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N° 1303

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

 

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 12 octobre 2018.

 

 

AVIS

 

 

PRÉSENTÉ

 

 

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L’ÉDUCATION SUR LE PROJET DE LOI de finances pour 2019,

 

 

TOME V

 

 

RECHERCHE ET ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR

ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR ET VIE ÉTUDIANTE

 

 

Par M. Philippe BERTA,

 

Député.

 

——

 

 

 

Voir les numéros :

Assemblée nationale :  1255, 1302 (annexe n° 34).

 


 

 

 


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SOMMAIRE

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Pages

Introduction

I. un budget de l’enseignement supÉrieur en lÉgÈre progression

A. programme 150 : formations supÉrieures et recherche universitaire

B. Programme 231 : vie étudiante

II. Pour une plus grande reconnaissance et un meilleur accompagnement des enseignants-chercheurs dans l’ensemble de leurs missions

A. Parmi les nombreuses missions des enseignants-chercheurs, la recherche tend À être la plus valorisÉe, au dÉtriment des autres missions

1. Des missions variées, dont le champ a été récemment élargi

2. La place prééminente de la recherche

B. Cette survalorisation de la recherche se double d’un accompagnement professionnel insuffisant

1. Une politique de ressources humaines inexistante

a. Un accompagnement insuffisant

b. Des difficultés dans le déroulement des carrières

2. Un suivi de carrière qui ne répond que partiellement à une double problématique

a. Un accompagnement professionnel au service des enseignants-chercheurs…

b. dont la pérennisation n’a pas résolu les faiblesses

C. mieux accompagner ET VALORISER les enseignants-chercheurs dans la rÉalisation de l’ensemble de leurs missions

1. Vers un meilleur accompagnement professionnel

a. La nécessité d’une auto-évaluation formative

b. La nécessité d’outils de développement professionnel continu

2. Pour des promotions plus justes

a. Des promotions inscrites dans un processus continu

b. Le principe de subsidiarité

TRAVAUX DE LA COMMISSION

I. Audition de la ministre

II. Examen des crédits

Annexe : liste des personnes entendues par le rapporteur

 


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   Introduction

Le budget de l’enseignement supérieur s’inscrit cette année dans la trajectoire dessinée par la loi de finances pour 2018. Les programmes 150 « Formations supérieures et recherche universitaire » et 231 « Vie étudiante » connaissent une hausse de 0,60 % en autorisations d’engagement et de 1,07 % en crédits de paiement, soit environ 100 millions et 170 millions d’euros respectivement, dans un contexte budgétaire extrêmement contraint, ce que le rapporteur tient à saluer. Cette hausse vise notamment à financer le plan licence, plan fondamental pour améliorer l’orientation et la réussite des étudiants en premier cycle, à créer une nouvelle bourse devant faciliter la mobilité des étudiants en première année d’études supérieures, et à revaloriser les carrières des agents.

Au-delà de l’examen des crédits consacrés à l’enseignement supérieur dans le projet de loi de finances pour 2019, le rapporteur a souhaité s’intéresser cette année aux carrières des enseignants-chercheurs, en recherchant les moyens de mieux valoriser leur accomplissement sur tout le spectre de leurs missions, et de leur assurer un accompagnement professionnel plus personnalisé. Les corps d’enseignants-chercheurs assument en effet des missions extrêmement vastes. Outre les tâches relatives à la pédagogie, à l’accompagnement des étudiants et à la recherche, il leur incombe notamment de contribuer à la diffusion des savoirs auprès du grand public et de valoriser les résultats de la recherche. C’est pourtant la qualité de la recherche qui est prise en compte, de manière presque exclusive, pour déterminer la progression des carrières. En parallèle, si l’accompagnement professionnel des enseignants-chercheurs a progressé grâce à la mise en place d’un suivi de carrière de mieux en mieux accepté par la communauté universitaire, celui-ci gagnerait à être étoffé à travers une meilleure prise en considération de l’investissement pédagogique des enseignants-chercheurs et une plus grande attention portée aux spécificités locales des établissements.

Afin de remédier à cette situation, le rapporteur suggère des pistes d’amélioration du dispositif de suivi de carrière, et formule des propositions afin de stimuler l’investissement des agents en matière pédagogique, dans le respect de l’identité professionnelle des enseignants-chercheurs et de leur indépendance, reconnue par le Conseil constitutionnel.

 

L’article 49 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances fixe au 10 octobre la date butoir pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires. À cette date, 99,9 % des réponses étaient parvenues.

 

 

 


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I.   un budget de l’enseignement supÉrieur en lÉgÈre progression

La loi de finances pour 2018 avait été marquée par une augmentation significative des crédits affectés à l’enseignement supérieur. Les programmes 150 et 231 de la mission « Recherche et enseignement supérieur », cumulés, avaient affiché une hausse de 1,11 % en autorisations d’engagement (AE) et de 1,38 % en crédits de paiement (CP), soit une augmentation d’environ 200 millions d’euros.

Le projet de loi de finances pour 2019 poursuit cette trajectoire. À périmètre inchangé, les programmes 150 et 231 connaissent une hausse de 0,60 % en AE et de 1,07 % en CP, soit d’environ 100 millions et 170 millions d’euros, respectivement.

Le rapporteur salue cet engagement réaffirmé du Gouvernement envers l’enseignement supérieur, dans un contexte budgétaire qui demeure contraint.

Il faudrait y ajouter les 212,5 millions d’euros en crédits de paiement figurant cette année au programme 421 « Soutien des progrès de l’enseignement et de la recherche » de la mission « Investissements d’avenir », en nette hausse par rapport aux 142,5 millions d’euros accordés en loi de finances initiale (LFI) pour 2018, dont :

– 12,5 millions d’euros attribués à la création de nouveaux cursus à l’université ;

– 35 millions d’euros pour les grandes universités de recherche ;

– 20 millions d’euros pour la constitution d’écoles universitaires de recherche ;

– 50 millions d’euros en soutien à des créations expérimentales de sociétés universitaires et scientifiques ;

– 20 millions d’euros en faveur de projets d’innovation pédagogique.

RÉCAPITULATION DES CRÉDITS PAR PROGRAMME

(en millions d’euros)

Numéro et intitulé du programme et du titre

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Ouvertes en LFI pour 2018

Demandées pour 2019

Ouverts en LFI pour 2018

Demandés pour 2019

150 – Formations supérieures et recherche universitaire

13 437,80

13 524,92

13 435,18

13 601,05

231 – Vie étudiante

2 694,50

2 704,59

2 698,86

2 705,98

TOTAL Enseignement supérieur

16 132,30

16 229,51

16 134,04

16 307,03

Source : Projet annuel de performances 2019 de la mission « Recherche et enseignement supérieur ».

A.   programme 150 : formations supÉrieures et recherche universitaire

Par rapport à la LFI pour 2018, les crédits du programme 150 passent, dans le projet de loi de finances pour 2019, de 13 437,80 à 13 524,92 millions d’euros en AE – soit une hausse, en valeur absolue, de 87,12 millions d’euros, et de 0,65 % en pourcentage – et de 13 435,18 à 13 601,05 millions d’euros en CP soit une hausse, en valeur absolue, de 165,87 millions d’euros, et de 1,23 % en pourcentage.

PROGRAMME 150 (MISSION « recherche et enseignement supÉrieur »)
VARIATIONS BUDGÉTAIRES (crÉdits demandÉs, en AE) 2018 / 2019

Numéro et intitulé de l’action concernée

(nomenclature 2019)

LFI 2018

(en millions d’euros)

PLF 2019

(en millions d’euros)

Variations constatées entre 2018 et 2019

01  Formation initiale et continue du baccalauréat à la licence

3 190,02

3 285,75

+ 3,0 %

02  Formation initiale et continue de niveau master

2 526,05

2 530,93

+ 0,19 %

03  Formation initiale et continue de niveau doctorat

373,89

374,97

+ 0,29 %

04  Établissements d’enseignement privés

79,90

81,90

+ 2,50 %

05  Bibliothèques et documentation

447,66

449,51

+ 0,41 %

13  Diffusion des savoirs et musées

116,92

125,36

+ 7,22 %

14  Immobilier

1 217,45

1 173,23

– 3,63 %

15  Pilotage et support du programme

1 561,18

1 565,35

+ 0,27 %

17  Recherche

3 924,74

3 937,90

+ 0,34 %

Total

13 437,80

13 524,92

+ 0,65 %

Source : Projet annuel de performances 2019 de la mission « Recherche et enseignement supérieur ».

Les crédits demandés au titre de ce programme 150 se répartissent de la manière suivante :

– L’action 1 « Formation initiale et continue du baccalauréat à la licence » finance la formation des premiers cycles de l’enseignement supérieur placés sous la tutelle du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche. Il vise donc à la fois à assurer une formation professionnelle répondant à un besoin de recrutement à un niveau d’assistant-ingénieur ou de cadre intermédiaire, et à permettre une poursuite d’études en master. Son financement passe, en autorisations d’engagement, de 3 190 millions à 3 286 millions d’euros, soit une hausse de 3,0 %.

Cette hausse tient compte de l’évolution de la démographie étudiante : plus de 25 000 places nouvelles ont été créées en licence à la rentrée 2018, dont 10 000 au cours de l’été. Pour la rentrée 2019, le ministère estime que 7 000 nouvelles places au minimum devront être créées en première année de licence. Si le flux des nouveaux entrants en première année de licence devait être moins important à la rentrée 2019 qu’à la rentrée 2018 – 2 100 nouveaux étudiants sont attendus –, il faudra également tenir compte des redoublements et des réorientations à l’issue de l’année universitaire, facilitées par la réforme de la licence, ainsi que de la tension sur les effectifs existant dans certaines filières.

Elle finance également la poursuite de la mise en œuvre du « Plan Étudiants », lancé le 30 octobre 2017 par le ministre de l’éducation nationale et la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche. La loi n° 2018-166 du 8 mars 2018 relative à l’orientation et à la réussite des étudiants a, en particulier, mis en place la nouvelle procédure d’affectation dans l’enseignement supérieur Parcoursup, prévoyant notamment un examen de chaque candidature par les établissements.

De plus, cette loi a créé une licence dite « sur mesure », soit personnalisée et modulable selon les besoins de chaque étudiant. La rentrée 2018 voit ainsi la mise en place des contrats de réussite pédagogique et la création de directeurs d’études. L’article 5 de l’arrêté du 30 juillet 2018 relatif au diplôme national de licence prévoit en effet que, dans le cadre de son inscription pédagogique, chaque étudiant conclut avec son établissement d’inscription un contrat pédagogique pour la réussite étudiante précisant son parcours de formation et les mesures d’accompagnement visant à favoriser sa réussite. Les directeurs d’études sont chargés du suivi de ces contrats ; ils jouent le rôle de référents auprès des étudiants et assurent l’interface avec les équipes pédagogiques et administratives. Il s’agit de replacer l’étudiant au cœur de son projet de formation en le faisant bénéficier d’un accompagnement personnalisé.

7,7 millions d’euros ont été octroyés en 2018 pour l’examen des dossiers soumis aux établissements dans le cadre de Parcoursup et le recrutement de directeurs d’études. Il est prévu, pour 2019, de porter ce montant à 13,1 millions d’euros.

Autre mesure du « Plan Étudiants » : assurer aux bacheliers ayant reçu une réponse conditionnelle à la suite de leurs vœux d’affectation sur Parcoursup des formations adaptées visant à les mettre au niveau des attendus (dispositifs dits « Oui si ») ; à titre d’exemple, l’université d’Aix-Marseille met en place en cette rentrée une année de mise à niveau en sciences pour les bacheliers issus de séries autres que la série scientifique. 8 millions d’euros ont été consacrés à ces dispositifs en 2018, et le PLF pour 2019 propose de les porter à 23 millions d’euros. Au-delà de ces dispositifs, les établissements sont invités à rénover leur pédagogie à travers le développement de la pédagogie par projet et le recours à des ressources numériques.

 Laction 2 « Formation initiale et continue de niveau master » assure le financement de la formation des étudiants inscrits en cycle master à l’université ou en école d’ingénieurs, soit, en 2017-2018, 732 900 étudiants, dont 574 100 à l’université. Les fonds qui y sont consacrés connaissent une légère hausse de 0,19 % par rapport à la LFI 2018, en AE comme en CP. Cette hausse porte principalement sur les crédits de fonctionnement des universités et des écoles d’ingénieurs, ainsi que de certains opérateurs : la Fondation nationale des sciences politiques et les instituts d’études politiques de province, les écoles normales supérieures et l’École des hautes études de santé publique notamment. Comme en 2018, 35 millions d’euros sont prévus pour compenser l’exonération des droits d’inscription pour les étudiants boursiers et pour les fonctionnaires stagiaires des écoles supérieures du professorat et de l’éducation (ESPE), et 4,5 millions d’euros sont destinés au financement des concours aux grandes écoles.

– L’action 3 « Formation initiale et continue de niveau doctorat » finance les études des doctorants, qui étaient au nombre de 73 500 en 2017-2018 ; 14 700 thèses ont été soutenues en 2017. Les doctorants réalisent leur parcours dans le cadre d’écoles doctorales accréditées par le Haut conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement (HCERES), et bénéficient, pour beaucoup, d’un contrat doctoral. Cette action affiche une hausse modérée de 0,29 % par rapport à la LFI pour 2018, aussi bien en AE qu’en CP, soit environ 1 million d’euros ; 373,90 millions d’euros y sont consacrés au total. Les crédits supplémentaires sont destinés à financer les salaires des personnels chargés de la formation doctorale.

 Laction 4 « Établissements d’enseignement privé » concentre les crédits destinés aux établissements d’enseignement supérieur privés contribuant aux missions du service public de l’enseignement supérieur et aux associations assurant la formation initiale des enseignants des établissements scolaires privés sous contrat. Les crédits de cette action passent, en AE comme en CP, de 79,90 millions à 81,90 millions d’euros entre la LFI pour 2018 et le PLF pour 2019, soit une hausse de 2,5 %. Ces crédits supplémentaires sont principalement destinés aux établissements d’enseignement supérieur privé d’intérêt général (EESPIG), qui reçoivent au total 71,9 millions d’euros.

Les établissements d’enseignement supérieur financés sont pour l’essentiel des EESPIG. La catégorie d’EESPIG, créée par la loi du 22 juillet 2013 relative à l’enseignement supérieur et à la recherche, distingue les établissements d’enseignement supérieur privés à but non lucratif participant aux missions de service public de l’enseignement supérieur ; la qualification d’EESPIG est accordée après évaluation par le HCERES, la commission des titres d’ingénieurs ou la commission d’évaluation des formations et diplômes de gestion. En 2018, huit nouveaux établissements ont obtenu la qualification d’EESPIG, dont le groupe ESC Troyes, Kedge Business School, Montpellier Business School et Sup de co La Rochelle. Au total, en 2018, 60 établissements d’enseignement supérieur privés ont bénéficié d’une subvention du MESRI, dont 54 EESPIG. Ils assurent la formation de 106 963 étudiants, soit environ 4 % des effectifs totaux d’étudiants dans l’enseignement supérieur.

En revanche, la subvention versée aux associations assurant la formation initiale des enseignants des établissements privés sous contrat, demeure stable par rapport à l’an dernier, pour un montant de 10 millions d’euros.

– L’action 5 « Bibliothèques et documentation » vise, pour l’essentiel, à financer les crédits de personnel et de fonctionnement des bibliothèques universitaires. Ses crédits passent cette année de 447,67 à 449,51 millions d’euros, soit une hausse de 0,41 %, en AE comme en CP. Cette hausse vise notamment à améliorer les conditions d’accueil des étudiants dans les bibliothèques à travers le plan « Bibliothèques ouvertes », auquel 2 millions d’euros sont consacrés ; l’objectif est de favoriser l’ouverture des bibliothèques universitaires en semaine de 19 à 22 heures, le samedi après-midi, le dimanche et pendant les périodes de révision. 34 dossiers ont débouché sur l’octroi d’une aide depuis le lancement de ce dispositif en 2016. À compter de 2018, l’effort est particulièrement orienté vers l’ouverture de bibliothèques universitaires le dimanche à Paris.

Cette action finance également la formation initiale des cadres des bibliothèques à travers l’École nationale supérieure des sciences de l’information et des bibliothèques, et la formation continue de ceux-ci, à travers les Centres régionaux de formation aux carrières des bibliothèques et les Unités régionales de formation à l’information scientifique et technique, ainsi que le Centre technique du livre de l’enseignement supérieur et l’Agence bibliographique de l’enseignement supérieur. Enfin, elle soutient l’initiative dite « Comité pour la science ouverte », nouvelle dénomination de la « bibliothèque scientifique numérique », qui vise à fournir aux acteurs de l’enseignement supérieur et de la recherche l’accès à une offre abondante de ressources scientifiques de qualité et répondant aux standards internationaux sous une forme numérique.

– L’action 13 « Diffusion des savoirs et musées », à laquelle 125,36 millions d’euros sont consacrés, est celle qui connaît la plus forte augmentation de ses crédits au sein de ce programme, à savoir 7,2 %, en AE comme en CP. Elle finance le fonctionnement de certains musées scientifiques nationaux – le Muséum national d’histoire naturelle, le musée des arts et métiers et le musée du quai Branly –, et des opérations d’informatisation et de mise en réseau des collections des musées scientifiques nationaux et des muséums d’histoire naturelle en région. Les crédits supplémentaires octroyés visent, pour la majeure partie, à assurer l’équilibre financier du Muséum national d’histoire naturelle, et notamment celui du Parc zoologique de Paris et du musée de l’Homme.

– L’action 14 « Immobilier » est la seule à subir une baisse de ses moyens au sein de ce programme : ceux-ci diminuent de 3,63 % en AE, pour un montant de 1 173 millions d’euros. En revanche, en CP, ses moyens passent de 1 216 à 1 249 millions d’euros, soit une hausse de 2,74 %. La baisse enregistrée en autorisations d’engagement s’impute en grande partie sur les opérations hors contrats de plan État-région, qui concernent notamment la remise en état du patrimoine immobilier du Muséum national d’histoire naturelle, la décontamination du laboratoire de recherche sur la radioactivité des Curie situé à Arcueil, la création du futur campus hospitalo-universitaire Nord du Grand Paris, qui doit réunir, sur un site unique à Saint-Ouen, les activités médico-chirurgicales des hôpitaux Bichat et Beaujon ainsi que l’Unité de formation et de recherche de Santé de l’Université Paris-Diderot, et la rénovation des locaux de l’Institut français d’archéologie orientale du Caire. La hausse des crédits de paiement concerne les contrats de plan État-région 2015‑2020, dont les crédits augmentent de 13,68 millions d’euros, et les opérations hors contrat de plan État-région, pour lesquels ils progressent de 20,65 millions d’euros. Cette action finance également les travaux de mise en sécurité des établissements d’enseignement supérieur et les opérations de désamiantage et de réhabilitation du site de Jussieu.

Outre ces moyens budgétaires, il convient de rappeler que l’« opération Campus », lancée en 2007 en faveur des campus universitaires, se poursuit. Elle est pourvue d’une dotation non-consomptible de 5 milliards d’euros, rémunérée à un taux de 4,03 %, qui a été répartie entre les établissements porteurs de projets. Dix sites représentant 39 universités, 37 écoles et les principaux organismes de recherche ont été sélectionnés en 2008 (Bordeaux, Grenoble, Lyon, Montpellier, Strasbourg, Toulouse, Aix-Marseille, campus Condorcet Paris-Aubervilliers, campus de Saclay et Paris-centre). Cette opération comprend, en outre, un milliard d’euros supplémentaires, intégralement consommable et confié à l’Agence nationale de la recherche, au bénéfice du plateau de Saclay.

– L’action 15 « Pilotage et support du programme » comprend les moyens consacrés au pilotage du système universitaire et des établissements, à la dimension internationale de l’enseignement supérieur – notamment les bourses de mobilité –, à la formation des personnels et au développement des technologies de l’information et de la communication. Elle finance ainsi les salaires des personnels en charge des fonctions support et du pilotage des établissements, et le fonctionnement de l’Agence de mutualisation des universités et établissements, de Campus France, du groupement d’intérêt public Erasmus +, du HCERES et du service inter-académique des examens et concours.

Les crédits de cette action affichent une hausse de 0,27 %, aussi bien en AE qu’en CP, qui s’impute surtout sur les crédits de masse salariale.

– L’action 17 « Recherche » vise à contribuer au développement de la recherche universitaire à travers le financement de cinq alliances thématiques : l’alliance nationale pour les sciences de la vie et de la santé (AVIESAN), l’alliance des sciences et technologies du numérique (ALLISTENE), l’alliance nationale de coordination de la recherche pour l’énergie (ANCRE), l’alliance dans le domaine de la recherche environnementale (ALLENVI) et l’alliance nationale des humanités, sciences humaines et sciences sociales (ATHENA). S’y ajoute une thématique liée à la recherche interdisciplinaire et transversale des objets scientifiques. Ces alliances visent à améliorer la coordination entre les acteurs d’un même champ de recherche afin d’accroître la performance, la visibilité et le rayonnement international de la recherche française. Leurs crédits augmentent de 0,34 %, aussi bien en AE qu’en CP, cette hausse portant intégralement sur leur masse salariale.

 

 


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B.   Programme 231 : vie étudiante

Par rapport à la LFI pour 2018, les crédits du programme 231 passent, dans le projet de loi de finances pour 2019, de 2 694,50 à 2 704,59 millions d’euros en AE – soit une hausse, en valeur absolue, de 10,10 millions d’euros, et de 0,37 % en pourcentage – et de 2 698,86 à 2 705,98 millions d’euros en CP, soit une hausse, en valeur absolue, de 7,12 millions d’euros, et de 0,26 % en pourcentage.

PROGRAMME 231 (MISSION « recherche et enseignement supÉrieur »)
VARIATIONS BUDGÉTAIRES (crÉdits demandÉs, en AE) 2018 / 2019

Numéro et intitulé de l’action concernée

(nomenclature 2019)

LFI 2018

(en millions d’euros)

PLF 2019

(en millions d’euros)

Variations constatées entre 2018 et 2019

01  Aides directes

2 266,22

2 259,47

– 0,30 %

02  Aides indirectes

270,52

284,74

+ 5,26 %

03  Santé des étudiants et activités associatives, culturelles et sportives

60,64

60,64

+ 0,00 %

04  Pilotage et animation du programme

97,13

99,75

+ 2,70 %

Total

2 694,50

2 704,59

+ 0,37 %

Source : Projet annuel de performances 2019 de la mission « Recherche et enseignement supérieur ».

Si le rapporteur salue cette hausse, il souhaite rappeler que certaines mesures d’amélioration de la vie des étudiants sont intervenues en dehors du champ de ce programme. La rentrée 2018 a ainsi été marquée par la suppression de la sécurité sociale étudiante ; les nouveaux étudiants sont désormais rattachés au régime général et ne paient donc plus la cotisation de sécurité sociale étudiante, qui s’élevait à 217 euros en 2017-2018. Cette mesure concernera l’ensemble des étudiants à la rentrée 2019. En parallèle, la mise en place d’une contribution vie étudiante et de campus (CVEC), d’un montant de 90 euros par an, doit permettre d’investir 100 millions d’euros supplémentaires dans les politiques de prévention et d’accès aux soins dans les universités et d’ouvrir au plus grand nombre la pratique sportive et l’accès à la culture. Au total, à la rentrée 2018, 130 millions d’euros de pouvoir d’achat ont été rendus aux étudiants.

Enfin, depuis le 24 mai 2018, le dispositif de cautionnement locatif gratuit VISALE, financé par le groupe Action Logement, a été étendu à l’ensemble des étudiants âgés de 18 à 30 ans, qu’ils soient rattachés au foyer fiscal de leurs parents ou non, pour les logements du parc privé comme pour ceux proposés par les résidences universitaires. Le montant de loyer garanti est désormais de 600 euros hors Île-de-France et de 800 euros en Île-de-France.

Les crédits demandés au titre du programme 231 se répartissent de la manière suivante :

– L’action 1 « Aides directes » regroupe l’ensemble des crédits relatifs aux aides directes aux étudiants. Ses crédits affichent une légère baisse de 0,30 %, en AE comme en CP, supportée par les dépenses d’intervention. Cette baisse masque des évolutions contrastées des montants accordés pour les différents types de bourses :

L’aide à la recherche du premier emploi (ARPE) et sa suppression dans le PLF pour 2019

L’ARPE, créée à la rentrée 2016 ([1]), est réservée, sous certaines conditions, aux personnes ayant obtenu un diplôme de l’enseignement scolaire ou supérieur à finalité professionnelle par la voie de la formation initiale, sous réserve d’avoir perçu une bourse nationale du second degré, une bourse de l’enseignement supérieur ou une allocation annuelle de l’enseignement supérieur au cours de leur dernière année de préparation de ce diplôme, et aux personnes ayant obtenu leur diplôme par la voie de l’apprentissage, sous conditions de ressources équivalentes à celles permettant de bénéficier des bourses nationales du second degré ou des bourses de l’enseignement supérieur. Elle est accordée pour une durée maximale de quatre mois. Son montant est de 200 euros par mois pour les diplômés de l’enseignement scolaire et de 300 euros par mois pour les anciens apprentis ; pour les diplômés de l’enseignement supérieur n’ayant pas suivi la voie de l’apprentissage, son montant correspond à celui de la bourse sur critères sociaux ou de l’allocation annuelle perçue au cours de la dernière année de préparation du diplôme. Des crédits d’un montant de 43 millions d’euros ont été accordés au titre de cette aide dans le PLF pour 2018.

L’article 78 du projet de loi de finances pour 2019 prévoit la suppression de cette aide pour les demandeurs ayant obtenu leur diplôme après le 31 décembre 2018, en faveur de la création de la nouvelle bourse « mobilité » et d’une extension à venir de la Garantie Jeunes.

Les aides spécifiques regroupent l’aide ponctuelle, à destination de tous les étudiants, boursiers ou non, d’un montant maximal de 200 euros, l’allocation annuelle, qui est accordée aux étudiants rencontrant des difficultés pérennes et qui ne remplissent pas les conditions d’attribution des bourses sur critères sociaux, d’un montant compris entre 200 et 1 000 euros, et la nouvelle « bourse mobilité », mise en place à la rentrée 2018. Celle-ci vise à soutenir les bacheliers ayant accepté, à l’issue de la procédure Parcoursup, une proposition d’inscription du recteur impliquant une mobilité géographique ([2]). Saisi par le recteur de cette proposition, le centre régional des œuvres universitaires et scolaires (CROUS) de son académie d’origine informe l’étudiant de la possibilité de déposer une demande d’aide ; celle-ci est accordée en fonction de la situation de l’étudiant, et versée en une seule fois. Son montant est compris entre 200 et 1 000 euros.

– L’action 2 « Aides indirectes » concerne le logement étudiant et les services de restauration universitaire gérés par le réseau des œuvres universitaires. Ses crédits augmentent de 5,26 % en AE et de 4,09 % en CP. Cette hausse est surtout liée à la fonctionnarisation des personnels ouvriers du réseau des œuvres universitaires, dont les crédits passent d’1,27 à 15,49 millions d’euros.

Sur le sujet de la restauration universitaire, le rapporteur souhaite souligner que le tarif de 3,25 euros par repas, fixé à la rentrée 2015, a été reconduit à la rentrée 2018.

De plus, dans la continuité du Plan 40 000 logements, déployé de 2013 à 2017, qui a effectivement permis la création de 40 000 logements étudiants supplémentaires en cinq ans, le Gouvernement s’est engagé sur un objectif de 60 000 nouveaux logements étudiants d’ici à 2022. Les créations sont surtout prévues dans les grandes agglomérations, où la pression en matière de logement étudiant est la plus forte (Île-de-France, Lyon, Bordeaux, Montpellier, Grenoble, Toulouse, Marseille). Les critères d’éligibilité utilisés pour le « Plan 40 000 », à savoir les logements à caractère social construits dans le cadre d’opérations ayant bénéficié d’un prêt locatif social ou d’un prêt locatif à usage social de la part de l’État, sont reconduits, mais se voient adjoindre d’autres critères afin que le vivier des logements éligibles soit élargi ; ceux-ci devront toutefois répondre à des conditions en termes de niveau de loyer ou de redevance. Les places nouvelles livrées entre le 1er janvier 2018 et le 31 décembre 2022 seront prises en compte : 22 000 places dont la livraison a eu lieu ou est prévue entre le 1er janvier 2018 et le 31 décembre 2020 ont d’ores et déjà été recensées.

– L’action 3 « Santé des étudiants et activités associatives, culturelles et sportives » finance les 26 services universitaires ou inter-universitaires de médecine préventive et de promotion de la santé. Ceux-ci sont notamment chargés d’effectuer, au cours des trois premières années d’études dans l’enseignement supérieur de chaque étudiant, un examen de santé dans le cadre d’une visite médicale, de contribuer à l’accompagnement et à l’intégration des étudiants en situation de handicap et de mener des campagnes de prévention portant sur la santé sexuelle, les conduites addictives, la nutrition et le stress en particulier.

Cette action finance aussi le fonctionnement des services universitaires et inter-universitaires d’activités physiques et sportives, des services culturels des universités, des associations étudiantes et des mesures d’accompagnement des étudiants en situation de handicap et de mise en accessibilité des établissements.

Ses crédits, de 60,64 millions d’euros en AE et en CP, demeurent identiques à ceux votés en LFI pour 2018, de même que leur répartition entre dépenses de fonctionnement et d’intervention.

– L’action 4 « Pilotage et animation du programme » réunit les moyens du réseau des œuvres universitaires. Elle finance le centre national des œuvres universitaires et sociales (CNOUS) et le réseau des CROUS, ainsi que l’Observatoire de la vie étudiante (OVE). Concernant les CROUS, le CNOUS a entrepris une modernisation de leur gestion, passant par la rénovation de leurs outils informatiques et de leur système d’information. Le prochain contrat d’objectifs et de performance (COP) 2019-2022 doit mettre l’accent sur le partenariat avec les universités dans le cadre des politiques de site et sur l’engagement du réseau à améliorer sa performance, à travers une plus grande maîtrise des coûts et le développement de mutualisations entre CROUS. Adossé au CNOUS, l’OVE est chargé de fournir des données sur les conditions de vie des étudiants et sur la manière dont ils appréhendent le déroulement de leurs études.

Les moyens de cette action connaissent une hausse de 2,70 %, aussi bien en AE qu’en CP. Cette hausse correspond à la prise en charge de la hausse de la contribution sociale généralisée et au financement du protocole « Parcours professionnel, carrières et rémunérations » (PPCR) ([3]) des personnels administratifs du réseau des œuvres universitaires.

 

 


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II.   Pour une plus grande reconnaissance et un meilleur accompagnement des enseignants-chercheurs dans l’ensemble de leurs missions

Respecter l’indépendance fondamentale des enseignants-chercheurs, tout en permettant une progression de carrière sur des critères légitimes pour la communauté, est une équation complexe. La crainte de voir cet équilibre remis en cause a généré de nombreuses crispations autour des notions d’évaluation, d’accompagnement ou de suivi, lorsque la question a été placée à l’agenda.

Il en résulte une situation faiblement satisfaisante. Le métier d’enseignant-chercheur est, selon les termes de la loi, multidimensionnel : recherche, enseignement, diffusion des connaissances, international, administration… Or la seule approche évaluative existante, permettant à l’enseignant-chercheur d’être reconnu et valorisé dans ses compétences, concerne la recherche.

Et encore, cette appréciation s’effectuait jusqu’à récemment uniquement sur une base volontaire, à l’occasion de demandes de promotion. Si les chercheurs dépendant des divers établissements publics à caractère scientifique et technologique sont tenus de présenter un rapport sur leur activité tous les deux ans, les enseignants-chercheurs ne disposent pas d’un outil de suivi comparable. Leur activité ne fait l’objet d’une évaluation que dans les circonstances particulières que constitue une demande de promotion, de mutation, de prime ou encore de congé de conversion. Ainsi, en 2016, un tiers des enseignants-chercheurs n’avaient été l’objet d’aucun suivi au cours des cinq années précédentes.  Avant la mise en place du suivi de carrière, un enseignant-chercheur pouvait donc ne jamais bénéficier d’un regard extérieur sur son activité durant la totalité de sa carrière. S’il en bénéficiait, cela portait uniquement sur le volet recherche, plus propice à une approche quantitative.

Le suivi de carrière, instauré en 2014, a amorcé un virage significatif. Bien qu’il demeure insuffisant pour remplir pleinement son office d’outil au service du développement professionnel des enseignants-chercheurs, il ouvre le champ des possibles.

Or des exemples étrangers et des travaux de recherche montrent une autre voie possible, soucieuse de l’indépendance de la profession et de la reconnaissance des compétences de chacun, sur un spectre incluant l’ensemble des missions dévolues à l’enseignant-chercheur. Reposant sur la confiance et la responsabilisation des acteurs, ce modèle promeut l’auto-évaluation et la bonne répartition des compétences entre les établissements universitaires et le Conseil national des universités.

A.   Parmi les nombreuses missions des enseignants-chercheurs, la recherche tend À être la plus valorisÉe, au dÉtriment des autres missions

1.   Des missions variées, dont le champ a été récemment élargi

La spécificité et la richesse du métier des enseignants-chercheurs résident dans la capacité de ceux-ci à accomplir des missions très variées, au point qu’ils peuvent être qualifiés de « couteaux suisses ». Ils incarnent en effet un lien fondamental entre la production et la transmission et la diffusion de connaissances, entre l’administration d’un établissement et son rayonnement international, entre le savoir fondamental et son application industrielle.

L’article L. 952-3 du code de l’éducation dresse la liste des missions des enseignants-chercheurs. Selon ses termes, leurs fonctions s’exercent dans les domaines suivants :

– L’enseignement, dans la formation initiale comme continue, complété par des activités de tutorat, d’aide à l’orientation, de conseil aux étudiants et de contrôle des connaissances, incluant la participation à des jurys ;

– la recherche ;

– la diffusion des connaissances et la liaison avec l’environnement économique, social et culturel ;

– la coopération internationale ;

– l’administration et la gestion de l’établissement.

Il précise que les professeurs ont la responsabilité principale de la préparation des programmes, de l’orientation des étudiants et de la coordination des équipes pédagogiques.

Ces missions reçoivent certaines précisions à l’article L. 123-3 du code de l’éducation, qui définit les missions du service public de l’enseignement supérieur, et à l’article L. 112-1 du code de la recherche, qui énonce les objectifs de la recherche publique. L’article L. 123-3 du code de l’éducation prévoit ainsi que font partie des missions du service public de l’enseignement supérieur :

– la recherche scientifique et technologique, la diffusion et la valorisation de ses résultats au service de la société, à travers le développement de l’innovation, du transfert de technologie, de la capacité d’expertise et d’appui aux associations et fondations reconnues d’utilité publique, et à certaines politiques publiques ;

– la promotion sociale et l’insertion professionnelle ;

– la participation à la construction de l’Espace européen de l’enseignement supérieur et de la recherche.

L’article L. 112-1 du code de la recherche énonce, parmi les missions de la recherche publique :

– la formation à la recherche et par la recherche ;

– l’organisation de l’accès libre aux données scientifiques.

Le décret n° 84-431 du 6 juin 1984 fixant les dispositions statutaires communes applicables aux enseignants-chercheurs et portant statut particulier du corps des professeurs des universités et du corps des maîtres de conférences précise encore ces missions.

On le voit, le champ des missions des enseignants-chercheurs est très large ([4]). L’article 1er de la loi  2018-166 du 8 mars 2018 relative à l’orientation et à la réussite des étudiants l’a récemment élargi en prévoyant que la procédure nationale de préinscription des nouveaux étudiants en premier cycle universitaire comprend un dispositif d’information et d’orientation mis en place par les établissements d’enseignement supérieur sur les caractéristiques de chaque formation, et que les équipes pédagogiques de ces derniers procèdent à l’examen des candidatures. En outre, cette loi a également prévu la mise en place de dispositifs d’accompagnement pédagogique pour certains étudiants.

Le rapporteur souligne l’importance de l’ensemble de ces missions, dont aucune ne peut prévaloir, par essence, sur les autres. Ne retenons que deux exemples :

– L’enseignement, l’accompagnement et l’orientation des étudiants. La loi  2018-166 du 8 mars 2018 relative à l'orientation et à la réussite des étudiants et, plus généralement, le plan licence visent à remédier à un constat accablant : un taux d’échec de plus de 60 % en première année de licence. Une logique de parcours personnalisé et modulaire est, pour cela, introduite. Or, le rôle d’accompagnement et d’orientation de l’enseignant-chercheur est crucial pour l’atteinte de ces objectifs. Lors de son audition, l’Union nationale des étudiants de France (UNEF) pointait notamment la nécessité de renforcer les temps d’échange et d’accompagnement des étudiants de première année et, plus généralement, de niveau licence. Le rapporteur partage ce souhait, ainsi qu’une vision positive du contrôle continu appelant une charge de travail supplémentaire. Il souligne, par ailleurs, les avantages des innovations pédagogiques pour les étudiants. Cette mission d’enseignement, d’accompagnement et d’orientation des étudiants est fondamentale et requiert un investissement majeur des enseignants-chercheurs qui doit être reconnu ;

– Il en va de même pour la diffusion des connaissances hors les murs. Le développement de la culture scientifique, technique et industrielle est par exemple un défi majeur de société́ à une époque où l’on assiste à un regain du scepticisme face à la science et à l’expansion de discours anxiogènes et de manipulations, sans fondement scientifique. Un défi de société́ se présente également lorsque l’on constate une désaffection des filières scientifiques, alors que ces voies s’accompagnent d’une employabilité sans égal, et forment la source de notre développement économique de demain. Et qui, mieux que l’enseignant-chercheur, peut mener cet important travail de vulgarisation ?

2.   La place prééminente de la recherche

Pourtant, parmi la diversité des facettes du métier d’enseignant-chercheur, la recherche occupe une place prééminente, sinon exclusive, dès lors qu’il s’agit d’être reconnu par ses pairs ou de progresser dans sa carrière. La qualité de la recherche demeure, en effet, le premier critère d’évaluation et de sélection des enseignants-chercheurs lors de leur recrutement et de leur promotion, ou lors de l’attribution de la prime d’encadrement doctoral et de recherche (PEDR).

Plusieurs des personnalités entendues ont tenu à souligner que ce constat s’appliquait aussi bien aux promotions dites « nationales » qu’aux promotions dites « locales ». La moitié des promotions s’effectue, en effet, sur proposition de la section compétente du Conseil national des universités (CNU), tandis que l’autre moitié s’effectue au sein des établissements sur proposition du conseil académique. Si la prééminence du critère de la recherche dans les promotions issues du CNU peut s’expliquer par une faible visibilité des autres types d’activités des enseignants-chercheurs au sein des établissements, il n’en va pas de même pour les promotions internes. Alors que certains établissements élargissent le champ des compétences valorisées, les auditions ont révélé que beaucoup d’entre eux reproduisent en leur sein les critères du CNU.

Cette prééminence de l’activité de recherche est renforcée par le contexte de concurrence internationale des établissements universitaires, dont la multiplication des classements depuis le début des années 2000 constitue le symptôme le plus visible ([5]). De fait, ces classements sont, de manière essentielle, voire exclusive, déterminés par le niveau de l’activité de recherche des établissements. Il en découle, pour les établissements soucieux d’assurer leur place internationale, une focalisation sur leurs activités de recherche.

Les transformations récentes des modalités de la recherche conduisent également les enseignants-chercheurs à consacrer à celle-ci une part croissante de leur activité. L’accroissement de la part des financements octroyés à l’issue d’appels d’offres compétitifs, dans le cadre national, à travers les projets financés par l’Agence nationale de la recherche (ANR) ou dans le cadre du programme d’investissements d’avenir (PIA), et dans le cadre européen, à travers les programmes-cadres pour la recherche et le développement (PCRD), ainsi que la fréquente nécessité d’obtenir des financements complémentaires, ont entraîné un alourdissement des procédures. Il en résulte que les enseignants-chercheurs sont amenés à attribuer un temps croissant à leur activité de recherche, ce qui réduit d’autant celui qu’ils peuvent consacrer à leurs autres missions.

De plus, tout comme les chercheurs, les enseignants-chercheurs sont engagés dans une course à la publication, occultant la palette très étendue des missions qui leur sont confiées. En effet, la qualité de la recherche est de plus en plus souvent mesurée, en particulier dans les sciences « dures », à l’aide d’indicateurs bibliométriques dits metrics, qui reposent sur le nombre de publications, le nombre de citations de celles-ci dans d’autres publications et la notoriété des revues où elles paraissent ([6]). Un effet pervers de cette tendance est que la quantité de publications tend à devenir un indicateur de leur qualité, entraînant une course à la publication dénoncée par le slogan Publish or perish (« Publier ou périr ») et conduisant à des dérives éthiques récemment rapportées. La survalorisation relative de la recherche par rapport aux autres activités des enseignants-chercheurs n’en est que renforcée, d’autant que cette approche quantitative revêt les apparences de l’impartialité.

Enfin, la primauté accordée à la recherche se traduit également en matière indemnitaire. La PEDR, qui récompense les enseignants-chercheurs menant une activité scientifique d’un niveau élevé, ayant réalisé une contribution exceptionnelle à la recherche ou ayant obtenu certaines distinctions scientifiques et ceux placés en délégation auprès de l’Institut universitaire de France, varie entre 3 500 et 25 000 euros ([7]), quand le montant de la prime de responsabilités pédagogiques, qui rémunère des responsabilités pédagogiques spécifiques exercées en sus des obligations de service, varie entre 490 et 3 900 euros environ ([8]).

En conséquence, comme l’indique le rapport de l’inspection générale de l’administration de l’Éducation nationale et de la recherche sur « le recrutement, le déroulement de carrière et la formation des enseignants-chercheurs » publié en septembre 2015, certains maîtres de conférences récemment nommés reçoivent de leurs collègues plus anciens le conseil de ne pas trop s’investir dans leurs activités d’enseignement et de privilégier leur recherche, dans l’intérêt de leur carrière ([9]).

Parmi les activités des enseignants-chercheurs, un déséquilibre très net en faveur de la recherche se fait donc jour. S’il est bien évident que la recherche doit demeurer une activité essentielle des enseignants-chercheurs, et que sa qualité doit être prise en compte dans les promotions, il apparaît néanmoins indispensable de rééquilibrer la balance en faveur de leurs autres activités, en particulier l’enseignement, la pédagogie et la valorisation.

B.   Cette survalorisation de la recherche se double d’un accompagnement professionnel insuffisant

La reconnaissance n’est pas qu’affaire de critères, elle est aussi question de processus. Or, outre le biais de la recherche qui prédomine dans l’appréciation de la carrière d’un enseignant-chercheur, on observe l’absence d’un processus satisfaisant de reconnaissance et d’accompagnement de l’enseignant-chercheur dans sa réalisation professionnelle.

1.   Une politique de ressources humaines inexistante

a.   Un accompagnement insuffisant

Comme mentionné précédemment, à l’inverse des chercheurs, qui sont évalués tous les deux ans sur la base d’un rapport d’activité établi conformément à des normes définies par le directeur de leur établissement de rattachement, ainsi qu’à partir d’une fiche annuelle décrivant le suivi de leurs activités, les enseignants-chercheurs ne disposent pas d’outils de suivi présentant la même régularité. Si leur temps de travail est réparti à parts égales entre leur service d’enseignement et leur activité de recherche, ainsi qu’indiqué supra, seule cette dernière fait l’objet d’une réelle évaluation, sur une base d’ailleurs volontaire ; la recherche d’un enseignant-chercheur n’est, en effet, évaluée qu’à l’occasion d’une demande de promotion, d’avancement, de mutation, de prime ou de congé. L’évaluation de l’activité d’enseignement, quant à elle, se cantonne à la vérification de la réalisation effective des heures d’enseignement prévues, sans appréciation qualitative. Les autres activités des enseignants-chercheurs, enfin, ne font l’objet que de peu voire d’aucun suivi.

De ce suivi professionnel insuffisant et du manque de valorisation de certaines activités des enseignants-chercheurs découlent plusieurs implications majeures pour ces derniers.

Tout d’abord, le choix de restreindre l’utilisation de l’évaluation à des situations de demande de promotion, d’avancement, de mutation, de prime ou de congé, implique de ne prendre en considération que la dimension de contrôle que peut revêtir l’évaluation. Or cette vision réductrice engendre des crispations parce qu’elle entre en contradiction avec le principe même de l’indépendance des enseignants-chercheurs et produit des décisions couperets qui ne sont accompagnées d’aucun mécanisme d’explication, de soutien, de formation ou de gestion de carrière.

Un mécanisme d’auto-censure, sur lequel nous reviendrons, se met en place pour une part non-négligeable des enseignants-chercheurs, qui renoncent à candidater pour une promotion. Les enseignants-chercheurs concernés ne bénéficient donc, sur une période prolongée, d’aucun regard extérieur sur leur travail et leurs pratiques, ni, encore moins, d’aucune forme d’accompagnement professionnel.

Les services de ressources humaines internes aux établissements sont, d’ailleurs, de l’avis unanime des personnes entendues en audition, trop peu présents dans l’accompagnement des enseignants-chercheurs ; les formations dédiées à la pratique professionnelle de ceux-ci sont également insuffisantes. Ici encore, en l’absence de démarche volontaire de l’enseignant-chercheur, aucun rendez-vous régulier ne rythme la carrière pour ouvrir une réflexion commune sur les missions et proposer une offre de formation pertinente.

Il n’existe donc aucun mécanisme efficace pour :

– repérer un enseignant-chercheur en difficulté et lui proposer l’accompagnement nécessaire ;

– fluidifier le parcours des enseignants-chercheurs ;

– promouvoir les enseignants-chercheurs particulièrement investis dans des missions hors recherche.

b.   Des difficultés dans le déroulement des carrières

Cette carence de l’accompagnement génère des difficultés pour la mobilité « hiérarchique », géographique et fonctionnelle des enseignants-chercheurs. Elle est facteur d’immobilisme, à la fois à une échelle individuelle pour l’enseignant-chercheur, et à une échelle collective pour l’enseignement supérieur.

Sur le volet géographique, le rapport précité de l’IGAENR sur « le recrutement, le déroulement de carrière et la formation des enseignants‑chercheurs » relevait les chiffres suivants :

– Toutes disciplines confondues, le taux annuel de mobilité́ des enseignants-chercheurs au-delà̀ de l’âge de 35 ans a été́ de 0,8 % en 2013. Il était de 1,1 % en 2006. À̀ titre de comparaison, en 2013, le taux de mobilité́ interne des chercheurs du CNRS était de 1,8 % (201 mobilités de chercheurs inter-délégations sur 11 204 chercheurs).

– Le nombre de candidats à une mutation est trois fois plus important que le nombre de recrutés par mutation.

Établissant un lien entre cette faible mobilité et la politique de ressources humaines, ce rapport préconisait un renforcement du système de bonification pour inciter à la mobilité et la prise en compte de cette mobilité pour les promotions. On pourrait ajouter qu’un meilleur accompagnement favoriserait le développement de parcours professionnels plus variés et mobiles, correspondant aux aspirations individuelles, aux compétences, aux préférences géographiques ou encore aux stades de la carrière de l’enseignant-chercheur.

Sur le volet fonctionnel, le même rapport relevait les chiffres suivants :

– au 31 décembre 2013, seuls 608 enseignants-chercheurs étaient en position de détachement (soit à peu près 1 % du total des enseignants-chercheurs) dont 22 dans le secteur privé et 263 à l’étranger ;

– au 1er septembre 2015, la délégation ne concernait que 1 230 enseignants-chercheurs (657 professeurs des universités et 573 maîtres de conférences) dont 466 auprès de l’Institut Universitaire de France et 9 pour créer une entreprise.

Ici encore, une reconnaissance régulière de l’ensemble des missions de l’enseignant-chercheur favoriserait la fluidité des parcours. Les passerelles entre les différentes fonctions seraient plus attractives si elles ne s’accompagnaient pas d’un risque pour la carrière de l’enseignant-chercheur du fait d’une période moins centrée sur les publications.

Sur le volet de l’avancement de carrière, on constate une nette autocensure des enseignants-chercheurs lorsqu’il s’agit de progresser dans leur carrière. Le même rapport relevait les chiffres suivants, pour les campagnes 2011, 2012 et 2013 :

– pour le passage à la hors classe des maîtres de conférences, le taux de promus au sein des promouvables est de 18,7 %, et le taux des promus parmi les candidats est de 69,9 % : soit un taux de candidats parmi les promouvables de 26,8 % ;

– pour le passage de la deuxième à la première classe du corps des professeurs des universités, le taux de promus au sein des promouvables est de 15,3 % et celui des promus parmi les candidats est de 35,9 % : soit un taux de candidats parmi les promouvables de 42,6 % ;

– pour le passage de la première classe à la classe exceptionnelle du même corps, le taux de promus au sein des promouvables est de 14,6 % et celui des promus parmi les candidats est de 44 % : soit un taux de candidats parmi les promouvables de 33,9 %.

L’autocensure des enseignants-chercheurs est donc importante. Un suivi plus complet permettrait de lever un frein à la progression des carrières en encourageant les candidatures.

Ensuite, des inégalités dans le déroulement de carrière existent entre les enseignants-chercheurs titulaires dans de petits établissements, dont l’activité en recherche est souvent plus modeste, et celle de ceux affectés dans des établissements de plus grande taille, dans un environnement scientifique plus prestigieux bénéficiant des meilleures plateformes technologiques. Dans la mesure où la recherche constitue le critère essentiel d’avancement, les enseignants-chercheurs relevant d’un établissement conduisant une importante activité de recherche bénéficient donc d’un avantage certain. De plus, au sein de la procédure principale d’avancement de grade, l’avancement a lieu, pour moitié, sur proposition de la section compétente du Conseil national des universités, dans la limite des promotions offertes par discipline au plan national, et pour moitié sur proposition du conseil académique, dans la limite des promotions offertes dans l’établissement, toutes disciplines confondues. Toutefois, pour les maîtres de conférences dont l’établissement d’affectation compte moins de 50 enseignants‑chercheurs, et pour les professeurs dont l’établissement compte moins de 30 professeurs des universités, une promotion ne peut intervenir que par la voie du CNU. Il est donc beaucoup plus difficile, pour un enseignant-chercheur issu d’un établissement de petite taille, d’obtenir une promotion.

2.   Un suivi de carrière qui ne répond que partiellement à une double problématique

a.   Un accompagnement professionnel au service des enseignants-chercheurs…

Pour remédier à cette situation, le décret n° 2009-460 du 23 avril 2009 avait introduit un dispositif d’évaluation des activités des enseignantschercheurs, dont la mise en œuvre était prévue à partir de 2012. Ce dispositif prévoyait l’établissement, par chaque enseignant-chercheur, d’un rapport mentionnant l’ensemble de ses activités et leurs évolutions éventuelles au moins une fois tous les quatre ans, et à chaque fois qu’il était candidat à une promotion. Ce rapport devait être remis au président de l’établissement de rattachement, qui le transmettait au CNU, en même temps qu’un avis émis par le conseil d’administration en formation restreinte sur les activités pédagogiques et les tâches d’intérêt général. Ce rapport servait de base à l’évaluation de l’enseignant-chercheur par la section du CNU dont il relevait.

L’introduction de cette évaluation a suscité d’importantes oppositions de la part de la communauté universitaire aux motifs qu’elle pouvait entraîner une modulation des services sans l’accord de l’intéressé, et qu’elle devait être prise en considération par les établissements en matière indemnitaire et de promotion. Ce dispositif n’a pu être mis en œuvre que pour deux sections du CNU en 2013, puis trois en 2014, avant d’être supprimé.

Un décret du 2 septembre 2014 ([10]) a remplacé cette évaluation par un suivi de carrière, destiné à améliorer l’accompagnement professionnel des enseignants-chercheurs. Celui-ci demeure toutefois proche, dans ses modalités, du dispositif d’évaluation introduit en 2009 : chaque enseignant-chercheur établit, au moins une fois tous les cinq ans, et à chaque fois qu’il est candidat à une promotion, un rapport mentionnant l’ensemble de ses activités et leurs évolutions éventuelles. Ce rapport est remis au président ou directeur de l’établissement qui le transmet au CNU, en même temps qu’un avis émis par le conseil académique sur les activités pédagogiques et les tâches d’intérêt général qui figurent dans le rapport d’activité de l’intéressé. Cet avis est communiqué à l’intéressé, qui peut faire des observations sur l’avis de l’établissement. Chaque enseignant-chercheur doit accomplir cette procédure cinq ans après la première nomination dans un corps d’enseignant-chercheur ou après un changement de corps, puis tous les cinq ans ; un enseignant-chercheur peut cependant demander un suivi de carrière à tout moment. Les enseignants-chercheurs devant atteindre l’âge de la retraite sous cinq ans, ainsi que ceux ayant obtenu une promotion depuis moins de cinq ans, en sont dispensés. Dans les faits, ces règles limitent l’obligation de suivi de carrière à 55 % des effectifs de la profession.

Le suivi de carrière est assuré, pour chaque enseignant-chercheur, par la section du CNU dont il relève, sur la base de ce rapport d’activité. Il tient compte de l’ensemble des activités de l’enseignant-chercheur et doit être pris en considération par les établissements en matière d’accompagnement professionnel. Aucune sanction n’est toutefois prévue pour les enseignants-chercheurs ou les sections du CNU qui se soustrairaient à cette procédure.

Afin d’ajuster au mieux ce nouveau dispositif aux attentes des enseignants-chercheurs, il a été décidé de le mettre d’abord en place à titre expérimental. La plupart des sections du CNU ont toutefois refusé d’y participer, comme elles avaient refusé de mettre en œuvre l’évaluation : seules six sections ont effectivement examiné les dossiers déposés au titre du suivi de carrière en 2015, puis neuf sections en 2016.

b.   …dont la pérennisation n’a pas résolu les faiblesses

Le caractère expérimental du suivi de carrière a été levé à compter de la campagne 2017. Limitée aux établissements de la vague C de contractualisation ([11]), cette campagne a marqué un certain progrès dans l’acceptation du suivi de carrière par le CNU et par les enseignants-chercheurs, bien que les chiffres de participation demeurent insatisfaisants. Au total, sur les 6 456 enseignants-chercheurs concernés en 2017, 2 534 ont déposé un dossier, soit un taux de participation de 39 %. Par ailleurs, 277 dossiers ont été déposés par des enseignants-chercheurs qui n’étaient pas concernés à titre obligatoire par cette procédure. Sur les 57 sections du CNU, 33, soit une majorité, avaient annoncé qu’elles n’examineraient pas les dossiers déposés dans le cadre du suivi de carrière. Des dossiers ont été déposés dans chacune des 57 sections du CNU, y compris dans celles ayant annoncé qu’elles refusaient d’examiner les dossiers. Parmi ces dernières, trois ont finalement décidé d’examiner les dossiers déposés, portant le nombre de sections participantes à 27.

Au total, le taux de participation s’est élevé à 55 % de la cible dans les sections ayant examiné les dossiers, et à 23 % dans les autres. Près de 2 000 dossiers ont fait l’objet d’un avis de la part du CNU, soit 71 % des dossiers déposés.

Sur ces dossiers, 431, soit 22 % d’entre eux, comportaient des suggestions d’actions à mettre en œuvre par l’établissement, dont 204 relatives à l’enseignant-chercheur concerné. Parmi ces dernières, un peu plus de la moitié invitaient les établissements à alléger les tâches d’enseignement de l’enseignantchercheur, en accordant une décharge ou en réduisant le volume des heures complémentaires. Trente d’entre eux suggéraient de modifier les conditions de l’activité de recherche, notamment en aidant à l’intégration dans une équipe de recherche ou en facilitant un changement de laboratoire. D’autres ont suggéré un regroupement géographique des enseignements afin de réduire le nombre de sites d’enseignement pour un même enseignant-chercheur. De manière plus marginale, des sections du CNU ont recommandé un soutien technique ou administratif, un allègement des responsabilités administratives, un appui à la prise de responsabilités administratives ou des actions de prévention des risques psychosociaux.

Concernant la campagne 2018, il est prévu qu’elle concerne l’ensemble des établissements, et non plus ceux de la seule vague C, et pour un cinquième des agents concernés. L’objectif est de développer une culture de l’accompagnement professionnel dans les établissements.

Un pas décisif a été franchi avec l’instauration du suivi de carrière. Ce dispositif a permis d’introduire un regard extérieur régulier accompagné de recommandations, et d’accroître, même si cela reste dans des proportions modestes, son acceptabilité. Il ne répond cependant que très imparfaitement à la double nécessité de mieux accompagner les enseignants-chercheurs pour favoriser leur épanouissement professionnel dans l’ensemble de leurs missions et de mettre en place des mécanismes de promotion correspondant à la réalité du métier. Sa périodicité, son taux de participation, sa centralisation et la rareté de ses recommandations en font un outil imparfait en dépit de l’indéniable révolution qu’il représente.

C.   mieux accompagner ET VALORISER les enseignants-chercheurs dans la rÉalisation de l’ensemble de leurs missions

L’évaluation n’est pas une fin en soi. Non seulement elle doit répondre à des objectifs élémentaires de transparence, de justesse et d’équité pour être acceptable, mais elle doit également être porteuse de sens et inscrite dans un environnement plus large d’épanouissement professionnel pour remporter l’adhésion.

Pourquoi évaluer ? Les deux premières parties du présent rapport ont mis en évidence de profonds déséquilibres menant à des situations inégalitaires, selon que l’enseignant chercheur se consacre davantage à la recherche, à l’enseignement ou à la valorisation, selon qu’il enseigne dans un petit ou un grand établissement, selon qu’il ait ou non des besoins spécifiques d’accompagnement ou de formation, etc. Or les objectifs d’une évaluation, pour le rapporteur, sont la reconnaissance et l’accompagnement des enseignants-chercheurs dans l’ensemble de leurs missions. C’est vers cet objectif que les dispositifs mis en place doivent converger.

Qui évaluer ? Cette évaluation doit tenir compte des spécificités de cette profession, dont l’indépendance a été reconnue par le Conseil constitutionnel. Il ne s’agit donc pas de prescrire des pratiques, ni de noter celles-ci, mais d’inviter les enseignants-chercheurs à rendre compte de l’ensemble de leurs activités afin de mieux les accompagner dans leur développement professionnel.

Évaluer quoi ? Il faut remédier à l’absence d’évaluation des activités autres que de recherche pour mieux valoriser l’ensemble des activités des enseignants-chercheurs : enseignement, pratiques pédagogiques innovantes, accompagnement et orientation des étudiants, valorisation de la recherche, diffusion de la culture scientifique, administration des établissements, rayonnement international, etc.

Quand évaluer ? L’objectif étant de permettre aux enseignants-chercheurs d’évoluer dans leurs pratiques et dans leur carrière, et non de les contrôler ponctuellement, il convient de mettre en place un processus de développement professionnel continu.

Quant au comment, le rapporteur propose plusieurs pistes dans la suite de ce rapport.

1.   Vers un meilleur accompagnement professionnel

a.   La nécessité d’une auto-évaluation formative

Le rapporteur estime que l’identité professionnelle des enseignants-chercheurs, définis par l’une des personnes entendues en audition comme « des travailleurs hautement qualifiés, avec des opinions développées et aimant être autonomes », impose le recours à une évaluation formative plutôt que sommative. Là où cette dernière « vise à contrôler la qualité des prestations à des fins de décision administrative comme la suppression d’un cours ou d’un programme, ou encore le recrutement ou la nomination d’un enseignant, l’approche formative s’efforce, quant à elle, de soutenir l’enseignant dans son développement professionnel » ([12]).

Le recours à une évaluation formative est également rendu nécessaire par l’indépendance des enseignants-chercheurs, reconnue par le Conseil constitutionnel sur un double fondement, à savoir en tant que principe fondamental reconnu par les lois de la République et comme découlant de la libre communication des pensées et des opinions énoncée à l’article 11 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen ([13]). Ce principe d’indépendance est également affirmé à l’article L. 952-2 du code de l’éducation, qui dispose que « les enseignants-chercheurs, les enseignants et les chercheurs jouissent d’une pleine indépendance et d’une entière liberté d’expression dans l’exercice de leurs fonctions d’enseignement et de leurs activités de recherche, sous les réserves que leur imposent, conformément aux traditions universitaires et aux dispositions du présent code, les principes de tolérance et d’objectivité ».

De manière générale, afin de mieux valoriser l’investissement des enseignants-chercheurs dans leurs missions autres que la recherche, il apparaît nécessaire que les enseignants-chercheurs documentent de manière plus précise leurs efforts dans ces domaines, de manière à pouvoir s’autoévaluer. Cela s’applique en matière pédagogique comme pour les actions menées par les enseignants-chercheurs dans le cadre de leurs autres missions.

Ce principe pourrait utilement être intégré à la réflexion menée durant la concertation sur la reconnaissance de l’investissement pédagogique des enseignants-chercheurs, annoncée le 29 mars 2018. À cette occasion, la ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation a dégagé quatre chantiers :

– la reconnaissance indemnitaire ;

– l’objectivation de l’investissement pédagogique ;

– la reconnaissance de celui-ci dans le déroulement de carrière des enseignants-chercheurs ;

– la reconnaissance de l’investissement des enseignants du second degré dans l’enseignement supérieur.

Le rapporteur souhaite contribuer à la dynamique amorcée par ces initiatives en faveur d’une meilleure reconnaissance de l’investissement pédagogique des enseignants-chercheurs. Il souligne l’opportunité que représente cette démarche et entend formuler des propositions pour l’inscrire dans un cadre plus large d’évaluation formative de l’ensemble des missions dévolues à l’enseignant-chercheur. Les auditions qu’il a conduites l’amènent à proposer un certain nombre de pratiques, – aujourd’hui davantage utilisées chez certains de nos voisins (Belgique, Suisse) ou au Québec qu’en France –, pouvant permettre de valoriser davantage les agents investis dans le domaine pédagogique et de créer une dynamique d’amélioration des pratiques.

Une première pratique vertueuse consiste en la rédaction de dossiers d’enseignement, récapitulant non seulement les enseignements dispensés au cours d’une période donnée, mais détaillant également leur public, les méthodes d’enseignement et les modes d’évaluation employés ([14]) . La rédaction de ce type de dossiers présente trois intérêts :

– elle permet à l’enseignant de documenter la qualité de son enseignement et de mettre en valeur les compétences pédagogiques qu’il a développées ;

– elle l’invite à porter un regard réflexif sur ses pratiques pédagogiques, et donc à prendre conscience des enjeux de celles-ci ;

– elle contribue à un meilleur repérage des enseignants rencontrant des difficultés pédagogiques, qui pourraient se voir proposer des formations ou des dispositifs d’accompagnement pédagogique.

Il apparaît aujourd’hui que les dossiers constitués par les enseignants-chercheurs documentent de manière insuffisante leur investissement pédagogique. Pour y remédier, il serait souhaitable qu’un canevas de dossier d’enseignement soit fourni, à titre purement indicatif, aux établissements par le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche. Un tel canevas viserait moins à imposer des critères qu’à ouvrir la réflexion sur les pratiques pédagogiques en montrant l’étendue des compétences que celles-ci peuvent mettre en jeu. Il pourrait être ensuite adapté par les établissements selon leurs spécificités locales, mais aussi par les enseignants-chercheurs eux-mêmes en fonction de leur discipline et de leurs besoins et intérêts pédagogiques ([15]).

Cette pratique de la documentation de l’enseignement, appliquée avec succès dans plusieurs des exemples étrangers étudiés par le rapporteur pourrait ne pas concerner exclusivement l’enseignement mais intégrer, pour mieux les valoriser, l’ensemble des missions de l’enseignant-chercheur.

Un autre levier pour donner à l’enseignant-chercheur une meilleure visibilité, nécessaire à une auto-évaluation utile, est l’évaluation des enseignements par les étudiants ([16]), qui connaît une expansion en France depuis une décennie. Le rapporteur estime que l’évaluation par les étudiants peut s’avérer extrêmement utile pour l’enseignant-chercheur, mais qu’elle doit être employée avec certaines précautions. Elle ne doit pas être utilisée pour sanctionner un enseignant dont les prestations ne satisferaient pas son public, et doit permettre de prendre en compte la perception de la majorité des étudiants plutôt que celle d’une minorité d’entre eux qui saurait mieux se faire entendre. Les questionnaires soumis devraient comporter essentiellement des questions ouvertes amenant les étudiants à argumenter sur les aspects positifs ou négatifs de l’enseignement reçu, plutôt que des questions fermées ou appelant des réponses chiffrées. La consultation des réponses devrait être réservée, de manière exclusive, à l’enseignant-chercheur concerné ; il s’agit de lui permettre de mieux connaître le public étudiant auquel il fait face et d’amorcer une réflexion sur une éventuelle amélioration de ses méthodes d’enseignement. Afin de permettre aux enseignants‑chercheurs qui le souhaitent d’avoir accès à cet outil, une plateforme type pourrait être élaborée par le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche et mise à la disposition des établissements. Cette plateforme devrait être conçue de manière à pouvoir être adaptée par les établissements et par les enseignants-chercheurs selon leurs spécificités et leurs besoins. L’utilisation d’un tel outil devrait demeurer libre : y recourraient les enseignants-chercheurs qui le désirent, dans une démarche d’amélioration de leur pratique pédagogique.

b.   La nécessité d’outils de développement professionnel continu

L’auto-évaluation formative doit éviter deux écueils : faire doublon avec le suivi de carrière et ne pas dépasser le stade du constat. Pour ce faire, il est proposé un renforcement de l’accompagnement des enseignants-chercheurs au sein de leur établissement et la mise en place d’outils dédiés à leur développement professionnel. Cela permettra, de surcroît, une meilleure prise en compte de l’autonomie des universités dans la gestion de leurs personnels, alors que la seule procédure de suivi est aujourd’hui nationale et centralisée par le CNU.

Ainsi, des points d’étapes périodiques et confidentiels avec le service des ressources humaines des établissements pourraient être mis en place tous les 2,5 ans – exception faite des années où le CNU exerce son activité de suivi de carrière pour le chercheur concerné. Lors de ces points d’étape, l’enseignant-chercheur serait libre de partager son dossier d’enseignement (ou dossier d’activités si celui-ci recouvre davantage de missions que l’enseignement) et les évaluations de ses enseignements que lui auraient transmises ses étudiants. Ces moments d’échange permettraient la formulation de conseils personnalisés et la proposition d’outils et de formations appropriés aux besoins de l’enseignant-chercheur.

De premiers pas ont déjà été accomplis dans le sens d’une formation renforcée et d’un accompagnement accru des enseignants-chercheurs en matière pédagogique.

Tout d’abord, deux mesures relatives à la formation pédagogique des maîtres de conférences ont été inscrites dans le décret n° 2017-854 du 9 mai 2017 et mises en place à la rentrée 2018 ([17]) :

– pour les maîtres de conférences en année de stage, ce décret a prévu une formation obligatoire visant à l’approfondissement de leurs compétences pédagogiques générales ou spécifiques à leur champ disciplinaire. Cette formation, assurée par les établissements, doit les initier à différentes méthodes d’enseignement et à l'utilisation d’approches et d’outils variés, leur permettant de s’adapter à des publics divers. Un avis sur le suivi de la formation par le stagiaire est transmis au conseil académique préalablement à la titularisation. Le rapporteur appelle au renforcement de cette formation obligatoire en augmentant son volume horaire et en y incluant, notamment, de nouvelles dimensions dans les champs de la connaissance du monde économique et de l’entreprise, de la psychologie, de l’éthique, du numérique, de la protection des données et de l’application des connaissances transmises ;

– pour les maîtres de conférences titularisés depuis moins de cinq ans, ce décret a ouvert la possibilité de bénéficier d’une formation visant à l’approfondissement de leurs compétences pédagogiques.

Une décharge d’enseignement de 32 heures, soit un sixième du service annuel, est ouverte pour permettre le suivi de ces formations.

Si cette initiative doit être saluée, elle laisse ouverte la question de l’accompagnement des enseignants-chercheurs en poste depuis plus de cinq ans, qui pourraient avoir besoin d’adapter leurs compétences pédagogiques aux attentes d’un public étudiant de plus en plus varié, et aux enseignants du second degré accomplissant leur service dans les universités.

L’utilité de l’ensemble de ces outils de formation se trouverait renforcée par le développement des services de pédagogie au sein des universités. Un certain nombre d’établissements en ont créés ; on citera, à titre d’exemples, les Services universitaires de pédagogie de l’Université Bretagne Sud ([18]) et de l’Université Grenoble Alpes ([19]), le Centre d’innovation pédagogique et d’évaluation de l’Université de Bourgogne ([20]) et le Service d’accompagnement aux pédagogies innovantes et à l’enseignement numérique de l’Université Sorbonne Paris Cité ([21]). Ces services proposent aux enseignants-chercheurs de riches catalogues de formation continue en matière pédagogique, concernant la conception des cours, la présentation de ceux-ci, l’utilisation de pédagogies innovantes telles que la classe inversée ou la pédagogie par problème et par projet, le recours aux outils numériques en classe, ou encore la manière de favoriser la persévérance des étudiants. Le rapporteur considère que l’ensemble des enseignants-chercheurs devraient pouvoir recourir à de type de formations. Pour les établissements qui ne sont pas encore dotés de tels services, des centres de pédagogie communs à deux ou plusieurs universités pourraient être mis en place. Outre les formations qu’ils dispensent, ces services pourraient contribuer à faire mieux connaître la pratique des dossiers d’enseignement et les pratiques collaboratives visant à rompre l’isolement pédagogique des enseignants.

Le rapporteur se prononce également en faveur de la création de catalogues de formation analogues pour les enseignants-chercheurs qui souhaitent déposer un brevet, créer ou participer à la création d’une entreprise issue de leurs recherches, diffuser leurs connaissances à un public non-universitaire, etc.

Au-delà de l’offre de formation classique, les jeunes enseignants-chercheurs pourraient se voir proposer, à l’issue d’un entretien de suivi avec le service des ressources humaines de leur établissement, un mentorat par des collègues plus expérimentés, sur une base volontaire, afin de disposer de conseils pratiques et de prendre la mesure des enjeux liés à la pédagogie ([22]) ou à d’autres dimensions du métier d’enseignant-chercheur.

Ensuite, il conviendrait de mieux faire connaître les pratiques d’observation de l’enseignement par des pairs, qui connaissent une expansion chez certains de nos voisins ([23]). L’observation de l’enseignement par les pairs permet de recevoir un retour de la part de collègues sur son enseignement, mais aussi de se rendre compte de la diversité des approches d’enseignement possibles, parfois au sein d’un même cursus ou d’une même unité de formation et de recherche. Elle offrirait aux enseignants-chercheurs qui le souhaitent la possibilité d’enrichir leurs pratiques pédagogiques, de repérer des difficultés qui leur auraient échappé, comme de rassurer ceux d’entre eux qui douteraient de la qualité de leurs enseignements sans véritable raison. Cette observation ne peut s’envisager que sur la base du volontariat, dans un esprit bienveillant et en vue d’une amélioration mutuelle des pratiques : ici encore, l’objectif est de développer un contexte de soutien plutôt qu’un cadre de contrôle. Les résultats de ces séquences d’observation, s’ils sont fructueux, pourraient trouver leur place dans les dossiers d’enseignement rédigés par les enseignants‑chercheurs.

Il serait également utile d’encourager, au sein des établissements, la constitution de tiers temps pendant lesquels les enseignants-chercheurs pourraient échanger sur leurs choix et leurs difficultés d’enseignement. Ces échanges, qui pourraient avoir lieux entre collègues d’un même établissement ou entre enseignants d’une même discipline relevant d’établissements différents, permettraient d’amener les enseignants à formaliser leurs savoirs pratiques et à les diffuser, de favoriser des collaborations entre enseignants sur des projets pédagogiques et, de manière générale, de créer une dynamique de partage et de réflexion pédagogique parmi les enseignants-chercheurs.

2.   Pour des promotions plus justes

a.   Des promotions inscrites dans un processus continu

Outre l’accompagnement professionnel dont il permettrait de faire bénéficier les enseignants-chercheurs, un suivi de carrière plus complet devrait permettre d’aboutir à un système d’attribution des promotions, des congés et des primes plus justes, en améliorant la connaissance des réalités locales et des situations individuelles par les instances décisionnaires.

Les entretiens de suivi avec les services des ressources humaines évoqués plus haut pourraient d’ailleurs être l’opportunité d’un échange régulier entre les services compétents des établissements et les enseignants-chercheurs sur les possibilités de promotion de ces derniers. Leur permettre de mieux évaluer leur probabilité de succès et leurs axes d’amélioration devrait contribuer à contrer le phénomène d’autocensure et le sentiment d’impasse que peuvent rencontrer certains enseignants-chercheurs.

De surcroît, les actions entreprises en vue d’une amélioration dans le domaine pédagogique, ainsi que dans l’ensemble des missions des enseignants-chercheurs en dehors de la recherche, et les résultats auxquels elles ont permis de parvenir devraient faire l’objet de développements dans les dossiers de documentation d’activités et de suivi de carrière comme dans ceux remplis à des fins de promotion ou d’obtention d’une prime ou d’un congé pour recherche ou conversion thématique (CRCT). Cela permettrait également de lever l’autocensure de certains enseignants-chercheurs qui hésitent à solliciter une promotion, et de rétablir plus de justice dans l’attribution de celles-ci. Les enseignants-chercheurs exerçant dans des établissements où l’activité de recherche est moindre pourraient également se voir ainsi davantage reconnus pour le travail qu’ils accomplissent en matière de pédagogie, de diffusion des savoirs et de valorisation de la recherche.

Le rapporteur estime, par exemple, que les actions entreprises en matière de vulgarisation scientifique (participation à la Fête de la science, contributions au montage d’expositions ou de conférences ouvertes au public, etc.), en particulier, devraient faire l’objet d’une rubrique spécifique au sein des dossiers de suivi de carrière et de demande de promotion, de prime ou de CRCT. Les activités de recherche appliquée et les liens avec l’industrie devraient également pouvoir être mieux documentés et valorisés, en particulier lorsqu’elles débouchent sur le dépôt de brevets, voire la création d’activités nouvelles.

Il est, enfin, à noter que si l’on souhaite inscrire l’attribution de promotions dans une logique de progression continue, la prise en compte, au-delà des résultats obtenus, du processus d’amélioration continue mis en place par l’enseignant-chercheur suite à son auto-évaluation serait un critère faisant sens.

Le mécanisme d’attribution des promotions étant dual, le rapporteur formulera des propositions pour que ces différentes dimensions soient valorisées au niveau le plus pertinent.

Un suivi de carrière étoffé permettrait aussi d’octroyer des modulations de services correspondant mieux à la situation professionnelle réelle des intéressés, et donc d’introduire davantage de souplesse dans la gestion individuelle des carrières. C’est ainsi qu’un jeune enseignant-chercheur dont les recherches sont prometteuses pourrait se voir attribuer plus de temps pour les mener, quand d’autres collègues dont la recherche ne constitue pas l’intérêt principal pourraient assurer un service d’enseignement supérieur.

La fluidité serait également renforcée dans la mobilité fonctionnelle des enseignants chercheurs qui ne seraient plus pénalisés par des périodes au rythme de publications plus faibles. Couplée à une réflexion sur les modalités de recrutements, il pourrait enfin influer sur une plus grande mobilité géographique.

Dans ce double objectif de continuité et de fluidité des carrières, le rapporteur estime qu’une réflexion pourrait également être engagée sur la pertinence du maintien de cette spécificité française qu’est la division des enseignants-chercheurs en deux corps, maîtres de conférences et professeurs d’université, et sur les bénéfices qu’aurait un déroulement de carrière plus graduel pour la motivation et l’épanouissement professionnel.

Concernant les CRCT, le rapporteur veut saluer l’annonce de la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche sur l’augmentation de leur nombre et l’élargissement thématique de ceux-ci. Il semble toutefois nécessaire de les encadrer de manière plus précise, en leur donnant, de manière systématique, un objectif clairement défini. Leur durée, aujourd’hui fixée à six ou douze mois, devrait pouvoir être modulée afin de répondre précisément à cet objectif. Ainsi, un CRCT à visée pédagogique consistant à observer les pratiques pédagogiques dans une université étrangère pourrait recevoir une durée de deux à quatre mois, qui paraît suffisante à cette fin. De plus, les bénéficiaires de CRCT à finalité pédagogique devraient être encouragés à rendre compte de leur expérience devant leurs collègues, afin de favoriser la diffusion de nouvelles pratiques. Parmi les nouvelles thématiques qui seront mises en place, le CRCT concernant la valorisation de la recherche est, pour le rapporteur, une priorité. Il devrait être construit en collaboration avec diverses structures de valorisation, incluant les sociétés d’accélération du transfert de technologies (SATT) et les pôles de compétitivité.

Enfin, la mise en cohérence de la grille des primes avec une reconnaissance plus équitable de l’ensemble des missions de l’enseignant‑chercheur serait un signe fort. Alors que la prime de recherche varie entre 3 500 et 25 000 €, celle de responsabilités pédagogiques est comprise entre 490 et 3 900 €. Et nombre d’autres activités ne donnent lieu à aucune prime.

b.   Le principe de subsidiarité

Une meilleure reconnaissance du métier d’enseignant-chercheur implique de faire confiance aux acteurs, en attribuant une part importante du processus à la documentation par l’intéressé de sa propre activité et à l’auto-évaluation. La même logique s’applique pour les promotions avec une plus grande confiance témoignée aux établissements, qui sont plus à même de connaître d’un certain nombre des réalités de ses enseignants-chercheurs.

L’autonomie des universités et maintenant la multiplication des possibilités d’expérimentation sur les sites introduite à l’article 52 de la loi n° 2018-727 pour un État au service d'une société de confiance sont une opportunité pour les établissements de développer de vraies politiques et stratégies de recherche, d’enseignement, de lien à l’entreprise et de rayonnement, qui doivent s’accompagner d’une politique de ressources humaines cohérente. Cette réflexion sur les pratiques des personnels fait partie intégrante de la démarche qualité des établissements.

Le rapporteur se prononce donc pour le maintien de l’équilibre actuellement en vigueur entre promotions nationales et promotions locales. Il appelle cependant à mettre en place les conditions pour tirer le plein potentiel des leviers de promotion internes aux universités. Les établissements sont, en effet, le meilleur endroit pour appréhender toutes les dimensions qui ne relèvent pas de la recherche. De la même manière qu’un canevas serait proposé par le ministère aux établissements pour la documentation des activités à des fins d’auto‑évaluation, une grille nationale facultative et adaptable pourrait être diffusée pour faciliter la mise en place de critères objectifs pour chacune des missions.

L’évaluation de la recherche pourrait ainsi devenir du ressort exclusif des sections compétentes du CNU, qui jouissent de la vision la plus complète à ce niveau. Le CNU pourrait également disposer d’un quota de promotions réservé aux promotions hors recherche dans les petits établissements. Ceux-ci n’ayant pas la possibilité légale de procéder à des promotions internes, le CNU pourrait se substituer à eux dans cette fonction. Le rapporteur souligne toutefois que, si le CNU est une institution dotée d’une incontestable légitimité et dont le rôle est appelé à être conforté, une réflexion sur son évolution pourrait être utilement menée (limitation du nombre de mandats, inclusion de membres étrangers, périmètre des sections, devenir du processus de qualification, etc.).

Le ministère pourrait également mettre en place des espaces de partage d’expérience sur l’accompagnement et les promotions entre les différentes universités. Les établissements disposeraient ainsi d’un outil supplémentaire de partages de bonnes pratiques pour mener à bien un processus d’amélioration continue de leurs matrices de documentation d’activités, de leur gestion des ressources humaines et de leurs promotions internes

Convaincu de l’importance de bâtir un processus itératif ancré dans les réalités locales et pragmatique, le rapporteur préconise de mener des expérimentations sur les différentes propositions développées dans le présent rapport, dans des établissements labellisés IDEX et les I-SITE ([24]), dont les ressources humaines sont souvent plus structurées et qui peuvent être des lieux adaptés pour développer de nouvelles pratiques dans ce domaine.

 


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   TRAVAUX DE LA COMMISSION

I.   Audition de la ministre

La commission des Affaires culturelles et de l’Éducation procède, le mercredi 7 novembre 2018, à l’audition de Mme Frédérique Vidal, ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation, sur les crédits pour 2019 de la mission « Recherche et enseignement supérieur » ([25]).

M. le président Bruno Studer. Nous allons examiner pour avis, les crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur » pour laquelle j’ai le plaisir d’accueillir la ministre, Mme Frédérique Vidal.

Je salue la présence de nos collègues Amélie de Montchalin et Fabrice Le Vigoureux, rapporteurs spéciaux de la commission des finances, à qui je donnerai la parole après Mme la ministre et nos deux rapporteurs pour avis, Philippe Berta, pour l’enseignement supérieur et la vie étudiante, et Pierre Henriet, pour la recherche.

Mme Frédérique Vidal, ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation. La France est une grande nation en matière de recherche comme en matière d’enseignement supérieur. Tenir notre rang dans la compétition internationale, jouer un rôle déterminant dans l’élucidation des grandes questions scientifiques, favoriser l’innovation, mieux former et mieux diplômer nos étudiants sont les éléments fondamentaux de mon engagement en tant que ministre.

Le budget 2019 de la mission interministérielle « Recherche et enseignement supérieur » (MIRES) est la traduction immédiate de cette ambition.

Hors remboursement des intérêts de la dette, la MIRES est l’un des trois postes de dépenses et d’investissements les plus importants du budget général avec les missions « Défense » et « Enseignement scolaire ». Composée de neuf programmes, la MIRES s’inscrit, par sa structure même, dans un périmètre interministériel dont le ministère de l’Enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation, que je représente, est le principal maître d’œuvre.

La MIRES finance ainsi plus de la moitié des opérateurs de l’État. Ces opérateurs, ce sont bien évidemment les 73 universités et les centaines d’écoles qui structurent et animent notre territoire national dans l’Hexagone comme dans les territoires ultra-marins. Il y a également nos organismes de recherche qui comptent parmi les plus importants du continent européen et sont des acteurs incontournables de la recherche à l’échelle mondiale. Je songe bien évidemment au Centre national de la recherche scientifique (CNRS), au Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), à l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer (IFREMER), ou encore à l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM).

La MIRES est une mission fondamentalement tournée vers la préparation de notre avenir commun. C’est le cas aussi bien au travers du financement de l’enseignement supérieur que de la recherche et de l’innovation. Il s’agit d’une priorité stratégique du Gouvernement. C’est pourquoi le budget que j’ai l’honneur de vous présenter a vu ses crédits augmenter de 5,3 % en deux ans, soit 1,3 milliard d’euros, dans un contexte financier que chacun connaît.

En 2019, le budget du ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation (MESRI) atteindra, si le Parlement l’y autorise, près de 25,1 milliards d’euros, soit une progression de 549 millions d’euros par rapport au budget 2018, qui avait reçu les suffrages du Sénat le 7 décembre dernier. Sur le périmètre de l’ensemble de la mission, la hausse est également significative et s’établit à 500 millions d’euros au total.

Chaque programme piloté directement par mon ministère bénéficiera ainsi en 2019 de l’effort collectif consenti par la Nation en vue de la préparation de notre avenir. Le programme 150, dédié à l’enseignement supérieur, sera crédité de 13,6 milliards d’euros, soit une hausse de 166 millions d’euros. Le programme 231, consacré à la vie étudiante, notamment au paiement des aides directes ou indirectes à destination des étudiants qui en ont le plus besoin, disposera de 2,7 milliards d’euros, soit un montant en hausse de 7 millions d’euros. Il faut aussi mentionner l’effet positif de la suppression de la cotisation de 217 euros au régime de sécurité sociale des étudiants et le financement de la vie étudiante via la contribution de vie étudiante et de campus (CVEC).

La recherche est tout aussi prioritaire. Le programme 172 disposera d’une hausse de 171 millions d’euros pour s’établir à 6,9 milliards d’euros. De même, en matière spatiale, le programme 193 sera doté de 1,8 milliard d’euros, disposant ainsi de 205 millions d’euros supplémentaires.

L’objectif affiché dans la loi de programmation des finances publiques d’une MIRES dépassant les 28 milliards d’euros à l’horizon 2020 est pour l’heure respecté. À côté de cela, il convient de prendre en considération le financement du programme d’investissements d’avenir (PIA), mais également les investissements conséquents des collectivités territoriales et des entreprises en faveur de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation. On n’a jamais autant investi pour notre avenir qu’en ce moment. C’est une vérité qu’il est nécessaire de rappeler.

Derrière les chiffres et ces masses financières considérables, il y a des enjeux et des chantiers qui occuperont mon ministère dans les prochains mois.

En matière d’enseignement supérieur, l’année 2019 sera celle de la montée en puissance du plan « Étudiants ». Un peu plus de 123 millions d’euros seront consacrés, au sein du programme 150, au financement des parcours personnalisés de réussite et aux mesures indemnitaires permettant de soutenir et de valoriser l’engagement de tous les personnels dans la mise en œuvre de la nouvelle procédure nationale de préinscription comme dans l’innovation pédagogique.

À cet égard, le PIA continuera à soutenir la rénovation des cursus universitaires par le déploiement du nouvel appel à projets dédié aux nouveaux cursus à l’université (NCU). Ce dispositif, conjugué aux dispositions de la loi du 8 mars 2018 relative à l’orientation et à la réussite des étudiants, sera amplifié par la mise en œuvre du nouvel arrêté de licence publié en juillet dernier. Il s’agit de rénover tant le format que le contenu des enseignements de premier cycle afin de permettre à chaque étudiant de construire son parcours avec des passerelles et des spécialisations progressives.

La réforme des études de santé, à travers la suppression du numerus clausus dès 2020, s’inscrira bien évidemment dans cette démarche. Il s’agira, à travers la disparition de la première année commune aux études de santé (PACES) dans son format actuel, d’ouvrir la voie des études médicales et paramédicales à des profils d’étudiants plus diversifiés, tout en garantissant l’exigence des formations. Une concertation est en cours. Nous travaillons à ce chantier avec Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé, en vue de proposer au Parlement un train de mesures législatives à l’horizon du premier semestre 2019.

L’année 2019 permettra également d’aller plus loin dans l’autonomie des universités. Avant la fin de cette année, nous publierons l’ordonnance relative aux regroupements expérimentaux, en application de la loi du 10 août 2018 pour un État au service d’une société de confiance afin de replacer nos universités au cœur de politiques de sites fortes, articulées autour des spécificités territoriales, et de leur donner la visibilité internationale qu’elles méritent. Avec cette ordonnance, chaque université qui le souhaitera pourra développer son projet et sa signature personnelle, au-delà de sa mission de service public réaffirmée.

J’expérimente aussi depuis la rentrée un dialogue stratégique de gestion avec neuf universités, afin de d’échanger directement avec elles sur leurs projets, leurs besoins et leurs visions. Ce dialogue a vocation à être élargi à l’ensemble des universités dans les meilleurs délais. Je crois fondamentalement que c’est dans l’échange direct entre le ministre et les chefs d’établissement que nous élaborerons des projets universitaires répondant aux enjeux propres à la vie de chaque établissement. L’enjeu de leur signature, c’est de leur permettre de rayonner dans leur environnement local mais aussi international.

L’enjeu territorial que représente l’offre de formation est également essentiel. C’est pourquoi nous avons aussi travaillé, pour l’année 2019, à l’expérimentation de déploiements d’offres de formation de proximité avec quatre régions : Île-de-France, Occitanie, Bretagne et Grand-Est.

Le patrimoine immobilier est également un outil incontournable pour ancrer les universités dans leur territoire. Nous avons élargi l’an dernier le principe de spécialité à l’occasion de la loi de finances pour 2018. Nous irons plus loin cette année avec une deuxième vague de dévolutions, en cours de finalisation pour les universités de Bordeaux, Marseille, Caen et Tours, et, en 2019, avec une vague continue de dévolutions afin de permettre à chaque établissement de saisir les opportunités liées à la valorisation de son patrimoine d’ici à la fin de l’année 2022.

L’année 2019 sera également déterminante en matière de vie étudiante.

Pour la première fois, nous avons réduit, de façon significative, le coût de la rentrée universitaire par la suppression de la cotisation de 217 euros au régime de la sécurité sociale des étudiants et par la mise en place du paiement à date des bourses.

Pour la première fois cette année, les centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires (CROUS) ont collecté la contribution de vie étudiante et de campus (CVEC), qui permettra aux établissements d’enseignement supérieur de proposer aux étudiants de nouvelles prestations autour de la santé, du bien-être, mais aussi des prestations sportives et culturelles, tout en leur assurant un meilleur accueil. À cette date, le produit consolidé de la collecte 2018-2019 n’est pas connu mais je tiens à vous rassurer – cela a d’ailleurs été dit à plusieurs reprises : ce qui a été versé pour la vie étudiante financera la vie étudiante. Le plafond prévisionnel pour la rentrée 2019-2020 a été fixé, en loi de finances, à 95 millions d’euros, sur le fondement des prévisions réalisées au printemps dernier. Le produit de la CVEC ira bien à la vie étudiante. C’est pourquoi ce plafond sera révisé l’année prochaine selon le montant qui sera effectivement perçu par les écoles et les universités.

Financer la recherche et donner à nos chercheurs les moyens de leurs ambitions scientifiques est un axe prioritaire de ce budget 2019.

Le budget de la recherche augmentera de 2,5 % cette année, soit une hausse de près de 8 % en deux ans. Cet effort souligne le caractère stratégique de la recherche pour notre pays, qui demeure aujourd’hui encore une grande nation scientifique. La récente attribution du prix Nobel de physique à Gérard Mourou nous le rappelle, tout comme la réussite du centième lancement du programme Ariane 5.

Toutefois, nous faisons face à une concurrence intense liée aussi bien aux performances des États-Unis, du Royaume-Uni ou de l’Allemagne qu’à l’arrivée de nouveaux acteurs internationaux de la recherche – je songe bien évidemment à l’Inde et à la Chine.

Afin de faire face à ces défis internationaux, mes priorités en matière de recherche sont simples : continuer à soutenir la recherche fondamentale ; mobiliser les forces scientifiques pour répondre aux grands défis sociétaux et renforcer les partenariats entre universités et organismes de recherche.

Pour mettre en œuvre ces principes, nous renforcerons les écosystèmes territoriaux organisés autour des universités développant leur signature en matière de recherche et d’innovation, en impliquant les organismes par le biais des unités mixtes de recherche.

Il est aussi indispensable de renforcer les missions nationales des organismes de recherche en leur confiant des programmes prioritaires de recherche, à l’instar du programme pour l’intelligence artificielle, piloté par l’Institut national de recherche en informatique et automatique (Inria), et de celui pour le climat, piloté par le CNRS. Cela se fera en encourageant l’excellence scientifique de demain. C’est pourquoi 300 nouveaux doctorants seront recrutés par le CNRS d’ici à 2020, afin de renforcer les laboratoires de recherche conjoints entre le CNRS et les universités.

Dans cette compétition mondiale qui tend plus que jamais à faire de la recherche un enjeu de souveraineté, j’ai la conviction qu’il ne faut pas opposer le financement sur projet au financement dit « de base ». Il faut faire les deux, et il faut le faire au bon niveau.

C’est pourquoi, afin de faciliter le travail des chercheurs au quotidien, j’ai décidé de reconduire en 2019 le financement direct « de base » aux laboratoires à hauteur de 25 millions d’euros. La rémunération des personnels des organismes bénéficiera également d’une revalorisation de 28 millions d’euros dans le cadre du protocole « parcours professionnels, carrières et rémunérations » (PPCR).

S’agissant du financement sur projet, le budget de l’Agence nationale de la recherche (ANR) est augmenté de 33 millions d’euros en autorisations d’engagement (AE), soit 65 millions d’euros en deux ans. Cela correspond à un engagement ferme en termes de crédits de paiement : 86 millions d’euros en 2019, soit 220 millions d’euros supplémentaires en deux ans. C’est bien la preuve que cette dynamique se poursuit dans la durée.

Au-delà de l’ANR, le ministère soutient les initiatives vertueuses permettant d’associer le meilleur de l’initiative privée et de la recherche publique. C’est pourquoi nous poursuivrons aussi, en 2019, l’effort de 5 millions d’euros au profit des instituts Carnot, qui sont plus que jamais les leviers du rapprochement entre la recherche et l’industrie.

Après avoir régularisé la situation de la France auprès des organisations scientifiques internationales à hauteur de 300 millions d’euros en 2018, dont plus de 170 millions d’euros hors secteur spatial, mon ministère restera en 2019 pleinement engagé dans le financement des organisations scientifiques internationales comme des très grandes infrastructures de recherche (TGIR). Les crédits dédiés seront en 2019 en hausse de 23 millions d’euros. Ce sont des choix lourds, exigeants mais fondamentaux pour repousser la frontière de la connaissance.

Afin de relever le défi des grandes questions scientifiques et technologiques particulièrement structurantes pour notre avenir, telle que l’intelligence artificielle, près de 29 millions d’euros, issus de la MIRES et du PIA, financeront le volet « recherche » sur l’intelligence artificielle en 2019. Ces financements monteront en puissance année après année.

Vous le savez, notre pays et l’Europe ont construit au fil des années un secteur spatial parmi les plus avancés au monde. À la clé, des enjeux technologiques, industriels, scientifiques et de souveraineté qui profitent aujourd’hui de l’émulation issue de l’arrivée de nouveaux acteurs dans ce domaine, comme l’américain Space X. Afin de répondre à cette nouvelle donne, de finaliser le programme Ariane 6 tout en préparant l’avenir, un effort significatif sera consenti en 2019 en faveur du programme 193 dont le budget progressera de 13 % pour atteindre 1,8 milliard d’euros.

Enfin, notre recherche est indéfectiblement liée aux enjeux de santé. Afin de répondre aux enjeux sanitaires, cliniques et épidémiologiques des pathologies qui frappent nos concitoyens, le ministère déploiera en gestion 17 millions d’euros pour consolider le financement des plans santé qui sont principalement pilotés par l’INSERM.

Parce que la recherche n’est plus simplement la solution d’une équation financière mais avant toute chose une entreprise fondamentalement humaine, nous avons travaillé, depuis le printemps dernier, à consolider le statut des chercheurs afin de mieux valoriser leurs compétences sur le marché du travail et de resserrer leurs liens avec les entreprises et l’innovation. Dans cet esprit, nous avons obtenu, en mars dernier, l’inscription du doctorat au répertoire national des certifications professionnelles. Également dans cette logique, nous avons souhaité, avec Bruno Le Maire, ministre de l’économie et des finances, rénover le statut du chercheur-entrepreneur issu de la loi du 12 juillet 1999 sur l’innovation et la recherche, dite « loi Allègre », dans le cadre de l’article 41 du projet de loi relatif à la croissance et à la transformation des entreprises (PACTE).

Un dernier mot s’agissant du rayonnement international de la politique conduite par mon ministère. Sur ce sujet, vous le savez, l’Europe joue un rôle fondamental. C’est à la fois le lieu géographique naturel de la coopération scientifique et universitaire et celui dans lequel se dessinent l’université et la recherche de demain.

Imaginer l’université de demain à l’échelle de l’Europe, c’est répondre à la fois à des objectifs d’attractivité de nos universités dans la compétition mondiale et d’excellence scientifique. Pour y parvenir, nous devons projeter nos politiques et nos pratiques à l’échelle européenne, dans le cadre de la préparation du programme « Horizon Europe ». Premier programme mondial en matière de recherche, il revêt une importance particulière dans le contexte européen que nous connaissons tous. À l’heure actuelle, les acteurs français ne s’investissent pas suffisamment dans les programmes européens. J’ai engagé un chantier à ce sujet pour y remédier dans les prochains mois.

Imaginer l’université de demain à l’échelle de l’Europe, c’est aussi renforcer l’identité européenne de la jeunesse par une université inclusive en donnant à chaque jeune l’opportunité de construire son avenir, non seulement à l’échelle de son propre pays mais aussi à l’échelle du continent. À ce propos, je me félicite du lancement par la Commission européenne de l’appel à projets « Universités européennes ». C’était une volonté du Président de la République dans son discours de la Sorbonne du 26 septembre 2017, c’est également un jalon indispensable pour affirmer clairement que notre avenir commun n’est pas concevable en dehors de l’Europe. Cet appel à propositions de 30 millions d’euros pour six projets pilotes permettra de regrouper des établissements français et européens d’au moins trois pays, afin de bâtir les premiers projets pilotes d’universités européennes sous forme de réseaux fondés sur un très fort niveau d’intégration en matière de cursus, de diplômes, de recherche, d’innovation, mais aussi d’échanges humains. Tous les établissements français sont invités à faire acte de candidature. Nous verrons les premières universités européennes émerger à la rentrée 2019. La France apportera son soutien à la constitution de ces projets à hauteur d’au moins 100 millions d’euros sur dix ans.

Un dernier mot s’agissant de la fin de gestion de l’exécution du budget 2018.

Le projet de loi de finances rectificative (PLFR) présenté ce matin en conseil des ministres procède, comme chaque année, à des ajustements, dans une logique de bonne gestion publique et de maîtrise du déficit. Cette année, nous avons décidé de ne pas procéder par décrets d’avance. Dans ce cadre, le ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation voit ses crédits disponibles augmenter de 110,8 millions d’euros, au profit de l’enseignement supérieur, de la recherche et de la vie étudiante. Ce schéma permettra au ministère de financer l’ensemble des dépenses prévues pour la fin 2018. Le reste des crédits mis en réserve, qui représentent un total d’un peu plus de 200 millions d’euros, sera annulé en toute fin d’année.

Tels sont, en quelques mots, les axes prioritaires qui seront poursuivis avec ce budget pour 2019 aujourd’hui soumis à votre examen. Je me tiens bien entendu à votre disposition pour répondre à l’ensemble de vos questions.

M. Philippe Berta, rapporteur pour avis des crédits de l’enseignement supérieur et de la vie étudiante. Le budget de l’enseignement supérieur s’inscrit cette année dans la trajectoire dessinée par la loi de finances pour 2018. Les programmes 150 « Formations supérieures et recherche universitaire » et 231 « Vie étudiante » connaissent une hausse de 0,6 % en autorisations d’engagement et de 1,07 % en crédits de paiement, soit environ 100 et 170 millions d’euros respectivement, dans un contexte budgétaire contraint. Cette hausse vise notamment à financer le plan licence, plan fondamental pour améliorer l’orientation et la réussite des étudiants en premier cycle, à créer une nouvelle bourse devant faciliter la mobilité des étudiants en première année d’études supérieures et à revaloriser les carrières des agents.

Au-delà de l’examen des crédits consacrés à l’enseignement supérieur dans ce projet de loi de finances, j’ai souhaité m’intéresser cette année aux carrières des enseignants-chercheurs, en recherchant les moyens de mieux valoriser leur accomplissement sur tout le spectre de leurs missions et de leur assurer un accompagnement professionnel plus personnalisé.

Les corps d’enseignants-chercheurs assument en effet des missions extrêmement vastes. Outre les tâches relatives à la pédagogie, à l’accompagnement des étudiants et à la recherche, il leur incombe d’assumer des responsabilités administratives et collectives au sein de leurs établissements, de développer la dimension internationale de ces derniers, de contribuer à la diffusion des savoirs auprès du grand public et de valoriser les résultats de la recherche. La loi du 8 mars 2018 relative à l’orientation et à la réussite des étudiants a élargi ces missions en prévoyant une aide à l’orientation des futurs étudiants et la mise en place de dispositifs d’accompagnement pédagogique.

C’est pourtant la qualité de la recherche qui est prise en compte, de manière presque exclusive, pour déterminer la progression des carrières. Elle demeure, en effet, le premier critère d’évaluation et de sélection des enseignants-chercheurs lors de leur recrutement et de leur promotion, ou lors de l’attribution de la prime d’encadrement doctoral et de recherche. Ce constat s’applique aux promotions dites nationales, sur proposition du Conseil national des universités (CNU), comme aux promotions locales, sur proposition des établissements. Ses effets sont aggravés par la course à la publication qui affecte les milieux de la recherche et par la concurrence internationale entre les établissements, qui sont bien souvent évalués sur ce critère.

Cette survalorisation de la recherche se double d’un accompagnement professionnel insuffisant. Il n’existe pas, aujourd’hui, de processus satisfaisant de reconnaissance et d’accompagnement de l’enseignant-chercheur dans sa réalisation professionnelle. Les enseignants-chercheurs ne sont évalués que sur leurs activités de recherche, et ce sur une base uniquement volontaire ; l’évaluation n’intervient qu’à l’occasion d’une demande de promotion, d’avancement, de mutation, de prime ou de congé de conversion. Il en résulte des évaluations conduites dans une logique de contrôle, ce qui est contradictoire avec le principe de l’indépendance des enseignants-chercheurs.

Les activités autres que la recherche ne font l’objet que de peu, voire d’aucun suivi. En l’absence de démarche volontaire, aucun rendez-vous régulier ne rythme la carrière de l’enseignant-chercheur pour ouvrir une réflexion commune sur ses missions et proposer une offre de formation pertinente.

Cette carence de l’accompagnement génère des difficultés pour la mobilité des enseignants-chercheurs et des inégalités dans le déroulement des carrières. Je rappellerai que la mobilité des enseignants-chercheurs est très faible, qu’il s’agisse de mobilité hiérarchique, géographique ou fonctionnelle. Passé 35 ans, les mutations d’enseignants-chercheurs concernent moins de 1 % d’entre eux, alors qu’un tiers seulement des demandes sont satisfaites, et à peine 3 % sont placés en position de détachement ou en délégation. En matière de mobilité hiérarchique, on constate une forte autocensure des enseignants-chercheurs, qui se montrent timorés lorsqu’il s’agit de progresser dans leur carrière.

Par ailleurs, des inégalités dans le déroulement de carrière existent entre les enseignants-chercheurs titulaires dans de petits établissements, dont l’activité en recherche est souvent plus modeste, et ceux affectés dans de grands établissements, dans un environnement scientifique prestigieux. Cette inégalité dans la possibilité de mener des activités de recherche est renforcée par les procédures de promotion, puisque les enseignants-chercheurs des plus petits établissements ne peuvent être promus que par la voie nationale, la voie locale leur étant fermée. La faiblesse de l’accompagnement professionnel est ainsi facteur d’immobilisme, mais aussi d’injustices.

Certes, un suivi de carrière a été mis en place en 2014 pour remédier à certaines de ces difficultés. Ce dispositif, destiné à améliorer l’accompagnement professionnel des enseignants-chercheurs, prévoit que chacun d’entre eux établit, au moins une fois tous les cinq ans, un rapport mentionnant ses activités. Ce rapport est remis au président de l’établissement, qui le transmet au CNU, en même temps qu’un avis sur les activités pédagogiques et les tâches d’intérêt général accomplies par l’enseignant.

Ce suivi de carrière a d’abord été refusé par la plupart des sections du CNU. Seules 6 sections sur les 57 que compte le CNU ont effectivement examiné les dossiers déposés en 2015. Mais l’acceptation progresse : en 2016, 9 sections y avaient pris part, puis 33 en 2017, soit la majorité. Sur les 2 000 dossiers déposés en 2017, 22 % ont suscité de la part du CNU des suggestions d’actions à mettre en œuvre par l’établissement. Ces suggestions ont pour beaucoup porté sur un allègement des tâches d’enseignement pour certains enseignants-chercheurs ou sur une modification des conditions de l’activité de recherche.

De mieux en mieux accepté, le suivi de carrière permet d’introduire un regard extérieur régulier sur les carrières. Mais il ne répond que très imparfaitement à la nécessité de mieux accompagner l’épanouissement professionnel des enseignants-chercheurs et de mettre en place des mécanismes de promotion correspondant à la réalité du métier.

L’évaluation doit répondre à des critères de transparence, de justesse et d’équité, être porteuse de sens et s’inscrire dans un environnement plus large d’épanouissement professionnel pour emporter l’adhésion. Elle doit permettre la reconnaissance et l’accompagnement des professionnels dans l’ensemble de leurs missions. Dans le cas des enseignants-chercheurs, une attention particulière doit être portée à la spécificité de leur identité professionnelle. Seule une évaluation formative, respectueuse de leurs qualifications et de leur autonomie peut être pertinente. Elle doit également respecter leur indépendance, reconnue par le Conseil constitutionnel comme découlant de l’article 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. L’auto-évaluation doit donc être privilégiée.

Madame la ministre, vous avez annoncé, le 29 mars dernier, une concertation sur la reconnaissance de l’investissement pédagogique des enseignants-chercheurs. Je souhaite que les propositions que je vais formuler, inspirées de pratiques davantage utilisées chez nos voisins européens, puissent contribuer à la dynamique que vous avez lancée.

Pour mieux valoriser les agents investis dans le domaine pédagogique, une pratique vertueuse consiste en la rédaction de dossiers d’enseignement, récapitulant les enseignements créés et dispensés au cours d’une période donnée, et détaillant leur public, les méthodes d’enseignement et les modes d’évaluation employés. Ces dossiers permettent à l’enseignant de mettre en valeur les compétences pédagogiques qu’il a développées et de porter un regard réflexif sur ses pratiques. Pour que cette pratique se diffuse, il serait utile que le ministère fournisse un canevas de dossier d’enseignement aux établissements, à titre indicatif, afin d’ouvrir la réflexion sur les pratiques pédagogiques.

L’évaluation des enseignements par les étudiants constitue un deuxième levier, à condition qu’elle soit utilisée de manière volontaire par les enseignantschercheurs et que ses résultats demeurent réservés à l’enseignant concerné. Ici encore, le ministère pourrait élaborer une plateforme type que les établissements et les enseignants pourraient ensuite adapter à leurs besoins. Le développement de mécanismes d’auto-évaluation, pour revêtir une réelle efficacité, devrait s’accompagner d’un renforcement de l’accompagnement des enseignantschercheurs au sein de leur établissement et de la mise en place d’outils dédiés à leur développement professionnel. Il convient, en effet, que les autoévaluations conduites débouchent sur des actions d’amélioration lorsque le besoin s’en fait ressentir.

Ainsi, des points d’étape périodiques et confidentiels avec les services des ressources humaines des établissements pourraient être mis en place tous les deux ans et demi, exception faite des années où le suivi de carrière a lieu. Ces moments d’échange permettraient la formulation de conseils personnalisés et la proposition d’outils et de formations appropriés aux besoins de l’enseignant-chercheur.

Concernant l’accompagnement en matière pédagogique, je tiens à saluer la mise en place de formations obligatoires pour les maîtres de conférences en année de stage. Je suggère que leur volume soit augmenté et qu’y soient incluses de nouvelles dimensions dans les champs de la connaissance du monde économique, de la psychologie, de l’éthique, du numérique et de la protection des données. Il faudrait également renforcer les services pédagogiques existant au sein de nos établissements, auxquels tous les enseignants-chercheurs devraient avoir accès. Pour les établissements qui n’en sont pas encore dotés, des centres de pédagogie communs à deux ou plusieurs universités pourraient être mis en place. Enfin, il serait utile de développer les pratiques d’observation par les pairs, qui permettent non seulement de recevoir un retour sur son enseignement, mais aussi de prendre conscience de la diversité des approches d’enseignement, ainsi que celle de tiers‑temps pendant lesquels les enseignants-chercheurs pourraient échanger sur leurs choix et leurs difficultés d’enseignement.

Outre l’accompagnement professionnel dont il permettrait de faire bénéficier les enseignants-chercheurs, un suivi de carrière plus régulier et plus complet devrait aboutir à un système plus juste d’attribution des promotions, des congés et des primes.

Les entretiens de suivi avec les services des ressources humaines, ainsi que la documentation par les enseignants-chercheurs de leurs activités sur tout le spectre de leurs missions, permettraient de lever l’autocensure de nombreux agents qui hésitent à solliciter une promotion. Ils permettraient également de mieux reconnaître les enseignants-chercheurs exerçant dans des établissements où l’activité de recherche est moindre, et d’octroyer des modulations de services correspondant mieux à la situation professionnelle réelle des intéressés.

Sur ce sujet, je me félicite de l’annonce que vous avez faite, madame la ministre, concernant l’élargissement des congés pour recherche et conversion thématique. J’estime que leur durée, aujourd’hui fixée à six ou douze mois, devrait être modulée de manière plus précise en fonction de leurs objectifs. Les congés consacrés à la valorisation de la recherche constituent, à mon sens, une priorité.

Je souhaite également rappeler que les établissements constituent l’échelon le plus pertinent pour appréhender toutes les dimensions de l’activité des enseignants-chercheurs qui ne relèvent pas de la recherche. Une plus grande confiance devrait donc leur être témoignée sur ce sujet.

Enfin, pour remédier aux inégalités de carrière, il serait souhaitable d’attribuer au CNU un quota de promotions réservé aux promotions dans les petits établissements.

J’en viens à présent à mes questions. La première porte sur les établissements d’enseignement supérieur privé d’intérêt général (EESPIG), qui bénéficient de subventions à hauteur de 72 millions d’euros dans le programme 150. Madame la ministre, pourriez-vous nous indiquer les critères qui président à la reconnaissance de la qualité d’EESPIG et les objectifs de ces subventions ?

Par ailleurs, je m’interroge sur la réduction de l’aide au mérite destinée aux étudiants bénéficiant d’une bourse sur critères sociaux et ayant obtenu une mention « très bien » au baccalauréat. Cette baisse s’explique en partie par la réduction de moitié de cette aide décidée par un arrêté du 11 mai 2015 mais, comme l’indique le projet annuel de performance, elle résulte aussi d’une diminution du nombre de bourses octroyées. Au vu de l’importance sociale et symbolique de ce dispositif, pourquoi réduire le nombre de ces bourses ?

Ma dernière question porte sur la concertation au sujet de la reconnaissance de l’investissement pédagogique des enseignants-chercheurs, que vous avez annoncée le 29 mars dernier. Pourriez-vous nous indiquer l’état d’avancement et le calendrier de cette concertation ?

M. Pierre Henriet, rapporteur pour avis des crédits de la recherche. La préparation de l’avenir constitue l’une des priorités affichées dans le présent projet de loi de finances, notamment par le soutien apporté à la recherche et à l’innovation, et plus particulièrement aux innovations de rupture. Cette priorité trouve une traduction concrète dans les crédits budgétaires alloués à la recherche au sein de la mission que nous examinons aujourd’hui. Dans le prolongement de l’évolution engagée dans la loi de finances pour 2018, ces crédits augmentent de 2,2 %, en étant portés de 14,83 à 15,16 milliards d’euros, soit une hausse de plus de 330 millions d’euros. Dans le contexte budgétaire actuel, il s’agit d’un véritable effort, que je tiens à souligner.

Les moyens dévolus à l’Agence nationale de la recherche (ANR) sont nettement revalorisés, dans la lignée de l’augmentation déjà réalisée en 2018, ce qui permettra de poursuivre le redressement du taux de sélection des projets de recherche. Autre point important, la contribution à l’Agence spatiale européenne (ESA) est augmentée de 210 millions d’euros pour poursuivre l’apurement de la dette de la France à son égard.

Je voudrais souligner la nécessité de maintenir cet effort budgétaire en faveur de la recherche dans la durée, car nous sommes encore nettement en deçà de l’objectif que l’Europe s’était fixé en 2000 et a réaffirmé en 2013, c’est-à-dire consacrer 3 % du produit intérieur brut (PIB) aux dépenses de recherche, publiques et privées. En France, ces dépenses représentaient de l’ordre de 2,2 % du PIB en 2017. Leur part a connu un léger tassement depuis 2014.

J’évoquerai brièvement la valorisation de la recherche, qui constitue l’une des clés de la compétitivité des économies modernes. Dans un rapport de mars dernier, la Cour des comptes a dressé un bilan assez mitigé des nouveaux outils de valorisation mis en place à partir de 2010 dans le cadre du PIA, qu’il s’agisse des sociétés d’accélération du transfert de technologies (SATT), des instituts de recherche technologique (IRT), des instituts pour la transition énergétique (ITE) ou encore des consortiums de valorisation thématique (CVT). La Cour souligne notamment que la création de nouvelles structures, sans rationalisation de l’existant, a conduit à une forme de sédimentation des dispositifs et à des difficultés de gouvernance de l’« écosystème de la valorisation », qui est devenu très complexe. La Cour relève également que les premiers résultats de ces structures se sont révélés généralement en deçà des attentes. Elle a formulé plusieurs préconisations, notamment la mise en extinction des CVT et le resserrement des SATT et IRT, ainsi que le développement des conventions industrielles de formation par la recherche (CIFRE).

Le Gouvernement a pris plusieurs mesures en la matière depuis la publication de ce rapport, ce qui montre la grande attention qu’il porte à la valorisation de la recherche et à la diffusion de l’innovation. Certaines structures ont été mises en extinction, notamment plusieurs CVT et la SATT Grand Centre, avec parallèlement la conduite d’évaluations des différentes structures. Le projet de loi PACTE comporte aussi plusieurs dispositions pour favoriser le passage entre recherche et entreprenariat, et propose également une réforme du dispositif de mandataire unique. Le présent projet de loi de finances prévoit une hausse de l’ordre de 15 % des crédits alloués au dispositif CIFRE. 

Plus largement, le Gouvernement a engagé une politique ambitieuse en faveur de l’innovation, et plus particulièrement des innovations de rupture, avec la création du fonds pour l’innovation et la mise en place du plan « Deep Tech » confié à Bpifrance, en sus de l’installation d’un conseil interministériel de l’innovation.

J’en viens à la partie thématique de mon avis. J’ai choisi de m’intéresser au crédit d’impôt recherche (CIR), rattaché au programme 172, qui constitue la première dépense fiscale de notre budget – si l’on ne prend pas en compte le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE), lequel va s’éteindre, remplacé par un allègement de charges sociales.

Le CIR constitue un dispositif fiscal emblématique, par son coût, de l’ordre de 6 milliards d’euros, par sa relative stabilité dans le temps, caractéristique relativement rare en matière fiscale, et par la place qu’il occupe dans le soutien public aux dépenses de recherche-développement des entreprises. Il représente à lui seul les deux tiers de ce soutien, qui atteint au total 0,4 % du PIB. Au fil de sa montée en charge, notamment après sa réforme de 2008, il a remplacé pour partie les aides directes à la recherche des entreprises.

Le CIR constitue un élément clé de la compétitivité de l’environnement fiscal français pour les activités de recherche et d’innovation, comme l’ont souligné tous mes interlocuteurs. L’un des points forts du CIR est sa neutralité à l’égard des projets de recherche développés par les entreprises, à la différence des dispositifs de subvention directe. Le crédit d’impôt est égal à 30 % des dépenses de recherche engagées.

Par ailleurs, le CIR comporte un volet « innovation », intitulé crédit d’impôt innovation (CII), réservé aux PME, et dont le taux est ramené à 20 %.

Je me suis efforcé dans mon rapport d’apporter des données chiffrées sur les entreprises bénéficiaires du CIR et du CII, sur leur taille et leur secteur d’activité. Je me bornerai à indiquer ici que les PME bénéficient d’un tiers de la créance fiscale, un autre tiers étant absorbé par les entreprises entre 250 et 5 000 salariés. Les très grandes entreprises, au‑delà de 5 000 salariés, représentent le dernier tiers.

L’un des enjeux centraux du CIR est bien sûr l’évaluation de son impact. Un grand nombre de travaux et de rapports ont été conduits, mais ils concluent généralement à la difficulté à évaluer précisément l’efficacité du CIR, notamment pour des raisons méthodologiques, avec la nécessité d’identifier ex post des dépenses de recherche qui n’auraient pas été réalisées sans le CIR et d’établir un scénario contrefactuel.  Un consensus se fait jour néanmoins sur un effet d’additionnalité du CIR. Pour chaque euro de CIR versé aux entreprises, on observe une augmentation de leur effort de recherche-développement d’un euro en moyenne. En revanche, l’on n’observe pas d’effet de levier ou d’effet multiplicateur sur les dépenses de recherche-développement privées. Plusieurs études sont en cours de finalisation sur le CIR et la mesure de son impact, notamment au sein de France Stratégie. Nous devrons être attentifs à leurs conclusions.

Le deuxième enjeu est la mesure des effets du CIR sur l’emploi des chercheurs et des jeunes docteurs. Là encore, il n’existe pas d’éléments statistiques précis sur le nombre d’emplois de chercheurs soutenus par le CIR. L’on observe simplement que le nombre de chercheurs en entreprise a crû de façon continue depuis 2008, pour atteindre 226 000 en 2015. Un nombre croissant d’entreprises recourt également au dispositif « jeunes docteurs », qui consiste à doubler le salaire pris en compte pour le calcul du CIR lors de l’embauche d’un jeune docteur, pendant les deux premières années. Je rejoins donc la préoccupation de ma collègue Amélie de Montchalin de mieux mesurer l’effet du CIR sur l’emploi des chercheurs, en demandant aux entreprises qui bénéficient du CIR, au-delà d’un certain montant, de donner des indications sur leur politique d’embauche à l’égard des chercheurs et docteurs. Un amendement a été déposé à cet effet en seconde partie du projet de loi de finances, sur les articles non rattachés.

Enfin, j’ai souhaité m’intéresser à l’appropriation de l’outil du CIR par les entreprises, notamment les PME. Plusieurs des personnes que j’ai auditionnées ont souligné que les PME s’étaient « décomplexées » en matière de CIR et de CII et qu’elles manifestaient une réelle appétence pour ces outils fiscaux. Néanmoins, il m’a également été indiqué que les petites entreprises pouvaient rencontrer des difficultés pour apprécier l’éligibilité de leurs dépenses au CIR, car elles ne disposent pas forcément de l’expertise juridique nécessaire, à la différence des grandes entreprises, notamment pour faire la distinction entre dépenses de recherche et dépenses d’innovation. Cela peut conduire à des réticences de la part des PME, de peur de connaître un contrôle fiscal et de devoir rembourser le crédit d’impôt, éventuellement plusieurs années après l’avoir perçu. À noter que le montant des redressements au titre du CIR est relativement limité au regard de la dépense fiscale, oscillant entre 200 et 270 millions d’euros par an au cours des dernières années.

Il est pourtant essentiel que les PME s’approprient le CIR et le CII, alors même que ces entreprises sont les plus à même de développer et de faire vivre des innovations de rupture, essentielles pour positionner notre économie sur des secteurs de haute technologie.

J’ai d’ailleurs constaté que, paradoxalement, les outils mis à la disposition des entreprises, notamment des PME, pour vérifier l’éligibilité de leur demande de CIR, sont très peu utilisés. Le nombre de rescrits demandé au titre du CIR est inférieur à 300 par an, ce qui est très peu, rapporté au nombre d’entreprises qui bénéficient du CIR et au nombre de rescrits demandés dans d’autres domaines.

À cet égard, on peut penser que les entreprises ne sont pas incitées à demander un rescrit par les cabinets de conseil, qui n’ont pas intérêt à voir leur marché s’assécher en cas de réponse négative de l’administration sur l’éligibilité d’un projet. Sur ce point, il a été indiqué à plusieurs reprises que certains cabinets de conseil pouvaient se montrer « pousse-au-crime » en incitant les entreprises, notamment les PME, à demander le bénéfice du CIR, alors même que les dépenses concernées n’y étaient pas éligibles. Un dispositif de référencement des cabinets de conseil a été mis en place en 2016, sous l’égide du Médiateur des entreprises, à Bercy. Il serait utile que les délégations régionales à la recherche et à la technologie (DRRT) se voient confier une mission de signalement des cabinets de conseil défaillants auprès du Médiateur, pour qu’ils soient déréférencés le cas échéant.

Sur ce point, les moyens dévolus aux DRTT sont relativement restreints. Celles-ci jouent un rôle d’expertise en matière de CIR, avec l’élaboration de rescrits et l’appui apporté à l’administration fiscale dans le cadre de ses contrôles. Les DRRT coordonnent et animent également les politiques de recherche et d’innovation au plus près des territoires et des entreprises. Lors de l’examen des crédits, je vous proposerai un amendement visant à accroître leurs effectifs, aujourd’hui limités à une centaine d’emplois dans les dix-sept DRRT.

Mme Amélie de Montchalin, rapporteure spéciale de la commission des finances pour la recherche. Merci, madame la ministre, messieurs les rapporteurs pour avis, pour tous ces éléments descriptifs. Ayant peu à y ajouter, je formulerai une remarque et poserai cinq questions.

Je trouve extrêmement positif, madame la ministre, que vous ayez pu, en gestion, libérer 17 millions d’euros pour financer les plans santé de l’INSERM. C’est une demande récurrente que je soutenais dans mon rapport dès l’année dernière. Je me réjouis que les annonces sur les sujets transverses puissent être bien financées.

Ma première question concerne les dépenses fiscales. Notre collègue Pierre Henriet a évoqué longuement et très justement le CIR. Madame la ministre, comment considérez-vous les cinq autres dépenses fiscales rattachées à votre programme, dont le rendement est inférieur à 2 millions d’euros et dont le chiffrage comme le coût ne sont pas connus ? J’y vois un besoin de rationalisation et une possibilité d’action sur les articles non rattachés, en deuxième partie.

Ma deuxième question concerne l’ANR, qui voit ses crédits mis en réserve à hauteur de 8 %. C’est plus que la norme générale de 3 %, ce qui représente une différence de 50 millions d’euros, soit deux points de taux de sélection en plus, pour atteindre 16 %. Je déposerai mardi soir, en séance, un amendement en vue de comprendre cette pratique de mise en réserve passablement élevée s’agissant de crédits d’intervention qui ont vocation, quand ils sont votés par le Parlement, à être exécutés à 100 %, ce qui n’est donc pas le cas aujourd’hui.

Concernant les doctorants, je saluerai les 50 thèses supplémentaires financées par le dispositif CIFRE, portant à 1 450 le nombre de conventions signées dans l’année. Disposezvous des premiers éléments d’évaluation du devenir de ces doctorants ? À quelles suites a donné lieu l’amendement voté dans le cadre du projet de loi de finances pour 2018, que j’espère élargi dans le cadre des prochains débats, relatif aux entreprises déclarant plus de 100 millions d’euros au titre du crédit impôt recherche, tenues, depuis l’année dernière, de fournir au ministère des précisions quant à leur politique de recrutement de chercheurs et docteurs ?

Mon quatrième point concerne le projet de système d’information SI Labo. Dans le cadre de la mission d’évaluation et de contrôle (MEC), Patrick Hetzel, Danièle Hérin et moi‑même avons souligné l’importance d’avancer fermement sur ce sujet, non parce que nous aimons particulièrement les grands projets, mais parce que nous savons qu’il est essentiel, notamment pour vos dialogues de gestion, d’avoir une vision consolidée, site par site, de l’intégralité des crédits qui financent l’activité. Je citerai Paris-Saclay et les universités, les écoles, l’École normale supérieure (ENS) et les autres participants.

Le cinquième point concerne le CEA et le programme 190. Madame la ministre, j’ai été très surprise dans mes auditions de constater le fonctionnement « en silo » de la politique de la recherche. Comment votre ministère supervise-t-il le programme 190, en lien avec le ministère de la transition écologique et solidaire ? Les impasses budgétaires pour le CEA s’élèveront, à moyen terme, à plus d’un milliard d’euros, compte tenu des évolutions prévues pour le réacteur Jules-Horowitz, le programme Advanced Sodium Technological Reactor for Industrial Demonstration (ASTRID), les programmes d’assainissement et de renouvellement-démantèlement des installations nucléaires existantes et le plan « Nanotechnologies ». Dans ces conditions, ce programme doit faire l’objet d’un suivi beaucoup plus serré.

Enfin, nous avons voté en commission des finances un amendement tendant à renforcer les moyens de l’Institut français du pétrole et des énergies nouvelles (IFPEN), dont le chiffre d’affaires s’élève à 1 milliard d’euros environ, après qu’il a réussi à passer de la recherche à la création d’entreprises. Cet institut réalise sur les énergies renouvelables un travail formidable et reconnu au niveau international. Il semble difficile de réduire ses crédits de 30 % en cinq ans et d’accepter leur baisse de 3,5 millions d’euros à nouveau proposée dans le projet de loi de finances pour 2019.

 

M. Bruno Le Vigoureux, rapporteur spécial de la commission des finances pour l’enseignement supérieur. Merci, monsieur le président, pour votre invitation, ainsi qu’aux deux rapporteurs pour avis pour leurs descriptions précises des programmes concernés par ce budget.

Celui-ci consacre l’application en année pleine d’une loi sur laquelle, mes chers collègues, vous avez beaucoup travaillé, la loi du 8 mars 2018 relative à l’orientation et à la réussite des étudiants, avec une augmentation des crédits de 173 millions d’euros pour les programmes 150 « Formations supérieures et recherche universitaire » et 231 « Vie étudiante ». S’y ajoutent les crédits du Grand Plan d’investissement (GPI), qui prévoit sur le quinquennat 1,55 milliard d’euros de ressources, dont 20 % consacrés au programme 421 « Soutien des progrès de l’enseignement supérieur et de la recherche ». Parmi les actions emblématiques, on citera l’action « Nouveaux cursus à l’université » visant à favoriser une meilleure prise en compte de la diversité géographique, académique et sociale des étudiants qui arrivent en premier cycle de l’enseignement supérieur.

Contrairement aux étudiants, je ne vais pas formuler plusieurs vœux, mais vous poser plusieurs questions sur l’exercice budgétaire 2019 – quatre sur le programme 150 et deux sur le programme 231.

Concernant le programme 150 « Formations supérieures et recherche universitaire », pourriez-vous nous rappeler, comme le demande notre collègue Philippe Berta, les mesures budgétaires inscrites dans le projet de loi de finances pour 2019 en vue de prendre en compte l’investissement particulier des enseignants et enseignants-chercheurs dans la conception, la mise en œuvre et le pilotage des parcours spécifiques, les fameux parcours « oui si », conditionnant l’accès à une filière, ou dans l’instruction et le traitement des dossiers de candidatures ?

Compte tenu des premiers enseignements des demandes formulées cette année, quel est votre point de vue sur la place des formations courtes professionnalisantes ? Les places en section de technicien supérieur (STS) continueront-elles à augmenter à un rythme supérieur au rythme de la démographie étudiante, en particulier en 2019 ? Comment voyez-vous l’avenir des instituts universitaires de technologie (IUT) ? Faut-il les encourager à proposer des diplômes en trois ans ? Quid, dans cette hypothèse, des licences professionnelles ?

Quels sont les impacts attendus de la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel, sur le développement de l’apprentissage dans l’enseignement supérieur et sur la place des universités dans l’offre nationale de formation continue ? Et quel est, par voie de conséquence, son impact sur les ressources propres des établissements, qui stagnent de manière préoccupante depuis cinq ans ?

Dans les auditions réalisées pour l’élaboration de mon rapport spécial, il a été question à de nombreuses reprises de la « jungle » des formations « bac + 3 », où cohabitent sous l’appellation « bachelor » des formations de haute qualité évaluées par le Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (HCERES) et animées par des équipes professorales solides et des acteurs de la recherche, et des sous-produits commerciaux qui permettent à des acteurs privés de réaliser de belles marges, jouant sur la grande perplexité des familles. N’est-il pas temps, comme cela est le cas concernant les masters, de proposer le grade de licence pour les formations « bac + 3 » de qualité, afin d’éclairer le choix des familles et de permettre une meilleure reconnaissance internationale de ces formations ?

Concernant le volet « Vie étudiante », merci d’avoir précisé que chaque euro collecté au titre de la CVEC ira bien à la santé, aux campus et à la vie étudiante. Je souhaiterais vous interroger sur les moyens financiers déployés par l’État en vue d’améliorer l’accessibilité des établissements aux étudiants et personnels en situation de handicap, ainsi que sur les moyens fléchés sur l’ouverture étendue des bibliothèques universitaires, notamment le dimanche. Je connais votre attachement à ce dossier.

M. le président Bruno Studer. Je donne maintenant la parole à ceux de nos collègues qui souhaitent intervenir, en commençant par les représentants des groupes.

Mme Danièle Hérin. Le projet de loi de finances pour 2019 s’inscrit, s’agissant de la mission interministérielle « Recherche et enseignement supérieur » (MIRES), dans la lignée de l’engagement du Président de la République et dans la trajectoire que vous avez décrite dès la loi de finances pour 2018, et ce dans un contexte budgétaire très contraint.

Les crédits de paiement de la MIRES s’élèvent à 28,17 milliards d’euros, en augmentation de 502 millions d’euros, soit 1,8 %.

Pour la partie « Enseignement supérieur », les objectifs étaient d’améliorer la réussite des étudiants, en particulier dans le premier cycle, d’améliorer les conditions de la vie étudiante, de renforcer l’autonomie des universités et de structurer les établissements d’enseignement supérieur et de recherche (ESR) sur le territoire.

Dans la loi de finances pour 2018, les crédits de paiement de l’enseignement supérieur ont été augmentés de 200 millions d’euros, en hausse de 1,38 %. Dans le projet de loi de finances pour 2019, ces moyens progressent de 170 millions d’euros en crédits de paiement, soit une hausse de 1,07 %, dédiée notamment au financement du plan licence visant à améliorer l’orientation et la réussite des étudiants en premier cycle, au financement d’une nouvelle bourse pour faciliter la mobilité des étudiants en première année d’études supérieures et à la revalorisation de la carrière des agents.

Au titre de l’amélioration de la vie étudiante, rappelons la baisse des droits d’inscription, la stabilisation du prix du ticket de restaurant universitaire, la suppression de la cotisation de sécurité sociale, la création de 60 000 nouveaux logements étudiants à l’horizon 2022 et l’amélioration de l’accueil en bibliothèque.

Pour le renforcement de l’autonomie des établissements, vous proposez l’expérimentation de nouvelles formes de regroupements et l’action du PIA pour les sociétés universitaires de recherche.

Pour la structuration des établissements d’ESR sur le territoire, vous proposez à titre expérimental un dialogue stratégique et de gestion annuel avec des engagements de chacun des établissements du regroupement de site.

Enfin, vous incitez nos universités à travailler avec des universités européennes et vous proposez des expérimentations de sites universitaires territoriaux, très attendus dans nos territoires.

Au budget de la MIRES, il convient d’ajouter les crédits de paiement de la mission « Investissements d’avenir », soit 212,5 millions d’euros, contre 142,5 millions d’euros pour 2018, dédiés à la création de nouveaux cursus à l’université, aux grandes universités de recherche, aux écoles universitaires de recherche, à l’expérimentation de sociétés universitaires et scientifiques et à l’innovation pédagogique.

Pour ce qui est de l’enseignement supérieur et de la vie étudiante, le cap de la trajectoire est tenu.

Concernant la partie « Recherche », en vue de maintenir l’excellence de la recherche française et d’assurer la compétitivité de notre économie grâce à l’innovation de rupture, les objectifs étaient de soulager les chercheurs de tâches administratives dans le montage des réponses aux appels d’offres et de renforcer la présence de la France dans les projets européens, en particulier dans les tâches de coordination, par la professionnalisation du dispositif national d’accompagnement.

Pour l’innovation de rupture, l’objectif était de lever les freins à la valorisation. Dans le projet de loi PACTE, la réforme du dispositif de mandataire unique offre la possibilité de partager le temps du chercheur entre l’entreprise et le laboratoire. Dans le projet de loi de finances, le budget consacré au dispositif CIFRE est augmenté de 15 %. Le Fonds pour l’innovation, destiné aux innovations de rupture et à la création de start-up, a été lancé en janvier. Le Conseil de l’innovation a été créé en juillet 2018 pour encourager le développement d’innovations de rupture et piloter la simplification d’un système d’aides devenu trop complexe.

Les crédits pour la recherche s’élèvent à 15,16 milliards d’euros, soit une augmentation de 332 millions d’euros. Cette augmentation est affectée à l’ANR pour rehausser le taux de sélection, à des mesures salariales, au plan « Intelligence artificielle » et aux projets internationaux.

Dès lors, le groupe La République en Marche votera ce projet de budget 2019 de l’enseignement supérieur et la recherche.

M. Maxime Minot. Madame la ministre, vous avez annoncé que le budget de la mission « Recherche et enseignement supérieur » représentait l’un des plus importants budgets de l’État, avec une augmentation de 549 millions d’euros, pour atteindre 25,1 milliards d’euros, soit une progression d’environ 2 % par rapport à l’année précédente. Il convient de nuancer cet enthousiasme. Contrairement à ce qu’affirme le Gouvernement, le budget de la mission n’augmente pas de 502 millions d’euros mais de 371 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 131 millions d’euros en crédits de paiement, intégrant le paiement d’engagements antérieurs.

Concernant l’enseignement supérieur, l’examen détaillé du programme 150 « Formations supérieures et recherche universitaire » révèle que la différence entre les autorisations d’engagement et les crédits de paiement, de l’ordre de 78 millions d’euros, s’explique notamment par des mouvements au sein de l’action 14 « immobilier », en baisse de 44 millions d’euros pour les autorisations d’engagement et en hausse de 34 millions d’euros pour les crédits de paiement. La hausse annoncée de 173 millions d’euros est donc basée sur les crédits de paiement et gonflée artificiellement par des dépenses en immobilier décidées auparavant, sur lesquelles il serait intéressant que vous nous donniez des précisions.

Pour faire simple, la hausse du budget consacrée à l’enseignement supérieur n’est pas de 173 millions d’euros mais de 135 millions d’euros. Cette somme semble bien faible au regard des besoins. En effet, la Conférence des présidents d’université (CPU) a chiffré à 670 millions d’euros les moyens à accorder aux universités pour soutenir leurs efforts. Il manquerait donc 534 millions d’euros. Nous sommes bien loin du compte.

Enfin, à défaut d’une réelle réflexion sur le fonctionnement de l’université française, les budgets ne pourront être qu’insuffisants, compte tenu du manque d’adéquation entre l’offre et la demande de formation et de l’« évaporation » des étudiants entre septembre et janvier. Peut-être faudrait-il d’ailleurs calculer les dotations en janvier plutôt qu’en septembre pour avoir un état réaliste du nombre d’étudiants.

Même si l’on ne peut que louer la volonté du Gouvernement de mettre fin à l’absurde tirage au sort mis en place par son prédécesseur, force est de reconnaître que le bilan de Parcoursup reste pour le moins mitigé. On ne connaît pas encore le nombre d’étudiants qui ont vraiment obtenu une place conforme à leur choix.

Le programme « Vie étudiante » comporte différentes actions relatives aux conditions de vie des étudiants : aides directes, aides indirectes et aides diverses, en augmentation totale de 100 millions d’euros. Cependant, on ne peut que s’étonner que le budget relatif aux actions pour la santé, la culture et le sport soit identique à celui de l’an dernier.

Cela m’amène à poser trois questions.

Premièrement, il était prévu de placer la CVEC sous plafond lors de l’examen du projet de loi de finances. À la suite de l’intervention de mon groupe, le Gouvernement a procédé à un rétropédalage de dernière minute en annonçant que l’ensemble des recettes seraient bien reversées aux établissements « pour l’année 2018 ». Mais qu’en sera-t-il les années suivantes ?

Deuxièmement, le montant de la CVEC est pour l’instant estimé à 95 millions d’euros. Comment ce budget sera-t-il réparti dans les établissements et sur quels types de projets ?

Troisièmement, la prévention est affichée par le Gouvernement, notamment par le ministère de la santé, comme une priorité, objectif que l’on ne peut que louer. Or, ce budget ne semble pas mettre l’accent sur cette priorité. Qu’en est-il ?

En résumé, ce budget qui revêt une importance particulière pour l’avenir de notre pays présente, en dépit de quelques avancées, de nombreuses lacunes. Vous en avez sans doute conscience, madame la ministre. J’espère que ce débat permettra d’améliorer ce budget pour 2019 avant sa conclusion.

Mme Maud Petit. Le groupe du Mouvement Démocrate et apparentés salue la hausse du budget de la MIRES, qui gagne plus de 500 millions d’euros. Après la hausse déjà enregistrée l’année dernière, le budget pour 2019 conforte le ministère et acte la priorité donnée par le Gouvernement à l’enseignement supérieur. Nous saluons à ce titre la nouvelle plateforme Parcoursup qui, pour une première année de mise en œuvre, a donné satisfaction.

Pour les crédits de l’enseignement supérieur, l’année a été notamment marquée par la mise en œuvre de la loi relative à l’orientation et à la réussite des étudiants, votée l’an dernier par cette majorité.

S’agissant du programme 150 « Formations supérieures et recherche universitaire », plusieurs points méritent d’être soulignés. Les crédits de paiement sont en augmentation de 1,23 % par rapport à 2018. L’action 1 « Formation initiale et continue du baccalauréat à la licence », connaît une hausse significative, de 3 %, pour soutenir les réformes apportées par la loi du 8 mars 2018, notamment l’accompagnement des étudiants « oui si » sur Parcoursup.

Par ailleurs, cette hausse tient compte de l’évolution de la démographie étudiante. Comme vous vous y étiez engagée, madame la ministre, 25 000 places ont été créées à la rentrée 2018 et au moins 7 000 le seront pour la rentrée 2019. Cette action, conjointement avec les dispositifs d’orientation, devrait permettre d’absorber sans difficulté la hausse de la population étudiante.

La rentrée 2018 voit aussi la mise en place de la licence « sur mesure » qui doit permettre une plus grande souplesse dans le parcours étudiant.

Nous saluons par ailleurs les hausses de crédits pour les niveaux master et doctorat.

Concernant le programme 231 « Vie étudiante », la mise en œuvre du plan « Étudiants » a des effets directs et incontestables qui vont dans le sens d’une amélioration des conditions de vie des étudiants. Le rattachement au régime général de la sécurité sociale permet une simplification des démarches pour les étudiants et entraîne, de fait, la suppression de la cotisation de sécurité sociale étudiante, d’un montant de 217 euros, ce qui n’est pas négligeable dans le budget d’un étudiant.

Nous regrettons cependant la diminution des bourses au mérite – 38 000 contre 42 000 en 2018 – alors même que le Président de la République insiste sur l’importance de la notion de mérite et de récompense du travail fourni. Il s’agit d’un symbole important, à ne pas négliger.

Une contribution dite « de vie étudiante et de campus », la CVEC, de 90 euros par an, est mise en place pour améliorer les infrastructures sportives et culturelles à destination des étudiants.

Le dispositif de cautionnement locatif gratuit VISALE est étendu aux étudiants âgés de 18 à 30 ans, pour un montant de 600 euros hors Île-de-France et de 800 euros en Île‑de‑France.

Gain de pouvoir d’achat, amélioration de la vie étudiante, meilleure prise en charge des dépenses de santé et des garanties locatives : les promesses sont tenues.

Dans l’enseignement supérieur, des mesures concrètes vont dans le sens d’une redéfinition du parcours étudiant.

La dimension internationale est mieux prise en compte.

S’agissant de la partie « Recherche », les différents programmes bénéficient de crédits confortés et en hausse. Le budget consacré à la recherche reste le cinquième des pays membres de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), devant ceux du Royaume-Uni, de l’Espagne et de l’Italie. Toutefois, des efforts doivent encore être entrepris, alors que notre recherche et nos chercheurs sont reconnus dans le monde entier.

Le MODEM se félicite que de nombreux programmes puissent se construire au niveau européen, par exemple en matière de recherche spatiale
– vous l’avez souligné tout à l’heure, madame la ministre – et souhaite que cette orientation s’amplifie.

Il est important par ailleurs que les résultats de notre recherche puissent être connus de tous, à commencer par nos concitoyens. Il faut pour cela soutenir fortement les actions de promotion de la culture scientifique et technique.

En conclusion, le MODEM salue et soutient ce budget ambitieux qui prolonge les efforts commencés en 2018.

Mme George Pau-Langevin. Ce budget s’établit à un niveau cohérent avec la trajectoire dessinée les années précédentes et apparaît donc en phase avec celui exigible pour un pays comme le nôtre, qui ambitionne de demeurer à un haut niveau de formation, de science et de culture.

Ce budget porte sur des masses très importantes. Cela se conçoit au regard du nombre élevé d’opérateurs de haute qualité qui en dépendent mais, à y regarder de plus près, compte tenu de l’inflation et du glissement vieillesse-technicité (GVT) applicable aux salaires, le budget stagne plutôt en termes réels.

S’agissant de la réforme de l’accès à l’université mise en place l’an dernier avec Parcoursup, nous demeurons dubitatifs, car nombre de candidats disent avoir été découragés. Pour certains, l’affectation a été très lente. Surtout, ils ont eu l’impression que le dispositif faisait la part belle à ceux considérés comme l’élite scolaire et sociale dominante, aux dépens de ceux moins bien lotis. En outre, nombre de professeurs disent s’être investis dans le tri des dossiers et avoir vu leur travail balayé.

Nous aimerions avoir une meilleure visibilité sur les nouveaux dispositifs d’accompagnement mis en place pour épauler les élèves les plus fragiles. Y a‑t‑il eu beaucoup plus d’initiatives que les années précédentes ? Les critères d’appréciation des professeurs et des chargés de travaux dirigés ont-ils été modifiés pour mieux récompenser ceux qui s’investissent dans l’accompagnement des étudiants ?

L’idée d’accorder plus d’importance à l’encadrement des étudiants nous convient, mais nous entendons relayer les inquiétudes des syndicats pour qui la précarité étudiante demeure, alors que le montant des bourses allouées reste trop faible. Ils demandent la généralisation de demi-tarifs étudiants dans les transports. Certains comprennent mal la hausse de la contribution pour la vie sportive et culturelle, qui ne correspond pas toujours aux services proposés.

S’agissant de la situation des étudiants, nous comprenons mal l’abandon de l’allocation d’aide à la recherche d’un premier emploi (ARPE), qui avait fait consensus en 2016. Nous estimons dommageable que des étudiants ayant réussi leurs études affrontent une période de carence et peinent ensuite à trouver un emploi. On dit qu’ils sont renvoyés vers la Garantie jeunes, mais celle-ci, prévue pour des jeunes en situation de précarité, n’a pas les prérequis nécessaires pour aider des étudiants. Pour en bénéficier, il faut être âgé de moins de 25 ans et être inscrit à la mission locale, autant d’éléments qui ne correspondent pas à la situation des étudiants.

Concernant la recherche, nous estimons que ce budget est important pour notre pays et que ses actions sont menées en bonne intelligence avec les instances européennes. Nous sommes conscients de l’importance du développement des technologies spatiales innovantes en vue de développer des applications au service de la science et de l’environnement. La qualité des lanceurs Ariane n’est plus à démontrer, non plus que celles des programmes développés par le Centre national d’études spatiales (CNES) et Arianespace à partir de la Guyane. Nous souhaiterions toutefois que les retombées pour la population locale, notamment avec le programme Ariane 6, soient beaucoup plus importantes en termes d’accès à l’emploi et de confort de vie. On ne peut pas avoir des enfants privés de collation à l’école à côté de fusées.

Enfin, comment entendez-vous mieux vulgariser les recherches scientifiques menées dans des domaines essentiels comme la sûreté nucléaire et l’impact nucléaire environnemental ?

Mme Béatrice Descamps. À la suite de l’augmentation significative des crédits affectés à l’enseignement supérieur dans la loi de finances pour 2018, il convient de relever l’engagement réaffirmé pour la mission cette année, dans un contexte budgétaire qui reste contraint. Le groupe UDI, Agir et Indépendants salue donc la hausse des crédits de la mission, portés à 25,1 milliards d’euros en 2019.

Toutefois, si les représentants du monde universitaire accueillent cette hausse globale de crédits avec soulagement, nous nous devons de relayer leurs inquiétudes face à l’explosion démographique. Dans le contexte de la mise en place de la réforme de l’entrée à l’université, ce budget pourrait se révéler toujours insuffisant. Cette réforme est par ailleurs accueillie favorablement, et les changements culturels sont en cours dans l’enseignement supérieur. La question est désormais celle des moyens financiers. Quelle réponse pouvez-vous apporter aux représentants du monde universitaire qui, je le rappelle, ont dû accueillir plus de 225 000 étudiants supplémentaires depuis 2012 ?

Je souhaiterais notamment vous interroger sur le programme 150 consacré à l’enseignement supérieur, qui met en œuvre la loi relative à l’orientation et à la réussite des étudiants, que nous avons examinée cette année. Cette réforme s’est traduite par une refonte du premier cycle universitaire et l’introduction d’attendus sur Parcoursup, par une procédure de validation comportant des réponses « oui si » et la création de parcours renforcés pour éviter l’échec des étudiants en premier cycle. Quels sont les retours provisoires de la mise en place de ces parcours aménagés ? Comment ce dispositif est-il appréhendé par les étudiants ?

Concernant le programme 231 « Vie étudiante », vous m’avez répondu par avance, madame la ministre, dans votre propos liminaire, et je vous en remercie. J’en viens donc au budget alloué à l’action « Santé des étudiants et activités associatives, culturelles et sportives », qui reste identique à celui de 2018 et comprend notamment des mesures d’accompagnement des élèves en situation de handicap et de mise en accessibilité des établissements. Pouvez-vous nous apporter des précisions sur la répartition des crédits de cette action ? Une évaluation de son application a-t-elle été réalisée ou envisagée ?

S’agissant la partie « Recherche » de cette mission, qui concerne sept programmes, les crédits dédiés augmentent de 2,24 % en crédits de paiement, pour être portés à 15,16 milliards d’euros. Il s’agit d’un effort budgétaire réel en faveur de la recherche et de l’innovation.

Il faudrait, cela dit, faire davantage pour accroître l’attractivité de nos centres de recherche, dans un contexte où les conditions d’accueil, notamment salariales, des chercheurs sont déterminantes. Le rapport de notre collègue Cédric Villani préconisait d’ailleurs de doubler les salaires des chercheurs en début de carrière. Pourriez-vous nous indiquer les mesures que vous comptez prendre pour mieux valoriser les carrières dans la recherche ?

Ensuite, l’article 78 du projet de loi de finances pour 2019 prévoit la transformation de l’aide à la recherche du premier emploi (ARPE) en bourse « mobilité ». Celle-ci concernera les élèves qui, n’ayant pas obtenu de place dans l’enseignement supérieur avec Parcoursup et ayant fait appel auprès de leur rectorat, accepteront la proposition d’étudier loin de leur domicile familial. Cette mesure est riche de sens et encourageante pour les élèves issus des territoires ruraux. Pouvez-vous nous apporter des prévisions sur ses conditions d’attribution ?

En conclusion, Madame la ministre, je vous remercie du travail que vous avez entrepris pour nos universités, nos étudiants et nos territoires.

Mme Muriel Ressiguier. Le budget de la mission « Recherche et enseignement supérieur » augmente de 30 millions d’euros, soit 0,2 %, en tenant compte de l’inflation et de l’évolution démographique. Il convient de bien l’utiliser, car la recherche et l’université contribuent à conférer à la France son excellence et son rayonnement international.

Hélas, Parcoursup vient de remettre en cause la démocratisation de l’enseignement supérieur en aggravant les inégalités d’orientation. C’est bel et bien la fin de l’université émancipatrice et accessible à tous. Les enseignements sont professionnalisés, les universités perdent leur autonomie, la qualité des enseignements se dégrade et le parc universitaire se délabre. Le programme « Formations supérieures et recherche universitaire », dont le budget diminue de 63 millions d’euros, est un exemple symptomatique. Les indicateurs de performance du Gouvernement ne sont pas sensibles aux évolutions démographiques. De ce fait, ce programme voit son budget diminuer malgré une forte augmentation du nombre d’étudiants, ce qui va finalement impacter de 10 % le budget par étudiant. Un indicateur qualitatif montrant la dépense par étudiant serait judicieux car il permettrait de mesurer l’impact de la diminution des dépenses sur leur réussite effective.

Pour la recherche fondamentale, la philosophie est la même : privatisation, développement de l’entreprenariat et création de start-ups. Le Gouvernement déverrouille les portes entre la recherche et le privé, et orchestre la fuite des investissements publics vers les entreprises.

Le budget du programme « Recherche dans les domaines de l’énergie, du développement et de la mobilité durables », diminue de 36 millions d’euros. Cela semble contradictoire à l’heure de la transition écologique car c’est un appui scientifique propre à éclairer les décisions des pouvoirs publics dans des domaines caractérisés par des connaissances et des techniques sans cesse redéfinies. Les recherches menées grâce à ce programme sont à l’origine d’innovations majeures, qui sont de nature à apporter des solutions concrètes et essentielles aux questions environnementales.

Nous pensons qu’il faut cesser cette course à l’employabilité et comprimer l’hémorragie qui permet aux entreprises de bénéficier tous les ans de 6 millions d’euros d’argent public via le crédit d’impôt recherche, qui est bien souvent détourné.

Nous pensons qu’il faut envisager une refonte complète du système universitaire et de la recherche, en assurant la séparation privé-public, indispensable à la pérennité de la recherche française. Contrairement à vous, nous estimons que la recherche fondamentale, dont le but n’est pas la rentabilité à court terme, doit être confortée. Nous avons déposé une série d’amendements en ce sens car nous refusons votre logique du tout-privé et de la marchandisation du savoir.

Mme Marie-George Buffet. Madame la ministre, vous présentez un budget préservé, mais ce n’est pas de préservation que l’enseignement supérieur et la recherche ont besoin : c’est d’un véritable bond en avant, face au besoin d’accès du plus grand nombre aux connaissances, d’innovations, d’avancées scientifiques pour répondre aux défis humains et environnementaux de la planète, le budget consacré par étudiant ayant connu une baisse constante depuis dix ans.

Le maintien d’étudiants en situation de grande précarité se poursuit. Le nombre de places supplémentaires ouvertes chaque année à l’université est largement insuffisant, justifiant la mise en place de différents systèmes de sélection particulièrement injustes. Je serais d’ailleurs intéressée de connaître votre analyse sur la mise en œuvre des parcours aménagés qui avaient justifié la mise en place de ces systèmes de sélection. Je rappelle que la communauté de l’enseignement supérieur et de la recherche a évalué le besoin à près d’un milliard d’euros chaque année pour faire face à la démographie étudiante et aux besoins de la recherche.

Madame la ministre, le plafonnement à 95 millions d’euros de la contribution à la vie étudiante et de campus (CVEC) n’est pas justifiable. Les 90 euros payés par tous les étudiants doivent être mis à leur service et non détournés au profit de la réduction de la dette de l’État. Vous dites que chaque euro sera consacré à la vie des étudiants. Pourriez-vous nous en dire un peu plus ?

L’université, ce sont aussi ces doctorantes et doctorants précaires. Comment améliorer la place consacrée à ces étudiants dans notre système universitaire et les conditions dans lesquelles ils exercent ? Nous avons proposé à maintes reprises la mise en place d’une allocation d’autonomie pour assurer à chaque étudiante et à chaque étudiant son parcours d’étude ou de recherche. Il faut avancer sur cette question car le système de bourses n’est pas efficace.

Concernant la recherche, je me réjouis que le débat sur la pertinence du crédit d’impôt recherche progresse, en commission des finances et ici. Ce crédit d’impôt coûte chaque année de plus en plus cher – 6,2 milliards d’euros en 2017 – sans que son effet, aussi bien de levier que sur les emplois de chercheurs et de chercheuses, soit clairement identifié. Nous avons besoin d’une véritable étude de l’efficacité du CIR, qui pèse sur le budget de l’État dont la recherche publique a besoin. On ne peut accepter que le CNRS soit amené cette année à baisser ses recrutements annuels de 300 à 250 chercheurs et chercheuses.

De plus, n’est-il pas nécessaire pour la qualité de la recherche de revoir profondément le fonctionnement de l’ANR ? Cette année encore, ses crédits augmentent de 33 millions d’euros. Le système d’appel à projets, avec un taux d’acceptation ne dépassant pas les 14 %, montre ses limites et ne doit pas être opposé à la recherche fondamentale. Les appels à projets systématiques empêchent la recherche libre et contraignent les chercheurs et chercheuses à toujours plus de tâches administratives, dans une course aux crédits.

M. Michel Castellani. Il est heureux que, dans les difficiles choix budgétaires actuels, le ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation ait été parmi les mieux préservés des coupes et des restrictions. On pourra certes discuter de la ventilation et de l’ampleur relative des lignes budgétaires, mais on retiendra aussi que ce budget augmente de 549 millions d’euros.

Ce budget couvre deux grands domaines, l’enseignement supérieur et l’innovation-recherche. Dans le premier domaine, les objectifs prioritaires doivent être l’augmentation, indispensable, du niveau de qualification, le développement de l’alternance et l’amplification de la formation tout au long de la vie. Il y a là une chance majeure d’amélioration du fonctionnement de l’ascenseur social. C’est également vrai de la mise en ligne des cours, mais celle-ci doit être encadrée et contrôlée et demande au personnel enseignant un travail considérable en amont.

La volonté d’amélioration du niveau est complétée par l’incitation à l’ouverture internationale. La dynamique lancée par le processus de Bologne et les conférences qui ont suivi a posé les bases de l’espace européen de l’enseignement supérieur et harmonisé les systèmes nationaux. Le système européen de crédits transférables et la mise en place d’une politique d’assurance qualité des établissements et des formations favorisent la dimension internationale des formations supérieures, ce qui est positif.

En matière d’organisation universitaire, une double dynamique complémentaire doit être poursuivie : d’une part, l’affirmation de l’autonomie des établissements, qui garantit une adaptation de l’offre de formation aux conditions locales ; d’autre part, l’incitation au regroupement, les pôles de compétitivité, les contrats de site ou les projets de recherche collaborative. C’est une démarche indispensable face aux nécessités du temps et à la compétition imposée par les grands organismes mondiaux – regroupement dans le cadre français et recherche intégrée dans le cadre européen. On sait ce que coûte l’échec de la France et de l’Europe en matière digitale, comme on sait le rayonnement, l’indépendance et l’emploi que procure le succès d’Ariane, et l’on ne peut que se féliciter de l’inscription dans le présent budget des 205 millions d’euros destinés à sécuriser le développement du lanceur Ariane 6.

Le programme 172, « instrument du pilotage de la recherche », est articulé autour de dix axes, tous importants. Il est essentiel que soient articulées recherche fondamentale et recherche appliquée, domaine dans lequel l’interaction avec les entreprises devient essentielle. On doit pouvoir jouer « gagnant-gagnant » entre entreprises, finances publiques et, surtout, société tout entière. On comprend, par exemple, que tout ce qui converge vers la transition écologique et énergétique représente une incontournable voie d’avenir, mais constitue également un ensemble considérable d’initiatives et d’emplois, tout comme la technologie agricole et la recherche en matière de santé.

Nous n’ignorons pas les critiques qu’a suscitées ce budget de la part de la conférence des présidents d’université, des syndicats d’enseignants ou des syndicats d’étudiants, notamment le fait qu’il représente 2,27 % du PIB quand l’objectif en Europe est de 3 %. Mais nous prenons acte aussi des efforts accomplis, tout en sachant que ces derniers devront être poursuivis et, si possible, amplifiés.

Mme Anne Brugnera. Madame la ministre, ma question concerne le programme 150, consacré aux formations supérieures et à la recherche universitaire. En 2019, le budget de l’enseignement supérieur et de la recherche est en hausse, tout comme l’année dernière. Cette augmentation montre l’engagement du Gouvernement pour l’enseignement supérieur, dans un contexte budgétaire contraint. Cette augmentation significative se retrouve en particulier dans le financement de la formation initiale et continue du baccalauréat à la licence qui progresse de 3 %, passant de 3 190 millions d’euros à 3 286 millions d’euros. Ces investissements permettront ainsi de poursuivre la mise en œuvre de la loi du 8 mars 2018 relative à l’orientation et à la réussite des étudiants, avec notamment la plateforme Parcoursup et l’accompagnement en première année de licence. Au cœur de cette loi se trouve l’ambition de faire réussir nos étudiants, dont nous avons longuement débattu lors de son examen. Pourriez-vous, en cette deuxième année, nous indiquer quels crédits, nouveaux ou réalloués, permettront la mise en œuvre des dispositifs d’accompagnement et de parcours personnalisés en premier cycle ?

Mme Emmanuelle Anthoine. Madame la ministre, le dispositif Parcoursup est de nature à nous intéresser dans ce débat budgétaire, puisqu’il est nécessaire de justifier des moyens qu’on lui attribue. Ce dispositif a soulevé de nombreuses questions. La suppression du classement des vœux dans Parcoursup est à l’origine de la lenteur et du blocage de la procédure d’affectation. Le manque de hiérarchisation met les filières en tension virtuellement, puisqu’elles reçoivent davantage de demandes. Dans ces conditions, il n’est également plus possible d’évaluer réellement la motivation des élèves. Ne pourrait-on pas revenir à un classement des vœux, lequel apparaît d’autant plus nécessaire que son abandon a créé une attente insoutenable chez les élèves ?

Mme Cathy Racon-Bouzon. Madame la ministre, un grand nombre de nos universités ont besoin d’être rénovées, particulièrement sur le plan énergétique. L’université d’Aix-Marseille et plusieurs autres établissements ont entrepris de moderniser leur patrimoine, de le rénover et de l’entretenir. Plusieurs chantiers ont été lancés, notamment grâce à des opérations Campus. L’université d’Aix-Marseille a par ailleurs mis en place, dès 2014, un schéma énergétique définissant les actions à mettre en œuvre à court, moyen et long termes, à partir d’un diagnostic exhaustif de la thématique énergétique de l’époque. Les objectifs sont nombreux : diminution des consommations et des dépenses énergétiques, amélioration du confort des usagers, responsabilité sociale et environnementale, production d’énergie renouvelable et réduction des émissions de dioxyde de carbone (CO2). Ces initiatives sont certes bénéfiques, mais ne suffiront pas à faire du patrimoine universitaire un environnement plus accueillant et mieux inséré dans la transition écologique. Il faut aller plus loin et soutenir les universités dans leurs démarches. Ainsi, serait-il envisageable de prévoir les crédits alloués à la rénovation énergétique du patrimoine universitaire dans le cadre d’un programme pluriannuel ?

M. Frédéric Reiss. Un certain nombre de collègues ont déjà évoqué Parcoursup dont le Gouvernement a longtemps vanté les avantages en comparaison d’Admission post-bac (APB). Les résultats ne semblent toutefois pas pleinement satisfaisants, puisque de nombreux changements sont annoncés pour la session 2019. Y aura-t-il anonymisation des candidatures ? Les notes obtenues à certaines épreuves du baccalauréat seront-elles prises en considération ? Qu’en sera-t-il des délais de réponse aux candidats ? Des changements d’académie ? La création d’un fonds d’aide à la mobilité d’une trentaine de millions d’euros est-elle confirmée ?

Mme Béatrice Piron. Si je me réjouis de la hausse des budgets depuis deux ans, qui traduit notre investissement dans la jeunesse et dans sa réussite, je m’interroge aujourd’hui sur l’attractivité et la reconnaissance de nos diplômes d’enseignement supérieur à l’international. Il y a quelques mois, le diplôme d’ingénieur a obtenu l’équivalence d’un master of science aux États-Unis, ce qui est une reconnaissance formidable et une promesse d’attractivité internationale pour ce diplôme français d’exigence. Mais le cursus du master en ingénierie suivi par les étudiants dans nos universités françaises n’a pas, aux yeux de certaines entreprises françaises, la même valeur que le diplôme d’ingénieur, et reste moins connu et peu attractif. Plus globalement, l’enjeu de l’attractivité et de la reconnaissance pèse sur beaucoup de formations qui n’ont parfois pas d’équivalent à l’international ou qui sont moins valorisées. Les doctorants français souffrent aussi de ce manque de reconnaissance. Les docteurs que j’ai rencontrés considèrent que leur parcours est peu reconnu en France et que les débouchés sont de plus en plus réduits. Vous avez parlé d’universités européennes. Comment voyez-vous l’évolution des diplômes ? Peut-on maintenir des titres spécifiquement français ou doit-on s’adapter à l’international ?

Mme Cécile Rilhac. Je reviendrai sur Parcoursup, afin de relayer les constats sur sa mise en œuvre qui a beaucoup inquiété bacheliers et parents, au printemps dernier et cet été. Dans le Val-d’Oise, aujourd’hui, les nouveaux étudiants sont, dans une large majorité, satisfaits de deux éléments. En premier lieu, le non-classement des vœux est désormais analysé comme positif car il a permis aux jeunes d’affiner leurs projets entre mars et juillet. En second lieu, ceux-ci ont le sentiment d’avoir été affectés dans une filière adaptée et choisie, augurant une future réussite dans leurs études supérieures. Mais une inquiétude demeure auprès des équipes, dynamiques et investies, de l’université de Cergy-Pontoise où le « oui si » a été mis en place avec beaucoup de succès, après avoir été très bien préparé. Ce dispositif doit pouvoir monter en puissance, selon ces équipes. Pouvez-vous, madame la ministre, nous indiquer s’il est pris en compte au niveau budgétaire et comment vous en envisagez le développement, indispensable à la réussite de tous ?

Mme Marie-Pierre Rixain. Madame la ministre, je souhaiterais vous interroger sur le programme MAGE – « marché du travail et genre ». Créé en 1995 par Margaret Maruani, directrice de recherches au CNRS, ce groupement réunit trente centres de recherche dans treize pays différents. Il a concentré ses travaux sur une lecture sexuée du marché du travail. Il a été le premier à établir le diagnostic de la nécessaire répartition des temps professionnels et personnels entre les femmes et les hommes, afin de permettre aux femmes d’évoluer au sein des entreprises. Les activités du réseau MAGE me semblent cruciales pour atteindre un des objectifs que nous nous sommes fixés au cœur de ce quinquennat, à savoir l’égalité réelle entre les femmes et les hommes, notamment du point de vue économique. Ce réseau reconnu et extrêmement renommé au sein de la communauté internationale promeut la crédibilité universitaire de la France. Madame la ministre, pouvez-vous réaffirmer l’importance de ce réseau et nous indiquer comment pérenniser ses financements ? Pouvez-vous nous confirmer que la subvention pour 2017 sera bien versée d’ici la fin de l’année 2018 ?

Mme Fannette Charvier. Madame la ministre, lors de la réunion ministérielle de 2014 de l’Agence spatiale européenne, les États contributeurs ont décidé de renouveler la gamme de lanceurs européens VegaC, Ariane62 et Ariane64, décision cruciale pour rester compétitifs face à l’arrivée de nouveaux acteurs. Le Centre spatial guyanais, Arianespace, Airbus, Thales sont autant de fleurons français ou à participation française qui ont conduit la France à s’engager financièrement dans les lanceurs. De fait, notre pays a moins investi que ses voisins anglais ou allemands dans la filière aval des satellites, de leurs applications et des services associés, une filière aval plus lucrative qui permet à ces pays un bien meilleur retour géographique. On voit d’ailleurs que le taux de retour français s’est effondré, passant de 23,4 % en 2016 à une prévision de 16 % pour 2019. Pourriez-vous nous indiquer les causes de cette diminution et si une évolution de cette règle du retour géographique est envisagée ou, du moins, envisageable ?

Mme Sylvie Charrière. Madame la ministre, permettez-moi d’évoquer l’exemple concret d’un jeune homme de ma circonscription. Comme bon nombre de jeunes issus du baccalauréat professionnel, Jean n’a fait que des vœux de brevet de technicien supérieur (BTS) sur Parcoursup. Mais aucun établissement n’a retenu son dossier. Fort heureusement, grâce à la loi relative à l’orientation et à la réussite des étudiants et à la mise en place des commissions rectorales, une place en faculté dans sa spécialité lui a été proposée. Nous ne pouvons que nous réjouir de cette nouvelle disposition. Cependant, n’étant pas issu de la procédure classique et n’ayant pas suivi la procédure du « oui si », il ne bénéficie d’aucun accompagnement particulier, malgré ses fragilités. Madame la ministre, comptez‑vous étendre cet accompagnement et vous assurer que ces jeunes bénéficient effectivement d’un accompagnement particulier ? Plus largement, allez-vous faire un bilan qualitatif et quantitatif du « oui si » et de l’accompagnement proposé par les établissements d’enseignement supérieur afin, le cas échéant, d’envisager l’augmentation du budget qui lui est alloué ? Envisagez-vous, pour vous assurer de l’effectivité et de la qualité de ce dispositif, de mettre en place des conventions d’objectifs et de moyens avec les universités ?

Mme Céline Calvez. Madame la ministre, dans le bleu budgétaire « Recherche et enseignement supérieur », nous trouvons le programme 186 qui comporte un volet important, la diffusion de la culture scientifique, technique et industrielle. À l’heure des transformations technologiques de plus en plus rapides et brutales, à l’heure de la diffusion massive de fausses informations, voire de fausses sciences, il est crucial de faciliter la réalisation de cet objectif. Quelle coordination a-t-elle été mise en place pour cet objectif, dont le budget est sous la tutelle du ministère de la culture mais qui touche aux enjeux des sciences dans notre société ? Quels autres programmes de la mission y concourent-ils ? Quelle est, dans cette coordination, l’attention portée par votre ministère à la première des cinq thématiques transversales retenues comme prioritaires dans la stratégie nationale de la culture scientifique, technique et industrielle, à savoir l’égalité entre les femmes et les hommes ?

Mme Frédérique Vidal, ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation. Je regrouperai vos questions par thèmes, afin de fournir des réponses globales que j’espère plus cohérentes. Si vous le souhaitez, je viendrai volontiers, d’ici à la fin de l’année, comme je l’ai fait au Sénat, vous présenter le bilan réel et chiffré de Parcoursup et les dispositifs prévus pour améliorer le fonctionnement de la plateforme l’année prochaine, puisqu’elle a vocation à évoluer.

M. le président Bruno Studer. Nous vous recevrons volontiers.

Mme Frédérique Vidal, ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation. Il convient d’améliorer l’accès aux dispositifs « oui si » au travers des commissions rectorales et d’accompagner les jeunes qui y ont eu recours. La sensation de durée pendant le mois d’août a été prise en compte. Nous proposerons un calendrier différent. Je me ferai un plaisir de vous en faire une présentation sur ce sujet lors d’une réunion. Néanmoins, le ressenti des étudiants accueillis dans les dispositifs « oui si » est à ce point excellent que les filières qui n’en ont pas encore mis en place sont soumises à une forte pression des étudiants pour ce faire, montrant qu’ils correspondent à une réelle attente et à un réel besoin. Une enveloppe de 123 millions d’euros est prévue dans le budget 2019 pour la poursuite de l’accompagnement de ces dispositifs et la reconnaissance d’un enseignement pédagogique. J’ai noté vos propositions. Lors d’une réunion organisée le 23 octobre, j’ai annoncé un doublement des congés pour recherche ou conversion thématique (CRCT), la création d’une prime de reconnaissance de l’engagement pédagogique au même titre que la prime de reconnaissance d’encadrement doctoral et de recherche et des financements destinés à faire en sorte que les personnels administratifs et techniques voient aussi leur investissement reconnu. Ces trois actions seront effectives dès 2019. Mais nous devons aller plus loin et chercher à améliorer les affectations de CRCT. J’ai reçu des propositions de la part des organisations syndicales. J’ai noté celles que vous avez mentionnées. Nous aurons l’occasion d’en reparler.

Je tiens à vous rassurer : aucun plafonnement de crédits n’est prévu pour les bourses au mérite attribuées aux bacheliers titulaires d’une mention très bien. La diminution constatée correspond à la fin de la cohorte des bacheliers bénéficiaires de bourses au mérite « ancien tarif », le tarif ayant été modifié par le précédent gouvernement. Nous avons plus ou moins de boursiers et nous ajustons le crédit en fonction des besoins, mais tous les bacheliers titulaires d’une mention « très bien » bénéficient de la bourse au mérite, dès lors qu’ils remplissent les conditions requises.

Je rappelle que l’ARPE consiste en la continuation pendant quatre mois après l’obtention du diplôme du versement du montant de la bourse, mais que rien n’est prévu en matière d’aide à la recherche d’emploi. Le Sénat a élaboré un rapport sur l’efficacité de l’ARPE, dont nous avons partagé les conclusions avec les associations d’étudiants. Elles ont reconnu qu’une version adaptée aux étudiants de la Garantie jeunes serait bien plus efficace puisqu’elle aiderait vraiment à la recherche d’un emploi tout en offrant un financement pendant un an, ce qui est mieux qu’un financement pendant quatre mois sans aucune aide.

Cela nous permet d’envisager une aide à la mobilité un peu différente en 2019. Compte tenu de la pression exercée sur certaines filières à certains endroits alors qu’il reste des places disponibles à d’autres, nous souhaitons proposer des mobilités avec accompagnement financier dès l’ouverture de la plateforme d’orientation. De même que nous proposons des formations avec internat ou sans internat, nous pourrions proposer des formations assorties d’une aide à la mobilité. Ainsi, des jeunes désireux de suivre une formation existant dans très peu d’endroits en France ne seraient pas empêchés de le faire pour des raisons financières, mais pourraient être accompagnés. C’est tout le sens de cette aide à la mobilité dont nous sommes en train de définir les contours techniques afin de l’inclure dans la plateforme le plus tôt possible, car il faut souvent se préparer psychologiquement à bouger. Cette année, les financements pour l’aide à la mobilité ont été débloqués trop tard et beaucoup de jeunes l’ont refusée, parce qu’ils ne se sentaient pas à même de bouger en un mois.

Concernant les formations professionnalisantes et la place des BTS et des IUT dans l’offre de formation, quand 67 % des vœux exprimés concernent des filières professionnalisantes courtes, je pense qu’il faut en créer. Nous l’avons fait cette année et nous continuerons à le faire l’année prochaine. C’est une expérimentation que nous entendons développer, notamment dans la région Île‑de‑France où il y a énormément de demandes de formations courtes professionnalisantes. Pour ce faire, nous travaillons directement avec les IUT.

Puisque les formations d’IUT sont dispensées au sein de l’université, il est logique qu’elles soient dans les formats « licence, master, doctorat » (LMD) des formations internationales et européennes. Sachant que les diplômes d’ingénieur sont presque exclusivement des diplômes français et n’existent pas ailleurs dans le monde, il importe de faire savoir aux entreprises françaises, de fait plus habituées à ces diplômes, quelles sont les connaissances et les compétences des étudiants titulaires d’un master. Néanmoins, la création de doubles diplômes ingénieur-master et le fait que les écoles coopèrent de plus en plus avec les universités pour mettre en place des offres de formation professionnalisantes au niveau « bac +5 » – ce qui permet à des ingénieurs de continuer en doctorat ou à des masters de s’insérer dans le monde professionnel sans poursuivre en doctorat – font que la qualité de la formation importera de plus en plus, qu’elle débouche sur un diplôme d’ingénieur ou un diplôme de master.

Les listes de compétences aboutiront de plus en plus à la reconnaissance du diplôme par le monde professionnel. C’est la raison pour laquelle nous avons insisté pour inscrire le doctorat au répertoire national des certifications professionnelles. Imaginez que le plus haut diplôme délivré par l’État français n’était associé à aucune compétence professionnelle dans le répertoire national ! Je suis ravie que nous ayons pu le faire inscrire, au mois de mars dernier.

Nous avons ouvert 30 000 places supplémentaires cette année dans l’enseignement supérieur – BTS, IUT, université – pour 27 000 inscrits supplémentaires. Nous avons répondu « présent » en termes de volume comme de nombre de places. Je me ferai un plaisir de vous fournir l’ensemble des chiffres à ce sujet.

J’ai entendu dire que le Gouvernement avait « rétropédalé » sur la contribution de vie étudiante et de campus. Je souhaite réaffirmer que les inquiétudes exprimées étaient totalement infondées. Il convient de rappeler ce dont il est question. La CVEC en cours de perception correspond au budget 2018 et ne figure donc pas dans le projet de loi de finances pour 2019. En tant que telle, elle sera entièrement versée aux établissements. Lorsque l’on crée une taxe en ressources affectées, on ne peut la plafonner la première année, puisqu’on n’a aucune idée du plafond. En préparant le PLF pour 2019, nous l’avons estimée à 95 millions d’euros car nous savions quels étudiants la paieraient, à savoir tous ceux inscrits dans le système public et dans le système sous contrat avec l’État, mais nous n’avions aucune idée du comportement des étudiants dans les systèmes totalement privés.

Or les étudiants eux-mêmes plébiscitent le fait qu’ils vont pouvoir accéder, au travers de plateformes, à des actions culturelles, sportives, de prévention, finançables grâce à la CVEC, notamment via la part de la CVEC qui reste aux CROUS, et ce où qu’ils soient inscrits. Nous avons eu la bonne surprise de constater que les étudiants avaient totalement adhéré au versement de cette cotisation et au fait de pouvoir s’exprimer sur les actions qu’ils souhaitaient voir apparaître en matière de vie étudiante et de vie de campus, quel que soit l’établissement dans lequel ils sont inscrits. De ce fait, nous avons recueilli plus que les 95 millions d’euros prévus, mais cela n’a aucune importance, puisque cela concerne 2018.

Monsieur le député, les calculs seront publiés le 15 janvier. Nous aurons alors une idée précise du nombre d’étudiants effectivement inscrits, incluant ceux qui n’auront pas demandé à être désinscrits. Nous n’aurons pas eu besoin de rembourser. Nous fixerons pour 2019 un plafond qui correspondra à ce qui a été effectivement perçu en 2018. Comme Gérald Darmanin l’a rappelé, nous opérerons de nouveau une modification si, en 2019, il y a encore plus d’argent perçu.

Par conséquent, le sujet de la CVEC n’a jamais eu lieu d’être. Certains ont essayé de s’en emparer dans l’espoir d’agiter les étudiants, mais comme ceux-ci ont été extrêmement bien informés de l’usage qui allait être fait de la CVEC et que nous travaillons en confiance avec eux, il a suffi que je leur explique ce que je viens de vous dire pour que les choses se calment immédiatement. Le décret détaillant la répartition de cette contribution entre les divers établissements étant déjà publié, je vous engage à vous y référer.

Concernant l’affectation des moyens en fonction des différentes actions, au-delà des 123 millions d’euros destinés à la nouvelle organisation du premier cycle dans le cadre de l’arrêté licence, n’oublions pas les 325 millions d’euros du PIA. Ils ont d’ores et déjà été affectés aux établissements ayant proposé les mesures jugées les plus efficaces, de façon à ce qu’ils puissent, sereinement et avec une visibilité dans le temps, être assurés d’avoir les moyens de déployer ces nouvelles façons de concevoir les premiers cycles universitaires. Il y aura un troisième appel à projets, puisque le montant total dévolu à la transformation du premier cycle universitaire dans le PIA est de 450 millions d’euros et qu’à ce jour 325 millions d’euros ont été attribués.

C’est la meilleure façon que nous ayons de faire l’équivalent des contrats d’objectifs et de moyens (COM). Les budgets étant annuels, il est compliqué de faire de véritables COM pluriannuels. Bien entendu, les universités les plus vertueuses, celles qui ont proposé les actions les plus efficaces et les plus solides, ont été financées en priorité. La répartition des 123 millions d’euros ne sera pas opérée par une simple règle de trois, mais entre les établissements qui ont mis en place des actions particulières.

Pour conclure sur l’enseignement supérieur et la vie étudiante, deux bibliothèques ont déjà été ouvertes en 2018 sur certains créneaux le dimanche. Il est prévu d’ouvrir trois à cinq bibliothèques universitaires parisiennes, dès 2019, au minimum dix dimanches par an, notamment pendant les phases de révision. Un financement de 1,6 million d’euros sera consacré à ce projet. C’est la poursuite d’initiatives excellentes, comme NoctamBU ou BU Plus, qui permettent de mobiliser au maximum les locaux des bibliothèques universitaires et aux étudiants de venir réviser, travailler et préparer leurs examens.

C’est aussi une façon de repenser la relation des étudiants avec leurs établissements, notamment au moyen de contrats étudiants. En dehors des services de prêt qui nécessitent des qualifications, les étudiants eux-mêmes peuvent assurer l’ouverture et la bonne tenue des espaces de bibliothèque sur des plages horaires beaucoup plus larges, en y travaillant. Je préfère qu’un étudiant soit payé pour travailler en vue de réussir ses études dans une bibliothèque universitaire plutôt qu’à l’extérieur. Cela fait partie des dispositifs mis en place pour soutenir l’emploi étudiant au sein des établissements universitaires.

Le parc universitaire représente 18,6 millions de mètres carrés, soit la moitié de l’emprise immobilière de l’État. Dans le plan de rénovation des bâtiments, notamment dans le plan de rénovation thermique et énergétique porté le ministère de la transition écologique et solidaire, la part réservée à la rénovation des bâtiments de l’État ira aussi aux bâtiments universitaires.

Je rappelle que les opérations Campus menées ces dernières années permettent à de nombreux établissements, comme l’université de Bordeaux ou celle d’Aix-Marseille, de bénéficier de plusieurs centaines de millions d’euros pour la remise à niveau de leurs bâtiments. À partir de cette année, je le répète, la dévolution patrimoniale leur permettra d’être encore plus actifs et de mieux prendre en compte cette donnée majeure qu’est le patrimoine.

Nous travaillons aussi avec la Caisse des dépôts et consignations (CDC) en vue de déterminer si le processus dit d’intracting peut être utilisé. Quand un bâtiment est une passoire thermique et coûte des centaines de milliers d’euros à chauffer par an, la CDC peut proposer, pour sa rénovation, une sorte de prêt remboursable sur les économies d’énergie engendrées. Un tel moyen n’augmente pas la dette maastrichtienne et est budgétairement correct. La CPU a engagé une réflexion en vue de proposer des modèles innovants en la matière.

Concernant la question posée par Amélie de Montchalin au sujet du suivi de son amendement, adopté l’année dernière, relatif au crédit d’impôt recherche, les démarches ont été enclenchées et le rapport est attendu pour le 15 novembre. Puisque le recrutement des doctorants a eu lieu à la rentrée universitaire, nous aurons les premiers retours concernant ces embauches.

Par ailleurs, le Président de la République a annoncé le plan Phèdre II, qui représente 10 millions d’euros supplémentaires de contribution du CNES à la vie de la Guyane et de l’environnement du Centre spatial guyanais, destinés notamment à des actions de formation pour les jeunes. Cette part sera portée à 50 millions d’euros à l’horizon 2020. Il s’agit de mieux faire bénéficier l’ensemble de la population guyanaise de la présence du Centre spatial, ce qui nous paraît tout à fait normal. Nous avons ouvert de nouvelles formations de type IUT qui permettront aux jeunes de Guyane de se former et d’acquérir des compétences professionnelles et techniques, et ainsi de mieux bénéficier de la présence du pas de tir.

S’agissant du réseau MAGE (Marché du travail et genre), le versement de l’aide est prévu, ainsi que nous nous y étions engagés, l’année dernière, en séance. Toutefois, le ministère n’a pas vocation à se substituer à un organisme de recherche et nous souhaitons trouver une solution à plus long terme. Nous recevrons prochainement ses responsables afin de sortir de cette situation. Pour 8 000 euros, nous n’allions pas ajouter une ligne au budget. Nous avons attribué 8 000 euros, mais nous ne le ferons pas tous les ans. Cela représente un intérêt moyen et beaucoup d’énergie pour quelque chose qui doit pouvoir se régler beaucoup plus simplement.

Quant à la culture scientifique, technique et industrielle (CSTI), le programme 186 est opéré par le ministère de la Culture. Il concerne très majoritairement Universcience, qui consomme 90 % des crédits de ce programme, mais la culture scientifique, technique est industrielle est beaucoup plus transversale. Dans le programme 172, chaque organisme de recherche consacre entre 1 et 2 millions d’euros à la culture scientifique et technologique. Dans le programme 150, l’action 13 soutient la culture scientifique, technique et industrielle à hauteur de 125 millions d’euros, par la mesure « diffusion des savoirs et musées ». Plus de 2 millions d’euros proviennent du ministère, pour financer notamment la Fête de la science. Mais surtout, depuis la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe), la culture scientifique, technique et industrielle est une compétence partagée avec les régions. Nous ne voyons donc ici qu’une partie des financements, puisque les régions financent un grand nombre d’actions, notamment dans le cadre de la fête de la science, mais pas uniquement.

La première action, visant à renforcer l’intérêt des jeunes femmes à la culture scientifique et surtout technologique, a été prise très au sérieux par les écoles d’ingénieurs. Elles ont envoyé des jeunes femmes en cours de formation dans les collèges et les lycées. Je reste naturellement extrêmement attentive à cette action.

Il faut déconstruire les fantasmes liés à certains métiers et réaffirmer que l’on a parfaitement, quel que soit son genre, la capacité d’exercer n’importe quelle profession. Plus l’on montrera de jeunes femmes exerçant des métiers dont on ne sait même pas le nom au féminin, sauf à ajouter un tiret et un « e », mieux les choses se passeront. Jusqu’au baccalauréat, il y a autant, voire légèrement plus de jeunes filles en filière scientifique, parce qu’elles ne l’ont pas choisie. Lorsqu’elles sont douées, elles sont inscrites presque d’office dans cette filière dont on leur dit qu’elle est la voie royale. Mais une fois qu’elles ont leur baccalauréat et peuvent choisir leur orientation dans l’enseignement supérieur, elles n’y restent pas, ce qui en dit peut-être long sur l’état de notre société. Il y a bien un problème de représentation des métiers scientifiques aujourd’hui. Nous avons toutes et tous un rôle à jouer pour faire comprendre que tout le monde a sa place dans toutes les filières de l’enseignement supérieur !

M. le président Bruno Studer. Merci beaucoup, madame la ministre. Nous programmerons, dans les semaines qui viennent, une audition sur l’évolution de Parcoursup que vous avez évoquée ce soir.

 


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II.   Examen des crédits

M. le président Bruno Studer. Nous passons maintenant à l’examen, pour avis, des crédits pour 2019 de la mission « Recherche et enseignement supérieur ». Nous sommes saisis de plusieurs amendements.

Article 39 et état B

La commission est saisie de l’amendement AC45 de M. Éric Coquerel.

Mme Muriel Ressiguier. Cet amendement vise à transférer les crédits de l’Agence nationale de la recherche (ANR) au Centre national de la recherche scientifique (CNRS), car il est plus que nécessaire de privilégier l’efficience de la recherche française en soutenant financièrement les opérateurs dont la seule vocation est la production scientifique. Cet établissement public, dont les membres étaient élus de façon à respecter la pluralité des opinions de la communauté scientifique, a subi un long détricotage de ses prérogatives, dont certaines ont été confiées à l’ANR. Nous pouvons constater que le CNRS a réalisé ses plus grandes découvertes avant ce changement et que cet échelon administratif supplémentaire n’a pas de réelle utilité.

M. Pierre Henriet, rapporteur pour avis. L’ANR a été créée en 2005 pour développer le financement des projets de recherche dans le cadre d’appels à projets, via une évaluation par les pairs afin de professionnaliser cette procédure. La majorité des financements de la recherche se fait en France par le biais des organismes de recherche et il ne me semble pas pertinent d’opposer l’ANR et le CNRS. Leurs objectifs sont les mêmes : mener à bien des projets de recherche innovants, sélectionnés de façon rigoureuse.

Par ailleurs, vous proposez de supprimer l’intégralité des crédits de l’ANR. Or l’Agence a des missions diversifiées, notamment celle d’opérateur pour le programme investissements d’avenir (PIA), pour la sélection, le financement, le suivi et l’évaluation de ces investissements.

Pour ces raisons, j’émets un avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Elle est ensuite saisie de l’amendement AC46 de Mme Muriel Ressiguier.

Mme Muriel Ressiguier. Il est proposé de créer au sein de cette mission un nouveau programme intitulé « Recherches pour la transition écologique ». En effet, la création d’une nouvelle ligne « Recherches dans le domaine de l’énergie nucléaire » nous alarme. S’il est évident qu’il faut lutter pour la transition énergétique et qu’une partie de la recherche doit être consacrée à la transformation d’un parc énergétique durable, propre et sans danger, il semble que ce n’est pas clairement la voie choisie par le Gouvernement. Nous souhaitons insister sur l’urgence climatique qui doit présider à tout projet de recherche.

M. Pierre Henriet, rapporteur pour avis. Votre amendement tend à créer un nouveau programme visant à financer la recherche pour la transition écologique, en le dotant de 435 millions d’euros, issus pour l’essentiel de l’action 16.

D’ores et déjà, l’action 17, au sein du même programme 190, prévoit des moyens importants pour la recherche dans le domaine des nouvelles technologies de l’énergie. Sans préjuger de l’évolution de notre mix énergétique, la poursuite de la recherche dans le domaine nucléaire est une nécessité pour assurer la sûreté et la disponibilité de notre parc de réacteurs, ainsi que pour travailler sur le conditionnement et le retraitement des déchets.

C’est pourquoi j’émets un avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement AC73 de Mme George Pau-Langevin.

Mme Josette Manin. Dans le prolongement d’un sujet examiné récemment, il s’agit d’abonder les crédits budgétaires pour l’innovation de rupture par le produit des dividendes perçus par l’État au titre de ses participations dans le capital des entreprises dont il est actionnaire. Nous constatons que la vente du capital détenu par l’État dans Aéroports de Paris et la Française des jeux produit beaucoup d’argent, qui serait utilement employé pour répondre aux besoins évidents du Fonds pour l’innovation de rupture.

M. Pierre Henriet, rapporteur pour avis. Nous avons effectivement voté dans le projet de loi PACTE les dispositions nécessaires pour que l’État cède une partie de ses actifs au sein d’Aéroports de Paris, de la Française des jeux et d’Engie. Ces cessions d’actifs doivent se faire de façon encadrée, avec des cahiers des charges contraignants.

Votre amendement tend à minorer les crédits du programme 190 et en particulier de son action 14, qui permettent de faire face aux charges de long terme des installations nucléaires. Cela ne semble pas pertinent, et j’émets donc un avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement AC51 de M. Michel Larive.

Mme Muriel Ressiguier. La recherche spatiale a fait de grands pas, notamment grâce aux avancées réalisées par Space X en matière de lanceurs réutilisables. Cette technologie étant plus écologique et beaucoup moins onéreuse, nous ne comprenons pas que le Gouvernement investisse 210 millions d’euros supplémentaires dans la technologie d’Ariane 6, qui semble déjà dépassée dans ce domaine très précis. Nous soutenons, bien sûr, l’action d’Ariane 6 dans l’ensemble des domaines qui la composent, et ce transfert vers le programme de recherche Prometheus, qui a pour but de promouvoir la conception de lanceurs réutilisables, est symbolique.

M. Pierre Henriet, rapporteur pour avis. Votre amendement vise à créer un nouveau programme, consacré à la recherche sur un lanceur spatial réutilisable et doté de 210 millions d’euros. Des progrès importants ont été réalisés en la matière, notamment depuis 2011 par l’entreprise Space X qui a réalisé de premiers vols opérationnels du Falcon 9, partiellement réutilisable. D’ores et déjà, le CNES développe en coopération avec les agences spatiales allemande et japonaise, un démonstrateur de lanceur réutilisable, intitulé Callisto, et un nouveau projet, Themis, est envisagé. Le démonstrateur Themis serait équipé du futur moteur européen Prometheus, que vous évoquez, qui a été lancé par l’Agence spatiale européenne en décembre 2016 à l’initiative du CNES et d’ArianeGroup, et qui est financé par l’action 4 que vous proposez de réduire par votre amendement.

Il existe d’ores et déjà des programmes conduits par le CNES et l’Agence spatiale européenne dans le domaine des technologies de lanceurs réutilisables, aux côtés de Space X mais aussi de l’américain United Launch Alliance.

Pour ces raisons, j’émets un avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement AC48 de Mme Muriel Ressiguier.

Mme Muriel Ressiguier. Nous souhaitons réaffirmer notre volonté de rendre l’enseignement supérieur entièrement gratuit, afin non seulement d’assurer une formation accessible à tous, mais aussi de favoriser la formation continue et de faciliter la reprise des études. Ce principe constitue pour nous l’unique solution pour s’assurer que des étudiants ne renoncent pas à aborder un parcours universitaire en raison du coût des études et de la vie étudiante. Par conséquent, nous proposons d’abonder un nouveau programme intitulé « Transition vers la gratuité des études supérieures ».

M. Philippe Berta, rapporteur pour avis. Il faut savoir de quoi l’on parle. Les frais d’inscription dans l’enseignement supérieur, à l’université, sont d’environ 170 euros pour les années de licence et 240 euros pour le niveau master. Mais dans mon université, par exemple, 56 % des étudiants ne paient rien. Je suis donc surpris que le groupe La France insoumise veuille absolument aider les classes les plus favorisées, et j’émets un avis défavorable.

Mme Muriel Ressiguier. Nous ne devons pas côtoyer les mêmes étudiants !

La commission rejette l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement AC52 de Mme Muriel Ressiguier.

Mme Muriel Ressiguier. Le Gouvernement a décidé de limiter l’accès à l’enseignement supérieur et de sélectionner les étudiants plutôt que d’investir pour pouvoir accueillir le nombre d’étudiants qui, du fait de l’évolution démographique et de l’augmentation de nos conditions de vie, augmente. Même du point de vue budgétaire, les réorientations induites par ce système auront un coût. Il nous semble nécessaire d’avoir une vision globale et non pas seulement court‑termiste. Par conséquent, nous proposons de transférer l’entièreté des crédits de l’action « Établissements d’enseignement privé » vers un nouveau programme intitulé « Accès libre à l’université ».

M. Philippe Berta, rapporteur pour avis. Certains imaginent que Parcoursup n’a pas fonctionné, mais ce n’est pas le cas : il n’y a pas eu de tri d’étudiants, mais des orientations et des aides à l’orientation. Je le dis pour le vivre dans mon université toutes les semaines, et à la suite d’éléments fournis par la conférence des présidents d’université. Nous constatons cette année une augmentation considérable du nombre d’étudiants dans les universités, avec une très belle réorientation vers les STS, les IUT et les BTS. Mon avis est défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement AC60 de M. Bastien Lachaud.

Mme Muriel Ressiguier. Depuis Spoutnik, en 1957, plus de 5 500 lancements de satellites artificiels ont été effectués, sans la moindre préoccupation concernant ce que deviendraient les objets laissés dans l’espace. En 2013, l’Agence spatiale européenne a calculé qu’il y aurait en orbite basse environ 5 000 objets mesurant plus d’un mètre, 20 000 objets de plus de dix centimètres et 75 000 « balles volantes » d’environ un centimètre. Cela commence à poser des problèmes pour le lancement et le suivi des satellites, étant donné les risques de collisions.

Notre amendement vise à faire de la France une nation pionnière dans cette grande tâche d’intérêt humain qu’est la dépollution de l’orbite basse.

M. Pierre Henriet, rapporteur pour avis. Vous avez raison, la question de la pollution de l’espace est essentielle et comporte de réels enjeux de sécurité pour les lancements comme pour les satellites déjà en orbite. L’Agence spatiale européenne a lancé la Clean Space Initiative, dans le cadre de laquelle est développé le programme e.Deorbit, qui a pour objet de récupérer des débris dans l’espace, grâce à l’étude d’un système de filet ou encore d’un bras robotique. La mission e.Deorbit est encore au stade de projet et il serait utile que des financements soient dégagés en sa faveur, mais cela relève d’une décision de l’Agence, non d’une ouverture de crédits au niveau national. Je vous invite donc à retirer votre amendement, à défaut de quoi j’émettrais un avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Suivant l’avis défavorable de M. Pierre Henriet, rapporteur pour avis, elle rejette successivement les amendements AC61 et AC62 de M. Bastien Lachaud.

Elle est ensuite saisie de l’amendement AC49 de M. Philippe Berta, rapporteur pour avis.

M. Philippe Berta, rapporteur pour avis. J’ai fait une proposition comparable l’an dernier. Il s’agit d’augmenter de 5 millions d’euros les crédits affectés à la culture scientifique, technique et industrielle, sur laquelle la ministre vient de s’exprimer. La France souffre d’une exceptionnelle inculture scientifique qui fait sourire à l’étranger, notamment dans les pays anglo-saxons. Cela s’accompagne de nombreux effets annexes, tels que des infox – selon un récent sondage, 15 % d’entre nous sont persuadés que la Terre est plate – et d’un désintérêt pour les métiers scientifiques et technologiques. On ne consacrera jamais assez de moyens à ce domaine, au moment où triomphe l’obscurantisme et où les croyances sont en train de suppléer les connaissances.

La commission adopte l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement AC87 de M. Philippe Berta, rapporteur pour avis.

M. Philippe Berta, rapporteur pour avis. La ministre ayant parfaitement répondu aux interrogations exprimées dans cet amendement, je le retire.

L’amendement est retiré.

La commission est saisie de l’amendement AC40 de Mme George PauLangevin.

Mme George Pau-Langevin. Je serai brève, puisque Mme la ministre a abordé la question des bibliothèques. Notre groupe propose d’accélérer le développement de l’ouverture dominicale des bibliothèques universitaires, en abondant les crédits du programme 190 de 2 millions d’euros et en diminuant d’autant les crédits du programme 193 « Recherche spatiale ».

M. Philippe Berta, rapporteur pour avis. Dans le prolongement du rapport Orsenna examiné par notre commission, cet amendement pointe la nécessité d’élargir les horaires d’ouverture des bibliothèques. Je considère que la ministre a répondu à cette préoccupation, et que la réponse apportée l’est dans un contexte budgétaire contraint. À titre personnel, je le vis dans mon établissement où les étudiants sont payés pour prendre le relais, et où nous voyons les plages horaires commencer à s’élargir. Poursuivons cette action à ce rythme. J’émets un avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement AC74 de Mme George Pau-Langevin.

Mme George Pau-Langevin. Notre groupe regrette que le budget alloué à la culture scientifique et technique soit en diminution de 2 millions d’euros. Le Gouvernement justifie cette baisse en indiquant que les besoins réels et la capacité de financement d’Universcience ne nécessiteraient que 1,15 million d’euros pour ses dépenses d’opérations financières. Nous pensons plutôt que cette baisse fait partie de toutes les « petites » baisses de crédits opérées dans le cadre des économies recherchées par le Gouvernement.

C’est pourquoi nous proposons d’abonder de 2 millions d’euros les crédits de l’action n° 3 « Culture scientifique et technique » du programme 186 en réduisant d’autant les crédits de l’action n° 3 « Recherche duale dans le domaine aérospatial » du programme 191. Je suis certaine que, s’agissant d’un sujet tel que celui-ci, le Gouvernement voudra bien lever le gage…

M. Philippe Berta, rapporteur pour avis. Vous êtes moins gourmande que moi, puisque nous venons de voter un amendement à 5 millions d’euros ! Je propose donc que vous retiriez le vôtre.

L’amendement est retiré.

L’amendement AC88 de M. Pierre Henriet, rapporteur pour avis, est également retiré.

Article 78

La commission est saisie des amendements de suppression AC47 de M. Michel Larive et AC75 de Mme George Pau-Langevin.

Mme Muriel Ressiguier. Cet article prévoit la suppression de l’aide à la recherche d’un premier emploi (ARPE), que le Gouvernement estime redondante avec la Garantie jeunes. Nous considérons au contraire que ces deux aides sont complémentaires car elles ne touchent pas le même public et n’ont pas les mêmes finalités. Le Gouvernement dit vouloir créer par ailleurs un dispositif d’aide à la mobilité destiné aux personnes qui, dans le cadre de Parcoursup, souhaitent s’inscrire à une formation de l’enseignement supérieur. Dans l’attente du détail de ce plan, nous souhaitons nous assurer de la pérennité de l’aide à la recherche d’un premier emploi.

Mme George Pau-Langevin. De même, nous déplorons que l’ARPE soit supprimée avant qu’ait été mis au point le dispositif censé le remplacer. La Garantie jeunes, par ailleurs, n’est pas adaptée aux besoins des étudiants.

M. Philippe Berta, rapporteur pour avis. Mme la ministre nous a répondu sur ce sujet, en indiquant que l’évolution du système ARPE était engagée. Avis défavorable, donc.

La commission rejette les amendements.

La commission émet ensuite un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur ».

 

 


—  1  —

   Annexe :
liste des personnes entendues par le rapporteur

(par ordre chronologique)

            Audition commune :

‑ Direction générale de l’enseignement supérieur et de l’insertion professionnelle (DGESIP)  Mme Brigitte Bureau, directrice générale, Mme Rachel-Marie Pradeilles-Duval, cheffe du service de la stratégie des formations et de la vie étudiante, M. Éric Piozin, chef de service de la stratégie de contractualisation, du financement et de l’immobilier, M. Brice Lannaud, chef du service des personnels enseignants de l’enseignement supérieur et de la recherche, et Mme Béatrice Noël, cheffe du département des stratégies des ressources humaines, de la parité et lutte contre les discriminations

‑ Cabinet de la ministre de l'Enseignement supérieur, de la Recherche et de l'Innovation M. Jean-Philippe Bourgoin, conseiller en charge de la recherche, Mme Anne-Sophie Barthez, conseillère formations, et M. David Cavaillolès, conseiller budgétaire

            Table ronde de syndicats d’enseignants-chercheurs :

‑ Fédération syndicale unitaire (FSU) – M. Hervé Christofol, secrétaire général

‑ Sup’Recherche-UNSA – M. Jean-Pascal Simon, secrétaire général

‑ Syndicat national des personnels de la recherche et des établissements de l’enseignement supérieur – Force Ouvrière (SNPREES-FO) M. Michel Gay, secrétaire général de SupAutonome-FO

            Audition commune :

 M. Thierry Côme et M. Gilles Rouet, auteurs de l’article « Comment évaluer les universitaires ? Efficacité et performance des structures et dispositifs », paru dans la revue Gestion et management public, 2016/3

 M. Marc Romainville, co-auteur de l’ouvrage Évaluation et enseignement supérieur (éd. De Boeck Supérieur, 2013)

            Conseil national des universités – M. Jean-Paul Deroin, président, et M. Fabrice Melleray, vice-président de la CP-CNU (domaine droit), professeur des universités à Sciences Po Paris

            Union nationale des étudiants de France (UNEF) (*)  Mme Lila Le Bâs, présidente

            Mme Nicole Rege Colet et M. Denis Berthiaume, directeurs de l’ouvrage collectif La pédagogie de l’enseignement supérieur : repères théoriques et applications pratiques (éd. Peter Lang, Suisse, 2014)

            Audition commune :

 M. Christophe Charle, professeur d’histoire contemporaine à l’université Paris-I, membre de l’Institut universitaire de France, directeur de l’Institut d’histoire moderne et contemporaine (CNRS-ENS), auteur de l’article « L’évaluation des enseignants-chercheurs » (Revue Vingtième siècle)

 M. Jacques Dejean, auteur du rapport Lévaluation de lenseignement dans les universités françaises, rédigé pour le Haut conseil de l'évaluation de l'école en 2002

            M. François Paquis, inspecteur général de l’administration de l’éducation nationale et de la recherche, directeur général des services de l’université Clermont – Auvergne et M. Damien Verhaeghe, inspecteur général de l’administration de l’Éducation nationale et de la Recherche, directeur général des services de l’Université Claude Bernard Lyon 1, auteurs du rapport de l’IGAENR sur « le recrutement, le déroulement de carrière et la formation des enseignants chercheurs »

            Conférence des présidents d’université (CPU) (*) – M. Gilles Roussel, président, M. Bernard Saint-Girons, délégué général, et M. Kévin Neuville, conseiller en charge des relations avec le Parlement

            Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (HCERES)M. Michel Cosnard, président

 

 

 

 

(*) Ce représentant d’intérêts a procédé à son inscription sur le répertoire de la Haute Autorité de transparence pour la vie publique s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale

 


([1]) L’ARPE a été introduite à l’article 50 de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels. Ses conditions d’attribution ont été précisées par le décret n° 2016-1089 du 8 août 2016 relatif à l’aide à la recherche du premier emploi, et son montant fixé par l’arrêté conjoint de la ministre de l’Éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche et du secrétaire d’État chargé du budget du 8 août 2016 fixant les montants mensuels de l’aide à la recherche du premier emploi.

([2]) Cette situation concerne des bacheliers n’ayant pas obtenu de proposition d’admission sur un vœu formulé au cours de la phase principale ou de la phase complémentaire de Parcoursup, et qui ont saisi la commission académique d’accès à l’enseignement supérieur.

([3]) Conclu en 2016 à la suite de la loi n° 2015-1785 du 29 décembre 2015 de finances pour 2016, le protocole « Parcours professionnels, carrières et rémunérations » (PPCR) a revu les principes de la politique de rémunération dans la fonction publique et restructuré les grilles de rémunération des corps et cadres d’emplois des catégories A, B et C. Sa mise en œuvre, étalée de 2016 à 2020, vise à mieux reconnaître les qualifications des fonctionnaires et à leur garantir des carrières plus valorisantes.

([4]) Une concertation a d’ailleurs été lancée par le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche en juin 2018 afin de mieux définir les attendus du métier en termes d’activités et de compétences.

([5]) Le plus célèbre d’entre eux, l’Academic ranking of world universities (ARWU), dit « classement de Shanghai », a commencé à être publié en 2003.

([6]) Les indicateurs bibliométriques sont désormais nombreux. On citera, à titre d’exemples, le « facteur h » (hfactor), créé en 2005, qui mesure le nombre d’articles d’un auteur ayant reçu chacun au moins h citations, et le facteur g (g-factor), créé en 2006, qui désigne le plus grand nombre d’articles pour lesquels il est vrai de dire que l’ensemble des g articles ont reçu au moins g2 citations.

([7]Arrêté conjoint de la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche et du ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l’État du 30 novembre 2009 fixant les taux de la prime d'excellence scientifique.

([8]) L’article 3 du décret n° 99-855 du 4 octobre 1999 instituant une prime de responsabilités pédagogiques dans les établissements d’enseignement supérieur relevant du ministre chargé de l’enseignement supérieur prévoit que le montant annuel de cette prime ne peut être inférieur à douze fois ni supérieur à quatrevingtseize fois au taux de l’indemnité pour travaux dirigé ; l’arrêté du 6 novembre 1989 fixant les taux de rémunération des heures complémentaires fixe l’indemnité pour travaux dirigés à 40,91 euros. Il en découle un montant de la prime de responsabilités pédagogiques compris entre 490,12 et 3 927,36 euros par an.

([9]) « Le recrutement, le déroulement de carrière et la formation des enseignants-chercheurs », rapport n° 2015‑073 de l’inspection générale de l’administration de l’éducation nationale et de la recherche, septembre 2015 : https://cache.media.enseignementsup-recherche.gouv.fr/file/2015/16/4/2015-073_Enseignants-chercheurs_554164.pdf, p. 83.

([10]) Articles 5 et 21 du décret n° 2014-997 du 2 septembre 2014 modifiant le décret n° 84-431 du 6 juin 1984 fixant les dispositions statutaires communes applicables aux enseignants-chercheurs et portant statut particulier du corps des professeurs des universités et du corps des maîtres de conférences.

([11]) L’article 17 de la loi n° 2007-1198 du 10 août 2007 relative aux libertés et aux responsabilités des universités, dite « LRU » a rendu obligatoire la conclusion de contrats pluriannuels d’établissement entre le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche et les établissements. Devenus « contrats de site » en application de l’article 62 de la loi n° 2013-660 du 22 juillet 2013 relative à l'enseignement supérieur et la recherche, dite « ESR », ces contrats sont conclus en quatre vagues.

([12]) « L’évaluation des enseignants universitaires. Du contrôle des compétences pédagogiques aux dispositifs de développement professionnel », Nicole Rege Collet et Denis Berthiaume, publié dans la revue Spirale. Revue de recherches en éducation, n° 49, 2012, p. 221 à 235.

([13]) Décisions du Conseil constitutionnel n° 83-165 DC du 20 janvier 1984, Loi sur l’enseignement supérieur, n° 93-322 DC du 28 juillet 1993, Loi relative aux établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel, et n° 2010-20/21 du 6 août 2010, Jean C.

([14])  La pédagogie de l'enseignement supérieur : repères théoriques et applications pratiques, tome 2 : Se développer au titre d’enseignant, Nicole Rege-Collet et Denis Berthiaume (dir.), 2014, éditions Peter Lang ; chapitre 11 : « Élaborer un portfolio ou un dossier d’enseignement », Pascale Wouters et Mariane Renay.

([15])  À titre d’exemple, on pourra se référer au canevas proposé par l’Université de Lausanne : https://www.unil.ch/cse/files/live/sites/cse/files/shared/brochures/dossier_enseignement.pdf.

([16]) La pédagogie de l'enseignement supérieur : repères théoriques et applications pratiques, tome 2 : Se développer au titre d’enseignant, Nicole Rege-Collet et Denis Berthiaume (dir.), 2014, éditions Peter Lang ; chapitre 11 : « Élaborer un portfolio ou un dossier d’enseignement », Pascale Wouters et Mariane Renay.

([17]) Articles 13 et 14 du décret n° 2017-854 du 9 mai 2017 modifiant le décret n° 84-431 du 6 juin 1984 modifié fixant les dispositions statutaires communes applicables aux enseignants-chercheurs et portant statut particulier du corps des professeurs des universités et du corps des maîtres de conférences.

Arrêté du 8 février 2018 fixant le cadre national de la formation visant à l'approfondissement des compétences pédagogiques des maîtres de conférences stagiaires.

([18]) http://actutice.fr/

([19]https://www.univ-grenoble-alpes.fr/service-universitaire-de-pedagogie-sup-page-d-accueil--62290.kjsp?RF=U3FR_PRES032

([20]) http://espe.u-bourgogne.fr/departements/cipe.html

([21]) https://sapiens-uspc.com/

([22]La pédagogie de l'enseignement supérieur : repères théoriques et applications pratiques, tome 2 : se développer au titre d’enseignant, Nicole Rege-Collet et Denis Berthiaume (dir .), 2014, éditions Peter Lang ; chapitre 9 : « Recourir au mentorat pour développer son expertise en enseignement », Denis Berthiaume et Stéphane Justeau.

([23]) Ibid., chapitre 8 : « Pratiquer l’observation de l’enseignement par les pairs », Amaury Daele et Emmanuel Sylvestre

([24]) Octroyés dans le cadre du Programme d’investissements d’avenir, les labels IDEX (« Initiatives d’excellence ») et I-SITE (« Initiatives Science-Innovation-Territoires-Économie ») distinguent des projets d’excellence dans le champ universitaire. Le label IDEX concerne des universités de recherche de rayonnement mondial disposant d’une puissance et d’un impact scientifique de tout premier plan dans de larges champs de la connaissance. Le label I-SITE est attribué à des universités qui valorisent des atouts scientifiques thématiques plus concentrés et distinctifs, reconnus sur le plan international, et qui en font un point d’appui de leur stratégie de développement et de partenariat avec le monde économique.

([25])  http://www.assemblee-nationale.tv/video.6901744_5be30cfc7fdf6.commission-des-affaires-culturelles--plf-2019--mme-frederique-vidal-ministre-de-l-enseignement-su-7-novembre-2018