N° 1304

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 12 octobre 2018.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES
SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2019 (n°1255),

 

TOME II

 

ACTION EXTÉRIEURE DE LÉTAT

 

Diplomatie culturelle et dinfluence – francophonie

PAR M. Frédéric PETIT

Député

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 Voir le numéro  1302.


 


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SOMMAIRE

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Pages

introduction

I. un budget qui tient ses promesses, sans ambiguité

A. la fin du mouvement de baisse continue des crédits du programme 185

1. En exécution, une hausse des crédits confirmée en 2018

2. Une sanctuarisation des moyens de notre diplomatie dinfluence en 2019

B. La participation du programme 185 à leffort de réduction des dépenses de personnel

II. Un budget de transition : de nouvelles ambitions pour notre diplomatie culturelle et dinfluence

A. education : la grande priorité du quinquennat

1. Répondre à la demande déducation française et en français

2. Articuler francophonie et coopération éducative

3. La coopération universitaire et scientifique

B. culture : un changement de paradigme à lhorizon

1. Laction culturelle : du rayonnement au dialogue partenarial

2. La promotion de nos industries culturelles et créatives

3. Le lien entre culture et développement

C. economie : une réforme en cours

1. La diplomatie économique : une réforme qui sest arrêtée au milieu du gué

2. La promotion du tourisme : de réels progrès

III. Trois questions transversales décisives

A. Le pilotage et les synergies : des marges de progression

1. Une multiplicité dacteurs et des progrès à faire en matière de pilotage

2. Des opérateurs qui doivent trouver leur place entre les ministères et le réseau

B. Le numérique : la France na pas pris toute la mesure de cette révolution

1. Une stratégie unifiée pour loffre éducative francophone sur internet

2. Développer des contenus culturels attractifs en français

3. Plus quun outil, une autre façon de faire de la diplomatie

C. La gestion du personnel : lurgence dune gestion des compétences

1. La réduction des dépenses de personnel : passer dune vision comptable à un provisionnement stratégique

2. Lurgence dune gestion des compétences du personnel

IV. Quelle diplomatie culturelle et dinfluence dans les zones de crise ?

A. La coopération dans les Territoires palestiniens : des actions capitales dans un contexte difficile

1. La coopération culturelle et audiovisuelle

2. La coopération universitaire et scientifique

3. La coopération éducative et linguistique

4. Les moyens financiers et humains

B. en israël : un dialogue culturel qui sest intensifiÉ à la faveur de la saison croisee

1. Une action volontariste au service de la promotion des industries culturelles et créatives françaises

2. Le bilan globalement positif de la saison croisée

3. La coopération scientifique, universitaire et éducative

4. Les moyens financiers et humains

Conclusion

TRAVAUX DE LA COMMISSION : PRÉSENTATION DU RAPPORT DEVANT LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES ET EXAMEN DES CRÉDITS

annexe : LISTE DES PERSONNALITÉS RENCONTRÉES PAR LE RAPPORTEUR


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   introduction

Le budget du programme 185 est un budget qui tient ses promesses, sans ambiguïté. Pour la première fois depuis des années, les moyens sont sanctuarisés, voire haussés pour certains opérateurs. Votre rapporteur en propose une analyse détaillée dans la première partie du rapport. En termes de méthode, et c’est une nouveauté, le choix a été fait d’assurer un suivi tout au long de l’année, et non durant la seule période budgétaire, de l’exécution des crédits, aussi bien à Paris qu’en circonscription. Un travail de collecte de données précises et fiables a été mené, afin d’éclairer au mieux la commission sur les grands enjeux de notre diplomatie culturelle et d’influence. À ce titre, votre rapporteur souhaite saluer l’effort des ministères et de leurs opérateurs pour répondre aux interrogations de l’Assemblée, mais regrette que la transmission des réponses au questionnaire budgétaire ait été aussi tardive, et souvent dans des formes peu exploitables (notes redondantes des documents sources, souvent eux-mêmes désactivés, commentaires orientés en réponse à des questions factuelles). 

Cest aussi un budget de transition. D’abord car il tient compte des engagements antérieurs (COM signés sous la législature précédente; MAEDI 21). Surtout car l’effort budgétaire consenti vient appuyer de nouvelles ambitions et des réformes cruciales pour notre diplomatie culturelle et dinfluence. Les discours de la Sorbonne, de l’Institut ou encore d’Ouagadougou ont fixé un cap et des objectifs ambitieux pour les trois grands piliers de notre diplomatie dinfluence : l’éducation au sens large (enseignement francophone, coopération en faveur de l’éducation, diplomatie culturelle et scientifique) la culture (création en français, dialogue et échanges culturels, promotion de notre savoir-faire à l’étranger et soutien à l’export des industries culturelles et créatives) l’économie (internationalisation des entreprises, soutien à l’export par grandes familles, investissements, tourisme).

Il importe désormais de se doter doutils adéquats pour les atteindre et s’orienter vers un nouveau modèle de diplomatie que lon dit dinfluence – plus partenariale, plus déconcentrée, plus agile. C’est la réflexion que propose les deuxième et troisième parties du rapport, en identifiant trois points de vigilance transversaux: l’amélioration du pilotage et des synergies, la prise en compte de la révolution numérique, enfin la gestion des compétences.

Enfin, après être allé au Liban en 2017, votre rapporteur a souhaité cette année se rendre en Israël et dans les Territoires Palestiniens afin d’examiner la portée de notre diplomatie culturelle et dinfluence en zone de crise. Force est de constater que le soutien apporté par la France à l’éducation, aux échanges culturels, au dialogue avec la société civile, est plus que jamais crucial dans un contexte de blocage politique et de montée des tensions. Il souhaite d’ailleurs rendre un hommage appuyé aux équipes qui sur place, et dans des conditions parfois difficiles, offrent une réelle consistance à l’engagement de la France en faveur de la paix au Proche-Orient.


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I.   un budget qui tient ses promesses, sans ambiguité

A.   la fin du mouvement de baisse continue des crédits du programme 185

1.   En exécution, une hausse des crédits confirmée en 2018

Le budget 2018 du programme 185 « Diplomatie culturelle et d’influence » sest élevé à 644,4 millions deuros (hors dépenses de personnel), soit une hausse de 4,6 millions d’euros (+0,3 %) par rapport à 2017. En incluant les dépenses de personnel, le programme 185 est passé à 717,5 millions d’euros

La hausse a permis de maintenir une stabilité sur les lignes du programme, voire de prévoir de légères augmentations, en particulier en faveur de l’AEFE et des moyens du réseau de coopération et d’action culturelle.

Les subventions pour charges aux opérateurs sont restées stables dans l’ensemble, au total à 464 millions deuros soit 71,9 % des crédits HT2 du programme, se répartissant comme suit :

– AEFE : 398,7 millions d’euros, la SCSP est augmentée de 2,3 millions d’euros par rapport à la LFI 2017 en raison de l’évolution de la masse salariale ;

– Atout France : 32,7 millions d’euros, en baisse de 0,4 millions d’euros par rapport à 2017 en raison de la baisse des crédits dédiés à la sécurité attribués en 2017 du fait de la non reconduction d’opérations ponctuelles ;

– Institut Français : 28,7 millions d’euros ;

– Campus France : 3,8 millions d’euros. 

Concernant les moyens du réseau culturel et des alliances françaises, lenveloppe des postes sest élevée pour 2018 à 130 millions deuros, en augmentation de 2 millions deuros par rapport à 2017. Les crédits centraux se sont élevés à 50 millions deuros. Ces crédits comprennent les dotations de fonctionnement aux établissements à autonomie financière et instituts français de recherche à l’étranger (EAF/IFRE), l’appui logistique, les bourses, les autres crédits d’intervention des directions et des postes, les subventions aux alliances françaises, et les dotations pour opérations aux EAF/IFRE. 

Les crédits dintervention ont en revanche baissé, notamment sur les échanges d’expertise et échanges scientifiques (13,9 millions d’euros, soit -0,7 million d’euros) et les dotations pour opération aux EAF (15,9 millions d’euros seulement, soit -0,9 million d’euros).

Quant au soutien aux Alliances françaises, la subvention est passée de 7,5 millions d’euros en 2017 à 6,5 millions d’euros, quand la subvention à la Fondation Alliance France est restée stable.  

La coopération culturelle et universitaire a continué de faire lobjet dune attention particulière. Tout dabord avec la sanctuarisation du niveau des bourses à 64,6 millions deuros. Dautre part, la subvention à lUniversité franco-allemande (UFA) s’est élevée à 3,4 millions d’euros pour l’année 2018 et une budgétisation de 0,5 millions d’euros supplémentaires a été prévue au titre du rattrapage de 2017 de la contribution de la France en vue d’être à parité avec la contribution allemande. 

2.   Une sanctuarisation des moyens de notre diplomatie d’influence en 2019

Le projet de budget 2019 du programme 185 « Diplomatie culturelle et dinfluence » sélève à 625,3 millions deuros (hors dépenses de personnel), soit une baisse de 19,6 millions d’euros par rapport à la LFI 2018. 

Cette baisse correspond en réalité à la part des crédits consacrée à la sécurité du réseau de lAEFE qui sera à partir de 2019 budgétée sur le programme 723 « Opérations immobilières et entretien de bâtiments de l’Etat ». Par ailleurs, dans une optique de mutualisation des moyens et de réduction des coûts, les frais de déplacements et de représentation des services de coopération et d’action culturelle seront à partir de 2019 reportés sur le programme 105. Ce seul programme sera désormais chargé des crédits support des réseaux de l’Etat à l’étranger. Par ailleurs, les crédits de coopération liés à l’adoption internationale ont également fait l’objet d’un transfert vers ce programme.  

Outre ces réductions et transferts, le programme 185 est globalement stable, avec la répartition suivante :

– dotations de fonctionnement aux EAF et les Instituts français de recherche à l’étranger (IFRE) : 40 millions d’euros ;

– dotations pour opérations aux EAF : 15,9 millions d’euros ;

– bourses et bourses cofinancées : 64,5 millions d’euros ;

– échanges d’expertise et scientifiques : 13,9 millions d’euros ;

– subventions aux Alliances françaises : 8,3 millions d’euros (+6%) ;

– autres crédits d’intervention : 25,4 millions d’euros (-19%, dû à un effet périmètre lié aux crédits versés à l’Alliance internationale pour la protection du patrimoine dans les zones de conflits (ALIPH) en 2018).

Les subventions pour charges de service public des opérateurs (451 millions deuros), représentant 72 % des crédits HT2 du programme, évoluent de la façon suivante :

– la subvention de lAEFE, qui représente près de la moitié des crédits du programme, reste stable, à hauteur de 384 millions d’euros, conformément à l’engagement du Président de la République (pour mémoire, 14,7 millions d’euros sont alloués au CAS 723 au titre de la sécurité) ;

lInstitut français Paris enregistre une hausse de sa subvention de 2 millions d’euros en 2019, ce qui la porte à 30,8 millions d’euros. Cette augmentation est liée à la mise en œuvre du plan « Langue française et plurilinguisme » par l’Institut, qui devient l’opérateur de référence en matière de promotion de la langue française et à la préparation de la saison des cultures africaines en 2020, inédite en raison de son format et de son volume budgétaire ;

– s’agissant de Campus France, la subvention pour charges de service public est maintenue à son niveau de 2018 (3,8 millions d’euros) ;

Atout France bénéficiera d’une subvention pour charges de service de 32,7 millions d’euros (réserve non déduite). Conformément aux annonces du Conseil interministériel du tourisme de janvier 2018, la part de la recette visa allouée à l’opérateur sera stabilisée à 3 % de la recette globale de 2018. Compte tenu des prévisions de recettes de droits de visa pour 2018, le montant qui  sera reversé à Atout France en 2019 est estimé entre 4,5 et 5 millions d’euros.

Les crédits dédiés aux subventions directes aux Alliances françaises locales, versées par les SCAC, sont en augmentation et passent à 8,29 millions d’euros afin de soutenir la création de 10 Alliances françaises par an,  conformément au souhait du Président de la République. 

Enfin, la mise en œuvre du plan pour la Langue française et le plurilinguisme a été budgétée à hauteur de 2,2 millions deuros au total sur le programme 185, dont 1,3 millions d’euros seront délégués à l’Institut français Paris, responsable ou co-responsable de nombre d’actions à mener dans ce cadre. 

B.   La participation du programme 185 à l’effort de réduction des dépenses de personnel

Les efforts de rationalisation du réseau culturel à létranger se poursuivent.

L’exercice d’adaptation fait partie prenante de la programmation des effectifs puisque, outre la cible des suppressions fixée chaque année et atteinte au titre des différents chantiers entrepris pour moderniser le réseau, le ministère de l’Europe et des Affaires étrangères poursuit le redéploiement des postes sur des priorités renouvelées pour adapter le réseau : 35 postes ont ainsi été créés sur les thématiques prioritaires en 2017 et 20 postes en 2018.

Les ETP consacrés à la diplomatie culturelle et dinfluence se retrouvent dans les plafonds demplois du programme 185 et du programme 209 selon une répartition géographique et non thématique.

En sus de ce plafond demplois ministériel, il existe un plafond demplois propre aux établissements à autonomie financière (EAF – taux d’autofinancement global de 72% en 2017). Depuis le 1er janvier 2010, les ouvertures d’emplois permanents de recrutement local des EAF sont en effet soumises, comme les emplois des personnels expatriés, à l’autorisation du Parlement, dans la limite d’un plafond annuel. Le ministère assure une programmation annuelle de ces effectifs et un suivi de l’exécution de cette programmation (programme 185). Ce sont les emplois sous CDI et les emplois assimilables à un CDI (notion d’emploi pérenne : CDD successifs ou contrats assimilables en droit local à un CDI) qui sont inclus dans le plafond des EAF (3 449 ETPT en 2018). Le projet d’article relatif à ce plafond d’emplois (PLF 2019) fait état de 3 449 ETPT, comme en LFI 2018.

Pour mémoire, en 2017, dans le réseau à létranger, la suppression de -29 ETP en solde net avait résulté de la suppression de 70 ETP et de la création de 41 ETP. Plus de la moitié concernait les SCAC (60 %), 21 % les EAF ; les Alliances Françaises conventionnées, comme en 2016, avaient été épargnées (7 %) ainsi que l’expertise technique (12 %) – celle-ci fait l’objet d’un transfert de gestion des postes de travail vers les opérateurs. Ces postes transférés ne sont pas comptabilisés dans les suppressions. La répartition des emplois par établissement d’accueil tient compte d’une part de l’historique et de l’évolution des réseaux notamment ceux des Alliances Françaises et des Instituts Français. Par ailleurs, plusieurs chantiers sont mis en œuvre depuis le début de la Révision générale des politiques publiques (RGPP) afin d’adapter l’ensemble des réseaux du ministère aux nouvelles priorités et aux moyens alloués.

En 2018, 62 suppressions et 20 créations de postes de travail ont été validées dans le réseau à létranger permettant un solde net de -42 ETP et correspondant à la réalisation du schéma d’emploi imposé et au transfert sur le programme 105 d’une douzaine de postes de soutien dans les ambassades rémunérés jusqu’à ce jour sur les programmes 185 et 209.

La répartition géographique de ces 62 suppressions se ventile de la façon suivante : plus de la moitié concerne les SCAC (53%), les EAF, les Alliances françaises et l’expertise technique participent de façon égale à cet exercice (15% pour les EAF, 16% pour les Alliances françaises et les postes d’experts).

Ces 20 créations sont essentiellement dans les SCAC (65%), 10% dans les EAF, et 25% dans les Alliances françaises. Elles portent principalement sur des postes de chargés de mission (50%), 30% sur des postes d’attachés de coopération et 20 % sur des postes d’encadrement supérieur (directeurs d’établissement culturel ou conseillers de coopération). Les 98 redéploiements enregistrés en 2018 correspondent principalement à des changements d’intitulés. Dix redéploiements correspondent à une modification des fonctions d’experts pour une  reprise par les SCAC et les EAF de ces compétences et sont liés à la réforme de la gestion des Experts techniques internationaux (ETI). La restructuration du réseau des Alliances en Espagne rapatrie deux agents à l’ambassade.

Par ailleurs, un glissement de catégories s’observe pour une douzaine de postes, soit pour des raisons économiques (diminution de la masse salariale par transformation des postes d’expatriés en postes de Volontaires internationaux (VI) ou d’agents de droit local, principalement dans les zones Amériques et Afrique du Nord-Moyen-Orient) mais aussi pour des raisons de sécurité (reprise des fonctions de VI par des ADL ou des expatriés en République centrafricaine ou sur les Territoires palestiniens). Toujours pour des raisons de sécurité, deux postes de chercheurs basés initialement en Afghanistan sont transférés au Turkménistan).

Enfin, l’exercice de transformation de postes de titulaires en poste d’ADL est poursuivi par la transformation de 4 postes de secrétariat.

Le schéma demploi pour 2019 impose la suppression de 130 postes sur lensemble des emplois gérés par le ministère de lEurope et des Affaires étrangères dont 32 postes à létranger sur les programmes 185 et 209.

En centrale, à la suite de la restructuration de la Direction générale de la mondialisation, de la culture, de l’enseignement et du développement international (DGM), la répartition des  effectifs a évolué, avec le rattachement de la sous-direction du réseau de coopération et d’action culturelle à la Direction de la culture, de l’enseignement, de la recherche et du réseau (DCERR). On peut signaler le rapatriement en cours d’année 2018 dans cette direction  de deux agents affectés auparavant en Afghanistan, consécutivement aux problèmes sécuritaires. Le schéma demplois 2019 ne prévoit pas actuellement de suppressions de postes à ladministration centrale sur les programmes 185 et 209.

Votre rapporteur a noté ce que l’on pourrait qualifier de ratio d’encadrement de la DGM, qui encadre le programme 185 et ses quatre opérateurs, et qui compte environ 120 ETP à Paris, et son équivalent à Bercy sur le programme 209 qui, elle en compte environ 130. En ETP, environ 250 personnes en administration centrale encadrent le déploiement d’environ 2,200 personnes à l’étranger (total 185 et part du 209 concernée) ; environ 40 ETP à la sous-direction culturelle, auxquelles on peut rajouter les 140 ETP de l’Institut Français de Paris (soit 180 au total), encadrent le déploiement de 571 personnes à l’étranger ; un montant d’environ 70 millions d’euros de charges de titre II soutiennent le déploiement d’environ 180 millions d’euros de crédits.


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II.   Un budget de transition : de nouvelles ambitions pour notre diplomatie culturelle et d’influence

Notre diplomatie s’articule autour de trois grands vecteurs d’influence qui sont aussi trois grandes priorités gouvernementales et s’appuient chacun sur leur réseau à l’étranger : éducation, culture et économie.

Votre rapporteur fait de cette vision la base de son analyse. Il préfèrerait parler « de présence active de la France dans le monde », présence active basée effectivement sur trois réseaux au sens large, c’est-à-dire trois domaines dans lesquels la France, des Français et des Francophiles, s’engagent, dans le cadre clair d’une volonté nationale et de valeurs partagées : des entrepreneurs, des experts, des entreprises, des analystes, des investisseurs, des salariés en mobilité, des agences et des conseillers de nos territoires, tous publics, associatifs ou privés, forment le réseau économique ; des enseignants, des parents, des inspecteurs, des chercheurs, des opérateurs, des organisations et des investisseurs, publics, associatifs ou privés, forment le réseau éducatif ; des artistes, des agents d’artistes, des ingénieurs de festivals ou d’événements culturels, des professeurs, des opérateurs, des musées et des institutions culturelles, des universités, et bien d’autres, publics, associatifs ou privés, forment le réseau culturel.

L’éducation et l’économie font l’objet de réformes importantes, sur lesquelles la représentation nationale pourrait être mieux informée. La francophonie a fait quant à elle l’objet d’annonces ambitieuses et novatrices dans le plan pour le français et le plurilinguisme lancé en mars dernier par le Président de la République. Votre rapporteur estime que les parlementaires devraient être davantage associés à sa mise en œuvre de ce plan (en intégrant notamment le conseil national de la francophonie). Enfin, la diplomatie culturelle et audiovisuelle, n’a pas encore fait l’objet d’une réflexion ambitieuse de la part de l’exécutif, réflexion stratégique que votre rapporteur appelle de ses vœux.

A.   education : la grande priorité du quinquennat

1.   Répondre à la demande d’éducation française et en français

La forte attractivité des établissements d’enseignement français à l’étranger, dont la force tient à l’existence d’un réseau mondial de près de 500 établissements aux statuts multiples mais à la même exigence de qualité garantie par leur homologation, est un atout considérable pour la France.

Le 20 mars 2018, le Président de la République a annoncé quun « élan nouveau » serait donné aux lycées français à létranger dont le réseau sera « consolidé », « dynamisé ». Il a indiqué que le nombre d’élèves scolarisés dans les établissements homologués devait doubler d’ici 2030 et le nombre d’établissements LabelFranceEducation plus que doubler d’ici 2022 pour atteindre le chiffre de 500. Lenseignement français à létranger va faire lobjet dune réforme qui devrait être annoncée à lautomne 2018. Elle sera fondée notamment sur les conclusions du groupe de travail conduit par le secrétaire général du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères, le rapport conjoint de l’Inspection du ministère de l’Éducation nationale et du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères, le rapport de la députée Mme Samantha Cazebonne appuyé par la consultation des principaux partenaires de l’enseignement français à l’étranger (élus, parents d’élèves et organisations syndicales). Votre rapporteur tient à signaler son soutien total à la démarche engagée par notre collègue, et attire votre attention sur le fait, par exemple, que les enseignants de France, dans les académies, ont été associés à cette consultation, ou encore les parents aujourd’hui hors du système. Une grande première, qui rejoint l’idée de réseau élargi présentée ci-dessus.

Votre rapporteur souscrit à ces objectifs ambitieux. Encore faut-il se donner les moyens dinvestir dans le développement du réseau, de se donner des priorités géographiques, de moderniser la gouvernance de lAEFE et de mieux accompagner les établissements partenaires.  Cela peut parfois sembler injuste, ou déstabilisant à certains partenaires historiques de l’AEFE. Votre rapporteur tient donc ici à rappeler solennellement son admiration pour le travail d’harmonisation, de négociations patientes, de conventionnement, de réflexions profondes sur les valeurs de notre enseignement, qui ont permis à l’AEFE, créée il y a seulement une vingtaine d’années, de transformer une multitude d’établissements aux statuts et aux histoires différentes, voire divergentes, aux modèles financiers et administratifs extrêmement variés (de gratuit à très cher), en un réseau, une identité, un personnel encadrant et enseignant homogènes. Après cette phase indispensable, il convient aujourd’hui de faire évoluer cet outil pour l’adapter aux nouveaux défis. 

Dans cette perspective, votre rapporteur souhaite souligner quelques points de vigilance qu’il juge essentiel :

– considérer l’enseignement français à l’étranger non comme une question de politique étrangère, mais de politique intérieure. Il s’agit aussi, à la faveur de cette réforme, douvrir lenseignement en France, de faire bénéficier ses élèves des compétences du personnel qui aura été en poste à l’étranger – c’est l’esprit qui doit animer la réforme des mobilités au sein du réseau – et de favoriser l’apprentissage des langues en France, à la faveur de la création de « fabrique numérique du plurilinguisme », premier incubateur dédié à lapprentissage des langues ([1]).

– renforcer le pilotage et la coordination entre les différents acteurs (Ministères des affaires étrangères, de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche, AEFE, Mission Laïque, autres organisations associatives publiques ou privées ; CNED, CIEP, Institut et réseau des établissements) ;

– adopter une démarche beaucoup plus partenariale, traitant dégal à égal avec nos interlocuteurs locaux. Non pas comme mal nécessaire, faute de moyens, mais comme un choix conscient. Il faut faire cette révolution. La France et les Français en mobilité peuvent apporter une expérience et une expertise forte en ce domaine, mais nous avons aussi à continuer à nous enrichir de ces projets, parfois anciens, ou tout récents. Comme dans beaucoup d’autres domaines, l’expérience franco-allemande des trois (bientôt quatre, peut-être cinq) lycées franco-allemands en offrent un excellent exemple. D’autres sont à développer, notamment en Europe de l’Est ;

– poursuivre leffort de rationalisation et de modernisation de la gestion de lAgence, jusque dans son organigramme. Il est urgent de créer un poste de responsable du développement et de responsable de la gestion des contrats au plus haut niveau, qui aurait vocation à lancer de nouveaux projets là où le potentiel existe et à accompagner les établissements au plus près de leurs besoins ;

donner une impulsion nouvelle à lenseignement bilingue francophone très demandées à létranger et renforcer la diversification de loffre éducative par une promotion active du « Label FrancEducation » et du programme FLAM (Français Langue Maternelle) qui n’ont pas encore atteint leur plein potentiel. L’objectif est qu’en 2022 le réseau des écoles proposant des sections bilingues francophones de qualité (LabelFrancEducation) regroupe 500 établissements (contre 209). Cela suppose des outils adéquats (un fonds spécifique, des ressources pédagogiques, des mobilités d’enseignants doivent être prévus à cet effet). C’est un des domaines où votre rapporteur considère que l’AEFE doit progresser dans son organisation centrale, et faire de ces labels et de ces programmes la base d’une réelle stratégie de développement, et non une gestion administrative un peu subie ;

maintenir et renforcer le système des homologations. Votre rapporteur tient à rappeler que c’est le cœur, le ciment de notre réseau, qui ne compte que 15% d’établissements directement gérés par l’agence. Il faut une homologation comportant une contractualisation très claire, des obligations réciproques, et une visibilité accrue. Chaque nouvelle homologation doit devenir un nouvel argument, un nouvel outil de promotion du réseau ;

– se donner un réel pilotage par zones géographiques. Il serait utile de mettre fin à la multiplication des zonages sans véritable priorisation. L’analyse géographique pourrait ensuite identifier celles où une croissance des effectifs élèves pourrait être notable, où nous estimons que notre action a un sens politique fort en lien avec nos priorités diplomatiques (Europe, Sahel ou pays en crise au Moyen-Orient) et en tirer les conséquences en termes de moyens ;

– avoir une réflexion poussée sur la pédagogie. En s’appuyant sur la réforme du baccalauréat à la session 2021, le Ministère de l’Éducation nationale doit travailler à la mise en place d’un baccalauréat international, qui correspondre à un véritable diplôme international francophone et qui renforcera l’attractivité de nos lycées à l’étranger. C’est aussi l’occasion de se rapprocher de nos partenaires à l’étranger pour mettre en œuvre des diplômes véritablement bi-nationaux (sur le modèle allemand ou espagnol) ;

– accorder une attention et des moyens substantiels à la formation des professeurs de français. Le plan pour le français et le multilinguisme prévoit des mesures ambitieuses : la mise en place d’un Volontariat international pour le français à destination des pays prioritaires ; doublement du nombre de missions du Service civique sur cet enjeu (votre rapporteur veillera d’ailleurs à ce que ces possibilités soient intégrées au futur Service National Universel); formation au Français langue étrangère pour les 4500 assistants de langue qui viennent en France chaque année ; doublement du soutien financier  à la Fédération internationale des professeurs de français ; création d’une Journée internationale du professeur de français en 2019, qui mettra en valeur les innovations pédagogiques ; mise à profit de l’année de césure universitaire pour mobiliser les étudiants. Votre rapporteur accordera une attention particulière tout au long de l’année à la mise en œuvre effective de ces objectifs. Les besoins sont immenses en matière de formation, et de cela dépend la réputation du réseau d’enseignement francophone. Des pôles régionaux de formation (Mexique, Liban) seront créés pour former les nouveaux enseignants ;

– veiller à ce que les plafonds demploi dans les établissements en gestion directe ne comptabilisent pas les agents de létat qui choisissent, pour des raisons personnelles, le statut de recrutés locaux ;

– ne pas rater le virage du numérique, sur deux plans : la gestion du réseau (il est essentiel de réunir tous les acteurs de l’enseignement en français sur l’apport du numérique pour identifier leurs besoins) ; les innovations pédagogiques et la complémentarité entre enseignement en présentiel et à distance. L’avenir est dans les formes mixtes d’enseignement en présentiel et à distance. La Norvège est ainsi passée d’un système disciplinaire à un système plus ouvert. Le CNED compte 30 000 inscrits à l’international, soit en individuel soit avec des établissements ce qui permet d’apporter de la souplesse aux parcours scolaires. Ce modèle peut aussi  permettre de conserver une présence dans les zones de crise, comme à Bangui par exemple, ou à Alep et Tripoli pour les ex Mission laïque ou encore à Izmir qui offre un exemple particulièrement riche d’enseignements. Le Laboratoire numérique de l’éducation créé au sein du CIEP réfléchit aussi à ces questions. Il est tout à fait capital de fédérer les initiatives existantes autour d’une stratégie unifiée.  

2.   Articuler francophonie et coopération éducative

Léducation na jamais été aussi haute dans les agendas multilatéraux et européens. Parce que les besoins sont immenses, la France s’est engagée aux côtés des systèmes éducatifs d’Afrique francophone: l’AFD doublera les moyens qui leur sont consacrés pour atteindre 350 millions d’euros par an et mobilisera, dès 2018, 175 millions d’euros supplémentaires. Une grande partie des engagements multilatéraux de la France, en particulier l’abondement de 200 millions d’euros sur trois ans du Partenariat mondial pour l’Éducation, bénéficiera également aux pays francophones. Il est essentiel d’articuler cet engagement en faveur de léducation avec nos objectifs en matière de promotion de la francophonie, en veillant à :

mettre en œuvre une politique active de soutien à la langue française dans le secteur prioritaire de léducation et de la formation, en Afrique notamment, avec des objectifs qualitatifs accrus. En 2019 l’abondement du Fonds de solidarité prioritaire pour les projets innovants, les sociétés civiles, la francophonie et le développement humain (FSPI) à la disposition des postes diplomatiques sera augmentée de 50% pour soutenir notamment des actions de coopération éducative menées dans le cadre bilatéral.

mobiliser les 98 Instituts français et les 834 Alliances françaises. Les cours de langue sur objectif spécifique ou à destination des plus jeunes (scolaires), les certifications et diplômes de langue française (DELF-DALF), en lien avec le Centre international d’études pédagogiques (CIEP) et la Chambre de commerce et d’industrie de Paris île de France (CCIPidf) rencontrent un succès grandissant. En outre, le Plan accorde une attention particulière au métier d’enseignant. Acteurs de premier plan de la promotion du français et du rayonnement de la langue française, leur niveau de formation et leur motivation à exercer leur profession sont essentiels.

mobiliser au sein de lOIF. Un consortium entre l’OIF, le CIEP et l’Institut vient d’être créé pour créer du lien entre francophonie, éducation et enseignement français. Le CIEP développe un action novatrice en la matière avec une coopération avec les bailleurs internationaux et l’AFD qui vient d’entrer au conseil d’administration ; l’augmentation des apprenants en français dans les systèmes nationaux, y compris francophones notamment par le biais du Partenariat mondial pour l’éducation ; des actions de promotion de notre modèle de certification ; des actions spécifique en direction des formateurs de formateurs pour répondre à l’ambition de créer 9 millions de nouveaux professeurs de français dans les 10 prochaines années. Le programme d’accompagnement des enseignants APPRENDRE (AUF, AFD) et la création d’un fonds pour améliorer l’accessibilité aux ressources pédagogiques vont aussi dans le bon sens ;

conforter le plurilinguisme au sein de lespace francophone en soutenant lintroduction des langues africaines pour les premiers apprentissages. La France s’engage à accompagner, partout où il est souhaité, le développement de l’enseignement en langues nationales dans les premières années du primaire – facteur reconnu de réussite des premiers apprentissages - et la transition vers le français.

encourager les États à prendre des engagements en faveur de lenseignement dau moins deux langues étrangères. Ces dernières années, des objectifs ont été  fixés à l’UNESCO et au sein de l’Union européenne pour partager l’ambition d’enseigner deux langues en plus de la langue principale d’enseignement, alors que certains pays mettent leur enseignement des langues étrangères en situation de danger dans ce domaine (Pologne, Hongrie)..

3.   La coopération universitaire et scientifique

Mise en œuvre par notre réseau diplomatique, elle agit pour insérer la recherche française dans les réseaux internationaux de pointe et répondre aux enjeux globaux, mais aussi pour renforcer l’attractivité de nos centres de recherche et nos écoles doctorales. Les coopérations scientifiques internationales sont ainsi nombreuses pour alimenter la réflexion autour de grands défis, et favoriser les échanges dans des évènements de grande envergure. Pour un rappel des principaux dispositifs de soutien existant, on pourra se référer au projet annuel de performance annexé au projet de loi de finances.

Parmi les grands chantiers de la législature, dont votre rapporteur souhaite assurer un suivi régulier, figurent :

laccueil dans de meilleures conditions dun nombre croissant détudiants étrangers en France.

Alors que les effectifs de la mobilité étudiante dans le monde progressent et devraient encore doubler d’ici à 2025, selon l’UNESCO, la France devra accroître le nombre d’étudiants étrangers sur son territoire, en doublant le nombre de ceux qui viennent des pays émergents, tout en rénovant les conditions de leur accueil. Un plan coordonné par le Ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’innovation, avec le concours de Campus France, doit être présenté début 2019. La présence des services préfectoraux dans les facultés, les systèmes de tutorat, l’accès à la sécurité sociale étudiante vont dans le même sens. S’il est amélioré, cet accueil peut être, avec l’excellence de l’enseignement et sa quasi-gratuité, un réel atout dans la compétition mondiale ;

– l’ouverture à linternational de notre enseignement supérieur. Cette réforme est en cours sous l’impulsion du ministre Jean-Michel Blanquer. Il semblerait que la perte dattractivité de notre enseignement supérieur par rapport aux universités anglo-saxonnes soit également attribuable à lextrême rigidité de lorganisation des études. Ainsi par exemple, un élève qui souhaiterait se réorienter après deux ans d’études devra recommencer entièrement son cursus sans pouvoir bénéficier de passerelles ou d’équivalences. C’est une réalité qui semble rebuter certains étudiants étrangers. De manière générale la simplification des processus de candidature et le développement de formations innovantes (y compris en anglais) serait de nature à améliorer lattractivité de notre système.

– la poursuite des efforts en matière de visas. Certes, depuis février 2016, un visa « passeport talent » est mis en place. Ce titre de séjour pluriannuel s’adresse entre autres aux scientifiques qui souhaitent s’installer en France. Les étudiants étrangers qui en bénéficient peuvent, plus facilement, accéder au marché du travail français à l’issue de leurs études, ou créer leur entreprise. Néanmoins, trop d’étudiants ou de chercheurs rencontrent encore des difficultés pour se rendre en France ;

– la sanctuarisation des crédits destinés aux bourses. Votre rapporteur salue la stabilisation de ces crédits qui doit se poursuivre jusqu’à la fin de la législature, en s’efforçant de mieux piloter l’attribution des bourses au niveau local (en lien avec les débouchés sur place notamment) ;

– la capitalisation sur les apprenants étrangers issus des lycées français de l’étranger et encourager la mobilité «encadrée» des étudiants vers nos établissements d’enseignement supérieur, notamment par le renforcement des accords de partenariats inter-établissements à finalité diplômante et professionnalisante. Il serait peut être utile de faire passer les tests de français pour accéder à lenseignement supérieur le plus en amont possible, aux étudiants du secondaire qui souhaiteraient poursuivre leurs études à l’étranger, sur le modèle de ce qu’a mis en place l’Allemagne en Europe de l’Est. Un meilleur suivi de l’enseignement bilingue local, et un appui à ces filières avec des outils relativement simples à déployer, sont des pistes intéressantes : certification de français proposées systématiquement dans les établissements labelisés « France Éducation » (votre rapporteur l’a vu au Liban), lecteurs des services de coopération établissant des passerelles francophones entre le secondaire et l’université, cours d’universités françaises délocalisées ; 

 la communication. Nos concurrents mènent des campagnes offensives faisant la promotion de leur enseignement supérieur. Nous devrions être capables d’en faire autant, sans que cela entraîne des coûts excessifs. 

– la pérennisation et le développement des instruments de mobilité des chercheurs et doctorants (Partenariats Hubert Curien qui permettent d’amorcer des projets de recherche conjoints ; programme d’excellence Eiffel, destiné à attirer les meilleurs étudiants étrangers) ;

lincitation des universités et grandes écoles françaises à simplanter à linternational ou à développer des co-diplômes avec des établissements étrangers.

L’implantation d’universités et grandes écoles françaises à l’étranger est l’un des grands leviers de la francophonie à l’international. Le regroupement d’établissements français au sein de campus, à l’image d’Africa Sup au Maroc, du campus franco-sénégalais ou de la future Université franco-tunisienne de l’Afrique et de la Méditerranée, en constituent de parfaits exemples. Les établissements français d’enseignement supérieur doivent être encouragés à développer leurs partenariats avec les établissements étrangers, en particulier ceux qui conduisent à la délivrance de doubles-diplômes particulièrement dans le monde francophone et en Europe, avec un objectif de doublement des co-diplômes.

– le lancement de grandes initiatives sur le modèle de « Make Our Planet Great Again » lancée le 8 juin 2017 pour attirer en France des chercheurs, enseignants, étudiants, entrepreneurs et ONG qui souhaiteraient y développer des projets en lien avec la lutte contre le réchauffement climatique – a suscité un nombre élevé de candidatures. Ce type d’initiative pourrait être étendu à d’autres domaines, notamment l’éducation et la diversité linguistique et culturelle ;

– la poursuite du déploiement des outils de mise en réseau des personnes ayant étudié en France (Alumni) (anciens boursiers, étudiants, stagiaires et élèves du réseau français). Trois ans après sa création, il comptera bientôt 270 000 inscrits. Pour en faire, plus qu’un simple annuaire un outil d’entretien des communautés, il faut le faire dans la langue du pays, associer les partenaires institutionnels et les économiques (CCEF, entreprises, chambres de commerce, PME PMI etc). Il faudrait aussi le connecter à d’autres réseaux, comme le réseau des anciens élèves de lycées français, y associer les bénéficiaires des programmes d’intégration européenne d’expertise, de l’ENA, les français à l’étranger) et en faire une communauté de prestige.

La France pourrait également jouer un rôle d’animation du European student network et du Réseau Erasmus Mundus très structuré, de jeunes professionnels formés dans des cursus internationaux, très puissant notamment en Afrique. Il y aurai peut-être aussi une réflexion à avoir sur les anciens de nos instituts de recherche à l’étranger.

– Mieux valoriser lapport du réseau du CNRS à la promotion de notre système de recherche (200 laboratoires à l’international, des bureaux de représentation du CNRS parfois partagés avec l’IRD ou d’autres, UMIFRE avec des partenaires étrangers, participation aux très grandes structures de recherche type CERN, accompagnement de la communauté de chercheurs) Il y a là un enjeu de visibilité important. De l’aveu même des responsables du CNRS que votre rapporteur a rencontré, il y a là un enjeu de visibilité important ;

Mieux valoriser lapport des Instituts de recherche à létranger (IFRE), qui mènent des activités de recherche en propre (sociologie, sciences politiques, économie, archéologie), de formation à la recherche des français ou étrangers avec le CNRS et les universités françaises. Ce sont aussi des lieux de rencontre et d’échanges avec les chercheurs des pays d’accueil et des relais pour nos missions archéologiques. Le niveau des crédits semble stabilisé après des années de baisse. C’est une bonne chose car la France dispose au travers de ces Instituts de la capacité à produire une expertise sur un pays, car rien ne remplace la connaissance de terrain. La France est le seul pays à avoir ce réseau ; il faut quelle optimise cet outil. Votre rapporteur regrette cependant que leurs travaux ne soient pas plus connus et diffusés, alors que ces derniers constituent de formidables appuis à la connaissance et à l’élaboration de notre diplomatie. Sait-on par exemple le rôle irremplaçable que jouent certains chercheurs français dans les recherches sur l’Islam ?

LAfrique constitue la priorité des priorités. 11 % seulement des étudiants africains viennent en France : les États-Unis, le Canada, mais aussi l’Arabie saoudite ou les Émirats, sont désormais des destinations privilégiées. L’élite africaine est en train de se former ailleurs qu’en France. Votre rapporteur insiste sur :

– la nécessité d’un pilotage de cette stratégie et d’une réflexion régionale, en n’oubliant pas l’Afrique anglophone et lusophone (semble être amorcée avec une réunion en Côte d’Ivoire pour travailler vers le Nigeria et l’Éthiopie en partenariat avec l’AFD). La future saison Afrique 2020 doit fournir l’occasion de relancer de façon globale notre partenariat universitaire et scientifique avec l’Afrique ;

– profiter de la relance du Partenariat mondial pour léducation à Dakar cette année pour de revoir la matrice de notre coopération éducative en Afrique ;

accompagner les réformes de lenseignement secondaire et supérieur (appui et conseil aux politiques publiques, formation d’enseignants, création de formations adaptées aux besoins locaux) ;

mieux organiser les mobilités étudiantes entre la France et lAfrique (les étudiants africains se dirigent désormais davantage vers les pays anglo-saxons ou même la Turquie et l’Arabie saoudite. Il est essentiel de capter les élites du continent. La question des visas doit impérativement être réglée à ce titre) ;

favoriser limplantation détablissements franco-africains sur le continent (type campus franco-sénégalais) ;

renforcer la qualité de lenseignement du français (voir plan Francophonie)

– accompagner la création de formations techniques (porter des PPP sur des compétences à la fois plus techniques et peu développées sur le continent (mathématiques, ingénieurs…) ; les orienter vers le niveau bac – 2 / bac + 3, par le développement de BTS notamment) ;

promouvoir la langue française dans les organisations régionales africaines – Union africaine (UA), Commission de la communauté économique des états d’Afrique de l’ouest (CEDEAO), l’Union économique et monétaire ouest africaine (UEMOA). ([2])  

Votre rapporteur souhaite aussi insister sur lEurope, où un contexte politique délétère rend plus que jamais essentielle une action forte de la France. Parmi les principaux dossiers :

– le lancement de 10 Universités européennes. Un appel à projet doit être rendu public prochainement avec des financements importants. Le format des universités n’est pas déterminé (réseaux d’université ou bien plus intégratives, d’excellence ou bien thématiques). L’enjeu est de peser sur le modèle d’expérimentation. Les universités françaises doivent être soutenues pour se positionner. Il faut aussi veiller à ce que les initiatives soient diverses et à ce que les États se mobilisent financièrement. À cette occasion, il serait possible de définir de nouvelles matières, une nouvelle manière d’enseigner, plus transdisciplinaire. L’université franco-allemande pourrait aussi jouer un rôle de préfiguration du futur modèle ;

– le développement de la formation technique et professionnelle. Les mobilités longues des apprentis en Europe ont été soutenues l’année dernière, ce type de projet doit être étendu à la formation technique et professionnelle ;

– le renforcement du dialogue franco-allemand, sans oublier les pays non-membres dans le voisinage Est, notablement les Balkans ;

renforcer les mobilités sortantes. L’objectif est celui de faire arriver la moitié d’une classe à une mobilité de 6 mois à l’horizon 2024. Cela suppose un renforcement des capacités des universités et des alliances universitaires pour trouver un établissement d’accueil. Erasmus+ devra y veiller, en ouvrant de nouvelles fenêtres sur l’Afrique important, les outre-mer seront sont aussi partie prenante de ce programme, avec une réflexion sur la mise en place d’Erasmus régionaux ;

la promotion et lexportation du modèle universitaire européen (parmi les projets récents Studying in Europe développé avec l’Allemagne et les Pays-Bas, l’exportation du système du processus de Bologne vers l’ASEAN, HOPES ou la création de bureaux de contact et d’insertion des réfugiés syriens dans le système d’enseignement supérieur en Turquie, Jordanie et au Liban).

la promotion de lusage de la langue française dans les institutions européennes et multilatérales. Il faut identifier clairement en central et dans les postes les responsables du pilotage de cette stratégie ([3]).

B.   culture : un changement de paradigme à l’horizon

1.   L’action culturelle : du rayonnement au dialogue partenarial

L’avenir est dans léchange et la réciprocité, la promotion d’une certaine idée de la culture et de la défense des artistes, de partenariats plus que de diffusion pure et simple de nos artistes avec des coopérations croisées et des collaborations entre professionnels culturels, de la formation des jeunes professionnels étrangers.

Une mission d’information de la commission doit rendre prochainement ses conclusions sur l’avenir de la diplomatie culturelle à dix ans. Votre rapporteur tient à remercier Sira Sylla et Michel Herbillon pour l’avoir invité à certaines auditions et pour leur collaboration. Parmi les pistes de réflexions :

– passer de la simple diffusion aux partenariats (préférer des outils innovants et inscrits dans la réciprocité comme les programmes Fluxus, Cross Chanel Theatre et En Scène ! au Royaume-Uni) ;

– soutenir lentreprenariat culturel et inscrire la dimension internationale dès le stade de la production en privilégiant le soutien au développement des petites structures (conforter les programmes d’accompagnement financier et de soutien à la coproduction, renforcer les moyens des postes au-delà des relais spécialisés dans ce domaine) ;

– conforter la présence des cultures et langues étrangères en France (refaire de la France une terre d’accueil de toutes les cultures – visibilité des cultures francophones ; appui à l’enseignement des langues ; soutien aux départements de recherche et d’études internationales ; Saison Africa 2020 comme occasion de réfléchir à la présence des cultures africaines en France et à leur visibilité) ;

– favoriser le repérage des scènes artistiques françaises et la connaissance de notre écosystème par les professionnels étrangers. Consolider les programmes type Focus ou Courants du monde et les étendre à tous les secteurs ; orienter ces programmes vers les personnalités d’avenir; étendre les accueils bilingues français/anglais ; développer l’e-formation; créer des réseaux sociaux regroupant les anciens bénéficiaires de ces programmes ; étudier la possibilité d’opérations conjointes avec des opérateurs d’autres pays européens ;

– développer les programmes de mobilité à destination des artistes (Erasmus de la culture ; créer des fonds pour la mobilité des artistes notamment  dans l’espace francophone ; recenser et développer les programmes de résidences en France et dans le réseau, améliorer leur visibilité, favoriser l’interdisciplinarité et améliorer l’accompagnement et le suivi des artistes.) ;

– visas et fiscalité: lever les freins à la mobilité. Mettre fin aux obstacles liés à la double imposition des artistes à l’international et faciliter lobtention de visas.

2.   La promotion de nos industries culturelles et créatives  

Compte tenu de la double importance stratégique des Industries Culturelles et Créatives (ICC), à la fois économique, en tant que secteur-clé de l’économie française pour lequel les débouchés internationaux sont fondamentaux (620 000 emplois et un chiffre d’affaires de 44,5 milliards d’euros), et politique, comme vecteur d’influence et d’attractivité, le ministère de l’Europe et des Affaires étrangères a mis en œuvre des actions spécifiques de soutien à ces filières culturelles (arts visuels, musique, spectacle vivant, radio, télévision, cinéma, livre, presse, jeu vidéo, mode, design, et métiers d’art).

Alors que la cartographie mondiale des ICC évolue rapidement, plaçant la conquête des marchés émergents comme un enjeu majeur, et que le numérique a bouleversé la chaîne de valeur des productions culturelles de la création à la diffusion, l’action du MEAE en faveur de l’exportation des ICC françaises se décline à travers 3 axes :

la mobilisation du ministère, de son opérateur et de son réseau culturel.

Le réseau culturel français à l’étranger contribue, en lien avec les organisations professionnelles, à la promotion des ICC françaises à travers le monde auprès des professionnels et des publics étrangers. Les attachés spécialisés (attachés audiovisuels, livre, musique) accompagnent dans les postes les professionnels français en leur facilitant l’accès aux marchés étrangers grâce à un travail d’analyse et d’alerte sur les opportunités qu’offrent les marchés internationaux. Pour sa part, l’Institut français, opérateur pour l’action culturelle extérieure de la France placé sous la double tutelle du MEAE et du ministère de la Culture (MC), est doté depuis l’an dernier d’un nouveau contrat d’objectifs et de moyens (COM 2017-2019), qui a intégré l’appui au développement et à la promotion des industries culturelles et créatives comme une priorité.

lappui aux opérateurs professionnels à lexport.

La plupart des filières professionnelles des ICC françaises sont organisées collectivement pour optimiser leurs actions de positionnement sur les marchés internationaux. Soutenus de façon directe et indirecte par ce ministère, le Bureau Export de la musique, Unifrance, TV France International, le Bureau International de l’Edition Française (BIEF) ou encore Le Game pour le jeu vidéo, collaborent avec le réseau de coopération et d’action culturelle pour mieux valoriser les productions françaises à l’étranger.

le plaidoyer politique.

Le dynamisme des ICC françaises repose, pour une large part, sur la capacité de lÉtat à soutenir et réguler ces activités et à promouvoir le droit dauteur et la propriété intellectuelle, autant de domaines qui ont été fortement transformés par l’avènement du numérique. Il s’agit d’un réel défi pour ce secteur et son développement. Ainsi, dans les instances internationales et européennes, la France milite pour que les États puissent conserver la possibilité de mener des politiques publiques de soutien à la culture, en particulier dans l’environnement numérique. Elle défend également la juste rémunération des auteurs par le respect de la propriété intellectuelle, garante de la vitalité et de la diversité des ICC françaises. Votre rapporteur est d’ailleurs proche de la réflexion sur la législation des droits voisins, qui va devenir capitale dans ce domaine dans beaucoup de pays francophones, où le développement du journalisme et de la création de solutions va accompagner le développement des ICC (et non le précéder comme en France).

En complément de ces actions, les ICC ont été incluses dans la stratégie du commerce extérieur articulée autour de familles prioritaires à lexport. Les familles prioritaires, qui sont au nombre de cinq, dont la santé, la ville durable, l’agroalimentaire, les énergies renouvelables et les industries culturelles et créatives, répondent au besoin de constitution d’une offre française intégrée permettant la valorisation de la production et des savoir-faire français. La famille ICC a été créée en 2015 sous la double tutelle du MEAE et du MC pour faire face à la complexité d’un secteur empreint d’une grande variété d’acteurs privés et publics et d’une forte hétérogénéité liée aux spécificités de ces industries « de prototypes » appelant la nécessité d’une action fédératrice.

Dans ce contexte, M. Jean-Yves Le Drian a confié à M. Jean-Noël Tronc, directeur général de la SACEM (Société des Auteurs, Compositeurs et Editeurs de Musique), la mission de fédérer les ICC, ce qui rejoint le questionnement de votre rapporteur sur le pilotage de nos politiques extérieures. L’objet principal de la mission vise à favoriser l’ouverture à l’international de l’écosystème des ICC, en particulier ses capacités d’exportation, et à structurer le dialogue entre ses différents acteurs, qu’ils soient publics ou privés. 

Le périmètre de la mission recouvre 3 dimensions complémentaires des enjeux de la culture à l’export :

– soutenir l’exportation de la production culturelle française ;

– soutenir l’influence française en matière d’ICC ;

– favoriser l’attractivité de la France à l’international.

Il s’agit de dépasser les clivages des filières professionnelles ou interprofessionnelles, et les cloisonnements entre logiques privée et publique, en identifiant les points de convergence pour proposer des actions fédérant les opérateurs. Cette mission comporte un enjeu de visibilité majeur en France et à l’international. Le fédérateur sera le porte-voix d’une stratégie concertée et lisible afin de promouvoir et de défendre les intérêts français dans le domaine des ICC. Il s’appuiera sur les dispositifs et réseaux existants (français, européens, publics et privés) pour favoriser un meilleur positionnement des acteurs ICC et développer des projets concrets. Le réseau culturel et de coopération du MEAE sera prioritairement mis à contribution et appelé à renforcer sa démarche export ICC à travers la mobilisation de conseillers spécialisés et d’une implication de l’ensemble des services (culturels et économiques). 

3.   Le lien entre culture et développement 

La décision du CICID de février 2018 a confirmé « le rôle transversal de la culture dans la réalisation des ODD » et confié au groupe AFD le mandat « de développer une offre de financement pour soutenir les industries culturelles et créatives dans les pays en développement, notamment en Afrique ». 

L’objectif fixé à l’AFD, conformément  à sa mission de mise en œuvre de la politique de développement française, n’est donc pas directement assimilable à de la diplomatie culturelle : il s’agit avant tout de mobiliser les ICC comme vecteur datteinte des priorités sectorielles et géographiques de la politique de développement et de coopération internationale. Cette précision est importante, et elle considère que cette action spécifique de lAFD dans ces domaines, outre les points de vigilance détaillés ci-après, doit se faire dans le cadre strict des évolutions récentes de la gouvernance de lAFD. C’est dans cette optique que l’AFD soutient le projet de série TV « C’est la vie » qui, à travers la fiction et le divertissement, vise à informer et sensibiliser un large public et en particulier les adolescents et les jeunes aux bonnes pratiques en matière de santé sexuelle, reproductive, maternelle et infantile. 

Les modalités dintervention de lAFD dans ce nouveau secteur sont définies avec ses tutelles, le ministère de lEurope et des Affaires étrangères et le ministère de lÉconomie et des Finances, qui veillent à la cohérence du positionnement de l’Agence au regard des priorités de la politique de développement, et notamment :

– au respect du principe d’une intervention prioritairement en prêt ;

– à la limitation de l’utilisation des ressources en don au financement de projets « duaux » tels que « éducation-culture » ou « santé-culture » ou à la marge, pour le financement d’une assistance technique adossée à un prêt ICC ;

– au respect des objectifs de concentration géographique (pays prioritaires de l’aide, Afrique et Méditerranée, PMA), et donc de pilotage par le MEAE ou ses représentants.).

Le mandat de l’Agence dans les ICC s’est concrétisé avec la signature d’un appui de 800 000euros en subvention au fonds « HEVA », qui finance les entreprises culturelles kenyanes du secteur de la mode et du design. Il s’agit du premier projet mené sur le terrain par l’AFD dans le secteur des ICC.

A Johannesburg, l’AFD accompagne un projet d’incubateur d’entreprises tourné vers la création de contenus audiovisuels innovants (films d’animation, jeux vidéo…), le « Digital Content Hub ». Ce financement de 950 000euros, issu du Fonds dexpertise technique et déchange dexpérience (FEXTE), répondra aux besoins croissants du marché culturel africain et international.

Annoncé par le président de la République dans son discours du 20 mars dernier à l’Institut de France pour la stratégie sur la langue française et le plurilinguisme, le programme « Afrique Créative » qui sera lancé à la fin de cette année est un appel à projets, financé sur subvention à hauteur de 1,5 Meuros, et qui vise à dynamiser le tissu économique des ICC en Afrique subsaharienne. Entre cinq et dix projets issus de la société civile ou du secteur privé, situés dans trois à quatre pays d’Afrique subsaharienne différents, dont au moins deux pays francophones, seront sélectionnés puis financés.

Votre rapporteur salue le nouvel engagement de lAFD en matière culturelle. Il juge cependant essentiel de maintenir un pilotage stratégique fort par le ministère et les postes diplomatiques sur ces sujets, et dassocier étroitement les opérateurs culturels, afin déviter les déperditions de moyens. Les FSPI semblent un outil intéressant pour expérimenter des opérations et en coordonner le développement.

C.   economie : une réforme en cours

1.   La diplomatie économique : une réforme qui s’est arrêtée au milieu du gué

Un rapport de la commission sur la diplomatie économique présenté par MM. Pierre Cordier et Denis Masséglia a été rendu récemment. Il part de deux constats ([4]) :

– celui du déficit commercial récurrent de notre pays depuis une quinzaine dannées, qui atteint un niveau préoccupant à plus de 60 milliards d’euros pour les marchandises, d’autant que les échanges de services, dont l’excédent traditionnel se rétracte, compensent de moins en moins ce déficit ;

– celui des tensions commerciales croissantes entre grands pays ou blocs. Jamais l’expression de « guerre économique » n’a paru si justifiée, légitimant dès lors une « diplomatie économique ».

Lanalyse des déterminants du solde extérieur renvoie à un ensemble de facteurs conjoncturels et surtout structurels : facteurs quantitatifs (coûts) et qualitatifs de la compétitivité, pour lesquels la situation de notre pays apparaît très (trop…) « moyenne », impact de la désindustrialisation, importance de la « culture de l’international » et plus prosaïquement de la maîtrise des langues étrangères. À court terme, si la guerre commerciale pourrait être désastreuse, les accords commerciaux, en revanche, ont un impact assez limité. Il convient également de rapprocher l’indicateur des IDE français à l’étranger du strict indicateur des exportations.

Enfin, les dispositifs spécifiques dincitation – par le conseil, les aides ciblées, le financement ou l’assurance – des entreprises à l’export, s’ils ont gagné en efficacité depuis quelques années avec l’émergence d’opérateurs publics plus puissants et efficaces, restent largement perfectibles : les acteurs restent nombreux et le système pas toujours lisible pour les entreprises ; les prestations proposées, en partie facturées dans un contexte budgétaire contraint, sont souvent jugées coûteuses par les entreprises ; en fin de compte, la pénétration (rapport du nombre d’entreprises aidées par les dispositifs publics au nombre total d’entreprises exportatrices ou potentiellement exportatrices) reste faible, avec par exemple seulement 10 000 entreprises aidées annuellement par Business France et moins de 3 000 entreprises souscrivant une assurance-export publique.

Outre les mesures générales de compétitivité prises depuis un an, le Gouvernement a engagé un ensemble de réformes ambitieuses au service de linternationalisation de nos entreprises, centrées notamment sur la maîtrise de la langue anglaise au terme des cursus de formation, la mise en place dans les régions et au plus près des entreprises, d’un véritable « guichet unique » public pour l’accompagnement à l’export des entreprises et la poursuite de l’élargissement et de l’assouplissement des outils financiers publics.

Sur ce sujet, votre rapporteur souligne l’importance de :

 un pilotage unique au ministère de lEurope et des affaires étrangères

La réforme s’est arrêtée au milieu du gué. Il est absolument nécessaire de confier la responsabilité complète et la totalité des moyens afférents (répartis aujourd’hui dans plusieurs programmes gérés par trois ministères) à la direction des entreprises, de l’économie internationale et de la promotion du tourisme du ministère de l’Europe et des affaires étrangères, créée à cet effet au moment de la dernière réforme.

– une définition claire du service public national, du service public régional et des services facturés à la charge des entreprises

Le premier acteur de l’internationalisation des entreprises, ce sont les entreprises elles-mêmes, leurs dirigeants et leurs organisations (ce que le rapport appelle les « pairs »). Elles savent former leurs cadres, travailler en réseau au sein des chambres de commerce à l’étranger (qui ne sont pas des organismes publics), prendre des risques et financer leur activité dès qu’elles en saisissent les opportunités.

Comme l’a souligné le rapport, les causes de notre retard sont plus culturelles, et surtout liées à l’absence d’un environnement et d’un climat des affaires qui favorisent cette internationalisation. Il y a donc besoin d’une politique publique, mais qui doit créer un cadre, favoriser et accompagner les transformations, et ne pas se mêler « de tout, un peu ».

Le deuxième acteur, ce sont donc les conseils régionaux, qui ont depuis les dernières réformes territoriales le leadership en matière de développement économique et d’accompagnement des PME et TPE. Les conseils régionaux sont proches, élus démocratiquement, dotées de ressources... Il semble que l’on s’oriente vers un « guichet unique » en région, c’est de bon augure. C’est en effet vers les conseils régionaux qu’à notre avis doit s’effectuer la plus grande part de la redistribution des moyens de l’État aujourd’hui disséminés dans des missions et des ministères différents.

Le troisième acteur, bien entendu, c’est l’État. Il doit fixer les grands caps, créer les cadres légaux qui favorisent l’export et les investissements en France, mobiliser en particulier les moyens publics de financement et d’assurance (Bpifrance), suivre et contrôler les indicateurs, animer le réseau diplomatique et le mettre à disposition des politiques publiques régionales ou des entreprises.

 armer les PME–PMI-ETI françaises

Le déficit de la balance commerciale française constitue un handicap lourd pour notre économie. Nous ne pouvons pas nous permettre longtemps de consommer plus que nous ne produisons. Car ceci a des incidences non seulement sur la création d’emplois en France mais également en termes de puissance de notre pays à l’exportation, là où se gagne désormais la bataille économique. La cible, ce ne sont pas seulement nos grandes entreprises mais aussi les PME-PMI-ETI. Car à y regarder de plus près en Allemagne, en Italie, il y a un lien entre l’excédent commercial et le tissu territorial des petites entreprises. Il convient donc de définir une véritable stratégie de production au service de l’emploi. Cela passe par une reconquête de nos capacités de production et de valorisation résolue de l’image de marque des produits fabriqués en France. Cela engage donc notre réseau économique à l’étranger.

– un small business act à la française

Plusieurs collectivités territoriales ont pris des décisions afin de favoriser l’accès à leurs marchés publics des PME, mais il reste beaucoup à faire. Les PME c’est près de 36 % du chiffre d’affaires des entreprises françaises. Or elles ne représentent que 25 % des marchés publics, à 10 points de l’Allemagne. Et ce chiffre reste stable depuis une décennie malgré la mise en œuvre d’une batterie de mesures, fiscales et sociales, d’encouragement. Il faut donc passer à la vitesse et au stade supérieurs en mettant en œuvre une stratégie d’État. Ce qu’il faut construire c’est un véritable small business act à la française, inspiré du small business act américain de 1953 qui a affirmé et défendu le rôle majeur des petites entreprises dans l’économie. Avec succès.

Ce small business act à la française visera les achats publics de fournitures et de services qui ne sont pas soumis à une procédure européenne de mise en concurrence. Il veillera également à ce que les entreprises concourant pour des marchés publics conséquents soient tenues d’accompagner leur offre d’un plan de sous-traitance en direction des petites et moyennes entreprises. L’accès aux marchés publics devra prendre en compte, à côté des critères strictement économiques, les performances en matière de protection de l’environnement, de développement de l’emploi et d’insertion professionnelle des publics en difficulté. Il conviendra enfin de lever les blocages en termes de transparence, de simplification, d’information et d’accompagnement, de réduction des délais de paiement et de soutien à l’innovation.

– produire en France

Afin de favoriser la création d’un écosystème favorable aux relations entre les PME et les grandes entreprises, il est proposé de créer un commissariat national aux stratégies placé sous l’autorité du chef de l’État et chargé de faire évoluer le climat économique. Ce commissariat se verra confier la préparation d’un projet de loi quinquennale d’objectifs et de programmation pour le renforcement des capacités de production françaises.

En parallèle, il faut poursuivre le travail de réflexion afin de créer un label indépendant pour que les consommateurs puissent connaître la provenance ou la part française des produits qu’ils achètent. Il conviendra aussi de mobiliser les citoyens en faveur de la démarche du « produire en France » et de développer l’image de marque du « produit en France » à l’intérieur comme à l’extérieur.

Dans ce domaine, il semblerait important que les principes d’un tel système puissent également être appliqués, au moins en partie, aux financements publics générés par l’aide publique au développement. Il semble parfois surprenant, pour ne pas dire contradictoire, que des projets financés, étudiés, promus, suivis et contrôlés, par des crédits publics français ou européens, ne soient pas menés par des entreprises françaises ou européennes.

2.   La promotion du tourisme : de réels progrès

Il sagit dun important gisement de croissance pour notre pays, avec la perspective du doublement de touristes dans le monde pour atteindre 2 milliards en 2030.

La France, bien que première destination mondiale pour les touristes étrangers, a vu ses parts de marché dans le tourisme international reculer. Elle a perdu depuis 2002 son rang de leader européen en matière de recettes issues des visiteurs étrangers (2ème place européenne et 3ème  place mondiale, après les États-Unis et l’Espagne). Pour retrouver la première place dans ce secteur économique clé en termes d’emploi, d’investissements, de balance des paiements et de recettes fiscales, le plan « Destination France 2020 » a synthétisé les plans d’action pour parvenir à cet objectif. Surtout, à la suite des attentats de 2016 et de la chute de certaines devises (Brésil, Russie), il n’est pas certains que la France conserve sa première place. À cet égard, il est problématique de ne pas disposer de chiffres fiables (les chiffres de l’INSEE, bi-annuels, se fondent surtout sur la fréquentation hôtelière, les flux en provenance d’un autre État de l’espace Schengen sont difficiles à tracer). 

Les plus mauvais chiffres concernent les pays lointains comme la Chine et le Japon. Un travail a été engagé pour contrer cette tendance, y compris en investissant activement les réseaux sociaux et en communiquant auprès des professionnels sur l’État d’urgence, notion qui effraie beaucoup. La première action demandée par le Ministère a été la mise en œuvre d’un plan de communication de relance post-attentats. Ce plan de promotion de la destination France, doté d’un budget global de 2,5 millions d’euros, dont 1,5 million de participation de l’État et le reste provenant de partenariat avec les collectivités territoriales et les acteurs privés du secteur, a été confié à l’opérateur Atout France. La campagne Destination France « made in … » (Paris, Normandie, Côte-d’Azur) a été officiellement lancée le 30 mai dernier. 

Il faut pour cela soutenir laction dAtout France, opérateur qui a fait la preuve de son efficacité. Il a réalisé près de 400 campagnes de communication dont 66 % de campagnes numérique, plus de 5000 formations professionnels en ligne, plus de 15 millions de visites sur le site France.fr (+30 %), 1800 accueils en France de blogueurs et journalistes et plus de 650 évènement professionnels à linternational. Par ailleurs, Atout France sest aussi engagé dans laccompagnement de grands évènements organisés en France et à létranger tels que lUEFA Euro 2016, le Tour de France et les JO 2024. 

La première valeur ajoutée de cet opérateur est de coordonner lensemble des actions des partenaires qui contribuent à la promotion du tourisme, qu’il s’agisse des collectivités territoriales, des hôteliers, des voyagistes etc. Atout France utilise par ailleurs les fonds publics accordés par l’État pour mobiliser d’autres partenaires, démultipliant ainsi la masse financière consacrée à cette politique. Cet effet de levier doit être recherché, afin d’accroître l’efficience de l’action de l’État dans le secteur du tourisme. 

Votre rapporteur a été très favorablement impressionné par la réussite de la réorganisation de lAgence depuis son rattachement au programme 185. Il s’agit non seulement, comme dans les cas de Campus France et d’Expertise France décrit plus haut, d’une rationalisation des moyens de l’état dispersés auparavant, mais également de la coordination de notre action avec celle des partenaires territoriaux, privés, professionnels, qui semble garantir que l’effet de levier est non seulement efficace, mais surtout durable : seul un opérateur distinct de l’Etat pouvait arriver à ce résultat.. Il semble cependant étrange qu’une activité « tourisme » résiduelle soit encore financée par le programme 134 sans grande utilité. 

Deux évolutions intéressantes doivent être signalées. La première est de valoriser non pas la destination France mais plusieurs destinations en France. La présence d’Atout France dans les salons a été modifiée en conséquence avec 16 marques mondiales (par exemple Biarritz-Pays Basque en lien avec Biarritz destination Golf) pour 20 contrats de destination, ce qui clarifie l’offre et les perspectives de mises en relation. La deuxième évolution est la révolution numérique avec la gestion du site France.fr, traduit en 17 langues et spécifié dans chacun des marchés, c’est-à-dire qu’il est intégré dans les écosystèmes numériques locaux. La veille « réputationnelle » serait prochainement renforcée. 

Un autre point méritera quelque attention : celui de la sécurité. Les bureaux d’Atout France peuvent accueillir du public et il convient donc de trouver, au cas par cas, la meilleure solution, y compris budgétaire, pour l’État et l’opérateur, entre regroupement, à l’ambassade ou au Consulat, ou sécurisation du site existant. 400.000 euros seront bloqués cette année sur sa subvention pour certains aménagements. 

Ajoutons pour terminer que laction ne se limite pas à la promotion du tourisme de loisirs. La filière « Rencontres d’affaires et événementiel » est, par exemple, un solide atout pour l’économie française, notamment en termes de retombées économiques, d’emplois et d’attractivité de la destination France. D’après les chiffres de la profession, 1 135 foires et salons ont été organisés en France en 2014. 210 000 exposants y ont participé et 21 millions d’entrées de visiteurs ont été enregistrées. À cela s’ajoutent les 2 800 congrès et leur 1,6 million de participants. Les retombées économiques de ce secteur sont évaluées à environ 7,5 milliards d’euros par an au niveau national (près de 20 % de nos recettes touristiques). 


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III.   Trois questions transversales décisives 

A.   Le pilotage et les synergies : des marges de progression

1.   Une multiplicité d’acteurs et des progrès à faire en matière de pilotage

Lélaboration et la mise en œuvre de la diplomatie dinfluence et culturelle de la France est le fait de multiples acteurs (ministères, opérateurs, réseaux éducatifs, culturels et économiques, organismes de recherche, postes diplomatiques à l’étranger). Comme expliqué ci-dessus, votre rapporteur préfèrerait parler « de présence active de la France dans le monde », présence active basée effectivement sur trois réseaux au sens large, , c’est-à-dire trois domaines dans lesquels la France, des Français et des Francophiles, s’engagent, dans le cadre clair d’une volonté nationale et de valeurs partagées : des entrepreneurs, des experts, des entreprises, des analystes, des investisseurs, des salariés en mobilité, des agences et des conseillers de nos territoires, tous publics, associatifs ou privés, forment le réseau économique ; des enseignants, des parents, des inspecteurs, des chercheurs, des opérateurs, des organisations et des investisseurs, publics, associatifs ou privés, forment le réseau éducatif ; des artistes, des agents d’artistes, des ingénieurs de festivals ou d’événements culturels, des professeurs, des opérateurs, des musées et des institutions culturelles, des universités, et bien d’autres, publics, associatifs ou privés, forment le réseau culturel.

Il est donc nécessaire daméliorer le pilotage global et local de ces différents acteurs, qui, on le voit, nappartiennent absolument pas aux mêmes mondes et aux mêmes logiques : trouver les modes sains et équilibrés de partenariat constitue une petite révolution pour notre administration. Votre rapporteur souhaite insister sur les points suivants :

lamélioration de la coordination entre MEAE et ministère de la culture au plus haut niveau et à léchelle des administrations. Dans l’ensemble, le ministère de la culture et de la communication et le ministère des affaires étrangères et ses opérateurs s’efforcent de travailler en bonne intelligence, mais il reste des marges de progression sur certaines questions comme l’expertise ou les industries culturelles et créatives.

Un conseil stratégique présidé par le Ministre des affaires étrangère et vice présidé par le ministre de la culture est chargé depuis 2010 de « lélaboration de stratégies de rayonnement de la culture et de la langue françaises à létranger » et de la stratégie en matière d’audiovisuel extérieur. Il pourrait se réunir plus régulièrement et constituer une instance utile de coordination des deux ministères sur les questions stratégiques. Surtout, il faudrait le décliner au niveau administratif. Il est également important de rapprocher le ministère de la culture du réseau.

– surtout, il faudrait le généraliser au trois réseaux et le décliner au niveau administratif, tout en allégeant les dispositifs centraux et en simplifiant les ‘doubles tutelles’ : au MEAE la gestion stratégiques, les priorités de zones, les plans pluriannuels sur les région en crise, par exemple ; aux autres partenaires publics concernés la mise à disposition de ressources spécialisées (ce qui existe pour l’homologations des lycées au MEN, la réforeme en cours des guichets uniques à l’export pour les Conseils Régionaux, ou la nécessité de rapprocher le ministère de la culture du réseau, entre autres exemples).

lamélioration du pilotage au niveau local. Il est essentiel de rappeler le rôle de pilotage des ambassadeurs en poste à létranger. Les opérateurs disposent en effet de leurs propres moyens d’intervention, qui ne sont pas toujours coordonnés avec les dispositifs locaux. Il y a une réflexion à avoir sur ce sujet : nos postes diplomatiques seraient les chefs d’orchestre locaux, avec une stratégie spécifique déclinée dans le cadre des priorités du MEAE, et adaptée aux réalités et aux partenariats locaux.

– la poursuite de la réflexion sur notre réseau culturel. La cartographie du réseau doit dépendre non de la gestion de la pénurie mais de choix stratégiques, adaptés à chaque contexte. Votre rapporteur juge essentiel de réfléchir plus avant aux possibilités de rapprochement avec les Goethe Institut ([5])  et Instituts Cervantès.

2.   Des opérateurs qui doivent trouver leur place entre les ministères et le réseau

Depuis les années 1990, la tendance a été à l’externalisation de la diplomatie culturelle à des opérateurs comme l’Institut, Campus France ou encore Atout France.

Si Campus France semble trouver sa place, la situation de lInstitut ne semble pas totalement stabilisée. Depuis sa création, l’Institut a su imposer sa « marque » et améliorer sa visibilité. Il a surtout vu son champ d’intervention s’élargir un peu plus chaque année. En sus des missions auparavant attribuées à l’association CulturesFrance, de nouvelles missions ont été confiées à l’Institut français, de la promotion des industries culturelles et créatives, en passant par le conseil et la formation professionnels des personnels, le soutien à une large circulation des écrits, des œuvres et des auteurs, en particulier francophones ou le soutien à la création, au développement et à la diffusion des expressions artistiques du Sud, ainsi que leur promotion et leur diffusion en France et à l’étranger.

Votre rapporteur plaide pour une réflexion plus poussée sur les missions et moyens de l’Institut, notamment sur les points suivants :

– décider de son statut de « future grande agence européenne », comme évoquée par le Président de la République dans son programme présidentiel, ou dopérateur du ministère. Son statut est un peu hybride ce qui ne facilite pas ses relations ni avec les tutelles, ni avec le réseau. L’opérateur n’a pas le statut d’agence, contrairement à des organismes comme le British Council ou le Goethe Institut. Il ne jouit donc pas du même degré d’autonomie. C’est un point à clarifier. Il serait possible de faire de l’Institut un acteur visible, reconnu et influent sur la scène européenne en multipliant les partenariats et participations à des initiatives européennes en insistant sur l’axe franco-allemand ;

– assurer la visibilité sur les moyens de l’Institut. Portant sur une durée limitée (2017 à 2019), le COM demeure marqué par une contrainte budgétaire forte. Il est important que les parlementaires soient associés très en amont à la rédaction du futur COM ;

clarifier et resserrer les relations entre lInstitut et le réseau pour que le premier joue vraiment son rôle dappui auprès du second. Votre rapporteur estime qu’il doit servir de relais entre l’étranger et la France, d’interface entre les postes et les professionnels de la culture en France. Il faudrait généraliser la pratique des conventions passées entre Institut français et instituts et insister davantage sur la formation du personnel du réseau par l’Institut. Il semble d’ailleurs nécessaire de recentrer les missions de l’Institut Français sur son rôle de soutien au réseau dans son ensemble, et d’alléger son action d’opérateur culturel en propre, à l’image de la position clef que l’AEFE a construite, entre l’Education Nationale et le réseau à l’étranger. Le rapprochement Institut/Fondation Alliance française doit aussi permettre en rapprochement de l’Institut avec les Alliances, dans le respect de ce qui fait leur spécificité (associatif et entrepreneurial).

B.   Le numérique : la France n’a pas pris toute la mesure de cette révolution

1.   Une stratégie unifiée pour l’offre éducative francophone sur internet 

C’est sur internet que la bataille du français se joue et qu’il est essentiel de proposer des contenus culturels. Cinq points de vigilance sur ce sujet :

– avoir une stratégie unifiée. De nombreux ministères et opérateurs se sont lancés dans l’aventure du numérique, même s’il y a encore un effort d’appropriation à mener au sein de la direction de certains opérateurs. C’est une bonne chose. Sans vouloir être exhaustif, citons par exemple le projet d’école numérique de l’AEFE, l’application Immersion France développée par Campus France, en partenariat avec Atout France et TV5MONDE lancée en 2016 ; les plateformes de contenus en ligne de l’Insitut ; le plan national de numérisation du patrimoine et de la création mis en place par le ministère de la culture ; Educ’ARTE qui offre aux établissements français à l’étranger des services de formation, des tutoriels vidéo, des supports techniques dans l’utilisation des ressources pédagogiques ; les outils numériques d’apprentissage du français développés par RFI Savoirs, le CNED, mais aussi le CIEP. Il semble urgent de faire le point sur ces initiatives éparses et den assurer le pilotage au plus haut niveau, afin déviter toute déperdition dénergie et de moyens et de mettre en œuvre des objectifs plus ambitieux. 

développer la visibilité et laccès aux contenus francophones et plurilingues sur lInternet en améliorant la capacité de ces contenus à émerger dans les bases de données et moteurs de recherche ainsi que dans les services audiovisuels et numériques. Une coopération bilatérale, engagée avec le Québec, sera élargie à d’autres partenaires francophones en vue de fédérer une coalition de pays à l’avant-garde sur cette question ;

devenir leader dans le numérique éducatif. Afin de rendre plus visible cette offre numérique, le MEAE et le MEN ont développé la plateforme dédiée – « France Education » (FRED), qui vise à promouvoir à l’international les ressources numériques (contenus et services) en langue française produites par les opérateurs publics et les industriels du secteur EdTech. Dans un contexte marqué, d’une part, par une forte demande et, d’autre part, par l’émergence d’une multiplicité d’offres, « FRED » est un site internet « vitrine » qui permet aux utilisateurs d’identifier et d’accéder à des ressources numériques de qualité, en langue française. Une attention particulière est portée à la mise en avant des offres de services proposées par les opérateurs et partenaires du MEAE (Institut français, Alliances françaises, AEFE) et du MEN (Centre national d’enseignement à distance, Canopé, CIEP, ONISEP). De manière complémentaire, dans le cadre de sa mission de promotion et de diffusion de la langue française et d’appui au réseau de coopération et d’action culturelle, l’opérateur Institut français Paris a développé des plateformes numériques destinées spécifiquement aux enseignants et aux professionnels de l’éducation. A titre d’exemple, nous pouvons citer le réseau social professionnel «  IF Profs » ou les plateformes de formation au français sur objectifs spécifiques (FOS) « IFos » et « NumériFos ». Ces plateformes seront également référencées sur « FRED » dans l’objectif de rendre visible et lisible l’offre numérique française dans le domaine des ressources éducatives, des dispositifs de formation, d’enseignement  ou d’apprentissage du français.

– lier le numérique à notre diplomatie scientifique et universitaire. Il est proposé de soutenir l’essor les CLOMS, les réseaux sociaux et projets collaboratifs impliquant le français, et d’encourager les universités du monde francophone à développer des projets avec l’expertise de France Université Numérique (développement des humanités numériques, utilisation du big data dans la recherche, valorisation des travaux de nos chercheurs, IA et diplomatie scientifique, e-learning, MOOC etc.). La création et l’animation de réseaux d’anciens élèves doit aussi faire l’objet d’une stratégie plus unifiée (France Alumni à rapprocher du réseau des anciens de l’AEFE et à animer ; réseau Erasmus à mieux utiliser comme levier d’influence). 

Votre rapporteur insiste sur le fait que cette révolution numérique de l’action extérieure de la France, et en particulier de la gestion des trois réseaux de notre présence active à l’étranger (éducatif, culturel et économique), ne pourra se faire qu’en commençant par la mise en place, de façon centralisée, des spécifications de nos futurs outils. Qui doit communiquer avec qui ? Avec quels types de contenus ? Avec quels niveaux d’autorité ? Sous l’administration et le contrôle de qui ? Avec quel niveau de sécurité ? Il est évident à nouveau pour votre rapporteur que cette révolution numérique, si elle doit effectivement être ‘rattrapée’, ne le sera qu’en lien avec la réforme de l’audiovisuel et des ICC.

2.   Développer des contenus culturels attractifs en français

Il sagit ici doffrir un contenu attrayant, en anglais et en français, pour porter la diversité culturelle sans avoir une position défensive, notamment de :

– soutenir la création numérique émergente. Les arbitrages budgétaires pourraient davantage soutenir les nouvelles formes de création (doter davantage le département des nouvelles écritures de FTV, le CNC et le CNL pourraient également soutenir davantage les nouvelles créations, Europe Creative doit aussi être orientée vers ces formes de création). 

– développer les start-ups numériques dans le domaine de la culture. Il existe en France un vivier de projets innovants, souvent connues et encouragées localement, qui ne demande peut-être qu’un peu plus d’attention pour se développer. Il faut encourager ces communautés, mobiliser des acteurs innovants et améliorer laccès au capital en Europe et porter une culture de l’entreprenariat différente.

– pérenniser les programmes bilatéraux type French American Lab (accélération pour les startups des ICC en Amérique du Nord), le Forum des Industries Culturelles et créatives «Enterprising Culture » au Canada, ou encore le Digital Content Hub (incubateur physique de contenus audiovisuels innovants) & le Digital Lab Africa et les évènements au sein du réseau (Novembre Numérique ; hackathons (débat d’idée, valorisation patrimoniale) 

– accompagner au plan politique et financier la transition numérique de nos industries culturelles et créatives (dématérialisation du contenu modifiant la nature de la création, restructuration forcée du business model pour pallier les pertes de valeurs, nouveaux entrants (GAFA, Spotify, Netflix, etc.) 

– poursuivre la réflexion au plan européen sur la numérisation culturelle, en vue de coordonner les acteurs mais surtout de passer d’une logique patrimoniale (conservation et préservation d’œuvres ou documents) à une logique d’usage et de services pour les consommateurs).

– développer la visibilité et laccès aux contenus francophones et plurilingues sur lInternet en améliorant la capacité de ces contenus à émerger dans les bases de données et moteurs de recherche ainsi que dans les services audiovisuels et numériques. Une coopération bilatérale, engagée avec le Québec, sera élargie à d’autres partenaires francophones en vue de fédérer une coalition de pays à l’avant-garde sur cette question. 

– renforcer notre présence sur les grandes plateformes en parallèle du développement notre propre offre. Certains suggèrent de fédérer les moyens pour pouvoir contrer Netflix (le projet de M6 TF1 et FTV en donne un exemple), mais nos moyens sont très en deçà des géants américains (45 millions pour nous en production, 8 milliards pour Netflix). Est-ce que dans ce cas il ne vaut pas mieux, indépendamment de nos initiatives propres, également favoriser la présence de contenus francophone sur les grandes plateformes ? C’est une réflexion à mener au plan européen. 

étendre, notamment sur Internet, la projection à létranger de nos médias nationaux et le développement de nos médias internationaux dinformation. Le groupe France Médias Monde (France 24, RFI, Radio Monte Carlo Doualiya), aura l’objectif d’atteindre 150 millions de spectateurs hebdomadaires en 2020, en faisant un effort particulier sur la diffusion numérique. Il devrait aussi conforter ses actions pédagogiques et celles de TV5Monde. La France doit aussi accompagner les médias français et francophones, y compris la presse écrite en ligne, à renforcer leur présence internationale.

A nouveau, votre rapporteur exprime son incompréhension du cloisonnement actuel de la réforme de l’audiovisuel ‘intérieur’ et ‘extérieur’, qui est mortifère pour ce dernier, alors qu’il pourrait être, à son avis, le « levain dans la pâte » : des programmes publics, en quatre langues, de grande qualité, des personnels qui forment ‘par l’exemple’ des journalistes aux quatre coins du monde, des coopérations multiples,… et notre audiovisuel soi-disant intérieur n’est toujours pas recevable légalement dès que l’on passe le Rhin. Si nous portons la réforme en ces termes, il s’agira plus de développement et de création, en France et à l’étranger, que d’économies et de réduction des coûts. Votre rapporteur considère à nouveau comme fondamentale la réforme de l’audiovisuel français, appelle de ces vœux une réforme qui abolisse la frontière entre audiovisuel extérieur et intérieur, subventionné et redevanciel : comment imaginer au vu de ce qui est dit dans les paragraphes précédent qu’une autre approche est encore possible ? La réforme de France Télévision doit intégrer l’ensemble de notre vision, et en particulier France Média Monde.

3.   Plus qu’un outil, une autre façon de faire de la diplomatie

Le numérique est bien sûr un formidable outil de modernisation des méthodes de travail et de rationalisation des moyens. L’AEFE a par exemple développé une interface de gestion – AEFE innovation – comme outil de dialogue entre l’agence et les établissements scolaires et les postes diplomatiques, qui mériterait d’être améliorée. Peut-être faudrait-il développer ce type d’interface pour le réseau culturel. 

Mais il sagit aussi de faire de la diplomatie autrement, en réseau et non plus en silos, dans la co-construction à égalité avec nos partenaires, et non dans une vision hiérarchique et concentrique de la diplomatie, ouverte à de nouveaux acteurs et non uniquement institutionnelle, dans une logique de process et non de projet. Parmi les sujets importants :

renforcer lappropriation de ces questions par les décideurs publics, les administrations, les dirigeants de nos opérateurs culturels et audiovisuels est urgente et fédérer les initiatives. Créer de l’expertise sur ces sujets est capital. « Lalphabétisation numérique est absolument nécessaire ». Nous devrions renforcer les compétences dans le réseau sur le numérique, il faut des attachés à l’innovation, et en même temps diffuser la culture du numérique chez les diplomates (« les ministères, en particulier le MEAE ont une déficience chronique en matière digitale, il faudrait une vision un peu plus moderne de la diplomatie. »).  Dans toutes les nominations à la tête des opérateurs, il faudrait vérifier les compétences en matière de numérique

– faire émerger un autre modèle de diplomatie grâce au numérique. Il s’agit par l’outil numérique, de promouvoir une autre façon de faire de la diplomatie culturelle, plus agile, plus en réseau, touchant directement la société civile au-delà de la coopération institutionnelle. C’est une influence indirecte que l’on peut construire dans ces dynamiques qu’on accompagne sans être auto centrés.

identifier des grands projets à soutenir dans les années à venir en matière de diplomatie culturelle numérique en Europe et dans lespace francophone. La nouvelle plateforme Digital Afrik (voir partie consacrée à la diplomatie culturelle en Afrique) est l’exemple typique d’un projet d’un nouveau type, mettant à égalité les participants et porteur de valeurs, avec une dynamique de co-création et de process, non de projet, avec une logique de clusterisation avec différents acteurs, avec une logique de labellisation de start-up ou d’entrepreneurs, associations, entreprises ou autre pas de projet. Elle pourrait être un bon test pour notre diplomatie. 

C.   La gestion du personnel : l’urgence d’une gestion des compétences

1.   La réduction des dépenses de personnel : passer d’une vision comptable à un provisionnement stratégique 

Le réseau de coopération et daction culturelle se compose en 2018 de : 131 services de coopération et d’action culturelle  (SCAC) ; 98 Instituts français (94 SCAC-établissements à autonomie financière (EAF) fusionnés et 4 établissements à compétences spécifiques en Iran, au Brésil (Rio de Janeiro), au Canada, et en Turquie) ; 138 antennes des Instituts Français (IF) ; 6 centres culturels franco-étrangers ; 386 Alliances françaises conventionnées ou disposant d’un lien avec le ministère de l’Europe et des Affaires étrangères (MEAE) ; 27 Unités mixtes des instituts français de recherche à l’étranger (UMIFRE).

Ce réseau nest pas figé. Il se réorganise en permanence pour sadapter à lévolution des priorités politiques et des enjeux internationaux, au renouvellement des publics étrangers et tenir compte aussi de l’évolution des communautés françaises à l’étranger.

Face à ces enjeux, le MEAE procède régulièrement à une révision de la carte des implantations culturelles et dinfluence, afin dajuster loffre à lévolution de la demande. Plusieurs exercices ont influencé ou continuent dinfluencer cette adaptation du réseau :

– le passage, de 2013 à 2017, de 25 des postes diplomatiques en format « postes de présence diplomatique » – format très allégé (seuls trois de ces PPD disposent d’un EAF (Monténégro, Soudan du Sud, Turkménistan, dans les autres, ce rôle est assuré par les Alliances françaises) ;

– l’exercice « Grands postes » lancé en 2013, a concerné dans un premier temps les 8 postes à format d’exception (Allemagne, Espagne, Royaume-Uni, Italie, États-Unis, Maroc, Sénégal, Madagascar) puis les 29 « postes à missions élargies ». Au total, les suppressions identifiées ont concerné près de 290 ETP depuis mars 2013, soit un nombre de suppressions supérieur à celui des deux vagues de PPD ;

– le transfert de la gestion des experts techniques internationaux à Expertise France. Il concerne l’intégralité des ETI gérés par le ministère à l’exception de ceux relevant de la Direction de la coopération de sécurité et de défense.

Cette démarche de rationalisation et dadaptation des dispositifs a vocation à se poursuivre en 2019, dautant que le réseau culturel et dinfluence devra continuer à assumer une part de leffort de réductions dETP attendu du MEAE au titre du triennium 2018-2020.

Votre rapporteur souhaite ici formuler quatre remarques :

– il est indispensable que les postes participent à la définition de la réduction de postes. Néanmoins, ils ne peuvent assumer seuls cette lourde responsabilité sans orientation de la tutelle, notamment en termes de priorités stratégiques ;

– il faudrait extraire du plafond demploi les postes de non contractuels ;

– il serait souhaitable que la représentation nationale dispose dinformations plus complètes sur les priorités géographiques car les décisions de suppression de poste ne correspondent pas toujours aux objectifs affichés ;

– une analyse plus fine mériterait dêtre menée sur la configuration du réseau au regard de chaque contexte local. Notre action ne peut être la même dans les grands pays prescripteurs que sont les États-Unis, l’Allemagne ou le Royaume-Uni, dans les grands émergents ou dans les pays en développement. Cette rationalisation passe aussi par la mise en place de formats plus resserrés, la réduction lorsque c’est pertinent du nombre de certaines antennes d’un EAF, ou, en fonction du contexte,  par une coopération « hors les murs » entre certains Instituts français et des institutions locales.

2.   L’urgence d’une gestion des compétences du personnel

La diplomatie culturelle repose avant tout sur les personnes qui travaillent sur le terrain dans le réseau et le font vivre au quotidien. Or la gestion actuelle du personnel du réseau contribue à fragiliser les équipes et peut compromettre la pérennité de projets, accroissant la difficulté de réseau à s’inscrire dans le long terme qui est la condition de l’influence durable.

La « professionnalisation du réseau » mériterait dêtre renforcée. La Cour des comptes relevait déjà en 2013 que la gestion actuelle des ressources humaines du réseau comporte de nombreux inconvénients : système pyramidal dans lequel la connaissance du terrain et des acteurs locaux et l’expertise acquise sont insuffisamment valorisées et utilisées ; affectations en inadéquation avec les besoins du réseau et les compétences requises, du fait de la prévalence de contraintes statutaires et de gestion des effectifs ministériels, au détriment des agents contractuels ; rotation rapide des agents sur les postes et incapacité à inscrire la carrière et la gestion des contractuels non fonctionnaires dans la durée. Le réseau dépend en effet en grande partie dagents contractuels dont la mission est limitée dans le temps – la législation ne permet plus de renouveler un CDD au-delà de six années et le ministère remercie des agents qualifiés et expérimentés pour les remplacer par de nouvelles recrues.

Suite aux préconisations de la Cour, selon le MEAE, les directeurs détablissements ont été invités à mettre en place une nouvelle politique de ressources humaines (redéfinition des fonctions, rédaction de fiches de mission, avancement professionnel, promotion interne, redéploiements, suppressions), soit par l’externalisation de certains services. Parallèlement, des plans de formation en faveur des agents de recrutement local ont permis de mieux définir la mission des agents locaux. Il reste cependant des marges de progression si l’on en croit les principaux intéressés.

Votre rapporteur estime nécessaire de :

remplacer la gestion administrative du ministère par une véritable gestion des compétences. A ce titre, il est essentiel de réfléchir au moyen de créer et de négocier avec l’ensemble des partenaires concernés une exception pour le réseau culturel à la limite d’emploi des six années ;

renforcer la formation du personnel diplomatique, à différentes étapes de leur carrière, en matière de coopération culturelle et d’influence. Cette fonction doit être au centre de la prochaine réflexion sur les suites Contrat d’Objectif et de Moyens de l’Institut Français de Paris, qui arrive à échéance en 2019 ;

renforcer la formation des agents du réseau, formation à la fois assurée par le MEAE et l’Institut, qui n’est pas toujours satisfaisante de l’avis des gens en poste, notamment sur les sujets relatifs au numérique, à la promotion des ICC, ou à la recherche de financements. 


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IV.   Quelle diplomatie culturelle et d’influence dans les zones de crise ?

A.   La coopération dans les Territoires palestiniens : des actions capitales dans un contexte difficile

Les actions de coopération en matière culturelle et éducative menées par le Consulat général à Jérusalem sont tout à fait capitales. Dans un contexte politique et sécuritaire de plus en plus difficile, elles offrent un soutien inestimable à une scène artistique et intellectuelle dont les circonstances freinent le développement naturel, elles participent à la formation des générations futures et contribuent ainsi à l’établissement d’un État palestinien viable.

Votre rapporteur plaide pour le maintien de ce dispositif et de ses moyens, notamment : le développement de notre coopération éducative, qui recèle un potentiel encore inexploité, et qui marque un engagement politique fort à l’heure où les États-Unis et certains pays européens se désengagent sur ces questions ; le maintien d’une présence dense sur tout le territoire, y compris à Gaza, où notre action est capitale, et où votre rapporteur regrette vivement ne pas avoir été autorisé à se déplacer par les autorités palestiniennes ; la poursuite de notre action culturelle et de notre soutien à la scène locale, en lien avec le nouveau mandat de l’AFD en la matière. 

1.   La coopération culturelle et audiovisuelle

Elle se développe dans un contexte difficile qui associe des difficultés structurelles – soutien public palestinien à l’action culturelle limité, ressources humaines peu qualifiées, sévères difficultés de communication et carence en équipements culturels – à un contexte politique et sécuritaire très instable (manifestations, annulations d’évènements, circulation impossible entre les villes).

Les enjeux et les besoins dans le secteur culturel sont considérables. La problématique  identitaire et le conflit demeurent au cœur de la création. L’appui apporté par la France en matière culturelle à la Palestine est significatif. Il s’articule notamment autour des axes suivants :

– le soutien financier aux activités des institutions culturelles palestiniennes majeures, en particulier celles du Conservatoire National Edward Saïd, l’association Al Kamandjati et plus récemment la Philharmonie de Palestine, performantes dans le domaine de l’enseignement et l’organisation de nombreuses rencontres musicales. A noter le développement de  la chorale Amwaj, située à Bethléem et Hébron qui entreprend une tournée  en France, à l’été, avec une soixantaine d’enfants palestiniens. Le CGF soutient aussi l’académie Sarrayet à Ramallah dans le cadre de son festival annuel de danse contemporaine.

– la contribution au développement  dune vie culturelle à Jérusalem-Est en soutenant des actions concertées entre les divers acteurs de la vie culturelle (Centre Culturel Yabous, Théâtre Al Hakawati,  Conservatoire Edward Saïd etc..), avec  l’assistance financière de l’Union Européenne et de la région Île de France. Ces initiatives, à la recherche de nouveaux publics, concernent en priorité les jeunes.

– l’exploration de nouveaux partenariats : par exemple celui de la gastronomie qui initié en 2015 monte en puissance pour atteindre en 2018, une programmation de 64 événements présentés , lors de la semaine dédiée ou celui de la mode qui met en relation de jeunes créateurs français et palestiniens dont le travail réalisé en résidence, sera dévoilé lors d’un défilé organisé avec la Fondation Rawabi, nouveau partenaire de l’Institut français de Jérusalem. 

– la promotion en France du patrimoine et de la création palestinienne avec des opérateurs français tels que  le festival des musiques du monde de Gannat (musiques et danses traditionnelles) ainsi que la prochaine mise en circulation, dans  diverses villes de France, d’une exposition de peintures à l’initiative d’un collectif de femmes de Gaza ou bien encore avec l’Institut culturel franco-palestinien, dans le cadre de son festival « Palest’In&out ».

– l’appui à la mobilité de jeunes artistes palestiniens, grâce à des programmes de résidence à la Cité internationale des Arts de Paris (6 résidences de quatre mois, soutenus par la Ville de Paris, Al Qattan et l’Association Welfare). 

Le dispositif culturel de la France en Palestine est particulièrement dense puisquil sappuie sur lInstitut français de Jérusalem implanté sur 5 sites à Jérusalem Ouest (Romain Gary), Jérusalem Est (Chateaubriand), Ramallah, Naplouse, et Gaza, et deux associations, à Bethléem et à Hébron. Cette « densité » permet une large diffusion de nos initiatives. Ce réseau travaille autour d’une année culturelle commune tout en maintenant des activités culturelles propres à chaque structure. En 2017,  plus de 300 événements ont été organisés, mobilisant environ 14 000 personnes. Il lui permet d’intervenir au plus près des populations dans les principales villes palestiniennes et de jouer un rôle spécifique sur la scène culturelle locale.

Le financement de l’action culturelle a trouvé récemment de nouvelles sources de financement auprès de partenaires tels que le « Convention Palace » à Bethleem ou la « Fondation Rawabi » (organisation d’évènements communs). Par ailleurs,  l’appui local en nature ou monétaire  d’hôtels, restaurants  et  entreprises a vu le jour. Ces contributions qui atteignent  les 60 000 euros sont la preuve de la francophilie des Palestiniens.

La détérioration du contexte nest pas sans effet sur la conduite de laction. L’antenne de Gaza, engagée dans une réouverture progressive, voit suite aux événements récents (manifestations, arrêt du paiement des salaires des fonctionnaires), une nouvelle chute de sa fréquentation. La difficulté à obtenir des autorités israéliennes des permis de circulation tant pour les habitants de Gaza que pour les intervenants français, conjuguée aux mesures de sécurité, réduisent les actions culturelles de la France dans  l’enclave. Les activités sont maintenues par le biais de visioconférences. D’une manière générale, le durcissement des positions conduit à lannulation dun nombre croissant de visites, de résidences programmées, d’événements culturels. Les conférenciers et artistes français rencontrent des problèmes grandissants à leur arrivée ou au départ.

Parmi les axes daction prioritaires :

– La formation des cadres culturels est essentielle, qu’ils soient employés dans le secteur public ou dans le secteur associatif. Le Musée de Palestine financé par la Fondation Al Qattan et l’Association Welfare a ouvert ses portes en 2017. Bien qu’il relève du secteur privé, il conviendra de proposer des savoir-faire français pour la formation de ses cadres.

– Malgré les difficultés de communication actuelle, les bourses et les résidences pour les artistes et les créateurs doivent être sanctuarisées et si possible augmentées par une action en direction des collectivités territoriales pour en pondérer le coût.

– Le renforcement du dispositif culturel à Ramallah.  

– Jérusalem-Est, très affectée par le conflit, doit bénéficier d’une attention toute particulière afin que puisse s’y développer une vie culturelle. La collaboration des institutions culturelles palestiniennes doit y être encouragée, ainsi que l’investissement de l’Union Européenne ou de collectivités locales.

Dans le secteur du cinéma, laction du poste se structure autour du soutien à lindustrie locale. L’absence d’institutions publiques dédiées crée des déficits au niveau de la législation audiovisuelle (agrément du film, dépôt légal), du financement de la production et de l’offre de formation supérieure. L’absence de retour sur investissements des productions locales due à un système de distribution défaillant  freine le développement des films et la mise en place d’un marché local. 

Le poste a soutenu la création du premier Pavillon palestinien au village international de la 71ème édition du Festival du film de Cannes afin d’accroître la visibilité du cinéma palestinien et lancer des coopérations et coproductions franco-palestiniennes (soutien à la participation de dix producteurs et cinéastes palestiniens au Producer Network). 

Autre projet, la mise en place du Palestine Film Institute, qui aura vocation à agir comme un centre de préservations des archives filmées palestiniennes, un incubateur de législation audiovisuelle et un fonds de soutien au développement de films palestiniens. Le projet  sera suivi et accompagné par l’expertise du Centre National du Cinéma et de l’image animée et de la Cinémathèque française dans  les différentes étapes de son développement.

Des actions de formation sont menées dans le domaine du développement et de la production de films documentaires avec le programme Ramallah Doc  organisé en partenariat avec l’Institut Goethe, la Qattan Foundation et Filmlab Palestine (séance de pitching organisée tous les deux ans donne l’opportunité aux cinéastes de défendre leurs projets aux producteurs et acheteurs de programmes étrangers ; ateliers professionnalisants d’écriture et tournage d’un trailer).

Laccord de coproduction signé en 2013 a récemment vu naître de belles réussites comme le dernier film d’Anne Marie Jacir, Wajib ou linvitation au mariage sorti dans les salles françaises au début de l’année 2018. Le second atelier de coproduction franco-palestinien qui devait avoir lieu en novembre 2018 est reporté au premier semestre de l’année 2019.

Enfin, un soutien renouvelé à la diffusion passe par une collaboration avec l’association Filmlab Palestine afin de fusionner le festival du Film Franco-Arabe et le festival Days of Cinema. L’IFJ proposera un programme de films français récents sous-titrés en arabe et invitera des acteurs de l’industrie du cinéma français à participer au Palestinian Film Market (PFM) organisé en parallèle du festival Days of Cinema. Un projet de Ciné-concert autour du film Le voyage dans la lune de George Méliès est en cours avec des artistes de Gaza. La création y sera jouée lors de la «  Nuit des étoiles » qui aura lieu en août.

Dans le secteur des médias, Canal France International lance un projet média pour les Territoires palestiniens axé sur le journalisme de solution. L’Académie France 24 a relancé en début d’année sa coopération avec la Palestinian Broadcasting Corporation qui réinvestit le projet de création dune chaîne dinformation en continu. L’équipe dirigeante de la PBC souhaite que l’Académie accompagne entièrement le processus de création de la chaîne de la constitution de la grille des programmes à la formation et au recrutement des équipes nécessaires.

Radio Monte Carlo Doualiya (MCD) poursuit sa stratégie dimplantation durable sur les Territoires palestiniens. Après avoir récupéré des fréquences de diffusion sur les zones de Ramallah, Naplouse et Hébron, MCD a procédé à son lancement officiel à Gaza en  octobre 2017. Elle offre aussi deux stages de quinze jours sont financés dans la rédaction de MCD pour des étudiants

Le poste poursuit son effort de formation vis-à-vis des journalistes. Le domaine journalistique représente un enjeu majeur dans le contexte socio-politique actuel. Un atelier sur les bonnes pratiques du journalisme d’investigation animé par Slimane Zeghidour a ainsi été organisé début février.

Le poste s’intéresse également à la pérennisation des médias locaux dans un contexte économique difficile et organisera avec Radio Nisaa deux journées de formation portant sur le financement et le développement de revenus digitaux à destination des radios locales.

2.   La coopération universitaire et scientifique 

En 2017-2018, une quarantaine détudiants palestiniens bénéficient dune bourse du gouvernement français (soit 1/5ème de l’effectif des étudiants palestiniens en France). 

Une dizaine de partenariats de bourses à coût partagé sont actifs avec des collectivités locales (région Occitanie, villes de Besançon, Cergy-Pontoise, Gennevilliers, Gières, Lille, Bourges…), des universités françaises (Paris 11, Paris 6, Lille, Franche Comté…) et des universités palestiniennes (Al Quds, An Najah).

Un tiers des étudiants palestiniens actuellement en France est inscrit en troisième cycle, permettant de pallier la quasi-absence d’école doctorale en et de favoriser le renouvellement du corps enseignant et des cadres palestiniens.

Le droit et ladministration publique :  

Dans la continuité du projet FSP d’ « appui à la mise en place de la faculté de droit et d’administration publique de l’université de Birzeit » qui s’est achevé en 2012, des actions continuent d’être menés par un consortium ad hoc d’une dizaine d’universités et IEP français, piloté par Paris 1 (missions courtes d’enseignement). 

Par ailleurs, une coopération autour de la propriété intellectuelle a été engagée en  2017, en lien avec l’université d’Al Quds (faculté de droit), la SACEM (qui cofinance une partie des actions) et l’association palestinienne pour la défense de la propriété actuelle. Objectifs : accompagner la constitution d’une société d’auteurs en Palestine et structurer parallèlement des formations universitaires dans ce domaine. 

La médecine, autour du partenariat entre l’université Paris 6/UPMC et les universités de Naplouse (An Najah) et de Jérusalem (Al Quds) destiné à former au niveau doctoral à Paris les enseignants en médecine de ces deux universités palestiniennes. Les bourses sont cofinancées par Al Quds et An Najah et le Consulat général. L’université arabo-américaine de Jénine manifeste à son tour un premier intérêt pour la mise en place d’un tel partenariat à coût partagé. 

Les sciences, pour répondre au déficit enregistré dans ce domaine dans les universités palestiniennes. En sciences physiques, une coopération est en structuration dans ce domaine depuis 2016 entre l’université An Najah de Naplouse et plusieurs universités et centres de recherche français (Paris Sud 11, SESAME, CERN, CNRS), prenant la forme d’échanges universitaires (deux «écoles d’hiver de sciences physiques» d’une semaine organisées en novembre 2016 et novembre 2017 à Naplouse, cofinancées par le Consulat) et de bourses offertes par des universités et centres de recherche français. En mathématiques, une coopération existe entre Birzeit et plusieurs établissements français, difficile à structurer à ce stade, mais qui se concrétisera par un premier atelier universitaire à l’été 2018 à Birzeit.

La géographie, au travers, notamment, d’une coopération engagée entre l’université de Birzeit et l’université d’Angers, prenant à ce stade la forme de rencontres universitaires (en 2017 un atelier sur le paysage) et programmes post-doctoraux en France pour des professeurs de géographie de Birzeit mais visant à plus long terme à créer une école doctorale en géographie à Birzeit.

Le développement durable, avec une coopération engagée entre l’université An Najah de Naplouse (faculté d’ingénierie) et l’Ecole d’architecture et de paysage de Bordeaux sur le thème de la construction énergétique, appliquée notamment aux écoles et à l’habitat résidentiel. 

Le patrimoine, avec le développement depuis 2015 d’une coopération entre Paris VIII et l’université arabo-américaine de Jénine autour du numérique appliqué au patrimoine (projet Hyperheritage). Echanges de professeurs, organisations de colloques. De plus, un programme autour de la thématique de la pierre – par ailleurs important secteur économique palestinien- est développé, en lien avec l’école d’architecture de Paris-Malaquais et Birzeit, visant notamment à en développer des applications innovantes dans l’architecture contemporaine.

Lenseignement supérieur professionnel, avec l’appui du Consulat général, une candidature à un projet Erasmus + a été déposée en février 2018 par l’association Medlink (en lien avec le Cnam), l’université de Lille et l’Afpa, visant à aider les universités palestiniennes à développer des recherches et des cursus de formation dans ce domaine, ainsi qu’à aider le ministère palestinien de l’éducation à mieux structurer et organiser ce secteur. Pour mémoire, la formation des fonctionnaires palestiniens a fait l’objet d’un projet FSP spécifique, achevé en 2017, et qui a conduit à la mise en place d’une école nationale palestinienne d’administration. L’école, qui a lancé fin 2017 sa deuxième promotion, continue de bénéficier de missions de l’Ena, financées sur crédits du MEAE, visant à renforcer ses capacités et mettre en place des actions de formation. 

Les programmes « Al-Maqdisi » (déclinaison palestinienne des partenariats de recherche Hubert Curien), sont l’instrument privilégié de la coopération française dans le domaine de la recherche en Palestine. Ils ont la particularité d’être intégralement financés par la partie française (MEAE et MESRI). 

C’est un instrument assez unique dans le paysage palestinien, particulièrement apprécié par nos partenaires et qui favorise le développement de liens directs entre équipes de recherche française et palestiniennes, dans des domaines divers - microbiologie, pharmacie, télécommunications, développement durable, patrimoine… La mise en œuvre des projets avec Gaza reste problématique (difficultés de circulation des chercheurs), nécessitant de fait leur prolongation au-delà des 2 ans.

L’École biblique et archéologique française de Jérusalem travaille depuis de longues années dans les Territoires palestiniens, en particulier dans la bande de Gaza où elle est appelée à développer des activités de coopération et de formation, en partenariat avec les autorités palestiniennes et avec un soutien financier modeste du MEAE (60 000 euros par an dont une partie est destinée à des bourses de recherche).

Depuis linauguration de lantenne des Territoires palestiniens à Jérusalem en 2012, lIfpo (Institut français du Proche-Orient) tâche dasseoir sa présence et de renforcer sa visibilité dans le paysage scientifique et universitaire palestinien, tant à Jérusalem qu’en Cisjordanie. Il s’agit à la fois de favoriser la recherche sur le terrain, aussi bien pour les jeunes chercheurs dès le Master que pour les chercheurs en poste dans des institutions en France (laboratoires d’université ou du CNRS). Face aux difficultés d’accès au terrain palestinien, les travaux de l’antenne s’attachent à consolider les liens établis avec les universités et instituts de recherche palestiniens, français et étrangers et d’établir des passerelles avec des partenaires locaux, privés et institutionnels. 

Le site de l’Ifpo dans les Territoires palestiniens bénéficie de partenariats avec les institutions de recherches établies depuis longtemps sur place et reconnues. Le bureau principal de l’Ifpo est hébergé au sein du centre de recherches britannique, le Kenyon Institute, à Jérusalem. L’équipe, composée de deux chercheurs (sur contrat MEAE) et de deux doctorants bénéficiaires d’une aide à la mobilité internationale, se caractérise par sa dimension pluridisciplinaire (archéologie et histoire de l’Antiquité ([6]), études contemporaines ([7])).

En partenariat avec lInstitut français de Jérusalem, les Rendez-vous de lIfpo ont été lancés au début de lannée 2018. Il s’agit d’un cycle de conférences de diffusion de la recherche proposé par l’Ifpo aux antennes de l’Institut français de Jérusalem ou dans des lieux partenaires. Les membres de l’Ifpo ainsi que des chercheurs de passage ou invités interviennent pour présenter leurs travaux en cours ou des résultats de leurs recherches. Le choix des lieux est également pensé pour atteindre le public palestinien malgré les difficultés pour se déplacer : une conférence a eu lieu à Ramallah, une autre à Jérusalem et la troisième à Bethléem. 

3.   La coopération éducative et linguistique

En quelques chiffres, en 2018 on compte 1 379 étudiants de français dans les universités palestiniennes ; 21 500 élèves de français dans les écoles palestiniennes dont : +7 500 dans les écoles publiques ; +14 000 dans les écoles privées ; 300 professeurs de français ; 1 000 étudiants dans le réseau de l’institut français de Jérusalem ; 299 élèves au Lycée français de Jérusalem (conventionné avec l’AEFE) ; 1 532 élèves palestiniens passant le DELF scolaire avec un taux de réussite global de 80 % ; 200 étudiants se préparent au BA de français dans trois départements (universités de Birzeit- Naplouse- Gaza), tandis que plus de 500 étudiants de diverses disciplines étudient le français en tant que « mineure ».

Le français ne jouit daucun statut particulier dans les Territoires palestiniens, à lécole cest une langue étrangère optionnelle pas toujours très bien perçue par les chefs détablissements. Il n’y a de plus pas d’enseignement bilingue dans les Territoires palestiniens. Le français est enseigné à raison de 4h par semaine de la 5ème à la seconde incluse, dans les écoles publiques, et de 3 à 5h par semaine du CP à la seconde incluse, dans les écoles privées. Il n’y a pas de discipline non linguistique.

La question du statut de lenseignement de la langue française  dans le système éducatif  palestinien mériterait dêtre mise en perspective. L’apprentissage du français comme deuxième langue étrangère et les résultats aux certifications pourraient être valorisés sans coût supplémentaire pour l’institution et avec des retombées non négligeables sur l’employabilité des étudiants des départements de français ainsi que sur  le renforcement qualitatif de la mobilité.

La possibilité de pouvoir présenter une épreuve de français au TAWJIHI (équivalent du baccalauréat en Palestine) serait un atout supplémentaire pour la motivation des élèves et des familles pour le français à l’école. 

Le renforcement du français dans la formation professionnelle : dans le secteur des métiers du tourisme (hôtellerie, restauration, guides touristiques…), secteur transversal de la coopération française dans les Territoires palestiniens, des actions sont menées en vue de renforcer la maîtrise du français professionnel et la qualité de l’enseignement technique, de favoriser la mobilité des étudiants et de valoriser l’expertise française. Les deux établissements actuellement impliqués sont le Centre Notre-Dame de Jérusalem et l’Institut de gestion hôtelière de l’université de Bethléem soit une centaine d’étudiants.

Le soutien à la qualification des acteurs de la diffusion du français. Un  Plan de formation validé par le ministère palestinien de l’Education, a été mis en place. Une soixantaine d’enseignants de l’enseignement gouvernemental bénéficient de ces formations semestrielles intensives. Un plan de formation a été élaboré pour 4 années : 2018, 2019, 2020, 2021. L’objectif étant de rédiger un référentiel de compétences professionnelles, pour les enseignants de français palestiniens (curriculum). 

Les écoles privées sont soutenues en partenariat avec le Réseau Barnabé, association d’établissements scolaires catholiques français, via des échanges scolaires, des stages, des appariements et des camps d’été. Depuis cette rentrée les enseignants du privé bénéficient d’une formation spécifique liée à la mise en place d’un référentiel de compétences pour les enseignants de FLE. 

Dans les universités, la formation initiale des enseignants est soutenue avec un programme de mobilité de courte durée (20 étudiants par an), le programme des assistants de langue arabe en France (7 assistants palestiniens par an) et les bourses de master et/ou de doctorat (2 à 4 boursiers chaque année).

Le développement de lenvironnement francophone. Pour favoriser la pratique vivante du français dans les universités et pour pallier les difficultés d’accès aux supports en langue française, le poste a mis en place plusieurs actions en direction des différents publics : accès à la lecture et aux livres : le Bibliobus, initiative franco-allemande, est un support pour l’animation autour du livre, auprès des écoles palestiniennes les plus reculées ; accès aux ressources d’apprentissage (livres-audio-vidéos-TICE) : mise en place depuis 2015 de médiathèques francophones mutualisées dans plusieurs écoles gouvernementales de Cisjordanie et dans les écoles privées de Gaza ; accès au cinéma en langue française : opération « Franco-Films juniors » dans les établissements scolaires privés de Cisjordanie ; ateliers d’écriture et conférences dans les universités ; projets pédagogiques sur une thématique annuelle, avec concours, dans le cadre de la Semaine de la Francophonie.

Annoncé par le Président de la République française et son homologue palestinien, lors de la visite présidentielle en Palestine en novembre 2013, le Lycée français international de Ramallah a ouvert ses portes en octobre 2017. Il revêt une forte dimension symbolique et s’inscrit  dans la droite ligne des excellentes relations culturelles franco-palestiniennes. Son propriétaire et investisseur, M. Mohammed KHATEEB, affiche une forte motivation pour l’implantation de cet établissement à programme français et trilingue (français-anglais-arabe), compte-tenu de la bonne image de notre système éducatif auprès des Palestiniens.

Létablissement scolarise en cette deuxième année de fonctionnement, 50 élèves de petite, moyenne et grande section de maternelle. Deux agents, titulaires du ministère de lEducation nationale, ont été mis à la disposition de la structure et de son propriétaire. Ces deux professeurs des écoles, dont l’un assure la direction pédagogique, sont affectés et rémunérés directement le ministère de l’Education nationale. La Mission laïque française apporte son appui pédagogique à l’équipe et à l’école.

L’établissement dont les capacités d’accueil devraient augmenter graduellement selon un plan de travaux en trois phases (école élémentaire-collège-lycée), pourra jouer un rôle non négligeable dans le cadre de la coopération éducative du poste.

Létablissement peut rapidement jouer un rôle de relais pour la formation des personnels locaux. Il pourrait accompagner les efforts du MEN palestinien pour la formation d’enseignants du cycle pré-scolaire en plein développement, et devra également  contribuer à la formation de son personnel local, issu des universités palestiniennes. La signature d’une convention pour la mise en place d’un diplôme d’université EEFE « Enseigner dans un établissement français à l’étranger » permettra aux étudiants palestiniens titulaires d’une licence L3 en français d’exercer une activité d’enseignement. ([8])

4.   Les moyens financiers et humains 

Lenveloppe de coopération (crédits sur les programmes 185 et 209) est au total de 2 millions deuros en 2018. Après deux année consécutives de baisse de son enveloppe de coopération et daction culturelle sur le programme 185 (-1,5% en 2017 et -2% en 2016), contraignant le poste à effectuer des arbitrages délicats au détriment de plusieurs secteurs dintervention, la hausse en 2018 du montant de lenveloppe de +3,5% (64 814 euros) permet  au poste de maintenir un niveau élevé de bourses (618 650 euros soit 31 % des crédits de coopération) et de compenser les diminutions opérées en 2017 et 2016, notamment dans les domaines culturel, éducatif/linguistique et universitaire pour développer des projets innovants. Lenveloppe 209 de crédits en 2018 a été préservée par rapport à 2017 soit 149 221 euros (hors FSPI). Cette enveloppe vise principalement à des actions dans le domaine institutionnel et à de laide aux ONG locales, visant à impliquer davantage lAutorité palestinienne dans les zones de Cisjordanie sous contrôle israélien.

La dotation de fonctionnement à lInstitut français de Jérusalem s’élève à 537 126 euros en 2018. Après quatre années de déficits consécutifs qui l’ont contraint à se désengager en 2016 et en 2017 de projets culturels qu’il n’avait plus les moyens de financer, l’Institut français de Jérusalem présente fin 2017 un excédent budgétaire de 75 000 euros alors que la DM3 affichait un déficit prévisionnel de 83 772,88 euros. La masse salariale compte pour 47 % du budget (20 ETP, dont 12  expatriés, 1 CRSP, 7 VIA, 4 ADL sous plafond d’emploi et 20 ADL hors plafond d’emploi 1 ETI ExpertiseFrance).

Une recherche de ressources propres actives, mais qui a ses limites. Les efforts de l’IFJ pour développer des activités produisant des recettes (DELF scolaire payant depuis  2017) ont permis d’augmenter les recettes de cours de 24%. Par ailleurs, la recherche de recettes propres ainsi la recherche active de sponsors, alliée à une communication ciblée, seront poursuivies cette année. Le taux prévisionnel d’autofinancement de l’IFJ pour 2018 est de 38,61 % (contre 34 % prévisionnel et 40,39 % réalisé en 2017). L’objectif fixé aux antennes pour 2018 est d’augmenter de 5% leur taux d’autofinancement qui en 2017 était le suivant : Chateaubriand 30,02 %, Romain Gary 50,74 %, Gaza 28,98 %, Naplouse 34,09 % et Ramallah 40,71 %. La pérennité du réseau dans sa configuration actuelle ne pourra être assurée sans ressources propres suffisantes, mais ces dernières sont très limitées en raison du contexte à Jérusalem et dans les Territoires palestiniens.

Votre rapporteur y voit un exemple de la nécessité d’un pilotage par la diplomatie et les postes en priorité, et non par les opérateurs : comment ne pas voir l’intérêt de l’énorme engagement de la France et de ses réseaux dans cette zone ? Comment demander à ces intervenants les mêmes critères d’autofinancement que dans des zones stables et développées ?

B.   en israël : un dialogue culturel qui s’est intensifiÉ à la faveur de la saison croisee

Si la France est très attractive dans certains milieux culturels et intellectuels, son image en Israël souffre parfois, dans l’opinion publique, de la prédominance de l’influence américaine, d’une vision quelque peu dépassée de la culture française, mais aussi, dans le passé récent, d’une perception supposée hostile à l’égard d’Israël (écho d’actes antisémites), qui devrait toutefois continuer à évoluer compte tenu des mesures volontaristes adoptées par le gouvernement dans la lutte contre le racisme et l’antisémitisme.

Dans ce contexte, l’action culturelle et de coopération est orientée vers le renouvellement de l’image de la France, à travers notamment une présence très active dans la vie culturelle et scientifique israélienne, tantôt de manière spécialisée, tantôt sous un angle plus grand public. La Saison croisée, avec ses projets tournés vers la création contemporaine et l’innovation, amplifie cette action et devrait contribuer à modifier l’image de notre pays.

1.   Une action volontariste au service de la promotion des industries culturelles et créatives françaises

Le SCAC mène une action très volontariste pour promouvoir les industries culturelles et créatives françaises. Certaines sont ainsi très identifiées en Israël, notamment grâce aux politiques publiques menées en France et à cette action d’influence, d’autres restent à mieux faire connaitre. 

Dans le domaine du cinéma, on peut ainsi citer : 

– l’existence d’un accord de coproduction au service d’une coopération étroite entre professionnels français et israéliens, qui a contribué à accompagner le cinéma israélien dans son évolution et la reconnaissance dont il bénéficie aujourd’hui ; 

– un accompagnement des démarches de production pour de jeunes professionnels (réalisateurs et producteurs), dans le cadre du programme « Produire au Sud » avec l’école de cinéma Sapir (Sderot) ; 

– une expertise française au service des professionnels israéliens (présentation, aux professionnels israéliens, des nouvelles mesures d’aides en faveur du cinéma et de la télévision – Crédit d’impôt, Europe creative, aide Unifrance à l’exportation de films, aide cinémas du monde ;

– un soutien important à la diffusion des films français en Israël, à travers deux festivals de cinéma français annuels mais aussi une présence française marquée dans les grands festivals israéliens (Haifa, Jérusalem notamment). Des choix thématiques permettent également de mettre en lumière des secteurs particulièrement porteurs, comme la musique de films. Le festival international du film de Jérusalem a été l’occasion de promouvoir l’expertise française dans ce domaine, pour les professionnels (Rencontres du 3ème personnage en partenariat avec le Festival international du Film d’Aubagne et la Sacem, permettant de faire connaître des compositeurs français et de les mettre en relation avec des réalisateurs et producteurs israéliens) et le grand public. 

une nouvelle politique en faveur de la jeunesse, destinée à sensibiliser le public israélien au cinéma français dès lécole (éducation au cinéma et à la langue française). Un programme expérimental, Kolnoar, lancé en partenariat avec le Ministère de léducation israélien, prévoit des projections de films français sous titrés en hébreu, pour les collégiens apprenant le français, tout au long de lannée scolaire en partenariat avec 3 cinémathèques (Holon, Haïfa, Jérusalem) autour de la thématique « être adolescent en France ». Chaque projection est accompagnée dune conférence. Ce programme, très apprécié des enseignants, des élèves et du Ministère, se poursuivra en 2018/2019 et sera étendu en direction des lycéens. 

– lanimation est également un secteur où lexpertise française est reconnue en Israël. Il sagit dune industrie encore naissante en Israël, pour laquelle la France peut se positionner comme un partenaire privilégié. De premières initiatives ont été engagées, qui seront renforcées à lavenir. 

S’agissant des séries télévisées, des initiatives sont mises en œuvre favorisant l’exportation de séries françaises en Israël et le développement de coproductions franco-israéliennes. Depuis une dizaine d’année, les séries françaises sont davantage considérées à l’international. Les plus connues (Braquo, Le Bureau des Légendes, Engrenages, Les Revenants) bénéficient d’une certaine notoriété en Israël mais demeurent très peu diffusées. Dans un contexte de très forte concurrence avec les industries israélienne, américaine, et britannique, les efforts en faveur de l’exportation des séries françaises en Israël doivent se poursuivre. Les actions menées ont pour objectif, à la fois, de renforcer la présence des séries françaises chez les diffuseurs (chaînes tv, plateformes VOD) et la coproduction de séries entre producteurs français et israéliens. Deux exemples peuvent ici être valorisés : dans le cadre du festival de Haïfa en 2018, Le Bureau des Légendes a été présenté à un public de professionnels afin de favoriser sa diffusion en Israël, et mis en relation avec l’équipe de la série israélienne Fauda. Par ailleurs, un programme de résidences d’écriture franco-israélienne sur les séries TV se prépare entre le CNC et le Gesher Film Fund. 

La promotion de l’expertise française et la mise en relation d’acteurs français et israéliens dans le domaine de la réalité virtuelle, qui a déjà connu quelques initiatives (dans le cadre du Festival du film étudiant de Tel Aviv par exemple), ainsi que dans le domaine du jeu vidéo indépendant (important projet dans le cadre de la Saison croisée) devraient également pouvoir être accentuées dans un proche avenir. 

S’agissant de musique, les actions menées dans le cadre de la Saison croisée ont porté notamment sur l’exportation de plusieurs festivals français et la mise en valeur de l’ingénierie française en matière de festivals : édition des Francofolies à Ashdod du 25 au 27 septembre 2018, réalisation, à compter du 11 octobre prochain, et jusqu’au 13 octobre, d’une Folle Journée à Zichon Yaakov, sur le modèle de la Folle Journée de Nantes. Des difficultés importantes d’adaptation des fonctionnements et de dialogue ont pu être rencontrées, surmontées par un accompagnement et une médiation inlassables du Poste entre partenaires français et israéliens. 

Dans les domaines de la musique, du spectacle et vivant et des arts visuels, le SCAC s’appuie aussi beaucoup sur les dispositifs mis en place par l’Institut français à Paris ou d’autres opérateurs français pour faire connaître la scène française à des programmateurs israéliens (programmes FOCUS et MAma, marché des musiques actuelles). Les suites de ces voyages d’études en France ne se sont pas toujours révélés convaincants (notamment dans le domaine de la musique), le SCAC ajuste donc en permanence son action et ses méthodes. Par ailleurs, le SCAC accompagne régulièrement la programmation d’artistes français par les institutions culturelles et festivals israéliens (Festival d’Israël, Festivals de Jazz, musées, etc.). 

Pour ce qui est de lédition, le SCAC avait mené tout un travail d’influence, en collaboration avec l’édition israélienne et l’édition française associée aux institutions dédiées (CNL/Culture/Bief/IF), qui avait abouti à la mise en place de la loi « sur la protection de la littérature et des auteurs », largement inspirée de la Loi Lang, en 2013. Cette loi a toutefois été abrogée en 2016 par la ministre de la culture. La majorité des éditeurs israéliens se désolent de son abandon. Le SCAC œuvre par ailleurs à une présence d’auteurs français dans les deux rendez-vous littéraires israéliens (festival et foire du livre), qui ont toutefois connu des problèmes de gouvernance récemment. Le SCAC organise également son propre festival, Livres en scène, initié en 2011 pour promouvoir les publications traduites du français vers l’hébreu et inversement. Il prend la forme de lectures par des auteurs ou comédiens. C’est le seul festival littéraire israélien entièrement bilingue français –hébreu.

Enfin, larchitecture et la mode restent des domaines à investir.

2.   Le bilan globalement positif de la saison croisée

Depuis son lancement, le 31 mai dernier, la Saison française en Israël a permis de déployer une soixantaine dévénements, à un rythme très soutenu, des projets nombreux, de très grande qualité, couvrant un large champ disciplinaire et prometteurs pour la constitution de partenariats durables. 

Le domaine des arts visuels est particulièrement marqué par l’exposition Lifetime de Christian Boltanski, présentée au Musée d’Israël à Jérusalem. Inaugurée le 1er juin en présence de l’artiste, son ampleur et sa qualité font événement. Visible jusqu’au 3 novembre, l’exposition a déjà accueilli de très nombreux visiteurs en trois mois. D’autres expositions importantes se sont ouvertes en début de Saison permettant de faire connaître des artistes français qui n’avaient jamais été présentés en Israël : Le grand atlas de la désorientation, exposition de Tatiana Trouvé présentée au Musée de Petah Tikva, qui constitue une expérience immersive marquante pour les visiteurs, et connaît un succès important, et Replica, exposition de Laurent Montaron au Centre d’Art Contemporain de Tel Aviv. Des œuvres vidéo de la collection dIsabelle et Jean-Conrad Lemaître sont présentées au Musée d’art contemporain d’Herzliya, mettant en lumière le travail de collectionneurs passionnés. La double exposition Papiers de l’artiste Joseph Dadoune, présentée d’une part au Consulat général de France à Tel Aviv, et d’autre part au Lobby Art Space, a permis de mettre à l’honneur un artiste franco-israélien. Le design français a également pu trouver sa place durant la Jerusalem Design Week, dans le cadre d’un partenariat avec le Forum Design.

En matière de spectacle vivant, la scène française a été visible à l’important Festival d’Israël, avec trois spectacles (quantitativement un peu en-deça de ce qui était souhaité par le festival) : Boris Charmatz avec ses 10.000 gestes, mais aussi sa reprise du Solo de Tino Sehgal, qui ont tous deux rencontré leur public. Le spectacle de Gisèle Vienne, Kindertotenlieder, qui devait faire événement, a malheureusement souffert de l’absence du comédien principal, hospitalisé à la suite d’une chute en répétition. Le Herzliya Performing Arts Center a quant à lui présenté le très poétique spectacle The Roots de Kader Attou et sa compagnie Accrorap, occasion de présenter au public israélien la généreuse alliance du hip hop et de la danse contemporaine, qui fait la signature du chorégraphe. Les spectacles Flowers crack concrete de Yuval Pick et Sharon Eskenazi (projet Passerelles à Haïfa), White Beast de Sarah Baltzinger (Karmiel festival) et Skin du collectif Anecdote (Bat Yam et Jérusalem) ont permis de donner une visibilité à une scène plus émergente.

La présence à Saint Jean d’Acre (Forteresse des croisés) de William Christie et des Arts Florissants a incontestablement constitué lévénement musical de la première partie de la Saison, avec La Création (Haydn), et Acis et Galatée (Haendel), magnifiques de virtuosité, et qui auraient mérité un public plus large, à la hauteur de leur qualité artistique, que la communication (cf infra) n’a pas permis d’atteindre. Le 14 juillet, parallèlement à la programmation de Carmen par l’Opéra de Tel Aviv, 5 grandes voix féminines de lOpéra ont chanté de célèbres airs français, devant un public très nombreux (1500 personnes) rassemblé sur la place publique jouxtant l’Opéra, faisant de ce 14 juillet un événement populaire de très grande qualité. A la fin du mois d’août, le Red Sea Jazz festival d’Eilat a quant à lui accueilli, en partenariat avec Jazz à Juan, Emily Johnson et Eric Legnini, pour deux concerts exceptionnels. En septembre, ce sont les Francofolies de la Rochelle qui se sont exportées à Ashdod pour proposer 4 concerts-événement reflétant la diversité de la chanson francophone : Raphael, Jane Birkin, Amir et Magic System

La France était aussi présente au Festival international du film de Jérusalem fin juillet, avec une thématique « Musique et Cinéma », conçue tant pour le grand public (avec l’exceptionnel ciné-concert du pianiste Jean-François Zygel, qui a accompagné la projection de la version restaurée des Misérables d’Henri Fescourt, mais aussi la projection de Cessez le feu, d’Emmanuel Courcol, suivi d’un débat avec le compositeur du film, Jérôme Lemonnier, et enfin la performance musicale de la violoncelliste Sonia Wieder-Atherton, sur un film de Chantal Ackerman), que pour les professionnels, avec Les rencontres du 3ème personnage (très belle mise en relation de jeunes compositeurs français avec des réalisateurs israéliens, dans l’objectif de susciter des collaborations). 

Le cycle de cinéma pour les francophones, Un été de cinéma israélien – en français, s’est tenu tout l’été, valorisant la présence francophone en Israël autour de 8 films israéliens sous-titrés en français programmés dans les cinémathèques de Tel Aviv et de Jérusalem. Enfin, le festival international du Film de Haïfa a accueilli fin septembre une rencontre croisée entre deux séries emblématiques, le Bureau des légendes et Fauda

Début septembre, la France a occupé une place toute particulière au festival de linnovation de Tel Aviv (DLD), avec un stand French Tech permettant de donner une très belle vitrine à l’innovation française en accueillant de nombreuses startups et collectivités locales françaises. Ce festival a été l’occasion également de dédier une soirée aux arts numériques, pour faire connaître le savoir-faire français dans ce domaine qui allie culture et innovation, avec la performance mêlant son et images de DJ Chloé associée au collectif Scale. Le festival DLD a enfin constitué un contexte idéal pour organiser, à l’Institut français de Tel Aviv, un hackathon autour de la langue française. Ce hackathon, qui a pris la forme d’un concours de création d’un jeu vidéo permettant d’apprendre le français, a connu un très beau succès avec la participation de nombreuses équipes pluridisciplinaires et talentueuses. Les lauréats se rendront à Paris d’ici la fin de l’année et seront accompagnés pour développer et tenter d’éditer le jeu conçu dans le cadre du hackathon. 

La Saison a également été l’occasion de nouveaux échanges dexposition entre musées des sciences : le musée Bloomfield des Sciences de Jérusalem accueille ainsi, depuis le 22 juin dernier, l’exposition Risques, osez l’expo, produite par Universcience. L’exposition, qui sera proposée jusqu’au 10 décembre 2018, invite à réfléchir à la thématique du risque, en suivant un parcours ludique et interactif pour enfants et adultes. 

Lattention particulière portée à la jeunesse dans le cadre de cette Saison a dores et permis lorganisation, le 7 juin dernier, par lIsrael Volunteer Association et Œuvre de Secours aux Enfants, avec de nombreux partenaires, dun Forum du volontariat franco – israélien (Que la jeunesse sengage). Valorisant lengagement civique, ce Forum a aussi permis un échange dexpériences du volontariat en Israël et en France à travers des ateliers, des tables rondes et des témoignages de volontaires. 

Une partie de la programmation culturelle et scientifique a aussi été conçue spécifiquement pour le jeune public : les expositions croisées du Musée Bloomfiel et dUniverscience, les spectacles français programmés au Festival international de Marionnettes de Jérusalem ce mois daoût et qui ont connu un franc succès (Laprès-midi dun foehn de la Compagnie NonNova, Wax et David Séchaud du TJP, Bonjour Paris de Jacques Templeraud), les imposants Songes suspendus présentés devant un public très nombreux au Festival des arts de la rue de Bat Yam, léchange de jeunes collégiens cannois et jaffaouis autour de la réalisation dun documentaire, En route vers Cannes, occasion déchanges artistiques et humains très riches, qui appellent des prolongements. 

La visibilité de la Saison apparaît décevante. Elle pâtit en effet de l’absence d’un grand événement populaire d’ouverture, mais aussi de l’insuffisante mobilisation de notre partenaire israélien sur la communication de la Saison française en Israël. Parallèlement à l’organisation mise en place en France (pilotage de la communication de la Saison israélienne en France par l’Institut Français), cette communication relève en effet du Ministère des affaires étrangères israélien, opérateur de la Saison.

Si la coordination et le financement de la Saison ont très bien été pris en charge, il n’en est pas de même pour la communication, confiée à une équipe insuffisamment et trop tardivement informée des projets, et donc peu mobilisée pour définir et mettre en œuvre une véritable stratégie de communication. En conséquence :

– le site internet de la Saison a été particulièrement long à mettre en place et ne donne pas entière satisfaction. Son coût a par ailleurs absorbé une grande part du budget, ne permettant pas de mettre en place tous les outils de communication souhaités ; 

– les réseaux sociaux de la Saison présentent les mêmes difficultés, faisant reposer la visibilité de la Saison française en Israël sur les réseaux sociaux de l’Ambassade et de l’Institut en Israël ;

– la stratégie des Israéliens de ne pas réaliser de supports papier (brochures, programmes), jugés inutiles en Israël, se révèle inappropriée compte tenu des faiblesses de la communication digitale. 

Les reportages photo et vidéo sur les événements devraient permettre de contribuer à mieux faire connaître la Saison, et les prochains projets. S’agissant de la presse, une agence accompagne la Saison. Elle effectue un travail très sérieux, en lien avec le service de presse de l’Ambassade et de l’Institut, qui a permis à ce jour, malgré les difficultés de coopération avec les agences recrutées par les institutions israéliennes, une couverture media de la saison.

3.   La coopération scientifique, universitaire et éducative

Avec un pourcentage du PIB consacré à la R&D de 4,27 en 2015 (2,23 en France), 7000 startups et des Universités de rang mondial, dont 4 dans les 200 premières du Classement de Shanghai (Technion, Université hébraïque de Jérusalem, Institut Weizmann, Université de Tel Aviv), Israël est un pôle majeur de recherche et dinnovation

La coopération scientifique franco-israélienne est d’un très bon niveau, la France étant, en nombre de copublications, le 5ème partenaire dIsraël, derrière les États-Unis, l’Allemagne, le Royaume-Uni et l’Italie. Le poste, en lien avec le Haut-Conseil franco-israélien pour la science et la technologie (HCST), co- présidée par deux personnalités, française et israélienne (Marion Guillou, ancienne directrice de l’INRA, pour la France), encourage les mobilités entre les deux pays, notamment pour les jeunes chercheurs, en mobilisant :

– le programme Hubert Curien (PHC) Maïmonide, qui finance chaque année 6 projets de coopération pour deux ans autour de deux thématiques (Agriculture numérique et Cybersécurité pour l’appel à candidatures) ;

– les Bourses Chateaubriand pour des séjours de recherche en France de doctorants et chercheurs / professeurs israéliens, le programme de Volontariat International Chercheurs qui finance cinq jeunes chercheurs Français en doctorat ou post-doctorat en Israël.

La coopération scientifique franco-israélienne bénéficie également de l’action du Centre de recherche français à Jérusalem, des initiatives du CNRS et de l’INSERM et de l’implication d’Instituts, Ecoles et Universités, notamment l’Institut Pasteur, l’Ecole Polytechnique, Sciences Po, Aix Marseille Université et l’ESPCI.

La coopération spatiale franco-israélienne, qui a pour emblème le satellite Venμs développé entre la CNES et l’Agence Spatiale Israélienne et lancé en août 2017, est mise à l’honneur tout au long de la Saison à travers des actions pédagogiques dans des établissements scolaires. Jean-Yves Le Gall, Président du CNES, doctor honoris Causa du Technion, a participé à de telles actions en Israël, au bénéfice de 200 étudiants. Un séminaire scientifique est également prévu à l’automne. 

S’agissant de lattractivité universitaire de la France, celle-ci est aujourd’hui en-deçà de ce quelle devrait être (258 étudiants israéliens en France en 2016-2017, 12ème destination mondiale des étudiants israéliens d’après les données de l’UNESCO). Le SCAC mène un important travail pour, d’une part, mieux informer les étudiants israéliens sur la qualité des études en France (présence sur les campus, organisation de journées d’information, recours aux Alumni, etc.), et d’autre part, encourager les accords de mobilité entre universités françaises et israéliennes. Le Salon Choose France, organisé avec Campus France, qui se tiendra le 1er novembre prochain dans le cadre de la Saison croisée, doit contribuer à renforcer cette attractivité. 

L’IFI se félicite de la qualité des échanges avec lIF à Paris, mais sinquiète de la baisse des moyens de ce dernier, notamment pour accompagner la diffusion de la création française à l’étranger. 

Larchéologie expérimentale, l’un des fleurons de la recherche française, est désormais implantée à lUniversité Hébraïque de Jérusalem, grâce à une coopération initiée par le Centre de Recherche Français à Jérusalem (CRFJ) avec l’Université. Inaugurée le 7 juin, dans le cadre de la Saison, avec le Vice-Président de l’Université, cette salle devrait permettre aux étudiants, guidés par leurs enseignants, israéliens et français, de trouver des réponses à leurs questions pour comprendre quelle société se cache derrière ces objets modestes que sont les tessons, morceaux de pierre taillée, et autres outils. 

La Saison a également été l’occasion de nouveaux échanges dexposition entre musées des sciences : le musée Bloomfield des Sciences de Jérusalem accueille ainsi, depuis le 22 juin dernier, l’exposition Risques, osez l’expo, produite par Universcience. L’exposition, qui sera proposée jusqu’au 10 décembre 2018, invite à réfléchir à la thématique du risque, en suivant un parcours ludique et interactif pour enfants et adultes. 

Des conférences de très haut niveau ont enfin ponctué ces trois premiers mois de la Saison ([9]). En sciences humaines, l’Université de Tel Aviv a accueilli, le 6 juin, le colloque 1918-2018 : Faire la paix, occasion pour les intervenants français et israéliens de présenter leurs recherches sur la Grande Guerre, au travers notamment de témoignages, lettres et récits de protagonistes de l’époque, et d’autre part, les 11 et 12 juin, le colloque La Renaissance des origines : commencement, genèse et création dans lart des XVe et XVIe siècles, dans le cadre d’un partenariat entre le Département d’Histoire de l’Art de l’Université de Tel Aviv et le Centre d’Histoire de l’Art de la Renaissance de l’Université Paris 1 (Panthéon-Sorbonne).

La francophonie est largement répandue, mais est insuffisamment valorisée en Israël. La communauté franco-israélienne est la 3ème communauté française hors d’Europe (150 000 membres) et près d’un Israélien sur dix peut être considéré comme francophone. Un grand atout qui ne doit pas masquer la valorisation insuffisante de la langue française en Israël ces dernières années (réforme scolaire au désavantage des langues étrangères autres que l’anglais, non-transmission du français aux générations suivantes, écueil de la question de l’OIF).

Le nombre dapprenants de français dans lenseignement secondaire israélien a ainsi connu une forte baisse au cours des 15 dernières années (40000 élèves au début des années 2000, 15000 aujourd’hui), tandis que les départements de français des Universités peinent à se maintenir. Notre action s’efforce en conséquence de défendre la place du français à travers des actions structurantes de formation des enseignants et de soutien aux mobilités en France, mais aussi l’utilisation de l’outil culturel (éducation par le cinéma – programme Kolnoar présenté ci-dessus).

Notre dispositif denseignement en français comprend par ailleurs quatre établissements homologués AEFE (529 élèves) et un établissement titulaire du LabelFrancEducation auxquels il faut ajouter les 1289 étudiants qui suivent des cours de FLE à l’Institut français (Tel-Aviv – Haïfa – Nazareth), et un réseau de 7 associations FLAM (595 élèves), qui constitue un dispositif d’avenir en Israël. Votre rapporteur a pu en visiter deux, l’école Marc Chagal et l’établissement franco-israélien Mikvé Israël, dont il souhaite saluer l’engagement des enseignants, des parents et des équipes pédagogiques. Dans le cas de Marc Chagal, il s’agit clairement d’une crise de croissance d’une école qui n’a pas été suffisamment accompagnée par l’AEFE. Quant à l’établissement Mikvé Israël  et au lycée dati français Maimonide, il offre un exemple de la diversité de notre réseau d’enseignement à l’étranger, diversité qui devrait être davantage valorisée.

Au passage, votre rapporteur estime que les établissements gérés par l’Alliance israélite universelle devraient faire l’objet d’un soutien et d’un accompagnement renforcé.

4.   Les moyens financiers et humains

Linstitut français dIsraël dispose de trois implantations : Tel Aviv et les antennes de Haïfa et de Nazareth. Le regroupement administratif et budgétaire de ces trois emprises est effectif depuis le 1er janvier 2012. Le SCAC et lIFI ne forment quune seule entité

Les ressources humaines du réseau culturel EAF/SCAC se décomposent de la manière suivante en 2018 : 6 expatriés : COCAC-directrice de l’IFI, attachée culturelle-directrice adjointe, secrétaire général, attaché scientifique et universitaire, attaché de coopération pour le français, attachée audiovisuelle) ; 7 VIA chargés de missions dont le responsable de l’antenne de Nazareth ; 24 agents de droit local représentant 22,80 ETPT sous plafond autorisé (dont 4 pour Haïfa et 1 pour Nazareth) ; 18 enseignants (temps partiels, hors plafond de la LFI ;
Le consul de France à Haïfa est directeur délégué de l’antenne de Haïfa.
L’agent comptable régional à Tel Aviv a compétence pour l’Institut français d’Israël, l’Institut français de Jérusalem et le Centre de recherche français de Jérusalem (IFRE). A ce dispositif s’ajoute la présence de 5 VI chercheurs dans des universités israéliennes. 

Sur le programme 185, le SCAC disposait d’une enveloppe totale de 1,6 millions deuros en 2017. Elle s’établit en 2018 à 1,7 millions deuros (dont 0,9 Meuros pour la dotation de fonctionnement à l’IFI) et se répartit comme suit : 

– Français et diversité linguistique : 88 050 euros ;

– Coopération et diffusion culturelles – dotation pour opération à l’IFI : 192 600 euros ;

– Enseignement supérieur et recherche : 450 910 euros (dont 156 780 euros de bourses, 141 770 euros pour les programmes d’échanges scientifiques et 99 180 euros pour la dotation de fonctionnement au Centre de recherche français à Jérusalem).

Sur le programme 209, le SCAC dispose d’une modeste enveloppe de crédits (9 545 euros en 2017 et 2018), essentiellement pour des bourses dans le domaine de la coopération administrative. 

LIFI dispose en 2018 dun budget de 11,6 M de shekels, soit 2,8 millions deuros (contre 2,4 millions deuros de budget réalisé en 2017). La prévision nest pas encore établie pour 2019. Tableau

La part de lautofinancement de lIFI est de 45,54 % et provient pour lessentiel des recettes de cours (36% du budget). 

La stratégie de mécénat est menée à léchelle de lambassade, avec lappui fondamental de lambassadrice. Les financements privés sont pourtant difficiles à obtenir dans le contexte local israélien. Les recettes perçues correspondent pour lessentiel à des opérations de sponsoring sur des projets. Le total des recettes de sponsoring était de 54.517 euros en 2017. La prévision 2018 est en hausse (190 000 euros), en raison de la Saison croisée. Dans loptique du développement des ressources privées, il serait utile douvrir la possibilité pour linstitut, ou une structure ad hoc, démettre des reçus fiscaux.


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   Conclusion

Sur la diplomatie dinfluence en zone de crise, votre rapporteur souhaite tout d’abord rappeler quelques chiffres collectés durant sa mission, en faisant abstraction du pays ou du territoire de rattachement : 8 implantations d’instituts officiels, une trentaine d’associations locales d’apprentissage du française (type Alliance), 18 expatriés et une cinquantaine d’Agents de Droit Local, et une quinzaine de volontaires internationaux ; une quarantaine d’enseignants certifiés, dont une vingtaine détachés directement par l’État, et environ 130 enseignants dans les établissements homologués par l’Éducation Nationale, qui scolarisent plus d’un millier d’enfants ; une vingtaine d’enseignants hors cadre scolaire ; 6 chercheurs ; près de 4 millions d’euros de crédits, auxquels s’ajoute un million de bourses diverses. S’y ajoutent de nombreux projets de coopération décentralisée (communes et régions, encore une fois des deux côtés), un projet pilote franco-allemand à Ramallah, et la présidence de l’EUNIC.

Notre action dans la région requiert des moyens. Une logique strictement comptable, de rabot ou d’abandon aux acteurs privés, serait une erreur, et nous ne sommes pas dans cette perspective. Les grands choix de redéploiement des moyens doivent faire l’objet d’une réflexion stratégique, dans un dialogue entre Paris et les postes, et correspondre à nos choix globaux de défense de la paix, du multilatéralisme et du droit international. Il est par ailleurs essentiel de coordonner les différents acteurs au niveau local pour rester présents.

Notre action sur place mériterait de gagner en visibilité, y compris auprès des décideurs publics. Nos partenaires et pour nos agents travaillent dans un contexte difficile, et donnent du sens au quotidien à l’engagement de la France en faveur de la paix. Quelques exemples : les enseignants du lycée français de Jérusalem, fréquenté en grande majorité par des Palestiniens, sont en grande majorité Israéliens. Nos chercheurs du CRFJ et ceux de l’IFPO travaillent en étroite collaboration. Les ondes de la communication numérique s’arrêtent rarement aux check-points.

De façon plus générale, votre rapporteur préfèrerait parler « de présence active de la France dans le monde », présence active basée effectivement sur trois réseaux au sens large, c’est-à-dire trois domaines dans lesquels la France, des Français et des Francophiles, s’engagent, dans le cadre clair d’une volonté nationale et de valeurs partagées : des entrepreneurs, des experts, des entreprises, des analystes, des investisseurs, des salariés en mobilité, des agences et des conseillers de nos territoires, tous publics, associatifs ou privés, forment le réseau économique ; des enseignants, des parents, des inspecteurs, des chercheurs, des opérateurs, des organisations et des investisseurs, publics, associatifs ou privés, forment le réseau éducatif ; des artistes, des agents d’artistes, des ingénieurs de festivals ou d’événements culturels, des professeurs, des opérateurs, des musées et des institutions culturelles, des universités, et bien d’autres, publics, associatifs ou privés, forment le réseau culturel.

Ces trois réseaux, nous l’avons dit, doivent être mis en cohérence plus grande avec la diplomatie française, dans le respect de leur différence de statuts. Les outils existent pour cela (homologations, conventionnements, co-financement, mise à disposition de ressources). Et cette mise ne cohérence nécessite que nous rattrapions notre retard dans le numérique.

Ces réseaux doivent aussi participer aux efforts dintégration européenne. Tout d’abord à la relance de la coopération franco-allemande, dont la création de 10 établissements communs Goethe-Institut Français annoncée dans le nouveau Traité de l’Élysée – votre rapporteur est non seulement représentant des Français installés en Allemagne, où ces trois réseaux foisonnent depuis un demi-siècle, mais il a été également enthousiasmé par la richesse de l’expérience de Ramallah. Nous devons également tirer profit de notre présidence du réseau EUNIC pour donner du sens à la diplomatie culturelle et d’influence européenne.

Cette présence active de la France dans le monde doit donc être portée et pilotée au plus haut niveau politique.

 


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   TRAVAUX DE LA COMMISSION : PRÉSENTATION DU RAPPORT DEVANT LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES ET EXAMEN DES CRÉDITS

Mme la présidente Marielle de Sarnez. Notre ordre du jour appelle l’examen des crédits de deux missions budgétaires : « Action extérieure de l’État », dont nos rapporteurs pour avis sont Anne Genetet et Frédéric Petit, puis « Immigration, asile et intégration », dont Pierre-Henri Dumont est le rapporteur pour avis.

Les crédits de la mission « Action extérieure de l’État » font l’objet de deux rapports : celui d’Anne Genetet consacré aux programmes 105 « Action de la France en Europe et dans le monde » et 151 « Français de l’étranger et affaires consulaires », tandis que celui de Frédéric Petit est relatif au programme 185 « Diplomatie culturelle et d’influence ». Nous allons examiner successivement ces deux rapports.

L’année 2019 devrait être l’occasion d’assurer une modernisation et une mise en cohérence des réseaux de l’État à l’étranger : il s’agit d’améliorer le pilotage et de réaliser des synergies, de prendre en compte la révolution numérique et d’assurer une meilleure gestion des compétences. L’une des préconisations que vous aviez formulées l’année dernière, madame la rapporteure pour avis, sera mise en œuvre : l’ensemble des personnels assurant les fonctions « support » des réseaux à l’étranger des autres ministères sera, en effet, transféré au Quai d’Orsay. C’est une évolution que notre commission trouve très positive – nous l’avons dit lors de nos premiers échanges de vues sur cette mission.

La France a choisi, à juste titre, de sauvegarder son réseau mondial. C’est un choix cohérent avec la promotion du multilatéralisme : cette priorité affichée par le Président de la République repose sur notre capacité à parler à tous et à susciter des partenariats et des ententes.

Je vais d’abord donner la parole à notre rapporteure pour avis sur les programmes « Action de la France en Europe et dans le monde » et « Français à l’étranger et affaires consulaires ».

Mme Anne Genetet, rapporteure pour avis. Permettez-moi de commencer ma présentation par une petite annonce pour laquelle je n’ai pas trouvé d’autre support : « Urgent, élève sérieux recherche solution innovante afin de relever un défi majeur pour son avenir, pronostic vital engagé ». C’est un peu sévère, mais je pense que le ministère de l’Europe et des affaires étrangères pourrait tout à fait reprendre à son compte cette annonce pour les deux programmes dont je suis chargée.

Le budget du ministère des affaires étrangères est un tout petit budget, représentant environ 1,2 % des dépenses totales de l’État, mais pour une très grande mission puisqu’il s’agit de faire rayonner la France dans le monde. C’est du cœur vibrant de la France, de sa présence et de son influence qu’il est question, et vous savez à quel point ces sujets me tiennent à cœur. Dire que ce budget vise à soutenir la diplomatie au sens classique du terme, c’est-à-dire politique ou culturel, serait très réducteur : la diplomatie est également académique, scientifique, économique, stratégique, et que sais-je encore ?

Il faut également souligner que notre réseau consulaire accomplit un travail remarquable au service des Français, qu’ils soient résidents à l’étranger ou seulement de passage – ils sont très nombreux à entrer dans cette dernière catégorie, car nous voyageons beaucoup.

J’ajoute que ces missions diplomatiques et consulaires ne pourraient pas être accomplies sans les femmes et les hommes qui animent le réseau. Il faut les saluer : ils font preuve d’un engagement et d’un dévouement absolument remarquables, dans des conditions difficiles qui imposent de se poser la question de leur souffrance au travail – j’aurai l’occasion d’en reparler.

Je reviens à ma « petite annonce ». Pourquoi ai-je parlé d’un « élève sérieux » ? C’est que le ministère de l’Europe et des affaires étrangères a déjà largement contribué à l’effort de réduction de la dépense publique : il a perdu 30 % de ses effectifs en dix ans, ce qui est quand même considérable. Peu de ministères peuvent en dire autant. Pourquoi faut-il des « solutions innovantes » ? Parce que le monde change, de même que les outils et les méthodes. Le ministère a un peu évolué, c’est vrai, mais je trouve qu’il est très optimiste de parler de « révolution numérique », madame la présidente : je n’ai pas encore vu une telle révolution au sein de ce ministère – il y a vraiment beaucoup de marge… Parfois, on manque aussi un peu d’audace, y compris sur le plan budgétaire, mais cela ne relève pas que du ministère. En quoi s’agit-il de « relever un défi » ? Le monde change, je l’ai dit : si l’on ne s’adapte pas, il va devenir compliqué d’être compétitif et efficace – car on peut parler de compétition dans le domaine de la diplomatie, j’y reviendrai peut-être à propos de la mutualisation de nos emprises. Enfin, pourquoi le « pronostic vital » est-il engagé ? Quand on est maigre, ce qui est le cas de ce ministère, prolonger son régime finit par être très dangereux. Nous ne sommes pas loin d’en être là : il est important de le souligner.

Mon rapport va au-delà de la simple analyse comptable, mais je vais commencer par vous dire quelques mots du budget en lui-même. La difficulté est que les chiffres varient dans des proportions considérables par rapport à ceux de l’an dernier – il y a 50 % de crédits supplémentaires ici, et 20 % en moins ailleurs – à cause d’aménagements purement comptables qui rendent la lecture du budget et l’établissement des comparaisons extrêmement difficiles à réaliser. Je ne vais donc pas vous assommer de chiffres inutiles, et vite oubliés.

La diplomatie, rassurons-nous, pourra continuer à fonctionner, mais je me pose la question du périmètre des missions confiées aux ambassadeurs. Certains de nos collègues ont présenté un rapport très intéressant qui évoque la possibilité d’engager une diplomatie écologique : je suis tout à fait réceptive à cette idée, mais je ne vois pas, très honnêtement, comment on peut la mettre en œuvre. J’ai en effet un « scoop » : malgré le décalage horaire, les journées de nos ambassadeurs durent 24 heures partout dans le monde. Il y a donc un léger problème.

Nos contributions aux organisations internationales, qui relèvent du programme 105, vont sensiblement se réduire, notamment du fait de la baisse des montants alloués aux opérations de maintien de la paix – elles représentent 48 % de nos contributions internationales au titre de ce programme, ce qui est quand même assez important.

En ce qui concerne nos consulats, la situation sera à peu près la même en 2019 que l’an dernier : elle va rester tendue car les effectifs et les moyens sont extrêmement restreints. Je pense au cas d’une consule qui est obligée de parcourir 400 kilomètres, dans les deux sens, pour acheter des cartouches d’encre qui coûtent trop cher là où elle est en poste – elle est donc obligée d’aller dans le pays voisin pour se les procurer. Cela vous donne une idée de la manière dont nos consulats peuvent travailler.

Au-delà des mouvements comptables que j’ai évoqués, l’écueil principal est la mesure de la performance. Sait-on si ce budget est efficace ou non ? C’est une question que l’on peut se poser. Il y a des indicateurs, on fait du chiffre, ce qui est bien, mais on ne mesure pas la totalité de la performance du réseau. Comme je l’ai déjà indiqué l’année dernière, un indicateur efficace et performant doit être « SMART », c’est-à-dire spécifique, mesurable, atteignable, réaliste et temporellement défini. Or on en est loin avec les indicateurs existants. Je vais redonner un exemple que j’ai déjà évoqué l’an dernier et qui me fait beaucoup sourire. Comment mesure-t-on si les Français à l’étranger sont en sécurité ? On regarde combien de fois ils ont double-cliqué sur des fiches « Conseils aux voyageurs ». Personnellement, je ne me sens pas plus en sécurité quand j’ai cliqué deux fois plutôt qu’une, mais le ministère a l’air de considérer que ce critère est pertinent. Je crois, cette année encore, que l’on peut remettre en question les indicateurs : ils me semblent toujours aussi peu significatifs.

Ce qui serait utile serait d’arriver à mesurer réellement l’influence de notre pays. On peut notamment le faire en s’intéressant au nombre de fonctionnaires français en poste dans les organismes internationaux – c’est un chiffre qui existe. Peut-on mesurer, en revanche, la performance en fonction du nombre de télégrammes qu’un ambassadeur envoie en France ? Je n’ai rien contre notre ambassadeur bilatéral à Bruxelles, bien entendu, mais j’espère que Paris reçoit des informations de cette capitale plus vite que par les télégrammes envoyés par notre ambassadeur, compte tenu de la proximité qui existe et des moyens dont on dispose maintenant.

Le facteur « temps » est un autre élément très important à prendre en compte pour appréhender le fonctionnement de notre diplomatie et de notre réseau consulaire. Ce sont, en effet, des métiers profondément humains qui nécessitent du temps. Or cela n’apparaît jamais dans les indicateurs, sauf quand on calcule le nombre d’actes réalisés par jour, c’est-à-dire marginalement, ce qui est extrêmement regrettable. Vous savez qu’il existe, en particulier, des « tournées consulaires » au cours desquelles les consuls se rendent dans des territoires éloignés, notamment pour recueillir des demandes de renouvellement de passeports, par exemple de la part d’une personne très âgée qui résiderait dans le Sud du Japon, très loin du consulat de Tokyo – comme il n’y en a plus à Kyoto, le consul va à la rencontre de cette personne. Le temps consacré à une telle activité n’est pas comptabilisé, pas plus que le nombre de tournées consulaires. On sait qu’il y en a, mais on n’a aucune idée de leur nombre ni du temps que cela représente. C’est d’autant plus dommage qu’il s’agit d’un travail important qui est réalisé au service des communautés françaises.

Je pense qu’il faut revoir les indicateurs existants et en envisager de nouveaux, notamment afin de suivre la mise en œuvre de la réforme en cours – on n’a jamais pu le faire pour les précédentes.

Il existe une approche idyllique : on doit améliorer la qualité des services publics, ce qui est un vaste programme, offrir un environnement de travail modernisé – je peux vous dire qu’on en est vraiment très loin – et enfin accompagner la baisse des dépenses publiques. Tout cela est parfait, ce sont de beaux objectifs, mais concrètement cela se traduira en 2019 par l’application d’un couperet : il est prévu de réduire la masse salariale des réseaux de l’Etat à l’étranger de 10 % sur quatre ans. Je tiens à préciser que cela ne concernera pas le budget des écoles françaises à l’étranger, ce qui est très important – Frédéric Petit reviendra peut-être sur ce point –, mais cette réduction de 10 % de la masse salariale doit s’appliquer à tous les emplois dans nos postes à l’étranger, y compris ceux qui ne dépendent pas du Quai d’Orsay – cela représente 25 % du total. Tout cela est fait dans une certaine précipitation : nos ambassadeurs doivent donner un avis sur les postes à supprimer d’ici au 4 novembre. Car c’est bien de cela qu’il s’agit : on ne va pas réduire les salaires, mais couper des têtes. Il manque une vision rationnelle et une association des agents à la réflexion. En revanche, comme notre présidente l’a rappelé, les ambassadeurs auront désormais une vue globale : ils exerceront un vrai pilotage sur la totalité des agents en poste, comme je l’avais demandé l’année dernière.

Je vais aller vite sur les autres points, car je vois qu’il me reste peu de temps. Il y a quand même des motifs de satisfaction : l’adaptation des formats, l’universalité du réseau, qu’il faut préserver, le système des « bureaux de France », qui me paraît tout à fait intéressant, ainsi que la réalisation de progrès indéniables dans le domaine des services consulaires, même s’il y a un problème de performance du côté des outils informatiques. Leur durée de vie dans nos consulats est de douze ans, en moyenne – il y a plus neuf, mais aussi plus vieux. Qui, parmi nous, utilise encore un logiciel aussi âgé ? La souffrance au travail des agents, que j’ai évoquée tout à l’heure, est vraiment considérable.

En ce qui concerne l’avenir, je crois qu’il faut repenser la diplomatie et revoir son périmètre. Quand on arrive à l’os, il y a un moment où il faut se séparer de certaines missions : on pourrait se recentrer sur l’humain, la politique et l’économique, tout en s’interrogeant peut-être sur le reste. Il faut aussi faire appel plus souvent à des acteurs privés et envisager des mutualisations, comme on l’a fait cette année pour les fonctions « support ». Il est possible d’aller plus loin : dans le domaine de la diplomatie économique, par exemple, le Quai d’Orsay et Bercy se marchent un peu sur les pieds, et l’on pourrait donc réfléchir à une meilleure articulation.

On pourrait aussi avoir plus fréquemment recours à des employés de droit local : il y a des pays où cela représente un surcoût, mais d’autres où c’est moins cher. Il faut savoir qu’il y a environ 46 % d’employés de droit local dans nos représentations diplomatiques et consulaires, contre 60 % chez nos voisins allemands et britanniques. Autre exemple, j’ai pu constater récemment que l’ambassadeur d’Indonésie était accompagné par un Français lorsque je l’ai rencontré. On peut tout à fait recourir à des employés locaux ou à des Français employés localement afin de remplir certaines missions. Au-delà de cette question, le statut d’expatrié pose question en Europe : si nous appartenons à un grand ensemble commun, on s’expatrie quand on en sort, mais je ne vois pas en quoi on est expatrié quand on est un Français en Allemagne.

Il faut repenser les services consulaires en prenant en compte le temps passé, je l’ai dit, mais aussi en rénovant les outils informatiques et en préservant une fonction que l’on peut appeler la « place du village » : il y a quelques années encore, le consulat était vraiment un endroit où l’on se retrouvait. On s’y rendait sans rendez-vous, et l’on y croisait des gens que l’on n’avait pas vus depuis longtemps : c’était vraiment une place de village. Pour des raisons d’efficacité, il faut maintenant prendre rendez-vous, et l’on ne peut plus rencontrer par hasard une connaissance. On a donc perdu la fonction de « place du village », ce qui est un peu regrettable. Il faut tout de même veiller à conserver l’essentiel, c’est-à-dire la délivrance des passeports et des visas ainsi que l’aide sociale. On doit aussi améliorer les conditions de travail, dont j’ai déjà dit un mot.

Enfin, il faudrait peut-être améliorer la visibilité de notre réseau : je ne suis pas sûre que vous connaissiez tous très bien, vous qui n’êtes pas des députés des Français établis hors de France, ce qui se passe dans nos postes consulaires et diplomatiques, combien une telle présence française est essentielle et à quel point ces agents contribuent à faire vibrer le mot « France » à l’étranger. C’est important : quand on a besoin de développer des partenariats ou de trouver des appuis dans une organisation internationale, c’est le travail de fourmi réalisé en amont, au fil du temps, qui permet d’assurer notre réussite.

De manière globale, je voudrais souligner que ce budget a, malgré tout, été maintenu. Si j’ai mis en avant des pistes d’amélioration, je vois bien aussi qu’il y a une volonté d’avancer et que, très honnêtement, les agents font ce qu’ils peuvent avec le peu de moyens dont ils disposent. Sauf sur certains points que j’ai indiqués, le problème ne se situe pas tant au Quai d’Orsay que sur le plan budgétaire : on est dans un cadre contraint, et ce budget prend sa part de l’effort demandé. Il va maintenant falloir réfléchir à la manière dont on peut aller plus loin.

Mme la présidente Marielle de Sarnez. Merci beaucoup pour ce rapport très intéressant et très substantiel. Je vais commencer par donner la parole aux représentants des groupes.

Mme Laetitia Saint-Paul. Merci à Anne Genetet pour l’enthousiasme dont elle fait preuve à chaque fois qu’elle prend la parole : c’est toujours un plaisir de l’écouter.

La mission « Action extérieure de l’État » constitue le cœur de la diplomatie française. C’est en effet cette mission qui permet à la France de faire entendre sa voix et de défendre une vision du monde que certains souhaiteraient obsolète : notre diplomatie est médiatrice, elle parle à tous les acteurs et elle travaille au dénouement des crises ; c’est aussi une diplomatie qui défend le multilatéralisme face à l’unilatéralisme, assumé, des États-Unis, et qui veut répondre aux grands défis de notre temps en matière de développement, d’urgence climatique et de sécurité.

En 2019, les crédits de cette mission budgétaire seront stabilisés à périmètre constant. Surtout, ils s’inscrivent dans le cadre du plan « Action publique 2022 », qui vise à donner au ministère de l’Europe et des affaires étrangères un rôle accru dans le pilotage des moyens publics de l’ensemble des réseaux de l’État à l’étranger et à renforcer le rôle interministériel des chefs de poste comme force de proposition pour la composition et l’organisation de leurs équipes au plan local.

L’objectif de réduction de la masse salariale et les efforts financiers du Quai d’Orsay sont évidemment à examiner avec la plus grande attention, notre priorité étant de garantir les moyens nécessaires à une diplomatie universelle, mais aussi les conditions de travail de nos personnels diplomatiques à l’étranger. C’est parce que notre diplomatie a besoin d’un soutien fort que, avec toute la vigilance requise par notre rôle de parlementaires de la commission des affaires étrangères, le groupe de La République en Marche votera ces crédits.

Mme Bérengère Poletti. Je voudrais d’abord remercier Anne Genetet pour la présentation de son rapport. Laëtitia Saint-Paul a parlé d’enthousiasme, mais j’ai surtout eu l’impression qu’il y avait un peu de piquant, voire un peu de déception dans les propos de notre rapporteure. Quand on s’engage dans la vie politique avec une forte envie d’agir et une bonne connaissance de certains secteurs, on peut souhaiter que son propre parti politique propose autre chose que des réductions de crédits, qui sont quand même assez difficiles à présenter.

Comme je l’ai dit en commission lors de nos précédents échanges, des efforts budgétaires peuvent être réalisés, bien sûr, mais le problème est peut-être que l’on manque un peu de stratégie. Pendant la dernière crise économique, les Pays-Bas ont considérablement réduit les moyens de leur réseau diplomatique mais ils l’ont fait en suivant une stratégie : dans les pays où ils voulaient conserver leur influence, voire l’augmenter, les moyens ont été préservés. Je n’ai pas vraiment l’impression que nous ayons procédé de cette manière : on a réduit les moyens d’à peu près tout le monde, si bien que chacun souffre beaucoup. Notre rapporteure pour avis a évoqué, à juste titre, la nécessité de mettre les choses en cohérence et de faire rayonner notre pays. Néanmoins, ce que je constate à l’étranger est qu’il y a de plus en plus de souffrance dans notre réseau diplomatique, où l’on sent bien que la situation devient compliquée. À force de maigrir, on finit par attaquer l’os : on a déjà commencé à le faire l’année dernière et cela devient franchement douloureux cette année.

La première question que je voudrais poser au nom du groupe Les Républicains est relative à la stratégie du Gouvernement. Où souhaite-t-il maintenir notre influence et préserver des moyens ? Une réflexion de ce type est-elle en cours ? Je souhaiterais également évoquer une difficulté qui ne concerne pas forcément tous les pays, mais que j’ai eu l’occasion d’observer à plusieurs reprises : la cohabitation entre les moyens de l’Agence française de développement (AFD) et ceux des ambassades pose visiblement un problème. Enfin, j’aimerais revenir sur une question à laquelle j’ai eu une réponse confidentielle, mais qui mériterait sans doute de faire l’objet d’une explication devant l’ensemble de la commission : va-t-on enfin réaliser des économies en ce qui concerne les ambassadeurs thématiques ?

M. Bruno Joncour. Je tiens également à souligner la qualité de l’éclairage qui nous a été donné sur ce sujet majeur.

La mission « Action extérieure de l’État » regroupe un vaste spectre d’actions menées par la France dans le monde, et elle concentre plus de la moitié des crédits du ministère de l’Europe et des affaires étrangères – le seul programme 105 représente 59 % des emplois de ce ministère.

La diplomatie française reste l’une des plus actives et des plus influentes sur la scène internationale, notamment grâce à la solidité de son réseau consulaire et à la force de sa diplomatie d’influence, culturelle et économique. C’est un bien précieux qu’il faut savoir préserver.

Le groupe du Mouvement Démocrate et apparentés est satisfait de voir le ministère de l’Europe et des affaires étrangères devenir enfin l’affectataire unique des biens immobiliers de l’État à l’étranger : c’est une nécessité pour assurer la lisibilité de l’action menée.

Notre réseau consulaire offre un service public aux presque deux millions de Français qui sont installés à l’étranger, et ce service est d’autant plus important lorsque nos concitoyens se trouvent dans des pays où notre présence est faible. Il est important que la réforme du « consulat numérique » porte ses fruits, afin que l’on puisse fournir partout un service de qualité et accessible.

Mon groupe partage certaines des idées avancées par la rapporteure pour avis. Je voudrais également faire un rappel qui concerne l’excellent rapport sur la biodiversité que notre collègue Jean-François Mbaye nous a présenté : nous avons suggéré à cette occasion que des enseignants, des chercheurs et des scientifiques puissent mettre leur expérience, leurs connaissances et leur expertise au service de la diplomatie dite « écologique ». Comment pourrait-on intégrer cette proposition dans le cadre de la réduction des moyens ? C’est une question sur laquelle nous aurons certainement à revenir. En tout cas, mon groupe votera les crédits de cette mission.

M. Maurice Leroy. J’ai apprécié la manière dont Anne Genetet s’est exprimée : je l’ai trouvée assez courageuse. Je ne sais pas si l’on suit nos travaux depuis la planète Mars, mais un Martien qui aurait garé sa soucoupe volante pour rejoindre nos travaux aurait du mal à percevoir que c’est une députée de la majorité qui présente ces crédits. (Sourires.) Comme l’a un peu suggéré Bérengère Poletti, qui aime bien châtie bien : on sent que vous avez envie de défendre cette mission « Action extérieure de l’État », et je trouve votre rapport vraiment intéressant car vous ne pratiquez pas la langue de bois. Je sais combien l’exercice est difficile…

Nous voulons tous agir contre la dépense publique : c’est un mal français. Le ministère de l’Europe et des affaires étrangères a perdu 30 % de ses effectifs en dix ans, cela a été dit tout à l’heure, mais le premier ministère qui a contribué à l’effort est celui de Bercy, pour donner l’exemple. On sent bien dans votre rapport et dans votre présentation orale que c’est le rabot qui pose problème : en fin de compte, il n’y a pas de stratégie. Quels que soient les gouvernements qui se succèdent, on rabote à chaque fois, car il y a une commande de Bercy – les fameuses lettres de cadrage. Cela donne concrètement des cas comme celui de la consule qui doit faire 400 kilomètres pour acheter des cartouches d’encre… Je relève que vous êtes peut-être plus critique que toutes les oppositions réunies, alors que vous n’êtes pas susceptible d’être antigouvernementale. La vraie question est celle de la stratégie : que voulons-nous faire de la mission « Action extérieure de l’État » ?

Dans ces conditions, le groupe UDI, Agir et Indépendants salue d’autant plus l’engagement des femmes et des hommes qui servent avec dévouement la France dans le monde et qui la représentent.

J’ai enfin une question sur le tourisme, qui dépend maintenant du ministère des affaires étrangères : avez-vous senti à l’occasion de vos travaux que c’est une préoccupation du réseau consulaire, ou au contraire que cela n’intéresse personne ? Vous savez que j’ai conduit, avec Jean-François Portarrieu, une mission d’information sur le tourisme : il serait intéressant de savoir si l’on s’empare réellement ou non de cette question.

M. Alain David. Merci à Anne Genetet pour l’excellent rapport qu’elle a présenté, comme d’habitude.

En ce qui concerne le programme 105, « Action de la France en Europe et dans le monde », un point attire l’attention du groupe Socialistes et apparentés : la contribution de la France au multilatéralisme, et en particulier aux organisations internationales, baissera de 74 millions d’euros. Ce coup de rabot important, qui représente environ 10 % des crédits adoptés pour 2018, ne revient pas à donner un signal fort de soutien au multilatéralisme.

Autre élément notable, le budget des opérations de maintien de la paix a été adopté en baisse, pour la quatrième année consécutive, du fait des désaccords au sein de l’Organisation des Nations unies (ONU) : les négociations sont difficiles, à cause de la forte pression qui est maintenue par l’administration américaine, et il y aura de sérieux problèmes compte tenu de l’évolution des crédits.

Il a déjà été largement question du retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne dans le cadre d’une autre réunion, mais il faut quand même souligner qu’il y aura une contribution relativement importante de la France pour compenser une sortie non négociée des Britanniques. Je repose donc la question : comment le Gouvernement compte-t-il faire pour pallier le manque à gagner au sein du budget de l’Union européenne ?

La négociation du prochain cadre financier pluriannuel n’a jamais semblé aussi difficile, au vu des divergences entre les États membres. Comment le Gouvernement entend-il gérer le risque politique lié aux élections européennes et ses répercussions budgétaires ? On ne sait pas vraiment où l’on va, c’est-à-dire si la majorité actuelle se maintiendra au sein de l’Union européenne ou, pire encore, si une forte composante nationaliste ou populiste sera élue.

Enfin, je voudrais souligner que l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger (AEFE) verra ses crédits se réduire de 15 millions d’euros.

Mme la présidente Marielle de Sarnez. Si je puis me permettre, cela concerne le rapport que présentera tout à l’heure Frédéric Petit.

M. Jean-Paul Lecoq. Merci à notre rapporteure pour la qualité de son travail. Vous savez néanmoins que le groupe de la Gauche démocrate et républicaine se prononce en fonction des choix politiques qui guident l’affectation des crédits, même dans l’hypothèse où le rapport est plus que parfait…

Il faut saluer la qualité de nos diplomates partout dans le monde, que ce soit dans nos ambassades bilatérales ou dans les espaces de diplomatie multilatérale – à l’ONU, à Vienne ou à Genève. On doit vraiment défendre leur métier : ce ne sont pas des techniciens. Quand il s’agit d’œuvrer à la paix dans le monde, il est bon d’avoir des diplomates et de leur donner un statut qui les protège. Si j’insiste sur ce point, c’est qu’il y a tout un débat au Quai d’Orsay sur la question des statuts, en particulier sur la façon dont on rémunère et on embauche les gens. Je pense qu’il faut toujours avoir en tête l’objectif politique que l’on se fixe avant de mettre les moyens en face. Or on est aujourd’hui dans une gestion comptable : on commence par dire quels moyens on affecte et on essaie ensuite d’adapter l’objectif politique. Cela ne correspond pas à la manière dont le monde fonctionne : il faut se fixer des objectifs.

Le fait que les ambassadeurs vont devenir les chefs d’équipe ou les patrons des postes est-il un « scoop » ou une révolution ? Je croyais que c’était évident, même si vous allez peut-être nous dire que les décisions se prennent jusqu’à présent au Quai d’Orsay, y compris les embauches, que les ambassadeurs découvrent par la suite.

Je souhaite que nos ambassadeurs se consacrent à de la diplomatie, ce qui revient à faire de l’humain. Cela se chiffre difficilement – je suis d’accord avec notre rapporteure –, mais c’est essentiel.

Enfin, nous n’acceptons pas que de telles fortunes – 36 millions d’euros, dont 24 cette année – soient consacrées au G7. Ce sont des dépenses somptuaires qui ne sont pas justifiées pour ce genre de réunions. Compte tenu du nombre des membres du G7, cela fait cher par pays invité !

M. Christophe Naegelen. Merci beaucoup à Anne Genetet pour son rapport.

Notre réseau consulaire est, en effet, une vraie chance. La rapporteure pour avis ayant déploré que les effectifs aient été réduits de 30 % au Quai d’Orsay en dix ans, je repense au débat que nous avons eu hier soir lorsque nous avons examiné l’article 29 du projet de loi de finances : il a été question du réseau consulaire en France, et je nous imagine en train de pleurer, dans dix ans, sur le détricotage complet de ce maillage à l’intérieur de notre pays. C’est un peu hors sujet, mais je pense qu’il est important de parler du traitement que l’on réserve aux « consulaires » en France – ils n’ont pas le même rôle qu’à l’étranger, mais on emploie le même terme.

Quant à la consule qui fait 400 kilomètres pour aller chercher des cartouches d’encre, pardonnez-moi mais je crois que c’est surtout de la bêtise… J’espère que le prix du carburant n’est pas le même qu’en France : sinon, on aurait de quoi acheter tout un paquet de cartouches rien qu’avec ça.

Le rapport qui nous a été présenté est très bien fait, mais il soulève beaucoup d’interrogations, la plus importante étant de savoir ce que vous préconisez, pour votre part, et ce que nous pouvons faire, tous ensemble, pour que ce budget augmente et que la France retrouve des moyens d’action pour ses ambassades et son réseau consulaire.

M. Meyer Habib. Je voudrais ajouter une réflexion à ce qui a été dit par certains de nos collègues, en m’arrêtant sur la question du soutien au tissu associatif des Français de l’étranger (STAFE). On sait que, dans le cadre de la loi du 15 septembre 2017 pour la confiance dans la vie politique, la réserve parlementaire a été supprimée. Dont acte. J’ai été, à l’époque, le seul député des Français de l’étranger – je suis, du reste, le seul député des Français de l’étranger faisant partie de l’opposition – à m’y opposer et voter contre.

Or, je vous le répète, madame le rapporteure pour avis, cette suppression a été – et est toujours – ressentie comme un véritable coup de poignard par toutes les associations françaises à l’étranger, qui ont pourtant voté massivement pour Emmanuel Macron puis pour votre parti politique, La République en Marche, aux dernières élections législatives. Vous l’avez dit, les Français de l’étranger et leurs associations font briller la France à l’étranger.

À l’époque de la suppression de la réserve parlementaire, le Gouvernement s’était engagé à associer les députés des Français de l’étranger au nouveau dispositif STAFE. Or je n’ai jamais été contacté, pour quelque association que ce soit, alors que, dans l’hémicycle, j’avais explicitement demandé à l’être. Telle est la triste réalité. Peut-être avez-vous organisé la consultation annoncée entre vous, de manière partisane.

M. Pierre-Henri Dumont. Oh ! Ils n’auraient pas osé !

M. Meyer Habib. Quoi qu’il en soit, en tant que député de l’opposition, je n’ai jamais eu le moindre appel. Or les députés connaissent leur circonscription. Je le dis avec modestie : j’ai été réélu dans la huitième circonscription des Français de l’étranger, dans des conditions difficiles, avec un candidat « En Marche » contre moi.

M. Christophe Naegelen et M. Christian Hutin. Nous aussi !

M. Meyer Habib. Dans les circonscriptions, la colère gronde. Je reviens d’Italie. Des associations vitales, telles que Milan accueil, qui organisait un cocktail la semaine dernière – mais je pense également, dans l’espace francophone, à une magnifique association d’Ashdod – n’ont pas été déclarées éligibles. On se demande pourquoi : personne n’a compris. Nous n’avons pas été consultés. Or, je le répète, les associations contribuent au rayonnement de la France.

Il y a presque un an jour pour jour, devant l’Assemblée des Français de l’étranger (AFE), le Président de la République invitait le ministre des affaires étrangères à créer « un dispositif comparable ». Madame la rapporteure pour avis, la majorité et vous-même ne nous avez jamais consultés, alors que je vous avais invités à le faire. Considérez-vous, oui ou non, que le dispositif STAFE soit suffisant pour nos associations ? Pour ma part, je déposerai un amendement pour qu’il bénéficie d’un budget de 3,34 millions d’euros, correspondant au montant complété par la réserve parlementaire.

M. Jacques Maire. Je voudrais naturellement féliciter notre rapporteure pour avis de nous alerter sur certains sujets. J’en ajouterai quelques-uns.

Tout d’abord, je tiens à souligner la dynamique qui est à l’œuvre quand on commence à toucher au programme 105, notamment au réseau diplomatique à l’étranger. Chaque fois que le cœur de métier du Quai d’Orsay est attaqué sur le plan budgétaire et sur le plan des effectifs, la machine réagit de la même façon : elle cannibalise les fonctions « périphériques » – que ce soit dans le réseau consulaire, la diplomatie d’influence avec la culture, ou encore la coopération et la politique d’aide au développement –, de façon à garder sa colonne vertébrale. Attaquez un tant soit peu les chancelleries diplomatiques et ce réflexe de survie, par propagation progressive, appauvrit complètement les missions complémentaires, celles sur lesquelles nous insistons aujourd’hui.

Ensuite, et pour évoquer un thème important pour notre commission, il est très bien de financer la défense et de lancer des opérations extérieures (OPEX) qui coûtent des milliards, mais il est également essentiel d’assurer la sécurité intérieure, y compris après les OPEX. Or on voit que le financement de la direction de la coopération de sécurité et de défense (DCSD) diminue assez fortement en termes d’emplois, notamment pour ce qui est du nombre de conseillers pour la protection des populations, en particulier dans des pays sensibles du Sahel et, plus largement, d’Afrique.

Par ailleurs, on voit aussi que l’expertise diminue fortement. Elle est transférée à Expertise France, ce qui est en soi une bonne chose, mais il faut savoir que les coûts d’intervention sont tels que, quand on transfère l’équivalent de 100 dans une structure dont les coûts de gestion assez élevés, il ne reste que 50 au bout du compte.

Dernier élément : en ce qui concerne la vision stratégique du réseau, il est souhaitable de réfléchir à moyen et long termes. On assiste à une montée extrêmement forte du nationalisme, y compris dans des pays dont nous sommes apparemment proches : l’Italie, par exemple, est tout près de nous, mais elle s’éloigne sur le plan géopolitique, et il en va de même pour une bonne partie des pays de l’Union européenne. Ce n’est pas le moment de baisser la garde, dans ces pays, en termes d’influence, de réseau d’éducation et d’intelligence collective.

M. Jean-Michel Clément. Je m’inscris dans le droit fil des propos de Jacques Maire. En lisant le rapport, dont je félicite la rédactrice, je m’interroge sur l’idée qu’on se fait de la place de la France dans le monde. Nous devons nous poser cette question collectivement, parce que, au-delà des lignes et des programmes budgétaires, il faut avoir une vision d’ensemble. Notre diplomatie a bien sûr évolué avec le temps : de la politique, elle est passée en partie au domaine culturel, la situation variant selon les pays.

Lorsque nous avons animé la COP21, quel impact avons-nous voulu avoir, et quel droit de suite entendons-nous exercer ? Des élections sont en cours au Brésil, et l’on connaît le programme anti-environnemental de celui dont on pressent la victoire. Je me dis que nous avons le devoir de donner l’alerte immédiatement, non seulement auprès du Brésil, mais aussi auprès de tous les pays de la zone Amérique du Sud, et bien au-delà. Nous devons interpeller ces pays sur le problème essentiel qui est en train de se jouer. La planète brûle, disons-nous. Eh bien, notre diplomatie doit s’investir énormément dans le domaine de l’environnement.

Nous avons également un devoir d’implication en ce qui concerne la mondialisation du phénomène migratoire. Il n’y a pas un pays de notre sphère d’influence – surtout les pays francophones, bien sûr, mais pas seulement – qui ne soit concerné par les migrations.

Tels sont les deux grands chantiers sur lesquels nous devrons travailler à l’avenir ; si nous négligeons de prendre ces sujets à bras-le-corps dès maintenant, nous nous laisserons déborder et nous ne pourrons, par la suite, que le déplorer.

Mme Anne Genetet, rapporteure pour avis. Plusieurs d’entre vous l’ont souligné, notamment Maurice Leroy : oui, mon rapport est un peu piquant, un peu mordant. Je le reconnais. Je n’ai pas l’habitude de manier la langue de bois. En agissant de la sorte, je pense servir en réalité les intérêts du ministère. Du reste, ce que je dis, le ministère le dit lui-même : ce ne sont pas des critiques de son action.

Par ailleurs, dire ce que je dis permet de parler du ministère et de ses agents, lesquels sont mal connus. Leurs conditions de travail ne sont pas faciles. Au moment où se déroulent les discussions budgétaires, c’est-à-dire très en amont, dès le début de l’année civile, un certain nombre de choses doivent être entendues, au-delà de notre commission. Je compte sur vous pour diffuser le message autour de vous ; peut-être cela remontera-t-il jusqu’à certains de ceux qui décident de la répartition budgétaire.

La stratégie, dont plusieurs d’entre vous ont parlé, existe bel et bien. Veuillez me pardonner de ne pas l’avoir évoquée : j’avais peu de temps pour m’exprimer. Par exemple, on a choisi, depuis déjà plusieurs années, de réduire la taille de certains postes diplomatiques. Vingt-cinq de nos postes ont ainsi une présence diplomatique réduite, composée d’un ambassadeur et d’une petite dizaine de personnes au maximum autour de celui-ci : entre deux et trois agents de l’État, les autres étant sous contrat local. On peut aller plus loin, et se demander s’il faut maintenir un poste diplomatique en Papouasie-Nouvelle-Guinée, par exemple. C’est l’étape suivante.

M. Jean-Paul Lecoq. Eh oui !

Mme Anne Genetet, rapporteure pour avis. Pour le moment, nous restons dans la perspective d’une universalité du réseau. La réduction de la taille des postes a permis de faire des économies substantielles. Nous avons également souhaité – le Président de la République l’a rappelé – centrer notre action sur la Chine, pays dont l’importance stratégique est majeure. La Chine est ainsi devenue notre premier poste diplomatique dans le monde.

À titre personnel, je me suis interrogée, au cours de la préparation du rapport, sur l’intérêt qu’il y a à conserver des relations bilatérales au sein de l’Union européenne. Je me suis demandé si, après tout, avec le Thalys – je ne citerai bientôt plus l’Eurostar –, avec des moyens de communication rapides, avec des réseaux internet que nous savons sécuriser, nous avions vraiment besoin de conserver un ambassadeur à Bruxelles. Et puis, en y réfléchissant, en interrogeant les uns et les autres – cette remarque me permet de rebondir sur ce qu’a dit Jacques Maire –, j’ai estimé que, pour certains pays d’Europe dont la situation politique nous pose question, la relation bilatérale est plus que jamais indispensable. Or on ne peut pas dire à certains pays que, dans la mesure où tout va bien chez eux du point de vue politique, on leur enlève notre représentation diplomatique, et la conserver dans d’autres. Nous avons besoin d’être présents partout. Nous ne pouvons donc pas remettre en question, me semble-t-il, notre présence bilatérale au sein de l’Union européenne. En dehors de l’Union, comme je l’expliquais précédemment, la taille du poste peut varier. Il existe donc une stratégie.

Sur le plan fonctionnel, je trouve que, au moment où on réalise des coupes budgétaires, les employés ne sont pas suffisamment associés aux projections. On ne connaît pas suffisamment bien leur métier et le périmètre de leur action. J’ai vu des consulats où tout fonctionne très bien, où les consuls s’intéressent vraiment au métier des uns et des autres et cherchent à comprendre comment ils fonctionnent, pour voir comment répartir intelligemment les missions. Dans les services de délivrance des visas – puisque la question migratoire a été soulevée –, des consignes sont données à nos consulats, et ces derniers travaillent à la question avec beaucoup de précision et d’efficacité. C’est un travail extrêmement lourd, et cela d’autant plus que le Président de la République a souhaité augmenter le nombre de visiteurs venant en France, notamment au titre du tourisme.

Je puis en témoigner après avoir visité un certain nombre de consulats : le travail n’est pas organisé partout de la même façon. Certains ont adopté une organisation que je trouve plus rationnelle et plus intelligente, mais il manque un partage des bonnes pratiques. Certes, le personnel tourne constamment – tous les trois ou quatre ans –, et les gens ont donc l’occasion de voir d’autres façons de faire, ce qui est très positif, mais un échange de bonnes pratiques me semblerait extrêmement utile. Cela permettrait d’améliorer considérablement les choses, et cela ne coûte pas très cher.

L’AFD n’est pas du tout dans mon champ d’étude ; je ne peux donc pas vraiment répondre à la question qui a été posée sur le sujet, mais je la citerai quand même pour répondre à M. Meyer Habib concernant le dispositif qui vient se substituer à la réserve parlementaire. Le STAFE est abondé à hauteur de 2 millions d’euros – montant qui sera reconduit l’année prochaine. Effectivement, il a été porté à la connaissance du ministère que certaines associations n’ont pas été reconnues éligibles. Certaines n’ont même pas su monter leur dossier. Cela est bien connu, et une évaluation a été demandée, afin de comprendre pourquoi ces associations n’ont pas été retenues, voire n’ont pas pu déposer de dossier.

Vous avez dit, monsieur Habib, que vous alliez déposer un amendement. Je pense que vous allez pouvoir le retirer. En effet, M. le secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères a annoncé qu’une partie des crédits de l’AFD allait être affectée, à hauteur du million qui nous manque et qui correspondait à l’apport de la réserve parlementaire, pour venir en aide aux associations, qui font un vrai travail de terrain, participant de l’aide au développement et aidant les communautés. Le regroupement est parfois possible entre ce que font certaines associations dans le cadre du STAFE et ce que fait l’AFD.

Mme Bérengère Poletti. À la main de qui cet argent serait-il laissé ?

Mme Anne Genetet, rapporteure pour avis. À celle de l’ambassadeur : c’est lui qui demandera des fonds à l’AFD.

M. Hubert Julien-Laferrière. C’est effectivement ce que le Président de la République a déclaré devant les ambassadeurs.

Mme Anne Genetet, rapporteure pour avis. Il faut voir comment cela sera appliqué. Je sais que ce n’est pas toujours facile.

Le consulat numérique, c’est bien, mais ce n’est pas un objectif en soi : il y a toujours besoin d’une présence physique. Un certain nombre de formalités nécessitent de se présenter soi-même au consulat, notamment quand on fait une demande de passeport. Il va donc falloir équilibrer entre la partie numérique, laquelle est très utile, et la partie physique.

Je ne traiterai pas de la question du tourisme, qui relève plutôt de mon collègue Frédéric Petit.

Monsieur David, pour répondre très précisément à vos remarques, la baisse des contributions aux organisations internationales est uniquement liée au à la diminution des budgets des opérations de maintien de la paix. Ce n’est pas de notre fait : nous ne pouvons pas décider brutalement de diminuer notre contribution. Ces budgets sont décidés en amont. S’agissant des actions européennes, de la même manière, la hausse des crédits est due à l’augmentation du budget du Conseil de l’Europe. Là non plus, il ne s’agit pas d’une décision brutalement sortie de notre chapeau.

Jean-Paul Lecoq regrette la gestion comptable et n’accepte pas les « fortunes » dépensées pour le G7. Le financement du G7 est effectivement un choix politique, que je soutiens. Le G7 a ses limites, mais il est extrêmement important pour l’équilibre du monde et pour la paix.

M. Jean-Paul Lecoq. Enfin, tout de même, c’est cher !

Mme Anne Genetet, rapporteure pour avis. Cela fait 24 millions au total.

M. Christian Hutin. Ils vont bien manger !

Mme Anne Genetet, rapporteure pour avis. Oui, cela coûte cher et ce n’est pas simple d’organiser un événement de ce type.

En ce qui concerne les préconisations au sujet des consulats, monsieur Naegelen, je dois dire que j’ai rencontré au Quai d’Orsay, au sein de l’administration centrale comme dans les postes, des gens vraiment ingénieux, qui ont de bonnes idées, qui savent faire avec le peu qu’ils ont. Je pense par exemple au directeur des services informatiques du Quai d’Orsay, qui est quelqu’un de tout à fait remarquable. Il reste toutefois à mettre en œuvre le partage des bonnes pratiques que j’évoquais précédemment.

S’agissant de la diplomatie écologique, monsieur Clément, j’en ai parlé tout à l’heure. Certains de nos ambassadeurs la pratiquent déjà et n’ont pas attendu pour le faire qu’on leur donne des indications. Je me revois, par exemple, visitant une unité de panneaux solaires sur un lac, installée par une société française : le projet avait été accompagné par l’ambassadeur. Nos ambassadeurs se sont donc saisis de la dimension écologique, du risque écologique qui menace notre planète. Il faudra leur donner plus de moyens, notamment en termes de formation et d’outils, pour leur permettre de gagner en efficacité. Nul doute que le Quai d’Orsay saura les leur fournir.

J’ai donc rédigé un rapport budgétaire mordant et franc. Je soutiens le budget de cette mission et salue le fait que notre ministre l’ait défendu contre les assauts d’un ministère des finances qui aurait bien aimé lui couper un peu plus les ailes.

Mme la présidente Marielle de Sarnez. Nous allons maintenant entendre la présentation du rapport de M. Petit sur le programme 185 « Diplomatie culturelle et d’influence ».

Il s’agit, dans ce programme, de la promotion de l’enseignement francophone et du soutien à la culture française, qui sont les piliers de notre diplomatie d’influence dans le monde. Vous nous rendrez compte également, monsieur Petit, de votre mission récente au Proche-Orient sur la diplomatie culturelle.

Après le débat, nous examinerons les crédits de la mission « Action extérieure de l’État ».

M. Frédéric Petit, rapporteur pour avis. Je ne vais pas vous proposer stricto sensu une synthèse de mon rapport : je ferai plutôt le point sur une méthode et sur des convictions.

En ce qui concerne d’abord la méthode, je remercie de nouveau Mme la présidente de la commission : il est très important que nous ayons pu assumer nos fonctions de rapporteur tout au long de l’année. Cela a permis de dépasser les difficultés de communication que notre collègue Maurice Leroy a évoquées. Cela a permis également de s’organiser et de mettre en cohérence et en perspective les éléments de l’ensemble du programme. J’ai même parfois posé des questions sur la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) elle-même. Cela me paraît très important.

La méthode que j’ai mise en œuvre s’appuie sur le terrain, en commençant par celui de ma circonscription. Je connais les seize pays de ma circonscription et les vingt-neuf écoles qu’on y compte, où je passe des heures à discuter – parfois en affrontant la contradiction –, à rencontrer les conseillers consulaires, qui par définition sont d’opposition puisqu’ils ont été élus avant que la majorité actuelle ne se dégage, à discuter avec les syndicats.

C’est une méthode anti-fake news – et j’insiste sur ce point. Je me suis constitué des bases de données extrêmement précises. Il est important d’en disposer quand on vous dit qu’il y a tant d’instituts français dans tel ou tel pays, qu’une alliance française ou un lycée français fonctionnent de telle ou telle manière. Ces documents sont à votre disposition. Nos administrations ne communiquent pas de tels éléments globaux, qui sont pourtant très importants.

Enfin, toujours s’agissant de la méthode, je me suis concentré cette année sur le titre 2, sujet sur lequel j’avais un peu fait l’impasse l’an dernier, parce qu’il est complexe. J’ai donc demandé beaucoup de renseignements sur le personnel, aspect qui, dans le programme dont je suis chargé, représente 74 millions – pour 625 millions hors titre 2. Il était important de commencer à dérouler le fil, afin de savoir qui encadre quoi, combien de personnes sont dans l’administration centrale, qui elles encadrent, et qui est déployé dans le réseau.

Cette méthode a enrichi des convictions. Pour commencer, qu’est-ce que ce programme ? Il est amusant de voir à quel point, tout à l’heure, nous avons mélangé les questions relevant de la diplomatie et celles relevant de la diplomatie d’influence.

Je vous ferai part de ma profonde conviction : on devrait appeler ce programme « Présence active de la France dans le monde ». En effet, nous avons une diplomatie que je qualifierais de « formelle », avec des ambassadeurs qui sont en quelque sorte des généralistes – j’y reviendrai plus tard –, et puis nous avons une présence active de la France, des Français et des francophiles, et c’est là le grand défi qui se présente à notre administration : ce n’est plus du colonialisme, ce n’est plus la « Françafrique », nous devons inventer des formes de partenariat, non pas parce que c’est moins cher, comme on le dit parfois, mais parce que c’est comme cela que le monde fonctionne aujourd’hui. Notre culture française et la culture de notre administration ne sont pas toujours adaptées, n’ont pas opéré partout cette révolution copernicienne qui consiste à travailler vraiment en partenariat et à promouvoir les partenariats.

Il faut également avoir une définition claire du service public au XXIe siècle : quel est son rôle ? Quand doit-il avoir un effet de levier ? On parle beaucoup du réseau de l’AEFE. Or je vous rappelle que, pour une subvention d’un peu moins de 400 millions, le réseau des écoles françaises à l’étranger coûte 2,3 milliards. Autrement dit, la différence vient d’ailleurs – en l’occurrence des pays où les établissements sont installés, des familles et de différents partenaires. Comment notre administration gère-t-elle cet état de fait et procède-t-elle à l’harmonisation ? Où le rôle du service public s’arrête-t-il pour les lycées français ? La réponse est très simple : l’outil de service public, c’est l’homologation.

La question n’est pas de savoir si nous sommes propriétaires du lycée ou non, si les enseignants sont payés par l’éducation nationale ou non. Dans le cas de l’éducation, le véritable outil de notre diplomatie, c’est l’homologation. Je rappelle que 85 % des lycées français à l’étranger sont privés. À travers l’homologation, on dit à un lycée, après un an, deux ans, trois ans d’existence : « Oui, vous respectez les conditions, y compris du point de vue de la gouvernance : vous êtes homologué » – ce qui veut dire qu’un enfant sortant de la classe de CM1 de cet établissement pourra entrer au CM2 à Saint-Germain-en-Laye ou à Metz, et inversement. Voilà quel est le rôle du service public. Pour le reste, on peut soit investir nous-mêmes soit nouer des partenariats.

Dans le programme 185, on ne se bat pas avec la pénurie. Je l’ai constaté en Israël et en Palestine, par exemple, où les moyens alloués sont considérables, parce qu’il le faut. Je le constate, par ailleurs, dans la possibilité de redéployer l’audiovisuel en fonction des besoins – il n’est pas nécessaire de multiplier les crédits quand il y en a déjà ailleurs. Le rapprochement entre l’Institut français et la Fondation Alliance française ne nécessite pas de gros moyens supplémentaires.

Ce programme, je le répète, ne gère pas la pénurie. En revanche, il présente un défaut de pilotage et d’harmonisation des crédits, lesquels sont parfois disséminés. Notre administration doit opérer une révolution et engager des partenariats. J’insiste donc sur la nécessité de mettre en cohérence l’ensemble des actions : il faut un pilotage commun et une mise en adéquation avec les enjeux de notre diplomatie. J’évoque ainsi, dans mon rapport, la définition de zones prioritaires. À cet égard, je souscris tout à fait aux propos d’Anne Genetet : notre diplomatie d’influence ne peut avoir ni le même aspect ni les mêmes objectifs dans les pays de l’espace européen et dans les autres – par exemple dans les pays du G5 Sahel ou, plus largement, dans les pays bénéficiant de l’aide publique au développement.

Je voudrais insister sur trois sujets qui constituent le cœur de mon rapport. Premièrement, la révolution numérique. Je considère que nous sommes passés complètement à côté. Quand j’entends dire qu’il y a un responsable informatique qui travaille très bien au ministère, je ne peux m’empêcher de penser que ce n’est pas ainsi qu’on fait la révolution numérique. Certains d’entre nous qui ont travaillé à l’informatisation de grosses structures humaines peuvent en témoigner : on est passé à côté de la révolution numérique. On peut se rattraper, mais il faut vraiment s’y mettre, en commençant par travailler avec les structures existantes – notamment les chambres de commerce internationales. Il faut opérer une reconfiguration. Comme j’avais coutume de le dire quand j’étais en entreprise, la révolution numérique commence en mettant les informaticiens dehors : il faut d’abord se poser les bonnes questions entre non-informaticiens, et ensuite seulement on les fait venir pour leur dire ce qu’on veut. Or ce n’est pas ce qui a été fait.

Deuxièmement, il y a la gestion des ressources : il faut veiller à ce que la bonne personne se trouve au bon endroit à la bonne période – aussi bien du point de vue de la date que de la durée. On a parlé tout à l’heure du programme 105 et du métier d’ambassadeur. Pour moi, l’ambassadeur est un généraliste. Il n’est pas nécessaire qu’un ambassadeur reste plus longtemps s’il se trouve dans une zone de conflit ou s’il fait de la diplomatie écologique. En revanche, il existe des métiers spécialisés, dont Jacques Maire a dit – et je rejoins tout à fait ses propos – qu’ils avaient été cannibalisés parce qu’il fallait maintenir le cœur de métier. J’ajoute que ce n’est pas forcément un généraliste qui doit gérer les experts, ni même d’ailleurs des enseignants.

Nous devons avoir une diplomatie formelle, dans le cadre du programme 105, celle qui relève du métier de diplomate – je rejoins aussi Jean-Paul Lecoq à cet égard –, mais également, à l’intérieur de notre diplomatie d’influence – ce que j’ai appelé la « présence active de la France » –, la gestion sur le long terme de compétences spécifiques, avec des durées spécifiques. Si on se lance un jour dans la diplomatie écologique et qu’on développe un projet qui doit durer cinq ans, la personne qui en sera chargée devra rester pendant tout ce temps : il ne faudra pas lui dire de repartir au bout de trois ans. Des structures et des manières d’embaucher différentes devront donc exister.

Un mot, en passant, sur le STAFE : il est normal, cher collègue Meyer Habib, que nous ne soyons pas consultés, puisque nous avons voulu que le système soit indépendant des élus politiques. Pour ma part, je n’ai pas été consulté, et j’en suis fier. J’ai simplement signalé aux associations l’existence du système.

Troisièmement, et pour conclure, j’ai effectué une mission au Proche-Orient pour vérifier ce que faisait notre diplomatie culturelle et d’influence en zone de conflit. Je me suis ainsi rendu à Jérusalem-Ouest et à Jérusalem-Est, à Tel-Aviv et dans les territoires palestiniens. J’ai donc vu ce que j’appelle dans mon rapport les « deux côtés de la haine », et pu examiner nos investissements et étudier la manière dont ils sont réalisés. J’ai ainsi constaté que notre diplomatie d’influence est bien présente dans cette zone, et que sa présence est à la hauteur de ce qu’il faut, alors même que la diplomatie est actuellement bloquée. Je voudrais d’ailleurs, pour ce qui est de la méthode de notre discussion, que nous parlions bien du sujet qui est le nôtre ici, c’est-à-dire la diplomatie d’influence en zone de crise : il ne s’agit pas de la crise du Proche-Orient en elle-même, car nous pourrions en discuter longtemps. Concentrons-nous sur ce que fait notre diplomatie d’influence dans une zone de crise.

Mme Laetitia Saint-Paul. Le programme 185 revêt une importance particulière. Ses crédits sont les leviers permettant de promouvoir notre langue, diffuser notre culture et porter les valeurs qui nous tiennent à cœur – celles que le Président de la République porte dans les enceintes internationales et qui constituent le cœur de notre engagement.

Le maintien des crédits de nos quatre opérateurs – l’AEFE, Campus France, Atout France et l’Institut français – est essentiel à nos yeux. Il l’est d’autant plus que le contexte international évolue. Alors que le français pourrait compter 750 millions de locuteurs en 2050, il n’en sera rien si nous restons inactifs dans la promotion de notre langue. L’action du Président de la République, accompagné de Leïla Slimani – que nous avons reçue au sein de la commission –, sera essentielle.

La diffusion culturelle est également devenue un enjeu pour les grandes puissances de ce monde, comme le montre le développement des instituts Confucius, par exemple. Dans ce cadre, le rôle de l’Institut français, de l’Alliance française, mais également de Campus France auprès des étudiants étrangers qui viennent étudier en France et constituer ainsi un pont avec leur pays d’origine, sera essentiel. En matière de tourisme, le Président a fixé d’importants objectifs que nous devrons porter collectivement.

Le renforcement de l’Institut français, son rapprochement avec le réseau de l’Alliance française, le maintien de celui de l’AEFE sont des points auxquels les députés de la majorité seront particulièrement attentifs. La sanctuarisation des moyens du réseau de coopération et d’action culturelle est également déterminante pour consolider la présence française et assurer son influence dans le monde. Pour toutes ces raisons, nous voterons les crédits de ce programme et ceux de la mission « Action extérieure de l’État ».

M. Bruno Joncour. Je remercie M. le rapporteur pour avis de la qualité du travail qu’il nous a présenté. Je parlais tout à l’heure du service public offert par le réseau consulaire : nous en avons ici un autre exemple. Ce service public s’étend aussi à l’enseignement français à l’étranger, dont la position est confortée, comme le souligne le rapport. Il reste néanmoins à assurer les investissements dont le réseau a besoin, ainsi qu’à définir des priorités géographiques, tout en veillant à mieux travailler avec l’Organisation internationale de la francophonie.

Parallèlement à cela, le groupe Mouvement Démocrate et apparentés entend porter une attention particulière à la diplomatie culturelle à travers les instituts français. Nous saluons l’effort accompli cette année et espérons le voir s’accentuer au cours des prochains exercices budgétaires. Cela va de pair avec notre audiovisuel extérieur, dont nous parlerons demain. Sur ce dernier point, des efforts substantiels doivent être fournis.

Dans ce cadre, le Bureau export de la musique française est exemplaire d’une démarche que nous pourrions soutenir plus fortement. Cet organisme affiche en effet de très bonnes performances en dépit de moyens très limités. Plus que jamais, la diplomatie culturelle va de pair avec des actions plus directes. Dans ce domaine comme dans d’autres, la coopération avec nos voisins européens pourrait nous donner une puissance supplémentaire non négligeable. S’agissant des coopérations, le rapporteur évoque la nécessité d’un renforcement de la relation franco-allemande, auquel l’actualisation du traité de l’Élysée fait écho, et qui pourrait faire une place plus importante à la soft diplomacy. Le rapporteur a peut-être des éléments plus précis à nous fournir sur ce sujet.

En résumé, le groupe Mouvement Démocrate et apparentés votera les crédits de ce programme.

M. Alain David. Le point particulier que je voulais évoquer dans mon intervention précédente concerne la diminution de 15 millions d’euros des moyens de l’AEFE. C’est une somme très importante. Les moyens ne correspondent pas aux besoins de l’apprentissage du français : 15 millions d’euros en moins, cela pénalise directement les élèves et la jeunesse.

M. Jean-Paul Lecoq. J’apprécie l’angle d’attaque que vous avez choisi dans votre rapport, monsieur Petit : considérer les 3 millions de Français résidant à l’étranger, et pas seulement le réseau consulaire et les instituts français, comme les porte-voix de la France est intéressant. Les actions culturelles que la France déploie à travers le monde sont destinées certes aux étrangers mais aussi à nos concitoyens qui vivent dans d’autres pays : ils ont besoin d’une présence française là où ils vivent pour rester fiers de leur pays et porter ses valeurs. Il est donc important que des moyens soient consacrés à notre diplomatie culturelle.

En tant que membre du conseil d’administration de l’Institut français, je peux vous rapporter que cet opérateur est plutôt satisfait de la stabilisation positive de ses crédits, après des années de baisse. Les personnels se sentent rassurés pour l’avenir.

Je ne peux pas m’empêcher de dire ici un mot sur Laurent Fortin, assigné en résidence en Chine. Nous ne devons pas l’oublier. Avec le consul de Shanghai, il s’investit dans l’organisation du Téléthon, dans l’attente de son procès. C’est aussi une action culturelle. Nous espérons que tout sera mis en œuvre pour qu’il revienne au plus vite en France.

Malgré certains aspects positifs de ce budget, nous n’émettrons toutefois pas d’avis favorable à son adoption car ces crédits nous apparaissent globalement insuffisants.

Mme Amal Amélia Lakrafi. Vous avez souligné, monsieur le rapporteur, l’importance de nos réseaux de chercheurs à l’étranger et les baisses de crédits qui les ont affectés pendant de nombreuses années. J’ai pu mesurer les inquiétudes de certains d’entre eux lors d’une récente mission au Kenya. Je m’interroge sur la possibilité de renforcer les synergies entre les réseaux de chercheurs, l’AFD et Expertise France pour ce qui est de la recherche de financements.

Les chercheurs que j’ai rencontrés à Nairobi passent plus la moitié de leur temps à monter des dossiers de financement pour leurs projets. Au lieu de les soumettre à l’AFD et d’attendre des mois un verdict, pourquoi ne pourraient-ils pas avoir recours aux experts mêmes de cette agence pour les remplir ?

Par ailleurs, je partage vos réserves au sujet de la diminution des équivalents temps plein dans le réseau culturel et des choix de zonage qui n’ont rien d’évident, compte tenu de nos priorités.

M. Meyer Habib. Monsieur le rapporteur, j’ai lu avec une attention particulière votre avis, en particulier le chapitre dédié aux zones de crise, Israël et territoires palestiniens. Vous avez eu la courtoisie de me téléphoner avant votre déplacement et je vous en remercie. Je note que, contrairement aux autorités israéliennes, l’administration palestinienne du Hamas à Gaza vous a refusé des autorisations, ce qui ne vous a pas empêché de faire des développements particulièrement bienveillants la concernant.

Ma première question porte sur Israël. Dans votre rapport, vous parlez de l’« écueil de la question de l’OIF ». Vous conviendrez, monsieur le rapporteur, qu’il s’agit d’un doux euphémisme pour dire qu’Israël, qui compte 150 000 Français et 800 000 francophones et qui peut s’enorgueillir d’un réseau d’écoles françaises et d’une coopération scientifique avec la France de très haut niveau, est bannie depuis des décennies de l’Organisation internationale de la francophonie. Ce scandale persistant pèse de tout son poids sur notre diplomatie culturelle et d’influence. Ce qui est en cause, c’est le veto d’un État, le Liban, et l’inaction des gouvernements successifs comme du Gouvernement actuel.

J’ai consacré à ce sujet ma première question au Gouvernement en 2013 et j’ai écrit tout récemment, le 21 juin dernier, au Président de la République, pour l’en saisir.

Monsieur le rapporteur, ne pensez-vous pas que le Gouvernement issu de votre majorité devrait faire le nécessaire pour mettre fin à cette aberration et renforcer notre diplomatie d’influence ?

Ma deuxième question concerne les territoires palestiniens. Votre rapport plaide pour le maintien du dispositif d’aide et des moyens très importants qui lui sont consacrés. Or votre mésaventure gazaouie vous l’a montré, il n’y a jamais aucun hasard. Je vous invite à lire l’article édifiant paru dans Le Monde d’aujourd’hui sur la pratique généralisée de la torture dans les territoires palestiniens. Nous sommes face à des régimes dictatoriaux, qu’il s’agisse du Hamas et de l’Autorité palestinienne. Ma question est simple : ces crédits sont-ils bien employés ? Procède-t-on à des évaluations rigoureuses pour s’assurer qu’ils ne servent pas à relayer des discours de haine ou de propagande susceptibles de saper les efforts de paix ? On sait que de tels discours sont diffusés régulièrement dans des écoles. L’Organisation des Nations unies pour l’aide aux réfugiés palestiniens dans la bande de Gaza (UNRWA) a même découvert, à Gaza, en 2014, une école qui abritait des rampes de lancement de missiles ciblant les populations israéliennes et françaises du sud du pays. Vous conviendrez qu’il serait très préoccupant que nos crédits servent à financer des programmes qui contestent le droit à l’existence d’Israël ou qui nient la Shoah.

Par ailleurs, ces crédits semblent très dispersés. Existe-t-il un véritable dispositif de suivi ? Evalue-t-on leur efficacité ? Je rappelle que les territoires palestiniens sont les premiers bénéficiaires de notre budget d’aide publique au développement.

M. Jacques Maire. Je trouve que le rapporteur a eu une très bonne idée en analysant la coopération culturelle en Israël et dans les territoires palestiniens. Cela montre bien la capacité des autorités françaises à maintenir un dialogue, à rendre visible notre influence. Cela permet de faire passer notre message de tolérance, de paix, de capacité de compréhension réciproque par-delà les radicalisations en cours dans les différentes communautés.

En matière de francophonie, des clarifications s’imposent. Il faut être aveugle pour ne pas voir la double crise qu’elle subit, notamment en Afrique. D’une part, les pays stars du décollage économique ne se situent ni en Afrique centrale ni en Afrique de l’Ouest, traditionnellement francophones, mais plutôt en Afrique de l’Est et en Afrique australe. D’autre part, la francophonie est en recul rapide dans beaucoup de pays d’Afrique de l’Ouest et d’Afrique centrale. Qui va financer l’enseignement en français ? La Banque mondiale ? L’Union européenne ? S’il y a beaucoup de bailleurs prêts à financer la lutte contre le sida ou la révolution numérique, il n’y en a qu’un seul pour financer la francophonie, c’est la France. Ayons la diplomatie de nos intérêts. Demandons-nous ce que serait notre carte de visite sans la francophonie.

En matière de gestion des compétences, j’irai plus loin que le rapporteur. Le Quai d’Orsay est une machine à ingérer, à digérer, et parfois à cannibaliser la valeur extérieure. À chaque fois qu’il y a eu un rattachement, qu’il s’agisse du tourisme, de la diplomatie économique, ou de la coopération il y a quelques années, il y a eu une attrition des métiers liés à ces divers domaines car ils ne sont pas au cœur du ministère. La seule façon de stabiliser les compétences, c’est d’organiser des pilotages et de créer de véritables filières.

Enfin, il y a un problème d’adéquation entre les priorités et les moyens. Les effectifs que l’on consacre au Sahel sont en total décalage avec la priorité que nous donnons à cette région. C’est absolument incompréhensible.

M. Christian Hutin. Monsieur Habib, je ne pense pas qu’on puisse être plus content d’être dans une prison israélienne que dans une prison palestinienne. Sans doute la prison française n’est-elle pas beaucoup plus sympathique qu’une prison scandinave. Ce sont des choses dont nous pouvons discuter.

À Dunkerque, nous avions un jumelage avec une ville palestinienne et un autre avec une ville israélienne, et nous avons aidé, dans le cadre d’une petite structure locale, des projets de bibliothèques La bibliothèque palestinienne a été rasée pendant la dernière guerre et ce qu’a fait Dunkerque n’existe plus. Cela nous pose quand même un problème.

Si ce que dit Trump devient réalité, les Palestiniens seront privés d’une grande partie des aides qu’ils recevaient jusqu’à présent. Cela ne peut pas contribuer à aller vers la paix. Il y a aussi des Palestiniens qui discutent, monsieur Habib. Nous devons nous demander si nous pouvons continuer à aider, d’une manière humaniste et généreuse.

M. Meyer Habib. Personne n’est contre.

M. Christian Hutin. Certaines milices nous ont soutenus dans la lutte contre Al-Qaïda, rappelons-le. Tout cela est extrêmement complexe.

Je voulais apporter une forme de modération, madame la présidente. Peut-être ai-je contribué à mélanger encore plus les choses mais au moins, mon intervention a-t-elle eu le mérite d’être réaliste.

Mme la présidente Marielle de Sarnez. Chaque point de vue mérite d’être entendu, monsieur Hutin. Rappelons toutefois que notre débat d’aujourd’hui n’est pas consacré à l’UNRWA.

M. Frédéric Petit, rapporteur pour avis. J’aimerais préciser tout d’abord que la mission garde le même budget à périmètre égal. Les 15 millions dont il est question correspondent à des crédits consacrés à la sécurité qui ont été transférés vers le programme 723, comme j’ai pu le vérifier par moi-même.

Disons-le très clairement : l’AEFE n’a plus besoin d’argent. La subvention qu’elle reçoit, d’un peu moins de 400 millions d’euros, sur un budget total de 2,3 milliards d’euros, va aux 6 000 enseignants payés par l’agence, soit moins de la moitié des enseignants des lycées français, les autres enseignants étant recrutés localement. Il faut avant tout qu’elle reconsidère sa façon d’utiliser cette subvention. Elle a besoin de remettre au cœur de sa stratégie son développement et son zonage. Rappelons que pour des raisons qui lui sont propres, elle a transformé plus de postes en contrat local dans les pays du G5 du Sahel que dans l’Union européenne.

Quant au Bureau Export, il s’agit d’une instance professionnelle. Comme les chambres de commerce à l’étranger, la majorité de son financement provient des entreprises concernées.

En matière de coopération franco-allemande, il y a à l’évidence des choses à faire. Arte est un modèle qui devrait s’exporter. À Ramallah, j’ai vu qu’il y avait un bibliobus commun à l’Institut français et au Goethe Institut. À Zagreb, j’ai un projet pour développer l’« abibac ».

Je vous remercie, monsieur Lecoq, pour votre appréciation sur mon rapport. La diplomatie culturelle et d’influence s’appuie sur un puissant effet de levier. Cette dimension reste toutefois difficile à comprendre pour une administration comme la nôtre qui était quasiment coloniale par le passé. Il faut soutenir et encourager bénévoles et associations. Ce n’est pas un travail de pure mécanique budgétaire.

La question de la réforme de l’Institut français et son rattachement à la Fondation Alliance française (FAF) est complexe. Je présenterai un amendement pour que le Gouvernement continue de nous informer sur cette évolution. Il y a deux directions possibles : la première est de s’approcher de l’organisation des instituts Goethe ; la deuxième consiste à mettre l’accent sur l’appui aux réseaux.

Madame Lakrafi, vous avez raison, les chercheurs, qui contribuent éminemment au rayonnement de la France, n’ont pas à chercher de l’argent. La grande réussite d’Expertise France, avec 13 millions d’euros du ministère des affaires étrangères auxquels viennent s’ajouter 8 millions d’euros de crédits antérieurs, est d’avoir su générer 200 millions de financements et lancer des projets représentant 900 millions d’euros. La recherche de financements est un métier. Confions cette tâche aux gens qui savent le faire.

Pour ce qui est du zonage, je suis d’accord avec vous : j’estime que c’est une catastrophe de ne pas faire évoluer les postes en fonction des enjeux de notre diplomatie. Cela témoigne d’un manque de pilotage.

Monsieur Maire, je ne pense pas que la crise de la francophonie ne concerne qu’un seul bailleur. Dans mon rapport, j’insiste sur l’importance de mener des expertises techniques dans le domaine de l’enseignement technique dans les pays africains. C’est une dimension peu mise en avant mais essentielle car cela implique que les normes et les machines seront françaises. C’est d’ailleurs l’obstacle de la langue qui freine la Chine en ce domaine – on imagine mal des normes en chinois dans un pays africain. C’est un terrain sur lequel nous pouvons nous battre.

Je finirai par ma visite en Israël et dans les territoires palestiniens. J’ai pris soin d’aller des deux côtés, et ces quatre jours ont profondément bousculé mes convictions.

M. Meyer Habib. Comment, concrètement ?

M. Frédéric Petit, rapporteur. Je n’ai pas quatre heures pour l’expliquer. Je vous rappellerai, monsieur Habib, que votre circonscription couvre les deux côtés.

Monsieur Hutin, je vous remercie d’avoir rappelé l’importance de la coopération décentralisée. Elle vient compléter utilement l’action des États : elle participe à la diplomatie d’influence sans peser sur les finances de l’État. Toutefois elle dépend grandement des responsables au sein des ambassades : elle est bien gérée quand ils sont bons et mal gérée quand ils sont mauvais.

Monsieur Habib, je peux vous confirmer que les crédits dédiés aux territoires palestiniens sont bien employés. Ils font l’objet de suivis et de contrôles.

Pour ce qui est de l’OIF, nous savons qu’il existe blocage. Ce n’est pas le lieu pour en discuter. Le fait qu’Israël n’en fasse pas partie ne l’empêche pas d’être un pays francophone. À Mikve Israël, j’ai découvert le plus beau campus francophone qu’il m’ait été donné de voir, animé par des francophiles qui ont de multiples projets de développement.

Dernière remarque, monsieur Habib : le mot « Hamas » ne figurant pas dans mon rapport, je ne comprends pas votre observation.

Mme la présidente Marielle de Sarnez. Avant de donner notre avis sur les crédits de la mission « Action extérieure de l’État », il nous revient d’examiner neuf amendements.

Article 39 et état B

La commission est saisie de l’amendement II-AE1 de M. Alain David.

M. Christian Hutin. Cet amendement vise à doubler les dotations des instituts français et des alliances françaises. À l’heure où le Président de la République a fait du développement de la francophonie une action politique majeure au niveau international, c’est le moment où jamais pour agir en ce sens.

Nous proposons de flécher cinq millions d’euros de crédits de paiement supplémentaires vers l’action « Coopération culturelle et promotion du français » au sein du programme 185 et de réduire, en contrepartie, de 5 millions d’euros la ligne budgétaire consacrée à la politique immobilière au sein du programme « Action de la France en Europe et dans le monde ».

M. Frédéric Petit, rapporteur pour avis. Comme je l’ai dit tout à l’heure, les effets de la diplomatie culturelle ne sont pas proportionnels à l’argent qu’on lui consacre. Par ailleurs, sur les 834 alliances françaises, il y en a plus de 400 qui ne coûtent rien à l’État français car elles ne sont pas conventionnées. Quant à l’Institut français, il a reçu au titre du plan francophonie plus de 2 millions d’euros supplémentaires à l’usage desquels je serai très attentif. En outre, la France contribuera à hauteur de 200 millions d’euros au partenariat mondial pour l’éducation. Avant de donner des millions supplémentaires, il faut d’abord s’interroger sur les stratégies à mener en matière de francophonie et attendre la réforme de chaque réseau.

Mme Laetitia Saint-Paul. Le groupe La République en Marche suivra la position du rapporteur : nous voterons contre cet amendement.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement II-AE2 de M. Alain David.

M. Christian Hutin. Cet amendement propose à nouveau une augmentation de crédits de 5 millions d’euros, cette fois-ci en faveur de l’aide à la scolarité des enfants français inscrits dans les établissements de l’AEFE. Elle vise spécifiquement les élèves qui sont le plus en difficulté. Dans tous les collèges et les lycées français de l’étranger, il y a des familles fortunées mais il y a aussi des Français qui n’ont pas les moyens d’inscrire leurs enfants dans ces établissements.

Nous proposons la même contrepartie que dans l’amendement précédent.

Mme Anne Genetet, rapporteure pour avis. Vous avez raison de dire que les enfants de familles modestes habitant l’étranger ont besoin d’une aide à la scolarité. Nous pouvons nous féliciter : la France est l’un des rares pays avec l’Italie à proposer des aides à la scolarité à ses ressortissants résidant à l’étranger.

Le montant de cette aide s’élève cette année à 105 millions d’euros, soit 5 millions de moins que l’année dernière. Cette diminution s’explique par le fait que seuls 96 millions de crédits ont été consommés l’année dernière. Le ministère s’est toutefois engagé : si le montant total des bourses accordées devait atteindre 110 millions, une réserve permettrait d’abonder les 5 millions supplémentaires.

Le problème ne me semble d’ailleurs pas concerner le montant des bourses. Il s’agit plutôt de savoir combien d’enfants ne sont pas scolarisés du fait de critères d’attribution inadéquats. Ce sont des données très difficiles à obtenir et j’ai demandé qu’elles me soient transmises. J’ai aussi demandé que la formule du barème et du quotient familial soit analysée : est-elle toujours adaptée ?

Mon avis sera donc défavorable.

M. Christian Hutin. Je vous remercie pour votre réponse très honnête, madame la rapporteure.

Savez-vous si des études sociologiques sur la fréquentation des lycées français à l’étranger ont été menées ? Il n’y a pas que des familles françaises riches à l’étranger. Des dizaines de milliers de Français sont en difficulté. Notre commission devrait s’y intéresser.

M. Frédéric Petit, rapporteur pour avis. Je ne crois pas qu’il y ait eu des études consacrées à ces Français en difficulté, dont j’évalue pour ma part le nombre à quelques milliers.

Il me semble important, comme le souligne Anne Genetet, de s’intéresser aux critères d’attribution des bourses : l’algorithme actuel est particulièrement rigide.

Mme la présidente Marielle de Sarnez. Nous allons faire des recherches et si nous constatons que cette question n’a pas fait l’objet de travaux, nous demanderons qu’une étude lui soit consacrée.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle est saisie de l’amendement II-AE3 de M. Christian Hutin.

M. Alain David. Cet amendement a pour but de compenser les 15 millions de baisse de crédits de l’AEFE qui survient alors que le Président de la République a lui-même fixé l’objectif de doubler le nombre d’élèves scolarisés en français à l’étranger d’ici à 2030. Nous voulons aider les familles de Français de l’étranger à supporter les frais de scolarité dans l’enseignement primaire, secondaire et supérieur.

Cette augmentation sera compensée par une réduction des crédits de l’action « Préparation et organisation du sommet du G7 ».

M. Frédéric Petit, rapporteur pour avis. Je le répète : c’est d’une stratégie de développement et non pas d’argent qu’a besoin l’AEFE. Par ailleurs, les quinze millions en question n’ont pas disparu, comme je l’ai expliqué.

M. Jacques Maire. Je vois que vous visez tous azimuts : de l’immobilier à l’organisation du G7. Le ministère des affaires étrangères, qui est en situation très difficile, financera de toute façon l’immobilier comme l’organisation du G7.

Rappelons que le G7 ne se résume pas à la seule réunion qui se tiendra à Biarritz. Outre le sommet des chefs d’État, il englobe plusieurs sommets ministériels et des dizaines de réunions de sherpas. Cela coûte extrêmement cher de faire travailler une seule administration à construire une présidence ad hoc.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement II-AE4 de M. Christian Hutin.

M. Alain David. Cet amendement vise à compenser en partie la baisse nette de crédits de 74 millions d’euros décidée par le Gouvernement en abondant le budget par un montant de 10 millions d’euros en faveur des dotations aux institutions internationales. En dépit des explications de la rapporteure, nous maintenons cet amendement.

Cette baisse du financement d’organisations comme les Nations unies, la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC) et le protocole de Kyoto ou encore le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) apparaît pour le moins contradictoire. On ne peut pas, même temps, prôner la défense du multilatéralisme en critiquant les attaques contre les institutions internationales et ne pas leur donner les moyens financiers adéquats au bon accomplissement de leurs missions.

Cet amendement propose de flécher 10 millions d’euros de crédits de paiement supplémentaires vers l’action « Contributions internationales », au sein du programme « Action de la France en Europe et dans le monde », et de réduire du même montant les crédits de paiement de l’action « Diplomatie économique et développement du tourisme », au sein du programme « Diplomatie culturelle et d’influence ».

Mme Anne Genetet, rapporteure pour avis. J’ai, en effet, déjà donné une explication. Je vous laisse donc la politique et je garde l’explication rationnelle. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle en vient à l’amendement II-AE5 de M. Alain David.

M. Christian Hutin. Vous avez bien compris notre état d’esprit. Jacques Maire a raison. Nous serons les derniers, avec Jean-Paul Lecoq, à ne pas vouloir que la France soit bien représentée où que ce soit mais nous nous posons des questions. Compte tenu des sujets en débat, cela nous gêne un peu de consacrer 68 millions d’euros pour les ourses, qui sont d’ailleurs parties en Espagne sans qu’on leur ait demandé leur visa (Sourires), et 70 à 80 millions d’euros pour le G7.

Il ne s’agit nullement de nuire à l’action politique de la France parce que je suis un ardent partisan de la valorisation de la diplomatie française et de ses moyens. Malheureusement, l’article 40 oblige les parlementaires à un terrible exercice que certains de nous découvrent : on ne peut prendre aucune initiative politique – alors que c’est la base de notre engagement – si nous ne gageons pas la dépense en réduisant un autre poste. Nous sommes obligés de le faire pour exprimer nos idées.

Tous ces amendements ne témoignent pas d’un esprit contestataire. Nous essayons de faire avancer les choses tout en gardant ce que peut être la diplomatie. Je suis sûr que Jacques Maire est d’accord avec moi : les moyens que nous pouvons donner à notre diplomatie sont essentiels et nous souhaiterions qu’ils soient en adéquation avec les propos du chef de l’État. Nous sommes pour le multilatéralisme mais nous pensons que ce serait déjà pas mal d’adapter nos moyens à la volonté du Gouvernement.

Mme la présidente Marielle de Sarnez. Merci beaucoup, monsieur le député. Nous souhaitons tous une diplomatie forte et rayonnante. Je doute quand même que le coût des deux ourses de Slovénie ait été de 60 millions d’euros, même si elles ont été transportées par hélicoptère. Dès que nous aurons vérifié le coût exact, nous vous le donnerons.

M. Christian Hutin. Pour tout vous dire, c’est David Habib qui m’a indiqué que l’opération avait coûté 68 millions d’euros, mais les ourses sont enceintes, ce qui peut renchérir leur prix…

Mme la présidente Marielle de Sarnez. Nous allons vérifier.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle passe à l’amendement II-AE11 du rapporteur pour avis.

M. Frédéric Petit, rapporteur pour avis. Cet amendement vise à compléter l’aide accordée aux agents français qui sont à l’étranger, afin de résoudre trois problèmes.

Tout d’abord, certains agents ne peuvent envoyer leurs enfants au lycée français pour des raisons financières. Pour les enseignants, l’AEFE propose un système de compensation et il faudrait aussi trouver une solution pour les personnels des autres administrations. Cela donne une mauvaise image que des gens du coin, qui ont les moyens, envoient leurs enfants au lycée français mais que des enfants français symboliques ne puissent pas y aller pour des raisons financières. D’où le transfert de certains montants du programme 105 « Action de la France en Europe et dans le monde » vers le programme 151 « Français à l’étranger et affaires consulaires ».

Ensuite, nous nous intéressons à ces quelques milliers d’enfants qui ne sont pas bien pris en compte par les critères actuels des bourses. Nous proposons de confier à nos élus locaux – les conseillers consulaires qui sont élus au suffrage universel tous les six ans et qui seront renouvelés en 2020 – une aide supplémentaire pour les bourses. Cette aide serait très réduite puisqu’elle serait plafonnée à 10 % de l’aide accordée dans le cadre de l’algorithme actuel de l’AEFE. Elle leur permettrait néanmoins d’aller chercher ceux qui sont hors des clous mais dont on sait qu’ils ont besoin d’aide. L’idée est de faire confiance à des élus locaux pour accorder ce complément.

Enfin, tous ces systèmes seraient coordonnés par l’AEFE, comme elle le fait pour les bourses. On accorde la gratuité au bénéficiaire de l’aide et l’argent passe directement de l’AEFE au lycée. Ce n’est pas toujours le cas actuellement, ce qui complique la gestion et doit provoquer des pertes en ligne.

Mme Laetitia Saint-Paul. J’ai le sentiment que cet amendement dépasse le problème de financement stricto sensu. Vous expliquez que lorsque l’inscription est trop chère, il y a une compensation pour certains administrés. Vous demandez la gratuité pour les personnes non indemnisées qui n’ont pas obtenu cette fameuse compensation. En même temps, on rendrait 5 millions d’euros sur un montant de 110 millions d’euros de crédits puisque toutes les bourses ne sont pas consommées. Monsieur le rapporteur, je vous invite à retirer cet amendement pour que nous puissions retravailler ensemble sur le sujet car j’ai la conviction que la réponse n’est pas simplement financière.

M. Meyer Habib. Pour ma part, je m’apprêtais à voter pour cet amendement qui va dans le bon sens. Au risque d’encourir les reproches de mon camp politique – comme ce fut le cas sous la précédente législature –, je vote toujours pour les mesures qui me semblent aller dans le bon sens.

J’ai le privilège d’être député des Français de l’étranger depuis de nombreuses années. Il y a beaucoup de gens qui ont honte de demander des bourses, qui savent qu’ils ne les obtiendront pas. Ils sont français et ils aimeraient mettre leurs enfants dans un lycée français, mais il leur est plus facile de les envoyer dans des écoles publiques. Il y a des critères ; ce sont parfois des familles monoparentales ou avec beaucoup d’enfants ; elles ont peur d’avoir un refus. Les Français de l’étranger sont loin d’être tous des nantis, des expatriés, des cadres d’entreprise. Notre collègue Petit ne doit pas retirer cet amendement que nous devons adopter.

M. Frédéric Petit, rapporteur pour avis. Je reconnais que mon amendement est un peu complexe, ce qui est normal car j’ai pris de la hauteur : il faut ramener des choses dans une gestion commune. Je ne demande pas une gratuité différente. Je dis que les administrations qui envoient du personnel à l’étranger doivent les encourager à envoyer leurs enfants dans les écoles françaises. Cela peut passer par une prise en charge totale ou partielle. Tous ces dispositifs – notamment celui confié aux conseillers consulaires – viendraient en complément de la bourse actuelle. Je reconnais que mon amendement est compliqué et que j’ai plus réfléchi à certains aspects qu’à d’autres. Je veux bien le retirer pour y retravailler.

L’amendement est retiré.

Article 44

La commission examine l’amendement II-AE10 du rapporteur pour avis.

M. Frédéric Petit, rapporteur pour avis. Il s’agit d’un amendement très technique qui tente d’apporter une solution à une situation très classique : celle du professeur qui part en mission pour six ans, tombe amoureux, se marie et préfère rester dans ce pays qu’il adore plutôt qu’à l’AEFE.

M. Meyer Habib. Cela arrive très souvent !

M. Frédéric Petit, rapporteur pour avis. Bien sûr ! Dans ce genre de cas, le professeur accepte de rester dans le lycée où il enseigne mais à des conditions de travail locales, c’est-à-dire qu’il divise son salaire par deux et qu’il se met en disponibilité pour convenance personnelle. À ce moment-là, il reste dans les plafonds des autorisations d’emplois de l’État. Cet amendement propose que les enseignants qui se trouvent dans cette situation sortent à la fois du plafond des postes équivalent temps plein (ETP) de l’AEFE – ce qui est déjà le cas – mais aussi du plafond local. On comprend qu’il y ait un plafond local parce que l’on veut contrôler aussi les locaux mais, dans ce cas, j’estime que ce n’est pas une dépense pour la République. Cet amendement technique réglera un problème lancinant qui se pose dans les lycées – conventionnés, en particulier – depuis une dizaine d’années.

Mme Laetitia Saint-Paul. Monsieur le rapporteur, vous confirmez que ces personnels sont en disponibilité sans revenu, avec seulement un revenu de droit local.

M. Frédéric Petit, rapporteur pour avis. J’ai utilisé l’expression exacte : « disponibilité pour convenance personnelle ». Ils n’ont plus de revenu et de lien avec la France.

Mme Laetitia Saint-Paul. Dans la mesure où ils ne représentent plus un coût financier pour l’État puisqu’ils sont employés en droit local, j’encourage mes collègues à voter pour cet amendement.

La commission adopte l’amendement à l’unanimité.

M. Christian Hutin. En fait, pour les ourses, le coût est de 38 millions d’euros sur dix ans.

Mme la présidente Marielle de Sarnez. Nous n’avons pas le même chiffre. Le coût officiel de l’opération s’élève ce jour à 350 000 euros.

M. Christian Hutin. Nous ne sommes pas tout à fait d’accord.

Mme la présidente Marielle de Sarnez. Nous pouvons aller les voir sur le terrain si vous voulez, monsieur le député ! (Sourires.)

Avant l’article 72

La commission est saisie de l’amendement II-AE12 du rapporteur pour avis.

M. Frédéric Petit, rapporteur pour avis. C’est l’amendement dont je parlais, qui prévoit un rapport sur le rapprochement entre l’Institut français et les Alliances françaises, destiné à bien nous informer sur cette réforme qui va succéder à celle des lycées.

Mme Laetitia Saint-Paul. Monsieur le rapporteur, le sujet est important mais il n’a pas forcément sa place dans le PLF. La commission des affaires étrangères peut s’en saisir dans le cadre d’une mission d’information. Je vous invite à retirer votre amendement.

M. Frédéric Petit, rapporteur pour avis. Madame la présidente, nous saisissons-nous de ce sujet ? Avec cet amendement, je prévois des délais rigoureux pour être sûr que nous serons prévenus avant que ne soient prises des décisions sur lesquelles nous ne pourrions plus revenir. Ce rapprochement formel entre l’Institut français et les Alliances françaises est assez complexe. Nous devons accompagner le travail.

Mme la présidente Marielle de Sarnez. Nous avons actuellement une mission d’information sur le réseau culturel de la France dans le monde, dont les rapporteurs sont Michel Herbillon et Sira Sylla. Lorsque nous allons en débattre, à la fin du mois, nous pourrions regarder si le sujet mérite un approfondissement et une deuxième mission sur les réformes. Pour le moment, je vous propose d’attendre ce débat qui est déjà prévu à notre agenda.

M. Frédéric Petit, rapporteur pour avis. J’accepte votre proposition et je retire mon amendement.

L’amendement est retiré.

La commission examine l’amendement II-AE13 du rapporteur pour avis.

M. Frédéric Petit, rapporteur pour avis. Je retire aussi cet amendement qui était associé à celui que j’ai précédemment retiré.

L’amendement est retiré.

 

Suivant l’avis des rapporteurs, la commission émet un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Action extérieure de l’État ».

 

 


—  1  —

   annexe : LISTE DES PERSONNALITÉS RENCONTRÉES
PAR LE RAPPORTEUR

En cours dannée à Paris (2017-2018) :

– M. Thierry Valentin, Campus France – 9 novembre 2017 ;

– Christophe Bouchard, AEFE – 15 décembre 2017 ;

– Mme Laurence Auer, Direction générale de la mondialisation – 21 mars 2018 ;

– Mme Marie-Pierre Nicollet, AFD – 23 mai 2018 ;

– Mme Laurence Auer, Direction générale de la mondialisation – 20 juin 2018 ;

– M. Sébastien Mosneron-Dupin, Expertise France – 11 juillet 2018 ;

– M. Christian Mantei, Directeur Général d’Atout France – 17 juillet 2018 ;

 

À Paris :

– Mme Catherine Bréchignac, ambassadeur délégué à la science, la technologie et l’innovation de l’Académie des sciences ;

– M. Jean-Noël Tronc, directeur général de la SACEM et M Blaise Misler, directeur des relations institutionnelles ;

– M. Morgan Larhant, sous-directeur de la 7ème sous-direction (Europe, affaires étrangères, APD, asile et agriculture) de la direction du Budget du ministère de l’action et des comptes publics ;

– Mme Laurence Auer, directrice de la culture, de l’enseignement, de la recherche et du réseau au ministère de l’Europe et des affaires étrangères ;

– M. Bertrand Commelin, secrétaire général de la Fondation Alliance française ;

– M. Marc Thonon, directeur du Bureau export et M. Romain Laleix, secrétaire général ;

– M. Pierre Buhler, président de l’Institut français ;

– Mme Catherine Leprovost, directrice-adjointe du Bureau international de l’édition française (BIEF) ;

– M. Étienne Rabaté, directeur délégué en charge des des affaires internationales et européennes du Centre national d’enseignement à distance (CNED) ;

– M. Pierre-François Mourier, directeur du Centre international d’études pédagogiques (CIEP) ;

– M. Jean-Paul Negrel, directeur-adjoint de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger (AEFE), Mme Aurélia Carré de Lusançay, directrice des affaires financières et du contrôle de gestion, M. Bernard Pujol, directeur des ressources humaines et Mme Raphaëlle Dutertre, responsable des relations avec les élus ;

– M. Jean-Christophe Deberre, directeur général de Mission laïque française;

– M. Hervé Tilly, délégué aux relations européennes et internationales et à la coopération à l’administration centrale du ministère de l’éducation nationale et du ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation et Mme Myriam Grafto, responsable du département de l’internationalisation et de la valorisation du système scolaire (DIVSS) ;

– Mme Chantal Manes-Bonnisseau, inspectrice générale de l’éducation nationale du ministère de l’Éducation nationale ;

– M. Marc Foucault, inspecteur général de l’administration et de la recherche (IGAENR) du ministère de l’Éducation nationale, en charge d’un rapport 2018 sur l’enseignement du français ;

– M. Thierry Valentin, directeur général-adjoint de Campus France ;

– Mme Laure Coudret-Laut, directrice de l’Agence Erasmus ;

– M. Khaled Bouabdallah, vice-président de la Conférence des présidents d’université (CPU) accompagné de Jean-Luc Nahel, conseiller en charge des relations internationales et Kévin Neuville, conseiller en charge es relations avec le Parlement ;

– M. Denis Despreaux, délégué aux affaires européennes et internationales (DAEI) au ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation ;

– M. Alain Schuhl, directeur général délégué à la science au CNRS, accompagné de Thomas Borel, chargé des relations avec le Parlement.


En Israël :

– M. Elie Elalouf, président du groupe d’amitié France – Israël à la Knesset ;

– Rencontre avec l’équipe israélienne de la Saison croisée ;

– Mme Mira Lapidot, commissaire israélienne de l’exposition Boltansky ;

– M. François Petit, chef du service économique et Mme Gisèle Hivert-Messeca, directrice Israël de Business France ;

– Rencontre avec les représentants des parents et des professeurs à l’école Marc Chagal ;

– Rencontre avec l’équipe pédagogique du collège-lycée Mikveh Israël ;

– Son Exc. Mme Hélène Le Gall, ambassadrice de France en Israël ;

– Rencontre avec l’équipe de l’Institut français à Tel Aviv ;

– M. Patrice Servantie, consul de France à Haïfa.

En Territoires Palestiniens :

– Lycée français international de Ramallah ;

– Antenne de l’Institut français de Jérusalem à Ramallah, centre culturel franco-allemand ;

– Rencontre avec des personnalités culturelles et universitaires de Cisjordanie à l’Institut français ;

– M. Sabri SAIDAN, Ministre de l’Education et de l’Enseignement supérieur ;

– Rencontre avec l’équipe du Lycée français de Jérusalem ;

– Antenne Romain Gary de l’Institut français de Jérusalem (Ouest) ;

– Ecole biblique et archéologique française de Jérusalem. Entretien particulier avec Jean- Jacques Perénnès ;

– Consul général avec des représentants de la société civile ;

– Département de français de l’Université Al Aqsa de Gaza, rencontre avec des étudiants ;

– Antenne de l’Institut français de Jérusalem à Gaza, rencontre avec l’équipe ;

– Rencontre avec des personnalités de la société civile et du monde culturel ;

– Antenne Chateaubriand de l’Institut français de Jérusalem (Est). Réunion de travail avec les responsables du service de coopération et d’action culturelle et de l’Institut français ;

– Rencontre avec le Consul général et des personnalités de Jérusalem Est.


([1])  «La fabrique numérique du plurilinguisme», sera créé en lien avec l’Institut français, la Cité de la Francophonie de Villers-Cotterêts, le CIEP, l’INALCO et les grands acteurs français de l’EdTech, de la FrenchTech et de l’innovation. Réunissant ingénieurs, chercheurs, linguistes, artistes, et entreprises innovantes, ce projet visera à faire émerger de nouveaux outils, contenus et services pour l’apprentissage des langues à partir des nouveaux usages et technologies numériques (intelligence arti cielle, agents conversation- nels, BOT, réalités immersives).

([2])  Plusieurs Fonds de solidarité prioritaire (FSP) – outils à disposition de nos postes diplomatiques - ayant pour but de renforcer l’usage du français dans ces instances régionales ont été mis en place depuis 2009, tel le FSP « Appui au français dans l’intégration est-africaine et à l’Union africaine », qui prendra fin cette année, et qui a bénéficié à six pays, l’Ouganda, le Kenya, la Tanzanie, le Rwanda et le Burundi. L’Éthiopie a également été impliquée en tant qu’hôte du siège de l’Union Africaine. Ce FSP a permis de mettre en place des programmes de formation en français de la diplomatie visant à perfectionner les diplomates en français de spécialité adapté à leur contexte professionnel. Plus récemment, en 2018, un Fonds de solidarité prioritaire innovant (FSPI) a été attribué à l’Ethiopie ainsi qu’un autre au Burundi afin de renforcer la francophonie dans les relations internationales et dans la Communauté est-africaine (CEA). Dans ce cadre, des modules de formation initiale et continue sont proposés aux diplomates africains sur les enjeux de la Francophonie et l’accompagnement à l’utilisation du français comme langue de travail des institutions de la Communauté d’Afrique de l’Est, avec l’appui notamment du réseau des Alliances françaises notamment celles présentes au Kenya, qui accueille le siège de la CEA.

([3])  Le MEAE soutient à cet effet des programmes de formation linguistique de diplomates étrangers et de hauts fonctionnaires siégeant au sein d’organisations internationales et régionales. Ainsi, en 2018, un dispositif de formation linguistique pour les fonctionnaires européens a été mis en place à travers un fonds d’intervention linguistique. Ce fonds a permis de financer des formations linguistiques pour des diplomates et hauts fonctionnaires européens et voisins de l’Union qui ne sont ni membres, ni membres associés, ni membres observateurs de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) et qui sont chargés du suivi des dossiers européens. Ce fonds s’inscrit en complémentarité du programme « le français dans les relations internationales » de l’OIF. Un second programme de formation linguistique destiné aux hauts fonctionnaires de l’Union européenne, le programme Millefeuille, a permis d’organiser des cours de langue française à l’Alliance française de Bruxelles et des stages sur mesure en France pour plusieurs hauts fonctionnaires de l’Union européenne.

([4]) Rapport sur la diplomatie économique de MM. Pierre Cordier et Denis Masséglia, septembre 2018.

([5])  Le Conseil des ministres franco-allemand (CMFA) du 13 juillet 2017 a fixé l’objectif, dans le domaine de la coopération culturelle, de mettre en place au moins dix nouveaux instituts intégrés franco-allemands d’ici 2020. Les modalités de la mise en œuvre de cette feuille de route politique adoptée par le CMFA, ainsi que la détermination des futures implantations géographiques, ont ensuite fait l’objet de discussions bilatérales associant le MEAE et l’Auswärtiges Amt, ainsi que dans le cadre d’un groupe de travail associant le MEAE et l’institut Goethe. Les travaux entrepris, depuis l’automne 2017, ont notamment abordé les priorités diplomatiques respectives de chaque pays, la densité de leurs réseaux culturels respectifs à l’étranger (Afrique notamment pour la France ; Europe orientale pour l’Allemagne), leurs spécificités institutionnelles respectives (pour le réseau français : possibilité d’exploiter à la fois le réseau des instituts français, et celui des alliances françaises ; pour le réseau allemand, exploitation du réseau existant des instituts Goethe ou dans certains cas des « Goethe Zentrum »). 

 

([6])  La mission archéologique franco-palestinienne de Samarie-Nord Palestine, créée en 2013, a pour objectif d’améliorer la connaissance historique du nord de la Palestine et de sa ville éponyme, Samarie-Sébaste, par des recherches de terrain et le réexamen des fouilles anciennes, notamment selon les trois axes d’études suivants : architecture funéraire à Samarie-Sébaste, la ville elle-même et ses relations avec la région de Samarie. La mission archéologique franco-palestinienne de ʿAin el-Maʿmoudiyeh résulte de la collaboration entre l’Ifpo et le ministère du Tourisme et des Antiquités de Palestine, en vue de procéder, depuis 2015, à l’étude des vestiges d’un ensemble monastique paléochrétien (ive-viie siècles) situé à 8 km à l’ouest d’Hébron. Le site, associé au souvenir de saint Jean-Baptiste, occupe un wādī caractérisé par la présence d’une source destinée, en partie, à alimenter un baptistère et dotée d’une cuve exceptionnelle par ses dimensions.

([7])  Le projet intitulé Histoire et mémoire du théâtre palestinien contemporain : François Gaspar, dit Abou Salem. Etude d’une œuvre et d’un fonds d’archives d’exception » porte sur le théâtre palestinien contemporain. Il a pour objectif l’étude de l’œuvre et du fonds d’archive laissé par le dramaturge, comédien et artiste François Abou Salem (1951-2011), français établi en Palestine, et créateur de la troupe al-ḥakawātī, puis du Théâtre National Palestinien/El-Hakawati. Son objectif est de construire une connaissance nouvelle de la société palestinienne contemporaine, par un travail littéraire ouvert sur l’histoire urbaine et culturelle de Jérusalem-Est. Riche de possibilités, il propose une approche inédite de l’étude des phénomènes sociaux, dans un contexte particulier, tel que celui de la société palestinienne contemporaine.

([8])  Cette convention a été signée le 28 septembre 2018 entre l’école supérieure du professorat et de l’Education de l’université de Clermont en Auvergne et le LFIR  La durée de la formation est d’une année universitaire avec une formation à distance (160h) dispensée et évaluée par des membres de l’ESPE de Clermont, des stages d’observation et de pratiques de classe au LFIR et un stage de 3 semaines en France à l’ESPE de Clermont. (en favorisant l’hébergement en familles). Tout au long de la formation les étudiants seront encadrés et tutorés par un membre du secteur de la coopération éducative du Consulat général de France à Jérusalem. Cette année 4 étudiantes sont engagées dans ce dispositif.

([9])  Des dialogues croisés d’histoire moderne, autour de huit « paires » d’historiens, de France et d’Israël, se sont tenus au CRFJ, en partenariat avec l’Université de Bar Ilan, dans le bel esprit de croisements propre à la Saison. S’agissant de sciences exactes, une conférence intitulée Les frontières en sciences des lasers a été organisée les 27 et 28 juin à l’Institut Weizmann des Sciences, en partenariat avec l’Ecole polytechnique, le CNRS et l’ENSTA ParisTech. Des chercheurs français et israéliens de ces institutions ont pu présenter leurs travaux liés à la physique des lasers. Cette conférence a été l’occasion de signer deux accords de recherche franco-israéliens : l’un dans le domaine de la physique des lasers entre le CNRS, l’ENSTA ParisTech, l’Ecole polytechnique et l’Institut Weizmann des Sciences, et l’autre dans le domaine des nanosciences appliquées à l’optique, permettant la création du Laboratoire International Associé (LIA) ImagiNano, entre le CNRS, Aix-Marseille Université, Centrale Marseille, l’Institut Weizmann des Sciences, l’Université de Tel Aviv et l’Université hébraïque de Jérusalem.