N° 762

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 13 mars 2018

AVIS

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE LÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE SUR LE PROJET DE LOI, après engagement de la procédure accélérée, relatif à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense (n° 659),

PAR M. Olivier GAILLARD

Député

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SOMMAIRE

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 Pages

INTRODUCTION

I. UNE PROGRAMMATION DE RENOUVEAU

A. Du livre blanc de 2013 à lAmbition 2030

B. La hausse des crédits budgétaires

1. Un effort indispensable pour réparer les effets de plus de dix années de restrictions

2. La programmation nest plus soumise à laléa des ressources exceptionnelles

C. Un modèle darmée recentré sur lhomme

1. Une hausse modérée mais continue des effectifs entre 2015 et 2025

a. Les personnels civils et militaires

b. La réserve opérationnelle

2. Lamélioration du quotidien des soldats et de lattractivité des carrières

D. Les équipements : renouvellement et innovation

1. Les principales livraisons

2. Les programmes de très long terme

3. Lentretien programmé du matériel, le maintien en condition opérationnelle et les infrastructures

4. Le soutien à linnovation

E. Un contexte favorable aux industries de défense

1. Une nette amélioration de la position de la France sur le marché mondial depuis 2012

2. Des programmes soutenables grâce aux exportations

3. Des rapprochements qui préfigurent une BITD européenne

4. Le soutien aux exportations

II. UNE SINCÉRITÉ BUDGÉTAIRE MIEUX ASSURÉE

A. Une trajectoire budgétaire globalement en phase avec la loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022

1. Le budget de la défense, composante majeure de la programmation des finances publiques

2. La question des restes à payer

3. Lhorizon des 2 % de PIB

B. un pilotage budgétaire rationalisé

1. Lentrée en programmation se fait dans des conditions favorables

2. Les surcoûts des OPEX et des MISSINT : un compromis satisfaisant entre sincérité et aléa

3. Lobjectif de réduction du report de charges

C. lenjeu de la maîtrise de La masse salariale et du coût des pensions

1. La masse salariale.

2. Les pensions

III. AMÉLIORER LE CONTRÔLE EXERCÉ PAR LE PARLEMENT

EXAMEN EN COMMISSION

annexe : Liste des personnes auditionnées


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   INTRODUCTION

Le projet de loi de programmation militaire (LPM) pour les années 2019‑2025 intervient après une décennie de programmation dont on peut souligner trois grandes caractéristiques :

        un engagement opérationnel intense sur les théâtres d’opération extérieurs puis, à partir de 2015, sur le territoire national, et une intensification des menaces ;

        un contexte économique et budgétaire de crise sans précédent ayant entraîné un accroissement considérable du déficit public ;

        des difficultés récurrentes dans l’exécution non seulement des crédits inscrits en programmation, mais aussi des crédits inscrits en lois de finances annuelles.

En outre, les armées étaient engagées dans un mouvement de réduction des effectifs civils et militaires qui s’est traduit par de profondes restructurations, qu’il s’agisse des regroupements d’unités ou des suppressions ou fusions de bases de défense.

Dans ce paysage traversé par des tensions multiples, le présent projet de loi donne enfin aux armées une perspective fondée sur des objectifs budgétaires clairs, et d’autant plus crédibles que le déficit public de la France est enfin retombé, en 2017, sous les 3 % de PIB.

La commission des finances s’est saisie du titre Ier du texte, dont les six articles fixent les objectifs de la politique de défense et la programmation financière. Ces objectifs sont précisés dans un rapport annexé dont l’approbation est prévue à l’article 2. Le reste du projet de loi comporte diverses dispositions de valeur normative, dont certaines ont des incidences budgétaires qui seront évoquées dans le présent avis.

Il convient de rappeler que le projet de loi s’inscrit dans le cadre de l’article 34 de la Constitution, lequel, dans sa rédaction issue de la loi constitutionnelle n° 2008-724 du 23 juillet 2008, prévoit que « des lois de programmation déterminent les objectifs de laction de lÉtat ». Les lois de programmation n’ont pas de caractère normatif : elles ne remettent nullement en cause le principe d’annualité budgétaire ; en particulier, elles ne contraignent pas le Parlement dans la discussion et le vote des crédits lors de l’examen annuel du projet de loi de finances.

En revanche, la programmation a un rôle politique fondamental : elle fixe aux armées un cap indispensable pour prévoir des opérations d’acquisition et d’entretien du matériel qui nécessitent d’être planifiées plusieurs années, voire plusieurs décennies, à l’avance.

En ce sens, le présent projet de LPM ouvre un horizon sans commune mesure avec les deux précédents exercices.

Le rapporteur pour avis de commission des finances pour la LPM 2014-2019 devait se contenter d’indiquer fin 2013 que le budget de la défense serait « sanctuarisé » sur la période – une sanctuarisation sur laquelle pesaient du reste de lourdes incertitudes dès le départ, puisque 6,13 milliards de recettes exceptionnelles, issues principalement de la vente de fréquences hertziennes et d’emprises immobilières, devaient compléter les 184 milliards d’euros de crédits budgétaires prévus sur les six ans. La nouvelle trajectoire va bien au-delà de la sanctuarisation : elle assurera non seulement la régénération de l’existant, ce qui était le point le plus urgent, mais aussi le renouvellement sur le long terme des équipements et le développement d’un modèle d’armée complet et soutenable jusqu’à l’horizon 2030. Pour les cinq premières années (2019-2023), ce sont 197,8 milliards d’euros de crédits budgétaires qui sont prévus pour les armées, les crédits annuels hors pensions de la mission Défense passant de 35,9 milliards en 2019 à 44 milliards (+ 8,1 milliards) en 2023.

Cette progression est consolidée par la synchronisation entre la nouvelle programmation militaire et la loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques (LPFP) pour les années 2018 à 2022, qui confirme les « marches » annuelles de 1,7 milliard d’euros jusqu’à 2020 et ouvre la voie à la poursuite continue de cette progression jusqu’à 2022. Les trois marches suivantes, de 3 milliards d’euros chacune, devront faire l’objet d’une consolidation à l’occasion des actualisations prévues à l’article 3.

En l’état, la chronique des cinq prochaines années est la suivante :

 

(en milliards d’euros courants)

 

2019

2020

2021

2022

2023

Total

2019-2023

Crédits budgétaires de la mission Défense 

35,9

37,6

39,3

41,0

44,0

197,8

Source : projet de loi de programmation militaire pour les années 2019-2025.

Pour l’ensemble de la période de programmation, la dépense prévue pour couvrir les besoins est estimée à 295 milliards d’euros, en sorte que l’effort de défense atteigne l’objectif global de 2 % du produit intérieur brut (PIB) en 2025.

C’est donc un nouveau chapitre qui s’ouvre dans l’histoire de la programmation militaire et des budgets de défense.

 


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I.   UNE PROGRAMMATION DE RENOUVEAU

A.   Du livre blanc de 2013 à l’Ambition 2030

La précédente loi de programmation reposait sur le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale (LBDSN) de 2013. Ce document, fruit d’une longue élaboration, fixait un modèle d’armée à l’horizon 2025 pour continuer à assurer l’autonomie stratégique de la France.

Après que le Président de la République eut annoncé, peu après son élection, la préparation d’un projet de loi de programmation militaire pour le début de l’année 2018, la revue stratégique menée par M. Arnaud Danjean est venue actualiser l’analyse des menaces contenue dans le Livre blanc et préciser les enjeux de la remontée en puissance voulue par le chef des armées. Elle met notamment en perspective :

        le renouvellement des deux composantes de la dissuasion nucléaire et la préservation d’un modèle d’armée complet et équilibré ;

        un effort dans le domaine des technologies, de la recherche et de l’innovation, tant en matière d’armement et d’industrie de défense que dans le cyberespace, où l’enjeu de la souveraineté numérique est devenu crucial ;

        un renforcement de l’attractivité des carrières et de la fidélisation des personnels, ce qui suppose notamment des mesures d’amélioration de la vie quotidienne des militaires.

Pour ces enjeux de long terme assignés au projet de LPM, un plan dit « Ambition 2030 » a été validé en conseil de défense le 22 novembre 2017. Ce plan, décliné dans le rapport annexé, définit les grands objectifs du présent texte en les inscrivant dans une trajectoire de plus long terme. Il vise en particulier à « accentuer leffort sur le renseignement, consolider la capacité des armées à prévenir les crises internationales, renforcer notre présence dans les nouveaux espaces de confrontation stratégique, en particulier en matière de cyberdéfense, développer notre capacité dinnovation et entretenir une ambition industrielle et technologique élevée » ([1]).

B.   La hausse des crédits budgétaires

1.   Un effort indispensable pour réparer les effets de plus de dix années de restrictions

Il convient de bien mesurer l’ampleur de l’évolution de la programmation : entre le « plus bas » de 2011 (30,1 milliards d’euros) et l’objectif de 50 milliards d’euros en 2025 (nécessaire pour couvrir les 295 milliards d’euros de besoins définis sur la période 2019-2025 ([2])), la progression est de 66 %. Les crédits de la programmation 2019-2025 connaîtront à eux seuls une hausse de 45,6 %.

Le graphique ci-dessous met en perspective les trajectoires des différentes LPM et l’exécution budgétaire réalisée en 2009-2016 et prévue en 2017 et 2018 :

Source : documents budgétaires (RAP) de chaque exercice, LFI 2017 et LFI 2018 mission Défense

D’un point de vue strictement budgétaire, les LPM de 2009 et de 2014 tracent des trajectoires de repli, conséquence de la nécessité de réduire les dépenses publiques après les mesures d’urgence destinées à répondre à la crise de 2008. Ce graphique doit être mis en regard avec le creusement considérable du déficit public :

évolution du déficit public en pourcentage du PIB depuis 2007

Source : INSEE.

 

Si, comme il est désormais vraisemblable, le déficit pour 2017 s’établit entre 2,7 et 2,8 %, la France pourrait sortir pour la première fois depuis dix ans de la procédure pour déficit excessif. La perspective de retour à l’équilibre posée par la LPFP s’en trouve renforcée, ce qui confère une crédibilité accrue aux financements prévus dans la future programmation.

2.   La programmation n’est plus soumise à l’aléa des ressources exceptionnelles

Il convient également de comparer la structure des ressources prévues. Le présent projet de loi est uniquement construit sur des crédits budgétaires. Les crédits des programmations 2009-2014, 2014-2019 et de l’actualisation 2015-2019 étaient au contraire « complétés », surtout en début de période, par des ressources exceptionnelles, ainsi que le montrent les trois tableaux suivant :

Crédits prévus par la LPM 2009-2014

(en milliards d’euros)

 

2009

2010

2011

2012

2013

2014

Total 2009-2014

Crédits budgétaires

29,65

29,65

29,55

30,19

30,56

30,90

180,50

Ressources exceptionnelles

1,61

1,22

0,54

0,20

0,10

0

3,67

Plan de relance de léconomie

0,97

0,74

1,71

Total

32,23

31,61

30,09

30,39

30,66

30,90

185,88

Source : loi de programmation militaire pour les années 2009 à 2014.

Crédits prévus par la LPM 2014-2019

(en milliards d’euros)

 

2014

2015

2016

2017

2018

2019

Total 2014-2019

Crédits budgétaires

29,61

29,61

30,13

30,65

31,50

32,36

183,86

Ressources exceptionnelles

1,77

1,77

1,25

0,91

0,28

0,15

6,13

Total

31,38

31,38

31,38

31,56

31,78

32,51

189,99

Source : loi de programmation militaire pour les années 2014 à 2019.

 

Crédits prévus par l’actualisation de la LPM 2015-2019

(en milliards d’euros)

 

2015

2016

2017

2018

2019

Total 2015-2019

Crédits budgétaires

31,15

31,73

32,11

32,62

33,87

161,48

Ressources issues de cessions

0,23

0,25

0,15

0,15

0,15

0,93

Total

31,38

31,98

32,26

32,77

34,02

162,

Source : loi actualisant la programmation militaire pour les années 2015 à 2019.

On le voit, la LPM 2014-2019 avait peu ou prou pour cible un retour, en euros courants, au niveau de 2009, c’est-à-dire du début de la précédente LPM. Mais il était prévu, pour les quatre premières années de programmation, un haut niveau de ressources exceptionnelles : environ 5,6 % de la ressource totale en 2014 et 2015, ce qui soumettait le budget de la défense à un aléa considérable. En l’absence des recettes escomptées de la vente de la bande de fréquences détenue par les armées, il fallut recourir la première année au programme d’investissements d’avenir (PIA2) ; en 2015, la ressource se faisant toujours attendre, le ministère de la défense mit à l’étude un mécanisme de « sociétés de projet » : la propriété des matériels acquis serait revenue à une société à laquelle le ministère aurait ensuite versé un loyer. Ce coûteux « projet d’endettement déguisé », pour reprendre les termes de la Cour des comptes, suscita une pluie de critiques et fut abandonné. À la suite de l’actualisation de 2015, la loi de finances rectificative de fin d’année ([3]) procéda à la budgétisation des ressources attendues de la cession des fréquences hertziennes, à hauteur de 2,14 milliards d’euros.

Le présent texte coupe court à tout pari sur des recettes exceptionnelles par nature imprévisible, étant entendu que le produit des ventes de matériels ou d’emprises immobilières du ministère des armées sera réaffecté au budget de la défense en plus des ressources budgétaires. Votre Rapporteur s’en félicite car la sincérité budgétaire s’en trouvera renforcée et le ministère des armées gagnera des marges de manœuvre en matière de pilotage de la dépense.

C.   Un modèle d’armée recentré sur l’homme

« On est enfin sorti des constructions traditionnelles de LPM autour de grands objets quon arborait fièrement : tant de bâtiments de premier rang, tant davions, tant de chars. » Ces propos tenus par le général Jean-Pierre Bosser, chef d’état-major de l’armée de terre, devant la commission de la défense le 13 février 2018 illustrent la nouvelle priorité de cette programmation « à hauteur dhomme ». L’attention portée aux personnels civils et militaires est indissociable des grands défis que les armées doivent relever en matière de recrutement et de fidélisation. La sophistication technologique des équipements, l’accent mis sur l’innovation, le renforcement de nos moyens de renseignement et la mise en place d’une posture permanente de cyberdéfense : autant d’éléments qui impliquent que les forces armées soient capables d’attirer de nouvelles compétences et de nouveaux profils. Cela passe non seulement par la fin des déflations d’effectifs, mais aussi par une amélioration des carrières, une prise en compte accrue de la vie familiale et une réhabilitation générale des infrastructures.

1.   Une hausse modérée mais continue des effectifs entre 2015 et 2025

a.   Les personnels civils et militaires

Le projet de loi de programmation acte la fin de la déflation d’effectifs continue que les armées ont subie entre 2006 et 2015. Cette inflexion majeure dans notre modèle d’armée n’a pris un tour définitif qu’après plusieurs étapes. Elle est directement liée à l’irruption d’une nouvelle forme de violence terroriste sur le territoire national.

Comme pour la programmation précédente, la loi de programmation militaire initiale pour les années 2014 à 2019 prévoyait une forte déflation des effectifs. Elle assortissait cependant cette déflation d’un « atterrissage » en 2018 et 2019. Les deux tableaux ci-dessous retracent les trajectoires prévues en 2009 et 2014 :

Trajectoire d’effectifs de la lpm 2009-2014

(en ETPT)

 

2009

2010

2011

2012

2013

2014

Cible 2014

Réduction nette

Évolution des effectifs

– 7 999

– 7 926

– 7 577

– 7 462

– 7 462

– 7 462

276 000

 45 888

Source : loi n° 2009-928 du 29 juillet 2009 relative à la programmation militaire pour les années 2009 à 2014 et portant diverses dispositions concernant la défense, article 4.

Trajectoire d’effectifs de la LPM 2014-2019

(en ETP)

 

2014

2015

2016

2017

2018

2019

Cible 2019

Réduction nette

Évolution des effectifs

– 7 881

– 7 500

– 7 397

– 7 397

– 3 500

0

242 279

 33 675

Source : loi n° 2013-1168 du 18 décembre 2013 relative à la programmation militaire pour les années 2014 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense et la sécurité nationale, article 5.

Après les attentats de janvier 2015, la mise en place du dispositif Sentinelle implique une révision du contrat opérationnel des forces terrestres : désormais, celles-ci doivent être à même de déployer 7 000 hommes durant une année sur le territoire national, avec la possibilité de monter jusqu’à 10 000 hommes pendant un mois. En conséquence, la loi actualisant la programmation militaire prévoit de porter le format de la force opérationnelle terrestre (FOT) de 66 000 hommes à 77 000 hommes avant la fin de l’année 2017. Elle modifie la trajectoire d’effectifs en conséquence, mais en maintenant un objectif de réduction, comme on le voit ci-après :

Trajectoire d’effectifs de la LPM 2014-2019 (actualisation de 2015)

(en ETP)

 

2015

2016

2017

2018

2019

Cible 2019

Réduction nette

Évolution des effectifs

0

+ 2 300

– 2 600

– 2 800

– 3 818

261 161

 6 918

Source : loi n° 2015-917 du 28 juillet 2015 actualisant la programmation militaire pour les années 2015 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense, article 4.

Après les attaques du 13 novembre 2015 et l’intervention du Président de la République devant le Parlement réuni en Congrès le 16 novembre, le conseil de défense du 6 avril 2016 met un terme aux objectifs de déflation :

Trajectoire d’effectifs après le conseil de défense du 6 avril 2016

(en ETP)

 

2016

2017

2018

2019

Augmentation nette

Évolution des effectifs

+ 2 300

+ 400

+ 500

+ 182

+ 3 382

Source : ministère des armées.

On peut donc considérer que la trajectoire d’effectifs a connu son point le plus bas en 2015 avec 263 350 ETPT (258 748 hors SIAé ([4])).

La programmation future est en conformité avec le schéma amorcé en 2016, tout en prévoyant des hausses annuelles plus marquées à compter de 2023 comme on le voit ci-après :

Trajectoire d’effectifs du projet de LPM 2019-2025

(en ETP)

 

2019

2020

2021

2022

2023

Total 2022-2023

2024

2025

Total 2019-2025

Évolution des effectifs

+ 450

+ 300

+ 300

+ 450

+ 1 500

+ 3 000
(cible :
271 936)

+ 1 500

+ 1 500

+ 6 000
(cible :
274 936)

Source : projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense, article 5.

Si la remontée prolongée par le projet de loi de programmation pour les années 2019 à 2025 est d’ampleur modeste (+ 2,2 % environ par rapport à l’effectif global), elle n’en constitue pas moins un élément de sécurisation déterminant après une décennie 2006-2015 durant laquelle, de restructurations en restructurations, le ministère des armées aura perdu plus de 60 000 ETPT, soit près de 20 % de l’ensemble de ses agents.

b.   La réserve opérationnelle

Le projet de loi prévoit également de renforcer encore le rôle de la réserve opérationnelle au sein de la Garde nationale, afin d’atteindre l’objectif de 40 000 réservistes sous engagement à servir.

Ainsi, l’article 10 porte la durée annuelle maximale d’activité dans la réserve opérationnelle de 30 à 60 jours par an. Il s’agit d’atteindre un nombre moyen de 37 jours d’activité par réserviste et par an, de manière à pouvoir employer en moyenne 4 000 réservistes chaque jour, notamment dans le cadre du dispositif Sentinelle.

L’article 11 assouplit les conditions d’avancement des militaires de la réserve opérationnelle de certains corps à effectif limité. Dans la même optique, il relève la limite d’âge de certains réservistes spécialistes et des réservistes relevant des corps des médecins, pharmaciens, des vétérinaires et des chirurgiens-dentistes. Enfin, il garantit la prise en charge des frais de santé des réservistes et de leurs ayants droit durant l’activité de réserve.

2.   L’amélioration du quotidien des soldats et de l’attractivité des carrières

La nouvelle programmation intensifiera le déploiement du plan d’accompagnement des familles et d’amélioration des conditions de vie des militaires, dit « plan Famille », présenté par la ministre des armées en octobre dernier. Dans la période de programmation, 530 millions d’euros seront consacrés à ce plan. Pour rappel, 300 millions ont été planifiés dans ce cadre pour la période 2018-2022.

L’accent est également mis sur « la préservation des compétences critiques (atomiciens, mécaniciens aéronautiques, praticiens de santé...), mais aussi émergentes (cyber, automates, intelligence artificielle…), à haute valeur ajoutée pour les forces armées ». Pour attirer des spécialistes de haut niveau dans un contexte de concurrence de plus en plus difficile avec le secteur privé, la LPM prévoit la conduite d’« une politique de rémunération adaptée » et l’amélioration de la lisibilité des carrières ([5]).

En outre, l’article 16 prévoit deux expérimentations visant à instaurer des procédures de recrutement dérogatoires. La première concerne le corps des techniciens supérieurs d’études et de fabrications dans certaines zones géographiques. La seconde vise à recruter, dans ces mêmes zones, des agents contractuels afin de faire face à des vacances d’emploi de fonctionnaire dans les domaines du renseignement, du génie civil, des systèmes d’information et des communications, de la santé et de la sécurité au travail, ainsi que du maintien en condition opérationnelle des matériels terrestres.

Sont également prévus, pour le personnel civil :

– un plan de requalification d’agents de catégorie C vers la catégorie B afin d’assurer une « montée en compétences techniques, administratives, juridiques et financières » ;

 une revalorisation du corps des ingénieurs des études et fabrication passant notamment par l’amélioration de la formation initiale et continue ;

– une reprise du recrutement d’ouvriers de l’État dans les spécialités rares.

Par ailleurs, le titre II du projet de loi, qui regroupe diverses dispositions normatives, comprend plusieurs mesures d’amélioration de la condition des personnels et de l’attractivité des carrières :

● L’article 7 ouvre aux militaires placés en congé pour convenances personnelles pour élever un enfant de moins de huit ans la possibilité de souscrire un engagement à servir dans la réserve opérationnelle (coût estimé : 1,5 million d’euros par an).

● L’article 8 relève à 59 ans la limite d’âge des officiers généraux de l’air.

● L’article 9 transpose aux militaires infirmiers et techniciens des hôpitaux des évolutions statutaires de leurs homologues de la fonction publique hospitalière, en particulier la revalorisation des grilles indiciaires.

● L’article 12 rend éligible au congé de reconversion et au congé complémentaire de reconversion, sans condition d’ancienneté de service, tout militaire blessé en service ou victime d’une affection survenue du fait ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions.

● L’article 13 étend aux militaires le dispositif de majoration de durée d’assurance dont bénéficient les fonctionnaires qui élèvent à leur domicile un enfant atteint d’une invalidité égale ou supérieure à 80 %.

● L’article 15 habilite le Gouvernement à prendre des mesures législatives relatives à l’extension du congé du blessé, à l’incitation au départ (pécule modulable, départ anticipé avec la pension afférente au grade supérieur, « promotion fonctionnelle » après engagement à quitter l’institution militaire dans un délai de deux à quatre ans, prolongation du dispositif d’indemnité de départ volontaire applicable aux ouvriers de l’État). Votre Rapporteur regrette l’imprécision de l’étude d’impact en ce qui concerne ces dispositions. En particulier, aucune évaluation n’est faite de leurs effets possibles sur l’augmentation des contributions d’équilibre au compte d’affectation spéciale CAS Pensions. En revanche, l’impact financier de l’indemnité de départ volontaire applicable aux ouvriers de l’État est estimé à 48 millions d’euros sur la période 2019-2025, le surcoût de l’indemnisation du chômage à 27 millions d’euros, à quoi il faut ajouter environ 4 millions de dépense fiscale annuelle du fait de la défiscalisation de cette indemnité.

● L’article 35 étend la présomption d’imputabilité au service de blessures ou de maladies, en transposant aux militaires le régime applicable aux fonctionnaires.

D.   Les équipements : renouvellement et innovation

Avant de passer en revue les grands programmes de la LPM, il faut souligner que cette programmation « à hauteur d’homme » prévoit logiquement des améliorations rapides en matière de commande et de livraison des « petits équipements », c’est-à-dire des équipements individuels du combattant. Ainsi, les nouveaux treillis ignifugés seront distribués dès 2018. En 2020, ils équiperont la totalité des soldats déployés en OPEX. De même, les gilets pare-balles de nouvelle génération seront rapidement disponibles pour les réservistes et équiperont l’ensemble de la force opérationnelle terrestre avant la fin de 2024.

1.   Les principales livraisons

Depuis plus de dix ans, l’engagement des forces au-delà des contrats opérationnels provoque une usure accélérée des matériels. La programmation 2019-2025 permettra une accélération de la modernisation et du renouvellement des équipements afin d’améliorer les conditions d’engagement de nos armées. Quelque 58,2 milliards d’euros y seront consacrés au cours de la période, soit + 30 % par rapport à la LPM précédente.

● L’armée de terre bénéficiera en premier lieu d’une accélération du programme Scorpion, autour des deux véhicules blindés Griffon (livraison avant 2025 de la moitié de la cible 2030) et Jaguar et d’un unique système d’information et de communication (SICS) permettant la mise en réseau de tous les acteurs du combat terrestre.

Globalement, les cibles pour 2025 sont les suivantes :

– 200 chars de combat Leclerc dont 122 rénovés,

– 300 blindés médians (Jaguar et AMX 10RC),

– 3 599 véhicules blindés modulaires et de combat (VAB, VBCI, Griffon, VBMR léger),

– 7 000 véhicules de mobilité tactique et logistique,

– 147 hélicoptères de reconnaissance et d’attaque (dont 67 Tigre),

– 115 hélicoptères de manœuvre (dont 70 NH90 et 8 Caracal),

– 109 canons de 155 mm Caesar,

– 13 systèmes de lance-roquettes unitaire (LRU),

– une vingtaine de drones tactiques.

En outre, le remplacement des équipements de réseau de théâtre par le réseau fédérateur ASTRID complété par le réseau CONTACT sera engagé, de même que la livraison des premiers radars 3D GM60 et le standard 3 de l’hélicoptère Tigre.

● La Marine nationale sera renforcée par la livraison des trois dernières frégates multi-missions (FREMM), des deux premières frégates de taille intermédiaire et des trois frégates légères de type La Fayette rénovées. Parmi les autres livraisons :

– les 2 derniers bâtiments de soutien et d’assistance hauturiers (BSAH), 6 patrouilleurs outre-mer et les 2 premiers bâtiments de surveillance et d’intervention (BATSIMAR),

– les 4 premiers sous-marins nucléaires d’attaque de type Barracuda ;

– la rénovation de 18 avions de patrouille maritime ATL2, parallèlement au lancement du programme de remplacement des ATL2,

– 2 pétroliers ravitailleurs de nouvelle génération.

● L’armée de l’air bénéficiera de la livraison de la totalité des 55 Mirage 2000D rénovés et de la reprise des livraisons des avions Rafale, dont 28 exemplaires seront livrés de 2022 à 2024. Une nouvelle tranche de 30 Rafale sera commandée en 2023 pour une livraison d’ici à 2030. Le nouveau standard F4 sera développé durant la programmation.

Les autres livraisons prévues entre 2019 et 2025 concernent notamment :

– 41 pods de désignation laser,

– la rénovation des 4 avions AWACS,

– 11 avions de ravitaillement en vol et de transport stratégique MRTT (Airbus A330 Multi Role Tanker Transport),

– 13 avions de transport tactique (11 A400M et les 2 derniers C-130J), ainsi que la modernisation des 14 C-130H.

● Les capacités dédiées au renseignement et aux systèmes d’information et de communication seront largement développées, avec notamment :

– la livraison des 2 derniers satellites du système d’observation spatial MUSIS et la mise en service, fin 2020, du système spatial CERES,

– la livraison des 2 derniers systèmes de drones REAPER en 2019, du premier système MALE en 2025 (avec un objectif de 8 systèmes en 2030) et des trois premiers systèmes PATROLLER,

– la livraison de la CUGE (capacité universelle de guerre électronique),

– la mise en service du réseau de communication DESCARTES et du système de télécommunication SYRACUSE IV.

2.   Les programmes de très long terme

Le premier de ces programmes concerne la composante océanique de la dissuasion nucléaire. Aux termes du rapport annexé, « les travaux de conception du sous-marin nucléaire lanceur dengins de troisième génération (SNLE 3G) permettront le lancement de la phase de réalisation »¸ pour une mise en service du premier exemplaire en 2030. La nouvelle version du missile balistique (M51.3) sera mise en service au cours de la programmation et les études pour l’incrément ultérieur (M51.4) seront lancées.

Seront également lancées les études sur la construction d’un nouveau porte-avions disponible au plus tard avant la fin de vie du Charles de Gaulle.

Pour les deux autres grands programmes, le projet de loi met l’accent sur la perspective de coopérations européennes.

Il s’agit d’abord du programme Main Ground Combat System (MGCS), destiné à préparer le successeur du char Leclerc et qui « sappuiera sur les compétences industrielles françaises (bureaux détude et sites de production) et consolidera le secteur à léchelle européenne autour de leaders industriels pérennes ([6]) ».

Il s’agit ensuite du système de combat aérien du futur (SCAF), qui vise à faire fonctionner en réseau toutes les composantes du combat aérien : « Lapproche de système de systèmes, fondée sur la mise en réseau de plateformes, peut utilement faire lobjet dune coopération européenne, qui contribuera à accélérer la consolidation dune BITD [base industrielle et technologique de défense] européenne de laéronautique de combat, dans laquelle lindustrie française assumera un rôle central. Des choix concernant le type de plateforme et les pays partenaires devront être faits au cours de la LPM 2019-2025 et orienteront durablement ce programme futur.([7]) »

3.   L’entretien programmé du matériel, le maintien en condition opérationnelle et les infrastructures

Le projet de loi prévoit, dans ces trois secteurs où les manques sont particulièrement criants, des avancées substantielles.

L’entretien programmé du matériel (EPM) disposera en moyenne d’un budget de 4,4 milliards d’euros par an au cours de la période 2019-2023, soit 1 milliard d’euros supplémentaire par rapport aux budgets 2014-2018.

Par ailleurs, le maintien en condition opérationnelle (MCO) fera l’objet d’une modernisation importante. D’ores et déjà, la ministre des armées a lancé la réforme du MCO aéronautique, avec la création d’une direction de la maintenance aéronautique.

Le texte établit la perspective globale dans laquelle s’inscrit cette réforme :

« Sappuyant sur une augmentation des crédits dentretien programmé du matériel (EPM) et sur la réforme de lorganisation du maintien en condition opérationnel (MCO), notamment aéronautique, le redressement de la disponibilité des matériels les plus critiques, constituera le socle indispensable à cette remontée dactivité.

« Dans un premier temps, cet effort doit permettre de régénérer un matériel fortement sollicité par le niveau élevé dengagement des armées. Dans un second temps, il doit permettre daméliorer les niveaux dactivité opérationnelle des armées qui contribuent à la qualification et à la préparation du combattant. […]

 

« Afin de répondre aux exigences demploi comme à laccroissement des besoins, les processus et les outils du MCO seront modernisés, en particulier dans le domaine de la gouvernance, pour les chantiers propres à chaque milieu, du renouvellement des systèmes dinformations techniques et logistiques, ainsi que de la rationalisation de la chaîne dapprovisionnement (supply chain). Le MCO sappuiera également sur une industrie tant étatique que privée où les nouvelles technologies (numérisation, robotisation, impression 3D, Big Data, fusion de données, développement de la maintenance prédictive) occuperont une place croissante.([8]) »

Un des objectifs est de mieux intégrer l’entretien et le MCO dans les spécifications arrêtées avec les industriels. Actuellement, le MCO de l’hélicoptère Tigre donne lieu à plus de trente contrats différents…

Enfin, le projet de loi consacre un effort très significatif aux infrastructures. Le niveau d’investissement moyen s’élèvera à 1,45 milliard d’euros par an de 2019 à 2023, contre 1 milliard par an entre 2014 et 2018. L’objectif est, bien entendu, d’assurer la réalisation des infrastructures d’accueil et de soutien des nouveaux équipements (sous-marins Barracuda, nouveaux Rafale, véhicules Griffon, etc.). Mais il est aussi de moderniser le patrimoine immobilier, d’accroître l’offre de logements aux personnels et de remettre à niveau les locaux de travail, d’hébergement et de restauration.

4.   Le soutien à l’innovation

Face à l’effet nivelant de la diffusion des technologies modernes, les armées se doivent d’articuler très étroitement l’effort de défense à l’innovation et aux technologies de rupture. L’enjeu est de conserver une supériorité opérationnelle sur des théâtres qui prendront, demain, des formes inédites.

Les moyens, tout d’abord, seront accrus, puisque les études amont bénéficieront d’une enveloppe annuelle de 1 milliard d’euros contre 730 millions en moyenne depuis 2014.

Au-delà de cette hausse, ce sont les modes de financement qu’il convient de modifier afin de créer les écosystèmes qui permettront de susciter ou de capter les technologies innovantes. C’est ainsi que la direction générale de l’armement (DGA) et Bpifrance ont créé le fonds Definvest, destiné à soutenir le développement de PME stratégiques pour la défense. La DGA a également lancé le partenariat d’innovation ARTEMIS – architecture de traitement et d’exploitation massive de l’information multi-source – et anime depuis 2016 le DGA Lab, qui est un espace de démonstration technologique et de réflexion collaborative sur les usages des nouvelles technologies.

E.   Un contexte favorable aux industries de défense

De lourdes incertitudes économiques pesaient sur la précédente LPM. Celle-ci fixait en effet des objectifs qui reposaient sur un pari – gagné in extremis –, celui d’une hausse des exportations des industries de défense, et, tout particulièrement, de l’amorçage des exportations de Rafale.

Le ministère des armées doit désormais tirer pleinement parti des réussites de l’industrie de défense sur le marché international, illustrées par le graphique suivant :

Évolution des prises de commandes françaises 2007-2016

(en millions d’euros)

Source : Rapport au Parlement 2017 sur les exportations d’armement de la France

1.   Une nette amélioration de la position de la France sur le marché mondial depuis 2012

Au cours de la dernière décennie, le volume des transferts internationaux d’armement n’a cessé de croître. Néanmoins, ces échanges sont marqués par un changement structurel : alors qu’on observe une tendance au recul des dépenses militaires des États occidentaux entre 2009 et 2015, en raison de la crise notamment, les États d’Asie et du Moyen-Orient ont concentré près des trois quarts des importations mondiales au cours des cinq dernières années. Dans la période 2012-2016, 81,5 % des prises de commandes françaises venaient de ces deux zones.

En 2015, on assiste à un changement d’échelle, avec 17 milliards d’euros de commandes contre 4,8 milliards en 2012. Cette année-là, le montant des commandes étrangères dépasse pour la première fois celui des prises de commandes nationales (11 milliards d’euros). C’est également l’année des premiers contrats Rafale à l’export sur un marché caractérisé par une vive concurrence américaine, russe et européenne. L’année 2016 est marquée par la signature d’un nouveau contrat Rafale avec l’Inde et du premier contrat de vente de sous-marins avec l’Australie.

Ces résultats témoignent d’abord des atouts de l’industrie française. La France se démarque également par le fait qu’elle intègre les exportations d’armement dans le cadre plus général d’un partenariat structurant de long terme, et d’un accompagnement étatique. Les plus récentes coopérations (Australie, Inde) résultent d’accords intergouvernementaux. Le succès de l’industrie française repose sur une large intégration de l’ensemble des acteurs concernés dans le processus d’exportation (DGA, autorités politiques, armées et industries), qui contribue à renforcer la visibilité de la production française.

En tout état de cause, la nouvelle programmation n’est plus dépendante du redressement des industries nationales de défense, comme elle pouvait l’être en 2009 ou en 2014. Le tableau ci-dessous, qui retrace l’évolution du chiffre d’affaires de plusieurs grands groupes entre 2014 et 2017, en témoigne :

Chiffre d’affaires des grands groupes industriels

(en milliard d’euros)

 

2014

2015

2016

2017

Dassault Aviation

dont exportations

3,68

5.4 %

4,2

25 %

3,6

20 %

4,8

89 %

Naval Group (ex DCNS)

dont international

3,07

3,04

3,2

38 %

3,7

35 %

Airbus

60,7

64

66,6

66,8

Safran

15,4

17,4

15,8

16,94

Thales

12,98

14,1

14,9

15,8

Source : résultats annuels des groupes, 2014-2017

2.   Des programmes soutenables grâce aux exportations

Les trois contrats d’exportation de Rafale avec les armes associées passés en 2015 et 2016 continuent de produire leurs effets. En mars 2015, un premier contrat est conclu avec l’Égypte pour 24 Rafale, qui s’achèvera en 2019 ; un autre contrat avec le Qatar, signé le 17 décembre 2015, pour 24 avions, prévoit des livraisons de fin 2018 à fin 2019 ; le 23 septembre 2016, c’est le contrat de 36 avions pour l’Inde qui est signé : les livraisons sont prévues à partir de fin 2019 jusqu’à fin 2021. Ces ventes ont permis de lever les risques financiers qui pesaient sur la LPM 2014-2019.

Par ailleurs, le 30 septembre 2016, le contrat de la vente de 12 sous-marins Barracuda par DCNS à l’Australie est officiellement passé, et fait l’objet d’un accord intergouvernemental le 20 décembre 2016. Ce programme d’exportation dont la durée est estimée à une cinquantaine d’années et le budget à 34 milliards d’euros est sans précédent ni équivalent. En 2016 également, le Koweït a commandé 24 hélicoptères Caracal à Airbus Helicopters.

En revanche, le programme des avions de transport Airbus A400M connaît des difficultés techniques et des retards de production et de livraison, à l’armée française comme à l’étranger. Les clients européens ont refusé, en 2017, de lever les pénalités à l’encontre du groupe. Airbus avait dû provisionner dans ses comptes du quatrième trimestre 2016 une nouvelle charge de 1,2 milliard d’euros à cet effet. Le montant total du programme devrait s’élever à plus de 30 milliards d’euros contre les 20 milliards initialement prévus. Airbus a par ailleurs récemment annoncé vouloir réduire la cadence de production de cet avion dans le cadre de la renégociation du plan de développement de certaines spécifications tactiques de l’appareil.

3.   Des rapprochements qui préfigurent une BITD européenne

La coentreprise franco-allemande KNDS issue du regroupement de KMW et de Nexter a lancé un travail de recherche et développement commun sur le projet du futur char de combat. De même, le programme de pétroliers ravitailleurs FLOTLOG prévu en LPM s’effectuera dans le cadre du rapprochement entre Naval Group et Fincantieri. Et la coentreprise MBDA peut constituer un modèle de restructuration industrielle fondé sur l’interdépendance mutuelle entre les centres d’expertise en France et les centres d’expertise au Royaume-Uni.

Au-delà des coopérations bilatérales et multilatérales, l’objectif est de plus en plus affiché de renforcer les perspectives de financements communautaires à partir du Fonds européen de la défense, lancé en 2017, pour soutenir des actions de recherche et capacitaires. Parmi les coopérations européennes, le programme de système de drones MALE, qui associe l’Allemagne, l’Italie, l’Espagne et, à hauteur de 25 %, la France, pourrait être le premier à bénéficier d’un financement de ce fonds.

4.   Le soutien aux exportations

Le soutien de l’État a été déterminant dans l’accompagnement des efforts des entreprises françaises à l’export, mais les surcoûts liés à ce soutien n’avaient pas été anticipés dans la précédente LPM. Le projet pour la période 2019-2025 vise à permettre une réelle prise en compte des charges induites dans ce domaine. De plus en plus de clients nationaux et internationaux demandent une assistance à la maîtrise d’ouvrage, ce qui se traduit par une contribution de la DGA à leurs achats. Il est nécessaire que cette contribution soit clairement évaluée et facturée.

Le rapport annexé dispose à cet effet que « le ministère approfondira les modalités de soutien aux exportations, en structurant davantage cette fonction, en ouvrant 400 nouveaux postes et en améliorant les modalités de prise en charge, par les industriels de larmement, des coûts indirects incombant aux armées ([9]) ».

Plus loin, il est précisé que :

« En matière de soutien aux exportations, la LPM 2019-2025 prévoit une contribution des entreprises et industries de défense couvrant de manière plus complète et équilibrée la charge induite pour les armées par leur soutien aux exportations darmement. Cette contribution, dordre pécuniaire, sera prévue, en fonction des cas, par un texte réglementaire ou conventionnel, qui organisera les conditions dabondement du budget des armées, par voie de fonds de concours ou dattribution de produits, pour couvrir les coûts indirects aujourdhui laissés à la charge du ministère. ([10]) »

II.   UNE SINCÉRITÉ BUDGÉTAIRE MIEUX ASSURÉE

A.   Une trajectoire budgétaire globalement en phase avec la loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022

1.   Le budget de la défense, composante majeure de la programmation des finances publiques

La dépense prévue en programmation militaire jusqu’en 2022 reprend exactement les montants inscrits pour la mission Défense en programmation financière, à savoir des « marches » régulières de + 1,7 milliard par an hors pensions.

La donnée significative pour comparer cette progression à celle des dépenses générales de l’État est la norme de dépenses pilotables telle que définie à l’article 9 de la LPFP ([11]). Cette norme représente à peu près 60 % de la dépense totale de l’État.

Alors que la LPFP prévoit au cours de la période une augmentation de la norme de dépenses pilotables de 4,55 %, les crédits budgétaires de la mission Défense hors CAS Pensions connaîtront pour leur part une hausse de 26,4 %, et leur part dans la norme globale passer de 12,8 à 15,5 % ainsi que le montre le tableau suivant :

Part des dépenses de défense dans la norme de dépenses pilotables
de 2017 à 2022

(en milliards d’euros)

 

LFI 2017 format 2018

PLF 2018

2019

2020

2021

2022

Norme de dépenses pilotables

252,8

 

257,9

(+ 2,0 %)

259,5

(+ 0,6 %)

260,5

(+ 0,4%)

262,5

(+ 0,8%)

264,5

(+ 0,8%)

Crédits budgétaires de la mission Défense (hors CAS Pensions)

32,44

 

34,2

(+ 5,4 %)

35,9

(+ 5,0 %)

37,6

(+ 4,7%)

39,3

(+ 4,5%)

41

(+ 4,3%)

Part des crédits budgétaires de la mission Défense dans la norme de dépenses pilotables

12,8 %

13,3 %

13,8 %

14,4 %

15,0 %

15,5 %

Source : loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022, projet de loi de programmation militaire pour les années 2019 à 2025

Si maintenant l’on retranche les crédits hors pension de la mission Défense, on constate que la norme de dépenses pilotables est stable en euros courants, autour de 223 milliards d’euros :

Norme de dépenses pilotables hors mission défense

(en milliards d’euros)

 

LFI 2017 format 2018

PLF 2018

2019

2020

2021

2022

Norme de dépenses pilotables hors mission Défense

220,36

223,7

223,6

222,9

223,1

223,3

Évolution en %

 

+ 1,5 %

– 0,04 %

– 0,3 %

+ 0,1 %

+ 0,1 %

Source : loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022, projet de loi de programmation militaire pour les années 2019 à 2025.

L’effort très notable en faveur de la défense est donc corrélé à un maintien des autres dépenses de l’État au même niveau en euros courants. Le choix d’une progression régulière de 1,7 milliard par an sur la période de programmation des finances publiques résulte d’un arbitrage cohérent, intervenu dès l’élaboration de la LPFP et fondé sur une analyse macroéconomique sincère. Il respecte la cible de réduction des dépenses pilotables de 1 % en volume à compter de 2020, ainsi que les objectifs de réduction des dépenses publiques de 3 points de PIB et de réduction du déficit public de 2 points de PIB dans la période 2018-2022.

L’actualisation proposée à l’article 6, qui doit intervenir au plus tard avant la fin de 2021, s’inscrit dans une perspective de plus long terme. La programmation des finances publiques prévoit en effet que le plan Action publique 2022 devra commencer à porter ses fruits en 2020, avec une économie escomptée de 4,1 milliards d’euros pour cette seule année. Le Gouvernement et le Parlement disposeront alors d’éléments d’appréciation supplémentaires quant à la réduction du déficit public et la maîtrise des dépenses de l’État. En fonction de ces éléments et du contexte macroéconomique (croissance, inflation), ils seront en mesure de décider de la consolidation des trois dernières « marches » de 3 milliards d’euros.

2.   La question des restes à payer

L’article 17 de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 fixe un objectif global de stabilisation des restes à payer de l’État, définis comme le montant d’autorisations d’engagement (AE) consommées non encore couvertes par la consommation des crédits de paiements (CP) correspondants : « Le montant de restes à payer, tel que retracé annuellement dans le compte général de létat annexé au projet de loi de règlement, hors impact des changements de règles de comptabilisation des engagements, ne peut excéder, pour chacune des années 2018 à 2022, le niveau atteint fin 2017. » Selon l’exposé des motifs, il s’agit « dassurer que le pilotage budgétaire des années à venir nait pas pour effet daboutir à une augmentation des restes à payer sur les années ultérieures ».

Cette ambition est cohérente avec la baisse globale en volume de la norme de dépenses pilotables prévue sur la période : une consommation excessive d’autorisations d’engagement aurait pour effet de contraindre à long terme les ouvertures de crédits de paiement et de menacer l’effort de retour à l’équilibre des comptes publics.

En revanche, il serait de mauvaise méthode d’appliquer ce principe aux seules dépenses du ministère des armées puisque celles-ci, au rebours de la dépense publique en général, sont appelées à croître très significativement. Le présent texte prévoit ainsi de porter le montant de l’agrégat « équipement » de 18,3 milliards d’euros en 2018 à 31,5 milliards en 2025 ([12]). Le lancement de programmes qui s’étaleront sur de très longues périodes – jusqu’à plusieurs dizaines d’années – justifie que le différentiel entre AE et CP se creuse, notamment dans les premières années de la programmation. C’est le sens de l’alinéa 483 du rapport annexé, qui précise que l’article 17 de la LPFP ne peut être interprété comme une limitation des AE de la mission Défense en fonction de la quantité de CP ouverts dans le même périmètre :

« Compte tenu de laugmentation des engagements prévue sur la période de la LPM, lévolution du reste à payer du ministère des armées augmente mécaniquement. Pour cette raison, cette disposition programmatique de la LPFP ne contraindra pas les investissements du ministère des armées. »

Votre Rapporteur invite toutefois le Gouvernement à tirer les enseignements des difficultés rencontrées lors de la dernière décennie – commandes passées pour la totalité de la cible en début de programmation, puis renégociation coûteuse des contrats en raison de réductions de cible en cours de programmation ou lors de la programmation suivante ([13]). Comme le souligne la Cour des comptes, des ouvertures massives d’AE exposent au « risque dune rigidité trop forte de la dépense en cas daléa budgétaire([14]) ».

3.   L’horizon des 2 % de PIB

L’objectif, pour chaque pays membre de l’OTAN, de consacrer 2 % de son PIB à l’effort de défense remonte à une décision prise par les alliés en 2006 (pour mémoire, le retour de la France dans le commandement intégré de l’Alliance remonte à 2009). Il convient de relever que la LPM pour les années 2014 à 2019 y fait allusion, mais de façon quelque peu détournée, à propos des actualisations de la programmation : « Ces actualisations devront également tenir compte de léventuelle amélioration de la situation économique et de celle des finances publiques afin de permettre le nécessaire redressement de leffort de la Nation en faveur de la défense et tendre vers lobjectif dun budget de la défense représentant 2 % du produit intérieur brut. ([15]) »

Cet objectif a été réaffirmé dans la déclaration du sommet du Pays de Galles, adoptée par tous les chefs d’État et de gouvernement de l’OTAN en septembre 2014, avec l’engagement, pour les pays qui n’ont pas encore atteint ce seuil, de chercher à s’en rapprocher « dans les dix années à venir ». Un autre seuil figure du reste dans cette déclaration : la part des dépenses de défense dédiées à l’acquisition de nouveaux équipements majeurs, y compris la recherche et développement afférente, devra se situer au-dessus de 20 %.

Dans son référé du 19 juillet 2017 sur la mise en œuvre de la loi de programmation militaire 2014-2019 et les perspectives financières de la mission Défense, « considère quune programmation financière ne peut être fondée sur un objectif forfaitaire de dépense » et qu’au demeurant la France a déjà atteint cet objectif des 2 %, mais que les données qu’elle fournit à l’Alliance sont insuffisantes pour le faire apparaître :

« Les modalités actuelles de déclaration, se limitant aux crédits budgétaires votés en loi de finances initiale, apparaissent restrictives au regard de lensemble des dépenses concourant à leffort de défense incluant les surcoûts directs et indirects des interventions extérieures et intérieures (surcoûts des opérations extérieures et missions intérieures au-delà de la dotation budgétaire, opérations de maintien de la paix, missions militaires de la gendarmerie, pensions militaires dinvalidité) et le financement de recherche et développement au bénéfice du secteur militaire. Linclusion de ces dépenses, que permettrait le cadre défini par lOTAN et les pratiques dautres États membres, conduirait à constater que les dépenses de défense de la France atteignent dores et déjà 2,00 % en 2016, ce qui mériterait dêtre valorisé dans la communication internationale. »

La réponse du Premier ministre, en date du 9 octobre 2017, met en exergue la décision « de rehausser très significativement leffort de défense dans la prochaine LPM », ajoutant que « lobjectif fixé par le Président de la République de porter notre effort de défense à 2 % du PIB en 2025 témoigne dune part de la détermination de la France à assurer sa défense et dautre part de la prise de conscience des réalités soulignées par la Cour. Il ne préjuge pas des éclairages que peuvent apporter les différentes méthodes utilisées pour mesurer les efforts de défense de la France et de ses principaux partenaires. »

Enfin, l’exposé des motifs du projet de LPM 2019-2025 comporte l’indication suivante : « Hors compte daffectation spéciale (CAS) pensions, les crédits budgétaires de la mission "Défense" sélèveront à 35,9 milliards deuros en 2019, soit un effort de défense représentant 1,84 % du PIB, avant datteindre 44 milliards deuros en 2023, soit 1,91 % du PIB. »

Auditionnés par votre Rapporteur, les représentants du ministère des armées ont souligné à juste titre que l’objectif des 2 % ne saurait constituer une norme comptable. Cet objectif correspond à un périmètre qui n’est pas celui de l’OTAN, mais changer le périmètre reviendrait à se priver d’un élément de mesure de l’effort de défense sur le long terme.

Il convient toutefois de préciser que les montants de la LPM sont inscrits en euros courants et qu’une évolution de la croissance et de l’inflation plus dynamique que lors des programmations précédentes – ce qui est une hypothèse désormais plausible – aura évidemment une répercussion sur le PIB nominal à partir duquel sera évaluée la réalisation de l’objectif.

Ainsi, les prévisions de la LPFP permettent de projeter un PIB à près de 2 700 milliards d’euros dès 2022 :

évolution du PIB nominal en foncTion des prévisions
de croissance et d’inflation de la LPFp 2018-2022

 

Année

2017

2018

2019

2020

2021

2022

Croissance PIB

1,7

1,7

1,7

1,7

1,7

1,8

Déflateur PIB

0,8

1,1

1,25

1,5

1,75

1,75

PIB nominal en milliards deuros

2 284,93

2 349,33

2 419,14

2 497,16

2 584,06

2 676,61

Source : commission des finances d’après les données du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022.

B.   un pilotage budgétaire rationalisé

1.   L’entrée en programmation se fait dans des conditions favorables

Cette nouvelle LPM bénéficie d’un alignement de planètes bien plus favorable que les deux précédentes programmations – situation très dégradée des finances publiques en 2009, déconvenue quant aux ressources exceptionnelles en 2014.

En dépit de l’annulation de crédits pratiquée en juillet sur le programme 146 Équipement des forces ([16]), l’exécution budgétaire de 2017 s’est achevée par des ouvertures de crédits et un dégel qui ont permis de ne pas compromettre l’exercice suivant :

        ouverture, au titre du financement interministériel des surcoûts OPEX de 238 millions d’euros par le décret n° 2017-1639 du 30 novembre 2017 portant ouverture et annulation de crédits à titre d’avance et de 75 millions d’euros en loi de finances rectificative de fin d’année ;

        dégel de 700 millions d’euros de crédits du programme 146 qui avaient été mis en réserve en début d’année.

La loi de finances pour 2018 amorce le redressement prévu pour les quatre années suivantes conformément à la loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022, avec une progression de 1,8 milliard d’euros des crédits alloués à la mission Défense. Cette hausse ménage aux armées une année de « pré-LPM », si l’on peut dire, qui permettra une entrée en programmation dans de bonnes conditions.

En outre, le taux de mise en réserve en début d’exercice passe de 8 à 3 % pour les crédits hors titre 2. Le Gouvernement entend ainsi améliorer la sincérité du budget et accroître la responsabilisation des gestionnaires. Cette disposition aura un effet particulièrement bénéfique pour le pilotage du budget des armées, trop souvent soumis à des à-coups infra-annuels, et pour l’exécution de la programmation. Elle traduit aussi le souhait, partagé par votre Rapporteur, que les rapports entre Bercy et Balard gagnent en confiance réciproque. En l’occurrence, une amélioration ne pourrait qu’être bénéfique à l’exécution de la prochaine programmation.

2.   Les surcoûts des OPEX et des MISSINT : un compromis satisfaisant entre sincérité et aléa

La LPM 2014-2019 avait ramené la provision du budget de la défense destinée à la couverture des surcoûts engendrés par les opérations extérieures de 650 millions d’euros à 450 millions, le surplus étant faisant l’objet d’un financement interministériel. Or après la décision de retrait des troupes d’Afghanistan en 2012 intervient, dès le début de 2013, l’opération Serval au Mali, qui deviendra l’opération Barkhane et s’étendra à toute la zone sahélo-saharienne.

Aussi, dès 2013, les surcoûts OPEX retrouvent le niveau très élevé de 2011 (1,25 milliard d’euros). Ils se maintiennent entre 1,1 et 1,2 milliard d’euros de 2014 à 2016, puis remontent en 2017 à environ 1,4 milliard.

Chaque année, et singulièrement en fin d’exercice, la nécessité de recourir au financement interministériel pour des montants considérables donne lieu à des mouvements de crédits qui entravent la bonne exécution du budget des autres missions.

À de nombreuses reprises, la Cour des comptes a critiqué la sous-estimation des surcoûts OPEX dans les lois de finances initiales et plaidé pour un relèvement substantiel de la provision. S’il peut se justifier pour une fraction de la dépense – car cette dépense est par définition soumise à l’aléa de l’engagement opérationnel – le principe du financement interministériel ne saurait en couvrir la majeure partie.

C’est pourquoi le Gouvernement a déjà relevé la provision OPEX à 650 millions d’euros en loi de finances pour 2018. Comme annoncé, la programmation 2019-2025 poursuit cette hausse pour arriver à partir de 2020 à un montant stable de 1,1 milliard d’euros, ainsi que le retrace le tableau ci-après :

montant de la provision pour surcoûts OPEX et MIssint

(en millions d’euros courants)

2019

2020

2021

2022

2023

850

1 100

1 100

1 100

1 100

Source : projet de LPM 2019-2025, article 4.

Cet effort de sincérisation se traduit également par l’inclusion explicite des surcoûts au titre des missions intérieures dans le périmètre de cette provision, étant entendu que les projets de loi de finances de la période prévoiront également 100 millions d’euros de dépenses de titre 2 pour ces missions ([17]), contre 41 millions inscrits en LFI pour 2018.

3.   L’objectif de réduction du report de charges

Autre élément de sincérisation réclamé de longue date par la Cour de comptes, la réduction du report de charges fait l’objet dans le présent texte d’une prévision chiffrée, l’objectif était de parvenir en 2025 au taux incompressible de 10 % :

Évolution prévisionnelle du report de charges

(en pourcentage des crédits hors masse salariale)

 

2019

2020

2021

2022

2023

2024

2025

Report de charges en %

16 %

15 %

14 %

12 %

12 %

11 %

10 %

Source : projet de LPM 2019-2025, rapport annexé, alinéa 461.

À la fin de 2013 et de 2014, le report de charges avoisinait les 3,5 milliards d’euros. Des progrès ont été réalisés les deux années suivantes, avec un report d’environ 3,1 milliards. L’estimation pour la fin de 2017 est d’environ 3 milliards, soit entre 15 et 16 % des crédits votés en loi de finances.

Il s’agit à la fois d’améliorer le respect des principes d’annualité et de sincérité budgétaires et d’éviter le paiement d’intérêts moratoires élevés (20,3 millions d’euros en 2015, 14,6 millions en 2016).

C.   l’enjeu de la maîtrise de La masse salariale et du coût des pensions

La bonne exécution de la programmation suppose la maîtrise des coûts de personnel et de pensions. Sur ces deux postes de dépenses, des réformes interviendront à plus ou moins brève échéance. La conformité de ces réformes à la trajectoire budgétaire et au modèle d’armée fixés par la LPM devra faire l’objet d’une attention toute particulière.

1.   La masse salariale.

Le ministère des armées prévoit une dépense de masse salariale moyenne – hors CAS Pensions – de 12,7 milliards d’euros par an entre 2019 et 2023. Ce montant est supérieur de 800 millions d’euros aux crédits demandés pour 2018 et de 1,1 milliard aux crédits de 2017. Il devra permettre de répondre tout à la fois à la hausse des effectifs prévue pour la période considérée (+ 1 500 ETP, avant une nouvelle hausse de 1 500 ETP en 2024-2025) et aux ambitions du ministère en matière de recrutement dans des secteurs où il est soumis à une concurrence intense du privé.

Ainsi, les mesures indemnitaires mentionnées plus haut pour préserver les compétences critiques et attirer les compétences émergentes devront s’inscrire dans un cadre de maîtrise globale de la masse salariale. Elles devront également s’inscrire dans le chantier de la nouvelle politique de rémunération des militaires (NPRM) qui sera engagé en 2021.

Cette réforme, est-il indiqué dans le rapport annexé, « aura pour objectif de faciliter la maîtrise de la masse salariale et de simplifier le système indemnitaire en améliorant sa lisibilité. Ce dernier point contribuera pleinement à lattractivité de la carrière militaire, en clarifiant la structure de rémunération, notamment indemnitaire. Cette réforme permettra de réduire le nombre de primes, sans préjudice du niveau de rémunération, et de fiabiliser ainsi les modalités de calcul et de liquidation de la solde. ([18]) »

Aujourd’hui, quelque 172 primes peuvent s’ajouter à la solde de base. Un important travail de simplification est donc indispensable. Il devra bien entendu être exempt de tout effet de baisse de rémunération. Mais il devra aussi éviter tout alignement mécanique sur les situations les plus favorables, car les efforts ciblés prévus par la LPM perdraient alors leur sens et les coûts pourraient connaître une dérive importante.

Dans son référé du 19 juillet 2017, la Cour des comptes appelle de ses vœux un renforcement de la maîtrise de la masse salariale : « à définition comparable, le coût moyen de léquivalent temps plein travaillé (ETPT) de la mission Défense a crû de 10,9 % entre 2009 et 2015, tandis que celui de lensemble de la fonction publique croissait de 4,6 %. Les conséquences financières des mesures catégorielles devront faire lobjet dune vigilance accrue, notamment dans la perspective du chantier de simplification du système de primes. »

2.   Les pensions

Le régime de retraite des militaires constitue une des spécificités fondamentales de la condition militaire. Il permet notamment de préserver un modèle d’armée jeune, indispensable au regard du niveau d’engagement opérationnel constaté actuellement. Il assure « un flux de personnels permettant de mettre en adéquation les besoins des armées et les aspirations des candidats au recrutement ([19]) ».

Notre collègue Corinne Vignon, dans l’avis qu’elle a présenté au nom de la commission des affaires sociale sur le projet de loi de finances pour 2018 (n° 276, tome IV : Régimes sociaux et de retraite, pensions), consacre une partie très argumentée à « limpérieuse nécessité de prendre en compte, dans un futur régime de retraite universel, les singularités et exigences de la fonction militaire ». Elle souligne qu’un régime universel par comptes notionnels semble particulièrement difficile à concilier avec les spécificités des retraites des militaires. L’application d’un tel système aux pensions à jouissance immédiate aurait pour effet une réduction par trois, voire par quatre, des montants des pensions.

Le présent texte rejoint les conclusions de cet avis lorsqu’il fixe le cadre dans lequel la réflexion sur la réforme des retraites devra s’inscrire :

« Le système actuel des pensions militaires vise à la fois à accompagner le modèle spécifique de gestion des ressources humaines du ministère (gestion de flux et carrières courtes) et à assurer une juste reconnaissance des risques et sujétions liés à létat de militaire et à lemploi opérationnel. La future réforme des retraites sappliquera aux militaires en tenant compte de ces spécificités. ([20]) »

Pour autant, les dispositions ayant des incidences sur les versements du ministère au CAS Pensions doivent être soigneusement mesurées. Votre Rapporteur estime qu’elles ne sauraient se substituer aux mesures catégorielles ciblées prévues dans la prochaine programmation.

En effet, la progression des charges de pensions du ministère reste importante. Le tableau ci-dessous montre qu’elles ont augmenté de plus de 10 % en quatre ans :

évolution des contributions d’équilibre au cas pensions de 2014 à 2018

(en milliards d’euros)

 

2014

2015

2016

2017

2018

Contributions au CAS Pensions

7,76

7,79

7,83

8,15

8,44

Source : rapports annuels de performances 2014-2016, PLF 2017-2018.

C’est pourquoi il convient de maintenir une étanchéité entre les mesures s’inscrivant dans la LPM, qui engagent des crédits hors pensions, et les mesures affectant les contributions au CAS Pensions.

III.   AMÉLIORER LE CONTRÔLE EXERCÉ PAR LE PARLEMENT

En matière d’information du Parlement, le présent texte prévoit en son article 6 que :

« Les opérations extérieures et les missions intérieures en cours font, chaque année, lobjet dune information au Parlement. À ce titre, le Gouvernement communique aux commissions compétentes de lAssemblée nationale et du Sénat un bilan opérationnel et financier relatif à ces opérations extérieures et missions intérieures. »

Le rapport annexé comporte une courte partie consacrée au « dialogue avec le Parlement » mais ne prévoit aucun autre document d’information que le bilan mentionné ci-dessus, les rapports annuels de performances et le rapport annuel consacré aux exportations d’armement de la France.

Afin de permettre un véritable contrôle parlementaire – qui n’exclut pas le dialogue mais qui va bien au-delà –, votre Rapporteur propose que soit établi un « tableau de bord » régulièrement actualisé de l’application de la loi de programmation militaire. Ce document d’information financière permettra de retracer l’exécution budgétaire en fonction du calendrier et des objectifs de la LPM en vigueur. Il pourrait être remis par le Gouvernement aux commissions de l’Assemblée nationale et du Sénat chargées des finances et de la défense et des forces armées dans le cadre de la préparation de l’examen de la loi de règlement.

 


—  1  —

   EXAMEN EN COMMISSION

Au cours de sa première séance du mardi 13 mars 2018, la commission examine, pour avis, le titre Ier du projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense (n° 659).

M. Olivier Gaillard, rapporteur pour avis. Quelle est la fonction d’une loi de programmation militaire (LPM) ? Lorsqu’on examine un texte, il est toujours utile de se rappeler sa raison d’être. La loi de programmation militaire, création gaullienne des années soixante, a été conçue comme un outil financier. Elle ne constitue pas une simple énumération de vœux. Elle doit s’inscrire pleinement dans le mécanisme budgétaire, en établissant une programmation pluriannuelle des dépenses de l’État en matière militaire.

La position d’infériorité de la LPM par rapport à la loi de finances annuelle, l’évolution de la conjoncture économique et budgétaire et les choix politiques relatifs au domaine militaire expliquent que les lois de programmation militaire souffrent de sous‑exécution depuis des années. Elles sont devenues, par la force des choses, des lois de programmation de la survie d’un modèle d’armée de plus en plus en tension, les restrictions budgétaires étant couplées à une suractivité opérationnelle.

Malgré les baisses successives d’effectifs et de budget de la mission Défense, notre pays a continué à utiliser activement ses hommes et ses équipements militaires à des fins opérationnelles et stratégiques. Son modèle militaire ne stationne pas : il est éprouvé quotidiennement, en décalage avec l’évolution des effectifs et la modernisation des équipements.

C’est pourquoi cette LPM fait le choix d’une inflexion stratégique duale. Tout en étant « à hauteur d’homme », elle n’est pas sans ambition, au contraire. Il s’agira de disposer en 2030 d’un « modèle d’armée complet et équilibré ». Pour ce faire, elle répond aux besoins opérationnels immédiats – régénérer les hommes et les matériels, accélérer les programmes –, tout en améliorant la sincérité des budgets à venir et en fixant les grandes orientations dans le domaine de la dissuasion, du renseignement, de la lutte cyber et de l’innovation, pour préparer la défense de demain.

Rappelons que la loi de finances pour 2018 a augmenté de 1,8 milliard d’euros les crédits de la mission Défense. La LPM en constitue la suite logique, ses grandes trajectoires financières étant ascendantes jusqu’en 2025. L’effort de défense sera progressivement porté à 2 % du PIB, les budgets cumulés de la défense s’élevant à 295 milliards d’euros d’ici à 2025. Pour la période 2019-2022, les crédits de paiement augmenteront de 1,7 milliard par an.

Les efforts pour assainir la gestion et rendre les prévisions plus sincères sont aussi remarquables. Le report de charges sera ramené à environ 10 % de la dépense à l’horizon 2025. Lors de la loi de programmation précédente, la dotation affectée aux opérations extérieures (OPEX) s’élevait à 450 millions d’euros. Le budget 2018 l’a réévaluée à 650 millions. La LPM prévoit que cette dotation atteigne 850 millions en 2019 puis 1,1 milliard d’euros par an à partir de 2020. En cas de dépassement de ces provisions, les surcoûts demeureront couverts en gestion par le financement interministériel.

En outre, cette LPM marque une rupture avec les réductions d’effectifs qui ont tant mis à l’épreuve et épuisé notre modèle d’armée : 6 000 emplois supplémentaires sont prévus entre 2019 et 2025, dont 50 % seront consacrés à la cyberdéfense et au renseignement.

L’effort produit en faveur de l’entretien programmé du matériel doit également être souligné : 22 milliards entre 2019 et 2023, la programmation prévisionnelle s’élevant à 35 milliards pour la période 2019-2025 couverte par la LPM.

Enfin, comment ne pas saluer le soutien financier en faveur des militaires, trop longtemps négligés ? 530 millions sont fléchés vers les familles sur la période 2019-2025
– dont 300 millions déjà planifiés entre 2018 et 2022 à la suite des annonces du Plan famille.

Pour autant, il est impossible de supprimer tout aléa : la pleine satisfaction de l’objectif financier de cette programmation est donc suspendue à l’évolution du contexte macroéconomique et opérationnel. Cela étant, cette LPM se démarque par l’absence de pari sur des recettes exceptionnelles incertaines et par des provisions plus réalistes et plus robustes. Une loi de programmation reste malgré tout une loi de programmation : on ne peut en faire une loi de finances de six ans. Le cadre financier défini par une LPM, moins rigide que celui d’une loi de finances, a le mérite d’exister, avec des phases clairement définies et une première réactualisation seulement en 2021. Son équilibre général ne devrait ainsi pas être remis en cause par des réactualisations rapides, d’autant qu’elle est aussi conçue pour évoluer en cohérence avec la loi de programmation des finances publiques.

Certains éléments de programmation renvoient à des ambitions politiques dépassant le seul cadre national : ainsi la coopération européenne dans le domaine militaro-industriel. De cette coopération dépendront la courbe de croissance des dépenses militaires et la complétude de notre modèle d’armée.

J’invite la commission des finances à formuler un avis favorable, compte tenu de l’équilibre satisfaisant que le titre Ier de la LPM ménage entre les enseignements tirés de la revue stratégique et la restauration des comptes de l’État.

 

M. François Cornut-Gentille. Je suis d’accord avec le rapporteur pour avis : l’effort annoncé dans cette LPM est significatif. Mais n’est-ce pas le cas de toutes les lois de programmation ? Notre collègue a évoqué les « marches » à 1,7 milliard, puis à 3 milliards d’euros ; le budget sera donc abondé de manière significative et nous aurions mauvaise grâce à ne pas le reconnaître.

Néanmoins, il est nécessaire d’insister sur un certain nombre de points de vigilance, car cette loi de programmation militaire est en réalité assez fragile. Je note d’ailleurs la sincérité du rapporteur pour avis, qui n’a cessé de répéter que ce n’est qu’une loi de programmation, c’est-à-dire une loi qui exprime des intentions, des espoirs, une envie. Cette envie est forte chez lui mais, comme chacun sait, l’envie ne suffit pas à faire une politique.

Pour l’opposition, il est nécessaire de reconnaître l’effort mais aussi de souligner les points de vigilance, car l’effort est principalement reporté après 2023. On l’a dit, les marches financières sont de 1,7 milliard jusqu’en 2022, et passent à 3 milliards en 2023. Une marche financière de 3 milliards sur un budget, permettez-moi de le dire, c’est costaud ! On peut même parler de mur. Il eût sans doute été plus crédible, pour montrer un volontarisme réel, de prévoir des marches progressives. C’est d’ailleurs ce que souhaitait l’ancien chef d’état-major des armées, Pierre de Villiers : il aurait aimé avoir 1,7 milliard cette année, 2 milliards l’année prochaine, 2,3 milliards l’année suivante, et que le budget augmente progressivement. Promettre un effort énorme après la prochaine élection présidentielle est peut-être un peu politicien, on ne peut manquer de le souligner. On peut certes affirmer que l’on atteindra 2 % du PIB en 2025 mais, quand on connaît le degré de tension de nos armées, ce qui est important c’est ce qu’elles auront immédiatement.

La « sincérisation » est réelle, pas seulement dans le discours du rapporteur, mais notamment sur les OPEX. En tant que citoyen et membre de la commission des finances, je m’en réjouis. En revanche, elle pose un problème aux militaires, puisque la solidarité interministérielle qui jouait précédemment cessera. Ces sommes seront bien prises sur l’effort de défense.

Nous débattrons de savoir si l’article 17 de la loi de programmation des finances publiques s’applique ou non à cette loi de programmation budgétaire. Il faudra également être vigilant pour savoir si le service national, dont on parle de plus en plus, sera couvert par les crédits affectés à la LPM. Avec la révision prévue en 2021, cette loi de programmation militaire est très importante pour dire ce que nous voulons pour nos armées, quels que soient les aléas ou les circonstances. En l’occurrence, vous nous dites simplement ce que vous aimeriez faire si tout va bien. Je comprends ce mode de raisonnement, qui participe au redressement des finances publiques – et que la majorité peut assumer –, mais ce n’est pas ce qui est dit aux militaires. Il leur a été dit qu’ils étaient prioritaires dans le budget, ce n’est pas complètement vrai : ils seront prioritaires si tout va bien.

M. Charles de Courson. Vu l’état de délabrement de l’armée française, on ne peut que se réjouir du retournement de la classe politique qui, dans la plupart de ses composantes, en a pris conscience et commence à augmenter lentement les moyens donnés à la défense. Comme François Cornut-Gentille, je pense que nous aurions mieux fait de nous arrêter en 2022, car prévoir 1,7 milliard par an puis, brutalement, passer à 3 milliards à partir de 2023 ne paraît pas très raisonnable. Mieux vaut dire que nous n’avons pas les moyens, et que nous consacrons 1,7 milliard d’euros jusqu’en 2022, charge à la nouvelle majorité de voter une nouvelle loi.

Par ailleurs, avec ces moyens, l’armée française disposera‑t‑elle des technologies permettant de ne pas décrocher complètement du niveau des autres armées ? Dans certains domaines, il ne sert à rien de chercher à rattraper dix ans de retard. Le rapporteur pour avis pourrait-il nous éclairer : avec ces moyens, et avec l’ouverture européenne qui permettra de mutualiser les coûts entre plusieurs pays, dont la France, pouvons-nous rattraper le retard ?

Il faut en effet se demander si nous bénéficierons indéfiniment du parapluie des États‑Unis. Dans l’histoire du monde, il n’y a qu’une certitude : il faut assurer soi-même sa défense. Ceux qui s’appuient sur les autres en pensant être ainsi durablement protégés ne sont pas à l’abri des évolutions stratégiques.

Enfin, le quart du budget de la défense est consacré aux armes nucléaires. La composante océanique et la composante aérienne sont-elles aussi indissociables que l’affirme le rapport ?

M. le rapporteur pour avis. Au-delà de l’ambition, la réalité impose de pouvoir répondre aux attentes des militaires. Cette loi de programmation militaire est en adéquation avec la loi de programmation des finances publiques. L’ambition est soutenue par une forte volonté de mettre les moyens.

Monsieur de Courson, vous soulevez la question de l’innovation, et celle de la mutualisation. La mutualisation en Europe est très importante, et lors des auditions, nous avons pu en parler très ouvertement. Cette LPM prend aussi en compte l’innovation, avec tout ce qui est lié à la cyberdéfense, mais également le recrutement, qui est un des points les plus difficiles pour la défense de demain.

Au-delà de la volonté, un certain nombre de choix politiques sont faits dans cette LPM, liés à l’innovation et aux moyens de mettre en adéquation une loi de programmation militaire et les moyens financiers de notre nation.


 

TITRE Ier
dispositions relatives aux objectifs de la politique de défense et à la programmation financière

 

Article 1er : Programmation

La commission émet un avis favorable à ladoption de larticle 1er, sans modification.

 

Article 2 : Approbation du rapport annexé et effort national de défense

La commission est saisie de lamendement CF8 du rapporteur pour avis.

M. le rapporteur pour avis. Cet amendement est lié aux préconisations de la Cour des comptes concernant les achats sur étagère. Il intègre ces recommandations dans les objectifs de ce projet de LPM pour accroître la performance des achats, sans remettre en question l’autonomie stratégique. Ces achats sur étagère devront être mobilisés à bon escient, dans le cadre de situations particulières, dans la mesure où bien souvent, les délais de fabrication et de conception ne sont pas en adéquation avec les réalités de terrain.

La commission adopte lamendement.

Elle est ensuite saisie de lamendement CF18 de Mme Valérie Rabault.

Mme Valérie Rabault. Dans leur rapport sur l’application de la LPM 2014-2019, Joaquim Pueyo et François André soulignent qu’« une forte concurrence avec le secteur privé existe pour certains métiers rares ou très qualifiés ». Je propose que le Gouvernement s’engage en faveur d’une révision progressive de la grille indiciaire des salaires des personnels civils et militaires du ministère des armées, afin de faciliter leur recrutement et leur fidélisation.

M. le rapporteur pour avis. Aujourd’hui, tous les retours d’expérience qui nous parviennent montrent que dans certains domaines comme la cyberdéfense, la difficulté est de former et de garder les militaires. La concurrence des acteurs du secteur privé est très difficile, même en révisant les grilles indiciaires. Au reste, deux décrets ont déjà réévalué ces grilles en septembre 2017 et octobre 2017. Avis défavorable.

La commission rejette lamendement.

Elle en vient à lamendement CF17 de M. Jean-Paul Mattei.

M. Jean-Paul Mattei. Cet amendement porte sur la mise en place d’un plan de réduction du traumatisme sonore pour le personnel combattant. Il y est prévu que le matériel fourni à chaque militaire devra concerner la protection auditive active des traumatismes sonores, première cause, après les blessures, de réformation des militaires selon le rapport Audibert-Troin. On compte plus de 1 100 nouveaux cas tous les ans selon le service de santé des armées. Les traumatismes sonores touchent 84 % des personnels de l’armée de terre, avec un âge moyen d’invalidité de 24 ans, et la tranche d’âge de 20 à 35 ans est la plus touchée.

Le dispositif actuel présente des faiblesses que d’autres armées, comme celle des États-Unis ou de la Suède, ont su résoudre par une politique volontariste ayant permis de réduire de 70 % les traumatismes en moins de trente-six mois, et par un plan de prévention, de formation et d’équipement.

Le coût de la prise en charge de ces traumatismes auditifs par le ministère des armées représente 25 millions d’euros par an, alors que l’achat des équipements de protection auditive ne coûterait que 5 millions par an, et permettrait de conserver dans les rangs des militaires en parfaite condition physique et opérationnels.

M. le rapporteur pour avis. Bien que cet amendement n’ait qu’un rapport indirect avec les aspects financiers de la LPM, avis favorable.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Il a été entendu... !

M. Charles de Courson. Je ne comprends pas bien cet amendement. Comme certains d’entre nous, peut-être, j’ai été fantassin. Se battre avec des protections auditives est compliqué. Bien entendu, il est possible de se protéger les oreilles lorsque l’on pratique du tir d’entraînement, mais chacun sait que les artilleurs sont sourds !

La commission adopte lamendement.

Elle en vient à lamendement CF9 du rapporteur pour avis.

M. le rapporteur pour avis. Afin de développer l’attractivité des carrières civiles comme militaires, il convient d’étendre les campagnes publicitaires promouvant les métiers de la défense aux emplois civils du ministère des armées.

La commission adopte lamendement.


Elle en vient à lamendement CF19 de Mme Valérie Rabault.

Mme Valérie Rabault. Le service militaire volontaire est un dispositif d’insertion socioprofessionnelle des jeunes de 18 à 25 ans. Cet amendement vise à permettre d’ouvrir deux nouveaux centres si la demande du public existe et si les territoires offrent des formations et des débouchés. Ces centres pourraient ouvrir dans les zones géographiques moins dotées, comme le nord et le sud de la France, qui sont plus éloignés des centres actuellement envisagés ou ouverts.

M. le rapporteur pour avis. Cet amendement n’étant pas de la compétence de la commission des finances, je vous propose de le retirer.

Lamendement est retiré.

La commission est saisie de lamendement CF10 du rapporteur pour avis.

M. le rapporteur pour avis. L’objet de cet amendement est d’opter pour des termes plus conformes à la finalité de cette section du rapport annexé, qui est de renforcer l’information financière du Parlement et son action de contrôle de l’exécution budgétaire. Ainsi, la formule « Contrôle du Parlement » traduirait plus fidèlement l’idée selon laquelle, plus qu’un dialogue, le vote du budget requiert un véritable contrôle de sa bonne exécution.

M. Patrick Hetzel. J’appuie cet amendement ; à un moment où l’exécutif a manifestement la volonté de réduire les marges de manœuvre du Parlement, il est salutaire d’insister sur le véritable rôle du Parlement.

M. François Cornut-Gentille. J’ai aussi un avis très favorable, et je présenterai moi-même un amendement dans ce sens.

La commission adopte lamendement.

Elle examine ensuite lamendement CF12 du rapporteur pour avis.

M. le rapporteur pour avis. Cet amendement a pour objet de consolider l’information financière du Parlement et son pouvoir de contrôle de l’exécution de la loi de programmation militaire. Il est tout à fait bienvenu d’enrichir l’action de contrôle du Parlement au stade du règlement des comptes, au regard du calendrier et des objectifs résultant de la programmation militaire en vigueur. L’objectif est de tendre vers une exécution budgétaire fidèle à la trajectoire de la programmation militaire, ainsi qu’à la mise en œuvre effective des objectifs de cette même programmation.

La commission adopte lamendement.


Elle examine ensuite lamendement CF3 de M. François Cornut-Gentille.

M. François Cornut-Gentille. Cet amendement va dans le sens de ce que nous venons de dire. Ceux qui ont eu loccasion de travailler avec le ministère de la défense observent une utilisation parfois abusive de la classification « secret ». Des réponses sont parfois classées confidentielles alors que lon en retrouve tous les éléments dans la presse le lendemain.

Nous souhaitons que le ministère soit obligé de se restreindre, d’argumenter, de classifier certaines parties de réponse quand c’est justifié, mais que la volonté d’obstruction que nous sentons parfois à l’égard du travail du Parlement cesse. L’objet de cet amendement est d’obliger le ministère à justifier la classification d’informations confidentielles. Nous la comprenons très bien dans certains cas, mais c’est parfois une façon de ne pas répondre.

M. le rapporteur pour avis. Avis favorable.

M. Charles de Courson. Mes chers collègues, est-il possible d’opposer à nos rapporteurs spéciaux un secret de quelque nature que ce soit ? À ma connaissance, non, même si c’est parfois le cas dans la pratique, comme le rappelle François Cornut-Gentille. Ces pratiques sont totalement illégales. Le problème est la sanction des militaires qui refusent de répondre.

À un moment, il était demandé que les rapporteurs spéciaux soient habilités secret défense. Où va-t-on ? Le peuple ne va pas choisir uniquement des candidats habilités secret défense ! Monsieur le rapporteur, si nous votons cet amendement, confirmez-vous que les militaires devront répondre au rapporteur spécial ?

M. François Cornut-Gentille. C’est toute la différence entre la loi et la pratique ! Ce sont les pratiques qu’il faut faire évoluer.

M. le président Éric Woerth. Vous pouvez faire remonter à la commission les refus de réponse pour ces raisons, et dans ce cas, nous prendrons les contacts au bon niveau pour régler ces questions. Mais des problèmes de cette nature se poseront toujours, c’est aussi vrai pour d’autres administrations qui ne sont pas concernées par le secret de la défense.

La commission adopte lamendement.

Puis elle émet un avis favorable à ladoption de larticle 2, modifié.


Article 3 : Moyens de la politique de défense

La commission est saisie de lamendement CF1 de M. François Cornut-Gentille.

M. François Cornut-Gentille. La loi de programmation militaire a été conçue alors qu’on ne parlait pas du service national universel. Il me paraît important de préciser que cette LPM exclut le financement de ce service, conformément aux propos du Président de la République.

M. le rapporteur pour avis. Je vous confirme que le service national universel bénéficiera d’un financement ad hoc. Dès lors, la LPM ne concerne pas tout ce qui est lié à ce nouveau service. Avis défavorable, par conséquent.

M. le président Éric Woerth. Pourtant vous êtes d’accord pour dire que le service national universel est exclu du champ de la LPM.

M. le rapporteur pour avis. Cet amendement renvoie à un objet, le service national universel, qui n’a pas d’existence juridique. C’est pour cela que nous émettons un avis défavorable.

M. Patrick Hetzel. L’argument juridique ne vaut pas. Je comprends que vous ne vouliez pas accepter l’amendement, mais ne nous dites pas que c’est pour une raison juridique.

M. Charles de Courson. Je suis entièrement d’accord avec l’amendement de François Cornut-Gentille. Il manque un petit mot pour apaiser les graves incertitudes juridiques de notre rapporteur : faisons mention au « futur » service national universel.

M. le rapporteur pour avis. Sur le fond, votre préoccupation devrait être dissipée par les termes même de l’article 3, qui dispose que les ressources budgétaires sont programmées « à périmètre constant sur la mission "Défense" ». Dès lors, on exclut de fait le nouveau service national universel.

M. Jean-Paul Mattei. Je soutiens la position du rapporteur : on ne peut pas mentionner dans un article de loi un dispositif futur. S’il change de nom, que se passera-t-il ?

M. Patrick Hetzel. Bien sûr que si ! Si le nom doit être changé, il suffira de modifier ce texte au même moment, c’est aussi simple que cela. Ce sont des arguties.

Mme Véronique Louwagie. Monsieur le rapporteur, vous n’avez pas répondu à la question qui vous a été posée de manière très claire par François Cornut-Gentille. Il est important que les Français connaissent les intentions du Gouvernement et de la majorité, et effectivement, l’argument juridique ne tient pas du tout.

M. le président Éric Woerth. Je rappelle qu’il s’agit d’une loi de programmation. Elle a nécessairement un caractère prospectif.

M. Charles de Courson. Je dépose un sous-amendement à l’amendement CF1. Je propose d’insérer le mot « futur », afin que l’amendement CF1 mentionne le « futur service national universel ».

M. le rapporteur pour avis. Les dispositions existantes sont précises, avis défavorable.

La commission rejette le sous-amendement CF25 de M. Charles de Courson, puis elle rejette lamendement CF1.

Elle est ensuite saisie de deux amendements en discussion commune, CF6 de M. François Cornut-Gentille et CF21 de Mme Valérie Rabault.

M. François Cornut-Gentille. Il n’y a pas d’unité dans la présentation de la LPM. Il s’agit donc de poursuivre la présentation du budget en milliards d’euros courants, y compris pour la période 2019-2023.

Mme Valérie Rabault. L’amendement CF21 vient soutenir la majorité. Vous avez défini un objectif pour nos armées exprimé en pourcentage du PIB. Il est extrêmement curieux que la LPM que vous nous présentez aujourd’hui n’utilise pas le même indicateur que celui avancé par le Président de la République pendant sa campagne pour définir les objectifs.

Aujourd’hui, nous sommes à un niveau de dépenses inférieur à 1,7 % du PIB. L’objet de cet amendement est que jusqu’à 2025, conformément à l’engagement du Président de la République, nous avancions chaque année et que nous fixions un objectif de dépenses pour la mission Défense exprimé en pourcentage du PIB.

Dans la LPM, les montants sont exprimés en euros constants. Si la croissance économique va mieux, ce que nous espérons tous, ce ne sera pas le budget de la défense qui en bénéficiera. En définissant les objectifs en pourcentage, nous retenons l’indicateur donné par le Président de la République.

M. le rapporteur pour avis. Monsieur Cornut-Gentille, il est indiqué au troisième alinéa de l’article 3 que « les crédits budgétaires pour 2024 et 2025 seront précisés par des arbitrages complémentaires dans le cadre des actualisations prévues à larticle 6 ». Cet amendement remettrait en cause ces dispositions. Avis défavorable.

S’agissant de l’amendement présenté par Valérie Rabault, je précise que les montants qui sont fixés dans la loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 sont en adéquation avec l’article 3. L’adoption de son amendement briserait cette cohérence.

Mme Valérie Rabault. Vous êtes donc en train de m’expliquer que la loi de programmation des finances publiques ne permet pas d’atteindre l’objectif fixé par le Président de la République.

M. le rapporteur pour avis. Ce n’est pas ce que j’ai dit.

Mme Valérie Rabault. Si, je vous l’assure, c’est ce que vous venez de dire. Si les deux textes sont en adéquation, vous pouvez parfaitement accepter mon amendement.

M. le rapporteur pour avis. La loi de programmation des finances publiques ne court que jusqu’à 2022. De plus, si nous retenions les pourcentages que vous proposez, les dépenses augmenteraient de manière significative.

Mme Valérie Rabault. C’est bien ce que je dis, et il n’y a donc pas adéquation entre la loi de programmation des finances publiques et l’objectif fixé par le Président de la République.

M. le rapporteur pour avis. Il y a une cohérence avec les montants fixés dans la loi de programmation des finances publiques.

M. le président Éric Woerth. Valérie Rabault veut savoir s’il y a une cohérence avec l’objectif de 2 % de PIB.

Mme Valérie Rabault. Monsieur le rapporteur pour avis, le Président de la République vous a fixé un objectif de 2 % pour les crédits budgétaires consacrés à la défense à l’horizon 2025. Mon amendement ne fait que traduire cet objectif.

Vous me dites que cet amendement ne doit pas être adopté car il entrerait en contradiction avec la loi de programmation des finances publiques. J’en déduis que l’objectif de consacrer 2 % du PIB aux crédits budgétaires de la défense n’est pas en adéquation avec la loi de programmation des finances publiques.

M. François Cornut-Gentille. Cette loi est présentée sur sept années ; il me paraît cohérent de conserver ce mode de présentation pour tous les tableaux présentés par le Gouvernement.

M. Jean-René Cazeneuve. En matière de programmation militaire, il s’agit d’engager des investissements sur le long terme. Il est plus rassurant d’exprimer des sommes en milliards d’euros, qui permettent d’engager des programmes militaires, plutôt qu’en pourcentages qui laissent exister un aléa sur telle ou telle année, en fonction de la croissance du PIB et de son rythme.

M. le rapporteur pour avis. Un élément de précision pour Valérie Rabault : la loi de programmation des finances publiques ne porte pas sur la même période que la LPM. La LPM va de 2019 à 2025.

 

Mme Valérie Rabault. Monsieur le rapporteur pour avis, si je dépose le même amendement en séance publique, en le faisant s’achever en 2022, il portera sur la même période que la loi de programmation des finances publiques. Dans ce cas, y serez-vous favorable ?

M. le rapporteur pour avis. Nous l’étudierons en temps utile.

La commission rejette successivement les amendements CF6 et CF21.

En conséquence, lamendement CF22 de Mme Valérie Rabault tombe.

La commission émet un avis favorable à ladoption de larticle 3, sans modification.

 

Après larticle 3

La commission est saisie de lamendement CF4 de M. François Cornut-Gentille.

M. François Cornut-Gentille. Actuellement, dans le texte, le report de charges est exprimé en pourcentage d’un chiffre inconnu. Il faut se fonder sur des chiffres réels et un véritable contrôle, permettant une véritable maîtrise du report de charges. C’est dans l’esprit de la LPM.

M. le rapporteur pour avis. L’objectif est de réduire la part du report de charges de 16 % des crédits hors masse salariale en 2019 à 10 % en 2025. Cet amendement vise à substituer à la trajectoire exprimée en pourcentages une trajectoire de réduction en euros courants. Cette démarche nous semble moins précise que celle du projet de loi, et porteuse de risques dans la mesure où le chiffrage en euros ne prend pas en compte l’évolution substantielle des crédits hors titre 2 sur la période. Avis défavorable.

M. François Cornut-Gentille. Il me semble qu’un montant chiffré du report de charges est beaucoup plus contraignant qu’un pourcentage.

La commission rejette lamendement.

Elle est saisie de deux amendements en discussion commune, CF5 de M. François Cornut-Gentille et CF20 de Mme Valérie Rabault.

M. François Cornut-Gentille. Le montant des restes à payer est aujourd’hui encadré par la loi de programmation des finances publiques (LPFP). Lors de la discussion de ce projet de loi, il avait été question d’en exempter le budget militaire, ou au moins les investissements militaires. Cela avait été refusé, mais cette préoccupation réapparaît en annexe. Pourquoi, si le Gouvernement s’en préoccupe, ne pas la faire figurer dans le corps du texte pour lui donner toute sa force ? À moins qu’elle ne figure en annexe parce qu’elle n’a pas de valeur juridique, ce qui serait une curieuse démarche.

M. le rapporteur pour avis. Nous avons cherché une formulation qui ménage un équilibre entre l’objectif général énoncé par la LPFP et la nécessaire prise en compte des particularités des investissements de défense. Elle préserve en particulier d’une interprétation restrictive de l’article 17 de la LPFP, tout en maintenant un principe de stabilisation. Il sera néanmoins utile d’entendre le Gouvernement sur les raisons qui l’ont amené à choisir ce dispositif. Je vous propose de retirer cet amendement, et de le déposer pour qu’il soit discuté en séance publique.

M. François Cornut-Gentille. Je ne comprends pas bien votre explication. Il est clair qu’il y a un risque que les investissements de défense soient limités à l’avenir par le biais de l’article 17 de la LPFP.

Soit nous reconnaissons ce risque et nous voulons le combattre, alors autant faire figurer cette disposition dans le corps du texte. Soit nous pensons qu’il n’y a pas de problème, mais ce n’est pas ce que vous venez de nous expliquer.

Je crois savoir, par ailleurs, que le président de la commission de la défense est tout à fait en accord avec mon point de vue.

M. le président Éric Woerth. Une question de cohérence entre la LPFP et le sort des restes à payer se pose. C’est au Gouvernement de clarifier les choses.

M. François Cornut-Gentille. Si le Gouvernement prévoit cette disposition en annexe, c’est bien qu’il considère qu’il faut remédier à quelque chose.

M. le rapporteur pour avis. Effectivement, il faut que nous entendions le Gouvernement. Ce point sera discuté en commission de la défense, c’est pourquoi je vous propose de retirer cet amendement et d’en discuter en séance publique.

M. François Cornut-Gentille. Nous maintenons cet amendement, pour ouvrir le débat.

La commission rejette successivement les amendements CF5 et CF20.

 

Article 4 : Provision au titre des surcoûts OPEX et MISSINT

La commission est saisie de deux amendements en discussion commune, CF15 de Mme Muriel Ressiguier et CF7 de M. François Cornut-Gentille.

Mme Muriel Ressiguier. Cet amendement vise à modifier la provision dédiée aux OPEX, en la rétablissant à hauteur de 650 millions d’euros par an.

Conformément aux recommandations de la Cour des comptes, le Gouvernement veut mettre fin à la sous-budgétisation des opérations extérieures. Cependant, derrière cet effort de transparence louable, il élude la question même de la présence française sur les théâtres d’opération étrangers.

En effet, nous considérons que la France n’a pas vocation à multiplier les opérations extérieures. Celles-ci ont avant tout vocation à rester exceptionnelles, en s’inscrivant uniquement dans le cadre de l’Organisation des Nations unies.

Budgétiser une telle provision pour les OPEX revient de facto à avaliser la situation actuelle, héritée du quinquennat précédent, où nos forces armées sont intervenues sur plusieurs fronts, à savoir le Sahel, la Syrie, le Liban et les États baltes, cette dernière opération se déroulant de plus dans le cadre de l’OTAN.

Nous estimons que la provision prévue est trop élevée, et que nous devons avant tout réfléchir à ce que la France doit faire sur les théâtres étrangers.

M. François Cornut-Gentille. L’amendement CF7 harmonise simplement les montants sur l’ensemble de la période.

M. le rapporteur pour avis. L’intervention de Muriel Ressiguier va au-delà de l’amendement. Notre objectif, au sein de la commission des finances, est de nous assurer que les budgets prévus sont sincères. Aujourd’hui, il serait malvenu de diminuer le budget attribué aux OPEX. Avis défavorable.

Mme Amélie de Montchalin. Sur un plan plus politique, et pour rappeler la vocation de notre commission, il serait malvenu que, pour des raisons budgétaires, nous contrevenions à des engagements pris au niveau international, soit à l’ONU, soit à l’OTAN, soit au niveau européen. Toutes ces interventions extérieures font l’objet d’un mandat international et il n’est pas du rôle de la commission des finances de décider quelles opérations la France doit mener, et surtout pas d’en limiter le budget. Si nous avons un mandat international pour agir, le pire serait de ne pas affecter les moyens de bien remplir notre mission internationale.

La commission rejette successivement les amendements CF15 et CF7.

Elle examine ensuite lamendement CF23 de Mme Valérie Rabault.

Mme Christine Pires Beaune. Cet amendement tend à préciser le délai dans lequel serait remis le rapport prévu par l’article 4. Souvent, les décrets d’avance concernant les OPEX arrivent en fin d’année. Disposer d’un rapport avant le 30 juin nous paraît donc pertinent.

M. le rapporteur pour avis. Votre proposition est très intéressante. Avis favorable.

La commission adopte lamendement.

 

Elle est ensuite saisie de lamendement CF13 du rapporteur pour avis.

M. le rapporteur pour avis. Cet amendement vise à préciser que les commissions des finances et de la défense et des forces armées seront toutes deux destinataires du bilan opérationnel et financier des OPEX et des missions intérieures (MISSINT) prévu par le présent article.

La commission adopte lamendement.

Puis elle émet un avis favorable à ladoption de larticle 4, modifié.

 

Article 5 : Effectifs

La commission émet un avis favorable à ladoption de larticle 5, sans modification.

 

Article 6 : Actualisation

La commission adopte lamendement rédactionnel CF14 du rapporteur pour avis.

Puis elle émet un avis favorable à ladoption de larticle 6, modifié.

 

La commission émet enfin un avis favorable à ladoption du titre Ier du projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense, modifié.

 

 

 

 

 

 


—  1  —

   annexe :
Liste des personnes auditionnées

 

 

Cour des comptes :

 

 M. Jean-Philippe Vachia, président de la 4e chambre

– M. Jean de Gaulle, président de la 5e section

– Mme Françoise Saliou, conseiller maître

– Mme Rosine Travers, rapporteure extérieure

 

 

Ministère des armées (cabinet civil et militaire) :

 

 M. Martin Briens, directeur du cabinet civil et militaire

– Mme Animya NTchandy, conseillère parlementaire

– M. Gilles Lara-Adélaïde, conseiller budgétaire

 

 

Ministère des armées (direction des affaires financières) :

 

 M. Christophe Mauriet, directeur

– M. Pierre-Marie Fromion, chargé de mission

 

 

Participation aux auditions de la commission de la défense :

 

– Mme Florence Parly, ministre des armées

– M. Guillaume Poupard, directeur général de l’Agence nationale de la sécurité des services d’information

– Général Jean-François Ferlet, directeur du renseignement militaire

– Général Olivier Bonnet de Paillerets, commandant de la cyberdéfense

– Représentants d’associations professionnelles nationales de militaires

– Représentants de syndicats des personnels civils de la défense

– M. Emmanuel Levacher, président de Renault Trucks Defense

– M. Guillaume Faury, président d’Airbus Commercial Aircraft

– M. Patrice Caine, président de Thales

– M. Hervé Guillou, président-directeur général de Naval Group

– M. Éric Trappier, président-directeur général de Dassault Aviation


([1]) Rapport annexé, alinéa 42.

([2]) Rapport annexé, alinéa 450.

([3])  Loi n° 2015-1786 du 29 décembre 2015 de finances rectificative pour 2015.

([4]) Service industriel aéronautique. La rémunération des effectifs mis à la disposition du SIAé fait l’objet d’un remboursement en gestion.

([5]) Rapport annexé, alinéa 236.

([6]) Rapport annexé, alinéa 409.

([7]) Ibid., alinéa 411.

([8]) Ibid., alinéas 169 à 171.

([9]) Rapport annexé, alinéa 378.

([10]) Ibid., alinéa 482.

([11])  « L’agrégat composé des dépenses du budget général et des budgets annexes, hors mission « Remboursements et dégrèvements » et « Investissements d’avenir », hors charge de la dette et hors contributions « Pensions », des plafonds des impositions de toutes natures […], des dépenses des comptes d’affectation spéciale (hors comptes d’affectation spéciale « Pensions », « Participations financières de l’État », et hors programmes de désendettement, ou portant à titre principal sur des contributions aux collectivités territoriales ou des engagements financiers) et du compte de concours financier « Avances à l’audiovisuel public » est dénommé norme de dépenses pilotables de l’État […]. »

([12])  Rapport annexé, alinéa 461.

([13]) « Ces renégociations, dont les effets se sont cumulés avec celles déjà menées en 2009, ont eu pour résultat une envolée des coûts unitaires des matériels. » Cour des comptes, référé du 19 juillet 2017 sur la mise en œuvre de la loi de programmation militaire 2014-2019 et les perspectives financières de la mission Défense.

([14]) La mise en œuvre de la loi de programmation militaire 2014-2019 et les perspectives financières de la mission Défense, rapport d’observations définitives, 13 juin 2017.

([15])  Loi n° 2013-1168 du 18 décembre 2013 relative à la programmation militaire pour les années 2014 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense et la sécurité nationale, article 6, alinéa 2.

([16])  Dans le cadre de l’effort de redressement du budget de l’État pour l’exercice 2017, le décret n° 2017-1182 du 20 juillet 2017 portant ouverture et annulation de crédits à titre d’avance a annulé 850 millions d’euros sur le programme 146 et a ouvert 643,2 millions sur le programme au titre du financement des opérations extérieures.

([17]) Rapport annexé, alinéa 474.

([18]) Rapport annexé, alinéa 239.

([19]) Ibid., alinéa 246.

([20]) Ibid., alinéa 255.