N° 1304

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 12 octobre 2018.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES
SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2019 (n° 1255),

 

TOME VI

 

ÉCONOMIE

 

Commerce extÉrieur et diplomatie économique

PAR M. Buon TAN

Député

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 Voir le numéro 1302.


 

 


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SOMMAIRE

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 Pages

introduction

Recommandations du rapporteur

Synthèse graphique de l’avis

Lexique : les mots du budget et du commerce extérieur

I. Une situation du commerce extérieur toujours préoccupante

A. Une nouvelle dégradation conjoncturelle du solde sur les marchandises

B. Une dérive mal appréhendée : les envois par colis postal et autres flux « sous le seuil » d’enregistrement

C. Un déficit sur les marchandises partiellement compensé par les services et les flux de revenus

II. la réforme des dispositifs d’accompagnement

A. Les recommandations de votre rapporteur l’an dernier : une mise en œuvre inégale

B. Des annonces fortes du Gouvernement

1. Un objectif très ambitieux : 200 000 entreprises exportatrices

2. La Stratégie du Gouvernement en matière de commerce extérieur

a. Une meilleure prise en compte des enjeux internationaux dans les politiques d’éducation et de formation

b. Un dispositif unifié et complet d’accompagnement des entreprises à l’international, Team France Export

i. En amont, un « guichet unique » dans chaque région

ii. En aval, un « guichet unique » dans chaque pays étranger

iii. Deux outils numériques nouveaux

c. Des dispositifs financiers plus larges et plus souples

3. Le rapprochement entre Expertise France et l’Agence française de développement

4. L’attraction des investissements étrangers

a. La mise en place d’un dispositif mieux coordonné, Team France Invest

b. La protection de nos entreprises stratégiques

C. Le présent projet de loi de finances : les moyens des réformes ?

1. Des moyens affectés au commerce extérieur qui restent dispersés

2. La nécessité de financer les nouveaux outils numériques

3. Le modèle de financement de Business France en question

a. La substitution progressive des ressources commerciales aux ressources budgétaires

b. Des charges rigidifiées par l’importance des coûts de fonctionnement

4. Le réseau consulaire : garantir un financement public de la mission d’appui à l’internationalisation

5. Les moyens gérés par la direction générale du Trésor : des évolutions contrastées

a. Des moyens toujours en baisse pour les services économiques dans les ambassades

b. Les instruments financiers gérés par la direction générale du Trésor

i. Le FASEP

ii. Les prêts du Trésor

6. Des moyens suffisants pour les assurances export publiques ?

a. Un mode de gestion qui permet un contrôle rigoureux de l’État sur la mise en œuvre des garanties publiques

i. La gestion administrative des décisions

ii. La présentation budgétaire : le cantonnement de chacune des lignes

b. Des dispositifs dont la diffusion s’est globalement accrue en 2017

c. Une assurance-crédit qui reste fortement excédentaire, au bénéfice du budget de l’État

d. L’assurance prospection : un dispositif déterminant pour l’augmentation du nombre d’ETI et de PME exportatrices

III. compte-rendu de mission : Quelles leçons tirer du dispositif italien d’internationalisation des entreprises ?

A. Un pays À bien des égards voisin du nôtre

1. Une taille et une situation économiques assez comparables

2. Des systèmes institutionnels voisins s’agissant de la gestion du commerce extérieur

3. Mais une différence à relever : un commerce extérieur excédentaire

B. Point sur Les échanges économiques entre les deux pays

1. Un commerce bilatéral massivement déficitaire pour la France

2. L’Italie, « terre de conquêtes » pour les entreprises françaises

C. Les grands déterminants des résultats commerciaux de l’Italie

1. Des choix géographiques et sectoriels qui présentent des similitudes avec ceux de la France

2. Un facteur peu enviable, la faiblesse de la croissance

3. De meilleurs rapports qualité-prix qu’en France ?

4. Mais aussi et surtout un pari sur l’export porté par un tissu de PME très riche

a. Des exportations qui reposent sur les PME beaucoup plus qu’en France ou en Allemagne

b. Un tissu industriel coopératif et organisé

i. Districts industriels et technologiques, réseaux et consortiums d’entreprises

ii. Des organisations patronales très impliquées

D. l’action des pouvoirs publics italiens : Une priorité forte au commerce extérieur depuis plusieurs années

1. Une volonté de reprise en main par les pouvoirs publics

a. Une vision globale, le « Sistema Paese »

b. Un pilotage interministériel

c. Un opérateur public unique pour les actions à l’étranger, l’agence ITA

i. La clarification des missions des différents opérateurs

ii. Un financement essentiellement public et principalement dédié aux opérations collectives

d. Un réseau consulaire recentré sur l’amont

e. La constitution d’un opérateur financier public puissant et agile

i. SACE-SIMEST, un opérateur « agile »

ii. Export Banca

2. Une priorité budgétaire qui permet de tester des méthodes diverses de promotion internationale

a. Les contrats avec la grande distribution et l’e-commerce

b. Les vouchers pour l’internationalisation

c. Le programme de conseil pour les ETI à haut potentiel

d. Le « road-show » de l’export

E. Conclusion : des pistes pour inspirer les réformes en France ?

TRAVAUX DE LA COMMISSION

ANNEXES

annexe 1 : Liste des personnes auditionnées par le rapporteur

ANNEXE 2 : éléments de benchmark sur l’allemagne


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   introduction

 

Mesdames, Messieurs,

 

Avec plus de 60 milliards d’euros de déficit en 2017 et probablement autant en 2018 et 2019, la situation du commerce extérieur français de biens reste préoccupante.

Certes le déficit sur les biens est en grande partie compensé par les excédents enregistrés sur certains échanges de services (notamment le tourisme international) et certains flux de revenus (dont les dividendes des investissements directs à l’étranger de nos entreprises). Il peut également être expliqué par des facteurs conjoncturels tels que la remontée des cours des hydrocarbures et la reprise de l’investissement industriel en France.

Il n’empêche : quinze années de déficits récurrents nécessitent une action structurelle de grande ampleur. C’est le sens de l’action du gouvernement qui a fixé un objectif ambitieux : passer de 124 000 à 200 000 entreprises qui exportent.

À la suite du rapport de votre rapporteur en novembre 2017, le Premier ministre a lancé en février dernier la « Stratégie du Gouvernement en matière de commerce extérieur ». Huit mois après l’annonce de cette réforme, où en sommes-nous ? L’objectif des 200 000 entreprises exportatrices d’ici 2020 est-il réalisable ?

Ce rapport dresse un premier état des lieux de la réforme lancée par le gouvernement, et soyons clairs, les premiers retours sont très positifs, avec :

Mais nous n’en sommes aujourd’hui qu’aux premiers pas de cette réforme, et, pour qu’elle soit un succès total, votre rapporteur souligne l’importance que les engagements financiers pris par les différents acteurs soient tenus, notamment en matière de systèmes d’information et de digitalisation des procédures. 

Plus généralement, les moyens budgétaires doivent être à la hauteur de nos ambitions, en particulier dans l’accompagnement de nos PME vers l’international. Les outils financiers à leur disposition, dont l’assurance prospection, ont prouvé leur efficacité ; il est important de garantir leur financement.

Par ailleurs, votre rapporteur avait, dans son avis de l’année dernière, émis 10 recommandations d’action que les personnes auditionnées ont généralement saluées comme utiles et consensuelles. Le présent rapport fait le bilan de la mise en œuvre de ces recommandations.

Au-delà du financement, votre rapporteur appelle à une refonte de la gestion par l’État de notre commerce extérieur à travers un système lisible et pragmatique : un membre du Gouvernement chargé du commerce extérieur, une seule administration et un budget associé.

Enfin, votre rapporteur a souhaité cette année sortir des œillères franco-françaises en étudiant les pratiques de nos voisins européens avec un focus particulier sur l’Italie. L’Italie nous est comparable par sa taille démographique, économique, ses industries phares et ses structures administratives. Mais elle présente aussi une différence très significative : son commerce extérieur a connu ces dernières années une évolution inverse à la nôtre, passant de déficits récurrents à des excédents croissants à partir de 2012.

Avec plus de 220 000 entreprises exportatrices, soit près de deux fois plus que la France, et 54 % du volume global des exportations fait par des PME contre 20 % pour la France, le système italien méritait d’être observé.

Ces différents constats conduisent votre rapporteur à présenter un ensemble de recommandations ci-après récapitulées.

 


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   Recommandations du rapporteur

            Améliorer la fiabilité de l’appareil statistique

 1  Poser le principe d’une comptabilisation dans les statistiques du commerce extérieur des « envois de valeur négligeable », tout en développant la lutte contre les fraudes auxquelles ils donnent lieu avec le développement du e-commerce.

            Financer les réformes en cours :

 2  Financer les nouveaux outils – système de gestion de la relation client, dit CRM, commun aux différents réseaux et « plateforme (internet) des solutions » – dont le déploiement est la condition de la mise en place réussie du « guichet unique » de l’accompagnement à l’international.

 3  Garantir le financement de la mission renforcée dévolue au réseau consulaire en matière d’internationalisation des entreprises par la réforme en cours ; à cette fin, inscrire clairement cette mission parmi celles qui resteront financées par l’impôt dans le prochain contrat d’objectifs et de performance entre État et réseau consulaire.

 4  Préserver le financement de l’instrument de soutien financier dédié aux PME et le plus apprécié d’elles, l’assurance prospection, dans un contexte où :

– le nombre de bénéficiaires – environ 2 000 par an, A3P incluse – stagne en 2017 et début 2018 ;

– le dispositif alternatif du crédit d’impôt pour dépenses de prospection commerciale (CIPC) a été supprimé ;

– les crédits afférents à l’assurance prospection (financement budgétaire du déficit de la procédure) pourraient être insuffisants pour maintenir la mise en œuvre de la procédure durant toute l’année 2019.

De manière générale, le financement des réformes doit être garanti sur plusieurs années dans le cadre de plans pluriannuels de financement.

            Accélérer la réflexion sur l’organisation administrative :

 5  Au-delà de l’inscription de crédits suffisants pour assurer la continuité de l’assurance prospection, engager une réflexion d’ensemble sur les modalités de gestion des instruments financiers de soutien au commerce extérieur, notamment les « garanties publiques » (assurances export publiques). Les garanties publiques ne doivent pas être gérées dans une logique de maximisation des ressources budgétaires qu’en tire l’État, mais d’abord au regard des objectifs de la politique du commerce extérieur. Il convient donc de s’interroger sur :

– les missions des différents acteurs intervenant dans la gestion de ces instruments, direction générale du Trésor, Bpifrance et (plus marginalement) Natixis ;

– la pertinence de la présentation budgétaire (dans un compte de commerce) des flux financiers afférents aux garanties publiques, si cette présentation est avant tout utilisée comme un instrument de restrictions budgétaires ;

– les résultats des expériences étrangères, par exemple l’expérience italienne, dans lesquelles l’État s’est retiré de la gestion directe de ce genre de dispositifs, confiant un mandat global à un opérateur certes public, mais au fonctionnement proche de celui des banquiers ou assureurs commerciaux.

 6  De même, s’agissant du pilotage d’ensemble de la politique du commerce extérieur, évoluer vers une organisation administrative où les responsabilités sont plus claires. Le modus vivendi trouvé en 2014, lorsque le ministère des affaires étrangères a obtenu une responsabilité « commerce extérieur » sans que lui soient rattachés les services économiques des ambassades ni l’opérateur Business France, n’a pas été modifié depuis lors. Pourtant, il n’avait pas vocation à être figé.

 7  Désigner dans le Gouvernement un responsable formellement en charge du commerce extérieur, de préférence avec un rang de ministre ou ministre délégué (plutôt que secrétaire d’État).

 8  Corrélativement, améliorer la lisibilité budgétaire des politiques du commerce extérieur, en regroupant autant que possible les différentes lignes de crédits, actuellement dispersées, relatives à ces politiques sous une ombrelle commune. Pourquoi pas une mission (au sens budgétaire) « commerce extérieur » ?

            Innover en s’inspirant des meilleures expériences étrangères :

 9  Apprendre à nos entreprises à jouer plus « collectif » à l’international, à « chasser en meute ». Les entreprises allemandes ou italiennes y parviennent effectivement, de même que nos entreprises mais seulement dans certains secteurs tels que l’aéronautique, où ce jeu collectif est porté par le Groupement des industries françaises aéronautiques et spatiales (GIFAS). Pour aller plus massivement dans cette direction, les pouvoirs publics pourraient développer l’enseignement des pratiques coopératives dans les grandes écoles, car c’est avant tout un enjeu culturel. Par ailleurs, certaines aides publiques pourraient être ciblées sur les réseaux d’entreprises, voire réservées à ces réseaux, comme cela se pratique en Italie.

 10  Développer les « maisons de la France » : à travers des initiatives de regroupement géographique des acteurs français, publics et privés, dans des « maisons de la France » comme il en existe à Pékin ou l’organisation d’événements « français » comme les semaines de promotion des produits alimentaires qui existent dans certains pays ou le « French Month ». L’image internationale de la France est meilleure que nous ne le pensons souvent, comme le montrent les détournements qui en sont faits par des marques étrangères pour promouvoir des produits soi-disant français ou d’esprit français. Il faut s’appuyer sur cette image.

 11  Expérimenter les « Comptoirs de France » : avec un soutien budgétaire public, relancer l’effort de fédération des filières à l’export, en particulier dans le secteur agro-alimentaire. Les « Comptoirs de France » permettraient aux PME-TPE une offre groupée pour rencontrer les acheteurs internationaux, faciliter les démarches administratives et faire des envois groupés. Ce dispositif pourrait être renforcé par une contractualisation avec de grands distributeurs (en ligne ou en grandes surfaces) étrangers, qui prendraient, en contrepartie des financements publics, des engagements précis en volumes distribués ou en nombre de nouvelles marques françaises référencées. L’expérience de cette nature engagée en Italie donne apparemment de très bons résultats (15 euros de facturation pour un euro investi) ; cette pratique permet de reporter sur le distributeur les coûts de pénétration d’un nouveau marché.

 


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Synthèse graphique de l’avis

 


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Lexique : les mots du budget et du commerce extérieur

                 Action (au sens budgétaire) : subdivision d’un « programme » (voir ce mot infra).

                 Assurance-crédit : dispositif d’assurance qui peut faire partie des garanties publiques (voir cette expression infra), mais aussi être proposé dans un cadre purement privé. Il vise à couvrir les exportateurs contre le risque d’interruption de leur contrat et les banques contre le risque de non-remboursement des crédits à l’exportation octroyés à un acheteur étranger.

                 Assurance prospection : dispositif d’assurance appartenant aux garanties publiques (voir cette expression infra) qui permet de rembourser aux PME une partie de leurs dépenses de prospection sur un marché étranger en fonction du flux d’affaires généré.

                 Balance commerciale : la balance commerciale est un compte de la comptabilité nationale qui retrace la valeur des biens exportés et importés. Elle est traditionnellement fondée sur l’exploitation des données recueillies par la direction générale des douanes et droits indirects, avec certains correctifs pour tenir compte de biens qui ne font pas l’objet de déclarations douanières classiques (par ex. matériel militaire, or, avitaillement des navires, etc.), mais elle ne couvre pas les échanges de services. Elle couvre un « territoire douanier » différent du territoire national car correspondant à celui couvert par le droit douanier national (et européen) : il inclut Monaco et les départements d’outre-mer (DOM), mais pas, en revanche, les collectivités d’outre-mer dotées de l’autonomie fiscale et douanière comme la Polynésie française et la Nouvelle-Calédonie.

                 Balance des transactions courantes : la balance des transactions courantes mesure les transactions « courantes » entre les résidents et les non-résidents, c’est-à-dire entre les acteurs économiques (banques, entreprises, ménages, administrations publiques) qui exercent leur activité sur le territoire national et ceux qui exercent leur activité à l’étranger. Les transactions dites « courantes » se distinguent des opérations financières qui ont une contrepartie patrimoniale directe (investissements, endettement). Le solde du compte de transactions courantes reflète la capacité de l’économie nationale à équilibrer ses échanges avec le reste du monde : un déficit des transactions courantes se traduit par une dégradation de la position extérieure nette (solde des créances et des dettes vis-à-vis de l’étranger) et, en conséquence, par un accroissement de la dépendance financière vis-à-vis de l’étranger. Ces transactions courantes se subdivisent en quatre catégories : biens (retracés dans la balance commerciale : voir supra) ; services ; revenus (flux de revenus des investissements étrangers en France et réciproquement français à l’étranger, flux de revenus des salariés détachés ou frontaliers) ; transferts courants (notamment contributions françaises à l’Union européenne ou à des organisations internationales et flux en retour ou encore envois d’argent de travailleurs étrangers installés durablement).

                 Bpifrance (ou BPI pour Banque publique d’investissement) : établissement financier public créé en 2012 par la fusion d’institutions préexistantes, afin de financer les TPE, PME et ETI et de développer des secteurs stratégiques d’avenir. Bpifrance intervient en octroyant des crédits (généralement en cofinancement avec des banques commerciales) et des garanties ainsi qu’en investissant en fonds propres. Bpifrance gère depuis le début de l’année le régime des garanties publiques (voir cette expression infra).

                 Business France : établissement public mis en place en 2015 suite à la fusion d’institutions préexistantes. Ses missions sont de proposer des prestations (notamment des actions de prospection, d’accompagnement et d’accueil) pour développer les exportations des entreprises implantées en France, de favoriser l’investissement étranger en France et de mettre en œuvre la stratégie de promotion de l’image économique de la France.

                 Coface (Compagnie française d’assurances pour le commerce extérieur) : société privée (principal actionnaire : Natixis) qui propose notamment des services d’assurance-crédit (voir ce mot supra) à l’exportation et des services annexes (affacturage, recouvrement de créances, analyse de risques…). La Coface gérait aussi, jusqu’au 31 décembre 2016, le régime des garanties publiques (voir cette expression infra).

                 Compétitivité : la compétitivité est l’appréciation de la capacité comparative de différentes entreprises ou économies à produire des biens et services répondant à la demande en termes de rapport qualité-prix. La compétitivité combine donc intrinsèquement des éléments qualitatifs (qualité, fiabilité, innovation, « gamme » des produits, etc., le tout porté par l’« image de marque ») et quantitatifs (prix et coûts). S’agissant de ceux-ci, dans les statistiques nationales, la compétitivité-prix est définie comme le rapport des prix d’exportation des 24 principaux pays de l’OCDE sur ceux de la France (une hausse de cet indicateur correspond à une amélioration de la compétitivité de la France). Quant à la compétitivité-coûts, elle est définie comme le rapport des coûts salariaux unitaires (évolution du coût du travail corrigée de celle de la productivité) des mêmes pays sur ceux de la France. L’écart entre compétitivité-prix et compétitivité-coût est représenté par l’« effort de marge » (en reportant ou non les coûts dans les prix, les entreprises acceptent ou non de comprimer leur marge) ; l’effort de marge est défini comme le rapport de la compétitivité-prix sur la compétitivité-coût. Un autre indicateur utilisé est le taux de change effectif réel, dont l’évolution est généralement proche de l’inverse de celle de la compétitivité-prix : il combine le double effet des variations de taux de change nominaux entre économies et des différentiels d’inflation (d’où le terme « réel »).

                 Compte de commerce (au sens budgétaire) : un compte de commerce est un compte particulier annexé au budget général de l’État pour retracer (en recettes et dépenses) des opérations à caractère industriel ou commercial (ventes de biens ou de services) effectuées par des services de l’État non dotés de la personnalité morale (ou pour le compte de l’État par d’autres entités).

                 Conseiller du commerce extérieur de la France : les conseillers du commerce extérieur de la France apportent bénévolement un soutien aux entreprises françaises désirant exporter ou s’implanter dans un pays. Ils bénéficient d’un statut défini par la puissance publique et sont nommés par décret.

                 Entreprise de taille intermédiaire (ETI) : par convention, entreprise qui a entre 250 et 5 000 salariés, et, soit un chiffre d’affaires n’excédant pas 1,5 milliard d’euros, soit un total de bilan n’excédant pas 2 milliards d’euros.

                 Expertise France : Expertise France a été créée en 2014 avec le statut d’établissement public placé sous la double tutelle du ministère de l’Europe et des affaires étrangères et des ministères économiques et financiers. L’agence regroupe les structures de coopération technique que plusieurs ministères avaient mises en place précédemment. Dans le cadre de la politique de développement, elle fournit de l’expertise et de l’assistance technique dans les principaux domaines de l’action publique : gouvernance démocratique et financière, sécurité, développement durable et développement humain.

                 FAB ou « franco à bord » : terme généralement associé à la présentation de la balance commerciale. Il précise le prix auquel les biens échangés sont pris en compte dans celle-ci : le prix FAB est le prix d’un bien ou d’un service « à la frontière du pays » ; il comprend la valeur des biens ou des services au prix de base, des services de transport et de distribution jusqu'à la frontière. Pour les importations, on parle aussi de prix CAF  coût, assurance, fret ») : c’est le prix d’un bien à la frontière du pays importateur ou d’un service fourni à un résident avant acquittement de tous les impôts et droits sur les importations et paiement de toutes les marges commerciales et de transport dans le pays ; ce prix inclut donc les frais de transport et d’assurance nécessaires à l’acheminement du bien jusqu’à la frontière, frais qui doivent être déduits et retraités en « services » pour obtenir le prix FAB.

                 Garanties publiques : ensemble de dispositifs d’assurance destinés à faciliter les exportations. Ces dispositifs sont gérés par Bpifrance (anciennement la Coface : voir supra) pour le compte de l’État : ce dernier fixe les règles et directives d’engagement ; il prélève les excédents éventuels (situation actuelle) mais couvrirait aussi des pertes le cas échéant.

                 Investissement direct étranger, ou à l’étranger (IDE) : les investissements directs à l’étranger désignent les investissements par lesquels des entités résidentes d’une économie acquièrent ou ont acquis un « intérêt durable » dans une entité résidente d’une économie étrangère, soit en développant directement cette entité, soit en prenant une participation dans une entité existante. Par convention, on considère qu’il y a intérêt durable et donc investissement direct lorsqu’il y a détention d’au moins 10 % du capital ou des droits de vote.

                 Mission (au sens budgétaire) : subdivision des crédits du budget de l’État. Une mission peut être ministérielle ou interministérielle et il en existe au total une trentaine. Chaque mission fait l’objet d’un débat et d’un vote parlementaires spécifiques.

                 Part française : dans un projet international, mesure (ou évaluation) de la fraction de sa valeur ajoutée qui sera générée en France (suscitant des emplois en France). Certains dispositifs de soutien à nos entreprises comprennent une exigence de part française.

                 Petite et moyenne entreprise (PME) : par convention (définition européenne), entreprise employant moins de 250 personnes, et qui a un chiffre d’affaires annuel n’excédant pas 50 millions d’euros ou un total de bilan n’excédant pas 43 millions d’euros.

                 Prêt concessionnel : prêt accordé à des conditions plus favorables à l’emprunteur (taux d’intérêt, durée et/ou « période de grâce ») que ne le ferait une banque commerciale. Il relève donc des politiques d’aide au développement.

                 Programme (au sens budgétaire) : subdivision d’une « mission » (voir ce mot supra).

                 Service économique régional (anciennement appelé « poste d’expansion économique ») : service rattaché à une ambassade française, mais couvrant souvent plusieurs pays, d’où son nom, qui est composé principalement d’agents de la direction générale du Trésor et est géré par celle-ci. Ses missions comprennent l’analyse et la veille économique, l’animation des relations économiques bilatérales et le soutien à nos entreprises dans certains cas (grands contrats).

                 Solde commercial : différence entre les importations et les exportations retracées dans la balance commerciale (voir cette expression supra).

                 Très petite entreprise (TPE) : par convention, entreprise employant moins de 10 salariés et ayant un chiffre d’affaires ou un total de bilan inférieur à 2 millions d’euros.

                 Volontariat international en entreprise (VIE) : le volontariat international en entreprise permet aux entreprises françaises de confier à un jeune une mission professionnelle à l’étranger. Les bénéficiaires reçoivent une indemnité variable selon les pays, de 1 300 euros à 3 900 euros par mois, complétée par des défraiements annexes. Ce dispositif est géré par Business France (voir supra) et les régions prennent en charge une partie des frais.


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I.   Une situation du commerce extérieur toujours préoccupante

A.   Une nouvelle dégradation conjoncturelle du solde sur les marchandises

La situation du commerce extérieur et, en conséquence, de la balance des transactions courantes de la France reste très préoccupante.

Sans revenir longuement sur les causes de cette situation, analysées dans de nombreux rapports, votre rapporteur considère qu’il est nécessaire de rappeler les enjeux d’une situation inquiétante.

Le déficit commercial de notre pays sur les marchandises, tel que mesuré par l’administration des douanes, a fortement augmenté entre 2016 et 2017, passant de moins de 49 milliards d’euros à plus de 63 milliards. Le Gouvernement considère, dans les prévisions économiques associées au présent projet loi de finances, qu’il pourrait approcher 65 milliards d’euros pour l’année en cours, puis en 2019. On est juste en-deçà du record historique de déficit atteint en 2011 (74,5 milliards d’euros).

Certes, à court terme, la dégradation est liée à des facteurs conjoncturels, au premier rang desquels l’augmentation du cours international des hydrocarbures : la facture énergétique de la France est passée de 31,5 milliards d’euros à 39 milliards de 2016 à 2017 et devrait encore augmenter en 2018 (on est passé de 19 milliards d’euros à 22 milliards du 2ème semestre 2017 au 1er semestre 2018, le cours du baril de brut ayant crû d’environ 10 euros).

La dégradation du solde commercial en 2017 est également liée à un facteur très positif, la reprise de l’investissement des entreprises, qui a augmenté de 4,1 % en 2017, après 3,4 % en 2016 ; ceci s’est traduit par une accélération des importations (+ 4 % en 2017). Cela dit, en volume, cette évolution des importations a été plus faible que celle des exportations (+ 4,5 %), de sorte que, pour la première fois depuis 2012, le commerce extérieur a contribué positivement à la croissance française en 2017 (de 0,1 point de PIB). Cette performance devrait se répéter en 2018, avec 0,3 point de contribution positive, car les exportations devraient à nouveau progresser plus vite que les importations (+ 3,7 % contre + 2,5 %).

Le problème n’est donc pas tellement la dégradation de court terme du solde commercial que l’on constate depuis un an ; c’est surtout le fait qu’elle s’ajoute à des déficits récurrents depuis quinze ans.

Les soldes semestriels du commerce extérieur (biens)

(en milliards d’euros)

Source : Gouvernement.

B.   Une dérive mal appréhendée : les envois par colis postal et autres flux « sous le seuil » d’enregistrement

Il faut en outre être conscient que certains flux de marchandises entrant ou quittant la France ne sont pas comptabilisés dans les statistiques du commerce extérieur. Ce sont les « envois de valeur négligeable ». À l’importation (en provenance de pays hors Union européenne), sont ainsi dispensés de droits de douanes les envois d’une valeur unitaire de moins de 150 euros ; il existe également une dispense de TVA sous le seuil de 45 euros, qui est cependant, en principe, réservée aux seuls envois de particulier à particulier.

Ces flux, très officiellement non comptabilisés, ont sans doute toujours donné lieu à des fraudes (non-déclaration de biens dépassant les seuils de valeur susmentionnés). Avec le développement du « e-commerce », on peut penser que ces fraudes se développent. Elles entraînent des pertes de recettes publiques, mais aussi, selon toute vraisemblance, une dégradation invisible du solde commercial, les importations de cette nature excédant de beaucoup les exportations. Les douanes reconnaissent qu’elles ne peuvent contrôler qu’une part infime des échanges de colis, d’autant que les documents sommaires qui les accompagnent ne donnent pas assez d’informations pour cibler les contrôles. La situation est particulièrement délicate s’agissant des colis postaux : si les « expressistes » (entreprises commerciales de fret express) accomplissent en principe les formalités douanières pour les paquets qu’ils transportent (et les facturent ensuite aux clients), la Convention postale universelle confie à l’expéditeur d’un colis postal la responsabilité des formalités douanières et lui permet de s’en acquitter par une déclaration sommaire. 60 % des colis internationaux arrivent désormais en France par la voie postale, moins chère et moins contrôlable.

Le nouveau Code des douanes de l’Union européenne, qui rentre progressivement en vigueur (la dématérialisation des documents ne sera obligatoire qu’en 2021), apporte certes des améliorations.

Votre rapporteur considère que les efforts de lutte contre ce type de fraudes doivent être renforcés et que les flux dits de valeur négligeable devraient être comptabilisés (en estimation, puisqu’ils ne sont par nature pas déclarés) dans les statistiques du commerce extérieur, indépendamment de leur caractère ou non imposable.

C.   Un déficit sur les marchandises partiellement compensé par les services et les flux de revenus

Le déficit de notre commerce de marchandises est traditionnellement compensé en partie par des excédents sur les services et les flux de revenus. Ces excédents sont dus notamment à deux lignes d’échanges :

– le solde des services de voyages, qui rend compte de la différence entre les dépenses des voyageurs étrangers en France et celles des Français allant à l’étranger, bref du tourisme international. Après une année 2016 difficile car marquée par les attentats, l’excédent de la France sur cette ligne a fortement augmenté en 2017, passant de 12,9 milliards d’euros à 17 milliards ;

– le solde des revenus des investissements directs, car le stock global d’investissements directs internationaux des entreprises françaises est bien plus élevé que celui des entreprises étrangères en France ; ce solde a été positif de plus de 43 milliards d’euros en 2017.

Toutefois, ces excédents sur les services et certains revenus ne sont pas suffisants pour compenser totalement le déficit sur les biens. Comme le montre le tableau ci-après, le solde des transactions courantes, qui combine ces différentes lignes, reste modérément négatif : après – 13 milliards en 2017, il passerait, selon les prévisions, à – 10 milliards en 2018, puis – 6 milliards en 2019. Ces sommes représentent une petite fraction de notre PIB : 0,6 % en 2017 ; 0,4 % en 2018 ; 0,2 % en 2019.

Du solde du commerce des marchandises au solde des transactions courantes,        résultats et prévisions

(en milliards d’euros)

 

2016

2017

2018

2019

Solde des marchandises (douanes)

– 48,8

– 63,5

– 65

– 65

Solde des services

17,8

26,4

33,9

36,8

Solde des revenus primaires (*)

46,8

52,5

53,1

56,9

Solde des revenus secondaires (*)

– 46,8

– 43,9

– 47,8

– 50

Solde des transactions courantes

 16,8

 13,1

 10,5

 6

Rapporté au PIB

– 0,8 %

– 0,6 %

– 0,4 %

– 0,2 %

(*) Les revenus primaires sont les revenus directement liés à une activité de production, notamment les revenus du travail (salaires des frontaliers par exemple) et des investissements transnationaux ; les revenus secondaires ou transferts retracent les opérations de répartition non liées à la production telles que les flux financiers avec le budget européen, les intérêts de la dette publique versés à des non-résidents et les envois de fonds effectués par les travailleurs immigrés.

Source : rapport économique, social et financier associé au projet de loi de finances pour 2019.

Le solde des transactions courantes est un indicateur déterminant, car c’est le cumul des soldes des années antérieures qui donne la « position extérieure nette », laquelle rend globalement compte de la position des « créancier » ou au contraire de « débiteur » de la collectivité « France » vis-à-vis du reste du monde. Fin 2017, cette position était négative de 461 milliards d’euros, soit 20 % de notre PIB. Le graphique ci-après permet de nous comparer à nos grands voisins de la zone euro quant à cet indicateur.

Position nette extérieure des principaux pays de la zone euro

(fin 2017, en % du PIB)

Source : Banque de France, « La balance des paiements de la France – Résultats 2017 », avril 2018.


—  1  —

II.   la réforme des dispositifs d’accompagnement

De nombreuses mesures ont été annoncées et mises en œuvre par le Gouvernement depuis un an en vue d’améliorer la compétitivité globale de notre économie et par conséquent notre commerce extérieur.

S’agissant spécifiquement des dispositifs d’accompagnement de nos entreprises à l’international, votre rapporteur avait émis l’année dernière un ensemble de recommandations, qui ont été mises en œuvre à des degrés variables.

Des annonces très importantes ont été effectuées par le Gouvernement, notamment le 23 février dernier. Il reste à les mettre en œuvre. Cela suppose des moyens, qui passent notamment par le budget de l’État.

A.   Les recommandations de votre rapporteur l’an dernier : une mise en œuvre inégale

À l’occasion de l’examen, fin 2017, du projet de loi de finances pour 2018, votre rapporteur avait préconisé dix actions ci-dessous rappelées.

RAPPEL DES PRÉCONISATIONS DE VOTRE RAPPORTEUR EN 2017 :

1. Simplifier le dispositif d’accompagnement vers l’export et le faire connaître :

Poursuivre la simplification du mille-feuilles organisationnel en rapprochant les différents réseaux « généralistes » chargés d’assister les entreprises à l’export (chambres de commerce et d’industrie, le cas échéant agences spécialisées des régions, Business France, services économiques régionaux et chambres de commerce et d’industrie françaises à l’international). À cette fin :

 Clarifier les périmètres de métier et géographique des différents réseaux, avec l’objectif d’avoir un point d’entrée unique, sur les territoires, dans le système d’accompagnement et un point unique d’accueil dans chaque pays étranger ;

 Offrir aux entreprises un service unique, lisible et transparent, dans un esprit de « co-entreprise » entre les acteurs publics ;

 Construire pour ce faire un logiciel CRM (Customer Relationship Management ou Gestion des Relations avec les Clients) commun à tous les opérateurs, où chaque entreprise « cliente » pourrait être suivie par tous à tous les stades de son accompagnement export : tout en s’inscrivant dans la durée, cet accompagnement pourrait donc passer par plusieurs opérateurs successivement ; l’accès de tous les acteurs au CRM éviterait que certains ne « captent » (ou n’apparaissent capter) certaines entreprises clientes pour ensuite leur vendre des prestations payantes ;

 Développer et mettre en commun des ressources d’expertise (outils digitaux ; informations collectées par les différents réseaux; recueil, partage et valorisation des expériences et bonnes pratiques de ces réseaux), ce qui pourrait être une mission de l’opérateur Business France recentré.

 Désigner dans le Gouvernement un responsable formellement en charge du commerce extérieur, de préférence avec un rang de ministre ou ministre délégué (plutôt que secrétaire d’État).

2. Libérer la puissance des outils publics en les flexibilisant :

Réexaminer les régimes de garanties publiques au regard de leur excédent structurel de plusieurs centaines de millions d’euros par an et de l’expérience des dispositifs comparables de nos voisins européens. En particulier :

Revoir les règles de l’assurance prospection, dispositif très adapté aux PME, afin d’accroître sa pénétration après la baisse de 42 % du nombre d’entreprises bénéficiaires constatée de 2014 à 2016 ;

 S’interroger sur la concentration de l’assurance-crédit sur un petit nombre d’entreprises et de secteurs en examinant notamment les obligations de « part française » et le plafonnement des engagements par pays.

 Accroître la communication autour de ces offres, en priorité vis-à-vis des PME/TPE.

3. Innover en construisant de nouveaux leviers à l’export :

 Développer les « maisons de la France » : à travers des initiatives de regroupement géographique des acteurs français, publics et privés, dans des « maisons de la France » comme il en existe à Pékin ou l’organisation d’événements « français » comme les semaines de promotion des produits alimentaires qui existent dans certains pays ou le « French Month ».

Expérimenter les « Comptoirs de France » : avec un soutien budgétaire public, relancer l’effort de fédération des filières à l’export, en particulier dans le secteur agro-alimentaire. Les « Comptoirs de France » permettraient aux PME-TPE une offre groupée pour rencontrer les acheteurs internationaux et faire des envois groupés.

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Par ailleurs, votre rapporteur avait pris l’initiative de demander au Gouvernement le dépôt d’un rapport sur le financement de l’opérateur Business France. Cette demande a été inscrite à l’article 141 de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018.

Ces recommandations ont-elles commencé à être mises en œuvre ?

Les recommandations n° 1 à 4 correspondent dans les grandes lignes à la réforme du dispositif d’accompagnement qui était alors débattue et a ensuite été annoncée par le Premier ministre le 23 février dernier (voir infra). Elles sont en cours de mise en œuvre.

Un focus particulier doit toutefois être fait sur la recommandation n° 3 concernant le logiciel CRM, qui demande des moyens financiers substantiels, lesquels, on y reviendra, ne sont pas encore totalement dégagés.

Les annonces du Premier ministre en matière d’assurance-crédit et d’assurance prospection (voir infra) donnent également satisfaction, dans leur principe, aux recommandations n° 6 et 8, même si, là encore, la mise en œuvre pratique sera déterminante.

Par ailleurs, le Gouvernement a déposé en septembre 2018 le rapport demandé concernant le financement de Business France.

En revanche, la recommandation n° 5 n’a pas été reprise. Votre rapporteur reste pourtant convaincu qu’il faut un « ministre du commerce extérieur », ce non pas nécessairement « à usage interne », mais parce que la diplomatie internationale repose sur des hommes et des femmes et applique le principe de l’égalité protocolaire : nos partenaires doivent savoir clairement qui est en charge du commerce extérieur et cette personnalité doit avoir un rang officiel lui permettant de rencontrer des interlocuteurs de haut niveau.

Enfin, votre rapporteur soutient toujours ses recommandations n° 9 et 10. Pour atteindre l’objectif de 200 000 entreprises exportatrices, il faut vraiment augmenter la visibilité de l’offre française et faciliter l’accès de nos PME aux marchés internationaux.

B.   Des annonces fortes du Gouvernement

1.   Un objectif très ambitieux : 200 000 entreprises exportatrices

Tout d’abord, le Gouvernement, partant du constat du nombre insuffisant d’entreprises exportatrices en France, a fixé un objectif légitime mais ambitieux : atteindre un nombre de 200 000, contre 124 000 aujourd’hui.

C’est un objectif légitime, si l’on prend en considération les résultats de nos grands voisins européens : non seulement l’Allemagne compte plus de 300 000 exportateurs, mais des économies plus petites que la nôtre, l’Italie et l’Espagne, en comptent respectivement plus de 220 000 et 160 000.

Mais c’est aussi un objectif très ambitieux : alors même que le montant global des exportations françaises augmente régulièrement, le nombre d’exportateurs stagne depuis longtemps, comme on le voit sur le graphique ci-après : il n’a jamais dépassé 132 000.

Évolutions comparées du nombre d’exportateurs et des flux d’exportations

Source : Gouvernement (« Commerce extérieur – Résultats 2017 – 7 février 2018 »).

2.   La Stratégie du Gouvernement en matière de commerce extérieur

Le 23 février dernier, le Premier ministre a présenté à Roubaix un ensemble de réformes qui constituent la « Stratégie du Gouvernement en matière de commerce extérieur ».

Ces décisions avaient été préparées par un rapport ([1]) remis par le directeur général de Business France, M. Christophe Lecourtier, et par la consultation publique organisée en janvier 2018 sur le Plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises (PACTE). Leur traduction législative, quand elle était nécessaire, figure dans le projet de loi du même nom, qui est en cours de navette parlementaire.

 Le 8 février, la réunion du Comité interministériel de la coopération internationale et du développement (CICID) avait également été l’occasion de décisions intéressant la diplomatie économique.

Les principaux éléments de ces réformes sont les suivants.

a.   Une meilleure prise en compte des enjeux internationaux dans les politiques d’éducation et de formation

Le plan du Gouvernement intègre un volet de mesures de formation aux langues et au commerce international, ce qui constitue une innovation dans le cadre d’un plan concernant le commerce extérieur.

Les décisions annoncées visent au premier chef l’amélioration du niveau scolaire en anglais. Il est prévu que l’État finance pour chaque étudiant, avant d’entrer en premier cycle universitaire ou à défaut avant la fin de ce premier cycle, une certification internationale en anglais. L’objectif est que tous les étudiants puissent attester d’un niveau B2 (au moins).

Le Gouvernement entend également développer la reconnaissance des compétences linguistiques des salariés dans le cadre de la formation continue, cela valant aussi d’ailleurs aussi pour les compétences en français des salariés étrangers des entreprises françaises.

Il est également envisagé de mettre en œuvre un programme de formation à l’internationalisation qui serait spécifiquement élaboré pour répondre aux besoins propres des PME et bénéficierait notamment à leurs dirigeants. Les personnalités rencontrées par votre rapporteur ont souvent souligné l’enjeu que représente la formation des chefs d’entreprise à l’international.

b.   Un dispositif unifié et complet d’accompagnement des entreprises à l’international, Team France Export 

Le Gouvernement veut mettre enfin en place un véritable « guichet unique » pour l’accompagnement des entreprises à l’international, en reprenant les propositions présentées dans le rapport susmentionné de M. Lecourtier.

L’objectif est de regrouper l’offre des réseaux et opérateurs existants – dans une « Team France Export » – afin que les entreprises se voient proposer pour l’export un accompagnement global cohérent, dans lequel le rôle de chacun sera clair.

i.   En amont, un « guichet unique » dans chaque région

Un « guichet unique » d’entrée dans le système d’accompagnement à l’international doit être identifié dans chaque région, sous l’autorité du conseil régional.

Il s’adressera de manière différenciée aux non-exportateurs ou exportateurs occasionnels (pour les détecter et évaluer leur potentiel), aux exportateurs modestes (à installer à l’export), aux startups et PME à haut potentiel ou ETI (pour en faire des champions de leur domaine).

La « pyramide de l’export »

Source du graphique : Gouvernement (dossier de presse des annonces du 23 février).

Le fonctionnement de ces guichets uniques reposera principalement sur les chambres de commerce et d’industrie, qui revendiquent environ 400 spécialistes export sur tout le territoire, et Bpifrance. Ces moyens seront renforcés grâce au redéploiement dans les territoires de personnels de Business France, redéploiement permis par l’abandon de certains bureaux de l’agence à l’étranger, qui seraient transférés au réseau consulaire international (voir infra). Ce redéploiement s’inspirera de l’expérience lancée en 2013 de détachement de 45 « chargés d’affaires internationaux » issus de Business France dans les directions régionales de Bpifrance.

Le cadre de déploiement du projet Team France Export devrait être défini dans chaque région d’ici fin 2018. Des conventions Team France Export associant la région, Business France et le réseau consulaire (ainsi que généralement d’autres partenaires, à commencer par l’État) ont déjà été signées dans plusieurs régions : le 29 mars dans les Hauts-de-France, le 18 juin en Sud-Provence-Alpes-Côte-d’Azur, le 12 juillet en Bourgogne-Franche-Comté, le 17 septembre en Normandie, le 19 septembre en Pays-de-la-Loire et le 21 septembre en Corse. Plusieurs autres régions devraient suivre prochainement – des dates sont déjà convenues – et l’objectif est que toutes aient contractualisé d’ici la fin de l’année.

Au plan opérationnel, 75 à 80 collaborateurs de Business France devraient être d’ici la fin de l’année en poste dans les territoires, au sein des chambres de commerce et d’industrie régionales, l’objectif cible étant d’une centaine. Les équipes mixtes ainsi constituées sont placées sous l’autorité des directeurs des chambres avec une coordination nationale assurée par Business France. D’après les informations recueillies par votre rapporteur, le rapprochement des équipes se passe plutôt bien, car cette évolution enrichit leur travail tout en diversifiant les perspectives de carrière, ce qui est particulièrement bien perçu dans le contexte actuel de réduction des moyens des uns et des autres. D’ores et déjà un cadre de direction du réseau consulaire a pris la direction d’un bureau à l’étranger de Business France, tandis qu’un cadre de l’agence a pris celle d’une chambre régionale.

Les portefeuilles de prospection des entreprises devront être communs et co-construits entre les deux réseaux. Ceux-ci sont déjà engagés dans la définition d’une nomenclature commune.

Il y a donc une réelle mobilisation sur le terrain, dont toutes les personnes auditionnées par votre rapporteur ont fait état : la réforme se déploie dans les temps et est en train de « prendre ».

ii.   En aval, un « guichet unique » dans chaque pays étranger

De la même façon, il ne devrait plus en principe y avoir sur chaque site étranger qu’un opérateur chargé de la mission de service public d’accompagnement des PME à l’export, qui ne sera plus nécessairement Business France. Là où les chambres de commerce et d’industrie françaises à l’international (CCI-FI), ou bien d’autres opérateurs privés, le souhaitent et sont en mesure de le faire, ils pourraient bénéficier d’une concession de service public (CSP) portant sur l’ensemble de l’offre de service export de Business France, hors gestion des VIE et salons.

Actuellement, six pays sont potentiellement concernés par ce schéma : Belgique, Hongrie, Maroc, Norvège, Philippines et Singapour. Des appels d’offres ont été lancés et ont été clos en octobre et les nouveaux opérateurs doivent être désignés d’ici la fin de l’année. Des inquiétudes sont toutefois relayées sur l’équilibre financier des CSP envisagées, dans la mesure où il s’agit de transférer à des opérateurs non subventionnés des activités de Business France actuellement financées pour partie par la subvention pour charges de service public que reçoit l’agence. Les appels d’offres prévoient une certaine souplesse quant au tarif des prestations, en fixant des plafonds, et il est souhaitable que les régions prennent en compte dans leur politique d’aide les éventuels surcoûts qui en résulteront pour les entreprises.

Dans d’autres pays ou sites (dans un premier temps, Hong-Kong et Japon), il sera recouru à la conclusion d’un contrat de prestation de services avec un opérateur privé sélectionné dans le cadre d’un marché public. L’entité choisie sera en charge, pour le compte de Business France, d’une partie seulement de l’offre du service public d’accompagnement.

Une dernière option offerte, dans les pays d’où Business France se retirerait, est celle d’une labellisation (non exclusive) d’opérateurs pouvant y offrir des prestations d’accompagnement.

iii.   Deux outils numériques nouveaux

Enfin, le guichet unique devrait mobiliser deux outils numériques :

– une « plateforme des solutions » destinée à répondre aux questions simples des entreprises, notamment celles qui ne se sont pas encore lancées à l’export, et les orienter vers les outils d’accompagnement et de soutien financier disponibles. Cet outil devrait notamment comporter une sorte de « place de marché des solutions » proposées en matière d’internationalisation, une base d’informations générales (fiches sectorielles ou par pays, statistiques…), enfin des opportunités d’affaires à l’international détectées par les opérateurs publics (par ex. à partir d’appels d’offres internationaux) ;

– un dispositif de gestion de la relation client (CRM pour Customer Relationship Management) commun aux différents réseaux et opérateurs. L’enjeu est d’avoir en quelque sorte un « fichier clients » unique (constitué des entreprises entrant dans le système d’accompagnement), afin d’éviter les déperditions d’informations au cours du processus d’accompagnement (et les demandes répétées d’informations identiques aux entreprises). Le bon fonctionnement de ce CRM impliquera que les différents opérateurs cessent de se sentir comme en concurrence entre eux et « propriétaires » de leur fichier.

D’après une personnalité auditionnée, un « bon » CRM peut conduire à des gains de productivité de 30 % à 40 %. Le CRM, selon une autre formule entendue, constituera le « système nerveux » permettant au nouveau dispositif de guichet unique de fonctionner. À terme, lorsqu’il aura été enrichi de données sur plusieurs centaines de milliers d’entreprises, il représentera une base de données inégalée sur les PME françaises, qui pourra être mise au service des différentes politiques publiques.

c.   Des dispositifs financiers plus larges et plus souples

Les annonces du 23 février comprennent plusieurs mesures d’élargissement et d’assouplissement des dispositifs de financement et d’assurance à l’export :

– des dispositions destinées à rendre plus attractive l’assurance prospection, principal dispositif d’assurance publique à l’export qui est dédié aux PME. Il s’agit de simplifier les règles de calcul des indemnités et les procédures, ainsi que de rétablir un système ayant existé dans le passé, à savoir le versement en début de contrat d’une avance de trésorerie à hauteur de 50 % du budget prévisionnel garanti ;

– des assouplissements des exigences en matière de courant d’export depuis la France généré par les opérations couvertes par une garantie publique. L’octroi de ces garanties est traditionnellement subordonné à l’exigence d’une valeur ajoutée réalisée en France ou « part française », règle qui n’est pas toujours adaptée à la complexification des chaînes de valeur (la « valeur ajoutée en France » précisément imputable à une entreprise dans un projet international devient plus difficile à identifier). Le Gouvernement a donc institué un Pass Export qui consiste à établir un partenariat durable avec les exportateurs récurrents qui le demandent : le respect de l’exigence de part française est alors vérifié sur la moyenne des contrats assurés et non pour chaque contrat ; d’autres engagements économiques et industriels (sur l’emploi, l’investissement, la formation...) peuvent être demandés. Plus généralement, en s’inspirant d’expériences étrangères, le Gouvernement réfléchit à la création en 2019 d’un instrument de couverture de projets stratégiques à l’international dont le bénéfice pourrait être déconnecté d’un contrat export. Dans le même esprit, il envisage un outil de « soutien financier » au bénéfice des sous-traitants des entreprises exportatrices (qui peuvent être affectés par les aléas d’un contrat à l’export, mais ne sont pas eux-mêmes exportateurs). Enfin, il s’agirait d’instituer une garantie des filiales à l’étranger ;

– un élargissement à de nouvelles devises de la garantie publique de change ;

– des assouplissements spécifiques des garanties publiques concernant l’Afrique subsaharienne, avec notamment une suppression des plafonds d’en-cours de garanties par pays (qui avaient pour effet de rendre plus difficile l’accès à l’assurance-crédit dès lors qu’un « grand contrat » avait saturé le plafond d’un pays donné, calculé en fonction de son PIB) ;

– la création de financements export à moins de 24 mois (durée jusqu’à présent non couverte par les dispositifs publics car considérée comme relevant de l’offre commerciale des banques) ;

– le doublement de l’enveloppe annuelle des « prêts du Trésor ». Les prêts du Trésor, gérés par la direction générale du même nom, sont des prêts souverains accordés aux pays émergents, dans le cadre de l’aide publique au développement, pour la réalisation de projets présentant une valeur ajoutée française importante (une exigence minimale de « part française » est posée).

3.   Le rapprochement entre Expertise France et l’Agence française de développement

Les conclusions du Comité interministériel de la coopération internationale et du développement (CICID) du 8 février 2018 prévoient de poursuivre l’intégration des structures d’expertise et d’assistance technique qui dépendent des différents ministères sous la bannière de l’agence Expertise France, ainsi que de procéder à l’intégration d’Expertise France au sein du groupe de l’Agence française de développement (AFD) à horizon mi-2019 (en conséquence, il est demandé aux directeurs généraux des deux institutions de bâtir un projet commun d’ici la fin 2018).

Comme Expertise France assume clairement que l’une de ses missions est de contribuer au rayonnement économique de la France (en favorisant la diffusion des normes techniques et administratives françaises), ce rapprochement devrait être l’occasion de diffuser à l’AFD une plus grande culture de diplomatie économique.

4.   L’attraction des investissements étrangers

a.   La mise en place d’un dispositif mieux coordonné, Team France Invest

La création d’une Team France Invest, sur le modèle de la Team France Export, a été annoncée au printemps 2018 pour rendre plus efficace la politique de détection et d’attraction des investisseurs étrangers potentiels en France. Une nouvelle convention entre la direction générale du Trésor et Business France a été signée le 17 juillet 2018 aux côtés du ministère des affaires étrangères et du Commissariat général à l’égalité des territoires. Cette convention vise à renforcer les synergies entre les opérateurs et à clarifier leurs responsabilités. 

b.   La protection de nos entreprises stratégiques

Dans le même temps, la protection de nos secteurs stratégiques face aux appétits de certains investisseurs étrangers constitue une nécessité.

Le Premier ministre a annoncé le 16 février 2018 que les dispositions permettant un contrôle administratif des investissements étrangers dans certains secteurs (dites du « décret Montebourg ») seraient étendues à de nouveaux secteurs : intelligence artificielle, datas, nanotechnologies, spatial, infrastructures financières… L’article 55 du projet de loi PACTE, en cours de navette au Parlement, complète et sécurise juridiquement ce dispositif en précisant les pouvoirs d’injonction, de prise de mesures conservatoires et de sanctions (amendes administratives notamment) de l’administration pour faire respecter ses décisions.

Par ailleurs, au niveau européen, la France, l’Allemagne et l’Italie portent une initiative, traduite dans une proposition de règlement publiée par la Commission européenne le 13 septembre 2017, en vue d’établir un mécanisme de contrôle européen pour les investissements directs étrangers dans des projets ou programmes présentant un intérêt pour l’Union. Ce dispositif est en cours de discussion entre le Conseil et le Parlement européen. Il sera évoqué au Conseil des ministres européens du commerce qui se tiendra le 9 novembre.

C.   Le présent projet de loi de finances : les moyens des réformes ?

En réponse à une situation d’urgence, le Gouvernement s’est engagé dans un plan ambitieux pour redresser notre commerce extérieur. Mais encore faut-il apporter les moyens permettant de le mettre en œuvre, qui sont en partie budgétaires.

1.   Des moyens affectés au commerce extérieur qui restent dispersés

Avant de faire le point sur les moyens budgétaires que l’on peut considérer, à un degré ou un autre, comme dédiés au soutien du commerce extérieur et à la diplomatie économique, votre rapporteur souhaite revenir sur leur imputation budgétaire. Celle-ci n’a pas évolué depuis l’année dernière et continue à rendre compte de l’équilibre trouvé en 2014 entre le ministère des affaires étrangères (le « Quai d’Orsay ») et les ministères économiques et financiers (« Bercy »).

De même qu’il n’y a pas de membre du Gouvernement formellement en charge du commerce extérieur, il n’existe toujours pas dans la nomenclature budgétaire de « budget du commerce extérieur » identifié. Les moyens restent dispersés entre plusieurs missions et programmes (au sens budgétaire).

Une nomenclature toujours dispersée

● La mission « Économie »

▬ La ligne budgétaire sans doute la plus identifiable et significative pour rendre compte de la politique du commerce extérieur s’inscrit toujours dans le programme 134 « Développement des entreprises et du tourisme », qui fait partie de la mission « Économie ».

On y trouve notamment la plus grande part de la subvention à Business France et la rémunération de gestion versée à Bpifrance pour les garanties publiques.

▬ Le financement des services économiques de la direction générale du Trésor dans les ambassades est également inscrit sur la mission « Économie », mais sur le programme 305 « Stratégie économique et fiscale », dont il forme l’action n° 02.

Il est à noter qu’il a été fortement envisagé cette année de transférer au ministère de l’Europe et des affaires étrangères la gestion et le rattachement budgétaire des services économiques. Finalement, la décision a été prise de seulement transférer sur le budget du Quai d’Orsay des emplois « support » dépendant de divers ministères et des crédits de fonctionnement et immobiliers. 383 emplois « support » sont concernés, dont 79 provenant de la direction générale du Trésor.

● Les missions « Cohésion des territoires » et « Agriculture »

Pour des raisons « historiques », de petites fractions du financement étatique de Business France sont imputées sur les crédits du programme 112 « Impulsion et coordination de la politique d’aménagement du territoire » de la mission « Cohésion des territoires » et sur ceux du programme 149 « Compétitivité et durabilité de l’agriculture, de l’agro-alimentaire, de la forêt, de la pêche et de l’aquaculture » de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales ».

Le présent projet de loi de finances maintient cette situation.

● La mission « Aide publique au développement »

Sans entrer dans le débat sur les aides publiques « liées » ou « déliées » (avec un ciblage d’entreprises françaises dans les acteurs des projets financés), le fait est que certaines lignes de la mission « Aide publique au développement » sont clairement orientées « commerce extérieur ».

Il en est ainsi, sur le programme 110 « Aide économique et financière au développement », du Fonds d’étude et d’aide au secteur privé (FASEP), géré par la direction générale du Trésor. Ce fonds permet de financer des études de faisabilité en amont de projets d’investissement ; ces études doivent être effectuées par des cabinets français et le choix des dossiers prend en compte la possibilité d’une offre française pour le projet qui est l’objet de l’étude.

● La mission « Action extérieure de l’État »

Sur le budget du ministère de l’Europe et des affaires étrangères, plus précisément le programme 185 « Diplomatie culturelle et d’influence », la seule ligne identifiée rattachable à la diplomatie économique est la subvention à Atout France (opérateur de la promotion touristique internationale de la France).

On pourrait y rattacher la masse salariale de la direction des entreprises, de l’économie internationale et de la promotion du tourisme (créée pour piloter la « diplomatie économique ») et une fraction de la masse salariale des ambassadeurs, puisqu’ils passeraient près de 40 % en moyenne de leur temps à la « diplomatie économique ».

● Les comptes de prêt et de commerce et la mission « Engagements financiers de l’État »

L’effort de l’État pour le commerce extérieur et l’attractivité passe aussi par des instruments autres que les crédits budgétaires : prêts, avances, garanties. De tels instruments figurent nécessairement sur des comptabilités annexes de l’État, comptes de prêts ou de commerce.

▬ Les « prêts du Trésor », destinés à financer des projets dans les pays pauvres ou émergents, comportent une exigence de « part française » : une fraction de la valeur ajoutée du contrat financé doit être réalisée sur le territoire national. Ils contribuent donc clairement à la promotion de nos exportations.

Ils sont retracés sur le programme 851 « Prêts à des états étrangers en vue de faciliter la vente de biens et de services concourant au développement du commerce extérieur de la France » de la mission « Prêts à des états étrangers ».

▬ Le dispositif assurantiel des garanties publiques aux exportateurs est géré par Bpifrance pour le compte de l’État.

L’entreprise, on l’a dit, reçoit à ce titre une rémunération de gestion imputée sur le programme 134 de la mission « Économie ».

Cependant les produits et charges techniques de ces assurances sont directement retracés dans le budget de l’État, dans le cadre du compte de commerce « Soutien financier au commerce extérieur ».

Les excédents (bénéfices) récurrents sur certaines des procédures de garantie sont versés au budget de l’État, en recettes non fiscales.

Les déficits (pertes) constatés sur d’autres lignes sont couverts par des subventions budgétaires en provenance du programme 114 « Appels en garantie de l’État » de la mission « Engagements financiers de l’État ».

Votre rapporteur plaide pour une grande lisibilité de la politique du commerce extérieur dans le budget de l’État. L’objectif pourrait être de regrouper le plus possible de lignes de crédits dans une « mission » dédiée au commerce extérieur.

2.   La nécessité de financer les nouveaux outils numériques

Le projet de loi de finances prévoit de poursuivre la diminution du financement public de Business France. En 2019, l’agence recevrait 98,5 millions d’euros de subventions pour charges de service public (en provenance des programmes 134 et 112), contre 101 millions inscrits dans la loi de finances initiale pour 2018, soit une baisse de 2,5 %.

De même, le plafond d’emplois serait réduit de 20 unités, à 1 493 (soit une baisse de 1,3 %). La gestion des personnels et des implantations est marquée par des mesures de redéploiement et d’économies : diminution du nombre de personnels titulaires d’un contrat de droit français détachés à l’étranger, remplacés par des contrats de droit local ; fermetures ou réductions de bureaux (en 2017, fermeture de ceux de Bulgarie, du Luxembourg, d’Estonie, de Lituanie et d’Ekaterinbourg, réduction de moitié du bureau de Grèce)…

Dans ce contexte, Business France a une marge de manœuvre limitée pour financer le déploiement des nouveaux outils numériques, « plateforme des solutions » et surtout CRM commun aux différents opérateurs, dont le coût global est évalué à plus de 10 millions d’euros. L’opérateur a pourtant pris en charge les premiers frais de développement, mais un financement complémentaire est absolument nécessaire. Il est prévu que ce financement soit recherché à travers le fonds pour la transformation de l’action publique (FTAP) ([2]), dans le cadre de la deuxième vague d’appels à projets de ce fonds, qui sont en cours de sélection cet automne.

3.   Le modèle de financement de Business France en question

Au-delà de la question du financement des nouveaux outils numériques, c’est le modèle global de financement et de fonctionnement de Business France qui est interrogé.

C’est d’autant plus un enjeu d’actualité qu’un nouveau contrat d’objectifs et de moyens, qui couvrira la période 2018-2022, est en cours de négociation entre l’État et Business France, pour une signature espérée avant la fin de l’année. Il devrait déterminer la trajectoire des subventions de l’État sur ce délai, ainsi que l’évolution des emplois, qui diminueraient de 90 unités d’ici à 2022.

a.   La substitution progressive des ressources commerciales aux ressources budgétaires

Depuis plusieurs années, la baisse régulière des subventions budgétaires doit être compensée par l’augmentation des ressources propres de l’agence, ces ressources provenant pour l’essentiel des prestations facturées aux entreprises « clientes ».

Évolution des subventions budgétaires et des ressources propres de Business France

(en millions d’euros)

Source : Rapport sur le financement public dont bénéficie Business France (article 141 de la loi de finances pour 2018).

Comme on le voit sur le graphique ci-avant, les ressources propres seront passées de 2014 à 2018 de 76 millions d’euros à 104 millions, soit 38 % d’augmentation (8 % en moyenne par an), et égalent désormais les ressources budgétaires.

Cette substitution progressive des ressources propres aux ressources budgétaires, conduisant à un budget global de Business France à peu près stable, a certes l’avantage de concilier deux objectifs, celui de réaliser des économies budgétaires et celui de conserver pour l’essentiel le périmètre du réseau de l’agence.

Les avantages que l’État peut y trouver apparaissent bien dans le choix d’un des indicateurs associés, en application de la loi organique relative aux lois de finances, au programme budgétaire 134 : l’indicateur 2.1, intitulé « Évolution de l’efficience du financement public de Business France en matière d’internationalisation des entreprises », est fondé sur le ratio des subventions de l’État (au numérateur) à la somme des courants d’affaires réalisés par les PME et ETI bénéficiaires des prestations de l’agence (au dénominateur).

Une amélioration de l’efficience se traduit par une baisse de l’indicateur et, à cet égard, les résultats sont bons : l’indicateur a baissé de 16,3 % en 2017, devrait encore baisser de 2,5 % en 2019, avec une cible de baisse de 10 % en 2020. Mais on voit bien que cette évolution peut être obtenue par deux moyens : l’augmentation vertueuse de l’efficacité de l’action de Business France (dénominateur du ratio) ; mais aussi la baisse des subventions budgétaires (numérateur du ratio), surtout si elle est compensée par des ressources propres permettant de maintenir globalement l’activité.

Le résultat de cette politique est que Business France semble être devenue l’une des agences publiques de promotion des exportations dont la part de financement public est le plus faible. C’est du moins ce qui ressort d’éléments de benchmark international recueillis par l’agence.

Montants de subvention publique et taux de financement privé (chiffres 2016)

Pays

Agence(s)

Montant de subvention de l’État (millions d’euros)

Montant facturé aux entreprises    (millions d’euros)

Taux de financement privé (en %)

Allemagne

AHK+GTAI+AUMA

128

282

69 *

France

Business France **

103

96

48

Suède

Business Sweden

36

34

46

Espagne

ICEX

88

23

22

Corée

KOTRA

256

65

22

Japon

JETRO

260

65

21

Italie

ITA-ICE

214

30

13

Royaume-Uni

DIT-ITI division

290

4,5

1,5

États-Unis

International Trade Adm.

n.c.

marginal

1

Canada

SCS Canada

122

-

-

Source : Rapport sur le financement public dont bénéficie Business France, déposé en application de l’article 141 de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018.

(*) Le réseau des CCI allemandes à l’étranger (AHK) ne supportant pas les coûts du réseau des CCI en Allemagne (IHK) et intégrant dans sa facturation des activités liées au développement des entreprises étrangères sur le sol allemand, le taux de financement privé du dispositif allemand est mécaniquement gonflé.

(**) Données hors financement du volontariat international en entreprises (VIE), géré par Business France (qui verse leurs indemnités aux VIE) pour le compte des financeurs (entreprises et régions). Le total des ressources de l’agence a représenté 221 millions d’euros hors VIE en 2017, mais 469 millions VIE inclus.

Dans la mesure où, par nature, les actions de prospection et d’accompagnement des investisseurs étrangers ne peuvent guère donner lieu à facturation aux entreprises, non plus que celles de promotion de l’image économique de la France (deux des missions de Business France), les ressources commerciales de l’agence proviennent principalement de son activité d’accompagnement des exportateurs.

Business France met certes gratuitement à disposition un socle d’information de base sur les marchés étrangers de plus de 5 000 documents (brèves, fiches-pays, fiches marchés, fiches secteurs, fiches pratiques, etc.).

Mais les services plus élaborés sont payants : produits éditoriaux plus affinés, participation à des événements de type salon, organisation de rencontres « B to B », missions de prospection, veille économique, etc. Pour les ETI et PME, la facturation ne couvre pas l’intégralité des coûts, le « ticket modérateur » demandé à ces entreprises représentant par exemple entre 30 % et 40 % du coût complet pour les prestations d’accompagnement individualisé. Des prestations sont également effectuées à prix coûtant pour les grandes entreprises.

Cette situation a potentiellement plusieurs effets néfastes :

– la renonciation de certaines PME aux prestations de Business France, jugées trop chères, donc à des potentialités d’export,

– l’utilisation de fait, pour des raisons d’équilibre économique, d’une partie des moyens de l’agence, en principe dédiés au service public, à des prestations purement commerciales au bénéfice de grandes entreprises,

– en conséquence, l’accroissement du sentiment de concurrence indue ressenti par les opérateurs privés d’accompagnement à l’international.

b.   Des charges rigidifiées par l’importance des coûts de fonctionnement

Dans le même temps, le maintien d’un réseau déployé dans le monde entier et d’effectifs importants a pour effet de rigidifier les dépenses de Business France. En 2017, sur 224 millions d’euros de dépenses (hors programme VIE) de l’agence, on décompte 105 millions de dépenses de personnel et 34 millions de dépenses de fonctionnement.

4.   Le réseau consulaire : garantir un financement public de la mission d’appui à l’internationalisation

Il faut également évoquer le financement du réseau consulaire, appelé à renforcer son action en faveur de l’internationalisation des entreprises.

Lors de l’assemblée générale extraordinaire de CCI France le 10 juillet 2018, le ministre de l’économie, M. Bruno Lemaire, a annoncé de nouvelles restrictions budgétaires pour le réseau consulaire, avec une redéfinition stricte de ses missions financées par l’impôt, les autres devant l’être par des ressources propres.

Cependant, compte tenu du positionnement des chambres dans le dispositif d’accompagnement à l’export – positionnement amont sur la mobilisation des entreprises, le diagnostic et le conseil aux non-exportateurs ou exportateurs occasionnels –, elles ne pourront guère dans ce domaine recourir à la facturation aux entreprises. Il est donc important que cette mission particulière reste financée sur fonds publics. Le futur contrat d’objectifs et de performance (COP) à conclure entre CCI France et l’État sera déterminant à cet égard : il devra clairement mentionner le financement public de la mission d’internationalisation.

5.   Les moyens gérés par la direction générale du Trésor : des évolutions contrastées

a.   Des moyens toujours en baisse pour les services économiques dans les ambassades

Les moyens dédiés au financement des services économiques à l’étranger, rattachés fonctionnellement aux ambassades, mais gérés administrativement par la direction générale du Trésor, apparaissent en forte diminution dans le présent projet de loi de finances, avec 75,3 millions d’euros pour 2019, contre 85,8 millions en loi de finances pour 2018 (soit 12,2 % de baisse). Cette évolution s’explique en partie par le transfert de certains moyens sur le budget du ministère de l’Europe et des affaires étrangères (transfert de 79 emplois « support » et de moyens de fonctionnement), mais s’inscrit aussi dans une tendance de long terme.

En dix ans, ce réseau du Trésor a perdu 251 emplois, soit 26 % de ses effectifs (hors emplois transférés à Business France). Fin 2017, l’effectif était de 638 équivalents temps plein et 21 emplois auront encore été supprimés en 2018, avec la fermeture de plusieurs services ou antennes (à Kaboul, Port-Louis et Tirana), tandis que seul un poste est rouvert (pour la Libye).

b.   Les instruments financiers gérés par la direction générale du Trésor

Parmi les outils financiers d’aide au développement mis en œuvre par la direction générale du Trésor, deux dispositifs ont clairement aussi une dimension de diplomatie économique.

i.   Le FASEP

Le Fonds d’étude et d’aide au secteur privé (FASEP) permet de financer des études de faisabilité en amont de projets d’investissement. C’est un instrument d’aide au développement, mais aussi de soutien à nos entreprises en favorisant la préconisation de « solutions à la française » : il permet donc non seulement à des cabinets français de décrocher des contrats d’études, mais aussi de positionner en aval, sur les projets d’investissement étudiés, les offres françaises. Le taux de retour en chiffre d’affaires pour les entreprises françaises des crédits FASEP est estimé à 11 euros pour un euro public versé, dont 7 euros réalisés en France.

Il est proposé pour 2019 de reconduire les crédits au niveau de 2018 (20,8 millions d’euros). Pour mémoire, les engagements effectifs se sont élevés en 2017 à 16 millions d’euros.

ii.   Les prêts du Trésor

Les prêts du trésor visent à apporter un soutien aux exportateurs français ciblant les pays émergents, sous forme de prêts aux États en vue du financement de projets mis en œuvre par des entreprises françaises (une exigence de part française est posée). Ils peuvent être dits concessionnels, c’est-à-dire bonifiés, pour une trentaine de pays pauvres, ou non concessionnels dans une centaine d’autres pays.

Les décisions de financement sont prises par les ministres chargés de l’économie et des finances sur avis d’un comité interministériel présidé par la direction générale du Trésor. Le dispositif est ensuite géré pour le compte de l’État par Natixis. En 2017, des protocoles ont été signés sur des projets de montants importants avec le Maroc (fourniture de locomotives) et l’Indonésie (développement d’un système d’information de météorologie maritime). Au total, 197 millions d’euros ont été engagés en 2017.

L’enveloppe disponible pour ces prêts, qui était de 300 millions d’euros en 2017, a été portée pour 2018 à 900 millions, dont 500 millions en principe affectés spécifiquement à des opérations en Iran, enveloppe qui avait été décidée avant le retrait américain de l’accord sur le nucléaire iranien. En 2019, l’enveloppe prévue globalement pour les prêts du Trésor serait de 800 millions d’euros, afin de maintenir un niveau élevé d’engagements, y compris potentiellement pour des opérations avec l’Iran.

Une étude de 2010 avait évalué à 5 euros pour un euro public le retour en chiffre d’affaires pour les entreprises françaises de la « réserve pays émergents » (RPE), dispositif qui a précédé les prêts concessionnels du Trésor.

6.   Des moyens suffisants pour les assurances export publiques ?

Bpifrance a remplacé la Coface, début 2017, pour gérer pour le compte de l’État les régimes publics d’assurance des exportateurs, appelés aussi « garanties publiques ».

Les produits proposés sont les suivants :

– l’assurance-crédit consiste à couvrir, à moyen ou à long terme, les exportateurs contre le risque d’interruption de leur contrat et les banques contre le risque de non-remboursement des crédits à l’exportation octroyés à un acheteur étranger ;

– l’assurance prospection s’adresse aux entreprises ayant un chiffre d’affaires inférieur à 500 millions d’euros dont les prestations comportent une part minimale d’origine française. Elle permet de prendre en charge, dans la limite de 65 % de leur montant, les frais de prospection commerciale sur un marché étranger ([3]) ; l’entreprise reçoit à ce titre des indemnités qu’elle remboursera plus ou moins ([4]), à l’issue d’une période de franchise, en fonction du chiffre d’affaires généré ensuite sur le marché visé ;

– la garantie de change permet d’assurer les exportateurs contre la baisse éventuelle du cours des devises de facturation entre la remise d’une offre commerciale et son paiement effectif ;

– la garantie du risque exportateur recouvre deux types de garantie : la garantie des cautions émises par les banques dans le cadre de contrats internationaux et la garantie des préfinancements accordés par celles-ci pour financer les besoins de trésorerie liés à l’exécution de contrats d’exportation.

a.   Un mode de gestion qui permet un contrôle rigoureux de l’État sur la mise en œuvre des garanties publiques

Bpifrance n’a pas la pleine responsabilité de la gestion des garanties publiques, mais apparaît plutôt comme un prestataire pour le compte de l’État, ce pour quoi l’institution reçoit du budget général une rémunération de gestion (52 millions d’euros prévus pour 2019, imputés sur le programme 134).

i.   La gestion administrative des décisions

En application de dispositions législatives anciennes (loi n° 49-874 du 5 juillet 1949), il existe une « commission des garanties et du crédit au commerce extérieur » réunissant des représentants de divers ministères (économie, finances, budget, affaires étrangères, ministères techniques selon la nature des dossiers) qui est chargée de donner un avis sur les dossiers, la décision formelle appartenant ensuite au ministre de l’économie. La prise de décision peut être déléguée dans certains cas au gestionnaire Bpifrance, mais les principaux dossiers continuent à faire l’objet de ce traitement administratif, qui peut entraîner des délais de plusieurs mois. En pratique, l’activité de la commission reste – ou restait récemment – très significative : en 2014, une trentaine de réunions pour examiner plus de 400 dossiers.

ii.   La présentation budgétaire : le cantonnement de chacune des lignes

Par ailleurs, comme il a été indiqué supra, les données financières des garanties publiques sont directement retracées dans le budget de l’État, dans le cadre du compte de commerce « Soutien financier au commerce extérieur ».

L’existence de ce compte de commerce a le mérite de faire figurer dans les documents budgétaires les prévisions et les résultats de chacun des régimes de garanties publiques. C’est donc un outil de transparence.

Mais cet outil sert aussi aux gestionnaires du budget de l’État à contrôler strictement l’incidence budgétaire des différentes procédures. En effet, certaines d’entre elles sont structurellement excédentaires, en particulier l’assurance-crédit, d’autres structurellement déficitaires, à commencer par l’assurance prospection. Dans ce contexte, le système du compte de commerce évite que les excédents de certaines procédures ne couvrent automatiquement les déficits des autres : les excédents sont versés au budget général de l’État, tandis que les déficits doivent être couverts par une subvention du budget général, en provenance du programme 114 « Appels en garantie de l’État ».

Le projet de loi de finances anticipe ainsi, pour 2019, un versement au budget général de 531,2 millions d’euros prélevé sur la ligne « assurance-crédit », ainsi qu’un versement de 8,5 millions d’euros depuis la ligne spécifiquement dédiée à la construction navale.

Dans l’autre sens, le budget général devrait compléter les moyens de l’assurance prospection à hauteur de 43,5 millions d’euros, ceux de l’assurance du risque exportateur à hauteur de 25 millions d’euros, enfin ceux de l’assurance du risque de change d’un million, soit 69,5 millions d’euros au total.

Il est à noter que dans sa note sur l’exécution budgétaire en 2017 du compte de commerce, la Cour des comptes conteste la régularité de ce mode de présentation budgétaire. Elle estime en effet que « les conditions de recours à un compte de commerce ne sont pas formellement remplies ». Selon les dispositions organiques pertinentes, « les comptes de commerce retracent des opérations de caractère industriel et commercial effectuées à titre accessoire par des services de l’État ». Or, en l’espèce, « les opérations retracées dans le compte ne présentent pas le caractère "accessoire" [requis] puisqu’il s’agit d’une politique publique à part entière conduite par la direction générale du Trésor (…). Une activité, dont les encours de garanties représentent plus de 70 Md€ et qui comporte quatre objectifs et six indicateurs dans les documents budgétaires ne saurait présenter un caractère accessoire dans la politique menée par l’administration ».

b.   Des dispositifs dont la diffusion s’est globalement accrue en 2017

Près de 2 700 entreprises ont recouru en 2017 à l’un ou l’autre de ces dispositifs. Le montant annuel de garanties émises, qui est fluctuant, est en augmentation tendancielle : 20,4 milliards d’euros de garanties octroyées en 2017 contre 18 milliards en 2016 et 14,4 milliards en moyenne sur 2010-2016.

Plusieurs dispositifs ont vu leur diffusion s’accroître en 2017 :

– 199 garanties ont été acceptées en assurance-crédit, soit 32 % de hausse par rapport à 2016, pour un montant total de 18,9 milliards d’euros, soit 13 % de hausse. De fait ce dispositif reste centré sur les grands contrats et quelques secteurs. En effet, l’encours global reste concentré trois branches : la défense (38 % du total), l’aéronautique (19 %) et la construction navale (19 %). Les nouveaux contrats passés en 2017 sont encore plus fortement concentrés, avec 66 % en montant dans le domaine de la défense. On observe toutefois en 2017 une augmentation de l’accès des PME et ETI à l’assurance-crédit : elles représenteraient environ la moitié des contrats garantis, mais seulement 11,5 % des montants garantis, leurs opérations étant naturellement en moyenne plus modestes ;

– les garanties des cautions et des préfinancements ont également progressé en 2017 (de respectivement 37 % et 18 % par rapport à 2016 en montant global couvert). Les montants globalement couverts en 2017 par ces deux dispositifs ont atteint 736 millions d’euros.

c.   Une assurance-crédit qui reste fortement excédentaire, au bénéfice du budget de l’État

Depuis deux décennies, la principale des assurances export publiques, l’assurance-crédit, dégage des excédents structurels de plusieurs centaines de millions d’euros par an ([5]). Le « résultat technique » (différence entre d’une part les primes d’assurance payées par les entreprises, complétées par les récupérations effectuées sur des sinistres antérieurement indemnisés, d’autre part les indemnisations de l’année) de l’assurance-crédit a atteint près de 1,7 milliard d’euros en 2016 et 805 millions en 2017. Même si ce résultat sera vraisemblablement moins élevé en 2018, la récurrence des excédents a surtout permis :

– des reversements conséquents au budget général de l’État en « recettes non fiscales » : 2,4 milliards d’euros en 2016 ; 327 millions en 2017 ; 268 millions prévus en 2018 (évaluation révisée annexée au projet de loi de finances pour 2019) ; 531 millions anticipés pour 2019, comme on l’a dit.

– malgré ces reversements réguliers, l’accumulation d’un fonds de roulement de 4,1 milliards d’euros affecté en 2017 au compte de commerce nouvellement créé pour retracer les garanties publiques en comptabilité budgétaire (voir infra).

Un autre dispositif assurantiel géré pour le compte de l’État, cette fois par Natixis, la procédure de stabilisation des taux d’intérêt sur prêts liés à des contrats export, est également bénéficiaire, permettant là-aussi des versements au budget général : 40 millions d’euros en 2017 ; 49 millions attendus pour 2018, puis 2019.

Votre rapporteur considère que les assurances export doivent avant tout être gérées dans l’intérêt du développement de notre commerce extérieur. Les préoccupations budgétaires ne doivent pas l’emporter.

d.   L’assurance prospection : un dispositif déterminant pour l’augmentation du nombre d’ETI et de PME exportatrices

Il existait jusque récemment deux dispositifs de soutien financier dédiés à la couverture des dépenses de prospection commerciale internationale des entreprises de taille modeste : l’assurance prospection déjà mentionnée ; le crédit d’impôt pour dépenses de prospection commerciale (CIPC). Le CIPC permettait aux PME recrutant un cadre « export » ou un volontaire international en entreprise (VIE) de déduire de leur impôt, à hauteur de 50 % de leur montant et dans la limite de 40 000 euros durant les 24 mois suivant le recrutement, diverses dépenses de prospection internationale (frais de déplacement, participation à des foires et salons, achat de prestations de conseil, indemnités du VIE, etc.). Ce dispositif est supprimé pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2018 ([6]), de sorte qu’il continue à avoir un coût (dépense fiscale) en 2018, mais plus en 2019. Ce coût représentait 23 millions d’euros par an, pour 1 738 entreprises bénéficiaires en 2017.

Dans ce contexte, le bon fonctionnement du dispositif de l’assurance prospection, qui poursuit sensiblement le même objet par un biais différent (assurantiel et non fiscal), est déterminant. Or, depuis quelques années, la pénétration de l’assurance prospection a diminué, suite à des mesures de resserrement : on est passé de 3 747 entreprises entrées dans le dispositif en 2013 à 2 174 en 2016 et 2 066 en 2017.

Nombre de bénéficiaires de l’assurance-prospection (nouveaux contrats), y compris le produit A3P

Source : exploitation des questionnaires budgétaires.

Les données disponibles pour les trois premiers trimestres de 2018 (environ 1 400 dossiers) ne permettent pas d’anticiper un redressement massif, même s’il y a une progression hors produit simplifié A3P (l’A3P, ou « assurance prospection premiers pas » était un produit simplifié, destiné aux entreprises primo-exportatrices engageant un petit budget de prospection ; elle a été supprimée cette année).

Le montant cumulé des budgets de prospection pris en garantie a parallèlement diminué, après un maximum atteint en 2014.

Totalisation annuelle des budgets couverts par les nouvelles souscriptions d’assurance prospection.

(en millions d’euros)

Source : exploitation des données de la Cour des comptes, note d’analyse de l’exécution budgétaire 2017 du compte de commerce « Soutien au commerce extérieur ».

Certes, les mesures restrictives ont permis, ce qui était leur but, de réduire le déficit récurrent de la procédure, couvert par l’État : au début de la décennie, ce déficit oscillait autour de 100 millions d’euros, avec un record à 111 millions en 2014 ; en 2017, il a été ramené à 20 millions d’euros.

Mais, compte tenu de la priorité à l’export des PME, il paraît aujourd’hui nécessaire de relancer cet outil solide qu’est l’assurance prospection. Le plan annoncé le 23 février par le Premier ministre comprend de fait des mesures de simplification et d’amélioration du dispositif, avec notamment le rétablissement d’un système attractif d’avance versée dès la souscription du contrat, en contrepartie de l’exigence d’un remboursement partiel (à hauteur de 30 % minimum des indemnités reçues) dans tous les cas de figure (même en cas d’échec complet de la prospection : pas de chiffre d’affaires généré). Ce nouveau régime, d’abord expérimenté dans une région, est généralisé depuis le printemps 2018.

On peut s’interroger sur la traduction de ces annonces dans le projet de loi de finances.

Il est vrai que la contribution budgétaire au financement de l’assurance prospection y apparaît en légère hausse : 43,5 millions d’euros en 2019, contre 32 millions en 2018.

Cependant, le niveau global d’activité se réduirait d’après les documents budgétaires : le montant total des dépenses, correspondant principalement aux indemnisations versées aux entreprises, passerait de 121,4 millions d’euros qui étaient prévus pour 2018 à 84,5 millions pour 2019 ; le montant des primes d’assurance encaissées sur les entreprises passerait de 7,7 millions d’euros prévus pour 2018 à 3,6 millions prévus pour 2019.

Effectivement, d’après des informations recueillies par votre rapporteur, le financement budgétaire du déficit prévu à hauteur de 43,5 millions d’euros en 2019 dans le projet de loi de finances risque d’être insuffisant pour maintenir au niveau actuel la distribution de nouvelles assurances prospection. Cette somme serait en effet grevée par des déficits antérieurs à couvrir en 2019, estimés à plus d’une trentaine de millions d’euros, de sorte que l’on pourrait se trouver dans une impasse budgétaire dès les premiers mois de l’année prochaine.

Votre rapporteur est très inquiet de cette situation. L’assurance prospection est un outil particulièrement utile à nos PME et apprécié d’elles. Il doit être préservé.

 


—  1  —

III.   compte-rendu de mission : Quelles leçons tirer du dispositif italien d’internationalisation des entreprises ?

Votre rapporteur a effectué les 13 et 14 septembre une mission à Rome pour s’informer du dispositif public italien de soutien à l’internationalisation des entreprises ; il a également collecté des documents et des notes très pertinentes grâce à l’équipe du service économique régional « Europe du Sud-Est », qu’il remercie chaleureusement.

Par sa taille démographique et économique, l’Italie ressemble beaucoup à la France. Mais elle s’en distingue sur un point : elle dégage depuis quelques années de substantiels excédents commerciaux. Cela justifiait un focus particulier.

Des éléments plus succincts concernant l’Allemagne sont par ailleurs présentés en annexe du présent rapport.

A.   Un pays À bien des égards voisin du nôtre

1.   Une taille et une situation économiques assez comparables

Même si la France a un peu creusé l’écart avec l’Italie depuis quelques décennies du fait d’un dynamisme démographique et économique plus grand, les deux pays ont des populations et des tailles économiques assez proches :

– 67 millions d’habitants en France, un peu moins de 61 millions en Italie ;

– un PIB global de 2 288 milliards d’euros en France, pour 1 716 milliards en Italie ([7]).

Les deux pays partagent également un certain nombre de difficultés économiques, sociales et financières, même si la situation française est un peu meilleure pour la plupart des indicateurs (à l’exception du commerce extérieur, on y reviendra) : croissance en-deçà de la moyenne européenne (1,8 % en France en 2017 ; 1,5 % en Italie), chômage supérieur à la moyenne européenne (9 % des actifs en France ; 11 % en Italie), difficultés à équilibrer les finances publiques (du moins avant la mise en œuvre du programme de son nouveau gouvernement, l’Italie présentait un déficit public moindre que la France – 1,9 % du PIB contre 2,6 % en 2017 – mais un endettement public plus lourd – plus de 130 % du PIB en Italie contre près de 97 % en France).

2.   Des systèmes institutionnels voisins s’agissant de la gestion du commerce extérieur

Dans les grandes lignes, les institutions en charge des politiques publiques du commerce extérieur sont les mêmes dans les deux pays, même s’il existe aussi des différences significatives sur lesquelles on reviendra infra.

En Italie, comme en France, en effet, elles reposent sur :

– deux ministères principalement, le ministère des affaires étrangères et un ministère économique (en Italie, celui du développement économique), en l’absence de « ministère du commerce extérieur » ([8]) ;

– une agence publique autonome, Italian Trade Agency, connue sous les sigles ITA ou ICE, qui est l’homologue de Business France ;

– un opérateur financier public qui a une activité spécifique de soutien aux exportateurs, le groupe de la Caisse des dépôts et prêts (Cassa Depositi e Prestiti), lequel joue mutatis mutandis le rôle de Bpifrance ;

– les régions ;

– un réseau consulaire interne et un réseau consulaire à l’international.

On observe en outre que l’Italie est l’un des pays, pas si nombreux, qui identifie un statut de droit public pour les entités autonomes du champ public, comparable à notre concept d’« établissement public ». Ces entités peuvent être qualifiées d’« économiques » et sont alors proches de nos établissements publics à caractère industriel et commercial (EPIC). L’agence ITA a ce statut, proche donc de celui de Business France, qui est un EPIC. De même, les chambres de commerce constituent des établissements publics dans les deux pays ; en Italie comme en France, les réseaux consulaires, placés sous la tutelle de la puissance publique, sont confrontés à des restrictions budgétaires et à des regroupements obligatoires.

3.   Mais une différence à relever : un commerce extérieur excédentaire

Sur un point, cependant, France et Italie présentent des situations bien différentes : depuis quelques années, le commerce extérieur italien est fortement excédentaire, tandis que notre pays est confronté à des déficits importants.

L’excédent italien sur le commerce extérieur des biens a atteint 56 milliards d’euros en 2017, quand la France connaissait un déficit de 63 milliards.

On constate que les volumes d’exportations de biens des deux pays sont très voisins : en 2017, 448 milliards d’euros pour l’Italie, 473 milliards pour la France. En revanche, la différence se creuse s’agissant des volumes d’importations de biens : 394 milliards d’euros pour l’Italie la même année, contre 535 milliards pour la France.

On sait que le solde du commerce extérieur des biens constitue le principal élément du solde des transactions courantes. En 2017, le solde des transactions courantes de l’Italie a été positif de 48 milliards d’euros et celui de la France négatif de 13 milliards : notre pays « rattrape » une partie de son déficit sur le commerce des biens grâce à sa puissance dans le secteur des services (les exportations françaises de services atteignent 220 milliards d’euros, contre une centaine de milliards seulement pour les italiennes) et à l’ampleur du portefeuille d’investissements à l’étranger de ses entreprises (le solde français des revenus des investissements directs a été positif en 2017 de 43 milliards d’euros, contre seulement 4 milliards pour l’Italie).

Sur le moyen terme, on voit sur le graphique ci-après que l’Italie, après avoir connu un déficit continu de ses transactions courantes de 2002 à 2012, déficit qui a parfois excédé 3 % de son PIB, connaît depuis lors des excédents significatifs (de l’ordre de 2 à 3 % du PIB). L’évolution a été inverse pour la France, qui a vu son solde courant devenir constamment négatif à partir de 2008, bien que modérément (généralement aux alentours de 1 % du PIB).

Évolution comparée du solde des transactions courantes rapporté au PIB en France et en Italie

(en % du PIB)

Source : élaboré à partir de la base de données du FMI, World Economic Outlook Database, avril 2018.

B.   Point sur Les échanges économiques entre les deux pays

Sans surprise compte tenu de la situation générale du commerce extérieur des deux pays, le commerce bilatéral est déséquilibré en faveur de l’Italie.

Le déséquilibre est inverse si l’on regarde les flux d’investissements : les entreprises françaises sont beaucoup plus massivement implantées en Italie que les italiennes en France.

Ces deux déséquilibres en sens inverse rendent compte des différences de structure des tissus économiques des deux pays : d’un côté les grands groupes français sont beaucoup plus internationalisés, ils ont développé des filiales ou racheté des entreprises un peu partout ; de l’autre le tissu économique italien reste plus largement constitué de PME qui misent sur l’export, comme on y reviendra.

1.   Un commerce bilatéral massivement déficitaire pour la France

Les chiffres des douanes françaises et italiennes relatifs au commerce bilatéral ne sont pas identiques ([9]), mais font les uns et les autres état d’un important déficit pour notre pays : les flux de biens de la France vers l’Italie représentent un peu plus de 35 milliards d’euros (chiffres de 2017) selon les deux sources, tandis que les flux de l’Italie vers la France sont estimés à 41 milliards d’euros par les douanes françaises, mais 46 milliards par les douanes italiennes, ce qui conduit donc à un solde négatif pour la France de 6 ou 12 milliards d’euros selon la source que l’on retient.

Ce solde négatif est récurrent et a régulièrement augmenté durant les années récentes, passant (d’après les chiffres français) de 3,3 milliards d’euros à 6,7 milliards de 2010 à 2017.

Vue d’Italie, la France a absorbé 10,3 % des exportations italiennes en 2017 et fourni 8,8 % des importations du pays. Elle est le deuxième partenaire commercial de l’Italie (le premier étant l’Allemagne).

Vue de France, l’Italie a absorbé 7,6 % des exportations françaises en 2017 et fourni 7,7 % de nos importations. Elle est également notre deuxième partenaire commercial derrière l’Allemagne.

Du point de vue sectoriel, les échanges franco-italiens sont très diversifiés, ce qui est naturel entre deux grandes économies industrielles voisines.

2.   L’Italie, « terre de conquêtes » pour les entreprises françaises

En 2015, le stock global d’investissements directs (IDE) français en Italie était évalué à un peu plus de 50 milliards d’euros, ce qui faisait de notre pays le troisième pays européen investisseur en Italie derrière le Luxembourg et les Pays-Bas, mais devant le Royaume Uni et l’Allemagne.

On décomptait en 2014 environ 1 700 filiales françaises en Italie, employant 212 000 personnes et réalisant en cumul 95 milliards d’euros de chiffre d’affaires. Les activités de services sont particulièrement représentées (58 % de la valeur des IDE français en Italie), en particulier le secteur bancaire et assurantiel (35 % des IDE), mais les grands groupes industriels français sont également présents. Dans l’ordre, les principaux employeurs français en Italie (employant entre 18 000 et 10 000 salariés) sont BNP-Paribas (via notamment la Banca Nazionale del Lavoro), CarrefourKering (qui a racheté des marques telles que Gucci), Auchan et le Crédit Agricole.

Les personnalités de la communauté d’affaires française en Italie qu’a rencontrées votre rapporteur ont souligné le dynamisme des entreprises françaises dans le pays ; elles y créent plusieurs milliers d’emplois par an.

Dans l’autre sens, le stock d’investissements directs italiens en France n’était évalué qu’à environ 20 milliards d’euros en 2014, avec 1 500 filiales italiennes employant sur notre sol 63 000 salariés et réalisant un chiffre d’affaires cumulé de 29 milliards d’euros.

Les investissements directs italiens en France pèseraient donc environ trois fois moins que les investissements français en Italie, de sorte que la prise de contrôle de nombreuses entreprises italiennes par des intérêts français crée parfois des rancœurs au-delà des Alpes. Pour autant, les entreprises italiennes ont également réalisé de belles opérations en France ces dernières années, la plus emblématique étant le rachat de 50 % des chantiers STX par Fincantieri.

C.   Les grands déterminants des résultats commerciaux de l’Italie

1.   Des choix géographiques et sectoriels qui présentent des similitudes avec ceux de la France

Les performances commerciales italiennes sont d’autant plus intéressantes que les appareils économiques des deux pays présentent certaines proximités qui se retrouvent dans les dominantes géographiques et sectorielles de leur commerce extérieur.

Les deux pays dépendent d’abord du marché européen : 56 % des exportations italiennes et 59 % des exportations françaises sont à destination de pays de l’Union européenne.

De même, l’un et l’autre, en l’absence de ressources pétrolières et gazières significatives, souffrent structurellement de déficits importants sur les produits énergétiques (dans les deux cas proches de 40 milliards d’euros en 2017).

Certains points forts à l’export des deux pays se recoupent : l’agro-alimentaire (en particulier le vin), le luxe, la pharmacie, dans le domaine des services le tourisme culturel… Il existe cependant des spécificités, comme la force de la France dans le domaine aéronautique et spatial, ou celle de l’Italie pour les machines (des machines-outils à l’électro-ménager). Le secteur des machines (hors matériels de transport) a assuré à l’Italie un excédent commercial sectoriel de 50 milliards d’euros en 2017. L’Italie reste également très puissante sur des secteurs de bien de consommation « haut de gamme » pour lesquels le design et les marques sont importants : joaillerie, maroquinerie, meubles, robinetterie…

2.   Un facteur peu enviable, la faiblesse de la croissance

Les excédents commerciaux de l’Italie ces dernières années s’expliquent partiellement par une raison conjoncturelle peu enviable : la faible croissance du pays limite la consommation, donc les importations. Cette faiblesse de la croissance, qui renvoie à des facteurs structurels, car elle est ancienne, a été accentuée, comme dans les autres pays méditerranéens de la zone euro, par l’impact de la crise financière. On voit sur le graphique ci-après qu’en 2018, l’Italie ne devrait même avoir retrouvé son niveau de PIB de 2007 (avant la crise de 2008) : elle serait encore à – 4 %, quand l’Allemagne, bien sûr, mais aussi la France et même les pays de la péninsule ibérique, pourtant touchés sévèrement par la crise des dettes souveraines de la zone euro, ont dépassé ou retrouvé ce niveau ; seule la Grèce présente une performance (de beaucoup) pire.

Évolution du PIB (en euros constants) de quelques pays de la zone euro entre 2007 et 2018 (prévisions)

(en %)

Source : élaboré à partir de la base de données du FMI, World Economic Outlook Database, avril 2018.

Cependant, la faiblesse de la croissance italienne ne suffit pas à expliquer l’amélioration du solde commercial italien pendant les années les plus récentes (ou elle l’explique indirectement si l’on considère que les entreprises italiennes, confrontées à un marché intérieur déprimé, n’ont eu d’autre choix pour survivre que d’exporter). On observe en effet un grand dynamisme des exportations. Depuis 2010, la part du PIB qui est exportée a beaucoup plus augmenté en Italie qu’en France, comme on le relève sur le graphique ci-après, et est désormais plus élevée (32 % contre 29 %).

Rapport des exportations de biens et services au PIB dans les principaux pays de la zone euro

(en %)

Source : ITA – Italian Trade Agency, rapport 2018 « L’Italia nell'economia internazionale ».

3.   De meilleurs rapports qualité-prix qu’en France ?

Comment expliquer ce dynamisme à l’export ?

Certaines données suggèrent que les produits italiens pourraient être, en moyenne, plus compétitifs que les produits français.

Le coût moyen horaire du travail salarié ([10]), comprenant le salaire direct et les charges sociales ou impôts assis dessus, était évalué par Eurostat en 2017 à 36 euros en France contre 28 euros en Italie.

Il est bien sûr plus difficile d’évaluer la qualité moyenne, qui permet de parler de « rapport qualité-prix ». Cependant, des enquêtes laissent à penser que, dans certains secteurs, l’offre italienne peut être perçue comme souvent meilleure que l’offre française. Le graphique ci-après rend ainsi compte d’une étude de « ressenti » parmi des directeurs d’achats qui ont classé les pays européens. On voit qu’en termes de rapport qualité-prix comme d’innovation, l’offre française est classée deux ou trois rangs derrière l’offre italienne pour cinq des six items.

Écart ressenti de rang (*) avec les concurrents de la France en zone euro, pour deux critères

(*) Rang des pays dans le classement établi par 500 directeurs d’achats interrogés dans les principaux pays européens.

Le graphique se lit ainsi : pour le rapport qualité prix des biens intermédiaires, la France se situe au septième rang alors que l’Allemagne est au deuxième rang (-5), l’Espagne au quatrième rang (-3) et l’Italie au cinquième (-2).

Source : COE REXECODE « La compétitivité en 2017 » – Classement déclaré par les directeurs d’achat des clients européens – dossier de présentation de la Banque de France : « La balance des paiements de la France – Résultats 2017 ».

4.   Mais aussi et surtout un pari sur l’export porté par un tissu de PME très riche

a.   Des exportations qui reposent sur les PME beaucoup plus qu’en France ou en Allemagne

La principale caractéristique de l’économie italienne en matière d’exportations, qu’elle partage peu ou prou avec l’économie espagnole, par rapport aux situations de la France mais aussi de l’Allemagne, semble être le rôle particulier joué par les PME.

Le tableau et le graphique ci-après mettent en parallèle les nombres d’entreprises exportatrices des quatre grands pays de la zone euro.

On voit sans surprise que l’Allemagne vient en tête, avec plus de 300 000 exportateurs, mais elle est talonnée par l’Italie, qui dépasse les 200 000, alors même qu’en volume, les exportations italiennes représentent à peine plus du tiers des allemandes. Quant à la France, elle dépasse à peine les 100 000 (124 000 en 2017).

Les chiffres sont encore plus parlants si l’on s’en tient aux effectifs de TPE et petites PME exportatrices : quand l’Italie compte plus de 180 000 entreprises exportatrices de moins de 50 salariés, l’Allemagne plus de 170 000, l’Espagne plus de 140 000, on n’en dénombre qu’environ 75 000 dans notre pays.

Nombre d’entreprises exportatrices par classe d’effectifs dans les principaux pays de la zone euro (en 2015)

 

Allemagne

Italie

Espagne

France

Moins de 10 salariés

113 424

129 314

111 393

55 494

10 à 49 salariés

57 674

53 286

31 917

21 144

50 à 249 salariés

21 593

10 324

8 544

7 544

Plus de 250 salariés

6 608

1 908

2 319

2 859

Total

316 914

222 649

159 355

109 406

Présentation graphique

Source : élaboré à partir des données du rapport 2018 d’ITA – Italian Trade Agency : « L’Italia nell’economia internazionale ».

Si l’on regarde ensuite la répartition des volumes exportés entre entreprises selon leur taille, donc la contribution des différentes catégories d’entreprises à la masse des exportations, les constats sont également flagrants. Les entreprises de plus de 250 salariés assurent 80 % du volume des exportations françaises et une part presque aussi importante en Allemagne (78 %), alors que cette part n’est que de 50 % en Espagne et de 46 % en Italie. Cette dernière se caractérise par le poids significatif des « grosses PME » dans les volumes exportés : les entreprises de 50 à 249 salariés assurent 30 % des exportations italiennes, contre 14 % des allemandes et seulement 10 % des françaises.

Répartition des volumes exportés selon les effectifs des entreprises exportatrices dans les principaux pays de la zone euro (en 2015)

(en % du total des exportations)                                                    (nombre de salariés)

Source : élaboré à partir des données du rapport 2018 d’ITA – Italian Trade Agency : « L’Italia nell’economia internazionale ».

Les personnes rencontrées par votre rapporteur, en particulier les représentants d’entreprises françaises implantées en Italie, ont unanimement insisté sur le dynamisme du tissu de PME italien (ou plutôt propre à certaines régions de l’Italie, notamment celles du nord-est du pays).

Ces entreprises font preuve d’une grande flexibilité. Des districts industriels entiers peuvent changer d’activité en quelques années et rebondir. L’adaptation aux demandes du client ne pose pas problème, non plus que la réalisation de petites séries. D’ailleurs il semblerait que, globalement, les industriels italiens visent plutôt des marchés de niche (quelques milliards d’euros au niveau mondial), sur lesquels ils considèrent qu’ils ont plus de chances de se maintenir que sur les plus grosses productions où la concurrence des plus grandes puissances industrielles et des grands émergents n’est pas tenable. S’agissant des choix géographiques de marchés, de même, les « petits marchés » – par exemple les pays d’Europe centrale et balkanique – ne sont pas négligés, mais occupés à partir de marchés voisins plus grands mais ressemblants. On parle d’effet « tache d’huile » (macchia d’olio).

b.   Un tissu industriel coopératif et organisé

Il est assez commun, lorsque l’on décrit le comportement des entreprises françaises à l’international par rapport à celui des entreprises italiennes ou allemandes, d’opposer l’individualisme des premières à la capacité des secondes à coopérer, pour partager les coûts, voire construire des offres communes, bref, selon une formule classique, de « chasser en meute ».

Cette perception semble bien correspondre à une réalité. Des personnes rencontrées en Italie par votre rapporteur lui ont ainsi décrit le fonctionnement d’associations regroupant localement des PME et ETI de secteurs divers (non directement concurrentes) qui partagent les coûts de promotion internationale (par exemple, quand une de ces entreprises prévoit une mission à l’international, elle prévient les autres et leur propose de diffuser à cette occasion leurs offres).

Cette capacité d’organisation collective est en fait le corollaire du poids des PME dans l’économie italienne et l’export italien : une PME n’a pas les moyens de tout faire seule, qu’il s’agisse de mener des opérations à l’international ou même seulement d’intégrer pleinement sa chaîne de production. C’est pourquoi les entreprises italiennes développent beaucoup le sourcing, cherchant sur le marché les meilleures solutions technologiques à incorporer à leurs produits. C’est pourquoi aussi elles sont prêtes à coopérer à l’international, ce d’autant que des entreprises de taille modeste sont aussi, en général, des entreprises spécialisées, de sorte que des PME d’un même bassin industriel se retrouvent souvent sur des productions complémentaires, ou des créneaux voisins, mais pas directement concurrentes, ce qui facilite bien sûr la coopération.

Cette capacité de coopération est reconnue et soutenue par les pouvoirs publics, mais aussi portée par les organisations patronales.

i.   Districts industriels et technologiques, réseaux et consortiums d’entreprises

La notion de « district industriel » n’est pas née en Italie d’une volonté des pouvoirs publics, bien au contraire : on a assisté plutôt à la reconnaissance d’une réalité préexistante de l’organisation locale, informelle, de certains bassins industriels, souvent constitués de PME appartenant au même secteur industriel, mais spécialisées sur une partie de produit, une phase de processus de production, de sorte qu’elles se trouvent être plus complémentaires que concurrentes.

Les « districts industriels » ont été identifiés en 1979 par un économiste, M. Giacomo Beccatini, comme un mode caractéristique d’organisation des entreprises italiennes. En 2002, ils ont reçu une définition officielle par l’ISTAT (homologue italien de l’INSEE). On en compte environ 150.

Aujourd’hui, les régions italiennes favorisent le développement des districts industriels. Un comité de district est généralement institué et les subventions publiques sont le plus souvent réservées aux structures communes que les entreprises sont capables de mettre en place. D’après les éléments recueillis par votre rapporteur, un autre point fort de l’action de certaines régions italiennes serait leur capacité à mettre en place très rapidement des cycles de formation professionnelle répondant précisément aux besoins des districts.

Depuis 2008, la banque Intesa SanPaolo réalise une étude économique et financière annuelle sur les districts industriels. La dernière livraison ([11])  de celle-ci met en lumière le dynamisme des districts, en particulier à l’international, relevant notamment :

– une croissance médiane du chiffre d’affaires, de 2008 à 2016, de 10,2 % pour les entreprises des districts contre 5,9 % en dehors ;

– une croissance tirée par l’export, qui atteignait en moyenne 48 % du chiffre d’affaires des entreprises des districts en 2016, avec une appétence particulière pour le « grand export » ;

– l’ampleur des flux d’investissements internationaux croisés concernant les districts industriels, lesquels auraient en 2017 attiré environ le cinquième de tous les investissements directs étrangers en Italie et dont les entreprises auraient été à l’origine de près de la moitié des investissements directs italiens à l’étranger.

Les « districts technologiques » proviennent d’une initiative politique : ils ont été mis en place à partir de 2002 par l’État, dans une optique de montée en gamme technologique et de développement des synergies entre recherche publique et entreprises. On compte une trentaine de districts technologiques.

Dans le cadre très souple des « districts industriels », les pouvoirs publics incitent les entreprises à se regrouper dans des structures plus formalisées, qui peuvent bénéficier de subventions spécifiques. Ce sont notamment les « consortiums pour l’internationalisation » et les « réseaux d’entreprises ». On dénombrait début 2018 plus de 4 300 contrats de réseaux couvrant plus de 23 000 entreprises. Une ligne spécifique du budget de l’État vise à financer les projets des consortiums pour l’internationalisation (3,4 millions d’euros en 2017).

ii.   Des organisations patronales très impliquées

L’organisation du tissu économique repose aussi sur les organisations d’employeurs.

La principale d’entre elles, la Confindustria, revendique 150 000 entreprises adhérentes (indirectes, via des organisations locales ou sectorielles), lesquelles représenteraient ensemble 5,4 millions d’emplois. 97 % de ces entreprises adhérentes ayant moins de 250 salariés, la Confindustria se veut représentative des PME.

La Confindustria est directement impliquée dans la définition et la mise en œuvre des actions menées par les pouvoirs publics pour promouvoir les exportations italiennes : elle participe à la commission qui détermine annuellement le programme de ces actions (voir infra) et ses services suivent manifestement de près leur application.

Cette implication des organisations professionnelles permet aussi de faire remonter du terrain les besoins et les priorités des entreprises.

D.   l’action des pouvoirs publics italiens : Une priorité forte au commerce extérieur depuis plusieurs années

1.   Une volonté de reprise en main par les pouvoirs publics

Dans le contexte très difficile créé par la crise des dettes souveraines de la zone euro au début des années 2010, le gouvernement italien a souhaité reprendre en main le dispositif de soutien à l’internationalisation des entreprises en imposant une coordination aux différents acteurs publics qui y contribuent et en encadrant leurs missions.

a.   Une vision globale, le « Sistema Paese »

La volonté de coordination se traduit d’abord par l’invention du concept de « Sistema Paese », ou « système pays ». Il s’agit de mettre en avant la globalité de l’effort de promotion à mener pour soutenir l’offre italienne à l’international ; en particulier, les aspects culturels et scientifiques sont pris en compte. Cette conception globale de la promotion économique du pays, de la « marque Italie », se retrouve dans un certain nombre de formules qui sont des slogans, mais correspondent aussi à des politiques identifiées, des campagnes de communication et/ou des familles de produits : « Bello e ben fatto », « Esportare la dolce vita », « Vivere a l’italiana »…

b.   Un pilotage interministériel

Un dispositif national de coordination a été mis en place à partir de 2012 avec la création de la « Cabina di regia per l’Italia internazionale », sorte de comité de pilotage coprésidé par le ministère des affaires étrangères et le ministère du développement économique. Cette structure allie acteurs publics et privés : outre ceux précités, les ministères chargés de la culture, du tourisme et de l’agriculture ; les grandes organisations d’entreprises, de coopératives et de banques ; les chambres de commerce ; les régions. Le comité se réunit une fois par an pour fixer la feuille de route ainsi que les priorités géographiques et sectorielles de la diplomatie économique italienne.

Ce dispositif permet donc d’associer l’ensemble des parties prenantes, même si son revers, selon certaines personnes rencontrées, est la lourdeur du processus de mise en œuvre, ensuite, des actions décidées.

Au niveau central, on voit que deux ministères jouent un rôle primordial :

– pour la coordination, celui des affaires étrangères, doté d’une direction générale pour la promotion du « Sistema Paese », dont les compétences ne couvrent pas seulement la promotion économique de l’Italie, mais aussi celles de la culture, de la langue et de la science italiennes. Une trentaine de personnes y suivent les dossiers économiques ;

– celui du développement économique, qui est notamment chargé de la tutelle de l’agence publique ITA (environ soixante-dix personnes travaillent dans la direction chargée des actions à l’international).

On voit que les responsabilités administratives sont organisées d’une manière assez proche du système français, avec toutefois une différence significative : le rôle joué en France par la direction générale du Trésor l’est en Italie par ce qui serait plutôt chez nous le « ministère de l’industrie » (s’il existait) ou la direction générale des entreprises.

c.   Un opérateur public unique pour les actions à l’étranger, l’agence ITA

L’agence ITA (Italian Trade Agency, également connue sous le signe ICE) est une entité publique autonome dont les missions sont très voisines de celles de Business France : promotion des exportations, attraction des investissements étrangers, promotion de l’image économique de l’Italie.

Elle emploie environ 900 personnes, pour moitié en Italie et le reste à l’étranger. Son réseau international, en partie intégré matériellement aux ambassades italiennes, comprend 64 bureaux et couvre 77 pays.

i.   La clarification des missions des différents opérateurs

Dans une optique de clarification des missions des différents acteurs du système italien, ITA a été repositionnée sur le versant extérieur de la promotion des exportations :

– l’agence a renoncé aux bureaux dont elle disposait dans le passé dans un certain nombre de villes italiennes (elle en conserve seulement un à Milan, capitale économique du pays) ;

– dans l’autre sens, elle bénéficie d’un monopole légal pour la mise en œuvre de tous les fonds budgétaires consacrés à la promotion internationale et de toutes les actions menées à l’étranger. Les chambres de commerce ont dû renoncer aux bureaux à l’étranger dont elles disposaient et sont tenues par la loi de passer par ITA si elles veulent conduire des missions à l’étranger ;

– les directeurs des bureaux d’ITA sont en même temps accrédités comme conseillers économiques dans les ambassades italiennes. Il est à noter que la diplomatie italienne ne dispose pas d’un réseau spécifique de services économiques géré à part comme il en existe pour la France avec le réseau de la direction générale du Trésor.

ii.   Un financement essentiellement public et principalement dédié aux opérations collectives

Le modèle économique d’ITA est différent de celui de Business France : l’agence italienne a un personnel moins nombreux (900 personnes contre 1 500 pour Business France) et a d’ailleurs des coûts de fonctionnement bien moindres (environ 60 millions d’euros, contre 140 millions pour Business France) ; elle produit moins de prestations individualisées pour les entreprises, mais gère pour le compte de l’État un budget de promotion considérable (178 millions d’euros en 2017) dédié largement, comme on y reviendra, à des opérations collectives (foires et salons, opérations avec la grande distribution et l’e-commerce, événements et communication, formations…).

Peu de prestations sont facturées par ITA aux entreprises. D’après les documents publiés, les contributions du secteur privé au financement des activités de promotion de l’agence sont évaluées à un peu moins de 15 millions d’euros en 2017 – contre 98 millions d’euros dans le cas de Business France – et constituées principalement (à 87 %) de participations demandées aux entreprises pour leur présence dans des foires ou salons. 2 700 entreprises ont été facturées à ce titre en 2017, sur près de 20 000 ayant pris part aux programmes d’ITA. L’agence offre également des services individualisés sur catalogue (informations plus ou moins détaillées sur les marchés, recherche de partenaires étrangers et organisation de rencontres d’affaires, d’événements promotionnels, etc.), mais ils sont rarement facturés (moins de 2 000 prestations payantes en 2017 sur un total de 16 000 environ). Globalement, les contreparties privées au budget étatique (ministère du développement économique + ITA) de promotion sont évaluées à 38 millions d’euros pour 2017 ([12]).

La gratuité ou le faible coût des prestations proposées aux entreprises constitue un facteur d’attractivité de cette offre, même s’il faut admettre, dans l’autre sens, si l’on pense à une agence telle que Business France, qu’un niveau élevé de prestations effectivement facturées est un gage de leur qualité.

L’agence ITA toucherait, avec ses différentes activités, environ 38 000 entreprises par an. Selon les évaluations effectuées, les entreprises « clientes » de l’agence fourniraient environ 11 % du volume total des exportations italiennes et le volume de leurs exportations augmenterait légèrement plus vite que celui des autres entreprises.

d.   Un réseau consulaire recentré sur l’amont

Comme on l’a dit, les chambres de commerce italiennes n’ont plus le droit de conduire directement des activités de promotion à l’étranger. Cette évolution constitue une rupture avec le passé, car le réseau consulaire, d’après les informations recueillies, a pu avoir jusqu’à 35 à 40 bureaux (communs en général à plusieurs chambres) à l’international. Elle a aussi impacté la représentation économique extérieure des régions italiennes, qui était souvent commune avec celle du réseau consulaire et est donc également en recul.

Les chambres peuvent toujours financer des opérations à l’étranger en en confiant la mise en œuvre à ITA, mais seule une minorité d’entre elles (une trentaine) a passé ou va passer des conventions à cette fin avec l’agence.

La loi a recentré le réseau consulaire sur l’amont de l’export : la détection des entreprises à potentiel exportateur, les activités de formation en vue d’aller à l’international, l’accompagnement des entreprises vers les autres opérateurs. Environ 35 000 entreprises bénéficieraient annuellement de prestations tournées vers l’international, pour une dépense des chambres dans ce domaine d’une trentaine de millions d’euros.

La structure de tête de réseau, Unioncamere, a mis en place à destination de ses membres, en exploitant des données du registre des sociétés et des douanes, un outil numérique de détection des entreprises à potentiel exportateur : ont été ainsi identifiées 46 000 entreprises à potentiel, dont 21 000 à forte probabilité. Cet outil est destiné à être affiné et utilisé au niveau des chambres territoriales.

e.   La constitution d’un opérateur financier public puissant et agile

L’Italie a conduit parallèlement à la France une démarche visant à constituer un pôle financier public puissant pour le soutien à l’exportation et l’internationalisation.

 Ce pôle a été formé autour de la vénérable Caisse des dépôts et prêts (Cassa Depositi e Prestiti-CDP), institution créée en 1850 sur le modèle de notre Caisse des dépôts et consignations. La CDP est devenue au début des années 2000 une société de droit privé, ce qui lui a permis de diversifier ses activités, historiquement centrées sur le financement des investissements publics, et en particulier de développer une activité tournée vers l’international à partir de 2009.

i.   SACE-SIMEST, un opérateur « agile »

En 2012, la CDP a absorbé l’entreprise SACE (Servizi Assicurativi del Commercio Estero), opérateur historique des régimes italiens d’assurance export publique (homologue de notre Coface). La SACE contrôle à son tour la SIMEST (Società Italiana per le Imprese Miste all’Estero). Comme Bpifrance, le pôle CDP-SACE-SIMEST a l’ambition d’offrir aux entreprises un « package » complet de financements et d’assurances à l’international.

La SACE propose des services d’assurance export à moyen-long terme ou à court terme ainsi que d’affacturage, tandis que la SIMEST intervient pour le compte de l’État italien via des prises de participations minoritaires destinées à favoriser le développement international des entreprises italiennes, des prêts ou encore un produit de stabilisation des taux d’intérêt ([13]).

L’ensemble SACE-SIMEST emploie environ 900 personnes et revendique 24 000 entreprises clientes. Il s’appuie sur 14 agences en Italie et 10 déployées dans le monde (dans les grands pays émergents). À la différence de Bpifrance, SACE-SIMEST dispose donc d’un réseau international.

Une autre différence très importante doit être soulignée quant à la gestion des assurances export publiques (ou garanties publiques) :

– en France, comme cela a été développé supra, elles restent gérées dans un cadre étatique – rôle de la direction générale du Trésor et de la commission des garanties et du crédit au commerce extérieur ; inscription budgétaire des flux financiers ; captation des bénéfices pour financer le budget de l’État ;

– en Italie, au contraire, l’opérateur SACE est en pleine responsabilité. L’État se borne à fixer annuellement, en loi de finances, l’enveloppe globale maximale des défauts éventuels qu’il acceptera de couvrir pour l’assurance-crédit. Cela permet une gestion plus souple et moins averse au risque, des décisions plus rapides, même s’il faut reconnaître au système administratif français un avantage que n’a pas le dispositif italien : la possibilité de recourir, pour l’appréciation d’un risque-pays (ou d’une entreprise dans un pays), aux réseaux diplomatiques et du Trésor.

SACE-SIMEST, dans ce cadre d’indépendance, a développé certains outils originaux, notamment le soutien aux transactions « ayant un intérêt stratégique pour l’Italie », qui permet de prendre de la distance dans l’appréciation des retours immédiats en termes d’exportations des projets internationaux soutenus.

Les ressources mobilisées par SACE-SIMEST sont en forte croissance : elles ont représenté 25,3 milliards d’euros en 2017, en progression de 41 % par rapport à 2016. Sur ce total, 17,7 milliards d’euros correspondent aux assurances export à moyen-long terme, qui sont l’équivalent des assurances « Coface » désormais gérées en France par Bpifrance. Il apparaît d’ailleurs que les niveaux d’activité de SACE-SIMEST et Bpifrance sont voisins : en 2017, Bpifrance a mobilisé globalement 22,7 milliards d’euros pour accompagner l’internationalisation des entreprises françaises, dont 20,4 milliards d’euros de garanties octroyées.

ii.   Export Banca

Par ailleurs, un accord entre le groupe CDP et les banques italiennes a mis en place un dispositif commun, Export Banca, dédié au financement d’opérations d’internationalisation et d’exportation effectuées par des entreprises italiennes ou d’opérations d’importance stratégique pour l’économie italienne. Ce dispositif, centré sur les grands contrats (en particulier dans l’industrie navale), a mobilisé 20 milliards d’euros de crédits en 2017, dont 3,3 milliards fournis par le groupe CDP.

2.   Une priorité budgétaire qui permet de tester des méthodes diverses de promotion internationale

La politique de promotion des exportations et d’internationalisation des entreprises bénéficie depuis quelques années d’une nette priorité budgétaire en Italie,               avec la mise en place régulière de « budgets extraordinaires ».

Le budget annuel de promotion relevant de l’agence ITA, qui représentait jusqu’en 2010 plus ou moins 120 millions d’euros,               avait été très fortement réduit dans le contexte de la crise budgétaire de la zone euro, tombant à moins de 30 millions d’euros en 2012 ! Il a ensuite été progressivement redressé. En 2017, il s’est élevé à 124 millions d’euros, auxquels il faut ajouter 54 millions de fonds relevant directement du ministère du développement économique, le tout représentant donc une enveloppe de 178 millions d’euros pour les actions de l’État et de son opérateur, hors moyens de fonctionnement.

Ces moyens ont permis d’expérimenter plusieurs programmes intéressants.

a.   Les contrats avec la grande distribution et l’e-commerce

Un budget important (une trentaine de millions d’euros par an) est consacré à une politique originale pour accroître la pénétration des produits italiens sur certains marchés de grand export (États-Unis, Chine…) : des contrats, qui sont d’un montant unitaire important (jusqu’à 2-3 millions d’euros), sont passés soit avec des chaînes de grande distribution, soit avec des sites de vente en ligne (marketplaces), pour y cofinancer des campagnes de promotion de produits italiens. Les distributeurs s’engagent à référencer ou vendre un certain nombre de nouvelles marques italiennes.

D’après les autorités italiennes, une dépense d’une vingtaine de millions d’euros aurait généré en retour plus de trois cents millions d’euros de ventes supplémentaires au bénéfice de plus de mille marques italiennes, qui sans cela n’auraient eu aucune chance d’être référencées par ces distributeurs (il s’agit de PME). On aurait donc, sans effet d’aubaine, un retour de quinze euros d’export pour un euro d’argent public investi.

b.   Les vouchers pour l’internationalisation

Des « vouchers » (des subventions forfaitaires) pour l’internationalisation ont été institués pour combler l’insuffisance des compétences professionnelles des PME à l’export. Les entreprises bénéficiaires peuvent utiliser ces vouchers pour financer à moindre coût, pour une durée limitée, des services de management de l’export : la subvention peut être de 10 000 euros pour financer un contrat de six mois (sous réserve d’un ticket modérateur à la charge de l’entreprise d’au moins 3 000 euros) ; elle peut être de 15 000 euros pour un contrat de douze mois (avec un ticket modérateur de 10 000 euros et une possibilité de renouvellement si des résultats substantiels ont été obtenus à l’export).

Plus de 4 000 entreprises ont bénéficié en 2016 et 2017 de ce dispositif, dont les deux tiers ont estimé qu’il leur a été utile.

c.   Le programme de conseil pour les ETI à haut potentiel

L’agence ITA a passé un marché de 2,5 millions d’euros avec un grand cabinet international de consultants en vue qu’il fournisse à 27 ETI à haut potentiel des prestations individualisées de conseil à l’international. L’avantage de ce contrat groupé aurait été d’obtenir un « prix de gros » très avantageux. Une contribution de 15 000 euros a été demandée à chaque entreprise.

d.   Le « road-show » de l’export

L’ensemble des acteurs du système public d’aide à l’export organisent un road-show, qui s’arrête dans une dizaine de villes italiennes par an, afin de mobiliser localement les entreprises.

De manière plus générale, une part significative du budget public de promotion internationale est consacrée à des événements ayant lieu en Italie (foires, salons…), avec toutefois une limite : il n’y a pas alors d’aides directes aux entreprises. Il peut être plus simple et moins coûteux de faire venir des acheteurs étrangers en Italie que de monter des missions d’entreprises à l’étranger.

Enfin, les observateurs soulignent la qualité des outils en ligne et des programmes de formation mis en place au bénéfice des entreprises italiennes souhaitant exporter et s’internationaliser.

E.   Conclusion : des pistes pour inspirer les réformes en France ?

Bien sûr l’amélioration très marquée du solde extérieur italien depuis quelques années est en partie la conséquence de l’impact très fort de la crise financière sur ce pays, impact qui tout à la fois a entraîné une dépression des importations et a obligé les entreprises italiennes à chercher des marchés à l’étranger pour survivre. Mais pas seulement.

Il y a aussi un dynamisme remarquable du tissu économique, une implication très grande des organisations professionnelles et une véritable capacité des entreprises à « chasser en meute » à l’international. Les pouvoirs publics soutiennent cette organisation en ciblant les subventions sur les réseaux d’entreprises.

Il y a également une priorité budgétaire assumée au soutien à l’internationalisation des entreprises, qui permet d’expérimenter des dispositifs innovants, notamment :

– la passation de contrats avec des entreprises étrangères de grande distribution – en ligne ou non – afin qu’elles référencent et diffusent les produits de PME italiennes, avec des engagements précis sur le nombre de marques concernées, et, semble-t-il, un taux de retour excellent ;

– la passation de contrats « de groupe » pour permettre à des ETI de croissance d’accéder à des prestations de conseil « haut de gamme » à l’international.

Enfin, on doit relever une montée en puissance impressionnante des instruments financiers et assurantiels de soutien aux exportateurs. Cette montée en puissance est permise par la mise en responsabilité du groupe CDP-SACE-SIMEST, qui bénéficie en particulier d’une très grande souplesse dans la gestion de l’assurance-crédit, l’État lui donnant une délégation totale de gestion en se contentant de fixer une enveloppe globale annuelle d’engagements.

Ces différents constats inspirent certaines propositions de votre rapporteur, concernant notamment le développement de la capacité d’organisation collective des entreprises partant à l’international, ou encore le recours au canal d’accords avec des distributeurs étrangers pour favoriser la distribution des produits des PME.

    


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   TRAVAUX DE LA COMMISSION

Au cours de sa seconde réunion du mercredi 24 octobre 2018, la commission examine les crédits de la mission « Économie » (commerce extérieur et diplomatie économique) du projet de loi de finances pour 2019 (M. Buon Tan, rapporteur pour avis).

Mme la présidente Marielle de Sarnez. Pour mon plus grand bonheur, j’ai noté que nombre des recommandations faites par notre rapporteur l’an dernier ont été mises en œuvre dans la réforme de l'accompagnement des exportateurs. C’est notamment le cas du guichet unique tant attendu. Je félicite le rapporteur d’avoir eu cette influence positive sur la politique menée.

Cependant, pour en avoir longuement parlé il y a une quinzaine de jours, nous savons que les lignes budgétaires et les responsabilités administratives concernant le commerce extérieur sont toujours très éclatées et dispersées. Pour ma part, je pense que cela nuit vraiment à la définition d'une véritable stratégie en matière de commerce extérieur. Et Dieu sait que nous avons besoin d'une telle stratégie !

M. Buon Tan, rapporteur pour avis. Mes chers collègues, je reviens devant vous pour vous dresser, en quelque sorte, un état des lieux du commerce extérieur. Malheureusement, les nouvelles ne sont pas bonnes : la balance commerciale s'est encore un peu dégradée et son déficit s’élève à 63 milliards d’euros en 2017. En outre, la situation ne devrait guère s’améliorer dans l’immédiat et le déficit devrait être du même montant l’année prochaine.

Dans mon précédent rapport, j’avais fait quelques préconisations. Comme l’a souligné madame la présidente, j’ai eu le plaisir de voir que certaines d’entre elles ont été retenues, qu’elles sont appliquées ou en cours d’application. Trois principaux axes avaient été définis : simplifier et faire connaître le dispositif d'accompagnement à l’exportation ; libérer nos outils de financement en les rendant plus flexibles et donc plus faciles d’accès pour les entreprises ; innover en construisant de nouvelles structures comme les « Maisons de la France » et les « Comptoirs de France ». Quelques mois plus tard, en février, le Premier ministre présentait à Roubaix la stratégie du Gouvernement en matière de commerce extérieur. À cette occasion, il rappelait la volonté de la France de faire passer de 124 000 à 200 000, le nombre de ses entreprises exportatrices.

Quel bilan pouvons-nous dresser de l’année écoulée ? Nous pouvons déjà nous réjouir de la cohérence des mesures présentées qui ont été très bien accueillies par tous les acteurs. La mise en place du guichet unique d’accompagnement, l’un des points phares de la réforme, se passe bien tant en France qu’à l’étranger. Les appels d’offre pour les six postes prévus à l’étranger sont en cours de traitement. Pour se préparer à la guerre du commerce extérieur, la France doit amorcer une forte évolution culturelle, former et faire travailler ensemble tous ceux qui contribuent au soutien du commerce extérieur. Soyons lucides : beaucoup reste à faire. C’est l’objet du travail de fond que je mène depuis plusieurs mois.

Le rapport de cette année va plus loin. Il s’inspire des auditions des acteurs du commerce extérieur et aussi d’un déplacement que j’ai effectué en Italie pour établir une comparaison européenne. L’Allemagne peut sembler être le point de comparaison naturel mais, en fait, l’Italie est sans doute plus proche de nous par son tissu de TPE et PME et par ses secteurs d’activité phares, notamment l’agro-alimentaire et le luxe. C’est surtout un pays qui est parti de plus bas que nous. Sa balance commerciale était très déficitaire et elle est devenue bénéficiaire depuis 2012. Nous avons donc essayé de comprendre les raisons de ce succès et de voir si nous pouvions nous en inspirer pour améliorer notre accompagnement des entreprises à l'étranger.

Le rapport propose quatre axes d’amélioration.

En premier lieu, nous proposons d’améliorer les statistiques. Aussi surprenant que cela puisse paraître, les statistiques à partir desquelles nous travaillons actuellement ne sont pas très fiables, notamment parce qu’elles ne prennent pas en compte l’essor du commerce en ligne. Il arriverait 100 millions de petits colis par an par le seul aéroport Charles de Gaulle. Quelle valeur représentent-ils ? On ne sait pas s’ils contiennent des produits à un euro, 10 euros, 100 euros, 1 000 euros. Quoi qu’il en soit, ils passent sous les radars. Ce type de commerce étant en forte progression, nous devons adapter nos statistiques pour qu’elles puissent en rendre compte.

En deuxième lieu, nous proposons de financer les réformes en cours. Je pense que les choix qui ont été faits vont modifier profondément le système d'accompagnement des entreprises à l’exportation et qu’ils vont dans la bonne direction. Cependant, je m’inquiète au sujet du financement des mesures prises et des outils créés. Le budget pour 2019 laisse apparaître de petits trous dans la raquette. Je pense notamment à l’outil de gestion de la relation client – customer relationship management (CRM). Nous avions parlé l’an dernier de cette base de données partagée par tous ceux qui accompagnent les entreprises : chambres de commerce et d’industrie (CCI), Business France et autres, y compris les intervenants privés conventionnés. En fait cet outil n’est pas financé. L’an dernier, j’avais déposé un amendement visant à obtenir 3,5 millions d’euros pour financer cette démarche CRM. Il avait été rejeté. Un an plus tard, le problème se repose. Le coût global de cet outil est d’environ 10 à 11 millions d’euros. Pour lancer la commande, il fallait 3 millions d’euros. Afin d’éviter que le projet ne prenne du retard, Business France a fourni ces 3 millions d’euros ; il reste à trouver 7 à 8 millions d’euros. Il nous faut également financer l’assurance prospection, un instrument très pratique pour les entreprises qui cherchent à faire un premier pas vers les marchés étrangers. Cette assurance prospection est actuellement sous-dotée. Au vu de la trajectoire actuelle, le système pourrait s’arrêter à la fin du mois de mars 2019, faute de crédits. Face aux mesures prises, il est important de mettre les moyens financiers adéquats, pour que l’on puisse mener à bien cette politique.

En troisième lieu, il faut réorganiser le pilotage du commerce extérieur. Il n’existe pas de budget dédié au commerce extérieur mais de nombreuses lignes de crédit différentes. En outre, la direction est bicéphale, une partie étant gérée par Bercy et l’autre par le Quai d’Orsay. À mon avis, il faut un ministre du commerce extérieur attitré, pour des raisons tant pratiques que d’affichage. Lors d’un déplacement à l’étranger, un ministre peut rencontrer son homologue, c’est-à-dire un ministre et non pas un simple conseiller, pour défendre nos dossiers. Un secrétaire d’État n'est parfois pas reconnu comme un ministre.

Enfin, il faudrait appréhender l’exercice comme une démarche collective. Les entreprises petites et moyennes n’ont pas la taille nécessaire pour se lancer sur les marchés étrangers, et elles n’ont pas l’habitude de se regrouper pour chasser en meute comme le font très bien les Allemands et les Italiens. Nous devons pousser nos entreprises à faire ce travail qui peut être abordé dès la formation dans les écoles. Il faut les persuader que, même si elles sont concurrentes en France, elles peuvent travailler ensemble à l’étranger. Nous avons de nombreux atouts et nous sommes sur la bonne voie même s’il reste beaucoup à faire. Nous devons être vigilants sur la mise en application des choix que nous avons faits.

Mme la présidente Marielle de Sarnez. Merci beaucoup, monsieur le rapporteur, pour ce travail que je trouve extrêmement approfondi et intéressant.

M. Denis Masséglia. Tout d’abord, je tiens à féliciter notre rapporteur pour la qualité de son travail et pour ses propositions qui sont toutes très intéressantes et très positives, et dont certaines sont déjà en cours d’application.

J’aimerais revenir sur les instruments financiers d'aide à l’exportation et sur les assurances, notamment l’assurance prospection. Ces assurances sont gérées par Bpifrance pour le compte de l'État. Bpifrance prépare les dossiers et fait l’interface avec les entreprises, mais la décision finale d'octroi relève du ministre de l’économie et des finances. Quelle est la conséquence directe de ce système ? Les délais sont longs. Il peut s’écouler de quatre à six mois entre le dépôt de la demande et l’octroi des garanties. Autre caractéristique de ces assurances : depuis 2017, elles sont présentées de manière différenciée dans un compte de commerce intitulé « soutien financier au commerce extérieur ». L’assurance export est excédentaire et, en 2017, l’État a reçu un reversement de l’ordre de 325 millions d'euros. En revanche, l’assurance prospection a affiché un déficit de 18 millions d'euros en 2017 – il était de 111 millions d’euros en 2011. Cette assurance est vraiment en déclin et, si l’on ne fait rien, elle est amenée à disparaître car les montants offerts ne correspondent pas aux besoins des entreprises.

Dans mon rapport de mission d’information sur la diplomatie économique, j’avais fait des propositions qui allaient dans le même sens que celles du rapporteur. Si nous sommes plusieurs à penser la même chose, c'est qu’il y a certainement quelque chose à faire dans le domaine. J’avais notamment proposé de laisser la gestion directe de ces deux dispositifs à Bpifrance qui pourrait alors financer sans faire appel aux ministères concernés.

Comme vous, monsieur le rapporteur, je souhaite la mise en place d'un guichet unique qui sera plus proche des entreprises. La stratégie du Gouvernement et de la majorité est tournée vers les TPE et PME. Pour rappel, seulement 1 000 entreprises réalisent 70 % des exportations en volume. Dans ce contexte, nous soutenons votre proposition de financement d’outils numériques du type CRM et la plateforme des solutions.

Nous devons, en effet, aider nos entreprises à jouer plus collectif, à chasser en meute. Les primo-exportateurs peuvent utiliser les échanges pair à pair. Ils pourraient aussi utiliser des canaux d'exportation existants : ceux qui font de la tôlerie pourraient passer par les canaux de distribution d’entreprises qui font de l’usinage ou autres. En se raccrochant à ces canaux, ils pourraient exporter en réduisant les coûts et les risques.

Notre groupe défend aussi l’idée de mettre plus en avant le développement du commerce extérieur dans la politique publique. Vous avez parlé d’un ministre en charge du commerce extérieur. Toutes nos actions doivent être analysées et contrôlées sous le prisme de nos exportations.

Enfin, j'ai été très intéressé par votre réflexion sur les pratiques de nos voisins européens. Votre analyse du cas italien est vraiment en adéquation avec ce que nous pensons sur les TPE et PME et sur la nécessité de recentrer le réseau consulaire dans les trois domaines que sont la détection, la formation et l’accompagnement.

Le groupe La République en marche votera, bien entendu, pour les crédits de la mission.

Mme la présidente Marielle de Sarnez. Merci beaucoup, monsieur Masséglia. Vous avez effectivement conduit une très importante mission d'information sur la diplomatie économique avec notre collègue Pierre Cordier. Nous avons adopté votre rapport il y a un peu plus d’un mois, en y intégrant les contributions de certains groupes : La République en marche, le Mouvement démocrate et apparentés et La France insoumise. Ce vrai travail de fond va dans le même sens que l’avis de Buon Tan.

M. Didier Quentin. Au nom du groupe Les Républicains, je m’associe aux compliments adressés à notre rapporteur.

Je ne reviens pas sur les instruments financiers et les assurances puisque la question a déjà été posée. Mais j’aimerais savoir ce que pense notre rapporteur des personnels des ambassades, mais aussi des conseillers du commerce extérieur. Pensez-vous, monsieur le rapporteur, qu’ils ont une utilité, qu’ils remplissent leur mission ? Il faut bien reconnaître que le déficit de notre balance commerciale est structurel depuis quasiment quarante ans. On se souvient de Michel Jobert, confronté à un déficit considérable, qui voulait arrêter les ordinateurs japonais à Poitiers. C’est un problème lancinant.

On en revient toujours à la nécessité de chasser en meute et d’aider nos PME et TPE à développer leurs exportations. Dans ce domaine, certains semblent savoir bien mieux faire que nous, à commencer par l’Allemagne et l’Italie. S’agissant des produits alimentaires, j’ai fréquenté des foires et des salons internationaux en Extrême-Orient. Pour les vins et les eaux-de-vie, les exposants français ont chacun leur petit stand. Les Italiens ont un stand unique sous la bannière « Eataly ». Le jeu de mots peut sembler anecdotique, mais il est révélateur d’astuces plutôt porteuses.

Nous sommes évidemment favorables à l’idée d’un ministère du commerce extérieur. Je remarque qu’au cours de cette seule séance, nous avons créé au moins deux ou trois ministères. Ce matin, nous avions déjà fait de même. Tous les candidats proclament qu’ils veulent faire le XV de France qui gagne et on se retrouve avec trente ou quarante ministères. Il faut raison garder. À une époque, il y avait des directions régionales du commerce extérieur, dépendant de la direction des relations économiques extérieures (DREE) dans les préfectures. Que deviennent-elles ? Sont-elles encore actives à l’heure des grandes régions ?

M. Bruno Joncour. Au nom du groupe du Mouvement démocrate et apparentés, je veux également saluer la qualité du travail qui est traduit dans ce rapport assorti de propositions concrètes qui requièrent tout notre intérêt.

Le déficit chronique de notre balance commerciale symbolise un mal français bien identifié : la lente mais certaine désindustrialisation du pays. Les gouvernements successifs ont entrepris de résorber ce déficit avec le succès relatif que l'on connaît. Nous devons tous en avoir conscience. Le rétablissement de nos comptes publics passe aussi par une résorption de notre déficit commercial. Notre groupe rappelle souvent et depuis longtemps cette préoccupation.

Nous tenons donc à saluer les efforts entrepris par le Gouvernement et rappelés par le rapporteur : un changement d’état d'esprit pour faire travailler ensemble les différents acteurs que sont la région, le réseau consulaire et Business France ; la mise en place du guichet unique qui est depuis longtemps attendu ; l'objectif affiché par le Gouvernement de porter à 200 000 le nombre d’entreprises exportatrices.

Notre groupe soutiendra cette action qui va dans la bonne direction.

Monsieur le rapporteur, nous regardons avec attention la mise en place du guichet unique et nous souhaiterions avoir des précisions sur ce sujet. Vous en avez déjà donné quelques-unes. Vous apportez des éléments de calendrier intéressants, en particulier s’agissant des conventions Team France Export. Avez-vous des éléments plus précis et plus concrets sur le rapprochement entre Business France et les régions ? Peut-on être certain que la contractualisation aura bien lieu d’ici à la fin de l'année ? Pouvez-vous nous rappeler quels effets bénéfiques en sont attendus ? Dans quel état d'esprit se trouvent les acteurs, ceux-là même qui seront en charge de faire réussir cette réforme ?

Notre groupe votera pour les crédits qui sont affectés à cette mission.

M. Alain David. Au nom du groupe Socialistes et apparentés, je m’associe aux félicitations adressées au rapporteur par mes collègues.

Je souhaiterais revenir sur votre constat concernant la baisse des moyens de Business France et de la Bpifrance, qui pourrait être compensée par des ressources propres. Ne croyez-vous pas que la facturation de certains services aboutira à la sélection des entreprises capables de payer, au détriment de petites et moyennes entreprises qui se retrouveraient exclues ? Cette facturation est-elle importante ou symbolique ?

Mme Monica Michel. Comme mes collègues, je tiens à féliciter notre rapporteur pour la qualité de son travail. J’aimerais aussi l’interroger sur les clubs d’exportateurs dans lesquels se regroupent des entreprises de nos territoires, notamment des PME, qui regardent vers les marchés extérieurs. Ces clubs d’exportateurs n’ont quasiment pas de moyens mais ils permettent aux entrepreneurs d'échanger sur leurs problèmes et leurs besoins, et parfois de décider d’aller ensemble s’attaquer à un marché donné. Qu’est-il prévu pour ces clubs qui font un excellent travail ?

M. Bruno Fuchs. Je félicite notre rapporteur pour avis pour son rapport de grande qualité.

Si les budgets consacrés à l’accompagnement du commerce extérieur sont en augmentation depuis une quinzaine d’années, les résultats obtenus par la France dans ce domaine ne cessent de se dégrader : il n’y a donc aucune corrélation entre les moyens mis en œuvre jusqu’à présent et les effets qui en résultent. Sur la base de cette constatation, on peut considérer que l’objectif de porter à 200 000 le nombre d’entreprises exportatrices ne sera pas forcément atteint, en dépit du grand nombre de mesures structurelles d’ores et déjà engagées par le Gouvernement.

Poussant la réflexion un peu plus loin, j’estime qu’il est aujourd’hui permis de se demander s’il est bien nécessaire de maintenir un service public en matière d’accompagnement du commerce extérieur, compte tenu de la faiblesse des résultats affichés, du fait que les moyens de Bpifrance vont diminuer et que cet organisme public a commencé à facturer ses services. Dans un souci d’efficacité, ne devrait-on pas envisager de confier à un opérateur privé – au moins dans certains pays, à titre expérimental – les missions consistant à aider les entrepreneurs à développer leur activité ?

Mme Monica Michel. Pour compléter ma question précédente, je veux souligner que, dans certaines régions un peu reculées, les chambres de commerce peuvent jouer un rôle essentiel vis-à-vis des entreprises et des clubs d’exportateurs qu’elles peuvent former. Est-il envisageable d’accroître et de généraliser leur rôle en la matière ?

Mme Mireille Clapot. Je remercie M. Tan pour son rapport, mais aussi pour le document explicatif imprimé recto verso qu’il nous a fait distribuer – s’il s’agissait d’un flyer édité à l’intention de clients potentiels, nous serions d’ores et déjà conquis !

Ayant occupé durant vingt-cinq ans des postes de marketing au sein d’entreprises pour la plupart exportatrices, je sais que le monde de l’entreprise est très loin des politiques de commerce extérieur et que les entreprises exportatrices sont le plus souvent celles qui se sont vues ainsi dès leur création, en concevant des produits et des services, mais aussi une gestion de la chaîne logistique, adaptés aux clients qu’elles ciblent. Il arrive également que cette spécificité s’acquière à l’occasion d’une crise : cherchant à rebondir, une entreprise peut se rendre compte que son marché domestique ne suffit plus à dégager de la valeur ajoutée, et qu’elle doit donc envisager l’export. C’est le cas de la société lyonnaise Esker, spécialisée dans la dématérialisation des documents de gestion : c’est à l’occasion d’un rebond que cette entreprise a redéfini son identité et s’est résolue à aller chercher ses marchés dans le monde entier. À mon sens, le fait que les success stories de ce type ne doivent généralement rien aux politiques de commerce extérieur pouvant être mises en œuvre par l’État doit nous amener à réfléchir.

M. Christophe Di Pompeo. Je remercie notre collègue Buon Tan pour son rapport.

Je rentre tout juste d’Italie, où j’ai eu l’occasion de vérifier que la situation de ce pays est bien différente de celle de la France. Les entreprises transalpines permettent en effet à notre voisin d’afficher un excédent commercial de 43 milliards d’euros – un chiffre qui atteint 84 milliards d’euros déduction faite de la facture énergétique.

Le tissu économique italien est essentiellement familial, ce qui favorise l’entraide entre entreprises et le parrainage à l’international. À l’inverse, l’entraide n’existe pas en France et les entreprises souhaitant être soutenues n’ont d’autre recours que de s’adresser à Bpifrance ou aux chambres consulaires. Elles ont alors affaire à des fonctionnaires, qui préfèrent souvent aider les grosses entreprises plutôt que les petites. Par ailleurs, quand une PME ou une TPE se présente à Bpifrance, elle peut obtenir quelques conseils, mais dès qu’il s’agit de rendre d’autres services, ceux-ci lui sont facturés, ce qui est rédhibitoire pour les petites structures qui cherchent de nouveaux marchés mais ne sont pas forcément disposées à payer pour cela dès le départ.

Estimez-vous, comme moi, qu’il conviendrait de favoriser l’entraide entre les entreprises françaises afin que cette pratique devienne une source de réussite, à l’instar de ce qui se fait en Italie ?

Mme la présidente Marielle de Sarnez. Je félicite à mon tour le rapporteur pour son rapport et pour son document explicatif, que je trouve remarquablement conçu. Par ailleurs, si ce n’est pas la première fois que nous abordons le thème du commerce extérieur, je dois dire que je trouve notre débat d’aujourd’hui particulièrement intéressant.

À mon sens, nous devons penser la politique du commerce extérieur en rupture avec ce qui se fait depuis des années. Je suis également convaincue que nous devons nous mobiliser fortement sur ce point car, si l’on prend en considération – à juste titre – la question du déficit budgétaire, celle du déficit du commerce extérieur n’occupe pas une place centrale dans nos politiques publiques, alors que cela devrait être le cas.

M. Buon Tan, rapporteur pour avis. Je vous remercie pour vos encouragements et voudrais remercier à mon tour toutes les personnes qui m’ont aidé à rédiger le rapport et le document explicatif qui vous ont été remis. Nous avons eu à cœur de mettre à votre disposition une information digeste et compréhensible de tous – j’ai même souhaité qu’elle comporte un lexique des termes techniques – et je me félicite que cet objectif semble aujourd’hui atteint.

Je vais maintenant répondre aux questions qui m’ont été posées – en notant que les unes ont parfois répondu aux autres.

L’assurance export est un outil qui, depuis trente ans, dégage chaque année entre 200 millions et 1,5 milliard d’euros de bénéfice pour l’État. Globalement, le coût de l’assurance prospection, limité à quelques millions d’euros, se trouve donc largement couvert par l’assurance export. Malheureusement, étant donné les contraintes techniques liées au budget de l’État, il est impossible de flécher les recettes constituées par cet excédent, qui se trouvent donc captées par le budget général. Il faut savoir qu’un euro investi dans l’export rapporte entre 7 et 45 euros de facturation : comme vous le voyez, nous aurions tout intérêt à investir massivement dans ce domaine.

M. Quentin m’a interrogé au sujet de l’efficacité des réseaux des ambassades et des conseillers du commerce extérieur. Depuis quelques années, les ambassades ont pris à bras-le-corps la mission consistant à assurer la diplomatie économique – certains ambassadeurs y consacrent jusqu’à 40 % de leur temps –, dans le cadre de laquelle elles soutiennent les entreprises françaises, obtiennent des rendez-vous et influencent parfois les négociations.

Le réseau des conseillers du commerce extérieur, qui vient de célébrer son cent vingtième anniversaire, est lui aussi très actif – cela nous a été confirmé par le président de leur comité, M. Alain Bentéjac, que nous avons récemment auditionné. Je souligne que la France est la seule à disposer d’un tel réseau, constitué de conseillers très bien implantés et connaissant parfaitement les particularités, les contraintes et les pièges de la région où ils se trouvent. En outre, les conseils qu’ils dispensent sont gratuits et ils sont tout à fait disposés à être sollicités davantage qu’ils ne le sont actuellement. Il conviendrait donc de faire en sorte que ce réseau soit mieux connu par les entreprises.

Dans de nombreux pays, le fait de chasser en meute permet de disposer d’une meilleure visibilité et de moyens plus importants, c’est pourquoi, si cette pratique ne fait pas encore partie de la culture française, nos entreprises auraient tout intérêt à l’adopter. Dans le cadre des foires et salons, notamment, tous les exposants italiens se regroupent sous un pavillon unique constitué par une entreprise privée – très rentable, d’après les informations dont je dispose – quand les entreprises françaises se présentent, elles, en ordre dispersé. J’ai déjà eu l’occasion de proposer que nous en fassions de même en créant des Maisons de France à l’étranger, auxquelles les personnes intéressées par les produits, la technologie ou la culture de notre pays pourraient s’adresser comme à une sorte de guichet unique.

Les directions régionales du commerce extérieur ont été intégrées dans les directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (DIRECCTE), qui sont à leur tour appelées à disparaître prochainement. À l’heure actuelle, au niveau régional, ce sont les chambres de commerce et d’industrie, qui connaissent très bien les entreprises locales, qui travaillent avec Business France et Bpifrance. Nous allons vers un guichet unique auquel les entreprises pourront s’adresser pour obtenir un diagnostic, d’éventuelles formations, des outils et des financements – en d’autres termes, pour être accompagnées dans leurs premières démarches. Pour les entreprises ayant déjà pratiqué l’export et souhaitant progresser dans ce domaine, l’accompagnement peut consister à les aider à embaucher des personnels en volontariat international en entreprise (VIE) ou à trouver des subventions pour financer un directeur export.

Dans ce processus, la création de cette base de données partagée qu’est le CRM va servir à ce que l’entreprise n’ait pas à constituer un nouveau dossier à chaque fois qu’elle rencontre un nouvel interlocuteur. Elle pourra également permettre d’assurer un suivi des informations dans le temps. Ainsi, une entreprise ayant connu une expérience fructueuse d’export au Japon pourra par exemple se voir proposer, l’année suivante, de tenter la même chose en Corée, un pays proche géographiquement et dont les habitudes culturelles et de consommation sont assez similaires. Aujourd’hui, il apparaît nécessaire de généraliser et de sanctuariser le CRM.

Bruno Joncour a évoqué la contractualisation. En la matière, la situation est assez encourageante, puisque cinq régions ont déjà signé avec l’État, et nous avons bon espoir que toutes l’aient fait avant la fin de l’année – Business France pense que c’est possible. En ce qui concerne les régions déjà engagées, je me félicite de constater que chacun joue parfaitement le jeu sur le terrain. Il y a donc tout lieu d’être optimiste pour la suite.

Pour ce qui est des bénéfices attendus, les économies d’échelle réalisées sont indéniables, notamment en matière d’occupation de bâtiments : aujourd’hui, Business France et les CCI sont souvent regroupés en un lieu unique, où ils travaillent ensemble. On assiste également à une déperdition beaucoup moindre, dans la mesure où les diagnostics, par exemple, peuvent se faire en la présence conjointe d’un représentant de Business France et d’un autre de Bpifrance, ce qui permet à l’entreprise concernée de se voir proposer une solution complète.

Outre le CRM, il va exister un outil informatique constitué d’une plateforme dédiée aux entreprises, ou chacune d’elles pourra trouver toutes les informations et accéder à tous les services susceptibles de lui être utiles – y compris les services privés. Une partie des services, notamment ceux destinés aux primo-exportateurs, n’intéressent pas les sociétés privées car elles ne sont pas rentables : c’est donc à l’État qu’il revient de les proposer. En revanche, une fois que l’entreprise a accompli ses premiers pas en matière d’exportation et qu’elle commence à prendre de l’ampleur, les accompagnateurs privés peuvent prendre le relais, car ils sont alors en mesure de facturer leurs services ; ceux qui jouent le jeu et signent des accords peuvent également bénéficier de ce réseau et ainsi récupérer des clients.

Le coût de facturation des services est une question essentielle. Aujourd’hui, les ressources de Business France proviennent déjà à plus de 50 % de la facturation. Une entreprise disposant de peu de moyens préfère souvent renoncer lorsqu’elle doit débourser une somme de l’ordre de 3 000 euros pour faire un salon. Cette raison a contribué à ce que, depuis 2014, il ait été observé une réduction de moitié du nombre d’entreprises ayant fait appel à l’assurance prospection – ce nombre est passé de 4 000 à 2 000 environ. Pour y remédier, nous faisons appels aux régions, qui disposent de budgets plus importants pour soutenir l’export, et travaillons à la mise au point d’un système de ticket modérateur : la région désireuse de mettre l’accent sur telle ou telle activité pourra régler une partie de la facture de Business France, dont seule une partie restera à la charge de l’entreprise concernée.

J’en viens aux clubs d’experts évoqués par Mme Michel – une idée très intéressante, et que nous avons l’intention de soutenir. J’ai auditionné l’an dernier le club Stratexio et cette année les représentants du Groupement des industries françaises aéronautiques et spatiales (GIFAS), qui s’est très bien organisé pour chasser en meute, puisqu’il a pour habitude d’associer ses sous-traitants – en descendant jusqu’à deux niveaux – à ses opérations de prospection, qui obtiennent de très bons résultats.

Si en France, 20 % de l’export est réalisé par les PME, cette proportion est de 54 % en Italie. Notre pays compte 124 000 entreprises exportatrices, quand l’Italie en affiche 226 000, soit près de deux fois plus : cela montre que nous disposons d’une belle marge de progression, et que nous devrions être en mesure d’atteindre l’objectif ambitieux de 200 000 entreprises exportatrices que nous nous sommes fixé.

Mme la présidente Marielle de Sarnez. L’Italie dispose effectivement d’un tissu industriel extrêmement solide, ce qui lui procure un réel avantage sur notre pays.

La commission examine l’amendement II-AE22 du rapporteur pour avis.

M. Buon Tan, rapporteur pour avis. L’un des outils essentiels pour nous permettre de porter à 200 000 le nombre d’entreprises exportatrices est le CRM, dont je vous ai parlé tout à l’heure. Un appel d’offres a été lancé, d’où il ressort que sa mise en place va coûter entre 10 millions d’euros et 11 millions d’euros – ce qui correspond à l’ensemble des outils ainsi qu’aux licences jusqu’en 2022. L’amendement que j’avais déposé l’an dernier en vue d’assurer ce financement ayant été rejeté, nous sommes aujourd’hui confrontés à un risque important. Pour ne pas mettre en péril le projet, Business France a avancé 3 millions d’euros destinés à permettre de lancer l’appel d’offres et de passer commande, mais nous avons encore besoin de 7 ou 8 millions d’euros pour la livraison et l’implémentation du dispositif. Si nous ne parvenons pas à les obtenir, la machine va s’arrêter et tout le travail effectué jusqu’à présent va être perdu.

Cela dit, je vais retirer l’amendement, dont a m’a demandé de retravailler la rédaction, et le représenterai en séance publique, ainsi qu’un second amendement ayant pour objet d’obtenir un financement de 57 millions d’euros correspondant au coût de l’assurance prospection. En effet, à partir de mars 2019, il n’y aura plus de crédits prévus pour cela. L’assurance prospection fonctionne selon un mécanisme un peu particulier. Durant la période de garantie, qui dure généralement trois ans, l’entreprise effectue ses actions de prospection, et ses dépenses sont prises en charge par l’organisme d’assurance. C’est ensuite la période d’amortissement qui commence, durant laquelle l’entreprise rembourse les indemnités qui lui ont été versées. En 2016, nous avons divisé par deux le nombre d’entrants, ce qui signifie qu’il y aura deux fois moins d’entreprises effectuant des remboursements en 2019 – alors que, dans le même temps, nous allons devoir accompagner un plus grand nombre d’entreprises : c’est ce problème technique qui explique qu’il manque 57 millions d’euros pour boucler l’année 2019.

L’amendement est retiré.

M. Bruno Fuchs. Dans la mesure où la Compagnie française d’assurance pour le commerce extérieur (COFACE) a transféré à Bpifrance, début 2017, l’activité de garantie publique à l’export qu’elle assumait jusqu’alors, il est permis de se demander pourquoi cette activité ne devrait pas faire partie de la gestion normale des actifs de Bpifrance et rester à la charge du budget de l’État.

Suivant l’avis favorable du rapporteur, la commission émet, à l’unanimité, un avis favorable à l’adoption des crédits du commerce extérieur et de la diplomatie économique sur la mission « Économie ».

 


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   ANNEXES

annexe 1 : Liste des personnes auditionnées par le rapporteur

À Paris, par ordre chronologique :

                 M. Arnaud Vaissié, président de CCI France International, Christophe Duday, directeur réseau CCI International, et Pierre Dupuy, chargé de mission à la direction des affaires publiques (11 octobre) ;

                 MM. Vincent Gorry, directeur des affaires internationales et européennes du Groupement des industries françaises aéronautiques et spatiales (GIFAS) et Jérôme Jean, directeur des affaires publiques (15 octobre) ;

                 MM. Alain Bentéjac, président du Comité national des conseillers du commerce extérieur de la France (CNCCEF), et Emmanuel Montanié, directeur général (15 octobre) ;

                 Mme Hélène Guillemet, sous-directrice commerce international à la direction générale des douanes et droits indirects (DGDDI), et M. Raoul Depoutot, chef du département des statistiques et des études du commerce extérieur (16 octobre) ;

                 M. Philippe Gautier, directeur général de MEDEF International, Mme Stéphanie Tison, directrice adjointe des affaires internationales, et M. Guillaume Leblanc, directeur des affaires publiques (16 octobre) ;

                 MM. Benoît Robert, directeur du Cluster Montagne, et Jean-Philippe Monfort, chargé du développement international (18 octobre, en vidéoconférence) ;

                 MM. Pedro Novo, directeur exécutif en charge de l’export à Bpifrance, et Jean-Baptiste Marin-Lamellet, responsable des relations institutionnelles et du suivi des politiques publiques (18 octobre) ;

                 MM. Christophe Lecourtier, directeur général de Business France, et François Raffray, chef du département des relations institutionnelles (23 octobre) ;

                 Mmes Claire Cheremetinski, cheffe du service des affaires bilatérales et de l’internationalisation des entreprises à la direction générale du Trésor, et Emmanuelle Ivanov-Durand, chef du bureau « Stratégie, études et pilotage », et M. Louis Toulorge, adjoint au chef du bureau « Business France et partenaires de l’exportation » (23 octobre).

 

À Rome, les 13 et 14 septembre :

                 S. E. Christian Masset, ambassadeur de France, ambassadeur auprès de la République italienne ;

                 MM. Vincent Guitton, chef du service économique régional pour l’Europe du Sud-Est, et Arnaud Guigné, adjoint du chef du service et chef du pôle économie-finances, ainsi que leurs collaborateurs ;

                 M. Nicola Lener, directeur général adjoint pour la promotion du Sistema Paese au ministère des affaires étrangères italien, et ses collaborateurs Mmes Chiara Franco et Chiara Ratzenberger et M. Antonello De Riu ;

                 M. Nicolas Diers, vice-président de la chambre de commerce et d’industrie France-Italie et conseiller du commerce extérieur de la France ;

                 M. Marcel Patrignani, président du comité Italie des conseillers du commerce extérieur de la France et président-directeur général d’Altran Italie ;

                 M. Stéphane Percheret, directeur adjoint du bureau régional « Méditerranée Est » de Business France ;

                 M. Fabrizio Lucentini, directeur général pour l’internalisation et la promotion des échanges au ministère du développement économique italien, et Mme Paola Brunetti, directrice des relations internationales ;

                 Mmes Annalisa Bisson, responsable des affaires internationales de la Confindustria, et Ester Stefanelli ;

                 M. Piergiorgio Borgogelli, directeur général de l’agence ITA (Italian Trade Agency), dite aussi ICE ;

                 MM. Domenico Mauriello, responsable du développement international, des nouvelles initiatives et des projets nationaux et internationaux d’Unioncamere, et Federico Maria Bega, directeur des affaires stratégiques à la chambre de commerce de Milan MonzaBrianza Lodi ;

                 Mmes Antonella Baldino, membre du comité exécutif de la Cassa Depositi e Prestiti, et Paola Valerio, directrice des relations internationales à la SACE, et MM. Michele Mascolo, directeur des affaires européennes, Giulio Dal Magro, responsable des financements internationaux, et Davide Ciferri, du département des études.

Votre rapporteur remercie chaleureusement S. E. Christian Masset, ambassadeur de France en Italie, M. Vincent Guitton, chef du service économique régional, et tous leurs collaborateurs – en particulier M. Valentin Giust, stagiaire au service économique – pour leur hospitalité et leur appui dans l’organisation de son déplacement.

ANNEXE 2 : éléments de benchmark sur l’allemagne

(source : questionnaire budgétaire au Gouvernement)

L’Allemagne, a mis en place un dispositif conséquent de soutien à l’export qui s’appuie sur un réseau dense. Le budget total du dispositif de soutien aux entreprises tournées vers l’export (hors promotion du tourisme) de l’État fédéral pour 2019 est de l’ordre de 207 millions d’euros (+ 30 millions par rapport au budget 2018, ce supplément étant ciblé vers l’Afrique).

Près des deux tiers de ce montant sont alloués à des organismes de promotion :

– 55 millions d’euros sont prévus en 2018 pour le réseau des chambres de commerce et d’industrie allemandes à l’étranger (AHK), qui est présent dans 92 pays avec 2 100 salariés et rend des services pour l’accès des entreprises allemandes aux marchés étrangers et leur mise en relatio avec des partenaires locaux ; l’assistance technique, les informations économiques, la recherche de partenaires, l’accompagnement d’entreprises, l’appui à la participation aux foires et salons, ainsi que sur la formation professionnelle ;

– 29 millions d’euros sont prévus en 2018 pour le financement de Germany Trade & Invest (GTAI), dont les moyens sont plus réduits que ceux de son homologue Business France (362 salariés seulement contre plus de 1 500 pour Business France ; une présence dans 50 pays seulement) et qui se consacre principalement à la diffusion gratuite d’informations sur les marchés étrangers ;

– 58 millions d’euros sont destinés à la Fédération allemande des salons et des foires (AUMA), notamment pour soutenir l’accès des PME aux événements à l’étranger. L’Allemagne mise énormément sur les foires et salons, sur son sol comme à l’étranger, dont elle est le leader mondial (entre 160 et 180 foires et salons nationaux/ internationaux par an, 180 000 exposants et jusqu’à 10 millions de visiteurs, 25 parcs des expositions…). L’organisation des pavillons nationaux sur les salons étrangers (300 par an) est la résultante d’un partenariat étroit entre l’AUMA, les organisations professionnelles et le ministère fédéral de l’économie et de l’énergie.

Des enveloppes spécifiques sont par ailleurs dédiées aux jeunes entreprises innovantes et au soutien à l’export des industries des énergies renouvelables (18,5 millions d’euros), des technologies d’efficacité énergétique (5 millions d’euros) et des technologies de l’environnement.

En plus des subventions au niveau fédéral, de nombreux Länder ont également leur propre dispositif de soutien à l’internationalisation.

Enfin, l’Allemagne dispose d’instruments financiers publics puissants pour l’internationalisation des entreprises :

– la KfW IPEX-Bank emploie 680 personnes, avait un total de bilan de 25,4 milliards d’euros fin 2017 et a octroyé 14 milliards d’euros de nouveaux crédits la même année ;

– les garanties publiques destinées à soutenir et à sécuriser les exportations allemandes sont gérées pour le compte de l’État par deux entreprises de droit privé, Euler Hermes pour l’assurance-crédit et PwC pour les garanties d’investissement. Suivant le volume de la garantie, la décision d’octroi de garantie est prise directement par Euler Hermes ou par une commission interministérielle. L’État fédéral a octroyé en 2017 près de 17 milliards d’euros de garanties. Les garanties d’investissement sont également très développées (5,3 milliards d’euros octroyés en 2017).


([1]) « Team France – Une ambition nouvelle pour l’équipe France à l’international – Propositions de transformation des politiques publiques de promotion des exportations et de l’attractivité de la France auprès des investisseurs étrangers ».

([2]) Doté de 700 millions  d’euros sur cinq ans, le FTAP est un des leviers du programme de transformation « Action publique 2022 ». Il a été mis en place dans le cadre du Grand plan d’investissement.

([3]) Déplacements dans la zone visée par le contrat, formations spécifiques, nouveaux recrutements dans le service export, fonctionnement d’un bureau commercial sur zone, participation à des salons, achat de publicités, d’études de marchés, de conseils juridiques, etc.

([4]) Selon les modalités applicables en 2018, suite à la réforme récemment engagée, le remboursement s’échelonne entre 30 % du montant des indemnités reçues (si le chiffre d’affaires généré ne dépasse pas 3 fois le total de ces indemnités) et 100 % (si ce chiffre d’affaires excède 10 fois ce total).

([5]) Ces excédents font suite à des déficits importants dus aux défauts de paiement massifs des pays en développement surendettés dans les années 1980-1990. Cependant, les excédents cumulés depuis lors font plus que compenser les pertes d’alors, même en actualisant les valeurs.

([6]) Article 94 de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018.

([7]) Données FMI pour 2017.

([8]) À la différence de la France, où elle repose sur la seule volonté de l’exécutif, la nomenclature des ministères est définie en Italie par la loi. Il existe actuellement 13 ministères, dont aucun n’a le commerce extérieur dans son intitulé.

([9]) Des représentants de la direction générale des douanes et des droits indirects auditionnés par votre rapporteur ont imputé ce type d’écarts, que l’on constate avec tous les pays, à l’application de fait ou de droit, par les douanes des différents pays, de règles hétérogènes pour la détermination du pays d’origine ou de destination des produits (quand par exemple un bien transite par un pays en vue d’un destinataire final dans un pays tiers).

([10]) Hors agriculture et administration publique, entreprises de 10 salariés et plus.

([11]) Intesa SanPaolo, « Economia et finanza dei distretti industriali », rapport annuel n° 10, décembre 2017.

([12]) Source de toutes des données : ITA – Italian Trade Agency, rapport 2018 « L’Italia nell'economia internazionale ».

([13]) La stabilisation de taux d’intérêt vise à garantir des taux fixes sur des crédits export accordés à des clients étrangers, ce qui apporte une sécurité financière. Un dispositif de ce type est mis en œuvre en France par Natixis pour le compte de l’État.