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N° 1305

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

 

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 12 octobre 2018.

 

 

AVIS

 

 

PRÉSENTÉ

 

 

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES SUR LE PROJET DE LOI de finances pour 2019,

 

 

TOME II

 

 

SOLIDARITÉ, INSERTION ET ÉGALITÉ DES CHANCES

 

 

VOLUME 2
(COMPTES RENDUS)

 

 

PAR M. Brahim HAMMOUCHE,

 

Député.

——

 

 

 

Voir les numéros :

Assemblée nationale :  1255, 1302 (annexe n° 41).

 

 


 

 

 


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SOMMAIRE

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Pages

Travaux de la commission

I. Audition de la ministre

II. Examen des crédits

 


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   Travaux de la commission

I.   Audition de la ministre

La commission des affaires sociales procède, le mercredi 31 octobre 2019, à l’audition de Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé, sur les crédits de la mission « solidarité, insertion et égalité des chances ».

http://www.assemblee-nationale.tv/video.6867714_5bd9c4ae41bab.commission-des-affaires-sociales--audition-de-mme-agnes-buzyn-ministre-des-solidarites-et-de-la-sa-31-octobre-2018

M. Brahim Hammouche, rapporteur pour avis. Madame la présidente, madame la ministre, chers collègues, en 2019, les crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » dépasseront 21 milliards d’euros, en hausse de 7,5 % par rapport aux crédits ouverts en loi de finances initiale (LFI) pour 2018 et de près de 7 % par rapport à la LFI 2018 retraitée des mesures de transfert et de périmètre.

Cette augmentation des crédits s’explique principalement par l’augmentation de l’allocation aux adultes handicapés (AAH), la création d’un second bonus pour les bénéficiaires de la prime d’activité et la mise en place de la stratégie interministérielle de lutte contre la pauvreté. Je ne peux que m’en féliciter.

Convaincu que la responsabilité de l’État dans le domaine de la solidarité, de l’insertion et de l’égalité des chances n’est pas seulement organisationnelle et budgétaire, et qu’elle requiert de développer une véritable culture de l’attention aux autres, j’ai choisi de m’intéresser cette année, dans le cadre de la partie thématique de ce rapport, à un sujet transversal et primordial pour notre vivre-ensemble : la lutte contre la maltraitance et la promotion de la bientraitance.

La maltraitance n’est en effet pas seulement physique, elle est aussi psychique, sociale, économique et institutionnelle. Il s’agit d’un phénomène complexe, parfois même les auteurs de maltraitances n’en ont eux-mêmes pas conscience. C’est pourquoi il est nécessaire de bien l’appréhender pour pouvoir le combattre.

Je tiens à cet égard à saluer l’installation, au début de cette année, de la Commission pour la promotion de la bientraitance et de la lutte contre la maltraitance, dont les travaux seront remis aux ministres concernés à la fin du mois de novembre 2018. Madame la ministre, comment comptez-vous associer les parlementaires impliqués sur ces sujets à ces travaux ?

En 2002, le Conseil de l’Europe a publié un rapport qui apporte un nouvel éclairage à la définition de la maltraitance : il s’agit de « tout acte ou omission commis par une personne ou un groupe, qui a pour effet de porter gravement atteinte, que ce soit de manière volontaire ou involontaire, aux droits fondamentaux, aux libertés civiles, à l’intégrité corporelle, à la dignité ou au bien-être général d’une personne vulnérable, y compris les relations sexuelles ou les opérations financières auxquelles elle ne consent ou ne peut consentir valablement, ou qui visent délibérément à l’exploiter ».

J’ajouterai à cette définition qu’il ne faut pas oublier la dimension psychique de la maltraitance. C’est une dimension que je n’ai pas eu le loisir d’aborder autant que je l’aurais voulu, mais j’espère pouvoir le faire ultérieurement.

C’est bien l’abus de pouvoir qui signe la présence d’une maltraitance. À la différence de la violence, une maltraitance suppose que soient réunis trois éléments : une dissymétrie dans la relation, une dépendance – entendue comme un lien entre l’auteur et la victime – et l’existence d’un abus de pouvoir. Le lien ou la relation entre la victime d’une maltraitance et son auteur est au centre de cette définition. Cette relation a différents visages : lien de parenté, relation entre un client et un professionnel, relation de voisinage, relation entre aidant et aidé, relation entre une personne vulnérable et un professionnel de santé ou du soin, relation entre professionnels, que ce soit entre collègues ou avec la hiérarchie.

Or l’une des clefs d’entrée actuelles me semble assez limitée : la certification. Les différents établissements sociaux et médico-sociaux doivent souscrire des règles minimales de fonctionnement pour être accrédités. Cette autorisation est assortie d’une évaluation interne et externe de la Haute Autorité de santé (HAS), en charge du pilotage de la qualité. La HAS produit des normes et des recommandations qui reposent sur les trois piliers que sont le savoir scientifique, le savoir des professionnels et le savoir des patients. Elle dispose de deux grands outils visant à lutter contre la maltraitance et à renforcer la bientraitance : l’évaluation de la qualité, qui est une compétence nouvelle ; le volet « recommandation de bonnes pratiques » pour les professionnels.

Vous l’avez compris, Madame la ministre, je voudrais ici souligner les limites des normes et de la certification. Quelle est à cet égard votre position de ministre de la santé ? Selon moi, il faut veiller à ne pas plaquer un référentiel aveugle sur les notions de bientraitance et de maltraitance. Dans un tel cas de figure en effet, les recommandations normatives sans accompagnement humain renforcé seraient susceptibles de générer en elles-mêmes de la maltraitance dite institutionnelle…

J’insiste sur cet aspect de la maltraitance institutionnelle car il ne me semble pas suffisamment pris en compte, madame la ministre. D’ailleurs, le Défenseur des droits m’a déclaré être saisi d’une grande diversité de situations relatives à la maltraitance institutionnelle à l’égard des personnes dépendantes. La plupart des saisines sont liées au non-respect des droits : droits des malades, droits fondamentaux de l’être humain, comme le droit au respect et à la dignité ou le droit d’aller et venir, en établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) notamment. Quelles sont les perspectives gouvernementales en ce domaine ?

Enfin, rien de tel pour promouvoir la bientraitance que de s’inspirer des pratiques qui ont déjà fait leurs preuves. Je cite l’exemple de l’inclusion bancaire dans mon avis budgétaire, mais il en est bien d’autres que je souhaiterais pouvoir approfondir, notamment dans le domaine de la santé mentale.

La promotion de la bientraitance suppose un changement de regard culturel, massif et généralisé. J’ai pu pleinement en mesurer la pertinence durant mes travaux, quoiqu’ils fussent limités par le cadre de cet avis budgétaire.

Je n’ai, pour aborder cette thématique, pas disposé de toute la latitude possible puisque les crédits destinés à la lutte contre la maltraitance se retrouvent dans les programmes de plusieurs missions budgétaires – la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » étant la principale d’entre elles –, dans le projet de loi de financement de la sécurité ou encore la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA), et ils ne sont pas forcément fléchés comme tels. Je souhaiterais donc pouvoir disposer d’un champ d’action plus large que celui qui m’a été donné.

Le lien ou plutôt la relation entre la victime d’une maltraitance et son auteur est au centre de la définition même de la maltraitance et, par conséquent, au cœur de sa résolution. En effet, la promotion de la bientraitance ne s’appuie pas en premier lieu sur une dimension quantitative, budgétaire, elle passe avant tout par la prise de conscience par le plus grand nombre de ce qu’il convient d’appeler « la qualité de la relation ».

Il ne s’agit pas tant d’inventer une politique de la bientraitance ou de prétendre réapprendre aux soignants et aux aidants la bienveillance, alors qu’ils sont déjà épuisés, voire enferrés, aux plans psychique et physique, que de comprendre, d’un point de vue systémique, comment ces gouvernances produisent ce coût de la maltraitance. Il s’agit d’établir des balises de sauvetage de sens, en reposant à chaque instant la question humaine, de la conception à l’évaluation des politiques publiques, en impliquant à chaque étape professionnels, usagers et citoyens pour une véritable approche humaniste. C’est-à-dire pour mettre l’homme, sa dignité et ses libertés fondamentales au centre de nos pratiques, en tout cas pour une approche centrée sur la personne.

De nombreuses études relevant du domaine de la psychologie clinique ont déjà convergé pour mettre en exergue cette primauté de la relation. La bientraitance ne saurait donc advenir sans cette « qualité de la relation » et celle-ci est à la portée de chacun et chacune d’entre nous. Le premier pas en ce domaine passe par une prise de conscience généralisée.

J’ai ainsi modestement tenté de poser une pierre sur le chemin de la bientraitance dans cet avis budgétaire, une pierre partiellement dégrossie, mais le cadre restreint de cet avis ne m’a pas permis – loin de là – d’effectuer toutes les auditions nécessaires et de m’intéresser à un certain nombre de crédits pertinents mais ne relevant pas de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances », ni d’aborder la dimension essentielle de la santé mentale. Je souhaiterais donc, vous l’avez compris, pouvoir poursuivre ces travaux dans le cadre d’une mission d’information parlementaire.

Pour conclure, je ne résiste pas au plaisir de vous citer ce qu’écrit Matthieu Ricard dans son ouvrage Plaidoyer pour l’altruisme, la force de la bienveillance : « Nous avons besoin d’un fil d’Ariane qui nous permette de retrouver notre chemin dans ce dédale de préoccupations graves et complexes. L’altruisme est ce fil qui peut nous permettre de relier naturellement les trois échelles de temps – court, moyen et long – termes en harmonisant leurs exigences. […] L’altruisme semble être un facteur déterminant de la qualité de notre existence, présente et à venir, et ne doit pas être relégué au rang de noble pensée utopiste entretenue par quelques naïfs au grand cœur. Il faut avoir la perspicacité de le reconnaître et l’audace de le dire. »

Madame la ministre, aurons-nous la perspicacité de le reconnaître l’urgence de la nécessité de lutter contre la maltraitance et l’audace de promouvoir la bientraitance dans tous les domaines et à tous les niveaux ? C’est une question complexe qui nécessite un changement de paradigme ; il nous faut redéfinir les lignes, les repères, faire tout un travail d’ouverture pour construire autre chose, ensemble. C’est un enjeu sociétal, c’est également un enjeu éthique, je dirai même que c’est un enjeu d’émancipation humaine.

Mme la présidente Brigitte Bourguignon. Merci, Monsieur le rapporteur pour avis, pour avoir traité sous un angle original un thème particulier. Cette approche n’est pas strictement budgétaire ; il n’en demeure pas moins que notre commission devra se prononcer sur le vote des crédits. Je vais donc donner la parole à la ministre pour une courte présentation des crédits de la mission.

Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. Madame la présidente, monsieur le rapporteur pour avis, mesdames et messieurs les députés, j’ai l’honneur de vous présenter le budget de la deuxième mission dont j’ai la charge avec Sophie Cluzel et Marlène Schiappa : « Solidarité, insertion et égalité des chances ». Je veux souligner d’emblée la cohérence politique de ce budget avec le projet de loi de financement de la sécurité sociale. Ils portent les mêmes choix et les mêmes priorités. C’est la priorité donnée aux plus fragiles afin de répondre de façon spécifique à leurs attentes prioritaires et agir sur les facteurs du déterminisme social ; c’est la priorité donnée aux salariés modestes, pour que le travail paie davantage.

Cette priorité sociale du Gouvernement se lit d’abord dans l’évolution des crédits de la mission, qui augmentent de près de 7 %. C’est considérable, il s’agit là de l’une des évolutions les plus importantes de ce projet de loi de finances.

C’est 1,3 milliard d’euros supplémentaires qui sera consacré en 2019 aux politiques de solidarité.

Ce budget est d’abord celui d’une solidarité renforcée au bénéfice de nos concitoyens les plus fragiles.

Je veux évoquer en premier lieu la stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté, présentée le 13 septembre dernier par le Président de la République. Il s’agit, vous le savez, d’une politique ambitieuse et globale qui vise à éviter que les enfants pauvres d’aujourd’hui ne deviennent les adultes pauvres de demain. J’ai bâti, avec l’ensemble des ministres concernés, une stratégie qui se déploiera dans tous les territoires et qui a pour objectif de renforcer l’accès aux services de la petite enfance, de conforter les droits fondamentaux des enfants, et, pour les jeunes et les adultes, de renforcer l’insertion par l’emploi. Des crédits supplémentaires ont été obtenus pour venir en aide aux plus modestes, éloignés de l’emploi, grâce au renforcement de l’insertion par l’activité économique.

Le programme 304 est le support budgétaire principal de la stratégie. Il porte les crédits dédiés à la contractualisation avec les territoires, à hauteur de 171 millions d’euros en 2019. Ce sont 135 millions d’euros qui seront consacrés à la contractualisation avec les départements, au service des quatre objectifs suivants : l’accompagnement des sortants de l’aide sociale à l’enfance ; le renforcement de l’accompagnement des bénéficiaires du revenu de solidarité active (RSA) ; la formation des travailleurs sociaux ; l’accueil social de proximité.

L’effort de solidarité s’exprime également, en deuxième lieu, à travers l’évolution des crédits du programme 157 « Handicap et dépendance », qui sont portés à 11,9 milliards d’euros, soit 5,1 % d’augmentation entre 2018 et 2019. Cette augmentation très importante traduit la priorité que constitue, pendant le quinquennat, la construction d’une société plus inclusive. Elle permet de concrétiser l’engagement du Président de la République en faveur de la revalorisation de l’allocation aux adultes handicapés (AAH), afin de donner à tous leur juste place dans le projet national et de lutter contre la pauvreté subie des personnes auxquelles leur handicap interdit l’accès au travail ou le limite fortement.

La revalorisation de l’AAH permettra de porter le niveau de l’aide à taux plein à 860 euros dès le mois prochain ; cela représentera une progression de 41 euros par mois. L’allocation verra ensuite son montant porté à 900 euros par mois à la fin de l’année 2019. Il s’agit, globalement, d’un investissement de plus de 2,5 milliards d’euros sur la durée du quinquennat pour améliorer la situation des personnes en situation de handicap.

Parce que le travail conduit à l’émancipation sociale, le soutien à l’insertion professionnelle des travailleurs handicapés est également renforcé, notamment en milieu ordinaire. Un effort est prévu en faveur de l’emploi accompagné – le dispositif combine l’accompagnement médico-social et l’accompagnement professionnel pour les travailleurs handicapés. Les crédits dédiés à ces emplois augmenteront de 40 % par rapport à l’année dernière. Par ailleurs, le budget pour 2019 prévoit la mise en œuvre de l’engagement national « Cap vers l’entreprise inclusive 2018-2022 », qui va créer 40 000 emplois supplémentaires. Ainsi, les entreprises adaptées bénéficieront d’un soutien accru de 45 millions d’euros, permettant le recrutement de plus de 8 000 personnes, avec notamment de nouvelles formes d’entrée dans l’emploi.

L’effort de solidarité bénéficie également à nos compatriotes d’outre-mer, dans deux territoires confrontés à des difficultés sociales importantes – je veux parler de la Guyane et de Mayotte. Conformément à l’engagement pris par le Président de la République en octobre 2017, l’État reprend en effet à sa charge le financement du RSA dans les deux collectivités à compter du 1er janvier 2019, pour un montant de 170 millions d’euros. Il s’agit de soulager les collectivités du poids du financement et de l’attribution du RSA, sans pour autant remettre en cause leurs compétences en matière d’insertion des bénéficiaires.

Enfin, l’État assume pleinement ses responsabilités concernant les mineurs non accompagnés. À compter de 2019, l’appui aux conseils départementaux pour la mise à l’abri et l’évaluation des personnes se présentant comme mineures sera renforcé, à la fois par le déploiement d’un logiciel d’appui à l’évaluation de la minorité et par une compensation plus juste des dépenses engagées, sur la base d’un forfait pour chaque jeune évalué.

L’État n’en reste pas là s’agissant des mineurs non accompagnés : répondant aux demandes des départements, il soutient ces derniers en prenant également en charge une partie de leurs dépenses supplémentaires au titre de l’aide sociale à l’enfance, lorsque les personnes sont effectivement évaluées comme mineures et doivent être prises en charge dans le cadre du droit commun. Pour la deuxième année consécutive, un dispositif exceptionnel sera mis en œuvre en 2019.

Plus largement, l’effort engagé dans le cadre de la mise en œuvre de la stratégie de lutte contre la pauvreté et de la gestion des mineurs non accompagnés traduit la volonté du Gouvernement d’œuvrer à l’avènement d’une nouvelle contractualisation entre l’État et les conseils départementaux dans la déclinaison des politiques sociales. Je conduirai cette politique aux côtés de Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.

La mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » témoigne également d’un effort sans précédent au bénéfice des salariés les plus modestes. La prime d’activité est une prestation sociale importante, qui incite à l’activité et soutient le pouvoir d’achat des personnes ayant des revenus d’activité modestes. Elle représente plus de 90 euros par mois pour un célibataire au SMIC. Le Président de la République a pris l’engagement, pendant sa campagne, de la revaloriser de 80 euros pour un salarié au SMIC d’ici à la fin du quinquennat. Cette revalorisation s’ajoutera au gain de pouvoir d’achat de 20 euros par mois découlant de la suppression des cotisations sociales maladie et chômage et permettra d’atteindre un gain total de 100 euros pour un salarié au SMIC d’ici à 2022.

Nous avions programmé une augmentation progressive de la prime d’activité entre 2018 et 2021. Nous avons décidé de faire plus fort, d’aller plus vite en 2019 et 2020 : nous souhaitons amplifier plus rapidement les incitations à la reprise d’activité. Ainsi, la prime d’activité pour un salarié au SMIC augmentera de 30 euros supplémentaires dès avril 2019 : ce sera un gain de pouvoir d’achat significatif dans quelques mois pour plusieurs centaines de milliers de ménages. Elle augmentera de 20 euros supplémentaires en avril 2020, puis encore de 20 euros en 2021. Cela représentera ainsi 80 euros supplémentaires au total d’ici à 2021 : 10 euros en 2018 – la revalorisation est intervenue en octobre –, 30 euros en 2019, 20 euros en 2020 et 20 euros en 2021. Les engagements du Président de la République seront donc pleinement respectés.

Pour conclure, permettez-moi d’évoquer les moyens du ministère. Les crédits pour 2019 du programme 124 s’inscrivent dans la continuité de ceux de 2018, prolongeant ainsi un effort marqué d’économie et de rationalisation des moyens. La masse salariale diminuera de 12,4 millions d’euros et le schéma d’emplois de 250 équivalents temps plein travaillés (ETPT). La subvention pour charge de service public versée aux ARS va diminuer de l’ordre de 1 %. Le ministère prend ainsi sa part d’un effort plus global de maîtrise de la dépense et de l’emploi publics. Cette évolution appelle sans aucun doute la révision de ses missions ; ce travail est en cours, sous la supervision de la secrétaire générale du ministère.

Tels sont, madame la présidente, mesdames et messieurs les députés, les principaux axes d’un budget porteur d’une ambition sociale forte pour nos concitoyens.

Mme Annie Vidal. Tout d’abord, monsieur le rapporteur pour avis, je voudrais vous remercier particulièrement pour l’orientation que vous avez donnée à votre rapport en traitant de la promotion de la bientraitance. Je profite de l’occasion pour vous indiquer que, en tant que membre du Haut Conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge (HCFEA), j’ai l’honneur et le plaisir de siéger au sein de la commission pour la promotion de la bientraitance. Depuis un an, les réflexions ont été nombreuses, le travail accompli est important, et un rapport sera effectivement remis à Mme la ministre à la fin de l’année. Je suis bien évidemment à la disposition de la commission, si tel est son souhait, pour faire un point d’étape sur ces travaux.

La mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » englobe, comme les années précédentes, le financement de quatre programmes. Le programme 304 est relatif à l’inclusion sociale et à la protection des personnes, avec le soutien d’actions diverses à fort enjeu, telles que la prime d’activité et l’aide alimentaire, mais aussi des mesures en faveur du travail et de la protection des plus fragiles d’entre nous. Le programme 157 « Handicap et dépendance » porte quant à lui l’ambition de donner aux personnes vulnérables la possibilité de faire leurs propres choix de vie. Le programme 137 confirme que l’égalité entre les femmes et les hommes est la grande cause du quinquennat. Enfin, la conduite et le soutien des politiques sanitaires, sociales, du sport, de la jeunesse et de la vie associative sont contenus dans le programme 124, pour la déclinaison territoriale de la mission.

C’est une mission importante car elle a pour objectif, entre autres, d’organiser la solidarité nationale envers les plus fragiles et les plus modestes d’entre nous. Elle est l’expression de notre volonté collective de rendre à celles et ceux qui les auraient perdus leurs droits, la dignité et l’espérance. La mission traduit cette volonté en moyens qui s’articulent autour des quatre programmes.

Voici, pour mémoire, quelques chiffres qui interpellent et que nous ne perdons pas de vue. Le taux de pauvreté, en France, est de 14 % ; un enfant sur cinq est pauvre ; plus d’un tiers des familles sont monoparentales ; 800 000 jeunes et 700 000 bénéficiaires du RSA se trouvent sans accompagnement vers l’emploi ; 900 000 personnes sont privées de logement personnel.

Comme l’a indiqué Mme la ministre, les crédits de la mission sont en progression de près de 7 %, et sont principalement orientés vers les travailleurs ayant de faibles revenus, les personnes en situation de handicap, les enfants et les jeunes. De plus, un des points saillants de la mission est la mise en place de la stratégie interministérielle de lutte contre la pauvreté, au sein du programme 304, par la création de l’action 19, dotée de 171 millions d’euros.

Madame la ministre, j’ai deux questions à vous adresser. La première est relative à cette action 19, au sein du programme 304, et indirectement à l’action 13, dédiée aux pratiques innovantes dans le champ de la cohésion sociale, ainsi qu’à l’action 17, qui concerne la protection et l’accompagnement des enfants, des jeunes et des familles vulnérables. Sur les 171 millions d’euros, 135 millions seront consacrés à une contractualisation renforcée avec les départements et métropoles, lesquels sont chefs de file en la matière. La démarche agile, l’amélioration de la gouvernance et le développement de l’initiative locale pour mieux lutter contre l’exclusion, ainsi que l’appui technique de l’Agence nationale des solidarités actives (ANSA), sont au cœur de la réussite de ce plan. Le programme proposé est ambitieux et repose en partie sur la volonté des acteurs de proximité de travailler en partenariat et de créer une alliance, au bénéfice des plus démunis. Compte tenu des remarques de l’ANSA à propos des difficultés de reconnaissance des réseaux existant dans les territoires et de leur fragilité, sans oublier l’absence de portage politique des projets, sur quelles incitations les départements vont-ils pouvoir s’appuyer, quels leviers pourront-ils actionner pour qu’un accueil social de proximité puisse voir le jour au cœur de chaque territoire, notamment dans les territoires ruraux ou les territoires ayant une faible densité de population ?

Ma seconde question est liée au programme 157, relatif au handicap et à la dépendance. Elle porte plus précisément sur l’accès de tous les enfants, au sein de l’école, à un accompagnement adapté leur permettant de suivre une scolarité et d’avoir accès aux activités périscolaires – exigence rappelée par le comité interministériel du 20 septembre 2017. Un des problèmes identifiés réside dans le délai de traitement des dossiers. Quelle plus-value peut-on attendre, en termes de réduction de délais, des systèmes qui sont en cours d’élaboration – je pense notamment au système d’information des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) ?

Madame la ministre, le groupe La République en Marche soutient pleinement la politique budgétaire de cette mission.

M. Gilles Lurton. Madame la ministre, nous reconnaissons bien volontiers l’augmentation des crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances », et nous ne pouvons que l’approuver, tant cette mission touche à la vie quotidienne de personnes qui sont souvent les plus défavorisées. Nous avons bien noté que cette augmentation était principalement affectée à l’allocation aux adultes handicapés, avec une hausse de 40 euros au 1er novembre et une autre de 50 euros qui interviendra au 1er novembre 2019, la portant ainsi à 900 euros – même si elle restera en dessous du seuil de pauvreté. En dépit de cette dernière remarque, nous approuvons cette augmentation conforme aux engagements du Président de la République.

L’augmentation de l’allocation aux adultes handicapés, prévue dans le programme 157 « Handicap et dépendance », me conduit une nouvelle fois à vous interroger, madame la ministre, sur un point que j’ai abordé à plusieurs reprises avec Mme la secrétaire d’État chargée des personnes handicapées, à savoir la prise en compte des revenus du foyer dans le calcul de l’AAH. En effet, en faisant le choix de ne pas augmenter le plafond au-dessus duquel deux personnes en situation de handicap vivant en couple – l’une étant en situation de handicap et l’autre ayant un travail – ne touchent plus l’AAH, vous prenez le risque de faire perdre à un grand nombre de personnes tout ou partie du bénéfice de cette allocation, ce qui me paraît très profondément injuste.

À l’occasion des auditions conduites par M. le rapporteur pour avis, notre collègue Brahim Hammouche, Mme la secrétaire d’État chargée des personnes handicapées m’a rassuré sur ce point, en déclarant que toutes les simulations auxquelles vos services avaient procédé démontraient que personne ne serait perdant. Je lui ai demandé de me transmettre ces simulations, et elle a accepté, mais ne l’a pas fait. Vous comprendrez que, dans de telles conditions, il nous soit difficile d’assumer notre fonction de contrôle. À ce sujet, madame la ministre, nous souhaiterions connaître la position du Gouvernement quant à une dissociation de l’allocation aux adultes handicapés des revenus du couple, considérant que la survenance d’une situation de handicap chez un membre du couple constitue souvent pour les femmes une perte d’indépendance vis-à-vis de son conjoint.

Pour ce qui est des crédits affectés à l’égalité entre les hommes et les femmes, nous notons que la priorité affichée par le Gouvernement en la matière ne se traduit par aucune augmentation. Nous considérons pourtant que des crédits sont nécessaires au développement de cette politique, même si elle relève aussi, très largement, d’une prise de conscience de l’ensemble de nos concitoyens. Nous relevons d’ailleurs que la nouvelle organisation du programme 137 « Égalité entre les femmes et les hommes » fait perdre en lisibilité, et il semble, d’après nos renseignements, que les grandes associations nationales telles que le Centre national d’information sur les droits des femmes et des familles (CNIDFF), ou encore le Planning familial, voient leurs crédits diminuer, passant de 2,3 millions à 1,6 million. Nous souhaiterions que vous nous éclairiez sur ce point.

Concernant la situation des personnes âgées dépendantes, nous regrettons une nouvelle fois l’absence totale de mesures en leur faveur, alors même que la direction de la recherche, des études et des statistiques considère que la prise en charge de la dépendance pourrait doubler d’ici à 2060, ce qui n’est pas si loin, en définitive. Nous regrettons notamment que les propositions contenues dans le rapport de Mme Fiat et de Mme Iborra sur la situation des EHPAD et sur les souffrances de leurs personnels n’aient pas, pour le moment, donné lieu à la moindre mesure concrète. Sur ce sujet, vous m’avez répondu, lors de l’examen du PLFSS, que vous veniez de lancer une consultation, ce qui ne manque pas de m’étonner compte tenu du nombre de rapports dont nous disposons déjà. Cela dit, je veux garder confiance et continuer à croire que vous allez avancer. J’ai bien noté votre volonté de nous proposer une loi sur la dépendance d’ici à la fin de l’année 2019.

Dans le cadre du programme 304 « Inclusion sociale et protection des personnes », la prime d’activité devrait une nouvelle fois être revalorisée au 1er août prochain. Nous considérons que cette politique d’incitation à la reprise d’activité et à la valorisation du travail va dans le bon sens. Elle est cependant amoindrie par la modification du calcul de cette prime, puisque le coefficient de prise en compte des revenus est abaissé d’un point, passant de 62 % à 61 %.

Dans le cadre de ce programme, nous notons également une augmentation des crédits alloués à l’accueil et à la prise en charge des mineurs non accompagnés, ce qui va dans le sens d’une plus grande sincérité budgétaire. Les crédits sont cependant loin d’être suffisants, du fait d’un afflux toujours plus important de mineurs isolés sur notre territoire et de la charge qu’il représente pour les collectivités départementales.

Enfin, l’augmentation de 14 % du montant de ce programme est également liée à l’intégration des mesures prévues dans le cadre du plan de lutte contre la pauvreté, annoncé en septembre dernier, pour un montant de 171 millions d’euros. À ce sujet, nous souhaiterions savoir si ce montant absorbe les 50 millions d’euros dédiés au fonds d’appui aux politiques d’insertion – qui finance des projets en matière d’insertion dans le cadre des contrats entre les départements et l’État –, tels qu’ils avaient été budgétés dans le cadre du projet de loi de finances pour 2018.

Mme Michèle de Vaucouleurs. Notre pays compte près de 9 millions de pauvres, soit 14 % de la population ; 20 % d’entre eux ont moins de 18 ans, et près de 36 % constituent des familles monoparentales. Les crédits que nous examinons aujourd’hui concernent ces personnes au premier chef. Cette mission, pour laquelle notre commission est saisie pour avis, revêt donc une importance particulière.

Pour l’année 2019, notre effort de solidarité se concrétise par une hausse de 7,5 % des crédits afin de répondre à plusieurs objectifs : une nouvelle augmentation de l’AAH, qui atteindra 900 euros en décembre 2019 ; la création d’une seconde bonification pour les bénéficiaires de la prime d’activité, qui s’inscrit dans la trajectoire de revalorisation qui permettra à ses bénéficiaires rémunérés au niveau du SMIC de connaître une augmentation de 80 euros d’ici à 2022 ; la mise en œuvre de la stratégie nationale de lutte contre la pauvreté, présentée le mois dernier, qui s’articule autour de plusieurs ambitions – l’égalité des chances dès la naissance, pour rompre avec la reproduction sociale de la pauvreté, la garantie des droits fondamentaux de tous les enfants, l’accès à un parcours de formation pour tous les jeunes, la simplification de la gestion et du versement des minima sociaux, pour les rendre plus lisibles et plus incitatifs à un retour à l’activité.

En outre, les crédits en faveur de l’égalité entre les femmes et les hommes sont sanctuarisés et stabilisés, de manière à financer – entre autres – des actions de promotion des droits, ainsi que la prévention et la lutte contre les violences sexistes. Nous ne pouvons que nous en féliciter.

Le groupe MODEM et apparentés se réjouit donc du déploiement de ces transformations et soutiendra leur mise en place pour qu’elles puissent toucher positivement, et le plus rapidement possible, les publics les plus vulnérables.

Par ailleurs, notre groupe souhaite interroger le Gouvernement sur l’article 83, visant à simplifier les compléments à l’allocation aux adultes handicapés. Actuellement, deux dispositifs très proches coexistent : le complément de ressources, qui s’élève à 179,31 euros par mois, et la majoration pour la vie autonome, qui représente 104,77 euros mensuels. L’article 83 vise à supprimer le complément de ressources – qui pose des problèmes aux MDPH s’agissant du contrôle du critère de capacité de travail –, tout en prévoyant un dispositif transitoire de maintien des ressources pour une durée maximale de dix ans.

Nous comprenons la nécessité d’une simplification des dispositifs et d’une rationalisation de l’attribution des compléments comme des missions des MDPH. L’objectif est louable. Néanmoins, la mesure devrait entraîner, à terme, une baisse de revenu de 75 euros pour les bénéficiaires de l’AAH qui touchent le complément de ressources. Elle devrait également se traduire, pour l’État, par des économies de l’ordre de 500 000 euros en 2019 et de près de 6 millions d’euros en 2020. Nous nous étonnons toutefois de l’absence de projections à moyen terme.

Madame la ministre, pouvez-vous nous en dire plus sur cette réforme et sur l’évaluation de son impact pour les bénéficiaires ? Ne serait-il pas judicieux de profiter des économies réalisées pour procéder à un relèvement de la majoration pour la vie autonome ?

Mme Agnès Firmin Le Bodo. La mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » rend compte de l’effort public en faveur de la lutte contre la pauvreté, de la réduction des inégalités et de la protection des plus vulnérables. L’engagement de l’État en faveur de ces publics spécifiques traduit la solidarité toute particulière que notre société doit aux plus démunis. Nous saluons donc l’augmentation des crédits de cette mission, en hausse de 6,8 % par rapport à la loi de finances pour 2018 et qui porte le total à 20,7 milliards d’euros en 2019.

Nous sommes particulièrement favorables à la mesure visant à porter l’allocation aux adultes handicapés à 900 euros l’année prochaine : c’est une mesure de justice et de solidarité tout à fait essentielle. Le Gouvernement a fait du handicap une priorité du quinquennat, comme cela a été rappelé lors du dernier comité interministériel sur le sujet. À ce titre, je veux saluer les orientations et préconisations issues du comité interministériel du 25 octobre, qui traduisent la volonté de simplifier la vie quotidienne et de renforcer les droits des personnes handicapées. Je pense en particulier à la reconnaissance du caractère inaliénable du droit de vote pour les personnes majeures handicapées sous mesure de protection judiciaire et à la possibilité pour celles-ci de se marier sans avoir besoin de l’autorisation du juge des tutelles. Il s’agit de mesures symboliquement fortes pour intégrer davantage les personnes en situation de handicap dans la vie de la cité.

D’autres mesures de simplification annoncées sont également les bienvenues, comme l’attribution à vie des prestations aux personnes dont le handicap n’est pas susceptible d’évoluer favorablement. Cette mesure était attendue par les conseils départementaux – et les MDPH –, qui rencontrent, on le sait, de grandes difficultés pour faire face à l’afflux des demandes.

Il a été porté à mon attention une difficulté persistante concernant les apprentis en situation de handicap. Ces personnes, qui ont signé un contrat d’apprentissage, toucheront une pension d’invalidité d’un faible montant et devront obligatoirement faire valoir leur droit à l’allocation supplémentaire d’invalidité, qui est une allocation récupérable sur succession, pour pouvoir bénéficier de l’AAH en complément. Ils se trouveront alors dans une situation très défavorable par rapport à un jeune qui, dans les mêmes circonstances, aura suivi une formation par alternance sous statut scolaire, et qui recevra quant à lui directement l’AAH, laquelle n’est pas récupérable. Pourriez-vous nous éclairer sur ce point ?

J’ai également une interrogation quant au programme 304. Il est indiqué dans le bleu budgétaire qu’une concertation sera ouverte en 2019 au sujet de la création d’un revenu universel d’activité. Pourriez-vous nous donner davantage de précisions sur ce point ? À quel niveau ce revenu universel serait-il fixé ? De ce point dépend en effet l’orientation que l’on souhaite lui donner : s’agit-il d’un filet de sécurité minimal, ou au contraire a-t-il vocation à se rapprocher du seuil de pauvreté, c’est-à-dire aux alentours de 1 026 euros pour une personne seule ?

J’aimerais enfin revenir sur les mineurs non accompagnés (MNA), notamment à travers la question toujours en suspens du coût très lourd de leur prise en charge pour les conseils départementaux. Ils représenteraient parfois plus du quart des mineurs pris en charge, alors même que, comme cela a été souligné, les travailleurs sociaux ne sont pas assez nombreux. Se pose, par ailleurs, la question de l’évaluation de la minorité, notamment au moyen d’un test osseux. J’aimerais connaître votre avis sur le sujet : selon vous, quelles autres modalités pourrait-on envisager pour évaluer la minorité ?

Le « bleu » budgétaire précise également : « Le soutien financier de l’État aux départements se poursuivra en 2019 et s’accompagnera d’une réforme en profondeur des modalités de prise en charge des MNA dès le 1er janvier. » Ce sont d’ailleurs 141,2 millions en crédits de paiement qui sont prévus en 2019 au titre des MNA. Nous considérons néanmoins que l’État doit reprendre la compétence de la prise en charge des MNA en passant des conventions avec les départements concernés. Pourriez-vous nous donner votre avis sur ce point ?

Le groupe UDI, Agir et indépendants votera en faveur des crédits de cette mission.

Mme Gisèle Biémouret. Je tiens tout d’abord à remercier Brahim Hammouche pour son travail et pour le choix du thème de la bientraitance.

Le budget pour 2019 de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances », loin de nous satisfaire, nous plonge dans une profonde perplexité. Certes, la mission voit ses crédits augmenter de 6,8 %, soutenus par la revalorisation de la prime d’activité et de l’AAH, qui représentent à elles deux 78 % des crédits, mais ce que vous donnez dans cette mission, vous le reprenez par ailleurs dans le PLF, ou par voie réglementaire.

Ainsi, la revalorisation de la prime d’activité de 20 euros, qui ne concernait déjà que les revenus entre 0,5 fois et une fois le SMIC, sera amputée par la désindexation et par l’effet du décret du 3 octobre dernier. Celui-ci, en abaissant le coefficient de prise en compte des revenus de 62 % à 61 %, aura pour conséquence qu’un salarié au SMIC ne recevra au final que 8 euros au lieu des 20 euros que vous promettiez. De plus, dans la mesure où la revalorisation ne concerne que les travailleurs d’un foyer dont les revenus professionnels sont supérieurs à 0,5 fois le SMIC, les ménages qui travaillent le moins ou ceux dont les revenus sont les plus faibles ne seront pas du tout concernés. Au final, seules les personnes les plus proches du SMIC toucheront les 80 euros supplémentaires promis pour la fin du quinquennat. Toutes les personnes ayant des revenus modestes seront oubliées.

Autre bémol : le RSA, quant à lui, n’est pas revalorisé. Par ailleurs, sa recentralisation pour la Guyane et Mayotte, prévue à l’article 27 du PLF, est contraire aux principes d’égalité et de non-discrimination.

S’agissant des crédits pour le handicap, l’allocation aux adultes handicapés fait elle aussi l’objet d’une revalorisation exceptionnelle, ce qui est une bonne mesure, mais son impact sera, là encore, amoindri par plusieurs dispositions : absence de revalorisation par rapport à l’inflation en 2019, mesures de désindexation sur l’inflation en 2020, gel du plafond de ressources des couples et fusion des aides complémentaires qui se traduit par la disparition du complément de ressources, seule la majoration pour la vie autonome étant conservée, soit 104,77 euros au lieu de 179,31 euros. D’ailleurs, madame la ministre, Mme Stella Dupont, rapporteure spéciale et membre de votre majorité, a partagé nos inquiétudes ; elle n’a pas émis d’avis défavorable sur notre amendement visant à supprimer l’article 83 lors de l’examen de cette mission en commission des finances.

Pour le reste de la mission, nous notons de nombreuses baisses de crédits qui sont incohérentes. Alors que la stratégie de lutte contre la pauvreté réaffirme l’importance de l’accompagnement et la valorisation du travail social, les crédits de l’action 15 diminueront de 7,9 %. Tous les acteurs du travail social et de l’accompagnement sont ainsi affectés par cette baisse, et l’on ne peut que s’interroger sur les suites que vous donnerez au plan d’action en faveur du travail social, qui avait été adopté sous la précédente législature. Quant au montant des crédits de la nouvelle action 19, censée donner corps à la stratégie de lutte contre la pauvreté, il apparaît bien faible au regard du champ que l’action est censée couvrir pour sa première année d’existence, et cela d’autant plus que, sur les 135 millions d’euros consacrés à la contractualisation avec les départements, 50 millions proviennent du fonds d’appui aux politiques d’insertion (FAPI).

Les crédits du programme 137 sont constants alors que la nouvelle architecture du programme aurait mérité qu’ils augmentent, surtout au regard de l’importance que revêt la lutte contre les inégalités entre les femmes et les hommes et contre les violences faites aux femmes.

Je terminerai en disant un mot de l’action 14, relative à l’aide alimentaire, qui est la grande oubliée de la stratégie de lutte contre la pauvreté des enfants et des jeunes. Ses crédits sont en baisse alors que les indicateurs montrent une progression du nombre de bénéficiaires, qui sont au nombre de 4,8 millions si l’on en croit le bleu budgétaire.

M. Jean-Philippe Nilor. Le budget de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » est en augmentation de 1,6 milliard d’euros par rapport à l’année dernière. Il peut laisser penser à une soudaine générosité du Gouvernement en faveur des populations les plus modestes, notamment avec la nouvelle revalorisation annoncée de l’allocation aux adultes handicapés ou encore de la prime d’activité, mais c’est compter sans vos tours de passe-passe habituels : derrière les mots, il y a une réalité budgétaire qui ne bénéficie pas à ceux qui en ont le plus besoin.

En effet, vous avez introduit de nouveaux modes de calcul et de nouveaux critères qui bloquent les revalorisations de ces prestations sociales pour un certain nombre de personnes. C’est le cas pour la revalorisation de 20 euros de la prime d’activité. Celle-ci n’est destinée qu’à une catégorie de population : les travailleurs d’un foyer dont les revenus professionnels sont supérieurs à 0,5 fois le SMIC. De même, vous avez modifié les critères d’éligibilité à l’AAH. Même si l’on peut souligner sa revalorisation, celle-ci reste tout de même insuffisante. En effet, son montant reste en dessous du seuil de pauvreté, à savoir 1 026 euros.

Au passage, madame la ministre, comment peut-on admettre que, dans un même pays, une même nation, coexistent des seuils de pauvreté différents ? Celui de l’Hexagone est en effet supérieur à celui de la Martinique, lequel est lui-même supérieur à celui de la Guadeloupe, lui-même supérieur à celui de la Guyane, lui-même supérieur à celui de Mayotte. La France accepterait-elle donc des seuils de pauvreté à géographie variable ?

Par ailleurs, 100 000 personnes seront partiellement ou totalement exclues de l’avancée – au demeurant timide – que constitue la revalorisation de l’AAH. Les premières victimes seront les allocataires de l’AAH vivant en couple, car le Gouvernement a décidé de geler le plafond de ressources pour les couples. Vous avez également décidé la fusion du complément de ressources et de la majoration pour la vie autonome, au profit de la seconde, ce qui permet d’aligner la prestation sur le montant le plus faible, soit 104 euros. La suppression de la garantie de ressources pénalise les personnes qui vivent avec un handicap irréversible en réduisant leur niveau de vie à court terme. On est bien loin de l’augmentation du pouvoir d’achat annoncée.

Je voudrais, en outre, relayer ici les inquiétudes des associations, qui sont opposées à ces différentes mesures. Madame la ministre, quelles réponses allez-vous donner aux structures associatives, qui sont très en colère et mobilisées contre les mesures que vous annoncez dans le budget ?

Le Président de la République a annoncé en octobre dernier le lancement d’une stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté des enfants et des jeunes. Dans ce cadre, l’augmentation des crédits dédiés aux mineurs non accompagnés est de 9,2 millions d’euros. Cela correspond à la modification des modalités de remboursement aux départements, mais aussi à la hausse prévisionnelle du nombre de MNA.

Je voudrais surtout insister sur la diminution du financement des têtes de réseaux des associations œuvrant dans le domaine de la protection des enfants, des jeunes et des familles vulnérables. Ces associations sont souvent les premiers interlocuteurs des personnes les plus fragiles. Si l’on veut cibler davantage le dispositif pour mieux aider et accompagner les personnes vulnérables, il est plus utile et efficace de renforcer les moyens accordés aux associations et aux travailleurs sociaux. Les crédits s’élèveront, en 2019, à 1,2 million d’euros, contre 1,3 million d’euros en 2018. Par ailleurs, cette diminution risque de fragiliser un certain nombre d’associations.

Je voudrais également vous interpeller sur le budget consacré à l’égalité entre les hommes et les femmes. Le Gouvernement a annoncé à grand renfort de communication que l’égalité entre les hommes et les femmes serait la grande cause nationale du quinquennat. On peut certes souligner les crédits qui sont consacrés à la lutte contre les violences sexistes et sexuelles, mais de nombreux pas doivent encore être franchis dans ce domaine. Même si vous modifiez les appellations de l’aide consacrée aux différents dispositifs, on est loin du compte. En effet, le niveau des crédits pour 2019 est identique à celui de 2018.

Quelques mots, enfin, sur les chibanis. Après avoir diminué de 9 millions d’euros en 2018 les crédits de l’aide à la réinsertion familiale et sociale des anciens migrants dans leur pays d’origine, c’est une division par cinq qui intervient : ils passent de 1 million à 200 000 euros. L’argument avancé pour justifier cette diminution est pour le moins léger. Il convient au contraire, selon nous, de rendre automatique le droit à cette aide pour des personnes qui ont travaillé toute leur vie en France.

Comme dans toutes les autres missions, le Gouvernement poursuit ici sa politique austéritaire en réduisant les personnels mettant en œuvre les politiques sociales, du sport, de la jeunesse et de la vie associative. Les agences régionales de santé sont particulièrement touchées par cette baisse. Les crédits de la mission sont significatifs de votre politique d’inégalités sociales. Pourtant, si vous aviez fait preuve de courage politique, vous auriez pu aller chercher l’argent dans les exonérations fiscales accordées aux plus riches.

M. Sylvain Maillard. Ben voyons ! Pourquoi n’y avons-nous pas pensé ?

M. Jean-Philippe Nilor. Dans ces conditions, le groupe de la Gauche démocrate et républicaine (GDR) ne pourra pas voter les crédits de cette mission.

Mme Stella Dupont, rapporteure spéciale de la commission des finances. Je tiens, pour commencer, à vous remercier, chers collègues de la commission des affaires sociales, de m’accueillir parmi vous. Je salue à mon tour le travail de Brahim Hammouche et notre coopération sur cette mission très vaste. Je vous remercie vous aussi, madame la ministre, ainsi que vos services, qui ont répondu à mes nombreuses questions et sollicitations.

Je voudrais apporter quelques réponses à des questions soulevées au cours du débat, notamment en ce qui concerne les crédits consacrés à l’égalité entre les femmes et les hommes. J’aurais voulu dire à M. Lurton, qui n’est plus parmi nous à cet instant, que j’ai déjà fourni des précisions ce matin en commission des finances, mais il n’y assistait pas non plus. Je sais que notre rythme de travail est soutenu, mais il est important d’entendre les réponses qui sont apportées aux questions. S’agissant donc de l’égalité entre les femmes et les hommes, sujet évoqué également par notre collègue du groupe GDR, les moyens alloués sont constants, aux alentours de 30 millions d’euros. Il faut savoir aussi que l’exécution budgétaire de cette politique progresse par rapport aux années précédentes : au final, ce sont 7 millions de plus qui sont alloués à cette politique ambitieuse que nous menons.

Les subventions aux associations sont maintenues. Le Planning familial reçoit 272 000 euros, comme l’an dernier. Pour les associations d’accompagnement à la sortie de la prostitution également nous sommes sur les mêmes bases, avec 2,14 millions d’euros. Il y a donc une véritable continuité, à un niveau soutenu, dans les actions conduites en la matière.

Concernant la fusion de la prestation de compensation du handicap et de la majoration pour la vie autonome, j’ai été mentionnée par Mme Biémouret. Ce matin, j’ai invité à un débat approfondi avec Mme la ministre plutôt qu’à un débat en commission en dehors de sa présence.

S’agissant de la prime d’activité, madame la ministre, je tiens à souligner et à saluer l’annonce extrêmement importante que vous venez de faire : plus fort et plus vite, avez-vous dit. Effectivement, une augmentation de 20 euros était envisagée en 2019 ; vous parlez désormais de 30 euros. Je salue ce scoop. Cela va vraiment dans le sens que nous entendons donner au soutien aux plus vulnérables.

Un dernier mot en ce qui concerne les chibanis. Il ne s’agit pas, monsieur Nilor, d’une question de crédits ; c’est une question d’applicabilité de la mesure. Un certain nombre de freins empêchent à l’heure actuelle son application. De mémoire, 36 personnes seulement en bénéficient, alors que les crédits sont prévus pour 400. Nous avons donc prévu largement assez en termes budgétaires. Il faut surtout lever les freins et modifier la mesure pour qu’elle soit davantage demandée par les personnes qui y ont droit.

Mme la présidente Brigitte Bourguignon. Je tiens à préciser, Madame Dupont, que M. Lurton s’est excusé de devoir partir. Il fait partie des membres les plus assidus de cette commission. Il participe à l’intégralité de nos travaux et il a notamment été présent jusqu’au bout dans le débat sur le PLFSS, qui s’est terminé tard dans la nuit.

Mme Geneviève Levy. Je salue les mesures qui visent à prendre mieux en compte le parcours de vie des personnes handicapées – je pense notamment, bien sûr, à l’augmentation des crédits de l’allocation aux adultes handicapés, qui est une bonne nouvelle. Toutefois, je souhaite la nuancer, comme l’a fait le Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH), car il s’agit en réalité d’un rééquilibrage de lignes budgétaires. Je donnerai un seul exemple : vous supprimez la revalorisation légale au 1er avril, ce qui représente un manque à gagner de 90 euros par allocataire. Cette somme aurait dû être perçue en plus, entre mai et novembre, et s’ajouter à la deuxième revalorisation, qui interviendra en novembre 2019. C’est très intelligemment fait mais, concrètement, la mesure entraîne une perte de pouvoir d’achat – et, pour le Gouvernement, des économies. Je tenais à le signaler.

Que pouvez-vous nous dire, par ailleurs, sur la suppression du complément de ressources au profit de la majoration pour la vie autonome, à l’article 83, qui entraînera, dès le 1er janvier 2019, pour des milliers de bénéficiaires de l’AAH touchant ce complément, une perte pouvant aller jusqu’à 179 euros par mois ?

Mme Emmanuelle Fontaine-Domeizel. Madame la ministre, étant référente handicap, je souhaite d'abord revenir sur la hausse significative du programme 157, dédié au handicap et à la dépendance : 580 millions d'euros supplémentaires pour l'AAH. Cette hausse attendue s'inscrit dans la droite ligne d'un engagement pris et tenu devant les Français par le groupe de la majorité et le Gouvernement. L'ensemble du programme passera à 12 milliards d'euros, un montant significatif de notre volonté à agir pour les plus fragiles des nôtres et pour leur inclusion.

Pour revenir à l'objet d'étude du rapporteur, que je félicite, je trouve que la bientraitance est un angle particulièrement pertinent. J’ai une interrogation sur la Fédération 3977 contre la maltraitance et son efficacité. Il y a eu 724 signalements pour les personnes en situation de handicap. Pensez-vous que c'est significatif au regard du nombre de victimes ? Jugez-vous que le dispositif est efficace ? Mérite-t-il d'être mieux connu ?

M. Cyrille Isaac-Sibille. J’en reviens toujours à la prévention mais sous un autre angle. Je constate une stabilité du financement des ARS dans le programme 143 de cette mission, mais aussi une baisse de 20 millions d’euros des dépenses d’intervention du programme 124. Dans ces conditions, comment financer les actions d'éducation à la santé ? Je suis d'accord avec vous sur un changement de paradigme en ce qui concerne les préventions secondaire et tertiaire, mais il ne doit pas jouer pour la prévention primaire.

Mme la présidente Brigitte Bourguignon. Madame la ministre, vous avez la parole pour répondre à cette série de questions.

Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. Je vais commencer par la question de la bientraitance, valeur fondamentale de notre société, pour laquelle nous nous battons. Merci, monsieur le rapporteur, d'avoir mis en lumière ce sujet sur lequel nous sommes mobilisées, Sophie Cluzel et moi‑même.

S'agissant des personnes dépendantes et des personnes en situation de handicap, nous avons mis en place des actions de prévention et de repérage, notamment avec ce dispositif d'écoute téléphonique adapté aux victimes, aux témoins de faits de violence et à des actions de réponse à ces situations.

Le 19 février dernier, nous avons installé la commission de promotion de la bientraitance et de lutte contre la maltraitance. Cette commission est présidée par Denis Piveteau, un conseiller d'État qui a été secrétaire général des ministères sociaux, et dont vous connaissez l’engagement sur ces sujets. Nous pensons qu’elle permettra d'améliorer la connaissance de tous les phénomènes de maltraitance, de faciliter leur repérage, leur signalement et leur traitement, et de mieux accompagner les responsables et les personnels des établissements et services médico-sociaux. Face aux craintes exprimées sur son caractère trop normatif, je peux vous dire que nous ne pensons pas que la réponse passe par l’instauration de normes.

Son rapport nous sera remis très prochainement. Ses préconisations feront l'objet d'un plan d'action national pluriannuel et elles alimenteront la réflexion dans le cadre plus général de la concertation nationale sur le grand âge et l’autonomie. Je veillerai à ce que les parlementaires soient associés aux réflexions sur les suites à donner au rapport de la commission et sur l’élaboration d’un plan d’action.

Dans votre rapport, il est également question des enfants. Vous parlez des mesures prises par l'État pour améliorer le repérage des enfants en danger ou en risque de danger à travers la mise en place et le financement du Service national d'accueil téléphonique pour l'enfance en danger (SNATED) et de l’Observatoire national pour la protection de l'enfance (ONPE) dont j’ai pérennisé le financement.

Nous allons aller plus loin. En novembre, nous allons lancer une campagne à destination du grand public, dans les médias nationaux, concernant l'appel au 119. Nous souhaitons faire de la lutte contre toutes les formes de violence et de maltraitance à l’égard des enfants, une priorité absolue de la stratégie nationale de protection de l'enfance que nous sommes en train d'élaborer et qui sera dévoilée au mois de novembre. Nous voulons parvenir à une prise de conscience collective, afin que chacun puisse lutter à sa place contre toutes les violences faites aux enfants. Aucun moyen ne sera négligé.

Vous m'interrogez sur l'évaluation et la qualité des établissements sociaux et médico-sociaux et des établissements de santé. Dès mon arrivée, j'ai transféré à la HAS le soin d'exercer la mission qui était confiée à l'Agence nationale de l'évaluation et de la qualité des établissements et services sociaux et médico‑sociaux (ANESM). Cette dernière devait passer par une multitude d’organismes agréés pour mettre en place ses missions d'évaluation des établissements médico-sociaux et sociaux. Nous souhaitons un peu mieux harmoniser les pratiques.

La HAS est très vigilante en ce qui concerne la question du droit des personnes. Au sein de la HAS, il y a désormais une commission spécialisée qui élabore les recommandations pour les établissements sociaux et médico-sociaux ; elle évalue aussi la qualité de leurs prestations en validant des procédures et des référentiels. Nous allons être très attentifs au changement de pratiques liées à la fusion de l’ANESM et de la HAS. Lors de l’élaboration de ces recommandations, nous intégrerons celles du rapport Piveteau.

Depuis mon arrivée au ministère, je suis en alerte sur les secteurs particuliers la psychiatrie et de la santé mentale. Le 28 juin dernier, lors du premier comité stratégique de la santé mentale et de la psychiatrie, j’ai annoncé une feuille de route. La promotion de la bientraitance des personnes atteintes de maladie mentale et de troubles psychiques est évidemment au cœur de cette feuille de route qui prévoit notamment de garantir des parcours de soins coordonnés, soutenus par une offre en psychiatrie accessible, diversifiée et de qualité dans laquelle la médecine de ville prend toute sa place. Elle cherche également à améliorer les conditions de vie, d'inclusion sociale et d'accès à la citoyenneté des personnes en situation de handicap psychique. Je sais que vous souhaitez poursuivre vos travaux sur ce sujet. Soyez certain que mon ministère sera très attentif aux constats et aux préconisations que vous pourriez formuler dans ce cadre.

Madame Vidal, vous m’interrogez sur la question du premier accueil social inconditionnel. En tant que chefs de file de l'action sociale, les conseils départementaux auront la charge d'organiser ce premier accueil social inconditionnel, en collaboration avec les autres acteurs sociaux, notamment les centres d'action communaux ou intercommunaux d'action sociale. Ils ont pu s'y préparer depuis deux ans, grâce à la mise en place des schémas d'amélioration de l'accessibilité des services au public. Cela doit leur avoir permis de faire un diagnostic territorial des lieux qui remplissent les conditions du premier accueil social. Il peut s'agir de leurs propres services, des centres d'action sociale, mais aussi des maisons de service au public, des guichets des caisses de sécurité sociale. Un guide a également été publié en collaboration avec les collectivités territoriales, avec le soutien de l'ANSA que vous avez citée.

Vous avez raison, il faut une volonté politique forte. Elle se matérialise par la valorisation du premier accueil social inconditionnel dans la stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté. Cette stratégie, financée par une partie des 135 millions d'euros de la contractualisation, permettra d’aider les départements à bâtir cette organisation du premier accueil social inconditionnel qui différera probablement d’un territoire à l’autre, en fonction de leur caractère plus ou moins urbain ou rural. Les conférences régionales qui seront mises en place pour suivre la stratégie et sa mise en œuvre permettront aux départements d'échanger entre eux ainsi qu'avec les associations et les personnes concernées, pour parvenir à une bonne couverture du territoire.

Vous avez ensuite posé une question concernant les MDPH. Il convient de rappeler que les durées de traitement des dossiers par les MDPH sont réglementairement fixées à quatre mois. Depuis 2012, le délai moyen reste malheureusement stable à quatre mois et douze jours pour les adultes et à trois mois et vingt jours pour les enfants.

Plusieurs mesures ont été prises pour accélérer la réduction des délais de traitement. Tout d’abord, il existe désormais un système d'information harmonisé entre les MDPH, qui est aussi commun et interopérable avec ceux de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA), des conseils départementaux et de la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF). C'est un outil de modernisation qui devrait aboutir à une automatisation et une simplification des actions pour les MDPH, et donc à une réduction des délais de traitement. Ce déploiement du système d'information correspond à un engagement fort du Gouvernement. Fin 2019, toutes les MDPH devraient avoir intégré ce nouveau système d'information. En outre, début de 2019, un portail de téléservices sera mis à la disposition de l'ensemble des MDPH par la CNSA afin de faciliter les démarches des personnes handicapées et de favoriser des gains d'efficience. Couplées aux dispositifs de simplification appliqués par le Gouvernement, ces mesures devraient permettre, à terme, une réduction des délais.

M. Lurton m'a interrogée sur le programme 137 dont les crédits restent stables à 29,9 millions d'euros. En fait, notre ambition est d’améliorer l'exécution de crédits pour arriver à un taux de 100 %, ce qui suppose une augmentation de 31 % par rapport à la moyenne des trois dernières années. Une augmentation des crédits ne serait pas utile sans une progression de l'exécution budgétaire.

Comme nombre d'entre vous, M. Lurton m’a aussi interrogée sur l'évolution du mode de calcul du plafond pour les couples. Cette mesure a fait l'objet de nombreux débats l'année dernière. Elle est logique : il s'agit de rapprocher le mode de calcul de l’AAH de celui des autres minima sociaux. Les modalités de calcul de l’AAH continueront à intégrer des particularités favorables aux bénéficiaires de la prestation, avec notamment un mécanisme d'intéressement à la reprise d'activité particulièrement incitatif et un abattement de 20 % sur la prise en compte des revenus du conjoint. En novembre 2019, tous les ménages composés d'une personne seule, avec ou sans enfants, et environ 60 % des couples bénéficieront d'une revalorisation à plein. Plus de 90 % des ménages bénéficieront ainsi totalement de la revalorisation prévue. Je confirme qu'il n'y aura aucun perdant.

M. Lurton m’a enfin demandé si les crédits de contractualisation intègrent le Fonds d’appui aux politiques d’insertion (FAPI). C’est le cas : les 135 millions d'euros comprennent les 50 millions d'euros du FAPI.

Madame de Vaucouleurs, vous m'avez interrogée sur la fusion des deux compléments de l’AAH, c'est-à-dire sur l’article 83 du PLF. Annoncée l'année dernière, notamment aux associations, cette fusion est une mesure de simplification qui permet de supprimer la double évaluation – du taux d'incapacité et du taux de capacité – demandée actuellement aux bénéficiaires du complément de ressources. Il s’agit aussi d’une mesure équilibrée qui vise à flécher les financements vers ceux qui en ont le plus besoin, c'est-à-dire vers ceux qui vont devoir réellement assumer des charges de logement, sachant qu’au complément peut s’ajouter une aide personnelle au logement. C'est aussi une mesure qui ne fait pas de perdants. Les bénéficiaires actuels du complément de ressources conserveront leur droit pendant dix ans. Plus globalement, il est important de rappeler que les conséquences du handicap et le soutien à l'autonomie des personnes relèvent d'abord de la prestation de compensation du handicap qui bénéficie à plus de 280 000 personnes et représente une dépense de près de 2 milliards d'euros.

Madame Firmin Le Bodo, vous n'interrogez sur les mineurs non accompagnés. En premier lieu, en tant que professionnelle de santé, je tiens à dire je ne recommande pas les tests osseux qui n'ont pas de valeur en cas de fusion des cartilages de conjugaison. Ils ne permettent pas de déterminer avec certitude si les enfants examinés sont majeurs, compte tenu de la vie qu'ont menée ces derniers : le fait qu'ils aient beaucoup marché et qu’ils aient porté des charges lourdes peut favoriser la fusion des cartilages de conjugaison. Ces tests osseux ont une certaine valeur si les cartilages de conjugaison persistent mais ils n'en ont aucune pour affirmer la majorité. Je pense donc qu'ils devraient être interprétés en ce sens. J’ai dit plusieurs fois aux conseils départementaux que j’aimerais une harmonisation des pratiques. Je me suis posé la question de saisir la HAS pour obtenir des recommandations de bonnes pratiques à cet égard, car je pense qu'il faut une vision médicale du sujet.

En second lieu, je signale que l’effort budgétaire est vraiment maintenu en ce qui concerne les mineurs non accompagnés. Il existe une modalité de prise en charge, d'évaluation et de mise à l'abri des jeunes dont le coût forfaitaire est de 500 euros par jeune. En outre, le Gouvernement prend en charge 30 % des dépenses des départements au titre de l'aide sociale à l'enfance (ASE). C’est vraiment un dispositif exceptionnel. Au total, le Gouvernement maintient à 141 millions d'euros son effort financier en faveur des départements après en avoir longuement discuté avec eux.

Monsieur Nilor, madame Dupont, vous m'avez interrogée sur le financement de l'aide à la réinsertion familiale et sociale des chibanis. Cette aide, créée en 2016, visait à permettre aux étrangers âgés, disposant de faibles ressources et résidant seuls, d'effectuer des séjours de plus de six mois dans leur pays d'origine. Madame Dupont, vous aviez déjà souligné dans votre rapport de l'année dernière que ce dispositif n'avait pratiquement pas été utilisé. J'ai demandé à mes services d'étudier des pistes d'évolution, celles qui ont été recommandées dans votre rapport, pour faciliter le recours à cette prestation. Certaines propositions sont déjà en cours d'analyse et je serai vraiment très attentive à y donner suite.

Madame Biémouret, les crédits de l'aide alimentaire sont stables. Le plan pauvreté traite des besoins alimentaires des enfants, hors du champ de l’aide alimentaire : 10 millions d'euros sont prévus pour la prise en charge des petits déjeuners dans les écoles des réseaux d'éducation prioritaire (REP et REP+) ; 5 millions d'euros de soutien à la tarification sociale dans les cantines des classes primaires pour toutes les communes de moins de 10 000 habitants. Ces budgets s’ajoutent à ceux de l'aide alimentaire.

Madame Levy, vous m'interrogez sur l’AAH. Je rappelle que l'engagement du Président de la République sera pleinement respecté : dès novembre 2019, le montant de l’AAH sera porté à 900 euros.

À ceux qui n'ont pas bien compris mes propos sur la prime d'activité, j’indique qu’elle fera bien l’objet d’une revalorisation accélérée afin de respecter les engagements du Président de la République. En 2022, cette revalorisation sera de 100 euros au niveau du SMIC : 20 euros de baisse des cotisations sociales et 80 euros de prime d'activité proprement dite.

Mme la présidente Brigitte Bourguignon. Madame la ministre, je vous remercie infiniment pour le temps que vous nous avez consacré et pour vos réponses. Pour vous permettre de nous quitter, je vais suspendre nos travaux quelques instants.

 

 

 

 

 


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II.   Examen des crédits

Puis la commission examine, pour avis, les crédits pour 2018 de la mission « solidarité, insertion et égalité des chances » (M. Brahim Hammouche, rapporteur pour avis).

Mme la présidente Brigitte Bourguignon. Nous en venons à l’examen des amendements portant sur la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ».

Article 39 et État B : Crédits du budget général

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la commission rejette l'amendement II-AS7 de M. Boris Vallaud.

Puis elle examine l’amendement II-AS10 de Mme Gisèle Biémouret.

Mme Hélène Vainqueur-Christophe. Le groupe Socialistes et apparentés regrette que les ministères sociaux fassent partie des ministères non prioritaires, touchés de manière importante par les mesures d’économies budgétaires voulues par le Gouvernement. Après 287 suppressions de poste en 2018, il est question de supprimer 254 ETP en 2019. C’est pourquoi nous proposons de reconduire les crédits de 2018 pour permettre la mise en œuvre effective des politiques publiques portées par des ministères aussi importants que celui de la santé.

M. Brahim Hammouche, rapporteur pour avis. On peut partager votre souci de permettre la mise en œuvre effective des politiques publiques qui sont inscrites dans le programme 124. Je suis d’ailleurs ravi que vous reconnaissiez son importance alors que beaucoup de vos amendements visent au contraire à le réduire.

Néanmoins, vous voulez amputer de plus de 25 millions d’euros le programme 304 « Inclusion sociale et protection des personnes ». Je vous rappelle que ce programme a pour objectif de soutenir diverses actions à fort enjeu : le financement de la prime d’activité, les dispositifs d’aide alimentaire qui s’inscrivent dans le cadre du fonds européen d’aide aux plus démunis, les actions relatives à la qualification et la professionnalisation en travail social, les dispositifs de protection juridique des majeurs ainsi que les actions de protection et d’accompagnement des enfants, des jeunes et des familles vulnérables.

En outre, ce programme porte en 2019 les moyens alloués à la stratégie interministérielle de lutte contre la pauvreté. C’est d’ailleurs l’une des raisons pour lesquelles les crédits qui lui sont alloués sont en augmentation.

Ne pouvant prendre le risque de cautionner la diminution de ces crédits, j'émets un avis défavorable à cet amendement.

La commission rejette l'amendement.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, elle rejette l'amendement II-AS5 de Mme Gisèle Biémouret.

Puis elle en vient à l’amendement II-AS9 de Mme Gisèle Biémouret.

M. Brahim Hammouche, rapporteur pour avis. Considérés globalement, les crédits consacrés au programme 137 sont stables et non pas en diminution comme vous l’indiquez.

Je partage votre souci d’accompagner davantage les parcours de sortie de la prostitution, ce qui apparaît dans la partie thématique de mon rapport. Selon la Fédération nationale des associations de réinsertion sociale (FNARS), les délais d’obtention de l’aide financière à l'insertion sociale et professionnelle (AFIS) sont trop longs, et le budget dévolu – hors AFIS – n’est pas suffisant. La priorité consisterait donc à augmenter les moyens des associations concernées.

J’émets donc un avis défavorable à cet amendement.

La commission rejette l'amendement.

Puis elle examine l’amendement II-AS8 de Mme Gisèle Biémouret.

Mme Hélène Vainqueur-Christophe. La loi de finances pour 2016 a permis la mise en place, à compter du 1er janvier 2016, d’une nouvelle aide à la réinsertion familiale et sociale des anciens migrants dans leurs pays d’origine (ARFS).

À l’origine, en 2016, le Gouvernement prévoyait qu’environ 10 000 à 15 000 personnes bénéficieraient de cette aide, pour un coût estimé à 60 millions d’euros. Rappelons que le nombre total de ressortissants de pays tiers, âgés de plus de soixante-cinq ans et résidant en foyer de travailleurs migrants ou en résidence sociale, est estimé à 35 000 personnes.

Actuellement, l’objectif fixé est loin d’être atteint et nous souhaiterions connaître les raisons pour lesquelles ce dispositif ne trouve pas son public. Nous demandons qu’une campagne d’information soit lancée auprès des publics visés afin qu’ils se saisissent de cette aide.

M. Brahim Hammouche, rapporteur pour avis. Je partage votre préoccupation concernant l’ARFS. Le rapport de Mme Stella Dupont sur le projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2017 a d’ailleurs fait état de conditions d’éligibilité difficilement compatibles avec la situation des personnes éligibles, notamment au moment du renouvellement de l’aide, ceci semblant largement expliquer le faible taux de recours.

Il ne s’agit pas d’un problème de crédits. Généreux dans ses intentions, ce dispositif se révèle en pratique inaccessible. Néanmoins, la réflexion relative à la place des « chibanis » au sein de notre société mérite effectivement d’être poussée davantage.

De plus, je ne suis pas favorable au fait de retirer 800 000 euros à l’action 15 du programme 124.

J’émets donc un avis défavorable à cet amendement.

La commission rejette l'amendement.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur pour avis, elle rejette l’amendement IIAS11 de Mme Gisèle Biémouret.

Elle examine ensuite l’amendement AS6 de Mme Gisèle Biémouret.

Mme Stella Dupont, rapporteure spéciale de la commission des finances. Je me permets de dire un mot sur cette série d’amendements qui concernent les crédits consacrés à l’égalité entre les femmes et les hommes. J’ai apporté des précisions ce matin en commission des finances – un certain nombre d’amendements ont d’ailleurs été retirés par les oppositions –, et tout à l’heure encore. L’ensemble des crédits antérieurement alloués aux associations est maintenu. On s’inscrit bien dans la continuité d’une politique de soutien aux grandes associations nationales que j’ai évoquées, telles que le Planning familial ou encore le Mouvement du Nid. En outre, l’enveloppe globale dédiée aux associations augmente cette année. En plus, l’exécution du budget progresse. Ce sont ainsi 7 millions d’euros supplémentaires qui sont consacrés à cette politique. Il me semble donc gênant d’avancer des contre-vérités. Il est vrai que la nouvelle maquette peut troubler et susciter des questions ; c’est naturel. Mais une fois que les réponses sont apportées, il faut être objectif.

M. Brahim Hammouche, rapporteur pour avis. Les associations têtes de réseaux disposeront en 2019 des mêmes crédits qu’en 2018, même si cela n’apparaît pas bien dans la présentation de la maquette – qu’il faudrait peut-être modifier. J’espère que cette précision est de nature à rassurer les auteurs de l’amendement, sur lequel j’émets un avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Elle émet ensuite un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ».

Article 83 : Simplification des compléments à l’allocation aux adultes handicapés (AAH)

La commission examine l’amendement AS14 de Mme Gisèle Biémouret.

M. Brahim Hammouche, rapporteur pour avis. Je profite de cet amendement pour m’étendre un peu sur cet article, au sujet duquel nous aurons une discussion en séance avec Mme la ministre.

Je n’ai pas eu l’occasion de procéder à des auditions ou consultations sur le sujet. Je souhaiterais donc disposer de davantage d’éléments d’information, quitte à ce que nous examinions de nouveau en séance des amendements tels que celui-ci.

En l’état actuel des choses, on peut constater que l’AAH a augmenté de 90 euros entre 2017 et 2019. Par ailleurs, les personnes qui bénéficient actuellement du complément de ressources continueront à le toucher pendant dix ans. Du reste, la plupart d’entre elles sont également éligibles à la majoration pour la vie autonome (MVA). Le montant de la MVA est inférieur de 75 euros à celui du complément de ressources. Toutefois, il est plus simple et plus rapide de l’obtenir. C’est donc là un élément d’accessibilité – ce que nous entendons promouvoir. Enfin, dans la mesure où il faut percevoir des aides au logement pour bénéficier de la MVA, cela signifie que les personnes qui auraient été éligibles au complément de ressources mais qui ne le seront pas à la MVA disposent d’un logement indépendant dont elles sont propriétaires ou dans lequel elles sont logées à titre gratuit. La question qui se pose, dont nous débattrons certainement dans l’hémicycle, est la suivante : ne serait-il pas judicieux de profiter des économies réalisées dans le cadre de cette mission pour revaloriser la MVA ?

Je propose aux auteurs de l’amendement de le retirer. Nous en discuterons de nouveau dans l’hémicycle.

Mme Hélène Vainqueur-Christophe. Nous le maintenons.

Mme Michèle de Vaucouleurs. Il est effectivement important que nous discutions de cette disposition en vue du vote en séance publique. Mme la ministre pourrait nous transmettre des informations complémentaires, soit avant la séance soit pendant, afin que nous puissions voter en conscience l’article 83.

La commission rejette l’amendement.

Elle émet ensuite un avis favorable à l’adoption de l’article 83.

Après l’article 83

La commission examine l’amendement AS2 de M. Cyrille Isaac-Sibille.

M. Cyrille Isaac-Sibille. Il s’agit de donner plus de souplesse. Actuellement, comme on le sait, les établissements ou services d’aide par le travail (ESAT) doivent être reconnus par les directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (DIRECCTE). Cette démarche leur permet tout à la fois d’avoir des financements pour adapter les postes et de faire bénéficier leurs donneurs d’ordre d’une déduction. Cet amendement vise à simplifier les choses. Je rencontre beaucoup d’associations ou d’entreprises qui ont vocation à employer des handicapés. Or, actuellement, le taux de reconnaissance par les DIRECCTE est faible. La présente disposition serait donc bénéfique pour ces associations et entreprises.

M. Brahim Hammouche, rapporteur pour avis. Le dispositif que vous proposez peut sembler pertinent, dans la mesure où les entreprises visées participent elles aussi à l’insertion des personnes handicapées. Sur le plan juridique, il ne peut cependant être adopté en l’état car il renvoie à l’article L. 5212-6 du code du travail, lequel ne traite plus de ce sujet depuis qu’il a été modifié par l’article 67 de la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel. En effet, à compter du 1er janvier 2020, les achats de biens et services auprès des secteurs adaptés et protégés seront valorisés non plus sous forme de modalité d’acquittement partiel de l’obligation d’emploi mais sous forme de déduction de la contribution due par l’entreprise.

Par ailleurs, l’article 76 de la même loi a prévu une réforme des entreprises adaptées : la proportion de travailleurs handicapés employés dans ces entreprises, fixée aujourd’hui à au moins 80 %, va évoluer. À compter du 1er janvier 2019, il y aura désormais une proportion minimale et une proportion maximale de travailleurs handicapés en entreprise adaptée, fixées par décret.

Enfin, si les entreprises adaptées bénéficient de dispositions particulières dans le cadre de l’obligation d’emploi, ce n’est pas seulement parce qu’elles emploient un nombre important de travailleurs handicapés : c’est aussi parce qu’elles signent un contrat avec l’État dans lequel elles s’engagent à mettre en œuvre pour ces salariés un accompagnement spécifique, destiné à favoriser la réalisation de leur projet professionnel, la valorisation de leurs compétences et leur mobilité au sein de l’entreprise elle-même ou vers d’autres entreprises. Il ne me paraît donc pas pertinent d’étendre cette disposition à toutes les entreprises employant plus de 80 % de travailleurs handicapés, sans y joindre l’obligation d’un agrément délivré par l’État.

Compte tenu de tous ces éléments, je vous propose de retirer votre amendement.

M. Cyrille Isaac-Sibille. Je le retire mais j’en déposerai un autre, rédigé différemment, en vue de la séance publique. Je suis bien d’accord pour dire que le contrat avec l’État est important. L’objectif sera donc de permettre aux associations ou entreprises visées de faire bénéficier leurs donneurs d’ordre de la déduction, tout en signant un contrat avec l’État.

L’amendement est retiré.

La commission se saisit de l’amendement II-AS13 de Mme Gisèle Biémouret.

Mme Hélène Vainqueur-Christophe. Par cet amendement, nous demandons un rapport sur la mise en œuvre de la réforme de la protection juridique des majeurs, qui dresse notamment un bilan de l’application du décret n° 2018-767 du 31 août 2018 relatif au financement des mandataires judiciaires à la protection des majeurs.

M. Brahim Hammouche, rapporteur pour avis. Le PLF 2019 indique que plusieurs travaux engageant l’évolution des dispositifs de protection juridique des majeurs sont en cours. Le Gouvernement reconnaît lui-même que « certains aspects du dispositif doivent être améliorés ainsi que l’ont souligné les récents rapports de la Cour des comptes et du Défenseur des droits ».

Aussi, le 17 novembre 2017, la direction générale de la cohésion sociale (DGCS) a installé un groupe de travail, composé de représentants des mandataires judiciaires à la protection des majeurs, des autorités judiciaires, des services du ministère des solidarités et de la santé, d’usagers, d’établissements de formation et du Défenseur des droits.

Il est notamment chargé d’une étude des coûts des mesures de protection juridique, qui est en cours de finalisation. Deux volets seront plus particulièrement étudiés : la détermination du coût horaire des mesures de protection à partir de la charge de travail liée aux missions de mandataires judiciaires à la protection des majeurs et ce, quel que soit le mode d’exercice de la protection des majeurs – structures ou personnes physiques – et la détermination du coût des mesures de protection à partir de leurs charges. Le rapport final est attendu pour courant 2019.

Il me semble donc, chère collègue, que votre demande est satisfaite. Je vous propose, dans l’attente des résultats de cette étude, de retirer cet amendement, faute de quoi il me faudra émettre un avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.