N° 1304

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 12 octobre 2018.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES
SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2019 (n° 1255),

 

TOME V

 

ÉCOLOGIE, DÉVELOPPEMENT ET MOBILITÉ DURABLES

 

 

PAR M. Jean François MBAYE

Député

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 Voir le numéro 1302


 


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SOMMAIRE

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Pages

introduction

I. biodiversité mondiale : un déclin inquiétant, symbole des dangers que lhumanité fait peser sur la nature

A. une érosion globale de la diversité biologique à léchelle de la planète

1. Un déclin rapide et généralisé de la biodiversité mondiale

2. Les activités humaines sont à lorigine de la détérioration et de la disparition de certains écosystèmes

B. les grandes espèces sauvages menacées : signe dun monde qui seffondre

1. Une lourde menace pèse sur certaines espèces sauvages emblématiques

2. Le trafic despèces sauvages menacées est lune des activités illicites les plus lucratives à léchelle mondiale

a. État des lieux du trafic despèces sauvages menacées à léchelle mondiale et européenne

b. État des lieux du trafic despèces sauvages menacées à léchelle nationale

II. Une action résolue de la France, à linternational, au service de la préservation et de la reconquête de la biodiversité mondiale

A. les différents leviers permettant dagir en faveur de la biodiversité mondiale : le réseau diplomatique et laide publique au développement

1. Une diplomatie environnementale ambitieuse mobilisée en faveur de la protection de la nature

a. Les instruments internationaux et européens en faveur de la préservation de la biodiversité

b. La nécessité dune action diplomatique déterminée en faveur dun relèvement de lambition internationale dans les années à venir

i. Présidence française du G7 (2019)

ii. 7ème conférence plénière de lIPBES (2019)

iii. COP18 à la CITES (2019)

iv. Congrès mondial de la nature de lUICN (2020)

v. COP15 à la CDB (2020)

c. La nécessité dune mise sous tension accrue de notre réseau diplomatique

2. Une politique daide publique au développement énergiquement mobilisée en faveur de la protection des milieux et des espèces

a. Les actions de lAgence française de développement en faveur de la préservation de la biodiversité mondiale

b. Les actions du Fonds français pour lenvironnement mondial en faveur de la préservation de la biodiversité mondiale

B. la lutte contre la marchandisation des espèces sauvages menacées

1. Les actions menées par les pouvoirs publics pour lutter contre le trafic illégal despèces sauvages menacées

a. Les différents vecteurs du trafic illégal despèces sauvages menacées

b. Les actions des services des douanes pour lutter contre les trafics illégaux despèces sauvages menacées

i. Moyens des services des douanes concernant la lutte contre le trafic despèces protégées

ii. Problématique spécifique du devenir des saisies douanières sagissant du trafic despèces protégées

c. La nécessité dune action internationale coordonnée pour lutter contre la criminalité environnementale

2. Le danger que peut représenter le commerce légal pour les espèces sauvages menacées

a. Le commerce légal de livoire peut favoriser le déclin des populations déléphants en servant de couverture au trafic illégal

b. Le moratoire concernant la chasse commerciale à la baleine est un outil pertinent pour la sauvegarde des populations

TRAVAUX DE LA COMMISSION

Présentation DE lAVIS devant la commission des affaires étrangÈres

EXAMEN DES CRÉDITS

annexe  1 : Liste des personnes auditionnées par LE RAPPORTEUR


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SYNTHÈSE DES RECOMMANDATIONS DU RAPPORTEUR

 

Favoriser la préservation et la reconquête de la biodiversité mondiale

1) Création, au sein de la commission des affaires étrangères, d’un groupe de travail consacré à la diplomatie environnementale, en charge du suivi, tout au long de la législature, des négociations internationales sur les sujets environnementaux (biodiversité, climat, haute mer…) ;

2) Mise sous tension renforcée du réseau diplomatique français concernant les questions relatives à la préservation et à la reconquête de la biodiversité mondiale afin de faire de cette problématique une question prioritaire de la politique extérieure de la France ;

3) Poursuivre les efforts en matière d’aide publique au développement concernant la prise en compte des enjeux liés à la préservation et à la reconquête de la biodiversité dans les différents projets mis en œuvre ;

Lutter contre le trafic illégal des espèces sauvages menacées

4) Promouvoir ladoption dun accord entre le secrétariat de la CITES ([1]) et lOrganisation maritime internationale, sur le même modèle que celui liant le secrétariat de la CITES et l’association internationale du transport aérien, afin de faire diminuer le commerce illégal et assurer la sûreté et la sécurité du transport, par le vecteur maritime, des espèces sauvages légalement commercialisées ;

5) Œuvrer à un renforcement, aux échelles nationale et européenne, de la réglementation du commerce légal de livoire afin de favoriser une réduction de la demande mondiale et éviter que le commerce légal ne serve de couverture aux flux illicites ;

6) Nouer différents partenariats stratégiques permettant de renforcer la lutte contre le trafic illégal d’espèces sauvages menacées :

– entre les pouvoirs publics, les entreprises en charge de la gestion des aéroports et les compagnies aériennes concernant la diffusion d’informations ciblées et systématiques à destination des voyageurs à propos du braconnage, s’agissant de certaines destinations sensibles ;

– entre les pouvoirs publics, les sociétés de commerce en ligne et les principaux réseaux sociaux concernant un filtrage efficient, en amont, des annonces litigieuses.


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   introduction

Chaque année, la commission des affaires étrangères examine à l’occasion du projet de loi finances les instruments, les objectifs et les modalités de la diplomatie environnementale.

Contrairement à d’autres avis budgétaires, celui-ci n’a pas vocation à examiner le détail des programmes et des actions qui constituent la mission Écologie, développement et mobilité durables, à laquelle il se rattache.

Centré sur la diplomatie environnementale et plus précisément sur les questions relatives à la lutte contre lérosion de la biodiversité mondiale et à la préservation des espèces sauvages menacées, c’est essentiellement un avis de nature politique, et non budgétaire. Il vise à donner au Gouvernement les recommandations de la commission des affaires étrangères sur les objectifs que doit porter la France, à l’international, sur ces thématiques.

La question de la lutte contre l’érosion de la diversité biologique aux échelles européenne et internationale est un des six grands axes du Plan biodiversité ([2]) présenté par le Gouvernement, en juillet dernier.

Les mois et les années qui viennent seront riches en opportunités permettant de concrétiser cette ambition que la France souhaite porter à linternational en faveur du vivant. Ces nombreux rendez-vous seront autant d’occasions permettant de mobiliser les chefs d’État et de Gouvernement, la communauté scientifique mondiale ainsi que l’opinion publique internationale.

La France s’est notamment engagée à accueillir, à Paris, en 2019, la 7ème conférence plénière de la Plateforme intergouvernementale sciencepolitique sur la biodiversité et les services écosystémiques (Intergovernmental science-policy platform on biodiversity and ecosystem servicesIPBES – en anglais), qui est l’équivalent du groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), pour l’étude de l’évolution de la biodiversité mondiale. Cest à cette occasion que la communauté scientifique mondiale publiera son rapport sur létat de la nature dans le monde.

Le Gouvernement a, par ailleurs, indiqué que la question de la protection de la biodiversité mondiale serait l’une des thématiques principales de la présidence française du G7, en 2019.

Par ailleurs, la conférence des Parties (COP18) à la convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées dextinction (CITES) se réunira à Colombo, au Sri Lanka, au printemps 2019.

La France accueillera également, du 11 au 19 juin 2020, à Marseille, le Congrès mondial de la nature de lUnion internationale de la conservation de la nature (UICN) qui devrait permettre de mobiliser les diverses composantes de la société civile en faveur de la protection de la diversité biologique.

Enfin, la prochaine conférence des Parties (COP15) à la convention des Nations unies sur la diversité biologique (CDB) se réunira, à Pékin, en 2020, et constituera une étape cruciale dans le combat contre l’érosion de la biodiversité mondiale. Lors de ce rendez-vous, la communauté internationale dressera un bilan des « objectifs dAïchi », pris en 2010, à l’occasion de la COP10 de Nagoya. Il est hélas, d’ores et déjà, possible d’affirmer qu’une grande partie d’entre eux ne seront pas atteints. À l’occasion de la COP15 de la CDB, la France, devra ainsi porter une nouvelle impulsion à même de déboucher sur ladoption dun cadre international plus ambitieux et plus opérationnel en faveur de la nature et du vivant.

L’objectif diplomatique de la France, en la matière, est simple mais colossal : réussir sagissant de la biodiversité ce quelle est parvenue à porter, avec succès, pour le climat, en 2015, avec la signature de laccord de Paris.

Le déclin de la biodiversité est général : il touche les espèces sauvages menacées emblématiques comme les espèces communes, c’est‑à‑dire la « biodiversité du quotidien ». En France, par exemple, les populations d’oiseaux des milieux agricoles ont diminué de près d’un tiers en 15 ans, selon les chiffres transmis, au rapporteur, par le Comité français de l’UICN.

À l’instar de ce qui a été fait pour la question climatique, il est urgent que nous prenions collectivement conscience de notre responsabilité sagissant de lérosion de la biodiversité mondiale. Il est impératif de mettre un terme à l’indifférence générale sur cette question et d’agir, résolument, en faveur de la protection de la nature et du vivant.

Afin d’alerter la représentation nationale et les citoyens avec d’autant plus de force, une partie des travaux qui suivent se concentreront en partie sur la protection des espèces sauvages menacées. Ces exemples emblématiques permettront d’illustrer les dangers que l’humanité fait peser sur les écosystèmes dans lesquels elle évolue et auxquels – il ne faudrait jamais l’oublier – elle appartient.

Les écosystèmes ne connaissent pas le concept de frontières mais leur préservation implique nécessairement des coopérations régionales et internationales. Ainsi la diplomatie environnementale apparaît comme l’instrument crucial qui pourrait permettre de renforcer notre action collective au service de la nature et du vivant.

 

I.   biodiversité mondiale : un déclin inquiétant, symbole des dangers que l’humanité fait peser sur la nature

A.   une érosion globale de la diversité biologique à l’échelle de la planète

La biodiversité, substrat indispensable au bien-être de l’humanité, désigne la diversité et la variabilité des formes de vie sur terre ainsi que les milieux dans lesquels le vivant se déploie. La diversité biologique englobe la diversité au sein de chaque espèce, entre les espèces ainsi qu’entre les écosystèmes.

1.   Un déclin rapide et généralisé de la biodiversité mondiale

L’érosion spectaculaire de la biodiversité en cours est sans précédent dans l’histoire de l’humanité par sa vitesse et l’ampleur de ses impacts. Selon une étude publiée, en juillet 2017, dans la revue américaine PNAS ([3]) : la sixième extinction de masse des animaux saccélère à la fois en nombre despèces concernées et en étendue.

La carte, ci-dessous, détaille les effets de la crise d’extinction de la diversité biologique à laquelle nous sommes actuellement confrontés :

Une érosion générale de la biodiversité mondiale

Ce déclin de la biodiversité concerne l’ensemble des continents. Selon les données transmises, à votre rapporteur, par le Comité français de l’UICN, les zones les plus touchées – s’agissant notamment des mammifères et des oiseaux – sont celles se situant dans les zones tropicales (forêt amazonienne, bassin du Congo, Asie du Sud‑Est) où la biodiversité est la plus riche. Pour autant les régions tempérées ne sont pas épargnées par ce phénomène puisqu’elles enregistrent des taux similaires, voire plus élevés en valeur relative, si on les compare à la moindre richesse de leur biodiversité.

Ce déclin généralisé des espèces animales est global et concerne aussi bien les espèces menacées que les espèces communes. Le Comité français de l’UICN pointe, par exemple, une chute des populations d’insectes en Europe de près de 80 % ces trente dernières années. En France métropolitaine, il relève, notamment, les éléments suivants : 32 % des oiseaux nicheurs, 28 % des crustacés d’eau douce, 24 % des reptiles, 23 % des amphibiens, 22 % des poissons d’eau douce, et 14 % des mammifères sont menacés de disparition.

2.   Les activités humaines sont à l’origine de la détérioration et de la disparition de certains écosystèmes

Les scientifiques estiment que « le taux dextinction des espèces est aujourdhui 100 à 1 000 fois plus élevé que les taux dextinction relevés au cours des temps géologiques passés, en raison des impacts multiples des activités humaines » ([4]).

L’érosion de la biodiversité mondiale trouve principalement son origine, selon des conclusions de l’IPBES ([5]), dans la dégradation des terres qui se traduit par un changement d’affectation des sols, par leur érosion ou l’appauvrissement de leur qualité. La dégradation des terres altère la biodiversité en entraînant une destruction ou une fragmentation des habitats naturels indispensables à la survie d’espèces végétales ou animales.

Selon une tribune ([6]), publiée en 2017 dans la revue BioScience, cosignée par plus de 15 000 scientifiques issus de 184 pays différents, l’érosion de la biodiversité mondiale s’explique également par :

– la déforestation impliquant la destruction de certains habitats naturels ;

– le dérèglement climatique induisant une accélération de l’érosion de la biodiversité ;

– la mutation des régimes alimentaires à l’échelle mondiale provoquant un accroissement de la production et de la consommation de produits carnés ;

– les pratiques agricoles intensives entraînant un recours massif aux pesticides et une altération, en qualité et en quantité, des ressources en eau ;

lintroduction despèces exotiques envahissantes représentant une menace pour les écosystèmes endémiques particulièrement fragiles comme les espaces insulaires ;

– la surexploitation des espèces, que celle-ci soit légale comme la surpêche ou illégale comme le braconnage et le trafic d’espèces protégées.

Ainsi, les activités humaines ont pour effet de détruire, à grande échelle, la diversité biologique de la planète. Biodiversité dont l’homme fait partie intégrante et qui est dans son ensemble indispensable à sa propre survie.

Les conséquences de cette érosion du vivant sont déjà palpables néanmoins la prise de conscience de cette extinction de la diversité biologique reste encore largement à construire. Les pouvoirs publics se doivent d’alerter et de sensibiliser nos concitoyens mais aussi de mobiliser, à l’international, pour que des actions déterminées puissent être prises rapidement pour, tout d’abord, enrayer ce déclin puis œuvrer en faveur d’une reconquête de la biodiversité.

B.   les grandes espèces sauvages menacées : signe d’un monde qui s’effondre

L’érosion de la diversité biologique concerne tout autant les espèces sauvages emblématiques que la biodiversité ordinaire et il apparaît impératif pour le rapporteur que des mesures soient prises rapidement pour préserver toutes les composantes du tissu vivant.

En revanche, mettre l’accent sur les espèces sauvages emblématiques peut avoir pour effet de sensibiliser plus efficacement encore l’opinion publique sur l’effondrement en cours de la biodiversité mondiale. Insister sur les espèces « fanions » pourrait permettre d’accélérer la prise de conscience de nos concitoyens et par la suite enclencher une mobilisation générale en faveur de la préservation de la nature.

1.   Une lourde menace pèse sur certaines espèces sauvages emblématiques

La liste rouge mondiale des espèces menacées est loutil de référence de lUICN constituant l’inventaire mondial le plus complet de l’état de conservation global des espèces végétales et animales. Cette liste rouge s’appuie sur une série de critères précis permettant d’évaluer le risque d’extinction de milliers d’espèces et de sous-espèces. Elle constitue ainsi un indicateur privilégié permettant de suivre l’état de la biodiversité dans le monde.

Selon les dernières données répertoriées dans cette liste rouge, il est possible d’affirmer que 41 % des amphibiens, 13 % des oiseaux et 25 % des mammifères sont menacés dextinction au niveau mondial. C’est également le cas pour 31 % des requins et raies, 33 % des coraux constructeurs de récifs et 34 % des conifères. Lélément le plus inquiétant a trait à la profondeur de cette crise qui touche tous les groupes despèces sur tous les continents.

Quelques chiffres communiqués au rapporteur par le Comité français de l’UICN sont éloquents et particulièrement inquiétants, la planète ne comportait plus que :

– 7 000 guépards et 35 000 lions africains, en 2016. Cette dernière espèce accuse un déclin de l’ordre de 43 % depuis 1993 ;

– 80 000 orangs-outans de Bornéo, en 2016, la population de cette espèce ayant chuté de 25 % ces dix dernières ;

– 97 000 girafes, en 2015, alors que leur population s’élevait à 155 000 spécimens en 1985 ;

– Un effondrement des populations de pangolins, petits mammifères insectivores, décimées par le braconnage. Dans certaines régions, l’espèce est désormais considérée comme éteinte, et dans d’autres, le nombre de spécimens atteint un niveau particulièrement critique avec une baisse de 94 % de la population considérée.

2.   Le trafic d’espèces sauvages menacées est l’une des activités illicites les plus lucratives à l’échelle mondiale

a.   État des lieux du trafic d’espèces sauvages menacées à l’échelle mondiale et européenne

Le trafic illégal d’espèces menacées constitue l’un des trafics les plus lucratifs pour la criminalité organisée. Il serait aujourd’hui le quatrième trafic le plus important au monde en termes de revenus, ses bénéfices étant estimés, à l’échelle mondiale, entre 8 à 20 milliards de dollars par an environ.

En tant que vaste marché pour les produits illicites issus d’espèces sauvages, l’Union européenne est directement touchée par ce trafic. LEurope représente ainsi une zone de départ, de transit et darrivée des flux illicites. En 2016, vingt-deux États-membres ont réalisé 2268 saisies dont 1430 aux frontières extérieures de l’Union européenne. Ces interceptions concernaient notamment des médicaments (42 %), de l’ivoire (14 %), des coraux (10 %), des parties de reptiles (8 %) ou de mammifères (7 %).

La carte, ci-après, présente les principaux réseaux transnationaux de contrebande et de crimes environnementaux :

réseaux transnationaux de contrebande et de crimes environnementaux

Source : Riccardo Pravettoni – RHIPTO 2016

Le commerce en ligne est devenu le premier marché mondial pour le trafic despèces sauvages menacées. Le volume très important des transactions quotidiennes, l’existence de frais relativement faibles et la possibilité offerte aux différents intervenants de masquer leur véritable identité ont permis de faire d’Internet une vaste plateforme pour la vente illicite de produits issus d’espèces sauvages menacées.

À titre d’illustration, une étude ([7]) menée, en 2017, sur une période de six semaines, par le Fonds international pour la protection des animaux (IFAW), dans quatre pays (France, Allemagne, Russie et Royaume‑Uni) a recensé 11 772 spécimens d’espèces sauvages menacées mis en vente, via 5 381 annonces sur 106 sites de vente en ligne et réseaux sociaux, pour une valeur totale d’environ 3 200 000 d’euros environ.

Au-delà de la surveillance des différents flux sur Internet, qui nécessite des moyens humains et matériels à la hauteur des enjeux, le rapporteur insiste tout particulièrement pour que les pouvoirs publics nouent des partenariats stratégiques ambitieux avec les plus importantes entreprises du secteur du commerce en ligne afin que celles-ci régulent au mieux par elles-mêmes, en amont, la publication des annonces litigieuses.    

L’existence de liens entre le trafic despèces protégées et dautres formes de criminalité organisée (blanchiment d’argent, trafic d’armes ou de biens culturels) est régulièrement signalée, selon des données transmises par la Direction générale des douanes et des droits indirects (DGDDI). Le trafic de produits issus d’espèces sauvages menacées représente, en effet, une source importante de revenus pour certains groupes criminels ou terroristes. À titre d’exemple, selon certaines estimations transmises au rapporteur par la DGDDI, sur le marché noir, l’ivoire brut serait vendu environ 1 000 euros le kilo tandis que la corne de rhinocéros serait vendue jusqu’à 60 000 euros le kilo, soit plus que la cocaïne (30 000 euros le kilo) ou l’or (35 000 euros). 

La rentabilité de ce trafic, liée à la faiblesse des risques de poursuites judiciaires, a incité de nombreuses milices rebelles ou membres du crime organisé à y prendre une part active (armée de résistance du Seigneur en Ouganda, les Janjawid au Soudan ou encore les Chabab en Somalie…).

Signe de la préoccupation de la communauté internationale vis-à-vis de ces réseaux criminels transnationaux, le Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations unies (ONU) a reconnu, dans deux résolutions de 2014 ([8]), le lien entre le trafic d’espèces protégées, le financement des milices et l’instabilité régionale dans les pays d’Afrique centrale.

 

FOCUS

Limpact du braconnage sur certaines espèces sauvages emblématiques ([9])

Éléphant : les chiffres révèlent une augmentation particulièrement alarmante du braconnage des éléphants : plus de 20 000 éléphants sont tués chaque année pour leur ivoire ce qui représente 30 000 à 40 000 tonnes divoire illégal par an. La population d’éléphants de forêt a chuté d’environ 62 % entre 2002 et 2011. La population d’éléphants de savane a diminué, pour sa part, de 30 %, entre 2007 et 2014, dans 15 des 18 pays de l’aire de répartition. Le déclin actuel, de lordre de 8 % par an, est essentiellement causé par le braconnage.

Rhinocéros : la population de rhinocéros serait, aujourd’hui, tombée à 28 000 individus environ. Cest lune des espèces les plus menacées par le trafic illégal. En 2015, en Afrique, au moins 1 338 rhinocéros ont été tués – dont 1 175 individus en Afrique du Sud – par braconniers, ce qui constitue le nombre le plus élevé depuis des décennies. Ce déclin de la population démontre non seulement la menace mais aussi la réalité de l’extinction : le nombre de rhinocéros de Sumatra est inférieur à 100, le rhinocéros noir de l’Ouest a été déclaré éteint en 2006 et la disparition du dernier rhinocéros mâle blanc du Nord acte l’extinction de cette sous‑espèce.

Grands singes : entre 2005 et 2011, au moins 1 019 orangs-outans, 643 chimpanzés, 98 gorilles et 48 bonobos auraient été capturés dans la nature au profit du trafic illégal. Les principales causes du braconnage les concernant sont : la demande de commerce de viande de brousse, la médecine traditionnelle africaine et le marché des animaux vivants. Les extrapolations conduiraient à envisager des captures de lordre de 22 000 grands singes sauvages environ entre 2005 et 2011 au profit du commerce illégal. La perte annuelle moyenne de 2 972 grands singes pourrait avoir de graves conséquences sur la biodiversité des régions clés, compte tenu du rôle important que jouent ces animaux dans le maintien d’écosystèmes sains.

Tigres : la population des tigres était de 3 500 individus en 2014 alors qu’elle était estimée à environ 100 000 individus, il y a un siècle.

Pangolins : ce mammifère, particulièrement recherché pour ses écailles, sa peau et sa viande, est une des plus grandes victimes du braconnage. En raison de la pénurie de spécimens résultant de l’effondrement des populations de pangolins, les prix sur le marché noir ont connu une augmentation vertigineuse, ces dernières années.

b.   État des lieux du trafic d’espèces sauvages menacées à l’échelle nationale

La présence de nombreuses espèces protégées sur le territoire national alimente également le commerce illicite. Ces trafics ne franchissent pas nécessairement les frontières nationales, à l’instar du commerce illicite de lambis prélevés illégalement dans certains départements d’Outre-mer.

A contrario, d’autres espèces comme les civelles, font l’objet d’un important braconnage à destination de l’étranger, essentiellement vers l’Asie. La chute des stocks – 75 % de baisse des stocks nationaux en trente ans selon l’Agence française de la biodiversité (AFB) – a entraîné l’interdiction des exportations de civelles depuis 2010. Néanmoins, la demande restant soutenue, cette situation accentue la rentabilité de ce commerce illicite. L’achat d’alevins de civelles est, par exemple, estimé entre 1000 et 4000 euros le kilo à Hong Kong.

En revanche, le commerce intracommunautaire reste légal, rendant ainsi plus difficile les opérations de contrôle. Certains trafiquants tirent, en effet, profit de labsence de frontières intérieures pour transporter les civelles vers dautres pays de lUnion européenne avant de les exporter vers lAsie.

Ce commerce illicite d’espèces sauvages menacées en provenance de notre territoire mobilise pleinement les agents de la DGDDI. À titre d’illustration, entre janvier et mars 2017, 1 192 kilos de civelles ont été saisis en trois opérations, constituant ainsi un record pour les services des douanes.


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II.   Une action résolue de la France, à l’international, au service de la préservation et de la reconquête de la biodiversité mondiale

La France grâce aux Outre-mer est présente dans quatre des trente-quatre points chauds de la biodiversité mondiale et possède le deuxième domaine maritime mondial, incluant 55 000 km² de récifs coralliens, soit environ 10 % de la superficie mondiale.

Cette spécificité nationale implique une responsabilité particulière pour la préservation des richesses naturelles. La France doit donc conduire au niveau national, européen et international une action ambitieuse et exemplaire dans ce domaine afin de favoriser, à l’instar de ce qu’elle a su faire pour le climat, un élan collectif au service de la préservation et de la reconquête de la diversité biologique à l’échelle de la planète.

A.   les différents leviers permettant d’agir en faveur de la biodiversité mondiale : le réseau diplomatique et l’aide publique au développement

1.   Une diplomatie environnementale ambitieuse mobilisée en faveur de la protection de la nature

La France fait partie des États les plus mobilisés en faveur de la protection de la biodiversité. Elle a notamment ratifié toutes les grandes conventions internationales relatives à la diversité biologique et s’est engagée dans leur mise en œuvre.

a.   Les instruments internationaux et européens en faveur de la préservation de la biodiversité

Il existe schématiquement deux grandes catégories d’instruments internationaux, de portée mondiale ou régionale : ceux œuvrant pour la préservation des habitats et ceux favorisant la préservation des espèces menacées.

Les principales conventions relatives à la biodiversité auxquelles la France est partie prenante sont :

– la convention internationale pour la règlementation de la chasse à la baleine qui a été signée à Washington, en 1946 ;

– la convention du patrimoine mondial de lUNESCO, qui a été signée à Paris, en 1972 ;

– la convention sur les zones humides dimportance internationale qui a été signée à Ramsar, en 1971 ;

– la convention sur le commerce international des espèces menacées (CITES) qui a été signée à Washington, en 1973 ;

– la convention sur la conservation des espèces migratrices appartenant à la faune sauvage qui a été signée à Bonn, en 1979 ;

– la convention sur la conservation de la vie sauvage et du milieu naturel de lEurope qui a été signée à Berne, en 1979 ;

– Plus spécifiquement pour le milieu marin existent des conventions régionales telles que la convention de Barcelone (1976) pour la mer Méditerranée ou la convention de Carthagène (1983) pour la région des Caraïbes ;

– la convention sur la diversité biologique (CDB) qui a été ouverte à la signature lors du Sommet de la Terre à Rio de Janeiro, en 1992.

La France applique, par ailleurs, le droit européen en matière de protection de la biodiversité notamment la directive concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages (1992) et la directive concernant la conservation des oiseaux sauvages (2009).

b.   La nécessité d’une action diplomatique déterminée en faveur d’un relèvement de l’ambition internationale dans les années à venir

S’agissant de la lutte contre l’érosion de la diversité biologique, les années à venir seront marquées par de nombreux événements internationaux et régionaux auxquels la France tentera de donner une cohérence d’ensemble. Entre 2018 et 2020, la diplomatie française œuvrera ainsi, à chacune de ces occasions, pour relever l’ambition internationale en faveur de la biodiversité avec en ligne de mire l’adoption d’un nouveau cadre stratégique mondial lors de la COP15 de la CDB, à Pékin, en 2020. 

i.   Présidence française du G7 (2019)

Conformément au souhait du Président de la République, la France devrait mettre à profit sa présidence du G7, en 2019, pour sortir l’érosion de la biodiversité de la relative indifférence dans laquelle elle se trouve actuellement et pour initier une prise de conscience collective ainsi qu’une dynamique s’agissant de cette urgence environnementale.

ii.   7ème conférence plénière de lIPBES (2019)

L’idée de réunir un panel de scientifiques internationaux sur les questions de biodiversité – sur le modèle du GIEC pour le climat – a été lancée, en 2005, par la France, à l’occasion de la conférence internationale Biodiversité, Science et Gouvernance. Ce projet s’est concrétisé, en 2012, avec la création de l’IPBES, qui implique actuellement 120 États‑membres des Nations unies. Sa mission consiste à synthétiser les travaux menés dans les laboratoires du monde entier sur la diversité biologique. La plate-forme a ainsi pour but déclairer les gouvernements, mais aussi lopinion mondiale, en fournissant des informations crédibles et vérifiées sur létat de la biodiversité mondiale.

Trois ministères français sont concernés par le suivi des travaux de la plate-forme et partagent la prise en charge de la contribution volontaire de la France à son budget : le ministère de l’Europe et des affaires étrangères, le ministère de la transition écologique et solidaire ainsi que le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche et de l’innovation.

Le tableau, ci-après, présente le niveau de la contribution volontaire de la France au budget de l’IPBES en 2017 et en 2018 :

contribution volontaire de la France au budget de L’IPBES

 

2017

2018

Ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation

90 000 €

90 000 €

Ministère de l’Europe et des affaires étrangères

75 000 €

60 000 €

Ministère de la transition écologique et solidaire

50 000 €

50 000 €

TOTAL

215 000 

200 000 

Source : Ministère de la transition écologique et solidaire

 En parallèle, l’Agence française pour la biodiversité (AFB) a engagé, en 2017, une convention pluriannuelle avec l’IPBES, d’un montant de 900 000 euros sur six ans, afin de financer trois évaluations inscrites à son programme de travail et dont la réalisation était jusqu’alors en attente.

La France souhaitant se positionner comme nation chef de file en matière de protection de la biodiversité, le Gouvernement a proposé d’accueillir la prochaine conférence plénière l’IPBES : lévénement se déroulera à Paris du 29 avril au mai 2019.

Cette rencontre internationale présentera un enjeu particulier puisqu’à cette occasion devrait être validée la première édition du document-phare de lIPBES : le rapport sur lévaluation mondiale de la biodiversité et des services écosystémiques. Ce rapport majeur pourrait, par ailleurs, constituer une assise scientifique forte pour l’ensemble des travaux proposés sous la présidence française du G7 portant sur la biodiversité et ainsi favoriser l’émergence d’une véritable dynamique en faveur d’une gouvernance commune s’agissant de cette thématique.

iii.   COP18 à la CITES (2019)

La convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction (CITES) vise à encadrer le commerce international en conciliant les intérêts écologiques (sauvegarde des espèces) et les intérêts commerciaux (pérennité des approvisionnements). Il s’agit donc d’un instrument au service de la conservation de la diversité biologique et de son utilisation durable. La CITES compte actuellement 183 Parties – 182 États et l’Union européenne.

Grâce à divers mécanismes pouvant générer des sanctions commerciales effectives à l’encontre de pays ne respectant pas ses principes de fonctionnement, la CITES est lun des outils les plus puissants pour assurer la conservation des espèces sauvages. Elle encadre le franchissement des frontières de plus de 37 000 espèces animales et végétales, ainsi que de leurs parties et produits dérivés, au moyen de permis spécifiques délivrés au cas par cas et contrôlés par les services des douanes. Ces permis garantissent que les spécimens CITES présents dans le commerce international licite sont légaux, durables et traçables.

La dernière COP à la CITES (COP17), qui s’est tenue à Johannesburg, en 2016, a mis l’accent sur la lutte contre le braconnage et les trafics associés. Ont notamment été adoptées, à cette occasion, des mesures dédiées à la corruption et à la cybercriminalité, ainsi que des stratégies de réduction de la demande.

À l’exception du budget, les négociations dans le cadre de la CITES sont exclusivement de compétences européennes. Une coordination, en amont, entre les États‑membres et la Commission européenne est donc impérative. La prochaine conférence des parties (COP18) à la CITES aura lieu à Colombo, au Sri Lanka, du 23 mai au 3 juin 2019.

La France devra, dans ce cadre, mettre tout en œuvre pour favoriser une conservation effective des espèces sauvages menacées et renforcer la lutte contre la fraude. Il a été indiqué au rapporteur, au cours de ses travaux, que la France œuvrait actuellement en faveur de l’inscription de nouvelles espèces à l’annexe II de la CITES concernant notamment trois espèces d’holothuries et seize espèces de mygales. Pour mémoire, l’annexe II comprend toutes les espèces qui ne sont pas nécessairement menacées d’extinction mais dont le commerce des spécimens nécessite une réglementation afin d’éviter toute exploitation incompatible avec leur survie. L’annexe I comprend, pour sa part, toutes les espèces menacées d’extinction et pour lesquelles le commerce de leurs spécimens n’est autorisé que dans des conditions exceptionnelles.

iv.   Congrès mondial de la nature de lUICN (2020)

La France a été désignée comme pays hôte du prochain Congrès mondial de la nature de lUICN qui aura lieu, à Marseille, en juin 2020. D’autres pays, tels que l’Australie, la Chine et l’Égypte avaient également candidaté pour accueillir cet événement.

À la demande de la France, les dates du Congrès mondial, qui a traditionnellement lieu à l’automne, ont été légèrement avancées à la fin du printemps pour permettre la meilleure articulation possible entre les différents événements internationaux portant sur la biodiversité. Ainsi, le Congrès mondial de l’UICN, organisation dont la crédibilité est importante et la capacité dinfluence réelle, aura lieu quelques mois avant le rendez-vous crucial de la COP15 de la CDB, à Pékin, fin 2020.

Le Congrès mondial de la nature est un moment de débat entre des acteurs très variés qui est destiné à toucher un public très large allant de la société civile aux chefs d’État et de Gouvernement. Il s’agit de lévénement portant sur la biodiversité le plus médiatisé au monde. À titre d’illustration, la dernière édition, en 2016, à Hawaï, aux États‑Unis, avait rassemblé environ 10 000 participants.

L’accueil de cet événement majeur démontre, à nouveau, la volonté de la France de demeurer un acteur moteur sur les questions relatives à la protection de la biodiversité.

L’organisation de cet événement international est financée sur la période 2018-2020. Le coût total de cette manifestation a été arrêté à 20 millions d’euros et son financement a été réparti comme indiqué ci‑après :

Financement du congrès mondial de l’uicn à marseille en 2020

Source : Mission  Écologie, développement et mobilité durables – Projet annuel de performance – Annexes au projet de loi de finances pour 2019

v.   COP15 à la CDB (2020)

La convention sur la diversité biologique (CDB), adoptée le 5 juin 1992, à l’occasion du Sommet de la Terre de Rio de Janeiro, est une convention-cadre, transversale, couvrant lensemble des milieux et des thématiques liées à la conservation et à lutilisation durable de la biodiversité. Elle compte, à ce jour, 196 Parties, y compris l’Union européenne, soit la quasi-totalité des États du monde, à l’exception notable des États‑Unis.

La CDB instaure l’obligation pour ses Parties d’élaborer des stratégies et des plans nationaux pour la biodiversité et impose l’établissement régulier de rapports nationaux faisant état de leur progrès. La transmission des prochains rapports nationaux devra être réalisée avant le 31 décembre 2018. Les COP, qui se tiennent tous les deux ans, adoptent des orientations que les États sont invités à mettre en œuvre, à l’image du Plan stratégique 2011-2020 pour la biodiversité mondiale, comportant vingt objectifs à l’horizon 2020 (les « objectifs dAïchi »), adopté lors de la COP10 de Nagoya.

La prochaine conférence des Parties (COP14) se tiendra à Charm el‑Cheikh, en Égypte, du 17 au 29 novembre 2018. Elle aura pour principal enjeu le lancement du processus d’élaboration du nouveau cadre stratégique mondial pour la biodiversité, qui succèdera au Plan stratégique 20112020, et dont l’adoption est prévue à la COP15, en Chine, en 2020.

Lors de ce dernier rendez-vous, la communauté internationale dressera un bilan des « objectifs dAïchi ». Il est hélas, d’ores et déjà, possible d’affirmer qu’une grande partie d’entre eux ne seront pas atteints. À l’occasion de cette COP15, à Pékin, la France devra porter une nouvelle ambition afin de favoriser l’adoption d’un cadre international plus audacieux et plus opérationnel en faveur de la protection de la nature. La situation de la biodiversité mondiale étant particulièrement alarmante, il apparaît indispensable quune nouvelle approche soit rapidement élaborée permettant dengranger des résultats concrets au bénéfice de la préservation et de la reconquête de la diversité biologique. La démarche consistant à proposer l’adoption d’un modèle similaire à celui qui a fait, en 2015, à Paris, le succès de la 21e conférence des Parties à la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC) emporte totalement l’adhésion du rapporteur.

À Pékin, en 2020, il ne sera plus suffisant de s’accorder comme en 2010, sur des objectifs à atteindre mais il faudra impérativement se concentrer sur la manière permettant de les concrétiser. Ainsi, sur ce point, il pourrait être utile de s’inspirer des modalités mises en œuvre pour la COP21 à la CCNUCC :

a)     Prises dengagements par les Parties – sur le modèle des contributions nationales déterminées (CND) – en amont de la COP15, qui devraient être par la suite consolidées et faire l’objet d’un mécanisme de suivi efficace et d’une clause de réexamen ;

b)     Prises dengagements volontaires de la part des acteurs nonétatiques (collectivités locales, scientifiques, société civile…) dans le cadre d’un « agenda de laction mondial sur la biodiversité » qui pourrait favoriser l’émergence de coalitions et de partenariats.

La France devrait porter cette ambition, aux côtés de l’Union européenne, dès cette année, à l’occasion de la COP17 de Charm el‑Cheikh afin d’initier une dynamique porteuse pour la COP suivante de Pékin, en 2020.

c.   La nécessité d’une mise sous tension accrue de notre réseau diplomatique

Afin de renforcer l’efficacité de l’action diplomatique de la France en faveur de la biodiversité, le rapporteur suggère une mise sous tension accrue de notre réseau diplomatique sur ces questions spécifiques, comme cela avait été le cas à la veille de la COP21, en 2015, sur la problématique du dérèglement climatique.

Il apparaît, en effet, essentiel pour le rapporteur que le réseau diplomatique français soit plus et mieux sensibilisé aux questions liées à lérosion de la diversité biologique mondiale. La présence renforcée d’agents du ministère de la transition écologique et solidaire (MTES) dans les différentes représentations françaises à l’étranger pourrait, par exemple, permettre une meilleure diffusion de ces enjeux et dynamiser notre action diplomatique sur cette thématique jusqu’à la tenue de la COP18 de la CDB, en 2020, à Pékin.

En raison de la priorité accordée à la biodiversité dans le cadre de la politique extérieure de la France, des postes viennent justement d'être créés, sur cette thématique dans certaines ambassades, pour des agents du ministère de la transition écologique et solidaire en Colombie, au Mexique, en Afrique du Sud et en Indonésie en échange de la suppression d'autres postes.

Le rapporteur insiste également sur l’importance de la coopération régionale pour favoriser la préservation puis la reconquête de la biodiversité biologique. Les différents défis environnementaux imposent des dialogues transnationaux constructifs. Le rapporteur milite ainsi pour que la diplomatie française sengage plus fortement dans des projets de coopération régionale associant, par exemple, les collectivités dOutremer et les pays voisins dans les zones clés de la biodiversité mondiale telles que la mer des Antilles, le plateau des Guyanes, l’océan Indien, les îles subantarctiques et le Pacifique Sud.  

Par ailleurs, la France se doit dêtre exemplaire en matière de protection de la biodiversité sur son propre territoire pour conserver, à léchelle internationale, une parole crédible et mobilisatrice. La présentation par le Gouvernement de la stratégie nationale pour la biodiversité, en juillet dernier, constitue sur ce point un excellent signal. Dans cette même optique, il apparaît primordial, aux yeux du rapporteur, que la France évite à l’avenir, tout contentieux pour manquement à l’application des directives européennes en matière de protection de certaines espèces comme cela a pu être le cas, dans le passé.

2.   Une politique d’aide publique au développement énergiquement mobilisée en faveur de la protection des milieux et des espèces

La France a pris l’engagement du doublement de ses flux financiers daide en faveur de la biodiversité, par rapport à la moyenne annuelle des flux 2006‑2010. En 2017, la dépense nationale française pour l’aide publique au développement, à l’international, en matière de biodiversité s’élevait ainsi à environ 340 millions deuros.

Ce niveau d’engagement regroupant les diverses actions « biodiversité » bilatérales et multilatérales de coopération – menées notamment par l’Agence française de développement (AFD), le Fonds français pour l’environnement mondial (FFEM) et le volet biodiversité du Fonds pour l’environnement mondial (FEM) – devrait être maintenu jusqu’en 2020.

Le graphique, ci‑après, présente l’évolution des dépenses nationales pour l’aide publique au développement international en matière de biodiversité depuis 2006 :

Dépense nationale pour laide publique au développement international
en matière de biodiversité depuis 2006

Source : Observatoire national de la biodiversité - Aide publique au développement à l’international liée à la biodiversité (25 mai 2018)

Par ailleurs, les efforts de la France en faveur de la préservation de la diversité biologique mondiale se concrétisent également à travers laction internationale des collectivités territoriales françaises et de celle des organisations non gouvernementales (ONG) nationales.

En principe, les actions de l’AFD et du FFEM portent avant tout sur les habitats et les écosystèmes plutôt que sur une ou des espèces spécifiques, en partant du principe que la mise en place d’aires protégées et de systèmes et réseaux d’aires protégées permet de protéger plusieurs espèces simultanément à travers leurs écosystèmes.

Le rapporteur salue les différentes actions de l’AFD et du FFEM qui permettent d’œuvrer concrètement pour la préservation de la diversité biologique tout en favorisant le développement des sociétés concernées et suggère que celles‑ci se poursuivent en renforçant toujours plus la prise en compte des enjeux environnementaux.

a.   Les actions de l’Agence française de développement en faveur de la préservation de la biodiversité mondiale

L’AFD a une approche essentiellement « utilitariste » de la biodiversité : protéger les écosystèmes doit, en premier lieu, lui permettre de promouvoir et d’accompagner le développement des économies locales.

Ainsi, l’AFD finance la préservation de la biodiversité planétaire à hauteur de 250 millions deuros par an, sous forme de projets dédiés (notamment des aires protégées) et également par la prise en compte de la biodiversité dans des projets sectoriels (eau, agriculture, foresterie, pêches…) dans plus de 60 pays.

FOCUS

sur certaines actions de lAFD en faveur de la protection de la grande-faune et de la lutte antibraconnage au Gabon et au Mozambique

Gabon : le projet « Éradiquer le commerce divoire et renforcer la lutte contre la criminalité faunique au Gabon », d’un montant de 17,8 millions d’euros, est financé à hauteur de 10 millions d’euros par l’AFD sur cinq ans. Le projet a pour objectif d’éradiquer le trafic d’ivoire et de faune sur le territoire gabonais et plus spécifiquement de :

– stopper le braconnage transfrontalier et protéger les populations majeures des éléphants au Gabon ;

– augmenter le nombre d’arrestations des braconniers et trafiquants et faire appliquer les peines ;

– établir un réseau de renseignement et de collaboration internationale pour infiltrer et lutter contre les trafics liés à l’ivoire et la faune et plus particulièrement l’abattage des éléphants ;

– démanteler les filières d’ivoire et de viande de brousse, depuis l’abattage des animaux jusqu’à la commercialisation ;

– fédérer les agences des parcs et de faune africaine pour développer des échanges sud-sud, pour améliorer la capacité par le transfert de savoir-faire et attaquer les réseaux de trafic transfrontalier ;

– accompagner les populations rurales dans l’atténuation des conflits homme animaux ;

– mettre en place un soutien pour les familles des « écogardes » tués ou blessés en missions.

Mozambique : le projet « Aires protégées et préservation des éléphants au Mozambique », d’un montant de 8,2 millions d’euros est financé sur quatre ans par l’AFD à hauteur de 6 millions d’euros ainsi que par la Banque mondiale, l’agence des États-Unis pour le développement international (USAID) et l’agence américaine de la pêche et de la vie sauvage (USFWS) pour un montant global de 2,2 millions d’euros. Le projet a pour finalité le renforcement de la gestion des aires protégées et la protection de la grande faune en particulier des éléphants. Ses objectifs sont :

– une amélioration de l’efficacité des services de surveillance et de lutte contre le braconnage, dans le parc national du Limpopo (PNL) et la réserve nationale de Niassa (RNN). Ces deux structures couvrent une superficie globale de 53 230 km² et concentrent plus de 50 % de la population d’éléphants du Mozambique. Elles renferment les aires protégées les plus sévèrement touchées par le braconnage commercial ;

– un renforcement de l’administration nationale des aires de conservation (ANAC) dans la lutte contre le braconnage ; 

– une consolidation des capacités techniques et opérationnelles de la Fondation pour la conservation de la biodiversité au Mozambique (BIOFUND).

b.   Les actions du Fonds français pour l’environnement mondial en faveur de la préservation de la biodiversité mondiale

Le FFEM est un fonds interministériel créé en 1994, à la suite du Sommet de la Terre de Rio de Janeiro (1992), pour préserver l’environnement et promouvoir le développement durable dans les pays en développement. Le FFEM n’agit que par le biais de subventions et 68 % des projets du FFEM sont concentrés sur le continent africain. Il est doté de 90 millions deuros pour la période 2015-2018.

La valeur ajoutée du FFEM porte sur le financement de projets pilotes innovants. C’est par essence un instrument partenarial.

Entre 1994 et 2018, le FFEM a financé 146 projets portant globalement sur une thématique en lien avec la biodiversité et 38 projets plus spécifiquement centrés sur les eaux internationales, c’est‑à‑dire 184 projets, au total depuis sa création, soit 56 % des projets du FFEM depuis 24 ans. Ces projets en faveur de la biodiversité représentent, pour le FFEM, une contribution de 203 millions deuros, pour un montant total de 1,5 milliard d’euros. Il faut, par ailleurs, souligner que de nombreux autres projets portés par le FFEM ont des co‑bénéfices pour la biodiversité.

Le rapporteur se félicite tout particulièrement de l’existence d’actions d’appui financées par le FFEM en faveur de la lutte contre le braconnage dans le cadre du « programme des petites initiatives » de l’UICN permettant de soutenir directement les ONG locales et les autorités de pays d’Afrique centrale et d’Afrique de l’Ouest.

Environ un tiers des projets du FFEM portant sur la biodiversité sont cofinancés par lAFD. Il est important d’insister sur le fait que le FFEM joue un rôle de pionnier en intervenant sur de nouvelles thématiques non encore traitées par l’AFD. À titre d’illustration, dans le passé, le FFEM s’est montré précurseur en matière d’accompagnement pour le développement des aires marines protégées (AMP), domaine dans lequel il intervient depuis une vingtaine d’années environ. L’articulation avec l’AFD est cruciale dans la mesure où elle est un des premiers bailleurs naturels permettant le passage à l’échelle des projets financés avec succès par le FFEM.

Le FFEM continue actuellement d’innover, en faveur de la biodiversité, en participant, par exemple, à des projets centrés sur la haute mer, dans la perspective de la négociation concernant la conservation et l’utilisation durable de la biodiversité marine au-delà des juridictions nationales menée sous l’égide des Nations unies (processus dit « BBNJ » pour biodiversity of areas beyond national jurisdiction). Le FFEM, explore ainsi la possibilité de protéger des zones marines en haut‑mer avec, par exemple, le projet « monts sousmarins » dans le sud‑ouest de l’océan Indien.

B.   la lutte contre la marchandisation des espèces sauvages menacées

La marchandisation des espèces sauvages – et plus particulièrement le trafic illégal – est devenue l’une des causes principales de leur disparition, après la dégradation des habitats naturels.

1.   Les actions menées par les pouvoirs publics pour lutter contre le trafic illégal d’espèces sauvages menacées

À l’échelle nationale, les saisies peuvent être réalisées par la Direction générale des douanes et des droits indirects (DGDDI) mais aussi par l’Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS) et l’Office central de lutte contre les atteintes à l’environnement et à la santé publique (OCLAESP) qui sont les trois corps de contrôle compétents sur cette thématique.

La DGDDI joue un rôle important dans la lutte contre ce trafic, les agents des douanes pouvant, en tout point du territoire, contrôler la régularité de la détention ou de la circulation d’espèces protégées. Dans le cadre de sa mission traditionnelle de contrôle des marchandises, et sur la base de son maillage national et international, la douane bénéficie d’un positionnement stratégique qui lui permet d’assumer cette mission de façon efficace.

a.   Les différents vecteurs du trafic illégal d’espèces sauvages menacées

La France constitue, comme ses voisins européens, à la fois une zone de départ (civelles, coraux polynésiens…), de transit (ivoire brut ou travaillé, cornes de rhinocéros…) et de destination (oiseaux exotiques, reptiles…) du trafic d’espèces protégées.

Le trafic illicite par voie aérienne représente le principal vecteur de fraude pour la France. L’aéroport de Paris‑Charles‑de‑Gaulle constitue une plaque tournante du trafic de spécimens entre l’Afrique et l’Asie ainsi que la porte d’entrée ou de sortie privilégiée pour les flux illicites. À titre d’illustration, les services douaniers de laéroport de ParisCharlesdeGaulle accomplissent chaque année entre un quart et un tiers de lensemble des saisies réalisées en France par la DGDDI.

Les autres aéroports du territoire national constituent également, à une moindre échelle, des zones importantes pour ce type de trafic.  

Le fret express et le vecteur postal constituent également des voies de recours pour les trafiquants. De plus, le développement du trafic sur Internet participe à l’augmentation du nombre de saisies réalisées sur ces vecteurs. Les services douaniers présents au centre postal de Chilly-Mazarin – qui est un nœud de réseau important pour les flux postaux – réalisent chaque année plusieurs dizaines de saisies, notamment sur des coquillages et coraux envoyés depuis les Outre‑mer à des particuliers.

Les grands ports du territoire métropolitain ainsi que ceux des territoires ultramarins mobilisent également les services douaniers. À titre d’exemple pour le vecteur maritime, les agents de la DGDDI présents au Havre réalisent, chaque année, d’importantes saisies de bois exotiques tandis que leurs collègues de Marseille saisissent régulièrement des oiseaux exotiques en provenance d’Afrique du Nord.

Enfin, la présence des brigades des douanes sur les principaux axes routiers français permet à la DGDDI de réaliser de nombreuses constatations sur le vecteur terrestre. La position géographique de la France, fait de notre pays une zone de transit, obligeant certains trafiquants à traverser le territoire national avant acheminement de leur marchandise illicite vers sa destination finale. Ainsi des civelles espagnoles peuvent être transportées, par voiture, vers des pays d’Europe centrale et orientale avant d’être exportées illégalement, par la suite, vers l’Asie. 

b.   Les actions des services des douanes pour lutter contre les trafics illégaux d’espèces sauvages menacées

i.   Moyens des services des douanes concernant la lutte contre le trafic d’espèces protégées

Compte tenu de la progression ces dernières années du trafic d’espèces protégées, la DGDDI a réactivé, en 2011, une cellule de deux agents dédiée au renseignement en matière de réglementation CITES. Cette cellule, intégrée au sein de la direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières (DNRED), a notamment pour rôle de collecter du renseignement, de l’enrichir et de le diffuser aux services concernés en vue d’orienter les contrôles.

Il existe également un « réseau CITES » douanier, mis également en place en 2011, et constitué principalement de correspondants et d’experts présents dans toutes les directions régionales de la DGDDI. L’objectif de ce réseau est de faciliter l’échange systématique d’informations relatives à la CITES. Les experts douaniers représentent une aide aux services de terrain dans l’identification d’une espèce et dans la lecture de documents CITES. Ils sont actuellement vingt-quatre et disposent, en complément de connaissances générales sur cette thématique, de compétences très spécialisées sur certains types de spécimens (tortues, coraux, oiseaux…).

En outre, deux bureaux de la direction générale, les bureaux « Protection du consommateur » et « Lutte contre la fraude » disposent d’agents travaillant sur cette thématique. En dernier lieu, face à la croissance importante de la cybercriminalité dans de nombreux domaines de fraude, la DGDDI a créé, en 2009, une cellule « Cyberdouane » dédiée à la lutte contre la fraude sur ce vecteur et composée d’une douzaine d’agents.

En vertu de dispositions du code des douanes et du code de l’environnement,  les services douaniers peuvent notamment réaliser des contrôles documentaires (vérification des permis d’importation ou d’exportation, des certificats CITES…) et des contrôles physiques, au moment du passage à la frontière. Ils peuvent également constater les infractions à la réglementation en vigueur dans le cadre de contrôles à la circulation sur tout le territoire.

Par ailleurs, les services spécialisés dans les enquêtes douanières sont compétents pour déceler et démanteler les circuits de fraude régionaux, nationaux et internationaux, y compris sur Internet. La douane bénéficie également de la présence en son sein d’officiers de douane ainsi que d’un réseau de laboratoires d’analyses (analyses physico‑chimiques, extraction d’ADN, reconnaissance d’espèces…).

Enfin, la DGDDI dispose d’un réseau dattachés douaniers présents dans certaines ambassades. Ces agents exercent une triple mission :

– de représentation de la DGDDI auprès des partenaires publics ou privés de l’État de résidence et dans les pays situés dans leur zone d’accréditation ;

– de lutte contre la fraude (recueil de renseignements et assistance aux services d’enquêtes…) ;

– et de conseil en matière économique.

Si lensemble de ces agents peut être concerné par les problématiques liées au trafic despèces sauvages menacées, la DGDDI travaille plus particulièrement avec ses attachés douaniers de Pékin, de Londres (trafic de civelles, de cornes de rhinocéros et divoire), et de Berlin (trafic de reptiles et divoire).

En outre, un nouveau poste a été ouvert, en 2017, à Bangkok, avec une compétence géographique étendue aux pays dAsie du SudEst, zone régionale ayant une importance considérable sagissant du trafic illicite despèces protégées.

La carte, ci-après, présente les différentes implantations des attachés douaniers à l’étranger, en 2018 :

implantations des attachés douaniers et experts techniques internationaux de la dgddi en 2018

Source : DGDDI

La complémentarité des actions menées par les différents services de la DGDDI constitue l’un des points forts de l’action des douanes. Sur la période 2012-2017, les services douaniers ont ainsi réalisé une moyenne de 517 saisies.

Comme indiqué précédemment, les agents des douanes disposent dans le cadre de leurs missions de plusieurs guides d’identification, d’un réseau d’experts et de correspondant CITES ainsi que de l’appui du Muséum national d’histoire naturel.

Néanmoins, lors d’une saisie, les services des douanes peuvent être confrontés à une difficulté didentification des spécimens contrôlés : en effet, il peut être difficile de trouver rapidement les experts compétents sur l’espèce concernée, car il n’existe pas de permanence d’experts capables de répondre aux interrogations des services, notamment la nuit ou le week-end. Par ailleurs, l’éloignement géographique des experts peut également constituer une difficulté car l’identification sur photo, régulièrement pratiquée, n’est pas toujours réalisable.

Enfin, les agents des douanes ont besoin de connaître précisément la valeur des spécimens saisis pour notamment fixer le montant de lamende douanière. Or, comme il a été précisé au rapporteur, au cours ses travaux, il nexiste pas actuellement de  « tableau des valeurs » des espèces principalement concernées par le commerce illégal. Le ministère de la transition écologique et solidaire travaille actuellement sur son élaboration. Le rapporteur souhaiterait quun tel outil soit le plus rapidement possible disponible afin de faciliter le travail des agents des douanes et rendre plus efficace la lutte contre le trafic illégal despèces sauvages menacées.

ii.   Problématique spécifique du devenir des saisies douanières s’agissant du trafic d’espèces protégées

Concernant le devenir des spécimens saisis par les agents de la DGDDI, ces derniers sont soit abandonnés par transaction, soit confisqués par le tribunal au profit des douanes.

S’agissant des spécimens vivants, les services vétérinaires les inspectent et leur apportent les soins permettant de garantir leur survie. Celle-ci est souvent compromise par les conditions de transport et le stress lié à leur capture. Dans la mesure du possible, une réexportation dans le pays d’origine est privilégiée par les services des douanes, dans l’optique d’une réintroduction dans le milieu naturel.

À titre d’illustration, le 24 août 2015, près de 150 tortues étoilées sont retournées à Madagascar faisant suite à une saisie de 170 tortues, opérée le 29 décembre 2014, par les services douaniers de l’aéroport Paris‑Charles‑de‑Gaulle. La réexportation se fait toujours, au cas par cas, après avis des services compétents.

La question du placement des spécimens vivants saisis représente une véritable difficulté opérationnelle pour les services des douanes de laéroport de ParisCharlesdeGaulle. Lactuelle station animalière de laéroport nest accessible aux importateurs que durant les heures ouvrables – du lundi au vendredi de 7 heures à 20 heures 30 et le samedi de 8 heures à 12 heures – et naccepte que les spécimens voyageant sur le fret commercial et non ceux accompagnant les passagers. En outre, le placement nécessite une prise en charge financière par le passager ou la compagnie aérienne, ainsi que laccord du service vétérinaire, joignable également uniquement durant les heures ouvrables.

De plus, cette station, au statut de poste dinspection frontalier (PIF), exerce principalement la mission de contrôle vétérinaire à limportation danimaux vivants en provenance de pays tiers et voyageant dans les flux commerciaux. La gestion de spécimens au statut sanitaire incertain et arrivés de manière illégale sur le territoire nentre donc pas dans ses prérogatives. En conséquence, cette station ne souhaite pas conserver dans la durée des espèces animales ou végétales.

Devant ces difficultés, la mise en place dune structure daccueil, ouverte jour et nuit et pouvant recevoir des spécimens au statut sanitaire incertain constitue une véritable priorité, comme cela est rappelé dans le Plan biodiversité du Gouvernement, présenté en juillet dernier. Paris Aéroports travaille actuellement à une ouverture, en 2019, de cette nouvelle structure, ce dont le rapporteur se félicite.

Lorsque la réintroduction des espèces dans leur milieu naturel n’est pas envisageable, la DGDDI cherche une solution alternative d’accueil pour les animaux saisis dans des zoos, des réserves animalières ou d’autres structures spécialisées, après en avoir informé la direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DREAL) du ministère de la transition écologique et solidaire. Cependant, de manière générale, le placement des spécimens vivants saisis représente une difficulté opérationnelle majeure pour les services de la DGDDI. Les solutions de placement pérennes, comme les zoos ou les parcs animaliers, étant sujettes à une saturation progressive de leur capacité daccueil. Le placement des animaux saisis est donc fait, au cas par cas, souvent dans lurgence, avec laide des services vétérinaires ou de lONCFS.

S’agissant des animaux naturalisés ou des spécimens vivants de la flore, les services des douanes privilégient la remise à des institutions culturelles ou scientifiques. À titre d’illustration, six grands fauves et crocodiles naturalisés ont ainsi été remis au Muséum national d’histoire naturelle le 16 février 2016 et un spécimen de cactus a été remis au jardin botanique du Havre le 3 mai 2017.

S’agissant des articles issus despèces animales ou végétales, ces derniers produits sont le plus souvent détruits, sauf les pièces présentant un intérêt particulier qui peuvent alors être proposées à des institutions culturelles ou scientifiques, après information de la DREAL.

c.   La nécessité d’une action internationale coordonnée pour lutter contre la criminalité environnementale

La criminalité liée aux espèces sauvages ne peut être combattue isolément et implique une réponse collective et coordonnée des États. L’exemple de lopération Thunderstorm, initiée par Interpol en coopération avec l’Organisation mondiale des douanes (OMD) et à laquelle la DGDDI a participé, offre un exemple particulièrement intéressant et fructueux en la matière.

Cette opération, qui s’est déroulée durant tout le mois de mai 2018, a réuni 92 pays et a donné lieu à 1 974 saisies et à lidentification de quelque 1 400 suspects, déclenchant des arrestations et des enquêtes dans le monde entier. Grâce à cette opération, plusieurs milliers de spécimens vivants ont été saisis, notamment 27 000 reptiles, 4 000 oiseaux, 48 primates et 14 félins. En outre, 43 tonnes de viande de brousse (ours, zèbre, éléphant…) ont été interceptées ainsi que 1,3 tonne d’ivoire. Lensemble de ces saisies se chiffre en millions de dollars selon Interpol.

Le rapporteur souligne qu’il existe, aujourd’hui, une vaste gamme de dispositifs régionaux ou internationaux permettant de lutter efficacement contre le trafic d’espèces sauvages menacées. Néanmoins, il est un secteur dans lequel une marge de progression semble exister : le transport maritime.

Le rapporteur rappelle l’importance du vecteur maritime concernant le trafic d’espèces protégées : en 2017, parmi les onze saisies majeures opérées s’agissant du trafic d’ivoire, cinq concernaient le trafic maritime (67 % du poids total estimé). Or, il n’existe pas d’équivalent concernant l’Organisation maritime internationale (OMI) du protocole d’accord liant le secrétariat de la CITES et l’association internationale du transport aérien (International air transport associationIATA – en anglais).

Le rapporteur suggère par conséquent que la France œuvre résolument pour quun tel accord puisse être rapidement conclu et mis en œuvre dans les plus brefs délais afin de renforcer plus encore la lutte contre les crimes environnementaux.

Enfin, au-delà de la coopération entre États ou entre organisations internationales, le rapporteur recommande aux pouvoirs publics de nouer des partenariats stratégiques avec les aéroports ainsi qu’avec les compagnies aériennes desservant des destinations sensibles du point de vue de la protection des espèces sauvages menacées. En effet, une information ciblée, pédagogique et systématique à destination des voyageurs, au moment de leur départ et de leur arrivée, permettrait une meilleure sensibilisation des citoyens sur les menaces qu’ils pourraient faire peser sur la biodiversité mondiale en participant de façon directe ou indirecte au commerce illégal d’espèces sauvages menacées.  

2.   Le danger que peut représenter le commerce légal pour les espèces sauvages menacées

À travers deux exemples emblématiques, le rapporteur souhaite montrer de quelle manière une marchandisation de produits issus d’espèces sauvages menacées insuffisamment régulée – comme celle de l’ivoire au sein de l’Union européenne – peut négativement peser sur la préservation et la restauration de l’espèce concernée.

En sens inverse, une régulation stricte de la commercialisation, voire l’édiction d’un moratoire – concernant notamment la chasse commerciale à la baleine – peut se révéler extrêmement bénéfique, voire salutaire pour la sauvegarde de certaines populations d’espèces sauvages menacées d’extinction.

a.   Le commerce légal de l’ivoire peut favoriser le déclin des populations d’éléphants en servant de couverture au trafic illégal

À l’échelle internationale, la vente d’ivoire est interdite, à l’exception des objets dits « pré-Convention », c’est‑à‑dire acquis avant que les populations d’éléphants ne soient inscrites à l’annexe I de la CITES. Les exportations à des fins strictement privées de trophées de chasse obtenus légalement à destination du pays de résidence du chasseur sont néanmoins possibles, sous réserve de la présentation aux services des douanes des permis CITES requis, dans la limite de quotas estimés non préjudiciables.

Des progrès cruciaux ont été réalisés, dans ce domaine, ces dernières années. La Chine – principale destination de l’ivoire – a récemment interdit la plupart des importations commerciales d’ivoire et s’est engagée à cesser la transformation et le commerce de l’ivoire à la fin de l’année 2017. Hong Kong, territoire considéré comme l’une des plus importantes plaques tournantes du commerce de l’ivoire, a approuvé pour sa part, une interdiction progressive d’ici 2021.

À l’échelle européenne, la réglementation fixe également un principe général d’interdiction du commerce des spécimens en ivoire, avec deux catégories de dérogation :

– Une dérogation générale pour les produits travaillés en ivoire datant d’avant 1947 instituant un commerce libre pour les « antiquités » ;

– Une dérogation ponctuelle pour les autres produits travaillés en ivoire, avec délivrance d’un certificat spécifique, lorsque le dossier prouve que l’objet concerné a été importé sur le territoire de l’Union européenne avant que la CITES n’en interdise le commerce international.

Dans ce domaine, l’Union européenne accuse un certain retard, compte tenu des larges dérogations actuellement prévues au régime général d’interdiction du commerce de l’ivoire édicté par le règlement n°338/97 du Conseil du 9 décembre 1996 mettant en œuvre la CITES dans l’Union européenne.

Selon des données publiées dans une étude par l’IFAW ([10]), l’Union européenne a été, entre 2006 et 2015, le plus important exportateur international d’ivoire d’éléphant. Ainsi l’ensemble des États‑membres de l’Union européenne ont déclaré 1 874 transactions d’exportation d’ivoire (28,3 % du total), loin devant les États‑Unis (832) et l’Afrique du Sud (761).

Il serait donc souhaitable que la Commission européenne publie de nouvelles lignes directrices pour préciser et limiter le périmètre de ces dérogations. Le rapporteur salue, à ce sujet, la démarche conjointe des quatre ministres en charge de l’environnement, qui ont adressé, le 16 juillet dernier, un courrier en ce sens au commissaire Karmenu Vella. Il est urgent d’agir à l’heure où les effectifs de populations d’éléphants n’ont jamais été aussi bas, ayant chuté de plus d’un tiers entre 2007 et 2014. ([11])

À l’échelle nationale, les restrictions au commerce de l’ivoire sont plus précoces et plus marquées. Les réexportations d’ivoire brut ont été suspendues dès le 27 janvier 2015 et les certificats autorisant ponctuellement la vente d’ivoire brut ne sont plus délivrés depuis le 9 mai 2016. L’arrêté du 16 août 2016 instaure un régime général d’interdiction de vente de l’ivoire d’éléphant et de la corne de rhinocéros, ainsi que des objets qui en sont composés. En revanche un arrêté modificatif en date du 4 mai 2017 a allégé le commerce de l’ivoire, en instaurant notamment une procédure déclarative pour le commerce des antiquités comportant plus de 20 % d’ivoire ou de corne en volume.

Le rapporteur tient à souligner que le marché intérieur légal de livoire crée des possibilités importantes pour le blanchissement de livoire illégal. En effet, il existe une certaine porosité entre ivoire issu du commerce légal et ivoire issu de flux illicites. Le rapporteur tient à indiquer que la persistance de ces différentes exceptions pourrait entretenir la demande internationale. Les services des douanes lui ont notamment précisé, au cours de ses travaux, qu’il était effectivement difficile de déterminer, avec une grande précision, l’année de fabrication des objets en ivoire travaillés et de déterminer, par conséquent, si les dérogations en vigueur devaient s’appliquer ou non.

Pour ces raisons, il apparaît essentiel aux yeux du rapporteur quune réglementation plus restrictive du commerce de livoire soit appliquée aux échelles nationale et européenne afin déviter que le commerce légal de livoire ne participe à la disparition des éléphants en servant de couverture au trafic illégal.

Dans l’attente de l’adoption d’une réglementation plus stricte en la matière, le rapporteur suggère que des dispositifs de traçabilité permettant une datation systématique des produits en ivoire contrôlés – désormais totalement opérationnels et beaucoup moins onéreux que par le passé – soient mis à la disposition des agents des douanes afin que ceux-ci puissent plus efficacement en contrôler la provenance et parer à toutes falsifications des certificats.

b.   Le moratoire concernant la chasse commerciale à la baleine est un outil pertinent pour la sauvegarde des populations

La Commission baleinière internationale (CBI) a été créée en 1946 avec la signature de la Convention baleinière internationale, dans un contexte de surexploitation des grands cétacés, pour assurer « la conservation judicieuse de lespèce baleinière et (…) le développement ordonné de lindustrie baleinière ». Le texte d’origine de la Convention baleinière, adopté en 1946, se focalise uniquement sur la chasse à la baleine, comprise principalement comme les grandes baleines et le cachalot.

Les premières formes de gestion n’ayant pas réussi à enrayer l’effondrement des populations, un moratoire sur la chasse commerciale a été instauré en 1986 – qui dans les faits, est un quota fixé temporairement à zéro – auquel deux pays ont objecté ou posé une réserve, l’Islande et la Norvège, et qui est de plus en plus remis en cause par le Japon.

En outre, il existe deux sanctuaires dans lesquels la chasse commerciale resterait interdite en cas de levée du moratoire : celui de l’océan Indien créé en 1979 et celui de l’océan Austral créé en 1994 mais que le Japon ne reconnaît pas.

Il existe actuellement deux approches : certains pays – à l’instar du Japon – considèrent que les stocks ont eu suffisamment de temps pour se reconstituer et souhaitent permettre la reprise de la chasse commerciale. D’autres estiment, en revanche, qu’en l’état actuel de la science trop d’incertitudes planent encore sur les estimations de populations, qui se trouvent, par ailleurs, affectées actuellement par d’autres menaces que la chasse menaçant de fait leur restauration (pollutions, collisions avec les navires, captures accidentelles, bruit sous-marin, changement climatique…).

Le Japon a rallié à sa cause des pays parfois peu concernés par la chasse à la baleine en leur fournissant une aide liée à leurs votes à la CBI, ou en prenant en charge leurs frais de participation aux réunions. Cette situation expliquerait que des pays d’Afrique francophone – qui n’ont pas d’intérêt direct en matière de chasse baleinière, des Caraïbes ou des États insulaires du Pacifique, se positionnent comme le Japon en votant contre le moratoire ou la création de sanctuaire.

La CBI n’autorise aujourd’hui que deux types de chasse :

– la chasse autochtone de subsistance, pratiquée par certaines populations aux États‑Unis (Alaska), en Russie, au Danemark (Groenland) et à Saint‑Vincent‑et‑les‑Grenadines ;

– la chasse scientifique, pratiquée par le Japon. Néanmoins, en mars 2014, le Japon a été condamné par la Cour internationale de justice (CIJ) pour son programme de chasse scientifique dans l’Antarctique, qui a été jugé illégal car ne correspondant à aucun critère scientifique. Par ailleurs, la nécessité d’avoir recours à des méthodes létales pour atteindre les objectifs scientifiques énoncés par le Japon n’a pas été démontrée. La CIJ a ordonné l’arrêt immédiat du programme mais le Japon a depuis repris la chasse « scientifique » en Antarctique sur la base d’un nouveau programme.

La France dans ce domaine se révèle exemplaire et défend le maintien du moratoire établi en 1986 sur la chasse commerciale.

La France a, par ailleurs, conduit de nombreuses démarches diplomatiques pour promouvoir au sein de la CBI l’adoption d’un sanctuaire pour les cétacés dans l’Atlantique Sud, projet qui a malheureusement été de nouveau rejeté lors de la dernière réunion de la CBI en septembre 2018. En effet, le Japon, les petites îles du Pacifique et des Caraïbes ainsi que la majorité des pays africains membres de la CBI ont voté contre, arguant notamment d’une atteinte à la sécurité alimentaire, de la nécessité de pouvoir abattre des baleines pour réduire la quantité de poissons qu’elles consomment, et de l’inutilité d’avoir un sanctuaire pour mettre en place des activités d’observation touristique.

Pourtant, ce projet de sanctuaire est soutenu par tous les États membres côtiers de la zone Atlantique Sud, pour qui il représente également une opportunité de développement. Il est d’ores et déjà doté d’un plan de gestion solide, approuvé par le comité scientifique de la CBI. Il permettrait, par ailleurs, de favoriser la coopération internationale en matière de recherche non létale et la mise en œuvre de mesures ou d’initiatives à l’échelle du bassin océanique, telles que la réduction des captures accidentelles et du braconnage, plus efficaces que des mesures nationales non coordonnées. Enfin un tel projet pourrait permettre de développer certaines activités économiques lucratives mais compatibles avec le respect de la biodiversité – comme l’observation touristique – au profit des populations côtières.  

À ce propos, le rapporteur tient à souligner quune baleine vivante est économiquement beaucoup plus rentable quune baleine chassée pour sa viande. Cet adage pourrait être appliqué à de nombreuses espèces sauvages menacées, le tourisme de vision pouvant le plus souvent générer d’importants bénéfices pour la conservation des espèces menacées tout en contribuant dans le même temps au développement économique des populations locales concernées.


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   TRAVAUX DE LA COMMISSION

   Présentation DE l’AVIS devant la commission des affaires étrangÈres

Au cours de sa première réunion du mercredi 17 octobre 2018, la commission des affaires étrangères examine le présent avis budgétaire.

Mme la présidente Marielle de Sarnez. Pour le deuxième point de notre ordre du jour, j’appelle M. Jean François Mbaye. Nous allons examiner l’avis sur les crédits de la mission « Écologie, environnement et mobilité durables ». Nous avons évoqué ensemble la semaine dernière la dégradation de la biodiversité mondiale, problématique sur laquelle Jean François Mbaye a décidé de centrer ses travaux. L’enjeu consiste à soutenir la volonté de la France de porter à l’international cette question cruciale, à l’image de ce qu’elle a su faire avec la question climatique. Nous savons tous que le congrès mondial de l’Union internationale de la conservation de la nature se tiendra en juin 2020, à Marseille. C’est là un rendez-vous très important.

Les échanges que nous avons eus la semaine dernière ont montré à quel point notre rapporteur a su répondre, dans notre commission, à une sensibilité et à des attentes extrêmement importantes sur cette question vitale de la biodiversité. M. le rapporteur, vous avez la parole.

M. Jean François Mbaye, rapporteur pour avis. Madame la Présidente, chers collègues, merci d’avoir rappelé nos échanges de la semaine dernière, qui m’ont conforté dans l’idée que la thématique choisie était partagée par nos collègues. J’ai réalisé ce travail dans un temps record et il me paraît assez satisfaisant. Comme indiqué la semaine dernière, j’ai choisi, cette année, de me pencher sur la question de l’érosion de la biodiversité mondiale.

Ainsi, le rapport que je vous présente aujourd’hui est centré sur la diplomatie environnementale. C’est essentiellement un avis de nature politique, et non budgétaire.

La France œuvre avec détermination pour sortir la problématique du déclin de la biodiversité mondiale de l’indifférence collective avec comme objectif ultime : l’élaboration d’un cadre international audacieux et opérationnel à même de permettre la préservation et la reconquête de la diversité biologique mondiale.

Il ressort de mes travaux que la lutte contre l’effondrement de la biodiversité mondiale est, à n’en pas douter, l’un des objectifs de la politique étrangère de notre pays.

En matière d’aide publique au développement, la France a, par exemple, pris l’engagement du doublement de ses flux financiers pour les projets portant sur la biodiversité, par rapport à la moyenne annuelle des flux 2006-2010. En 2017, cette dépense spécifique au bénéfice de la biodiversité mondiale s’élevait à 340 millions d'euros environ.

Par ailleurs, notre diplomatie se prépare activement pour les multiples événements internationaux qui vont se succéder sur cette question entre 2019 et 2020. Afin d’apparaître comme une nation chef de file sur cette thématique, la France s’est notamment fortement mobilisée pour accueillir deux de ces rendez-vous cruciaux :

Premièrement, Paris accueillera en 2019 la septième conférence plénière de l’IPBES, plate-forme internationale regroupant un panel de chercheurs spécialistes des questions liées à la biodiversité. C’est à cette occasion que la communauté scientifique publiera son rapport sur l'état de la nature dans le monde. Cet événement est primordial car cette publication majeure servira de base pour l’ensemble des travaux et des négociations à venir.

Ensuite, Marseille accueillera en 2020, le Congrès mondial de l’Union internationale de conservation de la nature, qui est l’événement le plus fortement médiatisé s’agissant de la biodiversité. La précédente édition, qui s’était déroulée à Hawaï en 2016, avait mobilisé 10 000 participants. C’est à cette occasion que la société civile pourra cristalliser ses attentes à l’égard de la communauté internationale à quelques mois de la Conférence des Parties à la convention des Nations unies sur la diversité biologique.

Je rappelle que ce dernier rendez-vous constitue le moment majeur de cette séquence diplomatique puisque c’est à l’occasion de cette COP qu’un nouveau cadre international devrait être adopté en faveur de la protection de la nature.

L’objectif diplomatique de la France, est simple mais colossal : réussir sur cette question ce que nous sommes parvenus à porter, avec succès, pour le climat en 2015, avec la signature de l’accord de Paris.

Pour atteindre cet objectif ambitieux, il me paraît indispensable que notre réseau diplomatique soit encore plus fortement mis sous tension. Pour mémoire, à la veille de la COP21 sur le climat, chaque ambassadeur devait remettre au ministre des affaires étrangères une note hebdomadaire sur les évolutions en cours s’agissant des négociations climatiques.

La préservation de la biodiversité ne doit pas seulement être un sujet important de notre politique extérieure, il doit devenir un thème majeur.

Dans cette optique, il est nécessaire que notre réseau diplomatique soit plus et mieux sensibilisé sur les questions liées à l’érosion de la diversité biologique mondiale. Renforcer la présence d’agents du ministère de la transition écologique et solidaire dans les différentes ambassades pourrait, par exemple, permettre une meilleure diffusion de ces enjeux et dynamiser notre action diplomatique sur cette thématique.

Sur ce sujet, notre commission a, je crois, un rôle de vigie à jouer. Je souhaiterais proposer à la Présidente de la commission et à l’ensemble de mes collègues, la création d’un groupe de travail consacré à la diplomatie environnementale, en charge du suivi, tout au long de la législature, des négociations internationales sur les sujets environnementaux.

Dans le cadre de mes travaux, j’ai également choisi de mettre l’accent sur les espèces sauvages emblématiques. L’érosion de la diversité biologique concerne toutes les espèces et il ne faut pas considérer comme quantité négligeable ce que j’appellerai la « biodiversité du quotidien ».

Néanmoins, l’exemple des espèces sauvages emblématiques est intéressant car il a un fort pouvoir mobilisateur pour l’opinion publique. Insister sur ces espèces « porte-drapeaux » pourrait, à mon sens, permettre d’accélérer la prise de conscience de nos concitoyens pour ensuite permettre d’enclencher une mobilisation générale en faveur de la préservation de la nature.

Par ailleurs, les espèces sauvages menacées emblématiques – que l’on pense aux éléphants, aux rhinocéros, aux pangolins – sont directement concernées par le braconnage, qui est un sujet qui a de réelles incidences géopolitiques, et qui à ce titre intéresse tout particulièrement notre commission.

Le trafic illégal d’espèces sauvages, qui porte gravement atteinte à la biodiversité mondiale, constitue l’un des trafics les plus lucratifs pour la criminalité organisée.

Il serait aujourd’hui le quatrième trafic le plus important au monde en termes de revenus, ses bénéfices étant estimés, à l’échelle mondiale, entre 8 à 20 milliards de dollars par an environ.

Ces flux illicites représentent ainsi une source importante de revenus pour certains groupes criminels ou terroristes. À titre d’exemple, selon certaines estimations qui m’ont été transmises : sur le marché noir, l’ivoire brut serait vendu environ 1 000 euros le kilo tandis que la corne de rhinocéros serait vendue jusqu’à 60 000 euros le kilo, soit plus que la cocaïne – 30 000 euros le kilo – ou l’or – 35 000 euros.

La rentabilité de ce trafic, liée à la faiblesse des risques de poursuites judiciaires, a incité de nombreuses milices rebelles ou membres du crime organisé à y prendre une part active comme l’armée de résistance du Seigneur en Ouganda, les Janjawid au Soudan ou encore les Chabab en Somalie…

Comme nous le montrent ces différents exemples, les questions touchant la biodiversité ne relèvent pas uniquement de problématiques environnementales mais ont également des implications économiques, sécuritaires et plus globalement géopolitiques. Notre politique extérieure doit donc également pleinement s’emparer de ces sujets.

La Direction générale des douanes et des droits indirects (DGDDI) réalise, en matière de lutte contre les flux illicites, un travail remarquable, que je tiens à saluer. La présence de représentants des douanes à l’étranger, au sein de nos représentations diplomatiques, est d’ailleurs un élément essentiel du dispositif.

S’agissant de la lutte contre les trafics d’espèces sauvages menacées, je souhaiterais vous soumettre quelques pistes de réflexions :

Il existe, aujourd’hui, une vaste gamme de dispositifs régionaux ou internationaux permettant de lutter efficacement contre le trafic d’espèces sauvages menacées. Néanmoins, il est un secteur dans lequel une marge de progression semble possible : c’est le transport maritime. En 2017, parmi les onze saisies majeures opérées s’agissant du trafic d’ivoire, cinq concernaient le vecteur maritime. Or, il n’existe pas d’équivalent concernant l’Organisation maritime internationale (OMI) du protocole d’accord liant le secrétariat de la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction (CITES) et l’association internationale du transport aérien. Je suggère donc que la France œuvre pour l’adoption d’un tel accord afin de faire diminuer le commerce illégal et assurer la sûreté et la sécurité du transport, par le vecteur maritime, des espèces sauvages légalement commercialisées.

Par ailleurs, les pouvoirs publics pourraient également nouer des partenariats stratégiques avec certains acteurs privés afin de sensibiliser au mieux nos concitoyens et permettre une réduction de la demande mondiale.

Par exemple, un partenariat stratégique pourrait être envisagé entre les pouvoirs publics et les compagnies aériennes concernant la diffusion d’informations ciblées et systématiques à destination des voyageurs à propos du braconnage, s’agissant de certaines destinations sensibles.

Par ailleurs, un partenariat stratégique pourrait être également envisagé avec les sociétés de commerce en ligne et les principaux réseaux sociaux concernant le filtrage de toutes annonces litigieuses portant sur le commerce de spécimens vivants ou d’articles issus d’espèces protégées.

En conclusion, j’estime que notre diplomatie se met résolument en ordre de bataille pour promouvoir l’émergence d’une gouvernance commune au profit de la préservation et de la reconquête de la biodiversité. Elle me semble prête pour ces combats qui pourraient consacrer le rôle leader de notre pays sur les questions environnementales.

Afin que notre diplomatie environnementale puisse disposer des moyens lui permettant de mener à bien ses missions, j’invite la commission des affaires étrangères à émettre, à l’issue de cette réunion, un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » pour 2019.

Mme la présidente Marielle de Sarnez. Merci beaucoup M. le rapporteur, pour l’angle choisi pour votre rapport, et pour vos propositions très concrètes, en particulier sur la lutte contre le commerce illégal via le transport maritime. Je pense que si nous pouvions avancer au-delà de cet avis budgétaire, sur ces questions-là, ce serait très bien. C’est pourquoi je vous donne tout à fait mon accord sur l’idée de la création d’un groupe de travail consacré à la diplomatie environnementale au sein de notre commission. Mme Nicole Le Peih et M. Bernard Deflesselles, par exemple, pourraient y être associés en tant que co-rapporteurs de la mission d’information sur la diplomatie climatique. Je trouve bénéfique l’idée d’exercer une vigilance permanente sur ces grands sujets qui requièrent notre détermination totale. Je donne la parole maintenant aux représentants des groupes. Pour La République en Marche, à M. Nicole Le Peih.

Mme Nicole Le Peih. Je commencerai mes chers collègues par féliciter Jean François Mbaye pour la présentation particulièrement éclairée de ce rapport pour avis sur la biodiversité.

Les députés du groupe LaREM approuvent bien entendu cet avis et les crédits budgétaires de la mission « Écologie, développement et mobilité ».

Cet avis budgétaire de notre commission sur la mission « Écologie, développement et mobilité durable » est davantage un exercice d’évaluation politique qu’une évaluation budgétaire.

Il nous revient, chers collègues, d’évaluer le message que ces crédits diffusent à l’international et dans quelle dynamique s’inscrit notre diplomatie environnementale.

Concernant la diplomatie climatique, vous le savez, la COP 21 a positionné notre pays comme un leader de la lutte contre le réchauffement climatique sur la scène internationale. Et l’organisation du One Planet Summit qui s’est tenu à Paris en décembre dernier a été un autre signal fort de l’engagement de la France.

Les derniers mois l’ont montré, la France développe une vision stratégique du monde et de l’Union européenne où l’environnement, le climat et la transition énergétique tiennent une place de choix.

La COP 24, qui se tiendra du 3 au 14 décembre à Katowice en Pologne, sera un nouveau moment clé pour la mise en œuvre de l'accord de Paris. Les États se sont engagés à revoir à la hausse leurs objectifs établis en 2015. Actuellement, les engagements nationaux sont trop faibles et, s'ils sont respectés, ils nous mèneraient à une augmentation de 3,7°C à 4°C pour 2100.

Je souhaite donc insister sur la question du financement des politiques environnementales internationales qui est fondamentale et qui reste encore « un grand chantier ».

Car à l’échelle mondiale, les financements climat sont encore très loin de ce qui est nécessaire pour pallier la crise actuelle.

En 2009, lors de la conférence de l’ONU à Copenhague, les pays développés se sont engagés à mobiliser chaque année, à partir de 2020, 100 milliards de dollars par an pour aider les pays en développement à faire face au dérèglement mondial. Mais malgré cette promesse, les États n’ont pas versé l’intégralité des sommes promises. Notre collègue Mme Laurence Gayte alertait déjà l’année dernière sur l’insuffisance de nos engagements.

Ainsi, le « Fonds vert » créé en 2010, a d’abord accueilli 10 milliards de dollars qui sont, aujourd’hui, quasiment épuisés. Or, c’est grâce à ce dispositif que de nombreux projets ont pu voir le jour et être financés, notamment dans les pays en développement.

Je l’ai dit, la France doit rester un leader dans cette lutte contre le réchauffement climatique. Nous avons donc un devoir d’exemplarité et nous devons muscler notre action diplomatique au moment où l’attitude des États-Unis notamment fragilise les engagements internationaux. Tu as insisté, cher Jean François, dans ton rapport sur la préservation et la reconquête de la biodiversité mondiale et je ne peux que saluer cette mise en avant d’un des enjeux majeurs de ces prochaines années. Tu as aussi mentionné la problématique des braconnages, et j’ai pu le constater lors d’un déplacement en Afrique du Sud, à l’encontre de rhinocéros, et croyez-moi, de nuit, c’est assez impressionnant.

Pour conclure, je veux souligner l’une de tes recommandations. Tu préconises la création, au sein de la commission des affaires étrangères, d’un groupe de travail consacré à la diplomatie environnementale, en charge du suivi, tout au long de la législature, des négociations internationales sur les sujets environnementaux. Je suis co-rapporteure avec notre collègue, M. Bernard Defleselles, de la mission d’information sur la diplomatie climatique de notre commission qui rendra son rapport fin novembre et tu imagines bien que nous souscrivons pleinement à cette recommandation. Et je crois pouvoir dire que nous sommes nombreux à considérer cette question de la diplomatie environnementale comme un des champs d’action majeur de notre commission. Et je retiens particulièrement le mot de vigie.

M. Bruno Fuchs. Je salue la qualité du rapport qui nous a été présenté. Vous nous l’aviez rappelé lors de nos échanges précédents sur votre avis, nous connaissons une érosion de la biodiversité mondiale sans précédent par sa vitesse et son ampleur : il y a urgence. Le rapporteur met l’accent sur la lutte contre cette érosion et je me félicite que la France entende y jouer son rôle avec notamment le doublement des contributions à l’aide publique au développement depuis 2014. Mon groupe votera les crédits. L’aide au développement, semble offrir des opportunités pour cerner des actions à entreprendre sur le terrain et de faire de nos partenaires des co-décisionnaires. La gestion de la préservation de la biodiversité est un enjeu pour nombre de pays, dont l’Afrique. La France pourrait ainsi agir pour la création de parcs nationaux bénéfiques aux espèces et aux hommes.

J’ai deux questions : quelles sont les actions à mener en priorité selon vous ? Les crédits budgétaires sont en progression, mais sont-ils suffisants ?

M. Christophe Naegelen. J’adresse toutes mes félicitations à notre rapporteur qui a travaillé avec cœur ; c’est un rapport empreint d’émotion. L’érosion de la biodiversité est un sujet grave, nous courons à la catastrophe. Des espèces disparaissent et les causes en sont nombreuses, le climat, la pollution, le braconnage. Je m’interroge sur la diplomatie environnementale : la France prévoit de moins en moins de moyens pour la diplomatie et peu d’acteurs pour les sujets environnementaux. Les plus gros pollueurs ne sont pas engagés dans cette lutte pour la préservation de la biodiversité, car ils privilégient le développement économique. Comment la France et même l’Europe peuvent-elles agir seules ?

M. Christian Hutin. Notre groupe votera les crédits. Bravo pour ce rapport original, novateur, sérieux : c’est la première fois qu’on traite de la biodiversité dans le cadre de cette commission. Je me demande d’ailleurs si ce mot convient, car on a passé un cap, le terme est trop simple, il y a urgence. Nombre de pays ne respectent pas les normes environnementales, à commencer par la Russie, la Chine, les États-Unis. Je voudrais souligner la disparition des oiseaux, ce qui est d’une grande tristesse. À propos des espèces « porte-drapeaux » ou symboliques, il faudrait également évoquer dans votre rapport les espèces qui disparaissent en France.

M. Jean-Paul Lecoq. J’apprécie beaucoup le travail du rapporteur, mais nous devons voter sur les crédits et non sur le rapport. Notre groupe déplore que les moyens prévus pour la diplomatie française environnementale ne soient pas suffisants. Pour faire de la diplomatie parlementaire, il faudrait inscrire la biodiversité à l’ordre du jour de toutes les assemblées où nous siégeons. Nous n’avons pas à donner de leçons aux autres pays, mais mettre des moyens à leur disposition, par exemple, les aider à lutter contre les braconniers. Nous devons être des donneurs d’aide. Mais je ne sens pas de souffle budgétaire à ce sujet.

Mme Martine Leguille-Balloy. Ce rapport est très intéressant et vivant. Le problème réside dans notre volonté de prolonger les espèces. L’idée d’un groupe de travail est excellente. La Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction (CITES) est une idée qui remonte à 1960 et qui a vu le jour en 1975. Je suggère que nous soyons porteurs d’utopie. Actuellement, il n’existe aucune règle coercitive, il faudrait dans le cadre de ce groupe de travail proposé que soit examinée la création dans 10 ou 15 ans d’un tribunal du climat, à l’image de la Cour pénale internationale.

M. Jérôme Lambert. Je m’associe aux félicitations qui ont été adressées au rapporteur. La problématique doit aussi porter sur le réchauffement climatique, qui est une des causes des problèmes touchant la biodiversité. Sur ce thème nous disposons d’informations pour 2017 inquiétantes au plan mondial, mais également pour la France. Celle-ci est loin de respecter les engagements pris. On constate une différence entre les intentions et les résultats relatifs aux dépenses énergétiques, et aux émissions de gaz de serre : la France n’atteint pas les objectifs qu’elle s’est fixés.

M. Sébastien Nadot. J’ai beaucoup apprécié la cartographie présentée par notre rapporteur. Un groupe de travail sur la diplomatie relative aux questions environnementale est une bonne idée. Je voudrais attirer l’attention sur l’archipel de Socotra, situé au large du Yémen, classé au Patrimoine mondial naturel de l’Unesco. L’Europe a contribué à la protection de cette île où vivent 700 espèces uniques : c’est l’île imaginaire de Jules Verne, victime de la guerre. Qu’en est-il du suivi du conflit au Yémen ? Il s’agit d’un enjeu planétaire.

M. Jean-Michel Clément. À mon tour de souligner l’originalité du rapport. Les désordres de ce monde, l’instabilité politique durable d’un certain nombre de pays, la disparition de la notion d’État dans certains cas, entraîne des difficultés supplémentaires. Il faut s’intéresser aux problèmes climatiques et politiques. Les guerres perturbent la biodiversité. Le climat est une menace, mais l’instabilité politique aussi. Il faut examiner ces deux sujets ensemble. L’urgence est à la fois climatique et politique.

Mme Isabelle Rauch. Je souhaitais apporter des précisions sur ce qui peut être fait à l’international, notamment au Conseil de l’Europe. Dans sa séance du 24 avril, le Conseil de l’Europe a ainsi examiné une résolution sur le changement climatique. Une commission des questions sociales, de la santé et du développement durable a également été mise en place. La France y prend aussi toute sa part. Je souhaitais rassurer mon collègue par rapport à cela.

M. Alain David. On lit dans le rapport des choses intéressantes, notamment un point sur la chasse à la baleine. Pourquoi cette chasse est-elle autorisée ? Il y a une chasse de subsistance en Alaska et au Groenland, mais la chasse dite « scientifique » pratiquée par le Japon dépasse l’entendement. Quand fera-t-on cesser cette pratique ? Comment peut-on s’organiser au plan international ?

Mme la Présidente Marielle de Sarnez. Ajoutons que le prétexte de la recherche dénote une grande hypocrisie.

Mme Mireille Clapot. Vous indiquez dans votre rapport que les activités humaines sont à l’origine de la détérioration et de la dégradation de certains écosystèmes. Vous n’avez pas évoqué, je crois, l’idée d’une approche par filière. Concernant la production du chocolat, par exemple, j’ai été amenée à rencontrer des organisations non gouvernementales (ONG) et des responsables ivoiriens. La façon dont le cacao y est cultivé a un impact sur l’environnement.

Par ailleurs, sauf erreur de ma part, vous n’abordez pas dans votre rapport la question de l’artificialisation des sols. Question qui est souvent mentionnée, notamment dans le plan français sur la biodiversité. Qu’en pensez-vous ?

M. Jean François Mbaye, rapporteur pour avis. Je souhaite rassurer ma collègue Nicole Le Peih sur l’importance qu’a accordé notre président aux questions relatives au climat, à la biodiversité et à la protection des mers. Je vous rejoins sur la nécessité d’une gouvernance commune sur ces sujets. Le One Planet Summit est désormais élargi à ces autres thématiques.

Pour répondre à notre collègue M. Bruno Fuchs, il existe bien, au niveau national, une réglementation renforcée sur le commerce de l’ivoire. Concernant les moyens de notre diplomatie environnementale, je tiens à souligner les créations de postes pour des agents du ministère de la transition écologique et solidaire dans certaines de nos ambassades notamment au Mexique et en Colombie, pour le traitement et suivi des  sujets liés à la biodiversité.

M. Christophe Naegelen demandait ce que pouvait faire la France seule. Nous pouvons jouer un rôle leader et entraîner d’autres pays sur ces questions. Nous avons su mobiliser autour de nous certains pays, comme la Chine et l’Inde avec l’Alliance solaire internationale, par exemple. Nous parvenons ainsi à initier une dynamique collective.

Je souhaiterais aborder des précisions à une question commune de MM. Christian Hutin et M. Jean‑Michel Clément, posée la semaine dernière concernant sur les actions en faveur de l’étude de l’évolution des populations d’oiseaux à l’échelle internationale. Il existe, par exemple, un projet Ressource porté par le Fonds français pour l’environnement mondial (FFEM) et l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) sur les populations d’oiseaux dans les zones humides du Sahel, financé à hauteur de 1,5 million d’euros. M. Christian Hutin, pour répondre à votre interpellation, il faut aussi, en effet, agir au niveau national pour la protection de la « biodiversité du quotidien », et je tiens d’ailleurs à saluer, sur ce point, le plan biodiversité mis en place par M. Nicolas Hulot en juillet 2018.

Pour répondre à M. Sébastien Nadot qui évoque les effets du conflit au Yémen, le groupe de travail pourra aussi faire des communications sur certaines zones géographiques particulières. J’ai utilisé dans mon rapport le terme de « vigie », ce qui signifie que nous devons alerter, sensibiliser et mobiliser notre diplomatie sur ces sujets.

Pour répondre à Mme Mireille Clapot, l’approche doit être la plus globale et intégrée possible. Les projets soutenus par l’AFD doivent, par exemple, tendre à respecter l’accord de Paris sur le climat. La question de l’artificialisation des sols est abordée dans le rapport à travers celle de la problématique de la dégradation des terres.

S’agissant de la chasse à la baleine, je tiens à rappeler que le Japon a déjà été condamné par la Cour internationale de justice à ce propos mais a passé outre cette condamnation. J’estime que le prétexte scientifique relève effectivement de l’hypocrisie. Le sujet est toujours d’actualité. Peut-être notre travail de sensibilisation pourra-t-il inciter le Japon à mettre fin à cette pratique, ou du moins à la rendre exceptionnelle.

 

 

 


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   EXAMEN DES CRÉDITS

Suivant l’avis du rapporteur, la commission des affaires étrangères, émet un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Écologie, développement et mobilité durables », tels qu’ils figurent à l’état B annexé à l’article 37 du projet de loi de finances pour 2019.

 

 

 

 

 


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   annexe n° 1 :
Liste des personnes auditionnées par LE RAPPORTEUR

 


([1]) Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction

([2]) Plan biodiversité – Comité interministériel biodiversité – 4 juillet 2018.

([3]) Biological annihilation via the ongoing sixth mass extinction signaled by vertebrate population losses and declines de Gerardo Ceballos, Paul R. Ehrlich, et Rodolfo Dirzo, PNAS, 2017.

([4]) La liste rouge des espèces menacées en France : contexte, enjeux et démarche d’élaboration, UICN, 2014.

([5]) The assessment report on land degradation and restoration - summary for policymakers, IPBES, 2018.

([6]) World scientists’ warning to humanity: a second notice, bioscience, 2017.

([7]) Faune sauvage et cybercriminalité : briser la chaîne, IFAW, 2018.

([8]) http://undocs.org/fr/S/RES/2134(2014) et http://undocs.org/fr/S/RES/2136(2014).

([9]) Données transmises au rapporteur par le Comité français de l’UICN.

([10]) Le commerce de l’ivoire dans l'UE tue des éléphants, IFAW, 2017.

([11]) ibid.