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N° 1285

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 3 octobre 2018.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DU DÉVELOPPEMENT DURABLE ET DE L’AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2019 (n° 1255)

TOME VII

ÉCOLOGIE, DÉVELOPPEMENT ET MOBILITÉ DURABLES

 

TRANSPORTS AÉRIENS

PAR Mme Zivka PARK

Députée

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 Voir les numéros : 1255, 1302 (Tome III, annexe 19).


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SOMMAIRE

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Pages

Introduction

I. Lévolution du transport aérien

A. le transport aÉrien connaît une solide croissance

1. Dans la continuité des années précédentes, 2017 a enregistré une hausse significative du trafic passager

2. Une progression encore plus marquée du trafic de marchandises

B. Leurope affirme sa deuxième place derrière l’Asie

1. Une croissance tirée par les liaisons internationales

2. La croissance du trafic en France profite davantage aux compagnies étrangères qu’aux compagnies nationales

3. L’expansion du transport de fret en Europe et en France

C. Les perspectives pour 2018

1. Au premier semestre 2018, le trafic de passagers continue son envolée

2. Une hausse moins importante pour l’activité de fret

3. Le second semestre 2018 ne faiblira pas

4. La hausse reste solide mais plus modérée pour la France

II. LES ORIENTATIONS DU PROJET DE BUDGET ANNEXE POUR 2019

A. Un budget bâti essentiellement sur des taxes et des redevances

1. Les redevances perçues au titre du contrôle de la navigation aérienne

2. Les redevances perçues au titre de la surveillance et de la certification

3. La taxe de laviation civile et la contribution de laéroport de Bâle-Mulhouse

4. Les autres recettes

B. la SITUATION FINANCIÈRE DU BACEA se redresse

1. Les dépenses de fonctionnement continuent à diminuer

2. Le désendettement du BACEA se poursuit

C. LES PRIORITÉS DÉFINIES PAR PROGRAMME

1. Le programme 612 « Navigation aérienne »

2. Le programme 613 « Soutien aux prestations de laviation civile »

3. Le programme 614 « Transports aériens, surveillance et certification »

D. Des effectifs stabilisés

1. Après une importante baisse, les effectifs sont stables depuis 2017

2. Les dépenses de personnel augmentent modérément

3. Des mesures catégorielles d’un montant de 12,9 millions d’euros

4. Un déficit de contrôleurs aériens

III. Les principaux acteurs du secteur AÉRIEN en France

A. une période cruciale pour la compagnie Air France-KLM

1. Les performances d’Air France restent inférieures à celles de la concurrence

2. Le développement d’Air France passe par Joon et Transavia

3. La filiale régionale HOP ! joue sa survie

4. Conflits sociaux et nouvelle équipe dirigeante

B. Aéroports de Paris

1. La croissance est repartie en 2017

2. Le projet de liaison avec Paris « CDG Express » se précise

3. La poursuite des investissements à Roissy comme à Orly

4. Vers la privatisation dAéroports de Paris

C. La situation dAirbus

1. Une situation économique florissante

2. Une gamme civile complète et qui s’enrichit constamment

3. L’armée de l’air réceptionne à la fois ses A400M et son premier MRTT

IV. une perturbation probable en 2019 : le Brexit

A. Le secteur de l’aviation civile est très exposé

1. Le maintien des liaisons bilatérales mais la fin du cabotage

2. Les certifications britanniques ne seront plus valables sur le continent

3. La constitution de stocks : une réponse très provisoire

B. Les conséquences humaines et matérielles concrÈtes

1. Le rétablissement du processus douanier

2. De probables entraves à la mobilité des personnels

EXAMEN en commission

Liste des personnes auditionnées


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   Introduction

Dans le contexte favorable d’une hausse continue du transport aérien dans le monde et en Europe, le projet de budget annexe Contrôle et exploitation aériens (BACEA) pour 2019 confirme que la direction générale de l’aviation civile (DGAC) respecte une trajectoire de rétablissement de ses comptes et poursuit son désendettement, tout en continuant à se moderniser.

Les recettes, à 2,1 milliards d’euros, évoluent peu tandis que les efforts en matière de dépenses permettront de dégager un excédent d’exploitation, estimé à 364 millions d’euros, destiné en priorité à diminuer l’encours de la dette, dans le but de réduire les charges financières. Pour autant, les investissements ne seront pas négligés et s’inscriront en hausse : 298 millions d’euros contre 252 en 2018.

Le sujet de préoccupation du moment concernera encore en 2019 les effectifs des contrôleurs aériens dont la baisse continue, a abouti à une dégradation du service rendu et à une augmentation des retards.

*

Le transport aérien est un secteur économique qui a pleinement surmonté la crise des années 2008-2010 et qui assoit sa croissance sur la mondialisation des échanges. Son taux de croissance planétaire, depuis des années, s’élève aux alentours de 7 % – un peu moins en France – mais il s’agit d’un des secteurs d’activité qui connaît la plus forte expansion. Le trafic aérien mondial double tous les 12 ans.

Au cours de l’année 2003, un milliard et demi de personnes ont pris l’avion ; en 2017, ce sont 4 milliards de passagers qui ont volé et, si rien ne change, ce sont 8 à 9 milliards de personnes, soit l’équivalent de la population mondiale, qui emprunteront chaque année l’avion d’ici une quinzaine d’années.

C’est incontestablement, sur le plan économique, une très bonne nouvelle. Les aéroports d’Orly et de Roissy, mais aussi en province, investissent. De nouveaux terminaux sortent de terre. Des milliers d’emplois sont créés, les écoles de pilotage recrutent à tour de bras. Les constructeurs aéronautiques comme Airbus, SAFRAN et leurs milliers de sous-traitants engrangent les commandes, remplissent leurs carnets de livraison sur dix ans, embauchent et produisent de la richesse.

Grâce à l’avion, toujours plus de touristes viennent visiter notre pays et de plus en plus de Français peuvent découvrir de nouveaux horizons.

Tout semble donc aller très bien. Mais peut-on se satisfaire de cette situation ?

Car dans le même temps, malgré les progrès technologiques réalisés, le secteur aérien reste très gourmand en énergie fossile. Selon les études les plus récentes, le trafic aérien serait responsable de 2 % des émissions de CO2 dans le monde et de 5 % du réchauffement climatique.

Et la baisse du bruit enregistrée sur les appareils les plus modernes ne compense pas la masse des nuisances sonores générées par l’envolée du trafic.

Dans le cadre de l’impérieuse lutte pour préserver l’environnement, le transport aérien doit poursuivre l’effort qu’il a déjà entrepris pour réduire ses nuisances, notamment sonores. Des efforts sont réalisés par de multiples acteurs ‑ administration, constructeurs, compagnies aériennes, aéroports – conscients du fait que la réduction des nuisances facilitera l’acceptation de leur développement par la population. Notre devoir est de les inciter à aller toujours plus loin.

 


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I.   L’évolution du transport aérien

A.   le transport aÉrien connaît une solide croissance

1.   Dans la continuité des années précédentes, 2017 a enregistré une hausse significative du trafic passager

En 2016, selon les données de l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI), le trafic aérien de passagers a atteint 4,07 milliards de passagers, soit 7,1 % de plus que l’année précédente. En passagers kilomètres transportés (PKT), le trafic a atteint 7 699 milliards en 2017 (+ 7,9 %). À ce rythme-là, le trafic passager mondial double tous les 12 à 13 ans.

L’Europe, avec 27 % de part du marché mondial, enregistre une croissance de 8,6 %. L’Amérique du Nord, qui représente 23 % du trafic mondial, progresse de 4,1 %. La région du Moyen-Orient, qui représente 9 % de part de marché, voit son trafic augmenter de 6,5 %. La région Amérique latine/Caraïbes représente 5 % du trafic mondial et progresse de 7,4 %. Les 2 % restants du trafic mondial sont à porter au crédit de l’Afrique qui enregistre une croissance de 7,2 %.

Évolution du trafic de passagers entre 2016 et 2017 par zone géographique

Zone géographique

Croissance de la zone géographique

Part de marché par zone géographique

Europe

8,6 %

27 %

Afrique

7,2 %

2 %

Moyen Orient

6,5 %

9 %

Asie Pacifique

10,7 %

34 %

Amérique du Nord

4,1 %

23 %

Amérique latine Caraïbes

7,4 %

5 %

TOTAL

7,9 %

100 %

Source : DGAC d’après les données OACI

Le tableau ci-dessus confirme la prééminence prise par l’Asie en matière de transport de passagers, ce continent représentant désormais plus du tiers du trafic. Il nous enseigne également que les deux zones géographiques habituellement présentées comme « matures », l’Amérique du Nord et l’Europe, connaissent des évolutions différentes : si la croissance du trafic en Amérique du Nord est relativement modeste (+ 4,1 %), celle de l’Europe est nettement plus dynamique : +8,6 %. Alors que les deux zones connaissaient un trafic comparable il y a encore quelques années, nous constatons que l’Europe creuse désormais l’écart par rapport au marché nord-américain.

Le marché moyen-oriental, qui connaissait encore en 2015 une croissance de 12,1 % grâce au développement des compagnies subventionnées du Golfe, n’est plus aussi dynamique que par le passé, même si sa croissance reste soutenue (+6,5 %). Enfin, même si le marché africain reste modeste, sa croissance annuelle, homogène au cours de ces dernières années (7,2 %), témoigne du frémissement d’une partie de l’économie du continent.

2.   Une progression encore plus marquée du trafic de marchandises

En 2017, le trafic de fret aérien mondial a atteint 223,7 milliards de tonnes-kilomètres transportées (TKT), en progression de 9,5 % par rapport à 2016, croissance très nettement supérieure à celle de 2016 qui n’était « que » de 3,6 %.

Par zone géographique, la croissance du fret de 3,8 % se décompose en une contribution de 1,7 % pour l’Europe, 1,2 % pour l’Asie Pacifique, 0,5 % pour l’Amérique du Nord, et 0,4 % pour le Moyen Orient.

Évolution du trafic de fret entre 2016 et 2017 par zone géographique

zone géographique

Fret 2017 (en milliards de tonnes kilomètres)

Croissance de la zone géographique

Répartition du trafic fret par zones

Europe

51,6

11 %

23,1 %

Afrique

4,2

27 %

1,9 %

Moyen Orient

30,8

7 %

13,8 %

Asie Pacifique

86,7

8 %

38,8 %

Amérique du Nord

44,4

11 %

19,8 %

Amérique Latine Caraïbes

6,0

5 %

2,7 %

TOTAL

204,8

3,8 %

100 %

Source : DGAC d’après les données OACI

B.   L’europe affirme sa deuxième place derrière l’Asie

1.   Une croissance tirée par les liaisons internationales

En 2017, le trafic aérien de l’Europe (qui prend en compte la totalité du trafic réalisé par les compagnies immatriculées en Europe ([1])) a progressé de 8,6 % en passagers transportés et du même chiffre en PKT par rapport à 2016. En 2016, cette hausse n’avait été « que » de 6,7 %. Sur la période 2007-2017, le trafic aérien de l’Europe a connu un taux de croissance annuel moyen de 5,8 %, inférieur de 0,4 % au taux annuel de croissance mondial (6,2 %) sur la même période. S’agissant d’un marché mature, contrairement à l’Asie ou au Moyen-Orient, le résultat mérite toutefois d’être souligné.

Depuis dix ans, la part de marché de l’Europe varie peu et oscille autour de 27 %. Avec 1 067 millions de passagers et 2 042 milliards de passagers kilomètres transportés en 2017, l’Europe reste la deuxième région mondiale, derrière l’Asie (qui représente 34 % des PKT et 36,5 % des passagers) mais désormais largement devant l’Amérique du Nord.

La place de l’Europe dans le trafic mondial en PKT de 2006 à 2017

(en milliards de PKT)

Source : DGAC d’après les données OACI

Ainsi que le montrent les deux graphiques précédents, le trafic de passagers a pratiquement doublé en Europe sur les douze derniers exercices, cette croissance étant essentiellement portée par les liaisons internationales.

Eurocontrol a enregistré en 2017 une augmentation des mouvements de 4 % pour l’Europe (survols compris), contre 2,8 % en 2016, et de 3,8 % (4,4 % en 2016) pour la France. Après avoir souffert de situations géopolitiques difficiles, le trafic en Ukraine et en Turquie renoue avec la croissance (+ 19 % pour l’Ukraine et +6 % pour la Turquie).

En 2017, le trafic de fret aérien (intérieur et international) a progressé en Europe de 11,1 % (contre 8 % en 2016) pour atteindre 51,65 milliards de tonnes kilomètres transportées. Le taux de croissance annuel moyen s’établit à 2,6 % au cours des dix dernières années. Avec 23 % de part de marché, l’Europe conserve la seconde position, derrière l’Asie (39 %) mais devant l’Amérique du Nord (20 %). Ces données n’ont pas varié depuis l’exercice précédent.

Le trafic en Europe de 2007 à 2017

(en millions de passagers)

Source : DGAC d’après les données OACI

2.   La croissance du trafic en France profite davantage aux compagnies étrangères qu’aux compagnies nationales

Le trafic aérien français (métropole et outre-mer) s’est élevé à 164,05 millions de passagers en 2017, soit une hausse de 6,1 % par rapport à 2016. Lors de l’exercice précédent, cette hausse avait été deux fois moins importante : + 3 %.

Le trafic aérien intérieur a connu une croissance annuelle moyenne de 2,7 % entre 2007 et 2017 pour atteindre 159 millions de passagers, soit 9,2 millions de plus qu’en 2016.

Source : Ministère de la transition écologique et solidaire/DGAC

Entre 2007 et 2017, la part des liaisons intérieures radiales est passée de 14,4 % à 10,5 % du trafic total de la métropole. Celle des liaisons transversales est passée de 4,8 % à 5,6 % et celle des lignes vers l’Union européenne, tirées par le développement des compagnies à bas coûts, de 47,2 % à 50,6 %.

À titre de comparaison, sur les quatre précédentes années (de 2012 à 2016) l’évolution annuelle moyenne était de + 3 % ; il faut remonter à 2011 pour retrouver une croissance comparable (+ 6,7 %). Cette hausse du trafic est due notamment à une nette progression de l’activité économique en France (croissance du PIB de 2 % en 2017, meilleure performance depuis six ans) et à un effet de rattrapage suite aux attentats qui ont impacté le trafic de 2016. Ce bon résultat s’inscrit dans un contexte de hausse du prix du transport aérien (+ 2,9 %) au départ de France, imputable en partie à la hausse du prix du pétrole (+ 25 %) qui demeure cependant à un niveau relativement modéré en 2017 : 54 dollars le baril.

Évolution du Trafic de passagers au départ de France mÉtropolitaine entre 2016 et 2017

(en millions de passagers)

 

2017

Évolution 2016/2017

Intérieur Métropole

25,6

3,4 %

Métropole-DOM/COM

4,2

5,7 %

International

129,2

6,8 %

dont EEE

80,5

6,5 %

Total

159

6,2 %

Source : Ministère de la Transition écologique et solidaire/DGAC

La croissance est également tirée par le développement des compagnies à bas coûts dont l’activité est toujours dynamique. Leur part de marché en termes de nombre de passagers s’est élevée en 2017 à 33,9 %, en progression de 1,8 point par rapport à 2016.

Elle a gagné 2,1 points sur le réseau intérieur, 1,7 point sur le réseau de l’Espace économique européen et 1,3 point hors de l’Europe.

Sur les 10 dernières années (2007-2017), la hausse de la part des compagnies bas-coûts est de 1,5 point en moyenne par an en nombre de passagers et de 0,9 point en passagers kilomètres transportés.

Le pavillon français a continué à souffrir de la concurrence étrangère. Ainsi, sur l’ensemble des flux à l’arrivée et au départ de France métropolitaine, la part du pavillon français exprimée en pourcentage du nombre de passagers transportés a poursuivi sa baisse en 2017, à 41 % contre 41,8 % en 2016. L’érosion du pavillon français touche davantage le réseau intérieur (- 2 points) et les liaisons internationales intra-européennes (- 0,5 point) que les liaisons internationales lointaines (- 0,1 point).

Sur les 10 dernières années (2007-2017), la baisse de la part du pavillon français est de 0,8 point en moyenne par an en nombre de passagers et de 0,5 point en passagers kilomètres transportés.

3.   L’expansion du transport de fret en Europe et en France

En 2017, le trafic de fret aérien (intérieur et international) a progressé en Europe de 11,1 % pour atteindre 51,65 milliards de tonnes kilomètres transportées. Le taux de croissance annuel moyen s’élève à 2,6 % depuis 2007. Avec 23 % de part de marché, l’Europe conserve la seconde position, derrière l’Asie (39 %) mais devant l’Amérique du Nord (20 %).

Le fret aérien est une activité très sensible aux cycles économiques ; au cours de ces dernières années, la concurrence du transport maritime est devenue beaucoup plus prégnante. En France, le fret aérien bénéficie de la plateforme de l’aéroport Roissy - Charles-de-Gaulle mais la dégradation de la rentabilité de l’activité tout cargo d’Air France a conduit à une forte réduction de sa flotte. En outre, les pays du Bénélux ont réussi à promouvoir une image d’attractivité qui a détourné vers eux, au détriment de la France, une partie du trafic intercontinental à destination de l’Europe.

L’activité fret est réalisée par des compagnies spécialisées et par des compagnies transportant des passagers en cabine et des marchandises en soute (Air France). Les compagnies françaises desservant l’outre-mer (Air Caraïbes, Corsair, Air Austral…) transportent un montant significatif de fret en soute.

Le fret aérien est une activité largement dominée par deux compagnies : Air France, qui a transporté 506 milliers de tonnes de fret en 2017 (21,5 % du fret total) et Fedex, qui a transporté 490 milliers de tonnes (20,8 % du fret total). Ces deux compagnies, qui représentent 42,3 % du trafic de marchandises en France, ont leur base à Paris – Charles-de-Gaulle.

Air France exerce son activité dans quatre zones principales : l’Amérique du Nord et l’Asie, où elle est concurrencée par Fedex, ainsi que l’Amérique latine et l’Afrique subsaharienne où Fedex n’est pas présente. En revanche, Fedex domine largement le marché intérieur et celui orienté vers l’Europe.

La troisième compagnie est European Air Transport, qui transporte du fret pour DHL et en a convoyé 134 000 tonnes en 2017 (5,7 % du fret total). Delta, en quatrième position, est, comme Air France, une compagnie généraliste qui transporte à la fois du fret et des passagers.

C.   Les perspectives pour 2018

1.   Au premier semestre 2018, le trafic de passagers continue son envolée

Au niveau mondial, l’activité demeure soutenue en 2018. Selon les données publiées par l’IATA en août, le trafic total de passagers exprimé en PKT a progressé de 7 %, dont + 6,7 % pour le trafic l’international et + 7,5 % pour les trafics intérieurs. Toutes les zones ont progressé. L’Asie-Pacifique est la plus dynamique (+ 9,7 %), stimulée par le dynamisme économique de la région, suivie par l’Amérique latine (+ 6,7 %) et l’Europe (+ 6,3 %). En comparaison, l’Afrique, le Moyen-Orient et l’Amérique du Nord ont enregistré des hausses moins soutenues (respectivement + 2,7 %, + 4,7 % et + 5,1 %).

En France, la progression du trafic au premier semestre 2018 par rapport au premier semestre 2017 a été de + 4,8 %, soit une hausse de 3,7 millions de voyageurs.

Le trafic radial (Paris-province) diminue nettement de 3,4 % suite à l’ouverture de la ligne à grande vitesse reliant Paris à Bordeaux, qui impacte en particulier les trajets vers Bordeaux et Toulouse (- 4,3 % pour ces lignes), et à l’amélioration de l’offre ferroviaire vers la Bretagne.

À l’inverse, le trafic transversal, qui irrigue les régions sans passer par Paris, progresse de 8,6 %. Sur les six premiers mois de 2018, le trafic international dépasse les 63,3 millions de passagers dès le premier semestre ; la hausse du trafic, qui atteint + 5,7 %, est forte sur tous les faisceaux (+ 7,8 % avec l’Afrique, + 7,1 % avec l'Asie-Pacifique).

2.   Une hausse moins importante pour l’activité de fret

Au niveau mondial, selon IATA, le fret aérien, mesuré en tonnes-kilomètres, a connu sur les six premiers mois de 2018 une croissance cumulative de + 4,7 %. Ce taux de croissance est quasiment deux fois inférieur à celui observé au cours de la même période un an auparavant (+ 10,4 %), mais il reste supérieur à la tendance des cinq dernières années (+ 3,8 % par an en moyenne entre 2012 et 2017).

Si tous les marchés sont en hausse, l’Amérique latine enregistre la plus forte croissance (+ 10,1 %), loin devant l’Amérique du Nord (+ 5,3 %), l’Asie Pacifique (+ 4,6 %), le Moyen-Orient (+ 4,3 %), l’Europe (+ 4,1 %) et l’Afrique (+ 3,0 %).

3.   Le second semestre 2018 ne faiblira pas

Selon les dernières prévisions IATA de juin 2018, le trafic aérien mondial (en passagers) devrait croître de 7 % sur la totalité de l’année 2018. Les prévisions par grandes zones géographiques sont les suivantes : + 9,5 % pour l’Asie-Pacifique, + 4,5 % pour l’Afrique, + 6,5 % Amérique latine, + 7 % pour l’Europe, + 5,9 % pour le Moyen-Orient et + 4 % en Amérique du Nord.

À l’échelon européen, Eurocontrol prévoit dans son scénario médian pour 2018 une progression en mouvements de 3,3 % pour l’Europe et de 2,5 % pour la France (survols compris). Les croissances les plus fortes seront à l’Est de la zone (+7,6 % en Turquie, +10,0 % en Ukraine).

Pour 2019, Eurocontrol prévoit une augmentation du nombre de mouvements de 2,6 % pour l’Europe, dont +2,4 % pour la France. Les croissances les plus fortes seront toujours à l’Est de la zone.

Selon les prévisions IATA de juin 2018, la hausse du trafic aérien mondial de fret en service régulier (en TKT) en 2018 devrait être de 4 % par rapport à 2017.

4.   La hausse reste solide mais plus modérée pour la France

Pour la France métropolitaine, la DGAC prévoyait au printemps 2018 une croissance du trafic de passagers pour 2018 comprise entre 3,3 % et 5 % par rapport à 2017. En termes de volume de trafic, malgré les conflits sociaux affectant les transports en 2018, ces nouvelles prévisions se situent dans la partie haute de la fourchette des prévisions présentées lors de la Commission consultative économique de décembre 2017, voire même légèrement au-dessus pour le scénario haut (162,1 millions et 166,6 millions de passagers, selon les scénarios). Cette révision à la hausse du trafic de 2018 est due notamment à la nette amélioration de la situation économique en France et dans le reste du monde et à un impact de la concurrence ferroviaire moins fort que prévu initialement.

Le 8 octobre 2018, la compagnie Air France – KLM a annoncé avoir enregistré une hausse de 2,7 % du nombre de passagers transportés en septembre, notamment grâce aux liaisons avec le continent américain (nord et sud) et, dans une moindre mesure, avec les Caraïbes et l’océan Indien.


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II.   LES ORIENTATIONS DU PROJET DE BUDGET ANNEXE POUR 2019

L’article 18 de la loi organique relative aux lois de finances prévoit que des budgets annexes peuvent retracer des opérations financières des services de l’État que la loi n’a pas dotés de la personnalité morale et dont l’activité tend essentiellement à produire des biens ou à rendre des services donnant lieu au paiement de redevances.

Cet article prévoit également que les budgets annexes sont présentés en deux sections : la section des opérations courantes et la section des opérations en capital (investissements). Si les opérations courantes présentent un excédent de 364 millions d’euros, les opérations en capital, en revanche, seront déficitaires en 2019. Il devrait en résulter un déficit de 6,1 millions d’euros, imputable à la volonté de réduire fortement l’endettement du budget annexe, en baisse de près de 80 millions d’euros. Ce déficit sera entièrement financé par la trésorerie de la DGAC dont le niveau, confortable, atteint désormais trois mois de charges salariales. Le budget aurait pu être présenté à l’équilibre en contrepartie d’une moindre réduction de l’endettement.

A.   Un budget bâti essentiellement sur des taxes et des redevances

La mission « Contrôle et Exploitation aériens » retrace dans le cadre d’un budget annexe les activités de prestation de services de la DGAC. Comme tous les budgets annexes, le BACEA est présenté à l’équilibre ; ses dépenses sont financées principalement par les recettes tirées de l’activité des services et, le cas échéant, par le recours à l’emprunt.

Les recettes sont constituées des redevances de navigation aérienne rémunérant les prestations de l’opérateur de navigation aérienne, des redevances de surveillance et de certification, de la quotité de la taxe de l’aviation civile qui lui est affectée, du produit des emprunts et de recettes diverses.

1.   Les redevances perçues au titre du contrôle de la navigation aérienne

La DGAC perçoit, pour les services de navigation aérienne, quatre redevances correspondant à des services distincts. Compte tenu des prévisions de trafic actualisées, les recettes de navigation aérienne pour 2018 sont estimées à 2 038 millions d’euros, en baisse de 140 millions d’euros par rapport à 2017 dont :

– 1 318 millions d’euros pour la redevance de route (RR), en baisse de 4,2 % par rapport à 2017 ;

– 211 millions d’euros pour la redevance pour services terminaux de la circulation aérienne métropole (RSTCA-M). En 2017, le taux de cette taxe a baissé de 20 %, le manque à gagner pour la DGAC ayant été compensé par l’affectation de 100 % de la taxe de l’aviation civile, taxe dont le versement était « écrêté » auparavant ;

– 41 millions d’euros pour la redevance océanique (ROC) et la redevance pour services terminaux de la circulation aérienne outre-mer (RSTCA-OM).

La tarification des redevances est soumise à un mécanisme de régulation économique européen, ce qui explique la baisse des taux qui ne sont plus fixés de manière totalement autonome par les pays membres. Au total, la France présente l’un des taux de redevance de route les plus bas de toute l’Europe de l’Ouest. Son niveau aura baissé de plus de 13 % entre 2015 et 2019.

2.   Les redevances perçues au titre de la surveillance et de la certification

Les activités de surveillance et de certification dans les domaines de la sûreté et de la sécurité sont regroupées au sein du programme 614 « Transports aériens, surveillance et certification » (cf. infra).

Ces prestations correspondent à la surveillance des acteurs de l’aviation civile, à la délivrance d’agréments et d’autorisations, de licences ou de certificats nécessaires aux opérateurs. Elles concernent les constructeurs, les ateliers d’entretien, les compagnies aériennes et les exploitants, les aéroports, les personnels (pilotes, contrôleurs, mécaniciens), les organismes de sûreté et les opérateurs de navigation aérienne.

Ces activités sont financées à partir de redevances pour services rendus créées par l’article 120 de la loi de finances rectificative pour 2004, codifié en article L. 611-5 du code de l’aviation civile.

Les prévisions de recettes pour 2019 sont estimées à 30 millions d’euros, un niveau comparable à celui de 2017, mais en en légère hausse par rapport à 2018 (28,5 millions d’euros).

3.   La taxe de l’aviation civile et la contribution de l’aéroport de Bâle-Mulhouse

La taxe d’aviation civile (TAC) est exigible auprès de chaque entreprise de transport aérien public pour chaque vol commercial. Elle est assise sur le nombre de passagers et la masse de fret et de courrier embarqués en France, quelles que soient les conditions tarifaires accordées par le transporteur. Depuis 2013, les tarifs des différentes catégories tarifaires de la TAC (vols internationaux, vols nationaux ou dans l’espace communautaire européen, fret) sont revalorisés chaque année, en proportion égale au taux prévisionnel de croissance de l’indice des prix à la consommation hors tabac associé au projet de loi de finances de l’année.

En 2014, le régime de la TAC a été modifié à la suite du rapport sur la compétitivité du transport aérien, du député M. Bruno Le Roux ([2]). C’est ainsi que les passagers en correspondance ont été exonérés de cette taxe depuis cette date.

Le montant de cette taxe reversé au BACEA était de 436,6 millions d’euros en 2017 ; il est prudemment estimé à la baisse en 2018 (416,4 millions d’euros, soit ‑ 4,6 %) mais devrait revenir à un niveau proche de 2017 l’an prochain : 436,7 millions d’euros.

Par dérogation aux règles de territorialité de la taxe, la TAC ne s’applique pas au cas de l’aéroport de Bâle-Mulhouse, pourtant implanté en territoire français mais régi par la convention franco-suisse du 4 juillet 1949.

Cependant, afin de couvrir les coûts des missions d’intérêt général supportés par l’administration française de l’aviation civile, se rapportant au trafic opéré, un dispositif de compensation a été mis en place cette année. Il consiste en la perception d’une contribution dont le mode de calcul est similaire à celui de la TAC. Cette contribution est prévue dans le VII de l’article 302 bis K du code général des impôts. Le montant de cette taxe, perçue pour la première fois en 2018, s’est élevé à 6 millions d’euros. Un montant équivalent est prévu en 2019.

4.   Les autres recettes

Conformément à l’article 61 de la loi de finances pour 2011, les « produits de cession de biens immeubles de lÉtat et des droits à caractère immobilier attachés aux immeubles de lÉtat occupés par la direction générale de laviation civile (…) sont affectés au désendettement du budget annexe Contrôle et exploitation aériens ».

Depuis 2012, le montant des recettes issues des cessions immobilières est estimé à 35 millions d’euros environ. Ces cessions correspondent majoritairement à des ventes de logements et répondent à la demande de la Cour des comptes de réduire le parc de logements domaniaux de la DGAC. Une action volontariste et organisée a été menée dans ce sens. Elle atteint lobjectif de rapprocher le parc domanial au plus près des droits à logements NAS (Nécessité absolue de services) et COP-A (Convention doccupation précaire avec astreintes).

Toutefois, devant le tarissement progressif de la ressource, le montant inscrit en PLF 2019 au budget annexe de l’aviation civile ne s’élèvera qu’à 2 millions d’euros, soit un montant de prévisions équivalent à celui de 2018, mais moins élevé que les recettes réalisées les années précédentes.

Les autres recettes de la DGAC couvrent notamment une part de la taxe de solidarité reversée pour la première fois en 2017 au BACEA. L’an dernier, cette part s’est élevée à 14,6 millions d’euros. En 2018, elle n’est plus que de 6 millions d’euros. Et dans la perspective d’une possible refonte de cette taxe, la DGAC a prudemment décidé de n’inscrire aucune somme en 2019 au titre de cette taxe.

Enfin, la DGAC est chargée de l’établissement de l’assiette, du recouvrement et du contrôle de la taxe de solidarité sur les billets d’avion (TS), de la taxe d’aéroport (TA) et de la taxe sur les nuisances sonores aériennes (TNSA). Le produit de ces taxes n’est pas destiné à abonder les recettes du budget annexe « Contrôle et exploitation aériens » mais est reversé à des tiers.

Depuis le 1er janvier 2013, le BACEA perçoit un prélèvement pour frais de gestion, d’assiette et de recouvrement, correspondant à 0,5 % des produits de la TS, de la TA et de la TNSA. Ce montant est stable puisqu’en 2017, 2018 et 2019, il est estimé à la même somme de 6,5 millions d’euros.

B.   la SITUATION FINANCIÈRE DU BACEA se redresse

En 2019, la DGAC continuera de participer à l’effort national de réduction du déficit public en poursuivant la trajectoire de désendettement du BACEA initiée en 2015.

Après plusieurs exercices déficitaires, l’année 2013 avait marqué une amélioration du résultat d’exploitation des opérations courantes, avec un excédent. Cette tendance à l’assainissement s’est confirmée entre 2014 et 2018 avec un résultat budgétaire à nouveau excédentaire bien qu’en retrait par rapport aux prévisions des lois de finances initiales. En 2019, le solde prudentiel devrait s’élever à 364 millions d’euros.

1.   Les dépenses de fonctionnement continuent à diminuer

Les priorités budgétaires du projet de loi de finances pour l’année 2019 pour le BACEA consistent à la fois à poursuivre l’assainissement financier et la dynamique des investissements productifs, afin d’accompagner la croissance économique du transport aérien tout en gardant un niveau de sécurité et de sûreté optimal.

Cette stratégie se traduit par la mise en place d’économies structurelles : le PLF 2019, tout en sanctuarisant les dépenses à caractère opérationnel, s’inscrit dans une stratégie financière lui permettant de diminuer ses dépenses de fonctionnement pour la cinquième année consécutive (476,1 millions d’euros en 2019 contre 482 millions d’euros en 2018), le montant de cette baisse étant directement affectée au désendettement.

Le budget pour 2019 se traduira également par un moindre recours à l’emprunt tout en accélérant le niveau des investissements productifs (297,5 millions d’euros) pour faire face à la croissance du trafic aérien ainsi qu’aux enjeux qui en découlent. Le maintien d’un haut niveau d’investissement permettra d’une part au prestataire de navigation aérienne de se conformer aux exigences fixées par le deuxième plan de performance européen (RP2) tout en préparant la relance des investissements pour le troisième plan de performance et, d’autre part, de faire face aux nécessaires dépenses liées aux enjeux en matière de cyber sécurité.

Initié en 2015, l’assainissement financier se poursuit dans le cadre du PLF 2019 grâce à plusieurs facteurs :

– une augmentation des recettes d’exploitation (2 052,9 millions d’euros en 2019 contre 2 038,2 millions d’euros en 2018) ;

– une maîtrise des dépenses malgré une relance des investissements qui seront autofinancés à hauteur de 80 % en 2019 contre 65 % en 2018 ;

– une poursuite du désendettement, à hauteur de 71 millions d’euros ;

– une baisse des charges financières (14,5 millions d’euros en 2019 contre 16,7 millions d’euros en 2018, soit une baisse de plus de 13 %) ;

– une augmentation du résultat d’exploitation.

2.   Le désendettement du BACEA se poursuit

L’emprunt qui sera souscrit par le biais de contrats auprès de l’Agence France Trésor (AFT) en 2019 représentera 59,7 millions d’euros contre 87,2 millions d’euros prévus en 2018 et 102,6 millions empruntés en 2017. Cela représentera une diminution de 31,5 % du recours à l’emprunt après une baisse de 15 % en 2018.

Cette baisse s’explique par l’amélioration de la capacité d’autofinancement du BACEA qui résulte de la progression dynamique des recettes d’exploitation et de la rationalisation des dépenses. Bien que la baisse du niveau de l’emprunt contribue à l’objectif prioritaire de la DGAC qu’est la poursuite de la trajectoire de désendettement, le recours à cet outil reste toutefois nécessaire pour assurer le financement de certains investissements, en complément de l’autofinancement dégagé par le budget annexe.

Le projet de loi de finances pour 2019 prévoit une diminution de 79,5 millions d’euros de la dette du BACEA. L’encours de dette du budget annexe s’élèvera ainsi au 31 décembre 2019 à 804,1 millions d’euros contre 883,6 millions d’euros un an plus tôt, ce qui représentera une diminution d’environ 9 % après celle de 10,4 % enregistrée cette année.

Dans une logique d’optimisation, le BACEA s’appuie sur un contexte économique favorable pour réduire sa dette. Depuis 2015, les montants des remboursements du capital sont supérieurs aux montants contractuellement fixés par l’AFT. Cette politique permet de rembourser en priorité les avances qui ont été contractées aux taux les moins avantageux. En outre, en fonction du dynamisme des recettes, des mensualités peuvent être remboursées par anticipation en cours d’exercice, de manière à réduire les charges financières. Depuis 2017, la durée des emprunts contractés auprès de l’AFT se réduit, passant à 10 ans au lieu de 12.

Le tableau ci-après résume les principales données d’évolution de la politique d’emprunt entre 2018 et 2019 :

Évolution de l’endettement du BACEA

(en millions d’euros)

 

LFI 2018

PLF 2019

Évolution en-cours de dette (montant)

‑ 102,8

‑ 87,2

Évolution en-cours de dette (%)

‑ 10,4 %

‑ 9 %

Dette au 31 décembre de l’exercice

883,6

804,1

Dette au 31 décembre de chaque année/recettes dexploitation annuelle

43,4 %

39,1 %

Au total, entre la loi de finances initiale pour 2015 et le projet de loi de finances pour 2019, l’encours de dette a diminué de 476,9 millions d’euros ce qui représente une baisse d’environ 40 % sur cinq exercices.

Fin 2019, le BACEA aura ainsi effacé, d’une part, l’effet de la crise économique des années 2008 et suivantes et, d’autre part, en partie la reprise des systèmes parisiens acquis en 2006. En euros constants, l’endettement aura même rejoint le niveau stable des années 90.

Évolution de la dette du BACEA entre 1997 et 2019

C.   LES PRIORITÉS DÉFINIES PAR PROGRAMME

Trois programmes relèvent de la mission BACEA : le programme 612 « Navigation aérienne », le programme 613 « Soutien aux prestations de laviation civile » et le programme 614 « Transports aériens, surveillance et certification ». Le BACEA a pour ambition de garantir, dans un cadre unifié et soucieux de la priorité donnée au développement durable, la sécurité et la sûreté du transport aérien.

Le projet de loi de finances pour 2019 poursuit évidemment l’objectif général du Gouvernement de réduire la dépense publique et de contenir l’endettement. Dans ce contexte budgétaire contraint, les transports aériens se voient assigner un objectif de performance économique accrue et de protection de l’environnement.

1.   Le programme 612 « Navigation aérienne »

Le programme « Navigation aérienne » regroupe les activités du service à compétence nationale Direction des services de la navigation aérienne (DSNA) qui est chargé de fournir les services de circulation aérienne, de communication, de navigation et de surveillance ainsi que les services d’information aéronautique aux aéronefs évoluant en circulation aérienne dans l’espace aérien dont la gestion a été confiée à la France.

La DSNA, premier opérateur européen dans son activité, assure des services de navigation aérienne et d’approche de près de 90 aéroports contrôlés en métropole et outre-mer. La DSNA contrôle environ 3 millions de vols par an, soit en moyenne 8 600 vols par jour, chiffre qui peut grimper jusqu’à plus de 10 000 vols quotidiens en période de pointe. Le record a été enregistré le 6 juillet 2018 avec 11 105 vols contrôlés.

La DNSA regroupe :

– 5 centres de contrôle en-route de la navigation aérienne (CRNA) situés à Aix-en-Provence, Bordeaux, Brest, Paris et Reims ;

– 9 services régionaux métropolitains en charge du contrôle d’approche et du contrôle d’aérodrome (SNA) dont les sièges sont localisés à Bordeaux, Lille, Lyon, Marseille, Nantes, Nice, Paris, Strasbourg et Toulouse, et qui totalisent 72 aéroports en métropole dont Paris - Charles-De-Gaulle (CDG), second aéroport d’Europe ;

– 3 services régionaux ultramarins aux Antilles-Guyane, en océan Indien et à Saint-Pierre-et-Miquelon, regroupant 6 aéroports au total. Elle assure la tutelle fonctionnelle sur les services territoriaux de la navigation aérienne en Nouvelle‑Calédonie, en Polynésie française et à Wallis et Futuna.

Elle emploie près de 7 450 personnes sur l’ensemble de ses plateformes d’activité (dont près de 3 420 contrôleurs aériens en exercice et 1 340 personnels de maintenance).

La DNSA doit non seulement maintenir en condition opérationnelle ses systèmes actuels et moderniser ses infrastructures mais également investir pour assurer la convergence technique au standard européen requis pour le FABEC (bloc d’espace fonctionnel d’Europe centrale) comme pour SESAR, le programme visant à fournir à l’Europe des systèmes de gestion du trafic aérien plus performants que les systèmes actuels (cf. infra). Ce programme sera doté en 2019 de 572,2 millions d’euros (+ 7,6 %) partagés entre deux actions :

– l’action « Soutien et prestations externes de la navigation aérienne » regroupe les dépenses de fonctionnement support, des subventions à des organismes extérieurs ainsi que les dépenses d’investissement supports ;

– l’action « Exploitation et innovation de la navigation aérienne » qui regroupe, en fonctionnement, le maintien en conditions opérationnelles (MCO) des systèmes et, en investissement, les grands programmes de la navigation aérienne.

L’évolution des crédits d’investissement de la DSNA s’adapte au rythme d’avancement des projets en cours et permet le maintien d’un niveau élevé d’investissements, conforme aux exigences européennes. Il s’agit, pour le prestataire de la navigation aérienne, d’effectuer le rattrapage indispensable des investissements qui depuis plusieurs années n’ont pas atteint le niveau nécessaire pour lui permettre, d’une part de faire face aux enjeux européens et de modernisation de ses systèmes et, d’autre part, de les amener, avant 2020, aux standards européens requis pour le FABEC et pour SESAR. Cet objectif reste prioritaire pour le programme 612.

S’agissant des dépenses d’investissement productif, l’accent est mis sur la montée en puissance de quatre programmes majeurs d’investissement, lancés au cours des années précédentes :

– le renouvellement du système informatique de gestion du trafic aérien des centres de contrôle en route et des grandes approches (« 4flight »). Il s’agit d’adapter la gestion du trafic aérien des centres de contrôle en route et des deux grandes approches de la région parisienne d’ici 2020 ;

– le renouvellement des réseaux de communications sol-sol ;

– la mise en œuvre de nouveaux systèmes spécifiques « tours et approches » (programme Sysat), stratégie de modernisation des systèmes propres aux approches et tours de contrôle,

– la préparation des développements SESAR (Single European Sky ATM Research), qui constitue le volet technologique du Ciel unique européen et qui est entré dans sa phase de déploiement (2015-2025).

2.   Le programme 613 « Soutien aux prestations de l’aviation civile »

Le programme 613 supporte, au bénéfice des deux programmes opérationnels de la mission, le financement de la gestion mutualisée de différentes prestations, notamment dans les domaines des ressources humaines, des affaires financières, de la politique immobilière et des systèmes d’information. Le programme 613 comprend également la subvention pour charges de service public versée par la DGAC à l’École nationale de l’aviation civile (ENAC) qui lui est rattachée.

Depuis le 1er mai 2018, l’ENAC est un établissement public à caractère scientifique, culturel et professionnel (EPSCP) placé sous la tutelle du ministère de la transition écologique et solidaire (MTES). L’établissement est composé d’une direction à Toulouse et de 8 centres de formation ou de maintenance à Biscarrosse, Muret, Carcassonne, Castelnaudary, Montpellier, Saint-Yan, Grenoble et Melun.

Les dépenses de fonctionnement du programme 613 baisseront de 4 % en 2019 par rapport à 2018. Cette diminution fera suite à celle de 6 % enregistrée en 2018. Il s’agit de la conséquence de la rationalisation des dépenses qui permet, selon la DGAC, de préserver les financements liés à la sécurité et à la sûreté.

En 2019, la subvention versée par la DGAC à l’École nationale de l’aviation civile sera identique à celle versée en 2018, soit 95 millions d’euros, qui était elle-même en hausse de 2 % par rapport à 2017. Cette subvention, qui baissait régulièrement depuis une dizaine d’années, avait été réduite d’environ 100 millions d’euros à 93 millions en 2017. En 2018, elle avait enregistré une hausse de 2 % et était revenue au niveau qu’elle atteignait en 2016.

Pour la réalisation de ses missions, l’école bénéficie de deux sources de financement :

– la subvention versée par la direction générale de l’aviation civile pour couvrir une partie des dépenses de fonctionnement et d’investissement de l’école, d’une part, et pour financer la rémunération des personnels permanents qu’elle affecte à l’école dans le cadre du plafond d’emplois de l’opérateur, d’autre part. Cette subvention s’élèvera, comme nous l’avons vu, à 95 millions d’euros en 2019 ;

– des ressources propres provenant des prestations qu’elle réalise au profit de clientèles nationales et étrangères du secteur aéronautique, principalement des prestations de formations ou d’expertises, des droits de scolarité, des frais d’inscriptions aux différents concours qu’elle organise ainsi que des recettes locatives liées à l’hébergement de ses élèves sur les campus de l’école.

La dotation publique de 95 millions d’euros sert à hauteur de 79,3 millions d’euros à couvrir les charges de personnel, première dépense de l’ENAC, les dépenses de fonctionnement à hauteur de 11,7 millions d’euros ainsi que les dépenses d’investissement à hauteur de 4 millions d’euros. Les fonds propres de l’opérateur permettent de compléter cette subvention qui ne couvre qu’une partie des dépenses de fonctionnement et d’investissement.

En 2019, les effectifs de l’école financés par la subvention d’État ne varieront pas : ils resteront stabilisés à 812 ETPT. Ils s’ajouteront aux 125 emplois rémunérés sur les fonds propres de l’opérateur, chiffre en hausse de près d’un tiers par rapport à 2018 où leur nombre s’élevait à 95.

3.   Le programme 614 « Transports aériens, surveillance et certification »

Ce programme a pour objet de mettre en œuvre la politique de sécurité, de sûreté et de développement durable, de vérifier la conformité de l’ensemble des acteurs du secteur aux règlements qui leur sont applicables et de veiller à ce que le développement du transport aérien se déroule dans un cadre économique équilibré.

Ce programme rassemble trois actions disparates et de poids inégaux : l’action « Développement durable et régulation » vise à réduire les nuisances sonores et les émissions gazeuses ; l’action « Surveillance et certification », intervient en matière de sécurité tandis que l’action « Enquêtes de sécurité aérienne », dont dépend le Bureau d’enquêtes et d’analyses (BEA), exerce une mission d’analyse des accidents et incidents graves.

L’action « Développement durable et régulation » enregistrera, en 2019, une réduction apparente de son budget (- 2,4 %) à hauteur de 16,2 millions d’euros. Mais cette baisse correspond à une mesure de périmètre, tous les crédits dévolus à l’ ENAC ayant été rassemblés en un seul programme. Le principal poste de dépenses (7,6 millions d’euros) concerne les investissements relatifs aux moyens des services et à la sûreté, plus importants que les crédits de fonctionnement (6 millions d’euros).

L’action « Surveillance et certification » regroupe les dépenses de fonctionnement (hors action sociale) et les dépenses d’investissement de l’ensemble des services de la direction de la sécurité de l’aviation civile (DSAC) (dont Antilles-Guyane et océan Indien) et des services d’outre-mer (Polynésie française et Nouvelle-Calédonie) pour leurs activités liées à la surveillance et à la certification dans les domaines de la sécurité, de la sûreté et de l’environnement.

En 2019, la dotation initiale inscrite sur cette action est de 23,3 millions d’euros, en baisse de 2,5 % par rapport à 2018, répartis à raison de 18,9 millions d’euros pour les dépenses d’exploitation et de 4,4 millions d’euros pour les dépenses d’investissement.

Enfin, l’action « Enquête de sécurité aérienne » couvre le budget annuel du Bureau d’Enquêtes et d’Analyses pour la sécurité de l’aviation civile (BEA). Ce bureau est un service opérationnel à forte réactivité qui intervient en France et dans le monde dans des délais très courts. Les modalités de ses missions sont souvent réalisées dans l’urgence et la prévision de son budget affectée par les aléas des événements.

Son budget en 2019 s’élèvera à près de 3 millions d’euros, en quasi-stabilité par rapport à celui de 2018.

La mission d’enquête du BEA est dimensionnée par le nombre et la complexité des accidents ou incidents graves d’aviation civile, qu’ils surviennent en France ou dans le monde. Dans un contexte de renforcement de la sécurité aérienne, le développement de l’activité aérienne dans le monde et les succès commerciaux des constructeurs aéronautiques français entraînent une intervention accrue du BEA à l’étranger, tant pour des accidents impliquant des aéronefs de construction française que pour d’autres événements pour lesquels la France souhaite apporter son soutien au pays d’occurrence.

D.   Des effectifs stabilisés

1.   Après une importante baisse, les effectifs sont stables depuis 2017

Sur la période 2007-2016, la DGAC a supprimé 1 247 emplois (dont 146 pour l’ENAC), soit 11 % de son effectif global, ce qui représente un effort de productivité substantiel pour un service public opérationnel œuvrant pour la sécurité et la sûreté aériennes.

La direction générale de l’aviation civile considère que ces efforts de réduction d’emplois ont atteint leurs limites dans un contexte européen et international de croissance du transport aérien, d’évolutions technologiques et d’exigences renforcées notamment en matière de sûreté.

Aussi, afin que la DGAC soit en mesure de maintenir son niveau élevé et performant de sécurité et de sûreté du transport aérien, en plus de développer son savoir-faire et sa performance opérationnelle, les schémas d’emplois de 2017 à 2019 ont validé une quasi-stabilisation des emplois, tant pour la DGAC que pour l’opérateur ENAC et conformément aux engagements portant sur la période 2016‑2019.

Au 31 juillet 2018, le BACEA compte 10 395 ETPT, soit 20 emplois de moins qu’en 2017 et 282 ETPT en dessous du plafond d’emplois fixé à 10 677 ETPT.

Le schéma d’emplois pour l’année 2019 s’inscrit dans le même cadre protocolaire couvrant la période 2016-2019. Ce protocole s’attache notamment à assurer une démarche de cohésion de l’ensemble de la DGAC et une trajectoire visant à renforcer sa productivité et sa performance dans un contexte de croissance de l’activité du transport aérien.

2.   Les dépenses de personnel augmentent modérément

Pendant plusieurs années, la DGAC a mis en avant une relative stabilisation des dépenses de personnel, expliquée notamment par « un pilotage renforcé des emplois et de la masse salariale ».

La réalité est plus nuancée puisque nous constatons que la période 2012 ‑ 2019, pourtant marquée par une réduction sensible des effectifs passés de 11 000 agents à 10 395 (- 605 emplois, soit – 5,5 %), s’est traduite par une hausse continue des crédits consacrés aux rémunérations, portés de 1,104 à 1,212 milliard d’euros (+ 9,8 %).

Cette hausse a, le plus souvent, été comprise entre 1 et 1,5 % par an, mais a connu un pic en 2017 (+ 2 %), ainsi que le montre le tableau ci-après :

Évolution des crédits consacrÉs aux rÉmunÉrations

(en millions d’euros)

Titre 2

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

Total LFI

1 104

1 137

1 138

1 144

1 142

1 183

1 203

1 212

Total exécution prévision pour 2018

1 091

1 107

1 119

1 135

1 141

1 179

1 194

 

Évolution

 

+ 1,5 %

+ 1,1 %

+ 1,4 %

+ 0,5 %

+ 3,3 %

+ 1,3 %

+ 1,5 %

Source : DGAC

La DGAC justifie la hausse des crédits ouverts au titre de l’année 2018 par les raisons suivantes :

– la mise en œuvre en année pleine des principales mesures du protocole 2016-2019. Ainsi, la dépense catégorielle prévue en 2018 s’élève à 16 millions d’euros ;

– le report en 2018 de la programmation de la mesure protocolaire non exécutée en 2017 : 2,3 millions d’euros au titre de la prime de performance collective (mesure non pérenne) ;

– l’augmentation de la subvention d’équilibre au Fonds spécial des pensions des ouvriers des établissements industriels de l’État (FSPOEIE), de 2 millions d’euros en 2018.

3.   Des mesures catégorielles d’un montant de 12,9 millions d’euros

L’enveloppe pour les mesures catégorielles a été arbitrée à hauteur de 12,9 millions d’euros. Elle correspond :

– à la poursuite de la mise en œuvre des mesures protocolaires 2016-2019 pour un montant total de 9,6 millions d’euros. Ces mesures prennent en compte, plus particulièrement, les évolutions du secteur de la navigation aérienne en accroissant significativement la performance opérationnelle et économique, l’optimisation de l’organisation et des activités de surveillance ainsi que la poursuite de la rationalisation et de la mutualisation des fonctions supports ;

– à la poursuite de la mise en œuvre du protocole « Parcours professionnels, carrières et rémunérations » (PPCR) à hauteur de 3,1 millions d’euros ;

– à des mesures indemnitaires pour les personnels de la Nouvelle‑Calédonie à hauteur de 0,2 million d’euros.

4.   Un déficit de contrôleurs aériens

Le sujet de préoccupation du moment concerne les effectifs des contrôleurs aériens. La baisse continue des effectifs de cette catégorie de personnels, autant en France que dans les pays voisins, a abouti à une dégradation du service rendu et à une augmentation des retards.

C’est probablement en Allemagne que la situation est la plus dégradée avec 500 vols par jours déroutés vers les pays voisins au cours de l’été 2018. Mais la situation n’est guère plus brillante dans notre pays qui a également détourné vers ses voisins nombre de vols que ses contrôleurs n’étaient pas en mesure de gérer. Les grèves survenues dans certains centres n’ont pas arrangé la situation.

La DGAC s’est d’ores et déjà lancée dans un programme de recrutement de 90 contrôleurs par an. Mais la formation de ces personnels est longue et l’effet de ces recrutements ne se fera pas sentir avant un certain temps. À court terme, les instructeurs qui sont affectés à la formation des nouveaux agents feront eux-mêmes défaut aux équipes opérationnelles.

Ces recrutements ne sont pas facilités par la politique européenne dite du « ciel unique » qui a imposé aux États membres une baisse du taux des redevances appliquées aux compagnies aériennes et qui sert notamment à financer les emplois en question. Cette baisse, particulièrement marquée pendant la « période de référence 2 » (ou RP2 pour Reference Period) qui couvre les années 2015 à 2019, n’a pas permis de maintenir les effectifs de contrôleurs. Il conviendra de veiller à ce que la même erreur ne soit pas reproduite pour la période couverte par la RP3, qui concernera les années 2020 à 2024.


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III.   Les principaux acteurs du secteur AÉRIEN en France

Au-delà de l’examen du budget annexe proprement dit, l’avis budgétaire est aussi l’occasion d’examiner la situation des principaux acteurs du secteur. En France, trois acteurs majeurs se dégagent : Air France pour le transport aérien, Aéroports de Paris (devenu Groupe AdP), pour la gestion des deux principales plateformes aéroportuaires du pays, et Airbus, principal avionneur mondial. Dans un contexte où les lignes bougent fréquemment et où aucune position n’est pérenne, ces trois fleurons français et européens du transport aérien présentent des situations très différentes.

A.   une période cruciale pour la compagnie Air France-KLM

Ébranlée par les grèves à répétition qui nuisent à son image et à ses marges, ballottée par l’instabilité de sa gouvernance, Air France profite moins que ses concurrentes de l’incroyable croissance du trafic aérien. Les décisions stratégiques qui seront prises dans les mois à venir ainsi que la capacité de son personnel à restaurer un dialogue social moins conflictuel détermineront l’avenir de la compagnie.

1.   Les performances d’Air France restent inférieures à celles de la concurrence

Dans un environnement mondial favorable, les résultats de l’année 2017 du groupe Air France-KLM traduisent une poursuite de l’amélioration de sa situation financière débutée en 2015. Le groupe a ainsi transporté en 2017 près de 99 millions de passagers, soit une hausse de 5,6 % par rapport à l’année précédente.

Le résultat d’exploitation du groupe Air France-KLM pour l’année 2017 affiche un bénéfice de près de 1,5 milliard d’euros, en progression de 439 millions d’euros par rapport à l’exercice précédent, principalement en raison de la hausse des recettes unitaires et de la stabilité des coûts unitaires, notamment de la facture de carburant. Pour l’année 2017, le chiffre d’affaires d’Air France-KLM s’est élevé à 25,8 milliards d’euros, en hausse de 3,6 % par rapport à l’année 2016.

Pour la seule société Air France, le transport de passagers demeure le premier pôle de contribution au chiffre d’affaires total (76,1 %) avec près de 84 millions de passagers transportés (en hausse de 4,7 % par rapport à 2016). Il progresse de 4 % par rapport à l’exercice précédent pour s’établir à 19,6 milliards d’euros, profitant de la conjonction d’une demande solide sur les routes transatlantiques et du redressement de la recette unitaire, notamment sur les destinations Asie et Amérique latine (respectivement en hausse de 6,5 % et 8,3 %, à change constant).

Le chiffre d’affaires de l’activité fret (1,9 milliard d’euros) a crû de 1,4 % en 2017 par rapport à 2016 dans un contexte marqué par un rebond de la demande mondiale (+ 9 % par rapport à 2016, hausse la plus importante depuis 2010) et une augmentation de la recette unitaire (+ 1,6 % à change constant), en particulier vers les destinations d’Asie et d’Amérique latine.

Le chiffre d’affaires de l’activité de maintenance (1,8 milliard d’euros), quasiment stable par rapport à 2016 (en baisse de 0,6 %, mais en augmentation de 1,1 % à change constant), confirme la bonne santé de ce secteur qui contribue à plus de 7 % au chiffre d’affaires total et consolide la place de n° 2 mondial du groupe derrière Lufthansa Group.

Toutefois, l’écart de performance entre les deux principales compagnies du groupe demeure significatif, puisqu’Air France contribue au résultat d’exploitation à hauteur de 40 % (588 millions d’euros) alors qu’elle participe à 60 % au chiffre d’affaires, tandis que KLM abonde le résultat d’exploitation à hauteur de 60 % (910 millions d’euros) pour une part de 40 % dans la formation du chiffre d’affaires.

Le résultat net du groupe (- 275 millions d’euros) est affecté par une charge nette exceptionnelle de plus de 1,4 milliard d’euros, relative à une opération comptable sans sortie de liquidités, menée sur deux fonds de retraite des personnels navigants de KLM. Cette opération permet au groupe de réduire la volatilité des cotisations annuelles de retraite de ses salariés et, ainsi, de mieux maîtriser ses dépenses futures.

Bénéficiant des effets cumulés des entrées au capital de Delta Air Lines et China Eastern Airlines, ainsi que du bon niveau de liquidité du groupe (5,4 milliards d’euros), la dette nette a poursuivi sa diminution pour s’établir à 1,7 milliard d’euros au 31 décembre 2017, contre 3,7 milliards d’euros l’année précédente.

2.   Le développement d’Air France passe par Joon et Transavia

La compagnie aérienne Joon, filiale à 100 % d’Air France, a été lancée le 1er décembre 2017. Elle doit permettre au groupe Air France-KLM de reconquérir des parts de marché vers des destinations très concurrentielles. L’objectif annoncé est de permettre à Air France de développer son activité long-courrier de 10 %, en alimentant le hub de Paris - Charles-de-Gaulle.

Les pilotes sont ceux d’Air France et peuvent voler sur les deux compagnies tandis que les personnels navigants commerciaux (PNC) sont recrutés par une filière spécifique, ce qui permet d’opérer au niveau de coûts du marché (1 100 PNC sont prévus d’ici 2021).

Après avoir débuté ses opérations sur plusieurs destinations européennes (Porto, Barcelone, Lisbonne et Berlin) au départ de l’aéroport de Paris - Charles-de‑Gaulle, la compagnie a lancé, lors de la saison aéronautique d’été 2018, son offensive sur le long-courrier (Bombay en Inde, Mahé aux Seychelles, Fortaleza au Brésil, Le Caire en Égypte et Le Cap en Afrique du Sud) et renforcé sa présence sur le moyen-courrier en desservant également Rome et Oslo. Elle entend poursuivre son développement sur ce segment avec les dessertes de Bergen et Budapest prévues pour le début de la saison aéronautique d’hiver 2018.

Cette nouvelle compagnie, tout en restant dans les standards d’Air France, se positionne pour offrir une nouvelle expérience à sa cible commerciale privilégiée, les Millenials (18-35 ans). Son activité est presque entièrement consacrée à des vols moyen et long-courriers réalisés pour le compte d’Air France. Sa flotte, qui compte actuellement 15 appareils (11 A320 et A321 et 4 A340) sera dotée, à terme, de 18 moyen-courriers de type A320 et A321 et 10 long-courriers de type A340, puis à compter d’août 2019, de type A350. Les accords passés entre la direction d’Air France et les syndicats de pilotes ne permettent pas, pour l’instant, de dépasser ce nombre de 28 appareils.

Air France-KLM a constitué, dès 2007, un « pôle loisirs » avec la compagnie Transavia France, filiale du groupe Air France (60 %) et de Transavia Holland (40 %), pour exploiter des vols vers des destinations européennes et du bassin méditerranéen au départ de Paris-Orly et de métropoles régionales. Depuis 2010, la compagnie possède une base à Lyon et à une autre à Nantes.

Transavia France connaît un développement rapide depuis sa création, et a déjà fait voyager 20 millions de passagers. Portée par une augmentation solide de sa recette unitaire (+ 6,8 %) et une amélioration de son positionnement commercial, Transavia France est devenue bénéficiaire en 2017 pour la première fois depuis sa création.

Elle emploie aujourd’hui 900 salariés et compte 33 appareils dans sa flotte (uniquement des Boeing 737-800). Elle a transporté près de 6 millions de passagers en 2017. La compagnie devrait poursuivre sa croissance ces prochaines années (accroissement de l’offre de 18 % en 2018) et posséder 40 avions en 2020 (valeur maximale actée lors de la création de la compagnie par un accord de limitation de périmètre signé avec les organisations syndicales).

Transavia France dessert actuellement 68 destinations depuis sa base parisienne et est aujourd’hui, en nombre d’avions, le premier opérateur à bas coûts basé à Paris-Orly. Depuis 2018, elle partage ses codes avec Air France et voit sa flotte consolidée avec l’ajout de 4 nouveaux appareils, ce qui lui permet de renforcer sa position, notamment vers la péninsule ibérique et le Maghreb.

3.   La filiale régionale HOP ! joue sa survie

HOP ! est une filiale d’Air France qui résulte de la fusion, en avril 2016, de 3 filiales régionales et assure avec des appareils régionaux, de 50 à 100 places, une partie du réseau moyen-courrier et court-courrier d’Air France. Sa flotte, disparate, est composée de 5 types d’avions (Embraer, Bombardier et ATR). Et son implantation géographique, héritage de l’histoire, est répartie sur plusieurs sites : Nantes, Morlaix, Rungis, Montreuil auxquels s’ajoutent les sites industriels d’entretien avion de Clermont-Ferrand, Lille et Lyon. HOP ! regroupe 2 800 salariés dont 1 700 personnels navigants.

Confrontée à la concurrence des compagnies à bas coût mais aussi du TGV, HOP ! a restructuré son réseau et diminué son activité pour faire face à la baisse de la recette unitaire qui a rendu de nombreuses lignes non rentables. Par ailleurs, l’accord signé entre Air France et le syndicat national des pilotes de ligne (SNPL), qui oblige HOP ! à fournir un tiers des pilotes nécessaires à Air France, a contribué à désorganiser un peu plus la filiale, contrainte de faire appel, sur de longues durées, à d’autres compagnies. C’est ainsi qu’à de nombreuses reprises, c’est la compagnie Bulgaria Air, basée à Sofia, qui a assuré les vols de HOP ! entre Orly et le Massif central...

La conjonction de tous ces éléments, sans réduction des coûts fixes, a eu pour conséquence un résultat d’exploitation très négatif en 2017, qui se creuse encore en 2018, obligeant Air France à soutenir financièrement sa filiale. Dans ce contexte, des mesures d'adaptation ont été décidées :

– la rationalisation et le rajeunissement de la flotte avec la sortie des ATR, remplacés dans les deux ans qui viennent par l’arrivée de 10 appareils neufs de 100 places.

– la restructuration de l’ensemble des fonctions supports en s’appuyant sur des synergies avec Air France et des regroupements géographiques autour du siège de l’entreprise transféré à Nantes.

4.   Conflits sociaux et nouvelle équipe dirigeante

Le premier semestre 2018 a été émaillé de mouvements sociaux au sein de l’entreprise autour de négociations salariales : les syndicats réclamaient 6 % de hausse, chiffre considéré comme trop élevé par la direction. Les mois de février, mars, avril, mai et juin, notamment, ont fait l’objet de plusieurs mouvements de grève, en particulier de la part des pilotes.

Le 4 mai, un plan de hausse des salaires était soumis au vote des salariés. Le rejet par 55 % des voix du projet d’accord entraînait la démission du PDG d’alors, M. Jean-Marc Janaillac, sans mettre pour autant un terme aux journées de grève.

Le 15 mai, Mme Anne Marie Couderc a été nommée pour assurer la présidence non-exécutive du groupe d’Air France-KLM dans le cadre d’une gouvernance transitoire. Le 16 août 2018, M. Benjamin Smith, numéro deux de la compagnie Air Canada, a été nommé directeur général du groupe Air France‑KLM par le conseil d’administration. Il est entré en fonction le 17 septembre.

L’organisation de la gouvernance d’Air France n’est pas figée et reste soumise aux décisions de son conseil d’administration. M. Benjamin Smith cumulera ses fonctions de directeur général d’Air France – KLM avec celles de directeur général d’Air France jusqu’au 31 décembre 2018, date à laquelle il devrait céder ce dernier poste. Mme Couderc, pour l’instant, reste présidente non-exécutive du groupe d’Air France-KLM.

B.   Aéroports de Paris

1.   La croissance est repartie en 2017

En 2017, l’entreprise a enregistré une croissance comptable de son chiffre d’affaires de 23 % (3 617 millions d’euros, soit + 670 millions d’euros) liée à l’intégration comptable de sa filiale turque TAV Airports dans sa comptabilité.

Les revenus générés par les activités aéronautiques ont augmenté de 4 % (+ 70 millions d’euros) sous l’effet combiné d’une augmentation des tarifs des redevances au 1er avril 2016 (+ 0,98 %) et d’une hausse du trafic de passagers en 2017 (+ 4,5 %). En 2017, pour la première fois, AdP enregistré plus de 100 millions de passagers (101,5 millions exactement) sur l’ensemble de ses plateformes.

Le produit des activités commerciales est en croissance (- 2,2 %, soit + 10 millions d’euros), du fait de la croissance du trafic et de l’impact favorable du retour des passagers internationaux les plus contributeurs.

Le chiffre d’affaires des activités immobilières du groupe hors aérogare est en légère baisse (-4,8 %), sous l’effet de la révision à la baisse des loyers facturés en interne au groupe, sans impact sur le chiffre d’affaires consolidé.

Le chiffre d’affaires des activités internationales d’AdP est en très forte augmentation (+ 603 % par rapport à 2016 ; + 585 millions d’euros) à 682 millions d’euros. Cette forte croissance des activités internationales est principalement liée à l’acquisition, en juillet 2017, de 8,12 % de titres supplémentaires de TAV Airports. Cette opération, d’un montant de 160 millions d’euros, permet au Groupe AdP de détenir 46,12 % du capital de TAV Airports, désormais intégrée dans ses comptes. Cette intégration compense le ralentissement de l’activité d’autres filiales comme ADP International (- 35 %, - 8 millions d’euros, en raison d’importantes provisions sur les participations à l’international) et ADP Ingénierie (31 %, - 23 millions d’euros à cause d’une diminution du nombre de commandes au Moyen-Orient).

Enfin, la filiale de services en technologies de l’information, Hub One, enregistre un chiffre d’affaires en hausse (+ 6,8 % ; + 9,8 millions d’euros).

Les évolutions du trafic de passagers sur les plateformes parisiennes

(en millions)

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

Trafic passagers

83,4

88,1

88,8

90,3

92,7

95,4

97,2

101,5

Variation

0,4 %

5,7 %

0,8 %

1,8 %

2,6 %

3,0 %

1,8 %

4,5 %

CDG

58,2

61,0

61,6

62,0

63,8

65,8

65,9

69,5

Variation

0,4 %

4,8 %

1,1 %

0,9 %

2,8 %

3,1 %

0,3 %

5,4 %

Orly

25,2

27,1

27,2

28,3

28,9

29,6

31,2

32,0

Variation

0,4 %

7,7 %

0,3 %

3,8 %

2,1 %

2,8 %

5,3 %

2,6 %

Source : Direction générale de l’aviation civile (DGCAC)

Les évolutions du nombre de mouvements d’avions

(en milliers)

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

Mouvements d’avions commerciaux

707,6

735,4

721,9

701,9

693,3

700,5

707,4

704,6

Variation

-4,2 %

3,9 %

-1,8 %

-2,8 %

-1,2 %

1,0 %

1,0 %

-0,4 %

CDG

491,9

506,9

491,3

472,2

465,2

469,3

473,0

475,6

Variation

-5 %

3,0 %

-3,1 %

-3,9 %

-1,5 %

0,9 %

0,8 %

0,6 %

Orly

215,6

228,5

230,6

229,7

228,0

231,1

234,5

229,0

Variation

-2,2 %

6,0 %

0,9 %

-0,4 %

-0,7 %

1,3 %

1,4 %

-2,3 %

Source : Direction générale de l’aviation civile (DGCAC)

2.   Le projet de liaison avec Paris « CDG Express » se précise

Le projet CDG Express consiste en une liaison ferroviaire directe de 32 kilomètres, dont 24 de voies existantes et 8 km de voies nouvelles, entre Paris (Gare de l’Est) et l’aéroport de Roissy – Charles-de-Gaulle (CDG 2), spécifiquement adaptée aux besoins des passagers aériens. Le temps de trajet serait réduit à vingt minutes avec un cadencement de l’ordre du quart d’heure.

Ce projet apparaît aujourd’hui indispensable à la desserte aéroportuaire de la capitale. Paris est l’une des rares grandes capitales occidentales à ne pas avoir de liaison ferrée à haut niveau de service avec son aéroport principal, par ailleurs le deuxième aéroport européen en nombre de passagers (avec plus de 70 millions de voyageurs attendus en 2018). Les actuels accès autoroutiers et ferroviaires de Roissy-CDG sont aujourd’hui saturés alors que la fréquentation de la plateforme devrait s’accroître en moyenne de 3 % par an.

SNCF Réseau, AdP et la Caisse des dépôts et consignations ont travaillé avec l’État en vue d’élaborer le plan de financement de la société de projet. Le montant global pendant la phase de construction (2018-2013) est estimé à 2,1 milliards d’euros dont 1,8 milliard correspondant à la réalisation de l’infrastructure et 0,3 milliard à des frais financiers et de gestion de la société.

AdP, SNCF Réseau et la Caisse des dépôts participent à parts égales en fonds propres à la société pour un montant d’environ 140 millions d’euros chacun. Le complément, d’un maximum de 1,7 milliard d’euros, proviendra d’un prêt consenti par l’État sur le compte de concours financier « Prêts à la société concessionnaire de la liaison express entre Paris et l’aéroport Paris - Charles-de-Gaulle » créé à l’article 54 de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018.

Le projet a fait l’objet d’un débat public en 2003 et a été déclaré d’utilité publique en 2008, acte confirmé par l’arrêté le 31 mars 2017 pour tenir compte des modifications contractuelles et de coût apportées au projet. La procédure de sélection de l’exploitant ferroviaire a été engagée par un avis d’appel public à la concurrence publié en 2017. Les prochaines étapes seront les suivantes :

– la signature du contrat de concession de travaux et de la convention de prêt : automne 2018 ;

– l’enquête publique préalable à l’autorisation environnementale : automne 2018 ;

– la désignation de l’exploitant ferroviaire : fin 2018 ;

– le début des travaux principaux en 2019 ;

– la mise en service fin 2023.

3.   La poursuite des investissements à Roissy comme à Orly

Face à l’augmentation régulière du trafic de ses deux principales plateformes, Aéroports de Paris maintient un niveau d’investissement élevé dans l’accueil et la prise en charge des passagers par les compagnies aériennes.

Aéroports de Paris a mis en œuvre un plan ambitieux d’extension des surfaces commerciales afin d’augmenter le chiffre d’affaires par passager au départ. Cette évolution, assortie d’une amélioration continue des zones commerciales et de l’offre, s’est traduite par le doublement en dix ans du chiffre d’affaires des commerces côté pistes par passager au départ, passant de 9,8 euros en 2006 à 19,7 euros en 2015. Après une année 2016 difficile, marquée par un contexte de forte décroissance du tourisme à Paris, la croissance du chiffre d’affaires par passager a repris en 2017, avec une légère progression de + 0,4 %.

AdP disposait en 2017 d’environ 58 100 m² de surfaces commerciales contre 42 500 m² dix ans plus tôt. L’année a été marquée par l’ouverture de 46 nouveaux points de vente, correspondant soit à des nouvelles surfaces (+1 300 m²), soit à des réaménagements de points de vente existants.

Le projet de modernisation de laéroport Paris-Orly, qui se traduira principalement par la jonction des deux terminaux existants, Orly-Sud et Orly‑Ouest, par un bâtiment de liaison, s’inscrira dans cette même logique. Outre le fait que ce nouveau bâtiment améliorera la qualité de services à destination des passagers, il proposera une meilleure offre commerciale. Cet édifice, dont l’inauguration est prévue pour le printemps 2019, facilitera également la tâche des compagnies aériennes grâce à une optimisation des surfaces, et une meilleure gestion des flux de passagers. Il apportera 80 000 m² de nouvelles surfaces permettant l’accueil de 3,5 millions de passagers supplémentaires et concentrera toutes les fonctionnalités d’un terminal : enregistrement, contrôles de sûreté, traitement des bagages, commerces...

Pour faire face à la croissance du trafic de la plateforme de RoissyCharles-de-Gaulle, AdP prévoit d’y construire une nouvelle aérogare, ou plutôt un nouveau terminal, selon la terminologie retenue. Il s’agira du T4. À ce jour, le projet en est au stade de la réflexion sur l’aménagement du site, afin de définir la meilleure réponse aux besoins liés au trafic, à ceux des compagnies et à l’ambition du groupe. La première phase de ce projet devrait voir le jour au cours de la période 2021-2025.

Les prochains investissements significatifs d’ici 2020 concernent la liaison des terminaux 2B et 2D et la refonte du terminal 2B, la jonction des satellites du terminal 1, la modernisation des systèmes de tri des bagages ainsi que l’optimisation des accès routiers de CDG.

4.   Vers la privatisation d’Aéroports de Paris

Le projet de loi relatif à la croissance et la transformation des entreprises, aussi appelé « Pacte », adopté par l’Assemblée nationale le 9 octobre 2018, autorise le Gouvernement à vendre des parts de capital de plusieurs entreprises publiques dont AdP. Même si le Sénat ne s’est pas encore prononcé sur ce texte, la probabilité d’une privatisation d’Aéroports de Paris est maintenant forte.

Paradoxalement, compte tenu de la rédaction du projet de loi, les pouvoirs de contrôle de la DGAC sur l’exploitant aéroportuaire devraient sortir renforcés de ce processus de privatisation. Certes, l’administration ne disposera plus de l’outil de dissuasion rendant possible la révocation du PDG de la société, outil rarement utilisé. En revanche, elle aura un droit de regard sur la nomination des principaux directeurs d’AdP et pourra en exiger la révocation. Ce droit de regard s’exercera à l’égard des directeurs géographiques de Roissy-CDG, d’Orly, du Bourget, de Toussus-le-Noble, de Lognes, de Saint-Cyr, etc. plateformes peu connues mais très actives et dépendant toutes de la même société ; mais ce pouvoir de révocation concernera aussi les directeurs de la sécurité, de la sûreté, de l’ingénierie, etc. et tous les postes sensibles d’une société gestionnaire d’un aéroport international. Le directeur général de l’aviation civile souligne que son administration pourra désormais peser sur ces postes, ce qui n’est actuellement pas le cas.

Par ailleurs, la DGAC aura aussi son mot à dire en matière d’investissement. Elle pourra apposer son veto sur les investissements qui lui paraîtraient trop dispendieux ou inopportuns. Elle pourra également imposer des investissements de capacité, comme c’est aujourd’hui le cas pour les aéroports de province déjà privatisés.

C.   La situation d’Airbus

Bénéficiant toujours d’une situation économique particulièrement florissante, Airbus s’est fixé pour objectif de livrer, en 2018, 800 avions pour répondre à la demande.

Par ailleurs, l’horizon s’est dégagé également pour l’appareil géant A380, qui a fait l’objet d’une commande en 2018 lui assurant une production pendant plusieurs années ainsi que pour les programmes A400M et MRTT dont les livraisons se poursuivent.

1.   Une situation économique florissante

Entre 2001 et 2017, le chiffre d’affaires d’Airbus a plus que doublé, passant de 31 à 67 milliards d’euros. La croissance du chiffre d’affaires a été très forte dans l’activité des avions commerciaux. Fin 2017, le carnet de commandes total du groupe Airbus était de 1 060 milliards d’euros, dont 1 010 milliards d’euros pour Airbus Commercial. Fin août 2018, il s’élevait à 7 415 avions, soit neuf années de production.

Cette croissance d'Airbus a entraîné une augmentation régulière de ses effectifs qui atteignent aujourd’hui 129 000 salariés, dont 37 % en France. Airbus travaille directement avec plus de 10 000 sous-traitants français. L’effectif total en France, en comptant tous les employés du groupe, ses filiales et ses participations, s’élève à 69 000 personnes.

Airbus contribue à l’excédent commercial de la filière aéronautique française. Les seules exportations d’Airbus depuis la France ont atteint, selon les douanes, 30 milliards d’euros en 2017, ce qui représente 356 appareils. Sur les douze derniers mois, le secteur aéronautique et spatial, deuxième secteur exportateur français avec 57,7 milliards d’euros, a maintenu son statut de premier poste excédentaire (21,9 milliards d’euros).

En 2017, Airbus a battu un nouveau record de livraisons avec 718 avions livrés. Les commandes nettes enregistrées (1 109) sont restées supérieures aux livraisons. Pour 2018, Airbus s’est donné l’objectif de livrer pour la première fois plus de 800 avions. Cet objectif ambitieux devrait pouvoir être atteint malgré les difficultés rencontrées en début d’année par les fournisseurs de moteurs Pratt et Whitney et CFM pour l’A320 neo qui ont ralenti les livraisons du premier semestre 2018. Fin août, Airbus avait livré 434 appareils.

2.   Une gamme civile complète et qui s’enrichit constamment

Certifié en 2017 et livré depuis février 2018, l’A350 poursuit sa montée en puissance pour aller vers une cadence de 10 avions par mois. Au total, 193 avions ont été livrés, dont 51 avions depuis le début de l’année 2018. Cet appareil est opéré aujourd’hui sur tous les continents avec 46 clients et 890 commandes (722 A350-900 et 168 A350-1000) avec une fiabilité record (au-delà de 99 %). Airbus assure que cet appareil consomme 25 % de carburant en moins et émet 20 décibels de moins que la norme OACI en vigueur.

Depuis son lancement, 8 323 A320 ont été livrés à 300 clients dans le monde. Le carnet de commandes de cet appareil, meilleure vente d’Airbus, s’élève à 5 958 avions à fin août 2018, dont 5 708 sont des A320 neo, une version plus économe en carburant qui remplace progressivement la version précédente. Les cadences de production qui étaient de 42 avions par mois en 2015 poursuivent leur progression et devraient atteindre bientôt les 57 avions par mois avec pour objectif d’atteindre 60 avions par mois, voire plus dans les prochaines années. Airbus a décidé le lancement d’une version long rayon d’action de l’A321 neo (l’A321 neo LR), qui permet de traverser par exemple l’Atlantique à un coût très économique. Cet appareil, qui a reçu sa certification le 2 octobre 2018, devrait connaître son plus grand succès commercial auprès des compagnies à bas coût qui proposent des vols longs courriers.

Un total de 1 417 longs courriers A330 ont été livrés à 129 opérateurs pour un carnet de commandes qui s’élève à 298 appareils fin août 2018. L’A330 neo, qui offre une moindre consommation en carburant, une cabine rénovée et un rayon d’action augmenté, vient d’être certifié et les premières livraisons sont prévues à la fin de cette année. À noter que l’avion de transport industriel Beluga XL, conçu sur la plateforme de l’A330, a effectué son premier vol en juillet 2018 pour une certification attendue en 2019.

C’est en 2017 qu’Airbus a signé l’accord qui entérine la prise de contrôle, à compter du 1er juillet 2018, du programme CSeries de Bombardier, rebaptisé A220. Il s’agit d’une famille d’avions d’une capacité de 110 à 150 sièges destinée à compléter l’entrée de gamme d’Airbus. 402 avions, tous fabriqués au Québec, sont en commande tandis que 42 avions ont été livrés. Ce segment de marché pourrait représenter 6 000 avions au cours des vingt prochaines années.

L’Airbus A380 est un succès technique et populaire. Cet appareil capable de transporter plus de 800 passagers sur 15 200 km est très apprécié des voyageurs par son confort et son silence. Les principales compagnies mondiales se sont bousculées pour en acheter les premiers exemplaires et les mettre en service le plus tôt possible. Toutefois, 10 ans après sa mise en service, le succès commercial de cet appareil est remis en question. 331 exemplaires ont certes été vendus mais les prévisions étaient largement supérieures.

La commande, en janvier 2018, de 36 appareils (20 fermes et 16 en option) de la part d’Emirates permet de stabiliser le programme à une cadence de 6 avions par an pour les dix années qui viennent. L’avion pourrait retrouver un marché à plus long terme compte tenu de la croissance du trafic aérien et des problèmes de congestion des aéroports. 15 avions ont été livrés en 2017, 14 doivent l’être en 2018. Le carnet de commandes est de 102 avions à fin août 2018.

3.   L’armée de l’air réceptionne à la fois ses A400M et son premier MRTT

Grâce à son aptitude militaire à la fois tactique et stratégique et une capacité d’emport jusqu’à 37 tonnes, l’A400M « Atlas » est un avion performant et flexible pour le transport à des fins militaires ou humanitaires. Il permet à l’armée de l’air française d’effectuer depuis la métropole ses missions de transport de troupes et de matériels vers la BSS et le Moyen-Orient. L’A400M a été commandé à ce jour à 174 exemplaires, par 8 pays : Allemagne (53), France (50), Espagne (27), Royaume-Uni (22), Turquie (10), Belgique (7), Malaisie (4) et Luxembourg (1).

Au total, 70 avions ont été livrés à ce jour, dont 19 en 2017 et à peu près autant en 2018. La France en a reçu à ce jour 14. Un quinzième exemplaire sera réceptionné en 2019, les 35 autres devant l’être entre 2021 et 2030.

Il est prévu que l’appareil remplisse son contrat capacitaire entier en 2021, le ravitaillement en vol des hélicoptères étant une capacité clé pour l’armée de l’air française.

Le programme MRTT (« Multi Role Tanker Transport ») de ravitailleur polyvalent a fait l’objet de 60 commandes de la part de 11 pays. À ce jour, 31 avions ont été livrés. Les appareils de type A330 standard sont assemblés à Toulouse avant d’être convertis en appareils militaires à Getafe, en Espagne.

En France, ce programme attendu avec impatience est destiné à remplacer 19 avions actuellement en service dans l’armée de l’air qui arrivent en fin de vie (14 ravitailleurs KC135, qui datent de 1964, et 5 avions de transport A340 et A310).

Le besoin a été fixé pour une flotte unique de quinze appareils MRTT (baptisé Phénix dans l’armée de l’air) pouvant assurer à la fois le ravitaillement en vol, le transport (fret et passagers) et l’évacuation sanitaire. Les douze premiers appareils seront livrés avant fin 2023.

Le premier avion destiné à l’armée de l’air française a réalisé son premier vol le 7 septembre 2017 et a été livré en octobre 2018.


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IV.   une perturbation probable en 2019 : le Brexit

Au moment où votre rapporteure pour avis prépare le présent rapport, l’issue des négociations de sortie de l’Union européenne entre le Royaume-Uni et Bruxelles n’est pas encore connue. Mais l’heure n’est pas à l’optimisme et la perspective d’une absence d’accord se fait de plus en plus prégnante. Quelles seront les conséquences de la sortie, dans cinq mois, du Royaume-Uni de l’Union ?

A.   Le secteur de l’aviation civile est très exposé

En l’absence de visibilité sur un accord entre l’Union européenne et le Royaume-Uni, Airbus, l’une des principales entreprises concernée, dit se préparer à l’éventualité d’un « Brexit dur » qui poserait plusieurs questions.

1.   Le maintien des liaisons bilatérales mais la fin du cabotage

La sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne signifiera l’exclusion de ce pays du système lié au ciel unique européen. Les liaisons bilatérales devraient être maintenues par reconnaissance mutuelle, un acte de gouvernement qui peut être décidé assez vite, en l’absence de tout accord diplomatique. Ces reconnaissances mutuelles n’apporteront toutefois aucune certitude de pérennisation dans le temps.

En revanche, les compagnies britanniques n’auront plus la possibilité de réaliser des relations internes à l’Union européenne, ni même de réaliser du cabotage, c’est-à-dire de poursuivre (ou de précéder) une relation bilatérale par un trajet purement intra-européen. Un Londres-Paris-Nice, par exemple, ne sera plus possible. C’est la raison pour laquelle certaines compagnies purement britanniques, comme Easyjet, ont décidé d’ouvrir une filiale sur le continent pour continuer à desservir des liaisons intra-européennes. Mais disposer d’un bureau dans un pays de l’Union n’est pas suffisant. La compagnie devra aussi disposer de capitaux européens et prouver son implantation réelle sur le territoire du pays concerné de l’Union tant en ce qui concerne l’activité effective que les contrôles de sécurité, etc.

Les compagnies non britanniques mais à capitaux britanniques comme Ryanair, Vueling ou Iberia devront, selon la DGAC, restructurer leur composition capitalistique pour être considérées comme ressortissantes de l’Union européenne.

2.   Les certifications britanniques ne seront plus valables sur le continent

Un défi beaucoup plus lourd attend les industriels de l’aéronautique, dont les produits et services (maintenance) sont soumis à de rigoureuses règles de certification.

Toutes les composantes d’un aéronef doivent être certifiées. Depuis 2003, c’est l’EASA (European aviation safety agency) qui est responsable de la certification des aéronefs et de leurs pièces dans l’UE et dans certains pays européens non membres. Ce certificat atteste que le type d'aéronef satisfait aux exigences de sécurité définies par l’Union européenne. Les procédures sont longues et fastidieuses. Une société comme Airbus qui souhaite faire voler ses appareils sur les cinq continents doit donc, après avoir obtenu la certification européenne, recommencer la même procédure pour faire certifier ses avions aux États-Unis, puis en Chine, en Russie, etc.

La question se pose de savoir si le Royaume-Uni sera associé d’une manière ou d’une autre aux décisions de l’AESA, comme la Suisse ou l’Islande, pour autoriser les appareils européens à voler sur son territoire ou s’il préférera constituer sa propre agence de certification.

Mais la question se pose aussi dans l’autre sens : les pièces qui seront produites au Royaume-Uni, hors UE, devront-elles obtenir une certification pour être utilisées sur le territoire européen ? On peut penser aux ailes des Airbus, fabriquées en Angleterre mais assemblée à Toulouse et Hambourg sur les carlingues des Airbus. En fonction de la réponse à cette question, la production d’Airbus, qui se fait à flux tendu et à raison de plus de 700 avions livrés par an (deux par jour) pourrait être désorganisée.

La Commission européenne a fait savoir que les certificats délivrés par l’EASA ne seraient plus valides au Royaume-Uni si aucun accord n’était trouvé à la date du Brexit. Airbus tente donc de faire inclure ses sous-traitants dans ses propres certificats ; à défaut, les sous-traitants devront réengager un processus de validation de leur certification avec l’EASA avant fin mars 2019.

3.   La constitution de stocks : une réponse très provisoire

Quant à l’hypothèse de transférer sur le sol européen la production actuellement réalisée au Royaume-Uni, Airbus préfère ne pas y songer, s’agissant d’une activité qui emploie 15 000 personnes.

La question de la certification se posera pour toute nouvelle production, pas pour les composants qui auront été produits et stockés avant le 29 mars 2019. Aux dires même d’Airbus, le sujet concerne des dizaines de milliers de pièces par mois. Aussi, dans l’attente de l’échéance, Airbus a décidé de constituer des stocks de pièces détachées qui seront constitués pour passer le cap de la fin du mois de mars 2019. Mais ces stocks ne permettront pas de « tenir » plus de quelques semaines, le temps que la situation se normalise. À défaut, l’avionneur européen subirait un lourd handicap qui ferait le bonheur de son concurrent américain dont la totalité de la production est localisée dans un seul pays.

Le motoriste britannique Roll Royce a transféré une partie essentielle de son ingénierie en Allemagne, de manière à continuer à être agréé par l’Union européenne, mais n’a pas résolu la question de la production, toujours située en Angleterre et dont le transfert serait beaucoup plus compliqué à réaliser.

B.   Les conséquences humaines et matérielles concrÈtes

1.   Le rétablissement du processus douanier

Les accords de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) interdisent toute taxation sur les échanges de marchandises liées à l’aviation civile. Les industriels européens du secteur échapperont donc à une guerre tarifaire.

En revanche, l’absence de taxation n’empêchera pas les procédures et vérifications douanières, au même titre que ce qui existe pour les marchandises échangées entre l’UE et le Canada, les États-Unis ou la Chine. Des millions de tonnes de marchandises qui traversaient la Manche sans formalité devront, à l’avenir, faire l’objet de déclarations et de contrôles. Les délais d’attente à la frontière, quasiment inexistants jusqu’alors, vont considérablement augmenter à partir du 30 mars prochain.

La direction générale des douanes appelle l’attention des acteurs économiques sur le rétablissement, préalablement au dédouanement, des contrôles opérés par les services du ministère de l’agriculture et de l’alimentation, ainsi qu’au rétablissement des contrôles documentaires et des contrôles de marchandises importées du Royaume-Uni ou exportées vers ce pays. Les contrôles vétérinaires ne concerneront bien sûr pas les échanges de matériels aéronautiques, mais contribueront à l’engorgement des postes de contrôle. Une étude parue récemment estime qu’un allongement de deux minutes des contrôles douaniers induira une file d’attente de 27 kilomètres au port de Calais.

La douane procédera, entre 2018 et 2020, au recrutement de 700 douaniers supplémentaires (dont 250 dès 2018) pour accompagner les effets du Brexit. Ces effectifs supplémentaires, qui pour être efficaces supposent qu’un effort similaire soit réalisé côté britannique, n’empêcheront toutefois pas la formation de files d’attente aux abords des ports transmanche. La fluidité des échanges de pièces entre les différents sites des constructeurs aéronautiques sera inévitablement affectée.

2.   De probables entraves à la mobilité des personnels

Nul n’est en mesure d’indiquer les conséquences, en matière de personnels d’une éventuelle absence d’accord entre l’Union européenne et le Royaume-Uni. Une des questions qui se posent aux sociétés multinationales concerne le régime des installations individuelles.

Si la plupart des accords passés entre l’UE et ses principaux partenaires dispensent les touristes de visa, il n’en est pas de même des salariés qui doivent obtenir un titre de séjour pour travailler dans la durée dans un pays de l’Union. En sera-t-il de même avec le Royaume-Uni ? C’est le flou le plus absolu qui règne sur ce sujet. Et au-delà des règles liées au séjour, qu’en sera-t-il des règles liées à la protection sociale et aux cotisations de retraite des salariés britanniques ayant effectué une partie de leur carrière sur le continent et une autre partie au Royaume-Uni ? La même question se pose évidemment pour les salariés originaires du continent et se trouvant dans une situation symétrique.

Tous ces éléments constituent autant de sources d’interrogation et d’inquiétude pour les salariés dont beaucoup occupent des emplois dans différents pays au cours de leur carrière, parfois ponctuellement, parfois pour des durées plus longues.

 


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   EXAMEN en commission

Après l’audition de Mme Élisabeth Borne, ministre des transports, au cours de sa réunion du mardi 23 octobre 2018 ([3]), la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a examiné le mercredi 24 octobre 2018, pour avis, sur le rapport de Mme Zivka Park, les crédits « Infrastructures et services de transports » de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » et les crédits du budget annexe « Contrôle et exploitation aériens ».

Mme la présidente Barbara Pompili. Mes chers collègues, nous sommes réunis pour poursuivre l’examen pour avis des crédits de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » du projet de loi de finances (PLF) pour 2019.

Après l’audition des rapporteurs pour avis, nous allons examiner des amendements de crédit, mais le vote final sur l’ensemble des crédits de la mission n’interviendra que lors de notre réunion du mercredi 31 octobre, une fois examiné l’ensemble des amendements qui s’y rapportent. Aujourd’hui, nous examinerons cinq amendements.

Après avoir entendu les deux rapporteurs pour avis sur leurs rapports respectifs, je donnerai la parole aux orateurs de groupe, qui pourront s’exprimer sur ces deux rapports pour quatre minutes chacun. Après les réponses des rapporteurs, nous passerons à des questions d’une minute chacune.

Mme Zivka Park, rapporteure pour avis. Madame la présidente, mes chers collègues, le transport aérien a pleinement surmonté la crise des années 2008-2010 et assoit sa croissance sur la mondialisation des échanges. Depuis des années, son taux de croissance mondial frôle les 7 % et le trafic aérien mondial double tous les douze ans.

En 2017, 4 milliards de passagers ont été transportés. D’ici une quinzaine d’années, on estime que 8 à 9 milliards de personnes – l’équivalent de la population mondiale – prendront chaque année un avion. Les aéroports investissent et des milliers d’emplois sont créés ; les écoles de pilotage recrutent, les constructeurs aéronautiques engrangent les commandes : leurs carnets de commandes sont parfois pleins sur dix ans.

Comme je l’ai dit lors de l’audition du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, c’est une excellente nouvelle sur le plan économique. Mais face aux nuisances engendrées par ce secteur d’activité, grand consommateur d’énergie fossile et acteur du réchauffement climatique, cette croissance sans limite ne manque pas de nous interroger.

Le transport aérien français doit faire face à un certain nombre de défis. Les tensions sociales et le conflit salarial au sein de notre compagnie nationale semblent avoir trouvé un dénouement avec l’arrivée d’un nouveau président-directeur général (PDG). Il faut espérer que son plan de relance connaîtra le même succès.

La privatisation du groupe Aéroports de Paris (ADP) a suscité de nombreuses réactions. Pourtant, le dispositif encadrant la cession des parts de l’État est efficace : il est assorti de garanties essentielles qui devraient tous nous rassurer. J’aurai l’occasion d’y revenir.

Cette année a par ailleurs été marquée par la tenue des Assises du transport aérien, dont les conclusions sont imminentes et attendues, notamment en matière de performance environnementale – réduction des émissions de gaz et des nuisances sonores.

La sortie officielle du Royaume-Uni de l’Union européenne le 29 mars 2019 sera un défi et ne se fera pas sans difficulté pour nos constructeurs aériens.

Sur un plan purement national, en 2019, le budget annexe « Contrôle et exploitation aériens » (BACEA) continuera à participer à l’effort national de réduction du déficit public, en poursuivant sa trajectoire de désendettement : après plusieurs exercices déficitaires, l’année 2013 avait marqué une amélioration du résultat d’exploitation avec un premier excédent. Cette tendance à l’assainissement s’est confirmée depuis et se poursuivra en 2019. Le solde d’exploitation devrait s’élever à 364 millions d’euros, entièrement consacrés au désendettement et à l’investissement. L’endettement, qui avait atteint le niveau record de 1,3 milliard d’euros en 2014, s’établit à 804 millions d’euros : cette diminution de 40 % de la dette en cinq ans est assez exceptionnelle.

Parallèlement, le niveau des taxes et des redevances continuera à diminuer, conformément aux mécanismes définis par le Ciel unique européen : ainsi, le taux de la redevance de route baissera de 4,2 %, pour le plus grand bénéfice des compagnies aériennes. La direction générale de l’aviation civile (DGAC) nous a indiqué que la France présente l’un des taux de redevance de route les plus bas d’Europe de l’Ouest : son niveau aura baissé de plus de 13 % entre 2015 et 2019. En outre, la redevance pour services terminaux a diminué de 20 % en 2017 et elle restera stable en 2019.

Le PLF 2019 poursuit également des objectifs d’économies structurelles : tout en sanctuarisant les dépenses à caractère opérationnel, la DGAC diminuera ses dépenses de fonctionnement pour la cinquième année consécutive. Cela mérite d’être salué, le montant de cette baisse étant directement affecté au désendettement.

Ces mesures d’économie trouvent toutefois leurs limites. C’est ainsi que la subvention que la DGAC verse chaque année à son opérateur, l’École nationale de l’aviation civile (ENAC), se stabilisera à hauteur de 95 millions d’euros. Cette somme, de 100 millions d’euros il y a quelques années, a subi une lente érosion mais doit maintenant être stabilisée.

Le budget pour 2019 se traduira également par le maintien d’un haut niveau d’investissement qui permettra d’une part aux services de navigation aérienne de se conformer aux exigences fixées par le deuxième plan de performance européen (RP2) tout en préparant la relance des investissements pour le troisième plan de performance et, d’autre part, de faire face aux nécessaires dépenses liées aux enjeux en matière de cybersécurité.

Grâce à la bonne santé du transport aérien, et donc de la DGAC, les investissements seront autofinancés à hauteur de 80 % en 2019, contre seulement 65 % en 2018.

En 2019, les effectifs de la DGAC enregistreront une quasi-stabilité. Dans un contexte de forte hausse de l’activité aérienne, malgré une réelle amélioration de la productivité, la réduction du nombre d’agents trouve ses limites : la DGAC a perdu 11 % de ses effectifs en une dizaine d’années, alors que le trafic aérien a presque doublé sur la même période.

Je voudrais d’ailleurs attirer votre attention sur la situation des contrôleurs aériens : la baisse continue des effectifs de cette catégorie de personnels, autant en France que dans les pays voisins, a abouti à une dégradation du service rendu et à une augmentation des retards. C’est probablement en Allemagne que la situation est la plus dégradée avec cinq cents vols déroutés quotidiennement vers les pays voisins au cours de l’été dernier ! Mais la situation n’est pas plus brillante dans notre pays, qui a également détourné vers ses voisins nombre de vols que ses contrôleurs n’étaient pas en mesure de gérer. Les grèves survenues dans certains centres n’ont pas arrangé la situation.

La DGAC s’est d’ores et déjà lancée dans un programme de recrutement de quatre‑vingt-dix contrôleurs par an. Mais la formation de ces personnels est longue et l’effet de ces recrutements ne se fera pas sentir avant quelques années. À court terme, les instructeurs qui seront affectés à la formation des nouveaux agents feront défaut aux équipes opérationnelles…

Comme vous le savez, le projet de loi relatif à la croissance et à la transformation des entreprises (PACTE), que nous avons adopté le 9 octobre dernier, autorise le Gouvernement à lancer le processus de privatisation d’Aéroports de Paris. Paradoxalement, compte tenu de la rédaction rigoureuse du projet de loi, les pouvoirs de contrôle de la DGAC sur l’exploitant aéroportuaire devraient sortir renforcés de ce processus de privatisation.

Certes, l’administration ne disposera plus de l’outil de dissuasion que constituait la possibilité de révocation du PDG de la société, mais il avait rarement été utilisé. En revanche, elle aura un droit de regard sur la nomination des principaux directeurs d’ADP et pourra en exiger la révocation. Ce droit de regard s’exercera sur les directeurs géographiques des aéroports de Roissy Charles-de-Gaulle (CDG), d’Orly, du Bourget, mais aussi de tous les aéroports secondaires d’Île-de-France – Toussus-le-Noble, Lognes, Saint-Cyr, etc. Ces derniers sont peu connus mais très actifs.

Ce pouvoir de révocation concernera aussi les directeurs de la sécurité, de la sûreté, de l’ingénierie, ainsi que tous les postes sensibles de cette société gestionnaire d’aéroports internationaux. Le directeur général de l’aviation civile souligne que son administration pourra désormais peser sur ces postes, ce qui n’est actuellement pas le cas.

Par ailleurs, la DGAC aura aussi son mot à dire en matière d’investissement. Elle pourra s’opposer à des investissements qui lui paraîtraient trop dispendieux ou inopportuns. Elle pourra interdire des cessions foncières. A contrario, l’État pourra également imposer des investissements de capacité, comme c’est aujourd’hui le cas pour les aéroports de province déjà privatisés.

La principale difficulté consistera à fixer un prix de vente, sachant que les transactions concernant des biens de cette valeur ne sont pas fréquentes. Le choix de la méthode de vente, la sélection du ou des acheteurs, la bonne exécution de la transaction constitueront autant de défis à relever.

Pour conclure ma présentation, je voudrais insister une fois de plus sur la nécessité de poursuivre sans relâche la lutte contre les nuisances, afin que le transport aérien soit mieux accepté du plus grand nombre. Actuellement, des propositions sont à l’étude au sein des services de la DGAC. Nous ne pouvons que l’encourager à présenter et mettre en œuvre des solutions accélérant l’insonorisation des habitations des riverains des aéroports. Pour rappel, les délais de traitement des dossiers de demande sont actuellement de quatre à cinq ans. C’est loin d’être optimal… En outre, en l’état des recettes de la taxe sur les nuisances sonores aériennes (TNSA), il faudra vingt ans pour insonoriser l’ensemble des habitations autour de Roissy !

De même, les constructeurs participent à la réduction des nuisances en mettant au point des avions toujours moins bruyants et moins gourmands en carburant, mais le renouvellement de la flotte est lent.

Depuis plusieurs années, les associations de riverains demandent la mise en place de nouvelles procédures d’approche des aéroports. Il s’agit principalement de la descente en continu, qui évite les bruyantes remises de gaz, ainsi que du regroupement des faisceaux de trajectoires des avions sur un seul tracé à l’approche des aéroports – afin de passer de la dispersion à la concentration. La plupart des observateurs, pas seulement dans le monde associatif mais aussi parmi les acteurs institutionnels, considèrent que l’adoption de ces deux mesures, facilitée par les moyens modernes de guidage, comme le programme Single European Sky ATM Research (SESAR) – nouveau système européen de gestion du trafic aérien –, permettrait de réduire de manière appréciable les nuisances sonores.

Il importe donc de poursuivre nos efforts dans le double objectif de réduire les nuisances et de mieux faire accepter le développement du transport aérien sur nos territoires. Pour autant, il faudra faire attention à ne pas faire accepter l’inacceptable, comme je l’ai souvent entendu.

En conclusion, je donnerai un avis très favorable à l’adoption des crédits relatifs au transport aérien du programme 203 « Infrastructures et services de transports » et du budget annexe « Contrôle et exploitation aériens ».

M. Damien Pichereau, rapporteur pour avis. Madame la présidente, mes chers collègues, le programme 203 « Infrastructures et services de transport » fait partie de la mission « Écologie, développement et mobilité durables », dont les crédits de paiement sont en hausse de 1,7 % par rapport à 2018. Ce programme regroupe les moyens de l’État consacrés à la politique nationale des transports : infrastructures et services de transport routiers, ferroviaires, fluviaux, portuaires, maritimes et aéroportuaires.

Dans le projet de loi de finances pour 2019, 3,385 milliards d’euros en autorisations d’engagement et 3,213 milliards d’euros en crédits de paiement sont attendus pour le programme 203. Les autorisations d’engagement sont en hausse de 5,5 % et les crédits de paiement de 2,3 %. C’est la deuxième année consécutive que le budget de ce programme augmente. Pourquoi ? Car il représente la traduction budgétaire de notre politique de rénovation des transports du quotidien.

Outre les crédits budgétaires, le programme 203 bénéficie d’importants fonds de concours de l’Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF). Le montant total attendu pour 2019 s’élève à 2,052 milliards d’euros en autorisations d’engagement et 2,072 milliards d’euros en crédits de paiement.

Par ailleurs, deux comptes d’affectation spéciale (CAS) « Services nationaux de transport conventionnés de voyageurs » et « Aides à l’acquisition de véhicules propres » font également l’objet d’un examen par notre commission. Les recettes de ce dernier sont en hausse de 46,9 %, afin de rendre abordable la transition écologique du parc roulant pour nos concitoyens.

J’ai choisi de concentrer mon avis budgétaire sur deux thématiques.

Dans un premier temps, je me suis attaché à étudier l’état des chaussées, des ouvrages d’art – notamment des ponts – et des équipements du réseau routier. Nos concitoyens se sont légitimement inquiétés suite à l’effondrement du pont Morandi de Gênes durant l’été 2018. En France, un audit externe commandé par le ministère des transports a été remis mi-juillet 2018 à la ministre des transports, Mme Élisabeth Borne. J’ai souhaité en tirer les conclusions, notamment budgétaires, pour le projet de loi de finances pour 2019.

Le réseau routier français comporte plus d’un million de kilomètres de routes, réparties entre routes nationales, autoroutes concédées et non concédées, routes départementales et communales. Tant pour les routes que pour les ouvrages d’art, je partage le diagnostic du ministère sur l’état préoccupant du réseau routier national non concédé. Si peu d’ouvrages et de chaussées sont aujourd’hui dans un état critique, leur état moyen se dégrade tendanciellement. Cela risque de conduire à un accroissement des routes et des ponts en état critique dans les années à venir.

Je me félicite des décisions ambitieuses prises par notre Gouvernement concernant l’entretien des routes, inscrites à l’action n° 4 du programme 203. Au total, crédits budgétaires et fonds de concours de l’AFITF passent de 800 millions d’euros en 2018 à 852 millions d’euros en 2019, soit une hausse de 6,5 %. Les crédits de paiement passent de 807 à 834 millions d’euros, soit une hausse de 3,3 %. Cela traduit la priorité accordée à l’entretien et à la régénération du patrimoine routier.

Il s’agit d’un premier élément de la stratégie pluriannuelle mise en place par le Gouvernement dans le cadre du grand plan d’investissement 2018-2022, qui prévoit 700 millions d’euros supplémentaires sur la période – par rapport à la programmation 2017 – pour soutenir la rénovation du réseau routier.

L’état des autoroutes concédées est globalement meilleur que celui du réseau routier non concédé et la tendance est à l’amélioration. Il faut cependant rester vigilant et renforcer les contrôles de l’État sur le respect des obligations des sociétés concessionnaires d’autoroutes.

Enfin, le réseau routier départemental et communal représente plus de 98 % du réseau routier. Nous ne disposons pas d’un panorama global de son état au niveau national, car sa gestion et son entretien sont directement assurés par les collectivités territoriales. Il semble cependant que son état soit plus dégradé que celui du réseau national, ce qui est inquiétant.

Sans déroger à la libre administration des collectivités territoriales, il serait utile de réfléchir à la remontée d’informations concernant l’état de leurs ouvrages vers l’État. Cela permettrait d’améliorer la connaissance de ce patrimoine, tout en offrant une information transparente à nos concitoyens. Cette remontée pourrait être effectuée avec l’aide de l’Observatoire national de la route, du Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (CEREMA) et du ministère des transports, auditionnés pour la préparation de cet avis. Une meilleure connaissance de ces infrastructures faciliterait l’instauration de politiques de gestion patrimoniale du réseau par les collectivités. Cela contribuerait également à pallier le manque de compétences très techniques de certaines petites collectivités pour assurer l’entretien et le suivi des ouvrages d’art de leur réseau.

Dans un second temps, j’ai souhaité approfondir la question de l’intermodalité dans les transports, au cœur de la transition écologique. Nombre d’acteurs économiques, associatifs ou syndicaux ayant participé aux Assises nationales de la mobilité mettent en lumière la nécessité de promouvoir davantage l’intermodalité. L’usage de plusieurs modes de transport au cours d’un seul déplacement se développe et il nous faut dès aujourd’hui l’encourager et le faciliter, pour le transport de voyageurs comme pour celui de marchandises. C’est l’enjeu central du futur projet de loi d’orientation des mobilités (LOM), qui sera examiné au sein de notre commission.

Développer des politiques d’intermodalité permet de répondre à deux principaux objectifs : assurer une meilleure fluidité de la chaîne de transport et en diminuer les coûts, mais également contribuer au transfert modal vers des modes moins polluants que le transport routier. Les politiques intermodales visent à fluidifier les changements modaux et à en réduire le coût et la durée. Elles abandonnent un raisonnement par mode de transport pour adopter une approche imbriquée de la mobilité.

S’agissant du transport de voyageurs, l’objectif est de développer des pratiques de mobilité quotidienne plus fluides, plus durables, et bien souvent plus solidaires, dans un contexte où le secteur des transports est responsable du tiers des émissions de gaz à effet de serre et de polluants atmosphériques. Ces politiques permettraient de réduire la part de la voiture dans les déplacements, de lutter contre l’autosolisme et de redonner du pouvoir d’achat à nos concitoyens dans un contexte de hausse du prix des carburants.

Il faut libérer la capacité des usagers à changer de mode de transport : ce changement doit être le plus simple possible. Cela peut passer par différents leviers : coordination des autorités organisatrices de la mobilité et synchronisation des offres de transport ; amélioration du maillage territorial – notamment des entrées de villes – ; ouverture des données de transport à des fins d’information par les usagers ; développement d’une billettique unique.

S’agissant du transport de marchandises, l’intermodalité consiste à assurer le transbordement vers des modes de transport plus durables, en réservant le mode routier aux opérations de préacheminement et de post-acheminement et en réalisant l’essentiel des opérations de transport de longue distance par des modes de transport massifiés, dont l’impact sur l’environnement est moindre – transport ferroviaire et fluvial.

Cette volonté se heurte néanmoins à la nécessité d’un transport compétitif en termes de délais, de coût, de fiabilité et de fluidité, dans un contexte de concurrence européenne du transport routier qui entraîne des prix très faibles. Pour y répondre, le Gouvernement a pris des mesures qu’il faut saluer : poursuite et amélioration de l’aide en faveur du transport combiné pour une période de cinq ans, dite « aide à la pince », afin de compenser partiellement le surcoût lié aux transbordements par rapport à un transport uniquement routier ; poursuite des coopérations internationales en faveur du ferroutage et d’autoroutes de la mer, notamment avec l’Espagne et l’Italie ; amélioration de la performance du fret non routier, notamment par la mise à niveau du réseau ferroviaire et le développement d’une logistique urbaine durable.

Au total, le projet de loi de finances pour 2019 prévoit 323 millions d’euros en faveur de l’intermodalité pour le fret, répartis entre plusieurs actions du programme 203. En complément, le budget de l’AFITF contribue au financement d’infrastructures, notamment dans le cadre des contrats de plan État-régions (CPER), pouvant bénéficier au transport de voyageurs ou de marchandises, pour environ 465 millions d’euros en 2018.

Un maintien, voire une progression de ces crédits, est à prévoir pour 2019 selon le ministère des transports, ce dont je me félicite. Ces crédits répondent en effet au diagnostic du ministère des transports d’insuffisance des infrastructures actuelles pour développer l’intermodalité dans le transport de marchandises, avec un accent mis par le Gouvernement sur la mise à niveau des infrastructures existantes.

M. Jean-Marc Zulesi. Mes chers collègues, nous poursuivons ce matin notre marathon budgétaire avec l’examen de deux missions essentielles relatives aux infrastructures et aux services de transport.

L’effondrement du viaduc de Gênes en août a souligné de manière dramatique l’importance d’une politique durable des infrastructures de transport. Le Gouvernement a d’ores et déjà pris des engagements en annonçant en mai dernier un plan de sauvegarde des routes doté d’un milliard d’euros. Le projet de loi d’orientation des mobilités nous donnera l’occasion de fixer une programmation claire des infrastructures avec le Gouvernement.

Il s’agit de ne pas répéter avec la route les mêmes erreurs que celles commises sur le rail. Le sous-investissement des dernières décennies sur le réseau routier non concédé est manifeste. Il y a urgence à agir quand on sait que 40 % des surfaces de chaussées sont à renouveler et qu’un pont sur dix est en mauvais état.

En parallèle, l’État s’engage aussi sur la régénération du domaine fluvial et portuaire, en augmentant les aides au dragage des fleuves. En matière ferroviaire, il s’agit de préparer l’ouverture du secteur à la concurrence du transport de voyageurs, notamment en accélérant le déploiement du système européen de gestion du trafic ferroviaire – ou European Rail Traffic Management System (ERTMS) – et de soutenir le fret en indexant le coût des péages à l’inflation et en révisant à la baisse la trajectoire de leurs prix.

Les enjeux sont clairs dans le transport aérien : il faut accompagner la transition du secteur vers une réduction de son impact environnemental, tout en préservant sa compétitivité face à la montée en puissance de concurrents étrangers. La France doit aussi consolider sa place en tant que hub international. L’attractivité de nos aéroports, aussi bien ceux d’ADP que les pôles régionaux, est stratégique dans le contexte actuel du Brexit, par ailleurs source d’incertitudes critiques pour le secteur.

Le projet de loi de finances doit répondre aux défis présents mais aussi anticiper les enjeux à venir. L’optimisation des infrastructures existantes nous permettra d’intégrer de nouvelles solutions de mobilité, plus innovantes, plus connectées, plus autonomes.

La mobilité de demain ne dépend plus de nouvelles infrastructures, mais de l’évolution de leurs usages. La révolution des mobilités du quotidien passera par la multimodalité. Nos gares, nos routes et nos aéroports ont vocation à devenir des pôles multimodaux intégrant de nouveaux services plus souples, plus connectés et à la demande. Nos infrastructures doivent évoluer par l’usage.

La LOM viendra affirmer cette ambition, mais la planification budgétaire de nos politiques d’infrastructures doit d’ores et déjà préparer cette évolution.

Madame Zivka Park, comment le budget actuel assurera-t-il l’attractivité de nos aéroports ? Monsieur Damien Pichereau, en quoi la planification actuelle de nos politiques d’infrastructures et de services répond-elle aux enjeux de développement de la multimodalité ?

Mme Valérie Beauvais. Au nom du groupe Les Républicains, je remercie les rapporteurs pour avis pour le travail réalisé et pour leur présentation. Je reviendrai sur le rapport de M. Damien Pichereau. La première partie de ce rapport est consacrée à l’état du réseau routier français. Concernant le réseau national non concédé, vous indiquez qu’il s’est dégradé et, de surcroît, qu’il ne sera pas possible avec les moyens consacrés par la présente mission de tenir les objectifs fixés pour améliorer la situation des infrastructures présentant des dégradations structurelles. Vous poursuivez ensuite votre analyse, en remarquant que l’état du réseau local – départemental ou communal – est mal connu des services de l’État et que ce réseau est sensiblement plus dégradé que le réseau national.

Je regrette que votre analyse n’évoque pas la baisse des dotations des collectivités locales ni ne formule aucune proposition pour soutenir les collectivités dans l’entretien du réseau routier dont elles ont la charge. Je vous cite : « l’étude récente sur trente-quatre départements montre une baisse de leurs dépenses d’investissement », étranglés qu’ils sont par la politique sociale non compensée.

Vous abordez aussi la question de l’intermodalité. Vous indiquez plusieurs mesures à mettre en œuvre et vous vous interrogez sur l’opportunité de maintenir des parkings urbains lesquels incitent, selon vous, à utiliser les voitures. Je regrette que vous n’ayez pas intégré le rôle économique des centres-villes, ni tenu compte de l’activité des artisans et des commerçants. Moins de parkings, c’est moins de véhicules et donc moins d’activités commerciales dans les villes, ce qui favorise le commerce en ligne, lequel utilise des modes de livraison bien plus polluants.

La voiture serait un élément aggravant de la pollution. Les véhicules électriques peuvent être une solution, mais ne sous-estimons pas leurs inconvénients, bien réels, et la pollution qu’ils génèrent. Une voiture électrique ne pollue pas en roulant, mais à l’arrêt – elle ne se recharge pas par l’opération du Saint-Esprit ! D’autres inconvénients existent : le silence, le remplacement de la batterie et la recharge en milieu rural. Ces voitures sont uniquement alimentées par l’électricité fournie par les batteries. Il faut produire cette électricité, à partir de sources renouvelables d’énergie – solaire, éolien –, d’énergie nucléaire ou par l’importation.

En outre, la production des batteries pose d’importants problèmes environnementaux et sociaux. En effet, les batteries au lithium sont fréquemment utilisées dans les véhicules électriques et les équipements informatiques ou électroniques. Cela accroît la pression sur ce métal rare – surnommé « or blanc » – qui provient souvent d’Amérique latine. Sa production est très gourmande en eau et il met à mal les écosystèmes et la survie des populations locales, dans des zones où la sécheresse est déjà problématique.

En fin de vie, ces batteries posent aussi des problèmes de gestion des déchets, même si leur recyclage se développe progressivement. À terme, une grande partie des matériaux utilisés dans les batteries pourrait servir à en fabriquer de nouvelles, puisque leur recyclage peut atteindre 80 %, selon la société de recyclage de batteries que j’ai rencontrée, maillon important en termes d’économie circulaire.

La recharge des batteries reste contraignante pour les plus longs trajets, ainsi qu’en milieu rural. De plus, les subventions aux collectivités pour les bornes de recharge électrique ont été supprimées. Qu’en est-il de la revente de l’électricité sur le domaine public ? Recharger avec de l’électricité verte serait-il une solution ?

Demain, roulerons-nous tous à l’électricité ? Je ne pense pas – les besoins ne pourront tous être satisfaits. Nous ne roulerons pas non plus de la même façon qu’aujourd’hui.

L’État propose des aides à l’acquisition de véhicules propres. Les véhicules électriques ou hybrides s’insèrent-ils dans l’appel à projets French Mobility du ministère des transports, destiné à faciliter les nouvelles mobilités durables ?

Enfin, monsieur Damien Pichereau, vous faites état dans votre rapport d’aides financières pour le transport de marchandises, mais n’évoquez pas d’éventuelles aides en faveur des professionnels qui s’équipent de véhicules propres.

Mme Aude Luquet. Au nom du Mouvement Démocrates et apparentés, je remercie les rapporteurs pour avis pour cette présentation et pour la qualité de leur travail.

Je souhaite revenir sur l’état de notre réseau routier, évoqué par M. Damien Pichereau, et qui préoccupe nos concitoyens. Comme l’a montré le récent audit commandé par la ministre des transports, l’état de nos routes et ouvrages d’art est fortement dégradé et confirme une nouvelle fois ce que chaque usager de la route constate au quotidien.

La situation critique est identique dans tous les transports du quotidien : d’un côté, les lignes à grande vitesse sont toujours plus performantes et, de l’autre, les infrastructures et trains du quotidien toujours plus dégradés… D’un côté, nos autoroutes progressent en qualité – 90 % sont considérées comme en bon ou très bon état – et, de l’autre les routes utilisées chaque jour par nos concitoyens se délabrent dangereusement. Actuellement, 29 % sont dans un état très dégradé. En 2037, ce sera 62 % si nous n’investissons pas davantage.

Il est nécessaire d’inverser les priorités, comme cela a été fait pour le rail, en redonnant la primauté à la réfection de ces routes du quotidien. La réponse ne devra plus être curative, mais préventive, si nous voulons qu’elle soit plus efficace et moins consommatrice de deniers publics, comme le préconise le rapporteur pour avis.

Nous nous félicitons que le Gouvernement ait choisi ce cap, avec l’augmentation des crédits affectés à la mission dans le PLF pour 2019, mais plus largement dans le grand plan d’investissement 2018-2022.

Si la rénovation de nos routes est une urgence immédiate, leur adaptation aux mobilités de demain en est une autre. Routes à énergie positive, routes connectées, les innovations sont nombreuses et les investissements indispensables. Pensez-vous que les moyens alloués au soutien de ces innovations soient suffisants au regard des enjeux ?

Je souhaite également insister sur la fiscalité écologique, à travers le compte d’affectation spéciale « Aides à l’acquisition de véhicules propres ». Si nous soutenons une fiscalité qui favorise les comportements vertueux, en promouvant les mobilités durables et donc la réduction des rejets de CO2, il convient de donner à nos concitoyens des orientations claires et concrètes.

En effet, chacun de nous entend le mécontentement exprimé dans nos territoires concernant la hausse significative des prix de l’essence et du diesel, notamment dans les zones rurales, où nos concitoyens n’ont souvent aucun autre choix que la voiture individuelle. Pourtant, le changement de nos modes de déplacement est inéluctable. Il est donc indispensable que nos concitoyens sachent quelles solutions de substitution vont leur être proposées.

En effet, malgré les aides à l’acquisition, le coût d’un véhicule électrique reste supérieur à celui d’un véhicule thermique et son autonomie bien inférieure ne permet bien souvent pas de parcourir de longues distances. Comment faire en sorte que les Français ne ressentent pas la fiscalité écologique comme punitive, mais comme un encouragement à des comportements vertueux, vers des alternatives crédibles ?

M. Guy Bricout. Le groupe UDI, Agir et Indépendants se félicite que le budget alloué aux transports dans le PLF porte notamment ses efforts sur la priorité des priorités : l’entretien et la rénovation des infrastructures existantes. C’est de bon augure pour la cohésion de nos territoires. C’est également cohérent avec les jalons posés depuis plusieurs mois : rapport du Conseil d’orientation des infrastructures, Assises nationales de la mobilité, audit sur l’état de nos routes.

Je me réjouis que ce projet de loi de finances prévoie une hausse du plafond d’emplois de la Société du Canal Seine-Nord Europe. En 2018, cette société disposait d’un plafond d’emplois commun avec Voies navigables de France (VNF) : 13 emplois à temps plein lui étaient affectés. Pour 2019, 32 équivalents temps plein (ETP) supplémentaires lui sont affectés. C’est une étape importante et encourageante ! Néanmoins, nous demeurerons vigilants, notamment sur la manière dont l’État compte s’investir à l’avenir auprès des collectivités qui ont pris la direction de ce projet grâce à sa régionalisation.

Monsieur le rapporteur pour avis, je vous félicite pour la place que votre rapport accorde à l’intermodalité, par trop délaissée ces dernières années. En la matière, le Canal Seine-Nord offrira de nombreuses possibilités en modes ferré et fluvial.

Mais le bât blesse sur deux points : la méthode et les financements. Concernant la méthode, la logique aurait voulu que nous examinions le projet de loi d’orientation des mobilités avant ce projet de loi de finances. En matière de financement, le PLF présente les grandes masses, mais ne garantit pas les ressources affectées. Or ces recettes doivent être suffisantes pour financer les futurs projets.

Le projet de loi d’orientation des mobilités devra clarifier l’organisation de ces financements. En l’état actuel, le rapport annexé au projet de loi, qui a été porté à notre connaissance, ne prévoit pas la programmation et les échéances de chaque projet. J’espère que cette lacune sera corrigée.

Suite à la loi votée en juin dernier, la reprise de la dette de la Société nationale des chemins de fer français (SNCF) devrait avoir lieu dans un délai raisonnable. Tout doit désormais être mis en œuvre pour éviter de nouveaux dérapages. Le Parlement doit lui aussi veiller de près au respect de la nouvelle règle d’or qui y est inscrite.

La privatisation d’Aéroports de Paris affectera-t-elle les recettes du budget annexe « Contrôle et exploitation aériens » ?

Une provision de 9 millions d’euros est prévue dans le cadre du plan vélo pour financer le « forfait mobilité durable » destiné à la fonction publique d’État à partir de 2019. Outre cette somme, d’autres montants sont-ils prévus pour financer ce plan dans le budget, puisque le Gouvernement a annoncé une enveloppe de 350 millions d’euros sur sept ans ?

Enfin, nous nous réjouissons du succès de la prime à la conversion et des crédits afférents. Nous comprenons le choix fait par le Gouvernement d’alourdir la fiscalité sur le gazole et l’essence et de renforcer les aides à la conversion et les bonus. Néanmoins, on l’a déjà dit, ce raisonnement a ses limites en milieu rural.

La hausse des taxes, qui représentent environ 60 % du coût des carburants, est acceptable tant que le prix du baril de pétrole est contenu. Or ce n’est plus le cas depuis plusieurs mois. Croyez-moi, dans nos territoires ruraux, le véhicule électrique n’est pas la panacée pour des raisons évidentes de distance, d’infrastructures et de coût.

Voilà pourquoi, comme nous l’avons fait lors de l’examen de la première partie du projet de loi de finances, j’appelle l’attention de la majorité sur le fait que cette hausse ne se répercutera pas forcément sur les comportements des habitants, mais à coup sûr sur leur pouvoir d’achat.

M. Guillaume Garot. Je ferai un premier constat général.

Nous savons que nous nous éloignons, pour la dépasser, de la trajectoire de la stratégie nationale bas-carbone, et que nos émissions de gaz à effets de serre ont augmenté depuis 2016, alors que la tendance était à la baisse depuis 2005. Nous savons aussi que les trois secteurs les plus émetteurs de gaz à effet de serre sont le bâtiment, l’agriculture et les transports.

Dans la loi de transition énergétique pour la croissance verte, l’objectif était de baisser la consommation d’énergie de 20 % par rapport à 2012 à l’horizon 2030, mais celle-ci est repartie à la hausse en 2016 et en 2017, dans des proportions significatives.

Cela veut dire qu’un sursaut collectif est impératif.

Sur le plan financier, la taxe carbone a un rendement extraordinairement positif puisqu’en 2019, elle pourrait rapporter 2,8 milliards d’euros de plus qu’en 2018. Cela laisse quelques marges de manœuvre.

Dans ces conditions, on pourrait envisager d’inclure une composante carburant dans le « chèque énergie », pour dédommager, d’une certaine façon, les foyers qui n’ont pas le choix de leur transport. On pourrait aussi envisager d’investir dans le déploiement des bornes de recharge pour les véhicules électriques. Il est également indispensable d’investir sans tarder dans la mobilité douce, dès le budget 2019, c’est-à-dire dès l’année prochaine.

J’en viens maintenant aux interventions de nos rapporteurs pour avis.

Sur le routier, j’ai entendu des choses très positives dans le propos de M. Damien Pichereau. Quand cela va dans le bon sens, il faut le dire.

Le budget routier est en hausse, suite à la catastrophe de Gênes, ce qui est bienvenu. On ne peut que se réjouir lorsque des crédits nouveaux sont affectés à la rénovation du réseau routier.

Mais venons au transport routier en tant que secteur économique. Que fait-on aujourd’hui pour aider à la transition énergétique ? Quels leviers actionne-t-on pour favoriser la recherche, l’innovation, mais surtout l’investissement et l’acquisition des poids lourds basse consommation ou hybrides ? Je rappelle que dans le cadre du Plan Investissements d’Avenir (PIA), la mutation énergétique du secteur des transports n’est pas prise en considération. Il y a là sans doute un manque à combler.

Enfin, s’agissant de l’aérien hexagonal, il faudrait peut-être prévoir de mettre à plat notre fiscalité. En effet, on note des distorsions entre les modes de transport. Celles-ci font que le voyageur est tenté de choisir de voyager en avion, bien souvent moins cher que le train. Une remise à plat de la fiscalité pourrait permettre de mettre l’ensemble des transports sur un pied d’égalité. C’est une des suggestions que je voulais vous faire ce matin.

M. Loïc Prud’homme. Nous cherchons ici à utiliser et répartir au mieux l’argent public, mais une partie de cet argent public échappe au contrôle. Je fais ici référence à la « boîte noire » qu’est l’AFITF, mystérieux acronyme pour l’Agence de financement des infrastructures de transports de France, et son non moins mystérieux fonctionnement sur lequel j’aimerais attirer votre attention.

Il est intolérable que les parlementaires soient amenés à voter des crédits sans avoir aucune connaissance des projets qui seront financés, ou non, par l’AFITF ni à quelle hauteur. Nous faisons un chèque en blanc ! Pour preuve, le projet annuel de performance indique : « Il est précisé que les montants de fonds de concours attendus de l’AFITF constituent une estimation, le budget initial de l’établissement n’étant pas élaboré à la date de rédaction du présent Projet annuel de performance ». Nous devrions avoir un droit de regard sur l’affectation de ces fonds de concours. Qu’ils financent les lignes à grande vitesse ou le développement des transports collectifs, l’analyse et la critique diffèrent sensiblement.

J’aborderai ensuite la politique de conversion du parc automobile au tout électrique qui, selon moi, n’est pas suffisamment ambitieuse sur le plan écologique. Si elle vise à limiter les émissions de gaz à effets de serre, elle ne remet pas en cause le nombre de véhicules individuels en circulation. Or le nombre de ces véhicules est précisément au cœur des problèmes liés à la mobilité dans notre société.

En 2016, 2 millions de voitures électriques ont été vendues dans le monde, ce qui représente environ 2,3 % des 90 millions de voitures vendues au total. Si une bonne partie de la planète suit l’exemple de la France sur la conversion électrique du parc automobile, à partir de 2040, les ventes annuelles de voitures électriques atteindront probablement 40, 50, voire 80 millions.

On peut ainsi estimer qu’à l’horizon 2040, près de 530 millions de véhicules électriques seront en circulation dans le monde, c’est-à-dire 150 à 200 fois plus qu’aujourd’hui. Or actuellement, près de 35 % du lithium produit sur la planète sert d’ores et déjà à fabriquer des batteries. Une telle conversion risque d’épuiser cette ressource à très court terme, sans compter que la question du recyclage se pose aussi et que pour l’instant, la seule solution dont nous disposons consiste à exporter la pollution à l’étranger.

La belle image toute propre de la voiture électrique en prend un coup quand on réalise qu’elle finira disséquée, dans un pays du tiers-monde, par un enfant qui n’y gagnera sûrement rien d’autre qu’un cancer !

Quel est alors le sens de produire et d’organiser une transition écologique, dont la viabilité ne sera effective qu’une trentaine d’années ? Faut-il fonder toute notre organisation économique et sociale sur un modèle technologique qui sera obsolète au bout de trente ans ? Je ne pense pas que ce soit la solution.

Une vraie politique écologique de transition énergétique doit enfin prendre en compte la modification de nos habitudes de mobilité, et remettre en cause nos modèles de production, qui sont dépendants de ressources rares – comme le lithium, par exemple. Gouverner, c’est anticiper. Et anticiper la transition, cela s’appelle la planification écologique.

M. Hubert Wulfranc. De nombreuses choses intelligentes ont déjà été dites. Et bien que je ne sois pas un spécialiste, je souhaiterais attirer l’attention sur la voiture électrique.

On en parle beaucoup. Et il y a déjà quelque temps, avant M. Loïc Prud’homme, M. Carlos Tavares s’interrogeait sur la fabrication des batteries et leur recyclage, sur l’exploitation et l’approvisionnement en terres rares, et sur la nature de la source énergétique. Il est bon en effet de connaître l’origine de l’électricité que l’on produit. Mais on peut s’étonner que ces interrogations viennent d’un homme comme lui, dont l’objectif est d’électrifier ses voitures à 80 % quasiment pour 2022.

La voiture électrique est-elle la solution ? Oui, évidemment, pour la pollution atmosphérique – et encore. Oui, évidemment, pour le bruit. Mais d’autres questions se posent, liées aux moteurs, aux batteries, à l’arsenal électronique dont ces voitures sont bourrées, aux terres rares dont la consommation a explosé, aux industries d’extraction, de raffinage, de transformation et d’approvisionnement. En fin de compte, si j’en crois la presse, un kilowatt-heure de batterie produit 150 à 200 kilos de CO2. Cela fait tout de même beaucoup !

Outre les gaz à effet de serre qui persistent par rapport au bilan carbone global, des pollutions chimiques radioactives particulièrement graves et préoccupantes sont générées par les industries, là où l’on exploite les terres rares. Dans le premier bassin d’extraction en Chine, en Mongolie intérieure, la situation serait catastrophique. Je n’y ai pas mis les pieds, mais ça semble tout de même sévère ! Certes, la voiture électrique pollue beaucoup moins chez nous. Mais pas ailleurs…

Et ce n’est pas tout. La voiture électrique doit être rechargée. Son bilan carbone dépend du mode de production d’électricité : elle émet seulement 8 grammes de CO2 quand l’électricité vient du nucléaire, mais dix fois plus quand elle vient du charbon comme en Allemagne, et encore beaucoup plus quand elle est produite en Chine, qui se veut au premier rang de l’électro mobilité. Enfin, elle a peu d’autonomie et sa batterie est inutilisable en moins de dix ans.

Je ne suis pas un technicien, mais en résumé, un petit véhicule thermique serait mieux qu’un gros véhicule électrique !

Monsieur le rapporteur pour avis, j’aimerais que vous me donniez votre sentiment sur tous ces éléments, et que vous m’indiquiez les conséquences que l’on pourrait en tirer sur le calendrier et la nature de la transition écologique à mener dans la filière automobile.

M. Bertrand Pancher. Beaucoup de choses ayant été dites hier au cours de l’audition de la ministre des transports ; mes propos risquent de manquer d’originalité.

Je soulignerai à nouveau les efforts réalisés pour le budget du ministère des transports. Il était vraiment temps ! Après dix ans de baisses successives, de coupes sombres et de renonciations, ces augmentations de crédits nous permettront, non pas de régler le problème de l’entretien des infrastructures, des travaux à réaliser et de l’innovation dans le courant de l’année 2019, mais peut-être de nous engager dans une vraie stratégie de reconquête de la mobilité et de l’entretien de nos modes de transport.

Le redéploiement de 300 millions d’euros supplémentaires pour le transport, en lien logique avec les orientations du ministère, est de bon sens. Il est indispensable de soutenir les modes de transport utilisés au quotidien. Je soulignerai les efforts affichés, portant en même temps sur le ferroviaire, le routier et le fluvial, le maintien de la prime à la conversion sur les résultats de laquelle la ministre a beaucoup insisté hier, la création d’un Fonds national mobilité active dans le cadre du plan vélo, et les 40 millions supplémentaires à destination du rééquilibrage modal du transport.

Je tiens également à saluer les bonnes intuitions de nos rapporteurs pour avis et, dans le temps qui me reste, à les commenter.

Vous insistez beaucoup sur l’urgence de renforcer les dialogues entre les autorités organisatrices de mobilité. Il y a beaucoup de travail à faire dans ce domaine. Cela n’apparaît évidemment pas dans le cadre de ce budget, mais comment ne pas s’étonner que personne ne pose réellement la question de la poursuite de la décentralisation de nos politiques de transport ? Dans tous les pays extérieurs au nôtre, dans beaucoup de domaines, cela semble mieux fonctionner que chez nous.

Les régions ont un rôle pilote dans ce domaine, mais il y a encore énormément de « trous dans la raquette », notamment en milieu rural. Il faut pousser à l’élargissement des périmètres des autorités organisatrices de transport, soutenir davantage la mobilité en secteur rural et encourager l’innovation. Cela passe par des augmentations très sensibles du nombre d’appels à projets, d’expérimentations, comme celles qui ont été initiées cette année pour la première fois par le ministère des transports. C’est notamment le cas du financement ou des innovations pour le dernier kilomètre.

Enfin, le rapport insiste sur l’ouverture des données de transport. C’est un sujet très complexe. Soit on perd la maîtrise des données, qui repartent notamment vers des opérateurs internationaux, soit on fait en sorte que les grands opérateurs français travaillent ensemble pour maîtriser ces données. On a besoin de chefs de file en matière de publication et d’ouverture aux données de transports. Les régions, coordonnées sur le plan national, pourraient sans doute jouer ce rôle.

M. Damien Pichereau, rapporteur pour avis. Beaucoup de questions ont été posées, notamment sur le véhicule électrique. Vous remarquerez que je n’ai pas prôné, ni dans le rapport, ni dans mon discours d’aujourd’hui, son usage. C’est une technologie parmi d’autres, qui peut répondre à certains besoins de nos concitoyens.

J’ai entendu plusieurs remarques sur l’autonomie du véhicule électrique. C’est oublier que nous en sommes au lancement de la technologie. D’ores et déjà, des annonces ont été faites. Des constructeurs travaillent sur une autonomie de 600 à 800 kilomètres à l’horizon de deux ans. Celle des véhicules actuels est de 200 à 250 kilomètres – même avec un usage intensif, avec climatisation, autoradio, etc. C’est largement suffisant, au quotidien, pour l’extrême majorité de nos concitoyens.

Se pose évidemment le problème de la recharge. J’entends souvent que c’est un problème en milieu rural, mais je vous signale que c’en est un aussi en milieu urbain. Je viens de la ville du Mans, qui n’a pas de borne de recharge pour les véhicules électriques. Je dirais même que, dans la Sarthe, on a presque moins de soucis en milieu rural qu’en milieu urbain pour accéder à des bornes de recharge.

On observe par ailleurs l’apparition de nouveaux usages, par exemple l’auto-partage. Et certaines collectivités, qui installent des bornes de recharge, rentabilisent le système avec des véhicules en auto-partage. Cela permet de combler les zones blanches de mobilité, et à nos concitoyens d’utiliser ces véhicules électriques.

Certains ont par ailleurs pointé les problèmes posés par la production des batteries. Encore une fois, on est au début d’une technologie. Qu’auraient-ils dit il y a un siècle, quand on a commencé à lancer les véhicules thermiques essence ou gazole ! Car la pollution, c’était autre chose ! Mais on a laissé la technologie se développer.

Il faut être clair. Si on interdit aujourd’hui le véhicule électrique, avec quoi va-t-on continuer ? Avec l’essence et le gazole, qui polluent également ? L’ADEME a prouvé dans une récente étude qu’un véhicule électrique, même en prenant en compte le recyclage des batteries et la fabrication de celles-ci, polluait un tiers de moins que les autres. C’est un fait. Et je pense que la situation ira en s’améliorant, puisque les technologies vont elles-mêmes s'améliorer. Notamment, on utilisera moins de terres rares dans la fabrication des batteries.

Reste bien sûr la question du recyclage. Sur un véhicule électrique, la batterie est considérée comme étant hors-service lorsqu’elle arrive à 75 % environ de sa capacité totale. Mais elle a encore une capacité suffisante pour faire du stockage domestique. Elle pourra donc être utilisée par des éoliennes, voire dans des maisons – avec le smart grid, dans la smart city, ce qui suppose de revoir nos modes d’organisation.

Quoi qu’il en soit, ces batteries sont réutilisables. On ne les démonte pas forcément. On ne les envoie pas dans le tiers-monde pour être démontées par des enfants, comme je l’ai entendu dire – discours quelque peu démagogique.

Est-ce la seule énergie viable aujourd’hui ? Ce n’est pas sûr. Le véhicule hybride est totalement adapté. Il a mauvaise presse, notamment parce que les constructeurs qui l’ont développé jusqu’à maintenant ont installé, en complément du moteur électrique, des moteurs thermiques d’ancienne génération, qui émettaient et consommaient donc beaucoup de CO2. Ils l’ont fait pour baisser les coûts. Or aujourd’hui, le coût des batteries diminuant, le coût des moteurs électriques diminuant également, on pourra installer des moteurs thermiques de dernière génération qui consomment moins, qui émettent moins de CO2. L’hybride va s’améliorer, que ce soit en termes d’économies de carburant ou d’émissions de gaz à effet de serre.

M. Jean-Marc Zulesi a évoqué l’intermodalité. Il n’y a pas de ligne budgétaire qui lui soit consacrée, pour la simple et bonne raison que nous traitons ici d’infrastructures qui ne sont pas dédiées spécifiquement à l’intermodalité, mais qui relèvent de plusieurs lignes budgétaires. Figurent néanmoins, dans le programme 203, des indicateurs de part modale pour chaque mode de transport. On pourrait éventuellement les renforcer pour faire ressortir cette question de l’intermodalité et essayer, à partir de ces indicateurs, de voir comment moduler l’utilisation des différents types de transport par les usagers.

Mme Valérie Beauvais a souligné la dégradation du réseau local. Oui, cela semble être le cas. Aujourd’hui, on est dans le flou, par manque d’informations. Et avant même de penser aujourd’hui à mettre en place un dispositif pour aider les collectivités locales et les accompagner dans la régénération des réseaux, il conviendrait déjà de connaître l’état réel du réseau. Une démarche a été entamée en ce sens par le ministère, notamment avec l’Observatoire national de la route (ONR), le CEREMA et l’Institut des routes, des rues et des infrastructures pour la mobilité (IDRRIM), afin de mieux connaître l’état des routes départementales – on n’est même pas encore à l’échelon communal.

Je propose, et j’en ai d’ailleurs parlé tout à l’heure dans mon discours, qu’on centralise ces informations, au minimum au niveau de l’intercommunalité, pour avoir une visibilité sur l’état réel de notre réseau local. Malgré tout, j’ai confiance en nos maires, car je constate qu’ils font un excellent travail sur le territoire pour maintenir l’ensemble des routes au meilleur niveau possible. Et je pense qu’on peut les saluer et les en féliciter.

J’en viens à la hausse du prix du carburant qu’on a connue cette année, et qui est de 30 centimes, sur l’essence comme sur le gazole. Je rappelle que la hausse de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) que nous avons votée l’an dernier dans le PLF était d’un peu plus de 3 centimes sur l’essence et de 7 centimes sur le gazole, soit entre 10 % et 25 % de la hausse globale du carburant.

Le carburant va continuer à augmenter, non pas parce que les taxes vont continuer à augmenter…

Plusieurs députés. Si !

M. Damien Pichereau, rapporteur pour avis. Nous assumons totalement notre trajectoire d’augmentation des taxes. Mais la réalité, aujourd’hui, est que le pétrole se raréfie, qu’il va coûter de plus en plus cher à aller chercher, et que le prix du baril de pétrole va donc poursuivre sa hausse. À partir de là, on a le choix : continuer comme cela ; mettre en place des aides, qui coûteront de plus en plus cher et qu’on ne pourra pas toujours financer ; ou enfin, aider les Français à changer leur mode de déplacement, et les accompagner dans le renouvellement de leur parc roulant.

Je terminerai sur l’AFITF, sur laquelle j’ai entendu des propos assez aberrants. J’ai eu l’occasion de l’auditionner. Cette audition était d’ailleurs publique, monsieur Loïc Prud’homme, et vous y étiez le bienvenu, comme toujours. Je n’ai pas constaté que son fonctionnement était opaque, comme vous avez pu le dire. L’agence reçoit des fonds que l’on vote chaque année, et elle fait ce qu’on lui dit de faire.

Ensuite, la programmation a précisément été discutée au sein du Conseil d’orientation des infrastructures et on aura l’occasion d’en discuter pendant l’examen de la prochaine loi d’orientation des mobilités (LOM). Un rapport annexé portera en effet sur la programmation de ces infrastructures. Il n’y a rien d’opaque là-dedans.

L’AFITF travaille avec les régions comme avec l’État, et vous êtes le premier à évoquer l’opacité de son financement. Je dois dire qu’au cours de toutes les auditions que j’ai menées, on n’a jamais critiqué l’AFITF.

Mme Zivka Park, rapporteure pour avis. Monsieur Jean-Marc Zulesi, il n’existe pas de lien direct entre l’attractivité des aéroports et le budget, plus précisément le budget annexe « Contrôle et exploitation aériens ». En revanche, je pense qu’il y contribue indirectement, pour plusieurs raisons.

Ce budget respecte la trajectoire du désendettement. La situation du contrôle aérien est donc plutôt saine. Il permet d’investir à plusieurs niveaux : acquisition de nouvelles machines beaucoup plus innovantes en matière technologique, ce qui améliorera le guidage et la fluidité ; investissement en matière de sécurité, ce qui est l’aspect primordial du contrôle aérien. Il permet de subventionner l’ENAC, dont je vous ai parlé tout à l’heure, et de former chaque année nos contrôleurs aériens qui sont les garants de la fluidité du trafic et du bon déroulement des vols. On recrute aujourd’hui près de 90 contrôleurs aériens, ce qui n’est pas négligeable.

L’attractivité des aéroports peut se traduire par la baisse des redevances pour services terminaux de 20 %, qui a eu lieu en 2017. Il faut savoir aussi que la DGAC se prononce sur la certification les pistes. Elle contribue donc à la sécurité de nos aéroports.

Monsieur Guy Bricout, la privation d’ADP va-t-elle affecter les recettes de l’État ? Ma réponse est claire : c’est non. Un contrat de régulation économique, signé avec ADP, permet de mettre en place les redevances et d’en fixer le taux. Privatisation ou pas, en l’absence d’accord, c’est l’État qui fixera le taux des redevances.

Enfin, pour calculer la redevance de route, on utilise un algorithme européen, qui ne sera pas non plus affecté par la privation d’ADP.

Monsieur Guillaume Garot, vous avez évoqué une mise à plat de la fiscalité appliquée aux différents modes de transport. Vous avez raison, c’est une question que l’on peut se poser.

Il est important de rappeler que le budget annexe de la DGAC s’autofinance. Concrètement, il ne coûte rien au contribuable, sauf à ceux qui prennent l’avion – dont le nombre est loin d’être négligeable.

Quand on a commencé à développer les lignes TGV, comme Paris-Lyon, Paris‑Bordeaux ou Paris-Strasbourg, on a bien vu qu’au fur et à mesure, certaines lignes aériennes avaient fini par disparaître. Mais c’était plus lié à une question de durée de trajet qu’à une question de fiscalité : par exemple, depuis Paris, on pouvait arriver à Bordeaux aussi rapidement en train qu’en avion. En revanche, à partir d’un certain temps de trajet, on a tendance à privilégier l’avion par rapport au train.

Je pense que ce que vous avez suggéré tout à l’heure serait possible en France et peut-être en Europe, mais pas pour le long-courrier. D’ailleurs, faire un Paris-New-York en train, c’est un peu compliqué… Mais je suis bien évidemment ouverte à des échanges sur ces sujets de fiscalité.

M. Alain Perea. Madame la rapporteure pour avis, la ministre des transports nous a rappelé hier l’importance de désenclaver les territoires. La région Occitanie n’a toujours pas de ligne à grande vitesse (LGV) et n’en aura pas à bref délai. A-t-on prévu quelque chose pour les lignes concernées par les obligations de service public (OSP) afin d’aider au désenclavement de certains territoires ?

Monsieur le rapporteur pour avis, l’année dernière, nous avions réussi à débloquer une enveloppe afin d’accompagner le réseau des stations-services qui, dans les territoires ruraux, sont souvent multiservices. Il ne s’agissait pas de les aider à maintenir leur activité puisqu’on sait très bien quelle est notre trajectoire, mais de les aider à se reconvertir. Je trouve dommage d’investir des sommes importantes dans de nouveaux réseaux de distribution d’alimentation, quelle qu’elle soit, au détriment de ces services qui existent depuis de nombreuses années, et qui ont prouvé leur efficacité.

M. Martial Saddier. Nous assistons à une violence sans précédent de la ponction fiscale de nos concitoyens. Je pense évidemment – notamment mais pas seulement – à la ponction sur l’essence et le gazole.

Mes chers collègues, lorsque le baril est à 75 euros, cela donne un prix naturel du litre d’essence à 1,52 euro, dont 0,57 euro pour la production et la distribution et 0,93 euro pour la TVA, la TICPE et la TVA sur la TICPE.

Vous y avez rajouté 3,7 milliards en 2018 et programmé 2 milliards en 2019, et 14 milliards supplémentaires de ponctions dans la poche de nos concitoyens sur l’ensemble du mandat. C’est la valse des milliards en ce qui concerne les prélèvements, et vous venez de nous annoncer quelques millions supplémentaires sur le budget des transports !

Ma question est simple : où passe l’argent, où passent les dizaines de milliards prélevés dans la poche des Français sur le gazole et l’essence ?

Mme Danielle Brulebois. Madame la présidente, je voudrais féliciter nos excellents rapporteurs pour avis pour la qualité de leur rapport. Et je voudrais poser une question très précise sur le maillage en bornes électriques.

Pour atteindre les objectifs du rapport de M. Damien Pichereau, il va falloir multiplier les bornes de recharge. Pour cela, il faut des infrastructures bien identifiées. C’est fondamental pour les utilisateurs. Or il faut reconnaître que, pour le moment, trouver un point de recharge est loin d’être évident. Le maillage n’est pas du tout homogène, en particulier dans les territoires ruraux, où les bornes ne sont pas toujours compatibles avec tous les modèles.

En 2012, un appel à projets avait été lancé par l’ADEME, qui prévoyait un maillage des bornes – 45 000 bornes en 2020. Dans le Jura, par exemple, le maillage a commencé, avec le concours des collectivités, en particulier des communautés de communes. Mais il a été totalement abandonné ou, du moins, il est au point mort. Que préconisez-vous ? Comment allez-vous faire pour accroître la disponibilité et l’interopérabilité des bornes de recharge dans les territoires ruraux ?

M. Jean-Marie Sermier. Lorsqu’on a parlé des différentes sources d’énergie, on n’a pas parlé de l’hydrogène. Certains n’ont pas manqué de rappeler que l’utilisation de l’électricité n’était pas une stratégie à zéro pollution – laquelle n’existe pas. Mais l’utilisation de l’hydrogène est une stratégie à moindre pollution. L’hydrogène ne renvoie strictement aucun gaz à effet de serre dans l’atmosphère, ni aucun CO2.

Ne serait-il donc pas important de procéder comme le font plusieurs grands pays ? La Chine, qui a commencé en faisant tourner 500 véhicules à hydrogène, a prévu d’en faire tourner 5 000 en 2018, 50 000 en 2025 et un million en 2028. Ne serait-il pas temps de donner suffisamment de moyens à une filière susceptible d’apporter de la mobilité et de préserver le pouvoir d’achat de nos citoyens ?

M. Stéphane Demilly. Madame la rapporteure pour avis, vous consacrez une partie de votre rapport au groupe Airbus, fleuron de notre industrie. À juste titre, vous soulevez les nombreuses questions posées par le Brexit, dont celle de la certification des différents composants d’un aéronef, car les certifications britanniques pourraient ne plus être valables sur le continent européen.

Les représentants du groupe ont d’ailleurs indiqué qu’ils se préparaient à un Brexit « dur ». Quant à l’hypothèse de transférer sur le sol européen la production actuellement réalisée au Royaume-Uni, notamment à Filton, vous écrivez qu’Airbus préfère ne pas y songer, car cette activité emploie 15 000 personnes. Dans l’attente d’un accord, vous indiquez que le groupe constitue des stocks et qu’il s’agit là d’une solution très provisoire. À l’évidence, un Brexit « dur » ferait le bonheur du concurrent américain Boeing. Aussi, lors des auditions que vous avez conduites, les conséquences d’un tel scénario sur les plans économique et financier, mais aussi sur l’emploi, ont-elles été chiffrées ?

M. Gérard Menuel. L’impact environnemental des aéroports vient d’être évoqué, il a été bien identifié en proche proximité des aéroports, et des mesures particulières ont été adoptées. Cela n’a toutefois pas été le cas des périmètres plus éloignés, situés à des distances de 50 à 80 kilomètres.

Jamais on ne se préoccupe des points d’arrivée dits « Okipa », comme celui de Romilly-sur-Seine, qui a été déplacé il y a quelques années de plusieurs kilomètres et se trouve désormais en pleine agglomération, ce qui a des conséquences environnementales considérables. Il est donc souhaitable que la DGAC adopte une politique de proximité et d’information de la population afin que de telles situations ne se reproduisent pas.

M. Jean-Yves Bony. Les Français s’estiment rackettés au nom de la transition écologique, plus particulièrement ceux qui n’ont pas d’autre choix que d’utiliser leur véhicule, parce qu’ils habitent à la campagne ou n’ont pas accès aux transports en commun.

Force est de constater que le Gouvernement a prévu de prélever 55 milliards d’euros sur cinq ans sous couvert de transition écologique, alors que seulement 10 milliards seront effectivement consacrés à cette politique : où passe la différence ?

D’autre part, une prime conséquente est prévue pour le remplacement d’un véhicule ancien. Avez-vous pu vous pencher, monsieur le rapporteur pour avis, sur la question du devenir de ces véhicules ? Car il ne faudrait pas que le continent africain devienne la poubelle de notre pays, ce qui ne ferait que déplacer le problème.

Mme Pascale Boyer. Madame la rapporteure pour avis, vous indiquez dans votre rapport que 290 millions d’euros seront consacrés, dans le budget 2019, au contrôle et à l’investissement aériens, ce qui représente une augmentation puisqu’en 2018, 252 millions d’euros seulement y avaient été affectés.

Le transport aérien est un secteur économique en plein développement, qui peut s’inscrire dans un schéma global de mobilité adaptée aux bassins de vie au service de l’attractivité des territoires.

Des départements ruraux, voire ultra-ruraux, disposent d’infrastructures, qui sont à la charge des collectivités territoriales et dont la rénovation et l’extension suffiraient à favoriser le développement des lignes aériennes interne afin de désenclaver ces territoires.

À Gap par exemple, se trouve un petit aérodrome, susceptible de faire l’objet d’investissements pour assurer une liaison vers Paris. Des vols-tests entre Gap et Le Bourget sont d’ailleurs en cours.

M. Vincent Descoeur. Ma question porte sur les lignes aériennes intérieures dites d’aménagement du territoire qui bénéficient du concours de l’État, ce qui contribue à atténuer le déficit résultant de leur exploitation. Mme la ministre des transports a récemment annoncé un renforcement du soutien de l’État à ces dessertes intérieures qui pallient très souvent l’absence d’une desserte autoroutière. C’est le cas de la ligne Aurillac-Paris qui dessert le Cantal. Ma question est donc la suivante : comment cette annonce se traduit-elle dans le PLF 2019 ?

M. Gabriel Serville. Le rapport inquiétant relatif à l’état des routes et ouvrages d’art, remis à la ministre des transports, relève qu’un pont sur trois aurait besoin de réparations sur le réseau national non concédé au privé, et qu’il faudrait augmenter d’un tiers les investissements sur ce réseau pour faire face aux dégradations.

A contrario, je suis étonné par ce que je lis sous la plume de M. le rapporteur pour avis : « Peu d’ouvrages et de chaussées sont dans un état critique ». Je souhaite rappeler qu’en Guyane, un pont sur dix nécessite une intervention urgente, ce qui place ce territoire à l’avant-dernière place du classement national. On peut dès lors imaginer le pire, puisque 39 % des ponts de cette région n’ont pas été évalués.

Dans ces conditions, en quoi les dispositions budgétaires présentées pour 2019 sont-elles en mesure de rassurer les utilisateurs de ces ouvrages en leur garantissant qu’ils peuvent les emprunter sans se mettre en danger ?

M. Pierre Vatin. Les crédits proposés pour le ferroutage préfigurent-ils la loi d’orientation des mobilités (LOM) en ce qu’elle concernera les marchandises, ou ne seront-ils que la suite de ce qui se faisait jusqu’à présent, qui n’a manifestement pas mis un camion de plus sur le rail ?

Par ailleurs, l’« aide à la pince » sera-t-elle maintenue sur le long terme ?

Enfin, les réseaux capillaires fret sont laissés à la charge des régions, la SNCF apportant un très modeste complément, et l’AFITF participant à petites doses par le biais des contrats de plan État-régions (CPER).

Ne conviendrait-il pas, dans le cadre de la valorisation de l’intermodalité du transport de marchandises au plus près des besoins, de fournir une meilleure aide directe à la rénovation des capillaires afin d’éviter leur disparition, alors qu’il s’agit de voies indispensables à la vie économique de nos territoires et au maintien de l’emploi dans de nombreux domaines, au-delà de la seule industrie chimique ?

M. Jean-Pierre Vigier. Le désenclavement et le développement des territoires ruraux passent par l’amélioration et la modernisation des infrastructures routières ; or un retard considérable a été contracté, et beaucoup de travail reste à accomplir.

Les territoires ne peuvent être attractifs s’ils sont équipés de routes nationales à seulement une voie dans un sens et dans l’autre.

Il est urgent de se donner les moyens de développer ces régions. L’État doit être fortement présent dans ces territoires où il doit jouer son rôle d’aménageur ; il y va de la vie dans ces zones rurales.

Certes, les crédits consacrés aux routes sont en hausse, mais ce n’est pas suffisant. Je pose donc la question, madame et monsieur les rapporteurs pour avis : à quand un véritable budget à la hauteur de nos ambitions pour développer nos territoires ruraux ?

Mme Zivka Park, rapporteure pour avis. Deux questions principales m’ont été posées.

La première porte sur l’aménagement de notre territoire et son désenclavement, sujet crucial qui a été pris en compte par les Assises du transport aérien. Entendue à l’occasion des auditions que j’ai conduites, la compagnie Air France a indiqué que les obligations de service public (OSP) la conduisaient à exploiter des lignes déficitaires palliant le manque de liaisons par le train et la route.

Par ailleurs, la DGAC n’a pas pour rôle d’apporter un concours financier, mais son expertise sur le développement des lignes reliant les territoires. Cette problématique fait l’objet de l’attention de tous les groupes de travail actuellement à l’œuvre, particulièrement des Assises du transport aérien.

À M. Stéphane Demilly, je répondrai que la perspective du Brexit pose effectivement à Airbus le problème de la certification des pièces, qui ne sont pas moins de 40 000, ce qui augure de la complexité de la situation. La question des éventuels droits de douane ainsi que celle des personnels risquent elles aussi de se poser ; à partir du 29 mars prochain, nous n’avons aucune certitude et ne disposons d’aucun élément chiffré.

M. Damien Pichereau, rapporteur pour avis. Je partage l’avis de M. Alain Perea sur la nécessité d’accompagner le réseau des stations-service, qui souffrent de la révolution que constitue le passage du gazole à l’essence. Jusqu’à présent, leurs cuves à gazole étaient plus volumineuses que leurs cuves à essence, or elles ne sont pas interchangeables.

Je rappelle que, dans nos territoires, les stations-service sont souvent les derniers commerces, épiceries et dépôts de pain ouverts le dimanche. Le Fonds d’intervention pour les services, l’artisanat et le commerce (FISAC) les accompagne, bien que les crédits de ce fonds ne soient pas inscrits dans ce programme budgétaire. Nous devons cependant demeurer vigilants aux montants attribués par le FISAC ainsi qu’à leurs conditions d’attribution.

MM. Martial Saddier et Jean-Yves Bony ont à peu près posé la même question sur la TICPE et son fléchage. Cette taxe n’est pas assise sur l’infrastructure routière, elle n’est pas une taxe affectée ni une redevance, et comme toute taxe, elle alimente le budget général de l’État : elle sert à financer la santé, l’éducation, la défense, etc.

Mme Danielle Brulebois m’a interrogé sur le maillage territorial en bornes électriques. Le plan national « Bornes électriques de recharge », piloté par le préfet M. Francis Vuibert, porte précisément sur le déploiement de ces bornes. Je rappelle toutefois que l’installation de ces points de ravitaillement en bornes de recharge ne relève pas des missions de l’État ; les entreprises devront réfléchir à un business model afin de prendre à leur charge l’installation de cet équipement qui leur revient. La LOM devrait, je l’espère, supprimer certains freins à l’installation de ces bornes, que ce soit dans les copropriétés ou dans les entreprises, pour lesquelles cette installation entraîne une lourde procédure administrative.

Je suis d’accord avec M. Jean-Marie Sermier pour considérer que l’hydrogène est une bonne énergie, mais le coût des véhicules particuliers susceptibles de l’utiliser et actuellement disponibles sur le marché est estimé à 70 000 euros. Par ailleurs, à l’instar de l’énergie électrique, il faut être attentif à la façon dont l’hydrogène, qui n’est pas nécessairement synonyme d’énergie verte, est produit : en Allemagne, ce carburant est fabriqué à partir de gazole et de charbon notamment.

M. Jean-Yves Bony a posé une question très intéressante sur le devenir des véhicules dans le cadre de la prime à la conversion, que j’ai moi-même expérimentée pour mes parents. Au moment de la demande de cette prime, les intéressés sont tenus de fournir le certificat de destruction du véhicule par un centre agréé, ce qui signifie – et des contrôles sont réalisés – que le véhicule est démantelé sur le territoire français et que les pièces en bon état sont réutilisées. Les véhicules sont donc bien démantelés et dépollués en France et non en Afrique, même si une certaine fraude demeure inévitable malgré les contrôles.

À M. Gabriel Serville, je dirai que lorsque j’indique qu’un pont sur trois est dans un état critique alors que d’autres nécessitent des travaux urgents, c’est que nous établissons la distinction entre les travaux très urgents qui concernent les états extrêmement critiques et ceux qui devront être réalisés dans plusieurs années. En gros, c’est un ouvrage sur trois qui nécessitera des travaux dans les dix ans à venir.

En revanche, des disparités sont constatées en fonction des territoires. Ainsi l’ouest de la France – Bretagne et Pays de la Loire – est le bon élève, avec seulement 6 % des ponts en mauvais état, alors que ce taux s’élève à 26 % en Guyane parce que l’entretien n’a pas été réalisé au même rythme ; il faudra donc prendre en compte ces disparités.

C’est à juste titre que M. Pierre Vatin souligne l’importance des capillaires de fret ferroviaire. Ces réseaux doivent être rénovés, ce qui entre dans la politique de régénération de nos réseaux ferroviaires comme de nos réseaux routiers.

À M. Jean-Pierre Vigier, qui attend un budget à la hauteur de nos ambitions, je répondrai que le budget pour 2019 l’est bien plus que les précédents ! Nous avons une dette « grise » à combler, car bien des choses n’ont pas été faites par le passé. Les crédits à la route ont diminué et il faudra un peu de temps pour les relever parce que nous avons une équation budgétaire à respecter.

Mme Zivka Park, rapporteure pour avis. Je souhaite indiquer à nos collègues que s’ils n’ont posé que peu de questions sur le transport aérien, je demeure à leur disposition, tant ce sujet m’est cher puisque j’habite à quelques kilomètres de l’aéroport de Roissy.

Mme la présidente Barbara Pompili. Merci pour ce rappel, madame la rapporteure pour avis. Nous en venons maintenant à l’examen des amendements.

Article 39 et État B : Crédits du budget général

La commission examine l’amendement II-CD55 de M. Philippe Dunoyer.

Mme Zivka Park, rapporteure pour avis. Je m’exprimerai sous le contrôle de M. Yannick Haury, rapporteur pour avis sur les crédits « Paysages, eau et biodiversité ». La loi pour la reconquête de la biodiversité et le plan biodiversité ont tous deux identifié la préservation des coraux comme un enjeu majeur à la fois en termes de biodiversité et de lutte contre les effets des changements climatiques. L’adoption d’un plan d’action visant à protéger 75 % des récifs coralliens d’ici 2021 doit intervenir début 2019. À ce stade, sur les 10 millions d’euros de crédits supplémentaires affectés au plan biodiversité en 2019, 300 000 euros sont destinés à la protection des récifs coralliens et des écosystèmes marins. Au total, les fonds dévolus à la protection des récifs coralliens s’élèveront à 1 million d’euros en 2019. Dans la mesure où cet amendement majore ces crédits de 500 000 euros, l’avis est favorable.

La commission adopte l’amendement.

Article 40 : Budget annexe « Contrôle et exploitation aériens »

La commission émet un avis favorable à l’adoption des crédits du budget annexe « Contrôle et exploitation aériens ».

Article 41 et État D : Comptes d’affectation spéciale « Aides à l’acquisition de véhicules propres » et « Services nationaux de transport conventionnés de voyageurs »

La commission est saisie, en discussion commune, des amendements II-CD59 du rapporteur pour avis, II-CD53 de M. Matthieu Orphelin, II-CD49 de Mme Mathilde Panot et II-CD41 de M. Fabrice Brun.

M. Damien Pichereau, rapporteur pour avis. Cet amendement répond à quelques‑unes des questions qui m’ont été posées sur la nécessité de disposer de mobilités plus actives et de les soutenir.

Il vise à faire en sorte que la prime à la reconversion qui a pour objet d’aider au remplacement d’un véhicule ancien par un véhicule plus récent, plus économe en carburant et produisant moins de gaz à effet de serre, puisse aussi servir à l’acquisition de vélos électriques par exemple. En effet, dans les centres urbains ou périurbains, des gens choisissent de quitter la voiture et de recourir aux mobilités douces, et, pour leurs loisirs, de pratiquer l’autopartage.

Le Gouvernement pourrait ainsi modifier les conditions d’attribution de la prime à la conversion afin d’attribuer une aide à l’acquisition d’un vélo électrique, ce qui me semble constituer une démarche tout à fait louable.

M. Matthieu Orphelin. L’amendement du rapporteur pour avis est excellent. (Sourires.) Il adresse un signal fort sur les mobilités alternatives à la voiture.

Mon amendement vise à exclure l’achat de véhicules frappés de malus écologique de l’éligibilité de la prime à la conversion, ce qui permettrait à l’État de réaliser des économies et de les employer à des mesures telle celle proposée par le rapporteur pour avis.

Il permet aussi de sortir du paradoxe qui fait que l’on peut bénéficier d’une prime à la conversion alors que l’on achète un véhicule malussé ; or nous avons récemment constaté à quel point tous ces dispositifs manquaient de lisibilité.

Mme Mathilde Panot. Le plan « Vélo » qui a été présenté a été jugé décevant par les associations. Il est doté de 50 millions d’euros pendant cinq ans, soit 0,70 euro par an et par habitant, ce qui très faible comparé à certains pays du nord de l’Europe où 4 euros par an et par habitant sont alloués.

Nous considérons que la conversion du parc automobile au tout-électrique n’est pas une politique écologique suffisamment ambitieuse. En effet, si cette conversion vise à limiter les émissions de gaz à effet de serre, elle ne remet pas en cause le modèle de la voiture individuelle. Nous utilisons actuellement 35 % du lithium produit sur la planète pour fabriquer des batteries ; une telle reconversion risque d’épuiser les ressources à très court terme.

Ainsi, notre politique de conversion écologique est promise à une durée de vie d’une trentaine d’années ; nous retrouverons les mêmes impasses si nous ne développons pas d’autres modes de mobilité. Pour ce faire, nous proposons la création d’un nouveau programme « Soutien au plan Vélo » doté de 182 millions d’euros, car il me paraît indispensable d’aller dans cette voie.

M. Fabrice Brun. L’augmentation de la fiscalité sur les carburants représente 15 milliards d’euros prélevés dans la poche des Français. La question que se posent les parlementaires que nous sommes est de savoir ce qui revient de cette somme à nos concitoyens pour les accompagner vers la transition énergétique. À cet égard, nos collègues MM. Jean-Yves Bony et Martial Saddier ont bien planté le décor.

L’aide à l’acquisition de véhicules propres constitue une des réponses, même si elle est jugée insuffisante parce que partielle, car tout le monde ne dispose pas des moyens de changer sa voiture ou son vélo. Cette mesure n’est, par ailleurs, pas assez massive puisqu’elle ne concerne que 170 000 véhicules alors que notre pays compte 30 millions de voitures. Or les automobilistes continuent d’être matraqués par les prix à la pompe.

Mon amendement veut mettre l’accent sur les vélos à assistance électrique, vendus chaque année à 250 000 exemplaires en France contre 700 000 en Allemagne, en portant à 200 euros la prime à l’acquisition de ce moyen de transport, au lieu de 100 euros actuellement.

M. Damien Pichereau, rapporteur pour avis. Je concède à M. Matthieu Orphelin qu’il y avait en 2018 une incohérence, car des véhicules neufs frappés d’un malus écologique pouvaient être achetés grâce à la prime à la reconversion. Pour l’année 2019, il est prévu que cette prime ne concernera plus que les véhicules émettant moins de 117 grammes de CO2 par kilomètre, ce qui figure explicitement dans le bleu budgétaire, qui est un document public, consultable par chacun sur internet. Votre amendement me semble donc satisfait, et je vous suggère de le retirer.

L’amendement de Mme Mathilde Panot vise à affecter les recettes supplémentaires du malus automobile prévues pour 2019, qui sont en hausse de 47 % par rapport à l’année précédente, à une nouvelle ligne consacrée au soutien au plan « Vélo ».

Tout d’abord, je souhaite rappeler que le programme 791 « Aide à l’acquisition de véhicules propres », c’est-à-dire le bonus, contribue déjà au financement de l’aide à l’acquisition d’un vélo électrique, dans une limite de 100 euros.

Par ailleurs, je rappelle également que ce compte d’affectation spéciale est uniquement consacré à l’aide à l’acquisition de véhicules propres, comme l’indique son intitulé. Il ne peut donc financer l’intégralité des mesures du plan « Vélo », mais seulement soutenir nos concitoyens dans leur acquisition de véhicules plus respectueux de l’environnement, dont les vélos font partie.

Je vous rejoins, madame Mathilde Panot, dans la volonté de développer le recours aux mobilités propres et actives. Plutôt que de prélever des crédits sur le bonus et la prime à la conversion comme le propose votre amendement, mon amendement vise à élargir le champ de la prime à la conversion pour aider à l’acquisition d’un vélo ou d’un vélo électrique, en échange du retrait d’un véhicule polluant. C’est pourquoi je vous propose de retirer votre amendement au profit du mien.

Quant à votre amendement, monsieur Fabrice Brun, il vise à doubler le montant de l’aide à l’acquisition d’un vélo électrique, qui passerait de 100 à 200 euros, ce dont je vous félicite, car vous nous rejoignez dans ce combat. (Sourires.)

Comme je l’ai déjà dit, je partage la volonté d’augmenter les aides favorisant le développement de mobilités propres et actives ; c’est pourquoi mon amendement vise à octroyer une aide lors du retrait d’un véhicule polluant pour l’acquisition de vélos ou de vélos électriques. Ce point est important, car ces véhicules retirés de la circulation sont les plus polluants. Aussi me semble‑t-il moins pertinent de supprimer des crédits destinés à la prime à la conversion que d’élargir le champ des moyens de transport permettant de bénéficier de cette prime.

Par ailleurs, je rejoins votre souhait qu’en cas de hausse des recettes l’année prochaine suite à la soumission des pick-up au malus automobile, l’aide à l’acquisition d’un vélo à assistance électrique passe de 100 à 200 euros, en plus de l’extension de la prime à la conversion aux vélos électriques proposée par mon amendement.

Pour ces raisons, je vous demande de retirer votre amendement au profit du mien.

M. Pacôme Rupin. Je soutiens l’excellent amendement du rapporteur pour avis. Je considère que nous devons inciter de plus en plus fortement nos concitoyens à abandonner la propriété d’un véhicule quand ils le peuvent, ce qui n’est pas toujours possible, singulièrement en zone rurale. En revanche, dans les zones urbaines et périurbaines, les usagers délaissent de plus en plus la possession de véhicules particuliers au profit des nombreuses offres de mobilité qui leur sont offertes, qu’il s’agisse des transports en commun ou de la location de voiture lorsqu’ils en éprouvent le besoin.

M. Jean-Pierre Vigier. Je soutiens l’amendement de M. Fabrice Brun, même s’il n’est pas suffisant, car l’augmentation des taxes sur le diesel mettra à mal l’attractivité des territoires ruraux, où l’on prend sa voiture pour aller au travail, pour conduire les enfants à l’école et pour les loisirs. Pour éviter que les habitants de ces territoires ne puissent plus y demeurer et que la vie même ne finisse par en disparaître, il nous faut trouver des solutions propres à aider financièrement ceux qui sont obligés de s’y déplacer en voiture.

M. Matthieu Orphelin. Je remercie le rapporteur pour avis d’avoir rappelé que le compte d’affectation spéciale « Aide à l’acquisition de véhicules propres » prévoit que la prime à la conversion s’appliquera en 2019 aux véhicules émettant moins de 117 grammes de CO2 par kilomètre. Il est bon que nous mettions fin à l’incohérence passée et que nous disposions d’une mesure supplémentaire de nature à accélérer la transition énergétique.

Je retire donc mon amendement que je déposerai pour l’examen du texte en séance publique afin d’obtenir de façon certaine la confirmation du Gouvernement, car ce sujet mérite plus qu’une simple ligne dans un document budgétaire.

M. Fabrice Brun. Chacun est conscient que la voiture, quelle que soit sa forme, constitue l’outil numéro un de la mobilité en zone rurale ou périphérique, ce qui n’empêche pas que ces territoires offrent eux aussi des solutions. Ils ne manquent d’ailleurs pas d’imagination, puisqu’ils offrent des interconnexions de mode de transport doux en encourageant l’usage de la voiture et du vélo électriques, éventuellement associés à l’autopartage et aux transports en commun.

Il est vrai que la loi de finances nous contraint à fonctionner sous enveloppes constantes, mais enlever 100 euros de la prime à la voiture au profit du vélo revient à adresser un message positif au moment où le plan « Vélo » déçoit quelque peu. C’est pourquoi je maintiens mon amendement.

L’amendement II-CD53 est retiré.

La commission adopte l’amendement II-CD59.

En conséquence, les amendements II-CD49 et II-CD41 tombent.

La commission émet un avis favorable à l’adoption des crédits du compte d’affectation spéciale « Aides à l’acquisition de véhicules propres ».

Puis elle émet un avis favorable à l’adoption des crédits du compte d’affectation spéciale « Services nationaux de transport conventionnés de voyageurs ».

*

*     *

Lors de sa réunion du mercredi 31 octobre 2018, suivant l’avis favorable des rapporteurs pour avis M. Yannick Haury, M. Damien Pichereau, Mme Zivka Park, Mme Danielle Brulebois, Mme Jennifer De Temmerman et M. Jimmy Pahun, la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a émis un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Écologie, développement et mobilité durables », Mme Mathilde Panot, rapporteure pour avis, exprimant un avis défavorable.

 


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   Liste des personnes auditionnées

(par ordre chronologique)

Airbus

– M. Marc Hamy, directeur général Airbus, directeur de cabinet de M. Fabrice Brégier

– Mme Annick Perrimond – du Breuil, directrice des relations avec le Parlement

Easyjet

– M. François Bacchetta, directeur général

– Léo Cogos, consultant

Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires (ACNUSA)

– M. Gilles Leblanc, président

– Mme Agnès Brion Ducoux, membre

Air France

– M. Laurent Timsit, directeur des affaires institutionnelles et internationales

– Mme Patricia Manent, directrice adjointe des affaires publiques

Direction générale de l’aviation civile (DGAC)

– M. Patrick Gandil, directeur général de l’aviation civile

– M. Marc Borel, directeur du transport aérien

– M. Maurice Georges, directeur des services de la navigation aérienne

– Mme Marie Claire Dissler, secrétaire générale de la DGAC

Aéroports de Paris (AdP)

– M. Augustin de Romanet, président-directeur-général

– M. Henri-Michel Comet, directeur-général adjoint

– Mme Mélinda Souef, responsable des relations avec les institutions

Association de défense contre les nuisances aériennes (ADVOCNAR)

– Mme Françoise Brochot, présidente


([1]) Calculé par l’OACI (Organisation de l'aviation civile internationale), ce trafic inclut toutes les compagnies basées en Russie et en Turquie, même dans les parties asiatiques de ces pays, dans le Caucase et dans les Républiques d’Asie centrale (Kazakhstan, Ouzbékistan, etc.).

([2]) Rapport du groupe de travail sur la compétitivité du transport aérien français, présidé par M. Bruno Le Roux, 3 novembre 2014.

([3]) http://assnat.fr/TQ9u9O