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N° 975

______

 

ASSEMBLÉE   NATIONALE

 

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 23 mai 2018.

 

 

 

AVIS

 

 

 

PRÉSENTÉ

 

 

 

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE LÉDUCATION SUR LE PROJET DE LOI pour la liberté de choisir son avenir professionnel,

 

 

 

PAR Mme Sylvie CHARRIÈRE,

 

Députée.

 

——

 

 

 

 

 

Voir le numéro :

Assemblée nationale :  904.

 

 

 


 

 


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SOMMAIRE

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Pages

Synthèse des travaux de la commission

Introduction

I. La situation des jeunes sur le marché du travail

1. Une dégradation de la situation de l’emploi des jeunes, en termes qualitatifs comme quantitatifs

2. Un éloignement parfois durable de l’emploi

3. Les jeunes les moins diplômés sont les plus touchés

II. l’apprentissage, passeport pour l’emploi

1. Un dispositif confirmé de formation en alternance

2. L’efficacité de l’apprentissage pour l’insertion professionnelle

III. un développement insuffisant de l’apprentissage

1. Les effectifs de l’apprentissage sont trop modestes au vu de ses atouts

2. Un déficit d’image

3. Un cadre institutionnel inadapté

4. Des jeunes insuffisamment informés et préparés

Conclusion

TRAVAUX DE LA COMMISSION

I. Discussion générale

II. Examen des articles dont la commission s’est saisie pour avis

Article 4 (art. L. 6313-6 à L. 6313-8 du code du travail) Définition des actions d’apprentissage – Préparation à l’apprentissage – Définition des formations certifiantes

Après l’article 4

Article 9 Rupture du contrat d’apprentissage

Après l’article 9

Article 10 Transfert aux régions de la compétence en matière d’orientation

Article 11 Rénovation du régime juridique des centres de formation d’apprentis

Article 14 novation du dispositif de certification professionnelle

Article 15 Organisation institutionnelle de la formation professionnelle et de l’apprentissage

Après l’article 15

Article 16 Gouvernance de l’apprentissage et de la formation professionnelle

Annexe : Liste des personnes auditionnées par la rapporteure pour avis


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   Synthèse des travaux de la commission

Au cours de sa réunion du mercredi 23 mai 2018, la commission des Affaires culturelles et de l’Éducation a émis un avis favorable sur les articles ou parties d’articles dont elle s’est saisie (soit l’article 4 – pour les articles L. 6313‑6, L. 6313-7 et L. 6313-8 du code du travail –, et les articles 9, 10, 11, 15 et16), sous réserve de l’adoption de douze amendements.

 À l’article 4, un amendement présenté par Mme Cécile Rilhac et les membres du groupe La République en Marche, simplifiant la définition des actions d’apprentissage.

 Un amendement de la rapporteure pour avis portant article additionnel après l’article 4, visant à créer une classe de « Troisième prépa-métiers », destinée à accueillir les élèves souhaitant s’orienter vers la voie professionnelle du lycée ou vers l’apprentissage. Cette classe leur permettra d’approfondir leur connaissance de ces filières et des métiers, notamment par des stages en milieu professionnel.

 Deux amendements à l’article 10 :

– un amendement de Mme Cécile Rilhac et des membres du groupe La République en Marche confiant à l’État la mission d'accompagner les élèves et les étudiants dans leur orientation ;

– un amendement de la rapporteure pour avis précisant que les actions d’information conduites par les régions auprès des élèves et des étudiants doivent s’adresser également à leurs parents, et qu’elles doivent être organisées en coordination avec les psychologues de l’Éducation nationale et les enseignants formés à cet effet.

Cinq amendements à l’article 11 :

le premier, déposé par la rapporteure pour avis, vise à compléter la liste des indicateurs qui seront publiés pour chaque CFA et pour chaque lycée professionnel. Afin de fournir l’information la plus complète possible aux personnes qui souhaitent s’engager dans ces formations, il prévoit la publication de la valeur ajoutée de chaque établissement, du taux d’insertion à l’issue de ces formations
– non seulement sur le territoire national, mais aussi par bassin d’emploi , et du taux d’interruption en cours de formation. Pour les CFA, il propose également de publier le taux de rupture des contrats d’apprentissage conclus ;

– trois autres, également présentés par la rapporteure pour avis, complètent les missions des CFA, en prévoyant qu’ils sont chargés :

 d’accompagner les personnes en situation de handicap intéressées par l’apprentissage ;

 d’informer les apprentis de leurs droits et devoirs en tant que salariés et des règles applicables en matière de santé et de sécurité en milieu professionnel ;

 d’accompagner les apprentis ayant interrompu leur formation ou n’obtenant pas leur diplôme vers les organismes pouvant les accompagner dans un projet de poursuite d’études ;

– le dernier, présenté par Mme Céline Calvez, prévoit que les CFA favorisent la diversité au sein de leurs structures.

Trois amendements à l’article 15 :

– le premier, présenté par Mme Céline Calvez, prévoit que les orientations des contrats de plan régionaux de développement des formations et de l’orientation professionnels (CPRDFOP) en matière de formation professionnelle visent à identifier l’émergence de nouveaux métiers dans le domaine de la transition numérique ;

– le deuxième, présenté par la rapporteure pour avis, dispose que les régions encouragent, à travers les CPRDFOP, la signature de conventions entre des centres de formation d’apprentis et des lycées professionnels visant à faciliter le passage des jeunes entre ces deux types d’établissements et incitant à la mutualisation de leurs plateaux techniques ;

– le dernier, présenté par Mme Cécile Rilhac et les membres du groupe La République en Marche, prévoit que les CPRDFOP comprennent une partie consacrée aux personnes en situation de handicap, recensant les actions de formation professionnelle ayant pour but de favoriser l’insertion ou la réorientation professionnelles de ces personnes.

 


   Introduction

 

Les difficultés d’insertion des jeunes sur le marché du travail sont connues. Les 16-25 ans souffrent d’un taux de chômage de plus de 20 %, soit deux fois plus que l’ensemble des actifs, alors même que bien des entreprises peinent à recruter. Près de 100 000 jeunes seraient sortis du système de formation initiale sans diplôme en 2016 ; cet important décrochage scolaire, qu’on observe à tous les niveaux de l’enseignement – y compris dans l’enseignement supérieur – s’explique notamment par une mauvaise adéquation des formations aux besoins de l’économie, en raison en particulier d’un manque de réactivité à faire évoluer les diplômes en fonction de ces besoins.

Par ailleurs, les transformations majeures que connaissent aujourd’hui des secteurs entiers de notre économie, en raison des révolutions numérique et robotique et de l’émergence d’une économie plus sobre en ressources, ont des effets considérables sur les organisations du travail et les métiers, et donc sur les compétences attendues de la part des actifs. Ces transformations appellent, en amont de l’insertion professionnelle, une évolution des formations plus réactive aux besoins de l’économie et une plus grande adaptabilité des personnes sortant du système éducatif.

C’est à ces défis que répond le projet de loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel, déposé sur le bureau de notre assemblée le 27 avril 2018, et renvoyé au fond à la commission des Affaires sociales, à travers une rénovation de notre système de formation professionnelle et d’apprentissage, une révision de notre système d’assurance chômage et une nouvelle gouvernance de la politique de l’emploi.

Certaines des dispositions de son titre Ier intéressent tout particulièrement la commission des Affaires culturelles et de l’Éducation. C’est le cas :

– à l’article 4, de la nouvelle définition des actions d’apprentissage et de l’introduction d’un nouveau dispositif de préparation à l’apprentissage ;

– de l’article 9, qui simplifie, au bénéfice des apprentis comme des employeurs, les conditions de rupture des contrats d’apprentissage ;

– de l’article 10, qui approfondit le transfert aux régions de la compétence en matière d’orientation ;

– de l’article 11, qui rénove le régime juridique des centres de formation d’apprentis ;

– de l’article 14, qui opère une refonte du dispositif de certification professionnelle ;

– de l’article 15, qui améliore l’organisation institutionnelle de la formation professionnelle et de l’apprentissage ;

– et de l’article 16, qui simplifie la gouvernance de la formation professionnelle et de l’apprentissage.

Cest pourquoi la commission des Affaires culturelles et de l’Éducation s’est saisie pour avis de ces dispositions, qui l’intéressent au premier chef au titre de sa compétence en matière d’éducation.

La rapporteure souhaite remercier chaleureusement :

– tous les députés, qui, dans le cadre d’un groupe de travail sur l’apprentissage, grâce à leur partage d’expérience, ont nourri sa réflexion :   Anne Brugnera, Céline Calvez, Christine Cloarec, Fadila Khatabi, Gaël Le Bohec, Thierry Michels, Michèle Peyron, Nathalia Pouzyreff, Cécile Rilhac, Vincent Thiébaut ;

– lensemble des personnes entendues au cours des auditions ;

– les acteurs de terrain (directeurs, enseignants, jeunes, lycéens, centres de formation d’apprentis, maisons des compagnons, maisons familiales et rurales, écoles de la deuxième chance), qui lui ont apporté leur témoignage ;

– son collaborateur, Sam Dautrevaux, pour son engagement de tous les instants sur ce dossier.

 

 

 

 

 


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I.   La situation des jeunes sur le marché du travail

1.   Une dégradation de la situation de l’emploi des jeunes, en termes qualitatifs comme quantitatifs

Le rapport public thématique de la Cour des comptes intitulé « L’accès des jeunes à l’emploi » ([1]), publié en septembre 2016, a dressé un tableau alarmant de la situation des jeunes sur le marché du travail. Il soulignait notamment que les jeunes étaient confrontés à des difficultés croissantes d’accès à l’emploi. Depuis lors, si le taux de chômage des personnes âgées de 16 à 25 ans a connu une légère baisse, il demeure deux fois plus élevé que celui de l’ensemble des actifs : il est passé de 23,4 % en 2014 à 21,7 % au troisième trimestre 2017 selon l’INSEE, quand celui de l’ensemble des actifs est passé de 10 % en 2014 à 9,3 % au troisième trimestre 2017.

Par comparaison, la situation des jeunes vis-à-vis du marché du travail apparaît bien meilleure en Allemagne.

taux de chômage et taux d’emploi des jeunes et des adultes en France et en Allemagne en 2013 ([2]) 

 

France

Allemagne

Taux de chômage des jeunes (15-24 ans)

24,8 %

7,8 %

Taux d’emploi des jeunes (15-24 ans)

28,4 %

46,9 %

Taux de chômage des adultes (25-64 ans)

8,7 %

4,9 %

Ratio taux de chômage des jeunes / taux de chômage des adultes

2,9

1,6

Sources : Eurostat et OCDE

Les difficultés d’accès à l’emploi des jeunes se traduisent également par la moindre qualité des emplois obtenus. Les jeunes font face à une inadéquation de plus en plus fréquente entre la qualification qu’ils ont acquise et leur emploi, et à une précarisation croissante. De manière générale, la part des contrats à durée déterminée dans les embauches a atteint, en 2014, le taux de 86 %, soit le plus élevé jamais enregistré. Deux tiers des 20 millions de contrats proposés chaque année sont des contrats à durée déterminée (CDD) d’une durée inférieure à un mois ; le taux de transition des CDD vers un emploi stable est très faible.

Dans cette situation dégradée, les nouveaux entrants sur le marché du travail sont, dans notre pays, les plus pénalisés ; ils constituent trop souvent une variable d’ajustement permettant aux entreprises de faire face aux aléas de la conjoncture. C’est ainsi que 25 % des jeunes travaillent à temps partiel, contre 19 % de l’ensemble des actifs, que 20 % des jeunes connaissent au moins une période d’inactivité dans les trois années suivant leur sortie du système éducatif, et que 10 % d’entre eux restent au chômage plus de deux ans. La rapporteure rappelle également qu’environ 45 % des jeunes ayant signé un contrat à durée indéterminée voient celui-ci être rompu avant un an, soit dix points de plus que pour l’ensemble de ces contrats, et que les deux tiers des emplois occupés depuis six mois par des jeunes sont des CDD.

2.   Un éloignement parfois durable de l’emploi

Cependant, ces chiffres préoccupants ne suffisent pas à appréhender la situation des jeunes par rapport à l’emploi dans son ensemble. En effet, certains jeunes sans emploi ne sont pas inclus dans les statistiques du chômage en raison d’une définition restrictive de celui-ci. Le Bureau international du travail définit ainsi les chômeurs comme les personnes qui sont disponibles pour prendre un emploi dans les deux semaines, qui ont effectué des démarches de recherche active au cours des quatre semaines précédentes ou qui ont trouvé un emploi commençant dans moins de trois mois. Or certains jeunes, en particulier, s’ils souhaitent travailler, ne sont pas immédiatement disponibles pour démarrer un emploi, ou n’ont pas réalisé récemment de démarche de recherche d’emploi, ce qui les renvoie, en termes statistiques, dans la catégorie des « inactifs ».

C’est pourquoi la Commission européenne a introduit en 2010 une catégorie nouvelle, dite « NEET » (Neither in Employment, not in Education or Training, « Ni en emploi, ni en études ou en formation »), qui regroupe les jeunes ne se trouvant ni en situation d’emploi ni en situation de formation. Elle permet de préciser les difficultés d’insertion des jeunes au-delà de la seule analyse du taux de chômage. L’Organisation de coopération et de développement économiques ([3]) indiquait, dans son rapport « Panorama de la société 2016 – Un éclairage sur les jeunes », que les jeunes déscolarisés et sans emploi de 15 à 29 ans constituaient, en France, 16,6 % de cette classe d’âge en 2015, soit 1,9 million de jeunes. S’il est proche de la moyenne européenne, ce chiffre demeure extrêmement préoccupant et doit nous conduire à nous interroger sur l’attractivité des formations initiales proposées à notre jeunesse et sur leur adéquation au marché du travail.

3.   Les jeunes les moins diplômés sont les plus touchés

La difficulté à s’insérer sur le marché du travail varie en fonction du niveau d’études atteint. Selon l’INSEE, en 2017 ([4]) :

– les personnes sorties du système de formation initiale sans diplôme ou titulaires du brevet des collèges connaissaient un taux de chômage de 48,4 % pour ceux ayant quitté le système de formation initiale depuis moins de quatre ans, et de 37,4 % pour ceux l’ayant quitté depuis cinq à dix ans ;

– celles titulaires d’un CAP, d’un BEP ou du baccalauréat connaissaient un taux de chômage de 24,1 % pour ceux ayant quitté le système de formation initiale depuis moins de quatre ans, et de 15,1 % pour ceux l’ayant quitté depuis cinq à dix ans ;

– celles titulaires d’un diplôme de niveau égal ou supérieur à bac + 2 connaissaient un taux de chômage de 8,8 % pour ceux ayant quitté le système de formation initiale depuis moins de quatre ans, et de 5,1 % pour ceux l’ayant quitté depuis cinq à dix ans.

Le Centre d’études et de recherches sur les qualifications (Céreq) a souligné que la crise de 2008, si elle a dégradé les possibilités d’insertion professionnelle pour tous les jeunes, a particulièrement touché les moins diplômés, si bien que le taux d’insertion sur le marché du travail de la génération sortie du système éducatif en 2010 disposant d’un BEP ou d’un CAP est proche de celui des non-diplômés de la génération qui en est sortie en 2004 ([5]).

II.   l’apprentissage, passeport pour l’emploi

1.   Un dispositif confirmé de formation en alternance

L’apprentissage constitue, avec le contrat de professionnalisation, l’une des voies de la formation en alternance. Il associe une formation pratique chez un employeur, avec lequel un contrat d’apprentissage est conclu, et des enseignements théoriques en lien avec celle-ci. Ces enseignements, quel que soit leur niveau, sont dispensés dans un centre de formation d'apprentis (CFA), ou dans une unité de formation par apprentissage (UFA), bien souvent hébergée dans un lycée professionnel. L’apprenti passe un tiers de son temps en CFA, les deux autres tiers chez son employeur.

Au 31 décembre 2016, on comptait 412 437 apprentis dans des centres de formation publics et privés, dont 152 489 dans l'enseignement supérieur (du BTS au diplôme d'ingénieur).

Le cadre légal de l’apprentissage est défini au livre II de la sixième partie du code du travail, soit à ses articles L. 6211-1 à L. 6261-2.

Pour devenir apprenti, il faut être âgé de 16 à 25 ans au début du contrat d’apprentissage et être reconnu apte à l'exercice du métier lors de la visite médicale d’embauche. Les jeunes âgés d’au moins 15 ans peuvent toutefois souscrire un contrat d’apprentissage s’ils ont accompli la scolarité du collège, soit de la 6ème jusqu’à la fin de la 3ème.

Le contrat d'apprentissage est un contrat de travail signé entre un jeune de 16 à 25 ans et l’employeur qui l’accueille. Sa durée est égale à celle du cycle de formation, et varie donc entre un et trois ans, selon le diplôme préparé. Elle peut être portée à quatre ans pour les apprentis souffrant de handicap.

L’apprenti bénéficie du statut de salarié, y compris pendant la période de formation théorique en CFA. À ce titre, il perçoit, en contrepartie de son travail, et tout au long de sa formation, une rémunération correspondant à un pourcentage du Smic déterminé en fonction de son âge et de sa progression dans le cycle de formation.

Rémunération de l’apprenti selon son âge et sa progression dans le cycle de formation (en % du SMIC) 

 

16 à 17 ans

18 à 20 ans

21 ans et plus

1re année

25 %

41 %

53 %

2ème année

37 %

49 %

61 %

3ème année

53 %

69 %

78 %

Source : Ministère du Travail, de l’Emploi, de la Formation professionnelle et du dialogue social

L’apprenti bénéficie, en outre, d’une exonération d’impôt sur le revenu dans la limite de 17 763  ([6]). La couverture sociale de l’apprenti est similaire à celle des autres salariés dès 16 ans : affiliation au régime général de la sécurité sociale, congés payés, congés de maternité, droits ouverts à la retraite et aux allocations de chômage.

Chez son employeur, l’apprenti est placé sous la responsabilité d’un maître d’apprentissage choisi en fonction de ses connaissances professionnelles. Le maître d’apprentissage a pour mission de contribuer à l’acquisition par l’apprenti des compétences correspondant à la qualification recherchée et au titre ou diplôme préparés, en liaison avec le centre de formation d’apprentis, comme le prévoit l’article L. 6223-5 du code du travail. Le choix du maître d’apprentissage revêt un caractère très important. Un tiers des contrats d’apprentissage est, en effet, rompu avant son terme, comme le souligne le rapport « Les freins non financiers au développement de l’apprentissage », publié en février 2014 ([7]). Ce rapport identifiait, comme causes possibles de cet important nombre de ruptures de contrats, des lacunes dans le suivi, l’accompagnement et la sécurisation des parcours des apprentis. De fait, à l’heure actuelle, aucune formation ni aucune certification ne permettent de s’assurer que le futur maître d’apprentissage dispose des qualités pédagogiques nécessaires à la transmission de son savoir-faire.

La formation en apprentissage débouche sur l’obtention d’un diplôme professionnel, identique à celui préparé sous le statut d’élève. Elle permet de préparer :

– un diplôme professionnel de l’enseignement secondaire : certificat d’aptitude professionnelle (CAP), baccalauréat professionnel, brevet professionnel, mention complémentaire, brevet des métiers d’art ;

– un diplôme de l’enseignement supérieur : brevet de technicien supérieur (BTS), diplôme universitaire de technologie (DUT), licences professionnelles, diplômes d’ingénieur ou d’école supérieure de commerce notamment.

Le temps de formation de l’apprenti dans un CFA est d’au moins 400 heures par an. Il est de 800 heures pour le CAP, en deux ans, et de 1 850 heures pour le baccalauréat professionnel, en trois ans.

Pour l’année scolaire 2015-2016, selon la direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance du ministère de l’éducation nationale (DEPP), la répartition des apprentis par niveau de diplôme préparé est la suivante ([8]) :

– 39,5 % préparaient un diplôme de niveau V, soit un CAP ou un BEP ;

– 25,1 % préparaient un diplôme de niveau IV, soit un baccalauréat ou un brevet professionnel ;

– 18,1 % préparaient un diplôme de niveau III, soit un diplôme de niveau bac + 2 (BTS, DUT) ;

– 17,5 % préparaient un diplôme de niveau II ou I, soit un diplôme de niveau bac + 3 au moins.

La possibilité de suivre une formation en apprentissage pour préparer des diplômes de l’enseignement supérieur a été ouverte par la loi n° 87-572 du 23 juillet 1987 modifiant le titre Ier du code du travail et relative à l’apprentissage. Cette nouvelle possibilité a connu un important succès, en particulier à partir de 1995. La proportion d’apprentis préparant un diplôme des niveaux I à III continue à augmenter ; elle a atteint 35,6 % du nombre total d’apprentis en 2016.

S’agissant des CFA, l’étude d’impact du projet de loi précise qu’on en compte 995 sur le territoire national, répartis sur 3 057 sites de formation. L’ensemble des CFA dispensent 2 732 formations différentes. 16 % des CFA proposent uniquement des formations de l’enseignement supérieur, 25 % uniquement des formations de l’enseignement secondaire, et 59 % des formations relevant de l’un et de l’autre.

Les CFA font l’objet de conventions conclues entre les conseils régionaux et des partenaires tels que des chambres consulaires (chambres de commerce, chambres de métiers et de l’artisanat, chambres d’agriculture), des établissements d’enseignement public ou privé sous contrat, des entreprises ou des associations. Ces partenaires sont dénommés « organismes gestionnaires » du CFA. Les CFA sont soumis au contrôle pédagogique de l'État et au contrôle technique et financier de la région.

Les ressources d’un CFA proviennent essentiellement de :

– la taxe d’apprentissage ;

– la participation de l’organisme gestionnaire ;

– des subventions de l’État ou de la région si la convention de création le prévoit.

Par ailleurs, les jeunes de 15 ans et plus peuvent suivre une préparation à l’apprentissage, dénommée « dispositif d’initiation aux métiers en alternance » (DIMA). Créé par la loi  2009-1437 du 24 novembre 2009 relative à l’orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie, le DIMA est une formation en alternance, d’une durée maximale d’un an, se déroulant dans un CFA ou un lycée professionnel ; elle est destinée à faire découvrir un environnement professionnel en vue du suivi d’une formation en apprentissage. Les jeunes inscrits en DIMA bénéficient du statut scolaire.

2.   L’efficacité de l’apprentissage pour l’insertion professionnelle

Face aux difficultés rencontrées par les jeunes dans l’accès à l’emploi, l’apprentissage est un parcours de formation facilitant l’insertion professionnelle. En février 2017, sept mois après leur sortie d’un centre de formation d’apprentis, 69 % des jeunes ayant suivi des études de niveau CAP à BTS ont un emploi, soit quatre points de plus qu’en 2016 et sept points de plus qu’en 2015. Parmi eux, un peu plus de la moitié a un contrat à durée indéterminée ([9]). Une étude de l’INSEE publiée en 2009 ([10]), s’appuyant sur l’enquête Génération 2004 du Céreq réalisée en 2007 auprès des jeunes sortis depuis trois ans du système éducatif, concluait que l’impact positif d’une formation en apprentissage sur l’accès à l’emploi salarié était de 6,5 points : pour deux anciens élèves de l’enseignement professionnel dont les caractéristiques sont identiques, celui qui passe par l’apprentissage a une probabilité d’emploi salarié trois ans après la sortie de la formation initiale d’environ 7 points plus élevée.

S’agissant de la qualité des emplois obtenus par les anciens apprentis, une note d’information de la Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance (DEPP) du ministère de l’Éducation nationale, publiée en juin 2017 ([11]), souligne que lorsqu’ils travaillent, plus de la moitié (54 %) des anciens apprentis sont en emploi à durée indéterminée.

Des distinctions doivent toutefois être établies selon la spécialité de la formation effectuée. Pour un jeune apprenti de niveau CAP, le taux d’emploi varie de 35 % dans le secteur « Coiffure – Esthétique » à 79 % dans le secteur « Transport – Manutention – Magasinage ». Pour les niveaux compris entre le CAP et le BTS, ce sont les formations dans le domaine des services à la personne dans les secteurs sociaux ou de la santé qui présentent le meilleur taux d’emploi (79 %).

La rapporteure souhaite rappeler les difficultés que rencontrent les services d’études statistiques de la direction de l’évaluation, de la performance et de la prospective (DEPP) du ministère de l’éducation nationale et de la direction de l’animation, de la recherche, des études et des statistiques (DARES) du ministère du travail. En effet, lorsque les jeunes quittent leur formation initiale, ils ne sont plus suivis par leur identifiant national étudiant (INE). Les services statistiques perdent donc la possibilité de les suivre, si ce n’est en les contactant individuellement. Si des efforts sont faits en ce sens par les établissements de formation, les taux de réponse sont faibles et leur traduction à l’échelle nationale complexe.

III.   un développement insuffisant de l’apprentissage

L’apprentissage ne bénéficie pas à suffisamment de jeunes en raison d’une image dégradée, d’un cadre institutionnel inadapté et d’un manque d’information et de préparation des collégiens et des lycéens.

1.   Les effectifs de l’apprentissage sont trop modestes au vu de ses atouts

Malgré l’indéniable avantage dont bénéficient les apprentis sur le marché du travail, le nombre d’apprentis tend aujourd’hui à diminuer en France : ils étaient 412 437 à la fin de l’année 2016, soit 3 % de moins qu’en 2013. Si des difficultés conjoncturelles, liées aux pertes d’emploi constatées au cours des dernières années dans les métiers traditionnels de l’apprentissage (industrie, coiffure, soins esthétiques, bâtiment notamment), expliquent en partie ce constat, il n’en reste pas moins que le manque de dynamisme de l’apprentissage en France vient de plus loin.

Au demeurant, comme le souligne l’étude d’impact, l’apprentissage est moins développé en France que chez plusieurs de nos voisins européens, notamment l’Allemagne, l’Autriche, le Danemark et la Suisse, pays qui présentent en outre de meilleurs taux d’insertion professionnelle des jeunes. On a cité plus haut le taux de chômage des jeunes en Allemagne, qui est beaucoup plus bas que celui des jeunes Français. Cet écart pourrait s’expliquer, pour partie, par un recours beaucoup plus important à l’apprentissage outre-Rhin. En effet, 16 % des jeunes de 15 à 24 ans suivaient, en 2013, une formation par apprentissage en Allemagne, alors que ce chiffre était de 5,2 % en France ([12])

Enfin, on relève, en France, un recours à l’apprentissage très inégal selon les secteurs. Le rapport « Pour le développement de l’apprentissage », publié en janvier 2018 par Mme Sylvie Brunet, présidente de la concertation sur l’apprentissage menée dans le cadre de la préparation de ce projet de loi, souligne qu’en France, « l’apprentissage reste aujourd’hui concentré autour d’un nombre limité de secteurs de notre économie (construction, hôtellerie-restauration, coiffure, etc.) » ([13]).

2.   Un déficit d’image

La course au diplôme académique et la valorisation des savoirs théoriques au détriment des compétences et des savoir-faire sont, on le sait, particulièrement fortes dans notre pays. Les formations professionnelles pâtissent d’une image dégradée, malgré leur évidente utilité, le niveau de compétences qu’elles transmettent et les atouts qu’elles présentent pour l’insertion professionnelle. Cette image affecte également l’ensemble des métiers dits « manuels ». Cette vision tend à être partagée et véhiculée par les parents comme par les enseignants, et en définitive, par les jeunes mêmes qui en bénéficieraient le plus. Pour les enseignants, en particulier, la réussite réside souvent dans l’obtention d’un diplôme plutôt que dans l’insertion professionnelle. En outre, les jeunes perçoivent comme peu attractifs des métiers dans lesquels les perspectives d’insertion professionnelle sont pourtant bonnes. C’est ainsi que le secteur du bâtiment et des travaux publics, malgré les débouchés attractifs qu’il propose, est trop rarement envisagé par les jeunes achevant leur formation initiale.

De plus, comme le souligne le rapport « Les freins non financiers au développement de l’apprentissage », publié en février 2014 ([14]), l’apprentissage souffre d’un déficit de légitimité au sein de l’Éducation nationale. Une partie des enseignants continuerait de « manifester une réelle hostilité au développement de l’apprentissage » en raison d’une méfiance vis-à-vis du monde de l’entreprise. En outre, l’administration de l’Éducation nationale apparaît souvent peu familière des formations en alternance et il est rare que les recteurs intègrent l’importance et l’intérêt de l’apprentissage dans leurs projets académiques. Les indicateurs de performance utilisés pour évaluer les collèges se focalisent ainsi davantage sur le taux de passage en seconde générale plutôt que sur la réussite dans la voie choisie par l’élève.

3.   Un cadre institutionnel inadapté

Le système d’organisation et de gestion de l’apprentissage est caractérisé par une structure administrative complexe et manquant de réactivité. Cela entraîne, en particulier, un manque de lisibilité de l’offre de formation pour les élèves et leurs parents et une difficulté à ajuster celle-ci aux besoins des employeurs.

Le rapport précité sur « Les freins non financiers au développement de l’apprentissage » souligne que la gouvernance de la politique de l’apprentissage fait intervenir un grand nombre d’acteurs :

– les entreprises qui embauchent les jeunes et financent leur formation à travers le versement de la taxe d’apprentissage ;

– l’État (ministère de l’éducation nationale et ministère du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social) pour ce qui concerne son cadre juridique et pédagogique ;

– les conseils régionaux, qui déterminent les objectifs de la politique régionale de l’apprentissage et assurent le financement des CFA ;

– les partenaires sociaux enfin, pour la promotion de l’apprentissage dans les outils de gestion de l’emploi et de la formation des branches professionnelles et des entreprises.

Il en découle, notamment, des lourdeurs s’agissant de la création des CFA, qui relève d’une convention entre une région et un organisme gestionnaire. La décision de la région est transcrite dans la carte régionale des formations professionnelles initiales, arrêtée chaque année après accord du recteur et à l’issue d’une concertation en comité régional de l’emploi, de la formation et de l’orientation professionnelles (CREFOP). Cette carte est ensuite mise en œuvre par la région et par l’État dans l’exercice de leurs compétences respectives.

Dépourvus de la personnalité morale, les CFA doivent obtenir l’accord de la région pour toute ouverture, fermeture ou modification d’une formation. De plus, les employeurs, qui sont pourtant pleinement parties prenantes de l’apprentissage, tant dans le déroulement de la formation que pour le recrutement des apprentis une fois qu’ils sont diplômés, ne sont consultés, dans cette organisation, que de manière marginale. Il en résulte une inadaptation des formations proposées aux besoins des entreprises, alors que ceux-ci évoluent de plus en plus rapidement.

Cette marginalisation des employeurs et l’insuffisante prise en compte des évolutions du marché du travail qui en résulte se retrouvent dans le dispositif actuel de certification professionnelle. Les certifications inscrites au Répertoire national de la certification professionnelle (RNCP) font l’objet d’une concertation faible avec les acteurs économiques, et comprennent des compétences parfois obsolètes par rapport aux besoins économiques. Ce manque de réactivité peut s’expliquer notamment par le fait que les organismes privés doivent justifier des données relatives à l’insertion professionnelle de leurs certifiés pour trois promotions pour obtenir l’inscription au RNCP.

À titre de comparaison, l’organisation de l’apprentissage en Allemagne repose sur trois grands principes : la responsabilité des entreprises, l’implication des partenaires sociaux et la référence à un métier dans la construction et la transmission de la qualification. Le volume et la structure de l’offre de places d’apprentissage, ainsi que les niveaux de rémunération des apprentis, y sont fixés par convention des branches. Il existe ainsi un lien organique entre la politique de formation et de qualification professionnelles des différents métiers, la régulation du marché du travail, la rémunération et la promotion des compétences ([15]).

Par ailleurs, on ne peut que déplorer la dispersion des actions d’accompagnement à l’apprentissage. Les offres de contrats ne sont ainsi pas nécessairement mises en commun, ce qui les rend peu lisibles pour les jeunes. La Cour des comptes, dans son rapport précité, relevait qu’une mise en commun des offres de contrats d’apprentissage associant Pôle Emploi, les missions locales et les chambres consulaires avait été organisée en Alsace, en Aquitaine, en Auvergne, dans les Ardennes, en Corse, en Franche-Comté, dans le Languedoc-Roussillon, dans la Meuse, en Haute-Garonne, dans le Nord-Pas-de-Calais, dans les Pays-de-la-Loire, en Provence-Alpes-Côte d’Azur et en Rhône-Alpes. La généralisation de cette pratique paraît aujourd’hui indispensable.

Enfin, la rapporteure estime qu’il conviendrait de redynamiser le dispositif des campus des métiers et de la qualification (CMQ). Créés en 2013, les CMQ sont des réseaux d’établissements de l’enseignement secondaire comme de l’enseignement supérieur qui articulent, sur un même territoire et concernant un même secteur d’activité, des formations relevant de la formation initiale comme continue, et de la voie scolaire comme de l’apprentissage. Les CMQ pourraient offrir à nos jeunes, mais aussi aux salariés souhaitant bénéficier d’une formation, la possibilité de rejoindre un pôle de compétences attractif et insérant, et permettraient de faciliter la mobilité des jeunes entre les différentes formations qu’ils proposent.

4.   Des jeunes insuffisamment informés et préparés

Les effectifs trop faibles de l’apprentissage par rapport aux possibilités d’insertion professionnelle qu’il propose s’expliquent, enfin, par des réticences des entreprises à recruter des apprentis. De fait, le public cible des formations en apprentissage apparaît insuffisamment préparé aux qualités qui sont attendues de lui dans ces formations et aux exigences des employeurs.

Cette difficulté s’explique en premier lieu par un manque de connaissance de l’apprentissage parmi les personnels chargés de l’orientation des jeunes, voire par des préjugés à son égard. L’apprentissage continue d’être en effet, dans l’esprit de nombreux enseignants, perçu comme une voie de relégation pour les élèves dont le niveau académique est le plus faible. Il en résulte des orientations inadaptées, que ce soit vers la voie de l’apprentissage ou vers les filières générales et technologiques des lycées. Les jeunes eux-mêmes, insuffisamment informés des caractéristiques de l’apprentissage, tendent à formuler leurs vœux d’orientation sur la base d’une information tronquée, voire erronée.

À cet égard, la rapporteure estime nécessaire d’intégrer dans la formation des enseignants, tant initiale – au sein des écoles supérieures du professorat et de l’éducation –, que continue, des modules spécifiques concernant l’apprentissage. Les « mini-stages » parfois proposés, sur la base d’initiatives locales, aux élèves des collèges au sein de centres de formation d’apprentis, gagneraient également à être plus répandus.

Une meilleure orientation des jeunes vers l’apprentissage devrait également passer par la création de passerelles entre la voie professionnelle du lycée et les formations en apprentissage. Il devrait être possible, pour les élèves de lycée professionnel en particulier, de rejoindre une formation en apprentissage à l’issue de la classe de seconde ou de la classe de première en faisant valoir les compétences déjà acquises au cours de leur scolarité en lycée professionnel. Ces passerelles devraient favoriser l’accès à l’apprentissage des jeunes qui sont le plus motivés par celui-ci.

Par ailleurs, en raison de leur âge, les jeunes qui se tournent vers une formation en apprentissage manquent souvent de la maturité nécessaire pour travailler en entreprise, ou présentent des compétences comportementales (soft skills) insuffisantes. Pour y remédier, la rapporteure considère que les dispositifs de préparation à l’apprentissage existants aujourd’hui, en particulier le dispositif d’initiation aux métiers en alternance (DIMA), devraient être rénovés et enrichis.

Toutefois, au-delà d’une meilleure orientation et d’une préparation plus efficace des jeunes, la rapporteure souhaite souligner qu’une hausse des effectifs de l’apprentissage ne pourra avoir lieu que si les entreprises accompagnent l’ambition portée par les pouvoirs publics et font preuve de bienveillance à l’égard des apprentis qui les sollicitent pour travailler en leur sein.

Concernant la diminution du nombre de jeunes sans emploi, elle estime qu’il conviendra de mener une politique efficace et coordonnée d’identification et d’accompagnement des NEET. Dans cette perspective, elle proposera d’ajouter au rapport du Gouvernement concernant les emplois francs, dont la remise a été inscrite en loi de finances pour 2018, un volet étudiant l’extension de ce dispositif aux contrats d’apprentissage. Le dispositif d’« apprentis francs » qui pourrait en découler permettra de valoriser les CFA et les entreprises engagées et responsables.


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   Conclusion

Michel Serres rappelait, lors d’une conférence prononcée à l’occasion des quarante ans de l’Institut national de recherche en informatique et en automatique (INRIA) ([16]), que l’évolution des technologies nous force à être intelligents. Les technologies révolutionnent en effet notre environnement de travail et nous poussent à développer de nouvelles compétences.

Être compétent dans son travail requiert un savant mélange de compétences techniques (les hard skills), comportementales (les soft kills), et sectorielles (soit la capacité à maîtriser les enjeux et la culture du  secteur d’activité dans lequel on évolue). Parmi les compétences qu’identifiait Michel Serres, la rapporteure retient plus particulièrement la collaboration à distance, la créativité, l’esprit d’initiative et la capacité à « apprendre à apprendre ».

Ancrer dans la réalité des compétences transversales nous semble être un des enjeux forts de la réussite de l’ensemble de notre système de formation tout au long de la vie. S’agissant de la formation initiale, la mise en cohérence de nos trois modes de formation est la clef de la réussite de la voie initiale. Former les enseignants dans une logique moins disciplinaire et plus transversale, leur permettre de découvrir lors de leur formation différents milieux professionnels afin d’illustrer l’importance de ces compétences transversales sont des pistes d’évolution qu’il semblerait intéressant d’étudier

 


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   TRAVAUX DE LA COMMISSION

La commission des Affaires culturelles et de l’Éducation examine pour avis le projet de loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel (n° 904), sur le rapport de Mme Sylvie Charrière, lors de sa séance du mardi 23 mai 2018.

I.   Discussion générale

M. le président Bruno Studer. Nous en venons à l’ordre du jour de cette matinée, qui prévoit l’examen des articles 4 (alinéa 29 à 40), 9, 10, 11, 14, 15 et 16 du projet de loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel (n° 904), dont notre commission s’est saisie pour avis. Ces dispositions concernent la réforme de l’apprentissage ainsi que l’organisation du système national d’orientation, de formation et de certification professionnelle ; elles relèvent en conséquence de la compétence de notre commission.

Désignée le 18 avril dernier, notre rapporteure Sylvie Charrière a réalisé de nombreuses auditions afin d’établir sa position sur les articles dont nous nous sommes saisis ; elle nous proposera tout à l’heure plusieurs amendements destinés à préciser ou améliorer le texte sur ces sujets essentiels pour l’avenir d’un grand nombre de nos jeunes concitoyens.

Je rappelle que ce projet de loi sera examiné au fond la semaine prochaine par la commission des affaires sociales et est inscrit en séance publique la semaine du 11 juin.

Mme Sylvie Charrière, rapporteure pour avis. Le boom technologique, les révolutions numérique et robotique ainsi que le développement d’une économie verte provoquent une évolution rapide des métiers ; 60 % de ceux qui seront exercés en 2030 n’existent pas encore. Il est donc nécessaire que les formations initiales soient très régulièrement actualisées, dispensent un socle solide de compétences transversales réinvestissables, et que chacun puisse se former tout au long de la vie afin d’être davantage flexible.

Le taux de chômage des jeunes en France, comparé à celui de l’Allemagne, est alarmant : 24,8 % en France, contre 7,8 % en Allemagne. On compte à l’heure actuelle plus de 1,3 million de jeunes qui ne sont ni en emploi, ni en formation, que l’on appelle les NEET (Not in Education, Employment or Training) ou les invisibles, et qu’il est très difficile d’aller chercher. Ce taux de chômage grimpe jusqu’à 40 % dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville. De plus, le nombre de ces NEET ne cesse d’augmenter par le fait que, chaque année, 100 000 jeunes sortent du système scolaire ou universitaire sans diplôme. Parallèlement, le taux de jeunes Allemands formés par la voie de l’apprentissage est trois fois supérieur au nôtre.

C’est à ces défis que répond le projet de loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel, par le biais d’une rénovation de notre système de formation professionnelle et d’apprentissage, une révision de notre système d’assurance chômage et une nouvelle gouvernance de la politique de l’emploi.

Ces réformes de l’apprentissage et de la formation professionnelle doivent permettre d’apporter une qualification et une protection supplémentaires à tous les actifs.

La formation professionnelle initiale en alternance, qu’elle passe par le lycée professionnel, par un centre de formation d’apprentis (CFA) ou par l’université, doit être mieux valorisée, mieux articulée, et bénéficier de l’engagement de chacun si nous voulons en faire une voie de réussite.

L’alternance est une voie qu’il faut promouvoir car la meilleure garantie contre le chômage reste le diplôme. En effet, 48,4 % des jeunes sortis sans diplôme ou avec uniquement le brevet des collèges sont au chômage. Autre indicateur à prendre en considération : un tiers des contrats d’apprentissage sont rompus. Or l’apprentissage est une voie qui insère : au 31 décembre 2017, on comptait 412 437 apprentis dans des centres de formation publics ou privés, dont 152 489 dans l’enseignement supérieur, du brevet de technicien supérieur (BTS) au diplôme d’ingénieur ; dans les sept mois qui suivent la fin du contrat d’apprentissage, sept apprentis sur dix trouvent un emploi, dont 60 % en CDI ; enfin, 80 % des employeurs se déclarent satisfaits des apprentis qu’ils recrutent, et les réembauchent à la fin du contrat.

Pour que la voie de l’apprentissage soit davantage choisie par nos jeunes, le premier grand défi à relever est de faire évoluer les mentalités des familles, des enseignants et des chefs d’entreprise, et de redonner confiance à l’ensemble des acteurs. Pour cela, nous disposons de plusieurs leviers.

Tout d’abord, sécuriser le statut de l’apprenti : celui-ci doit être assuré de trouver une entreprise et avoir un droit à l’erreur. Il faut lui laisser la possibilité de passer d’un CFA à un lycée professionnel et inversement, de changer de voie et, en cas de rupture de contrat, de finir l’année au CFA en poursuivant sa formation théorique.

Ensuite, faire en sorte que l’école se rapproche de l’entreprise, afin que toute la communauté ait une meilleure connaissance des formations, des métiers et des compétences nécessaires à l’insertion immédiate, mais aussi à l’insertion future. Bon nombre des personnes que nous avons rencontrées ont pointé l’orientation comme le problème essentiel. Cela suppose d’agir selon plusieurs axes.

Premier axe : mieux former les enseignants à l’accompagnement des jeunes, notamment à travers des stages en entreprise lors de leur formation initiale. Les élèves pourront ainsi découvrir ce monde que la plupart de leurs aînés n’ont jamais découvert, et dont ils se font une représentation parfois erronée.

Deuxième axe : dans un souci d’équité, mieux outiller les établissements dans l’élaboration des « parcours Avenir », en renforçant la présence des psychologues de l’éducation nationale, en donnant aux régions les moyens de construire, grâce aux compétences des délégations régionales de l’Office national d’information sur les enseignements et les professions (DRONISEP), une information solide et actualisée à travers de nombreux supports et actions dans les établissements – visites de professionnels, forums des métiers, vidéos.

Troisième axe : montrer que cette voie est « insérante », en rendant publiques les statistiques concernant les taux d’insertion, de réussite au diplôme, de poursuite de parcours pour les CFA mais aussi pour les lycées professionnels. Ainsi, toute la communauté éducative pourra se rassurer sur le fait que l’on peut réussir en empruntant cette voie, et qu’une poursuite d’études est possible. Je vous proposerai d’ajouter à ces indicateurs les taux de rupture de contrats et la valeur ajoutée des établissements, afin de mettre en avant ce que chaque CFA peut mettre en place pour accompagner les jeunes.

Mieux valorisée, cette voie doit aussi être mieux articulée.

Les transformations du monde économique appellent, en amont de l’insertion professionnelle, une évolution des formations plus réactive aux besoins de l’économie, et une plus grande adaptabilité des personnes sortant du système éducatif.

Du côté de la simplification administrative, il a paru nécessaire d’alléger les procédures de rupture de contrat pour les apprentis : c’est le sens de la fin du passage aux prud’hommes, qui donnera à ces jeunes plus de flexibilité dans leurs choix.

Ensuite, dans un souci de simplification et d’efficacité, il a semblé plus pratique de confier la gouvernance à un opérateur unique, quadripartite, qui rassemblera tous les acteurs : État, région, organisations syndicales et patronales, personnalités qualifiées. Cette gouvernance concernera entre autres le financement, mais il nous a semblé également important que France compétences puisse davantage cadrer ce qui se passera en matière d’orientation.

En simplifiant les conditions d’ouverture et de fermeture des CFA, il devrait être plus facile de s’adapter, et ce de manière bien plus réactive, aux besoins des compétences au niveau local.

Le même souci d’opérationnalité doit prévaloir pour ce qui est du « sourcing » et du « matching », en s’appuyant sur les outils numériques afin de permettre aux trois protagonistes, jeunes, CFA et entreprises, de se rencontrer. On pourrait même, dans un souci d’amélioration du système, imaginer que le jeune puisse porter un avis sur son CFA, voire sur l’entreprise qui l’a accueilli.

Les branches se verront accorder plus de poids dans la définition des diplômes : elles représenteront plus de 50 % de l’effectif total des commissions professionnelles consultatives. En instaurant une révision des diplômes tous les cinq ans et en demandant un avis conforme aux commissions professionnelles consultatives au sein de France compétences sur les projets de création et de suppression de diplômes, l’État veut s’assurer de l’effectivité de l’insertion professionnelle permise par ces diplômes. Néanmoins, il faudra prendre garde à ce que les compétences transversales qui découlent des situations de travail et des activités exercées, des métiers ou emplois visés, intègrent bien des compétences d’adaptabilité.

Cette voie nécessitera aussi l’engagement et la mobilisation de chacun, dans le monde professionnel, les régions et le monde éducatif.

Au sein du monde professionnel, les branches auront une grande responsabilité car elles devront être en mesure, notamment grâce à leur observatoire, de mener une analyse prospective sur la situation de l’emploi à venir et sur la définition des besoins en compétences des entreprises et, par conséquent, sur l’élaboration des titres et diplômes et sur leur articulation en blocs de compétences. Les futurs opérateurs de compétences devront accompagner les branches les plus fragiles.

De leur côté, les entreprises devront se mobiliser et s’engager en embauchant des apprentis et en acceptant aussi que les maîtres d’apprentissage se forment.

Les régions, elles aussi, devront s’engager à travers le contrat de plan régional de développement des formations et de l’orientation professionnelles (CPRDFOP), qui ne sera pas seulement une formalité administrative, mais un plan d’action au service de la formation et de l’insertion des jeunes. Il mettra en relation tous les acteurs : les points jeunesse, les missions locales, Pôle Emploi, les écoles de la deuxième chance, les associations comme « Nos quartiers ont du talent », etc. C’est ainsi que l’on récupérera et qu’on ira chercher nos NEET. Les régions doivent également se donner le moyen de vérifier l’effectivité de la mise en œuvre de ces CPRDFOP, et leur efficacité.

L’idée que la compétence, le capital humain, l’enrichissement de chacun est la clé de la réussite de notre société doit trouver sa concrétisation dans un lieu emblématique : les campus des métiers et de la qualification.

De nombreuses régions ont déjà créé de tels pôles de compétence dans un bassin économique identifié, mais elles devront aller encore plus loin, en rassemblant sur un lieu proche toutes les voies et niveaux de formation, du CFA au lycée professionnel ou général, jusqu’aux écoles d’ingénieurs et aux universités. Cela permettra de créer des passerelles et de donner à chacun des perspectives pour poursuivre ses études, en formation initiale ou continue. Pour être attractifs, ces campus devront proposer aux jeunes des activités sportives et culturelles, mais aussi et surtout des modes d’hébergement : les problèmes de mobilité constituent des freins majeurs au développement de l’apprentissage.

L’engagement vaut aussi pour le monde éducatif : en concluant des conventions entre eux, les lycées professionnels et les CFA permettront aux jeunes de construire des parcours de formation qui correspondront mieux à leur niveau de maturité : maturité à choisir sa voie, à entrer dans le monde du travail, tout en leur donnant la possibilité de se réorienter. Nous devons leur offrir un véritable droit à l’erreur.

Le parcours régional de préparation à l’apprentissage (PREPA) qui est proposé dans ce texte de loi donne au jeune arrivant en CFA ou en lycée professionnel la possibilité d’acquérir les compétences comportementales et les compétences de base qui lui manquent, pour trouver un patron, démarrer son apprentissage et affiner son projet. Il est important de proposer aux jeunes qui décrochent en collège une structure mettant en avant, grâce à des pédagogies innovantes, des compétences telles que la collaboration, la créativité, l’esprit d’initiative, et qui s’appuient sur le concret, sur le « faire pour apprendre ». Cette classe devra également les aider à découvrir le monde de l’entreprise et ainsi à mieux définir leur projet personnel et professionnel.

Par ailleurs, il est important que lors des phases d’orientation en troisième, les enseignants n’aient pas un sentiment d’échec si le jeune part vers la voie professionnelle, et que le chef d’établissement ne soit pas évalué en fonction de ses taux de passage en seconde générale mais bien sur la poursuite de formation des élèves, quelle que soit la voie choisie. L’important est que leur accompagnement ait permis à chacun de bien définir son projet.

Mme Cécile Rilhac. Madame la rapporteure, merci de votre travail sur ce projet de loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel, qui montre clairement les enjeux de cette réforme. Pour avoir eu le plaisir de vous accompagner à quelques auditions, je connais votre maîtrise du sujet et votre implication.

Notre pays connaît plusieurs mutations et transformations. Nos entreprises, notre jeunesse, notre système éducatif, tous attendent de nous une transformation profonde, qui nous oblige à bousculer nos habitudes, à réformer, à innover en ayant toujours à l’esprit l’inclusion sociale et l’insertion professionnelle. Cette inclusion sociale et cette insertion professionnelle ne se feront que si l’on prépare un meilleur avenir professionnel à nos jeunes. Il s’agit de développer et de faciliter l’accès à la formation, dans un souci d’équité et de liberté professionnelle et dans un cadre organisé collectivement et soutenable financièrement.

Oui, ce projet de loi entend poursuivre la dynamique de transformation du marché du travail en organisant une rénovation en profondeur du système de formation professionnelle et de l’apprentissage. Notre commission s’est saisie pour avis de certains articles au titre de sa compétence en matière d’éducation et votre rapport pour avis vient naturellement enrichir les objectifs ambitieux de ce projet de loi. Le groupe La République en marche amendera également ce texte afin de l’améliorer encore.

Vous l’avez rappelé à juste titre, le chômage qui affecte nos jeunes dépasse les 20 %. Il est donc deux fois plus élevé que pour l’ensemble des actifs, alors même que bien des entreprises peinent à recruter sur certains secteurs. Près de 100 000 jeunes seraient sortis du système de formation initiale sans diplôme en 2016 ; ils seraient 80 000 en 2017. Cet important décrochage scolaire s’explique, entre autres, par une mauvaise adéquation des formations aux besoins de l’économie, et notamment par notre manque de réactivité à faire évoluer certains diplômes en fonction des besoins des entreprises.

Par ailleurs, les transformations majeures que connaissent aujourd’hui des secteurs entiers de notre économie, en raison des révolutions numérique et robotique et de l’émergence d’une économie plus sobre en ressources, ont des effets considérables sur les organisations du travail. Les métiers, et donc les compétences attendues, sont en évolution constante. Nos formations initiales, et plus particulièrement les formations professionnelles, doivent désormais tenir compte de ces mutations.

Ce texte doit être accompagné d’un message politique fort, afin de corriger l’image dégradée qu’a aujourd’hui l’apprentissage, qui est pourtant une voie d’excellence. L’apprentissage, comme la formation professionnelle, ont des atouts tant au niveau des compétences qu’elles développent, que des possibilités d’insertion professionnelle, voire d’évolution sociale, qu’elles proposent.

Les différentes inspections générales – éducation nationale, affaires sociales, enseignement supérieur, administration – soulignent dans leur rapport sur les freins non financiers au développement de l’apprentissage l’hostilité dont l’apprentissage fait l’objet de la part d’une partie des enseignants, méfiants vis‑à‑vis du monde de l’entreprise, ainsi que leur méconnaissance des formations en alternance. Nous devons donc faire œuvre de pédagogie afin de contrer cette mauvaise image.

Ce texte met ainsi en avant l’importance de l’acquisition des compétences professionnelles en créant la possibilité d’acquérir des blocs de compétences qui pourront être valorisés sur le marché du travail, même sans l’obtention du diplôme. Cela peut paraître un détail, mais cela a une grande importance notamment pour nos jeunes en situation de handicap ou en reconversion professionnelle.

Je terminerai mon propos en mettant en avant l’inscription, dans la loi, de la complémentarité des apprentissages théoriques et pratiques des formations professionnelles, qui contribuent à développer l’aptitude à poursuivre ses études. Les notions de parcours d’excellence et de voie de la réussite sont clairement affirmées ; c’est donc naturellement que le groupe La République en Marche, qui partage les conclusions de votre rapport, soutiendra ce texte.

M. Frédéric Reiss. Je voudrais tout d’abord remercier notre rapporteure pour le travail qu’elle a accompli. Développer l’apprentissage et la formation par alternance est une rengaine que l’on entend depuis plus de vingt ans. Ce projet de loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel sera-t-il la bonne réponse à la revalorisation des filières professionnelles ? Nous sommes en tout cas persuadés, au groupe Les Républicains, que l’apprentissage est effectivement une voie d’excellence.

Le CFA sont désormais assimilés à des organismes de formation. Leur création sera libre, et le coût unique du contrat fixé par les branches devra permettre de financer l’ensemble des contrats d’apprentissage.

Les modèles allemand et danois ont confié depuis longtemps, et avec un certain succès, l’apprentissage aux branches professionnelles. Mais en France, les branches sont en phase de réorganisation, ce qui suscite quelque inquiétude. Seules quelques-unes d’entre elles sont prêtes à remplir leurs nouvelles missions : fixer le coût du contrat et axer la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences sur le développement de l’apprentissage. De futurs opérateurs de compétences se substitueront aux actuels organismes paritaires, les organismes paritaires collecteurs agréés (OPCA), ce qui pourrait aussi porter préjudice à l’apprentissage.

Les régions, il faut bien l’avouer, sont reléguées au second plan. Certes, elles auront une compétence de régulation et d’aménagement du territoire, notamment pour financer les métiers rares ou certains CFA ruraux. Mais le risque majeur est de voir émerger des CFA urbains dans lesquels vont se concentrer les métiers rentables, au détriment de la ruralité ou de métiers pour lesquels les coûts de formation sont plus élevés.

Qu’en sera-t-il des relations entre les lycées professionnels et les CFA ? À titre personnel, j’ai toujours été favorable au renforcement des articulations entre la voie scolaire générale et l’apprentissage. Le texte prévoit au moins une section d’apprentissage dans chaque lycée professionnel. Sans doute cela favorisera-t-il les passerelles ou la mutualisation de plateaux techniques ; mais les lycées professionnels n’ont pas besoin d’être certifiés et n’ont pas à supporter le coût de leurs professeurs. Comment ce double avantage va-t-il se traduire à l’avenir ?

Nous avons le sentiment que l’on navigue à vue : alors que les régions devaient financer directement la péréquation, la ressource va finalement transiter par France compétences, un établissement public créé à l’article 16. Cela nous inquiète.

Les régions ne seront plus responsables d’un schéma régional des formations en alternance, ce qui était tout à fait intéressant. Elles ne récupèrent aucune compétence en matière de conseil en évolution professionnelle. Certes, elles reçoivent quelques miettes avec l’information sur les métiers, mais en aucun cas une compétence générale en matière d’orientation.

Ce projet de loi suscite encore beaucoup d’interrogations, notamment sur la gouvernance de France compétences, qui est renvoyée à un décret. La situation alarmante de l’Agence nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA) n’est pas un précédent de bon augure, et l’étatisation assumée de la formation professionnelle par le biais de France compétences ne nous rassure pas.

M. Philippe Berta. Mes chers collègues, dans son programme, le Président de la République promettait de réformer en profondeur l’apprentissage pour faciliter l’insertion professionnelle des jeunes et transformer enfin notre économie. Nous y voici ! L’enjeu est central car l’apprentissage, s’il souffre de son image, n’en est pas moins une voie de formation inégalable, qui compte 80 % de réussite. C’est aussi un facteur d’intégration sociale remarquable, puisque la quasi-totalité des apprentis finissent par intégrer leur entreprise. C’est enfin une grande opportunité professionnelle, dans la mesure où 42 % des chefs d’entreprises artisanales sont issus de l’apprentissage.

L’orientation est une autre promesse, un autre défi majeur de ce quinquennat. Nous nous y sommes attelés dès l’automne dernier, avec la loi relative à l’orientation et à la réussite des étudiants, qui a mis en place les conditions d’une orientation efficace et personnalisée dans l’enseignement supérieur. Jean-Michel Blanquer en a fait une priorité dans l’enseignement secondaire.

Par le texte que nous examinons aujourd’hui, nous réaffirmons encore une fois le souhait de la majorité de permettre aux jeunes de faire des choix éclairés par une information et une orientation renouvelées.

Le groupe du Mouvement Démocrate et apparentés soutient pleinement ces deux objectifs stratégiques, poursuivis par les articles du projet de loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel dont notre commission s’est saisie. Il se félicite ainsi des avancées concrètes contenues dans ce texte : l’ouverture de l’apprentissage aux personnes de seize à trente ans, la facilitation de l’exécution des contrats d’apprentissage, le rôle renforcé des régions dans l’orientation, les nouvelles modalités de financement ou encore la création de France compétences.

Afin que ce texte atteigne pleinement ses cibles, nous proposerons quatre amendements qui nous semblent essentiels pour que cette réforme porte ses fruits.

Le premier visera à éviter des situations de blocage qui peuvent naître de l’obligation de cosignature lors d’une rupture de contrat à l’initiative de l’apprenti mineur. Afin de ne pas pénaliser l’apprenti dont la situation familiale ne permettrait pas cette cosignature, par lui et par son représentant légal, nous proposerons que l’autorité parentale s’exerce par un droit d’opposition à la conclusion d’un acte de rupture.

Notre deuxième amendement a pour objectif d’assurer la cohérence et la pertinence de l’information et de l’orientation délivrées au jeune. Pour ce faire, nous proposerons de renforcer les liens entre les régions et les entreprises, qui offrent une vision indispensable sur les débouchés existant sur les territoires, ainsi que les liens entre les régions et les enseignants en charge de l’orientation, qui accompagnent les élèves au quotidien.

Nous proposerons également de généraliser l’expérimentation prévue à l’article 10, afin que les régions disposent des ressources humaines nécessaires pour mener à bien leur mission d’orientation.

Enfin, parce que les dispositifs les plus simples et les plus lisibles sont souvent les meilleurs, nous proposerons de conserver et d’améliorer l’inventaire des compétences plutôt que de lui substituer un répertoire spécifique. Ce changement de dénomination nous paraît être un facteur de confusion, peu utile, pour des acteurs en quête de simplification.

Vous l’aurez compris, le groupe du Mouvement Démocrate et apparentés relève dans les dispositifs proposés des axes d’amélioration, et défendra ses positions pour enrichir le texte. Il n’en soutiendra pas moins cette grande réforme qui porte avec justesse une ambition fondamentale pour notre société : permettre à notre jeunesse de s’épanouir professionnellement dans l’ensemble de nos territoires.

Mme Béatrice Descamps. Madame la rapporteure, je vous remercie tout d’abord de la qualité de votre travail.

Notre commission s’est saisie pour avis sur plusieurs articles du projet de loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel. Malgré des financements considérables depuis de nombreuses années – environ 32 milliards d’euros en 2015 – nos résultats en matière de formation professionnelle sont très médiocres : de fait, les dépenses publiques de formation professionnelle et d’apprentissage représentent 0,22 % du PIB en France, contre 0,20 % en Allemagne, et 0,14 % en Suède, sans que ces dépenses aient fait la preuve de leur efficacité, loin s’en faut.

Aujourd’hui, le taux des formations certifiantes parmi les formations financées par les entreprises, n’est que de 20 % ; c’est le plus bas d’Europe. Il en est de même du taux de formations certifiantes pour les personnes en recherche d’emploi, qui culmine péniblement à 38 %.

En même temps, même si le taux d’insertion professionnelle au terme d’un contrat d’apprentissage est élevé, puisqu’il est en moyenne de 70 % sept mois après la fin du contrat, le taux de rupture des contrats d’apprentissage reste significatif : il concernait près d’un tiers des contrats en 2016.

Le nombre d’embauches d’apprentis diminue, malgré l’objectif de 500 000 entrées en apprentissage fixé sous le quinquennat précédent. De moins en moins de jeunes entrent dans un dispositif de pré-apprentissage. Je pense notamment au dispositif d’initiation aux métiers en alternance choisi par 5 500 jeunes en 2015, soit une réduction de 50 % au cours des dix dernières années.

Les réformes successives de la formation professionnelle continue n’atteignent pas le but recherché, et elles ont même des conséquences paradoxales : ce sont les individus les mieux formés et les plus à même de s’orienter dans le maquis des formations disponibles qui en profitent. En revanche, ceux qui sont le plus éloignés de l’emploi, et qui auraient le plus besoin d’accompagnement pour remettre le pied à l’étrier, n’en bénéficient pas.

Aujourd’hui, notre système de formation professionnelle fonctionne quasiment en vase clos. On a oublié les salariés, les chômeurs, alors qu’ils devraient être au centre de toutes les politiques menées en ce sens. La formation professionnelle doit retrouver sa finalité première : être un levier économique.

Ce projet de loi répond à l’objectif ambitieux d’adapter notre système aux transformations majeures que connaît notre économie, à l’heure des révolutions numérique et robotique. En l’état actuel, nous ne sommes pas convaincus qu’il règle les problèmes que je viens de soulever. Cela étant, il comprend des mesures de simplification bienvenues qui apporteront davantage de clarté et de visibilité à l’ensemble des acteurs. Je pense notamment à la réforme du contrat d’apprentissage, qui est rapproché du droit commun des contrats de travail.

Nous sommes cependant plus réservés sur la suppression de la compétence régionale en matière d’apprentissage. Puisque la région connaît ses bassins d’emploi et les spécificités de l’aménagement du territoire, et qu’elle est compétente en matière de développement économique, le maintien de sa compétence en matière d’apprentissage est parfaitement cohérent avec ses compétences en matière de formation professionnelle des demandeurs d’emploi et de développement économique. Éloigner les régions des prises de décisions s’avérera infructueux.

Mme Josette Manin. Monsieur le président, Madame la rapporteure, Mesdames et Messieurs, un an après avoir flexibilisé le marché du travail par des ordonnances, ce projet de loi devait constituer le volet de la réforme apportant de la sécurité pour les salariés. À notre avis, il n’en est rien.

Dans ce mastodonte législatif de près de soixante-dix articles, notre commission n’examinera que les dispositions relatives à l’alternance.

Disons-le clairement : cette réforme induit de nouveaux risques et des craintes chez les acteurs du secteur. On peut d’ailleurs souligner la position inédite du Mouvement des entreprises de France (MEDEF), alors que le Gouvernement nous propose de tout déréguler en pensant que le marché viendra répondre aux besoins.

Nous sommes inquiets car vous nous faites passer d’un service public non marchand à une activité marchande. Cela aura pour résultat de déstabiliser les CFA, tout particulièrement ceux de petite taille. C’est parce que la gestion de l’apprentissage serait trop administrée que vous décidez de la bouleverser. N’oubliez pas que l’apprentissage sert à former des citoyens. Il faut le protéger, et la régulation publique est indispensable pour répondre aux besoins sociétaux.

Différentes instances nous ont clairement alertés sur les inquiétudes qu’ils avaient à propos de ce texte. Les écouter aurait permis d’éviter deux écueils.

Nous rappelons que les formations ont des coûts et des besoins qui sont fonction des spécificités des territoires. En finançant l’apprentissage au contrat plutôt qu’au forfait, on sera dans une méthodologie particulièrement floue. La mécanique risque d’avoir des effets pervers : les CFA les mieux équipés pourraient être privilégiés, alors que les CFA les moins dotés ou positionnés sur les métiers rares ou émergents seraient délaissés, aggravant la fracture territoriale.

La carte des formations est supprimée, ce qui risque de créer des effets de concurrence territoriale. Selon Régions de France, les CFA seraient plus de 700 à disparaître, sachant que nous n’avons pas d’estimations exactes pour les outre‑mer, notamment pour mon territoire, la Martinique. Pourtant, le Président de la République veut développer les CFA dans les banlieues. Je ne vois pas comment cela pourrait fonctionner avec une telle logique.

Mes chers collègues, alors que tous les acteurs disent que cette réforme est inappropriée aux besoins, nous devons repenser l’espace de dialogue entre les CFA et les régions, et recréer la carte des formations professionnelles.

Aujourd’hui, alors que les contrats de professionnalisation sont gérés par les branches professionnelles, les résultats ne sont pas forcément les meilleurs. Comment peut-on imaginer que le privé ferait forcément mieux que le public ? La question de la capacité et de l’existence des branches professionnelles dans tous les territoires a-t-elle seulement été posée ?

Dans les outre-mers, où le tissu économique est composé à plus de 80 % de très petites entreprises, il n’y a que très peu de branches. Comment seront-elles en mesure de prendre en charge leurs nouvelles missions ?

Sur l’engagement de redistribuer 5 % de la cotisation alternance vers les régions, la question reste en suspens. Comment seront redistribués les 250 millions d’euros promis ? Nous avons une idée des territoires qui seront à nouveau délaissés ; je pense particulièrement aux outre-mer.

De même, c’est la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques qui appuierait la création de nouveaux CFA. Sachant qu’elle ne s’appliquera pas dans les départements d’outre-mer, devrons-nous attendre un changement dans la gestion de la taxe spéciale de consommation sur les carburants, dont le taux et les exonérations seront fixés par le conseil régional ?

Cette réforme témoigne malheureusement une nouvelle fois de la méthode de notre gouvernement, qui consiste à passer en force. La sagesse commanderait, sur ce sujet comme sur d’autres, de ne brusquer ni les professionnels ni les salariés, ni les demandeurs d’emploi ni les entreprises, ni même les collectivités.

Mme Sabine Rubin. Si je devais trancher par une formule, ce serait celle‑ci : asservir l’apprentissage, mais également l’orientation, aux besoins de l’entreprise, voilà toute votre réforme. Cela ne nous convient évidemment pas !

S’agissant de l’apprentissage, ce texte est vicié dans son principe même : l’apprenti n’acquerra plus des savoirs théoriques et pratiques dans la perspective d’un diplôme national, mais seulement de l’employabilité, qui plus est bon marché pour les entreprises. J’en veux pour preuve le contrôle du contenu pédagogique : il pourra être assuré par des représentants de chambres consulaires et des branches. En outre, par voie d’expérimentation, le contenu pédagogique du contrat d’apprentissage pourra être librement défini par l’employeur. Qu’adviendra-t-il du diplôme national permettant à tous de disposer d’un savoir et de garanties sociales identiques ?

Vous le soulignez, il est impossible de prévoir les emplois de demain ; pourtant, cette réforme enferme les apprentis dans des blocs de compétences spécifiques à une entreprise, alors qu’il leur faudrait posséder les connaissances et les pratiques d’un métier.

Mes chers collègues, dans votre français libéral, être employable, ce n’est pas pouvoir postuler à un emploi partout sur le territoire, mais plutôt faciliter les ruptures de contrat pour l’employeur. Votre employabilité, c’est la libéralisation de la formation des apprentis et CFA, qui seront de plus en plus subordonnés aux desiderata des entreprises et des branches professionnelles.

Par ailleurs, alors que vous ne cessez de faire valoir la nécessité de mobilité ou d’ « agilité » des travailleurs, cette réforme régionalise l’orientation, assignant les apprentis à des territoires en fonction des besoins de main-d’œuvre des entreprises locales.

Parallèlement, vous cassez le service public national de l’information et de l’orientation : les missions de l’Office national d’information sur les enseignements et les professions (ONISEP) et des centres d’information et d’orientation (CIO) vont bien au-delà de la simple valorisation des opportunités d’emplois locaux !

Cela dit, votre projet de loi est parfaitement en phase avec votre politique de casse des statuts et de fragilisation des conditions de travail. Vous ne considérez l’homme que comme une machine à produire – et si possible à moindre coût. Il sera désormais permis de déroger à la durée maximale de travail quotidien, deux heures de travail supplémentaires étant autorisées pour les apprentis. Tant pis si cela rompt entre-temps le fragile équilibre  entre travail, repos, loisirs et études… Je vous rappelle que nous parlons d’apprentis : ce ne sont pas des salariés comme les autres. Ils sont dans un temps d’éveil, de construction de soi et de formation qui suppose la plus grande attention et des conditions de travail décentes.

En outre, vous légiférez alors qu’aucun bilan n’a été tiré des expérimentations. Les différents acteurs de l’apprentissage rencontrent des difficultés, notamment du fait de son manque d’attractivité. Je ne suis pas sûre que les mesures dont je viens de parler l’améliorent ! En revanche, proposer comme nous le faisons un véritable statut de tuteur en entreprise pourrait constituer une avancée.

Enfin, ce projet de loi nous fait craindre l’avènement du tout‑apprentissage au détriment des filières des lycées professionnels.

Mme Marie-George Buffet. Chère collègue, je vous remercie de ce rapport. La voie professionnelle est souvent vécue par les jeunes comme une orientation de relégation. C’est malheureusement souvent le cas. Chacun connaît les lycées de sa ville et chacun sait où vont massivement les jeunes, selon leurs origines sociales. C’est cette réalité qu’il faut transformer pour tous les enfants, quelle que soit leur origine sociale.

On parle de l’image dégradée de l’apprentissage et de certains lycées professionnels. Je n’ai pas l’impression que ce projet de loi va améliorer les choses puisque vous affaiblissez la réglementation qui protège les apprentis. Or ce ne sont pas des salariés comme les autres, du fait de leur âge et parce qu’ils sont en formation. Leur contrat pourra désormais être de six mois, leur durée de travail hebdomadaire de quarante heures, le travail de nuit sera autorisé et il ne sera plus possible d’aller aux prud’hommes pour vérifier que l’employeur a respecté ses obligations en cas de rupture de contrat ! Je ne me vois pas conseiller cette voie à mes petits‑enfants.

Par ailleurs, la compétence en matière d’apprentissage est transférée aux branches professionnelles et l’ouverture des CFA libéralisée – une simple déclaration d’activité sera désormais suffisante. Une véritable déréglementation de la construction des diplômes se met en place avec ce transfert de la certification aux branches ! Tout cela crée de l’inquiétude chez les différents acteurs.

Enfin, le rattachement des CFA aux branches professionnelles ne constitue-t-il pas un danger pour les lycées professionnels ? Vous évoquez des garanties. Certes, comme les lycées d’enseignement général, les lycées professionnels restent sous la tutelle de l’État. C’est heureux ! Mais n’est-on pas en train de les fragiliser ?

Enfin, on a l’impression qu’on transfère partiellement la compétence en matière d’orientation aux régions pour compenser la fin de leur compétence en matière d’apprentissage, Mais l’orientation est la clé de la réussite scolaire et le cœur des difficultés actuelles ! Ce désengagement de l’État au profit des régions n’est pas un bon signal.

Mme Béatrice Piron. Mon intervention a trait à l’article 15 du projet de loi et plus particulièrement aux mesures concernant les jeunes sortis du système scolaire sans qualification et les personnes à la recherche d’emploi disposant d’un niveau de qualification inférieur ou égal au baccalauréat.

En tant que présidente du groupe d’études sur l’illettrisme, je souhaiterais évoquer ce sujet : environ 4 % des jeunes entre 18 et 25 ans sont en situation d’illettrisme, sans qualification et sans diplôme. Or l’apprentissage de la lecture et de l’écriture est la première des qualifications en milieu professionnel. Actuellement, les régions sont compétentes en matière de lutte contre l’illettrisme sur leur territoire, en application de l’article L. 122-2 du code de l’éducation. Les solutions mises en œuvre sont variables d’une région en l’autre, comme d’ailleurs les pourcentages de populations touchées par ce fléau.

Ne serait-il pas opportun de mettre en œuvre des programmes nationaux prioritaires de formation pour ces publics spécifiques et de le mentionner explicitement dans ce projet de loi ? Quels dispositifs pourrions-nous envisager pour détecter et former les jeunes qui sortent du système scolaire sans qualification ? Cette question est d’autant plus urgente que, parmi ces publics, il est difficile de distinguer ceux qui savent déjà lire, écrire et compter correctement, mais qui n’ont pas de diplôme, de ceux qui sont réellement en situation d’illettrisme.

Mme Frédérique Meunier. Votre rapport dresse plusieurs constats. Le premier est celui de l’abandon de l’apprentissage pendant de trop longues années par l’éducation nationale – enseignants et conseillers d’orientation –, par les parents et par les enfants, qui le considéraient malheureusement comme une voie de garage. Nous en payons aujourd’hui le prix fort : il n’est qu’à comparer le taux de chômage de nos jeunes avec celui observé en Allemagne. Votre deuxième constat concerne l’évolution des métiers, liée au numérique et à l’émergence de l’intelligence artificielle. Nos jeunes ne feront plus le même métier toute leur vie. Le troisième constat, c’est celui de l’urgence à moderniser notre enseignement, en revalorisant les filières techniques et en adaptant les apprentissages aux métiers de demain. Ce projet de loi prend-il suffisamment en compte ces évolutions ?

M. Gabriel Attal. Madame la rapporteure, je vous remercie de ce rapport éclairant. Cent mille jeunes déscolarisés et sans diplôme en 2016 et un taux de chômage des 16-25 ans de près de 25 % – mais deux fois plus dans certains quartiers : le constat est sans appel.

L’apprentissage est une solution ; votre rapport en rappelle l’importance, mais également ses difficultés comme son image dégradée ou la précarisation des jeunes liée aux ruptures de contrat. Je voulais revenir sur ce dernier point : les ruptures de contrat entraînent trop souvent une déscolarisation et un éloignement durable de l’emploi. Le projet de loi vise à organiser davantage de passerelles et à sécuriser les contrats en donnant aux jeunes des outils pour se préparer à l’apprentissage. Comment va-t-il nous permettre de progresser en matière de sécurisation des contrats et de préparation des jeunes à l’apprentissage ?

Mme Emmanuelle Anthoine. Ma question porte sur la création des CFA sur simple déclaration d’activité. Vous le savez, cela aura pour conséquence de retirer aux régions la maîtrise de ce sujet. Par ailleurs, en faisant le choix de financer l’apprentissage au contrat, vous exposez les territoires à un risque majeur : celui de voir les CFA urbains ou formant aux métiers les plus rentables se développer au détriment des zones rurales et des métiers dont le coût de formation est plus important. Ces derniers seraient alors exclus de l’offre d’apprentissage.

Cette réforme va profondément désavantager les territoires ruraux et périurbains. Les premières victimes seront les jeunes de ces territoires, qui souffriront d’un déficit d’offres de formation de proximité. Les entreprises et les territoires ruraux et périurbains seront aussi pénalisés puisqu’on ne trouvera plus sur place la main d’œuvre nécessaire.

Ne peut-on corriger ce biais en rétablissant un mode administré de formation et la compétence générale des régions en matière d’apprentissage, en confiant conjointement aux régions et aux branches la coconstruction d’une stratégie régionale comportant une cible pluriannuelle révisable annuellement ?

M. Gaël Le Bohec. Je vous remercie de ce rapport, structuré et clair. Vous y évoquez le nécessaire renforcement des liens entre école et entreprise. Le projet de loi aborde‑t-il la question de la formation initiale et continue des enseignants, des apprenants et des encadrants ? Il est fondamental de maintenir ce lien et de développer les opportunités pour que les enseignants, accompagnants ou tuteurs, puissent effectuer des stages en entreprise. Même lorsque ces opportunités existent, j’ai noté lors des auditions qu’elles n’étaient pas toujours saisies.

Comment pourrait-on dresser une liste de l’ensemble des bonnes pratiques ? L’association « Entreprendre pour apprendre » réalise un formidable travail en direction des jeunes éloignés du monde de l’entreprise. Mais d’autres initiatives existent. Comment resserrer ce lien entre l’enseignement et l’entreprise, qui permettrait de développer d’intéressantes compétences ?

Enfin, les écoles de production réalisent un travail extraordinaire avec des élèves très éloignés du monde du travail, et leurs taux d’insertion sont encore meilleurs que ceux des CFA. Que pensez-vous de ces écoles ?

Mme Valérie Bazin-Malgras. Ce projet de loi confie l’apprentissage aux branches professionnelles – sur le modèle commun à l’Allemagne et au Danemark, deux pays champions de l’apprentissage. Pourquoi pas ? À ceci près que les branches sont encore en phase de réorganisation en France : elles passeront de quatre cents à deux cents en août 2019. Du fait de ce grand chamboule-tout, elles ne sont pas toutes opérationnelles : moins d’une dizaine est en réalité prête à remplir la nouvelle mission que vous leur confiez. Ne devrions‑nous pas conserver la compétence générale des régions sur l’apprentissage, qui est d’autant plus pertinente si l’on raisonne au niveau des bassins d’emploi ?

Mme Sylvie Charrière, rapporteure pour avis. Madame Piron, vous évoquez l’illettrisme. Le premier des combats, c’est que les jeunes sortent du collège en ayant acquis le socle commun, notamment la maîtrise de la langue française. Plusieurs mesures phares ont été mises en place, qui, de l’avis unanime, portent leurs fruits : ainsi le dédoublement des cours préparatoires (CP), qui constitue la première pierre de l’édifice. De même, le dispositif de la classe de préparation à l’apprentissage – dite « prépa apprentissage » – prévue par le projet de loi permettra l’acquisition et le renforcement des compétences transversales indispensables de ces élèves : les boulangers vous expliqueront, par exemple, qu’ils ne peuvent pas prendre en apprentissage des élèves incapables de calculer des proportions ou de faire des additions… Ces prépas pourront durer jusqu’à une année en CFA ou en lycée professionnel, afin que les jeunes concernés maîtrisent les savoirs fondamentaux – lire, écrire, compter et savoir se comporter. Sur ce dernier point, beaucoup d’acteurs entendus en audition ont pointé les difficultés comportementales de certains élèves, sources de décrochage et de rupture de contrat.

Je vous proposerai par ailleurs de faire évoluer le dispositif d’initiation aux métiers en alternance (DIMA) vers une nouvelle « prépa-métiers ». Au collège, grâce à des pédagogies de projet innovantes, il s’agira d’aider les jeunes décrocheurs à se remotiver, à retrouver du sens et à retrouver un certain niveau pour ensuite pouvoir s’orienter vers la voie professionnelle. Les compétences transversales qui y seraient acquises recouvrent évidemment la maîtrise de la langue française.

Madame Meunier, vous vous interrogez sur la réactivité des branches par rapport à l’évolution des compétences et des diplômes. C’est l’intérêt de réévaluer les formations et les diplômes tous les cinq ans. Par ailleurs, la publication des statistiques et des taux d’insertion pousseront les lycées professionnels et le ministère de l’éducation nationale à se poser des questions sur « l’insérabilité » des diplômes proposés – le fameux baccalauréat professionnel « gestion-administration » en est un bon exemple.

Dans un souci d’évolution constante des métiers, il convient de conserver l’apprentissage de compétences transversales, quelle que soit la voie de formation. Cela donnera à nos jeunes la capacité de rebondir. Cela étant, je suis persuadée que les branches sont les mieux placées pour toiletter et actualiser les diplômes.

Concernant les ruptures de contrat, monsieur Attal, il est important de mettre en avant les passerelles entre les lycées professionnels et les CFA. La bonne articulation entre voie générale et voie professionnelle – par apprentissage ou à temps plein – sera au cœur du succès de ce projet de loi. J’irai plus même plus loin : je pense que nous aurions dû profiter de la réforme du baccalauréat pour créer des majeures et des mineures intégrant la découverte du monde professionnel.

Pour ce qui est de l’accompagnement, je proposerai un amendement qui obligera les CFA à organiser cette mission. Si un jeune n’est pas mûr pour le monde de l’entreprise, s’il s’est trompé de voie, le CFA devra l’accompagner à la mission locale ou au rectorat pour lui trouver une place en lycée professionnel.

Madame Anthoine, dans cette logique, les régions doivent se recentrer sur leur mission de dynamisation du tissu économique et déployer leur savoir-faire en matière d’aménagement du territoire, afin d’améliorer leur attractivité et d’encourager les entreprises à venir sur leur territoire, ce qui attirera ensuite les CFA.

Par ailleurs, il est possible de créer des CFA « hors les murs ». J’ai visité à Lyon un CFA spécialisé dans les métiers d’art qui propose un hébergement aux jeunes, et les accueille pour leur formation théorique – notamment en histoire de l’art. Ces jeunes réalisent ensuite toute leur formation professionnelle en entreprise. Le CFA a déployé un système d’accompagnement des maîtres d’apprentissage afin de s’assurer de la qualité de la formation. Ce modèle est intéressant pour les CFA ruraux.

Monsieur Le Bohec, la formation initiale des enseignants devrait évidemment intégrer tout un module d’accompagnement des jeunes à la découverte du monde de l’entreprise, voire un peu de coaching, et même, pourquoi pas, des stages ouvriers. Je suis une ancienne enseignante mais je n’ai découvert le monde de l’entreprise que très tardivement, à l’occasion d’un stage de trois semaines en entreprise, obligatoire dans le cadre de ma formation de chef d’établissement. Jusqu’alors, je n’avais jamais mis les pieds dans une entreprise.

L’étanchéité entre les deux systèmes crée une suspicion dommageable. En effet, madame Rubin, dans la plupart des très petites, petites et moyennes entreprises (TPE et PME), le salarié n’est pas maltraité et on peut s’épanouir dans le travail. C’est toute la mission de l’orientation : construire des voies choisies et porteuses pour que nos jeunes s’épanouissent dans le travail – nous y passons tout de même un tiers de notre temps !

Madame Bazin-Malgras, nous avons auditionné les OPCA. Ils s’organisent pour accompagner les branches. Effectivement, seules certaines branches sont déjà structurées. Les OPCA mettent donc en place différents dispositifs d’ingénierie pédagogique pour les aider à identifier les compétences dont les entreprises ont besoin et réalisent des études prospectives sur les métiers. Ces opérateurs ne sont pas hostiles au projet de loi et travaillent déjà dans cette logique, l’actuelle tuyauterie financière ne leur étant pas particulièrement favorable.

 


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II.   Examen des articles dont la commission s’est saisie pour avis

Article 4
(art. L. 6313-6 à L. 6313-8 du code du travail)
Définition des actions d’apprentissage – Préparation à l’apprentissage – Définition des formations certifiantes

1.   Les dispositions du projet de loi

Au sein de cet article, la commission des Affaires culturelles et de l’Éducation s’est saisie pour avis des alinéas 29 à 40, qui rétablissent dans le code du travail les articles L. 6313-6, L. 6313-7 et L. 6313-8 dans une nouvelle rédaction.

Le nouvel article L. 6313-6 définit les actions d’apprentissage, en disposant notamment que l’apprentissage vise à doter ses bénéficiaires d’une formation générale associée à une formation technologique et pratique, qui complète la formation reçue et s’articule avec elle. De plus, cet article précise que l’apprentissage contribue au développement de l’aptitude des apprentis à poursuivre des études par la voie de l’apprentissage, de l’enseignement professionnel ou technologique ou par toute autre voie. Enfin, il prévoit la création de formations de « préparation à l’apprentissage », visant à accompagner les personnes voulant s’orienter ou se réorienter par la voie de l’apprentissage ; ces formations seraient organisées par les CFA et des organismes et établissements désignés par voie réglementaire.

Le nouvel article L. 6313-7 propose une définition des formations certifiantes, en lien avec la rénovation du dispositif de la certification professionnelle opérée à l’article 14.

Le nouvel article L. 6313-8, enfin, renvoie à un décret en Conseil d’État les conditions d’application de ces mesures.

2.   La position de la rapporteure pour avis

La rapporteure salue l’inscription dans la loi d’une définition plus claire des actions d’apprentissage, qui permet de consacrer le caractère dual de la formation qu’elles procurent ainsi que la complémentarité des apprentissages théoriques et pratiques. Elle se félicite également que le projet de loi fasse apparaître clairement que l’apprentissage contribue au développement de l’aptitude à poursuivre des études. Cette disposition est, en effet, particulièrement utile dans un contexte d’évolution très rapide des compétences attendues par les entreprises, les employés étant conduits à devoir se former de manière régulière tout au long de leur vie.

De plus, la rapporteure approuve la création de nouvelles formations de préparation à l’apprentissage, qui devraient permettre d’élargir le public susceptible d’en bénéficier, et aux meilleures conditions d’accès à l’emploi que celui-ci permet – le dispositif actuel d’initiation aux métiers en alternance peinant à remplir ses objectifs.

Néanmoins, comme l’avait souligné Mme Sylvie Brunet dans son rapport précité, un fort besoin de préparation du jeune à l’apprentissage est nécessaire. La rapporteure estime que cette préparation devrait comprendre deux volets : l’un de découverte des formations et des métiers, l’autre de renforcement des compétences transversales. En conséquence, elle estime nécessaire de compléter la préparation à l’apprentissage introduite par le projet de loi par un dispositif nouveau en collège, dénommé « troisième prépa-métiers », dont l’objectif serait de permettre aux jeunes décrocheurs des collèges de mieux réussir leur orientation vers la voie professionnelle à travers des pédagogies centrées sur les compétences transversales, le « faire pour apprendre » et la connaissance des filières et des métiers.

*

La commission examine l’amendement AC41 de M. Michel Larive.

Mme Sabine Rubin. L’article 4, dont nous proposons la suppression, modifie en profondeur un certain nombre de définitions à valeur normative forte. Ces modifications vont dans le mauvais sens, car elles contribuent à appauvrir la formation professionnelle et à lui retirer toute dimension émancipatrice.

Les quatorze types d’actions de formation composant le champ de la formation professionnelle sont réduits à quatre catégories d’actions. Ces quatre catégories ne constituent pas une synthèse du champ actuel, mais l’élimination pure et simple d’actions de formations : sont entre autres expurgées du champ actuel les actions de promotion de la mixité dans les entreprises, de sensibilisation à la lutte contre les stéréotypes sexistes, les actions de formation relatives à l’économie et à la gestion de l’entreprise, les actions de lutte contre l’illettrisme et en faveur de l’apprentissage et de l’amélioration de la maîtrise de la langue française ou encore les actions de formation continue relatives au développement durable et à la transition énergétique. Aucune de ces quatre catégories d’actions n’est reprise dans la nouvelle définition. En simplifiant à outrance la formation professionnelle, et surtout en la réduisant aux seuls objectifs de productivité et d’adaptabilité des travailleurs, vous provoquez une importante régression.

Mme Sylvie Charrière, rapporteure pour avis. Je vous rappelle, tout d’abord, que nous ne sommes pas saisis de l’ensemble de cet article, mais seulement de ses alinéas 28 à 40, qui seuls concernent l’apprentissage. L’article 4 vise simplement à rendre plus lisibles les actions qui constituent l’objet de la formation professionnelle en les regroupant en quatre catégories : les actions de formation, les bilans de compétences, les actions permettant de faire valider les acquis de l’expérience, et les actions d’apprentissage. Les actions que vous citez ne disparaîtront évidemment pas du champ de la formation professionnelle. La loi a pour vocation de fixer des règles, et non d’entrer dans les détails de leur exécution. C’est ce souci qui a guidé la rédaction de cet article. J’émets donc un avis défavorable

La commission rejette l’amendement.

La commission en vient à l’amendement AC18 de M. Stéphane Testé.

M. Stéphane Testé. L’article 4 du projet de loi prévoit de dispenser aux travailleurs titulaires d’un contrat d’apprentissage ainsi qu’aux apprentis originaires de l’Union européenne en mobilité en France une formation générale associée à une formation technologique et pratique, qui complète la formation reçue en entreprise et s’articule avec elle.

Cette mesure est une excellente chose mais elle doit s’accompagner d’une réciprocité dans le pays de provenance du titulaire du contrat d’apprentissage ou de l’apprenti. Il serait en effet juste qu’un Français travailleur titulaire d’un contrat d’apprentissage ou apprenti en mobilité dans l’un de ces pays de l’Union européenne bénéficie des mêmes avantages.

Mme Sylvie Charrière, rapporteure pour avis. Si un jeune issu d’un pays de l’Union européenne souhaite suivre une formation par apprentissage en France, il en a bien évidemment le droit ; ce droit découle de nos engagements européens. Il en va de même s’il suit cette formation dans le cadre d’une mobilité. De plus, la notion de réciprocité paraît peu opérationnelle ici au vu de la diversité des systèmes d’apprentissage au sein de l’Union européenne. J’émets donc un avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine l’amendement AC72 de Mme Cécile Rilhac.

Mme Cécile Rilhac. Cet amendement supprime les mots « de l’enseignement professionnel ou technologique » à l’alinéa 33 de l’article 4. Il ne semble en effet pas nécessaire, voire restrictif, de lister de manière exhaustive les voies permettant à un apprenti de poursuivre ses études. En effet, l’enseignement secondaire est aujourd’hui professionnel, technologique ou général et l’apprentissage permet de poursuivre des études dans toutes les voies – secondaire, supérieure, professionnelle ou non.

Mme Sylvie Charrière, rapporteure pour avis. Dans la mesure où le projet de loi prévoit que les apprentis peuvent poursuivre des études « par la voie de l’apprentissage ou par toute autre voie », la précision que cette poursuite d’études peut se faire dans l’enseignement technologique ou professionnel ne paraît pas nécessaire. Cet amendement allège la rédaction. J’y suis donc favorable.

M. Frédéric Reiss. Non seulement cela allège la rédaction, mais cela valorise l’apprentissage. Je suis tout à fait favorable à cet amendement.

La commission adopte l’amendement.

Elle aborde ensuite l’amendement AC45 de M. Michel Larive.

Mme Sabine Rubin. Vous avez raison : la loi n’entre pas dans les détails, mais le diable s’y cache souvent… Nous souhaitons donc préciser que l’apprentissage contribue à l’acquisition de compétences et de connaissances permettant d’entretenir un rapport informé, critique et émancipé au travail. L’apprentissage met des individus au contact du travail à un âge de formation de l’esprit critique et d’éveil à la citoyenneté. La démocratie ne s’arrêtant pas aux portes des entreprises – au contraire –, il est nécessaire de compléter la formation des apprentis.

Mme Sylvie Charrière, rapporteure pour avis. Cet amendement me paraît satisfait par l’alinéa 32, qui prévoit que les actions d’apprentissage ont pour objet de contribuer au développement des connaissances, des compétences et de la culture nécessaires à l’exercice de la citoyenneté. Par ailleurs, il convient de ne pas entrer dans une logique de liste s’agissant de cette définition des actions d’apprentissage. Il s’agit ici de poser des principes, non d’entrer dans le moindre détail du contenu des formations par apprentissage. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine l’amendement AC60 de Mme Sabine Rubin.

Mme Sabine Rubin. Cet amendement vise à faire entrer dans le champ de l’apprentissage la sensibilisation et l’acquisition de compétences liées à l’environnement. Les jeunes qui débutent maintenant un apprentissage seront confrontés au cours de leur vie de travailleur à un monde en mutation : le changement climatique va modifier les conditions de travail des Français.

Mme Sylvie Charrière, rapporteure pour avis. Pour les mêmes raisons que précédemment, je suis défavorable à cet amendement.

La commission rejette l’amendement.

La Commission émet ensuite un avis favorable à l’adoption de l’article 4 modifié.

Après l’article 4

La commission examine l’amendement AC91 de la rapporteure.

Mme Sylvie Charrière, rapporteure pour avis. Cet amendement vise tout d’abord à supprimer du code de l’éducation le dispositif d’initiation aux métiers en alternance (DIMA), dont les résultats se sont révélés décevants et dont les objectifs seront repris par les dispositifs de préparation à l’apprentissage prévus à l’article 4 du projet de loi. Il vise, en outre, à créer une nouvelle classe de troisième, dite « prépa-métiers », destinée à accueillir les élèves souhaitant s’orienter vers la voie professionnelle du lycée ou vers l’apprentissage afin qu’ils approfondissent leur connaissance des filières et des métiers et puissent formuler leurs souhaits d’orientation de manière informée. Cette classe visera à renforcer les compétences de base et devra s’appuyer sur des pédagogies innovantes, notamment des pédagogies de projet.

Mme Cécile Rilhac. La création d’une nouvelle « prépa-pro » au collège est un élément réellement novateur, d’autant plus que les DIMA avaient progressivement disparu. Cela permettra de valoriser l’apprentissage et de le préparer correctement. Nous voterons cet amendement.

M. Frédéric Reiss. Effectivement, les DIMA ont été supprimés lors du dernier quinquennat ; nous les avions créées avec Gérard Cherpion à l’occasion de l’examen de la loi du 28 juillet 2011 pour le développement de l’alternance et la sécurisation des parcours professionnels, mais leur application avait souvent posé problème. En fait, leur suppression répondait avant tout à des considérations politiques : on nous avait expliqué qu’il était trop tôt pour se préparer à un métier et qu’il fallait qu’un plus grand nombre d’élèves s’oriente vers l’enseignement général. Votre réforme vise à revaloriser les voies professionnelles ; reste à savoir si tous les collèges français créeront des « prépa-métiers ».

La commission adopte l’amendement.

Article 9
Rupture du contrat d’apprentissage

1.   Les dispositions du projet de loi

Cet article simplifie les conditions de rupture du contrat d’apprentissage, au bénéfice de l’apprenti comme de son employeur. Il supprime, en particulier, l’intervention obligatoire du conseil de prud’hommes pour rompre un contrat d’apprentissage plus de 45 jours après le début de son exécution faute de l’accord des deux parties. Passés ces 45 jours, le contrat d’apprentissage pourrait être rompu soit à l’initiative de l’employeur en cas de faute grave de l’apprenti ou d’inaptitude constatée par un médecin du travail, soit à l’initiative de l’apprenti, à condition qu’il ait saisi au préalable le médiateur de l’apprentissage.

Cet article prévoit également que lorsqu’un CFA prononce l’exclusion d’un apprenti, celle-ci peut être considérée comme une cause réelle et sérieuse de licenciement, faute pour l’apprenti d’être inscrit dans un nouveau CFA dans un délai de deux mois après son exclusion.

Enfin, il sécurise le parcours de formation de l’apprenti en introduisant une obligation, pour les CFA, de permettre au jeune dont le contrat d’apprentissage a été rompu, de son fait ou du fait de son employeur, de poursuivre sa formation théorique. Pour les jeunes concernés, les CFA devront également contribuer à trouver un nouvel employeur susceptible de leur permettre d’achever leur cycle de formation.

2.   La position de la rapporteure pour avis

La rapporteure salue les dispositions du projet de loi, qui lèvent des freins importants au développement de l’apprentissage.

*

La commission examine l’amendement AC50 de Mme Marie-George Buffet.

Mme Marie-George Buffet. Cet amendement vise à supprimer l’article 9, qui prive les jeunes apprentis de la protection des prud’hommes, comme je l’ai déjà évoqué dans mon intervention liminaire.

Mme Sylvie Charrière, rapporteure pour avis. Mon avis est défavorable. La suppression de l’intervention obligatoire du conseil des prud’hommes avant la rupture d’un contrat d’apprentissage a été proposée dans le cadre de la concertation sur l’apprentissage conduite par Mme Sylvie Brunet en début d’année. À cette occasion, de nombreux acteurs ont fait valoir que les conditions de rupture des contrats constituaient aujourd’hui un frein important à l’apprentissage. De fait, ces conditions dérogent au droit commun des contrats à durée déterminée. En dehors de la période d’essai, qui dure quarante-cinq jours en entreprise, et sauf accord des deux parties, la rupture du contrat d’apprentissage ne peut être prononcée que par le conseil des prud’hommes statuant en la forme des référés. Or, malgré la réforme du référé de 2014, les délais de traitement par les prud’hommes restent trop longs et peuvent atteindre dix-huit mois. Ces retards sont pénalisants pour l’apprenti concerné car il ne peut conclure de nouveau contrat tant que la rupture n’a pas été prononcée par le juge. C’est donc un frein considérable au développement de l’apprentissage qu’il est proposé de lever par cet article. Par ailleurs, je rappelle que cet article ouvre un nouveau droit à l’apprenti en lui permettant de démissionner après le délai de quarante-cinq jours, à la seule condition qu’il ait sollicité un médiateur.

Mme Cécile Rilhac. En effet, la suppression de cet article aurait pour effet d’abroger ce nouveau droit à la démission, qui constitue une avancée pour les apprentis. En outre, les prud’hommes sont saisis de moins de 1 % des ruptures de contrat d’apprentissage. Il nous paraît inopportun d’opposer un frein aussi puissant à l’apprentissage. Nous préférons supprimer l’intervention obligatoire des prud’hommes, étant entendu que les apprentis pourront toujours se tourner vers eux pour former un recours en cas de problème avec le patron.

La commission rejette l’amendement.

Elle passe à l’amendement AC53 de Mme Sabine Rubin.

Mme Sabine Rubin. Cet amendement est dans le prolongement du précédent, à ceci près qu’il ne vise qu’à supprimer les alinéas 2 à 8 de l’article. En l’état actuel du droit, le contrat d’apprentissage peut être rompu par l’une ou l’autre partie pendant les deux premiers mois du contrat. Passé ce délai, en cas de faute grave ou de manquements répétés de l’une des parties à ses obligations, la rupture de contrat est prononcée par le conseil des prud’hommes. Cette mesure, qui sauvegarde les droits des apprentis, est indispensable. Or elle serait remplacée par deux dispositions, la première facilitant le licenciement de l’apprenti sans que l’employeur soit tenu de passer par les prud’hommes, la seconde permettant au Gouvernement de définir par décret les modalités selon lesquelles l’apprenti pourrait rompre un contrat. Il nous semble inadmissible de consacrer une telle inégalité de traitement dans la loi.

Mme Sylvie Charrière, rapporteure pour avis. Comme pour l’amendement précédent, mon avis est défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine l’amendement AC37 de M. Philippe Berta.

M. Philippe Berta. Le texte conditionne la rupture du contrat, lorsqu’elle a lieu à l’initiative de l’apprenti mineur, à une co-signature du représentant légal.

Or dans diverses situations qu’ont notamment rapportées les missions locales, il n’est pas possible d’obtenir cette signature dans un délai raisonnable. Ces situations de blocage – en cas de maladie, d’absence ou encore de non-maîtrise de la langue française par le représentant légal, par exemple – ne sont certes pas majoritaires, mais elles sont fréquentes et paralysantes pour l’apprenti, sans être dues à une opposition du représentant légal à la rupture du contrat.

Cet amendement vise, sans remettre en cause l’autorité parentale puisque la possibilité du représentant légal de s’opposer à la signature d’un acte de rupture serait préservée, à lever les difficultés auxquelles sont confrontés les apprentis en cas de carence de signature de leur représentant légal.

Mme Sylvie Charrière, rapporteure pour avis. La transmission obligatoire d’une information sur la médiation est une idée intéressante, mais cet amendement revient à introduire une procédure compliquée pour les parents qui voudraient s’opposer à la rupture de son contrat d’apprentissage par leur enfant. Il semble plus clair et plus opérationnel de prévoir une double signature de l’acte de rupture par l’apprenti mineur et par son représentant légal. Je vous propose donc de retirer cet amendement pour le retravailler en vue de la séance : à défaut, mon avis sera défavorable.

M. Philippe Berta. Sensible à cet argument, je retire l’amendement.

L’amendement est retiré.

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 9 sans modification.

Après l’article 9

La commission examine l’amendement AC66 de Mme Sabine Rubin.

Mme Sabine Rubin. Cet amendement vise à ce que l’entreprise s’engage à proposer aux tuteurs des formations permettant de bien accueillir les jeunes apprentis. En effet, l’accueil d’un jeune ou d’un élève en alternance est de plus en plus mal vécu par les salariés, obligés de délaisser leurs fonctions. Dans certaines entreprises dépourvues de culture de l’accueil, les tuteurs n’ont ni le temps ni les compétences pour accueillir les alternants, et cette charge de travail supplémentaire ne donne lieu à aucune valorisation financière, d’où une mauvaise expérience pour les uns et les autres. C’est pourquoi nous proposons de faciliter cet accueil et d’en améliorer la qualité.

Mme Sylvie Charrière, rapporteure pour avis. Cet amendement a plutôt sa place à l’article 8 qui contient des dispositions relatives aux maîtres d’apprentissage. Par ailleurs, l’article L. 6223-8 du code du travail prévoit déjà que l’employeur veille à ce que le maître d’apprentissage bénéficie de formations lui permettant d’exercer correctement sa mission et de suivre l’évolution du contenu des formations dispensées à l’apprenti et des diplômes qui les valident. De plus, le ministère du travail m’a indiqué que la création d’un titre de maître d’apprentissage était prévue. Enfin, les branches seront fortement incitées à valoriser les maîtres d’apprentissage. J’émets un avis défavorable.

Mme Sabine Rubin. L’article que vous citez prévoit que l’entreprise « veille » à assurer des formations tandis que nous proposons qu’elle s’y engage : il y a une nuance…

La commission rejette l’amendement.

Article 10
Transfert aux régions de la compétence en matière d’orientation

1.   Les dispositions du projet de loi

Cet article, s’il ne concerne pas spécifiquement l’apprentissage, s’inscrit dans la logique d’une meilleure adaptation du système éducatif aux opportunités offertes par le marché du travail. Il approfondit le transfert aux régions de la compétence en matière d’orientation, en leur confiant la responsabilité première s’agissant de l’information sur les formations et les métiers.

La région aurait ainsi désormais la mission :

– d’organiser des actions d’information sur les métiers et les formations en direction des élèves et des étudiants ;

– d’élaborer, avec le concours de l’Office national d’information sur les enseignements et les professions (ONISEP), la documentation de portée régionale sur les enseignements et les professions ;

– et d’assurer la diffusion de cette documentation, notamment dans les établissements de l’enseignement scolaire et supérieur.

Ces deux dernières missions incombaient jusqu’à présent aux délégations régionales de l’ONISEP (dites « DRONISEP »).

2.   La position de la rapporteure pour avis

Si elle approuve les dispositions proposées par le Gouvernement, la rapporteure juge nécessaire d’apporter deux précisions à cet article, et a déposé des amendements en ce sens :

– tout d’abord, les familles, dont le rôle est essentiel dans la détermination des choix d’orientation des élèves mineurs, devraient bénéficier elles aussi des actions d’information sur les métiers et les formations qui seront organisées par les régions ;

– ensuite, lorsque des actions d’information sont conduites par la région dans des établissements scolaires, il est nécessaire de prévoir un accompagnement des élèves par ceux de leurs enseignants qui sont formés à l’orientation et par les psychologues de l’éducation nationale, afin d’adapter l’information reçue au cas des élèves qui en ressentiraient le besoin.

La rapporteure souhaite également souligner que, si certaines des missions des DRONISEP pourraient être transférées aux régions, il importe toutefois que ces dernières demeurent chargées de leurs autres missions, en particulier celle de « participer aux études suscitées par l’office national » d’information sur les enseignements et les professions, selon les termes de l’article D. 313-24 du code de l’éducation. En effet, c’est grâce aux relais que constituent, sur les territoires, ses délégations régionales que l’ONISEP est aujourd’hui en mesure de fournir une information de qualité très régulièrement actualisée sur les métiers et les formations, sur laquelle s’appuie beaucoup l’ensemble des acteurs de l’éducation. L’ONISEP devrait donc demeurer informé, à travers le réseau des DRONISEP, des ouvertures et fermetures d’établissements de formation – en particulier les CFA – ainsi que des modifications de leur offre de formation.

Enfin, la rapporteure estime nécessaire de faire évoluer les systèmes d’information de l’orientation. Le portail de l’alternance devrait ainsi rendre visibles et mettre en relation les trois parties prenantes d’une formation par apprentissage, à savoir le jeune, l’entreprise et le CFA. La plateforme Affelnet devrait, comme Parcoursup, rendre visibles toutes les voies de formation professionnelle, avec leurs statistiques.

*

La commission examine les amendements identiques AC56 de M. Michel Larive et AC81 de Mme Michèle Victory.

Mme Sabine Rubin. L’amendement AC56 vise à supprimer l’article 10 afin d’empêcher la disparition des DRONISEP et le transfert de leurs compétences et des personnels titulaires aux régions.

L’ONISEP possède la plus grande base de données sur la formation en matière d’enseignement scolaire et supérieur. Véritable source d’information objective pour les parents et pour les élèves, son site est visité chaque année par 53 millions de visiteurs uniques. L’éducation nationale va donc perdre sa compétence d’information sur les formations et les métiers, ce qui risque fortement d’entacher la qualité de l’information délivrée par l’ONISEP. En effet, en matière d’information sur l’enseignement scolaire par exemple, ce sont les DRONISEP qui font remonter les données et qui alimentent l’opérateur national. Dès lors, la régionalisation ne pourra que nuire à la communication entre les services et, à terme, menacer l’activité même de l’ONISEP et l’objectivité des informations diffusées par les régions, qui seront tentées de répondre, puisque c’est de leur compétence, à des logiques économiques court-termistes et « adéquationnistes » entre les formations et les emplois, et d’orienter l’information des parents et des élèves pour répondre aux besoins exclusifs des entreprises.

Ce transfert de compétences provoquera aussi une rupture d’égalité d’accès à l’information relative à l’orientation sur le territoire – alors que nous discutons justement des banlieues – dans la mesure où l’information se limitera aux frontières d’une région au moment même où, paradoxalement, la majorité semble vouloir encourager la mobilité internationale. En outre, il y aura rupture d’égalité car rien ne garantit que toutes les régions alloueront le même budget à leur service chargé de l’orientation ni, par conséquent, qu’elles produiront des informations de même qualité pour chaque citoyen sur l’ensemble du territoire.

Se pose enfin la question des personnels contractuels des DRONISEP : quel sera leur avenir ? Pouvez-vous nous assurer qu’ils seront tous repris par les régions ?

M. Régis Juanico. L’amendement AC81 a le même objet. Le Gouvernement avait initialement annoncé que la responsabilité de l’orientation serait confiée aux régions. Or l’article 10 montre que cette réforme n’est pas menée jusqu’à son terme puisque seule la gestion des DRONISEP est confiée aux régions. En revanche, les oubliés de la réforme sont les 3 800 psychologues de l’éducation nationale, placés sous la responsabilité hiérarchique des directeurs des 535 CIO, au sujet desquels existent de fortes inquiétudes. Je suis conscient du scepticisme ambiant que suscitent les psychologues de l’éducation nationale, autrefois appelés conseillers d’orientation-psychologues (COPSI). Beaucoup regrettent le flou qui entoure leurs missions et affirment qu’une proportion non négligeable d’élèves, parfois jusqu’à la moitié, ne les consulte jamais. Ce n’est pourtant pas parce que leur ministère de tutelle ne les a jamais pris en considération qu’il faut les ignorer ou les écarter de la réforme de l’orientation. Le projet de loi aurait pu contenir un article visant à mobiliser et à moderniser ces services d’orientation en leur confiant tout leur rôle dans la mise en œuvre du service public de l’orientation, plutôt que de leur donner le sentiment qu’on leur ôte certaines de leurs missions.

En 2013, j’ai rédigé avec Jean-Frédéric Poisson un rapport de contrôle et d’évaluation qui portait sur la question de l’orientation. Nous y faisions le même diagnostic que Mme la rapporteure concernant le manque de visibilité du portail de l’information et de l’orientation pour les élèves. Nous préconisions le renforcement des moyens alloués aux psychologues de l’éducation nationale dans les lycées et les collèges, de sorte qu’ils n’aient jamais plus de mille élèves à suivre et que leur travail soit facilité.

Mme Sylvie Charrière, rapporteure pour avis. Personne ne remet en question l’équité et la qualité de l’information diffusée par la structure nationale qu’est l’ONISEP. Elle devra toujours conserver les moyens d’être alimentée par sa base. Il n’est aucunement question de tuer l’ONISEP, un établissement public que de nombreux pays nous envient pour la qualité des informations qu’il diffuse.              

L’objectif est plutôt d’outiller les régions en matière d’information locale et afin qu’elles puissent exercer cette mission d’orientation. Les personnels auront le choix de rejoindre ou non la collectivité territoriale, et certains agents des DRONISEP conserveront leur mission de veille et de transmission d’informations à l’ONISEP.

Ensuite, il est prévu qu’une convention-cadre nationale soit déclinée dans toutes les régions académiques. Ainsi, l’État encadrera l’action des régions en matière d’orientation pour veiller à ce que des exigences communes soient respectées en toute équité d’une région à l’autre.

Concernant les CIO, nous voulons améliorer la qualité de l’accompagnement et la performance du parcours Avenir – en tant qu’ancienne cheffe d’établissement, je suis bien placée pour en parler –, encore trop aléatoires car elles dépendent de l’implication et du volontarisme des enseignants, du chef d’établissement, du professeur documentaliste ou du conseiller principal d’éducation et de leur capacité à nouer des partenariats et à mobiliser des entreprises ; j’y ajoute, à l’intention de M. Le Bohec, l’action des comités locaux école entreprises (CLEE). C’est l’information sur la recherche de partenariats avec les entreprises que la région pourra offrir aux établissements, dans le cadre de présentations de métiers par exemple. Il me semble donc très utile que la région ait la possibilité de mettre un pied dans les établissements scolaires pour dynamiser la connaissance qu’ils ont du monde économique.

En revanche, sur l’autre versant de l’orientation qu’est l’accompagnement, il se trouve des établissements qui ont décidé de payer des coaches extérieurs, ce qui est très inquiétant. Il faut que cette mission d’accompagnement soit mieux assurée. Si les psychologues de l’éducation nationale peuvent consacrer un peu plus de temps aux établissements, toute la communauté scolaire en sera très contente. Il ne s’agit évidemment pas de fermer les CIO. Cette mesure n’est d’ailleurs pas prévue dans le projet de loi. J’ai conscience qu’il faut prendre en charge certains publics particuliers comme les primo‑arrivants. Il faut poursuivre la restructuration de la carte des CIO et accroître le temps de présence des psychologues de l’éducation nationale dans les établissements. Je suis consciente de ces questions sur lesquelles j’ai été alertée lors des auditions. En conséquence, j’émets un avis défavorable aux deux amendements.

Mme Cécile Rilhac. Les dispositions de l’article 10 sont essentielles et reposent sur un nouveau partage des compétences entre l’État et les régions afin d’améliorer l’accompagnement au choix dès le collège. Le rôle important des personnels d’orientation n’est pas remis en cause, pas plus que l’exclusivité des missions d’orientation confiées aux régions. L’orientation est un enjeu majeur de toutes les réformes en cours, qu’elles concernent la réussite des étudiants ou les lycées. Il existe une différence entre la présentation de l’information et l’accompagnement. Tout se jouera en matière d’accompagnement, et nous défendrons plus tard un amendement sur ce sujet. En attendant, nous voterons contre ces amendements.

Mme Sabine Rubin. Je m’expliquerai plus en détail au sujet des CIO dans l’hémicycle, mais permettez-moi de revenir sur l’ONISEP. Alors que nous discutons de cohésion des territoires, comment peut-on se satisfaire du principe d’une convention entre l’État et les régions contenant des « exigences communes » dont on ignore encore tout ? Tout cela est flou ! Vous « pensez » que les régions pourront faire ceci ou cela, mais on ne fait pas de loi en « pensant pouvoir » ou avec des conventions dont le contenu est inconnu ! Vous brisez un outil unanimement reconnu. Quelle intention se cache derrière cette idée d’intégrer les DRONISEP aux régions ? Vos arguments ne me convainquent pas.

La commission rejette les amendements.

Elle passe à l’amendement AC70 de Mme Cécile Rilhac.

Mme Cécile Rilhac. Voici justement un amendement qui porte sur l’accompagnement. L’ONISEP fournit une information de qualité, que ce soit par voie numérique ou sous format papier et l’accès des usagers aux informations diffusées a été grandement facilité.

En revanche, les plus jeunes et les personnes les plus éloignées du système scolaire peinent encore à savoir ce qu’ils souhaitent chercher et pourquoi ils cherchent telle ou telle information. Le simple don d’informations ne suffit plus : il est indispensable d’accompagner ces publics. Aux termes de l’article L. 6111-3 du code du travail, « l’État définit, au niveau national, la politique d’orientation des élèves et des étudiants dans les établissements scolaires et les établissements d’enseignement supérieur. Avec l’appui, notamment, des centres publics d’orientation scolaire et professionnelle et des services communs internes aux universités chargés de l’accueil, de l’information et de l’orientation des étudiants […], il met en œuvre cette politique dans ces établissements scolaires et d’enseignement supérieur et délivre à cet effet l’information nécessaire sur toutes les voies de formation aux élèves et aux étudiants. » L’amendement AC70 tend à compléter ces dispositions par les mots : « ainsi que l’accompagnement utile aux élèves, étudiants ou apprentis pour trouver leur voie de formation ».

Suivant l’avis favorable de la rapporteure, la commission adopte l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement AC93 de la rapporteure.

Mme Sylvie Charrière, rapporteure pour avis. Cet amendement vise à prévoir que la région organise des actions d’information sur les métiers et les formations non seulement en direction des élèves, mais aussi de leurs familles, qui sont directement concernées, s’agissant des collégiens en particulier mais, plus généralement, afin qu’elles adhèrent au projet d’orientation de leur enfant.

Il est également proposé que lorsque ces actions sont réalisées dans des établissements scolaires, elles se déroulent en coordination avec les psychologues de l’éducation nationale et les enseignants volontaires formés à cet effet. Il s’agit de garantir un accompagnement individualisé des élèves afin de compléter l’information reçue sur les métiers et les formations. À cet égard, il pourrait être utile de renforcer la formation des enseignants en matière d’orientation au sein des écoles supérieures du professorat et de l’éducation (ESPE) et des dispositifs de formation continue.

M. Régis Juanico. Je ne suis pas hostile à cet amendement, mais les collèges ont déjà pris des initiatives en matière de parcours de découverte des métiers et de formation. Ces dernières années, nous avons souhaité que ces parcours commencent dès la sixième, et non plus la quatrième, afin que les élèves visitent des entreprises et des administrations dans l’environnement de leur établissement, ou découvrent des métiers qui leur sont présentés à l’école.

Il va de soi que toute initiative visant à améliorer la qualité de l’accompagnement au plus tôt et à permettre aux jeunes de découvrir les métiers et les formations est la bienvenue, mais commençons par examiner les mécanismes qui existent déjà pour éventuellement les généraliser. Mme la rapporteure a raison : tous les établissements ne font malheureusement pas preuve du même volontarisme en matière d’accompagnement et d’orientation. C’est un point sur lequel nous devons progresser.

Mme Cécile Rilhac. Nous voterons pour cet amendement intéressant. Suite à la refonte des programmes liée à la refondation du collège, monsieur Juanico, les enseignants de toutes disciplines sont incités à parler des métiers en lien avec leur matière – les métiers du sport et de la santé en éducation physique et sportive, celui de cartographe en histoire‑géographie et ainsi de suite. C’est une avancée importante.

M. Frédéric Reiss. J’ai le sentiment que cet amendement vise à ménager la chèvre et le chou. En matière de formation professionnelle, les régions sont largement déshabillées, et voici qu’il leur est demandé d’organiser des actions d’information sur les métiers à l’intention des élèves et des familles. Qui sera à l’initiative de ces actions ? Les chefs d’établissement ? En coordination avec les psychologues scolaires et des enseignants volontaires ? Quel sera le rôle des professeurs principaux ? Sur le fond, tout ce qui contribue à la bonne information des élèves et des familles est opportun mais, à mon sens, cet amendement n’apporte pas grand‑chose.

Mme Sylvie Charrière, rapporteure pour avis. Les régions exercent déjà une partie de la compétence de l’orientation à travers les services publics régionaux de l’orientation (SPRO).

La commission adopte l’amendement.

En conséquence, les amendements identiques AC39 et AC73, l’amendement AC63 et les amendements identiques AC55 et AC90 tombent.

La commission examine l’amendement AC49 de Mme Marie-George Buffet.

Mme Marie-George Buffet. Cet amendement vise à ce que l’ONISEP reste le chef de file de l’élaboration de la documentation relative à l’orientation et aux perspectives professionnelles. En effet, il est important que les apports de la région concernant les spécificités du territoire puissent s’intégrer dans le cadre de publications à caractère national. C’est pourquoi la notion de contribution nous paraît plus appropriée.

Mme Sylvie Charrière, rapporteure pour avis. L’amendement est satisfait : le projet de loi prévoit déjà que la région élabore la documentation de portée régionale sur les enseignements et les professions avec le concours de l’ONISEP. En outre, s’agissant d’un document de portée régionale, il est logique que la région en soit chargée au premier chef. Les régions élaborent déjà des documents spécifiques sur l’apprentissage, par exemple. Mon avis est défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Elle passe aux amendements identiques AC16 de M. Dino Cinieri et AC75 de M. Jean-Félix Acquaviva.

M. Dino Cinieri. L’amendement AC16 tire les conséquences du transfert aux régions des missions des DRONISEP en renforçant leur présence au conseil d’administration de l’ONISEP. Compte tenu de leur rôle accru en matière d’orientation des élèves et des étudiants et de la nécessaire coordination entre les politiques d’orientation régionales et nationale, il est en effet légitime que les représentants des régions deviennent majoritaires au sein du conseil d’administration de l’ONISEP.

M. Jean-Félix Acquaviva. L’amendement AC75 est identique. Compte tenu des nouvelles compétences des régions en matière de formation et d’orientation, il nous paraît logique de parfaire ce transfert, même s’il s’agit d’une délégation de gestion, et normal que les régions soient majoritaires au conseil d’administration de l’ONISEP.

Mme Sylvie Charrière, rapporteure pour avis. L’ONISEP demeure un établissement public de l’État à portée nationale ; il n’y a donc pas lieu de rendre les régions majoritaires dans son conseil d’administration. En effet, l’ONISEP continuera d’assurer des missions au niveau national, en matière de production et de gestion des bases documentaires des formations notamment. De plus, le lien entre l’Office et ses délégations régionales n’est pas rompu. L’ONISEP fonctionne bien et les moyens de son bon fonctionnement continueront de lui être alloués. Il n’est donc pas opportun de renforcer la présence des régions au sein de son conseil d’administration.

Mme Marie-George Buffet. Je partage l’avis de la rapporteure : on ne saurait dire d’une part que l’ONISEP doit garantir l’accès à l’information relative à l’orientation à l’ensemble des élèves et de leurs familles sur tout le territoire et, dans le même temps, souhaiter que les représentants des régions soient majoritaires au conseil d’administration. C’est à l’État de garantir le rôle de l’ONISEP.

Mme Cécile Rilhac. En effet, le projet de loi vise à instaurer une complémentarité équilibrée entre l’échelon régional et l’échelon national. Il n’y a donc pas lieu de donner davantage de poids aux représentants des régions au conseil d’administration de l’ONISEP, qui continuera d’exercer des missions stratégiques sur le plan national, notamment en matière de production et de gestion de bases documentaires sur les formations diplômantes et certifiantes. Nous voterons donc contre ces amendements.

M. Dino Cinieri. Faut-il comprendre que l’État s’engage à assumer la représentation à l’ONISEP ?

Mme Sylvie Charrière, rapporteure pour avis. Oui, comme c’est déjà le cas.

M. Jean-Félix Acquaviva. Je prends acte de l’avis de la rapporteure, mais le débat illustre le malaise et l’absence de confiance au sujet de la notion de garantie. De deux choses l’une : la stratégie nationale doit suivre une logique ascendante ou descendante. Or, parallèlement au transfert de compétences aux régions, la garantie, elle, est maintenue au niveau national au motif que les régions auraient commis un péché originel et désarticuleraient l’ensemble. L’argument me paraît assez surprenant !

La commission rejette les amendements.

Elle est saisie de l’amendement AC47 de Mme Marie-George Buffet.

Mme Marie-George Buffet. Il est défendu.

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure, la commission rejette l’amendement.

Elle passe à l’amendement AC17 de M. Dino Cinieri.

M. Dino Cinieri. Cet amendement vise à combler une lacune du projet de loi en précisant la date du transfert aux régions des missions des délégations régionales de l’ONISEP.

Mme Sylvie Charrière, rapporteure pour avis. J’émets un avis défavorable. L’article 25 prévoit que les dispositions du titre premier du projet de loi sont applicables à compter du 1er janvier 2019. Cet amendement est donc satisfait.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle examine l’amendement AC48 de Mme Marie-George Buffet.

Mme Marie-George Buffet. Il est défendu.

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure, la commission rejette l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement AC38 de M. Philippe Berta.

M. Philippe Berta. L’article 10 prévoit d’expérimenter la mise à disposition des régions, pour une durée de trois ans, d’agents de l’éducation nationale. Le présent amendement vise à s’assurer que cette expérimentation s’appliquera dans l’ensemble des régions. En effet, une expérimentation à la marge ne permettrait pas d’évaluer correctement le nouveau dispositif. De plus, il paraît essentiel de donner aux régions les moyens d’exercer leurs nouvelles compétences en matière d’orientation, grâce à la mise à disposition de personnels.

Mme Sylvie Charrière, rapporteure pour avis. Mon avis est défavorable : en l’absence de mention contraire, une expérimentation se déroule sur l’ensemble du territoire national. Cet amendement est satisfait.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 10 modifié.

Article 11
Rénovation du régime juridique des centres de formation d’apprentis

1.   Les dispositions du projet de loi

Cet article propose une large rénovation du régime juridique des CFA en les soumettant au régime des organismes de formation professionnelle et en assouplissant, en particulier, leurs conditions d’ouverture et de fermeture.

Il renforce, tout d’abord, l’information des candidats aux formations professionnelles en élargissant la liste des éléments faisant l’objet d’une publication annuelle pour chaque CFA et pour chaque lycée professionnel. Alors que ces informations étaient jusqu’ici limitées au taux d’insertion professionnelle, il prévoit d’y ajouter les taux d’obtention des diplômes ou titres professionnels et de poursuite de parcours de formation.

Il complète, ensuite, la liste des missions des CFA, en y ajoutant celle de faciliter l’intégration en emploi des bénéficiaires d’une formation en apprentissage, celle d’assister les postulants à l’apprentissage dans leur recherche d’un employeur, et celle de permettre aux apprentis en rupture de contrat la poursuite de leur formation pendant six mois.

Enfin, il assimile les CFA à des organismes de formation professionnelle, ce qui aboutit à la suppression de l’autorisation administrative qui leur est aujourd’hui imposée, au bénéfice d’une simple déclaration d’activité. En conséquence, la région n’interviendrait plus pour autoriser leur création ou approuver les formations qu’ils dispensent. À la différence de ces autres organismes de formation professionnelle, ils seraient toutefois soumis à des sujétions particulières en raison de leur rôle en matière de formation initiale.

2.   La position de la rapporteure pour avis

La rapporteure salue ces dispositions, qui permettront de faciliter le choix de leur formation par les postulants à l’apprentissage, de sécuriser le parcours de l’apprenti grâce à un accompagnement vers l’emploi de la part de son CFA, et de mieux adapter les formations proposées en CFA aux besoins économiques locaux.

Elle estime néanmoins nécessaire de le compléter afin de renforcer l’accompagnement des apprentis par leurs centres de formation. Elle proposera des amendements tendant à confier aux CFA :

– la mission d’informer, dès le début de leur formation, les apprentis de leurs droits et devoirs en tant qu’apprentis et en tant que salariés ainsi que des règles applicables en matière de santé et de sécurité en milieu professionnel ;

– et celle d’accompagner dans la poursuite de leur formation initiale les apprentis n’ayant pas, à l’issue de leur formation, obtenu de diplôme ou de titre à finalité professionnelle.

En effet, la rapporteure considère que le fait que certains jeunes s’engageant dans la voie de l’apprentissage échouent à achever leur formation s’explique par des difficultés à trouver une entreprise prête à les recruter, par une mauvaise orientation ou encore par un manque de maturité. Pour éviter que ces jeunes viennent gonfler les effectifs des NEET, il convient donc de mentionner dans la loi que les CFA sont chargés de l’accompagnement des jeunes qu’ils accueillent. Il s’agit en effet d’une mission primordiale.

En outre, la rapporteure considère que la liste des données publiées chaque année par les CFA et les lycées professionnels mériterait d’être enrichie afin d’assurer aux élèves et à leurs familles la meilleure information possible avant d’opérer un choix de formation. Aussi présentera-t-elle a donc déposé un amendement prévoyant que chaque CFA et chaque lycée professionnel publie annuellement le taux d’interruption en cours de formation, le taux d’insertion professionnelle sur le territoire national et dans le bassin d’emploi où est situé l’établissement, ainsi que la valeur ajoutée de l’établissement, et que chaque CFA publie le taux de rupture des contrats d'apprentissage conclus chaque année. La valeur ajoutée vise à identifier les CFA qui n’hésitent pas, dans leur recherche de jeunes susceptibles d’être intéressés par une formation par apprentissage, à se rapprocher des missions locales ou à porter leurs recherches dans des quartiers prioritaires de la politique de la ville, et qui mettent en place des dispositifs efficaces permettant à leurs apprentis d’obtenir leur diplôme.

La rapporteure juge également indispensable de préciser que la mission d’accompagnement, par les CFA, des personnes souhaitant s’orienter ou se réorienter par la voie de l’apprentissage s’applique aux personnes en situation de handicap, dont les besoins spécifiques apparaissent aujourd’hui négligés.

*

La commission examine l’amendement AC57 de Mme Sabine Rubin.

Mme Sabine Rubin. Les missions des CFA ont été réécrites dans l’article 11 en gommant toute notion d’émancipation sociale. En l’état actuel du droit, les CFA « dispensent aux jeunes travailleurs titulaires d’un contrat d’apprentissage ainsi qu’aux apprentis originaires de l’Union européenne en mobilité en France une formation générale associée à une formation technologique et pratique, qui complète la formation reçue en entreprise et s’articule avec elle dans un objectif de progression sociale ». Le projet de loi fait disparaître cet objectif de progression sociale. Pourtant, n’êtes-vous pas des progressistes ? Nous ne sommes guère étonnés de cette disparition : à l’évidence, nous n’envisageons pas le progrès dans la même direction…

En outre, cet article affaiblit le rôle de l’inspection de l’apprentissage et le contrôle des CFA par la refonte intégrale du titre V du livre II de la sixième partie du code du travail. Nous demandons donc la suppression de l’article 11 ou, à défaut, la réintroduction dans le texte des mots « progression sociale ».

Mme Sylvie Charrière, rapporteure pour avis. J’émets un avis défavorable. Je rappellerai les apports de cet article qui permettront de favoriser grandement le développement des formations par apprentissage.

Tout d’abord, il renforce l’information des candidats aux formations professionnelles en élargissant la liste des éléments faisant l’objet d’une publication annuelle pour chaque CFA et pour chaque lycée professionnel. Alors que ces informations étaient jusqu’ici limitées au taux d’insertion professionnelle, il prévoit d’y ajouter les taux d’obtention des diplômes ou titres professionnels et de poursuite de parcours de formation. Cette disposition sera très utile pour les jeunes intéressés par l’apprentissage et leurs familles dans le choix de leur CFA.

Ensuite, l’article 11 complète la liste des missions des CFA en y ajoutant trois missions nouvelles : faciliter l’intégration dans l’emploi des bénéficiaires d’une formation en apprentissage, assister les postulants à l’apprentissage dans leur recherche d’un employeur, et permettre aux apprentis en rupture de contrat la poursuite de leur formation pendant six mois. Cette disposition joue à l’évidence en faveur des apprentis et l’on ne peut que s’en réjouir.

Enfin, l’autorisation administrative aujourd’hui imposée aux CFA sera supprimée au bénéfice d’une simple déclaration d’activité. En conséquence, la région n’interviendrait plus pour autoriser leur création ou approuver les formations qu’ils dispensent. Cette souplesse permettra de rendre les formations par apprentissage beaucoup plus réactives aux besoins de l’économie et renforcera donc l’insertion professionnelle des apprentis.

S’agissant de l’inspection de l’apprentissage, il est faux de dire que les CFA ne seront plus contrôlés. Le contrôle pédagogique demeure et sera exercé par les corps d’inspection des ministères concernés, qui associeront des partenaires sociaux. Par ailleurs, comme aujourd’hui, un contrôle sera exercé par l’inspection du travail en matière de droit du travail, et un contrôle financier sera exercé par les directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (DIRECCTE).

La commission rejette l’amendement.

Elle en vient à l’amendement AC94 de la rapporteure.

Mme Sylvie Charrière, rapporteure pour avis. Cet amendement vise à renforcer, au bénéfice des élèves et de leurs familles, la transparence des informations statistiques relatives aux formations dispensées en CFA et en lycée professionnel.

Il propose d’élargir la liste des informations rendues publiques pour chaque CFA et chaque lycée professionnel, pour y inclure la « valeur ajoutée » de chaque établissement. Cet indicateur, qui existe déjà pour les séries générales des lycées, prend en compte l’évolution entre le niveau d’entrée des élèves et le niveau de sortie. C’est ainsi que le lycée de Clichy‑sous-Bois a été classé meilleur lycée de France, parce que les élèves qui y entrent en seconde ont un niveau assez faible, tandis que le taux de réussite au bac y est très élevé. Cela démontre la plus-value apportée par le lycée aux élèves.

Il est donc proposé d’appliquer cet indicateur aux CFA et aux lycées professionnels pour évaluer si le travail de recherche des NEET et d’accompagnement des jeunes éloignés est bien réalisé par les CFA.

Nous souhaitons aussi mettre en avant le taux d’interruption en cours de formation, toujours dans l’idée de savoir si les CFA accompagnent les jeunes qui décrochent, et qui rompent leur contrat, et les amènent à retourner vers un lycée professionnel ou une mission locale.

Pour les centres de formation d’apprentis, l’amendement AC94 propose également de publier le taux de rupture des contrats d’apprentissage conclus, dont nous avons remarqué le niveau élevé. Les CFA devront prêter attention à l’entreprise qu’ils choisissent, accompagner le maître d’apprentissage lorsqu’il n’a pas toutes les qualités pédagogiques requises et l’aider à être un meilleur passeur de savoir.

Nous proposons enfin de préciser que le taux d’insertion professionnelle, qu’il est prévu de rendre public pour chaque CFA et chaque lycée professionnel, est calculé sur l’ensemble du territoire national et pour le bassin d’emploi où est situé l’établissement concerné. Parfois, au niveau national, un métier ou une formation permet l’insertion, mais ce n’est pas forcément le cas au niveau régional. Il est donc prévu de se concentrer sur la capacité à insérer dans une région.

Mme Cécile Rilhac. Le groupe La République en marche est favorable à cet amendement, qui va dans le sens de la protection des apprentis, au bénéfice des élèves et de leur famille. Il est important que tous ces taux soient facilement accessibles afin de garantir une formation de qualité et la protection des apprentis.

M. Frédéric Reiss. C’est effectivement un bon amendement. Je rappelle que l’un des objectifs de ce projet de loi est de redorer l’image des filières professionnelles ; j’espère qu’en publiant ces informations, nous pourrons donner du crédit à l’orientation réussie en classe de troisième.

M. le président Bruno Studer. Je reconnais là l’ancien professeur principal de classe de troisième !

La commission adopte l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement AC82 de Mme Josette Manin.

Mme Josette Manin. Nous proposons de supprimer l’alinéa 10 afin de rétablir le pouvoir de l’inspection. La mission de l’inspection de l’apprentissage est double : l’inspection pédagogique des CFA et des sections d’apprentissage, et l’inspection administrative et financière de ces centres. Le texte abroge toutes les dispositions du code du travail relatives à l’inspection et au contrôle de l’apprentissage.

Mme Sylvie Charrière, rapporteure pour avis. Le contrôle pédagogique des CFA demeure. Il sera exercé par les corps d’inspection des ministères concernés, qui associeront des partenaires sociaux. Par ailleurs, comme aujourd’hui, un contrôle sera exercé par l’inspection du travail en matière de droit du travail, et un contrôle financier sera exercé par les DIRECCTE. Autrement dit, votre amendement est satisfait. J’émets un avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement AC59 de M. Michel Larive.

Mme Sabine Rubin. L’éducation nationale est garante du niveau d’exigence et des modalités d’obtention des qualifications. L’autonomie des CFA constitue une niche invisible aux yeux des inspections académiques. Afin que l’unité républicaine soit renforcée, et pour harmoniser les conditions d’apprentissages des apprentis et des étudiants en formation initiale, les liens avec les lycées et les établissements de l’enseignement supérieur sont nécessaires à ces centres pour maintenir un regard permanent de l’État. Ces conventions entre CFA et établissements relevant du ministère de l’éducation nationale ou du ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation, permettraient également d’assurer l’accès des jeunes en apprentissage à l’ensemble des organismes mobilisés dans ces structures : CIO et planning familial, notamment. Puisqu’ils dispensent des formations diplômantes, il est cohérent qu’une institution d’État se charge d’encadrer les CFA.

Mme Sylvie Charrière, rapporteure pour avis. Le projet de loi assimile les CFA à des organismes de formation professionnelle, ce qui aboutit à la suppression de l’autorisation administrative qui leur est aujourd’hui imposée, au bénéfice d’une simple déclaration d’activité.

Mme Sabine Rubin. C’est bien ce qui est dommage !

Mme Sylvie Charrière, rapporteure pour avis. En conséquence, la région n’interviendrait plus pour autoriser leur création ou approuver les formations qu’ils dispensent. Cette souplesse permettra de rendre les formations par apprentissage beaucoup plus réactives aux besoins de l’économie, et renforcera donc l’insertion professionnelle des apprentis. Il paraît indispensable de maintenir ces dispositions, qui permettront de lever les freins existant aujourd’hui au développement de l’apprentissage. J’émets un avis défavorable.

Mme Sabine Rubin. Pouvez-vous m’assurer que lorsque l’on fera un contrat d’apprentissage, on obtiendra un diplôme à la fin, ou simplement une qualification ou un certificat ? Il y a une différence entre les diplômes de l’éducation nationale et les qualifications. Obtiendra-t-on dans un CFA des diplômes ou de simples qualifications ?

Mme Sylvie Charrière, rapporteure pour avis. L’idée est de raisonner en blocs de compétences et d’articuler des parcours de formation. Bien évidemment, ces parcours et ces blocs de compétences amènent à un diplôme. Mais pour les jeunes très éloignés de l’emploi, pour lesquels le diplôme va être difficile à acquérir, l’objectif est aussi l’insertion. Si, avec un titre de six mois, un jeune qui suit une formation de cariste peut avoir un travail dans un premier temps, cela peut être plus intéressant pour lui que de se retrouver au chômage ou de décrocher. Ensuite, nous voulons faire en sorte que ces blocs s’articulent pour que le jeune puisse revenir en formation et petit à petit, parvienne à obtenir un diplôme : c’est évidemment l’outil premier pour s’insérer.

Mme Cécile Rilhac. Ces blocs de compétences nous paraissent très importants. Certains enfants, notamment les jeunes en situation de handicap, ne sont pas capables d’obtenir un diplôme, mais ils peuvent acquérir des blocs de compétences professionnelles. Il est très important de donner une valeur aux compétences qu’ils ont acquises.

Les blocs de compétences sont également très importants dans le cadre de la formation professionnelle car ils permettront à des adultes en formation professionnelle de ne valider que ce dont ils ont besoin pour se reconvertir professionnellement. Ce n’est pas du tout un non-sens, c’est un réel progrès.

Mme Sandrine Mörch. Vous connaissez mon obsession pour la tranche d’âge des décrocheurs. Je voudrais rebondir sur cette question pour savoir de quelle manière défendre la solution des écoles de production, qui accueillent des jeunes à partir de quinze ans en grande difficulté, qu’ils soient en décrochage, suivis par la protection judiciaire de la jeunesse ou réfugiés, afin de leur offrir une formation diplômante réellement sur mesure.

La solution proposée est plus instable pour eux et leur situation risque de se fragiliser suite à la refonte du financement de l’apprentissage. Ces structures sont innovantes. Elles remettent à niveau un jeune qui a totalement décroché. Elles s’adressent aux jeunes de moins de 18 ans et permettent une éducation aux horaires, au respect, etc. ; qui plus est, elles s’inscrivent dans la pédagogie complète entre l’école et l’entreprise car en plus des cours classiques, les élèves sont mis en situation professionnelle réelle au sein de l’école ; des commandes sont réalisées par les patrons. À l’Institut catholique d’arts et métiers (ICAM) de Toulouse, par exemple, les jeunes en décrochage partagent les mêmes bancs que des ingénieurs, et leur réussite se propage dans les quartiers. Leurs amis demandent ensuite comment tel ou tel a fait pour entrer chez Airbus, donc cette école a vraiment la cote. Le taux de réussite aux examens y est de 90 % et le taux de placement en entreprise proche de 100 %.

Je m’inquiète pour la situation de ces écoles suite à la refonte du financement de l’apprentissage. Jusqu’à présent, certaines écoles avaient accès à la part hors quota de la taxe d'apprentissage et à des financements par les régions ou par le biais de la politique de la ville. Je souhaite donc qu’on ne les oublie pas, au prétexte qu’elles n’entrent pas complètement dans les cases. Je sais que vous connaissez très bien la problématique : comment faire pour qu’elles ne passent pas à travers les mailles du filet ?

Mme Sabine Rubin. Il existe d’autres contrats que l’apprentissage pour certains jeunes ou certaines situations spécifiques : le contrat de professionnalisation permet aussi la formation en alternance. L’apprentissage proprement dit doit délivrer des diplômes, et non des blocs de compétences.

La commission rejette l’amendement.

Elle en vient à l’amendement AC99 de la rapporteure.

Mme Sylvie Charrière, rapporteure pour avis. Cet amendement de précision vise à confier aux CFA la mission d’accompagner dans leur démarche les personnes en situation de handicap souhaitant suivre une formation par apprentissage. Il ne faut pas oublier ces publics.

La commission adopte l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement AC95 de la rapporteure.

Mme Sylvie Charrière, rapporteure pour avis. L’objectif de cet amendement est de confier aux CFA la mission de préparer les apprentis à leur entrée dans la vie professionnelle en les informant de leurs droits et devoirs en tant qu’apprentis et en tant que salariés, et des règles applicables en matière de santé et de sécurité en milieu professionnel.

La commission adopte l’amendement.

Elle en vient à l’amendement AC64 de Mme Céline Calvez.

Mme Céline Calvez. Cet amendement vient en écho à l’alinéa 25 de cet article 11, qui milite très justement pour une plus grande mixité au sein des centres de formation, afin de sensibiliser les formateurs, les maîtres d’apprentissage et les apprentis à la question de l’égalité entre les sexes. Je propose de le compléter par un 6° bis ainsi rédigé : « De même, au-delà de l’égalité entre les sexes, favoriser la diversité au sein de leurs structures en sensibilisant les formateurs, les maîtres d’apprentissage et les apprentis à l’égalité des chances et à la lutte contre toute forme de discrimination et en menant une politique d’orientation et de promotion des formations qui mette en avant les avantages de la diversité ; ». Tout le monde doit être sensibilisé à la lutte contre les discriminations et il faut garantir une bonne représentation de la population française au sein des centres de formation.

Mme Sylvie Charrière, rapporteure pour avis. Je salue votre initiative. Toutefois, pour des raisons de rédaction, je vous propose de retirer votre amendement et de le redéposer. Il serait en effet préférable d’alléger la rédaction et d’inclure la valorisation de la diversité à l’alinéa 25, qui concerne l’égalité femmes hommes. Mon avis est défavorable.

Mme Céline Calvez. Je préfère éviter de noyer l’ensemble de la diversité dans l’alinéa 25, pour consacrer une des problématiques les plus fortes que l’on retrouve dans les CFA et ailleurs : le déséquilibre démographique entre les femmes et les hommes. Il faut étendre la sensibilisation à l’appréciation de l’ensemble de la diversité.

La commission adopte l’amendement.

Elle en vient à l’amendement AC96 de la rapporteure.

Mme Sylvie Charrière, rapporteure pour avis. L’article L. 122-2 du code de l’éducation prévoit que tout élève qui, à l’issue de la scolarité obligatoire, n’a pas atteint un niveau de formation sanctionné par un diplôme national ou un titre professionnel enregistré et classé au niveau V du répertoire national des certifications professionnelles, doit poursuivre des études afin d’acquérir ce diplôme ou ce titre.

Il importe que les CFA permettent aux jeunes qui ont interrompu leur formation ou qui n’ont pu obtenir de diplôme à l’issue de leur formation de faire valoir leur droit à la formation initiale en les orientant vers les personnes et les organismes pouvant les accompagner dans la définition d’un projet de poursuite d’études. C’est le cas notamment des psychologues de l’éducation nationale et des missions locales.

La commission adopte l’amendement.

Elle en vient à l’amendement AC58 de Mme Sabine Rubin.

Mme Sabine Rubin. L’alinéa 37 permet aux entreprises de former leur personnel « hors les murs » dans un CFA. Si vous vous félicitez de ce genre d’initiatives, cette mesure nous pose quant à nous un problème particulier.

Tout d’abord, sur le plan pédagogique, il nous semble préjudiciable pour la formation des apprentis qu’ils bénéficient d’enseignements organisés et conçus par une entreprise privée. Là où l’éducation nationale, voire les régions prodiguent une formation neutre, pluridisciplinaire et qualitative, une entreprise privée vise d’abord la rentabilité de ses enseignements. Les conséquences qualitatives se feront nécessairement ressentir.

Ensuite, cela aura des conséquences sur les qualifications des apprentis, qui se retrouveront en quelque sorte assignés à résidence auprès d’une entreprise qui les aura formés à son image. C’est à nos yeux une régression très grave que des travailleurs soient dépendants, par leur formation, d’une seule entreprise. Cela engendrera aussi d’importantes inégalités de traitement, totalement contraires à la vocation égalitaire de toute formation initiale. Cela représente un recul intolérable de la puissance publique, garante d’équité, de neutralité et d’efficacité.

Enfin, cela constituera de fait un détournement des fonds de l’apprentissage par les seules grandes entreprises qui auront les moyens de préempter un CFA pour leurs besoins propres, au détriment des petites et moyennes entreprises qui n’ont pas cette possibilité mais qui contribuent pourtant elles aussi au financement de l’apprentissage.

Mme Sylvie Charrière, rapporteure pour avis. La possibilité, pour un CFA, de déléguer à une entreprise la mission de dispenser des enseignements normalement assurés par lui est indispensable concernant les métiers rares, par exemple celui de fondeur de cloche. Du fait de la rareté de ces métiers, aucun CFA ne pourra réunir assez d’apprentis pour constituer une classe ni offrir un plateau technique suffisamment performant et à jour. Mon avis est défavorable.

Mme Cécile Rilhac. L’argumentation de la rapporteure est très claire ; nous sommes également contre cet amendement.

Mme Sabine Rubin. Je connais la formation dans les métiers d’art, il existe effectivement un brevet des métiers d’art. Et l’apprentissage plus spécifique pour les cloches ou d’autres se fait dans l’entreprise, il n’y a pas besoin d’une formation très spécifique.

La commission rejette l’amendement.

Elle en vient à l’amendement AC79 de M. Jean-Félix Acquaviva.

M. Jean-Félix Acquaviva. La suppression de la régulation administrative et de la gouvernance politique des CFA par les régions aura des conséquences néfastes, voire catastrophiques, pour l’appréhension des spécificités économiques des territoires, en Corse tout particulièrement.

Pour des raisons historiques, la Corse souffre d’une économie faiblement industrialisée et peu diversifiée. Le réseau économique y est constitué à 90 % de TPE, avec des branches qui ne couvrent pas un spectre suffisamment large pour permettre une projection et une réflexion complète. Les branches ne sont pas suffisamment fortes pour être assimilées à celles que l’on trouve dans d’autres territoires.

Par ailleurs, en application du statut de la Corse issu de la loi du 22 janvier 2002, notamment de ses articles 4 à 7 et 22, la collectivité de Corse travaille à l’élaboration d’une politique globale de formation et d’éducation, avec une carte de formations structurée, et associe étroitement le tissu entrepreneurial insulaire, notamment les TPE-PME.

Notre filière bois, par exemple, compte très peu d’entreprises ; on ne saurait parler de branche. Pourtant, il y a un avenir à la filière bois en Corse. Dans le secteur du bâtiment et des travaux publics, seulement 1 % de nos emplois sont liés au bois, contre 11 % au niveau national. Si l’on doit lancer une politique d’apprentissage en lien avec la politique d’investissement et d’aménagement du territoire, pour créer des emplois directs et concrets, il faut que le pilotage politique et une vision de long terme garante de l’intérêt de la jeunesse et des CFA soient laissés à la collectivité de Corse, au regard de ses compétences.

Mme Sylvie Charrière, rapporteure pour avis. La suppression de l’autorisation administrative, aujourd’hui obligatoire pour ouvrir un CFA, permettra justement de dynamiser l’offre de formation par apprentissage et de mieux l’adapter aux besoins économiques locaux. De plus, la région pourra continuer d’intervenir en faveur de l’apprentissage. L’article 15 prévoit qu’elle peut contribuer au financement des CFA quand des besoins d’aménagement du territoire et de développement économique qu’elle identifie le justifient, en majorant la prise en charge des contrats d’apprentissage réalisée par les opérateurs de compétences, dans le cadre de conventions d’objectifs et de moyens, et verser des subventions en faveur de l’investissement dans les CFA. Le dispositif actuel ne va pas à l’encontre de la spécificité de la Corse. J’émets un avis défavorable.

M. Jean-Félix Acquaviva. Je constate que vous méconnaissez la loi du 22 janvier 2002, notamment ses articles 4 à 7 et 22. Je vous invite à vous y reporter, car c’est la loi républicaine. Il y a un grand écart entre cette loi, la politique de formation, et ce texte qui serait vraiment néfaste eu égard à la question spécifique de la Corse. J’ai pris l’exemple de la filière bois : ce ne sont pas quatre entreprises qui vont piloter l’apprentissage des métiers du bois alors que c’est un enjeu territorial majeur, qui fait l’objet d’aides publiques importantes de la collectivité. On ne peut pas résoudre la question en prévoyant que les régions interviennent uniquement en financement, eu égard aux compétences de formation données par la loi, et à la nécessité économique du moment.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 11 modifié.

Article 14
novation du dispositif de certification professionnelle

1.   Les dispositions du projet de loi

Cet article opère une rénovation du système de certification professionnelle afin de rendre celui-ci plus lisible et mieux adapté aux attentes de la sphère économique. Il confie la gestion du répertoire national des certifications professionnelles (RNCP) à un nouvel opérateur, France Compétences, dont le statut et les compétences sont l’objet de l’article 16 du projet de loi. L’objectif est de renforcer la cohérence entre les efforts en matière de développement des compétences et la certification de ces dernières en les confiant à un opérateur unique, et de renforcer le rôle des branches dans la définition des diplômes et titres à finalité professionnelle.

Les certifications professionnelles enregistrées au RNCP seraient définies, notamment :

– par un référentiel d’activités décrivant les situations de travail et les activités exercées, ainsi que les métiers ou emplois visés ;

– par un référentiel de compétences identifiant les compétences et les connaissances, y compris transversales, qui en découlent ;

– et par un référentiel d’évaluation définissant les critères et les modalités d’évaluation des acquis.

Au sein de France Compétences, les projets de création, de révision ou de suppression des diplômes et des titres à finalité professionnelle, à l’exception de ceux relevant de l’enseignement supérieur, feraient l’objet d’un avis conforme de commissions professionnelles consultatives ministérielles composées au moins pour moitié de représentants d’organisations syndicales de salariés et d’employeurs représentatives au niveau national et interprofessionnel. De plus, les diplômes et titres à finalité professionnelle ne seraient désormais inscrits au RNCP que pour cinq ans maximum, afin de favoriser leur adéquation aux compétences attendues par les employeurs.

Cet article vise à permettre, en outre, une définition plus fine des compétences professionnelles. Il prévoit que les qualifications seraient décomposées en blocs de compétences, définis comme des « ensembles homogènes et cohérents de compétences contribuant à l’exercice autonome d’une activité professionnelle », pouvant faire l’objet d’une évaluation et d’une validation, ce qui permettrait de faire valoir une formation même inachevée ou validée en partie seulement.

La cohérence des formations serait également renforcée à travers la possibilité, pour la commission en charge de la certification professionnelle de France Compétences, d’adresser aux ministères et aux organismes certificateurs une demande tendant à la mise en place de correspondances totales ou partielles entre la certification professionnelle dont ils sont responsables avec les certifications professionnelles équivalentes et de même niveau de qualification et leurs blocs de compétences, faute de quoi France Compétences procéderait au retrait de la certification concernée du RNCP.

2.   La position de la rapporteure pour avis

Le dispositif proposé par le projet de loi permettra de mieux adapter les certifications aux besoins économiques et de les faire évoluer de manière plus efficace. Néanmoins, la rapporteure souhaite indiquer que le répertoire de compétences du RNCP devra inclure, parmi les compétences transversales, des compétences d’adaptabilité pouvant être extra-professionnelles.

*

La commission est saisie de l’amendement AC78 de M. Jean-Félix Acquaviva.

M. Jean-Félix Acquaviva. Nous proposons d’intégrer une possibilité d’adaptation – j’espère que ce n’est pas un gros mot dans le contexte de centralisation que nous connaissons actuellement – des référentiels de diplômes et titres à finalité professionnelle aux spécificités – j’espère que ce n’est pas un deuxième gros mot – de chaque territoire régional et collectivités à statut particulier qui, excusez-nous, essaient de faire du développement économique, de l’insertion et des formations en circuit court sur leur territoire.

Mme Sylvie Charrière, rapporteure pour avis. Cette disposition provoquerait une dispersion de l’offre de certification, déjà très morcelée. Il convient de conserver des diplômes et titres à portée nationale afin de garantir leur lisibilité par les employeurs et la fluidité du marché du travail sur le territoire national. La mobilité géographique des salariés en dépend. De plus, en renforçant le poids des branches dans la définition des titres et diplômes à finalité professionnelle, cet article permettra de renouveler plus rapidement les certifications et de mieux les adapter aux besoins des entreprises et des territoires. Il est aussi possible d’ajouter des modules complémentaires. Mon avis est défavorable.

Mme Cécile Rilhac. Nous voterons contre cet amendement car la prise en compte des spécificités sectorielles ou territoriales est possible aujourd’hui. Les CFA pourront proposer des formations au plus près de leurs particularismes régionaux.

M. Jean-Félix Acquaviva. J’interviens juste pour la beauté du débat…

M. le président Bruno Studer. …qui fait écho à la beauté de votre île, monsieur Acquaviva !

M. Jean-Félix Acquaviva. Ce qui m’ennuie, c’est de vous entendre opposer la spécificité à la mobilité. Si j’ai pris tout à l’heure l’exemple de la filière bois, c’est parce que nous nous trouvons tout à la fois avec une ressource abondante et l’impérieuse nécessité de créer des emplois directs et concrets ; il faut garantir la primauté de l’intérêt général et on ne saurait le laisser entre les mains de quelques entreprises, compte tenu de la faiblesse de leur nombre et de la densité de la branche.

Il en va de même pour cet amendement : prévoir une adaptation des référentiels de diplômes à la spécificité des territoires n’empêche pas la mobilité. Je ne vois pas en quoi l’adaptation aux spécificités interdira aux gens sur le terrain d’être mobiles. C’est de la pure idéologie, et si nous entrons dans l’idéologie pure, nous allons nous perdre, y compris à propos d’autres sujets concernant les territoires, et donner le sentiment d’une politique verticale qui oppose l’État et les territoires. Ce n’est pas ce que nous voulons.

Mme Sylvie Charrière, rapporteure pour avis. Je crois être intervenue sur la compétence économique de la région. Si l’on veut développer la filière bois en Corse, donnons les moyens aux entreprises de venir s’y implanter, et il y aura assez d’offres d’accueil en entreprise pour créer un CFA.

La commission rejette l’amendement.

Elle en vient à l’amendement AC36 de M. Philippe Berta.

M. Philippe Berta. Ce n’est pas un amendement particulièrement progressiste ; il est plutôt totalement conservateur, puisqu’il tend à conserver le répertoire existant recensant les certifications et habilitations correspondant à des compétences professionnelles complémentaires aux certifications professionnelles. En effet, le changement de nom de l’inventaire pour le nom de « répertoire spécifique » entraînerait une confusion inutile pour les acteurs du secteur, familiers du terme « inventaire ».

Mme Sylvie Charrière, rapporteure pour avis. Je n’ai pas de religion concernant la meilleure désignation de ce répertoire – « inventaire » ou « répertoire spécifique » me paraissent synonymes. Le terme de répertoire me paraît cependant mieux adapté au vu de la richesse de son contenu. Mais votre amendement revient à supprimer la possibilité d’établir des correspondances entre les certifications correspondant à des compétences professionnelles complémentaires et des blocs de compétences de certifications professionnelles. Or cette possibilité me paraît fondamentale pour rendre plus lisible l’offre de formation et de certification, et permettre aux personnes de faire valoir les compétences acquises à travers la formation. J’émets un avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 14, sans modification.

Article 15
Organisation institutionnelle de la formation professionnelle et de l’apprentissage

1.   Les dispositions du projet de loi

S’agissant de ses dispositions relatives à l’apprentissage, cet article tend à renforcer le rôle des acteurs économiques dans la formation par apprentissage.

Pour ce faire, il modifie tout d’abord les modalités de financement des CFA. Ceux-ci seraient financés pour partie par la région, lorsque des besoins d’aménagement du territoire et de développement économique le justifient, pour ce qui est du fonctionnement, et par subvention pour leurs dépenses d’investissement. Mais ce sont les opérateurs de compétences ([17]) qui assureraient, à titre principal, le financement des CFA, par le biais d’un financement au contrat, comme prévu à l’article 19 du projet de loi.

Il intègre ensuite les besoins des entreprises en matière de développement des contrats d’apprentissage et ceux spécifiques aux quartiers prioritaires de la politique de la ville dans les orientations en matière de formation professionnelle initiale figurant au contrat de plan régional de développement des formations et de l’orientation professionnelles (CPRDFOP). Celui-ci devra en outre, dans sa partie consacrée aux jeunes, prendre en compte les besoins liés à l’hébergement et à la mobilité de ces jeunes, afin de faciliter leur parcours de formation.

En cohérence avec l’article 11, qui supprime l’autorisation d’ouverture d’un CFA par la région, cet article exclut les formations professionnelles initiales en apprentissage de la liste des formations régies par la carte régionale des formations professionnelles initiales.

Enfin, afin de répondre aux besoins des NEET (Neither in Employment, not in Education or Training, « Ni en emploi, ni en études ou en formation »), cet article prévoit également la création d’un programme national destiné à répondre à un besoin additionnel de qualification au profit des jeunes sortis du système scolaire sans qualification et des personnes en recherche d’emploi disposant d’un niveau de qualification inférieur ou égal au baccalauréat. Ce programme ferait l’objet de conventions conclues entre l’État et les régions. En l’absence de conventionnement, l’État pourrait organiser et financer ces actions de formation avec Pôle Emploi et les organismes participant au service public de l’emploi.

2.   La position de la rapporteure pour avis

La rapporteure approuve les dispositions proposées par le projet de loi. Concernant les jeunes scolarisés, elle a déposé un amendement prévoyant que les régions, dans la partie consacrée aux jeunes des CPRDFOP, encouragent la signature de conventions entre CFA et lycées professionnels afin de faciliter le passage des jeunes entre ces deux types d’établissements et d’inciter ceux-ci à mutualiser leurs plateaux techniques. La région a, en effet, un rôle fondamental dans la lutte contre le chômage des jeunes, notamment par sa capacité à rassembler et à mettre en cohérence les initiatives portées par les différents acteurs de l’enseignement.

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La commission est saisie de deux amendements identiques, AC27 de M. Dino Cinieri et AC86 de Mme George Pau-Langevin.

M. Dino Cinieri. La quasi-disparition de la compétence des régions en matière d’apprentissage, outre qu’elle contrevient au mouvement continu de décentralisation de notre pays depuis trente-cinq ans, n’apparaît pas opportune. Le pilotage de la compétence elle‑même, devenant en quelque sorte privatisé, ne bénéficiera plus de la régulation publique qu’assurent aujourd’hui les régions. Et de nombreux CFA – sept cents selon une étude de Régions de France – risquent, compte tenu de la réforme, de devoir fermer un grand nombre de leurs sections. Ce risque s’avère particulièrement élevé en outre-mer. Aussi, pour éviter l’échec programmé de cette réforme, mon amendement AC27 tend à rétablir la compétence générale des régions en matière d’apprentissage.

Mme Josette Manin. Nous souhaitons éviter la fragilisation d’un nombre important de CFA et de territoires. D’où la nouvelle rédaction des alinéas 1 à 9 proposée par notre amendement AC86.

Mme Sylvie Charrière, rapporteure pour avis. L’objectif du projet de loi est de dynamiser l’offre de formation en mettant fin à la logique malthusienne de l’ouverture ou fermeture administratives. Au contraire, la fin de l’autorisation va permettre aux CFA de développer leur offre en allant chercher plus de jeunes et d’entreprises. La région aura toujours un rôle important en continuant à financer l’investissement et en gardant une enveloppe financière permettant d’abonder le coût contrat pour un CFA, dans une logique d’aménagement du territoire. Elle pourra également conclure avec les branches professionnelles des conventions d’objectifs et de moyens afin de développer l’offre d’apprentissage sur son territoire.

La puissance publique jouera toujours un rôle de régulation en exerçant un contrôle en matière de droit du travail, en matière financière et pédagogique. La création de France compétences, où les régions seront représentées, permettra une régulation des coûts de formation. En outre, les organismes de formation devront être tous certifiés par des organismes indépendants accrédités par le comité français d’accréditation. Enfin, le système sera rendu transparent et visible pour les familles et les jeunes en imposant aux lycées professionnels et aux CFA la publication d’indicateurs de réussite au diplôme, d’insertion dans l’emploi, et ainsi de suite. Il n’y a donc pas de privatisation. Nous cherchons simplement à rendre le système plus efficace et plus favorable au développement de l’apprentissage. L’avis est défavorable.

La commission rejette les amendements.

Elle examine ensuite, en discussion commune, l’amendement AC85 de Mme Michèle Victory et les amendements identiques AC23 de M. Dino Cinieri et AC83 de Mme Michèle Victory.

M. Régis Juanico. L’amendement AC85 propose que l’apprentissage, tant en termes d’accès que de compétence, constitue une compétence partagée des régions et des branches professionnelles. À défaut de garantir une clarification totale des compétences, autant continuer à utiliser ce que font de mieux les uns et les autres, les collectivités, l’État, et éventuellement les branches, puisque vous semblez déterminés à leur confier cette mission.

Mais confier le pilotage de l’apprentissage aux seules branches professionnelles représente un risque majeur pour deux raisons : non seulement elles ne sont pas présentes partout sur le territoire mais, jusqu’à présent, elles n’avaient jamais fait ce travail. Au-delà des inquiétudes formulées par notre collègue Dino Cinieri sur l’avenir de nombreux CFA, on aurait tort d’oublier le rôle très important des régions dans le soutien de ces centres, dont elles ont notamment financé le fonctionnement à hauteur de 1,6 milliard d’euros. Il est important qu’elles continuent à jouer ce rôle.

M. Dino Cinieri. Mon amendement AC23 prévoit que la région, en lien avec les acteurs économiques et les partenaires sociaux, élabore une stratégie pluriannuelle des formations en alternance visant notamment à assurer une offre de formation professionnelle initiale sur l’ensemble du territoire régional, à définir la politique régionale d’investissement en faveur des CFA, en particulier dans une logique d’aménagement du territoire, et à organiser la complémentarité des formations dispensées par les lycées professionnels et les CFA. Il prévoit en outre, dans un souci de cohérence avec les responsabilités qui sont dorénavant les leurs en matière d’apprentissage, que les branches et les opérateurs de compétence prennent en compte cette stratégie régionale. Enfin, dans l’optique de la définition de la stratégie régionale, les branches et opérateurs de compétence devront transmettre à la région un bilan annuel de leurs actions.

M. Régis Juanico. Notre amendement AC83 est identique. Le texte prévoit que la création d’une section au sein d’un CFA ne sera plus soumise à l’accord de la région. L’ensemble des acteurs ont dénoncé ce choix en indiquant qu’il s’agissait d’une aberration en termes d’égalité territoriale. Aucune instance saisie de ces dispositions n’a émis un avis favorable, pas même le Medef.

Nous dénonçons le risque de rétrécissement sur le plan territorial qu’entraîneront inévitablement les dispositions de cet article. Nous n’avons pas d’étude d’impact précise de son application. Nous proposons donc de rétablir un pilotage public, indispensable, en prévoyant que la région élabore une stratégie pluriannuelle des formations en alternance.

Mme Sylvie Charrière, rapporteure pour avis. La réforme sera mise en œuvre de manière progressive. Les branches ne vont pas exercer cette responsabilité du jour au lendemain. Les branches commencent déjà à se regrouper ou à s’organiser, dans un souci de clarification des filières. Les futurs opérateurs de compétence commencent aussi à se préparer à leurs nouvelles missions. L’idée que je mets en avant depuis un certain temps, c’est la réactivité du système. Enfin, certaines régions se sont peut-être moins impliquées que d’autres. Sur le plan de l’équité, il peut être bon que le monde économique soit à la manœuvre car dans certaines régions, l’apprentissage ne s’est pas autant développé qu’il aurait dû. Avis défavorable.

Mme Cécile Rilhac. Nous partageons l’avis de la rapporteure et nous voterons contre ces amendements.

La commission rejette l’amendement AC85.

Puis elle rejette les amendements AC23 et AC83.

La commission est saisie de l’amendement AC21 de M. Dino Cinieri.

M. Dino Cinieri. Les politiques d’achat de formations pour les demandeurs d’emploi ne semblent pas suffisamment efficaces : Pôle emploi intervient pour l’attribution des aides individuelles à la formation, mais pour l’achat de formations collectives, ce sont les régions qui sont compétentes. Pôle emploi peut également intervenir sur ces formations, mais dans le cadre d’une convention passée avec la région. Il y a donc lieu de s’orienter vers une unification et une rationalisation de la commande de formations. À cette fin, le présent amendement prévoit une compétence de principe de la région pour l’ensemble des formations – individuelles et collectives – tout en maintenant la possibilité d’une intervention de Pôle emploi dans le cadre d’une convention conclue avec la région.

Mme Sylvie Charrière, rapporteure pour avis. Cet amendement concerne les politiques d’achat de formations pour les demandeurs d’emploi. Il est hors du champ de notre saisine, qui couvre les questions relatives à l’orientation, à la certification professionnelle et à l’apprentissage. Les aides individuelles à la formation sont un outil complémentaire aux achats collectifs de formation réalisés par les régions et Pôle Emploi. Elles permettent de faire bénéficier rapidement d’une formation adaptée des demandeurs d’emploi aux besoins spécifiques. Les soumettre à un conventionnement remettrait en cause l’intérêt de cet outil en introduisant des délais et de la complexité. J’émets un avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite les amendements identiques AC22 de M. Dino Cinieri et AC84 de Mme Josette Manin.

M. Dino Cinieri. Plutôt que d’envisager, comme le prévoit le projet de loi, un exercice de reporting des régions à France compétences sur les dépenses qu’elles ont engagées en matière d’apprentissage, il apparaît plus opportun, dans la mesure où les régions sont des collectivités territoriales et non pas des services déconcentrés de l’État, de prévoir que le montant de ces dépenses, tant en fonctionnement qu’en investissement, fera l’objet d’un débat annuel en conseil régional, sur la base d’un rapport présenté par l’exécutif.

Mme Josette Manin. Mon amendement est identique.

Mme Sylvie Charrière, rapporteure pour avis. Rien n’empêche les conseils régionaux d’organiser un débat sur leurs dépenses en faveur des CFA. Celui-ci devrait d’ailleurs intervenir lors de la discussion du budget de la région par le conseil régional, et lors du contrôle de son exécution. En revanche, la transmission à France compétences de ces dépenses paraît indispensable afin de disposer d’une vue d’ensemble des financements publics engagés en faveur des CFA. Je rappelle également que les régions seront présentes au conseil d’administration de France compétences à travers un collège spécifique. J’émets un avis défavorable.

Mme Cécile Rilhac. Nous ajouterons que dans le respect de l’article 72 de la Constitution, il apparaît opportun que les régions communiquent à France compétences leur montant de dépenses, afin qu’un débat s’organise dans le cadre de ses attributions au titre de l’alinéa 40 de l’article 16. Et comme l’a rappelé Mme la rapporteure pour avis, les régions seront représentées au sein de l’établissement. Nous voterons contre ces amendements.

La commission rejette les amendements.

Elle est alors saisie de l’amendement AC24 de M. Dino Cinieri.

M. Dino Cinieri. Il convient que les régions, qui ont la capacité de contribuer au financement des formations en alternance, puissent conclure des conventions avec les bénéficiaires finaux que sont les CFA et les lycées professionnels.

Mme Sylvie Charrière, rapporteure spéciale. Rien n’empêche les régions de conclure des conventions avec des CFA et des lycées professionnels. Il n’est pas nécessaire de mentionner cette possibilité dans la loi. Bien plus, la mentionner risquerait de limiter la possibilité, pour les régions, de conclure des conventions avec d’autres types d’établissements d’enseignement. Mon avis est défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement AC 25 de M. Dino Cinieri.

M. Dino Cinieri. Il convient que les conseils régionaux puissent, dans le cadre de la définition de leur politique d’investissement en faveur de l’apprentissage, engager un dialogue de gestion avec les CFA. À cette fin, le présent amendement prévoit que, chaque année, avant le 30 juin, les CFA transmettent à la région leurs documents comptables et financiers.

Mme Sylvie Charrière, rapporteure pour avis. Les CFA seront principalement financés par les opérateurs de compétences, à travers le financement au contrat. Il est donc logique que le dialogue de gestion s’effectue avec ces derniers plutôt qu’avec les régions. Mon avis sera donc défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine l’amendement AC65 de Mme Céline Calvez.

Mme Céline Calvez. L’alinéa 38 de l’article 15 prévoit que les orientations en matière de formation professionnelle initiale et continue visent à identifier l’émergence de nouvelles filières et de nouveaux métiers dans le domaine de la transition écologique et énergétique, mais ne fait aucunement mention du numérique, ce qui constitue un manque cruel, auquel mon amendement propose de remédier.

Mme Sylvie Charrière, rapporteure pour avis. Je ne vous contredirai pas, Madame Calvez. J’ai moi-même pointé ces mutations importantes que notre économie va devoir absorber. J’émets un avis favorable.

La commission adopte l’amendement.

Elle est ensuite saisie de l’amendement AC97 de la rapporteure pour avis.

Mme Sylvie Charrière, rapporteure pour avis. Cet amendement propose que les CPRDFOP encouragent, dans leur partie consacrée aux jeunes, la signature de conventions entre CFA et lycées professionnels afin de faciliter le passage des jeunes entre ces deux filières, qui sont aujourd’hui trop étanches entre elles, ainsi que la mutualisation des plateaux techniques entre CFA et lycées professionnels. Il conviendra de veiller à ce que les connaissances et compétences acquises et validées par l’élève en lycée professionnel soient prises en compte par le CFA qui l’accueille, et, réciproquement, que les connaissances et compétences acquises et validées par un apprenti en CFA soient prises en compte par le lycée professionnel qui l’accueille, afin d’éviter toute redondance et toute perte de temps dans le parcours des jeunes concernés. L’objectif de cette mesure est de faciliter et d’encourager l’articulation entre les deux systèmes de formation.

La commission adopte l’amendement.

Puis elle examine l’amendement AC71 de Mme Cécile Rilhac.

Mme Cécile Rilhac. Cet amendement vise à rendre obligatoire l’inscription, dans le CPRDFOP, d’actions de formation professionnelle à l’intention des personnes en situation de handicap afin de favoriser leur insertion en milieu ordinaire. Ces formations peuvent être proposées pour des jeunes en situation de handicap dans le cadre de la formation initiale, mais aussi dans le cadre d’une réorientation professionnelle suite à un accident de la vie ou à une maladie dégénérative.

Mme Sylvie Charrière, rapporteure pour avis. Avis favorable.

La commission adopte l’amendement.

Elle en vient alors à l’amendement AC26 de M. Dino Cinieri.

M. Dino Cinieri. Afin de contribuer au financement des CFA, le dispositif proposé par le Gouvernement dans le nouvel article L. 6211‑3 du code du travail dispose que les régions pourront majorer la prise en charge des contrats réalisés par les opérateurs de compétences quand des besoins d’aménagement du territoire et de développement économique qu’elles identifieront le justifieront, en matière d’investissement, par le versement de subventions. L’étude d’impact du projet de loi précise que la loi de finances prévoira d’allouer aux régions, à ce titre, une dotation de 180 millions d’euros sous forme d’une attribution de taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE). Il apparaît toutefois que le montant de ce fonds est nettement insuffisant pour assurer les missions confiées aux régions : cette enveloppe a été calculée sur la base de la moyenne des dépenses sur les années 2015 à 2017, ce qui correspond, pour les deux premières années, à des années de fin et de début de cycle électoral pour les régions, et sans tenir compte de l’impact des fusions de régions intervenues durant cette période.

L’amendement AC26 vise plus particulièrement à modifier les dates de rendu du rapport portant sur la gestion de l’apprentissage par les régions en 2018 et 2019, et visant à déterminer les coûts moyens des contrats d’apprentissage pour assurer la transition avec le nouveau dispositif. Il est ainsi proposé que le rapport soit rendu avant le 15 juillet au lieu du 1er mai, pour tenir compte de la date limite de vote des comptes administratifs fixée au 30 juin de l’année suivant celle de l’exercice considéré.

Mme Sylvie Charrière, rapporteure pour avis. Le projet de loi prévoit une remise, au 1er mai de l’année suivante, du rapport des régions sur leur gestion de l’apprentissage en 2018 et 2019. Cela laisse aux régions un délai de quatre mois, qui me paraît tout à fait suffisant. J’émets un avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle donne un avis favorable à l’adoption de l’article 15 modifié.

Après l’article 15

La commission examine l’amendement AC28 de M. Dino Cinieri.

M. Dino Cinieri. Plutôt que de priver pratiquement la région, comme fait le projet de loi, de tout rôle en matière d’apprentissage, cet amendement vise à réaffirmer que l’apprentissage, tant en termes d’accès que de financement, constitue une compétence partagée des régions et des branches professionnelles. L’accord sur ce compromis par chacune des parties intéressées conditionne indéniablement la réussite de la réforme envisagée.

Mme Sylvie Charrière, rapporteure pour avis. Je crois avoir suffisamment insisté sur notre volonté de dynamiser l’offre de formation à travers ce projet de loi, sur le rôle important que la région conservera par le biais de ses financements pour dynamiser l’offre sur son territoire, et sur le rôle de régulation que jouera toujours la puissance publique en exerçant un contrôle dans le domaine du droit du travail, du financement et de la pédagogie. Enfin, le système sera rendu transparent pour les familles et les jeunes. L’avis est défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Article 16
Gouvernance de l’apprentissage et de la formation professionnelle

1.   Les dispositions du projet de loi

Cet article prévoit de simplifier la gouvernance de la formation professionnelle en confiant celle-ci à un opérateur unique, dénommé France Compétences, qui se verrait attribuer les missions aujourd’hui accomplies par le Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels, le Comité paritaire interprofessionnel national pour l’emploi et la formation (COPANEF), la Commission nationale de la certification professionnelle et le Conseil national pour l’emploi, la formation et l’orientation professionnelles (CNEFOP) ([18]).

Aux termes du projet de loi, France Compétences serait un établissement public de l’État à caractère administratif, dont le conseil d’administration serait composé :

– d’un collège de représentants de l’État ;

– d’un collège de représentants des Régions ;

– d’un collège de représentants des organisations syndicales de salariés représentatives ;

– d’un collège de représentants des organisations professionnelles d’employeurs représentatives ;

– d’un collège de personnalités qualifiées.

S’agissant de l’apprentissage, France Compétences serait chargé :

– de verser aux opérateurs de compétences des fonds pour un financement complémentaire des contrats d’apprentissage au titre de la péréquation entre les branches ;

– de verser aux régions des fonds pour le financement des CFA, au titre de la péréquation territoriale ;

– d’assurer la veille, l’observation et la transparence des coûts et des règles de prise en charge en matière de formation professionnelle ;

– de contribuer au suivi et à l’évaluation de la qualité des actions de formation dispensées ;

– d’émettre des recommandations sur les coûts et les règles de prise en charge du financement de l’alternance afin de favoriser leur convergence, la qualité des formations effectuées, notamment au regard de leurs résultats en matière d’accès à l’emploi et à la qualification, l’articulation des actions en matière d’orientation, de formation professionnelle et d’emploi, mais aussi sur toute question relative à l’apprentissage, notamment ses modalités d’accès et son financement.

De plus, cet article prévoit que lorsque les opérateurs de compétences ne fixent pas les modalités de prise en charge de l’alternance ou lorsque les coûts retenus ne convergent pas vers les coûts identifiés par les recommandations de France Compétences, le niveau de prise en charge des contrats d’apprentissage est fixé par décret.

2.   La position de la rapporteure pour avis

La rapporteure salue les dispositions du projet de loi. Elle jugerait cependant nécessaire que France Compétences assure un suivi de la mise en œuvre des contrats de plan régionaux de développement des formations et de l’orientation professionnelles (CPRDFOP). Aux termes de l’article L. 214-13 du code de l’éducation, ces contrats, qui visent à définir et à mettre en œuvre la politique régionale de formation professionnelle et d’apprentissage, comportent une analyse des besoins à moyen terme du territoire régional en matière d’emplois, de compétences et de qualifications et une programmation des actions de formation professionnelle et des adultes. Or, alors que la loi prévoit que ces contrats sont établis dans l’année qui suit le renouvellement du conseil régional, plusieurs régions ne l’ont toujours pas publié.

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La commission examine l’amendement AC87 de Mme Michèle Victory.

M. Régis Juanico. L’article 16 traite de la gouvernance. Nous proposons que France compétences ne soit qu’un établissement public à caractère administratif. Après avoir donné des responsabilités aux branches professionnelles qu’elles n’auront pas les moyens d’assumer, vous procédez à une recentralisation de la gouvernance de l’apprentissage. En précisant que cet établissement est placé sous la tutelle du ministre chargé de la formation professionnelle, vous laissez le contrôle de cette agence à un ministère.

Mme Sylvie Charrière, rapporteure pour avis. Avis défavorable. Le principe de rattachement est une pièce maîtresse du régime des établissements publics. Il est impossible de créer un établissement public sans prévoir la ou les personnes publiques auxquelles il se rattache. Il n’existe pas d’établissement public autonome : un établissement public n’a le choix ni de sa création, ni de sa disparition. Il n’est pas non plus maître de l’étendue de son champ de compétences, ni de son degré d’autonomie ; l’ensemble de ces décisions revient à la personne publique qui le crée.

Mme Cécile Rilhac. Nous voterons contre cet amendement. France compétences n’a pas vocation à coordonner ou à contrôler le système d’apprentissage. Il aura simplement une fonction opérationnelle, comme le précise l’article 16. Sa composition est un gage de partenariat entre les différents acteurs de la formation professionnelle.

M. Frédéric Reiss. Vous évoquez la composition quadripartite de France compétences – État, régions, représentants des syndicats et du patronat. Mais c’est un décret qui définira le poids électoral de chaque collège et l’État sera majoritaire. On peut donc s’interroger sur le caractère paritaire de cet organisme.

La commission rejette l’amendement.

La commission en vient aux amendements identiques AC29 de M. Dino Cinieri et AC88 de Mme Josette Manin.

M. Dino Cinieri. L’amendement AC29 vise à préciser les critères retenus pour déterminer la répartition des fonds alloués aux régions. Il est proposé de répartir ces fonds en fonction de la population, du nombre d’apprentis, de la densité de population et du nombre de CFA et de sections de formation dans chacun de ces centres.

Mme Josette Manin. L’amendement AC88 a le même objet.

Mme Sylvie Charrière, rapporteure pour avis. Avis défavorable. Il me paraît préférable de laisser au décret le soin de définir les critères qui présideront au versement des fonds aux régions pour le financement des CFA. Cela permettra d’organiser la concertation avec les régions. En outre, les critères que vous proposez risquent d’avantager les régions ayant déjà beaucoup d’apprentis. Or l’objectif est à l’inverse d’assurer une péréquation entre les régions.

La commission rejette les amendements.

La commission passe à l’amendement AC30 de M. Dino Cinieri.

M. Dino Cinieri. Le Gouvernement prévoit que les régions pourront majorer la prise en charge des contrats réalisée par les opérateurs de compétences, quand des besoins d’aménagement du territoire et de développement économique qu’elles identifieront le justifieront. Le projet de loi confie à France compétences le versement aux régions des fonds alloués pour majorer la prise en charge des contrats suivant un objectif de péréquation. En outre, l’article 17 du texte alloue à France compétences une fraction de la contribution unique à la formation professionnelle et à l’apprentissage pour assurer notamment le financement des fonds alloués aux régions. Enfin, l’étude d’impact du projet de loi précise que le fonds destiné aux régions sera doté de 250 millions d’euros. Ce montant est nettement insuffisant pour permettre aux régions d’assurer leurs missions de péréquation. En outre, ce montant doit être évolutif et en lien avec la compétence concernée. En lieu et place de France compétences, il est donc proposé de faire bénéficier directement les régions d’une fraction de la contribution unique à la formation professionnelle et à l’apprentissage, le montant initial de 390 millions d’euros évoluant ensuite chaque année en fonction de l’assiette de cette contribution.

Mme Sylvie Charrière, rapporteure pour avis. S’il entre dans notre champ formel de saisine, cet amendement opère surtout une coordination avec des dispositions de l’article 17 que vous proposerez probablement de modifier. Quoi qu’il en soit, l’objectif de péréquation sera mieux rempli par un organisme national. J’émets un avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

La commission examine l’amendement AC13 de M. Vincent Rolland.

M. Dino Cinieri. Il est défendu.

Mme Sylvie Charrière, rapporteure pour avis. J’y suis défavorable. C’est à l’État qu’il incombe de prendre en charge la question de l’accès des personnes handicapées à la formation professionnelle et à l’apprentissage, en lien avec l’Association de gestion du fonds pour l’insertion professionnelle des handicapés et le Fonds pour l’insertion des personnes handicapées dans la fonction publique.

La commission rejette l’amendement.

La commission en vient à l’amendement AC7 de M. Vincent Rolland.

M. Dino Cinieri. Dans la même logique que l’amendement précédent, il est proposé que France compétences puisse faire des recommandations sur l’accessibilité et le caractère adapté des formations aux personnes handicapées.

Mme Sylvie Charrière, rapporteure pour avis. Même avis que précédemment : défavorable.

Mme Cécile Rilhac. Les amendements AC13, AC7 et AC3 sont louables, mais la mission de France compétences est avant tout opérationnelle. Il s’agit pour l’établissement public d’assurer la péréquation des contrats d’alternance, de construire le cahier des charges du conseil en évolution professionnelle, d’assurer un rôle de veille et de surveillance des coûts et des règles de prise en charge en matière de formation professionnelle. Les sujets liés au handicap auraient probablement mieux trouvé leur place à l’article 15.

La commission rejette l’amendement.

La commission passe à l’amendement AC3 de M. Vincent Rolland.

M. Dino Cinieri. Cet amendement propose d’élargir la composition du conseil d’administration de France compétences aux associations de personnes handicapées. En effet, au regard de l’importance de l’accès à l’information et à la formation pour ce public davantage touché par le chômage, il semble indispensable de les associer à la gouvernance de cet établissement public.

Mme Sylvie Charrière, rapporteure pour avis. Mon avis est défavorable. La mission de France compétences est surtout opérationnelle.

La commission rejette l’amendement.

La commission en vient à l’amendement AC32 de M. Dino Cinieri.

M. Dino Cinieri. Il s’agit de prévoir que la désignation des personnalités qualifiées interviendra sur avis conforme du conseil d’administration, afin de favoriser le consensus entre les différents collèges et d’éviter une trop forte influence d’un ou plusieurs collèges dans la nomination de ces personnalités.

Mme Sylvie Charrière, rapporteure pour avis. Cette disposition n’est pas de niveau législatif. Par ailleurs, cet amendement revient à créer deux catégories parmi les membres du conseil d’administration de France compétences. J’y suis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

La commission examine l’amendement AC33 de M. Dino Cinieri.

M. Dino Cinieri. Afin que la dimension véritablement quadripartite du conseil d’administration de France compétences soit garantie, cet amendement prévoit un équilibre dans la détermination du poste de président et des postes de vice-présidents entre les représentants des collèges de l’État, des régions, des organisations syndicales de salariés et des organisations professionnelles d’employeurs.

Mme Sylvie Charrière, rapporteure pour avis. J’y suis défavorable, pour les mêmes raisons que je l’étais à votre amendement précédent.

La commission rejette l’amendement.

La commission passe à l’amendement AC31 de M. Dino Cinieri.

M. Dino Cinieri. Cet amendement vise à garantir le quadripartisme – État, régions, organisations syndicales de salariés, organisations patronales – au sein de France compétences et à éviter le risque d’une mainmise de l’État sur cet organisme. À cette fin, il prévoit qu’aucun des collèges qui le composent ne pourra à lui seul être majoritaire au sein du conseil d’administration.

Mme Sylvie Charrière, rapporteure pour avis. Il n’y a pas lieu de craindre une mainmise de l’État sur la formation professionnelle. Les régions seront représentées au conseil d’administration de France compétences par un collège spécifique. De plus, l’ensemble du projet de loi vise à mieux associer les partenaires sociaux à la gestion de la formation professionnelle. Les principes du quadripartisme seront bien respectés. J’émets un avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

La commission en vient à l’amendement AC34 de M. Dino Cinieri.

M. Dino Cinieri. Afin que France compétences soit un organisme véritablement quadripartite et pour éviter le risque d’une mainmise de l’État sur ce dernier, cet amendement prévoit que le directeur général est nommé par le ministre chargé de la formation professionnelle après avis conforme du conseil d’administration.

Mme Sylvie Charrière, rapporteure pour avis. Nous sommes loin de l’objet de notre saisine pour avis. Par ailleurs, le projet de loi prévoit que France compétences est un établissement public de l’État. C’est donc à l’État qu’il incombe de désigner son directeur général. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle passe à l’amendement AC35 de M. Dino Cinieri.

M. Dino Cinieri. Cet amendement prévoit que le directeur général de France compétences est nommé par le ministre chargé de la formation professionnelle, sur proposition du conseil d’administration.

Mme Sylvie Charrière, rapporteure pour avis. Même avis que pour le précédent amendement.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 16 sans modification.

 

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*     *

En conséquence, sous réserve des amendements qu’elle propose, la commission des Affaires culturelles et de l’Éducation émet un avis favorable à l’adoption des articles 4, 9, 10, 11, 14, 15 et 16 du projet de loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel (n° 904).


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   Annexe :
Liste des personnes auditionnées par la rapporteure pour avis

(par ordre chronologique)

     Table ronde :

– Union nationale des missions locales (UNML) – M. Serge Kroichvili, délégué général

 Association « Réseau des écoles de la deuxième chance »  M. Alexandre Schajer, président, et M. Cyrille Cohas-Bogey, directeur général

‑ Mosaik RHMme Estelle Barthelemy, directrice générale adjointe et cofondatrice

     Table ronde :

– Les compagnons du devoir – M. Jean-Claude Bellanger, secrétaire général

 Union nationale des maisons familiales rurales  M. Roland Grimault, directeur de l’UNMFREO, et M. Didier Pignon, cadre au sein de l’UNMFREO

     Association des Conseillers d’Orientation-Psychologues – France (ACOP-F)  Mme Sylvie Amici, présidente, psychologue et formatrice – CIO d’Aulnay/Sevran, Mme Lydia Deyrem, psychologue – CIO Le Havre et agglomération, et Mme Florence Pages, psychologue – CIO Paris EST2

     Conseil national éducation économie (CNEE) – M. Pierre Ferracci, président, et M. Jean-Louis Gouju, délégué général

     Mouvement des entreprises de France (MEDEF) (*) – Mme Florence Poivey, présidente de la Commission Éducation, Formation et Insertion, Mme Élisabeth Tomé-Gertheinrichs, directrice générale adjointe en charge des politiques sociales, et Mme Ophélie Dujarric, directrice des affaires publiques

     M. Albert Ritzenthaler, membre du CESE, co-auteur du rapport « L’orientation des jeunes », M. Xavier Nau, président de la section Éducation, Communication Culture, et M. Emmanuel Woitrain, administrateur de la section

     M. Daniel Auverlot, recteur de l’académie de Créteil

     Syndicat national de l'Enseignement technique et professionnel des PLP et des CPE, Action, Autonome (SNETAA-FO)  M. Pascal Vivier, secrétaire général, M. Alain-Romain Nitkowski, secrétaire national, et M. Paul Mallet, assistant

     Syndicat national des personnels de direction de l'Éducation nationale (SNPDEN)M. Philippe Tournier, secrétaire général, M. Gwenaël Surel, secrétaire national, et M. Joël Lamoise, secrétaire national

     Association nationale des apprentis de France (ANAF)  M. Aurélien Cadiou, président

     Office national d’information sur les enseignements et les formations (ONISEP)  M. Michel Quéré, directeur, Mme Marie-Claude Gusto, directrice adjointe, Mme Corine Goncet, secrétaire générale, et M. Laurent Martin Saint Léon, président du conseil d’orientation

     M. Pascal Charvet, inspecteur général de l’Éducation nationale

     M. Jean-Pierre Collignon, inspecteur général de l’éducation nationale, et M. David Helard

     Table ronde :

 Confédération française démocratique du travail (CFDT)  M. Yvan Ricordeau, secrétaire national, Mme Michèle Perrin, secrétaire confédérale, et M. Sylvain Desoignies, secrétaire confédéral

 Confédération générale du travail (CGT) M. David Meyer, responsable de l’espace revendicatif confédéral CGT, et Mme Magali Bourdon, conseillère confédérale CGT

 Confédération générale du travail - Force Ouvrière (CGT-FO)  M. Michel Beaugas, secrétaire confédéral en charge de l’emploi et de la formation professionnelle, et Mme Garance Desjours, assistante confédérale en charge de la formation professionnelle

 Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC) M. Maxime Dumont, secrétaire confédéral, en charge de la formation professionnelle, et Mme Aline Mougenot, membre de la commission confédérale FTC

     Fédération nationale des associations régionales de centres de formation d'apprentis (FNADIR) – M. Patrick Maigret, président, M. Jean-François Desbonnet, vice-président, et Mme Séverine Le Miere, directrice de l’IFPM à Nanterre

     Union des entreprises de proximité (U2P) (*) – M. Alain Griset, président, M. Pierre Burban, Secrétaire général, et Mme Thérèse Note, chargée des relations parlementaires

     Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME) (*) – M. Jean-Michel Pottier, vice-président en charge des affaires sociales, M. Florian Faure, directeur des Affaires sociales, et Mme Sandrine Bourgogne, secrétaire générale adjointe, M. François Falise, conseiller technique

     Conseil économique, social et environnemental (CESE) – Mme Sylvie Brunet, présidente de la section travail et emploi

     Table ronde :

 CCI France (*) – M. Pierre Goguet, président, M. Didier Kling, vice-président en charge des questions de formation, M. Jérôme Pardigon, directeur des relations institutionnelles, M. Patrice Guezou, directeur emploi formation entrepreneuriat, et M.Yves Portelli, directeur général adjoint de la CCI Paris IDF

 Assemblée permanente des chambres de métiers et de l’artisanat (APCMA) (*) – M. Bernard Stalter, président, M. Jacques Garau, directeur général, M. François-Xavier Huard, directeur entreprise, économie et formation de l’APCMA, et Mme Valérie Chaumanet, directrice des relations institutionnelles

     Direction générale de l’enseignement scolaire (DGESCO) – M. Jean-Marc Huart, directeur général, et Mme Brigitte Trocme, adjointe de la sous directrice des lycées et de la formation professionnelle tout au long de la vie

     Comité paritaire interprofessionnel national pour l’emploi et la formation (COPANEF) – M. Philippe Debruyne, président, et Mme Elisabeth Tomé, représentante du Medef et membre du Copanef

     Table ronde OPCA :

 Uniformation, OPCA de l’économie sociale  M. François Edouard, président, M. Antoine Prost, vice-président, et M. Thierry Dez, directeur général

 OPCA Agefos PME   Mme Sylvia Rodriguez, déléguée en charge de la politique de formation et Mme Geneviève Salsat, présidente de Public Conseil, Conseil d’Agefos-Pme

 Opcalia  M. Yves Hinnekint, directeur général, et M. Vincent Graulet, directeur pour les relations institutionnelles et politiques

     Ministère du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social – Délégation générale à l’emploi et à la formation professionnelle (DGEFP) – Mme Carine Chevrier, déléguée générale

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

(*) Ce représentant d’intérêts a procédé à son inscription sur le répertoire de la Haute Autorité de transparence pour la vie publique s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale.

 


([1]https://www.ccomptes.fr/sites/default/files/EzPublish/20161005-acces-jeunes-emploi.pdf

([2]) Chiffres cités dans « L’apprentissage, un vaccin contre le chômage des jeunes », mai 2015, Bertrand Martinot : http://www.institutmontaigne.org/ressources/pdfs/publications/etude_apprentissage.pdf

([3]https://www.oecdilibrary.org/docserver/soc_glance2016fr.pdf?expires=1525698697&id=id&accname=ocid49014282&checksum=C84B29760A7C0007673B6B49D2C0F221

([4]) https://www.insee.fr/fr/statistiques/2429772

([5]) Source : « Bref du Céreq » n° 319, mars 2014 : www.cereq.fr/content/download/10457/88118/file/b319.pdf

([6]) Article 81 bis du code général des impôts.

([7]« Les freins non financiers au développement de l’apprentissage », rapport conjoint de l’inspection générale de l’administration, de l’inspection générale des affaires sociales, de l’inspection générale de l’éducation nationale et de l’inspection générale de l’administration de l’éducation nationale et de la recherche, février 2014 : http://www.ladocumentationfrancaise.fr/var/storage/rapports-publics/144000160.pdf

([8]http://cache.media.education.gouv.fr/file/2017/41/4/depp_rers_2017_apprentis_801414.pdf

([9]) Source : Note d’information n° 18.08 de la direction de l’évaluation, de la performance et de la prospective du ministère de l’éducation nationale : http://cache.media.education.gouv.fr/file/2018/55/3/depp-ni-2018-18-08-l-insertion-des-apprentis-est-marquee-par-la-formation-et-par-la-conjoncture-economique_942553.pdf

([10]https://www.insee.fr/fr/statistiques/1373281?sommaire=1373286

([11]http://cache.media.education.gouv.fr/file/2017/24/1/NI-EN-11-2017_763241.pdf

([12]) Chiffres cités dans « L’apprentissage, un vaccin contre le chômage des jeunes », mai 2015, BertrandMartinot : http://www.institutmontaigne.org/ressources/pdfs/publications/etude_apprentissage.pdf

([13]http://www.strategie.gouv.fr/sites/strategie.gouv.fr/files/atoms/files/rapport-concertation-apprentissage-30-01-2018.pdf

([14]« Les freins non financiers au développement de l’apprentissage », rapport conjoint de l’inspection générale de l’administration, de l’inspection générale des affaires sociales, de l’inspection générale de l’éducation nationale et de l’inspection générale de l’administration de l’éducation nationale et de la recherche, février 2014 : http://www.ladocumentationfrancaise.fr/var/storage/rapports-publics/144000160.pdf

([15]) « L’apprentissage en entreprise au cœur de la compétitivité allemande », René Lasserre, décembre 2011 : https://journals.openedition.org/rea/4354#tocto2n9

([16]) http://www.webdeux.info/les-nouvelles-technologies-nous-ont-condamne-devenir-intelligents

([17]) Les opérateurs de compétences, dont le régime est prévu à l’article 19 du projet de loi, sont des organismes à gestion paritaire agréés par l’État. Ils seraient chargés de l’appui technique aux branches professionnelles pour la mise en œuvre de leurs politiques conventionnelles, dont la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences et la détermination des niveaux de prise en charge de contrats d’apprentissage et de professionnalisation.

([18]) S’agissant du CNEFOP, seules ses missions d’évaluation et de suivi seraient transférées à France Compétences.