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N° 1305

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

 

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 12 octobre 2018.

 

 

AVIS

 

 

PRÉSENTÉ

 

 

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES SUR LE PROJET DE LOI de finances pour 2019,

 

 

TOME I

SANTÉ

 

 

VOLUME 1

 

 

PAR Mme Hélène VAINQUEUR-CHRISTOPHE,

 

Députée.

——

 

 

 

 

Voir les numéros :

Assemblée nationale :  1255, 1302 (annexe n° 38).

 

 


 

 

 


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SOMMAIRE

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Pages

introduction

I. la prévention OUTRE-MER : une politique en apparente cohÉrence avec les rÉalités locales

A. La prévention : une priorité sans cesse rÉaffirmÉe

1. La « Stratégie nationale de santé dans les outre-mer » (2016)

2. Les outre-mer dans la « Stratégie nationale de santé 2018-2022 »

3. Les priorités pour les outre-mer du plan « Priorité prévention »

4. Le « Livre bleu outre-mer »

B. La prévention : les pratiques du terrain

1. La prise en compte de la prévention dans les Projets régionaux de santé des territoires ultramarins

a. La Guadeloupe

b. La Martinique

c. La Guyane

d. Mayotte et La Réunion

2. Les PRAPS : des outils de prévention au service des plus précaires

C. Des financements qui, facialement, semblent Être à la hauteur

1. La prévention dans la Mission Santé du PLF : une part nécessairement modeste

2. La nécessité dune lecture croisée avec le PLFSS

a. Le Fonds dintervention régional

b. Les crédits du FIR pour la prévention en outre-mer

c. Le détail des financements par DROM

i. Martinique

ii. Guyane

iii. Guadeloupe

iv. Mayotte

II. derriÈre laffichage, les moyens en faveur de la prÉvention outre-mer doivent Être encore renforcÉs et adaptÉs aux rÉalitÉs du terrain

A. des rapports alarmants, et aprÈs ?

1. Le constat sans appel de la Cour des comptes en 2014

2. Des alertes relayées par lensemble des acteurs institutionnels

a. Lavis du Conseil national du sida

b. Les avis de la Commission nationale consultative des droits de lhomme

B. Les carences du systÈme de prÉvention vues du terrain

1. Les constats édifiants des acteurs locaux

2. Des moyens à peine suffisants eu égard à lampleur des besoins

C. Des mesures gouvernementales aux effets dévastateurs pour la santÉ publique

1. La suppression des contrats aidés : un coup de poignard pour la politique de prévention

2. Larticle 27 du PLF : une mise à mal inconsidérée de la politique de prévention en Guyane

3. Focus sur linsuffisante application de la loi pour la qualité de loffre alimentaire

Contribution au rapport du groupe modem

annexe : Liste des personnes auditionnées par la rapporteurE

 


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   introduction

Mesdames, Messieurs,

Létat de santé des populations ultramarines nest pas satisfaisant : lensemble des indicateurs montrent des territoires en situation défavorable, parfois dans des proportions considérables, par rapport aux autres régions de la République.

Ainsi, pour ne rappeler que quelques exemples déjà connus :

– L’espérance de vie est inférieure de plusieurs années dans les régions ultramarines, jusqu’à 5 ans de moins pour les hommes et 7 à 8 ans de moins pour les femmes à Mayotte.

– La surmortalité prématurée se traduit par le fait que le tiers des décès survient avant 65 ans dans les quatre départements d’outre-mer, contre un cinquième dans l’ensemble du pays. À l’exception de la Martinique, qui présente un taux de mortalité inférieur, le taux de surmortalité est de 2 % en Guadeloupe, de 5 % en Guyane, et atteint 23 % à La Réunion ([1]).

– On relève des taux de mortalité infantile élevés, qui ont même tendance à augmenter dans certains territoires : il est de 8,6 pour 1 000 naissances en Guyane, contre 3,4 en métropole ; en Martinique, qui connaît un taux de naissances prématurées 4 fois supérieur à la moyenne nationale, le taux de mortalité périnatale est 2 à 3 fois plus élevé que celui de la métropole. Dans tous les territoires, la mortalité maternelle est également très au‑dessus de la moyenne.

S’agissant des maladies chroniques, les éléments comparatifs sont par ailleurs extrêmement défavorables. On constate par exemple une forte prévalence de l’obésité et des morbidités associées, telles que le diabète, les maladies cardio‑vasculaires, les maladies rénales chroniques, l’hypertension.

À cela s’ajoutent d’autres pathologies telles que les maladies vectorielles – dengue, zika, chikungunya, etc. –, ou la drépanocytose. Certaines maladies infectieuses sont particulièrement présentes, comme la lèpre, singulièrement à Mayotte et en Guyane, la tuberculose ou les IST, tel le VIH qui frappe très durement certains territoires, la Guyane en premier lieu, ainsi que la Guadeloupe.

Les facteurs sont multiples pour expliquer cet état de fait. Ils tiennent en partie à la forte précarité économique et sociale des territoires ultramarins :

– Un taux de pauvreté élevé, en premier lieu : en Guadeloupe, le revenu moyen déclaré est inférieur de moitié à celui de la France hexagonale et le taux de ménages allocataires est de 70 %, près de 30 % des ménages recevant le RSA, contre 8,6 % en Hexagone ; à La Réunion, plus de 40 % de la population sont en situation de pauvreté.

– Cette forte précarité, ces inégalités sociales, s’accompagnent d’autres éléments en cohérence : un taux de chômage très élevé (21 % des actifs de plus de 15 ans en Guyane ; 22 % à La Réunion ; taux d’emploi des 15‑64 ans de 38 % à Mayotte), qui frappe notamment les jeunes, souvent prématurément déscolarisés. On relève en conséquence des taux d’illettrisme, ou de familles monoparentales, toujours supérieurs à ce qu’ils sont en Hexagone, et de forts taux de natalité.

– Par ailleurs, dans certaines régions, le quart des logements sont insalubres. Donnée notamment illustrée par le fait qu’un ménage mahorais sur trois n’a pas accès à l’eau courante.

Ce contexte social contribue au fait que les territoires ultramarins sont confrontés à des problématiques importantes d’addictions, que ce soit avec l’alcool ou les drogues (crack), à des comportements qui peuvent être autant de facteurs aggravants ayant des incidences en matière de santé publique : violence ([2]), notamment envers les femmes, grossesses précoces – 27 % des mères de Guyane ont moins de 20 ans –, VIH, suicides.

Les faiblesses des systèmes de santé locaux aggravent fortement cette situation et contribuent à son enracinement :

– Une densité des médecins généralistes très inférieure à ce qu’elle est en France hexagonale peut-elle en effet avoir d’autres conséquences qu’un accès fragilisé à l’offre de soins, à la prévention et au dépistage ? Or, la Guadeloupe et la Martinique ont 20 % de médecins - souvent relativement âgés au demeurant - de moins que l’Hexagone, la Guyane étant même sous la barre des -50 % ([3]). Ces trois régions sont celles qui ont les plus faibles densités médicales de France, La Réunion faisant exception, à équivalence avec l’Hexagone. À Mayotte, par exemple, il n’y a, en 2018, que 341 professionnels de santé libéraux, dont seulement 21 médecins généralistes.

 Les autres professions du secteur sanitaire sont dans une situation comparable, voire pire, plusieurs spécialités étant même absentes de certains territoires.

– En outre, l’offre de soins est très inégalement répartie et peut être géographiquement concentrée, avoir déserté les zones les plus éloignées, comme c’est notamment le cas en Guyane où certaines parties de la région sont extrêmement difficiles d’accès.

Cette situation induit des difficultés majeures dorganisation de loffre de soins, souvent articulée sur lhôpital public. Ainsi à Mayotte, dont les urgences du seul centre hospitalier de lîle sont surchargées. Confrontés en outre à dautres problématiques spécifiques, comme la forte pression migratoire, les systèmes de santé de la Guyane et Mayotte doivent relever dautres défis particulièrement aigus. La maternité du centre hospitalier de Mayotte est la plus importante de France, en tension permanente, assurant actuellement près de 10 000 naissances par an, dont la majorité de mères dorigine étrangère et sans papiers.

À la question de la démographie médicale s’ajoute donc celle de l’offre hospitalière en sous-capacité, surchargée et en tension budgétaire permanente. Les aléas, climatiques ou autres, comme les ouragans Irma et Maria qui ont ravagé Saint-Martin et Saint-Barthélemy l’an passé, ou encore l’incendie qui a détruit en novembre 2017 la maternité, le bloc opératoire, les services d’urgence et de réanimation du CHU de Pointe-à-Pitre, viennent ajouter des impacts tout aussi considérables et durables pour les populations locales.

Ces constats ont conduit votre rapporteure à choisir comme thème central de son avis budgétaire la prévention dans les outre-mer. Car la réalité des territoires ultramarins est d’autant plus insupportable qu’elle pourrait en grande partie être évitée ou atténuée si les systèmes de santé étaient plus performants et si les politiques de prévention et de dépistage étaient à la hauteur des enjeux.

Ainsi, entre autres personnalités auditionnées par votre rapporteure, le professeur Patrick Yéni, président du Conseil national du sida, a pu souligner quil est essentiel de prendre la mesure de lépidémie de VIH outre-mer, très différente de celle que lon constate en France hexagonale, tant par ses caractéristiques que par sa gravité. De même, nombre des pathologies dont souffrent les populations outre-mer sont de celles pour lesquelles des actions de prévention seraient nécessaires, quil sagisse de maladies vectorielles comme la dengue ou le paludisme, ou daffections chroniques parfois plus en relation avec des pratiques ou comportements à risques, telles le diabète, les maladies cardio-vasculaires, les IST. Ainsi, la part de la mortalité prématurée due à la consommation dalcool, de tabac, pourrait-elle être réduite grâce à des mesures de prévention et de dépistage.

Or, force est de constater, comme on le verra, que la prévention a longtemps été le parent pauvre dun système de santé dans les outre-mer en souffrance, comme la Cour des comptes la souligné en 2014. Si elle est aujourdhui devenue une priorité de santé publique, la question se pose néanmoins de savoir si les moyens qui y sont consacrés sont à la hauteur des enjeux régionaux.

Votre rapporteure a procédé à l’analyse des documents stratégiques adoptés ces dernières années ainsi qu’à une revue des principales évaluations qui ont été faites, en premier lieu celle de la Cour des comptes en 2014, la première à avoir conclu que les systèmes de santé ultramarins étaient en souffrance. Elle s’est ensuite plus particulièrement concentrée sur les cinq départements d’outre-mer : la Guadeloupe, la Guyane, la Martinique, Mayotte et La Réunion.

Votre rapporteure a aussi tenu une douzaine dauditions. Elle tient à remercier les personnalités et acteurs institutionnels et associatifs, dont les directeurs généraux et personnels des Agences régionales de santé quelle a entendus par visioconférences, pour leur disponibilité et la qualité des informations quils lui ont fournie.

 


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I.   la prévention OUTRE-MER : une politique en apparente cohÉrence avec les rÉalités locales

A.   La prévention : une priorité sans cesse rÉaffirmÉe

Longtemps en déshérence, la prévention est désormais affichée dans tous les documents stratégiques comme une priorité de santé publique, que ce soit au niveau national ou en direction spécifique des outre-mer.

1.   La « Stratégie nationale de santé dans les outre-mer » (2016)

En décembre 2016, le précédent Gouvernement avait élaboré une Stratégie nationale de santé dans les outremer ([4]) qui se présentait en réaction aux constats de la Cour des comptes de 2014.

Le travail approfondi des députés ultramarins entrepris depuis lors avait permis la rénovation de l’approche de la santé, et les ministères de la santé et des outre-mer, se fondant sur les dispositions de l’article 2 de la loi de modernisation de notre système de santé du 26 janvier 2016 ([5]), avaient conjointement proposé de nouvelles orientations stratégiques spécifiques aux outre-mer, en rupture avec le plan de santé en vigueur depuis 2009.

La situation des outre-mer était considérée comme justifiant plus encore qu’en Hexagone d’actions fortes de prévention et cinq axes prioritaires, déclinés en 22 objectifs et 62 actions, reflétaient cette approche. Étaient notamment priorisés l’amélioration de l’état de santé des mères et des enfants, la réduction de la mortalité maternelle et infantile, le renforcement de la PMI, les problématiques de diabète, les conduites addictives et les déterminants comportementaux en matière de santé sexuelle et reproductive, ou encore le renforcement des mesures de prévention contre les maladies zoonotiques.

2.   Les outre-mer dans la « Stratégie nationale de santé 2018-2022 »

Le Gouvernement actuel a souhaité reformuler le cadre général en présentant une Stratégie nationale de santé 2018-2022 ([6]) sans pour autant modifier les dispositions spécifiques aux outre-mer incluses dans le document de 2016 : l’amélioration de l’état de santé des mères et des enfants, la réduction de l’incidence des maladies chroniques, en particulier du diabète et de ses complications, le renforcement des stratégies de prévention et de lutte contre les maladies zoonotiques, la réduction de l’exposition des populations aux risques naturels et l’amélioration de l’accessibilité et de l’approvisionnement en produits de santé figuraient déjà dans la Stratégie nationale de santé dans les outre-mer.

Force est de constater que le Gouvernement actuel n’a, pour l’essentiel fait que reprendre les dispositions que son prédécesseur avait établies comme priorités : ainsi en est-il de l’évolution de la gouvernance du système de santé et du renforcement de l’attractivité des territoires pour les professionnels de santé, du renforcement de l’offre de formation initiale et continue, de la définition d’une trajectoire de rattrapage de la qualité des systèmes de soins ultramarins par rapport à celui de l’Hexagone, de la problématique des évacuations sanitaires ou du renforcement des coopérations régionales. On pourrait également citer les actions en direction de certains territoires spécifiquement identifiés, telles celles visant à réduire l’exposition des populations au chlordécone en Guadeloupe et en Martinique, à renforcer l’accès à l’eau potable et à l’assainissement en Guyane, à Mayotte et à Wallis-et-Futuna ou à améliorer l’accès aux droits et aux soins et à garantir une couverture vaccinale protectrice pour la population de Mayotte.

3.   Les priorités pour les outre-mer du plan « Priorité prévention »

Le document « Priorité prévention, rester en bonne santé tout au long de sa vie » ([7]) que le Premier ministre a présenté au mois de mars 2018, développe le plan stratégique mettant en œuvre l’action des différentes instances concernées par la prévention.

Un certain nombre de priorités supplémentaires sont précisées s’agissant des outre-mer. Entre autres, y figurent des mesures relatives au suivi péri et post-natal, à la création d’une centaine de postes d’assistants spécialistes « outre-mer » afin de renforcer l’offre de soins, dont le statut sera amélioré pour renforcer l’attractivité des territoires.

La santé sexuelle est par ailleurs un volet central, décliné selon plusieurs axes : mesures de prévention adaptées aux situations locales et aux cultures ultramarines en matière de VIH, d’IST et de grossesses précoces ; vaccinations contre le HPV ; expérimentation du « Pass préservatif » dans une région d’outre-mer, qui reste à ce jour encore à définir ; développement d’actions mobiles hors les murs en matière de santé sexuelle pour aller à la rencontre des jeunes.

Ces actions de prévention et d’offre de soins se retrouvent aussi dans le volet outre-mer de la « Stratégie nationale de santé sexuelle – Agenda 20172030 » ([8]), qui prévoit également des mesures en faveur de l’éducation à la santé en milieu scolaire, contre les violences faites aux femmes et les discriminations envers les personnes séropositives, ainsi qu’un renforcement des coopérations régionales.

L’appui logistique aux associations œuvrant sur le terrain afin de renforcer leurs capacités opérationnelles est annoncé sans être toutefois concrétisé de même qu’une campagne de vaccination à Mayotte, prévue pour combler les retards alarmants de ce département.

Parallèlement, la mise en œuvre du plan gouvernemental 2013-2017 de lutte contre les drogues et les conduites addictives a permis la mobilisation par la MILDECA de près de 3 millions deuros spécifiquement dédiés au traitement de ces problématiques. Une action étroitement coordonnée avec la DGOM a constitué une priorité du précédent plan, et outre les actions de proximité soutenues par la MILDECA, plusieurs dossiers emblématiques ont pu être accompagnés : le soutien depuis septembre 2015 au déploiement dune charte « contre lusage nocif ou abusif dalcool » à La Réunion, entre pouvoirs publics, producteurs locaux, importateurs et distributeurs dalcool ; la constitution dun groupe de travail interministériel dédié à la question des mules en Guyane ; ou encore une attention particulière portée à la consommation de chimique par la jeunesse mahoraise.

Le futur plan national de mobilisation contre les drogues et les conduites addictives, couvrant la période 2018-2022, traduit l’engagement de la MILDECA pour poursuivre et amplifier la démarche engagée. Tout en prenant en compte la réalité de chaque territoire ultramarin, l’action de la MILDECA vise à :

– améliorer la connaissance des consommations de substances psychoactives, notamment par la mise en place de dispositifs de recueil de données par l’observatoire des drogues et des toxicomanies (OFDT) en Guyane et à La Réunion-Mayotte et la mise en œuvre d’un volet outre-mer pour l’enquête cadre de vie‑sécurité INSEE, ou encore le suivi et le soutien apporté à l’extension ultra marine de l’enquête Virage ;

– maintenir une vigilance particulière portée à certains enjeux prioritaires : le phénomène des mules en Guyane, la consommation de « chimique » à Mayotte ;

– consacrer une attention particulière aux territoires ultra marins dans le cadre des appels à projets nationaux qui seront chaque année lancés à destination des collectivités locales (les villes de La Possession, à la Réunion, et de Petite Terre, à Mayotte, ont été retenues au titre de l’exercice 2018).

Enfin, la problématique du chlordécone en Guadeloupe et Martinique fait l’objet d’actions au niveau de la cartographie des sols contaminés, de la recherche quant aux liens entre exposition des populations et effets sanitaires, ou encore au suivi des femmes enceintes, thématiques qui figuraient dans les différents plans chlordécone mis en œuvre depuis plusieurs années. Pour autant aucune nouvelle action ni financement ne sont pour l’heure engagés...

4.   Le « Livre bleu outre-mer »

Certaines de ces mesures, comme la création des postes d’assistants spécialistes, ont été reprises dans le Livre bleu outre-mer ([9]) présenté par la ministre des outre-mer Annick Girardin en juin dernier, à la suite des Assises de l’Outre-mer.

La seule nouveauté du Livre bleu, par rapport à lensemble de ce qui figure dans les documents adoptés au cours des mois précédents, porte sur la création dun Fonds spécifique aux outre-mer, à compter de 2019, destiné à financer des actions de santé publique avec un focus plus particulier sur la prévention de lalcoolisme, des addictions et des conduites à risques. Il est indiqué que la montée en puissance du fonds sera progressive sur le quinquennat. Il apparaît cependant regrettable que des problématiques telles que le VIH, le renforcement des dispositifs de PMI ou les services de santé scolaire et universitaire, ne fassent pas lobjet de financements dans ce cadre. Par ailleurs, il est fort regrettable selon votre rapporteure quaucune trace de ce fonds napparaisse dans les documents budgétaires actuellement examinés au Parlement.

Parmi les principaux axes figurant dans le Livre bleu, on relève également la mobilisation d’un « service sanitaire » pour les étudiants en santé dans les territoires ultramarins. Ce sont quelque 47 000 étudiants en médecine, pharmacie, oncologie, maïeutique, kinésithérapie et soins infirmiers qui sont concernés, dès le mois de septembre 2018, et mobilisés pour des actions de prévention, notamment à destination des publics fragiles.

D’autres expérimentations sont préconisées, notamment relatives à de nouvelles répartitions des tâches entre professions de santé, et des partenariats seront développés entre centres hospitaliers ultramarins et hexagonaux afin d’encourager les échanges professionnels. Outre par la création des postes d’assistants spécialistes, la problématique de la pénurie de médecins sera abordée par la mise en place conventionnelle de contrats d’installation spécifique à l’outre-mer pour inciter les professionnels de santé à se diriger vers les territoires à faible densité médicale. Dans le même ordre d’idées, en complément du développement de maisons de santé adaptées aux territoires, des dispositifs de maisons expérimentales itinérantes seraient aussi mis en œuvre pour aller à la rencontre des populations isolées.

B.   La prévention : les pratiques du terrain

Les Agences régionales de santé, ARS, ont notamment pour mission de définir et de mettre en œuvre dans leur ressort territorial les objectifs de la politique nationale de santé. Elles doivent prendre en compte les problématiques de prévention à divers niveaux.

L’article L. 1431-2 du code de la santé publique précise qu’elles sont chargées « de réguler, dorienter et dorganiser, notamment en concertation avec les professionnels de santé et les acteurs de la promotion de la santé, loffre de services de santé, de manière à répondre aux besoins en matière de prévention, de promotion de la santé, de soins et de services médico-sociaux, et à garantir lefficacité du système de santé ». Elles veillent également à une répartition territoriale de l’offre et à la qualité des interventions, notamment en matière de prévention, qui permette de satisfaire les besoins de santé de la population, en particulier des personnes en situation de précarité ou d’exclusion et de viser l’appropriation des outils de prévention et d’éducation à la santé par les populations cibles, via des démarches de responsabilisation.

Les projets régionaux de santé définissent les objectifs pluriannuels des ARS. Ils sont composés de trois documents : le cadre d’orientation stratégique, COS, établi pour 10 ans ; le schéma régional de santé, SRS, d’une durée de cinq ans et le programme régional relatif à l’accès à la prévention et aux soins des personnes les plus démunies, PRAPS.

1.   La prise en compte de la prévention dans les Projets régionaux de santé des territoires ultramarins

a.   La Guadeloupe

Le schéma régional de santé de la Guadeloupe pour les années 2018-2023 ([10]) est articulé en sept orientations, dont la première est le développement d’une offre pour tous tournée vers la prévention et la promotion de la santé, déclinée en trois objectifs : la mise en place d’une organisation visant à réduire les inégalités sociales et territoriales de santé, basée sur la promotion de la santé et la prévention ; l’amélioration de la qualité des programmes d’action en promotion de la santé et une action sur les déterminants de santé comportementaux pour améliorer la santé des populations.

Ces objectifs sinscrivent dans le cadre dorientation stratégique ([11]), COS, plus général qui, à échéance de dix ans, ambitionne de constater une diminution du risque de mortalité prématurée et infantile, une baisse des complications des maladies chroniques (pied diabétique et amputations, retard dans le dépistage du cancer, obésité, maladies cardio-vasculaires), la maîtrise des risques sanitaires et environnementaux (maladies vectorielles, etc.), un accès équitable aux soins et à la prévention, quelle que soit la situation géographique ou sociale et des prises en charge pluridisciplinaires et coordonnées autour des personnes, notamment les plus fragiles.

À cette fin, la prévention semble être devenue prioritaire et, comme le diront les responsables de l’ARS lors de leur audition, il s’agit d’en faire un « geste de la vie quotidienne » de chacun. Elle doit pour cela être transversale et se refléter dans toutes les politiques publiques locales et, s’agissant spécifiquement de la santé, imprégner tous les secteurs d’activité, au sein des filières de soins, chez tous les professionnels de santé, pour qu’une véritable culture de la prévention soit partagée.

Dans cette région qui est la deuxième la plus touchée de France par les IST et notamment le VIH, où les taux de grossesses précoces et d’IVG sont importants, l’ARS se donne également pour objectifs de renforcer la promotion de la santé sexuelle, notamment en direction des jeunes, d’améliorer l’accès à la contraception, la coordination des acteurs et de dépister plus tôt, afin d’être en mesure de respecter la dynamique fixée par l’OMS d’un arrêt de la transmission du VIH à l’horizon 2030.

D’ici à 2020, elle ambitionne d’atteindre des objectifs intermédiaires de 90 % de sujets infectés diagnostiqués, 90 % de sujets diagnostiqués bénéficiant d’un traitement antirétroviral et 90 % des sujets sous traitements ayant une charge virale indétectable. Dans la mesure où aujourd’hui encore près de 50 % des sujets séropositifs en Guadeloupe, et 60 % à Saint-Martin, méconnaissent leur état, ces questions sont d’un intérêt majeur.

b.   La Martinique

Le Schéma régional de santé 2018-2022 de la Martinique ([12]) est structuré en trois orientations dont la première, « Mieux vivre », se donne pour objectifs de placer la promotion de la santé au cœur de toutes les politiques et de renforcer et valoriser les actions et dispositifs de promotion et de prévention ciblés autour des priorités de santé publique de la région.

La prévention n’est pas absente des autres orientations, dont l’une a pour finalité de « Mieux soigner et prendre en charge », notamment via le renforcement de la démographie des professionnels de santé. Les enjeux identifiés dans le COS pour la décennie ([13]) sont d’anticiper les effets du vieillissement et de la perte d’autonomie de la population, d’améliorer la santé des mères et des enfants et lutter contre la mortalité infantile, de réduire l’impact du surpoids et de l’obésité et leur incidence sur les maladies chroniques, de garantir une prise en charge de qualité des cancers et d’améliorer la prise en charge de la santé mentale.

La réduction des inégalités sociales et territoriales de santé, en faveur des plus vulnérables supposera d’agir sur les difficultés d’accès aux soins et à la prévention de ces populations et d’adapter le système de santé de manière à structurer le maillage territorial garantissant une égalité d’accès à l’offre de santé.

c.   La Guyane

Votre rapporteure a pu consulter le document d’évaluation du Programme régional de santé 2011-2015 ([14]), qui avait notamment conclu que la prévention était peu développée en Guyane et souligné l’urgence de développer des actions d’éducation à la santé sexuelle et reproductive, de prévention des maladies cardio-vasculaires, sur l’ensemble des maladies métaboliques et le cancer.

Entre autres enjeux à traiter, le champ de la santé mentale, au regard de la question du suicide, en particulier des Amérindiens, celui de la prévention et promotion de la santé, qui restait à construire, d’autant plus important que des problématiques liées à l’augmentation de la prévalence des maladies métaboliques, à la santé sexuelle et reproductive, etc., prenaient de l’ampleur.

Le Schéma régional de santé 2018-2022 ([15]), entend, en premier lieu, réduire les inégalités d’accès aux soins spécifiques et améliorer les prises en charge en rééquilibrant les moyens en fonction des besoins, notamment sur les territoires en sous-offre. Il vise aussi à organiser des parcours qui répondent aux besoins, en particulier des « parcours de vie » couvrant diverses problématiques : drépanocytose, santé mentale, handicap, parents-enfants-jeunes, sans-abri, territoires de l’intérieur, et des parcours de santé (nutrition‑santé, cancer, VIH-Sida, addictions, AVC). Le SRS cherche enfin à donner aux populations davantage de maîtrise de leur santé et les outils pour l’améliorer, en développant la prévention universelle afin de créer un environnement favorable à la santé pour tous, par des programmes au plus près des populations et des territoires, en accompagnant le pouvoir d’agir individuel et collectif des populations et en soutenant leur participation aux politiques de santé.

d.   Mayotte et La Réunion

Pour hétérogènes qu’elles soient, tant par leurs démographies que par la diversité des problématiques ou leur évolution socio-économique, les grandes lignes stratégiques de la politique de santé à Mayotte et à La Réunion ([16]) sont communes, notamment en ce qui concerne la place à accorder à la prévention. La coopération entre les deux îles est perçue comme prometteuse pour le développement sanitaire de chacune.

Cela étant, si le cadre global est identique et les ambitions partagées, les leviers d’action et les objectifs opérationnels diffèrent logiquement, et comportent des volets propres à chacune des îles.

Huit enjeux structurent le COS 2018-2028 ([17]) : Lamélioration de la santé de la femme, du couple et de lenfant, notamment pour réduire, à échéance de 10 ans, la morbi-mortalité maternelle et infantile, la préservation de la santé des jeunes, lamélioration de la santé nutritionnelle, pour prévenir et prendre en charge les situations de dénutrition, notamment infantile mais aussi ralentir la progression de lobésité et du surpoids et la croissance des pathologies nutritionnelles et métaboliques ; la qualité de vie et la santé des personnes âgées et des personnes en situation de handicap, pour prévenir et retarder la perte dautonomie, la prévention et la prise en charge des maladies chroniques, la promotion et la protection de la santé mentale, lenvironnement au service de la santé ainsi que le renforcement de la veille sanitaire et de la réponse aux situations exceptionnelles en territoire insulaire.

Le Schéma régional de santé ([18]) développe des principes structurants transversaux afin, notamment, de promouvoir une culture commune en matière de prévention qui irrigue l’ensemble des politiques de santé en association avec les autres politiques publiques. Pour ce faire, l’ARS ambitionne de renforcer les capacités d’action en prévention primaire et de coordonner l’action publique en la matière et intégrer la prévention dans tous les parcours de soins.

En parallèle, deux schémas de santé ont été élaborés, l’un pour La Réunion, l’autre pour Mayotte, qui mettent chacun l’accent sur les problématiques les plus aiguës en fonction du contexte.

Par ailleurs, la sortie de la très longue et très grave crise sociale du début de cette année à Mayotte a été acquise grâce à l’adoption d’un Plan sur l’avenir de l’île ([19]), couvrant les années 2018-2022, qui, en matière de santé, prévoit notamment, outre une agence régionale de santé dotée de ses effectifs propres, l’élaboration d’un projet de santé mahorais 2018-2022 permettant de mieux prendre en compte les besoins et les spécificités du département.

Selon les indications qui ont été fournies à votre rapporteure, deux axes ont été définis dans ce cadre, qui renforceront la planification des actions de prévention qui seront priorisées en accord entre les partenaires institutionnels et associatifs, lesquels bénéficieront d’accompagnement en ingénierie pour renforcer leurs capacités d’action. Dans un premier temps, les actions de prévention seront renforcées en matière de santé environnementale (habitat insalubre, assainissement, hygiène, maladies féco-orales) et de santé sexuelle et reproductive (suivi des grossesses, contraception, dépistage du VIH et autres IST, prévention des violences sexuelles).

2.   Les PRAPS : des outils de prévention au service des plus précaires

Au sein des Projets régionaux de santé, la problématique de l’exclusion et les populations défavorisées sont l’objet d’une attention particulière. Un « Programme régional relatif à laccès à la prévention et aux soins des personnes les plus démunies », PRAPS, doit fixer les actions prioritaires et déterminer les modalités de leur mise en œuvre au niveau régional et, le cas échéant, aux niveaux des départements de la région ([20]).

Ainsi, parmi les objectifs définis dans le PRAPS de la Guadeloupe ([21]), outre l’amélioration des conditions d’accès aux droits et aux soins des publics éloignés du système de santé, est notamment prévu le développement du repérage et de l’accompagnement adapté des publics précaires par des dispositifs mobiles de prévention et de prise en charge.

En Martinique, le PRAPS ([22]) vise entre autres à renforcer et à faciliter l’accès à la prévention auprès des populations cibles, en menant des actions d’information, de sensibilisation, et en faisant connaître les dispositifs de prévention existants, en complément de l’amélioration et de l’adaptation de l’offre de soins et de son accessibilité.

Celui de Guyane ([23]) tient compte d’un contexte particulier d’inégalités d’accès à la prévention compte tenu de la géographie et du hiatus entre zones urbaines et reculées, et recherche des solutions adaptées en matière de santé publique pour répondre aux problématiques locales sur les thèmes prioritaires que sont, en premier lieu, l’accès à la santé, le développement de l’accompagnement personnalisé des personnes éloignées du système de santé et l’insertion des personnes dans un parcours de santé, en visant spécifiquement les territoires de l’intérieur et les « sans chez-soi ».

Le PRAPS de La Réunion ([24]) vise en particulier les besoins spécifiques des jeunes les plus vulnérables et lamélioration de laccès aux soins des personnes en exclusion sociale ou isolées, des personnes en situation de prostitution, laccompagnement social des personnes en transfert sanitaire ou migrantes, ainsi que le repérage précoce et laccompagnement des femmes victimes de violences.

C.   Des financements qui, facialement, semblent Être à la hauteur

1.   La prévention dans la Mission Santé du PLF : une part nécessairement modeste

Dans leur ensemble, les crédits de la mission Santé augmentent de +3,5 % dans le PLF 2019 par rapport à l’année précédente, tant en AE (1 422,2 M€ demandés contre 1 374,6 M€ ouverts en LFI 2018) qu’en CP (1 423,5 M€ demandés contre 1 375,8 M€ votés en LFI 2018).

récapitulation des crédits par programme et par titre

Source : PLF2019, Projet annuel de performances, Mission santé, page 12

Pour positive qu’elle soit à première vue, cette évolution n’en est pas moins insatisfaisante, comme le montre une analyse plus fine.

● Le Programme 204 (Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins)

Lanalyse détaillée du programme 204, qui concentre les crédits de la loi de finances destinés à la prévention, montre en effet une baisse globale des crédits, de 1,1 %, par rapport à lannée précédente, à 479,3 M€ demandés en AE contre 484,8 M€ votés lan dernier. La demande de CP suit la même tendance : 480,6 M€ demandés contre 486,1 M€ votés en 2018, soit une diminution de 1,1 % également.

Lexamen des crédits par titre montre que les dépenses de fonctionnement (Titre 3) sont en augmentation, +3,7 % en AE et CP, alors même que le programme perd 22 ETP, avec un plafond fixé à 1 686 contre 1 708 lan dernier.

Les dépenses d’intervention (titre 6) sont en revanche en forte diminution : un peu moins de 127 M€ sont demandés en AE et CP contre quelque 147 M€ votés en LFI 2018, soit une baisse de 13,3 % en AE et 12,5 % en CP !

L’examen des crédits par action laisse votre rapporteure dans une certaine perplexité, dans la mesure où il est notamment difficile d’en conclure qu’ils traduisent la priorité accordée à la prévention.

Globalement, l’action 11, « Pilotage de la politique de santé publique », perd quelque 3,1 %, en AE et 3,5 % en CP. Ce sont les dépenses d’intervention qui sont surtout affectées, avec une baisse de 17,1 % (AE=CP, 76,3 M€ demandés contre 92,04 M€), alors que les dépenses de fonctionnement sont orientées à la hausse : + 4,3 %. Près de 80 M€ sont consacrées aux dépenses d’actions contentieuses et juridiques, et 153,74 M€ représentent la subvention pour charges de service public allouée à l’Agence nationale de santé publique, ANSP, financée exclusivement par l’État.

Laction 12, « Santé des populations », gagne en revanche + 6,87 % en AE=CP, ce dont votre rapporteure se félicite, ces crédits participant de la politique de prévention, à destination des populations en difficulté, des mères et enfants, et des problématiques de violence, mais fort modestement, puisquils se limitent à 1 M€.

L’action 14, « Prévention des maladies chroniques et qualité de vie des malades », est stable, quoiqu’en très légère diminution en ce qui concerne les AE (- 260 K€), les CP étant en augmentation de 1,4 %. Elle finance essentiellement l’Institut national du cancer, INCa, et, de manière bien plus modeste (4,8 M€), la santé sexuelle et reproductive.

De son côté, la « Prévention des risques liés à lenvironnement et à lalimentation », action 15, perd 1,1 % (AE=CP). Cette ligne finance entre autres plusieurs plans d’action, dont des dépenses du plan chlordécone.

L’action 16, « Veille et sécurité sanitaire », bénéficie d’une hausse considérable de sa dotation, +40,9 % en AE=CP, avec 1,61 M€ demandés contre 1,14 M€ votés en 2018. Les crédits consacrés à la « Politique des produits de santé et de la qualité des pratiques et des soins », action 17, sont en légère baisse mais relativement stables en proportion, - 0,2 %. La subvention pour charges de service public allouée à l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, ANSM, s’élève à près de 118 M€, soit 97 % des crédits de cette action. L’action 19, « Modernisation de loffre de soins », est augmentée de 6,5 % en AE et de 6,3 % en CP.

récapitulation des crédits par programme et par action

Source : PLF 2019, Projet annuel de performances, Mission santé, page 11

Concernant spécifiquement les crédits de ce programme pour les outre-mer, le Gouvernement a retracé dans le tableau suivant leur évolution sur la période 2014-2018 :

 

Source : Ministère des solidarités et de la santé

Selon le ministère, cette évolution à la baisse résulterait d’une part, de changements de périmètre, et d’autre part, de mises en œuvre de projets de prévention et de crises sanitaires et de l’augmentation du subventionnement des agences sanitaires.

Les crédits État pour le Fonds d’intervention régional ont en effet été transférés à l’assurance maladie en LFI 2017. Sur la période 2014 à 2016, 4,50 M€, 16 M€ et 15 M€ ont été versés aux ARS ultramarines.

Par ailleurs, il semble opportun de préciser que les études de préventions subventionnées sur le programme 204 sont réalisées principalement par des associations, des instituts et observatoires, et par des opérateurs de santé relevant du Progamme 204.

Si un grand nombre de ces études dure d’un à trois ans, des recherches peuvent nécessiter une mise en œuvre longue, comme les études sur le chlordécone (280 K€ par an), ESTEBAN (1 M€ sur 4 ans), la lutte anti‑vectorielle et les risques émergents (300 K€ par an).

Depuis 2017, l’État a ainsi engagé de nouveaux projets dont les principaux sont :

‑ santé sexuelle en Guyane (10 K€ par an) maintenu en 2018 et 2019 ;

‑ lutte contre VIH/IST en milieu carcéral et outre-mer (80 K€ par an) qui s’étendra jusqu’en 2019 ;

‑ accompagnement autonomie santé (projet de 2 425 M€ pour 5 ans) ;

‑ financement des registres des cancers de la Martinique et de la Guadeloupe par l’institut national du cancer (INCa) à hauteur de 388 K€ (maintenu en 2019) ;

‑ rattrapage de la vaccination à Mayotte par l’agence nationale de santé publique (ANSP) à hauteur de 3,80 M€.

Par ailleurs, l’année 2017 a été marquée par deux importants dispositifs d’intervention dont celui à Saint Barthélemy et à Saint-Martin suite au passage des ouragans « Irma » et « Maria » assuré par l’ANSP, pour un financement de 3,50 M€ et en Guadeloupe suite à l’incendie de l’hôpital de Pointe-à-Pitre assuré directement par la direction générale de la santé (DGS) à hauteur de 412 K€.

Enfin, si ce rapport est circonscrit aux seuls départements d’outre-mer, il convient de noter que ce programme 204 finance également les interventions en prévention et promotion de la santé de l’ARS de Saint Pierre et Miquelon, avec des crédits augmentés de 175 % entre 2014 et 2018, et le fonctionnement de l’ARS de Wallis et Futuna dont la subvention versée a augmenté de 14 % sur la même période.

Au regard de ces données, il apparaît que les crédits alloués aux outre-mer ne subissent pas l’impact de -5 % correspondant au taux d’économie souhaité par le Gouvernement. En périmètre courant, les crédits 2018 en CP sont de +13.26 % par rapport à ceux de 2014, et en périmètre constant (hors changement de périmètre) l’augmentation est de + 29.5 % en CP.

● Le Programme 183 (Protection maladie)

À l’inverse du programme 204, le programme 183 bénéficie d’une forte augmentation : 942,90 M€ sont demandés en AE=CP contre 889,7 M€ votés en LFI 2018, soit une hausse de près de 6 % (+5,98 %). Cette augmentation se fait au seul profit de l’Aide médicale d’État, pour laquelle 934,9 M€ en AE=CP sont demandés (contre 881,7 M€ l’an dernier), le Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante restant en revanche stable à 8 M€ (AE=CP) d’une année sur l’autre.

2.   La nécessité d’une lecture croisée avec le PLFSS

a.   Le Fonds d’intervention régional

Chargées de mettre en œuvre la politique nationale de santé au niveau régional dans ses divers volets, les ARS reçoivent leurs budgets de plusieurs sources et notamment du Fonds d’intervention régional, FIR, qui leur permet de financer les actions, expérimentations et, le cas échéant, structures qu’elles mobilisent et qui concourent à la promotion de la santé et à la prévention des maladies, traumatismes, handicaps et pertes d’autonomie ([25]). La fongibilité des crédits, prévue à l’article L. 1434-8 du code de la santé, donne en outre aux ARS la possibilité de répartir les financements à leurs dispositions en fonction des priorités territoriales qu’elles auront définies.

Le FIR finance cinq missions différentes :

1) la promotion de la santé et la prévention des maladies, des traumatismes, du handicap et de la perte d’autonomie ;

2) l’organisation et à la promotion de parcours de santé coordonnés ainsi que la qualité et la sécurité de l’offre sanitaire et médico-sociale ;

3) la permanence des soins et la répartition des professionnels et des structures de santé sur le territoire ;

4) l’efficience des structures sanitaires et médico-sociales et l’amélioration des conditions de travail de leurs personnels ;

5) le développement de la démocratie sanitaire.

Au niveau national, dans l’ensemble, les ARS consacrent proportionnellement des moyens relativement modestes - un peu plus de 14 % -, à la mission 1, comme le résume le tableau ci-dessous.

Source : ARS de Guyane

Consécutivement, une analyse cohérente et exhaustive de la problématique de la prévention dans les outre-mer suppose de s’écarter des seules dispositions du PLF pour étudier les moyens mis en œuvre par les ARS via le FIR dont les montants sont déterminés en loi de financement de la sécurité sociale.

On rappellera également que, selon les données fournies dans le PLFSS 2019, la « prévention institutionnelle », financée ou organisée par des fonds et des programmes de prévention nationaux ou départementaux, s’est élevée à 6,1 milliards d’euros en 2017, en hausse de 4,2 % par rapport à 2016. Elle représente aujourd’hui 91 euros par habitant.

Dans cet ensemble, comme le montre le tableau ci-dessous, la prévention individuelle a représenté 3,8 milliards, en hausse de 2,9 %, et la prévention collective 2,3 milliards d’euros, en hausse de 6,3 %. Ces données globales sont intéressantes pour étayer les comparaisons avec les régions ultramarines, sachant que, pour l’année 2017, le montant total des crédits délégués aux ARS ([26]) via le FIR s’est élevé à 3,355 milliards d’euros sur l’ensemble des régions, dont 199,63 M€ pour celles de Guadeloupe (44,94 M€), Guyane (31,8 M€), Martinique (46,31 M€) et Océan indien, pour La Réunion et Mayotte, (76,58 M€).

Pour mémoire, l’article 6 du PLFSS 2019 a rectifié à 3,3 milliards d’euros le montant des dépenses relatives au FIR voté en LFSS initiale en 2018, qui avait été fixé à 3,4 milliards (article 75, LFSS 2018). Le PLFSS a également déterminé le montant des dépenses du FIR à 3,5 milliards d’euros pour 2019 (article 53 du PLFSS).

estimation des dépenses de prévention institutionnelle

Source : PLFSS 2019, annexe 7, page 23.

b.   Les crédits du FIR pour la prévention en outre-mer

Sur l’année 2018, les crédits du FIR se sont élevés à 207 M€ pour les outre-mer. Selon les éléments qui ont été communiqués à votre rapporteure, en 2017, les ARS ultramarines ont consacré au total 47,3 M€ à la prévention ce qui représente plus de 23 % des crédits 2018 du FIR (199,6 M€), comme le montre le tableau ci-dessous. Les politiques que conduisent les ARS sur la base de leurs documents stratégiques ne semblent donc pas, facialement, dépourvues de moyens.

 

Source : ministère des solidarités et de la santé

c.   Le détail des financements par DROM

i.   Martinique

En Martinique, en matière de prévention, l’ARS a ainsi travaillé ces dernières années selon deux axes pour mettre en œuvre cette stratégie.

En premier lieu, le soutien aux associations martiniquaises, dans une perspective de professionnalisation, de soutien méthodologique, en collaboration avec lInstance régionale déducation et de promotion de la santé, IREPS. Des conventions d’objectifs pluriannuels ont été conclues, qui permettent de dessiner des trajectoires et conférer une visibilité budgétaire aux partenariats.

Par ailleurs, pour maintenir le niveau de protection collective, l’ARS a repris à sa charge le dispositif de vaccination gratuite auparavant de la responsabilité du conseil général. Elle mène également une activité soutenue sur les problématiques de VIH, en partenariat avec la COREVIH ([27]), qui s’est notamment traduite par l’habilitation de deux CeGIDD ([28]). Sur les dernières années et jusqu’à aujourd’hui, les moyens budgétaires se sont répartis comme ceci ([29]) :

Source : ARS de Martinique

Dans le détail et compte tenu de la prégnance des problématiques de santé en Martinique (contamination au chlordécone, prévalence de l’obésité et des comportements addictifs), votre rapporteure s’inquiète de la baisse drastique des crédits en faveur de la prévention contre les addictions et maladies sexuellement transmissibles.

ii.   Guyane

En Guyane, les priorités se sont notamment traduites sur la période récente par le développement d’actions de vaccination et de lutte contre diverses pathologies, au premier rang desquelles la tuberculose, la lèpre, le renforcement des CeGIDD et la prévention du VIH, ainsi que des mesures de lutte anti-vectorielle (entre autres, la fièvre jaune).

Les actions de soutien et le développement de partenariats constituent également un axe important. Sur un FIR d’un montant global de quelque 33,2 M€, près d’un tiers sont consacrés à des actions de prévention, ainsi que le reflète le tableau ci-dessous, auxquels s’ajoutent plus de 500 000 euros financés sur appels à projets.

Source : ARS de Guyane

iii.   Guadeloupe

De son côté, l’ARS de Guadeloupe consacre quelque 7,1 millions d’euros en 2017 à sa politique de prévention, en augmentation régulière, puisque l’enveloppe était de 6,8 M€ en 2016 et 6,2 M€ en 2015. La part la plus importante, 1,7 M€, soit près de 24 %, est affectée aux CeGIDD, la « promotion de la santé » se voyant créditée de plus de 500 000 euros, les vaccinations de 750 000 euros.

Financement de la prévention Guadeloupe

 

2015

2016

2017

Actions pilotage SP

 

473 664

12 800

Actions soutien CLS

 

87 055

369 864

action de veille

52 013

65 810

50 000

Évaluation expertise

206 000

229 000

322 357

Pôles régionaux PRC

 

 

56 800

dépistage néonatal surdité

 

2 100

9 800

cancers autres

25 000

25 000

26 000

prévention pratiques addictives

70 557

133 500

7 126

promotion de la santé mentale

83 104

40 000

45 000

prév. Pathologie cardio-vas

58 456

67 000

45 000

promotion nutrition

6 584

465 000

413 938

lutte obésité

19 464

153 530

240 085

prév maladies chroniques

210 760

94 775

97 000

Educ thérapeutique

440 730

141 840

15 600

prom santé population

 

358 877

515 800

pénita pt enfance

122 810

15 000

241 450

lutte contre les traumatismes

 

0

0

vaccinations

661 051

724 934

750 934

Vaccinations, autres

9 253

 

 

dispositif de LAV

 

0

40 104

cancers structures

535 696

494 175

774 474

Ciddist

 

0

 

SIDA- IST hépatites

862 110

381 915

390 446

SIDA- IST hépatites, autres

561 353

 

 

Tuberculose

845 954

946 000

845 955

CéGIDD

 

1 785 988

1 714 658

Prévention handicaps

 

119 809

127 400

santé population en difficulté

701 362

 

 

Autres actions (2015)

743 279

 

 

TOTAL

6 215 536

6 804 972

7 112 591

Source : ARS de Guadeloupe

iv.   Mayotte

À Mayotte, comme le met en lumière le tableau ci-après, l’essentiel des crédits du FIR sont également consacrés à la prévention. La hausse considérable visible pour 2018 reflète l’accord intervenu au printemps dernier pour sortir de la crise mahoraise, l’ARS de l’Océan indien ayant alors bénéficié d’un abondement de 3,9 M€ sur le FIR 2018, pour augmenter la part consacrée à Mayotte de 50 %.

Source : ARS de Mayotte

Les principales thématiques couvertes par les dépenses de prévention concernent les maladies infectieuses, la santé sexuelle et les risques nutritionnels :

Source : ARS de Mayotte

Au global, votre rapporteure constate ainsi que l’ensemble des ARS ultramarines consacrent des budgets souvent plus importants à la prévention que les autres, et ce dans des proportions parfois conséquentes.

C’est particulièrement vrai à Mayotte, où ce sont ainsi plus de 68 % du FIR qui seront affectés à la mission 1, soit quelque 8,1 M€ sur 11,9 M€, et en Guyane près de 29 %. Dans d’autres régions, les crédits de prévention sont bien plus proches de la moyenne nationale : en Guadeloupe, 7 M€ sur un FIR global de 44,90 M€ en 2017 représentent près de 17 %. En Martinique, ce sont 13,4 % du FIR qui ont été fléchés vers des actions de prévention.

Source : ARS de Guyane

II.   derriÈre l’affichage, les moyens en faveur de la prÉvention outre-mer doivent Être encore renforcÉs et adaptÉs aux rÉalitÉs du terrain

A.   des rapports alarmants, et aprÈs ?

1.   Le constat sans appel de la Cour des comptes en 2014

Le rapport public thématique que la Cour des comptes publiait en juin 2014, « La santé dans les outre-mer, Une responsabilité de la République » ([30]) dressait un constat sans appel.

Après avoir présenté la situation sanitaire des outre-mer français qui, pour être « incomparablement meilleure que beaucoup des pays qui les entourent », présente néanmoins les caractéristiques préoccupantes que votre rapporteure a rappelées précédemment, la Cour décrivait des systèmes de santé ultramarins en souffrance. Trois axes d’analyse lui permettaient d’illustrer cette réalité.

En premier lieu, la prévention, partout inscrite comme priorité, a été perdue de vue au profit de la prise en charges des urgences et de la médecine curative. En 2014, le déséquilibre dans l’affectation des moyens est conséquent et, pour la Cour, « les dépenses de santé sont de ce fait si fréquemment limitées quil en résulte des pertes, non mesurées, de chance et des dépenses de soins qui pourraient être évitées ».

Faibles, et en outre mal connues, les dépenses de prévention dans les outre-mer sont également erratiques, comme le reconnaissait la CNAMTS, qui ne consacrait que 8 euros par an et par habitant à la prévention en Guadeloupe, 7 en Martinique, et seulement 3 en Guyane et à La Réunion. Les financements additionnels sur projets présentés par les caisses, hors programmes nationaux, sont quant à eux insignifiants : 1 centime par an et par habitant entre 2010 et 2013 à La Réunion, 11 centimes en Guadeloupe ou 62 centimes en Guyane.

En parallèle, les disparités en matière de protection maternelle et infantile sont fortes. Si certains territoires, telle la Guadeloupe, connaissent une situation et des indicateurs proches de ceux de la métropole, d’autres sont dans un état préoccupant. À Mayotte, compte tenu de la démographie professionnelle, la PMI est en surtension sans avoir les moyens de faire face à ses tâches et les objectifs fixés, par exemple en matière de réduction de la mortalité maternelle et infantile, restent hors de portée.

Dans le même esprit, les dispositifs de santé scolaire et universitaire, « qui devraient jouer un rôle particulièrement important dans des territoires où laccès aux soins élémentaires est souvent difficile », sont souvent à renforcer : ainsi en Guyane, où seuls 35,1 % des enfants bénéficient effectivement du bilan médical prévu à l’article L. 541-1 du code de l’éducation, ou encore à Mayotte, où l’impasse a été faite sur la prévention scolaire. Il semble que la situation ne soit satisfaisante qu’en Guadeloupe et en Martinique.

Au niveau de lenseignement supérieur, les constats ne sont pas moins alarmants et la Cour met en lumière que les dispositifs de santé universitaire sont souvent insuffisants pour les étudiants en situation difficile : ainsi, luniversité Antilles-Guyane qui ne dispose que de 1,3 ETP de médecins, faiblement rémunérés, est démunie pour mener une politique de prévention, situation des plus regrettable dans un contexte où surpoids, violences intrafamiliales, addictions, alcoolisation, IST et grossesses non désirées, sont fréquents.

La Cour des comptes concluait son analyse du volet DOM du plan de lutte contre le VIH sida 2010-2014 par certains points positifs. Ainsi, le fait que la prévention était assurée en plusieurs langues, avec « groupement dachats de préservatifs, éducation scolaire à la sexualité, messages adaptés localement, analyse des conditions de vie des patients, projets interrégionaux mobilisant des organismes internationaux. ». Pour autant, des problèmes restaient non maîtrisés, comme les difficultés de contacts avec les plus précarisés (étrangers, personnes prostituées ou isolées), les retards au dépistage, porteurs de graves conséquences dans le traitement de la maladie, et un moindre suivi dans le système de soins, notamment en Guyane et à Saint Martin. Au final, prévention et dépistage étaient jugés insuffisants.

Pour la Cour des comptes, la médecine ambulatoire, qui répond aux souhaits des patients et aux exigences économiques, s’impose davantage dans les outre-mer qu’en France hexagonale, compte tenu du contexte de précarité fréquente des populations et des caractéristiques géographiques des territoires, l’isolement de certaines communautés et l’insularité aggravant certains facteurs. Si une région comme La Réunion bénéficie d’une densité de médecins généralistes satisfaisante, leur répartition sur le territoire montre néanmoins de grandes disparités entre zones sur-dotées et déserts médicaux qui exposent certaines populations, souvent les plus défavorisées, à de réelles pertes de chance. La pénurie de certaines professions renforce cet état de fait que les services d’urgence hospitaliers, saturés, ne peuvent compenser. La démographie professionnelle est en effet telle que l’hôpital est devenu le pôle central du système de soins.

Problématique en termes d’offre de soins, cette situation n’est pas sans conséquence sur la gestion publique. L’« hospitalocentrisme » est en effet coûteux sans que les performances soient toujours au rendez-vous : les niveaux de service sont extrêmement variables, les taux de maladies nosocomiales élevés, et l’offre de soins dans certains secteurs - cancérologie, psychiatrie – insuffisante, voire absente, qui oblige à procéder à un nombre élevé d’évacuations sanitaires, entre autres vers la France hexagonale.

Pour la Cour des comptes, malgré de substantiels efforts financiers, l’organisation des systèmes de soins dans les outre-mer a très inégalement progressé sur le terrain et « les actions de prévention nont pas bénéficié dune priorité qui permettrait de réduire les surcoûts et plus encore les pertes de chance. » De son côté, dans le secteur hospitalier, « nombre de services combattent, au mieux des moyens dont ils disposent, des risques sanitaires dune ampleur et dune acuité particulièrement redoutables », et ce, dans un contexte de difficultés budgétaires lourdes et récurrentes, notamment aux Antilles. S’y ajoute une démographie professionnelle très problématique, caractérisée par de forts déséquilibres que le manque d’attractivité des territoires ne compense pas et qui impacte à son tour l’organisation et la qualité du service rendu.

2.   Des alertes relayées par l’ensemble des acteurs institutionnels

Diverses institutions se sont récemment penchées sur les problématiques de santé dans les outre-mer. Les conclusions qu’elles ont émises sont assez proches de celles qui avaient été formulées en 2014 par la Cour des comptes.

a.   L’avis du Conseil national du sida

Saisi par la Direction générale de la santé et la Direction générale des outre-mer, le Conseil national du sida, CNS, a rendu en janvier dernier un avis et des recommandations « sur la prévention et la prise en charge des IST en Guyane et dans les Antilles françaises » ([31]).

Sans détour, le CNS relève que, en dépit de leur intérêt majeur, les programmes de prévention financés par les pouvoirs publics sont structurellement faibles par rapport aux autres postes budgétaires. De sorte que, même si les crédits délégués aux ARS de Guyane et des Antilles ont bénéficié de rattrapages, les ressources que celles-ci ont allouées à la lutte contre les IST restent insuffisantes et « de nombreux besoins en termes de prévention sont insuffisamment couverts ».

Ces montants faibles et la dispersion des concours financiers de l’État en faveur de la prévention « participent dune logique de “saupoudrage” qui ne contribue pas à la lisibilité de la politique de prévention et de promotion de la santé », conclut le CNS, d’autant que les ARS ne recourent pas aux dispositifs de gestion qui leur permettraient d’allouer des crédits supplémentaires à la prévention, les mécanismes de fongibilité asymétrique étant peu ou pas utilisés.

Il ressort de cette situation que le soutien apporté aux opérateurs de terrain, qu’ils soient associatifs ou du champ médico-social, est également insuffisant pour permettre une mise en œuvre satisfaisante des programmes de prévention qui assurerait le maillage nécessaire des territoires.

En outre, les ressources humaines sont également insuffisantes et mal réparties sur les territoires, comme en Guyane où les particularités locales et la diversité sociale des populations justifieraient par exemple d’une offre mobile de prévention et de dépistage bien plus étoffée qu’elle ne l’est aujourd’hui.

Ce déficit en ressources humaines se constate également au niveau du tissu associatif qui manque en outre d’outils pédagogiques adaptés aux réalités locales pour assurer les missions d’éducation à la sexualité.

Trop hospitalo-centrée, l’offre de soins et de prévention dans les outre-mer ne prend pas en compte les contraintes économiques et de développement ni les problématiques d’infrastructures. C’est notamment le cas en Guyane, qui connaît une croissance démographique supérieure à 4 % l’an, où elle est à la fois insuffisante quantitativement - manque de personnel de prévention hospitalier à l’hôpital de Saint Laurent du Maroni, turn-over important, insuffisance de personnels sociaux - et inadaptée aux spécificités et contraintes locales pour aller aux contacts des populations comme elle le devrait, par exemple vers les consommateurs de drogues ou sur les sites d’orpaillage où sévit une prostitution importante, et ne permet pas de faire face à l’ampleur de l’épidémie, comme l’a confirmé le professeur Patrick Yéni, président du CNS lors de son audition.

Vétustes et sous-dimensionnées, les structures hospitalières sont en outre dans une situation financière catastrophique qui interdit toute nouvelle embauche et le tissu associatif, dynamique mais peu dense et fragile, ne peut compenser ces faiblesses.

b.   Les avis de la Commission nationale consultative des droits de l’homme

Partant de l’inquiétude exprimée en juin 2016 par le Comité des droits économiques, sociaux et culturels des Nations Unies ([32]), la Commission nationale consultative des droits de l’homme, CNCDH, s’est à plusieurs reprises penchée sur les problématiques sanitaires dans les territoires ultramarins.

Dans un « Avis sur le droit à la protection de la santé dans les territoires ultramarins » ([33]), rendu en octobre 2017, la CNCDH sinterroge notamment sur lefficience des systèmes de santé existants, et conclut que la situation sanitaire des populations doutre-mer, et la prévalence de certaines des pathologies chroniques qui les affectent, justifient quune attention particulière soit portée à la prévention.

Les constats formulés par la Cour des comptes en 2014 restent en outre dactualité. La Commission sintéresse notamment aux populations en situation de grande précarité dont elle a analysé la situation dans un autre avis ([34]) et souligne quil est paradoxal que la France, qui occupe la quatrième place des pays de lOCDE pour la part de PIB consacré à la santé, présente notamment de tels taux de mortalité prématurée et de telles inégalités de santé. Alors que notre pays a développé depuis près de vingt ans ([35]) des stratégies sanitaires en direction des plus défavorisés, elle constate que « les outre-mer ont peu bénéficié de ces programmes régionaux pour laccès à la prévention et à la santé des populations défavorisées (PRAPS) ». Aux contextes géographiques, faiblesses et difficultés propres des systèmes de santé locaux, sajoutent dautres déterminants qui sont autant dobstacles à laccès aux services, et la piètre performance des programmes de prévention, fréquemment relégués au second plan, nest pas le moindre.

Sur cet aspect, La CNCDH met notamment en lumière le cas de la prévention dans les champs de la protection maternelle et infantile et de la santé sexuelle et reproductive. Son « Avis sur les violences de genre et les droits sexuels et reproductifs dans les outre-mer » ([36]), publié en novembre 2017, s’alarme également du manque de moyens, humains et financiers, et de structures adaptées, qui sont autant d’obstacles à l’accès aux soins et surtout à la prévention. Les enquêtes démontrent ainsi que beaucoup de femmes restent pour ces raisons en marge des dispositifs existants, dont le nombre de grossesses non désirées, de premiers rapports non souhaités, de viols, et bien sûr de transmission du VIH et autres IST, sont les illustrations les plus flagrantes. À cet égard, l’avis de la CNCDH souligne que ce ne sont pas seulement les structures sanitaires qui sont ici en défaillance, mais que les actions de prévention en milieu scolaire que l’Éducation nationale doit mettre en œuvre en application de l’article L. 312-16 du code de l’éducation ([37]), sont également insuffisantes dans les contextes locaux : ainsi en est-il à La Réunion ou à Mayotte.

B.   Les carences du systÈme de prÉvention vues du terrain

1.   Les constats édifiants des acteurs locaux

Les nombreuses personnes que votre rapporteure a auditionnées partagent en grande partie ces constats et soulignent fréquemment le hiatus, et parfois les contradictions, entre les intentions affichées, les moyens et les décisions des pouvoirs publics. Pour prioritaire quelle soit, la prévention a encore du mal à simposer.

Marc Dixneuf, directeur général de Aides, et Enzo Poultreniez, responsable « Plaidoyer et revendications », faisaient ainsi le constat de déficiences en matière de prévention du risque de transmission des maladies sexuellement transmissibles dans les départements français d’Amérique :

– La PrEP y est encore très peu présente, l’accès aux préservatifs parfois même difficile, et dans certains cas très coûteux ;

– L’information quasi inexistante, par exemple au niveau des personnels soignants, qui ne sont pas formés à la prévention. Or, le contexte socio-culturel antillais, cf. la forte stigmatisation de l’homosexualité dans les territoires ultramarins ([38]), justifierait en premier lieu d’une adaptation des formations et des politiques d’éducation à la sexualité. Ce qui suppose d’y consacrer des moyens et, au-delà, de former des personnels professionnalisés en prévention, qui font actuellement défaut.

– De manière très concrète, les moyens logistiques qui permettent d’aller conduire des actions de prévention au plus près des populations isolées par la géographie des territoires, notamment en Guyane, ne sont pas non plus toujours à la hauteur.

– Au soutien du tissu associatif, enjeu majeur, s’ajoute la question de l’adaptation des campagnes d’information et de prévention qui restent étrangères aux réalités locales. Dans une logique de prévention efficace, il serait par exemple essentiel de décliner en créole les campagnes sur le sida de Santé publique France, et de sortir d’une homogénéité nationale qui en restreint l’impact.

Xavier Montserrat, directeur général-adjoint de l’ARS Océan indien et préfigurateur de l’ARS de Mayotte, soulignait le poids du contexte local de l’île pour expliquer la très grande difficulté pour les autorités sanitaires de pouvoir conduire des politiques de prévention sur ce territoire :

– Le système de santé est en effet dans une situation de pénurie de moyens, notamment humains, considérable : la prévention ne peut qu’être une gageure sur une île où à peine trois médecins sont en charge de quelque 100 000 jeunes scolarisés, où le nombre d’infirmiers de santé scolaire est également des plus réduit. Cela impacte par exemple les politiques de prévention en matière de santé sexuelle et de grossesses précoces, qui restent un enjeu majeur.

– Les difficultés de recrutement et de fidélisation des professionnels dans le secteur de la prévention, pour les PMI, ou de personnels sanitaires, sont extrêmes et prendront du temps à se résorber. Cette situation explique la défaillance de la PMI qui ne peut remplir ses missions. Ainsi, pour assurer la vaccination des enfants, la réserve sanitaire a dû être mobilisée ces derniers mois pour effectuer une remise à niveau indispensable à la réduction des risques collectifs.

– Dans le même temps, certaines professions médicales sont absentes du territoire mahorais : l’île ne compte pas de cardiologue ni de cancérologue, ou encore un seul diabétologue alors même que 10 % de la population sont diabétiques, illustration, avec l’augmentation de la prévalence du surpoids et de l’obésité, de l’explosion des maladies chroniques dues à une transition nutritionnelle trop rapide.

– Comme sur d’autres géographies ultramarines, le système de santé à Mayotte se trouve en conséquence excessivement hospitalo-centré, avec un taux de prise en charge en service d’urgences considérable, 55 000 par an, et un millier d’évacuations sanitaires, en direction de La Réunion pour 90 % d’entre elles. Dans un contexte mêlant forte immigration et prostitution, la problématique du VIH fait l’objet d’une vigilance forte qui, pour le moment, a heureusement permis de maintenir la situation sous contrôle.

Toutes choses égales par ailleurs, on retire des propos de Marie-Françoise Émonide, directrice de la santé publique de l’ARS de Martinique, que la situation de la prévention y est assez comparable :

– Les acteurs associatifs ont besoin d’un fort soutien, de professionnalisation et de structuration pour leur permettre d’agir sur des problématiques complexes. Faute qu’il en soit ainsi, on constate depuis quelques années une baisse du niveau de leurs compétences pour porter les projets efficacement.

– La problématique du VIH est jugée en revanche différente de ce qu’elle est dans le reste des Antilles, les actions de prévention et de suivi des patients étant bien développées, avec un taux de dépistage élevé. Les enjeux se situent aujourd’hui essentiellement au niveau de l’accès aux populations marginales pour lequel il faut des solutions innovantes en partenariat avec les acteurs associatifs. Le champ reste à creuser et renforcer mais cette ambition semble pour l’heure hypothéquée au vu de la politique de casse des contrats aidés entreprise par l’actuel Gouvernement.

Si l’ARS de la Guyane s’est donnée les moyens de mettre en œuvre une politique de prévention à la hauteur des enjeux en se dotant notamment d’une direction de la santé publique, en y consacrant une part de sa dotation supérieure à ce qui est fait dans les autres outre-mer ou en Hexagone, le contexte local, comparable à celui de Mayotte, est des plus difficile :

– Certaines des thématiques sont cruciales, comme la prévention des IST, le dépistage du VIH ou les grossesses précoces, et les associations sont loin de pouvoir répondre aux besoins, selon Jacques Cartiaux, directeur général de l’ARS. Les populations des zones les plus isolées du territoire sont souvent hors de portée.

– Comme ailleurs, la faible attractivité de la région impacte lourdement l’activité des associations en manque de ressources humaines, et, sauf sur le littoral, certaines professions médicales essentielles dans une perspective de prévention sont en souffrance, comme la psychiatrie ou la PMI qui n’a plus de directeur depuis deux ans. Mis à part Cayenne, mieux doté que la France hexagonale en généralistes, des filières sont en jachère et certains secteurs en très grande difficulté, comme la cardiologie. Pour plusieurs pathologies, la perte de chance qu’évoquait la Cour des comptes en 2014 reste une réalité du fait des faiblesses du système de santé.

– Sans doute plus que dans les autres territoires ultramarins, la géographie guyanaise impacte directement l’offre de prévention primaire et secondaire, par exemple sur des problématiques comme les IST et les grossesses précoces. Se pose enfin en Guyane comme ailleurs le problème d’une offre appropriée aux populations des territoires, d’autant plus aiguë s’agissant des populations autochtones.

Par comparaison, La Réunion et la Guadeloupe semblent, en apparence, être des territoires mieux dotés. Gilles Vignon, directeur général de lARS de La Réunion, met en avant les problématiques sur lesquelles lagence a mis laccent depuis longtemps en matière de prévention, telles les addictions, les violences faites aux femmes, le VIH, traitées de manière interinstitutionnelle et avec lensemble des partenaires concernés. Ce sont surtout des ajustements qui sont nécessaires au vu des évaluations effectuées, par exemple pour une amélioration de la formation des intervenants sur la prévention du VIH.

Pour les responsables de lARS et de lIREPS de Guadeloupe, en revanche, une véritable dynamique sest instaurée en matière de prévention dans une démarche de modernisation de cette approche, voulue comme intégrative. La prévention est une préoccupation aujourdhui transversale qui imprègne tous les axes dactivité de lagence. Sagissant de la problématique spécifique du VIH et de la santé sexuelle, les choses progressent avec les associations qui montent en puissance. Pour autant, même si des actions sont en cours pour ladaptation des messages nationaux de prévention aux réalités locales, le dépistage reste encore trop tardif et toujours en-deçà des objectifs de lOMS, léducation à la sexualité ou le travail sur limplantation du préservatif dans les collèges restant des sujets compliqués, notamment pour des raisons religieuses.

Toutefois, faute d’avoir pu obtenir des données et avis signifiants, votre rapporteure estime que la politique de prévention dans ces deux départements ne peut malheureusement être jugée suffisante au vu de la prégnance des pathologies et des conduites addictives qui tendent parfois à s’amplifier.

2.   Des moyens à peine suffisants eu égard à l’ampleur des besoins

Jacques Cartiaux, directeur général de l’ARS de la Guyane, a souligné que l’agence s’était armée pour renforcer sa politique de prévention en se dotant d’une direction de la santé publique. Elle disposerait désormais des compétences nécessaires, y compris en ce qui concerne le pilotage administratif et les relations avec les réseaux associatifs et des collectivités territoriales. En outre, il soulignait la souplesse du Fonds d’intervention régionale, dont le budget est en quasi-totalité fongible, ce qui lui permet de pouvoir consacrer à la prévention une part du budget supérieure, comme on l’a vu, à ce qui est pratiqué dans les autres outre-mer ou en Hexagone. Cela étant, les moyens n’en font pas moins défaut pour traiter comme il le faudrait plusieurs problématiques, telle la fièvre jaune ou certaines vaccinations, pour lesquelles les perspectives sont problématiques. En d’autres termes, si le FIR permet d’être proactif, certains postes restent insuffisamment dotés, compte tenu de l’ampleur des besoins.

Cest également ce quil a été indiqué à votre rapporteure sagissant dun territoire dont la situation est assez peu comparable à celui de la Guyane : en Martinique. Dans cette région, les moyens financiers mériteraient dêtre renforcés pour soutenir comme il se devrait les acteurs associatifs qui ont besoin de professionnalisation et de structuration pour leur permettre dagir efficacement sur des problématiques complexes.

En Guadeloupe, si les moyens consacrés à la prévention sont jugés suffisants par l’ARS, il n’en reste pas moins que l’enveloppe de la mission 1 n’avait par exemple pas permis de financer la totalité des actions de certains des CeGIDD, en matière de prévention, de vaccination et de violences sexuelles.

À Mayotte, comme on la dit, le plan adopté en mai dernier prévoit daugmenter de 50 % le Fonds dintervention régional en 2018 (de 7,5 à 11,7 M€), qui sera doublé en 2019 par rapport à 2017, pour atteindre 15,6 M€, qui permettra de mettre en place un programme de santé publique en faveur de ce territoire. Ces changements importants dans les moyens attribués seront a priori un ballon doxygène essentiel compte tenu des très lourdes difficultés auxquelles le territoire fait face. Cela étant, si une dynamique sest instaurée, les besoins restent immenses et nombre de chantiers ouverts sont à renforcer, ne serait-ce que pour faire monter les compétences des acteurs de terrain afin de renforcer les chances de succès des projets. Cela suppose aussi que les moyens de lARS soient eux-mêmes renforcés pour accompagner la montée en puissance de ses partenaires et assurer le suivi et lévaluation de leurs activités.

En matière de lutte contre les addictions, il est urgent que soit mis en place à Mayotte un dispositif adapté aux spécificités de lîle et des habitants, et en mesure de répondre aux besoins du territoire. LARS a ainsi informé votre rapporteure que la plupart des jeunes usagers ne peuvent parler de leur consommation à aucun adulte (excepté à la Maison des Adolescents à Mamoudzou). En outre, les usagers, et notamment les jeunes habitants hors de la capitale, sont très peu mobiles, et beaucoup ne peuvent se rendre aux consultations à Mamoudzou. Par ailleurs, ils nont parfois pas dadultes de leur entourage pour les accompagner, ce qui implique que des intervenants de prévention prennent le relais. Il est utile de rappeler quen dehors du centre daddictologie du Centre Hospitalier de Mayotte, il nexiste aucune structure de prise en charge ou de réduction des risques à Mayotte, du type CAARUD ou CSAPA.

LARS Océan Indien a, à ce titre, formulé officiellement en mars 2018 une demande de création dune structure adaptée à la Direction Générale de la Cohésion Sociale ainsi quà la Direction Générale de la Santé, demande restée sans réponse jusquà ce jour.

Une telle structure, soutenue par votre rapporteure, nécessiterait environ 19 personnes afin de :

 mener des actions de repérage et de réduction des risques au plus près des consommateurs ;

 assurer une prise en charge et des soins en consultation de proximité ;

 permettre laccueil et lécoute des usagers et de leur famille ;

 réaliser des actions de prévention en faveur du public cible.

Le dispositif envisagé, pour un coût total denviron 1,4 million deuros, serait de proximité, mobile et en réseau avec les partenaires institutionnels et associatifs œuvrant déjà dans ce champ.

Après les dirigeants des ARS, les représentants de Aides auditionnés par votre rapporteure ne sont ainsi pas les seuls à avoir insisté sur le besoin pour le secteur associatif dêtre renforcé, soutenu et professionnalisé. Intervenant dans un champ notablement différent, Bernard Basset, vice-président de lAssociation nationale de prévention en alcoologie et addictologie, ANPAA, et Nelly David, directrice générale, ont également indiqué la grande souffrance des associations en manque cruel de moyens et la nécessité dans laquelle elles se trouvent dêtre renforcées pour pouvoir assumer au mieux les missions de prévention qui leurs sont confiées.

Les exemples pourraient être multipliés à loisir mais le format de cet avis budgétaire contraint à un exposé malheureusement trop court. Quil suffise à votre rapporteure de conclure ce développement en soulignant que, pour importantes quelles puissent paraître, les enveloppes du FIR que les ARS ultramarines consacrent à la politique de prévention ne sont pas exagérément dotées : en témoigne la lenteur avec laquelle la situation sanitaire des populations des outre-mer saméliore, qui montre limmensité des besoins qui restent encore à satisfaire par les systèmes de santé pour que le différentiel intolérable avec la métropole se résorbe.

En témoignent, par exemple, les caractéristiques et la gravité de l’épidémie de VIH : il y a aujourd’hui dix fois plus de nouveaux cas d’infections par le VIH dans certains territoires de la République, la Guyane notamment, qu’en Hexagone, incidence comparable à ce qui est observé en Afrique subsaharienne !

Cette situation, selon le professeur Patrick Yéni, président du CNS, met clairement en lumière linsuffisance à la fois quantitative de loffre de prévention et de soins qui ne permet pas de faire face à lépidémie, et qualitative, dans la mesure où elle reste inadaptée aux spécificités et contraintes des régions concernées.

C.   Des mesures gouvernementales aux effets dévastateurs pour la santÉ publique

Dans le cadre des contextes ultramarins et des problématiques complexes auxquelles ces territoires sont confrontés, certaines mesures adoptées ou envisagées dans le PLF contrebalancent par ailleurs gravement les moyens affectés à la prévention.

1.   La suppression des contrats aidés : un coup de poignard pour la politique de prévention

Le secteur associatif, tous champs d’intervention confondus, représente plus du tiers du total des emplois aidés. Leur suppression est évidemment une mesure particulièrement coûteuse pour les associations, puisque, selon le Mouvement Associatif, ce sont quelque 12 500 employeurs associatifs qui ont disparu de ce fait au niveau national en 2017.

L’an dernier, plusieurs de nos collègues, élus de circonscriptions ultramarines ([39]), s’étaient émus de l’impact brutal de la suppression de contrats aidés sur l’activité des associations intervenant outre-mer, notamment celles œuvrant dans le champ social et sanitaire. Le Gouvernement leur avait répondu qu’il maintenait les secteurs d’urgence en matière sociale et de santé parmi ses deux priorités thématiques, et l’outre-mer parmi ses deux priorités géographiques. Pour autant, selon un rapport d’information présenté par MM. Alain Dufaut et Jacques-Bernard Magner, sénateurs, cela s’est avéré « insuffisant pour compenser les effets néfastes de la limitation drastique du nombre de contrats aidés. » ([40]).

C’est la raison pour laquelle votre rapporteure s’est intéressée aux effets de cette mesure sur l’activité des associations actives dans le champ de la prévention dans les outre-mer. Si certaines, telles Aides, disposant d’un budget de fonctionnement conséquent, sont suffisamment importantes pour être en mesure de faire face à un aléa financier de cette ampleur, il n’en est pas de même pour des structures plus fragiles. Or, pour être d’une surface souvent bien plus réduite, elles n’en ont pas moins un rôle très important sur le terrain.

Selon les témoignages recueillis par votre rapporteure, en Martinique ou à La Réunion, notamment, les conséquences ont effectivement été sévères et lon peut conclure que la suppression des contrats aidés sest traduite pour le secteur associatif ultramarin du champ sanitaire par une perte importante de compétences et consécutivement, par un impact négatif et clairement contradictoire avec les priorités de prévention annoncées par le gouvernement.

Les contrats aidés accordés aux associations leur avaient notamment apporté un soutien important pour leur développement, et leur plus-value était manifeste, en particulier dans les associations de proximité. La possibilité dy recourir sétait avérée déterminante pour le fonctionnement de celles intervenant dans le champ sanitaire et social.

Leur suppression s’est traduite par un affaiblissement brutal des associations, à deux niveaux :

– En premier lieu, en termes de pertes de compétences d’intervenant qui avaient reçu une formation, qui avaient souvent noué les liens de confiance indispensables pour travailler auprès des populations cibles qu’il est parfois difficile d’approcher (phénomène de pudeur dans l’expression des besoins et de la souffrance).

– En second lieu, en pertes sur les fonctions support, en compétences managériales, administratives, financières, pour lesquelles ces dispositifs étaient parfois la seule possibilité de pouvoir les financer. Il en est logiquement résulté des retards dans la gestion des dossiers, une surcharge de travail administratif pour les employés restant.

On rappellera que, dans le même temps et paradoxalement, la politique nationale de santé a reconnu le rôle éminent des associations, notamment en matière de prévention dans les outre-mer, ce que l’ensemble des acteurs confirment, comme on l’a relevé.

Très récemment, le Plan national « Priorité prévention » a d’ailleurs fixé comme priorité nationale des mesures favorisant le déploiement des associations sur le terrain en leur proposant un appui logistique en ingénierie, pour renforcer leurs compétences, notamment dans la création de dossiers d’appels d’offres, secteur complexe et chronophage. La coopération entre professionnels soignants et associations œuvrant dans les champs de la prévention et de l’accompagnement est de même vivement souhaitée, de même que l’expérimentation d’actions innovantes associatives, par exemple vers les usagers de drogues ne fréquentant pas les structures d’addictologie, ou leur participation à l’offre de dépistage de proximité par les tests rapides d’orientation diagnostique, TROD ([41]).

Il est donc particulièrement regrettable que dans ce contexte sanitaire ultramarin difficile, le Gouvernement ait fragilisé lui-même le tissu associatif qu’il considère par ailleurs comme essentiel à la déclinaison efficace de sa politique de santé publique sur le terrain.

2.   L’article 27 du PLF : une mise à mal inconsidérée de la politique de prévention en Guyane

L’article 27 du PLF organise la recentralisation du revenu de solidarité active, RSA, en Guyane et à Mayotte, conformément à ce que le président de la République avait annoncé lors de son déplacement en Guyane en octobre 2017. Aux termes de cette réforme, la gestion du RSA sera désormais confiée en totalité par délégation de l’État aux caisses d’allocations familiales en lieu et place des collectivités territoriales concernées. La reprise, par l’État, de l’attribution du droit au RSA peut donc apparaître comme un engagement tenu par le Gouvernement. Cependant, et comme il est désormais d’usage depuis sa mise en place, ce Gouvernement, sous couvert de prendre une décision attendue par tous, en profite pour à la marge et subrepticement faire des économies : ainsi cette recentralisation du RSA s’accompagne d’un allongement, pour la Guyane, de la durée de résidence préalable pour les étrangers venant de pays non membres de l’Union européenne, de 5 à 15 ans. Une condition similaire, d’une durée de 5 ans, est également introduite pour le bénéfice du RSA majoré.

Votre rapporteure considère que cette disposition peut être lourde de conséquences en matière de santé publique en ce qu’elle contrevient dramatiquement aux nécessités en matière de prévention.

En effet, l’expérience de terrain démontre que l’exigence de résidence ininterrompue est quasiment impossible à satisfaire, ne serait-ce que pour une durée de cinq ans en métropole, et qu’il y a toujours des périodes de rupture entre deux titres de séjour. Consécutivement, l’adoption de l’article 27, qui exclura les étrangers du dispositif du RSA en Guyane, entraînera une aggravation de la précarité des migrants.

Sans jouer les Cassandre, l’exclusion du bénéfice du RSA pourrait ainsi dans certains cas faire basculer certains individus dans des conduites toxicologiques ou sexuelles (prostitution) à risques et, in fine, accroître la contamination, d’autant plus aisément que les acteurs de la prévention ont les difficultés d’accès que l’on sait dans les zones reculées et que la prévention n’est jamais une priorité des personnes en situation de précarité.

Il nest pas inutile à cet égard de rappeler les conclusions dune étude de Santé Publique France publiée en 2014 : « Les personnes touchées par le VIH/sida en Guyane sont issues pour une large part de cette population [immigrée] qui se caractérise aussi par une vulnérabilité sociale importante, notamment lorsquelles se trouvent en situation irrégulière de séjour. (…) Les enjeux sont donc très différents en termes de prévention. Ils nécessitent des réponses adaptées et spécifiques. Un renforcement de la prévention du VIH/sida est nécessaire parmi les populations les plus fragilisées sur le plan social, quelles soient nées en Guyane ou dans un pays voisin, avec une prise en compte de leur diversité sociale, culturelle, linguistique, migratoire, etc., dans une perspective de santé communautaire. Si la lutte contre les discriminations constitue un enjeu commun aux trois départements français dAmérique, la situation de la Guyane pose, plus quailleurs, la question de lintégration des populations migrantes et de leur accès à une pleine citoyenneté (accès à léducation, à linsertion sociale, à la prévention, aux soins, etc.). Par ailleurs, au sein de ces populations, la question se pose différemment pour celles mobiles qui vont et viennent entre les zones frontalières et pour celles qui résident de façon plus stable sur le territoire guyanais. » ([42]).

Il est dans ces conditions aisé de prévoir que, cette mesure, dont votre rapporteure ne conteste pas, par ailleurs, l’effet positif sous l’angle des finances publiques des collectivités territoriales concernées, est porteuse d’une aggravation des problématiques de santé publique du territoire guyanais dont on se rendra probablement dramatiquement compte dans quelques années.

3.   Focus sur l’insuffisante application de la loi pour la qualité de l’offre alimentaire

Selon les indications qui ont été données à votre rapporteure, la loi  2013453 du 3 juin 2013 visant à garantir la qualité de loffre alimentaire en outre-mer tarde à être appliquée, malgré un arrêté publié le 6 mai 2016. Les articles L. 3232-5 et L. 3232-6 du code de la santé publique qui en sont issus, pourtant précis, imposent que la teneur en sucres ajoutés des denrées de consommation courante distribués dans les territoires ultramarins ne dépasse pas celle dune denrée alimentaire similaire de la même marque distribuée en Hexagone.

D’après les informations qui ont été communiquées à votre rapporteure, il semble que certaines entreprises, comme à Mayotte, montrent seulement leur intention de commencer à se conformer à leurs obligations. Pour autant, cinq ans après l’adoption de la loi, ce mouvement reste bien trop timide. La situation sanitaire des populations d’outre-mer aujourd’hui sérieusement touchées par des pathologies d’origine nutritionnelle telles que le diabète, le surpoids, l’obésité ou les maladies cardiovasculaires, est dans le même temps trop grave pour que l’on continue de rester sur des positions attentistes, dans l’espoir que les industriels et distributeurs daignent se conformer à la loi.

Nos collègues membres de la commission d’enquête sur l’alimentation industrielle ([43]) ont récemment rappelé que le Haut Conseil de la santé publique invitait les pouvoirs publics, à l’instar de ce qui s’est fait dans plusieurs pays européens, à prendre désormais des mesures réglementaires pour contraindre l’industrie agroalimentaire à diminuer les teneurs excessives en sel, en sucre ou en gras, dans les produits qu’elle propose, dès lors que les entreprises avaient fait la preuve, depuis plus de quinze ans, de leur incapacité, dans la plupart des cas, à respecter leurs engagements en la matière.

Votre rapporteure souhaite vivement que le Gouvernement suive ces recommandations qui contribueront, au même titre que les politiques de prévention, d’améliorer l’état de santé des populations d’outre-mer et qu’il renforce outre-mer les moyens humains et financiers des Directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi – DIECCTE – afin que l’ensemble des contrôles sanitaires puissent être réalisés localement conformément aux dispositions légales.

 

 


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   Contribution au rapport du groupe modem

 

Madame la Rapporteure Hélène Vainqueur-Christophe sest attachée à choisir comme thème central de son avis budgétaire sur la mission santé du PLF 2019 la question de la prévention en santé dans les outre-mer. La situation sanitaire ultra-marine est alarmante : espérance de vie inférieure en comparaison de la métropole ; surmortalité prématurée ; taux de mortalité infantile élevés, forte prévalence de lobésité et des morbidités associées etc.

Dans son ensemble, aussi bien dans les territoires ultra marins que sur lhexagone, la situation est préoccupante et témoigne des lacunes de notre politique de prévention et déducation à la santé : différence de 13 années de vie entre les plus aisés et les plus défavorisés ; taux de mortalité prématurée évitable parmi les plus élevé dEurope ; comportements à risques plus présents chez les enfants douvriers que ceux de cadres etc.

En finançant un système de santé presque exclusivement fondé sur le soin – héritage historique des ordonnances de 1945 fondant notre système de solidarité national – la France a renforcé les inégalités face à la santé, inégalités qui trouvent essentiellement leurs racines dans les différences daccès aux actions de prévention. Les facteurs de risque individuels mais surtout collectifs ou environnementaux sont en effet autant de déterminants majeurs qui pèsent sur la santé des plus défavorisés. Et si leurs effets sont tardifs et sobservent principalement dans la deuxième partie de la vie, ces déterminants interviennent très tôt dès la grossesse et lenfance et peuvent être contrés sils sont appréhendés dès le plus jeune âge.

Dès la présentation stratégique de la mission, il est précisé que le Gouvernement « mène une politique globale de santé dont les objectifs sont de développer la politique de prévention », et plus particulièrement, le programme 204 intitulé « Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins » vise « à améliorer létat de santé général de la population dans un souci de réduction des inégalités sociales et territoriales de santé ». La présentation stratégique de la mission rappelle également que « la prévention et léducation en santé sont au cœur des politiques du programme 204 ». Or, les indicateurs de performance retenus pour lobjectif 1 du programme 204 « Améliorer létat de santé de la population et réduire les inégalités territoriales et sociales de santé » ne concernent que trois domaines très restreints qui peuvent paraitre éloignés de la prévention primaire et de léducation à la santé :

Comme le rappelle le rapport dinformation « Bâtir une politique de prévention santé en faveur de la jeunesse : comment réconcilier Hygée et Panacée » des co-rapporteurs Ericka Bareigts et Cyrille Isaac-Sibille, une politique de prévention efficace est une politique qui sattaque aux inégalités de destin dont fait partie intégrante la santé, dès le plus jeune âge. Plus les actions en faveur de la prévention sont mises en œuvre précocement, plus elles sont efficaces. Un article [44] publié en mars 2017 souligne que, pour un euro investi dans une intervention préventive, ce sont 14 euros en moyenne qui sont économisés par notre système social et sanitaire. Or, sur les trois indicateurs de performance retenus, seulement un seul est à destination dun public adolescent et aucun ne concerne la petite enfance.

Par ailleurs, comme le souligne le rapport de Madame la Députée Hélène Vainqueur-Christophe, les crédits alloués à la prévention à travers le programme 204 sont en baisse en comparaison de lannée dernière alors que la prévention nécessite un effort financier pérenne et continu. Il sera difficile de conduire une politique de santé publique sur le long terme si une politique de prévention ambitieuse nest pas mise en œuvre dès à présent.

Enfin, si la question de la prévention est bien prise en compte dans la mission « santé » à travers le programme 204, elle ne lest que de manière partielle, car diluée avec les questions de « sécurité sanitaire et daccès aux soins ». 

Face à ce triple constat (indicateurs non ciblés sur la jeunesse ; financement en baisse et thématique prévention diluée), la mission « santé » du projet de loi de financement gagnerait à être enrichie dun programme exclusivement consacré à la prévention primaire et à léducation en santé avec des financements dédiés.

A titre dexemple, ce programme pourrait être composé dune action visant à favoriser le déploiement sur le territoire, par un financement pérenne, du « Parcours Educatif de Santé » (PES), outil pour lutter contre les deux inégalités de destin qui demeurent : léducation et la santé. Car si cette initiative a le mérite dexister, ses financements sont épars.

La prévention en santé ne doit plus être le parent pauvre de notre politique de santé. Des actions de prévention et déducation à la santé, notamment à destination des plus jeunes, mises en œuvre le plus précocement possible, sont lune des clés pour résoudre la difficile équation qui menace léquilibre de notre système de santé : vieillissement de la population et augmentation exponentielle des maladies chroniques. Si jusquà présent le curatif a pris le dessus sur le préventif, lheure est désormais venue de réconcilier Hygée et Panacée.

 

Le Groupe Modem soutiendra les crédits de la mission « Santé » du PLF pour 2019 tout en sattachant à promouvoir la nécessité dun fléchage budgétaire de la politique de prévention.

 

 

 


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   annexe :
Liste des personnes auditionnées par la rapporteurE

            AIDES (*)  M. Marc Dixneuf, directeur général, et M. Enzo Poultreniez, responsable du plaidoyer

            Visioconférence avec la Guadeloupe :

            Conseil national du Sida (CNS) – Pr Patrick Yeni, président du Conseil national du sida, M. Michel Celse, conseiller-expert, et M. Laurent Geffroy, conseiller-expert

            Visioconférence avec la Réunion et Mayotte :

            Ministère des Outre-mer – Mme Gaëlle Nerbard, conseillère chargée des affaires sociales, de la santé, de l’emploi et de la jeunesse, Mme Michaela Rusnac, chef du bureau de la cohésion sociale, de la santé, de l’enseignement et de la culture à la sous-direction chargée des politiques publiques, M. Rajko Stokic, chargé de mission santé à la sous-direction chargée des politiques publiques

            Institut national du cancer (INCa) – M. Norbert Ifrah, président, et M. Thierry Breton, directeur général

            Table ronde :

            Visioconférence avec lARS Guyane  M. Jacques Cartiaux, directeur général, Mme Solène Wiedner-Papin, directrice de la Santé publique, Mme Shirley Coupra, responsable de la prévention et de la promotion santé, et Dr François Lacapere, en charge de la périnatalité, la santé sexuelle reproductive, le VIH Sida et la vaccination

            Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (MILDECA)  M. Nicolas Prisse, président, Mme Valérie Saintoyant, déléguée MILDECA, et M. Vincent Rouault, chargé de mission territorial

            Union nationale interfédérale des œuvres et organismes privés non lucratifs sanitaires et sociaux (UNIOPSS) – Mme Danièle Jourdain–Menninger, présidente de la Commission Santé, Mme Laurie Fradin, conseillère technique santé/ESMS, et Mme Clémentine Bret, référente Outre-mer de Médecins du Monde

            Association nationale de prévention en alcoologie et addictologie (ANPAA) (*)  M. Bernard Basset, vice-président, Mme Nelly David, directrice générale

            Visio avec la Martinique :

 

 

 

 

 

 

(*) Ce représentant dintérêts a procédé à son inscription sur le répertoire de la Haute Autorité de transparence pour la vie publique sengageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de lAssemblée nationale

 


([1]) http://www.fnors.org/uploadedFiles/publicationsFnors/InegalitesDom2014.pdf  

([2]) Le taux dhomicides en Guyane est de 30,1/100 000, contre 0,6/100 000 en France.

([3]) http://www.fnors.org/uploadedFiles/publicationsFnors/InegalitesDom2014.pdf

([4]) https://peidd.fr/IMG/pdf/2016-05-23_strategie_sante__769__outre-mer.pdf

([5])  « La stratégie nationale de santé mentionnée à l’article L. 1411-1-1 fixe des objectifs propres aux outre-mer à partir d’une évaluation des données épidémiologiques et des risques sanitaires spécifiques aux collectivités mentionnées à l’article 73 de la Constitution ainsi qu’aux collectivités de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin, de Saint-Pierre-et-Miquelon et des îles Wallis et Futuna. ».

([6]) https://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/dossier_sns_2017_vdefpost-consult.pdf

([7])  https://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/plan_national_de_sante_publique__psnp.pdf

([8])  https://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/strategie_nationale_sante_sexuelle.pdf

([9]) https://www.livrebleuoutremer.fr/

([10]) https://www.guadeloupe.ars.sante.fr/system/files/2018-04/20180405%20SRS%20Guadeloupe%20St%20Martin%20St%20Barthelemy%20VF.pdf  

([11]) https://www.guadeloupe.ars.sante.fr/system/files/2018-04/20180405%20-%20COS%20%20VERSION%20CONSULTATION%20VF.pdf  

([12]) https://www.prs-martinique.ars.sante.fr/system/files/2018-08/ARS18_PRS_SRS_A4_V12BD_1.pdf  

([13]) https://www.prs-martinique.ars.sante.fr/system/files/2018-08/ARS18_PRS_COS_A4_v14BD.pdf  

([14]) https://www.guyane.ars.sante.fr/system/files/2018-02/PRS%201%20Rapport%20final%20d%27%C3%A9valuation%20PRS1.pdf

([15]) https://www.guyane.ars.sante.fr/system/files/2018-05/PRS_SRS%20guyane%20mis%20consultation.pdf  

([16])  L’ARS « Océan indien » étant compétente pour les deux îles de Mayotte et de La Réunion, les documents stratégiques en vigueur sont communs. L’ARS de Mayotte, actuellement en phase de préfiguration ainsi qu’il a été décidé dans le cadre du plan adopté à l’issue de la concertation régionale du début de l’année, sera pleinement autonome au 1er janvier 2020.

([17]) https://www.ocean-indien.ars.sante.fr/system/files/2018-06/ARS_OI_PRS2_COS_VD_0.pdf

([18]) https://www.ocean-indien.ars.sante.fr/system/files/2018-06/ARS-OI_PRS2_SRS%20VOLET%201%20PTS%20REU-MAY_VD.pdf

([19]) https://fr.calameo.com/read/0008863796c472c8a1c08

([20]) Article D1411-59 du code de la santé publique.

([21]) https://www.guadeloupe.ars.sante.fr/system/files/2018-04/20180405%20-%20PRAPS%20Guadeloupe%20VF%20soumise%20%C3%A0%20consultation.pdf  

([22]) https://www.martinique.ars.sante.fr/system/files/2018-02/20180223%20-%20PRAPS%20CONSULTATION.pdf  

([23]) https://www.guyane.ars.sante.fr/system/files/2018-05/PRS_PRAPS%20guyane%20mis%20en%20consultation.pdf  

([24])  https://www.ocean-indien.ars.sante.fr/system/files/2018-06/ARS-OI_PRS2_PRAPS_Volet%201_R%C3%A9union_VD.pdf

([25]) Article L. 1435-8 du code de la santé publique.

([26]) Arrêté du 18 mai 2017 fixant le montant des crédits délégués aux ARS au titre du Fonds d’intervention régional et des transferts prévus à l’article L. 174-1-2 du code de la sécurité sociale

([27]) COREVIH : Coordination régionale de lutte contre le VIH.

([28]) CeGIDD : Centre gratuit d’information, de dépistage et de diagnostic

([29]) Données communiquées à votre rapporteure par l’ARS.

([30]) https://www.ccomptes.fr/fr/publications/la-sante-dans-les-outre-mer-une-responsabilite-de-la-republique

([31]) https://cns.sante.fr/rapports-et-avis/avis-outre-mer-2018/  

([32])  « Le Comité juge préoccupante la situation défavorable de la jouissance du droit à la santé dans les DROM-COM. Il relève en particulier, parmi les problématiques identifiées dans la Stratégie santé outre-mer, que la mortalité infantile et maternelle est élevée à Mayotte et en Guyane. Outre les mesures prévues dans la Stratégie santé outre-mer, le Comité exhorte l’État partie à : a) Investir davantage de ressources dans les départements les plus défavorisés, afin de niveler le montant de dépenses de santé par habitant ; b) Augmenter le nombre de personnels de santé qualifiés déployés outremer ; c) Développer les services de santé maternelle, reproductive et infantile de façon prioritaire pour renforcer l’efficience du système de santé ; d) Poursuivre la veille sanitaire de la contamination au mercure des populations amérindiennes en Guyane ; et e) Développer les réseaux publics d’approvisionnement en eau et d’assainissement et en faciliter l’accès à un prix abordable, afin de réduire la prévalence des maladies parasitiques et infectieuses. » ONU, Conseil économique et social, « Observations finales concernant le quatrième rapport périodique de la France », E/C.12/FRA/CO/4 ; 13 juillet 2016.

([33]) http://www.cncdh.fr/fr/publications/avis-sur-le-droit-la-protection-de-la-sante-dans-les-territoires-ultramarins

([34]) http://www.cncdh.fr/fr/publications/avis-sur-la-pauvrete-et-lexclusion-sociale-outre-mer

([35]) Loi n° 98-657 du 29 juillet 1998 d’orientation relative à la lutte contre les exclusions.

([36]) http://www.cncdh.fr/fr/publications/avis-sur-les-violences-de-genre-et-les-droits-sexuels-et-reproductifs-dans-les-outre  

([37])  « Une information et une éducation à la sexualité sont dispensées dans les écoles, les collèges et les lycées à raison d’au moins trois séances annuelles et par groupes d’âge homogène. Ces séances présentent une vision égalitaire des relations entre les femmes et les hommes. Elles contribuent à l’apprentissage du respect dû au corps humain. ».

([38])  http://www.assemblee-nationale.fr/15/rap-info/i1090.asp#P1180_205888

([39]) Voir par exemple les questions écrites n° 1173 de M. Gabriel Serville, n° 1355 de M. Jean-Philippe Nilor, n° 719 de Mme Huguette Bello, n° 1174 de M. Bruno-Nestor Azérot, et les questions au gouvernement n° 78 de M. Serge Letchimy et n° 80 de M. Jean-Hugues Ratenon.

([40]) « Réduction des contrats aidés : offrir une alternative crédible au secteur associatif », rapport d’information sur les conséquences de la baisse des contrats aidés dans le secteur associatif fait au nom de la Commission de la culture, de l’éducation et de la communication, page 35 ; http://www.senat.fr/rap/r17-321/r17-321.html.

([41]) Priorité prévention, page 35.

([42])  http://inpes.santepubliquefrance.fr/CFESBases/catalogue/pdf/1577.pdf : Observatoire régional de santé d’Île de France et INPES, « Les habitants des Antilles et de la Guyane face au VIH/sida et à d’autres risques sexuels », page 322.

([43]) http://www.assemblee-nationale.fr/15/rap-enq/r1266-tI.asp  

[44] Return on investment of public health interventions : a systematic review, par Rebecca Masters, Elspeth Anwar, Brendan Collins, Richard Cookson, Simon Capewell, Journal of epidemiology and community health, mars 2017