires étrangères, émet un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Ecologie, développement et mobilité durables», tels qu’ils figurent à l’état B annexé à l’article 29 du projet de loi de finances pour 2018.

 

 

 

 

 


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   annexe n° 1 :
Liste des personnes auditionnées par la rapporteure

        M. Laurent Michel, directeur général de l’énergie et du climat au ministère de la transition énergétique et solidaire ;

        Mme Lucile Dufour, responsable négociations internationales et développement et M. Neil Makaroff, chargé de mission climat et énergie,  Réseau Action Climat France ;

        Mme Célia Gautier, responsable climat & énergie à la Fondation pour la nature et l’homme (FNH) ;

        Son Excellence M. Deo Saran, ambassadeur de la République des Fidji à Bruxelles ;

        Mme Katheline Schubert, professeur à l’École d’économie de Paris, professeur à l’Université de Paris I- Panthéon-Sorbonne, présidente de la commission d'évaluation de l'Accord économique et commercial global entre l'Union européenne et le Canada (AECG/CETA) ;

        Mme Virginie Dumoulin-Wieczorkiewicz, directrice des affaires européennes et internationales du ministère de la transition écologique et solidaire, accompagnée de M. Benoît Piguet, conseiller de la secrétaire générale, et Mme Stéphanie Croguennec, sous-directrice du du changement climatique et du développement durable ;

        M. John Griffith, conseiller pour l’environnement, la science, la technologie et la santé à l’ambassade des États-Unis, accompagné de M. Alex Gould, deuxième secrétaire, et Mme Sabrina Azaiez, spécialiste ;

        Mme Andrea Mano, première secrétaire à l’ambassade d’Allemagne en France, accompagnée de M. Johann Maximilian Voß ;

        Mme Brigitte Collet, ambassadrice chargée des négociations sur le changement climatique, des énergies renouvelables et de la prévention des risques climatiques ;

        M. Benoît Faraco, conseiller spécial, chargé des relations internationales sur le climat, au cabinet de M. Nicolas Hulot, ministre d’État, ministre de la Transition écologique et solidaire, et M. Laurent Grave-Raulin, conseiller parlementaire et pour les relations avec les élus ;

        M. Jean Jouzel, membre du Conseil économique, social et environnemental, directeur de recherche émérite au CEA, climatologue, ancien vice-président du groupe scientifique du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC).


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   Annexe n° 2 : Liste des principales COp
 

Chaque année, les pays signataires de la convention cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CNUCC) se réunissent  dans le cadre de la « Conférences des Parties » (Conference of Parties), la COP.

COP 1 : 1995 – Berlin

COP 3 :  1997 – Kyoto. C’est la COP du Protocole de Kyoto, qui  impose des efforts aux pays développés de réduire de leurs émissions de gaz à effet de serre.

COP 15 : 2009 – Copenhague : c’est la COP qui échoue à mettre en place un dispositif universel de limitation des émissions.  Les participants y affirment cependant l’objectif de ne pas dépasser les 2° C pour l’augmentation des températures terrestres, par rapport aux niveaux de l’ère préindustrielle, à l’horizon 2100.

COP 21 : 2015 –  Paris : c’est la COP de la conclusion de l’Accord de  Paris, accord universel organisant la limitation des émissions de gaz à effet de serre, et affirmant l’ambition de contenir « l’élévation de la température moyenne de la planète nettement en dessous de 2°C par rapport aux niveaux préindustriels » et même, en poursuivant l’action menée, à la contenir à 1,5°C, de manière à réduire « sensiblement les risques et les effets des changements climatiques ».

COP 22 : 2016 – Marrakech : c’est la première COP de mise en œuvre de l’Accord de Paris.

COP 23 : 2017 – Bonn : la prochaine COP.

 


([1])  http://www.assemblee-nationale.fr/15/budget/plf2018/commissions_elargies/cr/c014.asp