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N° 1285

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 3 octobre 2018.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DU DÉVELOPPEMENT DURABLE ET DE L’AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2019 (n° 1255)

TOME VI

ÉCOLOGIE, DÉVELOPPEMENT ET MOBILITÉ DURABLES

 

TRANSPORTS TERRESTRES ET FLUVIAUX

PAR M. Damien PICHEREAU

Député

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 Voir les numéros : 1255, 1302 (Tome III, annexe 19).


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SOMMAIRE

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Pages

introduction

Première partie : létat du réseau routier

I. Le réseau routier national

A. Le réseau Routier national non concédé

1. L’état du réseau routier

a. L’état des structures de chaussées

b. L’état des ouvrages d’art

c. L’état des équipements

2. Les moyens à mettre en œuvre

3. Les facteurs de dégradation du réseau routier

B. Le réseau routier national concédé

II. Le réseau local

A. Le réseau départemental

B. Le réseau communal

Deuxième partie : Lintermodalité

I. Lintermodalité dans le transport de voyageurs

A. Les principaux Enjeux du développement de l’intermodalité

B. Les leviers d’une politique intermodale

1. La multiplicité des acteurs impliqués

2. Le développement d’un maillage territorial favorisant l’intermodalité

3. L’ouverture des données de transport

II. Lintermodalité dans le transport de marchandises

A. Les Actions de l’état en faveur de l’intermodalité

1. L’aide au transport combiné

2. Les coopérations internationales

3. L’amélioration de la performance du fret non routier

B. Les moyens en faveur de l’intermodalité dans le transport de marchandises

examen en COMMISSION

liste des personnes auditionnées


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   introduction

Le programme 203 « Infrastructures et services de transports » regroupe les moyens de l’État consacrés à la politique nationale des transports, aussi bien pour les infrastructures que les services de transport routiers, ferroviaires, fluviaux, portuaires, maritimes ou aéroportuaires.

Ce programme fait partie de la mission « Écologie, développement et mobilité durables ». Le programme 203 représente 27,9 % des crédits de paiement (CP) de la mission. Au total, les CP de la mission sont en hausse de 1,7 % par rapport à la loi de finances pour 2018, soit une hausse de 194 millions d’euros. La répartition de ces crédits et des fonds de concours et attributions de produits attendus pour 2019 est présentée dans le tableau ci-après.

Répartition des crédits par programme – crédits de paiement

(en milliers d’euros)

Programme

CP en loi de finances pour 2018

CP demandés pour 2019

Évolution 2019/2018 (en %)

FDC et ADP attendus en 2019

Part du programme dans la mission
(en %)

203 – Infrastructures et services de transports

3 141 524

3 213 229

+ 2,3

2 071 844

27,9

205 – Affaires maritimes

158 117

156 902

– 0,8

7 440

1,4

113 – Paysages, eau et biodiversité

147 807

162 807

+ 10,1

11 940

1,4

159 – Expertise, information géographique et météorologie

515 130

513 961

– 0,2

150

4,5

181 – Prévention des risques

839 125

835 541

– 0,4

8 590

7,3

141 – Énergie, climat et après-mines

426 520

401 179

– 5,9

76

3,5

345 – Service public de l’énergie

3 043 920

3 219 360

+ 5,8

 

28

217 – Conduite et pilotage des politiques de l’écologie, du développement et de la mobilité durables

3 037 033

3 000 937

– 1,2

17 660

26

TOTAL Mission

11 309 176

11 503 916

+ 1,7

2 117 700

100

Source : projet de loi de finances pour 2019.

Dans le projet de loi de finances pour 2019, sont attendus pour le programme 203 3,385 milliards d’euros en autorisations d’engagement (contre 3,209 milliards d’euros ouverts en loi de finance initiale pour 2018) et 3,213 milliards d’euros en crédits de paiement (contre 3,142 milliards d’euros ouverts en loi de finance initiale pour 2018). Les autorisations d’engagement (AE) sont ainsi en hausse de 5,5 % et les crédits de paiement (CP) en hausse de 2,3 %.

Outre les crédits budgétaires, le programme 203 bénéficie par ailleurs d’importants fonds de concours de l’Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF). Le montant total des fonds de concours et attributions de produits du programme 203 attendus pour 2019 s’élève à 2,052 milliards d’euros en AE et 2,072 milliards d’euros en CP.

Le présent avis couvre les actions du programme relatives aux transports routiers, ferroviaires et fluviaux. Les transports aériens et les transports maritimes font l’objet d’avis budgétaires distincts, présentés respectivement par Mme Zivka Park et M. Jimmy Pahun ([1]).

Le programme 203 s’articule autour de quatre axes :

– maintenir et améliorer l’état des réseaux de transports existants afin de garantir leur meilleure efficacité pour les besoins du quotidien ;

– optimiser les systèmes de transport, les équipements et les réseaux existants afin de limiter, autant que possible, la création de nouvelles infrastructures tout en assurant la cohésion et l’accessibilité des territoires ;

– développer de nouveaux modes de mobilité associant les nouvelles technologies ;

– soutenir les activités de transport et renforcer le contrôle des règles économiques, sociales et environnementales.

Les crédits de l’État et fonds de concours au sein du programme 203 sont répartis entre actions, présentées dans le tableau ci-après.

Présentation par action des crédits du programme 203 demandés pour 2019

(en euros)

 

Total des dépenses de fonctionnement, d’investissement et d’intervention

Fonds de concours et attributions de produits prévus

Actions

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

01 Routes –Développement

 

 

586 750 000

589 033 865

04 Routes – Entretien

335 857 189

317 718 400

516 048 000

516 048 000

41 Ferroviaire

2 430 349 731

2 431 309 731

584 000 000

613 420 806

42 Voies navigables

251 415 663

251 415 663

1 400 000

1 400 000

43 Ports

99 774 836

99 774 836

32 350 000

31 620 647

44 Transports collectifs

162 551 745

22 551 745

240 000 000

280 221 054

45 Transports combinés

27 109 039

32 109 039

58 000 000

6 250 000

47 Fonctions support

17 801 600

17 801 600

1 850 000

1 850 000

50 Transport routier

5 641 831

5 641 831

 

 

51 Sécurité ferroviaire

 

 

32 000 000

32 000 000

52 Transport aérien

54 690 000

34 907 000

 

 

Total programme 203

3 385 191 634

3 213 229 845

2 052 398 000

2 071 844 372

Source : projet de loi de finances pour 2019.

La mise en œuvre du programme est assurée par les agents du ministère, soit 10 150 ETP en 2018, inscrits à l’action 8 du programme 217 « conduite et pilotage des politiques de l’écologie, du développement et de la mobilité durables », répartis entre :

– l’administration centrale, notamment la direction générale des infrastructures, des transports et de la mer (DGITM) et les services techniques centraux ;

– les services déconcentrés, notamment les directions régionales de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DREAL) et les directions interdépartementales des routes (DIR).

Par ailleurs, une part importante du programme est mise en œuvre par des opérateurs :

– les gestionnaires d’infrastructures (SNCF Réseau, Voies navigables de France, les grands ports maritimes, les ports autonomes fluviaux, les sociétés publiques concessionnaires d’autoroutes, ainsi que la Compagnie nationale du Rhône) ;

– les organismes délégataires de prérogatives régaliennes (l’Établissement public de sécurité ferroviaire (EPSF) ainsi que l’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières (ARAFER)) ;

– les entreprises publiques de transport (SNCF Mobilités et RATP) ;

– l’Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF) ;

– la Société du Grand Paris (SGP) ;

– la Société du canal Seine-Nord Europe (SCSNE) ;

– la Société franco-italienne Tunnel euralpin Lyon-Turin (TELT).

Par ailleurs, sont examinés par la commission du développement durable avec le programme 203 deux comptes d’affectation spéciale : « Services nationaux de transport conventionnés de voyageurs » et « Aides à l’acquisition de véhicules propres ».

Le compte d’affectation spéciale « Services nationaux de transport conventionnés de voyageurs » comporte deux programmes, le 785 « Exploitation des services nationaux de transport conventionnés » et le 786 « Matériel roulant des services nationaux de transport conventionnés ». Il est alimenté par 359,2 millions d’euros de recettes, en baisse de 6,7 % par rapport à 2018, provenant du produit de la contribution de solidarité territoriale, d’une fraction de la taxe sur les sociétés concessionnaires d’autoroutes et du produit de la taxe sur le résultat des entreprises ferroviaires.

Le compte d’affectation spéciale « Aides à l’acquisition de véhicules propres » comporte deux programmes, le 791 « Contribution au financement de l’attribution d’aides à l’acquisition de véhicules propres », qui constitue le bonus automobile, et le 792 « Contribution au financement de l’attribution d’aides au retrait de véhicules polluants », qui constitue la prime à la conversion. Il est alimenté par le produit de la taxe additionnelle à la taxe sur les certificats d'immatriculation des véhicules, dite « malus automobile », pour un montant de 570 millions d’euros prévus pour 2019, ce qui constitue une hausse de 46,9 % par rapport à la loi de finances pour 2018, qui permet de répondre au succès de la prime à la conversion, qui devrait bénéficier à près de 250 000 foyers sur l’année 2018, dont près de 70 % de ménages non imposables.

Votre Rapporteur pour avis propose de renommer le programme 792 « Contribution au financement de l’aide au retrait de véhicules polluants en faveur d’une mobilité plus propre ou active », afin d’inciter le Gouvernement à étendre la prime à la conversion aux personnes se tournant vers d’autres formes de mobilité lorsqu’elles retirent un véhicule polluant de la circulation, notamment le vélo, le vélo à assistance électrique ou bien la trottinette électrique.

Dans le cadre de ses travaux, votre Rapporteur pour avis a choisi de concentrer son propos sur deux thématiques :

– dans un premier temps, votre Rapporteur pour avis s’est attaché à étudier l’état des chaussées, des ouvrages d’art et des équipements du réseau routier. Les inquiétudes légitimes de nos concitoyens se sont révélées suite à l’effondrement durant l’été 2018 du pont Morandi de Gênes, en Italie. Un audit externe, commandé par le ministère des transports et réalisé par Nibuxs et IMDM entre octobre 2017 et février 2018, a été remis mi-juillet 2018 à la ministre des transports, Mme Élisabeth Borne. Votre Rapporteur pour avis a donc jugé opportun de tirer les conclusions, notamment budgétaires, de cet audit pour le projet de loi de finances pour 2019 ;

– dans un second temps, votre Rapporteur pour avis a souhaité approfondir la question de l’intermodalité dans les transports, sujet au cœur de la transition écologique. Nombre d’acteurs économiques, associatifs ou syndicaux ayant participé à la grande concertation des Assises nationales de la mobilité mettent en lumière la nécessité de promouvoir davantage l’intermodalité. L’usage de plusieurs modes de transport au cours d’un seul déplacement se développe et il nous faut dès aujourd’hui l’encourager et le faciliter, pour le transport de voyageurs comme pour celui de marchandises.

 


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   Première partie : l’état du réseau routier

Le réseau routier français comporte plus d’un million de kilomètres de routes, réparties entre ([2]) :

– 21 000 kilomètres de routes nationales, dont 9 000 kilomètres d’autoroutes concédées et 12 000 kilomètres de routes non concédées (routes nationales et autoroutes non concédées). Elles appartiennent toutes à l’État, dont les services assurent la gestion des routes non concédées, tandis qu’il confie le financement, la construction, l’entretien et l’exploitation des autoroutes concédées à des sociétés concessionnaires d’autoroutes pour une durée déterminée, en contrepartie de la perception d’un péage ;

– 379 000 kilomètres de routes départementales, dont la gestion est assurée par les services routiers des départements ([3]) ;

– 673 000 kilomètres de voies communales, dont les décisions relatives à la construction, à l’entretien et aux travaux sont prises par le conseil municipal. Cette responsabilité est parfois confiée à une métropole ou un établissement public de coopération intercommunale (EPCI).

Le réseau routier français se décompose en plusieurs éléments :

– les chaussées, c’est-à-dire la partie de la route où circulent les véhicules ;

– les ouvrages d’art, c’est-à-dire les structures permettant aux voies de circulation de franchir, longer ou traverser un obstacle, par exemple les ponts, les murs de soutènement, les tunnels, etc. ;

– les équipements, c’est-à-dire les dispositifs, statiques ou dynamiques, qui sont nécessaires à la circulation dans de bonnes conditions de sécurité et d’information, par exemple les dispositifs de signalisation, les portiques, l’éclairage, le réseau d’assainissement, les clôtures, etc.

I.   Le réseau routier national

A.   Le réseau Routier national non concédé

Le réseau routier national non concédé englobe les routes nationales ainsi que les autoroutes non concédées. Au 1er janvier 2018, ce réseau comporte 11 483 kilomètres de routes en métropole et 540 kilomètres outre-mer. Bien que ce réseau ne représente que 2 % des routes sur le territoire, il supporte un tiers de la circulation routière française ([4]). La valeur de ce patrimoine est estimée à 135 milliards d’euros.

Le bleu budgétaire sur la mission « Écologie, développement et mobilité durables » expose en introduction du programme 203 que concernant le réseau routier national non concédé, « la priorité à lentretien et à la régénération du réseau existant est clairement affirmée par le Gouvernement ». L’objectif affiché est de préserver l’état du patrimoine routier pour prévenir les risques « en termes de perte de sécurité et de défaillance du réseau et des ouvrages ». Les données relatives à l’état du réseau routier ont par ailleurs été mises en ligne sur le site du ministère, dans une logique de transparence, ce dont se félicite votre Rapporteur pour avis.

Au sein du programme 203, l’action n° 4 est relative à l’entretien du réseau routier national non concédé. Cette action « Routes-entretien » comprend les dépenses qui concernent :

– l’entretien courant et préventif du réseau ;

– l’exploitation, les opérations de réhabilitation, rénovation et de réparation du patrimoine routier (anciennement régénération routière) ;

– les aménagements de sécurité ;

– la gestion du trafic ;

– l’information des voyageurs.

Cet entretien du réseau est assuré sur l’ensemble du territoire par les onze directions interdépartementales des routes (DIR).

La direction interdépartementale des routes ouest (DIR ouest)

La DIR ouest, auditionnée par votre Rapporteur pour avis, assure les actions d’entretien, de modernisation et de développement du réseau routier national non concédé des régions Bretagne et Pays de la Loire, aussi bien pour les chaussées que pour les ouvrages d’art et les équipements.

L’état de son réseau routier est globalement meilleur que la moyenne des autres directions interdépartementales.

S’agissant des chaussées, celles-ci bénéficient d’un meilleur état moyen, reflété par une notation sur vingt plus élevée. Cela s’explique notamment par les conditions météorologiques : le gel, qui conduit à dégrader fortement les chaussées, est relativement faible dans ces régions. Il est par ailleurs moins coûteux de conserver un patrimoine dans un bon état initial, plutôt que d’améliorer l’état de chaussées déjà dégradées.

S’agissant des ouvrages d’art, 6 % des ponts sont en mauvais état car ils ont une structure altérée nécessitant la réalisation de travaux, urgents pour 1 % des ponts du département. La DIR ouest a un patrimoine en meilleur état que la moyenne du réseau routier national non concédé, ce qui masque de fortes disparités entre régions : la DIR Méditerranée a par exemple 13 % de ses ponts en mauvais état (ce qui représente 28 % de la surface des ponts) tandis que la Guyane a 22 % de ponts en mauvais état, dont près de la moitié nécessitent des travaux urgents.

Source : direction des infrastructures, des transports et de la mer et direction interdépartementale des routes ouest.

1.   L’état du réseau routier

Les indicateurs relatifs à l’état du réseau routier sont regroupés au sein de l’objectif n° 2 « Améliorer la qualité des infrastructures de transport ». Deux indicateurs sont relatifs à l’état du réseau routier national non concédé :

– l’état des structures de chaussées sur le réseau routier national non concédé, mesuré par la moyenne des notes d’« image qualité du réseau routier national » (IQRN) ;

– l’état des ouvrages d’art sur le réseau routier national non concédé, mesuré par le classement effectué à partir des données de la démarche d’« image qualité des ouvrages d’art du réseau routier national » (IQOA).

a.   L’état des structures de chaussées

S’agissant de la structure des chaussées, les données proviennent du système d’information IQRN géré par le Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (CEREMA). Cette démarche, mise en œuvre depuis 1992, consiste à évaluer tous les ans environ un tiers du réseau routier national afin d’obtenir une évaluation complète sur trois ans. Cet indicateur est calculé à partir d’un relevé visuel des dégradations de la chaussée et d’un catalogue de désordres, et se traduit par une note allant de zéro (pour une chaussée très dégradée à reconstruire entièrement) à vingt (pour une chaussée parfaite) ([5]).

L’évolution de l’IQRN depuis 2016 est présentée dans le tableau ci-après.

évolution de l’État des structures de chaussées (IQRN) du réseau routier national non concédé

État du point de vue des usagers

(note sur 20)

Réalisation 2016

Réalisation 2017

Prévision initiale 2018

Prévision actualisée 2018

Prévision 2019

Cible 2020

16,17

16,06

16

15,9

15,9

>17

Source : Projet annuel de performance du programme 203 pour 2019.

Sur une plus longue période, le graphique ci-après montre une hausse depuis 2007 de près de 4 points du pourcentage des chaussées présentant des dégradations structurelles (et, corrélativement, une baisse de près de 4 points du pourcentage des chaussées en bon état, dont la note est supérieure à 12).

Évolution du pourcentage de chaussées présentant des dégradations structurelles depuis 2007

Source : direction générale des infrastructures, des transports et de la mer.

Par ailleurs, la moyenne des notes reflétant l’état moyen des chaussées du réseau routier national non concédé s’est dégradée de près d’un point depuis 2009, passant de 16,78 à 15,9 (valeur actualisée pour 2018), soit une baisse de la note des structures des chaussées de 0,1 à 0,2 point par an. L’objectif intermédiaire pour 2020 a été fixé à 17, une note supérieure de plus de 1 point aux prévisions pour 2019 (15,9) ; cet objectif intermédiaire semble donc difficilement réalisable. À long terme, l’objectif prévu pour 2028 est d’atteindre une note de 17,5, nécessitant un budget estimé par le ministère des transports à 344 millions d’euros par an jusqu’en 2028.

b.   L’état des ouvrages d’art

S’agissant des ouvrages d’art, les données proviennent également du CEREMA, plus particulièrement du système d’information IQOA. Cette démarche d’évaluation est mise en œuvre depuis 1995 pour les ponts et depuis 2006 pour les murs. Un tiers des ouvrages est inspecté chaque année, et les données résultant de ces évaluations permettent de classer les ouvrages d’art en cinq catégories :

– ouvrages en bon état apparent (1) ;

– ouvrages présentant des défauts mineurs (2) ;

– ouvrages de type 2 dont les risques d’évolution des désordres peuvent à court terme affecter la structure (2E) ;

– ouvrages dont la structure est altérée et nécessite des travaux de réparation, sans caractère urgent (3) ;

– ouvrages dont la structure est gravement altérée et nécessite des travaux de réparation urgents liés à l’insuffisance de capacité portante de l’ouvrage ou à la rapidité d’évolution des désordres (3U).

La structure des ouvrages peut donc être considérée comme en bon état pour les ouvrages classés 1, 2 et 2E, tandis que la structure des ouvrages classés 3 et 3U est altérée. Les ouvrages d’art font l’objet de trois types de contrôles :

– un examen visuel tous les ans ;

– une visite d’évaluation tous les 3 ans (renouvellement par tiers des données de la démarche IQOA) ;

– une inspection détaillée tous les 6 ans.

L’évolution de cet indicateur depuis 2016 est présentée dans le tableau ci-après.

évolution de l’état des ouvrages d’art (IQOA)
du réseau routier national non concédé

État du point de vue des usagers

(% des ouvrages d’art dont l’état est satisfaisant)

Réalisation 2016

Réalisation 2017

Prévision initiale 2018

Prévision actualisée 2018

Prévision 2019

Cible 2020

86,8

88,3

87,9

88,9

89

>87,7

Source : Projet annuel de performance du programme 203 pour 2019.

Sur une plus longue période, on observe une tendance de légère amélioration de l’état des ouvrages d’art, passant de 85,6 % d’ouvrages d’art en bon état en 2010 à 88,9 % en 2018 (prévision actualisée), soit une hausse de 3,3 points de pourcentage. Cette tendance globale de hausse comporte néanmoins des années de stagnation ou de légère baisse de l’indicateur, comme le révèle le graphique ci-après.

évolution du pourcentage d’ouvrages d’art devant ou non faire l’objet de réparations structurelles depuis 2010

Source : direction générale des infrastructures, des transports et de la mer.

Malgré cette légère amélioration, il convient de noter que les ouvrages d’art construits entre 1968 et 1980 arrivent à la moitié de leur vie et que la moyenne d’âge des ouvrages d’art est d’environ 40 ans ([6]). Ceux-ci vont nécessiter d’importants travaux afin de prolonger leur durée de vie ; or l’audit du réseau routier national non concédé réalisé en 2017 et publié en juillet 2018 a montré que la politique actuelle en matière d’entretien des ouvrages d’art ne permettra pas, en conservant les moyens actuels, de faire face à la dégradation de ces ouvrages d’art.

Tant pour la structure des chaussées que pour les ouvrages d’art, le ministère considère ainsi que l’état du réseau routier national non concédé est préoccupant, appréciation que partage votre Rapporteur pour avis. Si peu d’ouvrages et de chaussées sont aujourd’hui dans un état critique, leur état moyen se dégrade tendanciellement, ce qui risque de conduire à un accroissement des routes en état critique dans les années à venir. Repousser ces travaux conduit alors à la création d’une « dette grise », le coût de la réparation d’une chaussée ou d’un ouvrage endommagé étant bien plus élevé que celui de l’entretien préventif.

c.   L’état des équipements

Enfin, s’agissant des équipements, il n’existe aujourd’hui pas d’indicateur prévu dans le cadre de la LOLF pour évaluer leur état. Ainsi, l’état global de certains types d’équipements (glissières de sécurité métalliques ou en béton, filets ou dispositifs destinés à parer les chutes de blocs rocheux, ensembles de signalisation verticale, etc.) est assez mal connu par le ministère des transports. Ce dernier explique toutefois qu’une démarche similaire à l’IQOA devrait être mise en œuvre pour certains équipements routiers (portiques, potences, hauts-mâts et candélabres) ([7]) afin de mieux connaître l’état de ce patrimoine.

Il en va de même pour les équipements dynamiques mis à disposition sur le réseau (1 900 panneaux à messages variables, plus de 3 700 caméras de surveillance, plus de 4 000 stations de recueil de données trafic, etc.) pour lesquels le ministère des transports affirme qu’il « est indispensable de consacrer des moyens budgétaires plus importants pour assurer le maintien de l’usage et de la valeur de ce patrimoine » ([8]). Les équipements des tunnels ([9]) ont quant à eux récemment fait l’objet d’une modernisation à travers le programme de mise en sécurité des tunnels.

Enfin, la réhabilitation et la mise en sécurité des bassins de stockage et/ou de traitement des eaux de ruissellement, en particulier ceux situés à proximité de zones de captage d’eau potable ou de zones naturelles protégées sont en cours ou sont programmées. Le ministère des transports explique cependant que des « ressources financières importantes sont nécessaires afin de permettre la réalisation de ces travaux qui touchent à la protection et la préservation de la ressource naturelle » ([10]).

2.   Les moyens à mettre en œuvre

Les moyens relatifs à l’entretien du réseau routier national non concédé sont regroupés au sein de l’action n° 4 « Routes–entretien ». Cette action comprend trois postes de dépenses : chaussées, ouvrages d’art et équipements.

S’agissant des chaussées, les dépenses de l’action n° 4 comprennent :

– l’entretien courant, c’est-à-dire les travaux curatifs réalisés pour traiter des dégradations ponctuelles de la chaussée, tels les nids-de-poule ;

– l’entretien préventif, c’est-à-dire les interventions réalisées pour renouveler la couche de surface avant que les dégradations n’atteignent une gravité pouvant mettre en cause la conservation de la chaussée (ensemble des couches formant la chaussée) et l’intégrité de la couche de surface. Ces travaux visent à éviter la mise en œuvre dans le futur de travaux de réparation beaucoup plus coûteux ;

– la rénovation et la réparation du patrimoine routier, anciennement dénommées régénération, c’est-à-dire les actions renforçant les structures atteignant les limites de leur sollicitation et comblant les retards de l’entretien préventif.

S’agissant des ouvrages d’art, l’action n° 4 couvre les opérations de maintenance, d’inspection, de nettoyage, de réparation et de fonctionnement.

Enfin, s’agissant des équipements, l’action n° 4 comprend les dépenses relatives à leur entretien, leur réparation ou leur remplacement.

Les crédits de l’action n° 4 « Routes–entretien » pour 2019 tirent les conclusions du rapport d’audit externe sur l’état du réseau routier national non concédé publié en juillet 2018 par le ministère des transports.

Le rapport d’audit externe sur l’état du réseau routier national non concédé

Les indicateurs révélant une forte dégradation du réseau routier national non concédé, le ministère a commandé un rapport d’audit externe en 2017 à Nibuxs et IMDM sur l’état de ce réseau.

Partant du constat d’un sous-investissement dans l’entretien et la gestion du réseau ces dix dernières années (666 millions d’euros par an en moyenne), l’audit a cherché à définir une stratégie d’entretien pour garantir l’état du réseau routier. En conservant les moyens actuels alloués à cet entretien, l’audit estime que 62 % des chaussées seraient très dégradées sur le réseau national non concédé en 2037, alors que seulement 29 % des chaussées étaient dans un état similaire en 2017. Il prévoit également que 6 % des ponts seraient hors-service en 2037 si le budget actuel était maintenu.

De plus, en cas de maintien du budget au même niveau jusqu’en 2022, il faudrait dépenser 1,3 milliard deuros par an de 2023 à 2037 pour revenir à l’état actuel du réseau routier.

Ces chiffres révèlent le sous-investissement des dernières années dans l’entretien du réseau routier : selon l’audit, les chaussées du réseau national sont renouvelées au mieux tous les 20 ans, et il faut attendre en moyenne 22 ans avant de réparer les ponts après l’apparition des dégradations.

Les crédits de l’action n° 4 « Routes–entretien » sont présentés dans le tableau ci-après.

Crédits de l’action n° 4 du programme 203 pour 2019

Éléments de la dépense par nature

(en euros)

Catégorie

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

Dépenses de fonctionnement autres que celles de personnel

213 257 189

189 718 400

Dépenses dinvestissement

119 400 000

124 800 000

Dépenses dintervention – transferts aux collectivités territoriales

3 200 000

3 200 000

Total

335 857 189

317 718 400

Source : projet de loi de finances pour 2019.

Par ailleurs, en plus de ces crédits prévus par le projet de loi de finances, des fonds de concours de l’Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF) et des collectivités (ou de tiers privés) viennent compléter les crédits budgétaires présentés ci-dessus. Les fonds de concours apportés par l’AFITF s’élèvent pour 2019 à 496 millions d’euros en AE et CP, consacrés notamment à la régénération des chaussées, des ouvrages d’art et des équipements ([11]), tandis que les fonds de concours des collectivités (ou de tiers privés) devraient s’élever à 20 millions d’euros en AE et CP pour l’entretien et l’exploitation du réseau routier national.

Les crédits de l’État ont donc augmenté de 4,7 % en AE entre 2017 et 2018 (passant de 321 à 336 millions d’euros) et ont reculé de 0,6 % en CP (passant de 320 à 318 millions d’euros). Les fonds de concours attendus ont quant à eux augmenté de 7,7 % en AE (passant de 479 à 516 millions d’euros) et de 6 % en CP (passant de 487 à 516 millions d’euros). Au total, les AE consacrées à l’entretien des routes passent de 800 millions d’euros en 2018 à 852 millions d’euros en 2019, soit une hausse de 6,5 %, et les CP de 807 à 834 millions d’euros, soit une hausse de 3,3 %, ce qui traduit la priorité accordée par le Gouvernement à l’entretien et à la régénération du patrimoine routier.

Sur les chaussées plus particulièrement, le CEREMA a indiqué, au cours de son audition par votre Rapporteur pour avis, qu’entre 200 et 250 millions d’euros par an ont été accordées à leur entretien et à leur régénération ces dernières années. Même si le ministère des transports ([12]) a précisé que l’entretien préventif et curatif des chaussées avait représenté 278 millions d’euros en 2016, ces chiffres sont insuffisants : ils devraient être portés à 360 millions d’euros par an pendant dix ans environ pour pallier le sous‑entretien des dernières décennies et amorcer une amélioration, puis revenir à un financement moyen d’environ 320 millions d’euros par an.

Malgré les années successives de réductions budgétaires ayant conduit à la baisse des dépenses d’entretien préventif, ce qui accroît aujourd’hui la « dette grise », c’est-à-dire les dépenses à consacrer à la régénération, votre Rapporteur pour avis tient à saluer l’ambition et l’adaptation des ressources budgétaires prévues par le projet de loi de finances pour 2019 afin d’atteindre l’objectif fixé de bon entretien du réseau routier national.

Le niveau plus élevé de crédits accordés à la rénovation du patrimoine routier est un premier élément de la stratégie pluriannuelle mise en place par le Gouvernement dans le cadre du Grand Plan d’Investissement 2018-2022, qui prévoit 700 millions d’euros supplémentaires sur la période par rapport à la programmation 2017 pour soutenir la rénovation du réseau routier.

3.   Les facteurs de dégradation du réseau routier

En dehors du sous-investissement dans l’entretien et la régénération du réseau routier, d’autres éléments contribuent à accentuer la dégradation de ce réseau ou à en compliquer l’entretien.

Le CEREMA, auditionné par votre Rapporteur pour avis, a tout d’abord pointé les insuffisances actuelles des indicateurs de pilotage des ouvrages d’art, qui s’appuient trop sur l’examen visuel de ces ouvrages. Des méthodes d’imagerie existent pour inspecter les ouvrages de façon approfondie, mais celles-ci demeurent très coûteuses.

De plus, l’accès au réseau routier pour réaliser l’examen et l’entretien du réseau, particulièrement pour les ouvrages d’art, est parfois compliqué par la nécessité de maintenir un trafic fluide, notamment en l’absence d’itinéraires de contournement. Pour l’examen des ponts, des méthodes non invasives commencent à se développer, notamment avec des drones, afin de limiter les interruptions de circulation.

Par ailleurs, la généralisation depuis le 1er janvier 2013 ([13]) de l’autorisation de circulation des poids lourds de 44 tonnes a également eu un impact sur l’état du réseau routier. En effet, les dommages causés aux routes sont très fortement liés au poids des véhicules qui y circulent. Dès lors, le rehaussement du plafond de 40 à 44 tonnes semble avoir eu un impact sur la dégradation du réseau routier, accentué sur les réseaux locaux du fait de la non-adaptation de certaines routes départementales ou communales au passage de ces poids lourds. Votre Rapporteur pour avis s’interroge également sur l’abandon de l’obligation du passage à 6 essieux à l’horizon 2019 ([14]), qui aurait contribué à réduire l’impact du trafic des poids lourds sur la dégradation du réseau routier.

Enfin, l’accroissement du trafic routier de marchandises, qui a augmenté 44 % entre 1990 et 2015, ainsi que du transport de voyageurs, qui s’est accru de 20 % sur la période, contribue à expliquer la dégradation croissante du réseau routier.

Il convient de noter que ces facteurs de dégradation s’appliquent tant au réseau routier national qu’au réseau local.

B.   Le réseau routier national concédé

Le réseau routier national concédé correspond aux autoroutes dont le financement, la construction, l’entretien et l’exploitation sont confiés pour une durée limitée par l’État à des sociétés concessionnaires d’autoroutes, en contrepartie de la perception d’un péage. La DGITM assure la passation et la gestion des contrats de concession, et contrôle le respect des obligations des sociétés concessionnaires. Le réseau autoroutier concédé comporte 9 158 kilomètres de routes et 11 953 ponts ([15]).

L’état du réseau autoroutier concédé est évalué par deux indicateurs :

– l’image qualité du réseau autoroutier, « IQRA Surface des chaussées », qui mesure l’état de surface du réseau autoroutier concédé, suivant une méthodologie proche de l’indicateur IQRN utilisé par l’État pour les chaussées du réseau routier national non concédé ;

– l’image qualité des ouvrages d’art (IQOA), identique à l’indicateur IQOA utilisé par l’État pour les ouvrages d’art du réseau routier national non concédé.

L’État contrôle annuellement, sur la base des déclarations des sociétés concessionnaires et par la réalisation d’audits et de contrôles, le respect des obligations des concessionnaires quant à la qualité des chaussées et des ouvrages d’art. Ainsi, en 2017, deux sociétés concessionnaires ont été auditées sur la maintenance de leurs chaussées et une vingtaine de visites de contrôle ont été réalisées sur la qualité des chaussées dans le cadre d’opérations de construction. Sur l’état des ouvrages d’art, l’État a procédé aux revues de patrimoine de neuf sociétés concessionnaires ([16]), ainsi qu’à trente-huit visites de contrôle d’ouvrages d’art dans le cadre d’opérations de construction ou d’élargissement.

S’agissant de l’état des chaussées, l’indicateur d’état de surface du réseau routier concédé IQRA s’est très légèrement amélioré entre 2012 et 2017, passant de 88 % de chaussées en bon ou très bon état à 90 % en 2017. Il convient cependant de noter que cette légère augmentation s’est produite en même temps qu’un durcissement de la méthodologie de calcul des notes IQRA en 2012 ; la baisse des notes induite n’a pas traduit une dégradation de l’état des chaussées mais un accroissement des exigences de l’État.

évolutioN de l’IQRA des chaussées des autoroutes concédées ([17])

Source : Direction générale des infrastructures, des transports et de la mer.

S’agissant de l’état des ouvrages d’art, le classement des ouvrages d’art du réseau concédé selon la notation IQOA en 2017 est légèrement meilleur que pour le réseau non concédé : 73 % des ouvrages sont en bon état apparent ou ne présentent que des défauts mineurs ([18]). 24 % des ouvrages ont des défauts mineurs dont les risques d’évolution peuvent affecter à court terme la structure ([19]), et environ 2 % des ouvrages ont une structure altérée et nécessitent des travaux de réparation ([20]), qui sont urgents pour 0,1 % des ouvrages d’art ([21]). L’état des ouvrages d’art du réseau autoroutier concédé s’est amélioré entre 2011 et 2017 : la part des ouvrages nécessitant des réparations structurelles (urgentes ou non) est passée de 8 % en 2011 à 2,3 % en 2017, comme le montre le graphique ci-après.

évolution de l’IQOA des ouvrages d’art des autoroutes concédées

Source : Direction générale des infrastructures, des transports et de la mer et Association des sociétés françaises d’autoroutes.

II.   Le réseau local

La voirie des collectivités représente plus de 98 % du réseau routier. L’exploitation, l’entretien, le renouvellement et le développement de la voirie des collectivités représentaient en 2016 un montant de 15 milliards d’euros ([22]).

Malgré ce poids très important, il est ressorti des auditions de votre Rapporteur pour avis que son état est relativement mal connu de l’ensemble des pouvoirs publics au niveau national, malgré les informations fournies par la revue des dépenses de voirie des collectivités locales, publiée en août 2017 par l’Inspection générale des finances, l’Inspection générale de l’administration et le Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD). L’Observatoire national de la route, entendu par votre Rapporteur pour avis, a également pour objectif de mesurer l’évolution des moyens et de l’état des réseaux routiers à tous les niveaux, après avoir mis en place une méthode commune de diagnostic. Enfin, le CEREMA produit une expertise qu’il restitue notamment aux collectivités pour l’entretien de leurs chaussées et de leurs ouvrages d’art.

Votre Rapporteur pour avis réfléchit, comme le ministère des transports, à la possibilité, sans déroger à la libre administration des collectivités territoriales, d’organiser une remontée d’informations sur l’état des ouvrages vers l’État, afin d’améliorer la connaissance de ce patrimoine, tout en offrant une information transparente pour nos concitoyens. Cette meilleure connaissance faciliterait l’instauration de politiques de gestion patrimoniale du réseau par les collectivités, en partant de l’analyse et de la hiérarchisation de leur réseau routier pour en établir un plan d’entretien.

A.   Le réseau départemental

Le réseau départemental comporte 379 000 kilomètres de routes et environ 100 000 ouvrages d’art. En moyenne, les départements consacrent 8 % de leur budget aux dépenses de voirie et 17 % si l’on exclut du budget les dépenses obligatoires d’aides sociales ([23]).

L’état de ce réseau ne fait pas l’objet d’un suivi détaillé par l’État (ce suivi est directement assuré par les départements), même s’ils estiment que son état est plus dégradé que celui du réseau national. Cela masque cependant d’importantes disparités pouvant exister entre départements. S’agissant des ouvrages d’art, on sait cependant que ceux du réseau départemental ont une structure très différente des ouvrages d’art du réseau national, car ils sont en moyenne deux fois plus petits et que le réseau départemental comporte peu de ponts en béton armé, contrairement au réseau national ([24]). Leur entretien est donc par nature assez différent.

L’Institut des routes, des rues et des infrastructures pour la mobilité (IDRRIM) travaille, par l’intermédiaire de l’Observatoire national de la route qui lui est rattaché, au développement d’outils permettant de définir les politiques de gestion du patrimoine routier. Si l’IDRRIM peut aisément récupérer les données de l’État car celles-ci sont publiques, la collecte des données techniques et financières des départements s’effectue par le biais d’enquêtes. Les études de l’observatoire ont notamment vocation à appuyer les services des collectivités afin d’éclaircir ces sujets techniques et d’objectiver leur analyse du réseau routier.

L’Observatoire national de la route (ONR)

L’Observatoire national de la route, porté par l’IDDRIM, a deux principales missions :

– partager les connaissances pour évaluer l’efficacité des politiques techniques pour une gestion économe des réseaux routiers ;

– Décrire l’état du réseau routier afin d’éclairer les décideurs pour mieux optimiser l’efficacité des missions dont ils ont la responsabilité.

Cet observatoire permettra également d’évaluer la corrélation entre l’état du patrimoine et les dépenses globales à consacrer chaque année à l’entretien et l’exploitation de la voirie.

Sont signataires de la charte de l’observatoire l’État, l’Association des départements de France, l’Association des communes de France, ainsi que des entreprises du secteur (Routes de France et le Syndicat national des entrepreneurs spécialistes de travaux de réparation et de renforcement des structures, auditionnés par votre Rapporteur pour avis).

Son rapport de novembre 2017 constitue la première étape de cette démarche de connaissance du réseau routier et des moyens consacrés à son entretien. Le second rapport est prévu pour décembre 2018.

Source : dossier de presse de l’Observatoire national de la route et audition de l’IDDRIM et de l’observatoire le 9 octobre 2018.

La première étude menée par l’observatoire, dont l’enquête a porté sur 57 départements ayant répondu, a permis de faire ressortir le plus petit dénominateur commun utilisé comme indicateur de l’état du réseau routier par les départements. Tous possèdent ainsi trois catégories d’état (bon, moyen et mauvais), mais seulement 57 % d’entre eux ont un indicateur consolidé de l’état de leur réseau routier. L’observatoire a notamment constaté une baisse des dépenses d’investissement au sein d’un échantillon de 34 départements ; cette baisse s’explique essentiellement par la baisse des dépenses consacrées à la construction de nouvelles infrastructures et non par la baisse des dépenses d’entretien et de régénération. S’agissant des dépenses de fonctionnement hors personnel, la tendance semble également être à la baisse, même si l’observatoire a fait face à des difficultés pour isoler la partie des dépenses spécifiquement consacrées à la préservation du réseau.

Le réseau routier du département de la Sarthe

Le réseau départemental de la Sarthe comporte 4 279 kilomètres de routes et 1 325 ouvrages d’art de plus de 2 mètres d’ouverture (1 850 au total) et 230 ouvrages de plus de 20 mètres. Ce réseau est hiérarchisé en fonction de l’importance des routes. La périodicité de leur renouvellement dépend de ce classement :

– le renouvellement du réseau classé 1A (réseau primaire) et 1A+ (réseau de grandes liaisons) est effectué en moyenne tous les dix ans ;

– le renouvellement du réseau classé 1B (réseau primaire bis), tous les onze ans (avant 2017 tous les dix ans) ;

– le renouvellement du réseau classé 2 (réseau secondaire), tous les seize ans (avant 2017 tous les quinze ans).

Le département de la Sarthe a participé à l’enquête de l’Observatoire national de la route. Il a adopté une méthodologie similaire à la démarche IQRN de l’État. Pour l’entretien de ses chaussées, le département procède au renouvellement de la couche de roulement, par une technique d’enduit superficiel, moins coûteuse que l’enrobé. L’entretien préventif est réalisé dans le département depuis plus de 30 ans, ce qui témoigne de la gestion patrimoniale des routes. 93 % des routes sont ainsi dans un état satisfaisant selon l’indicateur de la collectivité ; en légère baisse par rapport aux années précédentes (95 %). Le recul d’un an du renouvellement moyen de certaines routes aura cependant un impact sur leur état.

S’agissant des ouvrages d’art, le département inspecte la totalité des ouvrages tous les 3 ans, par un relevé visuel des éventuelles dégradations. À partir des données issues de ces visites, le département élabore un programme d’entretien. Aujourd’hui, moins de 1 % des ouvrages d’art de plus de 2 mètres présentent des difficultés.

Par ailleurs, de nombreux départements font face à une perte de compétence en matière routière, plus précisément d’ingénierie des ouvrages d’art. Le département de la Sarthe, auditionné par votre Rapporteur pour avis, a par exemple cinq postes de cadres qu’il ne parvient pas à pourvoir, faute de candidats disposant des compétences et de la formation nécessaires. Alors que de nombreux agents des départements sont des fonctionnaires issus de l’ancien ministère de l’équipement, leur départ à la retraite entraîne des difficultés à maintenir ces compétences dans les services départementaux, ce qui soulève la question de la qualité du suivi et de l’entretien de ces ouvrages dans les années à venir.

B.   Le réseau communal

Le réseau communal comporte 673 000 kilomètres de voies communales et environ 100 000 ouvrages d’art. Ce réseau est très mal connu au niveau national, la dernière image de ce réseau remontant à une dizaine d’années ([25]). Son état connu à l’époque était sensiblement plus dégradé que celui des réseaux départemental et national.

L’Observatoire national de la route a cependant commencé à collecter des données relatives à l’état de ce réseau routier. Un travail a ainsi été engagé avec plusieurs EPCI (7 métropoles et 14 communautés de communes ou communautés d’agglomération), mais un très faible nombre d’entre eux participe à cette démarche, dont ne font pas partie, à ce jour, des communes exerçant elles-mêmes la compétence d’entretien du réseau routier. La remontée des données est également plus compliquée du fait de l’hétérogénéité des services assurant l’entretien du réseau routier communal.

S’agissant de la gestion des ouvrages d’art, votre Rapporteur pour avis estime qu’il serait pertinent de renforcer le rôle des intercommunalités dans leur entretien, afin de les regrouper en nombre suffisant pour qu’un service de l’intercommunalité assure le suivi de leur état et leur entretien. En effet, le faible nombre d’ouvrages dans de nombreuses communes ne permet pas de justifier l’existence d’un service – ou même d’un ETP – assurant ce suivi, qui pourrait en revanche être assuré au niveau intercommunal. Le manque de compétences en matière d’ingénierie, relevé pour le réseau routier départemental, est encore plus important s’agissant des voies communales.

Une remontée d’informations au niveau national permettrait par ailleurs d’avoir une meilleure vision de l’état de ce patrimoine et d’en éviter à terme une dégradation trop importante. Il convient toutefois de noter l’existence du guide produit par le CEREMA ([26]) sur l’entretien de ces ouvrages d’art, qui vise à répondre aux difficultés rencontrées par les communes dans la surveillance et l’entretien de ces ouvrages.


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   Deuxième partie : L’intermodalité

L’intermodalité est un enjeu central des politiques de mobilité, aussi bien pour le transport de voyageurs que de marchandises. Elle peut se définir comme l’organisation intégrée des différents modes de transport de voyageurs ou de marchandises pour en faciliter la combinaison ([27]). Selon le géographe M. Pierre Thorez, il s’agit de l’« ensemble des possibilités de passage d’un mode de transport à l’autre, tant pour un voyageur que pour des marchandises, au cours d’un même déplacement » ([28]).

La multimodalité, quant à elle, désigne tantôt l’existence de plusieurs modes de transport entre deux lieux, tantôt la simple combinaison de modes de transport au cours d’un trajet, sans réflexion systémique particulière sur la coordination de ces modes de transport. Cette approche systémique, et non plus modale, caractérise l’intermodalité et la distingue de la multimodalité. Cette dernière a toujours existé, tandis que l’intermodalité est plus récente et est liée à la volonté de poursuivre, selon M. Pierre Thorez, deux principaux objectifs :

– assurer une meilleure fluidité de la chaîne de transport et en diminuer les coûts ;

– contribuer au transfert modal vers des modes moins polluants que le transport routier ([29]).

Les choix de mobilité, qu’il s’agisse du transport de voyageurs ou de marchandises, reflètent un arbitrage global entre coût, durée, nombre et facilité des changements de mode de transport. Les politiques intermodales visent donc à fluidifier les changements modaux et à en réduire le coût et la durée ; elles abandonnent un raisonnement par mode de transport « en silo » pour adopter une approche imbriquée de la mobilité.

Dans cette optique, les indicateurs du projet annuel de performance du programme 203 relatif à la part modale des transports non routiers, pour le fret comme pour le transport de voyageurs, permettent dans la durée de mesurer le report modal et l’efficacité des politiques d’intermodalité ([30]).

I.   L’intermodalité dans le transport de voyageurs

A.   Les principaux Enjeux du développement de l’intermodalité

S’agissant du transport de voyageurs, l’intermodalité est un enjeu central pour permettre le développement de pratiques de mobilité quotidienne plus fluides, plus durables, et bien souvent plus solidaires, dans un contexte où le secteur des transports est responsable du tiers des émissions de gaz à effet de serre et de polluants atmosphériques, qui proviennent à 95 % du transport routier, majoritairement du trafic de véhicules particuliers (56 %) ([31]). Près d’un français sur quatre déclare par ailleurs avoir refusé un emploi ou une formation faute de pouvoir s’y rendre ([32]).

L’objectif est ainsi double :

– réduire la part modale de la voiture dans les déplacements (estimée à 68 % par l’enquête nationale transports et déplacements) ([33]). L’objectif est ainsi d’inciter les voyageurs à utiliser les transports en commun, en particulier à l’intérieur des villes ;

– lutter contre l’autosolisme, c’est-à-dire l’utilisation d’une voiture par une seule personne. Alors qu’en 1990 le taux d’occupation d’une voiture était estimé à 1,78 personne par véhicule, il est progressivement tombé à 1,58 personne par véhicule en 2014 ([34]). Ce taux est cependant beaucoup plus faible pour les trajets domicile-travail : selon les calculs du Commissariat général au développement durable (CGDD), il serait en 2008 de 1,04 à Paris, de 1,06 dans les autres villes et de 1,08 en zone rurale ([35]).

Le défi est également d’envergure pour le pouvoir d’achat de nos concitoyens. En effet, dans un contexte de hausse du prix des carburants, l’autosolisme coûte cher et l’intermodalité apparaît comme un moyen de lutter contre la hausse de la part des dépenses liées au transport dans le budget des ménages.

Aussi, le développement de l’intermodalité pour le transport de voyageurs répond à trois principaux enjeux :

– optimiser et rationaliser les systèmes publics de transport en tenant mieux compte dans le schéma de transport des zones pour lesquelles certains modes de transport sont plus pertinents et en reconsidérant les potentialités offertes par les modes de transport actifs (vélo, marche) ou partagés de la voiture, en rabattement vers les pôles et les services transports ;

– assurer et favoriser la meilleure continuité de service non seulement entre les réseaux et les systèmes publics de transport mais également avec l’ensemble des services de mobilité (conventionnés ou non) ;

– plus généralement, promouvoir les conditions techniques en lien avec le développement du numérique afin de réduire la culture de l’autosolisme, qui est la plus pénalisante pour l’environnement dans le cadre de la mobilité du quotidien. En effet, l’existence d’offres intégrées de mobilité a des conséquences directes sur le recours à la voiture individuelle par les citoyens, qui emprunteront davantage les transports en commun. Cela permet donc de réduire les émissions de polluants et participe ainsi à la mise en place d’une mobilité plus durable.

Au cours de son audition, le CEREMA a indiqué que la part des déplacements intermodaux avait légèrement augmenté ces vingt dernières années, passant de 2 % à environ 6 % aujourd’hui. Le graphique ci-après présente l’évolution des parts modales pour le transport de voyageurs ces vingt-cinq dernières années.

évolution des parts modales pour le transport de voyageurs

Champ : transport intérieur en France et vols intérieurs à la métropole uniquement

(en % du transport intérieur de voyageurs)

Source : ministère de la transition écologique et solidaire.

L’enjeu du report modal doit donc être au cœur des politiques publiques de mobilité, afin de libérer la capacité des usagers à changer de mode de transport : ce changement doit être le plus simple possible pour les usagers. Cela peut passer par différents leviers : coordination des autorités organisatrices de la mobilité et synchronisation des offres de transport, ouverture des données à des fins d’information des usagers, ou encore le développement d’une billettique unique.

B.   Les leviers d’une politique intermodale

1.   La multiplicité des acteurs impliqués

Il existe aujourd’hui une inadéquation entre, d’une part, le bassin de mobilité – et donc le bassin de vie – des personnes et, d’autre part, les compétences des intercommunalités en matière de politiques de transport. Le développement des transports urbains est ainsi ralenti par les frontières de compétences entre autorités organisatrices de la mobilité (AOM). Si la loi dite « MAPTAM » ([36]) de 2014 a affirmé le rôle de la région comme chef de file de l’intermodalité en consacrant son rôle de coordination des AOM, il n’en demeure pas moins qu’aujourd’hui, cette répartition des compétences est complexe et que chaque autorité organisatrice a développé son réseau indépendamment des autres. Au cours de son audition par votre Rapporteur pour avis, Transdev a également pointé les difficultés liées de coordination entre la gestion du stationnement, généralement assuré par les communes, et la gestion des transports, qui relève de la compétence des intercommunalités.

Dans cette optique, le renforcement du dialogue entre les AOM apparaît primordial : au cours d’un même parcours, un usager peut emprunter des moyens de transports organisés par plusieurs AOM, voire des moyens de transport non conventionnés. Dès lors, il apparaît nécessaire de renforcer le rôle de chef de filât de la région dans la coordination des offres de transport des AOM et dans le développement des politiques d’intermodalité. L’amélioration de cette coordination de la mobilité au niveau régional permettrait à la fois de renforcer la cohérence de l’offre de transport en termes de dessertes et d’horaires et de faciliter l’information des usagers et l’intégration de la billettique. L’intermodalité nécessite de la précision : il faut éviter au mieux les dysfonctionnements de la chaîne intermodale pour éviter le report vers la voiture et l’autosolisme, plus confortable pour les usagers hors situation de congestion du fait de son autonomie et de sa flexibilité.

Ces dispositions relatives au rôle des régions (évolution des régions en tant qu’autorités organisatrices de la mobilité régionale, définition par elles des bassins de mobilité, pôles d’échanges multimodaux, appui aux autorités organisatrices, etc.) devraient être inscrites dans la future loi d’orientation des mobilités, ce dont se félicite votre Rapporteur pour avis.

2.   Le développement d’un maillage territorial favorisant l’intermodalité

La question du maillage territorial et de la gestion des entrées de villes est centrale dans la volonté d’accroître les déplacements intermodaux. Cela nécessite le développement de chaînes intermodales quel que soit l’axe d’entrée dans la ville. Cela soulève tout d’abord la question du maillage des zones faiblement urbanisées, qui résulte d’un arbitrage entre deux modèles, en tenant compte des contraintes budgétaires :

– développement d’un maillage fin du territoire, ce qui permet d’en couvrir une large partie mais à une vitesse relativement faible et sur des plages horaires restreintes (c’est par exemple le modèle des bus de ramassage scolaire) ;

– développement d’axes performants et rapides de la périphérie vers le centre, en incitant au rabattement vers ces axes performants et plus propres que la voiture (train, autocars, tramways, etc.) pour capter notamment les trajets domicile-travail.

Ensuite, le maillage des entrées de villes en pôles d’échanges multimodaux, en parc relais et en gares routières est central pour inciter à l’adoption de modes de transport plus propres et/ou actifs au sein des villes.

S’agissant du stationnement, les parkings urbains autour des grands équipements sont aujourd’hui une source de recettes importantes pour les collectivités, ce qui conduit souvent les communes à les maintenir en centre-ville et incite in fine à l’utilisation de la voiture en ville. De la même façon, l’existence d’une place de stationnement à proximité de son lieu de travail favorise la réalisation des trajets domicile‑travail en voiture. La mise en place de péages urbains, dont l’expérimentation devrait être rendue possible par la future loi d’orientation des mobilités, contribuerait, en complément du développement de parcs relais, au report modal à l’entrée des agglomérations. Ces parcs relais devraient prévoir, outre des espaces de stationnement, des espaces sécurisés pour y stationner les vélos (et/ou le développement de systèmes de vélos en libre accès ([37])) afin de renforcer leur usage, suivant l’objectif fixé par le ministère des transports de multiplier par trois le nombre de déplacements à vélo d’ici 2024. Le développement d’espaces d’accueil du covoiturage permettrait également d’encourager le développement de mobilités partagées.

S’agissant des gares routières, Keolis, lors de son audition par votre Rapporteur pour avis, a souligné l’absence d’autorités organisatrices en charge des gares routières dans le cadre de la loi n° 82-1153 du 30 décembre 1982 d'orientation des transports intérieurs (LOTI), ce qui a freiné leur développement. Ce retard a notamment été ressenti dans le cadre du développement des services librement organisés de transport par autocars, prévus par la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques, comme l’a souligné la Fédération nationale des transports de voyageurs (FNTV) au cours de son audition.

Enfin, s’agissant des pôles d’échanges multimodaux, plusieurs problèmes sont à relever. Tout d’abord, Keolis et Transdev, conjointement auditionnés par votre Rapporteur pour avis, ont pointé les difficultés d’accès à du foncier facilement utilisable autour des gares ferroviaires afin de développer des gares routières et parcs de stationnement. Ensuite, selon le ministère des transports, le principal enjeu est « la remise à niveau des grandes gares, qui s’avère particulièrement complexe du fait de la densité de leur trafic et des besoins de continuité dans leur exploitation » ([38]). De nombreuses difficultés sur le réseau ferroviaire sont liées à des dysfonctionnements intervenant dans les grandes gares, dans lesquelles les travaux sont compliqués et longs (deux à trois ans) à réaliser.

3.   L’ouverture des données de transport

L’ouverture des données de transport et le numérique permettent de faciliter les solutions de transport intermodales, en améliorant la coordination des modes de transport, en développant des solutions de billettique unique et intégrée et en facilitant l’information des usagers.

L’ouverture de ces données permet de faciliter le développement d’applications, portées par des régions, des agglomérations ou des entreprises ([39]), qui constituent une voie d’entrée uniquement vers les informations relatives à tous les modes de transport disponibles et pourraient donner accès à un bouquet de services de mobilité, qui peuvent être intégrés au sein d’un forfait. Ces applications innovantes sont au cœur du concept de Mobility as a Service (MaaS), qui comporte à la fois l’information multimodale à destination des usagers mais aussi la possibilité d’une tarification intégrée via un portail unique.

La création d’une tarification unique est une source de simplicité pour les usagers, complexe à mettre en œuvre du fait de la multiplicité des autorités organisatrices et des opérateurs ; l’usager ne se préoccupe pas de l’autorité qui organise ses différents modes de transport, mais de la fluidité de son parcours. Pour favoriser l’intermodalité, il faut en effet supprimer tout ce qui peut représenter une rupture de mobilité ou une contrainte, dont font parties les billettiques multiples. Cette coopération peut notamment passer par le renforcement des compensations tarifaires entre autorités organisatrices, pour les personnes bénéficiant d’abonnements mais également pour les passagers occasionnels.

L’ouverture de ces données soulève néanmoins la question des conditions de cette ouverture et de son coût éventuel, car la production et la mise en forme des données ne sont pas gratuites. En cela, la future loi d’orientation des mobilités devrait intégrer plusieurs mesures visant à préciser cette ouverture :

– intégration en droit français de la réglementation européenne en matière d’ouverture des données de transport ;

– création d’une possibilité de compensation financière par l’utilisateur des données en cas de surcoût lié à leur mise à disposition ;

– ouverture des données relatives à l’accessibilité de personnes à mobilité réduite afin de développer les services d’aide au déplacement pour ces personnes ;

– animation de la démarche d’ouverture des données par les régions et les métropoles ;

– publication de certains arrêtés de circulation sous forme numérique afin d’en faciliter la prise en compte par les services d’information et les transporteurs routiers ;

– contrôle de la mise en œuvre de l’accès aux données de transport par l’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières.

Le dispositif French Mobility, initié par le ministère des transports, devrait faciliter le développement de solutions innovantes encourageant l’intermodalité, en s’appuyant notamment sur l’ouverture des données et le numérique.

Le dispositif French Mobility

French Mobility est une initiative du ministère chargé des transports pour faciliter l’innovation dans la mobilité, qui s’inscrit dans la continuité des Assises nationales de la mobilité, organisées fin 2017. Cette initiative a pour objectif de permettre le développement et la diffusion de l'innovation dans les mobilités du quotidien en reconnectant les différents acteurs pour répondre aux défis de tous les territoires.

L’enjeu est de faire travailler ces acteurs ensemble sur le développement de solutions innovantes au service de la mobilité du quotidien. Sept actions ont pour l’instant été initiées :

– création d’un facilitateur au sein du ministère qui sera le point d’entrée des différents acteurs du secteur ;

– création d’une plateforme collaborative qui recensera les expérimentations, permettra la mise en relation, etc. ;

– facilitation de la commande publique innovante ;

– création d’une culture commune autour des thématiques « innovation et mobilité » ;

– orientation des financements vers le soutien à l’innovation dans les mobilités ;

– soutien à l’ingénierie dans les territoires peu denses ;

– développement d’une stratégie de marque autour de la French Mobility.

II.   L’intermodalité dans le transport de marchandises

L’intermodalité dans le transport de marchandises consiste à assurer le transbordement vers des modes de transport plus durables :

– en réservant le mode routier aux opérations de préacheminement et de post-acheminement, car il s’agit de dessertes fines pour lesquelles le mode routier est plus pertinent ([40]) ;

– et en réalisant l’essentiel des opérations de transport de longue distance par des modes de transport massifiés dont l’impact sur l’environnement est moindre (transport ferroviaire et fluvial).

De façon similaire au transport de voyageurs, l’intermodalité pour le fret dépend à la fois du coût de la solution intermodale, de sa durée, de sa fiabilité mais aussi de la fluidité du changement de mode (adaptation de la conteneurisation, réduction des coûts de transit, etc.). Le choix de l’intermodalité pour le prestataire logistique ou le donneur d’ordre doit ainsi rester compétitif à la fois en termes de prix et de qualité de service, dans un contexte d’offre importante et de concurrence européenne rappelé par la Fédération nationale des transports routiers (FNTR) lors de son audition par votre Rapporteur pour avis. Ces critères expliquent les actions conduites par le ministère des transports dans ce domaine. Le géographe M. Laurent Chapelon a également souligné, au cours de son audition, les coûts importants liés au transbordement. Bien qu’ils soient moins élevés dans le cadre d’autoroutes ferroviaires, la rupture de charge dans le transport de marchandises entraîne une augmentation des coûts.

Le graphique ci-dessous présente l’évolution des parts modales pour le transport de marchandises ces vingt-cinq dernières années. Le transport ferroviaire a ainsi chuté de près de 10 points de pourcentage entre 1990 et 2016, au profit du transport routier de marchandises.

Évolution des parts modales pour le transport de marchandises

Champ : transport routier en France, hors transit rhénan

(en % du transport intérieur de marchandises)

Source : ministère de la transition écologique et solidaire.

Pour le géographe M. Laurent Chapelon, certaines décisions prises concernant le trafic routier, plus particulièrement le passage aux poids lourds de 44 tonnes évoqué dans la première partie du rapport, contribuent à pénaliser l’efficacité économique des chaînes intermodales, au détriment notamment du transport fluvial de marchandises.

Pour votre Rapporteur pour avis, c’est également le faible prix du transport routier de marchandises qui est la cause de la prédominance de ce mode de transport par rapport au fret ferroviaire ou fluvial. Ce prix en baisse est lié à une concurrence déséquilibrée des transporteurs routiers au niveau européen, sur laquelle la Commission européenne a proposé un premier ensemble de textes déposé au printemps 2017 ([41]). À ce titre, les travaux de votre Rapporteur pour avis au sein de la commission des affaires européennes sur le premier paquet Mobilité ([42]) ont donné lieu à l’adoption par l’Assemblée nationale, à une très large majorité, d’une résolution européenne le 6 mars 2018 ([43]) visant à revoir nos règles communes.

A.   Les Actions de l’état en faveur de l’intermodalité

1.   L’aide au transport combiné

Les principales actions du ministère relatives à l’intermodalité dans le transport de marchandises portent tout d’abord sur la poursuite de l’aide en faveur du transport combiné pour une période de cinq ans ([44]), prévue par l’action n° 45 « Transports combinés » du programme 203 dont les crédits sont présentés dans le tableau ci-après.

Crédits de l’action n° 45 du programme 203 pour 2019

(en euros)

Catégorie

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Dépenses autres que celles de personnel

27 109 039

32 109 039

Fonds de concours et attributions de produits attendus

58 000 000

6 250 000

Total

85 109 039

38 359 039

Source : projet de loi de finances pour 2019.

L’objectif de ce soutien, aussi appelé « aide à la pince », est de compenser partiellement le surcoût lié aux transbordements dans la chaîne intermodale par rapport à un transport uniquement routier. Dans le nouveau dispositif, il est prévu d’introduire, dans le calcul de l’aide, une composante liée au nombre de circulations, en plus de l’aide liée aux unités transbordées : cette nouvelle composante liée au nombre de circulations est destinée à encourager le développement de l’offre et à rendre plus attractive cette offre pour le transport de moyenne distance, par rapport à la seule aide liée aux unités transbordées.

Le ministère des transports a annoncé que ces changements seront introduits progressivement pour permettre aux opérateurs de s’adapter. L’aide allouée en 2019 pour les trafics 2018 sera ainsi versée selon les modalités du dispositif actuel. À partir de l’année suivante, l’aide aux circulations sera introduite pour une part d’environ 10 %, l’aide aux unités demeurant la part essentielle du dispositif.

L’objectif est aussi de donner de la visibilité aux opérateurs sur l’aide qui leur sera versée. Il n’est cependant pas possible, à l’occasion du démarrage du nouveau dispositif, de passer à une aide allouée aux trafics de l’année en cours, car cela engendrerait un doublement de l’engagement budgétaire. Pour pallier cela, le ministère des transports a retenu la solution de communiquer, après une période transitoire de deux ans, les taux applicables de 2020 à 2022.

2.   Les coopérations internationales

Par ailleurs, le ministère des transports prévoit de poursuivre les coopérations internationales, notamment avec l’Espagne et l’Italie, en faveur de nouvelles solutions de transports massifiés (autoroutes ferroviaires ([45]), cabotage maritime ou autoroute de la mer).

S’agissant du ferroutage, une feuille de route commune constitue le cadre de la coopération avec l’Espagne. La publication des résultats des appels à manifestation d’intérêt (AMI) concernant les services possibles sur les axes méditerranéen et atlantique est prévue pour la fin d’année. En outre, les États et les gestionnaires d’infrastructures conduisent un programme d’études conjoint sur les aménagements nécessaires sur l’axe atlantique avec le soutien de l’Union européenne, d’un montant de 5 millions d’euros, qui porte en particulier sur l’augmentation du gabarit des infrastructures pour permettre les services de ferroutage.

Avec l’Italie, la procédure de mise en concession du service de ferroutage pour le franchissement des Alpes lancée en août 2017 se poursuit. La désignation du futur concessionnaire devrait intervenir d’ici 2021. Parallèlement, les discussions sont engagées avec la Commission européenne pour obtenir son accord sur la poursuite des aides d’État au service actuel. Le ministère des transports a également la volonté de renforcer l’axe Dijon-Modane compte tenu du caractère stratégique de cet axe, dans l’attente de la mise en service de la ligne nouvelle du Lyon-Turin.

Dans le domaine des services maritimes, la France est engagée aux côtés de l’Espagne pour développer, à travers l’octroi d’aides au démarrage, des services d’autoroute de la mer sur la façade atlantique. Pour 2019, un fonds de concours de l’AFITF de 2,6 millions d’euros est prévu pour aider le service entre les ports de Nantes-Saint-Nazaire et Vigo.

3.   L’amélioration de la performance du fret non routier

L’action du ministère, soutenue par votre Rapporteur pour avis, porte également sur l’amélioration de la performance des modes massifiés, condition essentielle pour que ces modes soient pertinents par rapport au transport routier de marchandises. Il s’agit notamment :

– de conjuguer les impératifs de mise à niveau du réseau ferroviaire avec la qualité de service offerte et avec la tarification de l’accès aux infrastructures. Ainsi l’évolution de la tarification a été limitée pour les années à venir au niveau de l’inflation. Pour le transport fluvial de marchandises, l’enjeu est également de remettre les infrastructures à niveau et d’encourager la modernisation de la flotte ;

– de poursuivre les travaux en faveur d’une logistique urbaine durable, dans la continuité des Assises de la mobilité et des travaux préparatoires au projet de loi d’orientation sur les mobilités. La mise à disposition de la charte nationale de la logistique urbaine auprès des collectivités après son expérimentation en est une illustration.

Votre Rapporteur pour avis souhaite insister sur la nécessité d’une massification optimisée des flux au plus proche des lieux de consommation et de production des marchandises. Les objectifs de chaînes de transport durables et multimodales pourront être atteints par une forte implication de l’ensemble des acteurs de la chaîne logistique. C’est en ce sens que votre Rapporteur pour avis avait proposé en avril 2018 plusieurs recommandations quant à la livraison de marchandises, notamment en zone urbaine, dans le cadre de sa mission gouvernementale sur les véhicules utilitaires légers ([46]).

B.   Les moyens en faveur de l’intermodalité dans le transport de marchandises

Au total, le projet de loi de finances pour 2019 prévoit un total de 323 millions d’euros en faveur de l’intermodalité pour le fret, répartis entre :

– 197 millions d’euros pour le financement de l’utilisation du réseau ferré national pour les trains de fret (dont le transport combiné), prévus par l’action n° 41 « Ferroviaire » du programme 203 ;

– 27 millions d’euros évoqués précédemment pour le soutien au transport combiné, prévus par l’action n° 45 « Transport combiné » du programme 203 ;

– 5 millions d’euros pour le soutien à l’autoroute ferroviaire alpine, prévus en CP par l’action n° 45 « Transport combiné » du programme 203, les AE étant à reporter du budget 2018 ;

– 94 millions d’euros pour le dragage des ports, prévus par l’action n° 43 « Ports » du programme 203.

En complément, le budget de l’AFITF contribue au financement d’infrastructures, notamment dans le cadre des contrats de plan État-région (CPER), pouvant bénéficier au transport de voyageurs ou de marchandises. En 2018, environ 450 millions d’euros ont été mobilisés selon le ministère des transports dans les CPER pour les projets non routiers (transport de voyageurs et fret) et 15 millions d’euros spécifiquement pour le fret, notamment pour le réseau capillaire. Pour 2019, le ministère des transports prévoit des moyens alloués du même ordre de grandeur, voire en progression (de l’ordre de 15 %).

Ces crédits répondent au diagnostic du ministère des transports d’insuffisance des infrastructures actuelles pour développer l’intermodalité dans le transport de marchandises, avec un accent mis par le Gouvernement sur la mise à niveau des infrastructures existantes ([47]).

 


—  1  —

   examen en COMMISSION

Après l’audition de M. François de Rugy, ministre d’État, ministre de la transition écologique solidaire, au cours de sa réunion du mardi 16 octobre 2018 ([48]) et de l’audition de Mme Élisabeth Borne, ministre des transports, au cours de sa réunion du mardi 23 octobre 2018 ([49]), la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a examiné le mercredi 24 octobre 2018, pour avis, sur le rapport de M. Damien Pichereau, les crédits du programme « Infrastructures et services de transports » de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » et les crédits des comptes d’affectation spéciale « Aides à l’acquisition de véhicules propres » et « Services nationaux de transport conventionnés de voyageurs ».

Mme la présidente Barbara Pompili. Mes chers collègues, nous sommes réunis pour poursuivre l’examen pour avis des crédits de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » du projet de loi de finances (PLF) pour 2019.

Après l’audition des rapporteurs pour avis, nous allons examiner des amendements de crédit, mais le vote final sur l’ensemble des crédits de la mission n’interviendra que lors de notre réunion du mercredi 31 octobre, une fois examiné l’ensemble des amendements qui s’y rapportent. Aujourd’hui, nous examinerons cinq amendements.

Après avoir entendu les deux rapporteurs pour avis sur leurs rapports respectifs, je donnerai la parole aux orateurs de groupe, qui pourront s’exprimer sur ces deux rapports pour quatre minutes chacun. Après les réponses des rapporteurs, nous passerons à des questions d’une minute chacune.

Mme Zivka Park, rapporteure pour avis. Madame la présidente, mes chers collègues, le transport aérien a pleinement surmonté la crise des années 2008-2010 et assoit sa croissance sur la mondialisation des échanges. Depuis des années, son taux de croissance mondial frôle les 7 % et le trafic aérien mondial double tous les douze ans.

En 2017, 4 milliards de passagers ont été transportés. D’ici une quinzaine d’années, on estime que 8 à 9 milliards de personnes – l’équivalent de la population mondiale – prendront chaque année un avion. Les aéroports investissent et des milliers d’emplois sont créés ; les écoles de pilotage recrutent, les constructeurs aéronautiques engrangent les commandes : leurs carnets de commandes sont parfois pleins sur dix ans.

Comme je l’ai dit lors de l’audition du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, c’est une excellente nouvelle sur le plan économique. Mais face aux nuisances engendrées par ce secteur d’activité, grand consommateur d’énergie fossile et acteur du réchauffement climatique, cette croissance sans limite ne manque pas de nous interroger.

Le transport aérien français doit faire face à un certain nombre de défis. Les tensions sociales et le conflit salarial au sein de notre compagnie nationale semblent avoir trouvé un dénouement avec l’arrivée d’un nouveau président-directeur général (PDG). Il faut espérer que son plan de relance connaîtra le même succès.

La privatisation du groupe Aéroports de Paris (ADP) a suscité de nombreuses réactions. Pourtant, le dispositif encadrant la cession des parts de l’État est efficace : il est assorti de garanties essentielles qui devraient tous nous rassurer. J’aurai l’occasion d’y revenir.

Cette année a par ailleurs été marquée par la tenue des Assises du transport aérien, dont les conclusions sont imminentes et attendues, notamment en matière de performance environnementale – réduction des émissions de gaz et des nuisances sonores.

La sortie officielle du Royaume-Uni de l’Union européenne le 29 mars 2019 sera un défi et ne se fera pas sans difficulté pour nos constructeurs aériens.

Sur un plan purement national, en 2019, le budget annexe « Contrôle et exploitation aériens » (BACEA) continuera à participer à l’effort national de réduction du déficit public, en poursuivant sa trajectoire de désendettement : après plusieurs exercices déficitaires, l’année 2013 avait marqué une amélioration du résultat d’exploitation avec un premier excédent. Cette tendance à l’assainissement s’est confirmée depuis et se poursuivra en 2019. Le solde d’exploitation devrait s’élever à 364 millions d’euros, entièrement consacrés au désendettement et à l’investissement. L’endettement, qui avait atteint le niveau record de 1,3 milliard d’euros en 2014, s’établit à 804 millions d’euros : cette diminution de 40 % de la dette en cinq ans est assez exceptionnelle.

Parallèlement, le niveau des taxes et des redevances continuera à diminuer, conformément aux mécanismes définis par le Ciel unique européen : ainsi, le taux de la redevance de route baissera de 4,2 %, pour le plus grand bénéfice des compagnies aériennes. La direction générale de l’aviation civile (DGAC) nous a indiqué que la France présente l’un des taux de redevance de route les plus bas d’Europe de l’Ouest : son niveau aura baissé de plus de 13 % entre 2015 et 2019. En outre, la redevance pour services terminaux a diminué de 20 % en 2017 et elle restera stable en 2019.

Le PLF 2019 poursuit également des objectifs d’économies structurelles : tout en sanctuarisant les dépenses à caractère opérationnel, la DGAC diminuera ses dépenses de fonctionnement pour la cinquième année consécutive. Cela mérite d’être salué, le montant de cette baisse étant directement affecté au désendettement.

Ces mesures d’économie trouvent toutefois leurs limites. C’est ainsi que la subvention que la DGAC verse chaque année à son opérateur, l’École nationale de l’aviation civile (ENAC), se stabilisera à hauteur de 95 millions d’euros. Cette somme, de 100 millions d’euros il y a quelques années, a subi une lente érosion mais doit maintenant être stabilisée.

Le budget pour 2019 se traduira également par le maintien d’un haut niveau d’investissement qui permettra d’une part aux services de navigation aérienne de se conformer aux exigences fixées par le deuxième plan de performance européen (RP2) tout en préparant la relance des investissements pour le troisième plan de performance et, d’autre part, de faire face aux nécessaires dépenses liées aux enjeux en matière de cybersécurité.

Grâce à la bonne santé du transport aérien, et donc de la DGAC, les investissements seront autofinancés à hauteur de 80 % en 2019, contre seulement 65 % en 2018.

En 2019, les effectifs de la DGAC enregistreront une quasi-stabilité. Dans un contexte de forte hausse de l’activité aérienne, malgré une réelle amélioration de la productivité, la réduction du nombre d’agents trouve ses limites : la DGAC a perdu 11 % de ses effectifs en une dizaine d’années, alors que le trafic aérien a presque doublé sur la même période.

Je voudrais d’ailleurs attirer votre attention sur la situation des contrôleurs aériens : la baisse continue des effectifs de cette catégorie de personnels, autant en France que dans les pays voisins, a abouti à une dégradation du service rendu et à une augmentation des retards. C’est probablement en Allemagne que la situation est la plus dégradée avec cinq cents vols déroutés quotidiennement vers les pays voisins au cours de l’été dernier ! Mais la situation n’est pas plus brillante dans notre pays, qui a également détourné vers ses voisins nombre de vols que ses contrôleurs n’étaient pas en mesure de gérer. Les grèves survenues dans certains centres n’ont pas arrangé la situation.

La DGAC s’est d’ores et déjà lancée dans un programme de recrutement de quatre‑vingt-dix contrôleurs par an. Mais la formation de ces personnels est longue et l’effet de ces recrutements ne se fera pas sentir avant quelques années. À court terme, les instructeurs qui seront affectés à la formation des nouveaux agents feront défaut aux équipes opérationnelles…

Comme vous le savez, le projet de loi relatif à la croissance et à la transformation des entreprises (PACTE), que nous avons adopté le 9 octobre dernier, autorise le Gouvernement à lancer le processus de privatisation d’Aéroports de Paris. Paradoxalement, compte tenu de la rédaction rigoureuse du projet de loi, les pouvoirs de contrôle de la DGAC sur l’exploitant aéroportuaire devraient sortir renforcés de ce processus de privatisation.

Certes, l’administration ne disposera plus de l’outil de dissuasion que constituait la possibilité de révocation du PDG de la société, mais il avait rarement été utilisé. En revanche, elle aura un droit de regard sur la nomination des principaux directeurs d’ADP et pourra en exiger la révocation. Ce droit de regard s’exercera sur les directeurs géographiques des aéroports de Roissy Charles-de-Gaulle (CDG), d’Orly, du Bourget, mais aussi de tous les aéroports secondaires d’Île-de-France – Toussus-le-Noble, Lognes, Saint-Cyr, etc. Ces derniers sont peu connus mais très actifs.

Ce pouvoir de révocation concernera aussi les directeurs de la sécurité, de la sûreté, de l’ingénierie, ainsi que tous les postes sensibles de cette société gestionnaire d’aéroports internationaux. Le directeur général de l’aviation civile souligne que son administration pourra désormais peser sur ces postes, ce qui n’est actuellement pas le cas.

Par ailleurs, la DGAC aura aussi son mot à dire en matière d’investissement. Elle pourra s’opposer à des investissements qui lui paraîtraient trop dispendieux ou inopportuns. Elle pourra interdire des cessions foncières. A contrario, l’État pourra également imposer des investissements de capacité, comme c’est aujourd’hui le cas pour les aéroports de province déjà privatisés.

La principale difficulté consistera à fixer un prix de vente, sachant que les transactions concernant des biens de cette valeur ne sont pas fréquentes. Le choix de la méthode de vente, la sélection du ou des acheteurs, la bonne exécution de la transaction constitueront autant de défis à relever.

Pour conclure ma présentation, je voudrais insister une fois de plus sur la nécessité de poursuivre sans relâche la lutte contre les nuisances, afin que le transport aérien soit mieux accepté du plus grand nombre. Actuellement, des propositions sont à l’étude au sein des services de la DGAC. Nous ne pouvons que l’encourager à présenter et mettre en œuvre des solutions accélérant l’insonorisation des habitations des riverains des aéroports. Pour rappel, les délais de traitement des dossiers de demande sont actuellement de quatre à cinq ans. C’est loin d’être optimal… En outre, en l’état des recettes de la taxe sur les nuisances sonores aériennes (TNSA), il faudra vingt ans pour insonoriser l’ensemble des habitations autour de Roissy !

De même, les constructeurs participent à la réduction des nuisances en mettant au point des avions toujours moins bruyants et moins gourmands en carburant, mais le renouvellement de la flotte est lent.

Depuis plusieurs années, les associations de riverains demandent la mise en place de nouvelles procédures d’approche des aéroports. Il s’agit principalement de la descente en continu, qui évite les bruyantes remises de gaz, ainsi que du regroupement des faisceaux de trajectoires des avions sur un seul tracé à l’approche des aéroports – afin de passer de la dispersion à la concentration. La plupart des observateurs, pas seulement dans le monde associatif mais aussi parmi les acteurs institutionnels, considèrent que l’adoption de ces deux mesures, facilitée par les moyens modernes de guidage, comme le programme Single European Sky ATM Research (SESAR) – nouveau système européen de gestion du trafic aérien –, permettrait de réduire de manière appréciable les nuisances sonores.

Il importe donc de poursuivre nos efforts dans le double objectif de réduire les nuisances et de mieux faire accepter le développement du transport aérien sur nos territoires. Pour autant, il faudra faire attention à ne pas faire accepter l’inacceptable, comme je l’ai souvent entendu.

En conclusion, je donnerai un avis très favorable à l’adoption des crédits relatifs au transport aérien du programme 203 « Infrastructures et services de transports » et du budget annexe « Contrôle et exploitation aériens ».

M. Damien Pichereau, rapporteur pour avis. Madame la présidente, mes chers collègues, le programme 203 « Infrastructures et services de transport » fait partie de la mission « Écologie, développement et mobilité durables », dont les crédits de paiement sont en hausse de 1,7 % par rapport à 2018. Ce programme regroupe les moyens de l’État consacrés à la politique nationale des transports : infrastructures et services de transport routiers, ferroviaires, fluviaux, portuaires, maritimes et aéroportuaires.

Dans le projet de loi de finances pour 2019, 3,385 milliards d’euros en autorisations d’engagement et 3,213 milliards d’euros en crédits de paiement sont attendus pour le programme 203. Les autorisations d’engagement sont en hausse de 5,5 % et les crédits de paiement de 2,3 %. C’est la deuxième année consécutive que le budget de ce programme augmente. Pourquoi ? Car il représente la traduction budgétaire de notre politique de rénovation des transports du quotidien.

Outre les crédits budgétaires, le programme 203 bénéficie d’importants fonds de concours de l’Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF). Le montant total attendu pour 2019 s’élève à 2,052 milliards d’euros en autorisations d’engagement et 2,072 milliards d’euros en crédits de paiement.

Par ailleurs, deux comptes d’affectation spéciale (CAS) « Services nationaux de transport conventionnés de voyageurs » et « Aides à l’acquisition de véhicules propres » font également l’objet d’un examen par notre commission. Les recettes de ce dernier sont en hausse de 46,9 %, afin de rendre abordable la transition écologique du parc roulant pour nos concitoyens.

J’ai choisi de concentrer mon avis budgétaire sur deux thématiques.

Dans un premier temps, je me suis attaché à étudier l’état des chaussées, des ouvrages d’art – notamment des ponts – et des équipements du réseau routier. Nos concitoyens se sont légitimement inquiétés suite à l’effondrement du pont Morandi de Gênes durant l’été 2018. En France, un audit externe commandé par le ministère des transports a été remis mi-juillet 2018 à la ministre des transports, Mme Élisabeth Borne. J’ai souhaité en tirer les conclusions, notamment budgétaires, pour le projet de loi de finances pour 2019.

Le réseau routier français comporte plus d’un million de kilomètres de routes, réparties entre routes nationales, autoroutes concédées et non concédées, routes départementales et communales. Tant pour les routes que pour les ouvrages d’art, je partage le diagnostic du ministère sur l’état préoccupant du réseau routier national non concédé. Si peu d’ouvrages et de chaussées sont aujourd’hui dans un état critique, leur état moyen se dégrade tendanciellement. Cela risque de conduire à un accroissement des routes et des ponts en état critique dans les années à venir.

Je me félicite des décisions ambitieuses prises par notre Gouvernement concernant l’entretien des routes, inscrites à l’action n° 4 du programme 203. Au total, crédits budgétaires et fonds de concours de l’AFITF passent de 800 millions d’euros en 2018 à 852 millions d’euros en 2019, soit une hausse de 6,5 %. Les crédits de paiement passent de 807 à 834 millions d’euros, soit une hausse de 3,3 %. Cela traduit la priorité accordée à l’entretien et à la régénération du patrimoine routier.

Il s’agit d’un premier élément de la stratégie pluriannuelle mise en place par le Gouvernement dans le cadre du grand plan d’investissement 2018-2022, qui prévoit 700 millions d’euros supplémentaires sur la période – par rapport à la programmation 2017 – pour soutenir la rénovation du réseau routier.

L’état des autoroutes concédées est globalement meilleur que celui du réseau routier non concédé et la tendance est à l’amélioration. Il faut cependant rester vigilant et renforcer les contrôles de l’État sur le respect des obligations des sociétés concessionnaires d’autoroutes.

Enfin, le réseau routier départemental et communal représente plus de 98 % du réseau routier. Nous ne disposons pas d’un panorama global de son état au niveau national, car sa gestion et son entretien sont directement assurés par les collectivités territoriales. Il semble cependant que son état soit plus dégradé que celui du réseau national, ce qui est inquiétant.

Sans déroger à la libre administration des collectivités territoriales, il serait utile de réfléchir à la remontée d’informations concernant l’état de leurs ouvrages vers l’État. Cela permettrait d’améliorer la connaissance de ce patrimoine, tout en offrant une information transparente à nos concitoyens. Cette remontée pourrait être effectuée avec l’aide de l’Observatoire national de la route, du Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (CEREMA) et du ministère des transports, auditionnés pour la préparation de cet avis. Une meilleure connaissance de ces infrastructures faciliterait l’instauration de politiques de gestion patrimoniale du réseau par les collectivités. Cela contribuerait également à pallier le manque de compétences très techniques de certaines petites collectivités pour assurer l’entretien et le suivi des ouvrages d’art de leur réseau.

Dans un second temps, j’ai souhaité approfondir la question de l’intermodalité dans les transports, au cœur de la transition écologique. Nombre d’acteurs économiques, associatifs ou syndicaux ayant participé aux Assises nationales de la mobilité mettent en lumière la nécessité de promouvoir davantage l’intermodalité. L’usage de plusieurs modes de transport au cours d’un seul déplacement se développe et il nous faut dès aujourd’hui l’encourager et le faciliter, pour le transport de voyageurs comme pour celui de marchandises. C’est l’enjeu central du futur projet de loi d’orientation des mobilités (LOM), qui sera examiné au sein de notre commission.

Développer des politiques d’intermodalité permet de répondre à deux principaux objectifs : assurer une meilleure fluidité de la chaîne de transport et en diminuer les coûts, mais également contribuer au transfert modal vers des modes moins polluants que le transport routier. Les politiques intermodales visent à fluidifier les changements modaux et à en réduire le coût et la durée. Elles abandonnent un raisonnement par mode de transport pour adopter une approche imbriquée de la mobilité.

S’agissant du transport de voyageurs, l’objectif est de développer des pratiques de mobilité quotidienne plus fluides, plus durables, et bien souvent plus solidaires, dans un contexte où le secteur des transports est responsable du tiers des émissions de gaz à effet de serre et de polluants atmosphériques. Ces politiques permettraient de réduire la part de la voiture dans les déplacements, de lutter contre l’autosolisme et de redonner du pouvoir d’achat à nos concitoyens dans un contexte de hausse du prix des carburants.

Il faut libérer la capacité des usagers à changer de mode de transport : ce changement doit être le plus simple possible. Cela peut passer par différents leviers : coordination des autorités organisatrices de la mobilité et synchronisation des offres de transport ; amélioration du maillage territorial – notamment des entrées de villes – ; ouverture des données de transport à des fins d’information par les usagers ; développement d’une billettique unique.

S’agissant du transport de marchandises, l’intermodalité consiste à assurer le transbordement vers des modes de transport plus durables, en réservant le mode routier aux opérations de préacheminement et de post-acheminement et en réalisant l’essentiel des opérations de transport de longue distance par des modes de transport massifiés, dont l’impact sur l’environnement est moindre – transport ferroviaire et fluvial.

Cette volonté se heurte néanmoins à la nécessité d’un transport compétitif en termes de délais, de coût, de fiabilité et de fluidité, dans un contexte de concurrence européenne du transport routier qui entraîne des prix très faibles. Pour y répondre, le Gouvernement a pris des mesures qu’il faut saluer : poursuite et amélioration de l’aide en faveur du transport combiné pour une période de cinq ans, dite « aide à la pince », afin de compenser partiellement le surcoût lié aux transbordements par rapport à un transport uniquement routier ; poursuite des coopérations internationales en faveur du ferroutage et d’autoroutes de la mer, notamment avec l’Espagne et l’Italie ; amélioration de la performance du fret non routier, notamment par la mise à niveau du réseau ferroviaire et le développement d’une logistique urbaine durable.

Au total, le projet de loi de finances pour 2019 prévoit 323 millions d’euros en faveur de l’intermodalité pour le fret, répartis entre plusieurs actions du programme 203. En complément, le budget de l’AFITF contribue au financement d’infrastructures, notamment dans le cadre des contrats de plan État-régions (CPER), pouvant bénéficier au transport de voyageurs ou de marchandises, pour environ 465 millions d’euros en 2018.

Un maintien, voire une progression de ces crédits, est à prévoir pour 2019 selon le ministère des transports, ce dont je me félicite. Ces crédits répondent en effet au diagnostic du ministère des transports d’insuffisance des infrastructures actuelles pour développer l’intermodalité dans le transport de marchandises, avec un accent mis par le Gouvernement sur la mise à niveau des infrastructures existantes.

M. Jean-Marc Zulesi. Mes chers collègues, nous poursuivons ce matin notre marathon budgétaire avec l’examen de deux missions essentielles relatives aux infrastructures et aux services de transport.

L’effondrement du viaduc de Gênes en août a souligné de manière dramatique l’importance d’une politique durable des infrastructures de transport. Le Gouvernement a d’ores et déjà pris des engagements en annonçant en mai dernier un plan de sauvegarde des routes doté d’un milliard d’euros. Le projet de loi d’orientation des mobilités nous donnera l’occasion de fixer une programmation claire des infrastructures avec le Gouvernement.

Il s’agit de ne pas répéter avec la route les mêmes erreurs que celles commises sur le rail. Le sous-investissement des dernières décennies sur le réseau routier non concédé est manifeste. Il y a urgence à agir quand on sait que 40 % des surfaces de chaussées sont à renouveler et qu’un pont sur dix est en mauvais état.

En parallèle, l’État s’engage aussi sur la régénération du domaine fluvial et portuaire, en augmentant les aides au dragage des fleuves. En matière ferroviaire, il s’agit de préparer l’ouverture du secteur à la concurrence du transport de voyageurs, notamment en accélérant le déploiement du système européen de gestion du trafic ferroviaire – ou European Rail Traffic Management System (ERTMS) – et de soutenir le fret en indexant le coût des péages à l’inflation et en révisant à la baisse la trajectoire de leurs prix.

Les enjeux sont clairs dans le transport aérien : il faut accompagner la transition du secteur vers une réduction de son impact environnemental, tout en préservant sa compétitivité face à la montée en puissance de concurrents étrangers. La France doit aussi consolider sa place en tant que hub international. L’attractivité de nos aéroports, aussi bien ceux d’ADP que les pôles régionaux, est stratégique dans le contexte actuel du Brexit, par ailleurs source d’incertitudes critiques pour le secteur.

Le projet de loi de finances doit répondre aux défis présents mais aussi anticiper les enjeux à venir. L’optimisation des infrastructures existantes nous permettra d’intégrer de nouvelles solutions de mobilité, plus innovantes, plus connectées, plus autonomes.

La mobilité de demain ne dépend plus de nouvelles infrastructures, mais de l’évolution de leurs usages. La révolution des mobilités du quotidien passera par la multimodalité. Nos gares, nos routes et nos aéroports ont vocation à devenir des pôles multimodaux intégrant de nouveaux services plus souples, plus connectés et à la demande. Nos infrastructures doivent évoluer par l’usage.

La LOM viendra affirmer cette ambition, mais la planification budgétaire de nos politiques d’infrastructures doit d’ores et déjà préparer cette évolution.

Madame Zivka Park, comment le budget actuel assurera-t-il l’attractivité de nos aéroports ? Monsieur Damien Pichereau, en quoi la planification actuelle de nos politiques d’infrastructures et de services répond-elle aux enjeux de développement de la multimodalité ?

Mme Valérie Beauvais. Au nom du groupe Les Républicains, je remercie les rapporteurs pour avis pour le travail réalisé et pour leur présentation. Je reviendrai sur le rapport de M. Damien Pichereau. La première partie de ce rapport est consacrée à l’état du réseau routier français. Concernant le réseau national non concédé, vous indiquez qu’il s’est dégradé et, de surcroît, qu’il ne sera pas possible avec les moyens consacrés par la présente mission de tenir les objectifs fixés pour améliorer la situation des infrastructures présentant des dégradations structurelles. Vous poursuivez ensuite votre analyse, en remarquant que l’état du réseau local – départemental ou communal – est mal connu des services de l’État et que ce réseau est sensiblement plus dégradé que le réseau national.

Je regrette que votre analyse n’évoque pas la baisse des dotations des collectivités locales ni ne formule aucune proposition pour soutenir les collectivités dans l’entretien du réseau routier dont elles ont la charge. Je vous cite : « l’étude récente sur trente-quatre départements montre une baisse de leurs dépenses d’investissement », étranglés qu’ils sont par la politique sociale non compensée.

Vous abordez aussi la question de l’intermodalité. Vous indiquez plusieurs mesures à mettre en œuvre et vous vous interrogez sur l’opportunité de maintenir des parkings urbains lesquels incitent, selon vous, à utiliser les voitures. Je regrette que vous n’ayez pas intégré le rôle économique des centres-villes, ni tenu compte de l’activité des artisans et des commerçants. Moins de parkings, c’est moins de véhicules et donc moins d’activités commerciales dans les villes, ce qui favorise le commerce en ligne, lequel utilise des modes de livraison bien plus polluants.

La voiture serait un élément aggravant de la pollution. Les véhicules électriques peuvent être une solution, mais ne sous-estimons pas leurs inconvénients, bien réels, et la pollution qu’ils génèrent. Une voiture électrique ne pollue pas en roulant, mais à l’arrêt – elle ne se recharge pas par l’opération du Saint-Esprit ! D’autres inconvénients existent : le silence, le remplacement de la batterie et la recharge en milieu rural. Ces voitures sont uniquement alimentées par l’électricité fournie par les batteries. Il faut produire cette électricité, à partir de sources renouvelables d’énergie – solaire, éolien –, d’énergie nucléaire ou par l’importation.

En outre, la production des batteries pose d’importants problèmes environnementaux et sociaux. En effet, les batteries au lithium sont fréquemment utilisées dans les véhicules électriques et les équipements informatiques ou électroniques. Cela accroît la pression sur ce métal rare – surnommé « or blanc » – qui provient souvent d’Amérique latine. Sa production est très gourmande en eau et il met à mal les écosystèmes et la survie des populations locales, dans des zones où la sécheresse est déjà problématique.

En fin de vie, ces batteries posent aussi des problèmes de gestion des déchets, même si leur recyclage se développe progressivement. À terme, une grande partie des matériaux utilisés dans les batteries pourrait servir à en fabriquer de nouvelles, puisque leur recyclage peut atteindre 80 %, selon la société de recyclage de batteries que j’ai rencontrée, maillon important en termes d’économie circulaire.

La recharge des batteries reste contraignante pour les plus longs trajets, ainsi qu’en milieu rural. De plus, les subventions aux collectivités pour les bornes de recharge électrique ont été supprimées. Qu’en est-il de la revente de l’électricité sur le domaine public ? Recharger avec de l’électricité verte serait-il une solution ?

Demain, roulerons-nous tous à l’électricité ? Je ne pense pas – les besoins ne pourront tous être satisfaits. Nous ne roulerons pas non plus de la même façon qu’aujourd’hui.

L’État propose des aides à l’acquisition de véhicules propres. Les véhicules électriques ou hybrides s’insèrent-ils dans l’appel à projets French Mobility du ministère des transports, destiné à faciliter les nouvelles mobilités durables ?

Enfin, monsieur Damien Pichereau, vous faites état dans votre rapport d’aides financières pour le transport de marchandises, mais n’évoquez pas d’éventuelles aides en faveur des professionnels qui s’équipent de véhicules propres.

Mme Aude Luquet. Au nom du Mouvement Démocrates et apparentés, je remercie les rapporteurs pour avis pour cette présentation et pour la qualité de leur travail.

Je souhaite revenir sur l’état de notre réseau routier, évoqué par M. Damien Pichereau, et qui préoccupe nos concitoyens. Comme l’a montré le récent audit commandé par la ministre des transports, l’état de nos routes et ouvrages d’art est fortement dégradé et confirme une nouvelle fois ce que chaque usager de la route constate au quotidien.

La situation critique est identique dans tous les transports du quotidien : d’un côté, les lignes à grande vitesse sont toujours plus performantes et, de l’autre, les infrastructures et trains du quotidien toujours plus dégradés… D’un côté, nos autoroutes progressent en qualité – 90 % sont considérées comme en bon ou très bon état – et, de l’autre les routes utilisées chaque jour par nos concitoyens se délabrent dangereusement. Actuellement, 29 % sont dans un état très dégradé. En 2037, ce sera 62 % si nous n’investissons pas davantage.

Il est nécessaire d’inverser les priorités, comme cela a été fait pour le rail, en redonnant la primauté à la réfection de ces routes du quotidien. La réponse ne devra plus être curative, mais préventive, si nous voulons qu’elle soit plus efficace et moins consommatrice de deniers publics, comme le préconise le rapporteur pour avis.

Nous nous félicitons que le Gouvernement ait choisi ce cap, avec l’augmentation des crédits affectés à la mission dans le PLF pour 2019, mais plus largement dans le grand plan d’investissement 2018-2022.

Si la rénovation de nos routes est une urgence immédiate, leur adaptation aux mobilités de demain en est une autre. Routes à énergie positive, routes connectées, les innovations sont nombreuses et les investissements indispensables. Pensez-vous que les moyens alloués au soutien de ces innovations soient suffisants au regard des enjeux ?

Je souhaite également insister sur la fiscalité écologique, à travers le compte d’affectation spéciale « Aides à l’acquisition de véhicules propres ». Si nous soutenons une fiscalité qui favorise les comportements vertueux, en promouvant les mobilités durables et donc la réduction des rejets de CO2, il convient de donner à nos concitoyens des orientations claires et concrètes.

En effet, chacun de nous entend le mécontentement exprimé dans nos territoires concernant la hausse significative des prix de l’essence et du diesel, notamment dans les zones rurales, où nos concitoyens n’ont souvent aucun autre choix que la voiture individuelle. Pourtant, le changement de nos modes de déplacement est inéluctable. Il est donc indispensable que nos concitoyens sachent quelles solutions de substitution vont leur être proposées.

En effet, malgré les aides à l’acquisition, le coût d’un véhicule électrique reste supérieur à celui d’un véhicule thermique et son autonomie bien inférieure ne permet bien souvent pas de parcourir de longues distances. Comment faire en sorte que les Français ne ressentent pas la fiscalité écologique comme punitive, mais comme un encouragement à des comportements vertueux, vers des alternatives crédibles ?

M. Guy Bricout. Le groupe UDI, Agir et Indépendants se félicite que le budget alloué aux transports dans le PLF porte notamment ses efforts sur la priorité des priorités : l’entretien et la rénovation des infrastructures existantes. C’est de bon augure pour la cohésion de nos territoires. C’est également cohérent avec les jalons posés depuis plusieurs mois : rapport du Conseil d’orientation des infrastructures, Assises nationales de la mobilité, audit sur l’état de nos routes.

Je me réjouis que ce projet de loi de finances prévoie une hausse du plafond d’emplois de la Société du Canal Seine-Nord Europe. En 2018, cette société disposait d’un plafond d’emplois commun avec Voies navigables de France (VNF) : 13 emplois à temps plein lui étaient affectés. Pour 2019, 32 équivalents temps plein (ETP) supplémentaires lui sont affectés. C’est une étape importante et encourageante ! Néanmoins, nous demeurerons vigilants, notamment sur la manière dont l’État compte s’investir à l’avenir auprès des collectivités qui ont pris la direction de ce projet grâce à sa régionalisation.

Monsieur le rapporteur pour avis, je vous félicite pour la place que votre rapport accorde à l’intermodalité, par trop délaissée ces dernières années. En la matière, le Canal Seine-Nord offrira de nombreuses possibilités en modes ferré et fluvial.

Mais le bât blesse sur deux points : la méthode et les financements. Concernant la méthode, la logique aurait voulu que nous examinions le projet de loi d’orientation des mobilités avant ce projet de loi de finances. En matière de financement, le PLF présente les grandes masses, mais ne garantit pas les ressources affectées. Or ces recettes doivent être suffisantes pour financer les futurs projets.

Le projet de loi d’orientation des mobilités devra clarifier l’organisation de ces financements. En l’état actuel, le rapport annexé au projet de loi, qui a été porté à notre connaissance, ne prévoit pas la programmation et les échéances de chaque projet. J’espère que cette lacune sera corrigée.

Suite à la loi votée en juin dernier, la reprise de la dette de la Société nationale des chemins de fer français (SNCF) devrait avoir lieu dans un délai raisonnable. Tout doit désormais être mis en œuvre pour éviter de nouveaux dérapages. Le Parlement doit lui aussi veiller de près au respect de la nouvelle règle d’or qui y est inscrite.

La privatisation d’Aéroports de Paris affectera-t-elle les recettes du budget annexe « Contrôle et exploitation aériens » ?

Une provision de 9 millions d’euros est prévue dans le cadre du plan vélo pour financer le « forfait mobilité durable » destiné à la fonction publique d’État à partir de 2019. Outre cette somme, d’autres montants sont-ils prévus pour financer ce plan dans le budget, puisque le Gouvernement a annoncé une enveloppe de 350 millions d’euros sur sept ans ?

Enfin, nous nous réjouissons du succès de la prime à la conversion et des crédits afférents. Nous comprenons le choix fait par le Gouvernement d’alourdir la fiscalité sur le gazole et l’essence et de renforcer les aides à la conversion et les bonus. Néanmoins, on l’a déjà dit, ce raisonnement a ses limites en milieu rural.

La hausse des taxes, qui représentent environ 60 % du coût des carburants, est acceptable tant que le prix du baril de pétrole est contenu. Or ce n’est plus le cas depuis plusieurs mois. Croyez-moi, dans nos territoires ruraux, le véhicule électrique n’est pas la panacée pour des raisons évidentes de distance, d’infrastructures et de coût.

Voilà pourquoi, comme nous l’avons fait lors de l’examen de la première partie du projet de loi de finances, j’appelle l’attention de la majorité sur le fait que cette hausse ne se répercutera pas forcément sur les comportements des habitants, mais à coup sûr sur leur pouvoir d’achat.

M. Guillaume Garot. Je ferai un premier constat général.

Nous savons que nous nous éloignons, pour la dépasser, de la trajectoire de la stratégie nationale bas-carbone, et que nos émissions de gaz à effets de serre ont augmenté depuis 2016, alors que la tendance était à la baisse depuis 2005. Nous savons aussi que les trois secteurs les plus émetteurs de gaz à effet de serre sont le bâtiment, l’agriculture et les transports.

Dans la loi de transition énergétique pour la croissance verte, l’objectif était de baisser la consommation d’énergie de 20 % par rapport à 2012 à l’horizon 2030, mais celle-ci est repartie à la hausse en 2016 et en 2017, dans des proportions significatives.

Cela veut dire qu’un sursaut collectif est impératif.

Sur le plan financier, la taxe carbone a un rendement extraordinairement positif puisqu’en 2019, elle pourrait rapporter 2,8 milliards d’euros de plus qu’en 2018. Cela laisse quelques marges de manœuvre.

Dans ces conditions, on pourrait envisager d’inclure une composante carburant dans le « chèque énergie », pour dédommager, d’une certaine façon, les foyers qui n’ont pas le choix de leur transport. On pourrait aussi envisager d’investir dans le déploiement des bornes de recharge pour les véhicules électriques. Il est également indispensable d’investir sans tarder dans la mobilité douce, dès le budget 2019, c’est-à-dire dès l’année prochaine.

J’en viens maintenant aux interventions de nos rapporteurs pour avis.

Sur le routier, j’ai entendu des choses très positives dans le propos de M. Damien Pichereau. Quand cela va dans le bon sens, il faut le dire.

Le budget routier est en hausse, suite à la catastrophe de Gênes, ce qui est bienvenu. On ne peut que se réjouir lorsque des crédits nouveaux sont affectés à la rénovation du réseau routier.

Mais venons au transport routier en tant que secteur économique. Que fait-on aujourd’hui pour aider à la transition énergétique ? Quels leviers actionne-t-on pour favoriser la recherche, l’innovation, mais surtout l’investissement et l’acquisition des poids lourds basse consommation ou hybrides ? Je rappelle que dans le cadre du Plan Investissements d’Avenir (PIA), la mutation énergétique du secteur des transports n’est pas prise en considération. Il y a là sans doute un manque à combler.

Enfin, s’agissant de l’aérien hexagonal, il faudrait peut-être prévoir de mettre à plat notre fiscalité. En effet, on note des distorsions entre les modes de transport. Celles-ci font que le voyageur est tenté de choisir de voyager en avion, bien souvent moins cher que le train. Une remise à plat de la fiscalité pourrait permettre de mettre l’ensemble des transports sur un pied d’égalité. C’est une des suggestions que je voulais vous faire ce matin.

M. Loïc Prud’homme. Nous cherchons ici à utiliser et répartir au mieux l’argent public, mais une partie de cet argent public échappe au contrôle. Je fais ici référence à la « boîte noire » qu’est l’AFITF, mystérieux acronyme pour l’Agence de financement des infrastructures de transports de France, et son non moins mystérieux fonctionnement sur lequel j’aimerais attirer votre attention.

Il est intolérable que les parlementaires soient amenés à voter des crédits sans avoir aucune connaissance des projets qui seront financés, ou non, par l’AFITF ni à quelle hauteur. Nous faisons un chèque en blanc ! Pour preuve, le projet annuel de performance indique : « Il est précisé que les montants de fonds de concours attendus de l’AFITF constituent une estimation, le budget initial de l’établissement n’étant pas élaboré à la date de rédaction du présent Projet annuel de performance ». Nous devrions avoir un droit de regard sur l’affectation de ces fonds de concours. Qu’ils financent les lignes à grande vitesse ou le développement des transports collectifs, l’analyse et la critique diffèrent sensiblement.

J’aborderai ensuite la politique de conversion du parc automobile au tout électrique qui, selon moi, n’est pas suffisamment ambitieuse sur le plan écologique. Si elle vise à limiter les émissions de gaz à effets de serre, elle ne remet pas en cause le nombre de véhicules individuels en circulation. Or le nombre de ces véhicules est précisément au cœur des problèmes liés à la mobilité dans notre société.

En 2016, 2 millions de voitures électriques ont été vendues dans le monde, ce qui représente environ 2,3 % des 90 millions de voitures vendues au total. Si une bonne partie de la planète suit l’exemple de la France sur la conversion électrique du parc automobile, à partir de 2040, les ventes annuelles de voitures électriques atteindront probablement 40, 50, voire 80 millions.

On peut ainsi estimer qu’à l’horizon 2040, près de 530 millions de véhicules électriques seront en circulation dans le monde, c’est-à-dire 150 à 200 fois plus qu’aujourd’hui. Or actuellement, près de 35 % du lithium produit sur la planète sert d’ores et déjà à fabriquer des batteries. Une telle conversion risque d’épuiser cette ressource à très court terme, sans compter que la question du recyclage se pose aussi et que pour l’instant, la seule solution dont nous disposons consiste à exporter la pollution à l’étranger.

La belle image toute propre de la voiture électrique en prend un coup quand on réalise qu’elle finira disséquée, dans un pays du tiers-monde, par un enfant qui n’y gagnera sûrement rien d’autre qu’un cancer !

Quel est alors le sens de produire et d’organiser une transition écologique, dont la viabilité ne sera effective qu’une trentaine d’années ? Faut-il fonder toute notre organisation économique et sociale sur un modèle technologique qui sera obsolète au bout de trente ans ? Je ne pense pas que ce soit la solution.

Une vraie politique écologique de transition énergétique doit enfin prendre en compte la modification de nos habitudes de mobilité, et remettre en cause nos modèles de production, qui sont dépendants de ressources rares – comme le lithium, par exemple. Gouverner, c’est anticiper. Et anticiper la transition, cela s’appelle la planification écologique.

M. Hubert Wulfranc. De nombreuses choses intelligentes ont déjà été dites. Et bien que je ne sois pas un spécialiste, je souhaiterais attirer l’attention sur la voiture électrique.

On en parle beaucoup. Et il y a déjà quelque temps, avant M. Loïc Prud’homme, M. Carlos Tavares s’interrogeait sur la fabrication des batteries et leur recyclage, sur l’exploitation et l’approvisionnement en terres rares, et sur la nature de la source énergétique. Il est bon en effet de connaître l’origine de l’électricité que l’on produit. Mais on peut s’étonner que ces interrogations viennent d’un homme comme lui, dont l’objectif est d’électrifier ses voitures à 80 % quasiment pour 2022.

La voiture électrique est-elle la solution ? Oui, évidemment, pour la pollution atmosphérique – et encore. Oui, évidemment, pour le bruit. Mais d’autres questions se posent, liées aux moteurs, aux batteries, à l’arsenal électronique dont ces voitures sont bourrées, aux terres rares dont la consommation a explosé, aux industries d’extraction, de raffinage, de transformation et d’approvisionnement. En fin de compte, si j’en crois la presse, un kilowatt-heure de batterie produit 150 à 200 kilos de CO2. Cela fait tout de même beaucoup !

Outre les gaz à effet de serre qui persistent par rapport au bilan carbone global, des pollutions chimiques radioactives particulièrement graves et préoccupantes sont générées par les industries, là où l’on exploite les terres rares. Dans le premier bassin d’extraction en Chine, en Mongolie intérieure, la situation serait catastrophique. Je n’y ai pas mis les pieds, mais ça semble tout de même sévère ! Certes, la voiture électrique pollue beaucoup moins chez nous. Mais pas ailleurs…

Et ce n’est pas tout. La voiture électrique doit être rechargée. Son bilan carbone dépend du mode de production d’électricité : elle émet seulement 8 grammes de CO2 quand l’électricité vient du nucléaire, mais dix fois plus quand elle vient du charbon comme en Allemagne, et encore beaucoup plus quand elle est produite en Chine, qui se veut au premier rang de l’électro mobilité. Enfin, elle a peu d’autonomie et sa batterie est inutilisable en moins de dix ans.

Je ne suis pas un technicien, mais en résumé, un petit véhicule thermique serait mieux qu’un gros véhicule électrique !

Monsieur le rapporteur pour avis, j’aimerais que vous me donniez votre sentiment sur tous ces éléments, et que vous m’indiquiez les conséquences que l’on pourrait en tirer sur le calendrier et la nature de la transition écologique à mener dans la filière automobile.

M. Bertrand Pancher. Beaucoup de choses ayant été dites hier au cours de l’audition de la ministre des transports ; mes propos risquent de manquer d’originalité.

Je soulignerai à nouveau les efforts réalisés pour le budget du ministère des transports. Il était vraiment temps ! Après dix ans de baisses successives, de coupes sombres et de renonciations, ces augmentations de crédits nous permettront, non pas de régler le problème de l’entretien des infrastructures, des travaux à réaliser et de l’innovation dans le courant de l’année 2019, mais peut-être de nous engager dans une vraie stratégie de reconquête de la mobilité et de l’entretien de nos modes de transport.

Le redéploiement de 300 millions d’euros supplémentaires pour le transport, en lien logique avec les orientations du ministère, est de bon sens. Il est indispensable de soutenir les modes de transport utilisés au quotidien. Je soulignerai les efforts affichés, portant en même temps sur le ferroviaire, le routier et le fluvial, le maintien de la prime à la conversion sur les résultats de laquelle la ministre a beaucoup insisté hier, la création d’un Fonds national mobilité active dans le cadre du plan vélo, et les 40 millions supplémentaires à destination du rééquilibrage modal du transport.

Je tiens également à saluer les bonnes intuitions de nos rapporteurs pour avis et, dans le temps qui me reste, à les commenter.

Vous insistez beaucoup sur l’urgence de renforcer les dialogues entre les autorités organisatrices de mobilité. Il y a beaucoup de travail à faire dans ce domaine. Cela n’apparaît évidemment pas dans le cadre de ce budget, mais comment ne pas s’étonner que personne ne pose réellement la question de la poursuite de la décentralisation de nos politiques de transport ? Dans tous les pays extérieurs au nôtre, dans beaucoup de domaines, cela semble mieux fonctionner que chez nous.

Les régions ont un rôle pilote dans ce domaine, mais il y a encore énormément de « trous dans la raquette », notamment en milieu rural. Il faut pousser à l’élargissement des périmètres des autorités organisatrices de transport, soutenir davantage la mobilité en secteur rural et encourager l’innovation. Cela passe par des augmentations très sensibles du nombre d’appels à projets, d’expérimentations, comme celles qui ont été initiées cette année pour la première fois par le ministère des transports. C’est notamment le cas du financement ou des innovations pour le dernier kilomètre.

Enfin, le rapport insiste sur l’ouverture des données de transport. C’est un sujet très complexe. Soit on perd la maîtrise des données, qui repartent notamment vers des opérateurs internationaux, soit on fait en sorte que les grands opérateurs français travaillent ensemble pour maîtriser ces données. On a besoin de chefs de file en matière de publication et d’ouverture aux données de transports. Les régions, coordonnées sur le plan national, pourraient sans doute jouer ce rôle.

M. Damien Pichereau, rapporteur pour avis. Beaucoup de questions ont été posées, notamment sur le véhicule électrique. Vous remarquerez que je n’ai pas prôné, ni dans le rapport, ni dans mon discours d’aujourd’hui, son usage. C’est une technologie parmi d’autres, qui peut répondre à certains besoins de nos concitoyens.

J’ai entendu plusieurs remarques sur l’autonomie du véhicule électrique. C’est oublier que nous en sommes au lancement de la technologie. D’ores et déjà, des annonces ont été faites. Des constructeurs travaillent sur une autonomie de 600 à 800 kilomètres à l’horizon de deux ans. Celle des véhicules actuels est de 200 à 250 kilomètres – même avec un usage intensif, avec climatisation, autoradio, etc. C’est largement suffisant, au quotidien, pour l’extrême majorité de nos concitoyens.

Se pose évidemment le problème de la recharge. J’entends souvent que c’est un problème en milieu rural, mais je vous signale que c’en est un aussi en milieu urbain. Je viens de la ville du Mans, qui n’a pas de borne de recharge pour les véhicules électriques. Je dirais même que, dans la Sarthe, on a presque moins de soucis en milieu rural qu’en milieu urbain pour accéder à des bornes de recharge.

On observe par ailleurs l’apparition de nouveaux usages, par exemple l’auto-partage. Et certaines collectivités, qui installent des bornes de recharge, rentabilisent le système avec des véhicules en auto-partage. Cela permet de combler les zones blanches de mobilité, et à nos concitoyens d’utiliser ces véhicules électriques.

Certains ont par ailleurs pointé les problèmes posés par la production des batteries. Encore une fois, on est au début d’une technologie. Qu’auraient-ils dit il y a un siècle, quand on a commencé à lancer les véhicules thermiques essence ou gazole ! Car la pollution, c’était autre chose ! Mais on a laissé la technologie se développer.

Il faut être clair. Si on interdit aujourd’hui le véhicule électrique, avec quoi va-t-on continuer ? Avec l’essence et le gazole, qui polluent également ? L’ADEME a prouvé dans une récente étude qu’un véhicule électrique, même en prenant en compte le recyclage des batteries et la fabrication de celles-ci, polluait un tiers de moins que les autres. C’est un fait. Et je pense que la situation ira en s’améliorant, puisque les technologies vont elles-mêmes s'améliorer. Notamment, on utilisera moins de terres rares dans la fabrication des batteries.

Reste bien sûr la question du recyclage. Sur un véhicule électrique, la batterie est considérée comme étant hors-service lorsqu’elle arrive à 75 % environ de sa capacité totale. Mais elle a encore une capacité suffisante pour faire du stockage domestique. Elle pourra donc être utilisée par des éoliennes, voire dans des maisons – avec le smart grid, dans la smart city, ce qui suppose de revoir nos modes d’organisation.

Quoi qu’il en soit, ces batteries sont réutilisables. On ne les démonte pas forcément. On ne les envoie pas dans le tiers-monde pour être démontées par des enfants, comme je l’ai entendu dire – discours quelque peu démagogique.

Est-ce la seule énergie viable aujourd’hui ? Ce n’est pas sûr. Le véhicule hybride est totalement adapté. Il a mauvaise presse, notamment parce que les constructeurs qui l’ont développé jusqu’à maintenant ont installé, en complément du moteur électrique, des moteurs thermiques d’ancienne génération, qui émettaient et consommaient donc beaucoup de CO2. Ils l’ont fait pour baisser les coûts. Or aujourd’hui, le coût des batteries diminuant, le coût des moteurs électriques diminuant également, on pourra installer des moteurs thermiques de dernière génération qui consomment moins, qui émettent moins de CO2. L’hybride va s’améliorer, que ce soit en termes d’économies de carburant ou d’émissions de gaz à effet de serre.

M. Jean-Marc Zulesi a évoqué l’intermodalité. Il n’y a pas de ligne budgétaire qui lui soit consacrée, pour la simple et bonne raison que nous traitons ici d’infrastructures qui ne sont pas dédiées spécifiquement à l’intermodalité, mais qui relèvent de plusieurs lignes budgétaires. Figurent néanmoins, dans le programme 203, des indicateurs de part modale pour chaque mode de transport. On pourrait éventuellement les renforcer pour faire ressortir cette question de l’intermodalité et essayer, à partir de ces indicateurs, de voir comment moduler l’utilisation des différents types de transport par les usagers.

Mme Valérie Beauvais a souligné la dégradation du réseau local. Oui, cela semble être le cas. Aujourd’hui, on est dans le flou, par manque d’informations. Et avant même de penser aujourd’hui à mettre en place un dispositif pour aider les collectivités locales et les accompagner dans la régénération des réseaux, il conviendrait déjà de connaître l’état réel du réseau. Une démarche a été entamée en ce sens par le ministère, notamment avec l’Observatoire national de la route (ONR), le CEREMA et l’Institut des routes, des rues et des infrastructures pour la mobilité (IDRRIM), afin de mieux connaître l’état des routes départementales – on n’est même pas encore à l’échelon communal.

Je propose, et j’en ai d’ailleurs parlé tout à l’heure dans mon discours, qu’on centralise ces informations, au minimum au niveau de l’intercommunalité, pour avoir une visibilité sur l’état réel de notre réseau local. Malgré tout, j’ai confiance en nos maires, car je constate qu’ils font un excellent travail sur le territoire pour maintenir l’ensemble des routes au meilleur niveau possible. Et je pense qu’on peut les saluer et les en féliciter.

J’en viens à la hausse du prix du carburant qu’on a connue cette année, et qui est de 30 centimes, sur l’essence comme sur le gazole. Je rappelle que la hausse de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) que nous avons votée l’an dernier dans le PLF était d’un peu plus de 3 centimes sur l’essence et de 7 centimes sur le gazole, soit entre 10 % et 25 % de la hausse globale du carburant.

Le carburant va continuer à augmenter, non pas parce que les taxes vont continuer à augmenter…

Plusieurs députés. Si !

M. Damien Pichereau, rapporteur pour avis. Nous assumons totalement notre trajectoire d’augmentation des taxes. Mais la réalité, aujourd’hui, est que le pétrole se raréfie, qu’il va coûter de plus en plus cher à aller chercher, et que le prix du baril de pétrole va donc poursuivre sa hausse. À partir de là, on a le choix : continuer comme cela ; mettre en place des aides, qui coûteront de plus en plus cher et qu’on ne pourra pas toujours financer ; ou enfin, aider les Français à changer leur mode de déplacement, et les accompagner dans le renouvellement de leur parc roulant.

Je terminerai sur l’AFITF, sur laquelle j’ai entendu des propos assez aberrants. J’ai eu l’occasion de l’auditionner. Cette audition était d’ailleurs publique, monsieur Loïc Prud’homme, et vous y étiez le bienvenu, comme toujours. Je n’ai pas constaté que son fonctionnement était opaque, comme vous avez pu le dire. L’agence reçoit des fonds que l’on vote chaque année, et elle fait ce qu’on lui dit de faire.

Ensuite, la programmation a précisément été discutée au sein du Conseil d’orientation des infrastructures et on aura l’occasion d’en discuter pendant l’examen de la prochaine loi d’orientation des mobilités (LOM). Un rapport annexé portera en effet sur la programmation de ces infrastructures. Il n’y a rien d’opaque là-dedans.

L’AFITF travaille avec les régions comme avec l’État, et vous êtes le premier à évoquer l’opacité de son financement. Je dois dire qu’au cours de toutes les auditions que j’ai menées, on n’a jamais critiqué l’AFITF.

Mme Zivka Park, rapporteure pour avis. Monsieur Jean-Marc Zulesi, il n’existe pas de lien direct entre l’attractivité des aéroports et le budget, plus précisément le budget annexe « Contrôle et exploitation aériens ». En revanche, je pense qu’il y contribue indirectement, pour plusieurs raisons.

Ce budget respecte la trajectoire du désendettement. La situation du contrôle aérien est donc plutôt saine. Il permet d’investir à plusieurs niveaux : acquisition de nouvelles machines beaucoup plus innovantes en matière technologique, ce qui améliorera le guidage et la fluidité ; investissement en matière de sécurité, ce qui est l’aspect primordial du contrôle aérien. Il permet de subventionner l’ENAC, dont je vous ai parlé tout à l’heure, et de former chaque année nos contrôleurs aériens qui sont les garants de la fluidité du trafic et du bon déroulement des vols. On recrute aujourd’hui près de 90 contrôleurs aériens, ce qui n’est pas négligeable.

L’attractivité des aéroports peut se traduire par la baisse des redevances pour services terminaux de 20 %, qui a eu lieu en 2017. Il faut savoir aussi que la DGAC se prononce sur la certification les pistes. Elle contribue donc à la sécurité de nos aéroports.

Monsieur Guy Bricout, la privation d’ADP va-t-elle affecter les recettes de l’État ? Ma réponse est claire : c’est non. Un contrat de régulation économique, signé avec ADP, permet de mettre en place les redevances et d’en fixer le taux. Privatisation ou pas, en l’absence d’accord, c’est l’État qui fixera le taux des redevances.

Enfin, pour calculer la redevance de route, on utilise un algorithme européen, qui ne sera pas non plus affecté par la privation d’ADP.

Monsieur Guillaume Garot, vous avez évoqué une mise à plat de la fiscalité appliquée aux différents modes de transport. Vous avez raison, c’est une question que l’on peut se poser.

Il est important de rappeler que le budget annexe de la DGAC s’autofinance. Concrètement, il ne coûte rien au contribuable, sauf à ceux qui prennent l’avion – dont le nombre est loin d’être négligeable.

Quand on a commencé à développer les lignes TGV, comme Paris-Lyon, Paris‑Bordeaux ou Paris-Strasbourg, on a bien vu qu’au fur et à mesure, certaines lignes aériennes avaient fini par disparaître. Mais c’était plus lié à une question de durée de trajet qu’à une question de fiscalité : par exemple, depuis Paris, on pouvait arriver à Bordeaux aussi rapidement en train qu’en avion. En revanche, à partir d’un certain temps de trajet, on a tendance à privilégier l’avion par rapport au train.

Je pense que ce que vous avez suggéré tout à l’heure serait possible en France et peut-être en Europe, mais pas pour le long-courrier. D’ailleurs, faire un Paris-New-York en train, c’est un peu compliqué… Mais je suis bien évidemment ouverte à des échanges sur ces sujets de fiscalité.

M. Alain Perea. Madame la rapporteure pour avis, la ministre des transports nous a rappelé hier l’importance de désenclaver les territoires. La région Occitanie n’a toujours pas de ligne à grande vitesse (LGV) et n’en aura pas à bref délai. A-t-on prévu quelque chose pour les lignes concernées par les obligations de service public (OSP) afin d’aider au désenclavement de certains territoires ?

Monsieur le rapporteur pour avis, l’année dernière, nous avions réussi à débloquer une enveloppe afin d’accompagner le réseau des stations-services qui, dans les territoires ruraux, sont souvent multiservices. Il ne s’agissait pas de les aider à maintenir leur activité puisqu’on sait très bien quelle est notre trajectoire, mais de les aider à se reconvertir. Je trouve dommage d’investir des sommes importantes dans de nouveaux réseaux de distribution d’alimentation, quelle qu’elle soit, au détriment de ces services qui existent depuis de nombreuses années, et qui ont prouvé leur efficacité.

M. Martial Saddier. Nous assistons à une violence sans précédent de la ponction fiscale de nos concitoyens. Je pense évidemment – notamment mais pas seulement – à la ponction sur l’essence et le gazole.

Mes chers collègues, lorsque le baril est à 75 euros, cela donne un prix naturel du litre d’essence à 1,52 euro, dont 0,57 euro pour la production et la distribution et 0,93 euro pour la TVA, la TICPE et la TVA sur la TICPE.

Vous y avez rajouté 3,7 milliards en 2018 et programmé 2 milliards en 2019, et 14 milliards supplémentaires de ponctions dans la poche de nos concitoyens sur l’ensemble du mandat. C’est la valse des milliards en ce qui concerne les prélèvements, et vous venez de nous annoncer quelques millions supplémentaires sur le budget des transports !

Ma question est simple : où passe l’argent, où passent les dizaines de milliards prélevés dans la poche des Français sur le gazole et l’essence ?

Mme Danielle Brulebois. Madame la présidente, je voudrais féliciter nos excellents rapporteurs pour avis pour la qualité de leur rapport. Et je voudrais poser une question très précise sur le maillage en bornes électriques.

Pour atteindre les objectifs du rapport de M. Damien Pichereau, il va falloir multiplier les bornes de recharge. Pour cela, il faut des infrastructures bien identifiées. C’est fondamental pour les utilisateurs. Or il faut reconnaître que, pour le moment, trouver un point de recharge est loin d’être évident. Le maillage n’est pas du tout homogène, en particulier dans les territoires ruraux, où les bornes ne sont pas toujours compatibles avec tous les modèles.

En 2012, un appel à projets avait été lancé par l’ADEME, qui prévoyait un maillage des bornes – 45 000 bornes en 2020. Dans le Jura, par exemple, le maillage a commencé, avec le concours des collectivités, en particulier des communautés de communes. Mais il a été totalement abandonné ou, du moins, il est au point mort. Que préconisez-vous ? Comment allez-vous faire pour accroître la disponibilité et l’interopérabilité des bornes de recharge dans les territoires ruraux ?

M. Jean-Marie Sermier. Lorsqu’on a parlé des différentes sources d’énergie, on n’a pas parlé de l’hydrogène. Certains n’ont pas manqué de rappeler que l’utilisation de l’électricité n’était pas une stratégie à zéro pollution – laquelle n’existe pas. Mais l’utilisation de l’hydrogène est une stratégie à moindre pollution. L’hydrogène ne renvoie strictement aucun gaz à effet de serre dans l’atmosphère, ni aucun CO2.

Ne serait-il donc pas important de procéder comme le font plusieurs grands pays ? La Chine, qui a commencé en faisant tourner 500 véhicules à hydrogène, a prévu d’en faire tourner 5 000 en 2018, 50 000 en 2025 et un million en 2028. Ne serait-il pas temps de donner suffisamment de moyens à une filière susceptible d’apporter de la mobilité et de préserver le pouvoir d’achat de nos citoyens ?

M. Stéphane Demilly. Madame la rapporteure pour avis, vous consacrez une partie de votre rapport au groupe Airbus, fleuron de notre industrie. À juste titre, vous soulevez les nombreuses questions posées par le Brexit, dont celle de la certification des différents composants d’un aéronef, car les certifications britanniques pourraient ne plus être valables sur le continent européen.

Les représentants du groupe ont d’ailleurs indiqué qu’ils se préparaient à un Brexit « dur ». Quant à l’hypothèse de transférer sur le sol européen la production actuellement réalisée au Royaume-Uni, notamment à Filton, vous écrivez qu’Airbus préfère ne pas y songer, car cette activité emploie 15 000 personnes. Dans l’attente d’un accord, vous indiquez que le groupe constitue des stocks et qu’il s’agit là d’une solution très provisoire. À l’évidence, un Brexit « dur » ferait le bonheur du concurrent américain Boeing. Aussi, lors des auditions que vous avez conduites, les conséquences d’un tel scénario sur les plans économique et financier, mais aussi sur l’emploi, ont-elles été chiffrées ?

M. Gérard Menuel. L’impact environnemental des aéroports vient d’être évoqué, il a été bien identifié en proche proximité des aéroports, et des mesures particulières ont été adoptées. Cela n’a toutefois pas été le cas des périmètres plus éloignés, situés à des distances de 50 à 80 kilomètres.

Jamais on ne se préoccupe des points d’arrivée dits « Okipa », comme celui de Romilly-sur-Seine, qui a été déplacé il y a quelques années de plusieurs kilomètres et se trouve désormais en pleine agglomération, ce qui a des conséquences environnementales considérables. Il est donc souhaitable que la DGAC adopte une politique de proximité et d’information de la population afin que de telles situations ne se reproduisent pas.

M. Jean-Yves Bony. Les Français s’estiment rackettés au nom de la transition écologique, plus particulièrement ceux qui n’ont pas d’autre choix que d’utiliser leur véhicule, parce qu’ils habitent à la campagne ou n’ont pas accès aux transports en commun.

Force est de constater que le Gouvernement a prévu de prélever 55 milliards d’euros sur cinq ans sous couvert de transition écologique, alors que seulement 10 milliards seront effectivement consacrés à cette politique : où passe la différence ?

D’autre part, une prime conséquente est prévue pour le remplacement d’un véhicule ancien. Avez-vous pu vous pencher, monsieur le rapporteur pour avis, sur la question du devenir de ces véhicules ? Car il ne faudrait pas que le continent africain devienne la poubelle de notre pays, ce qui ne ferait que déplacer le problème.

Mme Pascale Boyer. Madame la rapporteure pour avis, vous indiquez dans votre rapport que 290 millions d’euros seront consacrés, dans le budget 2019, au contrôle et à l’investissement aériens, ce qui représente une augmentation puisqu’en 2018, 252 millions d’euros seulement y avaient été affectés.

Le transport aérien est un secteur économique en plein développement, qui peut s’inscrire dans un schéma global de mobilité adaptée aux bassins de vie au service de l’attractivité des territoires.

Des départements ruraux, voire ultra-ruraux, disposent d’infrastructures, qui sont à la charge des collectivités territoriales et dont la rénovation et l’extension suffiraient à favoriser le développement des lignes aériennes interne afin de désenclaver ces territoires.

À Gap par exemple, se trouve un petit aérodrome, susceptible de faire l’objet d’investissements pour assurer une liaison vers Paris. Des vols-tests entre Gap et Le Bourget sont d’ailleurs en cours.

M. Vincent Descoeur. Ma question porte sur les lignes aériennes intérieures dites d’aménagement du territoire qui bénéficient du concours de l’État, ce qui contribue à atténuer le déficit résultant de leur exploitation. Mme la ministre des transports a récemment annoncé un renforcement du soutien de l’État à ces dessertes intérieures qui pallient très souvent l’absence d’une desserte autoroutière. C’est le cas de la ligne Aurillac-Paris qui dessert le Cantal. Ma question est donc la suivante : comment cette annonce se traduit-elle dans le PLF 2019 ?

M. Gabriel Serville. Le rapport inquiétant relatif à l’état des routes et ouvrages d’art, remis à la ministre des transports, relève qu’un pont sur trois aurait besoin de réparations sur le réseau national non concédé au privé, et qu’il faudrait augmenter d’un tiers les investissements sur ce réseau pour faire face aux dégradations.

A contrario, je suis étonné par ce que je lis sous la plume de M. le rapporteur pour avis : « Peu d’ouvrages et de chaussées sont dans un état critique ». Je souhaite rappeler qu’en Guyane, un pont sur dix nécessite une intervention urgente, ce qui place ce territoire à l’avant-dernière place du classement national. On peut dès lors imaginer le pire, puisque 39 % des ponts de cette région n’ont pas été évalués.

Dans ces conditions, en quoi les dispositions budgétaires présentées pour 2019 sont-elles en mesure de rassurer les utilisateurs de ces ouvrages en leur garantissant qu’ils peuvent les emprunter sans se mettre en danger ?

M. Pierre Vatin. Les crédits proposés pour le ferroutage préfigurent-ils la loi d’orientation des mobilités (LOM) en ce qu’elle concernera les marchandises, ou ne seront-ils que la suite de ce qui se faisait jusqu’à présent, qui n’a manifestement pas mis un camion de plus sur le rail ?

Par ailleurs, l’« aide à la pince » sera-t-elle maintenue sur le long terme ?

Enfin, les réseaux capillaires fret sont laissés à la charge des régions, la SNCF apportant un très modeste complément, et l’AFITF participant à petites doses par le biais des contrats de plan État-régions (CPER).

Ne conviendrait-il pas, dans le cadre de la valorisation de l’intermodalité du transport de marchandises au plus près des besoins, de fournir une meilleure aide directe à la rénovation des capillaires afin d’éviter leur disparition, alors qu’il s’agit de voies indispensables à la vie économique de nos territoires et au maintien de l’emploi dans de nombreux domaines, au-delà de la seule industrie chimique ?

M. Jean-Pierre Vigier. Le désenclavement et le développement des territoires ruraux passent par l’amélioration et la modernisation des infrastructures routières ; or un retard considérable a été contracté, et beaucoup de travail reste à accomplir.

Les territoires ne peuvent être attractifs s’ils sont équipés de routes nationales à seulement une voie dans un sens et dans l’autre.

Il est urgent de se donner les moyens de développer ces régions. L’État doit être fortement présent dans ces territoires où il doit jouer son rôle d’aménageur ; il y va de la vie dans ces zones rurales.

Certes, les crédits consacrés aux routes sont en hausse, mais ce n’est pas suffisant. Je pose donc la question, madame et monsieur les rapporteurs pour avis : à quand un véritable budget à la hauteur de nos ambitions pour développer nos territoires ruraux ?

Mme Zivka Park, rapporteure pour avis. Deux questions principales m’ont été posées.

La première porte sur l’aménagement de notre territoire et son désenclavement, sujet crucial qui a été pris en compte par les Assises du transport aérien. Entendue à l’occasion des auditions que j’ai conduites, la compagnie Air France a indiqué que les obligations de service public (OSP) la conduisaient à exploiter des lignes déficitaires palliant le manque de liaisons par le train et la route.

Par ailleurs, la DGAC n’a pas pour rôle d’apporter un concours financier, mais son expertise sur le développement des lignes reliant les territoires. Cette problématique fait l’objet de l’attention de tous les groupes de travail actuellement à l’œuvre, particulièrement des Assises du transport aérien.

À M. Stéphane Demilly, je répondrai que la perspective du Brexit pose effectivement à Airbus le problème de la certification des pièces, qui ne sont pas moins de 40 000, ce qui augure de la complexité de la situation. La question des éventuels droits de douane ainsi que celle des personnels risquent elles aussi de se poser ; à partir du 29 mars prochain, nous n’avons aucune certitude et ne disposons d’aucun élément chiffré.

M. Damien Pichereau, rapporteur pour avis. Je partage l’avis de M. Alain Perea sur la nécessité d’accompagner le réseau des stations-service, qui souffrent de la révolution que constitue le passage du gazole à l’essence. Jusqu’à présent, leurs cuves à gazole étaient plus volumineuses que leurs cuves à essence, or elles ne sont pas interchangeables.

Je rappelle que, dans nos territoires, les stations-service sont souvent les derniers commerces, épiceries et dépôts de pain ouverts le dimanche. Le Fonds d’intervention pour les services, l’artisanat et le commerce (FISAC) les accompagne, bien que les crédits de ce fonds ne soient pas inscrits dans ce programme budgétaire. Nous devons cependant demeurer vigilants aux montants attribués par le FISAC ainsi qu’à leurs conditions d’attribution.

MM. Martial Saddier et Jean-Yves Bony ont à peu près posé la même question sur la TICPE et son fléchage. Cette taxe n’est pas assise sur l’infrastructure routière, elle n’est pas une taxe affectée ni une redevance, et comme toute taxe, elle alimente le budget général de l’État : elle sert à financer la santé, l’éducation, la défense, etc.

Mme Danielle Brulebois m’a interrogé sur le maillage territorial en bornes électriques. Le plan national « Bornes électriques de recharge », piloté par le préfet M. Francis Vuibert, porte précisément sur le déploiement de ces bornes. Je rappelle toutefois que l’installation de ces points de ravitaillement en bornes de recharge ne relève pas des missions de l’État ; les entreprises devront réfléchir à un business model afin de prendre à leur charge l’installation de cet équipement qui leur revient. La LOM devrait, je l’espère, supprimer certains freins à l’installation de ces bornes, que ce soit dans les copropriétés ou dans les entreprises, pour lesquelles cette installation entraîne une lourde procédure administrative.

Je suis d’accord avec M. Jean-Marie Sermier pour considérer que l’hydrogène est une bonne énergie, mais le coût des véhicules particuliers susceptibles de l’utiliser et actuellement disponibles sur le marché est estimé à 70 000 euros. Par ailleurs, à l’instar de l’énergie électrique, il faut être attentif à la façon dont l’hydrogène, qui n’est pas nécessairement synonyme d’énergie verte, est produit : en Allemagne, ce carburant est fabriqué à partir de gazole et de charbon notamment.

M. Jean-Yves Bony a posé une question très intéressante sur le devenir des véhicules dans le cadre de la prime à la conversion, que j’ai moi-même expérimentée pour mes parents. Au moment de la demande de cette prime, les intéressés sont tenus de fournir le certificat de destruction du véhicule par un centre agréé, ce qui signifie – et des contrôles sont réalisés – que le véhicule est démantelé sur le territoire français et que les pièces en bon état sont réutilisées. Les véhicules sont donc bien démantelés et dépollués en France et non en Afrique, même si une certaine fraude demeure inévitable malgré les contrôles.

À M. Gabriel Serville, je dirai que lorsque j’indique qu’un pont sur trois est dans un état critique alors que d’autres nécessitent des travaux urgents, c’est que nous établissons la distinction entre les travaux très urgents qui concernent les états extrêmement critiques et ceux qui devront être réalisés dans plusieurs années. En gros, c’est un ouvrage sur trois qui nécessitera des travaux dans les dix ans à venir.

En revanche, des disparités sont constatées en fonction des territoires. Ainsi l’ouest de la France – Bretagne et Pays de la Loire – est le bon élève, avec seulement 6 % des ponts en mauvais état, alors que ce taux s’élève à 26 % en Guyane parce que l’entretien n’a pas été réalisé au même rythme ; il faudra donc prendre en compte ces disparités.

C’est à juste titre que M. Pierre Vatin souligne l’importance des capillaires de fret ferroviaire. Ces réseaux doivent être rénovés, ce qui entre dans la politique de régénération de nos réseaux ferroviaires comme de nos réseaux routiers.

À M. Jean-Pierre Vigier, qui attend un budget à la hauteur de nos ambitions, je répondrai que le budget pour 2019 l’est bien plus que les précédents ! Nous avons une dette « grise » à combler, car bien des choses n’ont pas été faites par le passé. Les crédits à la route ont diminué et il faudra un peu de temps pour les relever parce que nous avons une équation budgétaire à respecter.

Mme Zivka Park, rapporteure pour avis. Je souhaite indiquer à nos collègues que s’ils n’ont posé que peu de questions sur le transport aérien, je demeure à leur disposition, tant ce sujet m’est cher puisque j’habite à quelques kilomètres de l’aéroport de Roissy.

Mme la présidente Barbara Pompili. Merci pour ce rappel, madame la rapporteure pour avis. Nous en venons maintenant à l’examen des amendements.

Article 39 et État B : Crédits du budget général

La commission examine l’amendement II-CD55 de M. Philippe Dunoyer.

Mme Zivka Park, rapporteure pour avis. Je m’exprimerai sous le contrôle de M. Yannick Haury, rapporteur pour avis sur les crédits « Paysages, eau et biodiversité ». La loi pour la reconquête de la biodiversité et le plan biodiversité ont tous deux identifié la préservation des coraux comme un enjeu majeur à la fois en termes de biodiversité et de lutte contre les effets des changements climatiques. L’adoption d’un plan d’action visant à protéger 75 % des récifs coralliens d’ici 2021 doit intervenir début 2019. À ce stade, sur les 10 millions d’euros de crédits supplémentaires affectés au plan biodiversité en 2019, 300 000 euros sont destinés à la protection des récifs coralliens et des écosystèmes marins. Au total, les fonds dévolus à la protection des récifs coralliens s’élèveront à 1 million d’euros en 2019. Dans la mesure où cet amendement majore ces crédits de 500 000 euros, l’avis est favorable.

La commission adopte l’amendement.

Article 40 : Budget annexe « Contrôle et exploitation aériens »

La commission émet un avis favorable à l’adoption des crédits du budget annexe « Contrôle et exploitation aériens ».

Article 41 et État D : Comptes d’affectation spéciale « Aides à l’acquisition de véhicules propres » et « Services nationaux de transport conventionnés de voyageurs »

La commission est saisie, en discussion commune, des amendements II-CD59 du rapporteur pour avis, II-CD53 de M. Matthieu Orphelin, II-CD49 de Mme Mathilde Panot et II-CD41 de M. Fabrice Brun.

M. Damien Pichereau, rapporteur pour avis. Cet amendement répond à quelques‑unes des questions qui m’ont été posées sur la nécessité de disposer de mobilités plus actives et de les soutenir.

Il vise à faire en sorte que la prime à la reconversion qui a pour objet d’aider au remplacement d’un véhicule ancien par un véhicule plus récent, plus économe en carburant et produisant moins de gaz à effet de serre, puisse aussi servir à l’acquisition de vélos électriques par exemple. En effet, dans les centres urbains ou périurbains, des gens choisissent de quitter la voiture et de recourir aux mobilités douces, et, pour leurs loisirs, de pratiquer l’autopartage.

Le Gouvernement pourrait ainsi modifier les conditions d’attribution de la prime à la conversion afin d’attribuer une aide à l’acquisition d’un vélo électrique, ce qui me semble constituer une démarche tout à fait louable.

M. Matthieu Orphelin. L’amendement du rapporteur pour avis est excellent. (Sourires.) Il adresse un signal fort sur les mobilités alternatives à la voiture.

Mon amendement vise à exclure l’achat de véhicules frappés de malus écologique de l’éligibilité de la prime à la conversion, ce qui permettrait à l’État de réaliser des économies et de les employer à des mesures telle celle proposée par le rapporteur pour avis.

Il permet aussi de sortir du paradoxe qui fait que l’on peut bénéficier d’une prime à la conversion alors que l’on achète un véhicule malussé ; or nous avons récemment constaté à quel point tous ces dispositifs manquaient de lisibilité.

Mme Mathilde Panot. Le plan « Vélo » qui a été présenté a été jugé décevant par les associations. Il est doté de 50 millions d’euros pendant cinq ans, soit 0,70 euro par an et par habitant, ce qui très faible comparé à certains pays du nord de l’Europe où 4 euros par an et par habitant sont alloués.

Nous considérons que la conversion du parc automobile au tout-électrique n’est pas une politique écologique suffisamment ambitieuse. En effet, si cette conversion vise à limiter les émissions de gaz à effet de serre, elle ne remet pas en cause le modèle de la voiture individuelle. Nous utilisons actuellement 35 % du lithium produit sur la planète pour fabriquer des batteries ; une telle reconversion risque d’épuiser les ressources à très court terme.

Ainsi, notre politique de conversion écologique est promise à une durée de vie d’une trentaine d’années ; nous retrouverons les mêmes impasses si nous ne développons pas d’autres modes de mobilité. Pour ce faire, nous proposons la création d’un nouveau programme « Soutien au plan Vélo » doté de 182 millions d’euros, car il me paraît indispensable d’aller dans cette voie.

M. Fabrice Brun. L’augmentation de la fiscalité sur les carburants représente 15 milliards d’euros prélevés dans la poche des Français. La question que se posent les parlementaires que nous sommes est de savoir ce qui revient de cette somme à nos concitoyens pour les accompagner vers la transition énergétique. À cet égard, nos collègues MM. Jean-Yves Bony et Martial Saddier ont bien planté le décor.

L’aide à l’acquisition de véhicules propres constitue une des réponses, même si elle est jugée insuffisante parce que partielle, car tout le monde ne dispose pas des moyens de changer sa voiture ou son vélo. Cette mesure n’est, par ailleurs, pas assez massive puisqu’elle ne concerne que 170 000 véhicules alors que notre pays compte 30 millions de voitures. Or les automobilistes continuent d’être matraqués par les prix à la pompe.

Mon amendement veut mettre l’accent sur les vélos à assistance électrique, vendus chaque année à 250 000 exemplaires en France contre 700 000 en Allemagne, en portant à 200 euros la prime à l’acquisition de ce moyen de transport, au lieu de 100 euros actuellement.

M. Damien Pichereau, rapporteur pour avis. Je concède à M. Matthieu Orphelin qu’il y avait en 2018 une incohérence, car des véhicules neufs frappés d’un malus écologique pouvaient être achetés grâce à la prime à la reconversion. Pour l’année 2019, il est prévu que cette prime ne concernera plus que les véhicules émettant moins de 117 grammes de CO2 par kilomètre, ce qui figure explicitement dans le bleu budgétaire, qui est un document public, consultable par chacun sur internet. Votre amendement me semble donc satisfait, et je vous suggère de le retirer.

L’amendement de Mme Mathilde Panot vise à affecter les recettes supplémentaires du malus automobile prévues pour 2019, qui sont en hausse de 47 % par rapport à l’année précédente, à une nouvelle ligne consacrée au soutien au plan « Vélo ».

Tout d’abord, je souhaite rappeler que le programme 791 « Aide à l’acquisition de véhicules propres », c’est-à-dire le bonus, contribue déjà au financement de l’aide à l’acquisition d’un vélo électrique, dans une limite de 100 euros.

Par ailleurs, je rappelle également que ce compte d’affectation spéciale est uniquement consacré à l’aide à l’acquisition de véhicules propres, comme l’indique son intitulé. Il ne peut donc financer l’intégralité des mesures du plan « Vélo », mais seulement soutenir nos concitoyens dans leur acquisition de véhicules plus respectueux de l’environnement, dont les vélos font partie.

Je vous rejoins, madame Mathilde Panot, dans la volonté de développer le recours aux mobilités propres et actives. Plutôt que de prélever des crédits sur le bonus et la prime à la conversion comme le propose votre amendement, mon amendement vise à élargir le champ de la prime à la conversion pour aider à l’acquisition d’un vélo ou d’un vélo électrique, en échange du retrait d’un véhicule polluant. C’est pourquoi je vous propose de retirer votre amendement au profit du mien.

Quant à votre amendement, monsieur Fabrice Brun, il vise à doubler le montant de l’aide à l’acquisition d’un vélo électrique, qui passerait de 100 à 200 euros, ce dont je vous félicite, car vous nous rejoignez dans ce combat. (Sourires.)

Comme je l’ai déjà dit, je partage la volonté d’augmenter les aides favorisant le développement de mobilités propres et actives ; c’est pourquoi mon amendement vise à octroyer une aide lors du retrait d’un véhicule polluant pour l’acquisition de vélos ou de vélos électriques. Ce point est important, car ces véhicules retirés de la circulation sont les plus polluants. Aussi me semblet-il moins pertinent de supprimer des crédits destinés à la prime à la conversion que d’élargir le champ des moyens de transport permettant de bénéficier de cette prime.

Par ailleurs, je rejoins votre souhait qu’en cas de hausse des recettes l’année prochaine suite à la soumission des pick-up au malus automobile, l’aide à l’acquisition d’un vélo à assistance électrique passe de 100 à 200 euros, en plus de l’extension de la prime à la conversion aux vélos électriques proposée par mon amendement.

Pour ces raisons, je vous demande de retirer votre amendement au profit du mien.

M. Pacôme Rupin. Je soutiens l’excellent amendement du rapporteur pour avis. Je considère que nous devons inciter de plus en plus fortement nos concitoyens à abandonner la propriété d’un véhicule quand ils le peuvent, ce qui n’est pas toujours possible, singulièrement en zone rurale. En revanche, dans les zones urbaines et périurbaines, les usagers délaissent de plus en plus la possession de véhicules particuliers au profit des nombreuses offres de mobilité qui leur sont offertes, qu’il s’agisse des transports en commun ou de la location de voiture lorsqu’ils en éprouvent le besoin.

M. Jean-Pierre Vigier. Je soutiens l’amendement de M. Fabrice Brun, même s’il n’est pas suffisant, car l’augmentation des taxes sur le diesel mettra à mal l’attractivité des territoires ruraux, où l’on prend sa voiture pour aller au travail, pour conduire les enfants à l’école et pour les loisirs. Pour éviter que les habitants de ces territoires ne puissent plus y demeurer et que la vie même ne finisse par en disparaître, il nous faut trouver des solutions propres à aider financièrement ceux qui sont obligés de s’y déplacer en voiture.

M. Matthieu Orphelin. Je remercie le rapporteur pour avis d’avoir rappelé que le compte d’affectation spéciale « Aide à l’acquisition de véhicules propres » prévoit que la prime à la conversion s’appliquera en 2019 aux véhicules émettant moins de 117 grammes de CO2 par kilomètre. Il est bon que nous mettions fin à l’incohérence passée et que nous disposions d’une mesure supplémentaire de nature à accélérer la transition énergétique.

Je retire donc mon amendement que je déposerai pour l’examen du texte en séance publique afin d’obtenir de façon certaine la confirmation du Gouvernement, car ce sujet mérite plus qu’une simple ligne dans un document budgétaire.

M. Fabrice Brun. Chacun est conscient que la voiture, quelle que soit sa forme, constitue l’outil numéro un de la mobilité en zone rurale ou périphérique, ce qui n’empêche pas que ces territoires offrent eux aussi des solutions. Ils ne manquent d’ailleurs pas d’imagination, puisqu’ils offrent des interconnexions de mode de transport doux en encourageant l’usage de la voiture et du vélo électriques, éventuellement associés à l’autopartage et aux transports en commun.

Il est vrai que la loi de finances nous contraint à fonctionner sous enveloppes constantes, mais enlever 100 euros de la prime à la voiture au profit du vélo revient à adresser un message positif au moment où le plan « Vélo » déçoit quelque peu. C’est pourquoi je maintiens mon amendement.

L’amendement II-CD53 est retiré.

La commission adopte l’amendement II-CD59.

En conséquence, les amendements II-CD49 et II-CD41 tombent.

La commission émet un avis favorable à l’adoption des crédits du compte d’affectation spéciale « Aides à l’acquisition de véhicules propres ».

Puis elle émet un avis favorable à l’adoption des crédits du compte d’affectation spéciale « Services nationaux de transport conventionnés de voyageurs ».

*

*     *

Lors de sa réunion du mercredi 31 octobre 2018, suivant l’avis favorable des rapporteurs pour avis M. Yannick Haury, M. Damien Pichereau, Mme Zivka Park, Mme Danielle Brulebois, Mme Jennifer De Temmerman et M. Jimmy Pahun, la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a émis un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Écologie, développement et mobilité durables », Mme Mathilde Panot, rapporteure pour avis, exprimant un avis défavorable.

 


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   liste des personnes auditionnées

(par ordre chronologique)

Centre détudes et dexpertise sur les risques, lenvironnement, la mobilité et laménagement (CEREMA)

– M. Pascal Berteaud, directeur général

– M. Pierre Corfdir, chef du centre des techniques d’ouvrage d’art

– M. Stéphane Chanut, chef du département déplacements durables à la direction technique, territoires et ville

– M. Olivier Piet, directeur adjoint de la direction technique eau, mer et fleuves

Direction générale des infrastructures, des transports et de la mer (DGITM)

– M. François Poupard, directeur général des infrastructures, des transports et de la mer

– Mme Isabelle Andrivon, cheffe du service de l’administration générale et de la stratégie

TRANSDEV

– M. Richard Dujardin, directeur général France

KEOLIS

– M. Frédéric Baverez, directeur exécutif France

– Mme Anne Lieure, directrice des relations institutionnelles

Observatoire national de la route (ONR) – Institut des routes, des rues et des infrastructures pour la mobilité (IDRRIM)

– M. David Zambon, directeur général

– Mme Magali Dupetit, chargée de projet ONR

– M. Patrick Porru, responsable des affaires techniques

Route de France

– M. Pierre Calvin, président

– M. Jean-Baptiste de Premare, délégué général

Fédération nationale des travaux publics (FNTP)

– M. Christian Tridon, président

– M. Julien Guez

– Mme Corine Le Sciellour

– Mme Sophie Cahen

Direction interdépartementales des routes Ouest (DIR OUEST)

– M. Frédéric Lechelon, directeur

– M. Alain Carmouet, chef du service entretien et modernisation

M. Laurent Chapelon, professeur au département de géographie et d’aménagement de l’espace de l’université Paul-Valéry à Montpellier

Fédération nationale des associations dusagers des transports (FNAUT)

– M. Bruno Gazeau, président

– M. Christian Broucaret, porte-parole

Fédération nationale des transports routiers (FNTR)

– Mme Florence Berthelot, déléguée générale

Fédération nationale des transports de voyageurs (FNTV)

– M. Jean-Sébastien Barrault, président

– Mme Ingrid Mareschal, déléguée générale

Union transports et logistique de France (TLF)

– M. Claude Blot, président de l’Union TLF

– M. Pascal Vandalle, directeur délégué au pôle « Terrestre »

Direction des routes de la Sarthe

– M. Frédéric Beauchef, vice-président du conseil départemental de la Sarthe, président de la commission des infrastructures routières, maire de Mamers

– Mme Marie Sajous, directrice des routes du conseil départemental de la Sarthe

Association des sociétés françaises dautoroutes (ASFA)

– M. Arnaud Hary, président

– M. Christophe Boutin, délégué général

– M. Philippe Giguet, directeur infrastructures, patrimoine et environnement chez APRR

– M. Edouard Fischer (représentant SANEF)

Conseil général de lenvironnement et du développement durable (CGEDD)

– M. Pierre-Alain Roche, président de la section mobilités et transports

– M. Alain Sauvant, directeur de l’autorité pour la qualité de service des transports

Direction régionale de lenvironnement, de laménagement et du logement (DREAL) des Pays de la Loire

– M. Philippe Viroulaud, directeur adjoint

– M. Stéphane Le Moing, chef de la division maîtrise d’ouvrage

– Mme Catherine Cante, adjointe au chef de la division intermodalité

Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF)

– M. Christophe Béchu, président

– M. Anthony Lusson, directeur de cabinet

– M. Jean Le Pavec, secrétaire général adjoint


([1]) Avis n° 1285, tomes VII et VIII.

([2]) Chiffres arrondis au millième.

([3]) Les départements ont bénéficié du transfert d’une partie des personnels de l’ancien ministère en charge de l’équipement suite à la décentralisation routière issue de la loi n° 2004-809 relative aux libertés et responsabilités locales.

([4]) Revue des dépenses de voirie des collectivités locales publiée en août 2017 par l’Inspection générale des finances, l’Inspection générale de l’administration et le Conseil général de l’environnement et du développement durable.

([5]) Il est à noter qu’une nouvelle méthodologie est actuellement en cours d’élaboration, ce qui pourrait modifier les prévisions ; le ministère prévoit de réaliser une comparaison des deux méthodologies fin 2018.

([6]) Audition du Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (CEREMA) le 4 octobre 2018.

([7]) On dénombre par exemple près de 9 000 portiques, potences et hauts-mâts qui supportent des éléments de signalisation fixe ou dynamique, ou encore plus de 50 000 mâts d’éclairage couvrant 1 000 km de routes éclairées.

([8]) Réponse du ministère des transports au questionnaire budgétaire adressé par votre Rapporteur pour avis en application de l’article 49 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF).

([9]) Caméras de détection automatique d’incidents, systèmes de ventilation et d’éclairage, dispositifs de sécurité et de secours aux usagers, etc.

([10]) Réponse du ministère des transports au questionnaire budgétaire adressé par votre Rapporteur pour avis en application de l’article 49 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF).

([11]) La liste des opérations pouvant notamment être couvertes par les fonds de concours de l’AFITF est détaillée à la page 48 de l’extrait du bleu budgétaire de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » sur le programme 203 « infrastructures et services de transports ».

([12]) Réponse du ministère des transports au questionnaire budgétaire adressé par votre Rapporteur pour avis en application de l’article 49 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF).

([13]) Décret n° 2012-1359 du 4 décembre 2012 relatif au poids total roulant autorisé des véhicules terrestres à moteur.

([14]) Obligation initialement prévue par le décret n° 2011-64 du 17 janvier 2011 relatif au poids total roulant autorisé des véhicules terrestres à moteur.

([15]) Chiffres pour 2017 de la direction générale des infrastructures, des transports et de la mer.

([16]) Ces revues englobent notamment :

 – l’inventaire des patrimoines (ouvrages d’art, murs de soutènement, tunnels, auvents de gare de péage et portiques, potences et hauts-mâts) ;

 – l’avancement des remises d’ouvrages aux autres gestionnaires ;

 – l’inventaire des dossiers d’ouvrages ;

 – le respect des indicateurs de fonctionnalités, d’état et de sécurité des ouvrages ;

 – les programmes de surveillance renforcée de structures ;

 – les programmes de renforcement en cours et à venir ;

 – le suivi des observations des audits antérieurs.

([17]) Indicateur moyen basé sur les indicateurs IQRA des sociétés ASF, ESCOTA, APRR, AREA, COFIROUTE, ATMB, SANEF, SAPN, SFTRF.

([18]) Ouvrages classés 1 ou 2. Pour le réseau non concédé, ce chiffre est de 68 %.

([19]) Ouvrages classés 2E. Pour le réseau non concédé, ce chiffre est de 22 %.

([20]) Ouvrages classés 3. Pour le réseau non concédé, ce chiffre est de 5 %.

([21]) Ouvrages classés 3U. Pour le réseau non concédé, ce chiffre est de 1 %.

([22]) Revue des dépenses de voirie des collectivités locales publiée en août 2017 par l’Inspection générale des finances, l’Inspection générale de l’administration et le Conseil général de l’environnement et du développement durable.

([23]) Revue des dépenses de voirie des collectivités locales publiée en août 2017 par l’Inspection générale des finances, l’Inspection générale de l’administration et le Conseil général de l’environnement et du développement durable.

([24]) Audition du Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (CEREMA) le 4 octobre 2018.

([25]) La suppression complète en 2014 de l’assistance technique fournie par les services de l'État pour des raisons de solidarité et d'aménagement du territoire (ATESAT) contribue à expliquer la méconnaissance de ce réseau routier.

([26]) Surveillance et entretien courant des ouvrages d’art routiers, Guide technique à l’usage des communes, CEREMA, septembre 2018.

([27]) Audition du géographe M. Laurent Chapelon le 10 octobre 2018.

([28]) Pierre Thorez, « L’intermodalité, un facteur d’équité ou de déséquilibre territorial ? » in Transports et intermodalité, sous la direction de Laurent Chapelon, 2016.

([29]) Ibid.

([30]) L’évolution de ces indicateurs sur 25 ans est présentée dans la suite du rapport.

([31]) Chiffres du ministère des transports.

([32]) Étude « Mobilité et emploi » réalisée par Elabe et présentée lors des quatrièmes rencontres de la mobilité inclusive à l'Assemblée nationale le 18 janvier 2017.

([33]) Il convient de noter que cette étude est réalisée tous les dix ans et que l’enquête sur la mobilité des personnes pour 2018/2019 est actuellement en cours de réalisation.

([34]) Vingt-cinq années de transport intérieur de voyageurs, Études et documents du Commissariat général au développement durable (CGDD), mai 2016.

([35]) Le covoiturage pour les déplacements domicile-travail : quel potentiel ? Études et documents du Commissariat général au développement durable (CGDD), juin 2014.

([36]) Loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles.

([37]) Avec ou sans borne de stationnement, le second système étant dénommé free-floating.

([38]) Audition de la direction générale des infrastructures, des transports et de la mer le 4 octobre 2018.

([39]) Ces dernières risquent de n’offrir ces services que dans des zones relativement denses, alors que ces services doivent aussi être disponibles dans les zones rurales et les petites agglomérations.

([40]) Même si, comme indiqué dans la première partie du rapport, cela soulève la question de la dégradation des infrastructures routières et de leur adaptation à la circulation des poids lourds. Cette non-adaptation est soulevée notamment par la Fédération nationale des transports routiers (FNTR), qui explique que ces infrastructures devraient au contraire être adaptées à la circulation des poids lourds, puisqu’il s’agit des zones les plus pertinentes pour le transport routier de marchandises.

([41]) Ensemble d’initiatives proposé sous le label « l’Europe en mouvement ».

([42]) Rapport d’information n° 657 sur le premier paquet Mobilité présenté par la Commission européenne le 31 mai 2017, déposé par la commission des affaires européennes de l’Assemblée nationale et présenté par M. Damien Pichereau le 8 février 2018.

([43]) Résolution européenne du 6 mars 2018 sur le premier paquet Mobilité présenté par la Commission européenne le 31 mai 2017, sur le rapport de M. Damien Pichereau.

([44]) La direction générale des infrastructures, des transports et de la mer a indiqué lors de son audition le 4 octobre 2018 que la notification à la Commission européenne interviendrait prochainement.

([45]) Aussi dénommées « ferroutage » dans la suite du rapport.

([46]) Les véhicules utilitaires légers, pour une meilleure régulation et des usages maîtrisés, rapport de M. Damien Pichereau, parlementaire en mission auprès de la ministre chargée des transports, avec le concours de M. Romain Sevestre, chargée d’étude à la direction générale des infrastructures, des transports et de la mer et de Mme Myriam Souami, collaboratrice parlementaire (avril 2018).

([47]) En ce sens, les engagements de l’État de reprise des 35 milliards d’euros de dettes de SNCF réseau doivent s’accompagner d’un engagement dans l’entretien de son réseau.

([48]) http://assnat.fr/JsoftM

([49]) http://assnat.fr/TQ9u9O