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N° 838

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 29 mars 2018.

AVIS

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DU DÉVELOPPEMENT DURABLE ET DE L’AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE SUR LE PROJET DE LOI, après engagement de la procédure accélérée, pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine et durable (n° 627).

PAR Mme Laurence MAILLART-MÉHAIGNERIE

Députée

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 Voir le numéro : 627.

 


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SOMMAIRE

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 Pages

introduction

TRAVAUX DE LA COMMISSION

I. Discussion générale

II. EXAMEN des articles

TITRE II mesures en faveur dune alimentation saine, de qualité et durable

Article additionnel avant l’article 11 Intitulé du titre II du projet de loi

Article additionnel avant l’article 11 Création d’une division au sein du titre II

Avant l’article 11

Article additionnel avant l’article 11 (article L. 230-5 du code rural et de la pêche maritime) Comités de représentants des usagers de la restauration collective

Article 11 (article L. 230-5-1 [nouveau] du code rural et de la pêche maritime) Mesures en faveur dune alimentation saine, de qualité et durable dans la restauration collective

Article additionnel après l’article 11 (article L. 225-102-1 du code du commerce) Informations fournies dans le cadre de la responsabilité sociétale des entreprises

Après l’article 11

Article additionnel après l’article 11 (article L. 122-19 du code de la consommation) Application du dispositif « fait maison » aux restaurants collectifs

Article additionnel après l’article 11 Indication des pays d’origine du miel

Après l’article 11

Article additionnel après l’article 11 (article L. 3232-10 [nouveau] du code de la santé publique) Étiquetage volontaire pour les produits d’animaux nourris sans farines animales

Article additionnel après l’article 11 (article L. 541-10-5 du code de l’environnement) Interdiction des contenants en matière plastique dans les services de restauration collective

Après l’article 11

Article additionnel après l’article 11 (articles L.1 et L.111-2 du code rural et de la pêche maritime) Objectif de 15 % de surface agricole utile affectée à la production biologique

Article additionnel après l’article 11 (article L. 1 du code rural et de la pêche maritime) Objectif d’une culture générale de l’alimentation

Article additionnel après l’article 11 (article L. 1 du code rural et de la pêche maritime) Promotion d’une exception agri-culturelle dans les relations internationales

Article additionnel après l’article 11 (article L. 1 du code rural et de la pêche maritime) Intégration de la lutte contre le changement climatique dans la politique de l’agriculture et de l’alimentation

Article additionnel après l’article 11 (article L. 1 du code rural et de la pêche maritime) Financements du programme national pour l’alimentation

Après l’article 11

Article additionnel après l’article 11 (article L. 111-2-2 du code rural et de la pêche maritime) Rôle de chef de file pour les régions volontaires en matière de projets alimentaires territoriaux

Article additionnel après l’article 11 (article L. 201-7 du code rural et de la pêche maritime) Communication des résultats des contrôles sanitaires

Après l’article 11

Article additionnel après l’article 11 (article L. 640-1 du code rural et de la pêche maritime) Élargissement des objectifs des signes de qualité à la promotion de produits n’ayant pas contribué à la déforestation importée

Après l’article 11

Article additionnel après l’article 11 (articles L. 640-2 et L. 641-19-2 [nouveau] du code rural et de la pêche maritime) Création d’une mention valorisante à intérêt nutritionnel et environnemental

Après l’article 11

Article additionnel après l’article 11 (article L. 642-9 du code rural et de la pêche maritime) Ouverture des comités nationaux de l’INAO aux associations agrées de protection de l’environnement

Après l’article 11

Articles additionnels après l’article 11 (articles 1er et 3 de la loi n° 2014-773 du 7 juillet 2014) Objectifs de la politique de développement et de solidarité internationale

Après l’article 11

Article additionnel après l’article 11 Rapport sur l’extension des objectifs de l’article 11 à la restauration collective privée

Après l’article 11

Article additionnel après l’article 11 Modulation des dotations aux établissements scolaires en fonction des démarches de développement durable

Après l’article 11

Article additionnel après l’article 11 Rapport d’étape sur le plan Protéines végétales

Article additionnel après l’article 11 Suspension de la mise sur le marché des denrées contenant du dioxyde de titane

Après l’article 11

Article additionnel après l’article 11 Objectif pour l’État de n’acheter que des produits n’ayant pas contribué à la déforestation importée

Après l’article 11

Article additionnel après l’article 11 (article L. 230-3 du code rural et de la pêche maritime) Missions de l’observatoire de l’alimentation

Après l’article 11

Article additionnel après l’article 11 Évaluation du dispositif des projets alimentaires territoriaux

Article additionnel après l’article 11 Rapport sur la définition de la durée de vie d’un produit alimentaire

Article 12 (chapitre VI du Livre II et article L. 266-1 [nouveaux] du code de l’action sociale et des familles, article L. 541-15-5 du code de l’environnement) Définition de l’aide alimentaire au sein du code de l’action sociale et des familles

Article additionnel après l’article 12 (article L. 541-15-6 du code de l’environnement) Qualité des dons de denrées alimentaires par les grandes et moyennes surfaces

Après l’article 12

Article additionnel après l’article 12 (article L. 3231-1 du code de la santé publique) Intégration de la lutte contre la précarité alimentaire dans les objectifs du programme national pour la nutrition et la santé

Article additionnel après l’article 12 Intitulé d’un nouveau chapitre au sein du titre II

Article 13 (article 2-13 du code de procédure pénale, article L. 215-11 du code rural et de la pêche maritime) Renforcement des sanctions pénales et des droits reconnus aux associations de protection des animaux en matière de maltraitance animale

Article additionnel après l’article 13 (article L. 214-3 du code rural et de la pêche maritime) Définition de l’interdiction de mauvais traitements envers les animaux

Après l’article 13

Article additionnel après l’article 13 (article L. 654-3-1 [nouveau] du code rural et de la pêche maritime) Généralisation de la désignation des responsables en matière de protection animale dans les abattoirs

Article additionnel après l’article 13 (article L. 654-3-1 [nouveau] du code rural et de la pêche maritime) Renforcement des dispositions relatives aux lanceurs d’alerte dans les abattoirs

Article additionnel après l’article 13 (article L. 654-3-1 [nouveau] du code rural et de la pêche maritime) Signature et publication d’un protocole sanitaire par les abattoirs

Article additionnel après l’article 13 (article L. 811-1 du code rural et de la pêche maritime) Intégration de la sensibilisation au bien-être animal dans les missions de l’enseignement et de la formation aux métiers de l’agriculture

Après l’article 13

Article additionnel après l’article 13 Intitulé d’un nouveau chapitre au sein du titre II

Article 14 (articles L. 253-1 et L. 253-5-2 [nouveaux] du code rural et de la pêche maritime) Interdiction des remises, rabais et ristournes sur les produits phytopharmaceutiques

Article additionnel après l’article 14 (articles  L. 253-5 et L. 25316 du code rural et de la pêche maritime) Interdiction à compter du 1er janvier 2022 de la publicité pour les produits phytopharmaceutiques à destination des professionnels dans les revues spécialisées

Article additionnel après l’article 14 (article L. 253-6 du code rural et de la pêche maritime) Simplification des conditions d’autorisation et réduction des délais d’évaluation des produits de biocontrôle

Article additionnel après l’article 14 (article L. 253-8 du code rural et de la pêche maritime) Interdiction de la vente en vue de la consommation humaine de denrées alimentaires traitées avec des pesticides contenant des substances actives non approuvées par l’Union européenne

Article additionnel après l’article 14 (article L. 253-8 du code rural et de la pêche maritime) Interdiction à compter du 1er décembre 2020 de la production, du stockage et de la vente de produits phytopharmaceutiques contenant des substances actives non approuvées par l’Union européenne

Article additionnel après l’article 14 (article L. 253-8 du code rural et de la pêche maritime) Interdiction à compter du 1er juillet 2021 de l’utilisation de produits phytopharmaceutiques contenant la substance active du glyphosate

Article additionnel après l’article 14 (article L. 253-8 du code rural et de la pêche maritime) Définition des produits phytopharmaceutiques contenant une ou des substances actives de la famille des néonicotinoïdes

Article additionnel après l’article 14 (article L. 254-3 du code rural et de la pêche maritime) Création de l’obligation de suivre une formation à la substitution des produits phytopharmaceutiques de synthèse par des alternatives pour obtenir un Certiphyto

Article additionnel après l’article 14 (article L. 510-1 du code rural et de la pêche maritime) Faire de la réduction de l’utilisation des produits phytopharmaceutiques une mission du réseau des chambres d’agriculture

Article additionnel après l’article 14 (article L. 511-7 du code rural et de la pêche maritime) Réserver un collège des chambres départementales et régionales d’agriculture à la représentation des collectivités territoriales, des consommateurs et des associations de protection de la nature et de l’environnement

Article additionnel après l’article 14 (article L. 661-8 du code rural et de la pêche maritime) Ouverture de la possibilité de céder à titre onéreux des variétés de semences relevant du domaine public destinées aux jardiniers amateurs

Article additionnel après l’article 14 (article L. 1313-5 du code de la santé publique) Ouverture aux ministres en charge de l’environnement et de la santé de la possibilité de s’opposer à la délivrance d’une autorisation de mise sur le marché de produit phytopharmaceutique et de demander à l’ANSES de réexaminer son dossier

Article additionnel après l’article 14 Rapport sur les modalités de réparation intégrale des préjudices des personnes atteintes d’une pathologie causée par une exposition directe aux produits phytopharmaceutiques

Article 15 Habilitation du Gouvernement à prendre des mesures de séparation des activités de vente et de conseil à lutilisation de produits phytosanitaires et des mesures de lutte contre le gaspillage alimentaire par ordonnances

Après l’article 15

Article additionnel après l’article 15 (article L. 111-2-2 du code rural et de la pêche maritime) Intégration de la lutte contre le gaspillage alimentaire aux objectifs des projets alimentaires territoriaux

Article additionnel après l’article 15 (article L. 631-4 du code rural et de la pêche maritime) Intégration de l’objectif de lutte contre le gaspillage alimentaire dans les accords interprofessionnels

Après l’article 15

Article additionnel après l’article 15 (articles L. 312-17-3 et L. 551-1 du code de l’éducation) Renforcement de la sensibilisation aux bonnes pratiques alimentaires et à la lutte contre le gaspillage alimentaire dans les écoles, collèges et lycées

Après l’article 15

Article additionnel après l’article 15 (article L. 541-15-7 [nouveau] du code de l’environnement) Mise à disposition obligatoire d’un contenant pour emporter les restes dans les restaurants

Après l’article 15

Article additionnel après l’article 15 Rapport sur l’adaptation du taux de TVA en fonction de l’intérêt nutritionnel des produits alimentaires

Liste des personnes auditionnées


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   introduction

 

Le présent projet de loi est le résultat d’une réflexion et d’un travail menés depuis le début de la législature par les pouvoirs publics mais également par les acteurs du monde agricole et la société civile. Il est à la fois une réponse apportée aux dysfonctionnements chroniques que connaît l’agriculture française et la concrétisation d’attentes sociétales fortes pour une alimentation de qualité, respectueuse de l’environnement et accessible à tous.

Ce texte porte deux objectifs. D’une part, rééquilibrer les relations commerciales dans le secteur agricole pour répartir plus équitablement la valeur ajoutée créée par la production et la consommation alimentaire au bénéfice des agriculteurs (l’agriculture française récupère aujourd’hui moins de 10 % de la valeur ajoutée induite totale par cent euros de consommation alimentaire). D’autre part, il retranscrit les ambitions françaises pour une alimentation saine, durable et de qualité, et met en œuvre les moyens nécessaires à leur réalisation. Il prend la mesure des enjeux de développement durable liés à la nécessaire transformation du modèle agricole français dans ses trois dimensions – environnementale, économique et sociale. L’impact de cette transformation sur la qualité de la production agricole et alimentaire en France est également un enjeu de santé publique, de préservation de nos ressources naturelles et d’équilibre de nos écosystèmes.

C’est là toute l’ambition de ce projet de loi : assurer la pérennité, la transformation et le succès du modèle agricole français et de la « ferme France », dans un environnement économique très compétitif et de plus en plus mondialisé.

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La situation des agriculteurs français n’a cessé de se dégrader ces dernières années : entre 2000 et 2016, le nombre d’exploitations a été réduit de 35 %, les petites et moyennes structures étant les plus touchées ([1]). Aujourd’hui, un tiers des agriculteurs français « vit » avec moins de 350 euros par mois de revenus tirés de son activité ([2]). Cette rémunération, largement insuffisante, ne leur permet plus de vivre dans des conditions acceptables ; pire, elle ne leur apporte plus la dignité normalement associée au travail. Elle expose le modèle agricole français à de grandes fragilités, à une perte de compétitivité dans certaines filières et menace à terme la pérennité du monde agricole.

Un tel constat appelle des réponses fortes. Il rend indispensable une refondation générale du secteur, dont dépend l’avenir de notre agriculture et du monde paysan. Cette transformation, les Français en perçoivent la nécessité et l’attendent. Ils ont exprimé à de nombreuses reprises leur attachement au monde agricole et leur désir d’une alimentation saine et durable, pour laquelle ils sont disposés à payer le juste prix aux producteurs. Ils sont conscients que la pérennité de notre agriculture ne sera assurée que par la mobilisation de tous.

Dans ce contexte et conformément à l’engagement du Président de la République, le Gouvernement a souhaité organiser les États généraux de l’alimentation, afin que soient réunis l’ensemble des acteurs du secteur – monde agricole et de la pêche, industrie agroalimentaire, coopération agricole, distribution, consommateurs, restauration collective, élus, partenaires sociaux, acteurs de l'économie sociale et solidaire, de la santé, organisations non gouvernementales (ONG), associations caritatives et d’aide alimentaire, banques et assurances – autour d’ateliers thématiques.

L’objectif de cette consultation était de renouer le dialogue entre tous les acteurs du secteur agricole et de la chaîne alimentaire, de dégager un consensus et des positions communes, ainsi que de faire émerger des solutions aux problématiques récurrentes de l’agriculture. Surtout, il était urgent de recréer un lien de confiance avec les citoyens. Ces objectifs ont été atteints grâce à l’impressionnante mobilisation des acteurs et à la qualité de leurs participations.

Au total, ces États généraux de l’alimentation, structurés autour de deux grands chantiers, ont donné lieu à 14 ateliers nationaux et 74 événements territoriaux, organisés sur une durée de 5 mois. Une consultation publique aura mobilisé pas moins de 163 000 citoyens, à l’origine de 18 000 contributions ([3]). Cet exercice de démocratie participative a permis, d’une part, d’établir un état des lieux complet des difficultés rencontrées par le monde agricole, et, d’autre part, de mettre en exergue des attentes sociétales fortes dans les domaines concernés. Parmi celles-ci figuraient de manière récurrente la nécessaire relance de la création de valeur et son équitable répartition au sein de l’agriculture, la transformation des modèles de production actuels ainsi que la mise en valeur des démarches promouvant une alimentation saine, sûre et durable.

Après la clôture des États généraux de l’alimentation, le Gouvernement a déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale un projet de loi synthétisant les contributions recueillies et comportant ainsi les mesures législatives nécessaires à la transformation du secteur agricole et alimentaire : un partage plus équitable de la valeur créée, un plus grand respect du bien-être animal et de l’environnement, une alimentation plus saine. La méthode de travail retenue aura permis un juste équilibre entre l’enrichissement du texte par le débat parlementaire et la nécessité de mener une action rapide, en autorisant le Gouvernement à procéder par voie d’ordonnances sur certains sujets, selon des modalités délimitées par la loi.

Pour mener à bien ce travail de co-construction et d’enrichissement du texte, votre rapporteure pour avis ainsi que de nombreux députés se sont mobilisés pour écouter toutes les parties concernées par le projet de loi.

En circonscription, des députés ont organisé des ateliers-débats ouverts au public. Ceux-ci ont contribué à faire remonter les attentes des citoyens français et à ancrer le projet de loi dans la diversité des réalités locales.

À l’Assemblée nationale, 20 auditions ont été menées auprès de 39 organisations et 71 personnes. Elles ont permis d’entendre l’avis, l’expertise et les revendications de l’ensemble des représentants du monde agricole, des associations environnementales, des acteurs économiques, des représentants des interprofessions des différentes filières, des représentants des collectivités territoriales, mais également des consommateurs, de la société civile et des décideurs publics. Tous ont salué le succès des États généraux de l’alimentation et – par-delà les possibles divergences d’opinion – la nécessité d’agir fait consensus. La qualité des débats suscités par ces auditions a contribué de manière indéniable à l’enrichissement du projet de loi.

C’est à l’issue de ces travaux conséquents que votre rapporteure pour avis présente à votre Commission ce projet de loi, et vous propose de l’enrichir de nos propositions.

*

Le projet de loi pour un équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine et durable se structure autour de trois titres (titre premier : Dispositions tendant à l’amélioration de l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire, titre II : Mesures en faveur d’une alimentation saine, de qualité et durable, titre III : Dispositions transitoires et finales). Votre Commission s’est saisie pour avis du titre II, correspondant au volet de la loi en faveur d’une alimentation saine, de qualité et durable.

Ce titre répond aux attentes sociétales exprimées durant les États généraux de l’alimentation. Il concrétise l’ambition affichée par le Président de la République, lors de son discours du 11 octobre 2017 à Rungis, de « permettre à chacune et à chacun d’avoir accès à une alimentation saine, durable et sûre ». Les réponses à ces préoccupations touchent l’ensemble des étapes de la chaîne alimentaire, depuis la fourche jusqu’à la fourchette. Ce n’est qu’ainsi que sera garantie aux citoyens et consommateurs français la qualité de leur alimentation.

Le combat pour une alimentation saine, durable et responsable doit passer en premier lieu par la préservation de l'environnement et de la qualité des terres agricoles. Les études scientifiques prouvant la nocivité d’une utilisation excessive de produits phytopharmaceutiques, pour l’environnement comme pour la santé humaine et animale, ne manquent pas. Il en va de la responsabilité de l’État que de limiter la dépendance de l’agriculture française à ces substances et d’en encadrer l’usage. C’est là l’ambition des dispositions du présent projet de loi : limiter fortement les pratiques commerciales incitant à la surconsommation de produits phytopharmaceutiques, encourager le développement de solutions alternatives, assurer aux agriculteurs un conseil indépendant et de qualité en la matière. Ces mesures contribueront à remplir les objectifs du plan Ecophyto 2, qui fixe comme cap une baisse de 50 %, à l’horizon 2025, de l’utilisation de produits phytopharmaceutiques. Elles accompagneront surtout la nécessaire transition de nos modèles agricoles vers une agriculture plus responsable et respectueuse de l’environnement.

Garantir une alimentation de qualité passe ensuite par la prise en compte du bien-être animal. Cette préoccupation grandissante au sein de la société française doit se traduire par un renforcement de l’attention portée aux conditions d’élevage et d’abattage des animaux. Il est pour cela indispensable de mener une action globale et en amont, auprès des abattoirs français. L’article 13 du projet de loi vient renforcer et élargir les sanctions en cas de maltraitance animale. Mais la répression n’a de sens que si elle se double d’une pédagogie – avec la formation et la sensibilisation accrues des acteurs – et d’une plus grande transparence sur les voies de progrès et d’amélioration dans ce domaine. Votre rapporteure pour avis propose ainsi de renforcer le rôle des responsables de la protection animale présents dans les abattoirs, d’encourager le dialogue et de renforcer la protection des lanceurs d’alerte dans les abattoirs. Elle propose de mieux valoriser les bonnes pratiques des professionnels, qui doivent être mieux connues du grand public, et d’encourager les démarches de certification, afin que les citoyens, par leurs choix de consommation, puissent se rendre acteurs des transformations en cours.

Naturellement, ce travail mené tout au long de la production doit se répercuter le plus concrètement possible dans le quotidien des Français, c’est-à-dire directement dans leur assiette.

À l’heure actuelle, l’augmentation croissante des conversions à l’agriculture biologique ne s’est que faiblement répercutée dans la restauration collective, où seuls 2,9 % des produits sont biologiques ([4]). Ainsi, avec ses 72 000 établissements et ses 3 milliards de repas servis chaque année, la restauration collective est un levier puissant et sera le fer de lance de la transition agricole et de l’éducation à l’alimentation des jeunes générations, notamment dans la restauration scolaire ([5]). L’article 11 de la loi valorisera les démarches équitables, durables et respectueuses de l’environnement, en prévoyant que, d’ici 2022, la moitié des produits servis en restauration collective publique présenteront une qualité supérieure : 20 % devront être issus de l’agriculture biologique, et 30 % devront bénéficier de signes, mentions ou démarches attestant de leur qualité. Votre rapporteur pour avis propose que cette disposition s’applique à la restauration collective privée en 2025.

Cette mesure devrait produire de multiples effets bénéfiques. D’une part, elle sensibilisera au quotidien les usagers aux enjeux de l’alimentation et leur offrira la possibilité de s’engager, par leurs choix de consommation, dans cette démarche citoyenne et responsable. D’autre part, elle permettra aux filières locales de se structurer autour de cet objectif et de dynamiser nos territoires en favorisant les circuits courts, les productions locales et en privilégiant la qualité et la saisonnalité des produits, tout en réduisant les externalités négatives sur l’environnement. Pour accompagner cet objectif, il est primordial que l’État soutienne et accompagne les collectivités s’engageant pleinement dans cette démarche. Il est également essentiel d’organiser l’animation territoriale pour accompagner et aider à structurer les filières locales, former les acheteurs publics et les gestionnaires de la restauration collective, développer les outils d’évaluation et de traçabilité des produits et partager les indicateurs de progrès. L’information des consommateurs par tout moyen (étiquetage, promotion des labels, communication, etc.) est indispensable à la réussite de cet objectif.

Enfin, ces démarches de progrès pour une alimentation saine, durable et responsable passeront également par l’encouragement du don alimentaire et le renforcement de la lutte contre le gaspillage. Les mesures en ce sens devront permettre à chaque Français d’avoir accès à une alimentation de qualité accessible à tous, quelle que soit leur situation personnelle. Le législateur et le Gouvernement doivent agir en commun pour lever les freins au don et permettre la valorisation des invendus.

*

Ce texte a ainsi pour ambition de remédier aux maux dont souffre depuis trop longtemps notre agriculture et de répondre aux exigences des citoyens et consommateurs français. Il est la première pierre, fondatrice, d’un projet plus vaste pour l’agriculture française. D’autres suivront donc, afin de mener à bien l’intégralité des réformes dont notre agriculture a besoin. Des travaux sont d’ores et déjà en cours pour moderniser la réglementation relative au foncier, à la fiscalité et aux retraites agricoles, ou encore pour promouvoir les projets de méthanisation. Le plan Ambition bio complétera cette démarche en prévoyant la conversion au biologique de 15 % de la surface agricole utile d’ici 2022. Pour donner à l’agriculture française les moyens de ses ambitions, le Gouvernement déploiera enfin un plan d’investissement de 5 milliards d’euros destiné à l’agriculture.

Ce projet de loi est également le marqueur de la vision et des ambitions françaises en matière agricole. Il a vocation à servir de guide, à l’échelle de l’Union européenne, dans les futures négociations autour de la Politique agricole commune (PAC). Seule une cohérence d’action entre les échelons national et européen permettra aux réformes conduites de déployer tout leur potentiel et ainsi de mener à bien à une réelle transformation de notre modèle agricole. Ce n’est qu’en mettant en commun leurs efforts que les pays de l’Union européenne trouveront des alternatives efficaces et durables aux produits phytopharmaceutiques, qu’ils pourront mener une action globale en faveur du bien-être animal et qu’ils seront en mesure de réellement préserver la qualité de l’alimentation et de l’environnement des citoyens.

Surtout, il est indispensable que les acteurs du monde agricole ainsi que les citoyens s’approprient les instruments que le législateur met à leur disposition par cette loi. Les États généraux de l’alimentation et les auditions menées lors des travaux parlementaires n’ont fait que confirmer cette volonté de travailler ensemble à la refondation de notre modèle agricole et alimentaire. Cette mobilisation collective et ce dialogue doivent se poursuivre au quotidien pour que ce projet réussisse.

Le succès de ce projet de loi n’aurait pas été possible sans l’aide des nombreux acteurs de la chaîne agricole et alimentaire France mobilisés pour l’occasion. Au nom de votre Commission, votre rapporteure pour avis remercie l’ensemble des personnes ayant bien voulu enrichir cette réflexion collective lors des auditions à l’Assemblée nationale ou par leurs contributions écrites ou spontanées ; elle remercie également Jean Arthuis, député européen et président de la commission des Budgets du Parlement européen ainsi que les députés membres des différentes commissions permanentes investis sur les questions agricoles et alimentaires.

 


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   TRAVAUX DE LA COMMISSION

I.   Discussion générale

Lors de ses réunions du mardi 27 mars 2018 après-midi et soir, du mercredi 28 mars après-midi et soir, et du jeudi 29 mars, matin et après-midi, la Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a examiné le rapport pour avis de Mme Laurence Maillart-Méhaignerie sur le projet de loi pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine et durable.

Mme la présidente Barbara Pompili. Chers collègues, nous avons le plaisir d’accueillir M. Stéphane Travert, ministre de l’agriculture et de l’alimentation, pour la discussion générale que nous allons avoir dans le cadre de notre examen pour avis du titre II du projet de loi pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine et durable. Ce texte fait suite aux États généraux de l’alimentation qui se sont déroulés du 20 juillet au 21 décembre 2017 et constitue l’un des outils de la feuille de route présentée par le Premier ministre à l’issue de ces travaux.

Notre commission s’est saisie pour avis du titre II du projet de loi, dont les enjeux en termes de développement durable sont importants : l’article 11 porte sur le recours à des produits issus de l’agriculture biologique dans la restauration collective assurée par les personnes publiques, l’article 12 est relatif à la lutte contre la précarité alimentaire, l’article 13 porte sur le bien-être animal et les articles 14 et 15 durcissent certaines dispositions en matière de produits phytosanitaires. L’article 15 porte également sur la lutte contre le gaspillage alimentaire. Sur tous ces sujets, je laisserai naturellement le soin à M. le ministre d’exposer plus en détail les mesures proposées par le Gouvernement.

Je vous informe que notre commission devra examiner 381 amendements, ce qui augure de débats nourris sur de nombreux sujets. La discussion générale aura lieu cet après-midi et nous débuterons l’examen des articles ce soir. M. le ministre participera à l’ensemble de nos travaux, ce dont je le remercie, car il témoigne ainsi d’une réelle attention à l’égard de notre commission saisie pour avis. Il nous éclairera sur les positions du Gouvernement et contribuera sans nul doute à enrichir nos débats.

M. Stéphane Travert, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Je suis très heureux d’être présent, pour la première fois, devant la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, et ce à plus d’un titre. Tout d’abord, vos sujets de préoccupation et d’analyse sont aussi les miens : votre champ de compétences couvre des sujets qui constituent le quotidien de mon ministère. La gestion du développement durable est consubstantielle aux politiques publiques en matière d’agriculture et d’alimentation. Ces secteurs, dont j’ai la responsabilité, conjuguent en permanence les trois dimensions du développement durable : la dimension économique, la dimension sociale et la dimension environnementale. Ce à quoi vient s’ajouter, et j’y tiens, la dimension sanitaire.

De nombreux sujets pourront, si vous le souhaitez, m’amener à échanger davantage avec vous lors d’une séance dédiée, parce que l’acuité de ces sujets l’impose ou l’imposera, qu’il s’agisse de la préservation de la biodiversité, du réchauffement climatique, de la gestion de nos ressources naturelles comme l’eau, de l’aménagement du territoire, en particulier des zones rurales et des zones de montagne, de la production d’énergie, notamment la méthanisation, de la gestion durable des forêts et du foncier agricole ou encore de la pêche maritime et de l’aquaculture, entre autres. Le projet de loi sur l’agriculture et l’alimentation constitue un volet consacré aux attentes sociétales concernant une alimentation saine et durable.

Ensuite, je suis fier de vous présenter ce projet de loi pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine et durable. Nous n’examinerons ensemble que le titre II consacré aux mesures en faveur d’une alimentation saine et durable de qualité. Permettez-moi avant toute chose de revenir sur les mois écoulés qui nous ont permis d’aboutir à un texte largement partagé.

Les États généraux de l’alimentation se sont déroulés du 20 juillet au 21 décembre 2017, soit cinq mois de concertation – je parle bien d’États généraux « de l’alimentation » et non « de l’agriculture », comme je l’ai parfois entendu. Commencer par parler de notre alimentation pour mieux parler de notre agriculture constitue en soi une première révolution. Nous affirmons ainsi que l’acte de consommation et l’acte d’achat agissent directement sur les modes de production agricole. Nous entérinons le fait que celui qui prescrit n’est plus seulement l’agriculteur, mais aussi le consommateur – dès lors qu’il est formé et informé. C’est bien parce que ces États généraux de l’alimentation ont été construits en s’appuyant sur les deux acteurs indissociables que sont le producteur et le consommateur qu’ils ont constitué un temps inédit de réflexion et de construction collective pour imaginer des solutions concrètes.

La feuille de route annoncée lors de la journée de clôture définit la politique alimentaire du Gouvernement, structurée autour de trois axes stratégiques : assurer la souveraineté alimentaire de la France, promouvoir des choix alimentaires favorables à la santé et respectueux de l’environnement, et réduire les inégalités d’accès à une alimentation de qualité et durable. Le présent projet de loi est le premier outil de mise en œuvre de cette feuille de route, et c’est dans l’esprit des États généraux – auxquels nombre d’entre vous ont contribué – que j’ai choisi de siéger avec vous pendant cet examen pour avis.

Permettez-moi de vous donner quelques précisions sur le titre Ier qui vise à assurer la souveraineté alimentaire de notre pays en préservant sa capacité de production agricole et la juste rémunération des agriculteurs. Il permettra une meilleure répartition de la valeur créée entre les acteurs en rendant plus efficace la construction des relations contractuelles et celle des prix, plus fluide, ainsi que la renégociation des contrats en mettant fin à la guerre des prix qui paupérise les producteurs et fragilise aussi des pans entiers de l’industrie agroalimentaire française. Pour y parvenir, le projet de loi vise à inverser le processus de construction du prix payé aux agriculteurs en l’appuyant désormais sur des indicateurs de coût de production des producteurs. Le contrat et le prix associé seront proposés par celui qui vend, et les producteurs seront invités et incités à se regrouper pour peser ensemble. Le texte vise aussi à faciliter la réouverture des négociations commerciales en cas d’évolution des coûts de production, encadrer les promotions pour mettre un terme à la destruction de valeur, relever le seuil de revente à perte, lutter contre les prix abusivement bas et faciliter et renforcer la médiation agricole et le rôle des interprofessions.

Pour illustrer cette guerre des prix qui détruit de la valeur, des emplois, des territoires et l’environnement, et qui paupérise les agriculteurs, sachez qu’entre 2000 et 2016, le prix payé aux producteurs pour un litre de lait est passé de 30 à 32 centimes – deux centimes supplémentaires seulement par litre de lait en seize ans quand, dans le même temps, l’inflation a atteint 27 % et le PIB a augmenté de 45 % ! Ce qui vaut pour le lait vaut également pour de très nombreuses autres productions agricoles.

Cette situation est possible parce qu’en agriculture, la notion de contrat est pour le moins singulière en comparaison d’autres secteurs d’activité. La plupart des contrats dans le secteur agricole ne définissent précisément que le volume des apports, parfois leur durée et, beaucoup plus rarement, leur prix. Dans tous les autres secteurs économiques, le contrat définit précisément tant le volume que le prix et la durée. Ainsi, le titre Ier du présent projet de loi constituera le premier pilier du nouveau cadre juridique qui doit être mis en place. Il visera à donner aux producteurs les outils leur permettant d’instaurer une contractualisation utile, efficace et juste pour chacun des maillons de la chaîne du secteur alimentaire.

Parallèlement, le titre II établit le deuxième pilier du texte – tout aussi important que le premier – et lui assure par là même sa stabilité en traitant de la finalité première de la production agricole : l’alimentation de tous. Bien plus qu’un simple besoin élémentaire, la consommation de denrées alimentaires, comme l’ont souligné les États généraux, est désormais un acte auquel nos concitoyens accordent un sens plus profond et une attention renforcée. Ils en font un engagement au sens noble du terme. Comment notre alimentation contribue-t-elle à nous maintenir en bonne santé parce qu’elle respecte des règles sanitaires et présente des bienfaits pour le corps mais aussi l’esprit ? Comment contribue-t-elle aussi à protéger l’environnement ? Comment développer une alimentation tout à la fois sûre, saine, durable et, bien entendu, accessible à tous ? Ces préoccupations sont particulièrement bien formulées dans l’excellent et dense rapport de Mme Maillart-Méhaignerie, que je remercie pour sa totale mobilisation, son implication et l’énorme travail qu’elle a fourni tout au long des États généraux et de la préparation de ce rapport parlementaire.

Dans sa seconde partie, ce projet de loi vise donc à renforcer la qualité sanitaire, environnementale et nutritionnelle des produits. Il traduit la volonté affirmée par le Gouvernement de défendre une politique alimentaire qui préserve à la fois le capital sanitaire de chacun et le capital environnemental de tous.

En matière de commercialisation de produits phytosanitaires, le projet de loi vise à séparer les activités de vente et de conseil, et à sécuriser le dispositif des certificats d’économie des produits phytopharmaceutiques par voie d’ordonnance. Il vise par ailleurs, aux articles 14 et 15, à interdire les rabais, ristournes et remises lors de la vente de ces produits. Pourquoi ? Tout simplement pour réduire la dépendance de l’agriculture à l’égard des produits phytosanitaires.

En matière de sécurité sanitaire, l’article 15 renforce les pouvoirs d’enquête et de contrôle des agents chargés de la protection de la santé, de la protection animale et de la sécurité sanitaire des aliments, afin d’accroître l’efficience des contrôles de l’État. En matière de sanctions dans le domaine du bien-être animal, il vous est proposé, à l’article 13, d’étendre le délit de maltraitance animale et de doubler les peines en cas de délit constaté lors de contrôles officiels.

Enfin, le Gouvernement entend faire de la politique de l’alimentation un moteur de réduction des inégalités sociales. Toutes les études scientifiques confirment que les déterminants sociaux conditionnent l’accès à une alimentation plus variée et de meilleure qualité. Elles confirment également que l’obésité, le diabète et les risques cardiovasculaires sont encore très corrélés à l’appartenance à une catégorie sociale. Pour réduire ces inégalités sociales et cette fracture alimentaire, il vous est proposé, à l’article 11, de faire de la restauration collective un levier d’amélioration de la qualité de l’alimentation pour tous, et ce dès le plus jeune âge. Comment ? La restauration collective publique assure la distribution de plus de la moitié des 7,3 milliards de repas hors foyers servis en France chaque année. Il est donc proposé qu’elle s’approvisionne avec au moins 50 % de produits issus de l’agriculture biologique, locaux ou sous signe de qualité, à compter du 1er janvier 2022. D’autre part, le projet de loi vise à lutter contre la précarité alimentaire et à limiter les conséquences environnementales du gaspillage. Les articles 12 et 15 ont pour objectif de réduire le gaspillage alimentaire dans la restauration collective par la mise en place d’un diagnostic obligatoire, et d’étendre le don alimentaire à la restauration collective et à l’industrie agroalimentaire.

Tel est, madame la présidente, mesdames, messieurs les députés, le panorama général du projet de loi sur l’agriculture et l’alimentation et de l’ambition collective dans laquelle il s’inscrit. Si je suis ici, c’est parce que je souhaite être à votre écoute, nouer un dialogue singulier avec chacune et chacun d’entre vous et étudier avec attention toutes les propositions que vous formulerez pour améliorer le texte initial du Gouvernement. Il s’agit d’inscrire résolument notre alimentation et notre agriculture dans toutes les dimensions du développement durable, qu’elles soient économiques, sociales et environnementales.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis. Chargée de rendre un avis au nom de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire sur le titre II du projet de loi pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine et durable, je tiens tout d’abord à souligner la qualité du travail et de la concertation qui ont été effectués dans le cadre des États généraux de l’alimentation, dont ce texte constitue l’aboutissement.

Le projet de loi vise à répondre aux attentes sociétales relatives à l’agriculture, à l’alimentation, à la santé, à la protection des animaux et au développement durable qui ont été formulées au cours des États généraux. Ces attentes sont nombreuses et nous devons y répondre.

Avec plusieurs collègues, j’ai conduit ces dernières semaines des auditions préalables approfondies de plus de quatre-vingts personnes pendant une trentaine d’heures, afin d’entendre les parties prenantes en vue d’enrichir ce projet de loi, qui poursuit deux objectifs : rééquilibrer les relations commerciales dans le secteur agricole pour répartir plus équitablement la valeur ajoutée créée par la production et la consommation alimentaire au bénéfice des agriculteurs, et déployer les moyens nécessaires pour que les Français aient accès à une alimentation saine, durable et de qualité.

Le titre II s’articule autour de cinq axes. Le premier concerne l’amélioration de la qualité des repas servis dans la restauration collective publique, avec la définition d’un seuil minimal de 20 % de produits bio et de 30 % de produits de qualité dans la composition des repas. Le deuxième a trait au transfert dans le code de l’action sociale et des familles des dispositions relatives à l’aide alimentaire : le travail des acteurs de terrain doit être mis en valeur. Troisième axe : l’amélioration du bien-être animal par le renforcement des sanctions. Le quatrième axe vise, à l’article 15, à renforcer la lutte contre le gaspillage alimentaire. Cinquième et dernier axe, la réduction de l’utilisation des produits phytopharmaceutiques en agriculture.

La qualité des repas servis dans la restauration collective publique doit progresser, conformément aux engagements du Président de la République. Je propose un amendement tendant à réécrire l’article 11 afin d’en clarifier de nombreux éléments : il est nécessaire de fixer dans la loi les pourcentages à atteindre. La liste des produits compris dans la part de 50 % serait élargie à la certification de conformité des produits, dont le contenu doit être renforcé, ainsi qu’à l’écolabel « Pêche durable ». Le coût du cycle de vie du produit devrait être considéré comme un outil spécifique complémentaire de cette démarche, qui permettra de réorienter la composition des menus dans une optique plus respectueuse des enjeux de développement durable. Les produits de saison sont mentionnés, ainsi que les produits bénéficiant du label « Commerce équitable ». Nous reviendrons sur toutes ces questions.

L’article 12 permet d’ancrer l’aide alimentaire dans le code de l’action sociale et des familles ; c’est une très bonne chose. L’article 13 porte sur les sanctions applicables en cas de maltraitance des animaux : c’est un point essentiel. Un délit est étendu aux opérations de transport et d’abattage, les peines encourues sont doublées et les droits des associations élargis à l’ensemble des infractions prévues par le code rural. Je présenterai sur ce point un amendement afin que l’extension des droits des associations de protection des droits des animaux ne vise que les délits du code rural pour lesquels le projet prévoit – c’est une mesure très importante – qu’elles puissent porter plainte et se constituer partie civile. Je défendrai également plusieurs amendements tendant à renforcer les obligations pesant sur les abattoirs et à renouer la confiance avec les citoyens : cadre renforcé pour les lanceurs d’alerte, désignation systématique d’un référent sur la protection animale et obligation de signer et publier un protocole sanitaire particulier sur la base d’un protocole-cadre national.

L’article 15 contient une disposition habilitant le Gouvernement à prendre par ordonnance des mesures tendant à élargir les dispositions de la loi relative à la lutte contre le gaspillage alimentaire. Ces mesures visent à étendre à l’ensemble des opérateurs de la restauration collective l’obligation d’adopter une démarche de lutte contre le gaspillage, à leur imposer la réalisation d’un diagnostic préalable à cette démarche, à prévoir les conditions dans lesquelles les obligations applicables aux grandes et moyennes surfaces en matière de dons aux associations d’aide alimentaire, sur la base de conventions proposées aux associations, sont étendues à certains opérateurs du secteur agroalimentaire et de la restauration collective et, enfin, à imposer à certains opérateurs l’obligation de rendre publics leurs engagements en faveur de la lutte contre le gaspillage alimentaire. Je proposerai plusieurs amendements visant à préciser le champ des opérations visées et le périmètre de l’ordonnance.

L’article 14 et le I de l’article 15 comportent une série de mesures visant à réduire le recours aux produits phytopharmaceutiques en agriculture, ce qui permettra de favoriser la réussite du plan Écophyto II. Avec l’adoption de ce plan, la France s’inscrit dans une démarche ambitieuse qui vise à diminuer de 50 % l’utilisation des produits phytopharmaceutiques entre 2015 et 2025. Pour y parvenir, il convient de réduire le plus possible les incitations à utiliser les produits phytopharmaceutiques ; c’est pourquoi l’article 14 du projet de loi interdit les remises, rabais et ristournes sur ces produits tout en excluant de cette interdiction les produits de biocontrôle.

De plus, le 1° du I de l’article 15 vise à habiliter le Gouvernement à prendre par ordonnance des mesures destinées à séparer l’activité de vente de produits phytopharmaceutiques de l’activité de conseil concernant leur utilisation. Ces mesures visent à prévenir tout risque de conflit d’intérêts qui pourrait résulter de la coexistence de ces activités au sein d’un même opérateur, et à garantir aux utilisateurs professionnels un conseil annuel individualisé qui concourt à la réduction de l’utilisation des risques et des effets liés aux produits phytopharmaceutiques.

Par ailleurs, le 2° du I de l’article 15 vise à habiliter le Gouvernement à réformer par ordonnance le système des certificats d’économie des produits phytopharmaceutiques instauré en 2017, dont les résultats ne sont pas encore assez satisfaisants.

Enfin, le 3° du I de l’article 15 vise à habiliter le Gouvernement à prendre par ordonnance des mesures permettant de renforcer les pouvoirs de police judiciaire des agents chargés des contrôles dans le domaine de l’alimentation, de la santé publique vétérinaire et de la protection des végétaux, afin de les harmoniser avec les pouvoirs dont disposent les agents de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF). Considérant que, pour atteindre les objectifs fixés dans le plan Écophyto II, il convient de réduire le plus possible les incitations à utiliser les produits phytopharmaceutiques, je vous proposerai de compléter le dispositif instauré à l’article 14 en adoptant deux amendements tendant, d’une part, à interdire à partir de 2022 la publicité pour les produits phytopharmaceutiques à destination des professionnels dans les revues spécialisées – cette interdiction existe déjà pour la publicité à destination des utilisateurs non professionnels – et, d’autre part, à inscrire la réduction de l’utilisation des produits phytopharmaceutiques parmi les objectifs de la politique des chambres d’agriculture.

Telles sont les principales dispositions que je souhaitais vous présenter, chers collègues.

Mme la présidente Barbara Pompili. Nous en venons aux interventions des représentants des groupes politiques.

Mme Sandrine Le Feur. Je tiens avant toute chose à saluer le travail de Mme la rapporteure pour avis, qui a été constructif, comme nous l’avons constaté au sein du groupe La République en Marche. La plupart d’entre vous avez pris connaissance de l’éditorial du journal Le Monde daté d’hier, le 26 mars, intitulé ainsi : « Biodiversité : l’urgence du politique ». Cet article se fonde sur le rapport de la plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES) pour présenter une fois de plus un constat alarmant concernant le déclin de la biodiversité, notamment dû à notre modèle agricole. La prise de conscience existe et il nous appartient à nous, parlementaires, d’agir face à cette urgence, prise en compte dès le début du quinquennat par le Président de la République avec le lancement des États généraux de l’alimentation partout en France. Plus d’une soixantaine d’acteurs – qui, pour certains, ne parvenaient plus à communiquer depuis plusieurs années – se sont ainsi réunis dans le cadre de quatorze ateliers thématiques afin d’engager la transition agricole et la promotion d’une alimentation saine et durable pour tous.

Dans son discours prononcé à Rungis en octobre dernier, le Président de la République a réaffirmé une fois de plus l’urgence qui est la nôtre : penser à nos concitoyens pour leur permettre de vivre dans un environnement sain et durable, de se nourrir convenablement dans le respect de l’environnement et de promouvoir le bien-être animal. C’est en ce sens que le groupe La République en Marche souhaite défendre haut et fort, au moyen d’une trentaine d’amendements, de nombreux sujets s’inscrivant dans la transition agricole pour une agriculture moderne et durable. Nous aurons ainsi l’occasion de débattre de la question des objectifs chiffrés en pourcentage à l’article 11, de l’intégration de la restauration collective privée dans cette démarche, du renforcement de l’éducation et de la formation pour une culture générale de l’alimentation et du bien-être animal, de la séparation des activités de vente et de conseil aux personnes concernant les produits phytopharmaceutiques, de l’information des citoyens et des étiquetages, de l’expérimentation des abattoirs mobiles, ainsi que de multiples autres sujets sur lesquels je ne doute pas que nous aurons de longs échanges.

Je nous souhaite des débats constructifs dans un objectif commun : la transition agricole et la modernisation de notre modèle pour le bien-vivre de tous nos concitoyens.

Mme Valérie Beauvais. Les Français savent ce qu’ils doivent à notre agriculture et nous éprouvons tous un profond respect pour ceux qui la font vivre. Les agriculteurs sont les garants de la préservation de nos espaces naturels et de la qualité de nos produits ; ils contribuent non seulement à notre indépendance alimentaire mais aussi, dans une large mesure, à notre balance commerciale. Ils assurent ces missions avec talent, avec passion mais surtout avec abnégation. Être agriculteur, en effet, c’est faire le choix d’un métier difficile ; il l’a toujours été mais, ces dernières années, c’est devenu un euphémisme si l’on considère les charges croissantes, la réticence des banques à financer les investissements, les aléas climatiques de plus en plus difficiles à gérer, l’instabilité réglementaire, la surtransposition de normes qui grèvent la compétitivité face à la concurrence d’autres pays européens moins entravés, les retards de versement des aides de la politique agricole commune (PAC)… Et j’en passe !

L’agriculture française souffre. Il est urgent d’agir, monsieur le ministre. Je regrette, avec mes collègues du groupe Les Républicains, que vous n’ayez pas soutenu la proposition de loi visant à restaurer la compétitivité de l’agriculture, déposée par M. Arnaud Viala. Cela aurait permis aux agriculteurs de voir la mise en œuvre de mesures bénéfiques six mois plus tôt…

M. Jean-Pierre Vigier. C’est vrai !

Mme Valérie Beauvais. Ces six mois auraient permis à certains d’entre eux de moins souffrir économiquement, et à d’autres de ne pas cesser leur activité.

Aujourd’hui, vous soumettez à notre examen le projet de loi pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine et durable. Si la première partie du texte relative à la fixation des prix et à la contractualisation va manifestement dans la bonne direction, la deuxième partie relative à l’alimentation demeure très floue. Loin d’être le texte fondateur d’une politique agricole française à long terme, ce texte se limite aux relations commerciales et ne contient aucune proposition concrète concernant la simplification administrative, le coût du travail, le soutien à l’exportation, la protection des terres agricoles ou encore le soutien à un secteur en très grande difficulté en butte à une concurrence intracommunautaire et extracommunautaire accrue.

Nous considérons que les relations commerciales entre les producteurs et les distributeurs doivent être rééquilibrées, car il nous semble essentiel que les agriculteurs puissent vivre de leur production. C’est pourquoi, en l’état actuel du texte, nous en soutiendrons les dispositions relatives à la contractualisation, à la médiation et au seuil de revente. Par ailleurs, nous considérons que, si les traités commerciaux internationaux peuvent offrir des marchés nouveaux et des débouchés supplémentaires à l’agriculture française, nous devons veiller à ce que les conditions de production des denrées alimentaires étrangères respectent, au minimum, les normes de production imposées aux agriculteurs français, notamment en matière de protection de l’environnement, de santé des consommateurs et de bien-être des animaux.

Vous l’aurez compris, monsieur le ministre : avec mes collègues du groupe Les Républicains, nous espérons que vous saurez être positif et constructif, et que vous soutiendrez les amendements que nous déposerons sur ce texte afin de l’enrichir et ainsi de répondre aux problématiques auxquelles les agriculteurs sont confrontés.

Les attentes des agriculteurs sont grandes et légitimes ; donnons à ce projet de loi toute la dimension que l’agriculture française mérite. Elle a déjà affronté plusieurs mutations avec courage, détermination et résilience, dans un contexte en constante évolution. La première de ces mutations a été celle des attentes des consommateurs : plus leur niveau d’exigence a augmenté, plus celui de l’implication des agriculteurs afin d’améliorer la qualité de leurs productions a crû, ce qui a entraîné de nombreuses mises aux normes et un travail de fond. La deuxième mutation fut celle de l’exigence sanitaire et réglementaire, dont on décrie aujourd’hui le poids, mais à laquelle les agriculteurs ont accepté de se plier et se plient encore au quotidien.

Gardons à l’esprit le fait que toute nouvelle législation ne doit poursuivre que les objectifs suivants : renforcer la compétitivité de notre agriculture, assurer une juste rémunération des productions agricoles et soutenir l’installation des jeunes agriculteurs. Telles sont les priorités que nous entendons défendre ; et nous espérons, monsieur le ministre, que vous saurez les entendre.

M. Bruno Duvergé. Le projet de loi que nous examinons aujourd’hui est le résultat d’un travail de réflexion et de concertation engagé lors des États généraux de l’alimentation, qui ont suscité un grand intérêt de la part de l’ensemble des parties prenantes, et notamment des agriculteurs. Le groupe du Mouvement démocrate et apparentés souhaite que nous en retrouvions l’esprit et la lettre, à l’issue de la discussion sur le texte. Il semble pourtant que les thématiques abordées au sein des ateliers n’y aient trouvé que peu d’écho.

Nous regrettons que ce texte ne reprenne pas l’ensemble des conclusions des États généraux, sur lesquels tous les participants s’étaient accordés. Bien entendu, nombre de conclusions étaient d’ordre réglementaire et d’autres seront débattues au niveau international. Mais après cinq mois de travail, quatorze ateliers nationaux et 17 000 contributions lors de la consultation publique, les dix-sept articles de ce projet de loi sont moins ambitieux que ce que nous en attendions. Les États généraux de l’alimentation ont suscité un espoir formidable chez nos agriculteurs, et nous ne devons pas décevoir leurs attentes. Nous souhaitons que nos débats débouchent sur une loi incitative, vraiment efficiente, et non une loi punitive et inapplicable.

Plutôt que d’accabler nos agriculteurs d’un train de nouvelles normes supplémentaires, nous voulons les accompagner dans l’évolution de leur métier. Voilà pourquoi nous aurions aimé des dispositions relatives au soutien de l’agriculture biologique, à l’installation de nouveaux agriculteurs, ou au développement de l’agro-écologie. Nous comprenons qu’on en discute actuellement dans le cadre de groupes de travail ; elles n’en sont pas moins primordiales si l’on veut promouvoir une agriculture durable et de qualité.

Mon groupe a donc souhaité élargir les dispositions qui nous sont présentées aujourd’hui par voie d’amendements – même si nous sommes tenus de rester très près du texte. Ces amendements visent à inclure dans les repas servis dans le cadre de la restauration collective des produits issus des circuits courts du commerce équitable et d’exploitations en voie de conversion vers l’agriculture biologique afin de soutenir ceux qui font le choix, parfois difficile, de se lancer dans un autre type d’agriculture.

Le groupe du Mouvement démocrate et apparentés considère la défense et la promotion des territoires dans leur pluralité comme une priorité. Nous espérons donc que, dans la prochaine loi de finances, des mesures seront prises en faveur des petites structures de restauration collective et des collectivités, pour satisfaire aux exigences du projet de loi.

Plus globalement, nous avons déposé des amendements reprenant les conclusions des ateliers des États généraux, qui tendaient à favoriser l’accès à une alimentation bonne pour la santé.

Sur l’article 13, relatif aux sanctions encourues en cas de mauvais traitements aux animaux, des mesures visant à encourager les bonnes pratiques auraient été bienvenues. L’aspect punitif de cet article n’est pas un bon signal envoyé à nos éleveurs. Nous avons donc déposé des amendements proposant d’adoucir les règles extrêmement contraignantes en matière d’abattage, tout en réduisant les sources de stress pour l’animal.

Enfin, nous estimons qu’il convient de différencier les différents types de conseils prodigués à nos agriculteurs en matière de produits phytopharmaceutiques – sujet qui peut réveiller les passions – en distinguant les conseils « pratico-pratiques » de bonne utilisation d’un produit, du conseil pluriannuel stratégique visant à proposer des modèles de sortie du « tout phytopharmaceutique ».

Telle est la position que notre groupe entend défendre, pour notre agriculture et nos agriculteurs, aux travers des amendements que nous avons déposés.

Mme Sophie Auconie. Le mois dernier, lors des questions au Gouvernement, j’ai interpellé le Premier ministre sur les souffrances endurées par le monde rural. Certes, sur de nombreux sujets, le volontarisme et les choix du Gouvernement sont cohérents et devraient donner des résultats concrets. Mais sur l’agriculture, ce n’est pas la même impression qui prédomine… Depuis le début de l’année notamment, les difficultés et les doutes se sont accumulés : révision du zonage de l’indemnité compensatoire des handicaps naturels (ICHN), « plan loup », écho inquiétant des négociations avec le Mercosur, etc.

Les attentes étaient extrêmement fortes lorsqu’ont été lancés les États généraux de l’alimentation. Nous sommes à un moment crucial. Ces États généraux vont-ils déboucher sur du concret ? Ce projet de loi sera-t-il une loi agricole de plus, ou le début d’une véritable solution pour un secteur économique qui souffre ?

Les pistes proposées, en particulier l’inversion de la construction du prix, sont porteuses d’espoir, la priorité restant à nos yeux d’assurer un revenu décent aux agriculteurs français.

Selon la Mutualité sociale agricole (MSA), un tiers des agriculteurs touche moins de 350 euros par mois. Il est heureux que nous soyons nombreux à le dénoncer. Mais nous ne devons pas nous habituer à ces chiffres ; il nous faut œuvrer pour qu’ils remontent.

Les députés du groupe UDI, Agir et Indépendants abordent ce projet de loi avec lucidité. Il ne manque pas d’intérêt, mais il mérite d’être complété et précisé pour ne pas se limiter à un simple texte d’ajustement technique. Voilà pourquoi, monsieur le ministre, nous comptons sur votre écoute.

Nous souhaitons, par exemple, que soit ajouté à ce texte un volet dédié à la simplification administrative. Il reste beaucoup à faire pour réduire les normes qui pèsent sur nos agriculteurs, et qui minent leur compétitivité par rapport à celle de nos voisins européens.

Certaines de ces normes résultent de surtranspositions de textes européens. Il faut absolument procéder à un nettoyage du stock et du flux, pour corriger cette mauvaise habitude française. Vous vous y étiez pourtant engagé, monsieur le ministre, tout comme le Président de la République et le Premier ministre lors de son discours de politique générale. Malheureusement, les articles relatifs aux produits phytopharmaceutiques participent, en quelque sorte, de cette logique.

Les chantiers de la fiscalité agricole et de la protection du foncier sont également essentiels, même s’ils ne relèvent pas directement de ce projet de loi puisque des réflexions sont en cours sur ce sujet. Nous y serons attentifs.

Sur la seconde partie du texte consacrée à l’alimentation, et qui intéresse aujourd’hui notre commission, nous souhaitons insister sur trois points.

Premièrement, si la consommation de produits issus de l’agriculture biologique dans la restauration collective doit être en effet encouragée, la consommation de produits issus de l’agriculture locale doit l’être au moins autant. Prenons garde à ne pas rendre ces deux objectifs incompatibles, en tout cas à les opposer.

Deuxièmement, l’interdiction de rabais et autres remises d’échantillons gratuits phytosanitaires s’attaque aux symptômes, et non à la cause. Les agriculteurs n’utilisent pas les pesticides par pur plaisir, ils ont leur libre arbitre. Aidons-les plutôt à accéder à des alternatives efficaces — sans surtransposer par rapport aux exigences européennes. À ce propos, monsieur le ministre, que va-t-on leur proposer comme alternative au glyphosate dans trois ans ? Comme vous, je suis opposée au glyphosate. Mais où en est la recherche, qui pourrait aider les agriculteurs ?

Troisièmement, la séparation des activités de conseil et de vente de produits phytosanitaires a un côté kafkaïen. Elle risque d’entraîner une complexification, sans que les effets attendus aient été clairement identifiés dans l’étude d’impact. Bref, nous avons un certain nombre d’amendements à déposer, et nous espérons, monsieur le ministre, que vous saurez nous écouter.

M. Guillaume Garot. Je voudrais d’abord remercier M. le ministre pour sa présence dans notre commission, qui est saisie pour avis. Nous apprécions ce geste de considération pour les parlementaires ; ce n’est pas inutile dans la période que nous vivons, même si nous déplorons le recours aux ordonnances, auxquelles renvoient plusieurs articles de ce texte.

Nous avons été plusieurs, pour ne pas dire nombreux, à exprimer notre déception après les États généraux de l’alimentation. En effet, ceux-ci avaient soulevé un vrai espoir, que ne concrétise pas le texte qui nous est présenté. Nous espérons, bien sûr, que le débat parlementaire permettra d’enrichir le texte, et que nous serons capables de trouver ensemble des réponses aux préoccupations des concitoyens, dans le droit fil de l’agro-écologie défendue par M. Stéphane Le Foll.

Je suis convaincu qu’il n’y a pas d’un côté les attentes des consommateurs, et de l’autre les attentes des producteurs. Il faut penser, ensemble, la politique de l’alimentation. L’enjeu est de garantir une meilleure assiette au consommateur pour garantir un meilleur revenu aux producteurs. Autrement dit, c’est parce que nous serons capables d’apporter des réponses claires aux attentes des consommateurs, par une augmentation continue de la qualité, que nous pourrons mieux valoriser le travail des producteurs.

Durant le débat sur le titre II, nous proposerons des amendements qui iront dans quatre directions : premièrement, travailler à une amélioration générale de l’offre alimentaire, qu’il s’agisse de la qualité nutritionnelle ou des modes de production et de transformation ; deuxièmement, améliorer les contrôles et rassurer les citoyens après les crises que nous avons traversées ; troisièmement, donner un vrai contenu à ce que l’on appelle l’éducation à l’alimentation, et plus généralement l’information du consommateur ; enfin, lutter contre le gaspillage alimentaire avec la volonté partagée – je n’en doute pas – de franchir une nouvelle étape après la loi que nous avions votée à l’unanimité en 2016.

Tel est notre état d’esprit : nous sommes dans une démarche de proposition. Nous nous efforcerons de répondre aux attentes des acteurs de l’alimentation, mais plus généralement aux attentes des citoyens, pour pouvoir garantir à chacun, dans notre pays, une alimentation suffisante et saine. C’est un enjeu de justice sociale : nous savons que l’alimentation est le miroir des inégalités.

Il s’agit donc aujourd’hui de saisir l’occasion de réduire les inégalités par l’alimentation, de faire en sorte que chacun soit rémunéré à la valeur, et à la juste valeur, de son travail, et enfin de respecter les exigences environnementales que nous nous étions collectivement fixées après la COP21. C’est en tout cas la feuille de route que le groupe Nouvelle Gauche vous propose.

M. Loïc Prud’homme. Monsieur le ministre, votre gouvernement a « vendu » ce texte comme celui de l’ébauche d’un nouveau contrat social. De cette ambition, nous n’avons pour l’instant rien vu. La commission du développement durable est saisie sur le titre II de ce projet de loi. Cela tombe bien, car il n’y a pas grand-chose dedans. Je pourrais même dire que c’est une coquille vide – une coquille d’œuf – que nous allons nous attacher ici à remplir.

Nous entendons tracer les grandes lignes de ce que devrait être ce projet de loi face à l’urgence écologique. Nous affirmons vouloir changer de cadre, pas seulement mettre des rustines pour faire passer des problèmes pour des solutions. La France insoumise défend un projet de planification pour une agriculture écologique et paysanne.

Cette agriculture doit répondre à un objectif prioritaire : celui d’assurer notre autosuffisance plutôt que de participer au grand déménagement du monde, ce grand déménagement du monde, qui tue à la fois les hommes et la planète.

En France, l’agriculture devrait générer des centaines de milliers d’emplois directs et indirects, participer à la dynamisation des territoires ruraux et préserver une grande partie de notre patrimoine naturel. Or le modèle productiviste actuel et le système alimentaire qui l’accompagne ne répondent plus à l’intérêt général. La baisse des prix payés aux producteurs et la captation d’une grande partie de la valeur ajoutée par les grandes multinationales engagent les agriculteurs dans une folle course à la compétitivité. La libéralisation des marchés a fait disparaître plus de la moitié des exploitations et des emplois agricoles en vingt‑cinq ans.

La majorité des agriculteurs sont victimes de ce modèle. Les maux sont connus : soumission au libre marché et au libre-échange, gigantisme agricole et pesticides chimiques. L’ensemble de notre système agricole et alimentaire repose sur l’utilisation de ressources non renouvelables, contamine l’environnement et contribue à la destruction des sols et de la biodiversité.

Ce modèle constitue non seulement un danger, mais une impasse. Face à cela, surgissent de multiples initiatives d’agriculture paysanne de qualité, d’agriculture biologique, de circuits courts. De nouvelles voies tournées vers l’intérêt général sont possibles. C’est cette vision d’un projet agricole et alimentaire d’intérêt général que nous soutenons.

Nous ne pouvons pas nous résoudre à faire cohabiter, d’un côté une grande agriculture productiviste, et de l’autre une agriculture écologique, de niche et de qualité, réservée à une minorité de consommateurs plus favorisés. Nous souhaitons le développement d’une agriculture paysanne, qui profite à toutes et tous, avec des fermes à taille humaine, pratiquée par des paysans et des paysannes libérés de l’angoisse, de la fluctuation des prix, et des menaces de faillite.

Nous demandons l’interdiction rapide de tous les pesticides et autres néonicotinoïdes tueurs de biodiversité. Il s’agit également de mettre un terme à l’irrépressible artificialisation des sols, pour nous engager sur des objectifs ambitieux en matière de surface agricole utile en bio.

Le bien-être animal, ainsi que la réduction de la part des protéines carnées sont aussi au programme de nos propositions. L’abattage à la ferme y trouvera donc une place importante.

Pour impulser la transition écologique, nous considérons enfin qu’il est indispensable de réformer la gouvernance des institutions agricoles et de flécher les financements publics.

Avec les amendements que nous présenterons ce soir, nous vous proposons donc un cap neuf, celui de la sortie de l’agriculture du logiciel productiviste qui la ronge à petit feu, ainsi que les agriculteurs qui y sont enfermés, pour entrer dans une réelle transition agricole et alimentaire.

M. Hubert Wulfranc. Monsieur le ministre, je me contenterai de quelques remarques sur le titre II – je ne ferai pas référence au volet strictement agricole, n’ayant ni la qualité pour le faire, ni la faculté : M. André Chassaigne s’y livrera en défendant un certain nombre d’amendements, dont l’un sur la traçabilité du miel qui, me semble-t-il, a été repris. Mais rendons à César ce qui appartient à César – à André, en l’occurrence. (Sourires.)

En abordant l’article 11, je me mettrai bien sûr du côté des consommateurs, moi qui suis d’un milieu urbain dense, mais aussi des élus locaux, directement concernés par la restauration collective, gérée la plupart du temps – du moins pour ce qui me concerne – en régie publique.

Je reconnais que cet article répond à une demande sociétale d’évolution des produits proposés par la restauration collective publique – notamment des produits de qualité, et des produits biologiques, dans des proportions à fixer. Mais en parallèle avec cette orientation, il nous semblerait judicieux de renforcer l’aide aux exploitations agricoles conventionnelles qui se convertissent vers le bio, sous peine de se retrouver à favoriser les importations de certains produits bio d’autres pays si l’offre régionale ou nationale s’avère insuffisante.

Ensuite, vous indiquez qu’il conviendra de prendre en compte le coût du cycle de vie du produit dans les éléments de comparaison ; cela permettra de mettre en avant la notion de proximité en incitant à proposer des produits issus de circuits courts. Encore faudrait-il, comme Mme la rapporteure pour avis l’a indiqué, que cette notion de coût de cycle de vie du produit soit précisée et consolidée.

Enfin, et cela me renvoie à la préoccupation des élus locaux, au-delà des orientations affichées, le texte ne contient rien de précis sur les aides dont pourraient bénéficier les collectivités locales pour atteindre les objectifs fixés, et particulièrement les communes qui sont restées fidèles au modèle de gestion en régie publique.

Mme la présidente Barbara Pompili. Nous en venons aux interventions des autres orateurs.

M. Matthieu Orphelin. Le titre II de la loi est une chance pour nos agriculteurs, que nous porterons par nos amendements.

Nous proposerons en effet de faire passer à 50 % la part des productions locales, bio et autres démarches de qualité dans la restauration collective privée. Cela se traduirait par trois milliards de repas en plus par an, et par des marchés conséquents pour nos agriculteurs. Nous soutiendrons les amendements qui permettront de faire progresser la lutte contre le gaspillage alimentaire, qui coûte 16 milliards d’euros par an à notre économie – autant de perdu pour nos agriculteurs. Nous défendrons un amendement sur l’étiquetage du miel, pour en finir avec les mentions trompeuses qui font qu’aujourd’hui, les trois quarts du miel consommé en France sont importés. Nous défendrons des amendements qui permettront de mieux lutter contre les néonicotinoïdes, et d’améliorer les aides aux agriculteurs qui veulent utiliser moins de produits phytosanitaires. N’oublions pas que sans abeilles, il n’y aura plus de biodiversité, et plus d’agriculture non plus.

Voilà pourquoi, monsieur le ministre, je suis très heureux de coconstruire ce projet avec vous.

Mme Valérie Lacroute. Ce projet de loi issu des États généraux de l’alimentation comporte des évolutions qui vont dans le bon sens – notamment, essayer de mettre un terme à la guerre des prix sur les produits agricoles. Cette intention de bon sens ne peut que nous réjouir, car les distributeurs ont fait entrer les agriculteurs dans un cercle vicieux, consistant à vendre toujours moins cher, au détriment du producteur comme des produits.

Les discussions des États généraux ont permis de dégager des pistes d’amélioration des relations commerciales entre secteur agricole et alimentaire. Ce texte est plutôt fidèle aux conclusions des différents travaux. La prise en compte des indicateurs de coûts de production en est un exemple.

Mais ce projet de loi, qui devait aussi contenir des dispositions importantes pour nos agriculteurs, rate le coche : il ne comporte aucune disposition d’envergure sur la simplification administrative, le coût du travail ou encore le soutien à l’export. Il y a quelques mois, notre collègue M. Arnaud Viala n’avait pas manqué, sur ces sujets, de faire des propositions avec lesquelles la majorité semblait plutôt en accord ; malheureusement, elles ont été repoussées.

On ne peut que regretter cette occasion manquée par le Gouvernement. Dans un contexte toujours plus difficile pour nos agriculteurs, il était pourtant urgent de préparer le renouveau de l’agriculture française, pour produire mieux et dans de meilleures conditions.

M. Vincent Thiébaut. Comme vous l’avez dit tout à l’heure, monsieur le ministre, il est important de changer notre modèle d’agriculture en y associant les problématiques d’alimentation, précisément pour assurer à tous une alimentation saine et durable. C’est la raison pour laquelle nous avons proposé un certain nombre d’amendements concernant la restauration collective afin de mettre en avant les produits locaux et particulièrement les produits saisonniers. Pour ce qui me concerne, je défendrai un amendement visant à améliorer la visibilité de l’origine des produits, avec des indicateurs permettant au consommateur de savoir ce qu’il consomme et d’en connaître l’impact environnemental, car c’est essentiel. Autant de propositions que nous défendrons avec force.

M. Martial Saddier. La France a mis en place de nombreux signes de qualité depuis cinquante ans ; cela a été l’une des forces de notre agriculture. Ils ont permis d’assurer des revenus décents aux agriculteurs qui avaient engagé des démarches de qualité.

Ces démarches de qualité ont été basées sur la notion de terroir et sur un cahier des charges souvent très précis – j’y associe d’ailleurs l’agriculture biologique. Mais les signes de qualité ont souvent été portés par de petites structures, sur de petites zones de production. Vous avez parlé de regrouper les producteurs ; c’est ce que l’on a déjà tenté par le passé avec les OP (organisations de producteurs). Mais ces regroupements parfois colossaux ont mis à mal les signes de qualité.

Pouvez-vous nous rassurer sur le fait que ce texte vise bien à conforter et à protéger ce qui a fait, encore une fois, une des grandes réussites de notre pays en matière agricole, à savoir les démarches de qualité ?

M. Jean-Yves Bony. Monsieur le ministre, comment concilier les conclusions des États généraux de l’alimentation, qui prônent une agriculture familiale, à taille humaine, et une alimentation saine, de qualité, avec encore plus de transparence sur la traçabilité des produits ? Les accords du CETA et avec le Mercosur vont laisser entrer des milliers de tonnes de viandes issues de bovins engraissés aux farines animales ou aux activateurs de croissance. Comment comptez-vous protéger notre agriculture et nos consommateurs ? Votre projet de loi, me semble-t-il, ne répond pas complètement à cette préoccupation.

M. Jean-Marc Zulesi. Monsieur le ministre, après les États généraux de l’alimentation, nous avons collectivement suscité, sur l’ensemble du territoire, un immense espoir. Soyons donc ambitieux, et soyons à la hauteur de cet espoir. Les produits de nos territoires, fruits du travail de nos paysans, doivent se retrouver dans les assiettes de nos enfants. Ensemble, luttons contre le gaspillage alimentaire. Ensemble, mettons en avant l’excellent travail de nos apiculteurs. Et je répondrai à notre collègue M. Hubert Wulfranc : cet amendement sur l’étiquetage, ne le rendons pas à César ni à André ; rendons-le d’abord à notre mère Nature, à nos apiculteurs, pour la préservation de notre biodiversité. (Applaudissements).

M. Jean-Pierre Vigier. Monsieur le ministre, ce projet de loi va dans le bon sens, mais ne va pas assez loin. Il faut absolument que la construction du prix des produits vendus tienne compte du prix de production ; il faut aussi trouver, et même imposer, une juste répartition des marges entre producteurs, transformateurs et surtout distributeurs. Il faut impérativement que l’agriculteur vive dignement du fruit de son travail.

Ensuite, monsieur le ministre, arrêtons avec ces accords de libre-échange qui permettent l’importation massive de denrées alimentaires étrangères ne respectant pas les normes de production françaises. C’est tout simplement une distorsion de concurrence qui tire les prix vers le bas ; c’est aussi un problème de santé publique.

M. Vincent Descoeur. Introduire dans le circuit d’approvisionnement de la restauration collective publique une exigence de qualité est un objectif que l’on ne peut que partager. Or les choix des responsables des achats des restaurants et cantines sont souvent guidés par des considérations économiques. Le respect de cet objectif affiché se traduira immanquablement par une hausse des coûts des repas. Votre ministère a-t-il prévu d’accompagner et d’encourager cette montée en qualité en accordant notamment des aides aux collectivités qui s’engageront dans cette démarche ?

Mme Nathalie Sarles. Monsieur le ministre, je voudrais revenir sur un sujet qui a été déjà évoqué par mes collègues, c’est-à-dire l’étiquetage. Les pistes sont complètement brouillées pour le consommateur qui, lorsqu’il achète un produit, n’en connaît ni l’origine ni la composition.

Nous voulons aujourd’hui un projet ambitieux, qui porte aussi sur l’éducation à une bonne alimentation. Or, pour bien éduquer, il faut bien informer. La transparence est de mise. Mais il me semble que ce texte n’est pas assez ambitieux en la matière. Il y aurait lieu de travailler davantage sur l’étiquetage. C’est une attente des consommateurs.

M. David Lorion. Monsieur le ministre, ce projet de loi pour une alimentation saine et durable est particulièrement attendu dans les départements d’outre-mer – je pense notamment à ses dispositions prévoyant l’obligation pour la restauration collective publique de proposer au moins 50 % de produits de qualité à l’horizon 2022, dont au moins 20 % de produits issus de l’agriculture biologique.

Les départements d’outre-mer, notamment La Réunion, dont je suis député, voient dans les marchés publics de la restauration collective un débouché particulièrement important pour la production agricole locale. Je souhaite donc qu’il soit précisé que, dans les départements d’outre-mer, l’objectif pour la restauration collective sera de proposer des repas composés au moins à 50 % de produits locaux, dont 20 % de produits bio.

M. Emmanuel Maquet. Ce projet de loi s’attaque à un problème fondamental rencontré par la profession agricole, celui de l’indiscutable dépendance des paysans aux réseaux de distribution. Même si le texte répond en partie aux diagnostics établis lors des États généraux de l’alimentation, je crains que les grands gagnants soient à nouveau les transformateurs, ces intermédiaires qui réalisent les marges les plus confortables.

Monsieur le ministre, la grande distribution a su organiser depuis de longues années le contournement des textes fixant les règles de négociation par des mécanismes souvent décriés, mais toujours présents, que l’on appelle les « marges arrière ». Pensez-vous objectivement que cette pratique reculera avec l’application de votre texte ?

Mme Danielle Brulebois. Monsieur le ministre, ne pensez-vous pas que le destin des agriculteurs se trouve finalement dans les mains du consommateur, qui doit pouvoir s’impliquer dans son alimentation grâce à une meilleure information et une meilleure éducation, commençant dès la restauration collective à l’école ? En effet, il est important d’éduquer très tôt les jeunes à une nourriture de qualité et équilibrée ; nous avons beaucoup de progrès à faire en la matière au sein des établissements de restauration collective.

M. le ministre Stéphane Travert. Je vais m’efforcer de rester concis dans la mesure où nous aurons l’occasion de revenir, lors de la discussion des amendements, sur tous les points qui viennent d’être évoqués.

Je veux commencer par vous remercier pour la qualité de vos interventions et des questions que vous m’avez posées, ainsi que pour le travail fourni par chacun des groupes, quel qu’il soit.

Il a beaucoup été question d’ambition, certains affirmant que cette ambition n’était pas présente dans le texte. Les États généraux de l’alimentation ont suscité beaucoup d’espoirs chez les agriculteurs, qui ont été entendus sur un certain nombre de sujets, notamment dans le cadre du titre Ier et de son volet économique. Ce que nous avons voulu faire avec ce projet de loi, c’est trouver une traduction à notre volonté de ne pas opposer les modèles agricoles les uns aux autres, de tirer parti de leur complémentarité et de faire vivre cette diversité qui est une richesse pour notre pays : non seulement les consommateurs recherchent des produits variés, mais nous devons être en mesure de répondre aux besoins de différents marchés, qu’ils soient locaux, nationaux ou internationaux. Notre agriculture a en effet vocation à exporter des produits de qualité, ce qui concourt à la fois à entretenir l’image de notre pays et à dégager des résultats satisfaisants en termes de balance commerciale – étant précisé que, sur ce point, nous disposons encore d’une marge de progression dans le secteur agricole.

Des signaux encourageants sont apparus dernièrement : nous exportons des pommes de terre au Vietnam, du foie gras au Japon, où ce mets est très apprécié, de la viande bovine en Turquie et en Chine, mais également de la viande porcine ou de la volaille – la volaille française de qualité a une image réputée dans le monde entier. Tout cela doit nous inciter à écouter nos agriculteurs, afin de savoir comment nous pouvons les aider à améliorer leur compétitivité et à réussir cette nécessaire montée en gamme.

La politique alimentaire que nous proposons consiste en une panoplie d’outils. À côté du volet économique du titre Ier, on trouve également un second volet, constitué d’engagements sociétaux. Mais la politique de l’alimentation ne s’arrête pas là, c’est un processus amené à s’inscrire dans la durée : nous ouvrons aujourd’hui la discussion à l’occasion de ce projet de loi, mais la réflexion sur les questions agricoles va se poursuivre de différentes manières.

Ainsi, M. Bruno Le Maire et moi-même avons mis en place un groupe de travail sur la fiscalité agricole composé de onze députés et onze sénateurs, ainsi que de représentants des organisations syndicales, chargé de formuler des propositions qui seront discutées dans le cadre du projet de loi de finances pour 2019. Une mission parlementaire a été constituée sur le foncier agricole, qui doit nous permettre de trouver ensemble des solutions visant à permettre aux jeunes agriculteurs qui veulent s’installer de trouver des terres – à un prix décent, s’entend, car nous sommes actuellement confrontés à un problème particulièrement prégnant de hausse des prix des terres agricoles dans certaines régions –, et de réserver des surfaces pour l’agriculture biologique. Nous aurons donc un débat sur la politique foncière, dans lequel le volet agricole tiendra une place particulièrement importante.

Enfin, plusieurs mesures dont nous allons débattre résultent des États généraux de l’alimentation : certaines sont intégrées au projet de loi, d’autres feront l’objet d’amendements examinés par la commission du développement durable et par la commission des affaires économiques, d’autres encore relèvent plutôt du domaine réglementaire ou du dialogue avec les professionnels ; d’autres enfin auront vocation à être retravaillées dans le cadre des plans de filières que nous avons demandés aux interprofessions en décembre dernier, et sur lesquels nous nous appuyons pour faire progresser un certain nombre de sujets.

Oui, les choix qui ont été faits portent la marque du volontarisme ; oui, le monde agricole doit encore faire face à des difficultés et des doutes. Vous avez fait état de sujets qui ont récemment défrayé la chronique – je pense aux indemnités compensatoires de handicaps naturels (ICHN), aux accords commerciaux avec le Mercosur ou le Canada et à la simplification –, mais qui n’entrent pas dans le périmètre du présent projet de loi. Certaines dispositions relatives au droit à l’erreur, qui portaient sur des questions agricoles, auront vocation à être retravaillées dans le cadre du projet de loi pour un État au service d’une société de confiance. Des amendements relatifs à la simplification pourront être examinés dans le cadre du présent projet de loi, dès lors qu’ils se rattachent directement à ce qui fait l’objet du texte.

Pour en revenir aux sujets intéressant spécifiquement la commission du développement durable, il faut reconnaître les efforts faits par les agriculteurs en matière de respect de l’environnement depuis quelques années – ainsi en est-il de la diminution du recours aux produits phytosanitaires. Des solutions existent et nous devons les trouver ensemble : il nous faut dessiner des trajectoires permettant aux professionnels de continuer à investir et à se développer, afin de ne pas se retrouver fragilisés. Une mission d’information parlementaire travaille actuellement sur la question de la réduction de l’utilisation des produits phytopharmaceutiques ; lorsqu’elle aura fait connaître ses propositions, nous devrons nous en emparer.

Un rapport de l’INRA avait conclu qu’il n’existait pas de solution « clé en main » pour la réduction de l’usage des produits phytosanitaires ; cela appelle un changement des pratiques agronomiques passant par l’éducation et la formation, notamment dans le cadre des lycées agricoles. Nous souhaitons capitaliser sur ces questions afin que, demain, nous puissions avoir une agriculture plus respectueuse de l’environnement.

Pour ce qui est de la lutte contre le gaspillage alimentaire, nous avons l’ambition d’y apporter notre contribution avec la disposition imposant à la restauration collective publique de proposer au moins 50 % de produits de qualité à l’horizon 2022, dont au moins 20 % de produits issus de l’agriculture biologique. Nous souhaitons que le secteur privé soit également concerné par cette mesure, mais cela passera par un dialogue avec les établissements privés, à défaut de pouvoir leur imposer directement les mêmes obligations.

En matière de modes de production, les mesures prises en matière d’étiquetage correspondent à des attentes fortes des consommateurs. Je sais que le Conseil national de l’alimentation (CNA), présidé par M. Guillaume Garot, doit mener une expérimentation à ce sujet. Des travaux ont déjà été menés en la matière : ainsi, mon prédécesseur avait mis en place, sur les produits laitiers, une expérimentation basée sur le principe d’un étiquetage volontaire. Si cette solution est aujourd’hui combattue au niveau européen par un certain nombre d’États membres, je souhaite que les expérimentations se poursuivent, et même qu’elles se fassent sur un plus large éventail de produits, afin d’aller dans le sens d’une plus grande transparence et d’une meilleure information des consommateurs.

Pour ce qui est du Mercosur, évoqué par plusieurs d’entre vous, nous sortons un peu du cadre des questions ayant vocation à être évoquées dans le cadre de cette commission qui s’est saisie du titre II du projet de loi. La position de la France est très claire sur ce point : notre pays a toujours apporté un soutien sans faille à ses filières d’élevage. Le traité de libre-échange avec le Mercosur n’est pas signé, puisque les négociations ont été suspendues il y a quelques semaines – des discussions se poursuivent entre les pays d’Amérique du Sud qui ont du mal à s’entendre. De notre côté, nous maintenons les principes qui constituent pour nous autant de lignes rouges, aussi bien en matière de contingents que de standards de qualité. Nous refusons qu’on puisse importer en France de la viande qui ne respecterait pas nos standards de qualité ; nous avons à nos côtés douze autres pays qui nous soutiennent dans ce combat. Il ne se passe pas un seul Conseil agricole sans que soit évoquée cette exigence de qualité et de traçabilité, qui constitue pour nous une condition essentielle à la défense d’une filière actuellement fragile.

J’ai déjà parlé de la restauration collective. Je veux insister sur le travail de formation et d’accompagnement que nous devons conduire auprès des collectivités et des établissements concernés. Comme je l’ai dit lors de mon propos liminaire, nous devons concentrer notre action sur deux points. Il s’agit d’abord de préserver notre capital santé individuel, ce qui passe par des pratiques alimentaires saines – manger moins gras, moins salé, moins sucré, ce qui s’apprend dès le plus jeune âge, notamment grâce à des actions comme « un fruit à la récré », mais aussi consommer des produits de saison. Nous devons également prendre soin de notre capital collectif en préservant l’environnement.

Les collectivités peuvent rencontrer des difficultés dans la mise en œuvre des mesures tendant à améliorer la qualité des repas qu’elles proposent : d’une part, il faut éviter que ces mesures aient un impact sur le coût des repas, d’autre part, certaines collectivités – je pense notamment aux grandes villes – peuvent avoir du mal à se procurer suffisamment de produits locaux. Nous devons donc travailler à structurer l’offre dans les zones périurbaines en permettant à des agriculteurs de s’installer à proximité et en encourageant l’installation d’ateliers de transformation de viande et de produits laitiers, ou encore la culture de fruits et légumes, notamment en favorisant la conversion à l’agriculture bio.

M. Lorion m’a interrogé au sujet de la restauration collective dans les outre-mer. Il y a effectivement un travail important à effectuer sur ce point, notamment en matière de diversification et de structuration de l’offre, mais aussi afin d’aboutir à une montée en gamme attendue par nos concitoyens de l’outre-mer. Les réflexions à ce sujet auront également vocation à être menées dans le cadre des Assises de l’outre-mer. Nous travaillons déjà sur cette question avec Mme Annick Girardin, ministre des outre-mer, afin que, demain, les agriculteurs d’outre-mer puissent trouver leur intérêt dans la montée en gamme des productions, que les outre-mer soient moins dépendants des exportations et que les produits importés soient de meilleure qualité – car on sait qu’aujourd’hui, certains produits proposés dans les outre-mer contiennent, par exemple, un taux de sucre très supérieur à celui des mêmes produits en métropole. Des progrès ont été faits au cours des années précédentes, mais nous ne devons pas relâcher notre effort car il reste beaucoup à faire, notamment en matière de structuration de l’offre : sur nombre de territoires d’outre-mer, nous manquons de producteurs de viande, de lait, de fruits et légumes ; nous avons besoin de créer les conditions d’un marché où les consommateurs peuvent trouver ce dont ils ont besoin.

J’ai bien entendu votre appel sur le miel, et je partage totalement l’objectif – peu importe de savoir à qui nous le devons… Ce que nous devons en tout cas à nos concitoyens, c’est de les informer concrètement sur la provenance du miel qu’ils consomment. Nous devons aussi encourager de nouvelles pratiques agronomiques afin de favoriser la repollinisation de la planète et de préserver l’apiculture. Je vous informe à ce propos que nous avons récemment apporté une aide de 400 000 euros à l’Institut technique et scientifique de l’apiculture et de la pollinisation (ITSAP), qui était confronté à de graves difficultés financières. Nous devons absolument pouvoir continuer à travailler avec cet institut qui constitue un outil irremplaçable, à plus forte raison quand les populations d’abeilles se raréfient.

Le sujet de la grande distribution a été évoqué, bien qu’il se rattache davantage au titre Ier. Vous avez suivi comme moi le débat sur la notion de juste prix à payer aux producteurs. Ce que nous voulons, c’est que la valeur soit bien répartie entre le consommateur, le distributeur et le producteur, tout en permettant à ce dernier de vivre dignement de son travail. Nous avons signé une charte avec la distribution, à l’issue d’une discussion qui rassemblait autour d’une table 17 % du PIB de la France. Si les négociations commerciales ont été difficiles, elles se sont plutôt bien terminées, puisqu’elles ont permis que des engagements soient pris. Cela dit, nous avons besoin que la loi nous fournisse de nouveaux outils afin que, lors des prochaines négociations, les agriculteurs soient en mesure de proposer et de facturer eux-mêmes un prix de vente à leurs clients, ce qui n’est pas le cas actuellement. D’où l’intérêt de regrouper par bassins, notamment dans le secteur de la production laitière – comme c’est déjà le cas pour les filières du comté et du saint-nectaire, qui fonctionnent aujourd’hui très bien – des producteurs qui s’engagent collectivement sur un cahier des charges afin de fournir un produit qui correspond aux attentes des consommateurs.

Certains outils, tels le seuil de revente à perte ou l’encadrement des promotions, doivent permettre, par le rééquilibrage des marges, qu’une part accrue de valeur revienne aux producteurs. Il faut également trouver les moyens de mettre fin à une guerre des prix qui en détruit une bonne part : au cours de l’année 2016, 1,5 milliard d’euros de valeur ont été détruits, en ce sens que cet argent n’a profité à personne. Tous les acteurs de la filière agro-alimentaire, qu’il s’agisse des TPE comme des grandes entreprises, ont des charges à payer et des personnels à rémunérer ; ils ont également besoin d’investir et d’innover pour augmenter la qualité de leurs productions.

La diversification est également un moyen de dégager un revenu complémentaire. La méthanisation est un de ces outils de diversification qui permettront à nos agriculteurs d’investir et d’innover pour réussir la montée en gamme que nous appelons de nos vœux. Un plan de méthanisation vient d’être mis en place en lien avec le ministère de la transition écologique et solidaire : 100 millions d’euros seront ainsi consacrés à la méthanisation dans le cadre du Grand plan d’investissement (GPI).

Tels sont, mesdames et messieurs les députés, les éléments de réponse que je voulais apporter aux questions que vous m’avez posées. Il me tarde maintenant d’entrer dans le cœur du débat, avec la discussion des articles et des amendements.

Mme la présidente Barbara Pompili. Comme vous avez pu le constater, monsieur le ministre, ce ne sont pas les idées qui manquent ; la discussion des articles et des amendements promet effectivement d’être riche et passionnante.

 


  1  

II.   EXAMEN des articles

TITRE II
mesures en faveur d’une alimentation saine, de qualité et durable

Article additionnel avant l’article 11
Intitulé du titre II du projet de loi

La commission est saisie d’un amendement CD239 de Mme Sandrine Le Feur.

Mme Sandrine Le Feur. Cet amendement tend à modifier le titre II pour l’intituler : « Mesures en faveur d’une alimentation saine, de qualité, durable et respectueuse du bien-être animal. »

M. Stéphane Travert, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Cet amendement rédactionnel précise le périmètre du titre II. Nous accordons beaucoup d’importance au bien-être animal, donc nous sommes favorables à cet amendement.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis. Avis favorable.

M. Jean-Marie Sermier. L’objectif de ce texte de loi, largement partagé sur tous les bancs de cette commission, est d’assurer une alimentation saine et respectueuse. Mais le bien-être animal, qui est effectivement un sujet important, mérite une réflexion à part entière et il serait dangereux d’ajouter cette mention à ce texte, dont la vocation est bien précise. Nous sommes défavorables à cet amendement.

La commission adopte l’amendement.

Article additionnel avant l’article 11
Création d’une division au sein du titre II

La commission est saisie de l’amendement CD132 de M. Loïc Dombreval.

M. Loïc Dombreval. C’est un amendement rédactionnel créant une division au sein du titre II afin de décliner son contenu, qui comporte des dispositions très hétéroclites, et ainsi doter le texte d’une architecture ordonnant bien les thèmes visés successivement par les différents articles, de façon à offrir plus de lisibilité à la question du bien-être animal.

Suivant l’avis favorable du ministre et de la rapporteure pour avis, la commission adopte l’amendement.

Avant l’article 11

La commission examine l’amendement CD452 de M. Guillaume Garot.

M. Guillaume Garot. Après les crises alimentaires, en particulier sanitaires, que nous avons connues, il s’agit d’assurer l’efficacité de l’action de l’État. Un règlement de l’Union européenne du 15 mars 2017 précise les responsabilités des États membres s’agissant de l’organisation des contrôles officiels.

Nous proposons de préciser dans le code rural et de la pêche maritime la responsabilité de l’État dans le domaine du respect de la réglementation sur la chaîne agroalimentaire, de même que les conditions dans lesquelles y sont associés l’ensemble des acteurs dans le cadre d’une politique de coproduction de la sécurité sanitaire et de la loyauté des transactions. L’objet de cet amendement est donc d’ajouter un article au début du livre II du code rural et de la pêche maritime.

M. Stéphane Travert, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Je vois bien le souhait qui est porté ici, mais le règlement européen (CE) 178/2002 du 28 janvier 2002, établissant les principes généraux et les prescriptions générales de la législation alimentaire, précise déjà les responsabilités respectives des exploitants du secteur alimentaire et du secteur de l’alimentation animale des autorités compétentes des États membres. De même, le règlement (UE) 2007/625 du Parlement européen et du Conseil du 15 mars 2017, relatif aux contrôles officiels, définit les modalités de mise en œuvre de ces contrôles et de recours aux laboratoires. Ces règlements européens s’appliquent de fait dans chacun des États européens, sans transposition dans le droit national. Cet amendement est donc inutile, avis défavorable.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis. Nous suggérons le retrait de cet amendement ; à défaut, avis défavorable. L’amendement n’apporte pas de nouveauté au droit applicable et ne permet pas de faire progresser le contrôle. J’ai par ailleurs déposé un amendement CD541 après l’article 11 pour renforcer les obligations de surveillance.

L’amendement est retiré.

La commission est saisie de l’amendement CD494 de M. Guillaume Garot.

M. Guillaume Garot. Comment renouer le lien de confiance entre les Français et leur alimentation ? Depuis vingt ans, une succession de crises affecte l’alimentation. Il ne faut pas être toujours sur la défensive, en courant après l’actualité médiatique, mais être capables, une bonne fois pour toutes, de fixer des objectifs clairs pour la qualité de l’offre alimentaire en France, et je fais référence à l’ensemble de l’offre alimentaire produite sur le sol français.

Comment y arriver ? Il faut clairement dire ce que nous acceptons et ce que nous n’acceptons plus dans notre alimentation. Il faut en éliminer les produits à risque. Nous proposons que l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) fixe une liste précise des produits problématiques du point de vue de la santé. Que disons-nous des perturbateurs endocriniens, ou de certains pesticides ?

Le deuxième alinéa de l’amendement définit, sur la base du Programme national nutrition santé (PNNS), des objectifs de qualité nutritionnelle. On ne peut pas émettre des recommandations : « moins de sucre, moins de sel, moins de gras » et laisser les pouvoirs publics spectateurs. Il faut au contraire adopter une attitude très volontariste et passer à l’action, ce qui veut dire fixer des objectifs à l’ensemble des producteurs de l’alimentation française dans un délai de cinq ans, et déterminer un chemin pour y arriver. Cela concerne la qualité nutritionnelle, mais aussi l’amélioration du bien-être animal.

Enfin, le troisième alinéa prévoit qu’en 2023, lorsque nous aurons réussi à améliorer la qualité de l’offre alimentaire, la fiscalité accompagne ce mouvement et reconnaisse ces objectifs : nous souhaitons adapter la fiscalité des produits alimentaires pour promouvoir une alimentation saine et durable.

Cette démarche volontariste montrerait aux Français que nous avons une vision de la politique de l’alimentation, et que nous voulons rétablir le lien de confiance entre les citoyens et leur alimentation.

M. Stéphane Travert, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Cet amendement a plusieurs objets. En premier lieu, il fixe les règles pour l’élimination des contaminants et des produits à risque pour la santé et l’environnement selon une liste établie par l’ANSES. Cette proposition méconnaît que l’interdiction de produits ou de substances doit être réalisée dans un cadre concerté avec l’Union européenne. Vous le savez, le Gouvernement est totalement mobilisé sur ces questions. Nous nous sommes attelés à l’élaboration d’une deuxième stratégie nationale relative aux perturbateurs endocriniens et nous portons au niveau européen l’ambition d’un encadrement rigoureux de ces substances. Nous nous sommes également attelés à l’élaboration d’une feuille de route pour les produits phytopharmaceutiques, avec une large concertation de l’ensemble des parties prenantes ; j’ai eu l’occasion d’en parler rapidement lors de la discussion générale.

Ensuite, cet amendement fixe des objectifs nutritionnels et de bien-être animal par catégorie de produits, mais aussi par catégorie de filières. C’est une proposition qui est trop restrictive et qui pourrait être contre-productive alors qu’il est préférable de travailler avec l’ensemble des acteurs à l’incitation et la prévention.

Enfin, s’agissant de la fiscalité alimentaire, cette adaptation et les propositions précises d’évolution doivent s’inscrire dans le débat budgétaire du projet de loi de finances. Ce débat sur la fiscalité est mené dans le cadre de la concertation que nous avons lancée il y a un mois avec M. Bruno Le Maire, et nous ferons en juin des propositions qui pourront être débattues dans le cadre de la discussion du projet de loi de finances pour 2019. Je suis défavorable à cet amendement.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis. Retrait, ou à défaut avis défavorable. L’amendement CD524 du Gouvernement confie à l’Observatoire de la qualité de l’alimentation une mission d’étude sur la qualité nutritionnelle des repas. Nous partageons vos objectifs, monsieur le député, mais nous préférons y arriver par une autre voie.

M. Guillaume Garot. Je suis déçu de ces réponses, car elles signifient que nous ne prenons pas conscience de l’attente de nos concitoyens. Je peux entendre qu’il est préférable de passer par l’incitation, que nos débats sont encadrés par le droit européen et que nous pourrons discuter dans le cadre de la loi de finances, mais tout cela ne suffit pas. C’est ce qui est fait depuis trop longtemps déjà, et nous voyons aujourd’hui que les crises durent, se répètent, et que nous sommes toujours dans une attitude défensive. Il est indispensable de prendre le taureau par les cornes et de traduire en politiques publiques ce que nous voulons pour notre alimentation. Tant que nous ne l’aurons pas fait, nous ferons toujours face à la défiance, nous réagirons plutôt que nous n’agirons, nous répondrons toujours avec un temps de retard. Nous devons être capables, une fois pour toutes, de fixer des objectifs et des moyens pour y arriver. C’est comme cela que nous restaurerons le lien de confiance qui s’est distendu au fil des années.

J’ai exercé des responsabilités gouvernementales sur ce sujet, et je mesure qu’il faut une volonté politique extrêmement forte, affirmée et réaffirmée, pour arriver à nos fins. Sinon, nous n’y arriverons pas, malgré les efforts des producteurs et des transformateurs. Ils respectent les normes, mais nous voyons bien que ce n’est pas suffisant. Si nous ne portons pas un discours général volontariste, nous manquerons notre cible. Si nous en restons à l’incitation, nous passerons à côté de l’attente profonde des citoyens.

M. Stéphane Travert, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Je comprends bien cela et je partage un certain nombre de points de vue, mais nous avons une réglementation européenne. La volonté politique est là, mais nous devons travailler en suivant la feuille de route de réduction des produits phytosanitaires, avec les ministères de la santé, de l’enseignement supérieur et de la recherche, de la transition écologique et solidaire et de l’agriculture. Nous devons aussi porter cette volonté politique au niveau européen et essayer d’aller chercher des alliés.

Pour l’instant, nous pouvons uniquement fonctionner sur le principe de l’incitation et faire en sorte que cette volonté politique puisse s’exprimer partout.

En matière de fiscalité, oui, prenons le taureau par les cornes. Nous animons avec M. Bruno Le Maire un groupe de travail sur la fiscalité auquel participe la députée Mme Valérie Rabault pour le groupe Nouvelle Gauche. Nous ouvrons la porte aux propositions sur la fiscalité ; nous pourrons les discuter et chercher à traduire cette volonté politique dans le champ de la fiscalité.

La commission rejette l’amendement.

Elle en vient à l’amendement CD451 de M. Guillaume Garot.

M. Guillaume Garot. Il s’agit d’un amendement de repli qui s’attache à agir sur la qualité nutritionnelle, pour mettre en relation le PNNS et la production dans notre pays. Il est proposé que l’État fixe des objectifs après avis de l’Observatoire de la qualité de l’alimentation et du Conseil national de l’alimentation (CNA), afin de réaliser une avancée politique par objectif, associant les acteurs, marquant des étapes, reconnaissant ce qui est fait, pour renouer le lien de confiance entre les Français et le contenu de leur assiette.

M. Stéphane Travert, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. L’équilibre nutritionnel est un objectif majeur de la politique de l’alimentation, et figure aussi bien dans la feuille de route des États généraux de l’alimentation que dans le plan national de santé publique. La méthode préconisée par le Gouvernement est d’encourager les professionnels à s’engager à modifier la formulation de leurs produits pour en améliorer la qualité nutritionnelle.

Ces évolutions participent aussi de ce que nous avons demandé dans les plans de filières, souhaités par le Gouvernement. Nous faisons le pari de cette montée en gamme et nous souhaitons accompagner les filières. Comme nous avons installé un comité de suivi des plans de filières, nous serons particulièrement attentifs à la mise en œuvre de ces engagements, pris dans tous les plans de filières. Une réglementation trop prescriptive ou restrictive n’est pas la bonne méthode. Avis défavorable.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis. Retrait ou, à défaut, avis défavorable. Cette mesure est contraignante, alors que la démarche doit être incitative et fondée sur le volontariat. Votre proposition est en opposition avec l’incitation à conclure des accords par famille de produits. Nous pensons qu’il faut plutôt encourager et mener des campagnes. Enfin, je renvoie une fois encore à l’amendement CD524 du Gouvernement sur l’Observatoire de la qualité de l’alimentation.

M. Guillaume Garot. Je suis à nouveau déçu, car il ne s’agit pas d’interdiction, mais de promouvoir des objectifs. De plus, les plans de filières ne sont pas aussi détaillés quant à la qualité nutritionnelle de la production. Enfin, on peut se raconter toutes les histoires que l’on veut, ce n’est pas simplement en répétant aux gens qu’il faut manger moins salé, moins sucré et moins gras que nous améliorerons la qualité de l’offre. Ce n’est pas en agissant sur la demande que nous améliorerons l’offre.

M. Arnaud Viala. Je ne suis pas membre de cette commission, mais je connais un peu le sujet de l’agriculture. Quand on parle de restaurer un lien de confiance, nous devons faire attention au discours politique que nous tenons. L’intention permanente des agriculteurs, des producteurs et des transformateurs est de fabriquer des produits de qualité destinés au bien-être des consommateurs. Que des encadrements soient prévus, c’est une chose, mais que la solution aux éventuelles difficultés ne soit qu’un renforcement réglementaire prévoyant des sanctions et un cadre très strict par rapport à la qualité ne me paraît pas contribuer au rétablissement d’un lien de confiance entre le consommateur et le producteur.

M. Guillaume Garot. Je vais vous donner un exemple. Il se trouve que j’ai été ministre de l’agroalimentaire, et j’ai mené ce type de démarche avec deux catégories de produits : le pain, pour diminuer la teneur en sel ; et les boissons rafraîchissantes pour diminuer les teneurs en sucre. Au bout de deux ans, on y est arrivé. Aujourd’hui, la baguette contient 18 grammes de sel par kilo de farine contre 22 grammes lorsque j’ai pris mes fonctions au ministère. Nous avons travaillé avec les boulangers ; nous ne prônons pas la contrainte, mais le partage d’objectifs, et cela produit des résultats. La même chose vaut pour les boissons rafraîchissantes, autre nom des sodas.

Bien sûr qu’il faut faire les choses de façon progressive. J’avais interrogé une grande marque de yaourt qui avait essayé de réduire la teneur en sucre de ses crèmes dessert, mais trop vite, et le consommateur n’avait pas suivi car il ne retrouvait pas le goût de sa crème dessert traditionnelle. On y est arrivé par des diminutions progressives.

Je souhaite que ces réussites soient davantage valorisées et généralisées à l’ensemble des catégories de produits pour lesquels interviennent les recommandations du PNNS. Il ne s’agit pas de créer des contraintes supplémentaires, mais d’associer les acteurs à la réussite d’une alimentation plus saine. C’est l’attente des consommateurs et des citoyens.

On ne peut pas dire que l’on fait tout ce que l’on peut pour lutter contre les maladies cardio-vasculaires, contre l’obésité, contre certains cancers, et ne pas prendre les moyens d’associer, dans une démarche collective, ceux qui sont prêts à s’engager mais qui ont besoin qu’on leur montre le cap et que l’on dise politiquement que nous sommes prêts à les accompagner – je veux parler des acteurs de l’alimentation.

M. Matthieu Orphelin. Je suis sensible à l’argumentation de M. Garot, qui lève les craintes qu’il était possible d’avoir à la lecture de l’amendement. Il ne s’agit pas d’imposer. Les exemples donnés par M. Garot, notamment celui du pain, montrent qu’il s’agit de se donner des objectifs, et réussir ensemble, collectivement, en entraînant l’ensemble des acteurs. Ça peut marcher, et il est important d’y réfléchir encore, lors de l’examen par la commission saisie au fond ou en séance, car cela soulève de très importantes questions de santé publique.

M. Stéphane Travert, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Je veux rassurer M. Garot, je ne vais pas passer la soirée à donner des avis défavorables à ses amendements. Mais, en l’occurrence, nous avons déjà le PNNS qui fonctionne. Nous avons intérêt à travailler en confiance avec l’ensemble des filières, et nous comptons sur ces plans de filières, qui prévoient des objectifs. L’accomplissement de ces objectifs sera suivi, puisque nous avons installé un comité de suivi des plans de filières, organisé par le ministère de l’agriculture et l’ensemble des composantes qui ont participé aux États généraux de l’alimentation. C’est donc l’État qui va contrôler la réalisation des objectifs prévus dans les plans de filières. C’est pourquoi la prescription, comme vous le proposez, ne nous semble pas la bonne méthode. Je le redis, nous souhaitons nous appuyer sur les plans de filières.

La commission rejette l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement CD386 de Mme Laurianne Rossi.

Mme Laurianne Rossi. Cet amendement tend à rendre contraignantes les recommandations nutritionnelles émises par le Groupe d’étude des marchés de restauration collective et nutrition (GEM-RCN), aussi bien sur la qualité que sur la quantité des repas servis.

Ces recommandations servent d’aide à l’élaboration des cahiers des charges des contrats de restauration collective afin d’améliorer la qualité nutritionnelle des repas servis. Bien que reprises par l’ANSES et les différents PNNS, ces recommandations ne sont pas opposables aux collectivités ou aux délégataires de service public en charge des prestations de restauration collective.

Afin d’assurer une pleine application des recommandations du GEM-RCN et de ne créer aucune distorsion de concurrence et de pratique entre territoires et modes de gestion, cet amendement vise à conférer un caractère obligatoire à ces règles nutritionnelles pour toute personne publique ou privée en charge d’un service de restauration collective.

Cet amendement vise également à rendre plus lisibles les obligations relatives à la qualité nutritionnelle des repas, dans la mesure où subsistent des différences d’interprétation entre les éléments contenus dans l’arrêté du 30 septembre 2011 relatif à la qualité nutritionnelle des repas servis dans le cadre de la restauration scolaire, et ceux contenus dans les recommandations du GEM-RCN.

Les trois objectifs poursuivis sont donc : la cohérence, l’équité et la lisibilité.

M. Stéphane Travert, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Le GEM-RCN, rattaché depuis longtemps à l’administration des finances, n’est plus actif aujourd’hui. À sa place, nous allons créer un Conseil national de la restauration collective, comme prévu dans la feuille de route des États généraux de l’alimentation. Cette création relève du pouvoir réglementaire, il n’est donc pas à l’ordre du jour d’inscrire le GEM-RCN ou ses recommandations dans la loi.

Je suggère donc le retrait de cet amendement, à défaut, avis défavorable.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis. Retrait ou, à défaut, avis défavorable. Le GEM-RCN a été dissous, ses recommandations sont contestées car elles ne seraient pas en accord avec les apports nutritionnels conseillés. Il convient de revoir le dispositif et de fixer une nouvelle ligne pour appuyer les collectivités. Dans le cadre de la feuille de route adoptée suite aux États généraux de l’alimentation, un Conseil national de la restauration collective est en cours de création et le plan national de la restauration collective permettra d’ici la fin du semestre une meilleure articulation entre le PNA et PNNS.

L’amendement est retiré.

La commission en vient à l’amendement CD337 de M. Loïc Prud’homme.

M. Loïc Prud’homme. Dans les cantines scolaires, entre deux et six fois trop de protéines sont servies par rapport aux recommandations de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation. Nous proposons donc de revenir à des quantités plus raisonnables.

La restauration scolaire, c’est plus d’un milliard de repas servis par an, de la maternelle au lycée ; près de sept millions d’élèves sont concernés ; plus de quatre-vingt mille tonnes de produits carnés et plus de cent vingt mille tonnes de produits laitiers sont distribuées chaque année, pour un chiffre d’affaires de plus de 460 millions d’euros pour la viande et de plus de 280 millions pour les produits laitiers. Ces chiffres semblent démesurés, et pour cause : à la cantine, on sert de la viande ou du poisson tous les jours ou presque. Or, cette surconsommation de protéines animales a des conséquences sur la santé des enfants, mais aussi sur l’environnement. Au vu du nombre de repas servis – un milliard par an – la restauration collective publique a un rôle pédagogique important auprès des enfants, qu’il faut sensibiliser et inciter à consommer davantage de protéines végétales et moins de protéines animales.

La réduction des protéines animales permettra de s’orienter vers des produits de meilleure qualité, vers de l’agriculture biologique ou labellisée Haute valeur environnementale (HVE), plus rémunératrice pour les agriculteurs. L’augmentation des protéines végétales dans la restauration collective permettra d’amorcer une transition globale par la promotion des productions et la structuration des filières locales.

La France insoumise défend un modèle alimentaire durable et une transition des modèles agricoles vers une agriculture écologique et paysanne. C’est l’objet de cet amendement.

M. Stéphane Travert, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Dans ce domaine comme dans beaucoup d’autres, l’incitation me paraît encore une fois plus utile que la contrainte. Il existe déjà des recommandations élaborées de manière très précise et adaptées aux besoins des enfants, et il est possible, sur la base de ces recommandations, de proposer dans les cantines des repas de substitution végétariens, comme vous le souhaitez. Par ailleurs, il faut garder à l’esprit que le repas scolaire reste pour nombre d’enfants la seule occasion de manger des protéines animales. Pour toutes ces raisons, je suis défavorable à votre amendement.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis. Avis défavorable. Si l’objectif nous semble intéressant, ce n’est pas à la loi de le fixer ni de fixer les menus des cantines. Je rappelle également qu’il y aura un plan national pour la restauration collective, qui s’accompagnera de la création du Conseil national de la restauration collective, chargé d’aborder l’ensemble de ces sujets.

M. Bertrand Pancher. Nous passons notre temps à taper sur les cantines scolaires parce que ça ne mange pas de pain. Sauf que les cantines, c’est l’usager qui les paye, et elles finissent par coûter de plus en plus cher. Du coup, une partie des familles les plus en difficulté en sont exclues. Laissons donc aux collectivités le soin de gérer tout cela intelligemment. Elles font beaucoup d’efforts pour que les cantines servent des repas équilibrés et adaptés aux différents publics – je pense aux plats bio, aux plats végétariens ou aux plats adaptés aux différentes communautés.

M. Loïc Prud’homme. Monsieur Pancher, la question du coût devrait être en partie réglée par le rééquilibrage des menus en faveur des protéines végétales, dont la production est bien moins chère que celle des protéines animales.

Mme Delphine Batho. Ça se discute !

M. Loïc Prud’homme. Quant au ministre, il nous parle une nouvelle fois d’incitation. Je suggère donc que, pour gagner du temps, nous votions un amendement unique, qui créerait un comité de suivi des incitations, ce qui réduirait considérablement le temps de notre discussion et vous éviterait d’avoir à répondre aux propositions que nous faisons de manière aussi imprécise…

La commission rejette l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement CD487 de M. Guillaume Garot.

M. Guillaume Garot. Il s’agit d’une proposition issue des États généraux de l’alimentation, qui vise à favoriser les démarches d’amélioration progressive de l’offre alimentaire en restauration collective. Dans cette perspective, chaque établissement mettra en place un plan de progrès définissant les dispositions à prendre pour, d’une part, améliorer la qualité des repas servis, selon l’origine des aliments et selon leur composition nutritionnelle, d’autre part, lutter contre le gaspillage alimentaire. Nous voulons faire en sorte que chaque établissement se mobilise, les acteurs ayant le choix des moyens qu’ils jugent les plus adéquats.

M. Stéphane Travert, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Cet amendement me paraît faire doublon avec certaines recommandations issues des États généraux.

Pour autant, la mise en place d’un plan de progrès est une idée intéressante. Je vous propose donc de retirer votre amendement afin que nous puissions le retravailler et le redéposer devant la commission des affaires économiques.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis. Mon avis est plutôt favorable, car nous partageons l’objectif défendu par cet amendement. Néanmoins, il serait utile de préciser en quoi consistent ces marges d’amélioration progressive de l’offre alimentaire proposée en restauration collective. Car il ne faudrait pas qu’elles se traduisent par de nouvelles charges, et il est important que ce plan de progrès prenne donc la forme d’un dispositif incitatif.

M. Matthieu Orphelin. J’apprécie particulièrement la notion de progrès inscrite dans cet amendement, a fortiori lorsqu’il s’agit de lutter contre le gaspillage alimentaire, dont le coût dans la restauration collective est de 27 centimes par repas en coûts directs et de 68 centimes si on inclut les coûts indirects.

L’amendement CD487 est retiré.

Article additionnel avant l’article 11
(article L. 230-5 du code rural et de la pêche maritime)
Comités de représentants des usagers de la restauration collective

La commission est saisie de l’amendement CD444 de Mme Laurianne Rossi.

Mme Laurianne Rossi. Cet amendement vise à offrir un espace de parole et de concertation aux usagers de la restauration collective, ainsi que cela se pratique dans d’autres services publics, qui ont institué des organes de concertation structurés où siègent des représentants d’usagers. Ces comités que nous proposons d’instituer seraient purement consultatifs. Ils interviendraient en aval et non en amont des décisions, et n’auraient donc aucun pouvoir décisionnaire, notamment sur le cahier des charges. Il appartiendrait au pouvoir réglementaire d’en préciser la composition et le fonctionnement.

M. Stéphane Travert, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Ces comités existent déjà dans un certain nombre d’établissements – je pense notamment aux commissions dans les cantines qui fonctionnent sur la base du volontariat et permettent aux parents d’élèves de travailler avec les enseignants et les intendants des écoles primaires et des collèges à la qualité nutritionnelle des repas et à leur provenance. Je suis donc favorable à cet amendement qui s’inscrit parfaitement dans la logique de l’article 11.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis. J’ai pour ma part des réserves dans la mesure où il existe déjà des initiatives de ce type gérées par les collectivités et que nous ne manquons pas de comités ou autres associations de parents d’élèves. Le dispositif proposé me paraît assez lourd et complexe.

La commission adopte l’amendement.

Article 11
(article L. 230-5-1 [nouveau] du code rural et de la pêche maritime)
Mesures en faveur dune alimentation saine, de qualité et durable dans la restauration collective

Le présent article vise à améliorer la qualité des repas servis dans les restaurants collectifs gérés, en régie directe ou en délégation de service public, par les personnes morales de droit public.

Dès la campagne présidentielle et, plus récemment, dans son discours aux États généraux de l’alimentation du 22 octobre 2017, le Président de la République a réaffirmé l’objectif poursuivi : « lengagement datteindre 50 % de produits bio ou locaux en restauration collective dici 2022 est bien confirmé et nous permettra de repenser territorialement notre alimentation et daccompagner la nécessaire restructuration de certaines filières ».

Le présent projet de loi prévoit qu’un décret fixe les pourcentages de produits bio (à hauteur de 20 % précise l’étude d’impact) et de qualité (à hauteur de 30 % précise l’étude d’impact ([6])) entrant dans la composition des repas servis dans la restauration collective publique, pour atteindre ce total de 50 %.

Le Grenelle de l’environnement avait déjà recommandé, il y plus de dix ans, d’atteindre 20 % de produits issus de l’agriculture biologique dans la restauration collective. Pourtant, la part de ces produits dans la restauration collective est loin d’atteindre cet objectif et n’est que de 2,9 % en moyenne ([7]).

Certaines démarches territoriales, reposant sur une très forte implication des acteurs de terrain, ont pourtant réussi et démontrent la pertinence des efforts entrepris.

La définition d’un objectif ambitieux mais réaliste doit, l’exemple du Grenelle de l’environnement l’a démontré, passer par la loi pour trouver une application effective.

Les États généraux de l’alimentation ont fait la démonstration que la demande sociétale sur cette question est particulièrement forte.

I.   Les dispositions de l’article 11 pour améliorer la qualité de l’alimentation dans la restauration collective publique

A.   Les dispositions du code rural applicables et les mesures ambitieuses prévues par l’article 11

La politique nationale de l’agriculture et de l’alimentation est définie à l’article L. 1 du code rural et de la pêche maritime. L’État veille à la sécurité sanitaire de l’alimentation.

Un programme national pour l’alimentation est défini, qui détermine les objectifs de la politique de l’alimentation « en prenant en compte notamment la justice sociale, léducation alimentaire de la jeunesse et la lutte contre le gaspillage alimentaire ». Le Conseil national de l’alimentation participe à l’élaboration du programme national pour l’alimentation.

Le programme national propose des actions « dans les domaines de léducation et de linformation pour promouvoir léquilibre et la diversité alimentaires, les produits locaux et de saison ainsi que la qualité nutritionnelle, dans le respect des orientations du programme national relatif à la nutrition et à la santé » ([8]).

Par ailleurs, le programme national pour l’alimentation « encourage le développement des circuits courts et de la proximité géographique entre producteurs agricoles, transformateurs et consommateurs ».

S’agissant de la restauration collective publique et privée, il prévoit des actions pour l’approvisionnement « en produits agricoles de saison ou en produits sous signes didentification de la qualité et de lorigine, notamment issus de lagriculture biologique. » Tel est l’objet du présent article.

L’ancrage territorial de cette politique fait partie des objectifs. Les actions qui répondent aux objectifs du programme national pour l’alimentation et aux objectifs des plans régionaux de l’agriculture durable peuvent prendre la forme de projets alimentaires territoriaux.

Votre rapporteure pour avis souhaite que, sur la base du volontariat, les régions puissent se voir confier par l’État, à titre expérimental et pour une durée de trois ans, un rôle de chef de file dans la mise en œuvre des projets alimentaires territoriaux. Elles devraient également assurer la coordination des projets menés à une échelle infrarégionale.

Par ailleurs, l’article L. 230-5 du code rural et de la pêche maritime ([9]) fixe des obligations spécifiques tenant à la qualité nutritionnelle des repas et au fait de privilégier les produits de saison. Les règles relatives à la qualité nutritionnelle des repas sont publiées sous la forme d’une charte affichée dans les services concernés.

Ces règles spécifiques concernent :

– les gestionnaires, publics et privés, des services de restauration scolaire et universitaire ;

– les services de restauration des établissements d’accueil des enfants de moins de six ans ;

– les établissements de santé, sociaux et médico-sociaux ;

– les établissements pénitentiaires.

Le présent article 11 vise à relever très nettement l’ambition en termes de qualité des repas servis dans la restauration collective publique dans son ensemble. Il répond, comme cela a été rappelé, à un engagement fort du Président de la République.

Au plus tard au 1er janvier 2022, une part significative des produits acquis pour la constitution des repas servis devrait être constituée de :

– produits acquis en tenant compte du coût du cycle de vie du produit ;

– produits issus de l’agriculture biologique ;

– produits bénéficiant d’un autre signe d’identification de la qualité et de l’origine défini au 1° de l’article L. 640-2 : le label rouge, attestant la qualité supérieure, ainsi que l’appellation d’origine, l’indication géographique et la spécialité traditionnelle garantie, attestant la qualité liée à l’origine ou à la tradition ;

– produits bénéficiant des mentions valorisantes définies au 2° de l’article L. 640-2 : « montagne », le qualificatif « fermier » ou la mention « produit de la ferme » ou « produit à la ferme », la mention « produit de montagne », la mention « issu d’une exploitation de haute valeur environnementale », « produits pays » en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à La Réunion, à Mayotte, Saint-Pierre-et-Miquelon, Saint-Barthélemy, Saint-Martin et Wallis-et-Futuna ;

– produits satisfaisant de manière équivalente aux exigences définies par les signes ou mentions visés aux 1° et 2° de l’article L. 640-2 : cette définition vise les produits européens répondant à des exigences équivalentes dans un État membre et ne pouvant être exclus de la commande publique.

Un décret en Conseil d’État devra préciser le pourcentage de produits de qualité devant entrer dans la composition des repas, les modalités d’application de l’article, les conditions d’une application progressive et les modalités de suivi de la mise en œuvre de l’article.

B.   un pas en avant décisif

Votre rapporteure pour avis souligne que cet article est essentiel dans la politique de l’alimentation. Le tableau suivant présente les différents secteurs de la restauration collective publique et privée, le mode de gestion et le nombre de repas servis.

Part des différents secteurs de la restauration collective, publique et privée, en fonction du nombre de restaurants et du nombre de repas

http://www.assemblee-nationale.fr/15/projets/pl0627-ei-16.gif

Source : Agence Bio, (d’après données gira foodservice)

Selon la dernière étude menée par l’agence Bio dans le cadre de l’observatoire national des produits biologiques en restauration collective, réalisée en 2017, 83 % des Français attendent des produits biologiques dans les restaurants, 80 % dans les hôpitaux et 90 % des parents sont intéressés par une offre de produits biologiques à l’école. 57 % des établissements publics et privés de restauration collective proposaient des produits biologiques début 2017 (74 % des établissements publics et 34 % des établissements privés ; 60 % des établissements en gestion directe et 47 % en gestion concédée). Dans le secteur scolaire, 79 % des établissements proposent du bio. On constate également que la fréquence d’introduction des produits biologiques augmente. Les produits biologiques achetés sont, à 78 %, d’origine française.

En ce qui concerne la possibilité matérielle d’atteindre les objectifs de 20 % de produits biologiques et 30 % de produits de qualité particulière labellisés, bien que l’ambition soit réelle, la mobilisation de tous les acteurs doit permettre de l’atteindre dans les délais prévus. Il convient de rappeler que la filière biologique connaît un élan sans précédent avec une augmentation de 15 % d’agriculteurs engagés dans la démarche entre 2015 et 2016. L’attente sociétale est particulièrement forte. Elle s’ancre durablement et s’affirme tout particulièrement lorsqu’un scandale sanitaire éclate.

Le présent article est par ailleurs en totale cohérence avec le plan Ambition Bio, en cours de révision, et les engagements de conversion dans le cadre des plans de filière.

Votre rapporteure pour avis estime que les pourcentages de produits biologiques ou labellisés, détaillés dans l’étude d’impact, devraient être fixés par la loi et a proposé un amendement en ce sens.

Votre rapporteure pour avis souligne également que l’éco-labellisation (« pêche durable ») des produits de la pêche ne figure pas dans l’énumération (cette labellisation est inscrite à l’article L. 644-15 du code rural et de la pêche maritime ([10])) et devrait faire partie des produits entrant dans la part significative des produits de qualité.

Cet article 11 présente certaines difficultés concrètes d’application. Le coût du cycle de vie du produit a soulevé de nombreuses interrogations parmi les personnes auditionnées par votre rapporteure pour avis.

Il convient en premier lieu de rappeler que le droit européen ([11]) ne permet pas à la commande publique de viser une provenance particulière ou un mode de fabrication spécifique qui aurait pour objet ou pour effet de ne retenir que certains produits locaux et d’éliminer les produits issus d’autres États membres. Il est donc possible de viser les produits présentant une qualité particulière ou un intérêt environnemental sans exclure les produits européens similaires.

La notion de coût du cycle de vie est, à l’origine, européenne et définie par la directive 2014/24/UE du 26 février 2014 ([12]). La directive vise « le développement et lutilisation dapproches européennes en matière de coût du cycle de vie, afin de donner aux marchés publics une dimension supplémentaire à lappui dune croissance durable ». Les pouvoirs adjudicateurs doivent pouvoir déterminer « loffre économiquement la plus avantageuse et le prix le plus bas en prenant en compte le coût du cycle de vie. La notion de calcul du coût du cycle de vie couvre tous les coûts supportés durant le cycle de vie des travaux, fournitures ou services. ».

La définition posée à l’article 68 de la directive est la suivante :

« Le coût du cycle de vie couvre, dans la mesure où ils sont pertinents, tout ou partie des coûts suivants du cycle de vie dun produit, dun service ou dun ouvrage :

« a) Les coûts supportés par le pouvoir adjudicateur ou dautres utilisateurs, tels que :

« i) les coûts liés à lacquisition,

« ii) les coûts liés à lutilisation, tels que la consommation dénergie et dautres ressources,

« iii) les frais de maintenance,

« iv) les coûts liés à la fin de vie tels que les coûts de collecte et de recyclage.

« b) les coûts imputés aux externalités environnementales liés au produit, au service ou à louvrage pendant son cycle de vie, à condition que leur valeur monétaire puisse être déterminée et vérifiée ; ces coûts peuvent inclure le coût des émissions de gaz à effet de serre et dautres émissions polluantes ainsi que dautres coûts datténuation du changement climatique. »

Par ailleurs, la méthode utilisée pour évaluer les coûts imputés aux externalités environnementales doit respecter plusieurs conditions :

– elle se fonde sur des critères vérifiables de façon objective et non discriminatoires ;

– elle est accessible à toutes les parties intéressées ;

– les données requises peuvent être fournies moyennant un effort raisonnable consenti par des opérateurs économiques normalement diligents.

Le décret n° 2016-360 du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics reprend, en son article 63, les dispositions de la directive.

Votre rapporteure pour avis estime que, si le coût du cycle de vie doit impérativement être progressivement pris en compte par les acheteurs publics de la restauration collective, il n’est pas l’outil le plus adapté pour atteindre 50 % de produits qualitatifs. Il permet de faire prendre conscience aux acheteurs de l’impact environnemental d’un achat et devrait permettre, à terme, une réorientation vers une alimentation moins impactante, notamment en termes d’émissions de CO2. Ce type d’outil amène notamment à s’interroger sur la part de la viande dans l’alimentation.

Pour ce qui est de l’objectif de développer l’achat de produits locaux, le meilleur outil demeure probablement la référence aux produits de saison, qu’il faudrait rappeler. Les commandes publiques peuvent également avoir recours à un critère de fraîcheur des produits. De nombreux exemples démontrent que le coût du cycle de vie du produit ne permet pas de distinguer favorablement les produits locaux. Pour un même produit, selon le mode de production, le coût du cycle de vie peut être en faveur d’importations dont le transport serait finalement peu émetteur de CO2 (transport par bateau de productions lointaines).

Le coût du cycle de vie du produit ne garantit pas de valoriser les produits de qualité. Il convient donc de bien faire attention à ne pas « tordre » cette notion pour lui faire jouer un rôle qui n’est pas le sien, alors même que cet outil constitue un puissant facteur de progrès s’il est utilisé conformément à son objectif de développement durable.

Par ailleurs, il existe une vraie difficulté, qui s’est confirmée au cours des auditions, sur l’applicabilité du critère de coût du cycle de vie en matière alimentaire. Les dispositifs de mesure existants, sur lesquels l’ADEME est en pointe, ne sont pas encore pleinement opérationnels pour évaluer de façon robuste, rapide et systématique l’impact de tous les produits alimentaires. Ils ne sont pas encore conçus pour distinguer différentes filières d’approvisionnement, pays d’origine, etc. Certains impacts ne sont pas encore consolidés (tels que la pollution de l’eau par exemple). Ils permettent en revanche d’estimer l’impact d’un menu à partir de ses ingrédients (impact quantifié en moyenne pour une unité produite de blé, tomate ou viande). Ces obstacles concrets doivent être pris en considération par le législateur.

Votre rapporteure pour avis recommande donc de ne pas retenir le coût du cycle de vie dans les 50 % de produits qualitatifs mais de prévoir une prise en compte progressive de cet outil, en tant que démarche complémentaire à l’accroissement des produits bio et labellisés.

Dans le même esprit de soutien à une alimentation durable, votre rapporteure pour avis a noté l’absence de référence aux produits du commerce équitable. Les produits du commerce équitable, défini par l’article 60 de la loi n° 2005-882 du 2 août 2005 en faveur des petites et moyennes entreprises, modifié par l’article 94 de la loi n° 2014-856 du 31 juillet 2014 relative à l’économie solidaire, devraient pouvoir être intégrés à la démarche. Le commerce équitable vise en effet le développement durable et le progrès social pour les travailleurs. Il s’inscrit dans le développement de modes de production et de consommation socialement et écologiquement responsables. Le commerce équitable assure la traçabilité de ses produits.

Votre rapporteure pour avis propose donc que leur acquisition soit développée par les gestionnaires de la restauration collective publique.

Le coût de ce dispositif a été expertisé et il est probable que le « coût matière » des plateaux-repas augmentera à la marge. Les personnes auditionnées ont confirmé le surcoût annoncé dans l’étude d’impact, de l’ordre 30 centimes par repas, correspondant à un pourcentage ([13]) du coût matière (le coût matière d’un repas est ainsi compris entre 1,80 euro et 2,20 euros en restauration scolaire).

Ce surcoût peut être bien maîtrisé à terme par une politique de lutte contre le gaspillage alimentaire, un meilleur dosage des rations et une gestion plus fine des inscriptions dans les cantines scolaires par exemple.

Votre rapporteure pour avis souligne enfin que la mise en œuvre du présent article nécessitera la pleine implication de l’ensemble des acteurs des filières et estime qu’il sera impératif de prévoir un mécanisme de soutien en faveur des communes, notamment les plus petites d’entre elles, qui s’engagent ou se sont déjà engagées en faveur d’une alimentation de qualité, saine et durable.

De nombreux éléments doivent être pris en compte, tels que l’existence de légumeries ou encore la possibilité d’accéder à des outils de mise en réseaux des exploitants, des producteurs et des acheteurs. Chacun des leviers doit être actionné et devra être soutenu.

Une modulation de la dotation globale de fonctionnement constituerait un encouragement important et pourrait être définie dans l’optique du prochain projet de loi de finances.

La formation des gestionnaires, des acheteurs publics, des cuisiniers et des personnels de la restauration collective publique devrait impérativement être renforcée et axée sur le développement de l’achat public durable, responsable et équitable. La formation constitue un levier essentiel, les collectivités territoriales entendues par votre rapporteure pour avis l’ont rappelé.

La coordination et le pilotage de la composition des menus devraient être améliorés avec un référent unique bien identifié pour les collectivités territoriales. Le groupe d’étude des marchés de restauration collective et nutrition (GEM‑RCN), dépendant du ministère de l’économie, a formulé des recommandations à destination des établissements publics (les recommandations en termes de fréquence de plats doivent être respectées). Il a été dissous. Il conviendra de veiller à l’existence d’un référent pour les collectivités ainsi qu’à une bonne coordination des recommandations formulées avec celles du Plan national nutrition santé ainsi qu’avec les apports nutritionnels conseillés définis scientifiquement par l’ANSES.

Le Gouvernement a, à cet égard, annoncé, dans le cadre de la feuille de route des États généraux de l’alimentation, la mise en œuvre d’un Plan national de la restauration collective et la création d’un Comité national de restauration collective chargé de formuler ces recommandations.

II.   les travaux de votre commission

Votre commission a, au cours de ses travaux, adopté l’amendement CD297 présenté par votre rapporteure pour avis, réécrivant l’article 11, et l’amendement CD242, présenté par Mme Le Feur, identique. Cinq sous-amendements ont été adoptés.

Les amendements adoptés permettent de fixer dans la loi les pourcentages de produits qualitatifs devant entrer dans la composition des repas. Ces objectifs ont été annoncés par le Président de la République. Ils figurent également dans l’étude d’impact du projet de loi.

Votre rapporteure pour avis a ajouté que les personnes publiques doivent privilégier les produits de saison. Tel est déjà le cas, que les gestionnaires soient publics ou privés, dans les services de restauration scolaire et universitaire, les établissements accueillant des enfants de moins de 6 ans et dans les établissements de santé, sociaux et pénitentiaires.

Ainsi, au 1er janvier 2022 :

– 20 % au moins des produits composant les repas devraient être bio (une précision a été apportée par les sous-amendements CD551, présenté par M. Vincent Descœur, et CD552, présenté par M. Bruno Duvergé, quant à la prise en compte explicite des surfaces en reconversion vers le bio, qui étaient déjà comptabilisées dans l’amendement présenté par votre rapporteure pour avis puisque, dès lors que la conversion atteint le stade C2, les produits peuvent être étiquetés « produit en conversion vers l’agriculture biologique »),

– et 30 % au moins des produits devraient bénéficier d’un signe d’identification de la qualité et de l’origine (label rouge, appellation d’origine, indication géographique, spécialité traditionnelle garantie) ou d’une mention valorisante (mentions montagne, produit de montagne, produit pays, fermier, produit à la ferme, produit de la ferme, vin de pays, haute valeur environnementale) ou, à la condition que l’exploitation ait entamé une démarche de labellisation « haute valeur environnementale », d’une démarche de certification des produits, ou de l’écolabel « pêche durable ».

Ont été ajoutés à la liste initiale prévue par le Gouvernement :

– les produits sous certification de la conformité des produits, qui sont inclus dans les modes de valorisation des produits visés à l’article L. 640‑2 du code rural et de la pêche maritime, avec la restriction portée par le sous-amendement CD534, présenté par M. Damien Pichereau, selon laquelle ne sont retenus ces produits que si les exploitations dont ils sont issus ont engagé, dans des conditions définies par décret, la démarche de certification ouvrant droit à la mention « haute valeur environnementale » mentionnée à l’article L. 611‑6 du code rural et de la pêche maritime ;

– les produits écolabellisés « pêche durable », seul label spécifiquement dédié aux produits de la pêche dans le code rural et de la pêche maritime. Les produits répondant, à travers d’autres labels, de façon équivalente, aux critères de cet écolabel seront également retenus, a indiqué le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.

Le sous-amendement CD535, présenté par Mme Nathalie Sarles, a introduit les mots « au moins » après les pourcentages, afin de souligner que ces taux sont un plancher, ce qui était bien le cas dans l’amendement initial.

S’agissant des produits acquis en tenant compte du coût du cycle de vie du produit, l’amendement adopté prévoit de mettre en œuvre une démarche de prise en compte progressive par les gestionnaires.

Votre rapporteure pour avis a également souhaité soutenir l’achat de produits issus du commerce équitable.

Elle a enfin ajouté une obligation d’information sur les pourcentages de produits qualitatifs proposés, qui devrait être présentée aux usagers des restaurants collectifs, applicable dès 2020 et deux fois par an. Votre commission a également adopté l’amendement CD307 présenté par votre rapporteure pour avis, visant à assurer l’information des usagers de l’ensemble de la restauration collective privée à compter du 1er janvier 2020. Il est important qu’ils puissent savoir quelle est la proportion de produits de qualité qui entre dans la composition de leurs repas et dans quelle mesure cette proportion progresse avec le temps. Ces données objectives permettent également de faciliter les comparaisons et de valoriser les bonnes pratiques.

Le sous-amendement CD544, présenté par Mme Jennifer De Temmerman, prévoyant d’appliquer les dispositions de l’article 11 aux établissements privés sous contrat a été adopté, mais est sans incidence dans la mesure où le Gouvernement a présenté l’amendement CD522, qui a été adopté, votre rapporteure pour avis ayant émis un avis favorable, pour étendre à tous les gestionnaires, publics et privés, de restaurants collectifs assurant une mission de service public (visés à l’article L. 230-5 du code rural et de la pêche maritime ([14])) les obligations de l’article 11.

Votre commission a également adopté l’amendement CD192, présenté par M. Matthieu Orphelin, qui vise à ce que chaque structure de restauration collective publique présente annuellement un plan de propositions visant à l’augmentation des protéines végétales dans la composition des repas servis. Il s’applique aux structures de restauration collective servant plus de 100 couverts par jour.

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*     *

La commission examine, en discussion commune, l’amendement CD521 du Gouvernement, les amendements identiques CD297 de la rapporteure pour avis et CD242 de Mme Sandrine Le Feur, les amendements CD185 de M. Matthieu Orphelin et CD481 de M. Guillaume Garot, les amendements identiques CD108 de M. Vincent Descoeur et CD135 de M. Jean-Yves Bony, les amendements CD421 de M. Paul-André Colombani, CD399 de Mme Jennifer De Temmerman, CD416 de M. Paul-André Colombani, CD411 de M. Paul-André Colombani, CD400 de Mme Jennifer De Temmerman, CD458 de M. Guillaume Garot, CD184 de Mme Delphine Batho, CD124 de M. Sébastien Leclerc et CD145 de M. Loïc Dombreval, les amendements identiques CD17 de M. Vincent Descoeur, CD42 de M. Martial Saddier, CD59 de M. Dino Cinieri, CD114 de M. Jean-Yves Bony et CD310 de M. Jean-Pierre Vigier, les amendements CD56 et CD53 de Mme Marie-Christine Verdier-Jouclas, CD116 de M. Emmanuel Maquet, CD133 de M. Loïc Dombreval et CD492 de M. Jean-Bernard Sempastous, les amendements identiques CD100 de M. Bertrand Pancher et CD422 de M. Bruno Duvergé, les amendements CD459 de M. Guillaume Garot et CD54 de Mme Marie-Christine Verdier-Jouclas, les amendements identiques CD142 de M. Guy Bricout et CD408 de M. Christophe Bouillon, les amendements identiques CD94 de M. Dino Cinieri, CD394 de Mme Zivka Park et CD423 de M. Jimmy Pahun, l’amendement CD125 de M. Sébastien Leclerc, les amendements identiques CD109 de M. Vincent Descoeur et CD424 de Mme Florence Lasserre-David, les amendements CD63 de Mme Marie-Christine Verdier-Jouclas et CD407 de M. Christophe Bouillon.

L’amendement CD521 fait l’objet de trois sous-amendements : CD542 de Mme Stéphanie Kerbarh, CD540 et CD539 de M. Jean-Marc Zulesi.

L’amendement CD297 fait l’objet de cinq sous-amendements : CD533 de M. Jean-Marc Zulesi, CD535 de Mme Nathalie Sarles, CD534 de M. Damien Pichereau, CD532 de Mme Stéphanie Kerbarh et CD536 de M. Lionel Causse.

M. Stéphane Travert, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Je retire l’amendement CD521 au profit de l’amendement de la rapporteure pour avis, qui a également réécrit l’article 11. Nous lui ferons donc une proposition afin d’aboutir à une rédaction commune.

L’amendement CD521 est retiré. En conséquence, les sous-amendements CD 542, CD540 et CD539 sont sans objet.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis. J’ai proposé de réécrire l’article 11 car nous souhaitions inscrire dans la loi les pourcentages de produits dotés d’un label de qualité devant entrer dans la composition des repas, conformément aux conclusions des États généraux de l’alimentation et à un engagement de campagne du Président de la République, avec l’objectif d’atteindre, dans la restauration collective publique, 50 % de produits bio ou locaux d’ici 2022. C’est un affichage important, dans le cadre de la montée en qualité de la restauration, pour accompagner les acteurs dans une démarche de progrès et soutenir les filières locales via le levier de la commande publique.

Nous avons également indiqué que les personnes publiques devaient privilégier les produits de saison, ainsi que c’est déjà le cas dans les services de restauration scolaire et universitaire, les établissements publics et privés accueillant des enfants de moins de six ans et dans les établissements de santé, sociaux et pénitentiaires.

Au 1er janvier 2022, 20 % des produits composant les repas devraient donc être bio et 30 % bénéficier d’un signe d’identification de la qualité et de l’origine – label rouge, appellation d’origine, indication géographique, spécialité traditionnelle garantie – ou d’une mention valorisante – telle que la mention « montagne », « produit de montagne », « produit fermier », « haute valeur environnementale » – ou d’une démarche de certification de conformité des produits (CCP), au sujet de laquelle une réserve peut être exprimée.

J’ai ajouté à la liste initiale prévue par le Gouvernement les produits sous certification de la conformité des produits, qui sont inclus dans les modes de valorisation des produits visés à l’article L. 640-2 du code rural, et les produits écolabellisés « pêche durable », seul label spécifiquement dédié aux produits de la pêche dans le code rural. Les démarches de certification des produits engagées par les professionnels doivent néanmoins encore progresser en termes de qualité, et il appartiendra au ministère de prendre en charge le relèvement substantiel des exigences posées pour prétendre à la certification de la conformité des produits, qui sont fixées par voie réglementaire.

Par ailleurs, le coût du cycle de vie du produit ne constitue pas pour l’heure un facteur discriminant dans la classification des produits, et nous avons préféré en la matière adopter une démarche plus progressive.

S’il apparaît en effet que le coût du cycle de vie du produit est un élément important de la commande publique, qui ne doit pas être écarté puisqu’il permet de faire prendre conscience aux acheteurs de l’impact environnemental d’un produit et devrait induire, à terme, une réorientation vers une alimentation moins émettrice de CO2, cet indicateur ne permet pas de distinguer les produits selon leur qualité nutritionnelle ni selon leur origine géographique : or, la consommation de produits locaux constitue l’un des enjeux fondamentaux du présent article.

De nombreux exemples démontrent que, pour un même produit et selon le mode de production, le coût du cycle de vie peut inciter à privilégier des produits importés dès lors que leur transport – par exemple, par voie maritime – est peu émetteur de CO2. Il convient donc de faire attention à ne pas « tordre » le cycle de vie du produit pour lui faire jouer un rôle qui n’est pas le sien, quand bien même il s’agit d’un indicateur qui mérite de s’inscrire dans une démarche de progrès environnemental.

J’ajoute que les dispositifs de mesure existants, sur lesquels l’ADEME est en pointe, ne sont pas encore pleinement opérationnels pour évaluer de façon robuste, rapide et systématique l’impact environnemental de tous les produits alimentaires. Ils ne permettent pas encore, notamment, d’évaluer les différentes filières d’approvisionnement ou les pays d’origine.

Nous avons également souhaité favoriser l’achat de produits issus du commerce équitable.

Enfin, nous avons inscrit dans l’amendement une obligation d’information des usagers des restaurants collectifs, applicable dès 2020 et deux fois par an.

Mme Sandrine Le Feur. La rédaction de cet amendement a été un travail collectif, et nous avons en effet souhaité ajouter dans la loi les engagements du Président de la République d’imposer 20 % de produits bio et 30 % de produits labellisés. Sur ce dernier point, il me semble qu’un vrai débat s’impose, notamment pour clarifier, à l’intention du grand public et des acteurs de la restauration collective, les produits véritablement concernés.

M. Jean-Marc Zulesi. Le sous-amendement CD533 a pour objectif de préciser que les objectifs chiffrés fixés dans l’article 11 pour l’amélioration de la qualité des repas sont exprimés en volume de produits, ce qui permettra de garantir une amélioration de la qualité de l’ensemble des catégories de produits et une diversification bio plus homogène.

Mme Nathalie Sarles. Le sous-amendement CD535 vise à faire des taux inscrits des taux minimums, de façon à ce qu’ils ne soient pas considérés comme des plafonds et que des marges de progression soient ouvertes.

M. Damien Pichereau. Le sous-amendement CD534 vise à restreindre la prise en compte des produits bénéficiant d’un certificat de conformité aux seuls produits issus d’une exploitation engagée dans une démarche de certification HVE, dans des conditions qui seront précisées par décret. Il s’agit d’être plus ambitieux en termes de qualité, ce qui semble être le souhait du ministre et du Gouvernement.

Mme Stéphanie Kerbarh. L’objet du sous-amendement CD532 est d’inclure les labels de commerce équitable dans les labels pris en compte dans les 30 % de produits bénéficiant d’un signe de qualité. En effet, le commerce équitable permet de garantir des prix justes et rémunérateurs aux producteurs d’ici et d’ailleurs, de promouvoir des modes de production respectueux de l’environnement et de garantir la transparence et la traçabilité des produits consommés.

M. Lionel Causse. Le sous-amendement CD536 vise à intégrer la notion de circuit court dans la réglementation sur la composition des repas servis dans les restaurants collectifs. C’est une mesure attendue par de nombreux acteurs de la restauration collective, et qui permettra de soutenir une production locale, ce qui est l’un des objectifs de ce projet de loi.

M. Stéphane Travert, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Nous émettons un avis favorable à l’amendement de Mme la rapporteure pour avis, sous réserve de pouvoir le retravailler avec elle dans la perspective de l’examen du texte en commission des affaires économiques. Nous souhaiterions en effet reprendre certains des éléments qui figuraient dans l’amendement que j’ai retiré. Quant aux sous-amendements, nous en regarderons certains avec intérêt, et j’émets dans l’attente un avis de sagesse.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis. Je demande le retrait du sous-amendement CD533, qui relève plutôt du décret que de la loi, ainsi que du sous-amendement CD535, car les taux proposés dans la loi doivent être atteignables, et notre objectif n’est pas d’alourdir les contraintes.

Je suis favorable au sous-amendement CD534, car la montée en qualité du CCP fait partie de nos objectifs.

Je demande le retrait du sous-amendement CD532, en partie satisfait par la nouvelle rédaction de l’article, et du sous-amendement CD536, car la notion de circuit court ne devrait pas être inscrite dans la loi.

Mme Delphine Batho. Nous avons déposé plusieurs amendements à cet article 11 qui, en l’état, est loin des engagements pris par le Président de la République. En effet, pour beaucoup d’entre nous, dans différents groupes, il est indispensable que la loi fixe des chiffres précis et qu’elle ne se limite pas à des indications vagues, qui n’auraient aucune conséquence normative. La nouvelle rédaction proposée va en l’occurrence dans le bon sens.

J’appelle cependant votre attention sur le fait que Mme Sarles a parfaitement raison : si nous nous en tenons à la rédaction proposée par la rapporteure, une cantine scolaire qui proposerait des repas 100 % bio serait dans l’illégalité ! Il est donc nécessaire d’indiquer que les taux indiqués sont des taux minimums – et non des taux maximums comme cela découlait de la rédaction de l’amendement du Gouvernement.

Pour ma part, je préconise que l’on fixe un taux non pas de 20 % mais de 30 % de produits bio au 1er janvier 2022.

M. Jean-Marie Sermier. Le coût du cycle de vie d’un produit ne renseigne pas nécessairement sur sa qualité. Ainsi, l’élevage extensif en pâturage peut aujourd’hui « coûter » plus cher en CO2, parce qu’il est plus long, que la production d’un bovin ou d’une volaille qui serait importée du Brésil par bateau. La rédaction proposée par la rapporteure pour avis me semble donc ambiguë sur ce point. C’est la raison pour laquelle nous proposions un amendement CD310 qui remplaçait cette notion du coût du cycle de vie par celle de produits répondant à des critères de développement durable. Ne pourrait-on pas sous-amender l’amendement de la rapporteure pour avis en ce sens ?

M. Bruno Duvergé. Le groupe MoDem et apparentés approuve cet amendement qui reprend en partie nos trois amendements. Je veux néanmoins appeler votre attention sur la difficulté d’atteindre certains objectifs. Il existe des départements où les cantines de collège ont déjà adopté des démarches vertueuses. Or, des difficultés peuvent se présenter au niveau des légumeries, et on est parfois obligés d’envoyer les légumes bruts en Belgique pour les récupérer ensuite, lavés, épluchés et découpés. J’ignore comment cela peut être intégré dans la chaîne de valeur, mais nous avons besoin de temps et éventuellement que la qualité des produits intermédiaires soit également prise en compte.

M. Mathieu Orphelin. Grâce à ce travail collectif de rédaction, nous arrivons à quelque chose de clair : les pourcentages sont réintégrés, ce qui était très important, et la distinction est faite entre le bio et les autres signes et mentions de qualité.

Le sous-amendement CD536 de M. Causse, qui prend en compte les produits distribués en circuits courts, est très intéressant. La loi du 27 juillet 2010 comprend une définition des circuits courts de distribution « impliquant un exploitant agricole ou une organisation regroupant des exploitants agricoles ».

Enfin, on pourrait ajouter à ces produits ceux dont le transport a des impacts minimisés en matière d’environnement et de climat.

M. Bertrand Pancher. Je vois bien l’intérêt de fixer des objectifs, mais en quoi les collectivités y sont-elles contraintes ? Des objectifs sans sanction ne sont que des orientations. Tout cela reste prophétique !

Mme Nathalie Sarles. Madame la rapporteure pour avis, je vous invite à reconsidérer le sous-amendement CD535, qui permet, en insérant les mots « au moins », de sécuriser la disposition.

M. Loïc Prud’homme. Nous avions déposé un amendement plus ambitieux qui prévoyait de porter le taux de produits bio à 60 %. Je m’insurge contre le fait qu’il ait été rejeté au titre de l’article 40, au motif que l’agriculture bio coûterait plus cher que l’agriculture conventionnelle.

Par ailleurs, nous souhaiterions que la saisonnalité soit intégrée à l’amendement en insérant, après le mot « écolabel », les mots « et respectant la saisonnalité ».

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis. Les produits de saison sont mentionnés dans la nouvelle rédaction de l’article 11 que je propose.

M. Guillaume Garot. Une fois n’est pas coutume, je voudrais remercier le Président de la République M. Emmanuel Macron (Sourires) : grâce à lui, nous avons un débat autour d’objectifs chiffrés et normatifs, alors que lorsque je vous proposais des objectifs, vous les taxiez de contraintes insupportables…

Notre groupe soutient que la part des 50 % de produits inclus dans la composition des repas servis dans les restaurants collectifs devrait comprendre les produits sous signes et mentions de qualité, ceux du commerce équitable ou ceux distribués en circuit court. Je vous assure que la définition du circuit court existe, puisqu’elle figure dans la loi du 27 juillet 2010 et qu’elle a été reprise dans la loi du 17 mars 2014 – que certains ici ont votée !

Je ne me souviens pas que le candidat M. Emmanuel Macron ait été aussi précis sur la part des produits bio. Nous proposons, quant à nous, que la part des produits issus de l’agriculture biologique ou de surfaces agricoles en conversion soit portée à 30 %.

M. Stéphane Travert, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Je rappelle que l’étude d’impact transmise au Conseil d’État prévoit bien une part de 20 %.

M. Lionel Causse. Je me permets d’insister sur le sous-amendement CD536, qui vise à intégrer la notion de circuit court. Certains projets vont déjà dans ce sens et l’un d’entre eux, dans mon territoire, a été retenu dans l’appel à projet du programme national pour l’alimentation en 2016. Le site du ministère le présente ainsi : « Dans le sud des Landes, tout un territoire se met au "manger local" ». En effet, 7 000 repas par jour, 100 % local, on peut le faire ! Ne pas intégrer cette notion, ce serait revenir en arrière.

M. Bruno Millienne. Les mots « au moins » que Mme Sarles propose d’insérer sont absolument nécessaires, sans quoi un problème de légalité se posera.

J’aimerais que nous ayons une réponse à la question de M. Bertrand Pancher. Si j’apprécie que la montée en charge soit progressive pour les collectivités – la mesure serait sans cela très difficile pour les collectivités rurales –, je voudrais connaître les éventuelles sanctions en cas de non-respect. Enfin, il faudrait que les produits issus d’exploitations en conversion soient inclus dans les 20 %.

Mme Jennifer De Temmerman. L’amendement CD400 prévoit d’inclure dans la part des 50 % des produits saisonniers, des produits à faible impact environnemental eu égard à leurs conditions de production et de distribution, des produits bénéficiant de signes ou mentions, des produits issus du commerce équitable ou encore des produits distribués en circuit court.

Il me paraît nécessaire d’insérer les mots « au moins », ainsi que le prévoit le sous-amendement CD535. La cantine du collège dont j’étais gestionnaire a atteint, en moins de quatre ans, 73 % de produits locaux.

Mme Stéphanie Kerbarh. Si je comprends bien l’amendement de la rapporteure pour avis, la part de 30 % n’inclut pas les produits labellisés commerce équitable. Nous proposerons donc une modification purement formelle.

M. Loïc Prud’homme. Pour répondre à Mme la rapporteure, la mention des produits de saison apparaît bien à l’alinéa 5 de l’amendement, mais ce que je propose est différent : il s’agit d’inclure dans les 30 %, à l’alinéa 4, les produits respectant la saisonnalité. Cela est bien plus précis qu’une notion, qui serait sans doute renvoyée en comité de suivi.

M. Vincent Descoeur. La réécriture totale de l’article 11 rend difficile la lecture des amendements suivants, qui sont d’ailleurs susceptibles de tomber.

Il faut veiller à ce que la notion de coût du cycle de vie du produit ne produise pas un résultat contraire à l’effet recherché. Ainsi, cela pourrait conduire à privilégier des viandes d’importation au détriment de l’élevage extensif.

J’ai proposé, avec l’amendement CD17, de substituer aux mots « acquis en prenant en compte le coût du cycle de vie du produit » les mots : « répondant à des critères de développement durable »

Enfin, l’amendement CD109 vise à insérer, après le mot « biologique », les mots « ou de surfaces agricoles en conversion ».

M. Matthieu Orphelin. Il serait en effet utile d’ajouter les produits issus de surfaces agricoles en conversion au sens de l’article 17 du règlement (CE) n° 834/2007 du Conseil du 28 juin 2007.

Mme Stéphanie Kerbarh. Tous les arguments que vous avancez ce soir sur le coût du cycle de vie sont faux et inaudibles, monsieur Descoeur. Le coût du cycle de vie prend en compte les externalités négatives, ce qui pourrait concerner un produit qui n’aurait pas répondu aux normes sanitaires, environnementales ou sociales.

M. Vincent Descoeur. La question ne portait pas sur les externalités négatives mais sur le bilan carbone. J’ai dit que quantifier le bilan carbone de l’élevage extensif risquait d’être très difficile, et je maintiens cette remarque.

Mme Jennifer De Temmerman. Pour avoir parlé avec mes anciens collègues gestionnaires de collège du coût du cycle de vie, je pense qu’il faudra des formations intensives pour réussir à l’utiliser hors marchés publics !

Mme la présidente Barbara Pompili. Vous l’avez compris, l’adoption des amendements identiques CD297 et CD242 fera tomber tous les amendements à l’alinéa 1er. J’invite donc leurs auteurs, s’ils le souhaitent, à les déposer à nouveau sous forme de sous-amendements. À cette fin, nous suspendons la séance.

Mme Delphine Batho. Madame la présidente, dans un souci d’efficacité de nos débats, je suggère que nos collègues retirent leurs amendements à l’alinéa 1er, dont certains ont été transformés en sous-amendement.

Mme la présidente Barbara Pompili. Je constate que vos collègues adhèrent à votre proposition.

Les amendements CD185, CD481, les amendements identiques CD108 et CD135, les amendements CD421, CD399, CD416, CD411, CD400, CD458, CD184, CD124 et CD145, les amendements identiques CD17, CD42, CD59, CD114 et CD310, les amendements CD56, CD53, CD116, CD133, CD492, les amendements identiques CD100 et CD422, les amendements CD459 et CD54, les amendements identiques CD142 et CD408, les amendements identiques CD94, CD394 et CD423, l’amendement CD125, les amendements identiques CD109 et CD424, les amendements CD63 et CD407, soumis à discussion commune, sont successivement retirés.

Puis la commission, suivant l’avis défavorable de la rapporteure pour avis, rejette le sous-amendement CD533 de M. Jean-Marc Zulesi.

La commission est saisie du sous-amendement CD544 de Mme Jennifer De Temmerman.

Mme la présidente Barbara Pompili. Il s’agit de soumettre aux mêmes règles les établissements privés sous contrat.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis. Avis favorable, même si d’autres amendements visent à étendre la disposition aux acteurs privés, dont font partie les établissements privés sous contrat.

M. Stéphane Travert, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Même avis.

La commission adopte le sous-amendement.

La commission examine, en discussion commune, le sous-amendement CD548 de M. Guillaume Garot, le sous-amendement CD535 de Mme Nathalie Sarles et les sous-amendements identiques CD551 de M. Vincent Descoeur et CD552 de M. Bruno Duvergé.

Mme la présidente Barbara Pompili. Le sous-amendement CD548 vise à substituer à la part de 20 % de produits issus de l’agriculture biologique une part d’au moins 30 % et à y inclure les produits issus de surfaces agricoles en conversion.

M. Stéphane Travert, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Avis défavorable. Une telle proportion de produits biologiques risque d’induire beaucoup d’importations, ce qui est contraire à nos objectifs. Nous entendons en effet structurer l’offre dans ce domaine, en augmentant le nombre d’agriculteurs et la surface agricole utile dédiés. Contribuer à accroître les importations de produits biologiques serait un non-sens environnemental.

Même avis négatif pour le sous-amendement CD535 et les sous-amendements identiques CD551 et CD552.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis. Le sous-amendement CD548 fixe des objectifs qui me semblent assez difficiles à atteindre d’ici 2022. Les produits issus de surfaces agricoles en conversion sont de facto inclus dans les produits labellisés, dès lors qu’est atteint le stade 2. Avis défavorable à l’ensemble des sous-amendements.

Mme Delphine Batho. Là où l’amendement CD297 prévoit une part de 20 % de produits biologiques, nous proposons qu’elle soit au moins de 30 % et qu’elle comprenne les produits issus de surfaces agricoles en conversion. Nous parlons d’une norme qui s’appliquera dans quatre ans. Ce sont quatre ans pendant lesquels nous pouvons changer d’échelle en matière d’agriculture bio. Il faut arrêter de voir petit !

Monsieur le ministre, n’entretenons pas de faux débats, personne n’est favorable à l’importation de produits bio ! Il s’agit de changer d’échelle. Le débat de savoir si c’est un problème d’offre ou de demande est vieux comme le monde : il ne faut pas opposer les deux volets mais travailler à structurer à la fois l’offre et la demande.

La commission rejette le sous-amendement CD548.

Elle adopte successivement le sous-amendement CD535 et les sous-amendements identiques CD551 et CD552.

Elle est saisie du sous-amendement CD543 de Mme Jennifer De Temmerman.

Mme Jennifer De Temmerman. Ce sous-amendement vise à compléter l’amendement CD297 de la rapporteure pour avis en reprenant des termes qui se trouvent déjà dans la loi du 27 juillet 2010 de modernisation de l’agriculture et de la pêche : « produits saisonniers », « produits à faible impact environnemental eu égard à leurs conditions de production et de distribution », « produits issus du commerce équitable » ou « produits en circuits courts ».

Mme la présidente Barbara Pompili. Acceptez-vous de rectifier votre sous-amendement en ajoutant « au moins » avant « 30 % », afin qu’il soit cohérent avec celui de Mme Nathalie Sarles ?

Mme Jennifer De Temmerman. Bien volontiers !

M. Stéphane Travert, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Je suis défavorable au sous-amendement rectifié.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis. Même avis. Ce sous-amendement comprend des termes qui n’ont pas leur place dans la loi. Quoi qu’il en soit, nous effectuerons un travail de réécriture qui intégrera certaines des notions évoquées.

La commission rejette le sous-amendement rectifié.

Elle examine le sous-amendement CD549 de M. Loïc Prud’homme.

Mme la présidente Barbara Pompili. Il s’agit d’insérer les mots « respectant de la saisonnalité » après « 30 % de produits au moins ».

M. Stéphane Travert, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Avis défavorable. La notion de « produits de saison » ne peut pas être intégrée dans le texte sans autres explications. Les produits en provenance de l’hémisphère Sud sont des produits de saison.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis. La notion de « produits de saison » se trouve dans l’article 11. Elle devra être prise en compte par la commande publique, afin de faire progresser la qualité, mais elle ne peut pas l’être pour définir l’objectif des 30 %, car, juridiquement, elle ne constitue pas un signe de qualité comme les produits bénéficiant d’une origine d’appellation contrôlée (AOC) ou d’un signe officiel d’identification de la qualité et de l’origine (SIQO).

La commission rejette le sous-amendement.

Le sous-amendement CD532 Mme Stéphanie Kerbarh est retiré.

La commission adopte le sous-amendement CD534 de M. Damien Pichereau.

Mme la présidente Barbara Pompili. Nous en venons au sous-amendement CD536 de M. Lionel Causse, qui vise à intégrer la notion de circuit court dans la réglementation sur la composition des repas servis dans les restaurants collectifs.

M. Stéphane Travert, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Sagesse !

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis. Je maintiens mon avis défavorable. Le circuit court suppose l’existence d’un seul intermédiaire ; il ne garantit malheureusement pas de pouvoir disposer de produits locaux.

Mme Delphine Batho. Dans les textes, la notion de circuit court s’appuie sur des « filières territorialisées » : cela constitue une garantie !

M. Lionel Causse. Dans nos territoires, des projets ont besoin de la notion de circuit court pour justifier d’une production locale. J’ose espérer que personne n’utilisera cette appellation pour importer des produits venant de l’autre bout du monde.

Mme Sophie Auconie. Les acteurs locaux n’ont pas besoin de la loi pour mener leurs projets à bien : ils agissent sans elle.

La commission rejette le sous-amendement CD536.

Elle est saisie du sous-amendement CD550 de M. Vincent Descoeur.

Mme la présidente Barbara Pompili. Ce sous-amendement vise à substituer aux mots « le coût du cycle de vie du produit », les mots « des critères de développement durable ».

M. Stéphane Travert, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Défavorable. La notion de coût du cycle de vie, qui trouve sa traduction dans le droit français, ne peut pas être modifiée sans risque d’incompatibilité avec le code des marchés publics ou avec le droit européen, s’agissant particulièrement de l’approvisionnement local.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis. Défavorable. La substitution proposée n’est pas possible. Vous avez d’un côté un élément qui a une base juridique, de l’autre, un élément qui n’en a pas.

Monsieur Descoeur, vous émettez des réserves sur la notion de « coût du cycle de vie du produit » : vous n’êtes pas seul dans ce cas. Cette norme d’achat très intéressante est en cours de construction, et la France a du retard. Je vous enverrai des documents qui vous éclaireront et vous persuaderont certainement qu’il serait dommage de se passer d’un tel outil.

M. Jean-Marie Sermier. Les propos de Mme la rapporteure pour avis prouvent que nous ne connaissons pas cette norme puisqu’elle est en train de se construire. Il serait extrêmement dangereux de faire figurer dans la loi un élément que nous ne savons pas apprécier.

Je viens d’en chercher la définition : le coût du cycle de vie se calcule en additionnant le CIC, soit le coût d’acquisition pour le client final, le CIN, soit les frais d’installation et de mise en route, le CE, soit le coût énergétique, le CO, soit les frais d’exploitation et de main-d’œuvre, le CP, soit les frais de protection, le CM, soit les coûts de maintenance et de réparation, le CS, soit les coûts d’arrêt de production, le CENV, soit les coûts liés à l’environnement et le CD, soit les coûts de mise hors service et de dépose. Comment voulez-vous que nous obtenions un coût du cycle de vie pour tous les produits avec une telle formule ?

Monsieur le ministre, pouvez-vous demander à vos services de calculer le coût du cycle de vie d’un poulet importé du MerCoSur, pour Mercado Común del Sur soit Marché commun du Sud, et celui d’un poulet de Brest AOC ? Lorsque nous aurons des exemples et des explications précises, nous pourrons peut-être comprendre ce que nous votons !

La commission rejette le sous-amendement.

Elle examine le sous-amendement CD547 de Mme Jennifer De Temmerman.

Mme Jennifer De Temmerman. Le groupe d’étude des marchés en restauration collective et de nutrition (GEMRCN) publie des textes de référence qui définissent des fréquences, des grammages et des compositions de repas. Il est utile de procéder à leur mise à jour en réduisant les apports de protéines animales – ce qui pourra être compensé par une augmentation des protéines végétales. Une réduction des grammages permettrait aussi de lutter contre le gaspillage alimentaire.

M. Stéphane Travert, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Défavorable. Le décret de 2011 sera réécrit dans le cadre du plan national de la restauration collective.

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure pour avis, la commission rejette le sous-amendement.

Elle adopte les amendements identiques CD297 et CD242 sous-amendés.

Elle en vient à l’amendement CD460 de M. Guillaume Garot.

M. Guillaume Garot. Il vise à étendre les règles que nous venons de fixer pour la restauration collective publique à l’ensemble des acteurs du secteur, quel que soit leur statut.

M. Stéphane Travert, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Je propose un retrait de l’amendement car une partie des objectifs visés se trouve dans l’amendement CD522 que le Gouvernement soutiendra après l’article 11. La situation des personnes morales de droit privé est assez différente. En appliquant les dispositions de l’article 11, nous prendrions un risque en termes de conformité à la Constitution, en raison de l’atteinte que cela porterait à la liberté des entreprises privées.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis. Défavorable, pour les mêmes raisons.

L’amendement est retiré.

La commission est saisie de l’amendement CD339 de M. Loïc Prud’homme.

M. Loïc Prud’homme. Cet amendement traite d’un véritable enjeu de santé pour nos enfants.

À Bordeaux, Strasbourg et Montpellier, des collectifs de parents se sont créés pour demander le retrait de la restauration scolaire des sacs de cuisson, des barquettes de réchauffe et de la vaisselle en matière plastique.

Des échantillons de vaisselle en plastique testés contenaient du bisphénol A. Certains substituts au bisphénol A et aux phtalates, dont la toxicité est avérée, pourraient entrer dans la composition de contenants en plastique. La dangerosité du bisphénol A se révèle particulièrement lorsque le plastique est chauffé. Les perturbateurs endocriniens sont mis en cause pour certains cancers, pour les problèmes de fertilité, le diabète et les problèmes hormonaux. Par ailleurs, certaines assiettes sont en copolyester, matériau dont l’innocuité n’est pas reconnue et ne pourra pas être prouvée par les tests imposés par les normes actuelles.

Nous nous inquiétons des effets de ces matériaux sur la santé des enfants et également de leurs conséquences environnementales Aujourd’hui, les déchets plastiques ne sont pas recyclables, et leur durée de vie est estimée à cinq cents lavages, soit environ deux ans d’utilisation.

Cet amendement applique strictement le principe de précaution en empêchant l’utilisation de ces contenants toxiques. Il s’agit d’interdire que les repas soient servis dans de la vaisselle en plastique, mais également d’obtenir que les barquettes en plastique, dans lesquelles les plats sont livrés et réchauffés, soient remplacées par des contenants alimentaires en matériau inerte – inox, verre ou céramique – et durable, et que la cuisson ne soit plus effectuée dans des poches en plastique plongées dans l’eau chaude.

M. Stéphane Travert, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Défavorable. La France a déjà pris des mesures pour traiter le problème que vous évoquez. Elle a été le premier pays européen à se saisir de cette question. Nous continuons d’être mobilisés sur ce dossier comme en témoigne notre action au niveau européen pour faire émerger une approche cohérente avec nos partenaires, et ambitieuse s’agissant des perturbateurs endocriniens.

La stratégie nationale sur les perturbateurs endocriniens, lancée en 2014, sera approfondie cette année. Nous inscrivons nos démarches dans le cadre de cette concertation ouverte avec l’ensemble des acteurs et des parties prenantes en tenant compte de l’incontournable dimension européenne. Une obligation législative qui couvrirait de manière à la fois très large et imprécise les matériaux plastiques sans distinguer les risques éventuels associés ne me paraît pas opportune.

Par ailleurs, cet amendement est un cavalier législatif.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis. Je demande le retrait de l’amendement car j’en soutiendrai un autre, plus large, qui s’applique à toute la restauration collective. Il s’agira de limiter les risques liés aux perturbateurs endocriniens, mais surtout de lutter contre le gaspillage. Cet amendement CD249, présenté par Mme Le Feur, sera appelé après l’article 11.

Mme Delphine Batho. Le titre II que nous examinons s’intitule « Mesures en faveur d’une alimentation saine, de qualité et durable », et l’article 11 porte sur la restauration collective. Je ne vois pas comment l’amendement peut être considéré comme un « cavalier ».

Les propos de M. Loïc Prud’homme devraient alarmer les services de contrôle, car, depuis la loi de 2012, le bisphénol est interdit pour tous les contenants alimentaires. Si de tels contenants se retrouvent dans les cantines, ce n’est pas normal.

Je n’imagine pas que la Nation pourrait avoir interdit, en 2016, la distribution de sacs plastiques à usage unique dans les commerces, afin d’éviter les déchets, en même temps qu’elle autoriserait l’usage de barquettes plastiques contenant des perturbateurs endocriniens pour réchauffer les repas des enfants. C’est une question de cohérence. Ce qui a été possible contre les sacs plastiques à usage unique doit l’être pour les barquettes.

Il faut soutenir l’amendement, et élucider ce problème de présence dans les contenants alimentaires de bisphénol prohibé ou de l’un de ses équivalents.

M. Loïc Prud’homme. Je suis également surpris, monsieur le ministre, de vous entendre parler de cavalier législatif. Les parents des enfants concernés comprendront assez mal cette position.

Vous justifiez votre refus de l’amendement en mettant en avant sa rédaction « imprécise », tout en annonçant une politique « ambitieuse » en matière de perturbateurs endocriniens. Ce n’est pas vraiment très précis. Qu’est-ce qu’une politique « ambitieuse » ? Est-ce une politique qui attend que l’Europe veuille bien bouger le petit doigt pour prohiber les sacs de réchauffe contenant des substituts au bisphénol ? Ne serait-ce pas plutôt une politique qui prendrait, d’ores et déjà, des mesures, sur notre territoire, afin de protéger nos enfants ?

Madame la rapporteure pour avis, je serai ravi de retirer mon amendement en séance publique lorsque l’amendement « plus large » dont vous parlez aura été adopté.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine l’amendement CD448 de Mme Frédérique Lardet.

Mme Frédérique Lardet. Cet amendement vise à intégrer des propositions de plats végétariens dans les menus des cantines scolaires à partir du 1er janvier 2022.

Cette obligation ne serait applicable que pour les restaurants dépassant un certain nombre de repas servis par jour, qui sera fixé par décret.

M. Stéphane Travert, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. S’il était adopté, cet amendement obligerait la restauration collective à proposer un menu alternatif quotidien dans les établissements de restauration scolaire. Les conséquences financières seraient considérables pour les opérateurs, en particulier pour les collectivités territoriales. L’effet de la mesure n’a pas été évalué au regard du problème de gaspillage alimentaire. Je rappelle que les établissements volontaires ont la possibilité de présenter un menu végétarien alternatif. Compte tenu de ces éléments, je vous invite à retirer votre amendement.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis. Je suis plutôt défavorable à l’amendement. Nous avons déjà discuté du sujet, qu’il faut renvoyer à la feuille de route des États généraux de l’alimentation, qui prévoit la création du Conseil national de la restauration collective. En son sein, le débat devra faire l’objet d’une concertation plus large afin d’assurer une meilleure articulation entre le programme national pour l’alimentation (PNA) et le programme national nutrition-santé (PNNS). Il permettra aussi d’insister sur les apports nutritionnels recommandés dont on peut déplorer que les recommandations du GEM‑RCN s’en soient éloignées.

La recherche de produits bio moins onéreux que la viande et la prise en compte du coût du cycle de vie permettront aussi une montée en puissance des protéines végétales.

La commission rejette l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement CD190 de M. Matthieu Orphelin.

M. Matthieu Orphelin. La loi « Grenelle » comportait un objectif de 20 % de bio. Aucun suivi sérieux n’a été assuré en la matière, ce qui explique qu’il n’ait pas été atteint. Nous proposons de définir « les modalités du suivi périodique mis en place sur les territoires pour veiller à l’atteinte de ces objectifs ». Nous devons atteindre les 20 % en 2022 : nous avons quatre ans pour opérer une montée en charge progressive, au bon rythme, qui devra être équilibrée entre tous les territoires.

M. Stéphane Travert, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Ces dispositions sont déjà prévues dans le projet de loi et, en l’espèce, la notion de « territoire » ne renvoie à aucune définition juridique précise. Je souhaite le retrait de l’amendement.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis. Je demande également le retrait de l’amendement car l’article 11 tel qu’il a été amendé prévoit déjà une obligation d’information deux fois par an. Nous estimons qu’elle engage à rendre compte de la situation. La nouvelle rédaction de l’article fixe les taux à atteindre.

L’amendement est retiré.

La commission en vient à l’amendement CD247 de Mme Sandrine Le Feur.

M. Vincent Thiébaut. Nous revenons à la question des produits de saison en nous appuyant sur un calendrier régional de saisonnalité. Il s’agit de faire de la pédagogie sur ces produits, et de favoriser leur utilisation par les collectivités. Beaucoup de Français oublient ce que sont les produits de saison. C’est vrai en particulier à l’Assemblée nationale où nous mangeons des tomates au mois de janvier.

M. Stéphane Travert, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. L’ensemble des acteurs publics privilégient les produits de saison dans les cahiers des charges de leurs appels d’offres. Il serait opportun de mettre l’accent sur la formation des acheteurs publics en la matière plutôt que de passer par la loi dont le respect serait difficilement contrôlable. J’appelle au retrait de l’amendement.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis. Même avis. L’article 11 prend déjà en compte un certain nombre d’éléments sur le sujet. Cet amendement rend les choses plus complexes et son dispositif est fondé sur des éléments difficilement quantifiables et objectivables.

L’amendement est retiré.

La commission examine, en discussion commune, les amendements CD252 de Mme Sandrine Le Feur, CD284 de M. Jean-Marc Zulesi, CD369 de M. Yves Jégo, CD389 de Mme Zivka Park, CD192 de M. Matthieu Orphelin, et CD338 de M. François Ruffin.

Mme Sandrine Le Feur. L’amendement CD252 vise à ce que, au plus tard à partir du 1er janvier 2020, chaque structure de restauration collective publique présente annuellement un plan de propositions visant à la diversification des protéines végétales dans la composition des repas servis.

L’objectif est d’amener, à terme, les principales structures de restauration collective à proposer des alternatives de repas à base de protéines végétales. Il s’agit de favoriser l’introduction de davantage de protéines végétales par rapport aux protéines animales, ce qui permettra de développer les filières françaises de protéines végétales, comme les pois chiches ou les lentilles.

Le gain sur les repas devra également permettre aux structures d’acquérir des protéines animales de meilleure qualité – labellisées « Label Rouge », issues de l’agriculture biologique… Aujourd’hui, plus de 60 % de la viande servie dans la restauration collective n’est pas d’origine française.

M. Jean-Marc Zulesi. Dans le même esprit, l’amendement CD284 vise à proposer l’introduction d’un menu alternatif hebdomadaire à faible teneur en protéines animales dans les structures de restauration collective. La France dispose d’une filière de production de pois chiches – je pense en particulier aux pois chiches de Provence, qui sont de qualité – il faut que nos enfants puissent en profiter ! (Sourires.)

M. Olivier Falorni. La question des menus proposés dans les établissements scolaires suscite des débats dans notre pays. On pense au désarroi des élus locaux confrontés aux problèmes liés à la laïcité. M. Nicolas Hulot, ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, a proposé qu’un menu végétarien soit servi obligatoirement une fois par semaine dans les cantines scolaires.

L’amendement CD369 vise à répondre aux attentes de nos compatriotes qui changent leurs habitudes alimentaires en privilégiant les alternatives végétariennes. Dans les collectivités qui ont mis en place volontairement ce dispositif, dans les cantines scolaires, près de 20 % des rationnaires ont déjà fait ce choix.

À l’instar de la récente proposition de loi visant à instaurer une alternative végétarienne dans toutes les cantines publiques, le dispositif de l’amendement vise à ce qu’il soit offert, au plus tard le 1er janvier 2022, dans toutes les cantines publiques servant plus de quatre-vingts repas par jour, une alternative végétarienne, à chaque repas, aux usagers qui le souhaitent.

Mme Zivka Park. L’amendement CD389 vise à obliger qu’un repas végétarien ou végétalien soit servi dans les cantines scolaires, une fois par semaine, sans alternative. Le grammage et l’apport en protéines et nutriments devront évidemment correspondre aux besoins des enfants.

La consommation excessive de viande implique un recours quasi exclusif à l’élevage industriel, dont les effets en termes de souffrance animale ne sont plus à décrire.

La proposition d’un repas végétarien hebdomadaire est conçue comme une mesure pédagogique qui participe de l’éducation au goût et à l’éco-citoyenneté. Elle est cohérente avec les contenus des programmes scolaires sur le développement durable. Adoptée à Gand, en Belgique, depuis 2009, ainsi que dans de nombreuses villes et collectivités du monde entier, cette mesure est saluée pour ses impacts directs aussi bien que pour sa valeur éducative.

M. Matthieu Orphelin. L’amendement CD192 est une variante de l’amendement CD252 de Mme Sandrine Le Feur. Il prévoit également que les gestionnaires d’organismes de restauration collective publique sont tenus de présenter annuellement un plan de diversification de protéines, mais il ne concerne que les structures servant plus de cent couverts par jour. Je crois que c’est la bonne façon de procéder : nous n’imposons rien, une réflexion est menée grâce au plan annuel, et la diversification permet aux filières de protéines végétales de s’affirmer. Elle permet aussi de faire des économies qui seront utiles pour acheter une viande de meilleure qualité, produite plus localement. Rappelons ce chiffre qui paraît totalement fou : aujourd’hui, en France, plus des deux tiers de la viande servie dans les cantines scolaires est importée. Il faut changer cela !

M. Loïc Prud’homme. L’alimentation végétarienne est attestée par de multiples rapports scientifiques comme étant saine, complète en apports nutritionnels, et adaptée à tous les âges de la vie.

En France, la législation oblige à servir de la viande, du poisson et des produits laitiers à des fréquences définies. La proposition d’une option végétarienne quotidienne équilibrée, qui convienne à tous, favoriserait l’accès à la cantine du plus grand nombre.

Dans de nombreux pays d’Europe, une option végétarienne ou végétalienne est servie en option quotidienne dans les cantines scolaires depuis plusieurs décennies. Au Portugal, la proposition d’une option végétalienne quotidienne est obligatoire dans tous les lieux de restauration publics, écoles comprises, depuis 2017.

Il serait donc bon que nous ne soyons pas à la traîne et que nous prenions rapidement ces pays pour exemple. La transition vers un modèle agricole et alimentaire durable, dont l’empreinte écologique serait réduite, passe en effet nécessairement par la réduction de la part des protéines carnées dans nos menus. La restauration collective, avec son milliard de repas servis annuellement, pourrait en être le fer de lance.

Tel est l’objet de l’amendement CD338.

M. Stéphane Travert, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Je suis d’accord avec ceux d’entre vous qui affirment la nécessité d’encourager nos filières de protéines végétales. Il faut en effet que puissent être servis dans les cantines scolaires des lentilles, des pois secs…

M. Jean-Marc Zulesi. Des pois chiches !

M. Stéphane Travert, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. …des pois chiches. Ces filières fonctionnent bien et sont à même de faire d’intéressantes propositions pour la restauration collective. Il faut également faire en sorte d’y servir de la viande d’origine française car, comme vous, je suis effaré que 70 % de cette viande ne provienne pas de nos territoires. Nous avons donc des efforts à faire alors que, nombre d’entre vous l’ont rappelé, nous sommes sur le point de signer des accords internationaux susceptibles de fragiliser nos filières et qui ne respectent pas nos standards sanitaires.

Reste que la restauration collective peut d’ores et déjà proposer des plats végétariens. L’équilibre nutritionnel est pris en charge par les pouvoirs publics à travers les recommandations nutritionnelles formulées par le Haut Conseil de la santé publique (HCSP). Des campagnes de communication sont menées sur les règles nutritionnelles applicables dans les cantines scolaires. Il n’est donc pas nécessaire de rendre obligatoire ce plan de diversification des protéines : l’encadrement national est suffisant et les établissements, j’y insiste, peuvent proposer un menu alternatif – et de plus en plus le font. Si l’on veut imposer ce plan, il faut également tenir compte de son coût et de la capacité à se fournir : il nous faut structurer une offre, la massifier, d’où notre travail consistant à accroître le nombre d’agriculteurs susceptibles de se convertir à l’agriculture biologique et à augmenter le nombre de filières dédiées.

Compte tenu de tous ces éléments, j’invite leurs auteurs à retirer ces amendements.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis. Je suis favorable à l’amendement CD252 dans la mesure où la démarche proposée peut compléter celle qui sera menée. Elle semble en outre plutôt conforme à la feuille de route des États généraux de l’alimentation qui permettra d’y voir plus clair, de prendre date pour certains établissements qui entameront cette démarche, une démarche de progrès qui n’est pas si contraignante. Par conséquent, je demande le retrait des autres amendements.

Mme Sandrine Le Feur. Nous retirons l’amendement CD252 au profit de l’amendement CD192 de M. Orphelin, avec néanmoins la volonté de revoir éventuellement le seuil de cent couverts car il s’agit de ne pas trop contraindre les petites collectivités.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis. Je me rallie également à l’amendement CD192.

M. Matthieu Orphelin. Je précise qu’on peut d’ores et déjà proposer des menus végétariens – je pense au couscous végétarien ou à la pizza végétarienne que nous avons distribué dans les Pays de la Loire… tout cela sans avoir monté pour autant les filières de protéines végétales.

M. Bertrand Pancher. Je tiens à souligner que servir 100 % de viande locale, c’est un leurre. Il ne faut pas se raconter d’histoires : il faudrait monter des abattoirs de proximité et consommer toute la viande produite sur place ! Ce n’est même pas concevable en rêve. Certes, il faut encourager la proximité, mais il faut aussi privilégier la qualité. Quant aux menus alternatifs, évidemment, il faut les développer. Et il faut appeler un chat un chat : certaines communautés ont des besoins spécifiques. J’ai été très frappé de constater, dans ma ville, que les jeunes musulmans ne venaient pas dans nos restaurants faute de repas alternatifs ; or nous devons faire en sorte, en respectant les convictions des uns et des autres, que tout le monde s’alimente.

M. Loïc Prud’homme. Proposer des alternatives végétariennes ou végétaliennes dépend de la bonne volonté des uns et des autres alors que le service de viande, de poisson ou de produits laitiers est légalement obligatoire : il y a donc dissymétrie.

M. Jean-Marc Zulesi. Je retire l’amendement CD284 en espérant que nous pourrons en discuter.

M. Olivier Falorni. Je maintiens l’amendement CD369.

Mme Zivka Park. Je maintiens l’amendement CD389 : certaines cantines peuvent proposer des repas alternatifs, d’autres ne le font pas. Nous avons besoin, pour des raisons de durabilité écologique, de commencer à introduire vraiment les protéines végétales dans les repas des cantines.

Mme Delphine Batho. Les protéines végétales ne sont pas toujours plus écologiques que l’élevage en plein air, par exemple.

Mme Zivka Park. Oui, mais quand on propose aux enfants de la viande cinq fois par semaine, ce n’est pas la solution idéale non plus.

Les amendements CD252 et CD284 sont successivement retirés ; la commission rejette successivement les amendements CD369 et CD389 ; elle adopte l’amendement CD192 et, par conséquent, l’amendement CD338 tombe.

La commission examine, en discussion commune, les amendements CD522 du Gouvernement, CD304 de la rapporteure pour avis, et CD245 de Mme Sandrine Le Feur.

M. Stéphane Travert, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Plusieurs d’entre vous ont souhaité que les dispositions que nous proposons pour l’approvisionnement de la restauration collective publique soient étendues à la restauration collective privée. Le champ des possibles est vaste, comme le montrent les différents amendements présentés : certains souhaitent limiter cette extension à la restauration collective de personnes morales de droit privé qui assurent des missions de service public ; d’autres privilégient des extensions beaucoup plus larges à l’ensemble de la restauration collective de personnes morales de droit privé.

Pour ce qui est de la restauration scolaire, universitaire, de la petite enfance, des établissements sociaux et médico-sociaux, il paraît légitime que la loi garantisse la même qualité de service qu’aux bénéficiaires des systèmes de restauration en vigueur pour le système public.

En ce qui concerne les autres personnes de droit privé, la situation est très différente parce que leur étendre les dispositions de l’article 11 comporterait un risque d’inconstitutionnalité en raison de l’atteinte portée à la liberté des entreprises.

C’est pourquoi le Gouvernement présente l’amendement CD522 qui permet l’extension de l’article 11 à la seule restauration collective de personnes morales de droit privé qui assurent des missions de service public, proposition qui présente à nos yeux l’équilibre que nous avons recherché tout à l’heure.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis. Je retire l’amendement CD304 au profit de celui du Gouvernement.

M. Jean-Marc Zulesi. L’amendement CD245 vise à étendre le dispositif prévu pour la restauration collective au secteur privé dès le 1er janvier 2025.

L’amendement CD304 est retiré ; la commission adopte l’amendement CD522, en conséquence l’amendement CD245 tombe.

La commission examine l’amendement CD307 de la rapporteure pour avis.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis. Cet amendement vise à assurer l’information des usagers de la restauration collective privée à compter du 1er janvier 2020. Il est important qu’ils puissent savoir quelle est la proportion de produits de qualité qui entre dans la composition de leurs repas et dans quelle mesure cette proportion progresse avec le temps.

Ces données objectives permettront également de faciliter les comparaisons et de valoriser les bonnes pratiques.

L’idée est de conduire tous les acteurs de la restauration privée à cette obligation d’information sans toutefois les contraindre à atteindre le taux de 50 % de produits de qualité. En revanche, l’amendement du Gouvernement invite une partie des acteurs de la restauration privée à atteindre ces objectifs.

M. Stéphane Travert, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Je suis favorable à cet amendement : l’obligation, à compter du 1er janvier 2020, de l’information des usagers de la restauration collective privée est opportune car elle amène progressivement les opérateurs à s’aligner sur les objectifs d’approvisionnement en produits issus de l’agriculture biologique ou en produits bénéficiant d’autres signes ou mentions, ou issus d’une démarche prévue à l’article définissant l’écolabel.

La commission adopte l’amendement CD307.

Elle en vient à l’amendement CD280 de Mme Danielle Brulebois.

Mme Danielle Brulebois. Le présent amendement vise à instaurer une information sur les menus servis dans la restauration collective par le biais de l’affichage d’icônes indiquant si les plats sont faits maison, d’origine biologique, surgelés, produits à base de poudre, s’il s’agit de produits en boîtes, de produits industriels... Un tel système a déjà été adopté par un collectif de grands cuisiniers et de cuisiniers d’établissements scolaires, système qui rencontre un grand succès. Les parents exigent d’être informés de la façon dont est faite la cuisine servie chaque jour à leurs enfants. Je propose que ce système soit étendu à l’échelle nationale. Mon but est également de valoriser le travail des cuisiniers qui font de la cuisine maison.

M. Stéphane Travert, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Je souhaite le retrait de cet amendement car on demande déjà beaucoup à l’ensemble des opérateurs de restauration collective : on leur fixe en particulier, par le biais de l’article 11, des objectifs d’approvisionnement ambitieux. Il ne faut donc pas les surcharger d’obligations.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis. Je demande également le retrait de l’amendement, trop contraignant. L’obligation d’information deux fois par an, prévue à l’article 11, conduira les acteurs concernés à mettre en avant les progrès accomplis.

M. Matthieu Orphelin. Je reviens un peu en arrière : l’adoption de l’amendement gouvernemental a fait tomber des dispositions proposant d’étendre l’obligation d’information à tous les acteurs de la restauration collective privée. Il s’agissait pourtant d’un engagement de campagne électorale. Nous présenterons donc, les uns et les autres, des amendements traduisant cette obligation pour les acteurs privés. L’amendement de la rapporteure pour avis pose un premier jalon avec l’obligation d’affichage. Mais il pourrait y avoir d’autres jalons : l’État pourrait réfléchir à un label « restauration durable » pour les restaurants collectifs, publics comme privés, qui s’engageraient dans cette voie ; il pourrait soutenir les premiers restaurants privés qui s’engageraient à atteindre l’objectif de 50 % de produits de qualité.

M. Stéphane Travert, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Des dispositifs existent déjà en la matière, monsieur Orphelin, en particulier avec Restau’co et Mon Restau Responsable. Ces initiatives peuvent avoir des effets d’entraînement qui devraient nous dispenser d’inscrire tel ou tel dispositif dans la loi – il suffit de valoriser et promouvoir ces initiatives. D’ailleurs, Mon Restau Responsable – que soutient le ministère de l’agriculture et de l’alimentation – fait l’objet d’une communication assez importante.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle examine l’amendement CD412 de Mme Jennifer De Temmerman.

Mme Jennifer De Temmerman. Cet amendement vise à attribuer trois nouvelles fonctions au Conseil national de l’alimentation.

Il lui reviendrait de proposer de nouvelles fréquences et de nouveaux grammages en augmentant la proportion de protéines végétales par rapport aux protéines animales, en réduisant les apports en produits laitiers et en augmentant la part des légumineuses.

Le conseil serait ensuite chargé d’élaborer un ensemble de logos pédagogiques pour que les usagers, et surtout les plus jeunes, puissent identifier pleinement l’origine des produits, afin de mettre en valeur le travail des acteurs locaux. J’ai proposé des amendements déclarés irrecevables car créant une charge, visant à appeler l’attention sur les gestionnaires et les chefs de cuisine, qui sont les premiers de ces acteurs et qui se trouvent parfois dans une situation difficile. Je pense à tel chef de cuisine, de catégorie C – la plus basse de la fonction publique territoriale – motivé mais dont j’ignore s’il le sera encore autant dans dix ans si sa carrière ne peut évoluer.

Troisième mission, le Conseil national de l’alimentation recueillerait des données quantitatives et qualitatives.

M. Stéphane Travert, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Le Conseil national de l’alimentation ne dispose pas, à ce stade, de l’expertise suffisante pour accomplir les missions que vous entendez lui confier. La feuille de route des États généraux de l’alimentation prévoit de renforcer la fonction consultative du conseil et d’élargir sa composition. Il est également prévu de créer un Conseil national de la restauration collective qui pourra avoir des compétences proches de celles que vous proposez.

Compte tenu de ces éléments, je vous invite à retirer votre amendement.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis. Même avis pour les mêmes raisons.

Mme Jennifer De Temmerman. Si le ministre m’assure que sera créé un Conseil national de la restauration collective qui sera chargé de ces trois missions, je retire mon amendement.

L’amendement est retiré.

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 11 modifié.

Article additionnel après l’article 11
(article L. 225-102-1 du code du commerce)
Informations fournies dans le cadre de la responsabilité sociétale des entreprises

Mme Delphine Batho. Madame la présidente, je souhaite faire état de notre trouble après que nous nous sommes aperçus qu’un argumentaire de l’Union de l’industrie de la protection des plantes reprenait l’un de nos amendements dans lequel s’était glissée une erreur. En effet, cette erreur, seuls les auteurs des amendements et les services ont pu en avoir connaissance via l’application Eloi dans la nuit de jeudi à vendredi et jusqu’à vendredi midi, puisqu’elle a été corrigée avant que les amendements ne soient publiés en ligne.

Mme la présidente Barbara Pompili. Madame Batho, vous faites bien de nous le signaler ! Nous allons examiner cela de près et nous vous tiendrons informée des suites.

La commission examine, en discussion commune, les amendements CD362 de la rapporteure pour avis et CD445 de Mme Stéphanie Kerbarh.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis. L’amendement CD362 vise à ajouter aux informations fournies dans le cadre de la responsabilité sociétale des entreprises (RSE) la liste des engagements pris par l’entreprise en faveur du don alimentaire, du respect du bien-être animal et d’une alimentation responsable, équitable et durable.

Mme Stéphanie Kerbarh. L’amendement CD445 vise, au deuxième alinéa du III de l’article L. 225–102–1 du code de commerce, à insérer, après le mot : « circulaire », les mots : « , de l’alimentation responsable ».

M. Stéphane Travert, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Je suis favorable à l’amendement présenté par la rapporteure pour avis : les entreprises soumises à la RSE doivent publier des rapports de performance extra-financière portant sur plusieurs sujets qu’il faut étendre à l’alimentation saine et durable – objet d’intérêt croissant pour la société.

Je suis en revanche défavorable à l’amendement CD445.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis. Je propose à Mme Kerbarh de retirer son amendement, la rédaction du mien étant plus large.

L’amendement CD445 et retiré.

La commission adopte l’amendement CD362.

Après l’article 11

Elle examine ensuite les amendements identiques CD149 de M. Guy Bricout et CD314 de M. Olivier Falorni.

M. Guy Bricout. L’alimentation issue de l’élevage est régulièrement touchée par des crises sanitaires. Le consommateur manifeste un intérêt particulier pour ces produits et les conditions d’élevage figurent parmi ses principales préoccupations. Or plusieurs études montrent qu’il est susceptible de mal interpréter les informations présentes sur les emballages. Entre les images bucoliques qui ne correspondent pas à la réalité et les termes utilisés pour donner au produit un parfum de ruralité, il est souvent difficile de faire la différence entre les produits mis sur le marché. Il en va de même du développement de labels non réglementés.

Le présent amendement vise par conséquent à introduire un étiquetage obligatoire de l’ensemble des produits issus de l’élevage, carnés, laitiers et nouveaux produits, afin d’informer le consommateur sur les modes d’élevage et d’abattage après une phase d’expérimentation qui déterminera les conditions de sa mise en œuvre.

M. Olivier Falorni. Ces deux amendements identiques visent en effet à rendre obligatoire l’étiquetage de l’ensemble des produits issus de l’élevage, carnés, laitiers et nouveaux produits, afin d’informer le consommateur des modes d’élevage et d’abattage. L’obligation de l’étiquetage serait effective à l’issue d’une phase d’expérimentation, à savoir à compter du 1er janvier 2020.

M. Stéphane Travert, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Je suis défavorable à ces amendements. L’attente des consommateurs est certes bien réelle en matière d’étiquetage et de traçabilité ; ils souhaitent en effet connaître l’origine et la qualité d’un produit, savoir ce qu’il en a été du respect de l’environnement et du bien-être animal. Toutefois, l’étiquetage proposé présente de nombreux défis : il entraînerait en particulier un coût très important pour les filières concernées et une distorsion de concurrence dans le cadre du marché unique, un tel étiquetage ne pouvant s’appliquer qu’aux aliments produits en France et non aux aliments importés – or c’est également sur ces derniers que nous devons faire porter nos efforts de traçabilité et de transparence des modes de production. De plus, la lisibilité, pour le consommateur, pourrait être rendue difficile.

Je suis plutôt favorable à la remise d’un rapport évaluant les enjeux d’un tel étiquetage, notamment les coûts de sa généralisation à l’ensemble des productions animales.

Défavorable à ces amendements, je reste néanmoins ouvert à la discussion. Nous pouvons travailler sur le sujet avec le Conseil national de l’alimentation, mais aussi avec des groupes de travail.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis. Je demande le retrait de ces amendements. La démarche est intéressante mais il se trouve qu’elle est contraire au droit européen : on ne peut obliger des acteurs à un étiquetage alimentaire. Je vous renvoie au règlement européen concernant l’information du consommateur sur les denrées alimentaires, dit INCO, n° 1169/2011 du 22 novembre 2011. Devant l’impossibilité, en droit, d’une obligation pesant sur l’ensemble des produits, nous ne pouvons qu’encourager les acteurs à prendre l’initiative d’un tel étiquetage.

L’amendement CD149 est retiré et la commission rejette l’amendement CD314.

Elle en vient à l’amendement CD230 de M. Vincent Thiébaut.

M. Vincent Thiébaut. Le présent amendement vise à accompagner le consommateur dans son choix au moment de l’achat d’un produit alimentaire. L’information doit répondre à une demande « citoyenne », à un impératif de transparence des relations entre producteur, distributeur et consommateur, enfin à l’objectif d’une plus grande prise de conscience environnementale.

Pour que l’affichage environnemental réponde à son objectif, plusieurs critères définis par décret doivent être pris en compte. Comme pour les produits dans les grandes surfaces, une grande lisibilité est nécessaire, comme c’est le cas de l’électroménager avec une classification qui va de A à E et donne rapidement une idée au consommateur de l’impact environnemental du produit. On pourrait également renvoyer le consommateur à un site, via un code QR (Quick Response), afin qu’il dispose d’informations sur le produit.

M. Stéphane Travert, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Il existe quatorze méthodes pour définir l’ensemble de ces éléments. Je rappelle que nous souhaitons lancer une expérimentation sur l’étiquetage avec le Conseil national de l’alimentation. Nous comptons sur ces travaux pour progresser. Je demande donc le retrait de l’amendement.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis. Je demande également le retrait de l’amendement. Comme je l’ai souligné pour l’amendement précédent, on ne peut rendre l’étiquetage obligatoire. Nous sommes en revanche très preneurs d’idées sur la manière de le renforcer. Nous examinerons attentivement la feuille de route des États généraux de l’alimentation. Il faut répondre aux attentes de la société.

M. Vincent Thiébaut. Je vous ai entendue : je le retire. (Sourires.)

L’amendement est retiré.

Mme Delphine Batho. Si ma mémoire est bonne, l’affichage environnemental faisait partie des mesures prévues dans le cadre du Grenelle de l’environnement. Il a fait l’objet, durant cinq ans, d’une expérimentation portant sur l’ensemble des produits de consommation, notamment l’alimentation, dont les résultats ont été présentés en 2013. Il me semble donc que nous devrions dresser le bilan de cette expérimentation et identifier les raisons pour lesquelles on n’a pas été plus loin, afin de déterminer quelles évolutions sont nécessaires. Le consommateur a besoin d’une information claire. Or, nous sommes confrontés à la difficulté suivante : il nous faut adopter une approche systémique et multicritères mais, si l’on affiche des étiquettes trop nombreuses ou illisibles, il sera perdu.

En tout état de cause, je suggère que l’on se fonde sur ce qui a déjà été fait plutôt que de se lancer dans un nouveau cycle d’expérimentations qui n’aboutiront à rien, car on cherche le « mouton à cinq pattes ». Ainsi, les choses n’avancent pas, sauf lorsqu’on est confronté à une crise comme celle qui nous a conduits à imposer l’étiquetage de l’origine du lait et de la viande ou celle qui va nous inciter à exiger, par des amendements dont nous allons discuter dans un instant, que l’étiquetage du miel soit précisé.

M. Stéphane Travert, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Il avait été en effet décidé, dans le cadre du Grenelle de l’environnement, de lancer une expérimentation qui a débuté en 2010 ou 2011 et s’est arrêtée en 2013, sans qu’on puisse l’évaluer. L’expérimentation confiée au Conseil national de l’alimentation nous permettra d’identifier les raisons pour lesquelles elle n’est pas allée plus loin et de réaliser un benchmarking.

M. Guillaume Garot. J’ajoute que, sous la législature précédente, la commission du développement durable avait confié à Mme Sophie Errante et M. Martial Saddier une mission d’information sur l’affichage environnemental. Nous avons donc dès à présent suffisamment de matière pour avancer dans ce domaine.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis. Monsieur le ministre, un calendrier est-il prévu pour la feuille de route issue des États généraux de l’alimentation (EGA), en particulier sur la question de l’étiquetage ?

M. Stéphane Travert, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. L’horizon est fixé à 2022. C’est en effet le cadre dans lequel s’inscrivent la politique de l’alimentation et ses déclinaisons, qu’il s’agisse du projet de loi et des outils que nous souhaitons créer, des travaux du Conseil national de l’alimentation et du Conseil national de la restauration collective ou de la réflexion que nous menons sur l’étiquetage avec le ministère de la santé et des affaires sociales, qui a déjà créé le dispositif Nutri-Score. Cet ensemble reprend l’intégralité de la feuille de route jusqu’en 2022.

M. Bertrand Pancher. Nous pouvons revisiter toutes les réflexions qui ont été menées jusqu’ici, mais je crains que nous n’aboutissions à la même conclusion : il est très compliqué d’informer le consommateur. Étiquette-on le produit, la famille de produits, la tête de gondole dans la grande surface, les documents publicitaires ? Par ailleurs, trop d’information tue l’information. Prenons donc du recul, en ayant conscience qu’il s’agit d’une question complexe.

Mme la présidente Barbara Pompili. Monsieur le ministre, nous vous communiquerons bien entendu le rapport de la mission d’information évoquée par M. Garot. Trop souvent, en effet, ces rapports n’ont pas de suites : c’est bien dommage car on gâche ainsi un travail de qualité.

Article additionnel après l’article 11
(article L. 122-19 du code de la consommation)
Application du dispositif « fait maison » aux restaurants collectifs

La commission examine les amendements identiques CD111 de M. Vincent Descoeur, CD402 de Mme Jennifer De Temmerman et CD425 de Mme Aude Luquet.

M. David Lorion. L’amendement CD111 vise à étendre le dispositif « Fait maison » aux restaurants collectifs qui s’impliquent volontairement dans cette démarche afin de valoriser le travail des cuisiniers.

Mme Jennifer De Temmerman. Le CD402 est identique. J’ajoute que le label « Fait maison » est déjà utilisé par de nombreux établissements. Il s’agit donc simplement d’étendre le dispositif à l’ensemble des restaurants collectifs.

M. Bruno Millienne. L’amendement CD425 est défendu.

M. Stéphane Travert, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. La mention « Fait maison », qui a été créée sous la précédente législature par la loi relative à la consommation, dite « loi Hamon », est applicable à des personnes ou à des entreprises qui transforment ou distribuent des produits alimentaires dans le cadre d’une activité de restauration commerciale ou de vente à emporter de plats préparés. Il ne serait pas incohérent d’étendre cette appellation à la restauration collective, mais la mesure serait plus complexe à mettre en œuvre car une concertation avec les professionnels serait nécessaire. En outre, le texte prévoit déjà d’imposer de nombreuses obligations à ce secteur. Soyons donc, là encore, mesurés pour mieux nous assurer de l’efficacité des dispositions principales, au premier rang desquelles figure l’objectif d’approvisionnement prévu à l’article 11 que vous venez d’adopter. Je suis donc défavorable à ces amendements.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis. Je suggère un retrait de ces amendements, pour plusieurs raisons. Tout d’abord, si certains établissements utilisent déjà une mention soulignant qu’un plat est fait maison, la loi doit moins généraliser que valoriser les bonnes idées. Ensuite, l’extension du dispositif serait complexe car elle imposerait des critères supplémentaires à la restauration collective, qui a déjà des objectifs à atteindre d’ici à 2022. Enfin, l’expérience montre que, dans le secteur privé, la mention « Fait maison » est compliquée à appliquer – non seulement elle est soumise à un contrôle mais elle est sujette à de nombreuses interprétations –, si bien que nombre de restaurateurs s’abstiennent de l’utiliser.

M. Bruno Millienne. Nous maintenons l’amendement CD425. Il s’agit en effet de valoriser le travail difficile des cuisiniers. De plus, l’extension du label se ferait sur la base du volontariat.

La commission adopte ces amendements.

Article additionnel après l’article 11
Indication des pays d’origine du miel

La commission examine, en discussion commune, deux séries d’amendements identiques, d’une part les amendements CD101 de M. Bertrand Pancher, CD152 de M. Guy Bricout et CD180 de Mme Delphine Batho, d’autre part les amendements CD221 de M. Matthieu Orphelin, CD234 de M. David Lorion et CD265 de Mme Sandrine Le Feur, ainsi que l’amendement CD222 de M. Matthieu Orphelin.

L’amendement CD265 fait l’objet d’un sous-amendement CD537 de la rapporteure pour avis.

M. Bertrand Pancher. L’amendement CD101 vise à rendre l’étiquetage du miel plus transparent pour le consommateur. Les importations de miel augmentent de manière corrélative à la baisse de la production française. Or, en l’état actuel de l’étiquetage, il est impossible de connaître le pays d’origine, une directive européenne de 2014 ayant modifié une directive de 2001 qui permet de n’indiquer que la mention : « Mélange de miels originaires/non originaires de l’Union européenne » en cas de pluralité de pays d’origine. Outre qu’elle limite la lisibilité de l’origine du miel, cette réglementation tend à créer une grande confusion dans l’esprit du consommateur. Ainsi, selon une étude de FranceAgriMer de 2016, 80 % de nos concitoyens pensent que le miel qu’ils achètent en magasin est français. J’ajoute que la mention actuelle rend impossible la traçabilité de la production et favorise toutes sortes de dérives car il suffit de nourrir les abeilles avec du sucre pour produire en grande quantité un miel de piètre qualité et tromper ainsi le consommateur.

Il serait donc utile d’écarter la possibilité offerte par la directive de ne pas mentionner précisément les pays d’origine sur l’étiquetage afin de favoriser une information plus claire, lisible et transparente du consommateur.

M. Guy Bricout. L’amendement CD152 est identique.

Mme Delphine Batho. L’amendement CD180 est un amendement important, dont la rédaction a été élaborée avec les associations de consommateurs. Les appellations actuelles – « Miels non originaires de l’Union européenne », « Mélange de miels »… – sont délibérément imprécises et constituent une tromperie scandaleuse qui n’est plus tolérable. Je sais que d’autres amendements ont le même objet : nous sommes ouverts à une autre rédaction que la nôtre. Ce qui importe, c’est l’objectif et le caractère effectif de la disposition. La France doit garantir une information transparente des consommateurs sur l’origine des miels qui y sont commercialisés.

M. Matthieu Orphelin. Ce sujet, et je m’en réjouis, va rassembler l’ensemble des groupes politiques, car tout le monde partage le même diagnostic. Ces miels mélangés, frelatés pour certains, représentent les trois quarts de la consommation en France. De fait, la mention actuelle est si trompeuse que 80 % des Français pensent acheter du miel français. L’amendement CD221, rédigé avec les associations de défense des apiculteurs et des abeilles notamment, peut recueillir, me semble-t-il, l’assentiment du plus grand nombre.

M. David Lorion. L’amendement CD234 est identique à celui de M. Orphelin. Il a pour objet de rendre obligatoire la mention du pays dans lequel le miel est produit. J’ajoute qu’il s’agit d’une mesure de sécurité, car certains miels contiennent des spores, notamment de loque américaine ou de petit coléoptère, qui peuvent transmettre des maladies aux abeilles emmiellées. C’est notamment le cas dans l’île de La Réunion, où ces maladies se sont répandues en raison d’une importation massive de miels de Chine.

M. Jean-Marc Zulesi. L’amendement CD265 est identique aux deux précédents. Je souhaite, pour ma part, saluer l’excellent travail des apiculteurs français, qui justifie que nous mettions tout en œuvre pour défendre la qualité du miel de nos territoires.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis. Le sous-amendement CD537 vise à codifier les dispositions de l’amendement CD265.

L’amendement CD222 de M. Matthieu Orphelin est retiré.

M. Stéphane Travert, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. L’indication de l’origine du miel est rendue obligatoire par le décret n° 2003-587 pris pour l’application de l’article L. 214-1 du code de la consommation, modifié en 2015 dans le cadre de la transposition de la directive européenne 201463/UE du 15 mai 2014 relative au miel. En vertu du droit européen, ce décret prévoit que le ou les pays d’origine où le miel a été récolté soient indiqués sur l’étiquette, et il laisse la possibilité, lorsque le miel provient de plus d’un État membre ou de plus d’un pays tiers, de remplacer l’indication de chaque pays d’origine par les indications : « Mélange de miels originaires de l’Union européenne » ou « Mélange de miels non originaires de l’Union européenne ». Néanmoins, vos amendements traduisent une forte volonté de renforcer l’étiquetage du miel ; nous y sommes très sensibles.

Nous allons donc engager, dans les tous prochains jours, une réflexion avec la filière apicole, qui doit participer à une réunion à ce sujet le 6 avril prochain. Les évolutions envisagées ne pourront cependant concerner, compte tenu des règles du marché interne, que les miels produits en France. En outre, elles relèvent du règlement et non de la loi. C’est pourquoi je vous invite à retirer ces amendements. Toutefois, je le répète, nous allons entamer une réflexion avec la filière apicole pour aller dans le sens que vous souhaitez, et nous pourrons revenir devant votre commission pour vous en rendre compte.

Mme la présidente Barbara Pompili. Madame la rapporteure pour avis, puisque vous proposez de sous-amender l’amendement CD265, je suppose que vous êtes favorable à la seconde série d’amendements plutôt qu’à la première.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis. C’est exact.

M. François-Michel Lambert. Tout d’abord, il est clair qu’actuellement, l’étiquetage du miel n’est absolument pas satisfaisant. Entre parenthèses, mes chers collègues, demain matin, au petit-déjeuner, vous pourrez constater que le miel qui nous est proposé à l’Assemblée nationale n’est probablement pas originaire de France ni même d’Europe, ce qui en dit long sur notre schizophrénie… Cependant, le problème ne concerne pas uniquement le miel mais l’ensemble des produits proposés aux consommateurs, notamment le lait. En effet, lorsque j’achète un yaourt, je ne peux pas être certain, en dépit du marketing et des beaux paysages normands figurant sur son emballage, qu’il a été fabriqué avec du lait provenant de France. Bien entendu, il faut améliorer l’étiquetage du miel mais, au cours des débats, nous devrons exiger collectivement avec la même force que l’ensemble des produits fasse l’objet d’une mesure analogue car, trop souvent, le consommateur est trompé sur la véritable origine des matières premières utilisées dans les produits transformés.

Mme Delphine Batho. Le sous-amendement de Mme la rapporteure pour avis permet de faire la synthèse entre les deux séries d’amendements identiques.

Sur le fond, l’argument selon lequel la mesure proposée relève du domaine réglementaire peut s’entendre. Mais nous exprimons ici une volonté politique forte. Peut-être l’Assemblée nationale ne croit-elle, comme saint Thomas, que ce qu’elle voit. Toujours est-il que, lors d’un débat comparable sur la mention de l’origine du lait ou de la viande utilisés dans les produits transformés, on a prétendu qu’un tel étiquetage n’était pas permis par le droit européen. Or, un décret a finalement été pris pour l’imposer. Donc, si, d’ici au 21 mai, on nous présente un projet de décret modifiant la réglementation de l’étiquetage du miel, je serai prête à renoncer à modifier la loi. Mais, à ce stade, nous maintenons notre amendement.

M. Matthieu Orphelin. Je maintiens également le mien, qui distingue bien, me semble-t-il, le domaine de la loi, qui définit les grands principes, et le domaine réglementaire, puisque nous renvoyons la modification du décret de 2003 à un décret qui supprimera les exceptions au principe de l’affichage des pays d’origine.

M. Guillaume Garot. L’argument de M. le ministre est juridiquement juste, mais il faut lui donner une force politique. Nous sommes en train d’écrire une loi qui doit tracer le chemin d’une politique de l’alimentation. Nous devons donc y placer des marqueurs. Or, nous considérons qu’informer le consommateur de l’origine des miels qu’il consomme en est un. C’est pourquoi je plaide pour que nous adoptions un amendement en ce sens.

M. David Lorion. Je maintiens également mon amendement, tout d’abord, pour des raisons de sécurité qui concernent le territoire dont je suis l’élu. Ensuite, nous savons tous qu’un producteur de miel très important exerce un puissant lobbying qui pourrait amener, nous le craignons, même les plus hautes sphères de l’État à changer d’avis.

M. Stéphane Travert, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. J’entends bien la demande politique que vous exprimez mais, je le répète, cette mesure est d’ordre réglementaire. Je prends donc l’engagement de travailler avec la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) de manière à ce que le décret soit pris au cours du printemps. Au demeurant, j’appelle votre attention sur le fait que, si ces amendements étaient adoptés, ils pourraient connaître un sort funeste lorsqu’ils seront examinés par la commission saisie au fond ou devant le Conseil constitutionnel. Je prends devant vous l’engagement ferme de mettre tout en œuvre pour que le décret sur l’expérimentation soit publié. Ainsi que je vous l’ai indiqué tout à l’heure, je suis prêt à revenir devant votre commission pour évoquer ce sujet avec vous et continuer à y travailler.

Mme Sandrine Le Feur. Nous pourrions, me semble-t-il, adopter la seconde série d’amendements identiques ainsi que le sous-amendement de la rapporteure pour avis, quitte à revenir sur cette disposition si des mesures réglementaires nous sont proposées d’ici à l’examen du texte en séance publique.

M. Bertrand Pancher. Les propos de M. le ministre me convainquent. Je prends acte de son engagement de régler le problème avec l’administration.

Mme la présidente Barbara Pompili. Mme la rapporteure pour avis s’étant déclarée favorable à la seconde série d’amendements identiques, je vais demander aux auteurs des amendements de la première série s’ils les maintiennent.

L’amendement CD101 de M. Bertrand Pancher est retiré, de même que l’amendement CD152 de M. Guy Bricout.

Mme Delphine Batho. Nous sommes prêts à retirer l’amendement CD180 au bénéfice du CD265 sous-amendé, à condition, bien entendu, que celui-ci soit maintenu.

Mme Sandrine Le Feur. Nous le maintenons.

Mme Delphine Batho. Je précise, car je veux donner acte à M. le ministre de son engagement, que ce serait une bonne chose que la commission du développement durable émette un vote que je qualifierai de politique, sachant que l’administration aura le temps de nous présenter un projet de décret d’ici à l’examen du texte en séance publique. Nous avançons tous dans le même sens.

L’amendement CD180 est retiré.

M. Matthieu Orphelin. Je tiens à remercier le ministre pour ce travail collectif. En adoptant ces amendements, nous allons envoyer un signal politique, mais nous pourrons revenir sur cette disposition si le décret est publié très rapidement. Nous ne sommes qu’au début de l’histoire.

La commission adopte le sous-amendement CD537.

Puis elle adopte les amendements identiques CD221, CD234 et CD265, sous-amendés.

Après l’article 11

La commission examine, en discussion commune, les amendements CD143 de M. Guy Bricout et CD181 de Mme Delphine Batho.

M. Guy Bricout. Cet amendement vise à rendre obligatoire l’étiquetage des produits alimentaires issus d’animaux nourris par des organismes génétiquement modifiés (OGM). À ce jour, les consommateurs ne sont pas informés puisque la mention « OGM » doit figurer sur les produits alimentaires comprenant des organismes génétiquement modifiés, sauf pour les produits issus d’animaux nourris avec des OGM. Or, c’est le cas des trois quarts du cheptel français, notamment via le soja !

Cette proposition s’appliquerait aussi bien aux produits de base – viandes, charcuteries, œufs, laits, beurres, fromages – qu’aux plats cuisinés à partir de ces produits. L’application de cette mesure à l’échéance de 2023 a pour objectif de laisser le temps aux professionnels de consolider des filières sans OGM, accompagnés notamment par le futur plan « Protéines végétales » annoncé par le Gouvernement, visant à assurer l’autonomie protéique de la « ferme France ».

Mme Delphine Batho. Il s’agit du même amendement, à ceci près qu’il propose une application de cette mesure d’ici à cinq ans. On ne peut pas supprimer du jour au lendemain les importations massives de soja OGM dont dépend malheureusement l’élevage français. C’est un combat que je mène depuis la loi du 2 juin 2014, et il y a là un enjeu éthique, car on ne peut pas à la fois dire que le soja « Roundup Ready » n’est pas cultivable en France et importer massivement des produits de pays ayant des pratiques agronomiques que nous réprouvons. Il y a aussi un enjeu économique : l’autonomie des exploitations d’élevage. Il y a, enfin, un enjeu écologique, compte tenu de ce qui a été encore dévoilé hier sur les déforestations massives en Amérique latine liées aux grandes cultures OGM.

M. Stéphane Travert, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Avis défavorable. J’entends ce qui est dit sur l’étiquetage. Comme je l’ai dit hier, nous souhaitons confier au Conseil national de l’alimentation (CNA) une mission sur le sujet ; il faut le laisser travailler. Il existe déjà une obligation d’étiquetage concernant la présence d’OGM dans certains produits transformés, tels que les huiles raffinées. En revanche, le droit européen ne prévoit pas d’étiquetage des denrées animales issues d’animaux nourris avec des produits contenant des OGM, au motif que les gènes modifiés ne se retrouvent pas dans les animaux qui les consomment. Les consommateurs demandent une telle traçabilité et je m’engage à conduire ce travail en lien avec le CNA.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis. Je demande le retrait des amendements, pour les mêmes raisons. Ce n’est pas un combat que la France peut mener seule, et un règlement européen nous empêche d’étiqueter les denrées issues d’animaux nourris avec des OGM. En revanche, apposer une étiquette « sans OGM » est déjà possible en vertu du décret de 2012, que vous connaissez certainement.

M. Matthieu Orphelin. L’amendement de Mme Batho est exigeant sur le fond tout en donnant du temps aux acteurs, et c’est très intéressant. Je retiens, pour ma part, l’idée suivante : l’étiquette « sans OGM » étant, d’une certaine façon, un signe de qualité, nous pourrions donc l’inscrire formellement parmi les critères de qualité.

M. Jean-Marie Sermier. Monsieur le ministre, vous avez raison : on ne peut pas retrouver dans la viande les OGM éventuellement consommés par l’animal. Nous vous encourageons donc à être encore plus ferme sur l’accord avec le Mercosur car, si les animaux ont ingéré des OGM, nous serons incapables de les repérer sur le territoire français.

Mme Delphine Batho. Je maintiens l’amendement, en rappelant que, pour des raisons de droit européen, la France était obligée d’accepter les cultures OGM sur son sol, et que le M. le président Sarkozy, au moment du Grenelle de l’environnement, a décidé un moratoire en invoquant la clause de sauvegarde. Cette décision politique a été plusieurs fois cassée par le Conseil d’État, mais tous les gouvernements successifs, dont celui auquel j’ai appartenu, l’ont renouvelée malgré les problèmes juridiques, et l’Union européenne a finalement reconnu à chaque État membre la possibilité de décider d’autoriser ou non la culture d’OGM sur son sol.

Nous proposons que la France, de nouveau, prenne une décision politique, même si elle n’est pas « dans les clous » du droit européen. C’est une question de cohérence, et c’est une question très importante pour le monde agricole. Nous ne pouvons pas rester dans une situation où nous encourageons des changements de pratiques chez nous, tout en encourageant ailleurs des pratiques qui concurrencent déloyalement nos productions. Je souligne qu’il ne s’agit même pas de limiter les importations, mais tout simplement d’informer les consommateurs.

La commission rejette successivement ces amendements.

Elle examine ensuite l’amendement CD144 de M. Guy Bricout.

M. Guy Bricout. Cet amendement vise à demander une information sur les modalités d’obtention des OGM. En France, les OGM sont déjà présents dans nos assiettes : 80 % des animaux élevés en France sont nourris avec du soja OGM, 37 000 hectares de colza et 160 000 hectares de tournesol modifiés génétiquement pour être rendus plus tolérants aux herbicides ont été cultivés en France en 2016 sans que jamais les consommateurs n’en soient informés. Il faut pouvoir identifier et retracer les processus d’obtention des OGM et publier ces données sur internet afin que les consommateurs aient le choix.

M. Stéphane Travert, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. C’est l’objet du travail que nous conduirons avec le CNA. Nous allons progresser, mais donnons-nous le temps d’obtenir des données. Il faut avancer aussi sur le droit européen, car nous ne sommes pas tout seuls. Je retiens en tout cas l’idée de la clause de sauvegarde.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis. Pour les mêmes raisons, je demande le retrait de l’amendement, même si je partage les préoccupations de son auteur. Pour le moment, nous n’avons pas les réponses juridiques appropriées. La France doit encore convaincre ses partenaires européens.

L’amendement est retiré.

Article additionnel après l’article 11
(article L. 3232-10 [nouveau] du code de la santé publique)
Étiquetage volontaire pour les produits d’animaux nourris sans farines animales

La commission est saisie des amendements identiques CD233 de M. Matthieu Orphelin et CD274 de Mme Sandrine Le Feur.

M. Matthieu Orphelin. Cet amendement vise à mettre en place une démarche expérimentale pour un étiquetage volontaire des produits à base de viande. Aujourd’hui, il existe un étiquetage sur l’origine de la viande ; c’est une expérimentation rendue possible par l’Europe jusqu’à la fin de 2018, et la France s’est engagée, dans le cadre du plan « post-CETA », à demander la prolongation de cet affichage avant la fin de 2018 et à l’étendre aux produits transformés à base de viande.

Il faut entendre les inquiétudes des éleveurs comme des consommateurs et des associations environnementales devant la multiplication des accords de commerce internationaux : avec le Canada, les pays du Mercosur et d’autres. Vont ainsi être proposés aux consommateurs français des produits qui ne répondront pas aux mêmes standards de qualité. Au Canada, par exemple, on utilise des antibiotiques comme activateurs de croissance et des farines animales pour l’alimentation du bétail, alors que ni l’un ni l’autre ne sont autorisés chez nous. Il faut trouver un moyen de valoriser notre modèle de qualité et d’informer les consommateurs que la viande qu’ils achètent a été, le cas échéant, produite avec des antibiotiques ou des farines animales.

Mme Sandrine Le Feur. Les États généraux de l’alimentation ont fait émerger une forte demande des consommateurs, mais aussi des producteurs, en matière d’étiquetage.

M. Stéphane Travert, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. La France est un modèle en matière de lutte contre l’usage des antibiotiques dans l’élevage. Le plan « Éco-antibio » a bien fonctionné, puisque nous avions un objectif de baisse de 25 % et que nous en sommes à 37 %. Quant à l’usage des antibiotiques comme accélérateurs de croissance des animaux, il est interdit par le droit européen depuis le 1er janvier 2006. Aucun animal élevé dans l’espace de l’Union européenne n’a donc reçu d’antibiotiques à des fins de croissance. Il s’ensuit que, si nous prévoyions un étiquetage tel que vous le proposez, cela ne permettrait pas aux consommateurs de choisir en toute connaissance de cause, puisque l’ensemble des animaux élevés sur le territoire européen seraient concernés.

Un projet de règlement européen, en cours de discussion, comporte une disposition visant à interdire l’importation dans l’Union européenne de denrées issues d’animaux ayant reçu ce type de traitement. La France pèsera de tout son poids politique pour la faire adopter. Je demande le retrait des amendements.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis. Même avis.

M. Matthieu Orphelin. Quel est le calendrier d’adoption de ce règlement européen ? Concernera-t-il à la fois les antibiotiques accélérateurs de croissance et les farines animales ? Je souligne que je propose un étiquetage volontaire ; si les producteurs européens veulent s’y mettre, tant mieux. Il faut vraiment répondre à l’angoisse liée aux traités avec le Mercosur et avec le Canada.

M. Stéphane Travert, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. La discussion sur le projet de règlement se poursuit actuellement. Je pourrai vous préciser le calendrier dans les heures à venir. Le processus est entamé depuis les dernières crises de l’encéphalopathie spongiforme bovine (ESB). Cela a mis du temps mais nous touchons au but.

M. Matthieu Orphelin. Je maintiens l’amendement, car nous sommes saisis pour avis et nous en rediscuterons dans quinze jours en commission saisie au fond.

Mme Sandrine Le Feur. La France, vous l’avez dit, est un modèle, et elle doit le rester. Je suis prête à retirer mon amendement si les parlementaires sont associés à un travail plus général sur l’étiquetage.

M. Bruno Millienne. L’étiquetage volontaire me pose problème, car ceux qui ne le pratiqueront pas pourront être soupçonnés d’élever des animaux avec des antibiotiques de croissance et des farines animales, quand bien même ce ne serait pas le cas.

M. Stéphane Travert, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Nous faisons le choix d’une démarche incitative, mais il peut y avoir des incitations fortes… Les filières ont pris des engagements sur l’étiquetage dans le cadre des plans de filières ; il faut les accompagner.

Les parlementaires, madame Le Feur, sont les bienvenus pour travailler sur ces sujets. Un travail est actuellement conduit par le CNA, mais rien n’empêche les parlementaires de se saisir de la question.

M. François-Michel Lambert. Rien n’empêche non plus un acteur économique d’indiquer dans quelles conditions il a élevé ses animaux – par exemple sans OGM.

La commission adopte les amendements.

Article additionnel après l’article 11
(article L. 541-10-5 du code de l’environnement)
Interdiction des contenants en matière plastique dans les services de restauration collective

La commission est saisie de l’amendement CD249 de Mme Sandrine Le Feur, qui fait l’objet du sous-amendement CD553 de M. Loïc Prud’homme.

Mme Lauriane Rossi. Cet amendement vise à interdire dans tous les services de restauration collective les contenants, qu’ils soient de cuisson, de réchauffe ou de service, en matière plastique. Il s’agit d’introduire un principe de précaution vis-à-vis de ces contenants plastiques qui peuvent contenir des perturbateurs endocriniens, dont la migration est favorisée par la chaleur. La nocivité de ces substances a été soulignée par une étude de l’ANSES et un rapport conjoint de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS), du Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD) et du Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux (CGAAER). L’agence régionale de santé (ARS) de Nouvelle-Aquitaine a elle-même introduit ce principe dans son propre guide en recommandant le recours à des matériaux alternatifs, inertes et durables.

Au-delà de l’enjeu sanitaire, l’amendement s’inscrit dans une politique de réduction des déchets, dans la continuité des mesures prises par le passé, telles que l’interdiction des sacs plastiques et de la vaisselle jetable en plastique par la loi de transition énergétique.

M. Loïc Prud’homme. Je me réjouis que le groupe majoritaire défende cet amendement car j’ai présenté le même hier soir ; comme, à La France insoumise, nous œuvrons pour l’intérêt général sans sectarisme, je soutiendrai cet amendement pour des cantines sans plastique.

Mon sous-amendement vise à mettre cette mesure en œuvre très rapidement, dès le 1er janvier 2019.

M. Stéphane Travert, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Vous connaissez comme moi les obligations de la restauration collective, qu’il s’agisse des restaurants scolaires ou d’entreprise. Dans ce projet de loi, nous imposons déjà beaucoup de choses aux entreprises et aux collectivités, et le calendrier que vous demandez est impossible à tenir.

Pour autant, la proposition est intéressante, et l’on peut y réfléchir dans le cadre des plans de filières. S’agissant des filières végétales, il est possible, par exemple, de privilégier les contenants à base d’amidon de maïs, comme cela se fait déjà dans la restauration rapide.

Quant à la date de 2022, elle est trop rapprochée. C’est un domaine que je connais bien, dans lequel j’ai travaillé, et je puis vous dire que les délais de recherche, de validation et de brevetage sont plus longs. Je souhaite le retrait de ces amendements.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis. Votre amendement d’hier, monsieur Prud’homme, était plus restrictif, et nous vous avions promis un amendement plus large – celui qui est présenté aujourd’hui. J’y suis plutôt favorable car, même si j’entends les arguments du ministre, c’est une incitation forte à la réduction des gaspillages et des déchets. La date de 2022 me paraît envisageable, celle de 2019 ne l’est pas.

M. Loïc Prud’homme. Je suis heureux que vous partagiez ma préoccupation, mais surpris qu’il soit toujours urgent d’attendre. Si ce n’était qu’une question de délai, vous auriez pu rectifier mon amendement hier, en proposant par exemple la date de 2020, et je l’aurais accepté sans problème. Mais il semblerait que le Gouvernement souhaite renvoyer la chose au-delà de 2022 : en d’autres termes, aux calendes grecques ! C’est un peu se moquer de nous, et je maintiens donc mon sous-amendement, pour le principe. Je voterai l’amendement et en déposerai sans doute un autre, en séance, portant la date de 2020. De nombreuses collectivités locales ont déjà mis en œuvre des solutions alternatives ; qu’on ne nous dise pas qu’il faille encore dix ou vingt ans de recherches !

M. Jean-Pierre Vigier. Je soutiens totalement la position du ministre. La priorité d’aujourd’hui est d’avoir, partout, des denrées alimentaires de qualité. Supprimer les contenants en plastique, soit, mais selon un calendrier réaliste, afin que les collectivités trouvent les moyens financiers d’engager cette mutation.

Mme Sandrine Le Feur. Nous maintenons l’amendement, qui répond à un double enjeu de santé publique et de lutte contre le gaspillage, et laisse aux collectivités le temps de se préparer. Certaines ont déjà franchi le pas, et c’est une très bonne chose, car celles qui auraient des difficultés pourront prendre exemple sur elles. Un délai de six mois est cependant irréaliste : 2022 nous paraît donc un bon compromis.

Mme Lauriane Rossi. Bon nombre de collectivités, comme l’a souligné Loïc Prud’homme, se sont déjà engagées dans cette voie : Strasbourg, Les Sables-d’Olonne, Montrouge, Bordeaux et Montpellier sont soit revenues à l’inox, soit passées à des matériaux alternatifs.

La nocivité, monsieur Vigier, relève aussi bien de ce qu’il y a dans l’assiette que de l’assiette elle-même. On ne peut dissocier le contenant du contenu. Il est important d’adopter le principe de précaution et de se fixer un objectif réalisable à court terme.

M. François-Michel Lambert. Par principe, un emballage n’est pas là pour détruire le contenu ; votre remarque, monsieur Vigier, n’a donc pas lieu d’être. Pour avoir défendu, sous la précédente législature, l’interdiction d’ici à 2020 de la vaisselle jetable en plastique – à l’exception des couverts car on m’avait expliqué que l’on n’était pas prêt –, je suis relativement inquiet, car la disposition a été votée en 2015 ! Si nous ne fixons pas une date un tant soit peu rapprochée, les choses n’avanceront pas. Nous avons pu le vérifier à propos de l’interdiction des sacs plastiques jetables à usage unique : si nous sommes restés fermes, c’est parce que la profession promettait depuis dix ans de les bannir de façon imminente, et que nous ne voyions toujours rien venir !

Les solutions technologiques sont là et, contrairement aux matières plastiques éventuellement produites en France, mais à partir d’hydrocarbures importés, elles seront probablement issues de matières premières agricoles françaises. J’apporte par conséquent mon soutien total à cet amendement.

M. Guillaume Garot. Je le soutiens également. Ne nous racontons pas d’histoires : la preuve a été faite qu’il existe des alternatives concrètes et opérationnelles. L’ARS de Nouvelle-Aquitaine a publié un guide dans lequel elle mentionne le verre, l’inox et la porcelaine, dans l’attente de matériaux nouveaux.

Si nous voulons que cette loi ait un peu de contenu, il faut imposer quelques marqueurs. Nous avons progressé hier en vue d’objectifs chiffrés dans la restauration collective, ainsi que sur le miel, et c’est tant mieux, mais nous avons la possibilité d’avancer aussi sur ce sujet sans créer de perturbation pour les acteurs concernés, au premier rang desquels les collectivités locales. Je ne vois pas ce qui pourrait faire obstacle à ce que la date de 2022 soit tenue. Ce serait une réelle avancée, car la question des perturbateurs endocriniens inquiète les Français à bon droit.

M. Matthieu Orphelin. Les perturbateurs endocriniens sont en effet un véritable enjeu de santé publique, et il existe une forte demande des consommateurs sur le sujet. Je ne suis pas persuadé par l’argument du coût, car les contenants en plastique ne coûtent pas forcément moins cher, tandis que certains matériaux alternatifs peuvent être réutilisables.

M. Bruno Millienne. J’étais plutôt enclin, au départ, à vous suivre, monsieur le ministre, mais je me joindrai finalement à mes collègues. Le groupe MODEM votera cet amendement.

M. Stéphane Travert, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Sur le fond, je partage l’idée qu’il faut avancer mais le coût est réel pour les collectivités, qu’il s’agisse de matériaux réutilisables, comme le verre ou l’inox, ou recyclables, comme l’amidon de maïs. Un beau plan de filière est à élaborer pour valoriser nos productions agricoles, car il n’y a pas à ce jour de brevet déposé, pas de test vérifié de la possibilité de réchauffer ou de mettre au froid ces produits dans de bonnes conditions. Il faut donc que la recherche avance.

Par ailleurs, les collectivités citées par Mme Rossi sont des villes importantes, parfois même de grandes métropoles, qui n’ont pas eu besoin de la loi pour avancer. Il faut faire comprendre aux autres, grâce à l’échange de bonnes pratiques plutôt que par la contrainte, que nous pouvons avancer ensemble.

M. Vincent Descoeur. J’aborderai dans un amendement à venir la question du financement, que le ministre a raison de nous inviter à ne pas négliger, surtout pour les petites collectivités.

M. Gérard Menuel. Une bonne loi est une loi lisible, et nous sommes en train de la rendre floue. Le coût n’est pas un mince problème, et c’est à juste titre que le ministre s’en préoccupe. Pour avoir travaillé dans la filière de l’amidon de maïs, je sais que tout n’est pas réglé aujourd’hui. Au risque de passer pour provocateur, je demanderai s’il faut écrire sur l’étiquette « fabriqué à partir d’amidon de maïs non-OGM »…

M. Jean-Luc Fugit. J’invite nos collègues sceptiques à lire certains travaux de recherche sur les matières plastiques, travaux dont je suis coauteur pour plusieurs d’entre eux. Je ne suis pas certain que les contenants en verre ou en inox augmentent tant que cela le prix, et quand bien même le prix viendrait à être plus élevé, ce choix politique en faveur de la santé publique pourrait être compensé par des économies ailleurs, par exemple sur la construction de ronds-points…

L’exposé sommaire de l’amendement mentionne les bisphénols, mais pourrait viser toute la famille des phtalates et d’autres composés. Le paradoxe de ces matières plastiques est que plus elles sont neuves, et plus elles contiennent d’adjuvants, qui servent à donner certaines propriétés d’usage aux matières plastiques qui ne leur sont pas chimiquement liées ; c’est ce qui produit la migration et qui fait que ces adjuvants se retrouvent très facilement dans le contenu.

Mme la présidente Barbara Pompili. Je vous remercie d’avoir intégré la question du coût pour la société en termes de santé. Il est bon de toujours envisager le coût de manière globale, en ne perdant pas de vue, non plus, la problématique des déchets. Les meilleurs déchets sont ceux que l’on ne produit pas…

La commission rejette le sous-amendement CD553.

Puis elle adopte l’amendement CD249.

Après l’article 11

La commission examine ensuite l’amendement CD195 de M. François-Michel Lambert.

M. François-Michel Lambert. Par cet amendement, je propose de supprimer une taxe sur les huiles végétales qui a été instaurée en 1960. Sous la précédente législature, il a fallu que nos collègues M. Razzy Hammadi et Mme Véronique Louwagie se mettent en quête de l’un de ses inventeurs, désormais à la retraite, pour savoir quel en était le sens ! En effet, elle impacte nos propres huiles alimentaires françaises, qui se trouvent paradoxalement bien plus taxées que les huiles alimentaires importées. Liquidons cette taxe, cessons d’être ubuesques et laissons quelque marge à notre production nationale d’huiles alimentaires.

M. Stéphane Travert, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Sur le fond, le sujet mérite certainement d’être examiné avec attention. Mais le projet de loi de loi n’a pas vocation à créer ou supprimer des taxes : je vous renvoie donc à la discussion du projet de loi de finances.

Un groupe de travail sur la fiscalité agricole a par ailleurs été constitué, qui compte des membres du groupe La République en Marche avec qui vous pouvez prendre contact. Dans le cadre de la concertation en cours, ils pourront certainement intégrer votre réflexion, dans la perspective du prochain projet de loi de finances. Je vous demande en tout cas de retirer l’amendement, à défaut de quoi j’y serai défavorable.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis. Je m’associe à cette demande de retrait. L’amendement sera en effet déposé de manière plus opportune sur le projet de loi de finances. À défaut de retrait, j’émettrai un avis défavorable.

M. François-Michel Lambert. Je maintiens l’amendement, puisque nous n’examinons ce texte que pour avis. Je me joindrai probablement au groupe de travail sur la fiscalité agricole, dans la perspective du prochain projet de loi de finances. Même s’il n’a qu’une portée symbolique, le vote de cet amendement permettrait cependant de peser dans la discussion. Depuis trois ans, je m’efforce de faire supprimer cette taxe dont le rendement est faible, tandis que les contraintes induites pour nos agriculteurs sont importantes. On ne cesse de m’opposer de prétendues bonnes raisons.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement CD199 de M. François-Michel Lambert.

M. François-Michel Lambert. Certes, nous ne sommes pas là pour parler de taxation. Néanmoins, madame la présidente, lorsque vous étiez au Gouvernement, n’avez-vous pas travaillé sur la taxation de l’huile de palme ? Il se trouve que, malgré son impact social et environnemental, elle est frappée d’une moindre taxation que les huiles alimentaires françaises ! Et je ne veux même pas parler de l’impact de cette production sur la santé : comment peut-elle bénéficier d’un régime de taxation comparativement favorable ?

Aussi ai-je repris, en déposant cet amendement, un amendement qui s’était perdu au cours de la dernière lecture du projet de loi relatif à la biodiversité. Son adoption serait hautement symbolique et adresserait un message, tant sur l’iniquité fiscale que sur les conséquences de la production de cette huile sur la planète. Comment se plaindre de l’effondrement de la biodiversité sans agir lorsque nous sommes en mesure de le faire ?

M. Stéphane Travert, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Je ne mésestime certes pas, monsieur le député, ce que vous souhaitez faire avec votre amendement. L’idée a été maintes fois débattue dans cette assemblée. Mais la proposition que vous nous soumettez n’a que peu de rapport avec l’objet du projet de loi. Il s’agit d’un cavalier législatif, puisque la création d’une taxe relève du projet de loi de finances. Profitez donc du prochain débat budgétaire ! Au demeurant, ce sujet fait partie de ceux que je peux évoquer avec mes collègues, afin qu’il soit traité dans le cadre du prochain projet de loi de finances.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis. Je partage ces vues. À défaut de retrait, j’émettrai un avis défavorable. Espérons l’adoption d’une telle disposition dans le projet de loi de finances pour 2019.

Mme la présidente Barbara Pompili. Comme secrétaire d’État à la biodiversité, j’ai été très concernée par ce sujet, sur lequel j’ai travaillé. Au premier abord, j’étais favorable à une proposition comme la vôtre – j’y retrouve à vrai dire mes propres mots. La question de la déforestation, notamment celle dite importée, est en effet fondamentale. Il y va de notre survie à tous, car la perte de la biodiversité est due en grande partie à la déforestation. D’ores et déjà, les grands singes, notamment les orangs-outans d’Indonésie et de Malaisie, sont en danger.

Toutefois, la taxation que vous proposez ne s’attaque qu’à l’huile de palme importée utilisée dans le secteur alimentaire, alors que les trois quarts de cette huile importée sont utilisés dans le secteur des biocarburants.

Le rapport de M. Hammadi et Mme Louwagie, quant à lui, avait remis en cause la taxation des huiles alimentaires, qui, outre le fait qu’elle ne rapporte rien, instaure une inégalité entre les différentes huiles. Il convient de travailler à sa suppression.

En tout état de cause, le vrai moyen d’arriver à importer de l’huile de palme non issue de la déforestation est de travailler avec nos partenaires européens à une certification digne de ce nom. La certification RSPO II, acronyme de Round table for Sustainable Palm Oil, n’est certes pas parfaite, mais labellise de manière de plus en plus convaincante l’huile de palme durable, en faveur de laquelle j’ai lancé une stratégie lorsque j’étais secrétaire d’État. Avec sept autres pays européens, nous avons signé les deux déclarations d’Amsterdam, en vue d’une importation de 100 % d’huile de palme durable dès 2020.

Sur le fond, je suis donc d’accord avec l’amendement, mais le moyen proposé ne répond pas à nos objectifs communs.

M. François-Michel Lambert. Je maintiens l’amendement, car son adoption remettrait la question au cœur du débat. Les oléiculteurs de ma région, la Provence, dénoncent la situation, même si l’huile de palme ne se substitue pas à l’huile d’olive de Provence... Il est d’ailleurs rare que des produits alimentaires de qualité contiennent de l’huile de palme ajoutée, qui constitue le plus souvent un adjuvant à des produits de « malbouffe » ou à l’impact sanitaire reconnu comme nocif.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement CD194 de M. François-Michel Lambert.

M. François-Michel Lambert. Cet amendement propose la suppression d’une taxe particulière sur les farines, dont plus personne ne sait pourquoi elle existe.

M. Stéphane Travert, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Pour les mêmes raisons que tout à l’heure, j’émets un avis défavorable.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis. Même avis.

M. Gérard Menuel. Cette taxe s’applique à toutes les farines, sans faire d’exception pour les farines écologiques respectueuses de l’environnement, alors que nous devrions privilégier les produits de qualité. Ce point me semble à envisager dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement CD203 de M. François-Michel Lambert.

M. François-Michel Lambert. Notre système agro-alimentaire produit beaucoup d’aliments transformés, éloignés de l’alimentation humaine traditionnelle. À travers cette recomposition permanente de la matière, ce sont des produits parfois très chargés en sel et en sucre, mais aussi en adjuvants, qui sont proposés, induisant une consommation au-delà du raisonnable. Les études mettent pourtant de plus en plus en évidence l’impact sanitaire désastreux de ce phénomène, qui prend les proportions d’une épidémie.

Par mon amendement, j’entends définir les aliments ultra-transformés et les taxer de manière ciblée. Vous me direz, monsieur le ministre, qu’il faut examiner la question au cours de l’examen du projet de loi de finances. Je vous invite plutôt à ne pas passer maintenant à côté de cette question.

Nos collègues du groupe La France Insoumise ont d’ailleurs proposé la création d’une commission d’enquête sur l’alimentation industrielle et sur ses conséquences. Montrons que la France pose la question de cette dérive de l’offre alimentaire.

M. Stéphane Travert, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. La notion d’aliment ultra-transformé n’est pas définie aujourd’hui. L’assiette ne saurait donc être correctement établie pour le prélèvement que vous souhaitez introduire. Enfin, il s’agit d’un cavalier législatif.

À défaut de retrait, j’émettrai donc un avis défavorable.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis. Même avis. Il faudra engager cependant une réflexion plus globale sur ce sujet à l’occasion du projet de loi de finances pour 2019.

Mme Zivka Park. Je soutiens l’amendement de notre collègue, et suis prête, comme sans doute beaucoup de membres de mon groupe, à le défendre lorsqu’il sera examiné dans ce cadre.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement CD196 de M. François-Michel Lambert.

M. François-Michel Lambert. Mon amendement s’inscrit dans la continuité du rapport de Mme Louwagie et M. Hammadi, qui proposait de supprimer la taxe sur les céréales.

M. Stéphane Travert, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. À défaut de retrait, j’émettrai un avis défavorable.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis. Même avis.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement CD198 de M. François-Michel Lambert.

M. François-Michel Lambert. Il s’agit encore d’une taxe, une de plus !

M. Stéphane Travert, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Même avis que précédemment.

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure pour avis, la commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement CD197 de M. François-Michel Lambert.

M. François-Michel Lambert. C’est la dernière taxe que j’aie repérée…

M. Stéphane Travert, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Je vous propose de retravailler ces amendements, avant que nous ne nous retrouvions à l’automne pour les examiner.

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure pour avis, la commission rejette l’amendement.

Article additionnel après l’article 11
(articles L.1 et L.111-2 du code rural et de la pêche maritime)
Objectif de 15 % de surface agricole utile affectée à la production biologique

La commission examine les amendements identiques CD302 de la rapporteure pour avis et CD264 de Mme Sandrine Le Feur.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis. Le présent amendement vise à fixer, parmi les objectifs prioritaires de la politique en faveur de l’agriculture et de l’alimentation et de la politique d’aménagement rural, la réalisation de l’objectif de 15 % de surface agricole utile (SAU) affectée aux modes de production biologiques, tel qu’il a été annoncé dans le cadre du prochain plan Ambition bio.

Il est en effet important, voire urgent, d’inscrire dans le code rural cet objectif essentiel des politiques en faveur de l’agriculture et de l’alimentation, ainsi que d’aménagement et de développement durable de l’espace rural.

Mme Célia de Lavergne. Notre amendement porte un message politique fort. Il semble essentiel au groupe La République en Marche. Par cohérence avec l’article 11, qui a étendu au secteur privé les dispositions relatives à la restauration publique, il est important d’inscrire dans la loi un objectif clair et chiffré sur la part de SAU affectée aux modes de production biologiques.

J’y vois trois raisons essentielles. D’abord, nous devons répondre à l’attente très forte et très claire des consommateurs en ce domaine. Ensuite, la production biologique, qui crée de la valeur ajoutée et des emplois tout en préservant les écosystèmes et en rémunérant nos agriculteurs, est la clé de la transition agricole. Enfin, cet objectif est accessible. Il a déjà été atteint ailleurs : 20 % en Autriche, 17 % en Suède, 15 % en Estonie. Le Président de la République s’est engagé en ce sens dans un discours tenu le 18 février 2018 devant les jeunes agriculteurs. Pour fixer, au 31 décembre 2022, l’objectif de 15 % de surface agricole utile affectée aux modes de production biologiques, il s’agit seulement de modifier deux articles du code rural : l’article L. 1 et l’article L. 111-2.

M. Stéphane Travert, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Avis favorable.

Mme Delphine Batho. Cela part certes d’une bonne intention, mais permettez-moi une mise en garde. Fixer des objectifs dans la loi, nous l’avons déjà fait en matière de produits phytosanitaires et de nucléaire, avec le succès que l’on sait… Concentrons-nous plutôt sur les moyens de les atteindre ! Depuis le Grenelle de l’environnement, nous savons en effet que ces méthodes ont échoué.

M. Jean-Pierre Vigier. À titre personnel, je suis tout à fait d’accord avec notre collègue Mme Delphine Batho. Donnons-nous plutôt les moyens de respecter les objectifs auxquels nous aspirons.

La commission adopte les amendements.

Article additionnel après l’article 11
(article L. 1 du code rural et de la pêche maritime)
Objectif d’une culture générale de l’alimentation

La commission examine ensuite l’amendement CD250 de Mme Sandrine Le Feur.

M. Vincent Thiébaut. Cet amendement vise à introduire dans le code rural l’obligation d’une éducation à l’alimentation. Aujourd’hui, l’avenir est entre les mains des jeunes. Un changement de modèle ne peut passer seulement par la loi ; il faut aussi des changements d’habitude. Cet amendement est donc primordial.

M. Stéphane Travert, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. L’introduction d’une référence à l’éducation et à la sensibilisation des jeunes publics aux enjeux alimentaires me paraît très opportune. Elle est d’ailleurs issue des travaux des États généraux de l’alimentation. Formons nos futurs consommateurs aux enjeux de l’agriculture et des bonnes pratiques alimentaires. J’y suis tout à fait favorable.

M. Guillaume Garot. L’éducation à l’alimentation est déjà prévue par la loi du 13 octobre 2014, qui avait jeté les bases en ce domaine. Sans doute serait-il intéressant de poser la question des moyens, en codifiant la solution dans le code de l’éducation.

Sur ce sujet, nous sommes en effet tous d’accord, comme l’est aussi le ministre, mais nos partenaires de l’Éducation nationale ne sont pas toujours au rendez-vous de nos attentes. C’est pourquoi le groupe Nouvelle Gauche présentera, un peu plus loin, un amendement introduisant une telle disposition dans le code de l’éducation, et pas seulement dans le code rural.

Suivant l’avis favorable de la rapporteure pour avis, la commission adopte l’amendement.

Article additionnel après l’article 11
(article L. 1 du code rural et de la pêche maritime)
Promotion d’une exception agri-culturelle dans les relations internationales

La commission examine l’amendement CD457 de M. Guillaume Garot.

M. Guillaume Garot. Notre conviction est que l’alimentation n’est pas une marchandise comme les autres.

Pour tout être humain, le droit à une alimentation suffisante, sûre et saine doit être garanti. L’échange commercial qui se produit autour de l’alimentation n’est donc pas un échange économique comme les autres. Il faut ici appliquer le même principe que pour l’exception culturelle, en fondant une exception « agri-culturelle ». Seul ce nouveau regard permettra la naissance de nouveau paradigme que le Président de la République a appelé de ses vœux dans son discours à Rungis.

M. Stéphane Travert, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Une telle exception valoriserait l’image de notre pays, qui est aussi liée à sa gastronomie. Mais sa création relève de la compétence exclusive de l’Union européenne en matière de politique commerciale extérieure. L’adoption de votre amendement enverrait néanmoins un message. Avis favorable, donc.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis. Même avis.

M. François-Michel Lambert. Je voudrais vous remercier publiquement, monsieur le ministre, de m’avoir laisser co-présider l’atelier « alimentation et proximité » des États généraux de l’alimentation, atelier dont le présent amendement est justement issu, ainsi que de soutenir cet amendement, dont j’espère qu’il fera l’unanimité.

M. Matthieu Orphelin. Il s’agit d’un sujet important : tant mieux si nos positions convergent ! L’amendement serait à mettre en œuvre dans le cadre du plan d’action « post-CETA » du Gouvernement. Le sujet mériterait également d’être mis à l’ordre du jour du prochain comité d’échange sur le commerce international coprésidé par les secrétaires d’État M. Jean-Baptiste Lemoyne et Mme Brune Poirson.

La commission adopte l’amendement.

Article additionnel après l’article 11
(article L. 1 du code rural et de la pêche maritime)
Intégration de la lutte contre le changement climatique dans la politique de l’agriculture et de l’alimentation

La commission examine l’amendement CD456 de M. Guillaume Garot.

M. Guillaume Garot. Il s’agit d’élargir les critères pris en compte dans le Programme national pour l’alimentation (PNA). Grâce aux crédits dispensés par le ministère de l’agriculture, le PNA promeut aujourd’hui des actions et des innovations sur le terrain, en suivant quatre axes. Par cohérence, nous proposons que les critères nutritionnels et environnementaux soient pris en compte de manière transversale dans les actions.

M. Stéphane Travert, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Cette préoccupation légitime est en cohérence avec les engagements pris dans le cadre de l’accord sur le climat. La démarche contribue à nos efforts en faveur du développement durable. Je suis favorable à cet amendement.

Suivant l’avis favorable de la rapporteure pour avis, la commission adopte l’amendement.

Article additionnel après l’article 11
(article L. 1 du code rural et de la pêche maritime)
Financements du programme national pour l’alimentation

La commission examine, en discussion commune, les amendements CD461 de M. Guillaume Garot et CD128 de M. Vincent Descoeur.

M. Guillaume Garot. Mon amendement fait suite à notre discussion d’hier sur le passage, dans la restauration collective, aux produits issus de l’agriculture biologique. Ne sera-t-il pas plus simple à mettre en œuvre pour les collectivités qui ont de l’argent ? Et comment les autres feront-elles ? Il faut, à notre sens, aider les collectivités situées en zone de revitalisation rurale (ZRR) ou en réseau d’éducation prioritaire (REP) pour favoriser l’accès de tous les enfants à une alimentation de qualité.

M. Vincent Descoeur. Nous encourageons la montée en qualité dans la restauration collective. À cet égard, le PNA doit se donner les moyens d’atteindre ses objectifs.

M. Stéphane Travert, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Non seulement ces amendements sont des cavaliers législatifs, mais ils induisent des charges nouvelles. Je m’étonne qu’ils aient passé la barrière de l’article 40 de la Constitution et n’aient pas été déclarés irrecevables.

Mme la présidente Barbara Pompili. Nous n’avons pas eu de retour négatif de la part du président de la commission des finances sur l’amendement CD128.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis. Je partage l’idée d’aider les populations les plus fragiles, mais je suis très gênée par la rupture d’égalité que l’adoption de cet amendement créerait entre certaines zones et les autres. Il me semble que ces amendements méritent d’être retravaillés, notamment quant à leur financement. En l’état, ils me semblent exclure une large partie des territoires, alors qu’il devrait s’agir d’inclure.

M. Jean-Pierre Vigier. Je soutiens, quant à moi, cet amendement, qui nous permettra d’envoyer un message politique fort de soutien aux territoires ruraux, notamment aux ZRR visées par les auteurs de l’amendement.

M. Lionel Causse. J’apporte moi aussi mon appui à ces deux amendements. Quand il s’agit d’accompagner des collectivités territoriales, je suis toujours très intéressé. Au demeurant, le secteur périscolaire peut aussi être le lieu d’une éducation à l’alimentation.

M. Matthieu Orphelin. Il s’agit d’un sujet important, qui mérite d’être retravaillé. Comme nous nous en sommes aperçus au cours des auditions, les grandes collectivités ont des moyens en ce domaine.

Pourquoi ne pas confier à l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME) l’organisation d’un concours sur le sujet ? C’est ce qu’elle avait fait en vue de l’interdiction des sacs plastiques, en finançant les premiers projets réalisés par les collectivités, ainsi qu’en soutenant les mille premières cantines mettant fin au gaspillage alimentaire.

M. Vincent Descoeur. Madame la rapporteure pour avis, je ne verrais aucun inconvénient à ce que le dispositif soit élargi à davantage de collectivités. Notre critère doit être cependant celui des moyens dont disposent les collectivités, dont les achats sont aujourd’hui guidés par des considérations principalement économiques. Si la « malbouffe » se développe, c’est aussi parce que les produits de deuxième catégorie sont moins chers.

M. François-Michel Lambert. Au lendemain de la démission du maire de Sevran, je soutiens à mon tour cet amendement. Nous devons entendre les cris d’inquiétude qui montent des territoires. M. Stéphane Gatignon a du reste reçu un large soutien, dépassant les clivages partisans.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis. Je partage les objectifs poursuivis, mais nous devons veiller à ne pas exclure qui que ce soit. Il faudra revoir la rédaction de ces amendements.

La commission adopte l’amendement CD461.

En conséquence, l’amendement CD128 tombe.

Après l’article 11

La commission est saisie des amendements identiques CD298 de la rapporteure pour avis et CD244 de Mme Sandrine Le Feur.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis. L’amendement CD298 a pour objet de confier au Conseil national de l’alimentation (CNA) l’organisation d’une concertation sur l’amélioration de la qualité nutritionnelle des repas servis dans le cadre de la restauration collective.

Mme Zivka Park. L’amendement CD244 est identique à celui de notre rapporteure pour avis, dont je tiens à saluer l’excellent travail. La restauration collective publique doit permettre à chacun et à chacune d’avoir accès à une alimentation saine, durable et sûre. La restauration scolaire doit être exemplaire à cet égard, car elle a vocation à former les habitudes alimentaires des jeunes et à servir de modèle pour l’alimentation des Français en général. Or, les menus des établissements scolaires sont actuellement régis par un décret qui date de 2011 ; il est donc temps de le modifier. Cet amendement vise ainsi à confier au Conseil national de l’alimentation le soin d’organiser une concertation sur l’amélioration de la qualité nutritionnelle des repas servis dans le cadre de la restauration collective et d’élaborer des recommandations qu’il publiera en 2020, puis tous les cinq ans.

M. Stéphane Travert, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Ces amendements visent à étendre les compétences du Conseil national de l’alimentation pour lui confier la mission d’établir des recommandations en matière d’achat dans la restauration collective. Cette proposition, j’ai eu l’occasion de le dire hier, n’est pas opportune, car le CNA ne dispose pas de l’expertise et de l’organisation nécessaires pour remplir une telle mission ; c’est un conseil consultatif, que nous allons, du reste, renforcer dans le cadre de la feuille de route des États généraux de l’alimentation. En revanche, l’Observatoire de l’alimentation a d’ores et déjà pour mission d’analyser les données nutritionnelles ; il fera l’objet d’un amendement du Gouvernement que nous examinerons ultérieurement. Enfin, il est prévu de créer un Conseil national de la restauration collective qui pourra, quant à lui, être doté de compétences proches de celles que vous souhaitez confier au CNA. Compte tenu de ces éléments, je vous invite à retirer ces amendements ; à défaut, j’émettrais un avis défavorable.

L’amendement CD298 est retiré.

Mme Zivka Park. Je retire l’amendement, si cela est bien mis en place.

M. Stéphane Travert, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Lorsque je dis que je vais faire une chose, je la fais, madame la députée.

Mme Zivka Park. Je vous crois, monsieur le ministre : je ne mets pas en doute votre parole.

L’amendement CD244 est retiré.

Article additionnel après l’article 11
(article L. 111-2-2 du code rural et de la pêche maritime)
Rôle de chef de file pour les régions volontaires en matière de projets alimentaires territoriaux

La commission examine ensuite les amendements identiques CD299 de la rapporteure pour avis et CD273 de Mme Sandrine Le Feur.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis. L’amendement CD299 vise à confier, à titre expérimental, aux régions qui le souhaitent, un rôle de chef de file dans la définition des projets alimentaires territoriaux (PAT) réalisés avec l’ensemble des acteurs concernés d’un territoire. L’objectif de ces projets, je le rappelle, est de structurer l’économie agricole et le système alimentaire au niveau territorial.

Il est apparu, à l’issue de nos auditions, que les objectifs ambitieux définis à l’article 11 ne pourraient pas être atteints sans une animation territoriale forte et l’appui des collectivités territoriales déjà impliquées dans ces démarches. Il nous a semblé que la région pouvait être l’échelon pertinent – il s’agissait, en tout cas, d’une demande exprimée par les collectivités territoriales. L’expérimentation, menée sur la base du volontariat, s’étendrait sur une période de trois ans au terme de laquelle un bilan serait réalisé afin de valoriser les bonnes pratiques.

M. Stéphane Travert, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. La proposition de confier l’animation et le développement des projets alimentaires territoriaux (PAT) aux conseils régionaux a été discutée pendant les États généraux de l’alimentation, notamment dans l’atelier 2. Mais elle n’a pas fait l’objet d’un consensus, précisément parce qu’il a paru important de laisser les différents acteurs qui le souhaitent faire émerger des PAT. En effet, ceux-ci ne sont pas uniquement élaborés par des conseils régionaux. Ainsi, nous avons récompensé, lors du dernier salon de l’agriculture, le magnifique projet alimentaire de territoire de la Mayenne ainsi que celui du Bas-Rhin. Au demeurant, je souscris au constat selon lequel cette approche doit rester centrée sur les diagnostics établis et partagés à l’échelle locale. Les régions ont, certes, un rôle éminent à jouer dans l’émergence des PAT, mais ceux‑ci ne doivent pas être encadrés par les conseils régionaux : ce serait, à mon sens, contre‑productif. C’est pourquoi je vous demande de retirer ces amendements ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.

M. Jean-Yves Bony. J’irai dans le même sens que le ministre. Les amendements auraient dû inclure au moins les départements, car certains d’entre eux ont, dans ce domaine, des actions fortes – je pense notamment au réseau Agrilocal – et fidèles à l’esprit de la loi : promotion des circuits courts, de l’agriculture locale, de la transparence… On ne peut pas laisser les départements sur la touche.

M. Jimmy Pahun. Dans un premier temps, l’idée m’a semblé bonne, car j’avais en tête l’exemple de la Bretagne, dont le projet est un beau succès. Mais mon ami M. Bruno Millienne, qui m’a dit que celui de l’Ile-de-France était également un beau succès, estime comme vous, monsieur le ministre, qu’il faut ouvrir le dispositif à d’autres collectivités que les régions.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis. Il ne s’agit pas du tout d’une démarche obligatoire. Dans les expériences qu’on nous a relatées, les régions animent le projet avec les départements et toutes les collectivités qui veulent bien y participer. Cependant, les responsables des PAT ont exprimé le besoin d’une coordination au niveau régional. Notre objectif n’est pas de réserver les PAT à une région. Du reste, celles qui ont lancé un tel projet – je pense à la région Grand-Est ou à la Bretagne, avec Breizh Alim – accompagnent, forment et financent les collectivités qui s’engagent dans cette démarche, et leur apportent une véritable ingénierie en matière d’achat public. Laissons donc celles qui le souhaitent mener cette expérimentation et accordons-leur une reconnaissance. Encore une fois, il s’agit d’une expérimentation, et notre objectif n’est aucunement d’escamoter les départements, les intercommunalités, voire les métropoles qui s’engagent dans des PAT.

La commission adopte les amendements.

Article additionnel après l’article 11
(article L. 201-7 du code rural et de la pêche maritime)
Communication des résultats des contrôles sanitaires

La commission est saisie de l’amendement CD541 de la rapporteure pour avis.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis. Cet amendement tend à accroître nettement les obligations auxquelles sont soumis les propriétaires et détenteurs de denrées alimentaires ou d’aliments pour animaux, en leur imposant de communiquer immédiatement à l’autorité administrative les résultats des contrôles révélant un danger sanitaire, que celui-ci concerne ces denrées ou aliments ou l’environnement dans lequel ils se trouvent.

M. Stéphane Travert, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. En tant que ministre de l’alimentation, je me dois de rappeler que, dans une chaîne dont tous les maillons sont interdépendants, du producteur au distributeur en passant par le transformateur, il incombe à chacun d’entre eux de s’assurer que les produits qu’il met sur le marché sont sains. L’État, quant à lui, exerce une mission de contrôle : il s’assure de la mise en œuvre de systèmes efficients de maîtrise des risques. La responsabilité ne doit pas lui être transférée : chaque acteur doit rester maître de la qualité sanitaire de ses produits.

L’amendement de votre rapporteure pour avis vise à renforcer l’obligation qu’ont les entreprises de transmettre tout résultat d’analyse sur les produits encore sous leur responsabilité dans leur environnement de travail, et j’y suis favorable. Je défendrai ultérieurement, pour ma part, des amendements tendant à renforcer les plateformes d’épidémio-surveillance de la santé animale et végétale et des denrées alimentaires, dans la droite ligne des conventions que nous avons signées au salon de l’agriculture. Il s’agit de procéder à une surveillance rigoureuse des produits et des procédés de fabrication et d’assurer une réactivité et une transparence totale.

La commission adopte l’amendement.

Après l’article 11

La commission examine l’amendement CD463 de M. Guillaume Garot.

M. Guillaume Garot. Mes chers collègues, vous n’aurez pas de mal à soutenir cet amendement, puisqu’il a le même objet que celui qui vient d’être adopté. Jusqu’à présent, la réglementation oblige les entreprises à transmettre ceux de leurs autocontrôles qui sont positifs lorsqu’ils portent sur les produits. Or, à la lumière des crises récentes, que chacun a en mémoire, il nous a paru nécessaire d’étendre, par un amendement à la rédaction très consolidée, cette obligation de transmission aux autocontrôles positifs portant sur l’environnement des produits.

M. Stéphane Travert, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. L’amendement CD541 de la rapporteure pour avis porte notamment sur l’environnement du produit soumis au contrôle. Le vôtre, monsieur le député, va beaucoup plus loin. La transmission de l’ensemble des résultats positifs aux services de l’État aurait pour conséquences un désengagement des professionnels et un engorgement de ces services qui réduirait, de fait, leurs capacités d’action. Je vous propose donc de retirer votre amendement, sachant qu’un amendement gouvernemental reprendra, en l’ajustant afin de le rendre le plus efficace possible sans déresponsabiliser les professionnels ni surcharger inutilement les corps chargés d’effectuer ces contrôles, le principe de la transmission des résultats d’autocontrôle positifs.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis. Pour les mêmes raisons, sachant que mon amendement se concentre sur l’environnement, je vous demande, monsieur Garot, de bien vouloir retirer votre amendement.

M. Guillaume Garot. J’accepte de le retirer, mais au profit – je le précise, car M. le ministre a évoqué un amendement du Gouvernement – de l’amendement de la rapporteure pour avis que nous venons d’adopter car il a le même objet que le mien.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis. C’est bien cela.

L’amendement est retiré.

La commission est saisie de l’amendement CD453 de M. Guillaume Garot.

M. Guillaume Garot. Cet amendement a trait, lui aussi, à la question des contrôles, qui préoccupe beaucoup nos concitoyens. Je veux insister, ici, sur la responsabilité des laboratoires d’analyses départementaux. Ceux-ci ont été confiés aux conseils généraux par une loi du début des années 1990. Une convention a donc été signée entre chaque préfet et chaque conseil général afin de définir les conditions d’exécution de cette mission de service public. La situation est ensuite devenue, au fil des années, très différente d’un département à l’autre : cette compétence étant exercée de façon facultative, certains conseils départementaux ont envisagé la fermeture de leur laboratoire, d’autres ont confié cette mission à des structures privées. Ainsi, le lien qui rattache le laboratoire départemental à la collectivité départementale peut être très lâche. Il vous est donc proposé, par cet amendement, de définir de façon précise la notion de laboratoire départemental d’analyses, afin que cette mission de service public soit assurée sous le contrôle effectif de la collectivité territoriale, qui est pleinement responsable de son laboratoire. Il s’agit d’un amendement de remise en ordre.

M. Stéphane Travert, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Sur le fond, les critères définis dans cet amendement sont trop restrictifs et ne rendent pas compte de la diversité du réseau actuel, tant du point de vue des missions exercées par les laboratoires que du point de vue de la nature juridique de ces derniers. Sur la forme, il s’agit d’un cavalier législatif. J’émets donc un avis défavorable.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis. Je suggère à M. Garot de retirer son amendement ; à défaut, j’y serai défavorable. Il nous semble en effet que les dispositions proposées sont de nature réglementaire. En outre, un recours des laboratoires privés est pendant devant la Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE) et un rapport des services est en cours pour faire évoluer leur statut. Cet amendement me paraît donc prématuré.

M. Guillaume Garot. Je le maintiens.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement CD464 de M. Guillaume Garot.

M. Guillaume Garot. Il s’agit, en l’espèce, du contrôle des autocontrôles. La responsabilité incombe aux entreprises de réaliser et de transmettre, dans les conditions que nous connaissons, les résultats des autocontrôles qui portent sur leurs produits. Mais, on l’a bien compris à la lumière des crises récentes, ces autocontrôles doivent faire l’objet d’un contrôle. C’est pourquoi, nous proposons par cet amendement de permettre aux autorités compétentes d’accéder aux résultats des autocontrôles et de préciser les conditions dans lesquelles ces derniers, qu’ils soient effectués par les opérateurs ou par un tiers à leur demande, peuvent faire l’objet de contrôles officiels.

M. Stéphane Travert, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Tous les résultats d’autocontrôles effectués sur des produits mis à la consommation doivent d’ores et déjà être transmis par les professionnels aux services de l’État à leur demande. Par ailleurs, lors des contrôles officiels, les professionnels de l’agroalimentaire doivent présenter l’ensemble des documents d’autocontrôle. J’ajoute que nous proposerons un amendement visant à renforcer cette disposition dès lors qu’il y a un risque pour la santé publique, puisqu’il importe de cibler les envois aux services de contrôle. S’agissant des laboratoires d’analyse, une disposition existante impose la transmission des résultats dans certains cas définis par les textes ; le Gouvernement vous proposera d’étendre cette transmission sans restriction dès lors que les autorités demandent ces résultats. Aussi, je vous invite, monsieur Garot, à retirer votre amendement.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis. Je suggère également à M. Garot de retirer son amendement.

M. Guillaume Garot. J’accepte de le retirer si l’on s’engage à préciser les modalités du contrôle des autocontrôles, car il faut rassurer nos concitoyens quant à la capacité régalienne de l’État à exercer le contrôle qui est attendu de lui.

M. Stéphane Travert, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Ce sera fait. Du reste, nous avions annoncé cette mesure après l’affaire du lait contaminé à la salmonelle.

L’amendement est retiré.

La commission est saisie de l’amendement CD204 de M. François-Michel Lambert.

M. François-Michel Lambert. Cet amendement, issu des travaux des États généraux de l’alimentation, notamment de l’atelier 2, que j’ai eu l’honneur de coprésider avec Mme Johanna Rolland, maire de Nantes, vise à permettre aux consommateurs qui le souhaitent de connaître l’exacte origine des produits bruts composant les produits alimentaires qu’ils achètent.

M. Stéphane Travert, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. L’amélioration de l’étiquetage, notamment celui des produits animaux, correspond à une véritable attente des consommateurs qui souhaitent être informés des modes de production et de l’origine des produits, ainsi que du respect de l’environnement et du bien-être animal. Il est cependant difficile d’assurer la lisibilité d’un étiquetage comportant ces multiples éléments. Une expérimentation, décidée par mon prédécesseur M. Stéphane Le Foll, est en cours sur l’étiquetage de l’origine de l’ingrédient lait dans les produits laitiers et de l’ingrédient viande dans les produits alimentaires. Cette expérimentation se poursuit et fera l’objet d’une évaluation à la fin de l’année, comme la France s’y était engagée vis-à-vis de la Commission européenne. Avant de prendre toute nouvelle disposition en la matière, je souhaite que l’on puisse tirer tous les enseignements de cette expérimentation. Il faut notamment que nous veillions à la lisibilité des informations et que nous évaluions correctement le risque de distorsion de concurrence, sachant que ces étiquetages, décidés au niveau national, ne peuvent s’appliquer qu’aux produits français.

Je suis sensible, je l’ai dit, à cette question ; je souhaite que l’on définisse une trajectoire et que l’on avance pas à pas vers un étiquetage transparent et lisible par les consommateurs. Mais cet amendement me paraît prématuré. J’ajoute que la France défend cette expérimentation à l’échelle de l’Union européenne. Toutefois, j’ai pu constater que d’autres États membres n’étaient pas sur la même ligne que nous. Nous cherchons donc à rallier d’autres pays favorables à un étiquetage plus précis – je pense à la Slovénie ou à la Finlande, par exemple. Attendons que l’expérimentation arrive à son terme et soit évaluée. Ensuite, nous pourrons avancer. Pour ces différentes raisons, je vous suggère, monsieur Lambert, de retirer votre amendement ; à défaut, j’y serai défavorable.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis. Nous souhaitons qu’un véritable travail soit accompli sur le sujet, mais nous sommes dans un cadre européen et nous ne pouvons pas agir seuls. Une démarche est en cours à l’échelle de l’Union. Par ailleurs, le règlement européen concernant l’information du consommateur sur les denrées alimentaires, dit « INCO », autorise les étiquetages volontaires sous certaines conditions. Je vous suggère donc de retirer votre amendement, monsieur Lambert.

M. François-Michel Lambert. Monsieur le ministre, je sais combien vous êtes sensible à cette question. Je me fais ici l’écho des conclusions de l’atelier des États généraux de l’alimentation que je présidais. Je précise que l’étiquetage peut ne pas figurer sur l’emballage : il suffit de donner au consommateur la possibilité d’accéder à des informations déportées sur un site internet, par exemple. Mais j’entends vos arguments concernant l’expérimentation en cours et les enjeux européens. Il faudra néanmoins être très clair vis-à-vis des citoyens et des associations qui attendent une avancée dans ce domaine et leur démontrer que nous suivons une trajectoire positive en la matière. Bien entendu, je retire cet amendement, mais je voulais prendre le temps de rappeler combien l’attente de nos concitoyens est forte.

M. Stéphane Travert, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Je tiens à préciser que l’étiquetage dématérialisé est d’ores et déjà pratiqué pour la viticulture et la pêche. Il suffit, par exemple, de flasher, à l’aide de son smartphone, le code affiché sur l’étal d’une poissonnerie pour connaître les conditions dans lesquelles un poisson a été pêché, le nom du navire et la zone de pêche. Vous le voyez, nous avançons.

L’amendement est retiré.

La commission est saisie de l’amendement CD477 de M. Guillaume Garot.

M. Guillaume Garot. Nous avons évoqué les contrôles. Il faut aussi parler de l’information des consommateurs, en particulier lorsqu’une crise liée à un produit alimentaire survient.

L’expérience des dernières crises a montré que les consommateurs ne recevaient pas toutes les informations qu’ils attendaient. Lors de la plus récente affaire, il y a eu un certain flottement. Par cet amendement, nous proposons que soit créé un site internet unique dédié aux procédures de retrait des denrées alimentaires. Restaurer le lien de confiance entre les Français et leur alimentation passe nécessairement par une information plus claire, plus fiable et plus rapidement disponible.

M. Stéphane Travert, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. L’été dernier, le ministère de l’agriculture a exceptionnellement mis en place un site d’information consacré aux œufs contaminés au fipronil.

À la suite de la récente crise du lait contaminé aux salmonelles, le ministère de l’économie et des finances, en lien avec le ministère de l’agriculture, a engagé dans le cadre du Conseil national de la consommation des réflexions sur l’amélioration des procédures de retrait-rappel et de l’information des consommateurs.

J’aimerais que nous attendions les conclusions de ces travaux, qui devraient intervenir rapidement, avant d’apporter des modifications à la législation. J’émets donc un avis défavorable à cet amendement pour des raisons de forme.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis. Il s’agit d’un amendement intéressant, mais je me range à l’avis du ministre.

M. Guillaume Garot. Je maintiens l’amendement. Cette loi n’aura du sens que si les consommateurs s’y retrouvent. Il faut qu’elle réponde à leurs attentes. Sans doute cette disposition n’est-elle pas parfaite, mais elle a le mérite de montrer aux consommateurs que nous avons compris leurs attentes. Nous pourrons toujours apporter des améliorations plus tard.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine l’amendement CD206 de M. François Michel Lambert.

M. François-Michel Lambert. Il s’agit ? de nouveau, d’un amendement issu des travaux de l’atelier « Alimentation et proximité » des États généraux de l’alimentation. L’un des grands enjeux est la mobilisation des territoires à travers les projets alimentaires territoriaux (PAT), mais la capacité à encourager la rencontre entre l’offre des producteurs et la demande des donneurs d’ordre en est un autre. Pour créer une dynamique volontariste, nous proposons d’accélérer ce processus en favorisant le développement de plateformes numériques de mise en réseau et de partage d’informations sur tout le territoire.

La production agricole est marquée par une différence majeure avec l’industrie manufacturière : elle est sujette à une grande variabilité et ne peut faire l’objet d’une planification. L’échange d’informations en temps réel permettrait de réajuster la demande à l’offre agricole.

M. Stéphane Travert, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. C’est une idée intéressante, issue de l’atelier 2 que vous avez présidé. Elle figure dans la feuille de route des États généraux. Il s’agit toutefois d’une disposition qui n’est pas de niveau législatif.

Il n’est pas forcément pertinent de placer ces plateformes sous la seule responsabilité du ministère de l’agriculture et de l’alimentation. Il lui appartient d’encourager le développement de certains dispositifs et de les homogénéiser, mais nous considérons que leur mise en œuvre relève aussi de la responsabilité des acteurs locaux, qui pourront engager des démarches partenariales.

Pour ces raisons, j’émets un avis défavorable à cet amendement.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis. Il s’agit en effet d’une mesure d’ordre réglementaire. Et l’on peut s’étonner que sa mise en œuvre soit confiée au ministère de l’agriculture. Beaucoup d’initiatives existent déjà, telles que celle menée dans la région Bretagne, qui est souvent pilote en matière de dynamiques territoriales. Je vous demande donc de bien vouloir retirer cet amendement.

M. François-Michel Lambert. Que le ministère « veille » au développement de telles plateformes n’implique pas une responsabilité pleine et entière. Cela dit, j’accepte de retirer mon amendement.

Nous aurons en tant que législateurs à nous assurer à un moment ou à un autre de l’efficacité de l’action du Gouvernement sur ce point. Les plateformes constituent une réponse moderne aux enjeux liés à l’alimentation de proximité.

L’amendement est retiré.

Article additionnel après l’article 11
(article L. 640-1 du code rural et de la pêche maritime)
Élargissement des objectifs des signes de qualité à la promotion de produits n’ayant pas contribué à la déforestation importée

La commission en vient à l’amendement CD240 de Mme Sandrine Le Feur.

M. Jean-Marc Zulesi. L’axe 15 du plan « Climat », présenté par le ministre de la transition écologique et solidaire, a pour objectif de mettre fin à l’importation en France de produits contribuant à la déforestation. La stratégie nationale de lutte contre la déforestation importée (SNDI), en cours d’élaboration, sera soumise à consultation du public en mai prochain et devrait être finalisée à l’été 2018.

Aujourd’hui, force est de constater que de nombreux signes de qualité n’incluent pas la prise en compte des effets des conditions de production sur la déforestation. Le poulet certifié « Label rouge » peut, par exemple, avoir été nourri avec du soja ayant contribué à la déforestation. Or, cette légumineuse est aujourd’hui la deuxième cause de déforestation importée dans le monde, et la première cause de déforestation importée en Europe.

Des certifications et des démarches certifiées par une tierce partie indépendante garantissent l’absence de déforestation pour la culture de certains produits. Pour le soja, par exemple, des démarches de traçabilité totale des approvisionnements, certifiées par une tierce partie indépendante, permettent de remonter jusqu’au producteur initial et de garantir l’absence de déforestation.

Cet amendement vise à ajouter la promotion des produits n’ayant pas contribué à la déforestation importée aux objectifs de la politique conduite dans le domaine de la qualité et de l’origine des produits agricoles, forestiers ou alimentaires, fixés à l’article L. 640-1 du code rural.

M. Stéphane Travert, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Vous avez donné une partie de la réponse dans l’exposé sommaire. Le plan « Climat », lancé à l’été 2017, comprend l’engagement de doter notre pays d’une stratégie nationale de lutte contre la déforestation importée. Cette stratégie étant en cours d’élaboration, je vous invite à retirer votre amendement.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis. Nous n’avons mené aucune audition nous permettant de mesure l’impact d’une telle mesure sur l’ensemble de la filière alimentaire et sur nos importations. Je vous demanderai donc de bien vouloir retirer votre amendement.

M. Loïc Prud’homme. Je me pose vraiment la question de savoir ce que nous faisons ici ce soir, et je ne suis sans doute pas le seul. Pourquoi défendons-nous des amendements si tout est déjà prévu, soit par le Gouvernement, soit par l’Union européenne ? Retirons-les donc et nous serons frais et dispos pour discuter d’autre chose demain.

M. François-Michel Lambert. Cher collègue, je trouve vraiment votre intervention très déplacée. Vous donnez l’impression d’être seul à détenir la science et laissez supposer que l’exécutif n’agit pas. Il serait préférable que vous ayez une attitude constructive.

J’aimerais savoir si l’article L. 640-1 concerne aussi le bois importé pour être utilisé dans les biomasses.

M. Jean-Baptiste Moreau. Je ne me suis pas exprimé jusque-là car je ne fais pas partie de cette commission, mais je ne peux me taire devant un amendement comme celui-ci. Bien sûr, je comprends l’intention qui a présidé à sa rédaction, et la considère comme louable. Mais s’il était adopté, c’est bien simple : il aboutirait à détruire les filières de qualité de la viande bovine.

Je partage vos préoccupations sur l’utilisation du soja génétiquement modifié pour la nourriture des bêtes faisant l’objet d’un label rouge. Ancien président d’un label rouge, je connais les contraintes économiques qui s’imposent. Il faut prendre conscience de la réalité des choses à un moment ou à un autre. L’interdiction des organismes génétiquement modifiés (OGM) dans l’alimentation des animaux dans les filières de qualité doit venir des interprofessions. Ce n’est pas en adoptant une disposition comme celle-ci que nous avancerons. Cela déstabiliserait les filières de qualité et laisserait penser aux consommateurs que les produits qui en sont issus sont de mauvaise qualité. J’appelle votre attention sur l’impact politique d’un tel amendement.

Mme Delphine Batho. Les OGM, la déforestation et le recours au glyphosate relèvent en réalité du même problème. Nous avons proposé tout à l’heure un amendement visant à rendre obligatoire l’étiquetage de la viande et du lait d’animaux nourris à partir d’OGM. L’amendement que nous examinons repose sur un autre dispositif, les signes de qualité, mais il est marqué par la même volonté que des décisions soient prises en ce domaine.

Certaines filières de qualité comportent depuis des années des exigences d’alimentation sans OGM, par exemple le chabichou du Poitou. (Sourires.) Des stratégies se développent dans les territoires pour cultiver du soja made in France – il y a même du soja made in Deux-Sèvres. Si nous voulons permettre à ces filières de conquérir des parts de marché et d’être compétitives, il faudra mettre un frein sur les importations.

Enfin, je précise à M. Jean-Baptiste Moreau que nous avions prévu dans notre amendement un délai raisonnable, de cinq ans, avant l’entrée en vigueur du dispositif que nous proposions.

Mme la présidente Barbara Pompili. Il faut replacer les choses dans une dynamique globale. Le Gouvernement, à juste raison, est en train d’élaborer une stratégie nationale de lutte contre la déforestation importée. Les mesures qu’elle comportera conduiront les filières à retravailler leur approvisionnement. Il n’est pas seulement question du soja OGM, mais du problème général de la déforestation dans le monde et de son impact sur la vie sur terre car, même si ce phénomène a connu une légère baisse, la situation reste très inquiétante.

Quel peut-être notre rôle dans le cadre de ce projet de loi ? La stratégie sera dévoilée, après diverses étapes dont une consultation du public, à la fin du mois de juin ou au début du mois de juillet au plus tôt, alors que la loi aura déjà été adoptée. Cet amendement, comme un autre déposé à un autre article, repose sur la volonté d’inscrire des objectifs dans la loi pour porter la dynamique de la stratégie nationale. Ils permettent de faire correspondre objectifs et moyens, comme vous le souhaitez, madame Batho.

Je ne crois pas du tout qu’un tel amendement soit susceptible de porter préjudice à nos producteurs. Il contribue, au contraire, à mettre en valeur les initiatives destinées à améliorer la qualité des produits.

Notre rôle en tant que parlementaires ne se réduit pas à entériner les démarches de l’exécutif, il consiste aussi à les soutenir en inscrivant certaines dynamiques dans les lois.

Mme Sandrine Le Feur. Il ne me paraît pas possible de mettre en regard l’impact d’une telle mesure sur les filières de qualité si elle était adoptée et l’impact sur l’environnement si elle ne l’était pas. Les coûts ne seraient pas les mêmes. C’est une dimension importante à prendre en considération.

M. Stéphane Travert, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. L’élaboration de la stratégie nationale est en cours. Elle doit être achevée à l’été 2018. Elle permettra de mesurer en quoi certaines productions contribuent à la déforestation. Certains des plans de filière qui nous ont été remis en décembre dernier comportent déjà, outre un volet économique, des engagements en matière environnementale et sociétale ? et il faut faire en sorte d’éviter les doublons. Cela dit, je comprends que cette stratégie fasse débat. Il faudra l’accompagner.

Monsieur Prud’homme, vous êtes aujourd’hui parlementaire et vous voyez bien comment les choses se passent. Le projet de loi est en cours de discussion, mais pendant ce temps-là, le Gouvernement continue de travailler. Les choses avancent dans les autres ministères.

Le ministère de l’agriculture et de l’alimentation dispose, pour la politique alimentaire qu’il met en place, d’une palette d’outils : le présent projet de loi, qui est en cours d’examen ; la concertation sur la fiscalité, qui est d’ores et déjà engagée, tout comme la concertation sur le foncier agricole. Nous essayons d’inscrire ces diverses actions dans une temporalité propre à donner une cohérence d’ensemble, à l’échelle de la législature. Nous ne pouvons pas attendre que des amendements soient adoptés pour mettre en place une stratégie globale. Toujours est-il que vous serez consultés et tenus informés de la suite des discussions qui sont en cours.

M. Bruno Millienne. Je dois dire que je suis partagé. Comme vous, madame la présidente, j’ai envie que la lutte contre la déforestation avance vite. Mais pour la première fois depuis longtemps, nous avons un exécutif qui prend en compte les problèmes des filières agricoles et qui ne travaille pas en opposition avec elles, comme cela a été trop souvent le cas. J’ai donc envie de faire confiance au Gouvernement. Laissons le travailler avec ces filières agricoles. Si cela ne va pas, nous saurons leur rappeler qu’ils n’ont pas rempli leurs missions.

M. Bertrand Pancher. Je partage sans réserve la position de M. Bruno Millienne. Un vrai travail est mené avec les filières agricoles. Nous sommes associés depuis le début aux diverses stratégies en cours d’élaboration et je tiens à remercier le ministre et ses services pour cela. Accordons-leur notre confiance et attendons les résultats.

La commission adopte l’amendement.

Après l’article 11

La commission examine l’amendement CD326 de M. François Ruffin.

M. Loïc Prud’homme. Je tiens à répondre à M. François-Michel Lambert – sans lui tourner le dos, comme il l’a fait en s’adressant à moi – que je n’ai pas à rougir de mon travail parlementaire ni des propositions que notre groupe fait dans le cadre de ce projet de loi.

Cet amendement vise à modifier un article du code rural qui précise les objectifs de la politique conduite dans le domaine de la qualité et de l’origine des produits agricoles, forestiers et alimentaires, et des produits de la mer. Dans sa rédaction actuelle, y figurent le renforcement de l’information des consommateurs, l’accroissement de la qualité des produits, le maintien de l’activité économique et la répartition équitable des fruits de la valorisation des produits. Il nous semble impératif d’y ajouter la promotion des produits issus d’exploitations respectueuses de la biodiversité, du climat et de hauts standards de bien-être animal. N’oublions pas l’intitulé de ce projet de loi : « pour une alimentation saine et durable ».

M. Stéphane Travert, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Vos intentions sont louables, monsieur Prud’homme. Mais à l’heure actuelle, il n’existe pas de standards nationaux permettant de fixer des critères de respect de la biodiversité, du climat ou du bien-être animal pour les exploitations. L’article L. 640-2 fait référence à la mention valorisante « issus d’une exploitation de haute valeur environnementale », qui constitue une certification nationale reconnue. Avis défavorable.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis. Cet amendement est source de difficultés quant aux définitions retenues : je vous demanderai de bien vouloir le retirer.

La commission rejette l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement CD384 de Mme Frédérique Tuffnell.

Mme Frédérique Tuffnell. Cet amendement vise à faire de la haute valeur environnementale (HVE) un signe d’identification de la qualité et l’origine (SIQO) et non plus une simple mention valorisante, qui ne traduit pas le même niveau d’exigence.

Votre ministère a identifié la certification HVE et la certification « bio » comme des leviers complémentaires pour réussir la transition agro-écologique à grande échelle.

Reconnaître la HVE comme un signe de qualité ne revient pas à privilégier un sigle par rapport à un autre, mais à valoriser une démarche exigeante en faveur de l’environnement et de la biodiversité.

« Réduire l’utilisation, les risques et les impacts des produits phytopharmaceutiques répond aujourd’hui à l’impératif que nous partageons tous : celui de la santé publique et du respect de notre environnement », avez-vous déclaré, monsieur le ministre. Or la HVE répond à cet impératif puisque la certification permet d’attester que des éléments concourant à la biodiversité comme les haies, les bandes enherbées, les arbres, les fleurs, les insectes sont très largement présents sur une exploitation, et que la pression des pratiques agricoles sur l’environnement est réduite au minimum.

La haute qualité environnementale mêle deux approches : d’une part, une approche thématique centrée sur le respect de la biodiversité et sur la stratégie phytosanitaire – gestion des fertilisations et de l’irrigation ; d’autre part, une approche globale, reposant sur un critère de pourcentage de surface agricole.

Il y a urgence à remonter la HVE au même niveau que les signes d'identification tels que la certification bio et le label rouge.

M. Stéphane Travert, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. La haute valeur environnementale est déjà inscrite dans le code rural et de la pêche maritime en tant que mention valorisante des produits « issus d’une exploitation de haute valeur environnementale ». Soutenue par des politiques publiques, elle est du ressort d’une instance placée sous l’égide de mon ministère, la Commission nationale de certification environnementale. C’est dans ce cadre qu’est prévue l’amplification du dispositif. Cet amendement ne présente donc pas d’intérêt particulier. Je vous demande donc de le retirer, madame la députée.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis. La HVE occupe déjà une bonne place puisqu’elle fait partie des mentions valorisantes. La rédaction de l’amendement n’est pas suffisante pour en faire un signe officiel d’identification de la qualité et de l’origine. Il faudrait, pour ce faire, modifier d’autres articles du code rural.

M. Dominique Potier. Je vous remercie, madame la présidente, de m’accueillir dans votre commission.

Cet amendement, dont je comprends l’esprit, me paraît reposer sur une fausse bonne idée. En mettant la HVE au même niveau que les SIQO, on ouvrirait une concurrence entre produits qui n’est absolument pas fondée et qui serait déloyale.

La haute qualité environnementale était au cœur des débats menés dans l’atelier 11 des États généraux de l’alimentation. Elle a été conçue pour désigner un processus conduisant à des externalités positives pour l’environnement. Elle désigne une manière de produire et non une exigence liée au produit. Elle se situe donc davantage au niveau de la fourche que de la fourchette. Il faut tout faire pour qu’elle reste une marque attachée aux territoires. En faire un SIQO embrouillerait inutilement les consommateurs.

Nous pourrions, dans la suite de nos débats, approfondir ce sujet et examiner comment la HVE pourrait devenir un instrument de l’agro-écologie.

Mme Sandrine Le Feur. Je partage entièrement la position de notre collègue M. Dominique Potier, car j’ai aussi participé à l’atelier 11 des États généraux de l’alimentation. Les membres du groupe La République en Marche ne voteront pas pour cet amendement s’il est maintenu.

Mme Frédérique Tuffnell. Je maintiens mon amendement.

La commission rejette l’amendement.

Article additionnel après l’article 11
(articles L. 640-2 et L. 641-19-2 [nouveau] du code rural et de la pêche maritime)
Création d’une mention valorisante à intérêt nutritionnel et environnemental

La commission examine, en discussion commune, les amendements CD243 de Mme Sandrine Le Feur, CD427 de Mme Florence Lasserre-David et CD474 de M. Guillaume Garot.

Mme Sandrine Le Feur. L’une des propositions issues des conclusions de l’atelier 9 des États généraux de l’alimentation portait sur le soutien de la transition vers des pratiques agricoles plus saines et plus durables, notamment à travers le choix des variétés, les pratiques d’élevage et d’abattage, la diversification des productions ou encore les techniques de récolte et de conservation.

Cet amendement vise donc à créer une nouvelle mention valorisante pour les démarches collectives d’agriculture présentant un intérêt nutritionnel et environnemental. L’agriculture à vocation nutritionnelle, qui se distingue par des modes de culture et l’alimentation des animaux, est composée de filières dont l’intérêt nutritionnel des aliments bruts est démontré.

Mme Florence Lasserre-David. Mon amendement vise à insérer dans l’article L. 640-2 du code rural un alinéa qui introduit la mention « démarche collective d’agriculture à intérêt nutrition et environnement ». Les ministères de la santé, de l’agriculture et de l’environnement reconnaissent l’intérêt de la démarche. Cet article liste certains modes de valorisation comme les signes d’identification de la qualité et de l’origine et les mentions valorisantes. Par cet amendement, nous inclurions à cette liste la mention valorisante, « démarche collective d’agriculture à intérêt nutritif et environnement ».

M. Guillaume Garot. Si l’on veut valoriser l’agro-écologie pour l’avenir de notre agriculture, si l’on veut améliorer la qualité nutritionnelle de l’offre alimentaire, si l’on veut promouvoir une alimentation favorable à la santé – ce qui correspond à une demande très profonde de notre société, qui ressurgit à chaque crise alimentaire –, alors il faut, dans les mentions valorisantes pour les produits alimentaires, envisager toutes les démarches. Nous proposons donc d’ajouter la mention « démarche collective d’agriculture à intérêt nutrition et environnement » de telle sorte que l’on n’oublie personne et que le ministre, dont le credo est la diversité des modèles agricoles, puisse être comblé.

M. Stéphane Travert, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Il existe déjà une mention légale valorisante qui est relative à la certification environnementale : « issu d’une exploitation de haute valeur environnementale ». Le signe officiel de qualité « agriculture biologique » valorise également une démarche environnementale vertueuse.

Si l’on ajoute une nouvelle mention valorisante de type environnemental, couvrant un périmètre très large, je crains que l’on ne crée de la confusion dans l’esprit des consommateurs. On risque aussi de dévaloriser l’ensemble des démarches connues qui obéissent à des cahiers des charges très stricts et qui incitent les agriculteurs à s’engager dans cette montée en gamme que nous appelons de nos vœux.

Je demande donc le retrait de tous ces amendements.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis. Je suis favorable aux objectifs visés par ces amendements, qui s’inscrivent dans une démarche de progrès que nous souhaitons soutenir. Les conditions d’obtention de cette mention devront être définies dans un décret. Toutefois, je préfère la rédaction de l’amendement de Mme Le Feur. Celui de Mme Lasserre-David est un peu plus contraignant et suppose aussi un accord des deux ministères concernés, ce qui semble difficile à mettre en œuvre.

M. Guillaume Garot. L’amendement que je soutiens promeut des pratiques et des méthodes nouvelles, en particulier dans l’alimentation animale. Une alimentation enrichie en oméga 3 permet de valoriser les protéines végétales produites en Europe et de limiter les importations de soja dont on ne sait pas toujours très bien comment il est produit. C’est bon pour la qualité de l’offre alimentaire et pour l’environnement. Il est regrettable de ne pas permettre à ces démarches – je pense en particulier à Bleu-Blanc-Cœur – d’être valorisées à travers cette mention.

M. Gérard Menuel. Je crois que je n’ai pas compris toute la subtilité des propositions. La mention serait-elle apposée à l’entrée des exploitations ou sur les produits ?

M. Stéphane Travert, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Sur les produits.

M. Gérard Menuel. Dans ce cas, c’est plus compliqué.

M. Arnaud Viala. Ces débats, qui se prolongent en commission du développement durable, alimentent une tension supposée entre le modèle agricole français et l’environnement qui est le bien commun de tous. À mon avis, ils sont dévastateurs pour l’image que nous véhiculons de l’agriculture française. En nous entendant, nos concitoyens ne peuvent qu’être convaincus que l’agriculture française est dangereuse pour l’environnement.

Ce n’est pas du tout le message que doit véhiculer le Parlement. Ce n’est pas du tout ce que je pense à titre personnel. Je me permets de dire aux élus de la majorité que ce n’est pas du tout ce qu’ils ont donné à penser à la « ferme France », lors des États généraux de l’alimentation. Il y a été longuement débattu de l’amélioration des conditions d’exercice des exploitants agricoles et de l’amélioration des conditions économiques de l’agriculture.

Nous débattons des derniers articles d’un texte qui est attendu sur le terrain car il doit permettre aux agriculteurs de mieux vivre de leur production, de travailler dans de meilleures conditions et d’être plus compétitifs, notamment vis-à-vis de leurs concurrents européens. À un moment donné, il va falloir replacer nos débats dans le cadre de l’économie générale du texte pour ne pas en perdre de vue les orientations. Sinon, nous risquons d’aboutir à un résultat inverse de celui que nous souhaitions au départ.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis. Je propose de modifier la rédaction de l’amendement CD243 et d’écrire « démarche collective d’agriculture à intérêt nutritionnel et environnemental ».

M. Stéphane Travert, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Attention à ne pas charger la barque en permanence, au risque de semer la confusion dans l’esprit du consommateur sur ce qu’est un produit de qualité.

Je rejoins les propos de M. Arnaud Viala. Pourquoi le Gouvernement a-t-il choisi de venir débattre dans la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire ? Pour la bonne et simple raison que nous souhaitons faire en sorte que l’on arrête d’opposer l’agriculture à l’environnement. Nous voulons sortir de ces débats stériles qui conduisent une partie de nos concitoyens à penser que l’agriculture est dangereuse pour l’environnement. Nous œuvrons au contraire pour que l’agriculture préserve notre environnement, notre capital collectif, et aussi le droit du citoyen à être en bonne santé et à manger des produits bons, sains et durables.

En venant ici, je veux dire avec vous que nous sommes attachés à la montée en gamme, à la création de valeur, à l’amélioration des conditions de production, au bien-être animal et à l’agriculture biologique. Nous souhaitons faire en sorte que l’agriculture et l’environnement puissent enfin évoluer de concert. Plus les débats avancent, plus je me dis que j’ai bien fait de venir car nous parvenons à réaliser cet exercice. Peut-être que mes prédécesseurs auraient dû aussi faire ce travail. C’est une façon de rapprocher l’agriculture et l’environnement au lieu de les opposer comme par le passé.

Toutefois, je vous alerte sur les risques d’ajouts qui ne font que complexifier le paysage et qui risquent d’induire les consommateurs en erreur au moment où ils doivent faire leur choix. Rappelons le message du Président de la République, au moment de sa campagne électorale et depuis qu’il est en responsabilité : il faut libérer les énergies, simplifier, décadenasser. Faisons-le pour permettre aux acteurs de s’engager dans des démarches innovantes, vertueuses sur le plan environnemental, comprises par tous et de nature à améliorer la situation des exploitations agricoles.

Mme la présidente Barbara Pompili. Madame Le Feur, souhaitez-vous modifier votre amendement dans le sens demandé par Mme la rapporteure pour avis ? Il s’agit de remplacer « démarche collective d’agriculture à intérêt nutrition et environnement » par « démarche collective d’agriculture à intérêt nutritionnel et environnemental ».

Mme Sandrine Le Feur. Oui, je suis d’accord.

Mme la présidente Barbara Pompili. En tant que présidente de cette commission, je tiens à faire une remarque qui s’adresse à tous, et en particulier à ceux qui ne participent habituellement pas à nos débats. Cette commission est composée de députés de tous horizons et de toutes opinions. Nombre d’entre eux ont une grande connaissance du monde rural. Nous travaillons en bonne intelligence depuis très longtemps pour concilier l’agriculture et l’environnement qui sont intimement liés. Le travail est fait en ce sens et j’en suis très satisfaite.

Mme Delphine Batho. Notre débat est complètement surréaliste, étant donné que les amendements en cause ne visent qu’à permettre de reconnaître les démarches positives de certains producteurs. Point à la ligne.

Prenons un exemple. Dans ma circonscription, des éleveurs de caprins ont subi la fermeture d’un outil de transformation, la laiterie de Bougon, qui fabriquait du fromage de chèvre. Nous avons réussi à trouver les moyens, notamment à travers un financement participatif, de créer une coopérative sur un nouveau site de fabrication. Pour se faire reconnaître, les producteurs ont choisi le label Bleu-Blanc-Cœur, qui commence à être identifié par les consommateurs et qui a même reçu le prix My Positive Impact de certaines fondations et organisations non gouvernementales (ONG). Cette démarche est labellisée et récompensée en raison de son empreinte environnementale et nutritionnelle positive. J’ai pris cet exemple mais j’aurais pu en trouver d’autres.

Cet amendement ne demande rien d’autre que la reconnaissance de ces efforts et de ce travail. Point à la ligne. Il n’y a ni obligation ni contrainte. Il s’agit seulement de reconnaître et de valoriser ceux qui font bouger le modèle agricole dans le bon sens. Nous pourrons débattre ensuite sur des aspects plus réglementaires, mais ces amendements ne vont pas plus loin que cela. Notre débat est très déconnecté de la réalité de ces amendements, qui étaient d’ailleurs soutenus par des collègues de tous les groupes.

M. Guillaume Garot. Monsieur Viala, ce projet de loi traite de l’équilibre des relations commerciales mais aussi d’une alimentation saine et durable, et nous sommes là pour en parler.

Nous n’avons aucune leçon à recevoir. Je suis élu d’un département agricole, agroalimentaire, rural. Je suis fils d’agriculteurs. Je connais parfaitement l’agriculture, les réalités et les contraintes du monde agricole. Nous essayons, collectivement et parfois au-delà des clivages, de réconcilier la performance économique avec la performance écologique. Nous cherchons des solutions pour construire une diversité de modèles autour de ce que nous appelons l’agro-écologie, qui consiste à réconcilier l’économique, le social et l’environnemental. On n’enferme pas l’agriculture ou les agriculteurs dans un type de modèle dont on a vu que, trop souvent, il nous conduisait dans des impasses.

Mme Sandrine Le Feur. En effet, nous ne sommes pas là pour opposer la compétitivité des exploitations et les performances environnementales. Je tiens à préciser que je suis moi-même agricultrice et que je connais ce milieu. Les consommateurs doivent pouvoir choisir en toute connaissance de cause. Nous devons donc promouvoir ces mentions qui mettent en valeur les bonnes pratiques agricoles.

M. Arnaud Viala. Je n’ai pas du tout prétendu donner des leçons : j’ai émis un point de vue argumenté. Ma remarque porte sur la forme. Personne ne conteste le fait qu’il faille valoriser les qualités – environnementales ou autres – des produits. Cependant, une telle valorisation ne passe pas nécessairement par la loi. Les filières et les producteurs qui sont engagés dans des démarches de valorisation disposent d’outils pour mettre en avant la qualité de leurs produits. Il n’est pas nécessaire d’en passer par la loi pour mettre l’accent sur un aspect particulier. Cela me paraît superfétatoire.

M. Bertrand Pancher. Je n’interviendrai qu’une seule fois dans cette soirée sur ce sujet, mais je voudrais rappeler à nos collègues que les produits dangereux sont interdits et que personne ne remet en cause la qualité de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES). Nous avons d’ailleurs auditionné récemment le président de cette agence.

Au sein de cette commission, je fais partie de ceux qui soutiennent en permanence les nécessaires efforts de qualité. Cela étant, il faut veiller – comme nous le faisons tous dans cette commission – à ne pas stigmatiser en permanence les agriculteurs car ils n’en peuvent plus ! (Exclamations.) J’ai pris une précaution oratoire en disant que je ne pensais pas que tel soit le cas dans cette commission… Ne vous sentez pas visés. Si c’est le cas, je vous prie de bien vouloir m’en excuser.

Nous assistons tous à des réunions d’agriculteurs. Ils font des efforts d’année en année. C’est spectaculaire. Ils n’en peuvent plus de cette image qui leur colle à la peau. Rappelons que les deux tiers des agriculteurs français ont eu un revenu inférieur à 350 euros par mois l’année dernière. La crise est monstrueuse. Ils font tous des efforts considérables. Faisons attention. Nous incitons à une évolution des pratiques mais faisons-le en douceur, en respectant les uns et les autres.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis. Je suis élue en Ille‑et‑Vilaine, le premier bassin laitier de France.

M. Stéphane Travert, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Après la Manche !

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis. Ça se discute ! Avec le Mont-Saint-Michel, ça se discute ! (Sourires.)

Des mentions et labels comme Bleu-Blanc-Cœur permettent aux agriculteurs de valoriser leurs démarches qualitatives.

M. Arnaud Viala. Il n’y a pas besoin d’une loi pour le faire !

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis. Puis-je terminer mon propos ? Ce texte est une ode à l’agriculture. Si vous étiez venu un peu plus tôt assister à nos débats, monsieur Viala, vous sauriez qu’avec l’article 11, il s’agit d’introduire 50 % de produits de qualité dans la restauration collective. Pour ces producteurs, la question est de savoir s’ils sont dedans ou pas. Cette mesure offre des débouchés aux filières locales et leur permet de monter en qualité. Elle encourage une démarche et des cycles vertueux.

Loin de vouloir opposer les modèles, nous cherchons à les réconcilier au profit de la qualité. Nos travaux de ce soir sont un hommage à notre agriculture.

Mme la présidente Barbara Pompili. Les débats auront permis de bien comprendre que personne ne fait de faux procès à personne et que nous allons pouvoir continuer.

Petit point d’ordre, à vingt-deux heures trente et une : je vous propose de faire le bilan de l’avancement de nos travaux dans une heure. Nous déciderons alors de terminer l’examen de ce texte très tard dans la nuit ou de reporter la suite de nos travaux à demain matin.

Je mets donc aux voix l’amendement CD243, qui a été modifié dans le sens demandé par Mme la rapporteure pour avis : la mention « démarche collective d’agriculture à intérêt nutrition et environnement » est remplacée par « démarche collective d’agriculture à intérêt nutritionnel et environnemental ».

La commission adopte l’amendement CD243 tel qu’il vient d’être rectifié.

En conséquence, les amendements CD427 et CD474 tombent.

Après l’article 11

La commission examine l’amendement CD120 de M. Bertrand Pancher.

M. Bertrand Pancher. En l’état actuel du droit, il n’y a aucune incitation en matière de durabilité environnementale concernant les poissons issus de la pêche, qui constituent la majorité des poissons servis dans la restauration collective, l’aquaculture représentant une proportion moindre.

Le présent amendement vise à remédier à cette lacune. J’appelle votre attention sur le fait que, à l’échelle mondiale, plus de 90 % des stocks halieutiques recensés sont, soit surexploités, soit pleinement exploités. Nous avons atteint le point où les écosystèmes marins et nombre de communautés locales sont en péril.

Avec une consommation annuelle de produits de la mer égale à 35 kilogrammes par personne, dont 24 kilogrammes sont importés, la France fait partie des plus gros consommateurs européens ayant un impact direct sur l’exploitation de nos océans. Cet amendement tend à favoriser des pratiques responsables dans le cadre de la consommation de poisson dans les cantines.

M. Stéphane Travert, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. L’article 11 du projet de loi couvre déjà les produits de la mer et l’article L. 640-2 du code rural, sur lequel il s’appuie, inclut les produits de la mer dans son champ. Les produits issus de la pêche durable sont couverts par l’article L. 644-15 qui crée pour ces produits un écolabel spécifique.

Il me semble pertinent de faire référence à cette démarche qui est définie conjointement par l’État et les professionnels et qui est encadrée juridiquement, ce qui permet de préserver l’esprit du texte.

Cet écolabel est conforme aux préconisations de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) sur la pêche responsable. Il me paraît opportun d’élargir le champ en faisant référence à l’article L.644-15. Les labels privés pourraient entrer également dans le champ de l’article dès lors qu’ils satisfont de manière équivalente aux exigences qui sont définies par les signes ou les mentions qui figurent explicitement dans l’article de la loi. Cet élargissement de l’article est pris en compte dans l’amendement adopté à l’article 11.

Dans ces conditions, je vous invite à retirer votre amendement.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis. Je demande également le retrait de cet amendement.

M. Bertrand Pancher. Convaincu par vos arguments, je le retire.

M. Guillaume Garot. Je ne résiste pas à l’envie de faire un clin d’œil à notre collègue. Son amendement n’est-il pas une stigmatisation insupportable de la pêche conventionnelle ? À mon avis, le fait de rajouter une mention comme celle-là, c’est une attaque en règle contre la pêche traditionnelle. (Sourires.)

Mme la présidente Barbara Pompili. Monsieur Garot, vous êtes taquin !

M. Guillaume Garot. Je l’assume !

M. Jimmy Pahun. Des quotas existent déjà pour la pêche. Un jour, il faudra peut‑être penser au repos biologique des poissons.

Mme la présidente Barbara Pompili. Nous y pensons tous. À une certaine heure de la nuit, nous penserons aussi à notre propre repos biologique. (Sourires.)

L’amendement est retiré.

La commission examine, en discussion commune, les amendements CD313 de la rapporteure pour avis et CD131 de M. Jean-Yves Bony.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis. Le présent amendement vise à créer une nouvelle mention valorisante « élevé à l’herbe », qui garantisse notamment une part élevée de pâturages tout au long de la vie de l’animal et une alimentation animale reposant quasi exclusivement sur l’herbe, dans des conditions fixées par décret.

M. Stéphane Travert, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Les politiques publiques relatives aux modes de valorisation officiels de produits visent à encadrer un processus global de production.

Si je partage l’objectif d’un temps de pâturage le plus long possible pour les ruminants, il faut constater que les modes actuels de valorisation remplissent déjà cette exigence. Les cahiers des charges des signes d’origine et de qualité en ont fait depuis longtemps une exigence.

Que signifierait la mention « élevé à l’herbe » ? Pour moi, un animal « élevé à l’herbe » va passer un maximum de temps dans un pâturage à brouter de l’herbe. Mais une autre définition existe : l’animal ne mange que de l’herbe mais il vit sur des cailloux ou sur du sable, dans ce qu’on appelle des feed lots ou parcs d’engraissement. Cette pratique d’engraissement intensif fait d’ailleurs débat dans le cadre des négociations entre l’Union européenne et le Mercosur. Il faut donc faire attention à ne pas mélanger les deux types de production.

Je demande le retrait de cet amendement.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis. Je le retire.

Mme la présidente Barbara Pompili. Il était soumis à discussion commune avec un amendement que M. Bony n’a pas eu l’occasion de défendre. Vous avez la parole, monsieur Bony, pour défendre votre amendement CD131.

M. Jean-Yves Bony. C’est un amendement très important. La mention « élevé à l’herbe » suppose le respect de plusieurs critères : un minimum de temps passé au pâturage ; un nombre maximum d’animaux à l’hectare ; plus de 50 % d’herbe dans la ration alimentaire. Les produits laitiers ou carnés, issus d’animaux élevés dans ces conditions, pourraient être valorisés plus facilement, en raison de leur impact positif sur la préservation des prairies, le stockage du carbone, le lien au sol des élevages et la préservation de la biodiversité. En fait, nous revenons au débat précédent.

M. Stéphane Travert, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Les modes actuels de valorisation remplissent déjà cette exigence. Je demande le retrait de l’amendement.

M. Gérard Menuel. Notre collègue M. Bony peut se consoler. Il a, dans sa région, le meilleur label qui soit : la viande de Salers !

L’amendement est retiré.

L’amendement CD370 de la rapporteure pour avis est également retiré.

Article additionnel après l’article 11
(article L. 642-9 du code rural et de la pêche maritime)
Ouverture des comités nationaux de l’INAO aux associations agrées de protection de l’environnement

La commission examine l’amendement CD312 de la rapporteure pour avis.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis. Cet amendement ouvre les comités nationaux de l’Institut national de l’origine et de la qualité (INAO) aux représentants d’associations agréées de protection de l’environnement.

Compte tenu des préoccupations environnementales croissantes, il paraît normal que les associations de protection de l’environnement soient représentées au sein des comités nationaux, au côté d’autres personnalités qualifiées, dont certaines assurent la représentation des consommateurs.

M. Stéphane Travert, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Les comités de l’INAO comptent déjà des personnalités qualifiées représentant les consommateurs. Il peut sembler justifié que les associations de l’environnement y siègent également. Je m’en remets à la sagesse de la commission.

La commission adopte l’amendement.

Après l’article 11

La commission examine l’amendement CD147 de M. Loïc Dombreval.

M. Loïc Dombreval. Les signes de qualité jouissent d’une forte notoriété en France et sont appréciés des consommateurs, mais leur multiplication tend à créer de la confusion.

L’article L. 642-22 du code rural a donné la possibilité aux organismes de défense de ces signes d’élaborer une charte de bonnes pratiques portant sur le bien-être animal. L’élaboration de cette charte n’étant pas obligatoire, elle n’est pas déterminante pour l’obtention des SIQO. L’objet de cet amendement est de la rendre obligatoire.

M. Stéphane Travert, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Nous avons mis en place l’an passé une stratégie globale pour le bien-être des animaux en France, un élément clé pour l’avenir de nos modèles agricoles. Elle comprend des actions sur la formation, l’accompagnement des éleveurs, prévoit que l’État dispose de plus de moyens de contrôle, ainsi qu’un renforcement des sanctions.

La réglementation communautaire qui définit le cadre des appellations d’origine et des indications géographiques protégées ne permet pas d’obliger les organismes de défense et de gestion à intégrer au cahier des charges les mesures relatives au bien-être animal. Il était ressorti de l’atelier des États généraux de l’alimentation consacré à cette question que nous devions les inciter à s’engager dans cette voie. Je vous demande de retirer cet amendement.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis. Pour ne prendre que l’exemple des appellations d’origine protégée, le cahier des charges est fixé sur la base des dispositions d’un règlement européen. Cette disposition entraînerait, en outre, un alourdissement des obligations des SIQO. Je souhaite que l’amendement soit retiré.

M. Loïc Dombreval. Oui, c’est un alourdissement, mais pour le bien de la filière. Je maintiens l’amendement.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle examine l’amendement CD429 de M. Jimmy Pahun.

M. Jimmy Pahun. Il s’agit d’un amendement d’appel. L’atelier 9 des États généraux de l’alimentation avait pour objectif de faciliter l’adoption par tous d’une alimentation favorable à la santé, grâce à l’amélioration de la qualité des repas et à la sensibilisation des Français aux fondamentaux d’une alimentation saine et de qualité. Ses participants ont notamment conclu à la nécessité d’intégrer dans chaque projet régional de santé (PRS) un volet dédié à l’alimentation, ainsi que le prévoit la stratégie nationale de santé.

M. Stéphane Travert, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Le projet régional de santé est un instrument utile, qui s’inscrit dans une logique de planification et de programmation de moyens, en cohérence avec la stratégie nationale de santé et les lois de financement de la sécurité sociale. La stratégie nationale de santé comporte un volet nutrition, qui couvre à la fois l’alimentation et l’activité physique. Votre amendement n’apportant pas de plus-value, je vous demande de le retirer.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis. Ainsi que la ministre de la santé l’a rappelé aujourd’hui lors des questions au Gouvernement, la nutrition fait partie intégrante de sa stratégie. Même avis.

L’amendement est retiré.

La commission examine l’amendement CD415 de M. François-Michel Lambert.

M. François-Michel Lambert. Les messages publicitaires en faveur de boissons avec ajouts de sucres, de sels, d’édulcorants de synthèse ou de produits alimentaires manufacturés doivent contenir une information à caractère sanitaire. Les annonceurs peuvent déroger à cette obligation, sous réserve du versement d’une contribution de 5 %, assise sur le montant annuel des sommes destinées à la diffusion des messages. Nous proposons de porter cette contribution à 8 %.

M. Stéphane Travert, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Si l’objectif de cet amendement peut se comprendre, il serait, au préalable, utile d’estimer l’impact d’une telle mesure sur les opérateurs. Je ne peux donner de suite favorable à cet amendement.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis. Je suggère à son auteur de le retirer.

M. François-Michel Lambert. L’impact est pourtant clair. Les opérateurs ne paient pas lorsqu’ils diffusent l’information, conformément à la réglementation. Pour déroger à cette obligation, ils doivent payer une contribution, que nous proposons de porter de 5 % à 8 %. Il s’agit bien d’exercer une pression pour que les messages de prévention soient diffusés.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle examine, en discussion commune, les amendements CD343 de M. Loïc Prud’homme et CD462 de M. Guillaume Garot.

M. Loïc Prud’homme. Tous nos efforts pour une alimentation saine et durable seront vains si on laisse faire la publicité aux heures de grande écoute. Les trois quarts des enfants qui regardent le petit écran en rentrant de l’école avouent préférer les produits « vus à la télé ». Et leurs parents sont plus de 80 % à les leur acheter ! Ces publicités à heure de grande écoute, fort coûteuses, sont l’apanage des grandes industries de l’agro-alimentaire. Or, dans un rapport datant de 2016, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a souligné le lien entre la consommation des produits industriels, sucrés et gras, et l’obésité.

La proposition du groupe de la France insoumise de créer une commission d’enquête sur la « malbouffe » a été adoptée à l’unanimité par la commission des affaires économiques. En toute cohérence, nous demandons que la diffusion aux heures de grande écoute de publicités vantant la « malbouffe » soit interdite.

M. Guillaume Garot. La diffusion de certains messages publicitaires vient contrarier la nécessaire éducation à l’alimentation. En cohérence avec les recommandations du Programme national nutrition santé (PNNS) pour une alimentation favorable à la santé, et alors que le surpoids et l’obésité se développent chez les plus jeunes, nous proposons de préserver le jeune public des messages publicitaires portant sur des boissons et des produits alimentaires manufacturés.

M. Stéphane Travert, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Dans ce domaine, le Gouvernement a choisi de ne pas agir par voie réglementaire mais de laisser les opérateurs s’autoréguler. Ceux-ci doivent notamment respecter la charte du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA).

L’interdiction de la publicité à destination des enfants à certaines heures d’écoute ou à l’intérieur de programmes destinés à la jeunesse a fait l’objet de nombreux débats sous la précédente législature. L’État, de son côté, a diffusé à la télévision et à la radio des messages sanitaires, concernant par exemple les produits gras et sucrés ou invitant à consommer quotidiennement cinq fruits et légumes. Il appartient désormais au CSA et aux annonceurs d’avancer sur ces sujets. Peut-être le contrat d’objectifs et de performance (COP) du CSA, validé par la commission des affaires culturelles de l’Assemblée nationale, serait-il une porte d’entrée pour une éventuelle initiative des députés en la matière ?

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis. Vous avez parfaitement raison, chers collègues, mais il serait plus constructif de travailler sur la charte du CSA, dans la mesure où cette question n’est pas d’ordre législatif.

M. Loïc Prud’homme. Faut-il en rire ou en pleurer ? Je maintiens mon amendement.

M. Guillaume Garot. Je maintiens également mon amendement.

La commission rejette successivement les deux amendements.

Puis elle examine l’amendement CD417 de M. François-Michel Lambert.

M. François-Michel Lambert. La stéatohépatite non-alcoolique (NASH) est une maladie du foie qui associe une accumulation de graisse dans le foie, une inflammation et une dégénérescence des cellules hépatiques. Une fois installée, elle s’accompagne d’un risque de cirrhose élevé, un état au cours duquel les fonctions hépatiques se désorganisent et deviennent insuffisantes. Dès lors, la NASH peut évoluer vers des cancers du foie.

Il faut mesurer la réalité de cette épidémie, qui touche aujourd’hui 600 000 personnes aux États-Unis. Dans ce pays, la pathologie constitue désormais la première cause de greffe du foie. Son développement est un problème de santé publique, dans la mesure où elle est causée principalement par une consommation importante de sucre.

Cet amendement entend alerter le Gouvernement et insister sur la nécessité d’informer la population. Nous proposons que soit affichée une information sur les dangers d’une mauvaise alimentation et les risques de contracter cette maladie.

M. Stéphane Travert, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Je vous demande de retirer cet amendement, dont l’objet ne relève pas du domaine de la loi.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis. De toute façon, il est extérieur au champ de l’article 11. Nous comprenons le message qu’il porte, mais en demandons le retrait.

M. François-Michel Lambert. L’amendement traite d’alimentation et relève à ce titre de la loi. Par ailleurs, il ne s’inscrit pas dans l’article 11, mais porte article additionnel après celui-ci, madame la rapporteure pour avis.

On sait que les addictions alimentaires observées aux États-Unis, avec leurs conséquences sur la santé, se diffusent en Europe et en France. Le nombre de personnes atteintes par le NASH aux États-Unis, rapporté à la population française, laisse imaginer que 100 000 de nos concitoyens pourraient être atteints par cette maladie. Il faut alerter les consommateurs de façon claire et leur faire prendre conscience qu’au-delà des messages télévisés très attrayants, les risques existent. Enfin, je rappelle que le même type d’affichage existe pour les boissons alcoolisées.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle examine l’amendement CD83 de M. Bertrand Pancher.

M. Bertrand Pancher. Cet amendement vise à encadrer le marketing alimentaire sur internet à destination des mineurs. Alors que l’OMS ne cesse de rappeler l’urgence de limiter les effets néfastes des publicités pour des aliments peu sains, il convient aujourd’hui de dupliquer cet encadrement sur internet et les médias délinéarisés, qui attirent de plus en plus les jeunes publics.

M. Stéphane Travert, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Ces propositions n’ont pas fait consensus lors des États généraux de l’alimentation. De surcroît, cet amendement constitue un cavalier législatif. Avis défavorable.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis. Je demande le retrait de l’amendement.

L’amendement est retiré.

La commission examine l’amendement CD345 de M. Loïc Prud’homme.

M. Loïc Prud’homme. L’article du code de la santé publique relatif au PNNS ne fait pas mention des enjeux environnementaux et climatiques. Or le secteur de l’agriculture et de l’alimentation émet un tiers des émissions de gaz à effet de serre en France. Le lien étant évident, il paraît cohérent d’ajouter cette mention.

M. Stéphane Travert, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Nous avons considéré que cet amendement n’apportait pas de valeur ajoutée. Avis défavorable.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis. Même avis.

M. Loïc Prud’homme. Il n’en enlève pas non plus… (Sourires.) Pourquoi, dès lors, ne pas l’adopter ?

La commission rejette l’amendement.

Puis elle est saisie de l’amendement CD341 de M. Loïc Prud’homme, qui fait l’objet du sous-amendement CD555 de M. Lionel Causse.

M. Loïc Prud’homme. Je suis certain que notre amendement apporte une grande plus-value !

D’après l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE), la composition du panier alimentaire s’est modifiée conjointement au modèle agricole, au profit des produits transformés et des plats préparés. Depuis 1960, la consommation de plats préparés s’accroît de 4,4 % par an en volume par habitant. Les récents scandales sanitaires – lasagnes à la viande de cheval, œufs contaminés au Fipronil – n’ont pas précipité les entreprises incriminées vers la faillite.

En France, selon les données de la sécurité sociale, on comptait, en 2010, 539 083 décès, dont 36 % pouvaient être attribués directement ou indirectement à une mauvaise alimentation – 24 % pour les maladies cardiovasculaires, 10 % pour le cancer et 2 % pour le diabète. Un tiers des décès est donc lié directement ou indirectement à une mauvaise pratique alimentaire.

Des mesures fiscales spécifiques, comme la taxe sur les sodas, ont été votées par le Parlement. La loi du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé prévoit la mise en place d’un système d’étiquetage nutritionnel pour faciliter le choix du consommateur. Pour autant, le « nutri-score », adopté début 2017 malgré les vives oppositions de l’industrie agro-alimentaire, reste facultatif ! Cet amendement vise à le rendre obligatoire, ce qui serait un premier pas pour faire primer l’intérêt général sur les intérêts industriels.

M. Lionel Causse. Le nutri-score prend en compte trop peu de critères pour être toujours pertinent et apporter une information fiable au consommateur sur la qualité des produits alimentaires. Au contraire, il est utilisé par les industriels pour promouvoir des produits que l’on ne peut qualifier de sains.

Par ce sous-amendement, je propose de revoir le mode de calcul du nutri-score en y intégrant la qualité des protéines, la qualité et l’équilibre des graisses, et notamment la teneur en acide gras trans. S’il peut paraître pertinent de rendre obligatoire la présentation du nutri‑score, celui-ci doit mieux refléter la qualité des produits en prenant en compte des critères plus précis.

M. Stéphane Travert, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Avis défavorable sur le sous-amendement, qui relève du domaine réglementaire. Créer une obligation d’étiquetage spécifique pour la France serait contraire aux règles du marché européen. Avis défavorable aussi sur l’amendement.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis. Chers collègues, vous avez raison sur le constat. Mais le nutri-score existe à peine depuis un an, et il ne fonctionne que parce qu’il est facultatif. Le rendre obligatoire serait non seulement prématuré, mais de nature à casser la dynamique.

M. Lionel Causse. J’ai bien conscience que l’évolution du mécanisme est d’ordre réglementaire. Si le ministre s’engage à faire évoluer le nutri‑score, je retirerai le sous‑amendement.

M. Dominique Potier. La question est des plus sensibles. La réflexion que nous avons menée au sein de notre famille politique nous a conduits à estimer que le nutri‑score devait être réglementaire pour les produits les plus transformés. Il s’agit un peu d’une boîte noire. Je n’ai pas pu défendre un amendement précédent qui portait sur les aliments recomposés. L’information nutri-score, du moins la simple mention de la nature de ces produits ultra-transformés, me semble utile pour l’information des consommateurs. Nutri‑score, ce n’est pas tout ou rien. Il faudrait imposer certains critères sur le plan réglementaire et peut-être déposer des amendements en ce sens.

Le sous-amendement est retiré.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle examine l’amendement CD325 de M. Loïc Prud’homme.

M. Loïc Prud’homme. Vous le savez car je l’ai suffisamment répété ici, notre groupe est favorable à une transition vers une agriculture écologique et paysanne, respectueuse de l’environnement et des consommateurs. Cela passe par la transition vers une agriculture biologique. Lors de l’examen du projet de loi de finances, nous avions proposé que la politique agricole commune (PAC) soit massivement réorientée vers le second pilier, afin d’aider au maintien et à l’installation en agriculture bio. Malheureusement, vous n’avez pas les mêmes ambitions que nous.

Mais je suis persévérant et je veux rappeler qu’il faut, au regard de la demande sociétale et des enjeux de santé, maintenir une ambition forte sur la transition vers le bio. Nous proposons, par cet amendement, de porter la trajectoire à 50 % de la surface agricole utile (SAU) totale d’ici à 2025. J’entends mes collègues dire que nous n’en sommes qu’à 8 %. Il n’empêche que les experts estiment possible d’atteindre cet objectif en 2025. En plus de respecter l’environnement et les consommateurs, cela permettrait de redonner des revenus décents aux agriculteurs, de préserver leur propre santé, de valoriser leur grande expertise agronomique et leurs savoir-faire, de donner un sens fort à leur métier.

M. Stéphane Travert, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Nous partageons, monsieur Prud’homme, un objectif ambitieux. Le Premier ministre, lors de la clôture des États généraux de l’alimentation, a déclaré qu’il était prêt à reprendre à son compte l’objectif consistant à porter à 15 % la part de la SAU consacrée à l’agriculture biologique d’ici à 2022, à condition, certes, de bien déterminer les moyens d’y parvenir – or, depuis le mois de décembre dernier, nous y travaillons activement. En effet, je le répète, nous nourrissons en la matière une ambition d’autant plus forte qu’elle répond à une attente des consommateurs. C’est aussi pourquoi nous misons sur la restauration collective et pourquoi nous comptons sur l’engagement des acteurs économiques à travers les plans de filière qui prévoient des objectifs élevés de développement des productions biologiques.

Le plan de filière pour le secteur porcin prévoit ainsi la multiplication par dix de la production de viande charcutière bio, ce qui est un projet colossal. Nous prévoyons par ailleurs le doublement du fonds « Avenir bio », qui va passer de 4 à 8 millions d’euros. Nous allons lancer une concertation sur le contenu du prochain plan « Ambition bio », afin de préciser les actions à accomplir et de prévoir des financements sécurisés.

L’agriculture biologique ne représente que 6,5 % de la SAU totale, soit 1,77 million d’hectares. Nous devons trouver les moyens d’atteindre notre objectif de 15 % – objectif très ambitieux, je le répète, puisqu’il représente plus qu’un doublement. Aussi ne semble-t-il pas du tout réaliste de fixer, comme vous le faites, un objectif de 50 % d’ici à 2025. On peut toujours se faire plaisir avec des objectifs comme ceux-là, ainsi que le soulignait Mme Delphine Batho cet après-midi, en affichant qu’on est le plus ambitieux de la terre, mais, sans les moyens correspondants, on ne pourra jamais atteindre son but.

Ne pouvant vous suivre dans votre course effrénée, je suis défavorable à votre amendement.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis. Nous avons, je le rappelle, voté l’amendement CD302 fixant à 15 %, pour 2022, la SAU consacrée à l’agriculture biologique. C’est, le ministre vient de le souligner, un objectif déjà très ambitieux. Or vouloir atteindre le taux de 50 % en 2025 est parfaitement irréalisable. Avis défavorable.

M. Loïc Prud’homme. Nous n’avons manifestement pas la même définition du mot « ambition » ; nous ne devons pas avoir le même dictionnaire. Vous rappelez que la part de la SAU consacrée à l’agriculture biologique est de 6,5 %. Or la loi de 2009 prévoyait que cette proportion devait être de 20 % en 2020, ce qui n’était du reste pas une « course effrénée », comme vous dites, monsieur le ministre, mais un objectif d’autant plus raisonnable que, de 2009 à 2020, nous avions le temps d’y arriver. Donc, votre ambition est de ramener le taux de 20 % prévu pour 2020 à 15 % pour 2022 – ce n’est pas une forte ambition mais bien un net recul.

M. Stéphane Travert, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Si vous le dites…

M. Bertrand Pancher. Avec votre autorisation, Monsieur Prud’homme, je reprendrai vos propos lors des prochaines assemblées générales des agriculteurs de mon département, et je vous garantis qu’ils éclateront tous de rire. Votre proposition est d’un irréalisme fou. Que cherchez‑vous ? À affamer tout le monde ? On sait en effet très bien qu’avec des objectifs de ce type, on va réduire considérablement la production. Cherchez‑vous à réserver la nourriture bio aux seuls bobos qui, eux, peuvent se la payer ? Tous n’ont pas les moyens d’acheter ces produits bio et l’on voit bien la différence de prix avec les autres produits. Et les agriculteurs qui ne cessent de faire des efforts, comment entendez-vous les accompagner ? Avec des arguments de ce type, vous vous faites plaisir, vous pourrez être repris par quelques médias… Reste que ce que vous proposez, c’est du grand n’importe quoi.

M. Gérard Menuel. Il est vrai que la proposition de M. Prud’homme n’est pas du tout réaliste. L’agriculture biologique progresse, mais même l’objectif de 2009 d’atteindre 20 % de la SAU en 2020 est irréalisable : comment pourrions-nous y parvenir alors que la part de la SAU consacrée à l’agriculture biologique est actuellement de 6,8 % et que nous allons entamer une période de transition de trois ou cinq ans ?

M. Matthieu Orphelin. Plutôt que de retomber dans nos habituelles polémiques, je vous invite à rester « zen », mes chers collègues, si nous voulons finir l’examen du texte ce soir ou demain.

M. Loïc Prud’homme. Je suis pour ma part très « zen », monsieur Orphelin, mais entendre dire que l’agriculture biologique va affamer la population française, pardonnez-moi, monsieur Pancher, est un poncif d’un autre temps. Ceux qui, dans cette salle, pratiquent cette agriculture pourront vous dire que la production ne diminuera pas de façon telle que la population sera affamée, au contraire : nous allons nourrir les gens, nous aurons notre autonomie alimentaire et avec des produits sains. Je veux bien venir à vos assemblées générales d’agriculteurs, et nous pourrons ainsi bien discuter car je pense que vous n’avez pas les bons arguments.

La commission rejette l’amendement.

Articles additionnels après l’article 11
(articles 1er et 3 de la loi n° 2014-773 du 7 juillet 2014)
Objectifs de la politique de développement et de solidarité internationale

La commission examine les amendements CD491 de M. Dominique Potier et CD472 de M. Guillaume Garot.

M. Dominique Potier. Les amendements CD491 et CD472, qui s’inspirent des travaux du Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (CIRAD) et de l’Institut national de la recherche agronomique (INRA), me permettront de répondre aux interventions précédentes.

Les propos de M. Prud’homme sont peut-être un peu exagérés, ont une allure prophétique, mais ils vont dans le bon sens : l’INRA et le CIRAD estiment que, pour nourrir 9,5 milliards d’habitants, il faut une agriculture écologique adaptée à tous les écosystèmes, que la protection de la terre compte plus que le niveau de productivité. Voilà la vérité. Nous n’avons donc pas à nous ostraciser les uns et les autres mais à nous écouter. La loi du 7 juillet 2014 d’orientation et de programmation relative à la politique de développement et de solidarité internationale prévoyait l’aide à l’agriculture familiale. Or, par l’amendement CD491, nous proposons, à l’alinéa 2 de l’article 1er, d’insérer, après le mot « familiale », les mots : « s’inscrivant dans une démarche de transition écologique ». En effet, l’aide publique au développement et la coopération bilatérale doivent aider l’agriculture qui participe à la transition agro-écologique.

L’amendement CD472, quant à lui, prévoit qu’on aide non seulement l’agriculture mais aussi l’agro-alimentaire. Ce dernier secteur est en effet une source de gaspillage éhonté. Parmi les quelque 30 % qu’atteint ce gaspillage – chiffre que nous rappelle souvent M. Guillaume Garot –, 15 % proviennent des pays du Sud, faute d’infrastructures et d’une transformation adaptée. Soutenir les infrastructures agro-alimentaires, soutenir l’agriculture de transition agro-écologique dans les pays du Sud, dans les pays en voie de développement, c’est l’honneur de la France, si bien que nous ne pouvons que voter unanimement ces deux amendements.

M. Stéphane Travert, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Ces deux amendements sont des cavaliers législatifs, j’y suis donc défavorable.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis. Je demande le retrait de l’amendement CD491. Les critères de l’aide au développement sont rendus ici vraiment très exigeants et même difficilement tenables.

M. Dominique Potier. Je suis stupéfait par cette réponse.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis. J’émets en revanche un avis plutôt favorable à l’amendement CD472 de M. Garot.

M. Dominique Potier. Vous ne pouvez pas dire tout et son contraire. D’un côté, le Président de la République déclare que la transition écologique n’est plus une option mais une urgence, et, de l’autre, vous continuez à soutenir des agro-systèmes qui ne vont pas dans le sens de la lutte contre le changement climatique. Vous semblez vous payer de mots, ne montrer aucune cohérence. Soit, donc, nous acceptons les amendements visant à favoriser l’aide au développement, soit il faut nous expliquer pourquoi l’intégration, dans la législation, du changement climatique et de l’agro-alimentaire ne va pas dans le sens de l’histoire.

Je fais partie du conseil d’administration de l’Agence française de développement (AFD). Nous plaidons en permanence en ce sens ; j’ai un déjeuner de travail demain sur la question, et nous préparons un colloque sur les suites des États généraux de l’alimentation à l’échelle du monde, qui se tiendra à l’Assemblée dans un an. Et nous n’oserions pas voter l’amendement CD491 ? Soyons sérieux !

M. François-Michel Lambert. Je me demandais si un cavalier législatif ne relevait pas bel et bien de ce texte puisque le domaine équestre fait partie du périmètre couvert par le ministère de l’agriculture… (Sourires.) Pour en revenir aux choses sérieuses, les mots : « s’inscrivant dans une démarche de transition écologique » ne sont pas d’une violence absolue… Je soutiens l’amendement de M. Potier.

La commission adopte successivement les deux amendements.

Après l’article 11

La commission examine l’amendement CD98 de M. Bertrand Pancher.

M. Bertrand Pancher. Dans la plupart des marchés publics de denrées alimentaires, les contrats sont passés à prix fermes, c’est-à-dire à prix fixes sur une durée d’un an ou plus. Or, on constate d’importantes variations de cours pour un certain nombre de produits, variations que le présent amendement vise à prendre en compte.

M. Stéphane Travert, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Un travail de révision pourra être engagé avec le ministère de l’économie et des finances pour mieux prendre en compte les conclusions des États généraux de l’alimentation. En attendant, je suis défavorable à l’amendement.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis. Avis défavorable. Le dispositif prévu figure déjà dans le code des marchés publics, le décret du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics disposant : « les marchés publics d’une durée d’exécution supérieure à trois mois qui nécessitent pour leur réalisation le recours à une part importante de fournitures, notamment de matières premières, dont le prix est directement affecté par les fluctuations de cours mondiaux comportent une clause de révision de prix incluant au moins une référence aux indices officiels de fixation de ces cours […]. »

L’amendement est retiré.

Article additionnel après l’article 11
Rapport sur l’extension des objectifs de l’article 11 à la restauration collective privée

La commission examine, en discussion commune, les amendements CD186 de M. Matthieu Orphelin et CD246 de Mme Sandrine Le Feur.

M. Matthieu Orphelin. Nous avions pris l’engagement, pendant la campagne électorale, de porter à 50 % le taux de produits biologiques, produits à labels de qualité ou produits locaux dans toute la restauration collective, publique et privée. Aussi l’amendement CD186 vise-t-il à étendre l’article 11 à la restauration collective privée. Cette obligation est un moyen de parvenir à l’objectif annoncé, mais peut-être y en a-t-il d’autres.

M. Jean-Marc Zulesi. L’amendement CD246 prévoit que le Gouvernement remettra au Parlement, avant le 31 décembre 2020, un rapport faisant état, d’une part, du bilan de l’application des dispositions de l’article 11 et, d’autre part, de l’opportunité d’étendre les objectifs dudit article aux opérateurs de restauration collective du secteur privé.

M. Stéphane Travert, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. La disposition que propose M. Orphelin a été adoptée hier soir quand nous avons voté l’amendement CD522 du Gouvernement, qui étend l’objectif mentionné aux cantines privées investies d’une mission de service public. C’est pourquoi je vous suggère de retirer votre amendement.

Le Gouvernement est en revanche favorable à l’amendement défendu par M. Zulesi.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis. Même avis.

M. Matthieu Orphelin. Je pense qu’il y a une ambiguïté : l’engagement de campagne concernait toute la restauration collective publique et privée, comme celle de tous les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD). Or les EHPAD sont-ils bien concernés par l’amendement voté hier et auquel il a été fait allusion ?

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis. Oui !

M. Stéphane Travert, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. C’est en effet le cas de tous les établissements privés qui assurent des missions de service public.

M. Matthieu Orphelin. Je retire donc mon amendement, mais je veillerai à ce qu’il n’y ait pas de « trous dans la raquette », comme on dit.

L’amendement CD186 est retiré.

La commission adopte l’amendement CD246.

Après l’article 11

La commission en vient à l’amendement CD480 de M. Guillaume Garot.

M. Guillaume Garot. Pour répondre aux exigences de l’Accord de Paris sur la lutte contre le réchauffement climatique, mais aussi pour répondre aux attentes des citoyens, il vous est proposé que les signes d’identification de la qualité et de l’origine (SIQO) intègrent progressivement – sur une durée de trois ans –, dans leur cahier des charges, le respect de l’environnement. Il s’agit de mettre en cohérence la qualité de l’offre alimentaire, du point de vue nutritionnel et organoleptique, et les exigences environnementales.

M. Stéphane Travert, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. L’ambition environnementale est déjà inscrite dans le contrat d’objectifs et de performance de l’INAO. Je vous suggère donc de retirer votre amendement.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis. Je demande également le retrait de l’amendement, puisque le droit en vigueur dispose que « l’organisme de défense et de gestion d’un SIQO peut élaborer une charte de bonne pratique contenant des dispositions de nature à préserver certaines caractéristiques environnementales de son territoire ou des dispositions spécifiques en matière de bien-être animal » ; en outre, « le respect de cette charte n’est pas une condition d’obtention du signe d’identification de la qualité et de l’origine ». Cela me paraît suffisant en l’état.

M. Dominique Potier. Ce débat, lancé à l’occasion des travaux préparatoires au plan « Écophyto », a été repris à l’occasion des États généraux de l’alimentation. L’enjeu est bien de remplacer le « peut » en « doit ». La qualité organoleptique « doit » rejoindre celle de l’excellence environnementale. Il faut du temps, ainsi que le souligne M. Garot, mais nous devons y arriver.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement CD340 de M. François Ruffin.

M. Loïc Prud’homme. Le présent amendement prévoit l’étiquetage des produits. En effet, l’information mise à disposition du consommateur n’est pas suffisante pour l’orienter vers des achats de nature à favoriser la transition écologique. Hormis pour certains labels ou produits, les modes d’élevage, le nombre de traitements phytosanitaires et le nombre d’intermédiaires ne sont pas communiqués. Ce sont pourtant des critères indispensables à la modification des modes de production et de consommation.

Le règlement européen 1169/2011 (UE) du 25 octobre 2011 concernant l’information des consommateurs sur les denrées alimentaires, auquel le ministre est si attaché, dispose que : « L’information sur les denrées alimentaires tend à un niveau élevé de protection de la santé et des intérêts des consommateurs en fournissant au consommateur final les bases à partir desquelles il peut décider en toute connaissance de cause et utiliser les denrées alimentaires en toute sécurité, dans le respect, notamment, de considérations sanitaires, économiques, écologiques, sociales et éthiques. »

Les directives européennes sont appliquées avec une rigueur et un enthousiasme variables selon qu’elles œuvrent en faveur de la transition écologique ou de l’ouverture à la concurrence des services publics. La France pourra donc s’appuyer sur ce règlement pour rendre obligatoires ces compléments d’étiquetage sur les produits destinés à l’alimentation humaine et animale.

M. Stéphane Travert, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Le risque santé du consommateur lié aux produits phytopharmaceutiques est déjà pris en compte dans l’évaluation des substances et l’autorisation de mise sur le marché (AMM) des produits. Le plus important est en revanche de s’assurer que les denrées respectent les limites maximales de résidus (LMR) fixées par les règlements ; or ce contrôle est assuré quotidiennement par les services de l’État. Avis défavorable.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis. Nous devons aller plus loin, car nous sommes conscients de l’attente de la société, ainsi que de celle des filières, mais nous devons pour le moment respecter la réglementation européenne. Je demande le retrait de l’amendement.

La commission rejette l’amendement.

Article additionnel après l’article 11
Modulation des dotations aux établissements scolaires en fonction des démarches de développement durable

La commission examine l’amendement CD187 de M. Matthieu Orphelin.

M. Matthieu Orphelin. Le principal « trou dans la raquette », auquel je faisais allusion à propos de l’amendement CD186, ce sont les restaurants d’entreprise. Je proposerai par conséquent, en commission des affaires économiques, un amendement prévoyant de leur appliquer l’obligation d’affichage.

Pour l’heure, il s’agit, par l’amendement CD187, d’inciter les conseils régionaux et départementaux à mettre en place des mécanismes financiers visant à moduler leurs dotations aux établissements scolaires en fonction de l’engagement de ces établissements dans la restauration durable. Certains, on l’a constaté lors des auditions, le font déjà.

Je souligne que le présent amendement est conforme à la Constitution, grâce à l’emploi du verbe « pouvoir ».

M. Stéphane Travert, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. L’application du dispositif proposé mettrait en difficulté un certain nombre d’établissements et créerait une rupture d’égalité parce que les critères de modulation ne sont pas précisés. Je vous invite donc à retirer votre amendement.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis. Même avis, d’autant que j’ai à cœur que les territoires soient également associés à cette démarche de progrès.

M. Bertrand Pancher. Un département, une région, une municipalité n’ont pas forcément besoin, s’ils souhaitent engager des stratégies très précises, de moduler les dotations aux établissements. J’avoue que je me pose la question.

M. Matthieu Orphelin. Il est bon de se montrer incitatif. Nous avons un objectif très ambitieux et je serais vraiment déçu si, autour de 2022, nous ne l’avions pas atteint. Nous devons donc nous donner les moyens d’y arriver. Nous devons parvenir en quatre ans au taux de 50 % de produits issus de l’agriculture biologique. Tout change, certes, mais pas forcément au bon rythme. Je propose ici d’activer un levier dont je sais que certains se sont déjà saisis comme dans la région Pays-de-la-Loire avec les 112 lycées publics.

La commission adopte l’amendement.

Après l’article 11

La commission en vient à l’amendement CD201 de M. François-Michel Lambert.

M. François-Michel Lambert. Le présent amendement concerne les aliments ultra-transformés, quand bien même la définition n’en est pas simple. Reste qu’il est impératif de poser à nouveau la question de la « malbouffe ».

Les denrées alimentaires présentées à la vente doivent comporter un étiquetage pour bien informer le consommateur, en particulier lorsque celui-ci s’apprête à consommer un aliment ultra-transformé. À ce jour, les aliments ultra-transformés représentent en France probablement 40 % à 50 % de l’offre actuelle en supermarché, et seraient, selon les chercheurs, la première cause indirecte de mortalité précoce dans les grandes villes, responsable en partie de la stagnation de l’espérance de vie en bonne santé.

Les ingrédients ou additifs cosmétiques utilisés dans ces aliments sont en réalité des substances alimentaires qui ne sont pas habituellement utilisées en cuisine et que les industriels utilisent pour imiter les qualités organoleptiques d’un aliment brut et d’une préparation culinaire, ou pour masquer des défauts du produit fini. En outre, on sait encore peu de chose des effets « cocktail », potentiellement délétères à long terme, de ces additifs, ainsi que de leur action sur la flore microbienne colique.

Il est donc urgent de réguler un tel commerce, avec des dispositions néanmoins transitoires pour ne pas perturber les acteurs du commerce et de la distribution, de façon à limiter la consommation de ces produits et la publicité dont ils font l’objet, grâce à l’instauration d’une éducation à l’alimentation préventive dès l’âge de trois ans.

M. Stéphane Travert, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. La disposition que vous proposez est contraire au droit européen et reviendrait à le surtransposer. Il n’existe pas de définition établie et précise des produits ultra-transformés. Je vous invite donc à retirer votre amendement.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis. Même avis.

M. François-Michel Lambert. Je le retire et me replie sur le suivant.

L’amendement est retiré.

La commission examine l’amendement CD202 de M. François-Michel Lambert.

M. François-Michel Lambert. Le présent amendement est ainsi libellé : « Au plus tard au 1er janvier 2020, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur la vente d’aliments ultra-transformés dans le commerce et leur fabrication. »

Voilà qui permettra de mieux définir ce que sont les aliments ultra-transformés, de déterminer leur part dans l’alimentation vendue, notamment en supermarché, de mettre en évidence les dangers qu’ils représentent potentiellement pour la santé, et de définir des pistes d’action en France – je vous ai bien entendu, monsieur le ministre –, au-delà des directives européennes et des contraintes que l’Europe nous impose. Nous ne pouvons plus fermer les yeux sur la question de la « malbouffe », j’y insiste, et en particulier sur ces aliments dits ultra-transformés dont nous savons que leur structure est bien loin de celle d’un aliment naturel.

M. Stéphane Travert, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Les produits ultra-transformés soulèvent de nombreuses questions, relayées par les médias. Toutefois, je l’ai dit, tant qu’il n’existe pas de définition précise de ce qu’est un produit ultra-transformé, il est difficile d’accéder à votre demande. Avis défavorable.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis. Avis plutôt favorable en ce qui me concerne. Les produits ultra-transformés ne sont pas définis, c’est vrai, mais nous aimerions justement en savoir plus.

Mme Delphine Batho. Nous sommes tous d’accord, et c’est d’ailleurs pourquoi nous avons voté à l’unanimité la création d’une commission d’enquête sur l’alimentation industrielle, qui devrait être en mesure de répondre aux questions qui viennent d’être abordées, et ce dans un délai beaucoup plus rapide que celui prévu par l’amendement.

M. François-Michel Lambert. Certes, mais la résolution créant cette commission d’enquête lui assigne le but d’« étudier la qualité nutritionnelle, le rôle dans l’émergence de pathologies chroniques et les impacts sociaux et environnementaux de la provenance de l’alimentation industrielle ».

Est laissée de côté la question de savoir comment légiférer et comment résoudre le problème, soulevé par le ministre, de la surtransposition des directives européennes. La commission d’enquête se contente d’alerter, alors que j’entends aller beaucoup plus loin, le rapport dont je propose la remise devant définir les bases de la législation à venir après 2020. Il s’agit de ne pas traîner au cas où la commission d’enquête démontrerait les conséquences pathologiques de l’alimentation ultra-transformée.

Mme la présidente Barbara Pompili. Je mets aux voix l’amendement…

M. François-Michel Lambert. Avant cela, il faudrait que vous rappeliez, madame la présidente, que la rapporteure pour avis est favorable à son adoption.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis. La remarque de Mme Delphine Batho est fondée, et sans doute disposerons-nous, grâce à la commission d’enquête, de conclusions plus précoces.

Mme Delphine Batho. M. Dominique Potier et moi-même ne sommes pas membres de la commission du développement durable, mais de celle des affaires économiques, où s’est tenu un débat assez long sur ce que l’on attend de la commission d’enquête, et qui ne se résume pas à son seul intitulé. Tout ce qui touche à l’ultra-transformation, aux additifs, à la possibilité de réglementer ou de légiférer sera au cœur de son travail.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis. Je demande donc le retrait de l’amendement.

La commission rejette l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement CD207 de M. François-Michel Lambert.

M. François-Michel Lambert. Mon amendement prévoit que, au plus tard le 1er janvier 2020, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur l’opportunité et les conditions de réalisation, au sein de l’Union européenne, de négociations visant à exclure du champ des discriminations et des mesures d’effet équivalent à des restrictions quantitatives, la poursuite d’un objectif d’alimentation saine et durable.

En d’autres termes il s’agit, dans la continuité des États généraux de l’alimentation, de garantir la poursuite d’un objectif d’alimentation saine et durable en Europe. Ce qui serait particulièrement justifié au regard de l’« exception agriculturelle » française qui est au fondement de l’identité gastronomique du pays.

Je rappelle que l’UNESCO a, le 16 novembre 2010, inscrit pour la première fois depuis sa création les traditions culinaires du repas gastronomique à la française sur la liste du patrimoine culturel immatériel de l’humanité. Nous pourrions aller jusqu’au bout de cette reconnaissance en mettant en œuvre l’exclusion de la question de l’alimentation des règles commerciales européennes.

M. Stéphane Travert, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. L’idée est plaisante, mais elle aurait des conséquences néfastes, en ce qu’elle pénaliserait le commerce de nos produits alimentaires ainsi que nos exportations. Au demeurant, la mise en œuvre de cette mesure est impossible dans le contexte européen ; mon avis est défavorable.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis. Je vous renvoie à l’amendement de M. Garot que nous avons adopté hier, qui crée une exception agricole. Je demande le retrait de cet amendement.

La commission rejette l’amendement.

Article additionnel après l’article 11
Rapport d’étape sur le plan Protéines végétales

La commission se saisit de l’amendement CD485 de M. Dominique Potier.

M. Dominique Potier. Voici une excellente occasion de faire un rapport au Gouvernement, car aucune commission ne travaille sur la question des protéines animales que l’on fait venir, de façon massive et éhontée, de l’autre côté de l’Atlantique – protéines qui, comme viennent de le révéler les ONG, sont en partie produites dans des conditions inhumaines et portent gravement atteinte à l’environnement du fait du recours à la phytopharmacie.

Nous devons produire nos protéines en Europe, en France. Mais nous n’avons pas trouvé le bon outil pour cela : aides techniques, aides de formation, etc. Un rapport au Gouvernement doit nous dire comment recouvrer notre autonomie et notre résilience, éléments clés pour l’agroécologie. Il est indispensable qu’en amont de la PAC, le Gouvernement dispose d’un savoir et d’une connaissance stratégiques sur ce sujet.

Il faut investir dans des filières sans OGM, made in France, made in Europe, ce qui est capital pour notre économie, pour le secteur agroalimentaire et pour notre environnement.

M. Stéphane Travert, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Le Gouvernement est totalement mobilisé sur le futur plan « protéines » européen, qui a été annoncé par la Commission européenne et pour lequel un rapport a été confié au député européen M. Jean-Paul Denanot, qui doit l’achever avant son départ du Parlement européen en 2019. Dans ce contexte, la remise d’un rapport d’étape fin 2018 ne me paraît pas pertinente.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis. L’amendement est intéressant, mais je m’interroge sur la date du 31 décembre 2018 : n’est-ce pas trop tard – ou au contraire trop tôt ?

M. Dominique Potier. Je suis content de vous avoir convaincue, madame la rapporteure, et ne suis pas contre un sous-amendement : nous ne sommes pas à six mois près. En tout état de cause, je pense qu’il faut accompagner le rapport de M. Jean-Paul Denanot, qui est un excellent député européen.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis. Soit, donnons six mois de plus au Gouvernement, c’est-à-dire jusqu’au 30 juin 2019.

La commission adopte l’amendement ainsi rectifié.

Article additionnel après l’article 11
Suspension de la mise sur le marché des denrées contenant du dioxyde de titane

La commission examine les amendements identiques CD227 de M. Matthieu Orphelin et CD380 de Mme Sandrine Le Feur.

M. Matthieu Orphelin. Mon amendement a trait au sujet délicat du dioxyde de titane, additif alimentaire autrement connu sous le nom de « E 171 ». Une première étude, réalisée en 2006, l’a classé comme possiblement cancérigène pour l’homme, et l’ANSES écrivait, dans un avis publié en avril 2017 suite à l’étude de l’INRA publiée en janvier de la même année, que les résultats de ladite étude mettent en évidence « des effets qui n’avaient pas été identifiés auparavant ».

Je propose donc d’appliquer le principe de précaution et de suspendre l’autorisation de mise sur le marché (AMM) du dioxyde de titane jusqu’à ce que soit connu le résultat de la nouvelle évaluation que l’ANSES doit conduire cette année. Vous observerez d’ailleurs qu’un certain nombre d’industriels ont déjà fait le choix d’éliminer de la composition de leurs produits le dioxyde de titane.

M. Stéphane Travert, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Il faut renvoyer ce débat à l’Union européenne, car la suspension des importations relève de sa compétence et l’interdiction de mise sur le marché nécessite le déclenchement d’une procédure européenne particulière. Une note portant sur cette question a d’ailleurs été adressée à la Commission européenne au mois de janvier dernier ; un comité d’experts se réunira le 16 avril prochain à Bruxelles.

C’est pourquoi je vous invite à retirer ces amendements.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis. Même avis. Il me semble prudent d’attendre les résultats des divers travaux en cours à Bruxelles.

M. Matthieu Orphelin. Nous n’en sommes qu’au tout début de l’examen de ce projet de loi. Nous pouvons adresser un message politique signifiant que la France est attentive à la question. Je note avec intérêt qu’une réunion d’experts se tiendra très prochainement. Il m’est toutefois revenu que les précédentes réunions consacrées au dioxyde de titane ne s’étaient pas déroulées dans des conditions parfaites.

M. Guillaume Garot. J’observe que, depuis le début de notre débat, nous examinons divers amendements, portant ici sur les endocriniens, là sur le dioxyde de titane ; c’est-à-dire que nous n’apportons que des réponses partielles. Je rappelle que j’avais proposé un amendement, malheureusement rejeté, qui confiait au Gouvernement le soin de déterminer la liste des contaminants, présents dans l’alimentation, dont il faudrait sans tarder réduire l’utilisation, en vue de les interdire à terme, avant même de fixer des objectifs portant cette fois sur la qualité nutritionnelle. Il est regrettable que le Gouvernement ait refusé cette proposition, qui l’aurait armé d’une capacité de riposte cohérente, globale et volontariste, à même d’adresser un message très clair aux Français. Il faut prendre le taureau par les cornes et adopter une attitude offensive sur ces questions, sans quoi nous aurons toujours un train de retard.

M. Stéphane Travert, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. C’est ce que nous avons fait en adressant une note à la Commission européenne dès le mois de janvier dernier. Nous avons ainsi obtenu la réunion du comité d’experts le 16 avril : attendons ses conclusions.

Faisons confiance à ces démarches entreprises par l’Union européenne, et faisons preuve d’esprit de cohérence, car, là encore, nous pourrions avancer le principe de précaution sur notre seul territoire ; mais tâchons d’entraîner nos partenaires avec nous. C’est ce que nous essayons de faire avec le glyphosate en rassemblant d’autres États afin d’obtenir une durée inférieure à celle décidée par Bruxelles.

M. Guillaume Garot. Le glyphosate est un bon exemple : c’est parce que la France a montré la voie qu’elle a été suivie !

Nous persistons à aborder les problèmes les uns après les autres. Nous parlons de pesticides, de dioxyde, de titane, de perturbateurs endocriniens ; nous pourrions aussi parler de ce qu’on appelle l’« effet cocktail ». Nous devons être très au clair sur ce dernier point, et le Gouvernement serait bien inspiré de confier rapidement à l’ANSES une mission sur ce sujet.

Nous proposons une méthode à laquelle nous avons réfléchi à la lumière de l’expérience.

M. Stéphane Travert, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. L’effet cocktail figure dans la feuille de route relative aux produits phytosanitaires. Nous avons par ailleurs lancé une concertation sur ces derniers produits avec toutes les parties prenantes : agriculteurs, ONG, etc., dont les conclusions devraient être rendues dans les semaines à venir.

La commission adopte les amendements.

Après l’article 11

L’amendement CD395 de Mme la présidente Barbara Pompili est retiré.

Article additionnel après l’article 11
Objectif pour l’État de n’acheter que des produits n’ayant pas contribué à la déforestation importée

La commission est saisie de l’amendement CD396 de Mme Barbara Pompili.

Mme la présidente Barbara Pompili. Cet amendement s’inscrit dans la suite de nos débats sur la déforestation importée ; je vous épargnerai toutefois l’exégèse des débats sur la biodiversité…

Il s’agit de soutenir la stratégie nationale contre cette déforestation à travers une mesure législative symbolique reprenant les termes de l’article 48 de la loi de programmation du 3 août 2009 relative à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement, par lequel l’État s’engageait notamment à n’acquérir, pour ses administrations civiles, que des véhicules éligibles au bonus écologique, à réduire de façon significative sa consommation de papier, ou encore à recourir pour 15 % au moins à des produits biologiques dans ses services de restauration collective.

Dans le droit fil de cette logique, je propose d’écrire que l’État s’engage à supprimer, d’ici à 2022, tout achat de produits ayant contribué à la déforestation. Rappelons que la plupart des entreprises privées visées, telles que Danone, Unilever ou Nestlé, ont déjà pris un engagement similaire pour 2020.

Ma proposition est donc une proposition mesurée, qui adresse un signal clair et met en valeur la stratégie du Gouvernement pour lutter contre la déforestation importée.

M. Stéphane Travert, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. J’estime prématuré, comme précédemment, d’envisager un tel engagement de l’État. Je préfère que nous attendions les conclusions du plan « Climat » et de la stratégie nationale de lutte contre la déforestation importée pour fixer une ligne de conduite et formuler, le cas échéant, un certain nombre de propositions.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis. Pour les mêmes raisons que celles que j’ai exposées au sujet de l’amendement précédent, je considère qu’il est difficile de mesurer l’impact de cette proposition. En tant que rapporteure pour avis, je n’ai pas réalisé d’audition à ce sujet. Dans l’attente de précisions supplémentaires relatives aux possibilités d’application de cette disposition à l’horizon 2022, je demande le retrait de l’amendement.

Mme la présidente Barbara Pompili. À ce stade je préfère le maintenir, afin de délivrer un message politique dans la perspective de l’élaboration de la stratégie nationale de lutte contre la déforestation importée.

M. François-Michel Lambert. Il faut naturellement voter cet amendement, car il y aura d’autres rendez-vous, échelonnés tout au long de l’examen de ce projet de loi, et si nous ratons la première marche, je ne vois pas comment nous atteindrons la seconde.

La commission adopte l’amendement.

Après l’article 11

La commission examine l’amendement CD431 de M. Bruno Duvergé.

M. Bruno Duvergé. Je propose, par cet amendement, que le Gouvernement remette au Parlement un rapport sur la rationalisation, la rénovation, voire la suppression des diverses instances dédiées à l’alimentation, ainsi que sur une éventuelle réactivation du groupe d’étude des marchés de restauration collective et nutrition, comme le prévoyaient les États généraux de l’alimentation.

M. Stéphane Travert, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Certaines de ces instances, dont le groupe d’étude des marchés de restauration collective et nutrition (GEM-RCN), ne sont déjà plus actives. Comme je l’ai dit à plusieurs reprises, je souhaite mettre en place par voie réglementaire un Conseil national de la restauration collective, ainsi que cela est prévu dans la feuille de route des États généraux. Votre amendement est donc satisfait, et je vous invite à le retirer.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis. Même avis, pour les mêmes raisons.

L’amendement est retiré.

Article additionnel après l’article 11
(article L. 230-3 du code rural et de la pêche maritime)
Missions de l’observatoire de l’alimentation

La commission examine ensuite, en discussion commune, les amendements CD524 du Gouvernement et CD432 de M. Bruno Duvergé.

M. Stéphane Travert, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. L’amendement du Gouvernement est relatif à l’Observatoire de l’alimentation, dont le rôle est d’éclairer les pouvoirs publics et les acteurs économiques sur les évolutions de l’offre et de la consommation alimentaires, et qui comprendra trois sections. La première aura pour mission de surveiller la qualité nutritionnelle des produits alimentaires transformés disponibles sur le marché français. La deuxième, pilotée par la direction générale de l’alimentation, sera responsable du suivi de la qualité sanitaire des aliments. La troisième sera chargée de collecter des données permettant de caractériser l’évolution des pratiques alimentaires.

Une mission d’inspection ministérielle a été diligentée, qui a émis des recommandations dont le présent amendement a pour objet de tirer les conséquences, en recentrant les missions de l’observatoire sur celles qui sont assurées au sein de la section qualité nutritionnelle des aliments.

M. Bruno Duvergé. L’observatoire sera-t-il compétent dans le domaine du fonctionnement de la restauration collective ?

M. Stéphane Travert, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. À quel aspect de ce fonctionnement songez-vous ?

M. Bruno Duvergé. À celui relatif au respect de tous les critères que nous avons évoqués au cours de cette discussion. Si tel est le cas, j’accepte de retirer mon amendement.

M. Stéphane Travert, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. C’est bien le cas.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis. Je suis favorable à l’amendement du Gouvernement.

L’amendement CD432 est retiré.

La commission adopte l’amendement CD524.

Après l’article 11

La commission examine, en discussion commune, les amendements CD330 de M. François Ruffin et CD433 de M. Bruno Millienne.

M. Loïc Prud’homme. Cet amendement propose que le Conseil national de l’alimentation soit compétent en matière de recommandations nutritionnelles, en concertation avec les associations de consommateurs ou ayant pour objet la santé ou l’environnement.

Je rappelle en effet que les menus servis dans les établissements scolaires sont actuellement régis par le décret du 30 septembre 2011 et par l’arrêté du 30 septembre 2011, qui imposent la présence systématique de produits d’origine animale dans les menus. Couronnée de la palme de la « réglementation la plus absurde » dans un rapport remis au Premier ministre en 2013, cette réglementation pêche surtout par l’imposition à tous d’un modèle alimentaire désastreux.

Nous souhaitons donc que le CNA formule de nouvelles recommandations en s’appuyant sur les associations que j’ai mentionnées.

M. Bruno Millienne. Même argumentation.

M. Stéphane Travert, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. L’amendement que j’ai présenté tout à l’heure vise à renforcer la fonction consultative du CNA, à ouvrir la composition de cet organe et à créer un Conseil national de la restauration collective, aux compétences proches de celles que vous venez de décrire ; je souhaite donc le retrait de ces amendements, faute de quoi mon avis sera défavorable.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis. Compte tenu de l’adoption de l’amendement CD524 du Gouvernement, de la constitution attendue d’un Conseil national de la restauration collective et de la feuille de route adoptée suite aux États généraux de l’alimentation, qui prévoit une meilleure articulation entre le Programme national pour l’alimentation (PNA) et le Programme national nutrition-santé (PNNS), je demande le retrait de ces amendements.

L’amendement CD433 est retiré.

La commission rejette l’amendement CD330.

Article additionnel après l’article 11
Évaluation du dispositif des projets alimentaires territoriaux

La commission se saisit de l’amendement CD248 de Mme Sandrine Le Feur.

Mme Nathalie Sarles. Cet amendement consiste à demander au Gouvernement la remise au Parlement d’un rapport portant sur l’évaluation des projets alimentaires territoriaux. Ces documents, dont l’élaboration a été rendue possible par la loi d’avenir pour l’agriculture adoptée sous le précédent quinquennat, sont malheureusement au nombre d’une quarantaine seulement, inégalement répartis sur le territoire. Un premier bilan de leur mise en œuvre a d’ailleurs été évoqué à l’occasion de l’examen d’un amendement précédent.

M. Stéphane Travert, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Je vous remercie de penser à donner au Gouvernement du travail supplémentaire... (Sourires.) Cela dit, l’amendement nous paraît tout à fait opportun, car le dispositif concerné est important, et nous tablons fortement sur son développement. J’émets donc un avis favorable.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis. Même avis.

La commission adopte l’amendement.

Article additionnel après l’article 11
Rapport sur la définition de la durée de vie d’un produit alimentaire

La commission examine, en discussion commune, les amendements CD96 de M. Bertrand Pancher, CD410 de Mme Zivka Park, CD430 de M. Jean-Luc Lagleize et CD475 de M. Guillaume Garot.

M. Bertrand Pancher. Monsieur le ministre, j’ai organisé dans le cadre des États généraux de l’alimentation une vraie concertation locale et des tables rondes qui ont recueilli plus de 500 contributions, et j’ai été très frappé de constater que les plus nombreuses portaient sur les dates de conservation des denrées alimentaires. Le sujet est certes complexe, mais chacun s’interroge sur la raison pour laquelle beaucoup de produits, notamment les yaourts, peuvent être consommés au-delà de la date indiquée sans que cela pose problème. Je me demande par conséquent si, plutôt que de réglementer à nouveau, il ne serait pas souhaitable que le Gouvernement commette un rapport sur la question afin d’éclairer nos concitoyens.

Mme Zivka Park. Je n’ai rien à ajouter à ce qui vient d’être dit.

M. Bruno Duvergé. Moi non plus.

M. Guillaume Garot. Le but est de délivrer au consommateur l’information la plus à même de limiter le gaspillage. En effet, la plus grande confusion règne dans le domaine des dates limites de consommation, souvent considérées par les consommateurs comme les dates à partir desquelles le produit serait impropre à la consommation. Or nous savons tous que l’on peut très bien consommer un biscuit, par exemple, au-delà de la date indiquée sur le paquet : il sera peut-être moins croustillant, mais ses qualités intrinsèques demeureront.

Nous proposons donc que le Gouvernement travaille, au niveau européen car c’est celui qui est pertinent, à modifier le vocabulaire en usage. Aujourd’hui la formule est : « à consommer de préférence avant le », ce qui est source de confusion, alors que nos amis britanniques écrivent « meilleur avant le » – best before…

Mme la présidente Barbara Pompili. Je précise que ce dernier amendement pourra être mis aux voix même si l’un des trois autres est adopté, car il n’est pas incompatible avec eux.

M. Stéphane Travert, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. S’agissant des trois premiers amendements, qui portent sur la durée de vie des produits alimentaires, je rappelle que la question relève du règlement européen dit « INCO ». Nous ne pouvons travailler seuls dans notre coin sans engager un travail préalable avec nos partenaires européens et la Commission européenne. J’émets donc un avis défavorable.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis. Je demande le retrait de ces amendements.

La commission adopte l’amendement CD96.

En conséquence, les amendements CD410 et CD430 tombent.

Puis la commission adopte l’amendement CD475.

Article 12
(chapitre VI du Livre II et article L. 266-1 [nouveaux] du code de l’action sociale et des familles, article L. 541-15-5 du code de l’environnement)
Définition de l’aide alimentaire au sein du code de l’action sociale
et des familles

Le présent article tire les conclusions des préconisations des États généraux de l’alimentation (en particulier celles de l’atelier 12 relatif à la lutte contre l’insécurité alimentaire), selon lesquelles il était important de bien considérer l’aide alimentaire comme relevant de la lutte contre la précarité alimentaire.

Actuellement, la définition de l’aide alimentaire est insérée dans le code rural et de la pêche maritime à l’article L. 230-6, dans le titre III du Livre II du code, consacré à la qualité nutritionnelle et la sécurité des aliments, au sein du chapitre préliminaire relatif à la politique publique de l’alimentation.

I.   inscrire l’aide alimentaire dans le code de l’action sociale et des familles

De nombreux aspects concourent à définir la politique de lutte contre la précarité alimentaire, tels que les besoins nutritionnels à couvrir, la préservation de la santé, le rôle de l’école, le lien social, le rôle de la famille ou l’intégration sociale.

Le présent article vise à transférer du code rural et de la pêche maritime vers le code de l’action sociale et des familles les dispositions définissant l’aide alimentaire. Le titre VI du livre II du code de l’action sociale et des familles (intitulé « Lutte contre la pauvreté et les exclusions ») serait complété par un nouveau chapitre VI relatif à la lutte contre la précarité alimentaire.

Ce transfert a pour conséquence que le ministère de l’action sociale et des familles sera désormais en charge de l’aide alimentaire.

Le ministère dispose déjà de la compétence de gestion de l’aide alimentaire européenne du Fonds européen d’aide aux plus démunis (FEAD).

Les associations entendues ont, à cet égard, souligné l’importance du FEAD pour leurs actions. La stabilité des dons du FEAD constitue un élément central dans l’organisation de leurs activités. L’aide reçue de ce fonds a un rôle très complémentaire de l’activité de recueil des dons dans les grandes et moyennes surfaces.

Votre rapporteure pour avis a souligné l’importance de cette question et la nécessité du maintien des crédits alloués à ce fonds en vue de la négociation du prochain cadre financier pluriannuel européen (2021-2027) au cours de l’audition de M. Jean Arthuis, Président de la Commission des budgets du Parlement européen.

Quelques modifications sont apportées à la définition de l’aide alimentaire. Ainsi, afin de tirer les conséquences des conclusions de l’atelier 12 des États généraux de l’alimentation, la définition de l’aide alimentaire (« laide alimentaire a pour objet la fourniture de denrées alimentaires aux personnes en situation de vulnérabilité économique ou sociale ») est complétée et il est précisé qu’elle est « assortie de la proposition dun accompagnement ».

Par ailleurs, il est proposé de supprimer un alinéa de l’article L. 230-6 du code rural et de la pêche maritime, qui n’a plus de raison d’être aujourd’hui, selon lequel « les personnes morales de droit privé constituées sous forme dassociations […] qui œuvrent dans le secteur caritatif peuvent mettre en place un dispositif de stockage privé consistant à acheter des produits alimentaires en période de surproduction agricole pour les entreposer et les redistribuer ensuite aux personnes les plus démunies. » Les associations disposant de dispositifs de stockage dont l’existence n’est pas liée à des achats en période de surproduction, cette mention est sans objet.

Le III de l’article propose de procéder à une correction de référence au sein du code de l’environnement (renvoi au nouvel article L. 266-1 du code de l’action sociale et des familles). Il vise également à réaliser une harmonisation des termes retenus entre le code de l’action sociale et des familles et le code de l’environnement qui, en son article L. 541-15-5, définit les obligations des grandes et moyennes surfaces en matière de dons aux associations « caritatives » habilitées par l’autorité administrative à recevoir des contributions publiques pour l’aide alimentaire. Ces obligations sont issues de la loi n° 2016-138 du 11 février 2016 relative à la lutte contre le gaspillage alimentaire, dite loi « Garot ».

Ce texte a notamment permis d’inscrire dans la loi la hiérarchie des actions à mettre en place pour valoriser les denrées alimentaires et lutter contre le gaspillage alimentaire. Ainsi, en application de l’article L. 541-15-4 du code de l’environnement, « les actions de lutte contre le gaspillage alimentaire sont mises en œuvre dans lordre de priorité suivant :

« 1° La prévention du gaspillage alimentaire ;

« 2° Lutilisation des invendus propres à la consommation humaine, par le don ou la transformation ;

« 3° La valorisation destinée à lalimentation animale ;

« 4° Lutilisation à des fins de compost pour lagriculture ou la valorisation énergétique, notamment par méthanisation. »

Un système de convention a été prévu afin d’encadrer le don alimentaire des grandes et moyennes surfaces aux associations habilitées. Les grandes et moyennes surfaces doivent ainsi proposer à des associations habilitées de signer une convention, sur la base d’une convention-type, fixant les modalités selon lesquelles les invendus propres à la consommation leur sont donnés.

Une sanction a été créée pour empêcher la destruction volontaire de denrées alimentaires encore consommables. La lutte contre le gaspillage alimentaire a été intégrée au parcours scolaire et dans le champ de la responsabilité sociétale des entreprises.

Dès lors que les termes « associations caritatives » n’apparaissent pas ailleurs dans le code de l’environnement, que le terme « caritatif » disparaît des dispositions sur l’aide alimentaire et n’est pas repris dans le code de l’action sociale et des familles, il apparaît préférable, par sécurité juridique, de le supprimer également au sein de l’article L. 541-15-5 du code de l’environnement.

Toutefois, l’article propose de mentionner, s’agissant des obligations des grandes et moyennes surfaces en matière de dons, le don, non plus aux associations, mais aux « personnes morales [de droit public ou de droit privé] habilitées » par l’autorité administrative, à recevoir des contributions publiques destinées à la mise en œuvre de l’aide alimentaire.

Cette extension signifie que d’autres personnes morales que les associations pourraient recevoir les dons des grandes et moyennes surfaces, ce qui n’est pas souhaitable. Il convient de bien préserver le champ d’application de la loi dite « loi Garot » relative à la lutte contre le gaspillage alimentaire. Votre rapporteure pour avis a donc proposé un amendement permettant de corriger le renvoi et de supprimer simplement le terme « caritatives » afin que, comme c’est le cas aujourd’hui, seules les associations habilitées puissent bénéficier des dispositions de l’article L. 541-15-5 du code de l’environnement.

II.   Les travaux de votre commission

Votre commission a adopté, suivant l’avis favorable de votre rapporteure pour avis, l’amendement CD523 présenté par le Gouvernement, visant à compléter la définition de l’aide alimentaire par la définition de la précarité alimentaire, à un nouvel article L. 2661 A du code de l’action sociale et des familles. Il dispose que « la lutte contre la précarité alimentaire a pour objet d’assurer une alimentation sûre, saine, diversifiée, de bonne qualité et en quantité suffisante, et de façon digne et durable aux personnes en situation de vulnérabilité économique ou sociale.

« La lutte contre la précarité alimentaire comprend la poursuite des objectifs définis par l’article L. 1 du code rural et de la pêche maritime et par les programmes nationaux relatifs à l’alimentation, à la nutrition et à la santé.

« Elle participe au développement des capacités des personnes à agir pour elles-mêmes et dans leur environnement et se fonde sur la coopération entre l’État et ses établissements publics, les collectivités locales, les acteurs économiques les associations et les personnes concernées.

« L’aide alimentaire est une composante de la lutte contre la précarité alimentaire. »

Votre commission a également adopté les amendements identiques CD434, présenté par M. Bruno Duvergé, et CD454, présenté par M. Guillaume Garot, visant à supprimer l’alinéa 9 de l’article, votre rapporteure pour avis ayant émis un avis défavorable.

Ces amendements posent en effet le problème de supprimer tout renvoi, dans les dispositions de l’article L. 514-15-5 du code de l’environnement issues de la loi sur la lutte contre le gaspillage alimentaire, à l’habilitation désormais prévue par l’article L. 266-1 du code de l’action sociale et des familles.

Le renvoi actuel aux dispositions du code rural et de la pêche maritime (article L. 230-6) serait maintenu mais totalement inopérant, l’article étant abrogé par l’alinéa 1 de l’article 12.

La suppression de cet alinéa ayant été adoptée, l’amendement CD355 présenté par votre rapporteure pour avis et maintenant le champ de l’obligation, pour les grandes et moyennes surfaces, de proposer une convention de dons aux seules associations n’a pas été discuté.

La préoccupation des associations quant à l’élargissement du champ des personnes morales habilitées à signer des conventions avec les grandes et moyennes surfaces étant fondée, votre rapporteure pour avis proposera de nouveau son amendement tendant à maintenir le cadre actuel de la loi dite « loi Garot ».

*

*     *

La commission examine l’amendement CD523 du Gouvernement.

M. Stéphane Travert, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Les États généraux de l’alimentation ont mis en avant la nécessité de considérer l’aide alimentaire comme une composante essentielle de la lutte contre la précarité alimentaire et, au-delà, de la couverture des besoins nutritionnels. La réponse à la précarité alimentaire doit prendre en compte l’ensemble de ses dimensions et s’inscrire dans un objectif de durabilité. Il est donc proposé d’ajouter une définition de la lutte contre la précarité alimentaire, en cohérence avec le titre du chapitre. L’objectif de cet article est de soutenir les différentes formes de solidarité qui peuvent concourir à la réduction de la précarité alimentaire et à l’amélioration de l’accessibilité à une alimentation saine, durable et de qualité.

Suivant l’avis favorable de la rapporteure pour avis, la commission adopte l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement CD391 de Mme Jennifer De Temmerman.

Mme Jennifer De Temmerman. Il s’agit d’ajouter une précision concernant la transmission de la responsabilité en cas de toxi-infection alimentaire collective. C’est une grande hantise des gestionnaires et des cuisiniers, juridiquement responsables. Si je suis tout à fait favorable au don pour lutter contre le gaspillage alimentaire, j’aimerais que soit éclairci ce point.

M. Stéphane Travert, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. La réponse est claire : la responsabilité incombe successivement à chaque détenteur des denrées tout au long de la chaîne alimentaire. Il n’y a pas lieu d’apporter des précisions à ce sujet car c’est déjà inscrit dans la réglementation européenne.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis. Compte tenu de la réponse du ministre, je demande le retrait de l’amendement.

L’amendement est retiré.

La commission est saisie des amendements identiques CD434 de M. Bruno Duvergé et CD454 de M. Guillaume Garot.

M. Bruno Duvergé. Avant d’éviter que des structures économiques, et non plus seulement des associations affichant de fortes exigences en termes de gratuité et d’équité dans leurs dons alimentaires, puissent récupérer des invendus, il est proposé de garder la mention actuellement en vigueur, votée dans la loi dite loi « Garot ».

M. Guillaume Garot. Je propose également la suppression de l’alinéa 9. Dans la loi du 11 février 2016 relative à la lutte contre le gaspillage alimentaire, nous avions prévu que les grandes surfaces doivent passer des conventions de don avec des associations de solidarité habilitées. Modifier ce point très important en ouvrant la possibilité de don à des personnes morales habilitées sans préciser de quelles personnes il s’agit serait ouvrir la boîte de Pandore, car on pourrait imaginer des dons à des personnes qui revendraient ensuite la nourriture, détournant l’objectif même de l’aide alimentaire. Il faut prévenir ce type de dérive, et je vous assure que l’alinéa 9 suscite une grande émotion chez l’ensemble des associations de solidarité.

M. Stéphane Travert, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. S’il s’agit de lever une ambiguïté qui a pu semer de l’émoi et préoccuper le monde associatif, je suis favorable à ces amendements.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis. Je ne suis pas de cet avis. Il faut, plutôt que de supprimer de l’alinéa 9 qui effectue un renvoi nécessaire au code de l’action sociale et des familles, proposer de le clarifier en substituant aux mots « personnes morales » le mot « associations ».

La commission adopte les amendements.

En conséquence, l’amendement CD355 de la rapporteure pour avis, le sous-amendement CD529 du Gouvernement et l’amendement CD455 de M. Guillaume Garot tombent.

La commission émet ensuite un avis favorable à l’adoption de l’article 12.

Article additionnel après l’article 12
(article L. 541-15-6 du code de l’environnement)
Qualité des dons de denrées alimentaires par les grandes et moyennes surfaces

La commission est saisie de l’amendement CD352 de la rapporteure pour avis, qui fait l’objet du sous-amendement CD528 du Gouvernement.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis. Le présent amendement vise à ce que les grandes et moyennes surfaces s’assurent de la qualité du don auquel elles procèdent auprès des associations habilitées dans le cadre de la lutte contre le gaspillage alimentaire.

M. Stéphane Travert, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Le sous-amendement du Gouvernement a pour objet de renvoyer à un décret la définition, notamment, des éléments qualitatifs qui seront pris en compte par les opérateurs.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis. Avis favorable.

M. Bertrand Pancher. Il est sage d’ajouter un peu de souplesse, car la grande distribution s’engage et fait preuve de générosité. Merci, monsieur le ministre.

M. Guillaume Garot. La générosité, monsieur Pancher, a des contreparties très favorables, car je rappelle qu’une défiscalisation est attachée aux dons alimentaires. C’est donc une générosité bien ordonnée…

Il ne mange pas de pain de dire que nous voulons un don de qualité : votons donc l’amendement, afin d’envoyer un signal. Mais peut-être faudra-t-il aussi s’interroger sur les conditions mises à la déduction fiscale, la lier, par exemple, à la qualité de ce qui est donné. Je vous assure que ce jour-là, les choses changeront… Reconnaissons cependant, avec M. Pancher, qu’il existe aujourd’hui une très belle dynamique, et que les grandes surfaces ont consenti d’énormes efforts pour donner aux associations de solidarité, en direction de ceux qui en ont besoin.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis. Nous avons auditionné les banques alimentaires et les parties prenantes. Il y a une attente pour monter en qualité quand c’est possible.

La commission adopte successivement le sous-amendement CD528 puis l’amendement CD352 modifié.

Après l’article 12

La commission examine l’amendement CD41 de Mme Laurence Vanceunebrock-Mialon.

Mme Laurence Vanceunebrock-Mialon. Je souhaite compléter l’article 200 bis du code général des impôts par la phrase suivante : « Pour les dons alimentaires, un décret précise les conditions d’éligibilité à la déduction prévue au présent article, dont la communication d’informations sur les actions de prévention du gaspillage alimentaire mises en place préalablement par les donateurs ainsi que sur la redistribution effective des denrées par les associations d’aide alimentaire receveuses. »

La question de la qualité du don est primordiale pour les associations d’aide alimentaire et leurs bénéficiaires. Il est par conséquent important de s’assurer que l’augmentation du nombre de donateurs d’invendus alimentaires ne s’accompagne pas d’un transfert de déchets vers ces structures. Or, malgré les nombreuses démarches d’amélioration des processus de gestion du don, notamment l’incitation à la passation de conventions contenue dans la loi « Garot », certaines associations receveuses se voient encore contraintes d’effectuer un « sur-tri » des produits et de jeter ceux qu’elles ne sont pas en mesure de redistribuer. C’est ensuite aux collectivités qu’incombe la gestion des denrées non consommées devenues des déchets…

Le système actuel de défiscalisation des dons alimentaires repose sur une approche par quantités, qui n’offre aucune garantie aux associations quant à la qualité des denrées cédées. Il est donc important que la défiscalisation soit conditionnée à la communication d’informations sur les quantités réellement redistribuées par les associations d’aide alimentaire.

Par ailleurs, il est important de s’assurer que les donateurs, avant de prendre la décision de donner, mettent bien en place des actions de réduction « à la source » du gaspillage alimentaire, dans le respect de la hiérarchie définie à l’article L. 541-15-4 du code de l’environnement, afin d’éviter certains effets pervers. Il est nécessaire d’agir à la fois en amont pour réduire le gaspillage, et en aval pour distribuer les surplus à travers des circuits alternatifs tels que l’aide alimentaire. De même, il est important de savoir comment est traité le gaspillage alimentaire qui n’a pu être évité.

Je propose donc que le système de défiscalisation soit également conditionné à la mise à disposition d’informations par les donateurs : volume total du gaspillage alimentaire généré, quantités totales de denrées retirées de la vente, quantités transformées sur place, quantités données à l’aide alimentaire, quantités valorisées en alimentation animale, quantités valorisées via la méthanisation et le compostage, quantités détruites.

M. Stéphane Travert, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. S’agissant d’une disposition fiscale, elle ne relève pas de ce projet de loi et je vous invite à la proposer, lors de l’examen du projet de loi de finances, à MM. Darmanin et Le Maire qui se feront un plaisir de vous donner satisfaction… (Sourires.)

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis. Demander aux associations de justifier la redistribution des dons alors qu’elles ne bénéficient pas d’avantages fiscaux ne paraît pas pertinent. Je demande donc le retrait de l’amendement.

L’amendement est retiré.

La commission est saisie de l’amendement CD435 de M. Bruno Duvergé.

M. Bruno Duvergé. Dans le droit fil des conclusions des États généraux de l’alimentation, je propose d’intégrer un volet relatif à la lutte contre la précarité alimentaire dans les plans régionaux de l’agriculture durable (PRAD).

M. Stéphane Travert, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Les objectifs des PRAD sont assez éloignés de la préoccupation qui sous-tend l’amendement. Un PRAD fixe des orientations, et n’est donc pas l’outil adéquat pour l’identification des bonnes pratiques. Je vous invite à retirer l’amendement.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis. Même avis.

L’amendement est retiré.

Article additionnel après l’article 12
(article L. 3231-1 du code de la santé publique)
Intégration de la lutte contre la précarité alimentaire dans les objectifs du programme national pour la nutrition et la santé

La commission examine l’amendement CD437 de M. Bruno Duvergé.

M. Bruno Duvergé. Il s’agit du même amendement que le précédent, à ceci près qu’il s’agit cette fois d’intégrer la lutte contre la précarité alimentaire dans les programmes nationaux, tels que le programme national pour l’alimentation (PNA) et le programme national nutrition santé (PNNS).

M. Stéphane Travert, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Il est opportun que le projet de loi issu des États généraux de l’alimentation reprenne la proposition des membres de l’atelier 12, c’est-à-dire l’inscription de la lutte contre la précarité alimentaire comme un axe majeur de la lutte contre la pauvreté et la transcription de cet objectif dans les plans et stratégies concernés. L’aide alimentaire ne saurait être la seule réponse à la précarité alimentaire et je ne peux donc qu’être favorable à l’amendement.

Mme Delphine Batho. J’ai une question de béotienne : je ne comprends pas pourquoi nous avons à la fois un PNA et un PNNS – d’autant que nous allons en outre créer de nouveaux observatoires. Si le rapporteur de la commission des affaires économiques, par exemple, pouvait nous dresser un panorama de ce qui existe afin d’éviter les éventuels doublons et redondances, ce serait sans doute utile.

M. Stéphane Travert, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. L’objectif est de bien articuler les deux, en liaison avec ma collègue chargée de la santé. Le PNNS comporte un volet sur l’activité physique et le sport, qui permettent de se maintenir en bonne santé, tandis que le PNA porte davantage sur les projets territoriaux, la montée en gamme et la qualité alimentaire.

Suivant l’avis favorable de la rapporteure pour avis, la commission adopte l’amendement.

Article additionnel après l’article 12
Intitulé d’un nouveau chapitre au sein du titre II

La commission examine l’amendement CD148 de M. Loïc Dombreval.

M. Loïc Dombreval. Il s’agit d’un amendement rédactionnel qui est le pendant de l’amendement CD132 et vise à donner des repères, un ancrage et plus de lisibilité au chapitre II sur le respect du bien-être animal.

Suivant l’avis favorable du ministre de l’agriculture et de l’alimentation et de la rapporteure pour avis, la commission adopte cet amendement.

Article 13
(article 2-13 du code de procédure pénale, article L. 215-11 du code rural et de la pêche maritime)
Renforcement des sanctions pénales et des droits reconnus aux associations de protection des animaux en matière de maltraitance animale

Le présent article vise à renforcer très significativement les sanctions pénales applicables en cas de mauvais traitement sur les animaux et à étendre les droits reconnus aux associations de protection et de défense des animaux.

I.   La création du délit de mauvais traitement durant le transport et dans les abattoirs, le renforcement des sanctions et des droits reconnus aux associations de protection des animaux

A.   le renforcement des sanctions prévues par le code rural en cas de mauvais traitement

L’article L. 215-11 du code rural et de la pêche maritime sanctionne de six mois d’emprisonnement et de 7 500 euros d’amende le fait pour « toute personne exploitant un établissement de vente, de toilettage, de transit, de garde, déducation, de dressage ou de présentation au public danimaux de compagnie, une fourrière, un refuge ou un élevage dexercer ou de laisser exercer sans nécessité des mauvais traitements envers les animaux placés sous sa garde. »

Les personnes physiques et morales coupables de ces infractions encourent des peines complémentaires : interdiction temporaire ou définitive de détenir un animal, interdiction d’exercer, pour une durée de cinq ans au plus, une activité professionnelle ou sociale dès lors que les facilités que procure cette activité ont été sciemment utilisées pour préparer ou commettre l’infraction.

L’article L. 215-13 du code rural et de la pêche maritime punit de six mois d’emprisonnement et de 7 500 euros d’amende le fait de transporter des animaux sans être titulaire de l’autorisation nécessaire ([15]).

Les dispositions de l’article L. 215-11 en matière de mauvais traitement ne sont pas applicables aux opérations de transport ni pendant l’abattage des animaux. Il est proposé d’étendre cet article aux établissements de transport d’animaux vivants et d’abattage (3° du II de l’article 13).

C’est pour combler cette lacune, identifiée de longue date par les associations de protection des animaux et par la commission d’enquête présidée par M. Olivier Falorni sur les conditions d’abattage des animaux de boucherie dans les abattoirs français en 2016 ([16]), qu’une disposition similaire à celle prévue au présent article avait été introduite par un amendement du gouvernement dans le projet de loi relatif à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique (article 86). Cette disposition a été censurée par le Conseil constitutionnel car elle constituait un « cavalier » législatif, sans lien avec le texte.

La création de ce délit pour les établissements de transport d’animaux vivants et les abattoirs a une conséquence importante au regard de la loi dite loi Sapin 2 et de la protection des lanceurs d’alerte. En effet, la protection des lanceurs d’alerte sera applicable dès lors que les faits dénoncés relèvent d’un délit ou d’un crime ([17]).

Par ailleurs, le présent article prévoit également (1° et 2° du II de l’article 13) de doubler les peines encourues par le responsable de l’établissement. Ainsi, la peine de prison serait portée de six mois à un an et l’amende de 7 500 euros à 15 000 euros.

B.   les droits reconnus aux associations de défense et de protection des animaux

Le I de l’article vise à renforcer les droits reconnus aux associations de protection et de défense des animaux. Ces associations ont des droits spécifiques en application de l’article 2-13 du code de procédure pénale, selon lequel « toute association régulièrement déclarée depuis au moins cinq ans à la date des faits et dont lobjet statutaire est la défense et la protection des animaux peut exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne les infractions réprimant labandon, les sévices graves ou de nature sexuelle, les actes de cruauté et les mauvais traitements envers les animaux ainsi que les atteintes volontaires à la vie dun animal prévus par le code pénal. »

Les fondations reconnues d’utilité publique peuvent également exercer ces droits sous les mêmes conditions.

Les infractions réprimant l’abandon, les sévices graves ou de nature sexuelle, les actes de cruauté et les mauvais traitements envers les animaux ainsi que les atteintes volontaires à la vie d’un animal prévues par le code pénal sont :

– celles définies à l’article 521-1 du code pénal (les sévices graves ou de nature sexuelle et les actes de cruauté commis sur les animaux domestiques, apprivoisés ou tenus en captivité sont punis par une peine d’emprisonnement de deux ans et une peine d’amende de 30 000 euros. Cet article sanctionne également des mêmes peines la création d’un nouveau gallodrome et l’abandon d’un animal domestique, apprivoisé ou tenu en captivité, à l’exception des animaux destinés au repeuplement) ;

– celles définies à l’article R. 654-1 du code pénal (le fait d’exercer volontairement et sans nécessité des mauvais traitements envers un animal domestique, apprivoisé ou tenu en captivité est puni de l’amende prévue pour les contraventions de la 4e classe) ;

– celles définies à l’article R. 655-1 du code pénal (l’atteinte volontaire à la vie d’un animal domestique, apprivoisé ou tenu en captivité est punie de l’amende prévue pour les contraventions de la 5e classe) et à l’article R. 653-1 du même code (l’atteinte involontaire à la vie d’un tel animal est punie de l’amende prévue pour les contraventions de la 3e classe).

Les droits reconnus à la partie civile, et qui peuvent être exercés par les associations, sont essentiellement :

– le droit de se constituer partie civile à l’audience, ou pendant une procédure d’information judiciaire (en application de l’article 79 du code de procédure pénale) ;

– le droit de déposer plainte avec constitution de partie civile pour les crimes et délits (article 85 du code de procédure pénale) ;

– la citation directe devant le tribunal correctionnel (délit, en application des articles 338 et 392 du code de procédure pénale), ou le tribunal de police (contravention, en application de l’article 533 du code de procédure pénale).

Il est proposé d’étendre les droits reconnus aux associations aux infractions pénales définies par le code rural et de la pêche maritime réprimant l’abandon, les sévices graves ou de nature sexuelle, les actes de cruauté et les mauvais traitements envers les animaux ainsi que les atteintes volontaires à la vie d’un animal.

Outre les dispositions des articles L. 215-11 et L. 215-13 définissant les délits précités, seraient également visées les infractions pénales contraventionnelles.

L’étude d’impact souligne que de nombreuses contraventions existent dans le code rural et de la pêche maritime pour sanctionner les gardiens, éleveurs ou détenteurs d’animaux domestiques, apprivoisés ou captifs, qui priveraient ces animaux de soins, de nourriture, d’abreuvement, les placeraient dans un habitat ou une installation leur causant des souffrances ou transporteraient ces animaux dans des conditions non conformes à la législation en vigueur. Des contraventions sont également prévues si l’abattage ou la mise à mort de ces animaux sont réalisés dans des conditions non conformes à la législation.

Votre rapporteure pour avis estime que, si l’étude d’impact précise bien les conséquences en matière de constitution de partie civile pour les délits, il est difficile d’évaluer les conséquences concrètes si les droits reconnus aux associations visent l’ensemble des contraventions prévues par le code rural et de la pêche maritime. Elle souhaite donc restreindre la mention du code rural et de la pêche maritime dans le code de procédure pénale aux seuls délits prévus par ledit code.

C.   des mesures réglementaires complémentaires devraient être prises rapidement

Plusieurs mesures d’ordre réglementaire devraient être prises pour améliorer le bien–être animal dans les abattoirs. La commission d’enquête sur les conditions d’abattage présidée par M. Olivier Falorni, précitée, l’avait également souligné.

La formation délivrée aux personnels manipulant les animaux vivants ou les mettant à mort, qui doivent détenir un certificat de compétence tendant à assurer un niveau minimum de savoir technique et de connaissances sur le bien-être animal, devrait être améliorée, notamment au plan des connaissances pratiques. Cette formation, obligatoire en application du règlement n° 1099/2009 du 24 septembre 2009 sur la protection des animaux au moment de leur mise à mort, est définie au niveau réglementaire. Elle devrait être renforcée, quand bien même elle répondrait déjà aux standards posés au niveau européen.

La formation des « responsables protection animale » pourrait également être améliorée. La désignation de « responsables protection animale » est obligatoire, en application de l’article 17 du règlement (CE) n° 1099/2009 précité, dans les établissements d’abattage abattant au moins 1 000 unités de gros bétail ou 150 000 volailles ou lapins par an. Le responsable aide l’exploitant d’abattoir à assurer le respect du bien-être animal. Il est placé sous l’autorité hiérarchique de l’exploitant. Il doit être titulaire d’un certificat de compétence et ses compétences varient selon les abattoirs et l’organisation de l’établissement. La formation délivrée pour l’obtention du certificat de compétence devrait être développée.

Par ailleurs, votre rapporteure pour avis souhaite que la désignation d’un responsable protection animale soit généralisée dans tous les abattoirs, quel que soit leur volume d’activité. Le ministre de l’agriculture M. Stéphane Le Foll avait pris cet engagement à la suite des travaux de la commission d’enquête relative au respect de l’animal en abattoir. L’amendement CD357 portant article additionnel après l’article 11, présenté en ce sens par votre rapporteure pour avis, a été adopté par votre commission.

Votre rapporteure pour avis a également souhaité que les dispositions applicables à la protection des recueils des signalements des lanceurs d’alerte dans les entreprises de plus de cinquante salariés soient applicables dans tous les abattoirs, quelle que soit la taille de la structure (procédures de recueil spécifiques et plus protectrices du salarié, par un référent désigné). L’amendement CD359 portant article additionnel après l’article 11, présenté en ce sens par votre rapporteure pour avis, a été adopté par votre commission.

Au sein de la direction générale de l’alimentation du ministère de l’agriculture, un réseau de sept référents nationaux abattoirs (RNA) a été créé en 2007. Ces experts, inspecteurs en santé publique vétérinaire, appuient la direction générale, travaillent sur la formation des agents, apportent une expertise technique et interviennent en appui aux services déconcentrés. Le rôle et le nombre des référents nationaux abattoirs devraient, selon votre rapporteure pour avis, être également renforcés. Les RNA pourraient avoir une compétence de médiation avec les exploitants d’abattoirs, en amont des conflits entre exploitants et inspecteurs vétérinaires.

Votre rapporteure pour avis souligne enfin qu’une meilleure communication est souhaitable et possible s’agissant des résultats des contrôles réalisés. Ainsi, des applications telles qu’Alim’confiance, opérationnelle depuis mars 2017 et permettant de connaître les principaux résultats des contrôles, participent à restaurer la confiance des consommateurs et doivent voir leur visibilité renforcée. Le bien-être animal pourrait être spécifiquement mis en avant, s’agissant des contrôles réalisés dans les abattoirs, dans cette application.

Votre rapporteure pour avis souhaite également que chaque abattoir signe et publie un protocole sanitaire particulier, portant notamment sur le respect du bien-être animal, réalisé sur la base d’un protocole-cadre national agréé par le ministère de l’agriculture et l’ANSES. De tels protocoles sont déjà appliqués et entrent en compte dans la modulation de la redevance sanitaire d'abattage. Ils devraient être généralisés. L’amendement CD361 portant article additionnel après l’article 11, présenté en ce sens par votre rapporteure pour avis, a été adopté par votre commission.

II.   Les travaux de votre commission

Votre commission a adopté l’amendement CD373, présenté par votre rapporteure pour avis, qui vise à restreindre aux délits définis par le code rural et de la pêche maritime le champ de l’exercice, par les associations de défense et de protection des animaux, des droits reconnus à la partie civile.

Votre commission a également adopté, votre rapporteure pour avis ayant émis un avis favorable, les amendements identiques CD224, présenté par M. Matthieu Orphelin, et CD255, présenté par Mme Sandrine Le Feur, visant à interdire, à compter du 1er janvier 2022, la vente aux consommateurs d’œufs provenant d’installations d’élevages en cage.

Votre commission a adopté l’amendement CD163, présenté par M. Loïc Dombreval, votre rapporteure pour avis ayant émis un avis défavorable, tendant à ce que tout établissement d’élevage cunicole détienne les lapins d’engraissement, les animaux reproducteurs ainsi que le pré-cheptel dans des conditions respectant les impératifs biologiques de l’espèce. Les établissements qui ont développé d’autres modes d’élevage avant l’entrée en vigueur de ces dispositions bénéficieraient d’une dérogation les autorisant à les exploiter jusqu’au 31 décembre 2024.

Votre commission a adopté l’amendement CD356, présenté par M. Olivier Falorni, votre rapporteure pour avis ayant émis un avis défavorable, tendant à prévoir que, pour les transports d’animaux se déroulant entièrement sur le territoire français, la durée maximale du voyage des animaux domestiques soit fixée à huit heures pour les espèces bovine, ovine, caprine, porcine et les équidés domestiques et à quatre heures pour les volailles, les oiseaux domestiques et les lapins domestiques. Par dérogation, une autorisation préalable pourrait être délivrée pour un voyage d’une durée supérieure, dans une limite maximale de douze heures de transport, par un vétérinaire.

Votre commission a adopté l’amendement CD365, présenté par M. Olivier Falorni, votre rapporteure pour avis ayant émis un avis favorable, prévoyant qu’il est institué dans chaque département et sous l’autorité du Préfet, un référent départemental en matière de protection animale en abattoirs.

Votre commission a adopté l’amendement CD438, présenté par M. Bruno Millienne, votre rapporteure pour avis ayant demandé son retrait, prévoyant que les abattoirs situés dans un même département et dans les départements limitrophes de toute exploitation d’élevage sont tenus de s’organiser pour assurer un service d’abattage d’urgence pour les animaux accidentés transportables, tous les jours de l’année.

Votre commission a adopté l’amendement CD439, présenté par M. Bruno Millienne, votre rapporteure pour avis ayant émis un avis favorable, visant à permettre une expérimentation pour la mise en place d’abattoirs mobiles. À titre expérimental et pour une durée de quatre ans, des dérogations aux prescriptions relatives à la configuration, à la construction et à l’équipement des abattoirs seraient possibles pour les abattoirs mobiles. L’expérimentation ferait l’objet d’une évaluation, notamment de son impact sur le bien-être animal, dont les résultats seraient transmis au Parlement.

Votre commission a, enfin, adopté l’amendement CD 371 rectifié présenté par Mme Frédérique Tuffnell, visant à ce que le Gouvernement remette au Parlement, dans un délai d’un an, un rapport d’information sur les conditions d’élevage et d’abattage dans la filière piscicole, votre rapporteure ayant émis un avis favorable.

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*     *

La commission examine, en discussion commune, l’amendement CD373 de la rapporteure pour avis et l’amendement CD161 de M. Loïc Dombreval.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis. Le présent amendement vise à restreindre aux délits définis par le code rural et de la pêche maritime le champ de l’alinéa. Sa rédaction actuelle étend l’exercice, par les associations de défense et de protection des animaux, des droits reconnus à la partie civile à toutes les infractions pénales prévues par le code rural – y compris les contraventions.

J’estime que cette extension ne correspond pas à l’objectif du texte : permettre aux associations de se constituer partie civile en cas de délit, comme le précise l’étude d’impact. Il convient donc de ne viser dans l’article 2-13 du code de procédure pénale que les délits mentionnés aux articles L. 215-11 et L. 215-13 du code rural et de la pêche maritime.

Les droits reconnus à la partie civile sont principalement le droit de se constituer partie civile à l’audience ou pendant une procédure d’information judiciaire, le droit de déposer plainte avec constitution de partie civile pour les crimes et délits ou la citation directe devant le tribunal correctionnel ou le tribunal de police.

M. Loïc Dombreval. Après le premier alinéa de l’article 2-13 du code de procédure pénale, je souhaite insérer la précision suivante : « Ces mêmes droits sont reconnus aux associations visées au précédent alinéa s’agissant des délits et contraventions de maltraitance animale prévus par le code rural et de la pêche maritime, lors des manipulations inhérentes aux diverses techniques d’élevage, de parcage, de transports et d’abattage des animaux. ». La rédaction actuelle du projet de loi ne permet pas de viser les contraventions d’atteinte à l’intégrité physique ou à la vie de l’animal telles que réprimées par le code rural dans la liste des infractions permettant aux organisations non gouvernementales (ONG) de se constituer partie civile. Cette crainte est d’ailleurs partagée par le Conseil d’État dans son avis sur le projet de loi. L’objet de mon amendement est de remédier à cet oubli.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis. Votre amendement ne va pas dans le même sens que celui que je propose. Il faut vraiment faire attention à cette extension à des droits dont l’étude impact ne dresse pas la liste. Mon amendement vise à encadrer ces droits, dans le sens prévu par l’étude impact, et tels que les ont compris les parties prenantes. Il prévoit un doublement des sanctions. En outre, les États généraux de l’alimentation n’ont pas été conclusifs sur ces questions.

M. Loïc Dombreval. Votre amendement est effectivement beaucoup plus restrictif que le mien, alors que la transparence est attendue par nos concitoyens et les consommateurs. Je maintiens mon amendement.

Mme Sandrine Le Feur. Je partage l’avis de la rapporteure pour avis : il faut faire attention car, en matière de bien-être animal, on a déjà beaucoup demandé aux éleveurs. On ne peut pas continuer à les stigmatiser.

La commission adopte l’amendement CD373.

En conséquence, l’amendement CD150 tombe.

La commission en vient à l’amendement CD161 de M. Loïc Dombreval.

M. Loïc Dombreval. Cet amendement traite de la douleur de l’animal au moment de la jugulation. De nombreuses études scientifiques – Institut national de la recherche agronomique (INRA), Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES), etc. – ont prouvé qu’au moment de son égorgement, l’animal ressent de la souffrance.

Il faut renforcer l’obligation d’étourdissement, d’autant plus que, selon des sources officielles, le pourcentage d’échec n’est pas négligeable. Je propose donc d’élargir cette obligation à l’étourdissement post-jugulation.

Pourquoi ? Sans étourdissement, les souffrances animales sont avérées. Par ailleurs, les polémiques relatives à la proportion d’animaux abattus sans étourdissement sont nombreuses. En outre, l’amalgame clair entre consommation de viande et cruauté ne me réjouit pas. Cela conduit parfois à des amalgames entre élevage et maltraitance, contre lesquels il faut lutter. D’une certaine façon, une part de l’avenir de la filière viande est en jeu.

De nombreux pays ont adopté l’étourdissement post-jugulation en Europe – la Suède, la Norvège, l’Islande, les Pays-Bas. C’est également le cas de la Nouvelle-Zélande et de l’Australie.

Un dernier point : certains abattoirs français le pratiquent déjà, tant pour les ovins que pour les bovins. Ils y voient un intérêt du fait des cadences imposées, cette technique permettant d’accélérer la cadence d’abattage.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis. Avis défavorable. C’est une question complexe et sensible, qui ne permet pas l’approximation. Les travaux très poussés de la commission d’enquête sur les conditions d’abattage des animaux de boucherie dans les abattoirs français, présidée par notre collègue M. Olivier Falorni, ont analysé toutes les façons d’étourdir un animal avant ou après la jugulation. La commission d’enquête a souligné que les communautés religieuses n’étaient absolument pas prêtes à accepter ce type de réglementation. Elle préconisait la poursuite du dialogue et des échanges avec ces communautés plutôt qu’une mesure imposée.

La commission rejette l’amendement.

Elle se saisit de l’amendement CD159 de M. Loïc Dombreval.

M. Loïc Dombreval. Mon amendement précédent était de repli par rapport à celui-ci. Je ne vais donc pas refaire la démonstration. Il s’agit de rendre l’étourdissement préalable, même réversible, obligatoire.

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure pour avis, la commission rejette l’amendement.

Elle en vient à l’examen de l’amendement CD392 de Mme Jennifer De Temmerman.

Mme Frédérique Tuffnell. À l’article L. 214-5 du code rural et de la pêche maritime, nous souhaitons promouvoir les éleveurs et professionnels des filières agroalimentaires animales « bientraitantes », en prévoyant par ailleurs que le centre national de référence sur le bien-être animal puisse décerner à ces éleveurs et professionnels un label « Viande éthique », selon des critères définis en concertation avec les parties prenantes.

Ce label, englobant à la fois la qualité de l’élevage et le bien-être animal, est réclamé depuis plusieurs années par différentes ONG en France. S’il faut continuer à dénoncer vigoureusement les mauvaises pratiques, il est absolument essentiel de ne pas stigmatiser les acteurs du secteur et de promouvoir les meilleures pratiques, favorables au bien-être animal. La majorité des acteurs de la filière viande sont respectueux des animaux et se sentent mis à l’index par certaines associations aux méthodes parfois contestables. Notre amendement vise à résoudre ce problème.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis. Le premier paragraphe de votre amendement pourrait être intéressant. Il faudrait toutefois remplacer le terme « bientraitant » par « respectueux du bien-être animal ». À l’inverse, le deuxième paragraphe ne peut convenir : le label « viande éthique » n’existe pas et ce n’est pas l’objet du projet de loi.

L’amendement est retiré.

La commission se saisit, en discussion commune, des amendements CD351 de M. Olivier Falorni, CD225 de M. Matthieu Orphelin et CD256 de Mme Sandrine Le Feur.

M. Olivier Falorni. L’amendement CD351 concerne l’élevage de poules pondeuses. Ce secteur connaît une dynamique positive en termes de prise de conscience du bien-être animal. Depuis plusieurs années, certaines industries agroalimentaires françaises, européennes et internationales abandonnent ou s’engagent à abandonner, d’ici 2022 à 2025, la commercialisation ou l’utilisation des œufs issus de systèmes d’élevage en cage aménagées, aussi bien pour les œufs coquilles que pour les ovoproduits. Plusieurs pays européens ont fait le choix d’interdire ce système de cages. L’Allemagne s’y est engagée pour l’ensemble de sa production en 2025.

Je partage le point de vue de mon collègue M. Loïc Dombreval : ces engagements répondent à une attente des consommateurs et des citoyens, de plus en plus sensibles au respect du bien-être animal – on le voit au travers de l’étiquetage. L’utilisation de ces cages est aujourd’hui perçue de façon négative, affaiblissant fortement la confiance des consommateurs dans les filières d’élevage françaises.

Mon amendement vise à traduire dans la législation française l’engagement de faire disparaître l’élevage en batterie des poules pondeuses, au profit des élevages alternatifs, en mettant en place un échéancier progressif afin qu’en 2022, les œufs commercialisés sous forme d’œufs coquilles soient tous issus d’élevages alternatifs, et qu’en 2025, l’ensemble de la production française s’y conforme. Un accompagnement financier devra être prévu pour soutenir les producteurs dans cette évolution de leur système d’élevage.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis. Je vous demanderai de bien vouloir retirer votre amendement au profit de l’amendement CD255 de Mme Le Feur, qui vise à interdire la vente des œufs issus d’élevage de poules en cage, afin de pénaliser de la même façon les importations et la vente de ces œufs. Les mesures que vous proposez ont déjà été adoptées par la filière il y a quelques années. Nous ne devons pas pénaliser nos producteurs sans sécuriser la question des importations.

M. Olivier Falorni. Je vais le retirer, en vous faisant confiance pour la suite de nos débats.

M. Matthieu Orphelin. Suite aux explications de Mme la rapporteure pour avis, je vais également retirer mon amendement CD225.

Mme Sandrine Le Feur. Notre amendement CD256 vise à interdire l’élevage de poules pondeuses en cage à l’horizon 2028. L’attente de nos concitoyens est forte.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis. Il vaut mieux opter pour une interdiction à une échéance donnée de la vente de ce type d’œufs, afin de ne pas pénaliser nos éleveurs au profit des importateurs. Votre amendement CD255 est donc préférable à celui-ci.

Mme Sandrine Le Feur. Je le retire. Nous retravaillerons ce sujet car les plans de filière Poules pondeuses sont assez concluants et nous ne tenons pas à pénaliser les éleveurs qui ont investi en 2012, en décalant pour certains le remboursement de leur emprunt à deux ans.

M. Matthieu Orphelin. Ce travail sur les plans de filières sera intéressant s’il est concret et que nous échangeons sur leur contenu avec l’ensemble des acteurs.

Les amendements CD351, CD225 et CD256 sont retirés.

La commission en vient à l’examen des amendements identiques CD224 de M. Matthieu Orphelin et CD255 de Mme Sandrine Le Feur.

Mme Sandrine Le Feur. Notre amendement CD255 vise à interdire la vente à la consommation d’œufs coquilles provenant d’installations d’élevage en cage à compter du 1er janvier 2022.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis. Je suis favorable à ces amendements car l’interdiction visera tout le monde et obligera nos filières à s’adapter. Nous devons accompagner les plans de filières et les efforts des professionnels. Il faudra également bien mesurer l’impact de ces mesures. Nous en discuterons en commission des affaires économiques, saisie au fond.

Les amendements sont adoptés.

La commission examine les amendements CD372 de Mme Frédérique Tuffnell, CD353 de M. Olivier Falorni et CD163 de M. Loïc Dombreval, pouvant être soumis à une discussion commune.

Mme Frédérique Tuffnell. Cet amendement vise à limiter l’usage de cages dans les élevages cunicoles. En France, 37 millions de lapins sont élevés dans des cages grillagées hors-sol, dépourvues de tout aménagement. Ces lapins ont pour seul espace de vie la surface d’une feuille A4. Non seulement ils ne peuvent pas exprimer leurs comportements naturels, mais ces cages grillagées sont également source d’inconfort permanent et de blessures aux pattes.

Des scientifiques ont clairement décrit les dangers de ces cages et les taux de maladies et de mortalité plus élevés de ces lapins. La consommation de lapin est en baisse en France. En interne, la filière française – que j’ai contactée – commence à se poser des questions sur le bien-être animal. Son plan de filière comporte un engagement de 25 % d’élevage alternatif en cinq ans.

Notre amendement propose d’aller un peu plus vite : les établissements ayant adopté d’autres systèmes d’élevage avant l’entrée en vigueur de la loi seraient autorisés à utiliser ces logements jusqu’au 31 décembre 2024 pour les lapins d’engraissement et jusqu’au 31 décembre 2029 pour les reproducteurs et les cheptels.

M. Olivier Falorni. Mon amendement est très proche de celui défendu par Mme Frédérique Tuffnell. En France, 37 millions de lapins sont élevés dans des cages grillagées où l’espace de vie est très restreint – l’équivalent d’une feuille A4 par lapin. C’est source de stress, d’inconfort permanent et de blessures et cela empêche l’expression de leurs comportements naturels les plus fondamentaux – se dresser, se cacher, bondir, ronger. Par exemple, la hauteur des cages utilisées est insuffisante pour que les lapins puissent se relever sur leurs pattes arrière.

Un avis scientifique portant sur l’influence des systèmes de logement et d’élevage actuels sur la santé et le bien-être des lapins domestiques d’élevage a été adopté le 11 octobre 2005 par l’Autorité européenne de sécurité des aliments (European food safety authority – EFSA). Il a mis en lumière les nombreux problèmes de bien-être animal et de santé dans ces élevages : les taux de maladie et de mortalité y sont intrinsèquement importants, en raison d’une forte exposition aux maladies parasitaires. Pourtant, plus de dix ans plus tard, les mêmes problèmes perdurent, sans qu’aucune mesure n’ait été prise pour y remédier.

La France est pourtant le deuxième pays producteur européen de lapins élevés pour leur viande, derrière l’Espagne et devant l’Italie. Mais elle ne possède aucune législation spécifique en matière de bien-être des lapins, contrairement à d’autres pays européens, comme la Belgique – qui interdit désormais l’usage des cages –, mais également l’Allemagne, l’Autriche ou encore les Pays-Bas – où une réglementation spécifique définit des standards minimaux de protection des lapins.

Le 14 mars 2017, les députés européens ont souligné que les conditions actuelles d’élevage des lapins dans l’Union européenne ne respectaient pas les exigences de protection des animaux. Ils ont voté une résolution appelant les États membres à encourager les éleveurs de lapins à éliminer les cages pour les remplacer par des alternatives économiquement viables, comme l’élevage en parcs.

Mon amendement CD353 vise à appliquer des standards minimaux de bien-être dans les élevages cunicoles, incluant l’obligation d’utiliser des systèmes de parcs collectifs enrichis pour les lapins d’engraissement, au plus tard le 1er janvier 2025.

M. Loïc Dombreval. Je m’associe aux propos de mes collègues Mme Frédérique Tuffnell et M. Olivier Falorni. Notre amendement CD163 poursuit le même objectif. Je soulignerai deux points complémentaires pour vous convaincre : l’élevage cunicole représente 10 % de la consommation d’antibiotiques en France, alors que la viande de lapin ne compte que pour 2 % dans le tonnage global. L’hyperconcentration des lapins dans ces élevages oblige à utiliser massivement les antibiotiques. Par ailleurs, un lapin sur quatre meurt avant sa date d’abattage dans ces élevages – 27 % de pertes.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis. La situation est évidemment préoccupante. Mais vos amendements relèvent du domaine réglementaire. Nous devons nous appuyer sur les plans de filières, car ils constituent une démarche de progrès. Le Gouvernement propose de la soutenir et de l’accompagner. Avis défavorable.

Mme Frédérique Tuffnell. Puisque M. Dombreval maintient son amendement, je retire le mien.

L’amendement CD372 est retiré.

La commission rejette l’amendement CD353.

Elle adopte l’amendement CD163.

Elle se saisit de l’amendement CD356 de M. Olivier Falorni.

M. Olivier Falorni. Vous l’avez indiqué, madame la rapporteure pour avis, j’ai présidé une commission d’enquête sur les conditions d’abattage des animaux de boucherie dans les abattoirs français. Une de nos premières conclusions était que la maltraitance des animaux ne commençait pas à l’entrée de l’abattoir, mais dès le transport.

Le règlement européen (CE) 1/2005 du Conseil du 22 décembre 2004 relatif à la protection des animaux pendant le transport et les opérations annexes réglemente le transport des animaux vivants entre les pays de l’Union Européenne et définit les modalités des contrôles opérés à l’entrée ou à la sortie de l’Union Européenne.

Mais ce règlement ne fixe aucune limitation de durée maximale de transport, uniquement des limites de temps de route successifs : vingt-neuf heures pour les bovins, ovins et caprins, vingt-quatre heures pour les chevaux et pour les porcs, dix-neuf heures pour les animaux non sevrés. Au-delà, les animaux doivent être déchargés, alimentés, abreuvés et bénéficier d’un temps de repos de vingt-quatre heures avant de reprendre la route.

Chaque État membre de l’Union européenne est soumis à l’application de ce règlement. Cependant, son article 1er prévoit qu’il « ne fait pas obstacle à d’éventuelles mesures nationales plus contraignantes visant à améliorer le bien-être des animaux au cours des transports se déroulant entièrement sur le territoire d’un État membre ou pour les transports maritimes au départ du territoire d’un État membre ».

Depuis plusieurs années, en s’appuyant sur des enquêtes détaillées, les ONG de protection des animaux dénoncent des conditions de transport non compatibles avec la protection minimale des animaux. Parmi les problèmes les plus importants, les durées de transport sont régulièrement dénoncées comme ne permettant pas d’assurer cette protection minimale.

Sources de stress, de blessures, de douleurs et de souffrances, ces transferts peuvent atteindre plus de 3 000 kilomètres et durer plusieurs jours. Selon un rapport de l’EFSA en 2004, après quelques heures, le bien-être des animaux est sévèrement détérioré. En 2012, le Parlement européen s’était déjà prononcé pour une limitation à huit heures de la durée de transport des animaux destinés à l’abattage, appuyé par une initiative citoyenne signée par plus d’un million de citoyens européens.

Par ailleurs, certains États membres demandent une révision du règlement, notamment concernant ces durées de transport. La Suède, soutenue par l’Allemagne, le Danemark, la Belgique, l’Autriche et les Pays-Bas, a porté cette demande lors du Conseil européen du 15 novembre 2016 en affirmant qu’il est « crucial de réexaminer les dispositions », notamment celles relatives aux temps de parcours, pour améliorer le bien-être animal.

Mon amendement vise donc à encadrer les temps de transport des animaux sur le territoire français, en fixant la durée maximale du voyage à huit heures pour les espèces bovine, ovine, caprine, porcine et les équidés domestiques, et à quatre heures pour les volailles, les oiseaux domestiques et les lapins domestiques.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis. La problématique est réelle mais mon avis sera défavorable. En effet, votre amendement risque de mettre nos transporteurs et nos éleveurs en difficulté dans un marché ouvert – les contrôles concernant la durée d’un transport sont complexes aux frontières. Par ailleurs, vous surtransposez. Toute modification en la matière doit plutôt intervenir au niveau européen.

En revanche, nous devons réinvestir nos abattoirs de proximité. Un maillage plus serré réduirait de facto les temps de transport.

Avis défavorable.

M. Olivier Falorni. Je suis d’accord avec vous sur les abattoirs de proximité. Je pense même que nous devrions aller plus loin et expérimenter des abattoirs mobiles. Certaines expériences étrangères sont concluantes. De tels abattoirs pourraient pallier l’absence d’abattoirs de proximité. On sait qu’il n’est pas facile de faire fonctionner un abattoir de proximité : les collectivités locales doivent investir alors qu’elles n’en ont pas forcément toujours les moyens.

Par ailleurs, ces abattoirs mobiles améliorent le bien-être animal, d’une part en réduisant les durées de transport, d’autre part, en permettant l’abattage des animaux dans un univers familier.

Néanmoins je maintiens mon amendement car cette question est cruciale. La France doit s’inscrire dans cette démarche, déjà engagée par de nombreux pays européens.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis. Le plan d’investissements de cinq milliards d’euros prévoit de financer des abattoirs mobiles. Par ailleurs, plusieurs amendements présentés visent à permettre de mener une expérimentation en la matière.

M. Bertrand Pancher. Je remercie M. Olivier Falorni d’ouvrir ce débat. Les durées de transport sont beaucoup trop longues et posent la question du bien-être animal.

La commission adopte l’amendement.

Elle examine l’amendement CD169 de M. Loïc Dombreval.

M. Loïc Dombreval. Le règlement européen du 22 décembre 2004 relatif à la protection des animaux pendant le transport et les opérations annexes interdit de transporter des femelles gestantes – gravides – au dernier stade de la gestation et pendant la semaine qui suit la mise bas.

Dans les limites fixées par le règlement européen, notre amendement souhaite déclarer inaptes au transport les femelles ayant déjà atteint le tiers de leur période de gestation. Cela évitera d’envoyer par inadvertance une femelle en gestation à l’abattage. Les cas sont rares, mais ont déjà été constatés.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis. Actuellement, l’interdiction est fixée aux deux tiers de la gestation. Vous allez pénaliser tous les animaux présentés dans les foires ou des expositions. Lors des auditions, les éleveurs nous ont dit être très vigilants par rapport à cette durée de gestation. Enfin, ces dispositions relèvent du domaine réglementaire. J’entends bien votre message mais mon avis sera défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine l’amendement CD360 de M. Olivier Falorni.

M. Olivier Falorni. Mon précédent amendement – adopté – concernait les durées de transport sur le territoire national. Celui-ci vise les transports d’animaux au départ du territoire français, à destination de pays tiers de l’Union européenne.

Chaque année, environ trois millions d’animaux sont exportés de l’Union européenne vers des pays tiers, notamment l’Afrique et le Moyen-Orient. La France figure parmi les premiers exportateurs, principalement vers les pays d’Afrique du Nord – Algérie, Maroc –, le Moyen-Orient – Liban – et la Turquie.

Le règlement européen (CE) 1/2005 du Conseil du 22 décembre 2004 précité s’applique théoriquement aux animaux même une fois qu’ils ont quitté l’Union européenne. Pourtant, même si c’est déplorable, une fois franchies les frontières de l’Europe, la réalité est tout autre : les voyages peuvent durer jusqu’à quatorze jours, dans des conditions d’extrême densité de chargement, sous des chaleurs dépassant parfois les 40 °C, sans temps de repos approprié, ni suffisamment de nourriture ou d’eau. À l’arrivée, l’engraissement et l’abattage se déroulent dans des conditions qui, pour la plupart, sont contraires aux standards internationaux de l’Organisation mondiale de la santé animale (OIE, de son ancienne appellation : Office international des épizooties).

Depuis 2011, à la suite de nombreux scandales relatifs aux conditions de traitement des animaux dans les pays de destination – en particulier en Indonésie –, l’Australie a mis en place un système assurantiel – appelé Exporter supply chain assurance system, ESCAS – qui exige des exportateurs de garantir que les animaux seront traités à l’arrivée en conformité avec les recommandations de l’OIE sur le bien-être animal.

Fort de cet exemple, cet amendement prévoit un encadrement spécifique des exportations d’animaux vivants vers les pays hors de l’Union européenne. Il nous obligera à introduire dans les accords de partenariat avec les pays de destination des clauses encadrant la protection des animaux dans ces pays. Il prévoit également un certificat d’exportation, sur le modèle australien.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis. Avis défavorable. Votre dispositif semble complexe. Nous sommes tous conscients que la durée des transports influe grandement sur le bien-être des animaux. En revanche, notre cadre réglementaire européen et international rend difficile de telles obligations. Par ailleurs, en matière d’organisation du transport, on ne peut pas réglementer ce qui se déroule dans les États tiers.

M. Olivier Falorni. Je ne conteste pas la difficulté d’adopter rapidement un tel dispositif. Mais l’Australie s’est engagée dans cette démarche ! Par ailleurs, le signal politique est important à ce stade de nos débats. Dans la continuité de l’amendement voté sur la durée des transports en France, l’adoption de celui-ci constituerait un message intéressant.

M. Jean-Baptiste Moreau. Essayons de parler un peu concrètement, car là on est dans la théorie. Concrètement, la France exporte essentiellement des animaux vivants vers le Maghreb et la Turquie. Je comprends les préoccupations, mais elles ne concernent que très peu d’animaux – quelques-uns tout de même – et la conséquence immédiate d’une telle mesure est que les animaux seront importés d’Amérique du Sud plutôt que de France. Je ne suis pas sûr que nous améliorions ainsi le bien-être animal à l’échelle du monde…

M. Bertrand Pancher. Je comprends les difficultés exposées par la rapporteure pour avis, il y a effectivement une question de réglementation internationale et de contrôle. Je remercie à nouveau M. Olivier Falorni de soulever cette question, qui mériterait d’être débattue lors de l’examen en séance publique. Je me demande dans quelle mesure des marges de progrès pourraient être trouvées dans les règles de responsabilité sociale et environnementale des organisations qui ont en charge la commercialisation de ces animaux. Peut-être pourrions-nous introduire des démarches d’amélioration des pratiques dans ce domaine ?

M. Olivier Falorni. Je voudrais vous dire bien amicalement, Monsieur le rapporteur de la commission des affaires économiques Jean-Baptiste Moreau, qu’il n’y a pas d’un côté ceux qui sont dans le théorique – nous – et de l’autre ceux qui sont dans le concret – vous. Il faut éviter ce genre de propos manichéens. Est-ce de la théorie quand trois millions d’animaux sont exportés chaque année de l’Union européenne vers des pays tiers ?

M. Jean-Baptiste Moreau. De l’Union européenne, pas de la France !

M. Olivier Falorni. Trois millions d’animaux, ce n’est pas un détail « théorique », c’est très concret, et leurs conditions de transport sont abominables. Cessez donc cette opposition entre théorique et concret : la souffrance des animaux pendant la durée des transports est bien concrète.

Par ailleurs, il faut adresser un signal important à nos partenaires européens. Cet amendement répond à cet objectif, de manière concrète, pas théorique.

M. Jean-Baptiste Moreau. Si nous arrivons à un accord européen, je suis d’accord, mais si cette mesure reste franco-française, elle sera inefficace et nous ferons de la surtransposition de normes. Si vous l’assumez vis-à-vis du monde agricole, notamment du monde de l’élevage, qui est déjà en difficulté, ça ne me pose pas de souci, mais je vous demanderai de venir dans mon territoire pour l’expliquer !

M. Olivier Falorni. À ma connaissance, vous n’êtes pas député de votre territoire, vous êtes député de la France ! (M. Jean-Baptiste Moreau proteste.)

Monsieur Moreau, vous n’êtes pas membre de la commission du développement durable, je vous demande simplement de me permettre de m’exprimer et d’éviter l’agressivité. Madame la présidente, comme l’a demandé précédemment mon collègue M. Loïc Dombreval, j’aimerais que nous ne soyons pas interrompus en permanence pendant nos débats, ni traités de doctrinaires ou de théoriciens.

Je viendrai dans votre circonscription, monsieur Jean-Baptiste Moreau, mais vous n’êtes pas le représentant de votre circonscription, vous êtes représentant de la Nation. Vous n’êtes pas le représentant des agriculteurs, vous êtes l’élu des citoyens français. Je viendrai dans votre circonscription rencontrer les consommateurs qui exigent le bien-être animal, parce que je pense que vous les oubliez un peu. J’invite d’ailleurs tous les citoyens qui nous regardent, notamment les habitants de votre circonscription, à vous faire part de leur exigence de voir les animaux mieux traités, notamment lors des transports. Nous ne sommes pas là pour parler uniquement des agriculteurs, même si j’y attache, comme vous, le plus grand intérêt, parce qu’il y a aussi des agriculteurs dans ma circonscription, figurez-vous…

Mme la présidente Barbara Pompili. Je rappelle que dans cette commission, comme dans tous les débats de notre assemblée, la parole des députés est libre. Ils assument leurs propos et je demande à chacun de respecter les opinions des autres et de ne pas faire de commentaires hors micro, qui sont un peu fatigants. Mais encore une fois, chacun a le droit d’exprimer ses opinions, qu’elles plaisent ou non.

La commission rejette l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement CD358 de M. Olivier Falorni.

M. Olivier Falorni. Cet amendement porte sur le transport maritime, dont les conditions ne sont guère plus reluisantes que celles du transport terrestre.

Le règlement du Conseil (CE) 1/2005 du 22 décembre 2004 définit les modalités de contrôles opérés à l’entrée ou à la sortie de l’Union européenne. Chaque État membre de l’Union européenne y est soumis.

On constate que les conditions de transport maritime sont aujourd’hui insuffisamment encadrées par ce règlement européen, qui y consacre peu de dispositions spécifiques. Or, de nombreux problèmes de protection des animaux ont été documentés dans le cas particulier des transports par mer. Un rapport de l’ONG Animal Welfare Foundation publié en 2017 faisait état d’infractions à la réglementation, en particulier en raison de l’absence de tout contrôle des animaux à bord des navires ou de personnel de bord compétent pour en assurer la protection.

Afin de remédier à cette situation, et à l’instar de ce qui est fait dans les abattoirs en vertu du règlement (CE) 1099/2009 sur la protection des animaux au moment de leur mise à mort, cet amendement impose la présence d’un responsable en matière de protection animale (RPA) sur les navires bétaillers.

Nous avons instauré ces RPA dans les abattoirs, et j’espère que leur présence y sera bientôt généralisée. Je me souviens d’ailleurs qu’à l’époque, on nous disait que ce serait impossible à faire, que cette mesure allait vraiment perturber le fonctionnement des abattoirs… Aujourd’hui, il faut en mettre partout. Je pense qu’il est utile d’en prévoir sur les navires bétaillers pour améliorer les conditions de transport des animaux, qui laissent vraiment à désirer.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis. C’est vraiment une disposition intéressante, mais nous n’avons aucune mesure de son impact, ce qui entraîne une certaine réserve de ma part. Je vous propose de retirer cet amendement au profit de deux amendements que je présenterai : le CD357, dont l’objet est de généraliser les RPA dans les abattoirs ; et le CD359, qui impose un renforcement du recueil des signalements dans tous les abattoirs.

M. Olivier Falorni. Je suis entièrement d’accord avec la généralisation des RPA dans les abattoirs, j’avais milité pour cela dans le cadre de la commission d’enquête sur les conditions d’abattage des animaux d’élevage, mais nous évoquons maintenant le transport des animaux, et je propose la présence de RPA sur les navires bétaillers.

Je suis d’accord avec vos amendements, et je les voterai avec grand plaisir, mais c’est un sujet complètement différent. Il serait judicieux d’adresser un signal, parce que si l’on parle beaucoup du transport terrestre, on parle très peu du transport maritime, et je peux vous dire qu’il s’y passe des choses assez déplorables.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis. Le coût de votre amendement et son impact ne sont pas connus, il faudrait les évaluer.

M. Bertrand Pancher. Je pense qu’il serait intéressant de voter cet amendement, ne serait-ce que pour ouvrir un débat en séance publique avec le ministre. Peut-être n’avons-nous pas d’étude d’impact, mais dans ce cas, le ministre pourrait s’engager à nous faire un retour. Je trouve que c’est un très bel amendement.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis. C’est plutôt à l’interprofession et aux représentants des abatteurs de conduire une évaluation. C’est peut-être un travail à mener avec eux en amont.

La commission rejette l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement CD151 de M. Loïc Dombreval.

M. Loïc Dombreval. Les abattoirs ne doivent plus apparaître aux yeux de l’opinion comme des lieux tabous, hermétiques et cachés, dans lesquels se passent des choses inavouables. Dans la presque totalité des cas, ce n’est pas vrai. Les quelques cas dans lesquels il y a eu des problèmes sont érigés en généralité dans l’esprit de l’opinion.

La mise en place des RPA est une bonne mesure, et cet amendement propose de créer un comité pour les épauler, parce que les RPA disent ne pas être suffisamment appuyés par les vétérinaires – le personnel des abattoirs en convient également.

Je propose donc de créer un comité interne sur le bien-être animal dans lequel seront associés des éleveurs, des représentants d’associations de protection animale et d’associations de consommateurs, ainsi que les acteurs déjà impliqués : personnels, vétérinaires, transporteurs, administration.

Ce conseil va épauler le responsable en matière de protection animale de l’abattoir dans ses missions, l’aider à mener les audits sur l’application des protocoles et, éventuellement, à prendre des mesures correctrices, ou proposer des évolutions des infrastructures, car nous savons que les infrastructures, en elles-mêmes, mettent parfois le personnel dans l’impossibilité de faire correctement son travail, notamment de respecter le bien-être animal. Cette mesure permettrait de sortir le RPA de son isolement, d’améliorer la transparence et d’éviter que les abattoirs continuent à être perçus comme des lieux clos et hermétiques.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis. Cette proposition semble totalement dérogatoire au droit commun, même si nous en partageons les objectifs et si elle ouvre un débat au fond. Les instances que vous mentionnez devraient se retrouver au sein du Comité national d’éthique plutôt qu’au sein d’entreprises privées. Ce n’est pas au législateur d’imposer de tels dispositifs dans une entreprise.

Je vous renvoie aux amendements que je défendrai plus tard, qui renforcent la protection du lanceur d’alerte, dans le cadre de la loi Sapin II. Les RPA seront généralisés et devront bénéficier d’une formation renforcée. C’est avec une telle démarche que nous pouvons faire avancer les choses et conforter le rôle du RPA au sein des abattoirs. Demande de retrait, à défaut, avis défavorable.

M. Loïc Dombreval. Je vais retirer cet amendement, mais vous savez parfaitement que le RPA n’y arrivera pas seul. Il faut donc trouver une façon de l’aider et de l’épauler.

L’amendement est retiré.

La commission est saisie de l’amendement CD154 de M. Loïc Dombreval.

M. Loïc Dombreval. Il est préjudiciable et aberrant que l’obtention d’un certificat d’aptitude pour les opérateurs exerçant aux postes d’abattage, pourtant prévue par la réglementation, ne soit pas effectivement exigée. À ce défaut courant de formation initiale s’ajoute l’absence de formation continue.

Pourtant le règlement européen (CE) 1099/2009 du 24 septembre 2009, entré en vigueur en France le 1er janvier 2013, recommandait la délivrance d’un certificat de compétence en matière de protection animale pour les opérateurs chargés de la mise à mort en abattoir. Cinq ans après, il est toujours très mal appliqué par le jeu d’un régime transitoire instauré pour permettre l’adaptation des exploitants des établissements.

En conséquence, il n’est pas exigé de ces opérateurs aux postes d’abattage la détention du certificat d'aptitude prévu par le règlement, et ils n’ont pas de formation continue.

Cet amendement prévoit qu’au 31 décembre 2020 le certificat de compétence sera obligatoire – sauf pour les opérateurs pouvant justifier d’une validation des acquis de l’expérience –, de même que la formation continue du personnel sur les postes d’abattage.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis. Le certificat de compétence est déjà obligatoire, donc cette mesure est d’ordre réglementaire. Demande de retrait au profit des amendements que je présenterai plus loin.

M. Loïc Dombreval. Je sais que ce certificat de compétence est obligatoire, je l’ai indiqué dans mon exposé sommaire. Mais il n’est pas exigé, alors comment devons-nous faire ?

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis. Il n’y a rien d’autre à écrire dans la loi s’il existe déjà : il faut la faire appliquer.

La commission rejette l’amendement.

Elle est saisie des amendements CD155 et CD158 de M. Loïc Dombreval et CD367 de M. Olivier Falorni, pouvant être soumis à une discussion commune.

M. Loïc Dombreval. Nous touchons le cœur du sujet. En préalable, je souhaite préciser quelques éléments par précaution. Il ne s’agit pas d’espionner, de bloquer et d’ennuyer les uns ou les autres, mais de répondre à des attentes sociétales. Un amalgame est en train de se créer entre la consommation de viande et une forme de cruauté, ce qui est très dommageable pour la filière viande.

De plus, le Président de la République s’est engagé, en réponse au manifeste « Animal politique », à mettre en place au cours de son mandat la vidéosurveillance dans les abattoirs, telle que prévue par la proposition de loi de M. Olivier Falorni.

Ce dispositif d’enregistrement vidéo dans les abattoirs existe déjà dans de nombreux pays de l’Union européenne et au Canada. Un certain nombre d’abattoirs en France l’ont déjà installé volontairement. Ils y voient un intérêt, ne serait-ce que pour leur image et leur communication à l’égard de l’opinion.

Enfin, cette proposition de loi a été votée à l’unanimité en janvier 2017. Elle a fait l’objet de beaucoup de communication – M. Olivier Falorni a très bien fait les choses – et tout le monde l’appelle la « loi Falorni » ! Dans l’esprit de l’opinion, la vidéosurveillance dans les abattoirs est devenue normale et acceptée. D’ailleurs, depuis janvier 2017, on voit circuler beaucoup moins de vidéos d’ONG qu’auparavant.

Ce n’est pas un dispositif coûteux, car on ne va pas faire de murs d’écrans avec des vétérinaires derrière. Il s’agit d’un enregistrement, l’équipement est très peu onéreux.

Cet amendement prévoit d’installer dans les abattoirs un système d’enregistrement vidéo selon des modalités simples, ce qui permettra d’éviter un « retour de flamme » qui se produirait si une telle disposition n’était pas adoptée.

M. Olivier Falorni. C’est un amendement important pour le bien-être animal, fruit du travail de six mois de la commission d’enquête parlementaire sur les conditions d’abattage des animaux d’élevage que j’ai présidée. Il reprend aussi un article de la proposition de loi que j’ai eu l’honneur de défendre lors du précédent quinquennat, et qui a été votée en première lecture en janvier 2017, avec le soutien du ministre de l’agriculture, M. Stéphane Le Foll, malgré ses réticences initiales.

Je rappelle enfin qu’il s’agit d’un engagement du Président de la République, qui a écrit à l’ensemble des associations de protection animale qui l’interrogeaient sur un certain nombre de sujets liés au bien-être animal : « La vidéosurveillance dans les abattoirs sera mise en place selon des modalités inspirées de la proposition de loi Falorni. »

La vidéosurveillance a trois finalités : la prévention, la sanction et la formation.

La prévention, car l’inspection vétérinaire chargée de contrôler l’interdiction de la maltraitance animale n’est pas bien exercée, faute d’un nombre suffisant d’agents. J’ai eu l’occasion de me rendre dans les abattoirs à plusieurs reprises dans le cadre de la commission d’enquête, et les inspecteurs vétérinaires n’étaient jamais présents lors de l’abattage. Lorsque nous les interrogions, ils répondaient qu’étant aussi chargés de la mission du contrôle sanitaire, et ne pouvant être partout, ils privilégient le respect de l’hygiène et le contrôle sanitaire. Le nombre d’inspecteurs vétérinaires est donc insuffisant, et l’État n’est pas en mesure de rattraper le retard : c’est une conséquence de la révision générale des politiques publiques (RGPP) qui a entraîné une diminution drastique du nombre d’agents de l’État dans les abattoirs. Mais j’y insiste, aujourd’hui, les abattoirs sont contrôlés pour le respect du bien-être animal, il ne s’agit pas d’inventer un contrôle nouveau, mais d’offrir un outil supplémentaire à disposition de l’inspection vétérinaire, et d’elle seule.

Force est de constater que les scandales et les procès que nous évoquons sont le fruit d’images qui ont été tournées clandestinement par une association. Il a fallu ces images pour qu’il y ait des procès. Avant, nous n’entendions pas parler de maltraitance dans les abattoirs. Et je ne veux pas généraliser ; nous avons rencontré de nombreux salariés, et s’il y a des cas de maltraitance, ce sont malheureusement souvent des cas de maltraitance structurelle, en raison d’un manque d’investissement, d’un matériel inadapté, d’un manque de formation. On ne peut pas contrôler sans jamais sanctionner. Mais pour contrôler, il faut des éléments de preuve, que fourniraient ces enregistrements vidéo. Un procès s’est tenu à Alès il y a un an, un autre aura bientôt lieu à Pau : ce sont des images tournées clandestinement qui les permettent. Je ne me résous pas, en tant que législateur, à en être réduit à faire appel à des images tournées clandestinement, alors que l’État a pour mission de contrôler.

Cet amendement doit permettre le respect du bien-être animal, et il s’inscrit dans une logique européenne. Il est fort probable qu’en mai 2018 le contrôle vidéo soit obligatoire dans l’ensemble du Royaume-Uni. En Wallonie, un accord a été signé avec la Fédération belge de la viande pour imposer le contrôle vidéo dans les abattoirs.

J’ai aussi constaté qu’un certain nombre de directeurs d’abattoirs ont volontairement installé un équipement vidéo. D’abord pour des raisons économiques : c’est une exigence du cahier des charges pour pouvoir exporter en Grande-Bretagne. Mais ils sont aussi conscients de l’exigence citoyenne d’un meilleur respect des animaux.

Il y a aussi des aspects liés à la formation, et certains directeurs d’abattoirs m’ont dit qu’ils avaient regardé, avec leurs salariés, les images tournées par L214 pour en tirer des leçons quant à leurs pratiques.

Cet amendement est un outil supplémentaire et indispensable, et il va d’ailleurs dans le sens de l’histoire. Je vous le dis solennellement : le contrôle vidéo se fera, c’est irréversible. Autant le faire ici et maintenant.

Mme la présidente Barbara Pompili. Monsieur le député, je vous ai laissé du temps car je sais que cette mesure vous tient à cœur, mais j’appelle chacun d’entre vous à défendre plus rapidement ses amendements : vous pouvez être aussi convaincants en étant plus rapides. À défaut, nous n’aurons pas terminé ce soir !

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis. D’autant que cela m’oblige à raccourcir mon propos, alors que nous discutons un élément important de l’article 13…

M. Loïc Dombreval. Je présente très rapidement l’amendement CD158, c’est un amendement de repli par rapport à l’amendement CD155 : la vidéo serait installée sur une base expérimentale et l’expérimentation serait volontaire.

Cet amendement permettrait au moins d’attester que nous avons bien compris que la vidéo était entrée dans les esprits et qu’il fallait avancer en cette direction.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis. Je préfère défendre les démarches volontaires, d’autant qu’elles ont déjà cours. Lorsque ces démarches sont voulues, elles sont expliquées en interne par le directeur de l’abattoir aux salariés. Ce n’est pas au législateur d’imposer une mesure d’ordre réglementaire. Le contrôle vidéo peut déjà être installé : accompagnons et valorisons les abattoirs et les abatteurs qui souhaitent engager cette démarche.

De plus, la vidéo ne semble pas une solution au manque d’effectifs des inspecteurs vétérinaires. Elle ne remplira jamais les missions de l’État.

Enfin, je propose dans les amendements suivants de généraliser les RPA, de généraliser dans les abattoirs les mesures prévues pour les lanceurs d’alerte dans les structures de plus de 50 salariés, de faire publier des protocoles sanitaires, beaucoup plus valorisants pour les abattoirs, et qui sont peu connus, et de renforcer la formation dans l’enseignement aux métiers de l’agriculture.

Par ailleurs, un amendement que je présenterai sur la responsabilité sociale des entreprises et des organisations prévoit un critère relatif au bien-être animal. Tout l’intérêt des organisations et des entreprises est d’accomplir ces démarches plus vertueuses, et de le faire connaître. Mais, si elles ne se les approprient pas, nous n’avancerons pas sur ce sujet.

Enfin, l’argument selon lequel ces images pourraient servir dans le cadre de procès se heurte au fait que lors d’une procédure pénale, les images vidéo ne sont opposables, à charge ou à décharge, que dans très peu de cas.

Les sanctions ont été renforcées, et en 2016, un état des lieux du respect du bien-être animal dans les abattoirs a été réalisé par le précédent ministre de l’agriculture. Il a révélé un certain nombre de dysfonctionnements, souvent dus à un manque d’investissements. La vidéosurveillance pourrait stigmatiser les salariés. Je viens d’une région d’éleveurs et d’abatteurs, et beaucoup de salariés vivent de ce travail difficile. Les stigmatiser avec la vidéosurveillance, alors que le résultat sera atteint de toute façon, n’est pas un bon signal pour une profession qui a du mal à recruter, qui travaille dans des conditions difficiles, et nous savons très bien que le bien-être animal est parfaitement lié à celui des hommes. Pour toutes ces raisons, avis défavorable.

M. Olivier Falorni. Je ne pense pas, madame la rapporteure pour avis, qu’il s’agisse de « stigmatiser » les salariés des abattoirs. Savez-vous qu’aujourd’hui en Italie, ce sont les salariés eux-mêmes qui demandent la mise en place de dispositifs de contrôle vidéo afin de les protéger ? J’ai parfaitement conscience que le métier d’opérateur en abattoir est probablement l’un des plus difficiles qui soient, sur le plan physique comme sur le plan psychologique, et je vous demande de ne pas caricaturer mes propos.

Je rappelle que les salariés des abattoirs travaillent déjà sous le contrôle de l’État, et sont passibles de sanctions. Vous avez évoqué l’inspection générale des abattoirs demandée par M. Stéphane Le Foll : si cette inspection a eu lieu, c’est bien parce que l’association L214 a donné l’alerte en diffusant des images – et il y avait bien lieu de le faire, puisque l’inspection a révélé que 80 % des chaînes d’abattage présentaient des non-conformités, importantes ou mineures. De même, les procès qui se tiennent en ce moment même à Alès et à Pau s’appuient sur les éléments de preuve constitués par les images tournées dans les abattoirs.

Enfin, vous évoquez l’aspect légal. Sur ce point, la CNIL nous a très clairement indiqué que la mise en place d’un contrôle vidéo obligatoire dans les abattoirs nécessitait une loi comportant la définition d’une finalité. Pour éviter toute polémique basée sur la crainte d’un « flicage » des salariés, seule l’inspection vétérinaire aura accès aux images, puisqu’elle est la seule à disposer de la capacité de contrôle. Il est donc exclu que toute autre personne puisse visionner les images, et notamment que le directeur les utilise à d’autres fins, par exemple pour surveiller les cadences.

Je le répète, il ne s’agit pas de stigmatiser, mais de fournir à l’inspection vétérinaire, insuffisamment nombreuse dans les abattoirs, un moyen de contrôle supplémentaire.

M. Loïc Dombreval. Contrairement à ce que vous affirmez, madame la rapporteure pour avis, si nous souhaitons la mise en place d’un contrôle vidéo dans les abattoirs, c’est justement pour éviter que les salariés ne soient stigmatisés dans l’exercice de leur profession – que nous savons extrêmement difficile. Supprimer, comme vous le souhaitez, la présence de la vidéo…

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis. Je n’ai pas dit qu’il fallait la supprimer !

M. Loïc Dombreval. Ne pas intégrer à ce projet de loi la mise en place du contrôle vidéo dans les abattoirs, qui constituait pourtant une proposition figurant dans le rapport rendu par la commission d’enquête parlementaire présidée par M. Olivier Falorni, adopté à la quasi-unanimité fin 2016, constitue un symbole – fort, comme le sont tous les symboles en politique –, qui inciterait les activistes à affirmer que tout continue comme avant : nous irions alors au-devant de graves difficultés.

La commission rejette successivement les amendements CD155, CD367 et CD158.

Elle est saisie de l’amendement CD365 de M. Olivier Falorni.

M. Olivier Falorni. Je regrette que l’on se prive d’un outil de contrôle dans les abattoirs.

L’amendement CD365 propose de créer un référent en matière de protection animale en abattoirs par département, qui serait rattaché à la direction départementale de la cohésion sociale et de la protection des populations (DDCSPP). Actuellement, ce sont les référents nationaux qui sont chargés de la protection animale et doivent à ce titre inspecter l’ensemble des abattoirs français, en dépit de leur effectif notoirement insuffisant – ils se comptent sur les doigts d’une main.

Le référent départemental aurait pour mission d’inspecter les abattoirs de son département afin d’harmoniser les contrôles et de superviser les inspections. Il pourrait également visionner les images issues des enregistrements vidéo, et éventuellement verbaliser a posteriori. À ce titre, je rappelle, comme je ne cesserai de le faire tout au long de nos débats, que la mise en place du contrôle vidéo était un engagement du Président de la République.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis. Je me demande si cette proposition ne pourrait pas être considérée comme constituant la création d’une charge publique – mais il ne m’appartient pas d’en juger.

Il s’agit d’une mesure intéressante, car les référents nationaux sont effectivement en nombre insuffisant. Cela dit, bien qu’ils soient attendus sur le terrain, le rôle qu’ils pourraient tenir n’est pas encore bien défini – on a envisagé de leur confier un rôle de médiation. Je suis plutôt favorable à cet amendement, mais je vous invite cependant à préciser quels pourraient être son impact financier et la charge publique qui en résulterait.

La commission adopte l’amendement.

Elle examine l’amendement CD438 de M. Bruno Millienne.

M. Bruno Millienne. L’amendement CD438 propose de remettre en place les services d’abattage d’urgence pour les animaux accidentés. Cette activité, peu rentable pour les abattoirs – elle concerne environ 50 000 bovins par an – est de moins en moins proposée aux éleveurs. Dans une logique de circuits courts, il serait opportun de la rétablir.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis. Cet amendement vise en fait à étendre à tous les jours de l’année un dispositif qui ne fonctionne actuellement qu’en semaine. Cette extension nécessiterait d’intervenir dans l’organisation des abatteurs, et aurait un coût. Estimant qu’il appartient aux interprofessions de la filière de s’organiser, je vous suggère de retirer cet amendement, et émettrai à défaut un avis défavorable.

M. Bruno Millienne. Je maintiens mon amendement.

M. Jean-Baptiste Moreau. Le dispositif actuel est très restrictif : les bêtes accidentées ne peuvent être abattues en dehors des heures d’ouverture des abattoirs – étant précisé que la DDCSPP désigne un seul abattoir par département – et les bêtes concernées doivent pouvoir se lever pour être transportables. Il y a donc un réel problème, mais je ne suis pas certain que cet amendement suffise à le régler.

La commission adopte l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement CD439 de M. Bruno Millienne.

M. Bruno Millienne. Cet amendement vise à assouplir les règles du « paquet hygiène » relatives à l’abattage afin de favoriser l’abattage en de plus petites unités, proches des fermes, ce qui permettrait de réduire les temps de transport et améliorerait donc le bien-être animal, ainsi que les conditions de mise à mort, en limitant les sources de stress et de souffrance de l’animal.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis. Je suis plutôt favorable à cet amendement, mais je vous invite à vous concerter avec Mme Sandrine Le Feur, auteure d’un amendement CD253 à l’objet similaire au vôtre, afin de faire coïncider vos propositions respectives.

La commission adopte l’amendement.

L’amendement CD173 est retiré.

La commission examine l’amendement CD371 de Mme Frédérique Tuffnell.

Mme Frédérique Tuffnell. L’amendement CD371 vise à ce que le Gouvernement remette au Parlement, dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la loi, un rapport d’information sur les conditions d’élevage – notamment sur l’alimentation – et d’abattage dans la filière piscicole.

La pisciculture est en plein essor au niveau mondial depuis une trentaine d’années, au point qu’elle supplante pratiquement la pêche traditionnelle. Dans les élevages piscicoles, un grand nombre de poissons sont confinés dans de petites zones, ce qui peut causer de graves problèmes de bien-être animal. Du fait du confinement et des densités d’élevage trop élevées, les poissons sont plus sensibles aux maladies et sont exposés à davantage de stress, d’agressions et de blessures. Avec le manque d’espace, la surpopulation peut aussi conduire à une mauvaise qualité de l’eau, de sorte que les poissons ont moins d’oxygène pour respirer.

L’élevage des poissons dans des cages bride leur comportement naturel de nage et les contraint à nager en cercle autour des bassins. Ce confinement entraîne des frottements contre le maillage et les autres poissons, et augmente la fréquence des affrontements entre individus. Il en résulte de nombreuses blessures aux nageoires, une plus grande sensibilité aux parasites et une exposition importante à l’ammoniaque produit par la concentration d’urine.

Une étude publiée en 2016 montre que la dépression frappe les saumons au même titre que les mammifères, et que le stress peut entraîner la mort de 25 % de ces poissons – des antidépresseurs sont même testés sur eux.

Demander un rapport sur les conditions d’élevage et d’abattage dans la filière piscicole constituerait une marque de notre considération à l’égard de l’élevage piscicole, ainsi que de notre volonté de voir cette filière être en mesure de fournir un poisson de grande qualité : il y va de notre alimentation de demain.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis. Je suis favorable à cet amendement, mais le délai de six mois pour la remise du rapport me paraît un peu court.

M. Bertrand Pancher. Si les conditions d’élevage en France constituent un sujet digne d’intérêt, j’appelle votre attention sur les conditions d’importation de nombre de matières premières vivantes : ainsi les poissons élevés en Chine pour approvisionner les restaurants asiatiques de France sont-ils importés dans des conditions scandaleuses. Sans doute notre réglementation a-t-elle vocation à évoluer, mais il me semble que les consommateurs doivent préalablement prendre conscience des enjeux en la matière, et surtout des conditions d’importation de certains animaux vivants. En tout état de cause, nous devons veiller à ne pas déstabiliser des filières déjà en difficulté.

M. Damien Pichereau. Je rejoins l’avis de notre collègue M. Bertrand Pancher et j’estime que c’est plutôt au niveau européen que nous devons évoluer sur cette question car, en légiférant au niveau national, nous courons le risque de désavantager les éleveurs français et de déstabiliser les filières.

Mme la présidente Barbara Pompili. Je vous rappelle qu’il est simplement question de la remise d’un rapport.

Mme Frédérique Tuffnell. Effectivement, je suis tout à fait d’accord sur le fait les choses doivent évoluer de préférence au niveau européen, mais mon amendement ne vise qu’à la remise d’un rapport d’information, afin de nous permettre de prendre ensuite les bonnes décisions. Il ne s’agit pas d’imposer des mesures qui pourraient mettre la filière en danger : bien au contraire, nous cherchons les moyens de l’améliorer. Nous avons tout intérêt à être pionniers en la matière, car c’est la qualité de notre alimentation qui est en jeu. L’élevage du poisson est une question particulièrement importante, car les Français en consomment de plus en plus depuis qu’il est connu que cet aliment est très bon pour la santé – lorsqu’il est de qualité.

Cela dit, tenant compte de la remarque de Mme la rapporteure pour avis, je rectifie mon amendement en portant le délai de remise du rapport à un an.

La commission adopte l’amendement rectifié.

Puis elle donne un avis favorable à l’adoption de l’article 13 modifié.

Article additionnel après l’article 13
(article L. 214-3 du code rural et de la pêche maritime)
Définition de l’interdiction de mauvais traitements envers les animaux

Mme la présidente Barbara Pompili. Nous en venons à une série d’amendements portant articles additionnels après l’article 13.

La commission est saisie de l’amendement CD251 de Mme Sandrine Le Feur.

M. Loïc Dombreval. Il s’agit d’un amendement rédactionnel, consistant à compléter le premier alinéa de l’article L. 214-3 du code rural et de la pêche maritime par les mots : « en toute circonstance, y compris lors des opérations d’abattage. »

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis. Cet amendement n’est pas seulement rédactionnel, puisqu’il précise et complète un article du code rural. Cela dit, j’y suis favorable.

La commission adopte l’amendement.

Après l’article 13

La commission examine l’amendement CD165 de M. Loïc Dombreval.

M. Loïc Dombreval. Sur les 90 millions de poussins qui naissent chaque année aux fins de sélectionner des poules de races pondeuses, à l’éclosion, 50 millions d’entre eux – les poussins mâles – sont broyés vivants.

Faire naître des animaux pour les tuer à leur naissance n’est ni éthiquement acceptable, ni rentable. Grâce à un financement de la dotation du programme d’investissement d’avenir (PIA) à hauteur de 4,3 millions d’euros, une entreprise française a amélioré une technique de sexage in ovo durant la phase d’accouvage. La preuve de l’efficacité du concept devrait être acquise au mois de juin, et le procédé permettra donc très prochainement de sexer les embryons in ovo, avec un taux de fiabilité de 95 %. Sa mise en œuvre évitera de tuer 50 millions de poussins mâles par an, mais aussi de recycler les œufs porteurs d’un embryon mâle en les dirigeant vers la filière des poulets de chair.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis. À ma connaissance, cette technique de sexage n’est pas encore opérationnelle. Avant de l’imposer par la loi, j’estime qu’il convient de travailler avec les professionnels dans le cadre des plans de filières, afin de s’assurer que la technique envisagée répond à leurs besoins et peut s’y adapter. Je suis donc plutôt défavorable à cet amendement.

M. Loïc Dombreval. Je propose de rectifier mon amendement en proposant la remise d’un rapport d’information destiné à évaluer le niveau d’avancement du dispositif – ce qui peut être fait dans les mois qui viennent –, avant que nous n’engagions une discussion avec la filière.

Mme la présidente Barbara Pompili. Ce n’est pas possible, car la rectification que vous proposez est trop éloignée de l’objet initial de votre amendement. Je vous suggère plutôt de proposer un autre amendement en commission des affaires économiques.

M. Loïc Dombreval. C’est ce que je vais faire, madame la présidente.

L’amendement CD165 est retiré.

La commission est saisie de l’amendement CD168 de M. Loïc Dombreval.

M. Loïc Dombreval. Cet amendement est une déclinaison du précédent s’appliquant aux élevages de canards – la seule différence, c’est que le broyage concerne ici les oisillons femelles. Je le retire également.

L’amendement CD168 est retiré.

La commission examine l’amendement CD254 de Mme Sandrine Le Feur.

M. Loïc Dombreval. Cet amendement vise à inscrire dans la loi une proposition faite par la commission d’enquête sur les conditions d’abattage, présidée par M. Olivier Falorni, consistant à mettre en place un Comité national d’éthique des abattoirs – qui fonctionne déjà, sans que son existence soit consacrée par la loi.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis. Un Comité national d’éthique des abattoirs a effectivement déjà été mis en place au sein du Conseil national de l’alimentation mentionné à l’article L. 1 du code rural, afin de débattre de l’évolution de la législation et de la réglementation relatives à la protection animale en abattoir. Il ne me paraît pas nécessaire d’inscrire dans la loi la création d’un comité qui existe déjà, c’est pourquoi je vous suggère le retrait de cet amendement.

L’amendement CD254 est retiré.

Article additionnel après l’article 13
(article L. 654-3-1 [nouveau] du code rural et de la pêche maritime)
Généralisation de la désignation des responsables en matière de protection animale dans les abattoirs

La commission est saisie de l’amendement CD357 de la rapporteure pour avis.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis. Cet amendement vise à généraliser la désignation de responsables en matière de protection animale dans tous les abattoirs, quel que soit leur niveau d’activité. Actuellement, cette désignation n’est obligatoire, en application de l’article 17 du règlement (CE) n° 1099/2009, que dans les établissements d’abattage abattant au moins 1 000 unités gros bétail ou 150 000 volailles ou lapins par an.

Il convient de généraliser ce dispositif qui permet de disposer d’un salarié spécifiquement formé à la protection du bien-être animal. Cette formation devrait par ailleurs faire l’objet d’un renforcement réglementaire.

Je rappelle que les professionnels sont plutôt favorables à cette mesure, qui fait partie de leur plan de progrès.

La commission adopte l’amendement.

Article additionnel après l’article 13
(article L. 654-3-1 [nouveau] du code rural et de la pêche maritime)
Renforcement des dispositions relatives aux lanceurs d’alerte dans les abattoirs

La commission examine l’amendement CD359 de la rapporteure pour avis.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis. La loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, dite loi « Sapin II », a créé une protection spécifique des lanceurs d’alerte. Elle a ainsi prévu, dans les structures de plus de cinquante salariés, la désignation d’un référent chargé de recueillir les alertes et la mise en œuvre de procédures spécifiques.

Le présent amendement tend à rendre ces dispositions applicables dans tous les établissements d’abattage, quel que soit le nombre de leurs salariés.

La commission adopte l’amendement.

Article additionnel après l’article 13
(article L. 654-3-1 [nouveau] du code rural et de la pêche maritime)
Signature et publication d’un protocole sanitaire par les abattoirs

La commission est saisie de l’amendement CD361 de la rapporteure pour avis.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis. Dans le prolongement des deux dispositifs précédemment évoqués, il est proposé de prévoir que les exploitants d’abattoirs signent obligatoirement un protocole sanitaire particulier sur la base d’un modèle de protocole cadre national agréé par le ministre chargé de l’agriculture et par l’ANSES. Ce protocole traiterait notamment du respect du bien-être animal – étant précisé qu’aucune information confidentielle ne devrait être publiée. Cette mesure, déjà appliquée par certains exploitants, valorise les dispositions qu’ils mettent en œuvre, et encourage ceux qui ne le font pas encore à faire de même.

M. Bertrand Pancher. Un bel amendement !

La commission adopte l’amendement.

Article additionnel après l’article 13
(article L. 811-1 du code rural et de la pêche maritime)
Intégration de la sensibilisation au bien-être animal dans les missions de l’enseignement et de la formation aux métiers de l’agriculture

La commission examine les amendements CD350 de la rapporteure pour avis, CD260 de Mme Sandrine Le Feur et CD466 de M. Guillaume Garot, pouvant être soumis à une discussion commune. Les amendements CD350 et CD260 sont identiques.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis. L’amendement CD350 vise à ajouter aux missions de l’enseignement et de la formation professionnelle publics aux métiers de l’agriculture, de la forêt, de la nature et des territoires, la sensibilisation au bien-être animal. Il est en effet important que les bonnes pratiques soient apprises dès la période de formation.

M. Loïc Dombreval. Le bien-être animal est aujourd’hui une préoccupation sociétale majeure : son respect, tant pendant l’abattage que durant toute la vie de l’animal, est devenu une exigence forte des consommateurs et un signe de qualité. Il est donc impératif d’intégrer rapidement cette dimension aux formations agricoles afin d’armer les futurs exploitants face à une exigence croissante du marché.

M. Guillaume Garot. L’amendement CD466 est défendu.

La commission adopte les amendements identiques CD350 et CD260.

En conséquence, l’amendement CD466 tombe.

Après l’article 13

La commission est saisie de l’amendement CD162 de M. Loïc Dombreval.

M. Loïc Dombreval. Il semble urgent d’élaborer un outil de suivi et de pilotage de la qualité des filières qui soit conçu comme perfectible, aux exigences progressives et permettant un étiquetage-diagnostic multicritères des produits proposés aux consommateurs.

Je propose donc, avec l’amendement CD162, la remise d’un rapport au Parlement dont l’objet consistera à nous permettre de déterminer s’il est possible de mettre au point un étiquetage intégrant des critères relatifs au bien-être animal, mais également à la présence éventuelle d’intrants dans les produits ou à l’émission de CO2, par exemple. Cet étiquetage devra être clair, parfaitement lisible, et constituer un levier de progrès de la qualité des aliments.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis. Cet amendement nous renvoie à des discussions que nous avons eues hier au sujet des attentes en matière d’étiquetage. Le règlement européen INCO nous laisse peu de marge de manœuvre en la matière, mais le ministre s’est engagé à ce que les choses évoluent, au terme d’une discussion qu’il a d’ores et déjà engagée avec ses homologues européens. Par ailleurs, M. Guillaume Garot a évoqué hier le rapport d’information rendu sous la précédente législature par Mme Sophie errante et M. Martial Saddier sur l’affichage environnemental, qui souligne la difficulté qu’il y a à mettre en place ce type d’étiquetage. En attendant le travail collectif que nous devons mener à ce sujet, je vous suggère de retirer votre amendement, et émettrai à défaut un avis défavorable.

L’amendement CD162 est retiré.

La commission examine l’amendement CD253 de Mme Sandrine Le Feur.

M. Loïc Dombreval. L’amendement CD253 vise à permettre une expérimentation de deux ans de l’abattage des animaux dans des abattoirs mobiles, qui pourrait se faire à plusieurs conditions. Cette pratique devrait donner lieu à la transmission, plusieurs semaines à l’avance, d’un planning relatif à l’affectation des techniciens vétérinaires ; chaque opération devrait également être conditionnée à la délivrance d’un numéro d’agrément permettant d’identifier le département d’abattage, afin d’assurer une parfaite traçabilité ; enfin, il conviendrait d’être extrêmement rigoureux sur le respect des conditions sanitaires et d’hygiène, et de prendre garde à ne pas déstabiliser les petits abattoirs locaux, qui jouent un rôle essentiel dans la filière.

Il s’agit, avec l’expérimentation envisagée, d’avancer comme l’ont déjà fait avant nous d’autres pays européens avec succès.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis. Compte tenu de l’adoption de l’amendement CD439 de M. Bruno Millienne, qui avait un objet similaire, je vous invite à travailler ensemble à la rédaction d’un amendement constituant la synthèse de vos propositions respectives, que vous pourriez présenter devant la commission des affaires économiques.

Mme Sandrine Le Feur. Nous retirons notre amendement afin de le retravailler, comme le suggère Mme la rapporteure pour avis.

L’amendement CD253 est retiré.

Article additionnel après l’article 13
Intitulé d’un nouveau chapitre au sein du titre II

La commission est saisie de l’amendement CD172 de M. Loïc Dombreval.

M. Loïc Dombreval. Il vise à tirer les conséquences, sur le plan rédactionnel, de l’adoption de deux autres amendements.

Mme la présidente Barbara Pompili. Je précise que cet amendement faisait initialement l’objet d’un sous-amendement du Gouvernement, qui n’est pas défendu puisque M. le ministre n’est pas présent aujourd’hui. Souhaitez-vous rectifier votre amendement en tenant compte de ce sous-amendement, monsieur Dombreval ?

M. Loïc Dombreval. Effectivement, madame la présidente.

Dans sa rédaction rectifiée, l’amendement CD172 consisterait donc à insérer, après l’article 13, la division suivante :

« Chapitre III

« Renforcement des exigences pour une alimentation durable. »

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis. J’émets un avis favorable à l’amendement rectifié.

La commission adopte l’amendement rectifié.

Article 14
(articles L. 253-1 et L. 253-5-2 [nouveaux] du code rural et de la pêche maritime)
Interdiction des remises, rabais et ristournes sur les produits phytopharmaceutiques

I.   Les Dispositions du projet de loi

Dans le but d’ « éviter toute incitation de quelque nature que ce soit, pouvant conduire à lutilisation inappropriée des antibiotiques » ([18]), la loi du 13 octobre 2014 d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt ([19]) a interdit les remises, rabais et ristournes, la remise d’unités gratuites ainsi que la différenciation des conditions générales et particulières de vente pour la vente de médicaments vétérinaires contenant une ou plusieurs substances antibiotiques ([20]). Cette mesure s’inscrivait dans le cadre du plan national de réduction des risques d’antibiorésistance en médecine vétérinaire « Ecoantibio 2017 » qui visait une réduction de 25 % de l’usage des antibiotiques vétérinaires sur la période 2012‑2017 ([21]).

Considérant que, pour des raisons de santé publique et de qualité de l’environnement, il est essentiel de diminuer l’utilisation des produits phytopharmaceutiques, le Gouvernement propose de transposer cette mesure au cas de ces produits pour limiter la vente de produits dont l’usage ne répond ni aux besoins réels des utilisateurs, ni aux principes de la lutte intégrée contre les ennemis des cultures. Cette dernière est définie par l’article 3 de la directive du 21 octobre 2009 instaurant un cadre d’action communautaire pour parvenir à une utilisation des pesticides compatible avec le développement durable ([22]) comme « la prise en considération attentive de toutes les méthodes de protection des plantes disponibles et […] lintégration des mesures appropriées qui découragent le développement des populations dorganismes nuisibles et maintiennent le recours aux produits phytopharmaceutiques […] à des niveaux justifiés des points de vue économique et environnemental, et réduisent ou limitent au maximum les risques pour la santé humaine et lenvironnement »).

Les produits phytopharmaceutiques sont définis par l’article 2 du règlement du 21 octobre 2009 concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques ([23]) comme des produits destinés à l’un des usages suivants :

– protéger les végétaux ou les produits végétaux contre tous les organismes nuisibles ou prévenir l’action de ceux-ci (insecticides, fongicides ([24]), acaricides ([25]), nématicides ([26]), répulsifs …) ;

– exercer une action sur les processus vitaux des végétaux (cas de certains stimulateurs de croissance par exemple) ;

– assurer la conservation des produits végétaux (produits de traitement après récolte des grains, des agrumes, des ensilages …) ;

– détruire les végétaux ou les parties de végétaux indésirables (herbicides…) ;

– freiner ou prévenir une croissance indésirable des végétaux (cas de certains régulateurs de croissance par exemple).

L’article 14, qui a pour but d’éviter toute incitation commerciale, de quelque nature que ce soit, à utiliser des produits phytopharmaceutiques de façon inappropriée, doit permettre de favoriser la réussite du plan Ecophyto 2 ([27]), qui vise à réduire de 50 % entre 2015 et 2025 l’utilisation des produits phytopharmaceutiques.

Le plan « Ecophyto 2 »

Le plan « Ecophyto 2 » a été adopté en 2015 pour faire suite au plan « Ecophyto 1 » mis en place en 2008 à la suite du Grenelle de l’Environnement. La faible efficacité de ce plan, dont l’objectif était de diminuer de 50 % en dix ans l’utilisation des produits phytopharmaceutiques, avait été constatée par notre collègue M. Dominique Potier dans le cadre de l’évaluation qu’il avait conduite pour le compte du Gouvernement ([28]).

Il vise à réduire de 50 % entre 2015 et 2025 le recours aux produits phytopharmaceutiques en distinguant deux étapes :

– une réduction de 25 % à l’horizon 2020, qui doit être obtenue par la généralisation et l’optimisation des techniques actuellement disponibles ;

– une réduction de 50 % à l’horizon 2025, qui doit être obtenue grâce à des mutations profondes des systèmes de production et des filières et aux avancées scientifiques et techniques.

Le plan « Ecophyto 2 » permet de répondre aux exigences fixées par l’article 4 de la directive du 21 octobre 2009 précitée instaurant un cadre d’action communautaire pour parvenir à une utilisation des pesticides compatible avec le développement durable. Cet article prévoit que les États membres doivent adopter des plans d’action nationaux « pour fixer leurs objectifs quantitatifs, leurs cibles, leurs mesures et leurs calendriers en vue de réduire les risques et les effets de lutilisation des pesticides sur la santé humaine et lenvironnement et dencourager lélaboration et lintroduction de la lutte intégrée contre les ennemis des cultures et de méthodes ou de techniques de substitution en vue de réduire la dépendance à légard de lutilisation des pesticides. »

L’article 14 insère une nouvelle section au sein du chapitre III du titre V du livre II du code rural et de la pêche maritime qui fixe les règles relatives à la mise sur le marché et à l’utilisation des produits phytopharmaceutiques. Cette section comporte deux articles : un article L. 253-5-1 qui définit le périmètre de l’interdiction et un article L. 253-5-2 qui définit les sanctions applicables en cas de non-respect de l’interdiction.

L’article L. 253-5-1 dispose qu’à l’occasion de la vente de produits phytopharmaceutiques sont interdits :

– les remises (réductions de prix accordées à un client qui remplit certains critères comme le fait de réaliser un certain nombre d’achats sur une période déterminée) ;

– les rabais (diminutions du prix visant à prendre en considération un défaut de qualité du produit vendu ou une déficience en matière de service rendu comme un retard de livraison) ;

– les ristournes (réductions de prix accordées sur le montant global des ventes réalisées avec un client pendant une période déterminée) ;

– la remise d’unités gratuites ;

– la différenciation des conditions générales et particulières de vente permise par le I de l’article L. 441-6 du code de commerce ([29]).

Toutefois, l’article L. 253-5-1 prévoit que cette interdiction ne s’applique pas aux produits de biocontrôle définis à l’article L. 253-6 du code rural et de la pêche maritime, c’est-à-dire aux « agents et produits utilisant des mécanismes naturels dans le cadre de la lutte intégrée contre les ennemis des cultures ». Le biocontrôle vise la protection des plantes en privilégiant l’utilisation de mécanismes et d’interactions naturels. Il est fondé sur la gestion des équilibres des populations d’agresseurs plutôt que sur leur éradication. Les produits de biocontrôle sont classés en quatre familles :

– les macro-organismes auxiliaires, qui sont des invertébrés (insectes, acariens ou nématodes) utilisés pour protéger les cultures contre les attaques des agents pathogènes responsables de maladies, des ravageurs ou des plantes adventices ;

– les micro-organismes, qui sont des champignons, des bactéries et des virus utilisés pour protéger les cultures contre les ravageurs et les maladies ;

– les médiateurs chimiques (par exemple les phéromones d’insectes) qui perturbent les interactions entre les êtres vivants d’un même milieu et permettent le suivi des vols et le contrôle des populations d’insectes ravageurs par le piégeage et la méthode de confusion sexuelle ;

– les substances naturelles d’origine végétale, animale ou minérale présentes dans le milieu naturel.

L’interdiction prévue par l’article L. 253-5-1 ne s’applique pas non plus aux substances de base servant à la préparation des produits phytopharmaceutiques définies par l’article 23 du règlement du 21 octobre 2009 précité concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques.

L’article L. 253-5-2 définit les sanctions applicables en cas de non-respect des interdictions définies par l’article L. 253-5-1.

Il prévoit que tout manquement aux interdictions prévues par l’article L. 253-5-1 est passible d’une amende administrative (dont le montant ne peut excéder 15 000 euros pour une personne physique et 75 000 euros pour une personne morale). Le montant de l’amende est doublé en cas de réitération du manquement dans un délai de deux ans à compter de la date à laquelle la première décision de sanction est devenue définitive. De plus, si l’auteur de l’infraction n’a pas mis fin au manquement à l’issue d’un délai fixé par une mise en demeure, l’amende peut être assortie d’une astreinte journalière (dont le montant ne peut dépasser 1 000 euros).

L’article L. 253-5-2 définit également la procédure applicable en prévoyant que l’autorité administrative compétente doit informer l’auteur du manquement :

– des faits relevés à son encontre, des dispositions qu’il a enfreintes et des sanctions qu’il encourt ;

– du délai dont il dispose pour faire valoir ses observations écrites et, le cas échéant, des modalités selon lesquelles il peut être entendu s’il en fait la demande ;

– du droit qu’il a à être assisté du conseil de son choix.

II.   La position de votre commission

L’interdiction des remises, rabais et ristournes sur les produits phytopharmaceutiques est indispensable pour atteindre les objectifs fixés par le plan « Ecophyto 2 » et la commission a ainsi émis un avis favorable à l’adoption de l’article sans modification.

*

*     *

La commission est saisie de l’amendement CD121 de M. Bertrand Pancher.

M. Bertrand Pancher. L’article 14 a trait à la vente des produits phytopharmaceutiques, et vise notamment à interdire les rabais et ristournes. Sur ce point, le Conseil d’État a regretté « que l’étude d’impact ne présente pas à ce stade de justifications suffisamment détaillées de la nécessité de cette mesure à tous les stades de la commercialisation de ces produits, ni d’indication sur ses possibles effets sur le commerce intracommunautaire ».

L’amendement CD121 a pour objet d’apporter quelques modifications à l’article 14, afin de prendre en compte les observations du Conseil d’État. Il vise ainsi à faire référence à la terminologie en vigueur concernant les « remises, rabais et ristournes », en retenant celle de « réductions de prix », telle qu’elle figure à l’article L. 441-6 du code de commerce, auquel renvoie l’article 14 du projet de loi ; à limiter le champ d’application des réductions de prix prohibées au regard de l’objectif affiché d’éviter les incitations commerciales ; enfin, à exclure l’application immédiate de la nouvelle prohibition, qui serait constitutive d’une insécurité juridique pour les relations contractuelles en cours, surtout dans un contexte dans lequel il pourrait s’appliquer à des relations entre des opérateurs français et des opérateurs étrangers, auxquels la loi française ne serait pas opposable.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis. Je vous invite à retirer cet amendement et émettrai à défaut un avis défavorable. En effet, cet amendement, qui prévoit que l’article 14 ne s’appliquera pas aux accords commerciaux en vigueur, constitue une mesure dilatoire qui prive l’article visé d’une grande partie de son efficacité.

M. Bertrand Pancher. L’analyse du Conseil d’État fait apparaître que l’article 14 sera difficilement applicable. Je maintiens donc mon amendement.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine l’amendement CD259 de Mme Sandrine Le Feur.

M. Jean-Luc Fugit. Cet amendement vise à réduire un peu plus les possibilités d’utilisation des produits phytosanitaires. Pour y parvenir, nous proposons d’interdire jusqu’à la publicité.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis. Je présenterai moi-même un amendement visant à interdire la publicité pour les produits phytopharmaceutiques dans les revues spécialisées. Je vous propose donc, cher collègue, de retirer le vôtre à son profit.

M. Jean-Luc Fugit. Je suis d’accord mais j’espère que nous pourrons effectivement réduire cette publicité.

L’amendement est retiré.

La commission donne un avis favorable à l’adoption de l’article 14.

Article additionnel après l’article 14
(articles  L. 253-5 et L. 25316 du code rural et de la pêche maritime)
Interdiction à compter du 1er janvier 2022 de la publicité pour les produits phytopharmaceutiques à destination des professionnels dans les revues spécialisées

La commission examine, en discussion commune, les amendements CD519 de la rapporteure pour avis et CD231 de M. Matthieu Orphelin.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis. C’est l’amendement par lequel je vous propose, chers collègues, d’interdire la publicité pour les produits phytopharmaceutiques dans les revues spécialisées.

Le plan « Ecophyto 2 » vise à réduire de 50 % entre 2015 et 2025 le recours aux produits phytopharmaceutiques. Pour favoriser son succès, il convient de réduire les incitations à utiliser les produits phytopharmaceutiques.

L’article L. 253-5 du code rural et de la pêche maritime interdit aujourd’hui de faire de la publicité à destination des utilisateurs non professionnels pour les produits phytopharmaceutiques qui ne sont pas des produits de biocontrôle. Le présent amendement vise à compléter cette interdiction en prévoyant que la publicité à destination des utilisateurs professionnels dans les revues spécialisées sera interdite à compter du 1er janvier 2022.

M. Matthieu Orphelin. L’amendement CD231 est défendu.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis. Il vise à interdire la publicité pour les produits phytopharmaceutiques à destination des professionnels à compter du 1er janvier 2022, tant dans les publications spécialisées que dans les points de vente. Le champ de l’interdiction résultant de mon amendement CD519 exclut les points de vente, car il serait difficile de l’y faire respecter. Je propose donc, cher M. Matthieu Orphelin, que vous retiriez votre amendement au profit de l’amendement CD519.

L’amendement CD231 est retiré.

La commission adopte l’amendement CD519.

Article additionnel après l’article 14
(article L. 253-6 du code rural et de la pêche maritime)
Simplification des conditions d’autorisation et réduction des délais d’évaluation des produits de biocontrôle

La commission en vient à l’amendement CD270 de Mme Sandrine Le Feur.

Mme Sandrine Le Feur. Les produits de biocontrôle sont des leviers essentiels pour la transition agricole et des alternatives aux produits phytosanitaires de synthèse. En vue d’atteindre les objectifs du plan « Écophyto 2 », je propose de simplifier les conditions d’autorisation des produits de biocontrôle et d’en réduire les délais d’évaluation.

Suivant l’avis favorable de la rapporteure pour avis, la commission adopte l’amendement.

Article additionnel après l’article 14
(article L. 253-8 du code rural et de la pêche maritime)
Interdiction de la vente en vue de la consommation humaine de denrées alimentaires traitées avec des pesticides contenant des substances actives non approuvées par l’Union européenne

La commission examine, en discussion commune, les amendements identiques CD102 de M. Bertrand Pancher et CD223 de M. Matthieu Orphelin, ainsi que l’amendement CD467 de M. Guillaume Garot.

M. Bertrand Pancher. L’amendement CD102 vise à interdire de proposer à la vente en vue de la consommation humaine les denrées alimentaires traitées avec des pesticides contenant des substances actives non approuvées par l’Union européenne. Cela permettra d’éviter toute distorsion de concurrence entre les producteurs européens et les producteurs des pays tiers – rappelez-vous, en 2016, les cerises traitées au diméthoate – tout en protégeant la santé publique et l’environnement. L’adoption de cet amendement, de nature à clarifier nos pratiques, serait très appréciée par la profession agricole.

M. Matthieu Orphelin. Effectivement, il y a des distorsions de concurrence, certains pays exportant vers notre territoire des produits présentant bien moins de garanties que nos produits. Notre modèle repose sur la qualité – c’est très bien, et il faut le renforcer – mais il faut éviter ces distorsions. J’entendais soulever le problème avec cet amendement CD223.

Mme Delphine Batho. Nous soutenons les amendements CD102 et CD223, avec lesquels notre amendement CD467, un peu différent, ne nous paraît pas contradictoire. Les amendements CD102 et CD223 procèdent d’une logique de cohérence : nous n’avons pas à permettre la consommation de produits qui comportent des résidus de substances interdites, notamment si elles le sont pour des raisons de santé publique. Par l’amendement CD467, nous voulons interdire « d’importer, de détenir en vue de la vente ou de la distribution à titre gratuit, de mettre en vente, de vendre ou de distribuer à titre gratuit des denrées alimentaires traitées avec des produits phytopharmaceutiques contenant des résidus de substances actives non autorisées ».

Mme la présidente Barbara Pompili. L’adoption des amendements identiques CD102 et CD223 ferait tomber l’amendement CD467, chère collègue, et ils ont tout de même à peu près le même objet.

Mme Delphine Batho. Certes, mais notre amendement CD467 nous paraît plus complet que les amendements CD102 et CD223, qui ne visent que la vente et la distribution à titre gratuit. L’esprit est cependant le même.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis. Je suis favorable aux amendements CD102 et CD223, cohérents, effectivement. Ils portent haut nos objectifs.

Mme la présidente Barbara Pompili. En fait, la principale différence tient à ce que l’amendement CD467 interdit aussi l’importation.

M. Guillaume Garot. C’est une garantie supplémentaire.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis. J’ai une préférence pour les amendements CD102 et CD223. Peut-être faudrait-il retravailler l’amendement CD467…

M. Guillaume Garot. L’amendement CD467 était parfait, mais adoptons les amendements identiques CD102 et CD223, et je le redéposerai.

L’amendement CD467 est retiré.

La commission adopte les amendements identiques CD102 et CD223.

Article additionnel après l’article 14
(article L. 253-8 du code rural et de la pêche maritime)
Interdiction à compter du 1er décembre 2020 de la production, du stockage et de la vente de produits phytopharmaceutiques contenant des substances actives non approuvées par l’Union européenne

La commission en vient à l’amendement CD449.

M. Guillaume Garot. C’est très choquant, c’est même scandaleux : nous autorisons – en vue d’exportations vers des pays peut-être moins regardants – la fabrication de produits phytosanitaires dont l’usage est interdit en raison de leur dangerosité pour la santé et pour l’environnement. Soyons cohérents : interdisons la production, le stockage et la mise en circulation de ces substances, et faisons en sorte que leur exportation ne soit plus possible. « Ne faites pas à autrui ce que vous ne voudriez pas qu’on vous fasse. » Cet amendement vise notamment l’atrazine.

Suivant l’avis favorable de la rapporteure pour avis, la commission adopte l’amendement.

Article additionnel après l’article 14
(article L. 253-8 du code rural et de la pêche maritime)
Interdiction à compter du 1er juillet 2021 de l’utilisation de produits phytopharmaceutiques contenant la substance active du glyphosate

La commission se saisit de l’amendement CD182 de Mme Delphine Batho.

Mme Delphine Batho. Cet amendement est très important.

À la suite de la décision prise par l’Union européenne sur le fondement d’un rapport d’évaluation de l’EFSA, dont je rappelle que c’est un copié-collé d’un rapport de Monsanto, le Président de la République a pris un engagement clair de sortie en trois ans, et d’interdiction dans trois ans, du glyphosate.

Par cet amendement, nous proposons d’inscrire l’engagement présidentiel à l’article L. 253-8 du code rural et de la pêche maritime.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis. Il s’agit là d’une mesure emblématique que nous aussi avons beaucoup défendue, mais je suis quelque peu mal à l’aise. Le Président de la République a pris un engagement sur trois ans en disant qu’il n’allait pas surtransposer, mais qu’il s’agissait de convaincre nos partenaires européens. Il faudrait donc ne pas aller trop vite, même si, sur le fond, cet amendement est assez cohérent : la démarche du Président de la République et du Gouvernement vise à rassembler nos partenaires européens autour du même objectif. Compte tenu de ce qu’avait déjà annoncé le Président et de l’engagement fort de la France, je vous propose plutôt, chère collègue, de retirer cet amendement.

M. Bruno Millienne. L’engagement du Président de la République va de pair, je crois, avec la possibilité de recourir à des substituts au glyphosate. S’il n’y en avait pas, des dérogations seraient envisageables. En l’état, tant que nous ne sommes pas certains de pouvoir disposer de produits de substitution au glyphosate, l’inscription de cette interdiction dans la loi me paraît un peu prématurée.

Mme Delphine Batho. Je pense qu’il faut se dire les choses. Du point de vue de la santé humaine et de la biodiversité, nous sommes dans une phase de basculement, d’anéantissement. Parmi les facteurs qui entraînent la disparition des oiseaux et des pollinisateurs figurent notamment les néonicotinoïdes mais aussi la disparition de toutes les adventices, adventices qui sont une nourriture fondamentale pour toute une série d’espèces dans les écosystèmes. Cette disparition des adventices est liée à l’usage massif d’herbicides. Quant au glyphosate, tout le monde sait lire les « tweets » : par un « tweet », un engagement clair a été pris par le Président de la République, selon lequel le glyphosate sera interdit au plus tard dans trois ans.

Ce qui est en cours, c’est donc une réécriture de l’engagement présidentiel, une grande tergiversation dans les coulisses du pouvoir, coulisses que l’on connaît bien. D’ailleurs, je viens de démissionner ce matin de la vice-présidence de la mission d’information commune sur les produits phytopharmaceutiques, parce que le projet de rapport de cette mission ne prône pas la sortie du glyphosate, ni même son interdiction dans trois ans : il ne prône que l’interdiction de l’usage du glyphosate comme agent dessiccatif.

C’est un amendement « heure de vérité ». Si nous voulons permettre le déploiement des alternatives, si nous voulons prévenir les agriculteurs que les choses se feront de telle et telle façon dans trois ans, il faut le décider maintenant. À ce jour, nous n’avons aucune information sur la façon dont le Gouvernement compte, y compris sur le plan juridique, concrétiser et mettre en œuvre l’engagement pris par le Président de la République. Le summum de la caricature, c’est la feuille de route du Gouvernement sur les produits phytopharmaceutiques, qui fait actuellement l’objet de consultations : elle ne comporte pas un mot sur la sortie du glyphosate. Elle parle de l’ensemble des « substances préoccupantes », mais elle ne dit rien de ce qui est décidé ou sera mis en œuvre par la France. L’engagement présidentiel a été pris au mois de novembre. Un certain nombre de rapports ont été publiés sur les alternatives, mais il n’y a toujours pas de décision. Je souhaite que les choses soient claires et qu’elles soient décidées aujourd’hui pour être mises en œuvre en 2021.

M. Bertrand Pancher. Le débat est très intéressant. Savez-vous que l’une des plus grandes entreprises spécialistes des traitements bio, notamment les biocides bio, en France, est Éléphant vert ? Son chiffre d’affaires était de 5 millions d’euros en 2016, et de 50 millions d’euros en 2017 ! Elle s’est regroupée avec la plus grande coopérative agricole française, Vivescia, installée à Reims. Discutez avec les responsables de cette entreprise. C’est pour eux une certitude : dans un délai compris entre sept et dix ans, il n’y aura plus que des traitements tels ceux qu’elle propose. Cela ne peut pas être plus rapide, en raison des bouleversements que cela entraîne pour l’agriculture, mais c’est inéluctable, en plus d’être souhaitable. Il faut simplement se donner un peu de temps pour que cela se passe dans de bonnes conditions. Je l’ai déjà dit hier : en France, les deux tiers des agriculteurs ont des revenus inférieurs à 250 euros. Ils sont tous en train de crever !

Je pense qu’il faut sortir très rapidement de tout cela et je suis le premier à soutenir le bio, mais ce sont précisément les agriculteurs et les coopératives qui font aujourd’hui le plus d’efforts. Auditionnez donc les responsables d’Éléphant vert pour en prendre la formidable mesure, mais ne fixons pas des calendriers impossibles à tenir.

M. Matthieu Orphelin. C’est un débat très important, que nous n’allons pas clore maintenant. Je trouve très bien que la France se donne l’objectif d’une sortie en trois ans, mais il faut accompagner les agriculteurs davantage que ce n’est le cas aujourd’hui, dans les changements de pratiques, dans les rotations de cultures... C’est pour cela qu’un certain nombre d’entre nous ont proposé aux ministres M. Nicolas Hulot et M. Stéphane Travert d’amplifier et d’accélérer l’accompagnement des agriculteurs pour atteindre l’objectif fixé par le Président de la République. Si nous parvenons d’ici à trois ans à mettre un terme à 95 % des usages du glyphosate et que nous avons 5 % de dérogations, ce sera un résultat important. Ce n’est pas tout à fait la position exprimée par M. Bertrand Pancher, mais nous devons y retravailler. Je suis plus proche de Mme Delphine Batho quant à l’objectif visé, mais ma méthode serait légèrement différente.

Pour ma part, je n’ai pas encore lu le projet de rapport de la mission d’information commune, dont je fais également partie, mais s’il ne correspond pas à mon point de vue je pourrai le faire savoir. Nous n’en sommes cependant pas là, et ce n’est pas le sujet de notre réunion.

Mme Sandrine Le Feur. Nous parlons quand même du glyphosate depuis dix ans, et, aujourd’hui, des agriculteurs proposent bien des alternatives, non des alternatives chimiques mais bien des alternatives mécaniques. Certains prétendent que l’on aura du mal à trouver des alternatives chimiques en trois ans, mais nous en parlons depuis dix ans, et que s’est-il passé ? Actons cette décision d’interdiction et cet engagement du Président de la République.

Mme Delphine Batho. M. Bertrand Pancher a évoqué les revenus des agriculteurs. Le centre d'études biologique de Chizé – du Centre national de la recherche scientifique (CNRS) –, celui-là même qui a publié il y a une dizaine de jours cette étude sur les oiseaux, a montré, au terme d’un travail de recherche conduit dans de vraies exploitations agricoles avec de vrais agriculteurs, qu’avec une division immédiate, par deux, des intrants, les rendements sont identiques et les revenus des agriculteurs augmentent. Autrement dit, les bases du débat sur les alternatives sont en fait toutes assez faussées et ne correspondent pas à la réalité du terrain. Quant à l’impact sur la santé et la biodiversité, il n’est contesté que par les firmes qui produisent cette substance.

L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a classé « cancérogène probable » le glyphosate. Le même jour, elle classait également « cancérogène probable » le malathion. Dans les vingt-quatre heures, celui-ci était interdit en France par le gouvernement français. En revanche, plus de trois ans plus tard, le glyphosate n’est toujours pas interdit.

Vous parlez de la situation du monde agricole, mais qu’est-ce qui se raconte sur le terrain ? « Macron a dit, mais ne vous inquiétez pas ! On verra dans sept ans, dix ans, vingt ans… » En fait, pour la biodiversité, chaque minute qui passe compte. Il faut donc, effectivement, un peu de courage, mais le monde agricole a aussi le droit qu’on le prévienne des décisions qui seront prises.

Nous avons une espèce de no man’s land d’ambiguïté qui s’organise savamment. On connaît les techniques. Je vous avais signalé un problème à propos de l’amendement CD182. Visiblement, l’Union des industries de la protection des plantes (UIPP) a eu accès à cet amendement et à d’autres – un amendement de M. Matthieu Orphelin, des amendements du groupe La France insoumise – avant qu’ils soient officiellement publiés. J’ai tout l’argumentaire de l’UIPP, je le mettrai en ligne le moment venu.

Nous allons passer au vote, mais je pense qu’il n’est plus possible de tergiverser sur cette question.

Mme la présidente Barbara Pompili. Nous reparlerons de l’accès à Éloi : ce n’est pas exactement cela, mais on vous donnera les informations plus tard.

M. Jean-Baptiste Moreau. Sans vouloir me faire son porte-parole, je rappellerai les derniers propos du Président de la République. Il mettait en avant les conclusions de l’Institut national de la recherche agronomique (INRA) selon lesquelles dans 90 % des cas, cela ne pose aucun problème de se passer du glyphosate. Les 10 % restants concernent surtout une agriculture de conservation des sols, en pratique de non-labour.

Soyons clairs : nous ne trouverons pas dans les trois ou les cinq prochaines années une molécule qui remplace le glyphosate sans présenter la même dangerosité ni les mêmes conséquences sur la biodiversité. Nous n’aurons pas d’autre herbicide systémique, ce serait de toute façon inutile. Cela ne peut donc passer que par des évolutions de pratiques culturales – je suis d’accord avec Mme Delphine Batho et Mme Sandrine Le Feur. Cela n’empêche pas que nous soyons dans une impasse technique. L’évolution des pratiques consistera en un plus grand nombre de passages mécaniques, donc en une plus forte consommation de gasoil, mais peut-être, effectivement, est-ce moins grave que la destruction de la biodiversité. Je ne prétends pas qu’il faille autoriser le glyphosate au-delà des trois prochaines années, je dis simplement qu’il faut rester pragmatique et faire attention. Grosso modo, l’agriculture de conservation des sols et le non-labour sont des pratiques respectueuses de l’environnement, mais on ne peut pas simplement traiter ceux qui utilisent le glyphosate de vilains pollueurs, c’est plus complexe.

M. Jean-Luc Fugit. Lorsqu’une contrainte est donnée, elle oblige souvent, et elle encourage.

En l’occurrence, cette échéance de trois ans encourage celles et ceux qui ont déjà pris le chemin de la conversion, celles et ceux qui ont adopté de nouvelles pratiques, celles et ceux qui cherchent d’autres molécules. Je ne suis d’ailleurs pas nécessairement d’accord avec mon collègue M. Jean-Baptiste Moreau sur l’impossibilité de trouver une molécule – ce sont des recherches compliquées, et peut-être certaines molécules sont-elles à l’étude. En revanche, je suis d’accord quant au fait qu’il vaut mieux imaginer cette évolution sur trois ans sans nouvelle molécule. Cette échéance est une contrainte, mais il faut la vivre positivement, en ce sens qu’elle donne un signal positif à un certain nombre de personnes, un signal favorable à un certain type d’agriculture. N’opposons pas les différents types d’agriculture, mais promouvons l’idée de développer une agriculture dont l’impact sur l’environnement soit moindre. Rappelons-nous encore une fois le titre de ce projet de loi, il faut toujours l’avoir à l’esprit.

M. Bertrand Pancher. Je suis absolument convaincu, madame Delphine Batho, que le biocontrôle se substituera aux autres méthodes au cours des prochaines années. Rencontrez le patron d’Éléphant vert, entreprise la plus engagée en France dans cette voie, rachetée par la plus grande coopérative française. Il vous dira que ce changement est en cours, mais qu’il faut modifier les pratiques des agriculteurs - ce qui ne se fait pas du jour au lendemain - qu’il faut commercialiser et généraliser cela, ce qui ne se fait pas non plus du jour au lendemain, qu’il faut atteindre une masse critique pour que les prix soient abordables – ou alors il n’y aura plus aucun agriculteur. Ce n’en est pas moins une véritable explosion : 5 millions d’euros de chiffre d’affaires il y a deux ans, 50 millions l’an dernier.

Ne faisons pas qu’instaurer des contraintes qui nuisent au succès de ce changement. Je soutiens absolument toute cette démarche, il faudrait effectivement être aveugle pour ne pas voir la disparition de la biodiversité des mammifères et des insectes.

Mme Delphine Batho. Je remercie M. Jean-Baptiste Moreau de son intervention. Je propose un amendement. Libre à la majorité d’en proposer un autre qui prévoie une semblable interdiction dans trois ans tout en ménageant des dérogations, nous en discuterions ; au moins, ce serait clair, et nous saurions où nous en sommes.

En l’occurrence, nous avons un « tweet » du Président de la République, des rapports publiés, mais on ne sait pas ce que décide la majorité ni à quels instruments juridiques elle recourra. Je sais que des discussions sont en cours au niveau européen, notamment avec l’Allemagne, mais compte tenu de la faillite de l’Agence européenne et si rien n’est décidé, la France est fondée à prendre une décision. Et si d’autres pays suivent, tant mieux. D’ici à la réunion de la commission des affaires économiques et à l’examen du texte dans l’hémicycle, il faut que vous disiez, chers collègues, comment vous allez faire, y compris au plan juridique.

M. Jean-Baptiste Moreau. Je m’engage auprès de Mme Delphine Batho à travailler sur cette question avec le Gouvernement en vue de la séance de la commission des affaires économiques.

La commission adopte l’amendement CD182.

Article additionnel après l’article 14
(article L. 253-8 du code rural et de la pêche maritime)
Définition des produits phytopharmaceutiques contenant une ou des substances actives de la famille des néonicotinoïdes

La commission examine, en discussion commune, l’amendement CD115 de Mme Delphine Batho et les amendements identiques CD226 de M. Matthieu Orphelin et CD381 de Mme Sandrine Le Feur.

Mme Delphine Batho. Le législateur a interdit l’usage de tous les produits de la famille des néonicotinoïdes. Cette interdiction n’a pas besoin d’être précisée pour être respectée. Il était tout à fait possible pour les gouvernements successifs – le gouvernement actuel n’est pas le seul concerné – de ne pas laisser faire la manœuvre qui consiste à introduire un nouveau produit, par exemple le sulfoxaflor, au motif que ce ne serait pas un néonicotinoïde – l’entreprise Sygenta elle-même le reconnaît comme un néonicotinoïde « de quatrième génération ».

Je vous propose donc un amendement « ceinture et bretelles », afin que l’on ne tente pas de contourner la volonté du législateur. La définition des produits concernés serait placée plutôt à l’article L. 253-1 du code rural et de la pêche maritime, où figurent aussi les définitions des produits phytopharmaceutiques et des préparations naturelles peu préoccupantes (PNPP), mais c’est là une question secondaire par rapport à l’enjeu : inscrire dans la loi une définition qui fasse échec aux tentatives de contournement de la volonté du législateur.

M. Matthieu Orphelin. Je profite, une fois n’est pas coutume, de l’examen de ces amendements pour adresser un message particulier au groupe Dow Chemical, qui me permet de faire acte de pédagogie. Souvent, on me demande comment les lobbies agissent à l’Assemblée nationale, ce qu’est un lobby. Le mail que ce groupe a assez largement diffusé pour que les uns et les autres mobilisent leurs députés et que ceux-ci s’opposent à nos amendements en offre un bon exemple ! « Je vous serais très reconnaissant de mobiliser vos contacts et sensibiliser vos députés… » J’espère que la « reconnaissance » n’est qu’une formule de politesse… (Sourires.)

Le moment est effectivement très important. Les pesticides néonicotinoïdes ont évidemment un impact très important sur la biodiversité, notamment sur ce marqueur de biodiversité que sont les abeilles. Ne rejouons pas sans cesse le même match, avec ces firmes qui viennent expliquer aux agriculteurs que leurs nouvelles molécules ne sont pas des néonicotinoïdes !

Tel est le sens de nos amendements CD226 et CD381.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis. Je donnerai un avis favorable aux amendements CD226 et CD381. Les autorisations de mise sur le marché délivrées pour le Closer et le Transform vont à l’encontre de l’esprit de l’interdiction de l’utilisation de produits phytopharmaceutiques contenant une ou des substances actives de la famille des néonicotinoïdes, adoptée par la représentation nationale en 2016. En effet, le sulfoxaflor, qui entre dans la composition du Closer et du Transform est, selon certains scientifiques, un néonicotinoïde de quatrième génération. Certes, il n’existe pas de consensus sur le sujet, mais on ne saurait se prévaloir de cette absence de consensus pour exclure ces produits du champ d’application de la mesure votée en 2016. De fait, le sulfoxaflor a le même mode d’action que le thiamétoxame ou le thiaclopride, visés par l’interdiction adoptée en 2016. Du reste, l’Agence européenne de sécurité sanitaire, qui a procédé à l’évaluation du sulfoxaflor, a indiqué qu’il était dangereux pour les abeilles et qu’il ne fallait pas l’appliquer durant la floraison. L’agence considère même qu’il existe un risque élevé et de long terme pour les petits mammifères herbivores dans les cas où le sulfoxaflor est utilisé en plein champ sur les légumes.

Dès lors, autoriser le Closer et le Transform revient à autoriser la vente de produits dont l’utilisation pourrait être interdite : un agriculteur qui achèterait ses produits autorisés par l’ANSES pourrait être sanctionné par la justice pour les avoir employés. Parce qu’il convient de supprimer tout risque d’insécurité juridique et d’éviter que les décisions administratives puissent porter atteinte aux principes définis par la représentation nationale, je suis favorable à ces deux amendements identiques.

Mme Delphine Batho. Je partage l’intention de Mme la rapporteure pour avis, mais la rédaction des CD226 et CD381 ne convient pas. Tout d’abord, ils devraient faire référence, non pas au « présent article », qui a trait aussi à l’épandage aérien de l’ensemble des produits phytopharmaceutiques, mais au « II du présent article ». Ensuite, si l’on écrit : « on entend par substances actives de la famille des néonicotinoïdes », on empiète sur un domaine qui relève, au titre du règlement européen, des compétences exclusives de l’Union européenne. Mieux vaut donc opter, sur ce point, pour la rédaction que je propose dans mon amendement et remplacer ce membre de phrase par : « les produits phytopharmaceutiques contenant une ou des substances actives de la famille des néonicotinoïdes sont… ». Enfin, je vous suggère d’ajouter, après le mot : « les substances », les mots : « pesticides de synthèse ». Ainsi, la rédaction de l’amendement sera suffisamment complète et solide pour que l’on n’ait pas besoin d’y revenir lors de l’examen du texte par la commission des affaires économiques puis en séance publique.

M. Jean-Baptiste Moreau. Je vous indique, à toutes fins utiles, que je suis en train de travailler à un amendement compatible avec la réglementation européenne sur ce thème.

Mme Delphine Batho. Si M. Jean-Baptiste Moreau voulait bien nous associer à la rédaction de son amendement, nous pourrions nous y rallier.

M. Jean-Baptiste Moreau. J’y suis prêt.

M. Matthieu Orphelin. Je me réjouis de cette convergence, car il s’agit d’une question très importante. Merci à tous !

Mme la présidente Barbara Pompili. Je vous donne lecture des amendements CD226 et CD381 tels que Mme Batho propose de les rectifier :

« L’article L. 253‑8 du code rural et de la pêche maritime est complété par un III ainsi rédigé :

« III. – Pour l’application du II du présent article, les produits phytopharmaceutiques contenant une ou des substances actives de la famille des néonicotinoïdes sont l’ensemble des produits pesticides de synthèse qui ont une action sur le récepteur nicotinique de l’acétylcholine en tant que compétiteurs de l’acétylcholine. »

Si les auteurs des amendements acceptent cette rectification et si Mme la rapporteure pour avis y est favorable, je considère que l’amendement CD115 est retiré et je vais mettre aux voix les amendements CD226 et CD381 tels qu’ils viennent d’être rectifiés.

L’amendement CD115 est retiré.

La commission adopte les amendements identiques CD226 rectifié et CD381 rectifié.

Article additionnel après l’article 14
(article L. 254-3 du code rural et de la pêche maritime)
Création de l’obligation de suivre une formation à la substitution des produits phytopharmaceutiques de synthèse par des alternatives pour obtenir un Certiphyto

La commission examine l’amendement CD272 de Mme Sandrine Le Feur.

M. Jean-Marc Zulesi. Par cet amendement, nous proposons d’inclure dans les certificats « Certiphyto » une formation à la substitution des produits phytopharmaceutiques par des produits ou des pratiques alternatives, dont les produits de bio-contrôle.

Suivant l’avis favorable de la rapporteure pour avis, la commission adopte l’amendement.

Article additionnel après l’article 14
(article L. 510-1 du code rural et de la pêche maritime)
Faire de la réduction de l’utilisation des produits phytopharmaceutiques une mission du réseau des chambres d’agriculture

La commission examine les amendements identiques CD289 de la rapporteure pour avis et CD258 de Mme Sandrine Le Feur.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis. Le plan « Écophyto 2 » vise à réduire de 50 %, entre 2015 et 2025, le recours aux produits phytopharmaceutiques. Pour favoriser la réussite de ce plan, il est indispensable de renforcer les actions visant à inciter à la réduction de l’emploi des produits phytopharmaceutiques. Les chambres d’agriculture constituent un relais essentiel pour la diffusion des bonnes pratiques en la matière. C’est pourquoi cet amendement tend à compléter la liste des missions confiées au réseau des chambres d’agriculture par l’article L. 510-1 du code rural et de la pêche maritime en y ajoutant le thème de la réduction de l’utilisation des produits phytopharmaceutiques.

Mme Sandrine Le Feur. Lors des auditions que nous avons réalisées, notamment dans le cadre de la mission d’information sur l’utilisation des produits phytopharmaceutiques, nous avons pu constater que les agriculteurs désireux de réduire leur utilisation de ces produits souffraient d’un manque d’accompagnement. Nous proposons donc de compléter les missions des chambres d’agriculture afin qu’elles agissent dans ce domaine.

La commission adopte ces amendements.

Article additionnel après l’article 14
(article L. 511-7 du code rural et de la pêche maritime)
Réserver un collège des chambres départementales et régionales d’agriculture à la représentation des collectivités territoriales, des consommateurs et des associations de protection de la nature et de l’environnement

La commission est saisie de l’amendement CD241 rectifié de Mme Sandrine Le Feur.

Mme Sandrine Le Feur. Il nous paraît nécessaire que les associations de consommateurs – dont on a vu, lors des États généraux de l’alimentation, qu’elles étaient partie prenante de la transformation du modèle agricole – et les associations de protection de l’environnement participent aux travaux des chambres d’agriculture.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis. Avis favorable. Il est en effet nécessaire d’ouvrir la gouvernance des chambres d’agriculture.

La commission adopte l’amendement.

Article additionnel après l’article 14
(article L. 661-8 du code rural et de la pêche maritime)
Ouverture de la possibilité de céder à titre onéreux des variétés de semences relevant du domaine public destinées aux jardiniers amateurs

La commission examine l’amendement CD268 de Mme Sandrine Le Feur.

M. Jean-Marc Zulesi. Cet amendement de bon sens vise à rétablir la possibilité de céder à titre onéreux des variétés de semences relevant du domaine public et destinées aux jardiniers amateurs. Cette pratique contribuera en effet à améliorer considérablement la conservation, la diffusion et l’enrichissement de la biodiversité agricole.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis. Avis favorable.

Mme la présidente Barbara Pompili. Je précise qu’il s’agit ici de rétablir une disposition votée dans le cadre de la loi pour la reconquête de la biodiversité qui avait été en partie invalidée par le Conseil constitutionnel. Celui-ci avait en effet considéré que, s’appliquant exclusivement aux associations, la disposition méconnaissait le principe d’égalité. Mais il avait également censuré, sans motif apparent, l’expression : « à titre onéreux ». Par cet amendement, il vous est donc proposé d’autoriser la cession de ces semences sans limiter cette autorisation aux associations et de préciser que cette cession peut se faire à titre onéreux. Il s’agit d’une mesure très importante pour la biodiversité.

Mme Delphine Batho. En tant qu’auteure de l’amendement au projet de loi pour la reconquête de la biodiversité censuré par le Conseil constitutionnel, je tiens à remercier les auteurs de ce très bon amendement qui permet de rétablir la volonté du législateur.

La commission adopte l’amendement.

Article additionnel après l’article 14
(article L. 1313-5 du code de la santé publique)
Ouverture aux ministres en charge de l’environnement et de la santé de la possibilité de s’opposer à la délivrance d’une autorisation de mise sur le marché de produit phytopharmaceutique et de demander à l’ANSES de réexaminer son dossier

La commission est saisie de l’amendement CD183 de Mme Delphine Batho.

Mme Delphine Batho. Si la délivrance des autorisations de mise sur le marché (AMM) a été confiée à l’ANSES, le code de la santé publique prévoit une procédure « de sécurité » qui permet au ministre de l’agriculture de demander à l’agence un nouvel examen du dossier dans un délai de trente jours durant lequel l’AMM est suspendue. Or, il paraîtrait logique que le ministre de l’environnement et celui de la santé disposent de la même prérogative dès lors que l’utilisation d’un produit peut avoir un impact sur la biodiversité ou sur la santé humaine.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis. Avis favorable. Il est cohérent d’étendre cette prérogative aux ministres de la santé et de l’environnement. En outre, cette mesure sert nos objectifs en matière d’utilisation des produits phytopharmaceutiques.

La commission adopte l’amendement.

Article additionnel après l’article 14
Rapport sur les modalités de réparation intégrale des préjudices des personnes atteintes d’une pathologie causée par une exposition directe aux produits phytopharmaceutiques

La commission en vient à l’amendement CD482 de M. Dominique Potier.

M. Dominique Potier. Le Sénat a l’immense mérite d’avoir adopté une proposition de loi visant à créer un fonds d’indemnisation des victimes des produits phytopharmaceutiques, réclamé depuis de nombreuses années par ces dernières. L’Assemblée et le Gouvernement doivent absolument se saisir à leur tour de cette question. Pour notre part, nous avons bien conscience qu’un amendement reprenant les dispositions adoptées par le Sénat tomberait sous le couperet de l’article 40. C’est pourquoi nous vous proposons de demander au Gouvernement qu’il remette au Parlement, dans les trois mois suivant la promulgation de la loi, un rapport à ce sujet, à moins qu’il ne dépose un amendement en ce sens au prochain projet de loi de financement de la Sécurité sociale.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis. Il ne me paraît pas souhaitable de multiplier les rapports. Aussi, je vous suggère d’inscrire ces dispositions « en dur » dans la loi en déposant un amendement à ce projet de loi ou au prochain projet de loi de financement de la Sécurité sociale. Cet amendement pourrait faire référence à un fonds privé, de sorte qu’il ne serait pas déclaré irrecevable au titre de l’article 40 de la Constitution. En tout état de cause, il aurait davantage de poids qu’une demande de rapport. Peut-être une négociation pourrait-elle avoir lieu d’ici à l’examen du texte par la commission des affaires économiques.

Mme la présidente Barbara Pompili. Mme la rapporteure pour avis est plus ambitieuse que vous, monsieur Dominique Potier !

M. Dominique Potier. Mme Delphine Batho et moi-même – mais je sais que des députés de toutes tendances, notamment de la majorité, sont sensibles à cette question –, nous souhaitons simplement ouvrir le débat. Bien entendu, nous déposerons un amendement lors de l’examen du texte par la commission des affaires économiques, mais nous avons besoin de l’appui du Gouvernement pour trouver une solution durable. Si nous aboutissions dans le cadre de ce projet de loi, nous en serions extrêmement heureux.

M. Jean-Baptiste Moreau. Mme la rapporteure pour avis et moi allons discuter de cette question avec le Gouvernement afin qu’il dépose lui-même un amendement ; il s’agit, selon moi, de la seule voie possible.

Mme Delphine Batho. Si cette démarche pouvait aboutir, ce serait une grande avancée. C’est un combat légitime. Nous devons cette mesure au monde agricole. Si le Sénat est parvenu à un consensus, l’Assemblée doit en être capable également. Toutefois, si nous avions déposé un amendement, il ne serait même pas venu en discussion, à cause de l’article 40 de la Constitution. J’ajoute qu’il s’agit, pour le groupe Nouvelle gauche, d’un point déterminant.

M. Dominique Potier. Ce que nous disent M. Jean-Baptiste Moreau et la rapporteure pour avis est très encourageant. Je propose néanmoins que nous adoptions mon amendement pour marquer ensemble notre volonté politique, quitte à revenir sur cette demande de rapport si le Gouvernement prend un engagement.

La commission adopte l’amendement.

Article 15
Habilitation du Gouvernement à prendre des mesures de séparation des activités de vente et de conseil à lutilisation de produits phytosanitaires et des mesures de lutte contre le gaspillage alimentaire par ordonnances

Le présent article habilite le Gouvernement à prendre par ordonnance des mesures de séparation des activités de vente et de conseil à l’utilisation de produits phytosanitaires et des mesures de lutte contre le gaspillage alimentaire.

Les ordonnances prises sur le fondement de l’article 38 de la Constitution obéissent à un régime juridique spécifique, permettant au gouvernement de prendre, temporairement, par ordonnances, des mesures qui relèvent du domaine de la loi. Les ordonnances entrent en vigueur dès leur publication mais demeurent des actes de niveau réglementaire tant qu’elles n’ont pas été ratifiées par une loi. L’ordonnance fixe le délai dans lequel le projet de loi de ratification doit être déposé devant le Parlement.

I.   L’Habilitation à légiférer par ordonnances pour réformer la législation relative à la protection des végétaux

Le I de l’article 15 habilite le Gouvernement à légiférer par ordonnances pour :

– séparer les activités de vente et de conseil, pour ce qui concerne les produits phytopharmaceutiques ;

– réformer le système des certificats d’économie de produits phytopharmaceutiques ;

– renforcer les pouvoirs de police judiciaire des agents chargés des contrôles dans le domaine de l’alimentation, de la santé publique vétérinaire et de la protection des végétaux.

A.   La Séparation des activités de vente et de conseil de produits PHYTOPHARMACEUTIQUES

1.   L’état du droit

La loi « Grenelle 2 » du 12 juillet 2010 ([30]) et la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt du 13 octobre 2014 ([31]) ont mis en place des mesures encadrant l’activité de conseil spécifique à l’utilisation des produits phytopharmaceutiques. Ce cadre est fixé par les articles L. 254-1 et suivants et les articles R. 254-1 et suivants du code rural et de la pêche maritime.

L’exercice des professions de distributeur de produits phytopharmaceutiques, d’applicateur de ces produits et de conseil indépendant pour leur utilisation est soumis à un agrément d’entreprise qui repose sur une certification externe préalable par un organisme certificateur accrédité ([32]). De plus, le personnel des entreprises de distribution doit justifier d’une certification individuelle de capacité (dite certification « Certiphyto ») pour la vente ou le conseil ([33]).

L’article L. 254-7 du code rural et de la pêche maritime prévoit que les distributeurs doivent fournir aux acquéreurs deux types de conseils.

D’une part, lors de la vente, il faut qu’une personne titulaire d’une certification Certiphyto « vente de produits professionnels » ou « conseil à l’utilisation des produits phytopharmaceutiques » soit disponible pour fournir à l’acquéreur « les informations appropriées concernant lutilisation des produits phytopharmaceutiques, les risques pour la santé et lenvironnement liés à une telle utilisation et les consignes de sécurité afin de gérer ces risques ».

D’autre part, le distributeur doit formuler au moins une fois par an un conseil individualisé qui « fait lobjet dune préconisation écrite qui précise la substance active et la spécialité recommandées, la cible, la ou les parcelles concernées, la superficie à traiter, la dose recommandée et les conditions de mise en œuvre » et « comporte lindication, le cas échéant, des méthodes alternatives ([34])». Toutefois, cette obligation de conseil ne pèse pas sur le distributeur lorsque le client peut justifier l’avoir reçu d’un autre distributeur ou d’un conseiller indépendant agréé. Le conseil doit être délivré par un agent certifié et celui-ci ne peut percevoir une rémunération indexée directement ou indirectement sur la vente de produits.

2.   Les dispositions du projet de loi

Dans la pratique, le conseil est essentiellement délivré par les distributeurs, sous la forme d’un conseil à l’achat, en fonction des variétés cultivées et des produits recommandés par les firmes ou les instituts techniques. Cette activité est étroitement liée à l’acquisition de références locales à partir d’observations et de résultats d’essais, dont le coût est intégré dans celui des produits vendus. L’étude d’impact indique que le conseil annuel « vise principalement à lamélioration des performances et lefficience phytosanitaire » et « est essentiellement orienté vers ladaptation technico-économique des produits phytopharmaceutiques à la situation phytosanitaire prévisionnelle plutôt que vers la promotion des solutions alternatives, lorsquelles existent, léconomie en produits ou la priorité donnée à des produits moins risqués » ([35]).

Dans ce contexte, le projet de loi vise à réformer les règles relatives aux activités de vente et de conseil pour prévenir tout risque de conflit d’intérêts qui pourrait résulter de la coexistence chez un même opérateur des activités de conseil et de vente de produits phytopharmaceutiques et garantir aux utilisateurs professionnels un conseil annuel individualisé qui concoure effectivement à la réduction de l’utilisation, des risques et des impacts des produits phytopharmaceutique ([36]).

Pour ce faire, le 1° du I de l’article 15 habilite le Gouvernement à prendre par ordonnances dans un délai de six mois à compter de la publication de la loi :

– des mesures permettant de rendre l’exercice des activités de distribution de produits phytopharmaceutiques et d’application de ces produits, en qualité de prestataire de services, incompatible avec celui de l’activité de conseil à l’utilisation de produits phytopharmaceutiques (autre que celle portant sur les informations relatives à l’utilisation, aux risques et à la sécurité d’emploi des produits cédés) ;

– des mesures permettant de modifier le régime applicable aux activités de conseil et de vente des produits phytopharmaceutique (notamment en imposant une séparation capitalistique des structures exerçant ces activités).

3.   Les travaux de votre commission

La commission a adopté deux amendements modifiant le 1° du I de l’article 15.

La commission a adopté l’amendement CD 262 rectifié présenté par Mme Sandrine Le Feur pour prévoir que la séparation entre les activités de vente et de conseil doit entraîner non seulement la séparation capitalistique des structures mais aussi l’indépendance des personnes physiques effectuant ces activités.

La commission a également adopté l’amendement CD 483 présenté par M. Dominique Potier qui précise que la séparation de la vente et du conseil à laquelle doit procéder l’ordonnance prévue par le 1° doit permettre l’exercice d’un conseil stratégique et indépendant.

B.   la Réforme du système des certificats d’économie de produits phytopharmaceutiques

1.   L’état du droit

Définis par les articles L. 254-10 et suivants du code rural et de la pêche maritime, les certificats d’économie de produits phytopharmaceutiques constituent un des outils permettant la mise en œuvre du plan « Ecophyto 2 » adopté en 2015.

Le système des certificats d’économie de produits phytopharmaceutiques avait été institué par une ordonnance du 7 octobre 2015 ([37]). Toutefois, celle-ci avait été annulée par une décision du Conseil d’État du 28 décembre 2016 parce qu’elle n’avait pas fait l’objet d’une procédure de consultation du public ([38]) et ce n’est qu’en 2017, grâce à l’adoption de l’article 11 de la loi du 20 mars 2017 relative à la lutte contre l’accaparement des terres agricoles et au développement du biocontrôle ([39]), que le dispositif avait pu être rétabli.

Le système des certificats d’économie de produits phytopharmaceutiques est un dispositif visant à la réduction de l’utilisation des produits phytopharmaceutiques utilisés à des fins agricoles. Toutefois, l’article R. 254-31 du code rural et de la pêche maritime prévoit que les traitements de semences, les produits de biocontrôle et les produits utilisés exclusivement dans le cadre des programmes de lutte obligatoire contre les organismes nuisibles sont exclus de ce dispositif.

L’article L. 254-10 du code rural et de la pêche maritime prévoit que le système des certificats d’économie de produits phytopharmaceutiques constitue un dispositif expérimental qui couvre une période allant du 1er juillet 2016 au 31 décembre 2022 et ne concerne que le territoire métropolitain.

Ce dispositif prévoit que les personnes (coopératives et négociants) qui vendent en métropole, à des utilisateurs professionnels, des produits phytopharmaceutiques utilisés à des fins agricoles sont tenues de mettre en place des actions visant à la réalisation d’économies de produits phytopharmaceutiques ou faciliter la mise en œuvre de telles actions ([40]). Ces obligations, qui sont notifiées par le ministre chargé de l’agriculture ([41]), sont déterminées en fonction des ventes et exprimées en nombre de certificats d’économie de produits phytopharmaceutiques.

Les certificats d’économie de produits phytopharmaceutiques sont obtenus par la réalisation d’actions visant à la réalisation d’économies de produits phytopharmaceutiques. Ce sont non seulement les « obligés » (les distributeurs) qui peuvent les obtenir mais aussi les personnes exerçant une activité de conseil aux agriculteurs, dénommées « éligibles » par l’article L. 254-10-1. Les éligibles qui ont obtenu ces certificats et les obligés qui en ont obtenu plus qu’il n’est nécessaire pour remplir leurs obligations peuvent revendre ces certificats, qui sont des biens meubles, à d’autres obligés.

Les actions ouvrant droit à la délivrance de certificats d’économie de produits phytopharmaceutiques sont reconnues par le ministre chargé de l’agriculture après évaluation par un comité indépendant animé par l’Institut national de la recherche agronomique.

En effet, l’article L. 254-10-2 du code rural et de la pêche maritime prévoit que les obligés justifient de l’accomplissement de leurs obligations, soit par la production de certificats d’économie de produits phytopharmaceutiques obtenus par la mise en place d’actions visant à la réduction de l’utilisation de produits phytopharmaceutiques, soit par l’acquisition de certificats d’économie de produits phytopharmaceutiques auprès d’autres obligés ou d’éligibles.

Les obligés qui, au 31 décembre 2021, n’ont pas satisfait à l’obligation qui leur a été notifiée devront verser une pénalité de 5 euros par certificat manquant au regard de l’objectif assigné pour 2021 ([42]).

2.   Les dispositions du projet de loi

La mise en place du système de certificats d’économie de produits phytopharmaceutiques a pris du retard, comme l’a constaté le rapport sur l’utilisation des produits phytopharmaceutiques rendu par l’Inspection générale des affaires sociales, le Conseil général de l’environnement et du développement durable et le Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux qui indique que jusqu’ici, seulement 31 actions permettant d’ouvrir droit à la délivrance de certificats d’économie de produits phytopharmaceutiques ont été approuvées, ce qui n’est pas suffisant pour permettre au système de fonctionner ([43]).

Comme le rappelle l’étude d’impact du projet de loi, « une proportion importante des distributeurs de produits phytopharmaceutiques ne se sont pas encore engagés dans la démarche et nont pas notifié dactions ouvrant droit à des certificats » et aucune entreprise de conseil agréée n’a demandé à participer au dispositif en qualité d’éligible ([44]).

Ce problème est aggravé par le fait que le caractère expérimental du dispositif freine l’élaboration d’actions standardisées et que le projet de séparation du conseil et de la vente de produits phytopharmaceutiques a conduit certains acteurs à penser que cette séparation pourrait remettre en cause le dispositif des certificats d’économie de produits phytopharmaceutiques ([45]).

Ce constat a conduit le Gouvernement à vouloir réformer le régime des certificats d’économies de produits phytopharmaceutiques pour en renforcer l’efficacité. C’est pourquoi le 2° du I de l’article 15 prévoit que, dans un délai de six mois à compter de la publication de la loi, le Gouvernement est habilité à réformer le dispositif par ordonnances pour :

– Fixer des objectifs à atteindre à une date antérieure à la date de 2021 actuellement prévue par les textes, ce qui doit conduire les obligés à prendre part au dispositif plus rapidement ;

– Transformer le dispositif expérimental en dispositif permanent ;

– Prévoir l’application outre-mer du dispositif (qui ne s’applique actuellement que sur le territoire métropolitain).

3.   Les travaux de votre commission

La commission n’a pas modifié le 2° du I de l’article 15.

C.   le renforcement des pouvoirs de police judiciaire des agents chargés des contrôles dans le domaine de l’alimentation, de la santé publique vétérinaire et de la protection des végétaux

1.   Les dispositions du projet de loi

Aujourd’hui, les agents chargés des contrôles relevant de l’alimentation, de la santé publique vétérinaire et de la protection des végétaux ne disposent pas des mêmes pouvoirs que leurs homologues appartenant à d’autres corps de contrôle, comme ceux de la DGCCRF (Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes). Le 3° et le 4° du I de l’article 15 visent à harmoniser les pouvoirs entre les différents corps de contrôle pour rendre les contrôles plus efficaces.

En effet, alors qu’il peut être nécessaire qu’un inspecteur simule une opération de commande ou d’achat pour constater une infraction aux règles sur le commerce des produits phytosanitaires ou des médicaments vétérinaires, il n’en a aujourd’hui pas la possibilité, contrairement aux agents de la DGCCRF. De même, il ne dispose pas du droit de faire usage d’une identité d’emprunt pour rechercher et constater des infractions commises sur internet.

C’est pourquoi le 3° et le 4° du I de l’article 15 habilitent le Gouvernement à prendre par ordonnance dans un délai de six mois à compter de la publication de la loi les mesures législatives permettant d’étendre les pouvoirs des agents chargés des contrôles relevant de l’alimentation, de la santé publique vétérinaire et de la protection des végétaux mentionnés à l’article L. 205-1 du code rural et de la pêche maritime.

Le 3° doit permettre de leur confier le pouvoir que l’article L. 172-8 du code de l’environnement confie aux agents mentionnés à l’article L. 172-4 de ce code, c’est-à-dire le pouvoir de « recueillir, sur convocation ou sur place, les déclarations de toute personne susceptible dapporter des éléments utiles aux constatations ».

Le 4° doit permettre de leur confier les pouvoirs que les articles L. 512-7, L. 512-10 et L. 512-16 du code de la consommation confient aux agents de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, c’est-à-dire :

– le droit de ne décliner leur qualité qu’au moment où ils informent la personne contrôlée de la constatation d’une infraction ou d’un manquement (article L. 512-7 du code de la consommation) ;

– le droit de recueillir, sur place ou sur convocation, tout renseignement, toute justification ou tout document nécessaire aux contrôles (article L. 512-10 du code de la consommation) ;

– le droit de faire usage d’une identité d’emprunt pour le contrôle de la vente de biens et de la fourniture de services sur internet (article L. 512-16 du code de la consommation).

Outre l’extension des pouvoirs des agents chargés des contrôles relevant de l’alimentation, de la santé publique vétérinaire et de la protection, le 3° du I de l’article 15 permet l’extension des pouvoirs des agents de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes mentionnés à l’article L. 511-3 du code de la consommation : il doit en effet permettre de leur confier, comme aux agents chargés des contrôles relevant de l’alimentation, de la santé publique vétérinaire et de la protection des végétaux, le pouvoir de « recueillir, sur convocation ou sur place, les déclarations de toute personne susceptible dapporter des éléments utiles aux constatations » prévu par l’article L. 172-8 du code de l’environnement.

2.   Les travaux de votre commission

La commission n’a pas modifié le 3° du I de l’article 15.

II.   Le renforcement des mesures de lutte contre lE gaspillage alimentaire

A.   Le champ de l’habilitation à légiférer par ordonnance

Le II de l’article prévoit d’habiliter le Gouvernement à prendre par ordonnance, dans un délai de douze mois suivant la publication de la loi, toute mesure du domaine de la loi afin :

– d’étendre à l’ensemble des opérateurs de la restauration collective l’obligation de mettre en place une démarche de lutte contre le gaspillage alimentaire au sein des services de restauration collective. Cette obligation ([46]) est actuellement uniquement applicable à l’État et ses établissements publics ainsi qu’aux collectivités territoriales ;

– d’imposer à l’ensemble des opérateurs de la restauration collective la réalisation d’un diagnostic préalable à la démarche de lutte contre le gaspillage alimentaire ;

– de prévoir les conditions dans lesquelles les obligations applicables aux grandes et moyennes surfaces en matière de don aux associations d’aide alimentaire, sur la base de conventions proposées aux associations, sont étendues à certains opérateurs du secteur agro-alimentaire et de la restauration collective.

S’agissant de cette habilitation, votre rapporteure pour avis souligne le caractère imprécis des termes « certains opérateurs du secteur agroalimentaire » et souhaite que cette définition ne vise pas les exploitants agricoles mais les industries agro-alimentaires.

Elle souligne par ailleurs que les associations doivent continuer à pouvoir adhérer ou non à la démarche qui leur est proposée, comme c’est le cas aujourd’hui ;

– d’imposer à certains opérateurs de rendre publics leurs engagements en faveur de la lutte contre le gaspillage alimentaire. De nouveau, le champ des opérateurs visés mériterait d’être précisé ;

– d’apporter à certains titres du code rural et de la pêche maritime (au sein du livre portant sur l’alimentation, la santé publique vétérinaire et la protection des végétaux : les dispositions communes et la protection des végétaux) et du code de l’environnement (titre relatif aux déchets) des modifications pour assurer le respect de la hiérarchie des normes, la cohérence rédactionnelle des textes, harmoniser l’état du droit, remédier aux éventuelles erreurs et abroger les dispositions devenues sans objet. Cette rédaction est issue de l’avis rendu sur le présent projet de loi par le Conseil d’État le 31 janvier 2018.

Il convient de relever que le champ ainsi défini pourrait être très large et votre rapporteure pour avis propose de le restreindre.

Un projet de loi de ratification devra être déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois à compter de la publication de chacune des ordonnances prévues par le présent article.

B.   L’attention spécifique portée à la généralisation du don aux associations d’aide alimentaire

Les associations d’aide alimentaire recueillant les dons des moyennes et grandes surfaces entendues par votre rapporteure ont souligné que la loi dite « loi Garot » et ses textes d’application étaient bien conçus et que plusieurs éléments essentiels devaient impérativement être préservés.

Il est important que les associations ne soient pas obligées de recevoir les dons. La lutte contre le gaspillage alimentaire doit également continuer de viser en premier lieu l’aide aux personnes. Le don doit se faire en équité sur le territoire et son organisation doit bien cibler le destinataire final du don.

Les associations sont notamment vigilantes s’agissant de la mise en œuvre concrète de la loi car elles font parfois face à un rapport de force qui peut les contraindre à accepter des dons ayant vocation à être détruits, n’étant en réalité pas propres à la consommation. L’extension du don à d’autres acteurs doit être étudiée en ayant bien à l’esprit les dérives possibles et parfois, malheureusement, constatées.

Les dispositions qui seront prises par ordonnances nécessiteront une importante concertation en amont. De nombreuses problématiques liées à la gestion logistique des dons mais aussi à la gestion des déchets, des emballages et à la méthanisation devront être prises en compte. Il convient en effet de garder à l’esprit les limites inhérentes à la réception des dons par les associations avant d’envisager une généralisation.

La restauration collective posera notamment des questions pratiques s’agissant du respect de la chaîne du froid et surtout de la brièveté des dates limites de consommation. Le décret d’application de la « loi Garot » a fixé une limite à 48 heures, mais, même dans le cadre de cette limite, la gestion et la délivrance du don aux bénéficiaires ne vont pas de soi.

S’agissant de la qualité du don, les associations entendues ont souligné le travail accompli pour organiser le don en nature du lait et celui des œufs par les exploitants agricoles. La défiscalisation a été adaptée aux contraintes particulières de ces dons en nature. La difficulté résidait en effet dans le fait que les produits devaient pouvoir être transformés ou conditionnés avant le don et qu’il fallait identifier le bénéficiaire de l’avantage fiscal en tenant compte de cette étape intermédiaire.

Il existe un vrai manque s’agissant du don de viande et un travail similaire à celui conduit pour les œufs et le lait n’a pas pu aboutir, bien qu’il ait été entrepris depuis de nombreuses années. Il conviendrait d’accélérer la résolution de cette difficulté.

C.   Les travaux de votre commission

Votre commission a adopté l’amendement CD263 présenté par Mme Sandrine Le Feur, votre rapporteure pour avis ayant émis un avis favorable, visant à étendre l’obligation de diagnostic préalable sur la lutte contre le gaspillage alimentaire, prévue par le 1° du II de l’article 15 pour chaque structure de restauration collective, au diagnostic d’approvisionnement durable.

Votre commission a adopté les amendements CD363 et CD364 présentés par votre rapporteure pour avis, visant à mieux cerner les opérateurs qui seraient concernés par l’extension des obligations de donner les invendus aux associations d’aide alimentaire et de publier leurs engagements en matière de lutte contre le gaspillage alimentaire. Il ne paraîtrait notamment pas pertinent d’imposer de telles obligations aux exploitants agricoles. Il est donc proposé de viser les opérateurs de l’industrie agro-alimentaire et de la restauration collective.

Votre commission a adopté l’amendement CD470 rectifié présenté par M. Guillaume Garot, votre rapporteure pour avis ayant émis un avis favorable, visant à expérimenter pendant six mois le dispositif des dons de la restauration collective avant sa généralisation.

Votre commission a également adopté l’amendement CD366 présenté par votre rapporteure pour avis, tendant à préciser l’obligation de publicité sur les mesures de lutte contre le gaspillage alimentaire, et à viser notamment les procédures d’auto-contrôle mises en œuvre par les opérateurs en la matière.

Votre commission a adopté l’amendement CD 368 présenté par votre rapporteure pour avis, visant à encadrer plus spécifiquement le champ de l’habilitation prévue au 4° du II de l’article 15, car des titres importants sont visés (protection des végétaux en lien avec la première ordonnance de l’article, dans le code rural, et déchets dans le code de l’environnement) et la latitude donnée par les termes du 4° paraît trop importante.

*

*     *

La commission est saisie de l’amendement CD393 de M. Bruno Millienne.

M. Bruno Millienne. Le nombre de pesticides utilisés peut varier selon les semences. Pour le blé, par exemple, il n’est pas rare de trouver associés sur une même graine quatre ou cinq pesticides différents : insecticides, fongicides et corvifuges. Agreste relève qu’en France, la majorité des surfaces sont implantées avec des semences ou des plants traités. C’est notamment le cas de la quasi-totalité des surfaces de betterave sucrière. Viennent ensuite le blé puis l’orge, le tournesol, le maïs et le colza.

Cet amendement vise donc à garantir que la réglementation sur la séparation des activités de conseil et de vente de pesticides ne constituera pas une nouvelle incitation au traitement des semences et que son champ d’application couvrira bien la vente de semences traitées et le conseil relatif à leur utilisation.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis. Je comprends le sens de votre amendement, mais je me demande s’il ne s’agit pas d’une fausse bonne idée. En effet, la plupart des semences utilisées étant des semences enrobées, cette mesure semble difficile à appliquer. Par exemple, les coopératives qui choisiraient de ne plus vendre de produits phytopharmaceutiques et de conserver l’activité de conseil ne pourraient plus vendre de semences alors que leur rôle est important pour permettre aux agriculteurs de bénéficier du meilleur prix. Je vous suggère donc de retirer cet amendement ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.

M. Bruno Millienne. Je vais retirer l’amendement, mais je souhaiterais que nous réfléchissions à cette question. Elle est en effet très complexe, mais il nous faut trouver une solution car l’usage des pesticides ne peut pas échapper à la réglementation.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis. Je vous propose que nous y retravaillions avec M. Jean-Baptiste Moreau, si vous le souhaitez, car c’est un véritable problème.

L’amendement est retiré.

La commission examine l’amendement CD440 de M. Bruno Duvergé.

M. Bruno Duvergé. Cet amendement vise à bien distinguer le conseil stratégique, lié au changement des cultures d’une exploitation, du conseil pratique et tactique lié à l’utilisation de produits phytosanitaires. En effet, si nous sommes favorables à la séparation des activités de conseil et de vente, il nous paraît important que les vendeurs de produits phytosanitaires puissent continuer à prodiguer des conseils au jour le jour car certains exploitants, notamment de polycultures, ne sont pas spécialistes de ces produits.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis. La notion de conseil stratégique pluriannuel n’est pas définie par les textes législatifs. À ce jour, le code rural et de la pêche maritime dispose que les distributeurs doivent fournir aux acquéreurs deux types de conseils. D’une part, ils doivent leur communiquer, lors de la vente, les informations appropriées concernant l’utilisation des produits phytopharmaceutiques ainsi que les risques pour la santé et l’environnement liés à cette utilisation et les consignes de sécurité afin de gérer ces risques. D’autre part, ils doivent formuler, au moins une fois par an, un conseil individualisé qui fait l’objet d’une préconisation écrite.

Prévoir que la séparation de la vente et du conseil concerne uniquement le conseil stratégique pluriannuel empêche de séparer ces deux activités. Actuellement, les conseillers peuvent passer plusieurs fois par an dans une exploitation. Quel serait donc l’intérêt de prévoir qu’un conseiller différent des autres ne passerait qu’une fois tous les quatre ou cinq ans ? Ce serait ajouter une formalité administrative, sûrement inutile pour les agriculteurs.

M. Bruno Duvergé. Je crains de m’être mal fait comprendre. Ce qui importe, ce n’est pas le caractère pluriannuel du conseil mais son caractère stratégique, lié au changement de culture. Le conseiller stratégique doit être indépendant du vendeur. En revanche, ce dernier doit pouvoir continuer à prodiguer des conseils tactiques sur le produit lui-même une fois qu’il a été acheté.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine l’amendement CD262 de Mme Sandrine Le Feur.

Mme Sandrine Le Feur. Pour mieux garantir encore la séparation de la vente et du conseil, nous proposons d’insérer, à l’alinéa 2 de l’article 15, après le mot : « structures », les mots : « et des personnes physiques ».

Mme la présidente Barbara Pompili. Un sous-amendement déposé par le Gouvernement visait à insérer, à l’alinéa 4 de l’amendement, après le mot : « et », les mots : « en assurant l’indépendance ». Acceptez-vous de rectifier votre amendement en ce sens, madame Sandrine Le Feur ?

Mme Sandrine Le Feur. Oui, car cela renforce encore la portée de l’article 15.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis. Avis favorable à l’amendement tel qu’il vient d’être rectifié.

La commission adopte l’amendement CD262 rectifié.

Elle examine les amendements CD483 et CD484 de M. Dominique Potier.

M. Dominique Potier. La séparation de la vente et du conseil a été décidée, et vous venez de la renforcer. Dont acte. Est-ce l’idée du siècle ? Le doute est permis. En tout cas, c’est la volonté du Président de la République. Cependant, nous appelons avec force votre attention sur deux points très importants. Premièrement, cette séparation aura des effets pervers, puisqu’elle incitera notamment les firmes phytopharmaceutiques à créer des structures de conseil. Nous proposons donc, par l’amendement CD483, d’insister pour qu’à terme, le conseil soit véritablement indépendant et stratégique. Deuxièmement, nous demandons – c’est l’objet de l’amendement CD484 – que cette séparation ne fragilise pas la dynamique des certificats d’économie des produits phytopharmaceutiques (CEPP), l’empowerment entrepreneurial et territorial, qui permet aux entreprises de trouver elles-mêmes, dans les filières et les territoires, des solutions alternatives aux « phyto » : bio-contrôle, autres cultures, filières nouvelles, protéines… C’est un exercice très délicat, mais ces deux points sont capitaux si nous voulons mettre fin à la dépendance envers la phytopharmacie. Ils doivent être pris en compte par les rédacteurs de l’ordonnance.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis. Je suis favorable à l’amendement CD483, car la précision qu’il apporte est très intéressante. En revanche, je me demande si l’ajout de l’amendement CD484 est véritablement utile, dans la mesure où la question de la réforme des certificats d’économie des produits phytopharmaceutiques est traitée dans l’alinéa suivant. En outre, il compliquerait et nuirait à la lisibilité de l’alinéa 2. Je vous demande donc, monsieur Dominique Potier, de bien vouloir retirer l’amendement CD484.

M. Dominique Potier. Je vous remercie pour votre avis favorable à l’amendement CD483, mais le CD484 est extrêmement important. Les CEPP sont, avec le réseau des fermes DEPHY (démonstration expérimentation production de références sur les systèmes économes en phytosanitaires), l’une des grandes innovations du plan « Écophyto 2 ». Les avis sont très partagés sur la séparation du conseil et de la vente mais, si elle doit avoir lieu, elle doit absolument être articulée avec les CEPP pour que ne soit pas fragilisée la dynamique de responsabilisation des acteurs de terrain.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis. Ma remarque ne portait pas sur le fond : nous partageons vos objectifs. Du reste, cette inquiétude a été exprimée lors des auditions. Mais il faut trouver une rédaction plus appropriée. C’est pourquoi je vous propose d’y retravailler en vue de l’examen du texte par la commission des affaires économiques.

M. Dominique Potier. Je vais, en signe de bonne volonté, retirer l’amendement CD484, mais je prends rendez-vous pour l’examen en commission des affaires économiques.

L’amendement CD484 est retiré.

La commission adopte l’amendement CD483.

Elle examine l’amendement CD263 de Mme Sandrine Le Feur.

Mme Zivka Park. Il s’agit de compléter l’alinéa 10 de l’article 15 pour ajouter à l’obligation de réaliser un diagnostic préalable à la démarche de lutte contre le gaspillage alimentaire, celle de réaliser un diagnostic d’approvisionnement durable.

Suivant l’avis favorable de la rapporteure pour avis, la commission adopte l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement CD363 de la rapporteure pour avis.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis. Cet amendement vise à mieux cerner les opérateurs concernés par l’extension de l’obligation de donner les invendus – j’insiste sur ce terme, qui est important – aux associations d’aide alimentaire. En effet, il ne paraît pas pertinent d’imposer une telle obligation aux exploitants agricoles, notamment. Je vous propose donc de viser explicitement les opérateurs de l’industrie agroalimentaire et de la restauration collective.

La commission adopte l’amendement.

Elle examine l’amendement CD40 de Mme Laurence Vanceunebrock-Mialon.

Mme Laurence Vanceunebrock-Mialon. Cet amendement tend à faciliter la collecte et le don de produits frais. La plupart des dons alimentaires sont aujourd’hui constitués de denrées non périssables – pâtes, riz, farine… – qui constituent bien entendu une aide essentielle pour les bénéficiaires de dons alimentaires, mais ne peuvent suffire à une alimentation saine et variée. Les organismes de santé publique, notamment l’OMS, recommandent en effet la consommation quotidienne de fruits et légumes frais. Pour favoriser l’accès à ces produits frais, leurs producteurs doivent être pleinement associés à la collecte et au don, d’où la nécessité de viser spécifiquement les sociétés coopératives agricoles, qui sont les principales productrices de produits frais.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis. Votre amendement est en contradiction avec celui que nous venons d’adopter. Je vous propose de le retirer afin que nous y retravaillions ensemble.

L’amendement est retiré.

La commission examine l’amendement CD470 de M. Guillaume Garot.

M. Guillaume Garot. Cet amendement reprend l’une des propositions fortes de l’atelier des États généraux de l’alimentation consacré à la lutte contre le gaspillage alimentaire, que je présidais. Il s’agit en effet d’étendre certaines des dispositions de la loi de 2016, qui concernent les dons des grandes et moyennes surfaces aux associations de solidarité, à la restauration collective. Celle-ci pourrait ainsi donner aux associations les repas qui n’ont pas été servis, en vertu du principe, aujourd’hui admis par tous, « donner plutôt que jeter ». Je conçois toutefois que l’article tel qu’il est rédigé puisse inquiéter des associations qui s’estiment mal outillées pour recevoir des repas qu’elles ne pourraient pas, pour des raisons logistiques, redistribuer correctement. C’est pourquoi je précise, d’une part, que les associations seront volontaires – je me suis rendu, cette semaine, au Mans, où le centre hospitalier redistribue des repas à des associations locales de solidarité, les Restos du cœur et l’Ordre de Malte, et cela fonctionne ! –, d’autre part, que ce dispositif fera l’objet d’une expérimentation de dix-huit mois – ou moins, si on le juge préférable – dans le cadre, pourquoi pas, d’un appel à projets, expérimentation qui permettra d’identifier les conditions de réussite de ce type de dispositif, donc de le généraliser à l’échelle du territoire national. Il s’agit de faire en sorte qu’il soit efficace.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis. Je partage votre objectif mais la durée d’expérimentation que vous proposez n’est pas compatible avec le délai dans lequel l’ordonnance doit être prise.

M. Guillaume Garot. On peut donc prévoir qu’elle dure douze mois.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis. L’ordonnance doit être prise dans un délai d’un an.

M. Guillaume Garot. Il est important de poser le principe dès à présent. Je veux bien discuter, ensuite, en commission des affaires économiques, de la question de savoir si le délai doit être de six ou douze mois.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis. Je vous propose la rédaction suivante : « après une expérimentation d’une durée de six mois », le reste sans changement.

M. Guillaume Garot. Très bien !

La commission adopte l’amendement ainsi rectifié.

Elle examine l’amendement CD364 de la rapporteure pour avis.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis. À l’alinéa 12, après le mot : « opérateur », je souhaite qu’on insère les mots : « de l’industrie agro-alimentaire et de la restauration collective ».

Il s’agit de mieux cerner les opérateurs qui seraient concernés par l’extension des obligations de publicité de leurs engagements en faveur de la lutte contre le gaspillage alimentaire.

La commission adopte l’amendement.

Elle en vient à l’amendement CD366 de la rapporteure pour avis.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis. Il s’agit ici de permettre la définition par l’ordonnance d’une obligation de publicité sur les mesures de lutte contre le gaspillage alimentaire, notamment sur les procédures d’auto-contrôle mises en œuvre par les opérateurs.

Aussi, je souhaite que l’alinéa 12 soit complété par les mots : « notamment les procédures de contrôle interne qu’ils mettent en œuvre en la matière ».

La commission adopte l’amendement.

Elle examine l’amendement CD368 de la rapporteure pour avis.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis. Le présent amendement vise à encadrer plus spécifiquement le champ de l’habilitation prévue au 4° du II de l’article 15, car des titres importants sont visés : protection des végétaux, en lien avec la première ordonnance de l’article, dans le code rural, et déchets, dans le code de l’environnement. Le respect de la hiérarchie des normes permettrait par exemple de procéder à des transpositions de textes européens qui n’ont pas été annoncées. L’harmonisation de l’état du droit est également imprécise – sur la base de quel code notamment ? Enfin, des améliorations rédactionnelles sont également proposées.

La commission adopte l’amendement.

Elle en vient à l’amendement CD191 de M. Jean-Marc Zulesi.

M. Jean-Marc Zulesi. Nous souhaitons que, dans un délai d’un an après l’entrée en vigueur des dispositions de l’article 15, le Gouvernement remette un rapport sur l’efficacité des dispositifs d’accompagnement et de valorisation des restaurants et structures de restauration collective qui participent à la lutte contre le gaspillage alimentaire, ainsi que sur les mesures complémentaires envisageables de nature à concourir à la lutte contre ce même gaspillage.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis. Le délai d’un an n’est pas compatible avec celui dans lequel l’ordonnance doit être prise. Remettre un rapport dans ces conditions n’est pas réaliste. Je demande donc le retrait de votre amendement.

M. Jean-Marc Zulesi. Nous pouvons très bien discuter du délai, pour envisager, par exemple, de le porter à un an et demi.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis. Compte tenu du délai nécessaire à la prise de l’ordonnance, il faudrait plutôt deux ou trois ans. Le délai que vous proposez est beaucoup trop rapide.

M. Jean-Marc Zulesi. Je comprends tout à fait ce que vous voulez dire, madame la rapporteure pour avis, et c’est bien pourquoi je vous invite à ce que nous redéfinissions ensemble ce délai – et puisque vous proposez deux ans, je suis d’accord.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis. Je vous suggère que nous y réfléchissions afin que vous puissiez présenter un amendement devant la commission des affaires économiques.

L’amendement est retiré.

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 15 modifié.

Après l’article 15

La commission examine l’amendement CD436 de M. Bruno Duvergé.

M. Bruno Duvergé. L’amendement est défendu.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis. Je ne suis pas certaine de l’utilité de votre amendement qui manque de lisibilité. Je vous demande donc de le retirer. À défaut, j’émets un avis défavorable.

M. Bruno Duvergé. Je le retire.

L’amendement est retiré.

Article additionnel après l’article 15
(article L. 111-2-2 du code rural et de la pêche maritime)
Intégration de la lutte contre le gaspillage alimentaire aux objectifs des projets alimentaires territoriaux

La commission est saisie de l’amendement CD465 de M. Guillaume Garot.

Mme Delphine Batho. Cet amendement de M. Guillaume Garot vise à intégrer le gaspillage alimentaire dans les projets alimentaires territoriaux (PAT), ce qui n’est pas le cas actuellement. C’était pourtant une des conclusions qui avait fait l’unanimité à l’Atelier 10 des États généraux de l’alimentation.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis. Je suis un peu réservée sur l’utilisation du mot « gaspillage », associé aux agriculteurs : il faudrait plutôt parler d’invendus. L’objectif est bien entendu d’intégrer le gaspillage alimentaire dans la démarche des PAT, mais peut-être la formulation mériterait-elle d’être revue.

Mme Delphine Batho. Je ne partage pas cette interprétation : les projets alimentaires territoriaux sont à l’initiative de l’État et de ses établissements publics, des collectivités territoriales, des associations, etc. Par ailleurs, il existe une loi sur le gaspillage alimentaire ; le terme est donc reconnu. Il n’est évidemment pas question de laisser entendre que le monde agricole serait responsable du gaspillage alimentaire, d’autant que les projets alimentaires territoriaux sont le plus souvent pilotés par les collectivités territoriales.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis. Je ne voudrais pas que l’on associe les exploitants agricoles au gaspillage alimentaire, même si je sais que telle n’est pas votre intention.

Mme Delphine Batho. L’article L. 111-2-2 du code rural et de la pêche maritime porte sur les projets alimentaires territoriaux ; il n’est pas du tout question de dire que les agriculteurs porteraient la responsabilité dans le gaspillage alimentaire.

M. Guillaume Garot. Il ne s’agit pas de stigmatiser qui que ce soit, mais de reconnaître que chacun a une responsabilité face au gaspillage alimentaire ; on ne peut pas considérer que certains pourraient en être exonérés par nature. Nous parlons de la lutte contre le gaspillage alimentaire dans le cadre d’une politique plus générale à l’échelle des territoires.

Mme Delphine Batho. Notre amendement vise à préciser que les projets alimentaires territoriaux « participent à la consolidation de filières territorialisées, à la lutte contre le gaspillage alimentaire, et au développement de la consommation de produits issus de circuits courts, en particulier relevant de la production biologique ». Or, pour l’heure, les projets alimentaires territoriaux parlent de tout, sauf de la lutte contre le gaspillage…

M. Guillaume Garot. C’est une dimension qu’il faut intégrer.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis. Dans ce cas, j’y suis favorable.

La commission adopte l’amendement.

Article additionnel après l’article 15
(article L. 631-4 du code rural et de la pêche maritime)
Intégration de l’objectif de lutte contre le gaspillage alimentaire dans les accords interprofessionnels

La commission examine l’amendement CD476 de M. Guillaume Garot.

M. Guillaume Garot. Cet amendement vise à associer le maximum d’acteurs de la chaîne alimentaire, en l’occurrence tous ceux qui sont engagés, dans le cadre d’accords interprofessionnels, dans la lutte contre le gaspillage alimentaire. Là aussi, nous voulons que tout le monde soit responsabilisé sans stigmatiser quiconque mais avec la volonté commune d’avancer et d’obtenir des résultats.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis. Favorable.

La commission adopte l’amendement.

Après l’article 15

La commission examine l’amendement CD398 de Mme Zivka Park.

Mme Zivka Park. L’État, les collectivités territoriales et les établissements publics ont l’obligation, depuis le 1er septembre 2016, de mettre en place une démarche de lutte contre le gaspillage alimentaire au sein des services de restauration qu’ils gèrent. Dans le second pacte national de lutte contre le gaspillage alimentaire, l’État s’est engagé à suivre la mise en œuvre de cette obligation et à accompagner les acteurs de la restauration collective dans l’élaboration de leurs plans d’action. Il semble nécessaire de clarifier les critères de performance en matière de lutte contre le gaspillage alimentaire qui peuvent être intégrés dans les marchés publics et de systématiser leur application en les rendant obligatoires. Les marchés publics peuvent en effet constituer un levier majeur pour généraliser les bonnes pratiques en restauration collective.

Je propose donc que le Gouvernement présente au Parlement, dans un délai d’un an, des dispositions visant à rendre obligatoire la prise en compte dans les marchés publics des performances en matière de lutte contre le gaspillage alimentaire, dans le respect du droit européen en vigueur.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis. Si votre objectif est louable, j’émets une réserve en voyant le nombre d’obligations imposées aux acteurs de la restauration collective à l’article 11. Au fil de l’examen de ce texte, on ne cesse d’en ajouter, alors que celles qui existent déjà ne sont pas faciles à respecter. Je crains que, même si l’intention est bonne sur le fond, certains récalcitrants ne s’en servent comme prétexte en objectant que la contrainte est trop forte. Or, en tant que rapporteure pour avis, mon travail est précisément de faire en sorte qu’elle reste supportable, pour que l’objectif soit atteint.

Mme Zivka Park. L’objectif est surtout de clarifier : bon nombre de ces obligations ne sont pas forcément très claires pour tout le monde.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis. Nous souhaitons déjà leur imposer un diagnostic, une obligation de publicité deux fois par an, des contraintes dans les cahiers des charges des marchés publics, des objectifs à atteindre, des produits de qualité… C’est bien l’objectif de la loi, mais à trop « charger la barque », nous risquerions d’être contre-productifs.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle en vient à l’amendement CD473 de M. Guillaume Garot.

M. Guillaume Garot. La question que nous posent tous les acteurs engagés sur le terrain dans la lutte contre le gaspillage alimentaire, c’est celle du financement des actions. Nous avons apporté une réponse dans le cadre des États généraux de l’alimentation en proposant d’affecter une partie de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) au financement d’actions contre le gaspillage alimentaire. Cela permettrait de constituer un fonds pour appuyer tous les projets qui ne demandent qu’à s’épanouir sur le territoire.

L’amendement CD473 prévoit donc que le Gouvernement remettra au Parlement, avant la présentation du projet de loi de finances pour 2019, un rapport sur les voies de financement des projets visant à lutter contre le gaspillage alimentaire, notamment par l’affectation d’une partie des recettes issues de la TGAP.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis. À force de multiplier les rapports, nous n’en obtiendrons aucun… Je comprends la démarche, mais restons raisonnables dans nos attentes, laissons le temps aux ordonnances d’être connues et aux décrets de voir le jour. Cette loi appellera sûrement un gros travail de contrôle parlementaire sur cette loi. Je suis donc réservée sur cet amendement.

M. Guillaume Garot. Nous connaissons suffisamment la force et parfois l’inertie de certaines administrations, notamment celles qui sont situées au bord de la Seine, dans le XIIe arrondissement de Paris… Je demande seulement que les services de Bercy prennent leurs responsabilités. Quels financements l’administration propose-t-elle pour nous aider à faire éclore ces projets sur le terrain ? Les États généraux de l’alimentation ont retenu une idée : faire appel à la TGAP. Reste à voir comment cela est possible, et c’est bien au Gouvernement qu’il appartient de nous donner les éléments d’information utiles.

La rapporteure pour avis craint la multiplication des rapports. Certes, mais ce ne sont pas toujours les mêmes administrations qui sont concernées.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis. Bien sûr !

M. Guillaume Garot. Il serait intéressant que l’administration des finances soit mise à contribution dans son expertise pour nous aider à lutter contre le gaspillage alimentaire. Cela montrerait vraiment que c’est une politique publique qu’il faut engager.

M. Jean-Marc Zulesi. Madame la rapporteure pour avis, peut-être serait-il intéressant de mutualiser les demandes de rapports exprimées par l’ensemble des groupes politiques. Nous réduirions le nombre de rapports tout en gagnant en efficacité.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis. Excellente remarque !

La commission rejette l’amendement.

Puis elle étudie l’amendement CD468 de M. Guillaume Garot.

M. Guillaume Garot. Pendant les États généraux de l’alimentation, on a souvent entendu cette expression magique d’« éducation à l’alimentation ». Mais que met-on derrière ce concept ? C’est tout le sens du parcours éducatif à l’alimentation proposé par cet amendement, qui reprend la méthode utilisée par l’éducation nationale avec le parcours éducatif santé pour former les jeunes générations en leur donnant des points de repère. Nous avons besoin que l’éducation nationale prenne sa part dans cette politique publique. On nous dit souvent que l’on pourrait faire de l’éducation à la cantine. Or la pause de midi n’est pas de la responsabilité de l’éducation nationale, mais des collectivités locales. Je propose donc d’associer le ministère de l’éducation à l’éducation à l’alimentation, ce qui semble de bon sens.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis. Hier, nous avons adopté un amendement visant à renforcer les méthodes, les objectifs, les programmes éducatifs pour l’alimentation de qualité et qui visent notamment les établissements scolaires. L’article L. 312-17-3 du code de l’éducation, tel que l’a modifié la loi du 11 février 2016,…

M. Guillaume Garot. Très bonne loi !

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis… prévoit qu’une information et une éducation à l’alimentation et à la lutte contre le gaspillage alimentaire, cohérentes avec les orientations du programme national relatif à la nutrition et à la santé mentionné à l’article L. 3231-1 du code de la santé publique et du programme national pour l’alimentation mentionné à l’article L. 1 du code rural et de la pêche maritime, sont dispensées dans les écoles, dans le cadre des enseignements ou du projet éducatif territorial. J’entends bien qu’il faille associer l’éducation nationale. Mais n’avons-nous pas déjà les moyens de le faire ?

M. Guillaume Garot. Effectivement, nous avons inscrit dans la loi de 2016 les mesures que vient de rappeler Mme la rapporteure pour avis ; mais force est de constater que ce n’est pas suffisant. Pourtant, je peux vous assurer que nous avons déployé beaucoup d’énergie, quels qu’aient été les gouvernements, pour associer l’éducation nationale. Il ne s’agit pas de créer un nouvel enseignement, une nouvelle matière contre le gaspillage alimentaire et pour l’alimentation, mais de mettre en cohérence ce qui existe déjà en la matière. Bref, je propose de solliciter à nouveau l’éducation nationale et surtout de la mettre en demeure d’appliquer les décisions du législateur.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis. L’amendement CD267 de Mme Sandrine Le Feur vise également à étendre dans le champ scolaire et périscolaire un certain nombre de dispositions de sensibilisation et de formation. Ne serait-il pas possible de trouver une rédaction commune ?

M. Guillaume Garot. Je n’y vois que des avantages !

La commission rejette l’amendement.

Article additionnel après l’article 15
(articles L. 312-17-3 et L. 551-1 du code de l’éducation)
Renforcement de la sensibilisation aux bonnes pratiques alimentaires et à la lutte contre le gaspillage alimentaire dans les écoles, collèges et lycées

La commission en vient à l’amendement CD267 de Mme Sandrine Le Feur.

M. Jean-Marc Zulesi. Cet amendement va effectivement dans le même sens que celui de M. Guillaume Garot. Nous proposons en outre qu’un décret soit pris pour élargir les compétences du comité d’éducation à la santé et à la citoyenneté afin qu’il puisse mettre en œuvre un programme d’action et de sensibilisation concernant les bonnes pratiques alimentaires et la lutte contre le gaspillage alimentaire. Effectivement, nous pourrions très bien travailler avec M. Guillaume Garot à un amendement commun.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis. Dans ce contexte, j’y suis favorable.

La commission adopte l’amendement.

Après l’article 15

La commission est saisie de l’amendement CD469 de M. Guillaume Garot.

M. Guillaume Garot. Nous proposons d’ajouter un alinéa qui permettra d’harmoniser les regards sur l’éducation à l’alimentation et contre le gaspillage alimentaire : « Cet enseignement sensibilise notamment les élèves aux repères nutritionnels, à la lutte contre le gaspillage, à la nécessité d’avoir une bonne hygiène de vie, c’est-à-dire à pratiquer une activité physique, ainsi qu’aux valeurs culturelles et patrimoniales de l’alimentation » – autrement dit au vivre ensemble. C’est tout cela que nous devons transmettre dans le cadre de cette éducation à l’alimentation.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis. C’est tout à fait essentiel, mais ne pourrait-on pas retravailler les deux amendements précédents et le présent amendement ensemble, afin de converger ?

M. Jean-Marc Zulesi. Convergeons !

M. Guillaume Garot. Je le retire.

L’amendement est retiré.

Article additionnel après l’article 15
(article L. 541-15-7 [nouveau] du code de l’environnement)
Mise à disposition obligatoire d’un contenant pour emporter les restes dans les restaurants

La commission examine, en discussion commune, les amendements CD106 de Mme Bérangère Abba et CD471 de M. Guillaume Garot.

Mme Bérangère Abba. Il s’agit du désormais célèbre amendement « doggy bag ». L’an passé, certains médias ont cru comprendre que l’obligation pour les restaurateurs de trier les biodéchets portait également sur le doggy bag. Or aucune obligation n’existe en la matière. Nous souhaiterions que la pratique du doggy bag se développe, comme c’est le cas dans beaucoup de pays anglo-saxons et en Asie, car c’est une façon de lutter contre le gaspillage alimentaire et, pour les restaurateurs, de s’inscrire dans une démarche vertueuse. Certains ont exprimé des craintes quant à leur responsabilité sur le plan sanitaire ; or il apparaît que celle-ci incombe au porteur de ces restes d’aliments ou de boissons sitôt qu’il sort de l’établissement avec son doggy bag ou « gourmet bag » – ce qui n’interdit pas, bien évidemment, un rôle de conseil du côté des restaurateurs.

Mme la présidente Barbara Pompili. Il faudra trouver un terme moins anglo-saxon et plus français.

M. Guillaume Garot. Nous avons essayé de trouver un terme à la française, mais celui de « gourmet bag » n’est pas encore entré dans le langage courant.

Le « gourmet bag » est une des solutions pour lutter contre le gaspillage, un outil pour une prise de conscience plus large. Reconnaissons que la vraie question c’est d’abord celle des portions, bien plus grandes dans les pays anglo-saxons, où le doggy bag s’impose d’une certaine façon. Cela dit, comme l’a indiqué Mme Bérangère Abba, cette pratique a tendance à se répandre dans notre pays. Toutefois, je suis opposé à l’idée de gratuité proposée par Mme Bérangère Abba puisque cela représenterait une charge supplémentaire pour le restaurateur. Pour ma part, je préfère écrire que les restaurants « proposent à leurs clients », ce qui laisse le soin au restaurateur de trouver la meilleure formule. Le coût n’est pas le même si l’on est sur un contenant recyclable ou un contenant réutilisable.

Cette rédaction, plus pragmatique, permettra de généraliser dans notre pays le principe du doggy bag, que les restaurants devront proposer à leurs clients.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis. Je suis plutôt favorable à l’amendement CD106. Si le restaurateur ne comprend pas l’intérêt d’une telle pratique pour ses clients, ce système ne fonctionnera pas. Et ce sera la même chose si le consommateur n’est pas demandeur. Dans les pays anglo-saxons, il n’y a pas eu besoin d’une loi : les deux ont bien compris où était leur intérêt. Ni la gratuité ni l’injonction ne changeront grand-chose à la donne. L’important reste le message que nous voulons faire passer : celui de la réduction du gaspillage de la fourche à l’assiette, ce qui passe également par un apprentissage en ce qui concerne les portions – les restaurateurs anglo-saxons ont tendance à charger l’assiette. Cela dit, même si l’expression « sac pour petits chiens » en anglais est comprise de tous et a un côté plutôt sympathique, il serait bon de trouver une appellation intelligible un peu plus « franco-française »…

Je préfère la rédaction proposée par Mme Bérangère Abba : dans mon esprit, un doggy bag ne donne pas lieu à rémunération.

Mme Yolaine de Courson. Ce n’est pas le doggy bag qui doit donner lieu rémunération, mais l’emballage.

Mme Nathalie Sarles. Il me semble que nous avons déjà adopté, à l’article 11, des amendements relatifs aux emballages de nourriture. Je me demande s’il ne faudrait pas intégrer une disposition à ce stade concernant les barquettes en plastique.

M. Guillaume Garot. Je me permets d’insister sur la gratuité proposée par Mme Bérangère Abba. Ne nous méprenons pas : lorsqu’un restaurateur donne les restes de l’assiette commandée par le client, c’est évidemment gratuit et cela doit le rester. Voilà pour le « doggy ». Mais le bag, l’emballage, est réutilisable, il ne sera pas nécessairement en carton, et il a un coût.

Je suis favorable à 200 % à la généralisation des doggy bag, mais il faut éviter d’être trop précis dans la formulation. Si l’on veut que le dispositif soit efficace, il faut laisser les restaurateurs organiser la mise en œuvre du doggy bag.

Mme Bérangère Abba. La rédaction que je propose dans mon amendement me paraît justement plus ouverte et la moins restrictive possible. J’ajoute que les contenants réutilisables posent un problème sanitaire, ce qui complique les choses.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis. Madame Bérangère Abba, peut-être faudrait-il revoir la rédaction de votre amendement pour le mettre en cohérence avec ce que nous avons voté hier, puisque nous avons interdit les emballages plastiques dans la restauration collective.

Mme Bérangère Abba. Tout à fait !

La commission adopte l’amendement CD106.

En conséquence, l’amendement CD471 tombe.

Après l’article 15

La commission examine, en discussion commune, les amendements CD383 de Mme Frédérique Tuffnell et CD488 de M. Dominique Potier.

Mme la présidente Barbara Pompili. L’amendement CD383 est défendu.

M. Dominique Potier. L’amendement CD488 vise à instaurer un crédit d’impôt pour récompenser la certification de « haute valeur environnementale ». C’est un débat que nous avons déjà eu et sur lequel nous reviendrons certainement en commission des affaires économiques. Ce levier, déjà identifié dans le Grenelle de l’environnement, est resté au stade expérimental et pourrait, dans le sillage des États généraux de l’alimentation, connaître un développement important pour favoriser l’agro-écologie en France. L’objectif est de faire en sorte que la puissance publique accompagne, par un crédit d’impôt, le changement d’échelle du virage de l’agro-écologie pour tous ceux, producteurs et consommateurs, filières et territoires, qui souhaitent l’emprunter.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis. J’ai deux réserves sur ces amendements. Premièrement, ils relèvent du projet de loi de finances plus que d’un amendement à adopter par notre commission. Deuxièmement, le critère de « haute valeur environnementale » est davantage un moyen qu’une fin. Or le bio est une fin en soi, c’est tout un processus de transformation. Je peine donc à cerner la nécessité de placer le crédit d’impôt au même niveau.

La commission rejette successivement les amendements CD383 et CD488.

Puis elle examine l’amendement CD426 de M. Bruno Millienne.

M. Bruno Millienne. Cet amendement d’appel vise à soutenir l’agriculture biologique et durable en précisant que le cadre réglementaire doit permettre l’implantation de nouvelles exploitations qui diversifient les productions et qui observent les principes de l’agro-écologie.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis. Cette disposition existe déjà dans le code rural et de la pêche maritime. Nous partageons votre intention, mais votre amendement crée une rupture d’égalité par ce qu’il impose et m’oblige à émettre un avis réservé.

La commission rejette l’amendement CD426.

Elle est saisie de l’amendement CD478 de M. Guillaume Garot.

M. Guillaume Garot. Notre pays débat du projet de traité de libre-échange avec les pays du Mercosur. Il nous semblerait très utile que la représentation nationale et l’ensemble des citoyens soient éclairés de la manière la plus objective qui soit au sujet des incidences de ce projet en matière environnementale, climatique et sanitaire.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis. Ce serait clairement une injonction au Gouvernement ; mieux vaudrait donc reformuler votre amendement sous la forme d’une remise de rapport ou sous une autre forme. Je comprends votre intention, mais l’injonction n’est pas forcément le meilleur moyen, d’où mon avis réservé.

Mme Sandrine Le Feur. Sur le fond, cet amendement est très intéressant ; il serait en effet utile de le retravailler, peut-être même en l’élargissant aux autres accords à venir, étant précisé que le Gouvernement conduit déjà une étude sur le CETA.

M. Guillaume Garot. Nous sommes effectivement dans la même logique. S’agissant du CETA, le Gouvernement a constitué une commission d’experts qui a présenté des conclusions très instructives devant notre commission et celle des affaires étrangères. Nous proposons d’utiliser exactement la même méthode dans le cas de l’accord avec le Mercosur.

J’entends bien que le caractère injonctif de l’amendement à l’égard du Gouvernement présente une difficulté constitutionnelle, mais il nous faudra trouver un libellé permettant d’arriver au même résultat. Par grandeur d’âme (Sourires) et par souci d’efficacité, je suis prêt à retirer cet amendement, à condition que Mme la rapporteure pour avis et la majorité accueillent avec bienveillance une solution qui nous permettra, lors de la discussion en commission des affaires économiques, d’aboutir au même résultat.

M. Jean-Baptiste Moreau. Je vous rassure et vous assure, monsieur Guillaume Garot, de ma bienveillance sur ce sujet ; nous pourrions même ajouter à l’éclairage que vous proposez l’analyse des conséquences économiques. Il faudra reformuler cet amendement mais nous ne pouvons qu’être favorables à la constitution d’une commission d’évaluation des incidences de l’accord avec les pays du Mercosur, à l’image de ce qui a été fait pour le CETA, étant précisé que la commission en question ne devra pas être exclusivement composée de parlementaires mais qu’il serait utile qu’elle comprenne aussi des experts.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis. Il est important de bien encadrer le périmètre de cette commission, faute de quoi elle risquerait de se perdre à poursuivre des objectifs irréalistes. Nous approuverons cette proposition dès lors que vous aurez trouvé une rédaction qui convient.

M. Guillaume Garot. Nous souhaitons en effet que ce travail ne soit pas seulement conduit par des élus. La commission chargée d’analyser les effets du CETA, par exemple, est exclusivement composée d’experts, qui ont présenté leurs conclusions aux élus. Encore faut-il que le Gouvernement en tienne compte ; ce n’est pas le cas au sujet du CETA. Je suis taquin… mais je retire mon amendement.

L’amendement CD478 est retiré.

Article additionnel après l’article 15
Rapport sur l’adaptation du taux de TVA en fonction de l’intérêt nutritionnel des produits alimentaires

La commission examine l’amendement CD479 de M. Guillaume Garot.

M. Guillaume Garot. Dans un des premiers amendements que nous avons défendu et qui, hélas, a été rejeté, nous proposions de prendre le temps de travailler à une réforme de la fiscalité portant sur l’alimentation. Si l’on entend soutenir une alimentation favorable à la santé et à l’environnement, il faut faire preuve de cohérence : il ne saurait y avoir, d’un côté les politiques publiques conduites par le ministère de l’agriculture, celui de l’économie, celui de la santé et bientôt, je l’espère, celui de l’éducation, et, de l’autre, une fiscalité découlant des choix de la représentation nationale qui aurait pour effet d’ignorer voire de contrecarrer ces objectifs. Nous devons donc adapter notre fiscalité ; je ne dis pas que c’est simple. Mon amendement vise à nouveau à demander un rapport, me direz-vous, mais il fera partie des rapports utiles, car il nous permettra d’y voir clair quant aux pistes d’évolution d’une fiscalité plus conforme aux objectifs que nous fixons en matière d’alimentation.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis. C’est un amendement intéressant, mais qui s’inscrit pleinement dans le cadre européen ; en outre, la TVA relève du projet de loi de finances.

M. Guillaume Garot. Lisez bien l’amendement : il va de soi que la fiscalité et le taux de TVA relèvent du projet de loi de finances, comme il va de soi que cet amendement s’inscrit dans un cadre européen ; nous convenons tous de ces éléments de base. Mais comment travaillons-nous ? L’objectif est que le Gouvernement nous fournisse un rapport nous permettant d’y voir clair. Nous avons tous des idées, mais elles doivent être organisées, rationalisées. Je fais confiance au Gouvernement pour nous donner des pistes d’évolution dont le Parlement pourra débattre. Il faut d’abord créer le débat – c’est très important – au vu de données objectives afin que nous adoptions des positions pertinentes dans le cadre du projet de loi de finances. Pour que la représentation nationale puisse adopter de bonnes dispositions, encore faut-il qu’elle soit éclairée au préalable. C’est l’objet de cet amendement.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis. Pourquoi pas ? Je maintiens néanmoins ma réserve : si la France prend l’initiative d’un véritable débat européen…

M. Guillaume Garot. L’un n’empêche pas l’autre.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis. Certes, mais ce débat n’aboutirait pas avant plusieurs années. Cela étant, s’il s’agit d’ouvrir le débat, pourquoi pas ?

La commission adopte l’amendement CD479.

*

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’ensemble des dispositions dont elle est saisie, modifiées.

*

 


  1  

   Liste des personnes auditionnées

(par ordre chronologique)

Table ronde sur laide alimentaire

Épiceries Solidaires ANDES

M. Jérôme Bonaldi, président

Mme Emmanuelle Zehren, responsable du pôle animation et développement du réseau des épiceries solidaires

Fédération française des banques alimentaires

M. Jacques Bailet, président

Mme Marie Castagné, chargée des relations extérieures et plaidoyer

Les Restos du Cœur

M. Patrice Blanc, président

M. Louis Cantuel, responsable des relations institutionnelles

 

Bleu Blanc Cœur

M. Pierre Weill, président

Table ronde avec des associations de protection des animaux

Protection mondiale des animaux de ferme (Welfarm)

M. Ghislain Zuccolo, directeur général

L214 éthique et animaux

Mme Brigitte Gothière, directrice

M. Sylvain Dibiane, chargé d’affaires publiques

Table ronde sur la restauration collective

RESTAUCO

M. Éric Lepêcheur, président

SODEXO

Mme France de Sambucy, directrice des achats de Sodexo France

Syndicat national de la restauration collective (SNRC)

M. Jacques Roux, président

M. Dominique Bénézet, délégué général

Agence Bio

M. Florent Guhl, directeur

Table ronde avec des associations de protection de lenvironnement

Fondation pour la Nature et lHomme (FNH)

Mme Mathilde Théry, responsable agriculture et alimentation

CCFD terres solidaires

Mme Maureen Jorand, responsable plaidoyer souveraineté alimentaire

France Nature Environnement (FNE)

M. Camille Dorioz, coordinateur du réseau agriculture

Générations futures

M. François Veillerette, directeur

Greenpeace

Mme Clara Jamart, responsable campagne agriculture et alimentation

Mme Laure Ducos, chargée de campagne et agriculture

Ministère de lAgriculture, de lagroalimentaire et de la forêt - Direction générale de lalimentation

M. Patrick Dehaumont, directeur général

M. Cédric Prévot, sous-directeur de la politique de l'alimentation

Table ronde sur le bio et les circuits courts

Fédération nationale dagriculture biologique des régions de France (FNAB)

Mme Stéphanie Pageot, présidente

Mme Sophia Majnoni d’Intignano, déléguée générale

Fermes davenir

Mme Linda Bedouet, responsable du réseau Fermes d’avenir

Mme Hélène Le Teno, directrice du secteur transition écologique Groupe SOS

Groupement des agriculteurs bio dÎle-de-France (GAB IDF)

M. Christian Pierre, président

Mme Angélique Piteau, responsable communication et porte-parole

Fédération du négoce agricole

M. Antoine Pissier, président

M. Damien Mathon, délégué général

INTERBEV

M. Dominique Langlois, président

M. Guy Hermouet, président d’Interbev Bovins

M. Bruno Dufayet, président de la commission Enjeux sociétaux

M. Marc Pages, directeur général

Mme Marine Colli, chargée des relations avec le Parlement

Parlement européen

M. Jean Arthuis, président de la Commission des budgets

Union des industries de la protection des plantes (UIPP)

M. Philippe Michel, directeur de la réglementation

Mme Delphine Guey, directrice des affaires publiques et de la communication

Table ronde avec des syndicats dabattoirs

Culture Viande

M. Mathieu Pecqueur, directeur général

FedeV Les Métiers de la Viande

M. David Bloch, vice-président de FedeV, Société Marcel Muller

M. Hervé des Deserts, directeur général de FedeV

Fédération nationale des exploitants dabattoirs prestataires de services (FNEAP)

M. Eric Barnay directeur d’abattoir et président de la FNEAP

M. André Eloi, directeur de la FNEAP

 

BAYER France

M. François Thiboust, directeur des affaires publiques

Mme Cécile Astuguevieille, responsable des affaires publiques

M. Victor Chartier, Boury, Tallon&Associés

 

Assemblée permanente des chambres dagriculture (APCA)

M. Claude Cochonneau, président de l’Assemblée permanente des chambres d’agriculture

M. Justin Lallouet, coordinateur des affaires publiques

Mme Aurélie Trouillier, chef du service politiques agricoles et filières

M. Guillaume Garot, député, Président du Conseil national de l’alimentation

Table ronde avec des syndicats agricoles

Coop de France

M. Michel Prugue, président

M. Olivier de Bohan, vice-président

Mme Barbara Mauvilain-Guillot, responsable des relations publiques

Fédération nationale des syndicats dexploitants agricoles (FNSEA)

M. Éric Thirouin, secrétaire général adjoint

M. Christian Durlin, membre du conseil d’administration

M. Étienne Gangneron, vice-président, président de la commission agriculture biologique

Mme Nelly Le Corre Gabens, chef de service environnement

Mme Annick Jentzer, chef de service chaîne alimentaire, alimentation, qualité

Mme Nadine Normand, attachée parlementaire

Confédération paysanne

M. Nicolas Girod, secrétaire national

Jeunes agriculteurs

M. Baptiste Gatouillat, vice-président

M. Aurélien Clavel, vice-président

Coordination rurale

M. Bernard Lannes, président

 

ADEME

M. Jérôme Mousset, chef du service Forêt, alimentation et bioéconomie

M. Rémi Chabrillat, directeur Productions et énergies durables

Table ronde avec des élus locaux

Association des Maires de France (AMF)

Mme Isabelle Maincion, vice-présidente, maire de la Ville-aux-Clercs

M. Sébastien Ferriby, conseiller

M. Alexandre Norguet, conseiller technique

Mme Charlotte de Fontaines, chargée des relations avec le Parlement

Association des régions de France (ARF)

Mme Pascale Gaillot, vice-présidente en charge de l’agriculture de la région Grand-Est

M. Vincent Labarthe, vice-président en charge de l’agriculture et de l’enseignement agricole, région Occitanie

Mme Marie-Reine Dubourg, conseillère parlementaire

Mme Hélène Aussignac, conseillère agriculture, pêche et forêt

Assemblée des départements de France (ADF)

Mme Françoise de Roffignac, vice-présidente du département de Charente-Maritime en charge de l’agriculture

M. Philippe Herscu, directeur délégué aux territoires de l’ADF

Mme Ann-Gaëlle Werner-Bernard, conseillère

 

SOLAAL

Mme Dorothée Briaumont, directrice

M. Olivier Falorni, député

 


([1]) Étude d’impact du présent projet de loi, page 17.

([2]) D’après les données de la Mutualité sociale agricole (MSA), chiffre de 2016.

([3]) Étude d’impact, page 5.

([4]) Étude d’impact page 76.

([5]) Étude d’impact page 81 (données UNILET / FranceAgriMer de 2013 + données Agence BIO - rapport de 2009 : produits biologiques en restauration collective).

([6]) Produits sous sigles d’identification de la qualité et de l’origine et mentions valorisantes.

([7]) Agence Bio, étude 2017 de l’observatoire national des produits biologiques en restauration collective. La part des produits biologiques est estimée à 2,9 % de la valeur d’achat des denrées.

([8]) Le Programme national relatif à la nutrition et à la santé (PNNS) est défini à l’article L. 3231-1 du code de la santé publique.

([9]) Issu de la loi n° 2010-874 du 27 juillet 2010 de modernisation de l’agriculture et de la pêche.

([10]) « Les produits issus de la pêche durable peuvent bénéficier d’un écolabel. Les conditions auxquelles ils doivent répondre pour en bénéficier sont déterminées dans un référentiel dont les modalités d’élaboration et de contrôle de son application par des organismes accrédités sont fixées par décret. ».

([11]) Directive 2014/24/UE du Parlement européen et du Conseil, du 26 février 2014, sur la passation des marchés publics et abrogeant la directive 2004/18/CE, article 42, point 4.

([12]) Directive 2014/24/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 sur la passation des marchés publics et abrogeant la directive 2004/18/CE.

([13]) Selon l’étude de l’observatoire des produits biologiques en restauration collective précitée et l’agence Bio, les restaurateurs ayant introduit des produits bio constatent en moyenne pour ces produits un surcoût matière de 18 %.

([14]) Sont mentionnés les gestionnaires, publics et privés, des services de restauration scolaire et universitaire ainsi que des services de restauration des établissements d'accueil des enfants de moins de six ans, des établissements de santé, des établissements sociaux et médico-sociaux et des établissements pénitentiaires.

([15]) Article 6 du règlement (CE) n° 1/2005 du Conseil du 22 décembre 2004 sur la protection des animaux pendant le transport et les opérations annexes.

([16]) Voir le rapport de la commission d’enquête n° 4038, Président M. Olivier Falorni, Rapporteur M. Jean-Yves Caullet, du 14 décembre 2016.

([17]) L’article 8 de la loi dispose que « Un lanceur dalerte est une personne physique qui révèle ou signale, de manière désintéressée et de bonne foi, un crime ou un délit, une violation grave et manifeste dun engagement international régulièrement ratifié ou approuvé par la France, dun acte unilatéral dune organisation internationale pris sur le fondement dun tel engagement, de la loi ou du règlement, ou une menace ou un préjudice graves pour lintérêt général, dont elle a eu personnellement connaissance. ».

([18]) Exposé des motifs du projet de loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt, n° 1548, déposé le 13 novembre 2013.

([19]) Loi n° 2014-1170 du 13 octobre 2014 d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt.

([20]) Disposition codifiée à l’article L. 5141-14-2 du code de la santé publique.

([21]) Étude d’impact du projet de loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt, n° 1548, déposé le 13 novembre 2013, p. 104-105.

([22]) Directive 2009/128/CE du Parlement européen et du Conseil, du 21 octobre 2009, instaurant un cadre d’action communautaire pour parvenir à une utilisation des pesticides compatible avec le développement durable.

([23]) Règlement (CE) n° 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil, du 21 octobre 2009, concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques et abrogeant les directives 79/117/CEE et 91/414/CEE du Conseil.

([24]) Utilisés pour contrôler, repousser ou détruire les champignons susceptibles de se développer sur les cultures. Les fongicides aident par exemple à lutter contre le mildiou, l’oïdium ou les moisissures.

([25]) Utilisés pour l’extermination des acariens.

([26]) Utilisés pour détruire les nématodes (vers) parasites des cultures.

([27]) Étude d’impact du projet de loi, p. 101.

([28]) Dominique Potier, Rapport au Premier ministre, Pesticides et agro-écologie- Les champs du possible, novembre 2014.

([29]) Le I de l’article L. 441-6 du code de commerce prévoit que les conditions générales de vente comprennent les conditions de vente, le barème des prix unitaires, les réductions de prix et les conditions de règlement. Il prévoit que « les conditions générales de vente constituent le socle unique de la négociation commerciale » mais que « dans le cadre de cette négociation, tout producteur, prestataire de services, grossiste ou importateur peut convenir avec un acheteur de produits ou demandeur de prestation de services de conditions particulières de vente qui ne sont pas soumises à lobligation de communication » des conditions générales de vente prévue par la loi.

([30]) Loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement.

([31]) Loi n° 2014-1170 du 13 octobre 2014 d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt.

([32]) Cf. notamment articles L. 254-1, L. 254-2, R. 254-2 à R. 254-7 et R. 254-15 à R. 254-19 du code rural et de la pêche maritime.

([33]) Cf. notamment article L. 254-3 et articles R. 254-8 à R. 254-14-1 du code rural et de la pêche maritime.

([34]) On entend par « méthodes alternatives », d’une part, les méthodes non chimiques, au sens de l’article 3 du règlement (CE) n° 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil, du 21 octobre 2009, concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques, et, d’autre part, l’utilisation des produits de biocontrôle mentionnés au deuxième alinéa de l’article L. 253-6 du code rural et de la pêche maritime.

([35]) Étude d’impact du projet de loi, p. 105.

([36]) Étude d’impact du projet de loi, p. 107.

([37]) Ordonnance n° 2015-1244 du 7 octobre 2015 relative au dispositif expérimental de certificats d’économie de produits phytopharmaceutiques.

([38]) Décisions n° 394696 et n° 395115 du 28 décembre 2016 du Conseil d’État statuant au contentieux.

([39]) Loi n° 2017-348 du 20 mars 2017 relative à la lutte contre l’accaparement des terres agricoles et au développement du biocontrôle.

([40]) Cf. article L. 254-10-1 du code rural et de la pêche maritime.

([41]) Cf. article R. 254-32 du code rural et de la pêche maritime.

([42]) Cf. articles L. 254-10-5 et R. 254-39 du code rural et de la pêche maritime.

([43]) Alexis Delaunay, Catherine Mir, Clémence Marty-Chastan, Erik Rance, Didier Guériaux et Robert Tessier, Utilisation des produits phytopharmaceutiques, rapport IGAS n° 2017-124 R/CGEDD n° 011624‑01/CGAAER, n° 17096, décembre 2017, p. 61-62.

([44]) Étude d’impact du projet de loi, p. 106.

([45]) Étude d’impact du projet de loi, p. 107.

([46]) Fixée à l’article L. 541-15-3 du code de l’environnement.