N° 436
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
QUINZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 5 décembre 2017.
AVIS
PRÉSENTÉ
AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES SUR LE PROJET DE LOI relatif à l’orientation et à la réussite des étudiants,
Par Mme Christine CLOAREC,
Députée.
——
Voir le numéro :
Assemblée nationale : 391.
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SOMMAIRE
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Pages
I. un régime de sécurité sociale étudiante complexe et défaillant
A. un rÉgime juridique particulier : la délÉgation de gestion
2. Des conditions d’affiliation complexes
B. de nombreux dysfonctionnements
1. Un régime inadapté à l’explosion de la population étudiante
2. Une mutation inter-régimes source de difficultés
3. Un service souvent très dégradé
II. L’amélioration des conditions de la couverture santé des étudiants
A. la suppression de la dÉlÉgation de gestion
1. Une première évolution : le mandat de gestion confié à la CNAMTS par la Mutuelle des étudiants
2. La suppression de la délégation de gestion
3. Une simplification des conditions d’affiliation
B. le renforcement de la santé Étudiante
1. Le maintien d’actions de prévention spécifiques
2. Le développement des services de santé universitaires
Article 3 Suppression du régime de sécurité sociale applicable aux étudiants
Annexe : Liste des personnes auditionnées par lA rapporteurE
I. Auditions de la rapporteure
II. Auditions communes avec le rapporteur de la commission saisie au fond
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Mieux se soigner, telle est l’ambition d’un des volets du Plan étudiant proposé par la ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation, Mme Frédérique Vidal. L’article 3 se propose d’y contribuer en mettant fin à des années de difficultés rencontrées par les étudiants pour exercer leurs droits à une protection sociale, en supprimant leur régime dérogatoire de sécurité sociale.
Issu d’un contexte historique particulier, l’après-guerre, ce régime propre aux étudiants reposait sur la volonté de consolider leur autonomie et de les faire bénéficier de droits sociaux. L’article 2 de la charte de l’UNEF ([1]) revendiquait ainsi en 1946 : « le droit à une prévoyance particulière, dans les domaines physique, intellectuel et moral » pour le travailleur intellectuel et demandait « de permettre aux étudiants de prendre en main leur destin et de déterminer leurs propres aides sociales ».
C’est dans cette perspective que la loi du 23 septembre 1948 ([2]) a étendu aux étudiants le régime d’assurance maladie applicable aux travailleurs salariés et en a confié la gestion à des mutuelles dans le cadre d’une délégation de service public ([3]).
Depuis quelques années de nombreux rapports ([4]) ont dénoncé à la fois les coûts de gestion de ce régime dérogatoire supérieurs à la moyenne et une qualité de service souvent discutable. Le Défenseur des droits, M. Jacques Toubon, a même affirmé que l’effectivité de l’accès aux soins n’était pas assurée pour tous les étudiants. L’évolution de ce modèle hérité de l’après-guerre est donc apparue comme une nécessité.
Une première avancée dans ce sens a été faite par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2016 ([5]) qui a instauré l’universalité de la prise en charge des frais de santé et permet aux étudiants d’être considérés comme des assurés autonomes. Un décret ([6]) a fixé le périmètre des activités déléguées pour la prise en charge des frais de santé des étudiants au sein du régime obligatoire par certains organismes et les modalités d’organisation de ces délégations de gestion en prévoyant qu’il pourrait y être mis fin en cas de défaillance caractérisée de l’organisme délégataire.
De plus, face à de graves difficultés financières, une des principales mutuelles étudiantes, la Mutuelle des étudiants (LMDE), a été mise sous sauvegarde judiciaire et a conclu avec la Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) un mandat de gestion le 16 septembre 2015.
L’article 3 du présent projet de loi est l’aboutissement de ce processus.
La délégation de gestion du régime obligatoire de l’assurance maladie des étudiants est supprimée. Les étudiants seront des assurés autonomes affiliés au régime de protection sociale de leurs parents, ce qui simplifiera leurs conditions d’affiliation. Par ailleurs, il est mis fin au versement de la cotisation forfaitaire maladie, ce qui contribuera à augmenter leur pouvoir d’achat.
Cet article consolide également les actions spécifiques de prévention à destination des étudiants.
L’article 4 instaure une contribution unique « vie étudiante » destinée à favoriser l’accompagnement social, sanitaire, culturel et sportif des étudiants. Elle confortera les actions de prévention et d’éducation à la santé et permettra d’améliorer la santé universitaire en contribuant notamment au développement des centres de santé au sein des services universitaires de prévention et de promotion de la santé.
Par ailleurs, le Plan étudiant prévoit la création d’une conférence de prévention étudiante à la rentrée 2018.
I. un régime de sécurité sociale étudiante complexe et défaillant
A. un rÉgime juridique particulier : la délÉgation de gestion
Par dérogation, la gestion et la liquidation des prestations en nature du régime obligatoire de l’assurance maladie pour les étudiants sont déléguées à des mutuelles, régies par des dispositions codifiées aux articles L. 381-4 et suivants du code de la sécurité sociale.
Cette habilitation est obligatoire et exclusive. Deux mutuelles se partagent le marché, la LMDE qui gère environ 807 000 étudiants et le réseau des sociétés mutualistes étudiantes régionales (SMER) auquel sont rattachés environ 1 million d’assurés.
En 2016, 569 millions d’euros de remboursements ont été versés à 1,8 million d’étudiants affilés à ces mutuelles.
En échange de cette gestion, la CNAMTS verse aux mutuelles des remises de gestion correspondant aux frais de gestion administrative liés au service qu’elles assurent.
Le mode de calcul de ces remises de gestion est complexe
Ce montant est calculé en fonction ([7]) :
– de l’évolution des dépenses de fonctionnement des caisses primaires d’assurance maladie (CPAM) et des centres de traitement électronique dans la limite d’un plafond constitué par le coût moyen de gestion constaté dans les cinquante caisses les plus performantes ;
– du nombre d’assurés sociaux actifs des mutuelles pondéré par le nombre de cellules actes ([8]) ;
– du taux d’évolution des effectifs de chaque mutuelle pondéré par l’effort de productivité des CPAM ;
– du coefficient de réalisation. Ce dernier est resté fixé à 77,26 %.
Montant des remises de gestion versées
au titre de 2015 et 2016
(en euros)
|
2015 |
2016 |
LMDE |
40 548 236 |
6 295 380 |
SMEREP |
9 418 080 |
10 299 721 |
SMERAG |
111 552 |
133 480 |
SMEREB |
1 374 384 |
1 503 483 |
SMECO |
1 897 488 |
2 089 291 |
SMENO |
6 562 560 |
7 054 841 |
MEP |
4 298 448 |
4 688 297 |
MGEL |
5 005 872 |
5 253 002 |
SMERRA |
5 643 504 |
6 208 512 |
SMEBA |
5 311 920 |
5 721 028 |
VITTAVI |
4 172 016 |
4 675 043 |
Total |
84 344 060 |
53 922 078 |
Source : CNAMTS.
En 2016, le montant des remises de gestion s’est élevé à 53,9 millions d’euros, soit 47,6 millions d’euros pour le réseau des sociétés mutualistes régionales et 6,3 millions d’euros pour la LMDE.
Les mutuelles peuvent, en outre, assurer des prestations du régime complémentaire. Si l’affiliation des étudiants est obligatoire s’agissant du régime obligatoire de l’assurance maladie, elle reste facultative pour le régime complémentaire.
Selon les représentants des mutuelles étudiantes, 12 % à 15 % des assurés souscrivent une complémentaire au sein de ces mutuelles.
M. Jacques Toubon, Défenseur des droits ([9]), a relevé que ces dernières profitaient de leur situation et laissaient parfois entendre aux étudiants que la souscription d’une couverture complémentaire était obligatoire. Les étudiants ayant répondu à son appel à témoignage considéraient les pratiques commerciales de ces mutuelles comme agressives.
Par ailleurs, la Mutuelle des étudiants (LMDE), avait instauré un dispositif d’intéressement pour ses salariés afin de les inciter à vendre sa couverture complémentaire aux étudiants. La Cour des comptes s’est montrée très critique, lors de son audition par la Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (MECSS) ([10]), car, alors que cette mutuelle affichait un résultat net négatif de -3,8 millions d’euros sur la période 2007-2011, elle a versé 2,2 millions d’euros d’intéressement, soit 700 euros par an et par personne.
2. Des conditions d’affiliation complexes
Selon son âge et la profession de ses parents, l’étudiant doit respecter des modalités d’affiliation différentes.
Depuis le 1er janvier 2016 ([11]), la notion d’ayant droit majeur a été supprimée. Tout étudiant est obligatoirement affilié à l’assurance maladie à titre propre dès la rentrée universitaire de l’année de ses 18 ans, voire même dès l’âge de 16 ans s’il intègre un établissement d’enseignement supérieur à partir de cet âge.
— 1 —
RÈgles d’affiliation au rÉgime Étudiant
selon la profession du parent dont dÉpend l’Étudiant
|
Étudiant |
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Profession du parent |
Âge limite de maintien dans le régime parental |
Période de bascule vers le régime étudiant |
Âge de redevance de la cotisation en tant qu’assuré à titre personnel |
Salarié et assimilé - Fonctionnaire de l’État - Fonctionnaire territorial ou hospitalier - Artiste auteur - Praticien ou auxiliaire médical conventionné (sauf option profession libérale) - Exploitant ou salarié agricole |
Date à laquelle il débute ses études |
Au moment de l’inscription |
Année universitaire |
Travailleur non salarié - Artisan - Commerçant - Profession libérale |
20 ans |
Au moment de l’inscription de l’année universitaire dans laquelle sont atteints les 20 ans |
Année universitaire |
Régimes spécifiques - Clercs et employés de notaires - Cultes - EDF-GDF - Militaires - Mines - RATP - Sénat - Polynésie |
20 ans |
Au moment de l’inscription de l’année universitaire dans laquelle sont atteints les 20 ans |
Année universitaire |
Marine marchande (ENIM) Assemblée nationale Grand port de Bordeaux |
21 ans |
Au moment de l’inscription de l’année universitaire dans laquelle sont atteints les 21 ans |
Année universitaires des 21 ans |
Agent de la SNCF |
28 ans |
NA |
NA |
Source : Direction de la sécurité sociale
Les étudiants étrangers
L’affiliation à la sécurité sociale étudiante est obligatoire sauf dans les cas suivants :
– Étudiant d’un État de l’Union européenne ([12]) détenteur d’une carte européenne d’assurance maladie (CEAM) valide le 1er jour de la rentrée universitaire ou d’une assurance privée : le remboursement des soins est assuré par le service des relations internationales de la Caisse primaire d’assurance maladie du domicile de l’étudiant ;
– Étudiant des principautés de Monaco, d’Andorre et de la province du Québec.
– Étudiant âgé de moins de vingt ans dans l’année universitaire en possession d’un formulaire conventionnel délivré par la Caisse étrangère dans le cadre du « droit des familles » autorisant la prise en charge par la Caisse primaire d’assurance maladie de son lieu de séjour, et sur présentation d’un certificat attestant de son inscription pour l’année universitaire en cours.
Les étudiants français à l’étranger
Le régime de protection sociale sera différent selon le pays où l’étudiant effectue ses études :
– Études en Europe dans un État de l’Union européenne ou de l’Espace économique européen ou en Suisse
La carte européenne d’assurance maladie permettra d’attester des droits à l’assurance maladie et de bénéficier d’une prise en charge sur place des soins médicaux, selon la législation et les formalités en vigueur dans le pays de séjour.
– Études au Québec
Le protocole d’entente franco-québécois permet de bénéficier sur place d’une prise en charge des dépenses de santé.
– Études dans un autre pays
La protection sociale varie en fonction du pays d’accueil et de l’âge. Pour les étudiants âgés de moins de 20 ans, les frais médicaux urgents sont remboursés par la caisse d’assurance maladie des parents, dans la limite des tarifs forfaitaires français en vigueur Pour ceux âgés de plus de 20 ans, l’étudiant doit s’inscrire auprès du régime étudiant de sécurité sociale du pays ou du régime local de sécurité sociale. Il peut également adhérer à la Caisse des Français de l’étranger (CFE) à condition d’avoir la nationalité française.
L’inscription auprès d’une mutuelle se fait en même temps que l’inscription administrative auprès d’un établissement d’enseignement supérieur ; elle est effective à compter du 1er septembre de l’année en cours et jusqu’au 31 août de l’année suivante. Elle doit être renouvelée chaque année universitaire.
Cette affiliation permet de bénéficier de la prise en charge de prestations en nature des assurances maladie, maternité et invalidité. S’agissant des accidents du travail, ils sont couverts pendant les cours dispensés en atelier ou en laboratoire ou à l’occasion de stages en entreprise, sous réserve qu’ils figurent au programme des études et mettent en pratique l’enseignement dispensé, qu’ils donnent lieu à la signature d’une convention de stage, et qu’ils soient non rémunérés mais pouvant donner lieu à gratification.
L’étudiant doit s’acquitter chaque année d’une cotisation forfaitaire maladie prévue à l’article L.381-8 du code de la sécurité sociale. Son montant est fixé par arrêté ministériel. La rapporteure tient à souligner que le coût de cette cotisation pèse sur le budget étudiant.
Sont exonérés de la cotisation :
– les titulaires d’une bourse de l’enseignement supérieur ;
– les étudiants âgés de moins de vingt ans ;
– les étudiants exerçant une activité professionnelle ou mariés à un conjoint ou liés par un pacte civil de solidarité à un partenaire exerçant une activité professionnelle.
– les étudiants réfugiés ou bénéficiaires de la protection subsidiaire.
A contrario, à la fin de ses études, l’étudiant devra se réaffilier dans un autre régime d’assurance maladie. Il bénéficie, cependant, du maintien de ses droits pendant un an à compter de la fin de sa dernière année universitaire. La caisse d’assurance maladie de son lieu de résidence assurera la gestion de son dossier.
B. de nombreux dysfonctionnements
1. Un régime inadapté à l’explosion de la population étudiante
Si en 1948 le nombre d’étudiants s’élevait à 150 000 personnes, en 2016 la France compte 2,5 millions d’élèves inscrits dans des études supérieures. Cette progression du nombre d’étudiants est continue depuis les années 1980, on est ainsi passé de 1,1 million d’étudiants à 2,1 millions en 2000 et à 2,3 millions en 2010 ([13]).
Cette tendance s’est même accrue. Ainsi, entre la rentrée 2011 et la rentrée 2016, le nombre de bacheliers de l’année entrant dans les différentes filières de l’enseignement supérieur est passé de 420 000 à 480 000, soit une augmentation de 14 %.
Le nombre d’étudiants affiliés aux mutuelles a parallèlement augmenté passant de 1,6 million en 2006 à 1,8 million en 2016. Le montant des remboursements s’accroît également, il a progressé de 492 millions d’euros en 2014 à 569 millions d’euros en 2016.
Étudiants affiliés (2006-2016)
|
2006 |
2007 |
2008 |
2009 |
2010 |
2011 |
2012 |
2013 |
2014 |
2015 |
2016 |
|
Delta 06/16 |
Total |
1 639 321 |
1 626 343 |
1 615 059 |
1 622 037 |
1 672 098 |
1 696 346 |
1 724 724 |
1 745 747 |
1 782 527 |
1 807 320 |
1 820 434 |
|
11 % |
Source : CNAMTS.
2. Une mutation inter-régimes source de difficultés
Le passage du régime de sécurité sociale d’origine de l’étudiant vers le régime spécifique entraîne de nombreuses difficultés.
Cette mutation s’effectue à la demande de l’établissement d’enseignement supérieur lors de l’inscription de l’étudiant et du choix de sa mutuelle. Une fois les informations obtenues, les mutuelles doivent faire certifier l’identification des assurés et leur numéro de sécurité sociale par le registre d’immatriculation de l’assurance maladie à partir du 1er octobre pour les nouveaux affiliés. La caisse cédante envoie à la mutuelle une fiche de données qui comporte notamment l’identité du médecin traitant. Une fois cette fiche reçue, la carte Vitale sera transmise ou sera créée.
Ce processus ne peut intervenir qu’à partir du 1er octobre, date de rentrée de nombreux étudiants, ce qui implique automatiquement que les affiliés ne peuvent disposer de droits à la sécurité sociale à cette date. Le transfert d’information est souvent incomplet, parfois sous format papier.
M. Jacques Toubon, Défenseur des droits, a relevé dans son rapport ([14]) que les mutuelles étudiantes n’étaient pas en mesure d’affilier l’ensemble des étudiants à leur sécurité sociale au 1er octobre. 26 % des étudiants ayant participé à son appel à témoignage ont indiqué avoir rencontré un problème en lien avec l’affiliation. Selon la Cour des comptes ([15]) fin 2012 un quart des adhérents obtenaient leur carte au bout d’un mois. 10 % n’en étaient toujours pas dotés après 9 mois.
Ce point est particulièrement grave, car comme l’a souligné le Défenseur des droits, un étudiant non affilié se trouve en rupture de droits à la sécurité sociale. Il ne pourra obtenir ni remboursement de ses dépenses de santé, ni bénéficier du tiers payant, ni même obtenir une attestation de droits, document exigé pour la participation à des stages. Ainsi, 23 % des étudiants ayant participé à l’appel à témoignage du Défenseur des droits ont confirmé avoir été contraints de faire l’avance de leurs frais de santé.
M. Jacques Toubon, Défenseur des droits, a signalé que cette procédure entraînait, en outre, des ruptures du parcours de soins coordonnés. 20 % des étudiants ayant répondu à son appel à témoignage ont rencontré ce type de difficulté. Soit la mutuelle ne prend pas en compte au moment de la mutation la déclaration de médecin traitant déjà effectué auprès de sa précédente caisse de sécurité sociale, soit elle l’égare. Dans ce cas, l’étudiant subira des conséquences dommageables.
Il convient, néanmoins, de souligner que toutes ces difficultés ne relèvent pas du seul fait des mutuelles, la complexité de la procédure décrite supra et le traitement parfois long des dossiers administratifs par les établissements sont également à prendre en compte.
Ce transfert de régime se produira également à la fin des études supérieures.
3. Un service souvent très dégradé
Plusieurs enquêtes menées par la Cour des comptes, UFC Que choisir et le Défenseur des droits entre 2012 et 2015 ont pointé de nombreux dysfonctionnements : délais de remboursements pouvant aller jusqu’à une année, absence de réponse téléphonique aux réclamations.
Ces rapports soulignent une gestion défaillante des droits des étudiants. Ainsi, les délais de remboursement des soins pouvaient être particulièrement élevés. La LMDE remboursait jusqu’avec un an de retard. 57 % des étudiants ayant participé à l’appel à témoignage du Défenseur des droits avaient rencontré ce type de difficulté. La prise en compte d’une affection de longue durée (ALD) était souvent omise et l’affiliation à la couverture médicale universelle complémentaire (CMU-C) était rendue difficile.
La Cour des comptes a livré également un constat sans appel sur les mutuelles étudiantes, les qualifiant « de système à bout de souffle ». Lors de sa mission menée entre fin 2012 et début 2013, il est apparu que, s’agissant de la LMDE, un appel sur quatorze avait une chance d’aboutir et que le stock de courriers non ouverts en 2012 était impressionnant, s’élevant à 300 000 en mars, 200 000 en juin et 80 000 en novembre. En outre, les plateformes pour répondre à des courriers électroniques n’étaient pas suffisamment développées.
Depuis la mise en place d’un partenariat entre la LMDE et la CNAMTS, la qualité du service s’est améliorée.
II. L’amélioration des conditions de la couverture santé des étudiants
A. la suppression de la dÉlÉgation de gestion
1. Une première évolution : le mandat de gestion confié à la CNAMTS par la Mutuelle des étudiants
La Mutuelle des étudiants ou LMDE, placée en février 2015 sous sauvegarde judiciaire, a conclu un partenariat avec la CNAMTS ([16]) pour la gestion du régime obligatoire de ses assurés.
Ainsi, depuis le 1er octobre 2015, la LMDE a délégué à la CNAMTS les opérations suivantes :
– la gestion des relations avec ses assurés (accueil téléphonique, courriers) ;
– la gestion de leurs droits et dossiers (prise en compte du médecin traitant, déclaration d’une affection de longue durée) ;
– la gestion des prestations en nature (liquidation et paiement) ;
– la gestion de la relation avec les professionnels de santé et les établissements de santé.
La LMDE continue à s’occuper de l’affiliation des étudiants lors des inscriptions universitaires et de mener des actions de prévention. À ce titre, elle a reçu une remise de gestion de 6,3 millions d’euros en 2016. Les montants ont cependant été ajustés en conséquence et le montant unitaire a été fixé à 7,80 euros pour 2016 (au lieu de 47 euros) et à 5,60 euros pour 2017 (au lieu de 46 euros).
De manière pratique, quatre CPAM ([17]) sont chargées de gérer les nouveaux assurés qui ont été intégrés dans le système d’information de la CNAMTS. Un numéro de téléphone dédié et une boîte postale unique ont été créés pour faciliter l’accueil. Les étudiants peuvent, de plus, accéder aux caisses de la CNAMTS.
La charge de travail supplémentaire avait été évaluée à 395 équivalents temps plein (ETP) par la CNAMTS. Lors de son audition ([18]) la directrice de la Sécurité sociale, Mme Mathilde Lignot-Leloup, a indiqué que 436 agents, soit 427 personnes en contrat à durée indéterminée et 9 contractuels avaient été transférés au sein de la CNAMTS.
La directrice de la Sécurité sociale a souligné que ce partenariat avait permis d’améliorer le service rendu aux étudiants. Le taux de décroché s’élève désormais à 92 % ([19]) et, le délai moyen de remboursement pour des feuilles de soins électroniques est de 6 jours ([20]). La rapporteure relève que le succès de ce partenariat est la preuve du bien-fondé de la reprise de la gestion de la sécurité sociale étudiante par le régime général.
2. La suppression de la délégation de gestion
Poursuivant cette logique de suppression d’un régime dérogatoire, l’article 3 du présent projet de loi abroge la section 3 du chapitre Ier du titre VIII du livre III du code de la sécurité sociale ([21]), ainsi la délégation de gestion au titre du régime obligatoire d’assurance maladie des étudiants à des mutuelles est supprimée. Les articles L. 160-17 du code de la sécurité sociale et L. 111-1 du code de la mutualité sont modifiés en ce sens. Les étudiants relèveront désormais du régime général d’assurance maladie de leurs parents.
Les mutuelles étudiantes continueront de pouvoir proposer des prestations au titre de la couverture complémentaire.
Le calendrier de cette réforme sera progressif et distinguera les nouveaux étudiants et ceux ayant déjà commencé des études. Les nouveaux entrants en septembre 2018 bénéficieront du nouveau régime. Ce n’est qu’à la rentrée 2019, qu’il s’appliquera à tous les étudiants. Pour ces derniers qui sont déjà affiliés à des mutuelles étudiantes, la bascule se fera obligatoirement vers le régime général (la CNAMTS) dans un souci de simplicité et permettra de ne pas se poser la question du régime d’affiliation des parents des étudiants.
La cotisation forfaitaire maladie demandée aux étudiants qui s’établissait à 217 euros en 2017 est supprimée ([22]). L’article 3 du présent projet de loi abroge l’article L. 381-8 du code de la sécurité sociale. Cette suppression prend effet à la rentrée 2018.
L’article 3 du présent projet de loi prévoit des dispositions s’agissant des droits et obligations de ces mutuelles.
En premier lieu, les personnels des mutuelles concernées pourront s’ils le souhaitent être transférés aux organismes d’assurance maladie du régime général. La directrice de la Sécurité sociale, Mme Mathilde Lignot-Leloup ([23]), a souligné que leurs droits et obligations seront garantis, et qu’aucune mobilité géographique ne sera imposée. Un calendrier de travail sera mis en place avec les mutuelles pour identifier les salariés concernés.
Le président de la LMDE, M. Romain Boix ([24]), a reconnu que dans le cadre du mandat de gestion conclu en octobre 2015 avec la CNAMTS et qui a conduit à l’intégration de 436 agents au sein de l’assurance maladie évoquée supra, cette reprise administrative s’était bien passée et il n’y avait pas eu de mobilité géographique forcée.
En deuxième lieu, le présent projet de loi prévoit le versement éventuel d’une indemnité pour préjudice anormal et spécial. La directrice de la Sécurité sociale, Mme Mathilde Lignot-Leloup, a indiqué qu’une évaluation serait effectuée au cas par cas et tiendra compte des engagements des mutuelles et de leurs investissements non amortis (immobilier, systèmes d’information) qui continueraient au-delà de la période de transition. Aucune estimation n’a été effectuée.
3. Une simplification des conditions d’affiliation
Les étudiants seront désormais des assurés autonomes qui relèvent du régime obligatoire d’assurance maladie de leurs parents. 95 % des étudiants relèveront du régime général.
Il est prévu qu’ils soient rattachés à la caisse primaire de leur lieu de résidence.
L’obligation d’affiliation à la sécurité sociale étudiante chaque année universitaire n’est donc plus nécessaire. Le système sera ainsi plus fluide et évitera les risques de rupture de droits.
Pour que cette évolution soit comprise par les étudiants et leurs parents, la rapporteure souhaite insister sur l’importance de mener un effort particulier de pédagogie. Le directeur général de la CNAMTS, M. Nicolas Revel ([25]) a indiqué que des travaux étaient en cours avec les mutuelles étudiantes pour fournir des éléments de langage sur cette réforme.
Par ailleurs, des travaux sont menés pour rendre la sécurité sociale plus compréhensible auprès des étudiants sous l’égide de Dominique Libault, ancien directeur de la Sécurité sociale, via les réseaux sociaux et la création d’une page « Facebook ».
B. le renforcement de la santé Étudiante
1. Le maintien d’actions de prévention spécifiques
Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé a rappelé que dans le cadre des travaux d’élaboration de la Stratégie nationale de santé, une attention particulière serait apportée aux actions de prévention et l’accent serait mis sur celles à destination des enfants et des jeunes. Dans son rapport ([26]), le recteur de l’académie de Versailles, M. Daniel Filatre a souligné la spécificité des actions de prévention vis-à-vis du public étudiant et a cité les problématiques prioritaires identifiées par les professionnels de santé : accès aux soins, vie affective et sexuelle, conduites addictives, santé mentale.
Lors de leur audition ([27]), les représentants des mutuelles étudiantes ont particulièrement insisté sur leur expertise dans ce domaine et sur leurs actions menées de pairs à pairs.
L’article 3 du présent projet de loi tient compte des spécificités du public étudiant et consolide les actions de prévention vis-à-vis de la jeunesse.
Le contenu de l’article L. 262-2 du code de la sécurité sociale est maintenu ([28]). Ce dernier prévoit des actions d’information individualisées et ciblées qui sont délivrées par les organismes gestionnaires d’assurance maladie. Elles se dérouleront à trois moments, à l’âge de 16 ans, au moment de l’acquisition du statut d’assuré et à 23 ans. Cette information portera sur les dispositifs et programmes de prévention, comme les consultations en addictologie, les examens de santé gratuits, l’éducation à la sexualité ou à la contraception et à l’interruption volontaire de grossesse. Il est complété par une disposition plus générale qui impose aux organismes gestionnaires des régimes obligatoires d’assurer des actions de prévention pour les assurés âgés de 16 ans à 23 ans. À cet effet, la directrice de la Sécurité sociale, Mme Mathilde Lignot-Leloup ([29]) a indiqué qu’une ligne serait dédiée aux actions à destination de ces assurés dans le Fonds national de prévention, d’éducation et d’information sanitaire (FNPEIS) de la CNAMTS et que des actions de prévention du tabagisme dans le cadre du fonds tabac seraient ciblées sur les jeunes. La rapporteure suggère de réfléchir à la possibilité d’élargir ces actions à destination des jeunes jusqu’à l’âge de 25 ans sauf de supposer que tous les jeunes auront terminé leurs études à l’âge de 23 ans.
Le directeur général de la CNAMTS, M. Nicolas Revel ([30]), a de son côté, listé trois thématiques prioritaires dans les actions de prévention qui seront menées :
– les conduites à risque (lutte contre les addictions) ;
– les risques cardio-vasculaires (lutte contre le tabagisme) ;
– la santé mentale.
De plus, l’article 4 du présent projet de loi instaure une nouvelle contribution ([31]), développée infra, qui vise notamment à conforter les actions de prévention et d’éducation à la santé mises en place au sein des universités. L’étude d’impact du présent projet de loi mentionne ainsi le développement du déploiement du dispositif des étudiants relais santé et les consultations de psychologues et de psychiatres.
Par ailleurs, une conférence de prévention étudiante sera mise en place à la rentrée 2018 qui devrait promouvoir les comportements favorables à la santé étudiante. Elle serait chargée également du suivi de l’état de santé des étudiants et de recenser leurs attentes.
Elle comprendrait des représentants de l’université, des étudiants et de l’assurance maladie. Une déclinaison en région serait prévue.
2. Le développement des services de santé universitaires
L’article L. 831-1 du code de l’éducation prévoit que chaque université organise un service de médecine préventive et de promotion de la santé à destination des étudiants par délibération de son conseil d’administration. Plusieurs universités peuvent bénéficier d’un même service en commun, qui sera alors dénommé service interuniversitaire de médecine préventive et de promotion de la santé.
Ces services concluent une convention avec l’agence régionale de la santé de leur ressort. Ils sont chargés d’assurer le suivi sanitaire des étudiants et de développer les actions de prévention et d’éducation à la santé.
Parmi leurs missions, ces services assurent le suivi vaccinal et ont l’obligation de proposer à tous les étudiants une visite médicale au cours de leurs trois premières années d’études dans l’enseignement supérieur. Ils peuvent assurer la délivrance de médicaments dans le cadre de la contraception d’urgence ainsi que des bilans de santé gratuits. Ils contribuent aussi au dispositif d’accompagnement et d’intégration des étudiants handicapés.
Ils assurent également la formation des responsables d’associations étudiantes et les dispositifs d’étudiants-relais de santé.
Ces services peuvent également dispenser des soins lorsqu’ils se constituent en tant que centres de santé. Ils offrent ainsi une prise en charge de premier niveau avec des consultations de médecine générale, de gynécologie et de médecine spécialisée. Le tiers payant y est pratiqué et les médecins du centre de santé peuvent être déclarés comme médecin traitant par les étudiants.
Le Plan étudiant prévoit que ces services seront renforcés et le nombre de centres de santé universitaires sera augmenté passant de 24 à 34 fin 2019. Il est prévu d’inciter les étudiants en santé et les internes à y effectuer des permanences.
Ces services sont financés ([32]), entre autres, par un droit de médecine préventive. Ce droit est acquitté au moment de l’inscription, il s’élève à 5,10 euros en 2017, ce qui représente un montant total de à 7,8 millions d’euros.
Ce droit est remplacé par une contribution unique « vie étudiante », prévue à l’article 4 du présent projet de loi, qui comprendra non seulement le droit de médecine préventive mais aussi la contribution au FSDIE (Fonds de solidarité et de développement des initiatives étudiantes), et des cotisations pour les activités sportives et culturelles ([33]). Son montant diffère selon le cycle de l’enseignement supérieur dans lequel est inscrit l’étudiant. Les élèves boursiers en seront exemptés et les étudiants inscrits à plusieurs formations supérieures ne la paieront qu’une seule fois. Elle sera acquittée chaque année ([34]) par les étudiants auprès des Centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires (CROUS) de leur ressort avant leur inscription administrative auprès de leur établissement. Le recouvrement sera assuré par le CROUS qui sera chargé de reverser à chaque établissement ([35]) une part de la contribution selon des modalités, devant tenir compte à la fois des effectifs et du nombre de sites des établissements, qui seront fixées par décret.
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La commission des affaires sociales procède à l’examen pour avis du projet de loi relatif à l’orientation et à la réussite des étudiants (Mme Christine Cloarec, rapporteure pour avis) lors de sa réunion du mardi 5 décembre 2017.
Mme la présidente Brigitte Bourguignon. Chers collègues, notre commission est saisie pour avis des articles 3 et 4 du projet de loi relatif à l’orientation et à la réussite des étudiants. Nos éventuelles propositions d’amendement seront transmises à la commission des affaires culturelles et de l’éducation, saisie au fond, qui en débattra cet après-midi, ainsi que des autres articles du projet de loi. Cette procédure explique l’horaire un peu inhabituel de notre réunion.
Mme Christine Cloarec, rapporteure pour avis. Mes chers collègues, notre commission s’est effectivement saisie des articles 3 et 4 du projet de loi relatif à l’orientation et à la réussite des étudiants, qui traitent de la santé des étudiants, thème qui nous concerne. Il est proposé de supprimer le régime de sécurité sociale dérogatoire des étudiants et d’instaurer une nouvelle contribution destinée à favoriser l’accompagnement social, sanitaire, culturel et sportif.
Ces évolutions législatives s’inscrivent dans le cadre des orientations du « Plan étudiants » présentés par la ministre de l’enseignement supérieur, Frédérique Vidal. Mieux se soigner, telle est l’ambition affichée d’un des volets de ce plan. Outre le financement et le renforcement des services de santé universitaires, la constitution de dix centres de santé supplémentaires, dont le nombre passera de vingt-quatre à trente-quatre d’ici à 2019, et la création d’une Conférence de prévention étudiante, il est ainsi proposé le rattachement des étudiants au régime général de la sécurité sociale.
Le régime de sécurité sociale étudiante a en effet montré ses limites au cours des dernières années. De plus, les étudiants cotisaient 217 euros chaque année pour être affiliés au régime général obligatoire, alors même qu’ils n’étaient pas salariés et sans que cela garantisse un accès effectif aux soins.
Plusieurs rapports se sont émus des difficultés rencontrées par les étudiants pour faire valoir leurs droits à la protection sociale. L’Union fédérale des consommateurs Que choisir (UFC-Que choisir), en 2012, et le Défenseur des droits, plus récemment, en 2015, ont recueilli des témoignages accablants : délais de remboursement pouvant atteindre une année, taux de décroché insuffisant, absence de réponse téléphonique aux réclamations dans la plupart des cas. S’agissant de l’accès aux droits, 26 % des étudiants ayant participé à l’appel à témoignages du Défenseur des droits ont indiqué avoir rencontré des difficultés pour s’affilier. Or la non-affiliation entraîne, de facto, une rupture des droits à la sécurité sociale, avec toutes les conséquences que cela implique : l’étudiant ne peut pas être remboursé de ses dépenses de santé ni bénéficier du tiers payant et encore moins obtenir une attestation de droits indispensable pour effectuer un stage.
La Cour des comptes, de son côté, a effectué une mission entre 2012 et 2013 dont les conclusions étaient aussi sans appel, avec un service dégradé, particulièrement à La Mutuelle des étudiants (LMDE) où un appel sur quatorze avait une chance d’aboutir et où le stock de courriers non ouverts était impressionnant. Dans un autre registre, la Cour des comptes a également pointé des coûts de gestion supérieurs à la moyenne.
Malgré les efforts faits par ces mutuelles depuis ces constats, ce régime paraît bien à bout de souffle.
Créé dans un contexte historique particulier d’après-guerre, il avait pour ambition de conforter l’autonomie des étudiants en créant une sécurité sociale qui leur soit propre. C’est pourquoi en 1948, la gestion du régime obligatoire de l’assurance maladie a été déléguée à la Mutuelle nationale des étudiants de France (MNEF, devenue LMDE) qui a été chargée de gérer et liquider les prestations en nature des assurances maladie, maternité et invalidité. En 1972, cette mission de service public a été confiée également à la dizaine de mutuelles régionales qu’on appelle les Sociétés mutualistes étudiantes régionales (SMER). En presque soixante-dix ans, le nombre d’étudiants a explosé, passant de 150 000 en 1948 à 2,5 millions en 2016. L’année passée, ce sont 1,8 million d’assurés et 569 millions d’euros de remboursements que les mutuelles ont dû gérer.
Il devient donc nécessaire de faire évoluer ce modèle hérité de l’après‑guerre et de l’adapter.
Il a déjà connu quelques avancées. La loi de financement de la sécurité sociale pour 2016 a instauré le principe de protection universelle maladie (PUMA), qui permet aux étudiants d’être considérés comme des assurés autonomes, et un décret fixe les modalités d’organisation de ces délégations de gestion ; il est prévu qu’il puisse y être mis fin en cas de défaillance caractérisée de l’organisme délégataire. Par ailleurs, à la suite d’importantes difficultés financières, la mutuelle LMDE a été mise sous sauvegarde judiciaire et a conclu un partenariat avec la Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) le 1er octobre 2015. Depuis lors, elle ne gère plus que l’accueil au guichet et les affiliations. Selon la CNAMTS et la direction de la sécurité sociale, le service offert aux étudiants s’est notablement amélioré. Le taux de décroché s’élève désormais à 92 % et le délai moyen de remboursement pour des feuilles de soins électroniques est de six jours.
L’article 3 du projet de loi poursuit cette logique et met fin à la délégation de gestion du régime obligatoire d’assurance maladie des étudiants.
Les mutuelles pourront continuer à proposer des prestations au titre de la couverture complémentaire. Les étudiants relèveront désormais du régime de leurs parents. Leurs conditions d’affiliation seront simplifiées : ils n’auront plus, chaque année universitaire, à s’inscrire à une mutuelle, ce qui évitera les risques de rupture de droits, et n’auront plus à opérer de transfert de régime à la fin de leurs études dans la grande majorité des situations. Le calendrier proposé sera progressif puisque seuls les nouveaux entrants bénéficieront du nouveau système à la rentrée de 2018 ; les autres attendront celle de 2019.
D’autre part, la cotisation forfaitaire maladie de 217 euros dont ils devaient s’acquitter chaque année est supprimée.
Le texte prévoit pour le personnel des mutuelles étudiantes régionales des garanties identiques à celles proposées en 2015 pour le personnel de la LMDE : bonne intégration sociale et proposition d’affectation correspondant au niveau de qualification, pas de mobilité géographique subie. Ainsi, 436 personnes représentant 424 équivalents temps plein (ETP) avaient été transférées dans cinquante-six organismes du régime général, sans difficulté majeure. La CNAMTS a été autorisée à intégrer 395 ETP dans ses plafonds d’emplois. Il est également prévu le versement éventuel d’une indemnité aux mutuelles pour préjudice anormal et spécial.
Conscient que les étudiants restent néanmoins une population spécifique, particulièrement du point de vue de la prévention, le texte consolide les actions de prévention menées par l’assurance maladie à destination de la jeunesse. Une ligne sera dédiée à ces actions au sein du Fonds national de prévention, d’éducation et d’information sanitaire (FNPEIS) de la CNAMTS pour les jeunes âgés de seize à vingt-trois ans.
Le « Plan étudiants » complète ce dispositif législatif en créant une Conférence de prévention chargée de recenser les actions prioritaires et de suivre l’état de santé des étudiants. Elle associera des représentants de l’université, des étudiants et de l’assurance maladie.
La médecine préventive n’est pas oubliée. Une nouvelle contribution « vie étudiante », objet de l’article 4, renforcera les services universitaires de médecine préventive, notamment leur dispositif d’étudiant relais qui permet des actions de prévention par les pairs. Ces services seront incités à se transformer en centres de santé.
Voilà donc les principales évolutions proposées par ce texte, qui ne pourront que contribuer à améliorer la couverture santé des étudiants, à simplifier leurs démarches administratives et à améliorer, plus largement, leurs conditions de vie.
Mme la présidente Brigitte Bourguignon. Avant de vous donner la parole, chers collègues, je tiens à exprimer ma satisfaction. Les dispositions présentées répondent à mon avis à trois attentes majeures des étudiants et de leurs familles : une meilleure couverture sociale, un peu de pouvoir d’achat – on sait quels sacrifices les études imposent aux étudiants et aux familles – et une simplification de la couverture sociale.
M. Olivier Véran. C’est un plaisir, il faut le dire, que d’examiner ce matin, en commission des affaires sociales, ces articles 3 et 4 du projet de loi relatif à l’orientation et à la réussite des étudiants. Cela fait des années que nous en parlons ! Certes, il y eut des évolutions, au cours de la précédente législature, notamment l’intégration d’une partie de l’activité de certaines mutuelles étudiantes au régime général – pour la part du régime obligatoire. À l’époque, cela avait pu faire débat, susciter des inquiétudes : y aurait-il encore de la place pour la santé des étudiants ? Oui. Le service rendu s’est considérablement amélioré. Qui n’a pas connu une rentrée universitaire avec ces files d’étudiants qui espèrent avoir au bout de je ne sais combien de mois une carte Vitale n’a pas fréquenté les bancs de l’université depuis très longtemps. Depuis des années, vraiment, le système ne fonctionnait pas bien. Le système d’information, notamment, pèse dans la gestion d’un régime étudiant de sécurité sociale, de même que les systèmes de gouvernance. Ce n’est pas la faute des personnes qui s’impliquent ; je salue l’engagement individuel et collectif de ceux qui, pendant des années, ont porté à bout de bras des systèmes de sécurité sociale étudiante ou de complémentaire santé pour les étudiants, mais le service était complexe. Il suffit de consulter les forums sur internet ou son propre courrier de parlementaire : les étudiants vous disent qu’ils attendent leur carte Vitale depuis dix-huit mois, qu’ils espèrent depuis quatre mois un remboursement, etc.
Nous franchissons aujourd’hui une étape supplémentaire, en reconnaissant à la CNAM la capacité de gérer les régimes de sécurité sociale de l’ensemble des Français, les étudiants étant enfin intégrés dans le dispositif. Le régime général saura faire, n’ayons pas d’inquiétude ! En plus, un tropisme particulier en direction de la jeunesse s’exprimera dans les campus, à travers les centres de santé et par des actions de prévention spécifiques.
Non seulement les capacités et le savoir-faire de la CNAM permettront d’améliorer le service rendu aux étudiants – en termes de remboursement, d’actions ciblées de santé, de prévention et de prise en charge du public étudiant – mais cela pourra être fait à moindre coût. D’ailleurs, ce sont jusqu’à 10 euros de pouvoir d’achat par mois qui seront rendus à certains étudiants – soit le double du montant de la baisse des aides personnalisées au logement (APL) dont on a tant parlé. J’aimerais que l’on parle de ces 10 euros par mois que l’on va rendre à des milliers et des milliers d’étudiants chaque mois, tout en améliorant, répétons-le, le service rendu !
Sous la précédente législature, j’ai voté en faveur de la loi transposant l’accord national interprofessionnel (ANI) sur la sécurisation de l’emploi, en vertu de laquelle l’accès à la complémentaire santé à travers le travail a été généralisé à tous les salariés dans notre pays. De fait, trois catégories de Français étaient donc exclues : les retraités, les chômeurs et les étudiants. On ne peut pas prétendre aspirer à une généralisation de la complémentaire santé sans se donner la peine d’en garantir une à la totalité des étudiants. Nous devons donc y travailler collectivement au cours des deux prochaines années
Le groupe La République en Marche soutient le projet de loi et souscrit à la manière dont Mme la rapporteure pour avis aborde le débat.
Mme Josiane Corneloup. Ce projet de loi pose la question des principaux écueils auxquels se heurte notre système universitaire – au premier rang figure cet important taux d’échec de 60 % en première année – et vise à y remédier par une série de mesures qui peut laisser perplexe.
La fin du tirage au sort organisé au cours du quinquennat Hollande et décrié de toutes parts est assurément une bonne nouvelle. Encore faut-il savoir par quoi il sera remplacé ! Le texte laisse entendre que sera instaurée une sélection qui ne dit pas son nom dans les filières en surnombre, qui serait le fait d’une commission, dans des conditions très floues, mais s’il y a sélection, cela ne peut être que sur des critères précis ! Il est à craindre que pour ne pas affronter le problème le Gouvernement ne se défausse sur un traitement administratif lourd, prétendument bienveillant mais qui lésera in fine les candidats.
Nous attendons donc des précisions quant aux critères d’admission qui seront pris en compte par les universités. Une orientation éclairée et une sélection adaptée sont indispensables. D’ailleurs, huit bacheliers sur dix font le choix d’une filière sélective ce qui montre qu’ils ont bien compris où se situent les chances de réussite et d’insertion professionnelle.
Mme la présidente Brigitte Bourguignon. Je vous rappelle, chers collègues, que nous ne sommes saisis pour avis que des articles 3 et 4. Vous pourrez bien sûr faire des observations sur les autres articles en commission des affaires culturelles.
Mme Élisabeth Toutut-Picard. Votre exposé, chère collègue, montre bien la nécessité d’une réforme de la protection sociale des étudiants. Les dysfonctionnements de ce régime dérogatoire, avec des coûts de gestion élevés pour une qualité de service qui laisse à désirer, remettent en cause l’exercice par les étudiants de leurs droits et leur accès aux soins. Je comprends donc tout à fait la suppression de la délégation de gestion donnée aux mutuelles étudiantes et le transfert, à terme, des cotisations payées par les étudiants au régime général de sécurité sociale.
Je voudrais cependant vous interroger sur les conditions de ce transfert pour les mutuelles et pour leur personnel. Certaines ont sollicité le report de la suppression effective de la délégation de gestion au mois de septembre 2020, afin de préparer la transition et de la mener dans les meilleures conditions. Cela leur donnerait aussi un peu de temps pour retrouver un équilibre financier et une viabilité économique. Quel est votre avis, madame la rapporteure ?
J’appelle aussi votre attention sur l’avenir des personnels de ces mutuelles, en particulier ceux qui gèrent l’affiliation et les prestations. En matière d’affiliation, l’activité résiduelle de la rentrée 2017-2018 se poursuivra, en diminuant, jusqu’au 30 juin 2018, et s’arrêtera définitivement à cette date. Quant aux prestations, elles seront remboursées aux étudiants jusqu’au 31 août 2019, assurant ainsi une activité totale jusqu’à cette date. Qu’adviendra-t-il ensuite ? Il est vraiment nécessaire de donner aux personnels une visibilité pour permettre une exécution des tâches dans les meilleures conditions possibles jusqu’au terme de l’activité.
Mme la rapporteure. Je l’ai dit, l’expérience du transfert qu’a connue la LMDE en 2015 est plutôt rassurante. Les personnels ont tous été transférés sans mobilité géographique subie, et la plupart – 436 – ont été intégrés dans les services de la CNAMTS, apparemment sans problème. Le transfert s’est donc plutôt bien passé. Cette première expérience nous donne à penser que le transfert des personnels ne posera pas plus de problèmes pour les mutuelles régionales.
Ce sera un dispositif en deux temps. En 2018, les nouveaux entrants resteront au régime général de leurs parents. Puis ce sont tous les étudiants, à la rentrée 2019, qui reviendront au régime général.
M. Alain Ramadier. Une fois la compétence reprise par la caisse nationale d’assurance maladie, aucune mesure de contrôle de la qualité des services n’est prévue. Or, avec la fin de la délégation, le service rendu risque, selon moi, de coûter plus cher, le coût de gestion des dossiers étant supérieur à la CNAMTS à ce qu’il est dans les mutuelles étudiantes. Et a-t-on envisagé de publier des indicateurs de qualité des services proposés aux étudiants en matière de santé ? C’est tout de même une réalité spécifique, et notre but est de favoriser leur réussite.
M. Pierre Dharréville. Évidemment, la santé des étudiants est un sujet important, qui justifie que l’on agisse. Nous ne sommes donc pas foncièrement hostiles aux dispositions proposées, même si quelques points nous préoccupent. Certes, vous avez apporté, madame la rapporteure pour avis, quelques précisions quant au transfert des personnels, mais il faudra y être particulièrement attentif. Et qu’en est-il de la couverture des étudiants ? Aujourd’hui, 9 % n’ont pas de couverture complémentaire. Il eût peut-être été opportun, à la faveur de cette réforme, de réfléchir à un remboursement réellement à 100 % pour les étudiants, dont nous savons qu’ils vivent dans des conditions économiques et financières difficiles. Quant à la prévention, il serait peut-être utile de redéfinir avec les mutuelles le rôle qu’elles peuvent jouer en tant qu’outils des étudiants eux-mêmes. Enfin, qu’en est-il de la possibilité de nous acheminer vers un tiers payant généralisé ? Il serait encore plus justifié pour cette catégorie de la population que pour toutes les autres.
M. Jean-Pierre Door. Au mois de décembre 2015, j’avais eu l’occasion, au nom de la mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (MECSS), de souligner les difficultés des mutuelles étudiantes et de m’interroger sur leur avenir, d’autant qu’elles étaient délégataires du régime général d’assurance maladie. Un article du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2016 avait, sans aucune concertation, sans aucune étude d’impact, modifié les conditions de délégation du service public pour les mutuelles. Nos avions à l’époque, dénoncé cette modification extrêmement complexe. Il n’y a pas que la LMDE qui posait des problèmes. Il y aussi EmeVIA, fédération de onze mutuelles, qui gère près d’un million d’étudiants pour le régime général et 250 000 étudiants pour le régime complémentaire.
Voilà que nous est proposé quelque chose qui procède plus ou moins de la même logique que la suppression du régime social des indépendants (RSI). Je pense que nous n’avons pas fait une étude d’impact précise de la suppression de ces délégations. Le Gouvernement avait proposé un nouveau cadre juridique pour ce régime général obligatoire de l’assurance maladie des étudiants. Nous voulons une réelle amélioration de la protection des étudiants, mais il faut agir de façon plus raisonnée, avec une véritable étude d’impact. Depuis ce rapport il y a deux ans, nous en sommes toujours au point mort. Certes, nous avons des paroles, certes, nous avons cet article 3, mais il est un peu court.
Mme la rapporteure. La Cour des comptes semble dire un peu le contraire de ce que vous prétendez, M. Ramadier. Elle estime que les coûts de gestion des mutuelles étudiantes sont supérieurs à la moyenne.
Quant à l’évaluation, monsieur Door, j’ai déposé un amendement visant à obtenir un rapport de suivi et d’évaluation de l’impact de ces évolutions.
Effectivement, Monsieur Dharréville, il y a des étudiants qui n’ont pas encore de complémentaires santé, et, en l’occurrence, nous traitons vraiment du régime général. Cependant, les enfants restent désormais affiliés au régime de leurs parents. Lorsque leurs parents sont couverts par une complémentaire santé, ils bénéficieront de cette couverture. En ce qui concerne la prévention, les services universitaires de médecine préventive opèrent déjà au sein des universités, pour des actions avec les étudiants-relais. Je l’ai dit, les centres de santé devraient être plus nombreux – ce sont dix centres supplémentaires qui mèneront des actions de prévention.
Mme Jeanine Dubié. Ce texte arrive au bon moment. Les articles 3 et 4 portent sur la gestion des mutuelles étudiantes, qui suscite des critiques récurrentes depuis de nombreuses années. De nombreux rapports – de la Cour des comptes, du Défenseur des droits et des associations de consommateurs – ont souligné les défaillances de ces régimes ; la complexité des conditions d’affiliation, les retards, la difficulté d’obtenir une carte Vitale, les délais de remboursement importants et souvent l’absence de réponses aux réclamations.
Le Gouvernement nous donne aujourd’hui l’occasion d’aller au bout du mouvement engagé sous la précédente législature. En 2015, la LMDE avait conclu un partenariat avec la Caisse nationale d’assurance maladie pour la gestion du régime obligatoire de ces assurés. Je pense que c’est une réforme juste, dont les étudiants bénéficieront. Elle supprime un régime spécial, simplifie les conditions d’affiliation et assure à l’ensemble des étudiants la même qualité de suivi et d’accompagnement que les autres assurés. C’est aussi une mesure d’amélioration du pouvoir d’achat, d’autant que les étudiants boursiers seront exonérés du versement de la contribution prévue à l’article 4, et des actions de prévention seront maintenues.
Deux questions toutefois. Vous dites que les enfants pourront bénéficieront de la protection de leurs parents, mais n’existe-t-il pas une limite d’âge, fixée à vingt-six ans ? Et quid des étudiants qui font leur thèse à l’étranger ? Devront-ils continuer de s’affilier à la Caisse des Français de l’étranger ?
M. Sébastien Chenu. Les indicateurs de qualité, en ce qui concerne le régime étudiant, étaient désastreux. J’accueille donc ce projet de loi avec une attention particulière. Il soulève cependant des interrogations et nous souhaitons quelques précisions. Mme Dubié a posé la question des boursiers qui ne payaient pas de cotisation pour le régime étudiant de la sécurité sociale. Pouvez-vous nous assurer qu’ils resteront exonérés ? Quand et comment le transfert des activités des mutuelles étudiantes à la CNAMTS sera-t-il fait ? Ne risque-t-on pas un « embouteillage » ? Quelles seront les modalités pratiques ? Quand et comment s’opérera la migration des collaborateurs vers la CNAMTS ? Comment tout cela s’organisera-t-il ? Une consultation est-elle en cours ?
M. Jean-Louis Touraine. Je suis naturellement favorable à l’évolution proposée, mais je n’en ai pas moins trois brèves questions. Premièrement, quid des complémentaires des étudiants qui ne peuvent bénéficier d’une complémentaire de leurs parents ? Deuxièmement, quel sera l’avenir des mutuelles étudiantes ? Troisièmement, et surtout, qu’en sera-t-il du travail de prévention des mutuelles ? Certes, on nous a indiqué que cette prévention serait maintenue, mais pourrions-nous avoir quelques précisions ? Quelles en seront les conditions à l’avenir ? Il faudra, dans un souci d’efficacité, continuer d’y associer les étudiants. Comment la prévention pourra-t-elle même être accrue, car nous sommes tous d’accord pour considérer qu’elle est insuffisante ? C’est une priorité de cette législature.
Mme la rapporteure. Madame Dubié, vous m’avez parlé des étudiants qui vont poursuivre leurs études à l’étranger et qui s’inscrivent à la CFE. Actuellement, leur situation en matière de protection sociale varie en fonction du pays d’accueil. Après la réforme proposée, ils seront inscrits au régime général. Pour le reste, ils pourront être couverts par les assurances complémentaires proposées par les mutuelles ou souscrites par leurs parents. Sur ce dernier point, il n’y a pas de changement.
Quant aux boursiers, ils vont être exonérés de la nouvelle contribution à la médecine préventive et n’auront donc plus rien à payer.
Monsieur Chenu, la direction de la sécurité sociale a déjà engagé une concertation avec les mutuelles pour que le transfert des dossiers se passe dans les meilleures conditions.
M. Jean-Carles Grelier. Madame la rapporteure je souhaitais appeler votre attention sur une question qui n’est pas traitée dans votre texte et qui, pour ne paraître qu’exceptionnelle, concerne quand même beaucoup d’étudiants. Il s’agit de l’étudiant qui, dans le cours de son cursus universitaire, en vient à créer une petite entreprise, souvent une start-up. Dans le système actuel, il se trouve automatiquement affilié au régime social des indépendants (RSI) tout en étant obligé de cotiser à une mutuelle étudiante. Le RSI et les mutuelles étudiantes doivent se rapprocher de la CNAM. À cette occasion, les étudiants concernés pourront-ils bénéficier d’une simple affiliation pour ne pas supporter cette charge supplémentaire ?
M. Cyrille Isaac-Sibille. Le groupe du Mouvement démocrate et apparentés se réjouit de la présentation de ce texte attendu. Lors de mes rencontres avec des présidents d’université, j’ai pu constater qu’ils étaient très préoccupés par la santé physique et psychologique des étudiants. La situation est telle que certains services universitaires de médecine préventive sont actuellement transformés en centres de santé. Comment peut-on faire de la prévention quand les soins ne sont pas assurés ?
M. Stéphane Viry. Nous sommes tous d’accord pour considérer que la santé des étudiants représente un vrai enjeu. Néanmoins, madame la rapporteure, lorsque vous dites que les audits du système actuel sont accablants, votre constat me semble un peu dur. Pour ma part, en préparant notre réunion, j’ai trouvé des avis émanant des contrôleurs de gestion de la CPAM qui tendaient à indiquer que les choses allaient dans la bonne direction et qu’il ne fallait pas jeter le bébé avec l’eau du bain.
J’ai lu aussi que la suppression de l’affiliation spécifique coûterait a priori 200 millions. Or nous n’en avons absolument pas parlé lorsque nous avons débattu, la semaine dernière, de l’élaboration du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2018.
Quelles seront les conséquences de la prise en charge, par les agents de la CPAM, de ce qui incombait jusqu’à présent au régime au régime étudiant ?
Était-il nécessaire que nous légiférions sur ces articles 3 et 4 ? Le pouvoir réglementaire dispose de certaines prérogatives qui lui permettent d’organiser les modalités de notre protection sociale. Pourquoi raccrocher à un texte sur la réussite scolaire, des dispositions sur la protection sociale qui auraient pu être gérées d’une autre manière et sans précipitation ?
Mme la rapporteure. Monsieur Grelier, notre volonté est de simplifier. À partir du moment où le RSI va être adossé au régime général, nous allons faire en sorte que les étudiants qui créent une entreprise soient affiliés au régime général.
Monsieur Isaac-Sibille, vous m’avez interrogée sur la prévention et la santé des étudiants, qui relèvent d’un autre débat. Nous sommes tous conscients que les étudiants ont du mal à se soigner quand ils font leurs études dans une autre ville que celle où vit leur famille, même si les centres de santé doivent répondre à ce besoin. La Conférence de prévention va permettre de rassembler tous les acteurs : représentants des universités, des étudiants et de la sécurité sociale. Son objet est précisément d’examiner la manière d’améliorer la prévention et les soins.
Monsieur Viry, j’ai moi-même mis dans mon rapport quelques bémols concernant le caractère accablant des audits : des efforts ont été accomplis au cours des dernières années mais ils ne sont pas suffisants. En outre, notre premier objectif est de simplifier le système.
Quant au coût de 200 millions, il est assumé puisqu’il s’agit d’améliorer la santé des étudiants et de simplifier les démarches administratives.
Mme la présidente Brigitte Bourguignon. Nous en venons à l’examen des articles et des amendements.
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Mme la présidente Brigitte Bourguignon. Nous en venons à l’examen des articles et des amendements.
Article 3
Suppression du régime de sécurité sociale applicable aux étudiants
La commission examine l’amendement AS42 de la rapporteure.
Mme la rapporteure. L’amendement a pour objet de compléter cet article par l’alinéa suivant : « Le Gouvernement remet au Parlement, au 1er septembre 2020, un rapport présentant le bilan du nouveau dispositif du régime obligatoire de sécurité sociale pour les étudiants et notamment l’évaluation de la qualité de l’accueil et du service. »
Cette évolution va concerner un nombre important d’étudiants – environ 1,8 million d’assurés – et nécessitera un transfert de dossiers des mutuelles étudiantes vers les régimes obligatoires d’assurance maladie. À la même période, la CNAMTS devra en outre gérer le transfert des assurés du RSI.
C’est pourquoi, il me semble important de pouvoir vérifier la bonne application de cette réforme et d’en mesurer les conséquences.
La commission adopte l’amendement.
Puis elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 3 modifié.
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La commission est saisie de l’amendement AS13 de M. Pierre Dharréville.
M. Pierre Dharréville. Cet amendement vise à améliorer l’accès aux soins des étudiants. Selon la dernière enquête nationale de l’Observatoire de la vie étudiante, publiée en septembre 2017, 30 % des étudiants déclarent avoir déjà renoncé à des soins. Dans 44,5 % des cas, le renoncement était dû à des raisons financières.
Pour lutter contre le problème du renoncement aux soins, nous proposons d’expérimenter l’extension du tiers payant généralisé (TPG) aux étudiants affiliés au régime général de sécurité sociale. Cette extension est rendue nécessaire en raison des critères inadéquats pour l’accès à l’Aide au paiement d’une complémentaire santé (ACS). Il est donc proposé ici une expérimentation de cette mesure dans le département de la Seine-Saint-Denis, qui concentre un nombre important d’étudiants.
Mme la rapporteure. J’émets un avis défavorable à cet amendement. Je suis parfaitement consciente que des étudiants renoncent à des soins pour des raisons financières, mais on ne peut pas faire de la Seine-Saint-Denis un cas particulier ; nous devons raisonner pour l’ensemble des étudiants.
M. Olivier Véran. Monsieur Dharréville, sur la question de l’application de la suppression du reste à charge, les étudiants représentent un bon public pour les raisons évoquées précédemment : ils ne sont pas couverts, à travers l’accord national interprofessionnel, par une assurance complémentaire. Ils ont des besoins de santé particuliers et des dépenses qui peuvent être plus élevées. Si elle devait aller à son terme, la généralisation du tiers payant serait intéressante pour les étudiants comme pour les retraités, les personnes en demande d’emploi et certains publics fragiles. Ces catégories de personnes renoncent souvent à des soins, et pas seulement à ceux qui coûtent cher comme les soins dentaires.
Nous devons y remédier mais plutôt dans le cadre de la réforme de la sécurité sociale. Je vous tends la main pour effectuer ce travail consistant à élargir la couverture d’une manière globale plutôt que par petits bouts et par territoires.
M. Pierre Dharréville. Je saisis volontiers la main qui m’est tendue par le rapporteur général. Nous aurons l’occasion d’en rediscuter mais je me permets d’être un peu taquin. Pourquoi la Seine-Saint-Denis et pas un autre département ? Tout simplement parce que se situer dans un territoire est la logique même d’une expérimentation. Cela aurait pu être ailleurs, mais si vous pensez que cette mesure est bonne et qu’elle mériterait d’être étendue partout, je vous encourage à présenter un sous-amendement en ce sens…
La commission rejette l’amendement.
Elle en vient à l’amendement AS15 de M. Pierre Dharréville.
M. Pierre Dharréville. Nous restons dans le même ordre d’idée. Un tiers des étudiants renonce à des soins, le plus souvent pour des raisons financières. En outre, l’absence de couverture complémentaire concernerait un étudiant sur dix, alors que le taux de couverture de la population générale atteint 94 %. Si le présent projet de loi entend rattacher les étudiants au régime général de sécurité sociale afin d’améliorer leur couverture maladie obligatoire, il convient également de réfléchir aux moyens d’améliorer leur couverture maladie complémentaire.
Certaines collectivités territoriales délivrent des chèques santé locaux pour aider les jeunes à accéder à une complémentaire santé. Ces dispositifs mériteraient de faire l’objet d’une évaluation dédiée pour en mesurer l’impact en termes de santé publique et de réduction des inégalités sociales de santé.
D’autres propositions intéressantes sont dans le débat : la création d’un chèque national santé, l’extension de l’ACS ou encore l’élargissement de la couverture maladie universelle complémentaire (CMU-C) aux jeunes. En l’état, ces deux derniers dispositifs bénéficient très peu aux étudiants car ils sont conditionnés à des niveaux de ressources.
La présente demande de rapport vise donc à dresser l’état des lieux des dispositifs existants, d’en évaluer la pertinence en termes d’accès aux soins pour les étudiants, et de formuler des recommandations pour améliorer leur couverture santé.
Mme la rapporteure. Avis défavorable. On ne peut que souscrire à tous vos propos mais ces sujets seront abordés dans le cadre de la Conférence de prévention. Notons que la présente réforme va permettre à certains étudiants de rester dans le régime obligatoire de leurs parents et de bénéficier de l’assurance complémentaire de ces derniers. Certes nous devons nous préoccuper de l’amélioration des soins de ceux qui n’auront toujours pas d’assurance complémentaire santé.
La commission rejette l’amendement.
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Article 4
Création d’une contribution destinée à favoriser l’accompagnement social, sanitaire, culturel et sportif des étudiants
La commission examine, en discussion commune, l’amendement AS30 de M. Jean-Hugues Ratenon et l’amendement AS43 de la rapporteure.
M. Jean-Hugues Ratenon. Nous proposons de supprimer une différence de traitement instaurée entre les étudiants du premier et du second cycles.
Mme la rapporteure. Je souhaite le retrait de votre amendement puisque le mien va dans le même sens. Il n’y a pas de différence à faire entre les contributions « vie étudiante » : l’idée est d’instaurer un montant unique de 110 euros qui mettra tous les étudiants sur un pied d’égalité. Précisons que les boursiers sont exonérés de cette contribution.
L’amendement AS30 est retiré.
La commission adopte l’amendement AS43.
En conséquence, l’amendement AS32 tombe.
La commission en vient à l’amendement AS33 de Mme Caroline Fiat.
M. Jean-Hugues Ratenon. La contribution créée par l’article 4 rend obligatoires des dépenses auxquelles les étudiants peuvent actuellement souscrire librement pour les services sportifs et culturels proposés par l’université.
Le constat est simple : plus de la moitié des étudiants n’ont pas les moyens de financer leurs études et sont donc contraints de travailler en même temps qu’ils étudient. Ce temps passé travailler leur manque pour les études et ils en paient les conséquences. On n’a pas besoin de rappeler ici le taux d’échec impressionnant observé chez les étudiants salariés.
Il est parfaitement injuste de faire payer à des étudiants – qui n’en ont pas les moyens – une contribution pour des activités auxquelles ils n’auront pas le temps de participer. Nous proposons donc d’exonérer de contribution les étudiants qui exercent une activité salariée dépassant neuf heures par semaine.
Mme la rapporteure. Avis défavorable. Les étudiants qui travaillent peuvent contribuer aux activités qui leur sont proposées – qu’elles soient culturelles ou sportives – ainsi qu’aux services de santé. On n’a pas à faire de cas d’espèce pour les salariés. C’est souvent le manque d’argent qui les pousse à devenir salariés mais, du coup, ils ont les moyens de contribuer et de participer à la vie étudiante et aux services qui leur sont apportés.
La commission rejette l’amendement.
Elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 4 modifié.
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Puis la commission émet un avis favorable à l’adoption de l’ensemble des dispositions dont elle est saisie, modifiées.
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Annexe :
Liste des personnes auditionnées par lA rapporteurE
I. Auditions de la rapporteure
Union nationale inter-universitaire (UNI) – M. Olivier Vial, président
Conférence des Présidents d’Université (CPU) – M. Bernard Saint‑Girons, délégué général par intérim (ancien recteur), et M. Karl Stoeckel, conseiller pour les relations avec le Parlement, Mme Clotilde Marseault, chargée de mission vie étudiante
II. Auditions communes avec le rapporteur de la commission saisie au fond
Ministère des affaires sociales et de la santé – Direction de la sécurité sociale (DSS) – Mme Mathilde Lignot-Leloup, directrice de la sécurité sociale, Mme Élodie Lematte, sous-directrice – sous-direction du pilotage du service public de la Sécurité Sociale, M. Maurice Allard, rédacteur à la sous‑direction du pilotage du service public de la Sécurité Sociale
EmeVia – M. Benjamin Chkroun, délégué général, Mme Christine Nunes-Manso, chargée de mission protection sociale et promotion de la santé
La mutuelle des étudiants (LMDE) – M. Romain Boix, président, Mme Lisa Ribeaud, vice-présidente, M. Benoît Soulier, chargé de missions
SMEREP – M. Adrien Le Roux, président, M. Arthur Gachet, consultant
Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) – M. Nicolas Revel, directeur général, Mme Aurélie Combas‑Richard, directrice de mission, Mme Véronika Levendof, responsable du département juridique
([1]) Congrès de Grenoble d’avril 1946.
([2]) Loi n° 48-1473 du 23 septembre 1948 étendant aux étudiants certaines dispositions de l’ordonnance
n° 45-2454 du 19 octobre 1945 fixant le régime des assurances sociales applicable aux assurés des professions non agricoles.
([3]) Article L. 381-9 du code de la sécurité sociale abrogé par l’article 59 de la loi n° 2015-1702 du 21 décembre 2015 de financement de la sécurité sociale pour 2016.
([4]) Cour des comptes, Rapport sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale pour 2013, La gestion par des mutuelles de l’assurance maladie obligatoire des agents publics et la sécurité sociale des étudiants, septembre 2013, Défenseur des droits, Accès des étudiants aux soins : leur protection sociale
est-elle à la hauteur des enjeux ?, mai 2015, Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale, M. Jean-Pierre Door, Quel avenir pour les mutuelles délégataires du régime général de l’assurance maladie ?, décembre 2015.
([5]) Article 59 de la loi n° 2015-1702 du 21 décembre 2015 de financement de la sécurité sociale pour 2016 qui instaure la protection universelle maladie (PUMA).
([6]) Décret n° 2017-656 du 27 avril 2017 relatif aux délégations d’opérations de gestion pour la prise en charge des frais de santé de certaines catégories d’assurés.
([7]) Arrêté en date du 31 mars 1992.
([8]) Décomptes.
([9]) Audition de la MECSS du 16 septembre 2015.
([10]) Audition du 24 juin 2015.
([11]) Article 59 de la loi n° 2015-1702 du 21 décembre 2015 de financement de la sécurité sociale pour 2016.
([12]) Pays de l’EEE ou ayant un accord de prise en charge des ressortissants Européens : Allemagne, Autriche, Belgique, Bulgarie, Chypre, Danemark, Espagne (y compris les îles Baléares et les Canaries), Estonie, Finlande, Grèce, Hongrie, Irlande, Islande, Italie, Lettonie, Liechtenstein, Lituanie, Luxembourg, Malte, Norvège, Pays-Bas, Pologne, Portugal (y compris les archipels de Madère et des Açores), République Tchèque, Roumanie, Royaume-Uni (l’Angleterre, l’Écosse, le Pays de Galles, l’Irlande du Nord et Gibraltar), Slovaquie, Slovénie, Suède, Suisse.
([13]) Tableaux de l’économie française de l’INSEE, mars 2016.
([14]) Défenseur des droits, Accès des étudiants aux soins : leur protection sociale est-elle à la hauteur des enjeux ?, mai 2015.
([15]) Cour des comptes, Rapport sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale pour 2013, La gestion par des mutuelles de l’assurance maladie obligatoire des agents publics et la sécurité sociale des étudiants, septembre 2013.
([16]) 16 septembre 2015.
([17]) Rennes, Poitiers, Créteil et Lille.
([18]) Audition du 21 novembre 2017.
([19]) Le taux moyen d’une CPAM en 2016 est de 90,29 %.
([20]) Le taux moyen d’une CPAM en 2016 est de 6,5 jours.
([21]) Le 6 ° du I de l’article 3 du présent projet de loi.
([22]) Arrêté du 27 juillet 2017 fixant la cotisation forfaitaire d’assurance maladie due par les étudiants pour l’année universitaire 2017-2018.
([23]) Audition du 21 novembre 2017.
([24]) Audition du 23 novembre 2017.
([25]) Audition du 28 novembre 2017.
([26]) Rapport général de concertation, Daniel Filatre, Réformer le premier cycle de l’enseignement supérieur et améliorer la réussite des étudiants, octobre 2017.
([27]) Audition du 23 novembre 2017.
([28]) Il devient l’article L.161-1-12-1.
([29]) Audition du 21 novembre 2017.
([30]) Audition du 28 novembre 2017.
([31]) Création d’un nouvel article L.841-5 du code de l’éducation.
([32]) Article L. 831-3 du code de l’éducation.
([33]) Suppression du second alinéa de l’article L. 831-3 du code de l’éducation.
([34]) L’entrée en vigueur est prévue pour la rentrée 2018.
([35]) Lycées publics et lycées privés sous contrat dispensant des formations d’enseignement supérieur, établissements publics d’enseignement supérieur, établissements d’enseignement supérieur privés d’intérêt général et CROUS.