N° 1306

______

ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 12 octobre 2018.

AVIS

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DE LA DÉFENSE NATIONALE ET DES FORCES ARMÉES
SUR LE PROJET DE LOI de finances pour 2019 ( 1255)

 

 

TOME III

 

 

DÉFENSE

 

Soutien et logistique interarmÉes 

 

PAR M. Claude DE GANAY

Député

——

 

 Voir les numéros : 1302 (annexe 13)


 


—  1  —

SOMMAIRE

___

 Pages

introduction

PREMIÈRE PARTIELes crédits relatifs au soutien et à la logistique interarmées dans le projet de loi de finances pour 2019

I. Les crédits du programme 178 « Préparation et emploi des forces » relatifs au soutien et à la logistique interarmées

A. Les crédits regroupés à l’action 1 « Planification des moyens et conduite des opérations »

1. Emploi des forces

2. Renseignement d’intérêt militaire

3. Systèmes d’information et de communication

B. Les crédits inscrits à l’action 5 « Logistique et soutien interarmées »

1. Les crédits des bases de défense

2. Le service du commissariat aux armées

3. Le service de santé des armées

4. Le service interarmées des munitions

5. Les soutiens complémentaires

C. Les surcoûts liés aux opérations extérieures et intérieures

II. Le programme 212 « Soutien de la politique de défense »

A. La politique immobilière du ministère des Armées

B. Les systèmes d’information, d’administration et de gestion

C. La politique des ressources humaines

1. Les aides à la reconversion

2. L’action sociale du ministère et les autres politiques de ressources humaines

D. La politique culturelle et éducative

E. L’accompagnement des restructurations

F. Les dépenses de pilotage, de soutien et de communication

DEUXIème partieL’externalisation des soutiens et de la logistique interarmées

I. l’externalisation, UN MODE DE GESTION EN EXPANSION AU SEIN des armées

A. Le champ des externalisations

1. Les soutiens

2. Les infrastructures

3. Les capacités militaires

B. L’externalisation, une formule TOUJOURS prisée par le ministère des armées

1. Un bilan financier souvent favorable

2. De nombreux projets d’externalisation sont en cours

II. LA PERSISTANCE DE RIVES APPELLE à PLUS DE RIGUEUR

A. UN CADRE JURIDIQUE STRICT MAIS ENCORE TROP THÉORIQUE

1. Des conditions strictes encadrent le recours à l’externalisation

2. Une mise en œuvre sujette à interrogations

3. Les failles du contrôle interne

B. RECOMMANDATIONS POUR RENFORCER LA vigilance

1. Le champ d’application des partenariats public-privé doit rester limité

2. Les difficultés de l’externalisation en OPEX

3. Externaliser exige des compétences de haut niveau

TROISIème partieLes nouveaux défis du Service des essences des armées

I. Le SEA garantit l’autonomie énergétique des forces armées

A. L’intégration de la chaÎne pétrolière au sein d’un organisme unique

1. Un modèle unique dont les qualités sont largement reconnues

2. De l’approvisionnement à la livraison finale aux armées

B. Une organisation adaptée aux missions du service

1. Les moyens humains et matériels assurent la résilience du service

2. La gouvernance du SEA est source de souplesse au regard des contraintes budgétaires

II. La sécurisation des approvisionnements pétroliers est aujourd’hui confrontée à de nouveaux défis

A. Le SEA met en œuvre plusieurs modes d’action pour assurer la pérennité du soutien pétrolier en toutes circonstances

1. Les modes d’action visant à sécuriser les approvisionnements

2. Les convois pour protéger les personnels, le matériel et les approvisionnements

B. La pérennité du soutien pétrolier est aujourd’hui mise à l’épreuve tant par l’intensité de l’engagement opérationnel que par les enjeux liés à la transition énergétique

1. Un service en état de « surchauffe opérationnelle »

2. La transition énergétique : risque ou opportunité ?

III. Alors que le SEA évolue pour répondre à ces défis, le ministère des Armées doit engager une réflexion sur la sécurité énergétique au niveau stratégique

A. Le SEA se transforme pour continuer à assurer, en tout temps et en tout lieu, la sécurité énergétique des forces

1. La politique du carburant unique : un gage de sécurité énergétique et d’interopérabilité des forces

2. La transition énergétique ne doit pas entraver les capacités opérationnelles

3. La sécurité-protection des convois pétroliers est actuellement renforcée

B. LA pérennisation du SEA doit s’accompagner d’une réflexion plus large autour de la fonction énergie au sein des armées

1. Les besoins financiers et humains du SEA

2. Relever le défi de la transition énergétique

3. Vers une nouvelle gouvernance de l’énergie

TRAVAUX DE LA COMMISSION

I. Audition dE M. JEan-PAUL BODIN, secrétaire général pour l’administration

II. EXAMEN des crÉdits

annexe :  Liste des personnes auditionnées par le rapporteur pour avis et déplacements


—  1  —

   introduction

Le projet de loi de finances (PLF) pour 2019 revalorise les soutiens. En tout, près de 5,3 milliards d’euros de crédits de paiement hors dépenses de personnel leur seront attribués en 2019, soit une hausse de 6,9 % par rapport à 2018. Le rapporteur pour avis ne peut que se féliciter d’un budget à la hauteur de l’ambition portée par la loi de programmation militaire (LPM) 2019-2025.

Au-delà des chiffres, ce satisfecit mérite néanmoins d’être tempéré.

Une partie substantielle des crédits supplémentaires – 200 millions d’euros – est consacrée à la « sincérisation » du financement des surcoûts des opérations extérieures et intérieures. Il s’agit de crédits qui, soulignons-le d’emblée, ne bénéficieront pas à « l’amélioration du « quotidien » du soldat » voulu par la LPM. Par ailleurs, en dépit des moyens qui y sont consacrés, cette « sincérisation » reste partielle et progressive : un financement interministériel restera nécessaire sur toute la durée de la LPM, même s’il devrait être de moins en moins important.

S’agissant des moyens qui bénéficieront effectivement aux personnels du ministère des Armées, le Gouvernement a suscité, par ses promesses, de fortes attentes qui risquent de se transformer en déceptions si ce dernier ne se soucie pas davantage de la mise en œuvre pratique de ses engagements. Tant la mise en œuvre du « plan Famille » que la rénovation du parc de logements se font attendre. Tout cela n’est pas de bon augure pour nos soldats, à l’heure où les armées font face à un redoutable défi d’attractivité et de fidélisation.

Dans le cadre de ses travaux, le rapporteur pour avis s’est intéressé à l’externalisation du soutien et de la logistique interarmées. Le développement des pratiques d’externalisation, à la faveur des réformes menées sous l’égide de la révision générale des politiques publiques (RGPP), se poursuit aujourd’hui. Cet avis s’inscrit dans la continuité de nombreux rapports élaborés par les deux chambres du Parlement dans le cadre de leur mission d’évaluation des politiques publiques ([1]).  

Les travaux conduits ont permis de mettre en lumière plusieurs failles dans les pratiques d’externalisation des armées. Ces faits démontrent la fragilité du cadre juridique qui encadre les externalisations, les failles du contrôle interne et externe ainsi que la persistance de comportements que des parlementaires avaient déjà su, par le passé, mettre en lumière.

Afin d’approfondir ces conclusions, qui restent encore partielles, le rapporteur pour avis sollicite la création d’une mission d’information dont le champ, sans se restreindre à l’externalisation, pourrait intégrer plusieurs thématiques relatives à l’organisation des soutiens.

Cet avis a également été l’occasion de se pencher sur un service relativement méconnu : le service des essences des armées (SEA). Ce service est, par son activité de soutien pétrolier, un des garants de l’autonomie des forces armées. Le rapporteur pour avis souhaite rendre un hommage particulier aux personnels du SEA qui prennent des risques considérables pour approvisionner les forces au plus près du champ de bataille.

Aujourd’hui, le SEA est en état de « surchauffe opérationnelle ». Ce service souffre d’un décalage entre le degré d’engagement des forces armées et les moyens qui lui sont alloués. Entre 2011 et 2018, le SEA a perdu 12,3 % de ses effectifs, alors même que le service est engagé sur des théâtres d’opération plus nombreux, plus étendus et plus âpres. La LPM, qui prévoit une hausse de seulement 15 personnels jusqu’en 2022, ne semble pas avoir pris la mesure de la situation. Le rapporteur pour avis formule le souhait qu’une rupture d’approvisionnement grave ne soit pas nécessaire pour que nos autorités prennent conscience que les efforts demandés à ce service sont beaucoup trop élevés.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Le rapporteur pour avis avait demandé que les réponses à son questionnaire budgétaire lui soient adressées au plus tard le 10 octobre 2018, date limite résultant de l’article 49 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances. À cette date, 68 réponses sur 68 lui étaient parvenues, soit un taux de 100 %.

 

 


—  1  —

   PREMIÈRE PARTIE – Les crédits relatifs au soutien et à la logistique interarmées dans le projet de loi de finances pour 2019

Le présent rapport pour avis porte sur un ensemble cohérent de plus de 10 milliards d’euros de crédits, soit près d’un tiers du budget de la défense, consacrés aux soutiens lato sensu. Dans la nomenclature budgétaire, ils se répartissent entre deux programmes :

– le programme 178 « Préparation et emploi des forces », pour les quatre de ses sept actions qui ne retracent pas spécifiquement des dépenses liées à la préparation et à l’emploi d’une armée ;

– le programme 212 « Soutien de la politique de défense », pour les dépenses afférentes à la logistique interarmées et aux soutiens, en dehors des dépenses de personnel (titre 2) relevant d’autres programmes.

I.   Les crédits du programme 178 « Préparation et emploi des forces » relatifs au soutien et à la logistique interarmées

Le programme 178 « Préparation et emploi des forces » constitue le cœur de la mission « Défense ». L’objet de ce programme est en effet de remplir les missions confiées aux armées, dont le traitement sans préavis des situations de crise, tout en veillant au maintien d’un haut niveau de préparation opérationnelle.

Sur les sept actions que comporte le programme 178, quatre retracent des dépenses transversales, les trois autres retraçant spécifiquement les dépenses de préparation des forces terrestres, navales et aériennes et font, à ce titre, l’objet d’une analyse distincte dans trois autres avis.

Première marche de la loi de programmation militaire (LPM), le PLF pour 2019 revalorise indubitablement les soutiens. Sur le champ des dépenses transverses participant à la préparation et à l’emploi des forces retracées dans le programme 178, la hausse des crédits de paiement hors dépenses de personnel (titre 2) est de 11 %, et fait suite à une hausse de 14 % en 2018.

Afin de donner une image fidèle des moyens alloués aux différentes actions, en cohérence avec l’esprit de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), le tableau ci-dessous fait figurer à titre indicatif les dépenses de personnel correspondant à chaque action, bien qu’elles soient retracées depuis 2015 dans le programme 212 (cf. infra).


—  1  —

CRÉDITS DU PROGRAMME 178 « PRÉPARATION ET EMPLOI DES FORCES » RELATIFS AU SOUTIEN ET À LA LOGISTIQUE INTERARMÉES

Les dépenses de titre 2, inscrites au programme 212, sont reportées dans ce tableau à titre indicatif.

(en euros)

Actions

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

LFI 2018

PLF 2019

Évolution

LFI 2018

PLF 2019

Évolution

(en %)

(en %)

Action 01 - Planification des moyens et conduite des opérations

522 624 695 

596 158 489  

14 %

525 356 573  

584 663 518  

11 %

titre 2 (P212, A 54)

 1 272 543 421  

  1 310 148 863  

3 %

  1 272 543 421  

  1 310 148 863  

3 %

sous-action 01-10 - Emploi des forces

        282 385 295  

        295 366 541  

5 %

        276 955 475  

        289 776 870  

5 %

titre 2 (P212, SA 54-01 à 54-05)

     565 668 711  

     642 558 916  

14 %

     565 668 711  

     642 558 916  

14 %

sous-action 01-11 - Renseignement d’intérêt militaire

          53 498 048  

          54 593 330  

2 %

          52 449 067  

          53 522 754  

2 %

titre 2 (P212, SA 54-06)

     170 633 545  

     169 802 115  

0 %

     170 633 545  

     169 802 115  

0 %

sous-action 01-14 - Systèmes d’informations et de communication

        186 741 352  

        246 198 618  

32 %

        195 952 031  

        241 363 894  

23 %

titre 2 (P212, SA 54-07)

     536 241 165  

     497 787 832  

-7 %

     536 241 165  

     497 787 832  

-7 %

Action 05 - Logistique et soutien interarmées

     1 481 735 379  

     1 565 791 106  

6 %

     1 458 249 937  

     1 460 399 792  

0 %

titre 2 (P212, SA 58)

  2 551 080 299  

  2 666 451 914  

5 %

  2 551 080 299  

  2 666 451 914  

5 %

sous-action 05-80 - Fonction santé

        202 139 813  

        185 661 128  

-8 %

        126 329 666  

        107 275 443  

-15 %

titre 2 (P212, SA 58-06)

     836 758 555  

     883 622 016  

6 %

     836 758 555  

     883 622 016  

6 %

sous-action 05-81 - Fonction pétrolière (jusqu’en 2015)

-

-

-

-

-

-

titre 2 (P212, SA 58-01)

     123 982 019  

     131 039 369  

6 %

     123 982 019  

     131 039 369  

6 %

sous-action 05-82 - Soutien des forces par les bases de défense

        626 213 825  

        664 159 550  

6 %

        671 572 861  

        672 822 211  

0 %

titre 2 (P212, SA 58-02)

       38 588 034  

       59 412 751  

54 %

       38 588 034  

       59 412 751  

54 %

sous-action 05-83 - Soutiens complémentaires

        131 081 032  

        138 176 953  

5 %

        138 510 815  

        145 487 209  

5 %

titre 2 (P212, SA 58-03)

-

-

-

-

-

-

sous-action 05-84 - Service interarmées des munitions

          24 035 513  

          32 446 328  

35 %

          23 537 383  

          18 574 831  

-21 %

titre 2 (P212, SA 58-04)

       82 718 183  

       90 872 174  

10 %

       82 718 183  

       90 872 174  

10 %

sous-action 05-85 - Service du commissariat aux armées

        498 265 196  

        545 347 147  

9 %

        498 299 212  

        516 240 098  

4 %

titre 2 (P212, SA 58-05)

  1 469 033 508  

  1 501 505 604  

2 %

  1 469 033 508  

  1 501 505 604  

2 %

Action 06 - Surcoûts liés aux opérations extérieures

        405 000 000  

        600 000 000  

48 %

        405 000 000  

        600 000 000  

48 %

titre 2 (P212, SA 59-01)

     245 000 000  

     250 000 000  

2 %

     245 000 000  

     250 000 000  

2 %

Action 07 - Surcoûts liés aux opérations intérieures

-

-

-

-

-

-

titre 2 (P212, SA 59-02)

       41 000 000  

     100 000 000  

144 %

       41 000 000  

     100 000 000  

144 %

Total (hors titre 2)

   2 409 360 074  

   2 761 949 595  

15 %

   2 388 606 510  

   2 645 063 310  

11 %

Total du titre 2 correspondant

  4 109 623 720  

  4 326 600 777  

5 %

  4 109 623 720  

  4 326 600 777  

5 %

Total

   6 518 983 794  

   7 088 550 372  

9 %

   6 498 230 230  

   6 971 664 087  

7 %

Source : réponses du ministère des Armées au questionnaire du rapporteur pour avis, septembre 2018.

A.   Les crédits regroupés à l’action 1 « Planification des moyens et conduite des opérations »

L’action 1 du programme 178 regroupe les crédits concourant au financement de plusieurs missions et organismes interarmées. Les crédits de cette action augmentent significativement en 2019, surtout au profit des systèmes d’information et de communication (+ 32 % en autorisations d’engagement et + 23 % en crédits de paiement).

1.   Emploi des forces

Le périmètre de la sous-action 10 « Emploi des forces » de l’action 1 du programme 178 recouvre essentiellement quatre domaines d’activité :

– les activités internationales des armées, notamment au profit de l’OTAN et de l’Union européenne, hors opérations extérieures ;

– les actions de cyberdéfense et le développement et la mise en œuvre des systèmes d’information opérationnels et de commandement (SIOC) ;

– le transport stratégique au profit de l’état-major des armées (EMA), des armées et des services interarmées, pour les besoins de la préparation opérationnelle ou à destination des forces de présence et de souveraineté, hors opérations extérieures ;

– les dépenses participant à la préparation et à l’emploi des forces, hors opérations extérieures.

Conformément aux orientations fixées par la LPM 2019-2025, les dépenses augmentent de 5 % en autorisations d’engagement (AE) comme en crédits de paiement (CP). Cette progression s’explique par la hausse de la contribution au profit de l’OTAN, la montée en puissance de la cyberdéfense et la pérennisation de la ressource dédiée à la coopération militaire avec les pays alliés dans le cadre de la lutte antiterroriste.  

2.   Renseignement d’intérêt militaire

La sous-action 11 retrace les crédits de la direction du renseignement militaire (DRM) consacrés à l’acquisition et à l’entretien d’équipements à vocation opérationnelle ainsi qu’au soutien des principales missions de la DRM : appui aux théâtres d’opérations et échanges bilatéraux avec les partenaires étrangers.

Les crédits sont en hausse de 2 % pour atteindre 54,6 millions d’euros en AE en 2019. Cette hausse contribuera essentiellement :

– à la poursuite du plan de transformation des systèmes d’information et de communication (SIC) afin de développer des capacités d’investigation numérique capables de traiter un volume de données en croissance exponentielle et d’adapter les réseaux au renforcement des exigences en matière de diffusion sécurisée du renseignement ;

– au développement du renseignement d’origine cyber et humaine en s’appuyant sur de nouvelles capacités, comme la biométrie.

3.   Systèmes d’information et de communication

La sous-action 14 retrace les crédits de fonctionnement et d’investissement de la direction interarmées des réseaux d’infrastructure et des systèmes d’information de la défense (DIRISI), qui a pour mission de gérer et de maintenir en condition des matériels de télécommunication, de communication et d’information, au profit des armées, directions et services du ministère des Armées.

En 2019, les dépenses hors titre 2 de la DIRISI augmentent à hauteur de 32 % pour s’établir à 246 millions d’euros en AE. Cette hausse de crédits vise à lui permettre d’appuyer le plan de transformation numérique du ministère des Armées piloté par la nouvelle Direction générale du numérique (DGNum). Ces crédits supplémentaires permettront également de renforcer la cybersécurité de l’infrastructure informatique du ministère des Armées.

B.   Les crédits inscrits à l’action 5 « Logistique et soutien interarmées »

L’action 5 du programme 178 regroupe les dépenses de fonctionnement, d’investissement et d’intervention de plusieurs fonctions de soutien, spécialisées ou communes. La majorité des crédits finance le soutien de l’homme à travers le service du commissariat aux armées et les bases de défense, et ils concourent donc directement à l’efficacité opérationnelle, à la protection des militaires, à leur moral et à leur fidélisation.

1.   Les crédits des bases de défense

La sous-action 05-82 « Soutien des forces par les bases de défense » retrace les crédits d’investissement, d’intervention et de fonctionnement des bases de défense (BdD), qui répondent aux besoins d’administration générale et du soutien commun (AGSC) des unités qui leur sont rattachées (soutiens communs et financiers, administration du personnel, entretien des espaces verts, gardiennage, entretien des véhicules, etc.). Elles constituent donc un premier échelon, local, de mutualisation des soutiens.

Si, lors de la création des BdD en 2009, l’objectif assumé était de réaliser des économies dans la chaîne des soutiens, la priorité est désormais la préservation de la qualité du soutien, tout en poursuivant les économies par la poursuite de la mutualisation des moyens et le recours à des marchés pluriannuels.  

En 2019, le budget des BdD atteint 673 millions d’euros en AE et 664 millions d’euros en CP.

L’organisation du soutien évolue par le regroupement de certaines BdD, dont le nombre passe de 61 à 55 (45 en métropole et 10 en outre-mer et à l’étranger) à compter du 1er janvier 2019. Cette réforme de la carte des BdD poursuit un objectif de simplification et de lisibilité de l’organisation des armées. En revanche, elle n’a pas d’impact sur le volume global des besoins de financement en 2019, le nombre de formations soutenues n’ayant pas diminué.

Par ailleurs, la sous-action 05-82 « Soutien des forces par les bases de défense » est chargée, en 2019, d’assurer la mise en œuvre de certaines mesures du « plan Famille », en participant plus particulièrement à l’amélioration des espaces d’hébergement et de détente et à l’installation d’équipements multisports (pour un montant estimé à quatre millions d’euros). 

Dans un contexte marqué, selon un « effet de ciseaux », par l’accroissement des effectifs à soutenir, lié notamment au soutien à l’opération Sentinelle, et la diminution des effectifs des groupements de soutiens des bases de défense (GSBdD), le recours à la sous-traitance tend à s’accroître.

2.   Le service du commissariat aux armées

Créé le 1er janvier 2010, le service du commissariat aux armées (SCA) constitue l’échelon national de mutualisation des soutiens. Le SCA continue, aujourd’hui encore, de faire l’objet d’une profonde transformation liée à la politique d’« interarmisation » et de rationalisation des soutiens.   

En 2019, un montant de 545 millions d’euros en AE et de 516 millions d’euros en CP seront attribués au SCA, correspondant à une hausse respective de 9 % et de 4 % des crédits par rapport à 2018.

D’après les documents budgétaires fournis par le Gouvernement, ces crédits supplémentaires permettront de financer :

– le renforcement du soutien de proximité aux unités opérationnelles à travers la création de « pôles commissariat » qui, se substituant aux antennes des GSBdD, assureront un soutien modernisé grâce à des espaces d’accueil multiservices ;

– la poursuite des projets de réorganisation des centres experts et de la mutualisation de certaines fonctions support dans des « GSBdD socles ». À ce titre, le nouvel entrepôt dédié aux filières habillement et soutien de l’homme implanté à Châtres (Seine-et-Marne) verra le jour début 2019, avant la mise en place, à partir du milieu de l’année, de la commande sur internet et de la distribution par correspondance des effets d’habillement ;

– la mise en œuvre de certaines mesures du « plan Famille », telle que la généralisation du wifi gratuit au sein des enceintes militaires.

3.   Le service de santé des armées

La sous-action 05-80 retrace les dépenses de fonctionnement, d’investissement et d’intervention du service de santé des armées (SSA). Le SSA assure la médecine des forces en opération, de la préparation opérationnelle médicale du combattant à la reprise du service du personnel blessé ou malade. Outre la médecine des forces en opérations, le SSA a quatre missions qui en font aussi un contributeur essentiel de la politique de santé publique : la gestion des hôpitaux militaires, le ravitaillement sanitaire, la formation et la recherche.

Toujours en cours de mise en œuvre, le plan de transformation, baptisé « SSA 2020 », vise à recentrer le service sur sa mission régalienne de soutien santé des forces en opération. Après les efforts de réduction d’effectifs, de diminution de coûts et de réorganisation consentis depuis 2008, des signes de tension sont aujourd’hui perceptibles et sont renforcées par l’intensité des opérations et le sous-effectif chronique de certaines spécialités médicales.  

Dans le PLF pour 2019, les crédits du SSA baissent fortement (- 8 % en AE et - 15 % en CP), tandis que le niveau des effectifs se redresse (+ 6 %). Le rapporteur pour avis considère que ces évolutions sont en phase avec le recentrage du SSA sur ses missions premières ainsi qu’avec la prise en compte des tensions pesant sur ses effectifs. Néanmoins, celui-ci regrette le manque d’informations données par l’administration afin de lui permettre de confirmer cette intuition.

4.   Le service interarmées des munitions

La mission du service interarmées des munitions (SIMu) consiste à mettre à disposition des forces, en tous lieux et en tout temps, des munitions de toutes natures, hors dissuasion, de la munition de 5,56 mm au missile Exocet ou SCALP, en quantité et en qualité requises, en assurant aux utilisateurs leur sécurité d’emploi.

Les dépenses du SIMu connaissent, en 2019, une croissance très significative en AE (+ 35 %) et un décrochage en CP (- 21 %), tandis que le niveau des effectifs enregistre une forte hausse (+ 10 %).

D’après les réponses apportées par le ministère des Armées, ces évolutions de crédits sont à mettre en relation avec les principaux chantiers du SIMu :

– la poursuite de la mise en œuvre du projet de service « SIMu 2019 », portant notamment sur la diminution du nombre d’emprises et sur le développement du futur système d’information dédié aux munitions ;

– la prochaine étape du programme d’élimination des munitions. Pour rappel, le SIMu détient environ 78 000 tonnes brutes de munitions dans ses stocks, dont 15 % sont à éliminer ;

– le lancement des premières actions visant à améliorer les conditions de stockage des munitions en métropole et en opérations extérieures, ce qui s’inscrit dans un projet plus large d’optimisation du potentiel et de la durée de vie des munitions.

5.   Les soutiens complémentaires

La sous-action 05-83 « Soutiens complémentaires » regroupe diverses activités interarmées concourant au soutien des forces en métropole et outre-mer, essentiellement dans le domaine de la logistique interarmées.

Sous-action en quelque sorte « balai », elle connaît régulièrement des changements de périmètre. Ainsi, à compter de 2019, cette sous-action financera les dépenses de fonctionnement de la direction de la maintenance aéronautique (DMAé) créée par le décret n° 2018-277 du 18 avril 2018.

C.   Les surcoûts liés aux opérations extérieures et intérieures

En raison de leur caractère difficilement prévisible, les opérations extérieures (OPEX) font l’objet d’une provision à l’action 6 du programme 178 au titre des « surcoûts liés aux opérations extérieures ». Les surcoûts au titre des opérations intérieures (OPINT) sont quant à eux retracés à l’action 7.

La LPM pour 2019-2025 préserve le principe du financement interministériel des surcoûts en gestion au titre de la solidarité gouvernementale. Une telle mesure se justifie dès lors que le ministère des Armées n’a pas la maîtrise de ses opérations, celles-ci étant décidées au plus haut niveau de l’État. La nouvelle LPM prévoit également, en cas de montant des surcoûts OPEX et OPINT inférieur à la provision, que l’excédent constaté puisse être conservé sur le budget de la mission « Défense ». 

En 2018, le financement acquis de ces surcoûts est de 790 millions d’euros ([2]), alors que les surcoûts OPEX devraient atteindre environ 1,3 milliard d’euros. Le surcoût non financé devrait ainsi être supérieur à 500 millions d’euros cette année. Si cette somme pourrait être partiellement couverte par des excédents constatés en gestion, le rapporteur pour avis appelle, en tout état de cause, la ministre à confirmer que le reliquat sera bien couvert par un financement interministériel. 

Pour 2019, la dotation inscrite au titre des surcoûts OPEX et OPINT s’élève à 950 millions d’euros, soit 200 millions d’euros de plus qu’en 2018. Ces crédits se répartissent entre :

– les surcoûts OPEX, à hauteur de 850 millions d’euros, soit : 600 millions d’euros sur le programme 178 et 250 millions d’euros sur le programme 212 au titre des dépenses de personnel ;

– les surcoûts OPINT, à hauteur de 100 millions d’euros inscrits au programme 212 au titre des dépenses de personnel.

Le rapporteur pour avis salue un effort de « sincérisation » du financement des OPEX et des OPINT qui peut permettre de donner une meilleure visibilité au ministère des Armées en lui donnant, pour sa gestion, l’assurance qu’il disposera bien des crédits nécessaires. Encore faut-il pour cela qu’une assurance soit donnée sur la prise en charge interministérielle du surcoût non-financé.  

La LPM 2019-2025 prévoit un rehaussement progressif de la provision au titre des OPEX, qui devrait atteindre 1,1 milliard d’euros à partir de 2020. Le rapporteur pour avis tient à souligner que, sans préjuger de l’évolution des engagements opérationnels, un financement interministériel devrait rester nécessaire sur toute la période couverte par la LPM.

II.   Le programme 212 « Soutien de la politique de défense »

Le programme 212 « Soutien de la politique de défense » regroupe les fonctions transverses de direction et de soutien mutualisées au profit du ministère des Armées. Il constitue le programme « support » du ministère. Hors titre 2, le programme 212 se décompose en six actions.

Depuis 2015, le programme retrace également la totalité des crédits de personnel du ministère ainsi que les effectifs associés. Les crédits de titre 2 ne sont plus positionnés sur les six actions précitées, conformément à la nouvelle architecture budgétaire ministérielle destinée à assurer une meilleure maîtrise de la masse salariale et une bonne adéquation entre les emplois et les compétences. Toutefois, le rapporteur pour avis a choisi de les faire figurer aux côtés des différentes actions dans le tableau ci-dessous, afin de disposer d’une vision globale de l’évolution des moyens.

 Les dépenses hors titre 2 de l’ensemble du programme augmentent de 3 % en CP, après une hausse de 19 % l’an dernier. Les crédits passent ainsi de 2 559 millions d’euros en loi de finances initiale (LFI) pour 2018 à 2 644 millions d’euros dans le PLF pour 2019. Cette hausse est notamment destinée à honorer les engagements au titre du « plan Famille », à développer les services de soutien et à financer la modernisation du ministère par l’innovation et la transformation numérique. 

CRÉDITS DU PROGRAMME 212 « SOUTIEN DE LA POLITIQUE DE DÉFENSE » RELATIFS AU SOUTIEN ET À LA LOGISTIQUE INTERARMÉES

Les dépenses de titre 2, inscrites à des actions distinctes du programme 212, sont reportées dans ce tableau à titre indicatif.

(en euros)

Actions

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

LFI 2018

PLF 2019

Évolution

LFI 2018

PLF 2019

Évolution

Action 04 – Politique immobilière

2 116 075 850

2 049 877 248

-3 %

1 744 159 477

1 785 388 575

2 %

titre 2 (P212, A 60)

464 425 044

486 347 835

5 %

464 425 044

486 347 835

5 %

Action 05 – Systèmes d’information, d’administration et de gestion

148 334 258

174 517 769

18 %

137 674 951

168 420 141

22 %

Action 06 – Politique des ressources humaines

152 084 778

152 573 233

0 %

153 030 778

152 623 183

0 %

titre 2 (P212, A 61)

307 787 556

293 144 861

-5 %

307 787 556

293 144 861

-5 %

sous-action 06-03 - Reconversions

37 392 803

37 658 388

1 %

37 392 803

36 658 388

-2 %

titre 2 (P212, SA 61-02 et 61-03)

134 054 310

128 325 312

-4 %

134 054 310

128 325 312

-4%

sous-action 06-04 - Action sociale et autres politiques RH

114 691 975

114 914 845

0 %

115 637 975

115 964 795

0%

titre 2 (P212, SA 61-01)

173 733 246

164 819 549

-5 %

173 733 246

164 819 549

-5%

Action 08 – Politique culturelle et éducative

30 204 867

28 908 080

-4 %

37 557 109

46 103 354

23 %

titre 2 (P212, A 62)

38 060 246

40 615 311

7 %

38 060 246

40 615 311

7 %

sous-action 08-01 - Actions culturelles et mise en valeur du patrimoine

26 594 109

25 969 798

-2 %

33 946 351

42 892 072

26 %

sous-action 08-02 - Gestion et communication des archives historiques de la Défense

3 610 758

3 211 282

-11 %

3 610 758

3 211 282

-11 %


Action 10 – Restructurations

75 043 754

52 109 262

-31 %

66 537 610

73 671 531

11 %

titre 2 (P212, A 63)

72 820 420

60 753 214

-17 %

72 820 420

60 753 214

-17 %

Action 11 – Pilotage, soutien et communication

368 965 815

389 823 856

6 %

419 782 314

417 332 747

-1 %

titre 2 (P212, A 64)

402 307 209

396 567 478

-1 %

402 307 209

396 567 478

-1 %

Total (hors titre 2)

2 890 709 322

2 847 809 448

-1 %

2 558 742 239

2 643 539 531

3 %

Total du titre 2 correspondant

1 285 400 475

1 277 428 699

-0,6 %

1 285 400 475

1 277 428 699

-0,6 %

Source : PAP..

A.   La politique immobilière du ministère des Armées

Les dépenses hors titre 2 engagées au titre de la politique immobilière du ministère sont retracées à l’action 4 du programme 212.

Dans la continuité de la LFI pour 2018, la LPM 2019 - 2025 prévoit un net renforcement du budget consacré aux infrastructures. En 2019, les CP augmentent (+ 2%) pour atteindre 1 785 millions d’euros, tandis que les AE connaissent un reflux (- 3 %) pour se stabiliser à 2 050 millions d’euros.

Une partie de ces crédits permettra de poursuivre la réalisation des opérations d’infrastructure urgentes pour l’accueil d’une nouvelle génération d’équipements militaires (sous-marin nucléaire d’attaque Barracuda et avion multi-rôle de ravitaillement en vol et de transport, notamment).

Une autre partie sera consacrée à la remise à niveau du patrimoine immobilier des armées pour améliorer les conditions de vie du personnel. En particulier, plusieurs opérations de réhabilitation d’un montant supérieur à 500 000 euros, dites de maintenance lourde, sont programmées en 2019.

B.   Les systèmes d’information, d’administration et de gestion

Retracé à l’action 5 du programme 212, le budget des systèmes d’information, d’administration et de gestion (SIAG) finance des programmes divers d’archivage électronique, de comptabilité ou encore d’interfaces RH.

Un effort important sera engagé en 2019 afin de développer des SIAG permettant de moderniser le ministère des Armées, tout en maîtrisant le coût global et les délais de ces projets.

D’après le ministère des Armées, une hausse des crédits de 18 % en AE et de 22 % en CP en 2019 permettra l’expérimentation, le lancement ou la poursuite de plusieurs projets structurants, parmi lesquels :

– le projet « Source Solde », qui a vocation à remplacer le logiciel Louvois dans un délai contraint et dans un environnement soumis à une forte pression. Ce nouveau logiciel a pour objectif d’assurer la détermination, le calcul et le suivi de la solde du personnel militaire. Son déploiement concernera d’abord la marine nationale en 2019, avant d’être élargi à l’armée de terre en 2020, puis à l’armée de l’air et au SSA en 2021 ; 

– le système d’information « Réserves », dont l’objectif est de simplifier la gestion des réservistes et de faciliter, en particulier, le recrutement au sein de la Garde nationale ;

– le système d’information « Archipel », dédié à la gestion des archives électroniques, classifiées et non-classifiées.

Dans le cadre du plan de transformation numérique porté par la DGNum, un effort particulier sera consacré au développement de nouveaux services numériques.

C.   La politique des ressources humaines

Les crédits de l’action 6 sont destinés à la mise en œuvre de la politique des ressources humaines conduite au niveau ministériel, dont font partie l’accompagnement et le reclassement du personnel militaire, l’action sociale, la formation professionnelle et la couverture des frais de gestion pour prestation administrative.

Aucune mesure d’ampleur n’est annoncée à ce titre en 2019, ce qui est d’autant plus regrettable que les armées sont aujourd’hui confrontées à un redoutable défi d’attractivité et de fidélisation.

1.   Les aides à la reconversion

Les crédits de la sous-action 06-03 de l’action 6 financent les prestations délivrées par l’Agence de reconversion de la défense (ARD), baptisée Défense Mobilité, les dépenses de soutien à l’activité de reconversion ainsi que l’équipement et les activités du centre militaire de formation professionnelle (CMFP) implanté à Fontenay-le-Comte (Vendée) et rattaché à l’ARD.

La ressource dégagée en 2019 permettra le financement de 17 666 stages au profit de militaires engagés dans un parcours de reconversion.

2.   L’action sociale du ministère et les autres politiques de ressources humaines

Le budget inscrit à la sous-action 06-04 du programme 212 regroupe les crédits propres à l’action sociale du ministère mais aussi ceux afférents à la formation professionnelle des personnels civils et à l’apprentissage.

En 2019, ces crédits, fixés à 115 millions d’euros, ne connaîtront qu’une hausse très faible.

Cette légère majoration sera notamment destinée au financement de mesures incluses dans le « plan Famille » (+1,3 million d’euros) : amélioration du cadre de vie en enceintes militaires, actions sociales communautaires et culturelles, réservation de berceaux ou encore accompagnement des conjoints.

D.   La politique culturelle et éducative

La politique culturelle et éducative a pour objectif de sensibiliser le public à la culture et à l’histoire militaire en valorisant l’important patrimoine du ministère des Armées (archives, collections des musées, bibliothèques, patrimoine monumental et mobilier, formations musicales militaires).

Les crédits de l’action 8, dévolus à la direction des patrimoines, de la mémoire et des archives (DPMA), ont vocation à financer la politique culturelle et éducative, laquelle recouvre les actions culturelles, la mise en valeur du patrimoine (musée de l’armée, musée national de la marine, musée de l’air et de l’espace) ainsi que la gestion et la communication des archives historiques de la défense. 

En 2019, ces crédits enregistreront une hausse de 23 % en CP afin de renouveler la politique culturelle et éducative du ministère des Armées.

En rappelant qu’il est le deuxième acteur culturel de l’État, le ministère des Armées met en avant trois objectifs qui dirigeront son action à venir :

– la démocratisation culturelle, pour transmettre à tous un patrimoine riche et spécifique ;

– l’accélération de la transformation numérique ;

– la diversification de l’offre culturelle des musées, pour répondre aux attentes nouvelles et conquérir de nouveaux publics.

Le projet de système d’information « Archipel », dont les premiers déploiements sont prévus en 2019, assurera la gestion et la conservation pérenne des archives placées sous la responsabilité du service historique de la défense.

E.   L’accompagnement des restructurations

Les crédits de l’action 10 concernent la mise en œuvre des restructurations décidées dans le cadre de la réforme du ministère des Armées.

Malgré le « coup d’arrêt » porté à la diminution des effectifs du ministère, les transformations se poursuivent. Celles-ci se traduisent par des créations, des densifications, des dissolutions et des redéploiements de militaires et de civils au profit d’unités opérationnelles.

Les crédits affectés à l’action 10 du programme 212 visent principalement l’accompagnement social et économique des restructurations ainsi que la mise en œuvre d’un nouveau plan de stationnement des forces.

En 2019, ces crédits financeront plusieurs adaptations de la base aérienne 110 de Creil, la construction de bâtiments de bureaux et d’archives sur le site de la caserne Beauregard à La Rochelle et l’accueil, sur le site de Cazaux, de l’escadron d’entraînement 2/2 Côte d’Or en provenance de la base aérienne de Dijon, dont la dissolution est effective.

F.   Les dépenses de pilotage, de soutien et de communication

Les crédits de l’action 11 concernent le soutien des cabinets, des organismes rattachés et de l’administration centrale, le versement des subventions à quatre opérateurs (SHOM, ECPAD, SEA et IRSN), le remboursement de la compensatrice SNCF, le règlement des contentieux non contractuels et de réparation de l’ensemble du ministère des Armées, l’achat et l’entretien des véhicules détenus en gestion patrimoniale, le financement du partenariat public‑privé Balard et celui des marchés multi-services, pour un montant de 390 millions d’euros en AE et de 417 millions d’euros en CP.

Deux évolutions méritent d’être soulignées en 2019 :

– les financements relatifs au partenariat public-privé Balard ne porteront plus sur les travaux de construction et de rénovation initiaux qui ont été finalisés en 2018, mais seulement sur la redevance et d’éventuels travaux d’adaptation ;

– les versements au fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante (FIVA) seront désormais limités aux seuls remboursements annuels, le règlement des arriérés ayant été finalisé en 2018.


—  1  —

   DEUXIème partie – L’externalisation des soutiens et de la logistique interarmées

« On remarqua le défaut de concert entre l'administration et le commandement : on vit deux organisations fonctionner d'une façon parallèle, sans régler ni mettre d'accord leur mouvement », Extrait du rapport Bouchard, 1874

I.   l’externalisation, UN MODE DE GESTION EN EXPANSION AU SEIN des armées

« L'externalisation consiste à confier sur une base contractuelle pluriannuelle, en partie ou en totalité, à un ou des opérateurs économiques extérieurs au ministère des armées, et ce quel que soit le mode de contractualisation, une fonction, une activité ou un service jusqu'alors assurés partiellement ou totalement en régie » ([3]).

Le recours à des opérateurs extérieurs aux armées pour assurer des prestations de tous ordres au profit de ces dernières est une pratique courante et ancienne. Cependant, avec la suspension du service national et la pression croissante sur les finances publiques au tournant de l’an 2000, le recours à l’externalisation comme mode de gestion s’est systématisé :

– Pour remplacer la main-d’œuvre massive et peu onéreuse des appelés, les armées ont confié, de manière parfois précipitée, de nombreuses activités jugées annexes auparavant exercées par les appelés à des prestataires extérieurs, allant de l’accueil à l’entretien des espaces verts, en passant par l’alimentation, la blanchisserie et la collecte des déchets.

– La recherche d’économies budgétaires et les contraintes pesant sur les effectifs dans le cadre de la révision générale des politiques publiques (RGPP) puis de la modernisation de l’action publique (MAP) ont, par ailleurs, favorisé l’appel à des opérateurs privés. Selon le secrétaire général pour l’administration du ministère des Armées, auditionné par le rapporteur pour avis, les économies sur le périmètre des soutiens réalisées sur le titre 2 ont ainsi atteint 877 millions d’euros sur la période écoulée de la loi de programmation militaire (LPM) 2014-2019, dont 180 millions d’euros au cours de l’année 2017.

– Le ministère est allé plus loin dans les opérations d’externalisation en ayant recours, à de multiples reprises, à des partenariats public-privé.

L’emploi de partenariats public-privé par le ministère des Armées

Le partenariat public-privé (PPP), ou le contrat de partenariat, est un instrument qui permet au ministère des Armées d’atteindre les objectifs suivants :

– une meilleure maîtrise du coût global des opérations engagées, en raison du caractère global des prestations inclues dans ce type de contrat ;

– un partage de la charge d’investissement avec d’autres clients que le ministère des Armées, dès lors que le potentiel de la prestation n’est pas entièrement utilisé par le ministère ;

– un transfert de risques, habituellement assumés par l’État, permis par l’intervention des capitaux privés dans le financement des opérations envisagées ;

Le ministère des Armées a passé plusieurs contrats de partenariat, parmi lesquels la mise à disposition d’une flotte neuve d’hélicoptères au profit de l’école de l’aviation légère de l’armée de terre (ALAT) à Dax en 2008 et le déploiement et le soutien des réseaux de desserte de l’armée de l’air en protocoles internet en 2011.

Surtout, ce type de contrat est très employé dans le domaine des opérations d’infrastructure. Quatre projets d’infrastructure ont ainsi fait l’objet d’un partenariat public‑privé :

– le regroupement des états-majors et services centraux du ministère de la Défense sur le site de Balard, ainsi que la gestion de cette emprise ;

– la construction des nouveaux bâtiments de l’École nationale supérieure de techniques avancées (ENSTA) sur le site de Palaiseau, en 2009 ;

– la construction et la rénovation des équipements et des bâtiments du centre national des sports de la défense (CNSD) à Fontainebleau, en 2011 ;

– la réhabilitation et la construction de résidences étudiantes pour l’Institut supérieur de l’aéronautique et de l’espace (ISAE) sur le site de Toulouse, en 2012.

A.   Le champ des externalisations

Initialement conçue comme un moyen de pallier des ruptures capacitaires temporaires, l’externalisation est devenue peu à peu une solution pérenne pour l’organisation du soutien des armées.

1.   Les soutiens

L’externalisation des soutiens concerne en premier lieu la « Gestion base Vie », qui intègre la restauration, l’hébergement, l’hôtellerie et les loisirs et le soutien à la personne.

Le rapporteur pour avis souhaite insister, en particulier, sur l’externalisation de la gestion du parc de logements domaniaux. En vertu d’un bail en date de 2009, la gestion locative et l’entretien courant du propriétaire sont assurés par la société nationale immobilière (SNI). De manière complémentaire, la réalisation des travaux de construction ou de gros entretien est confiée au service d’infrastructure de la défense (SID), qui a contractualisé un accord-cadre de mandat de maîtrise d'ouvrage en 2016 avec la même société, mais dont le champ ne s’étend pas au-delà de la métropole ([4]).

Le rapporteur pour avis sera attentif aux solutions retenues par le ministère des Armées pour succéder au bail SNI qui expire le 31 décembre 2018, dont le prolongement par avenant pour une durée de deux ans a déjà été décidé.

2.   Les infrastructures

Les opérations d’infrastructure du ministère des Armées sont très largement externalisées par le SID, qui est l’organisme interarmées qui a la responsabilité de la construction, de la maintenance immobilière et de la gestion domaniale des infrastructures du ministère des Armées.

Le service d’infrastructure de la défense

Issu de la fusion des services constructeurs des trois armées en 2005, le service d’infrastructure de la défense est un organisme qui conduit et réalise les opérations d’infrastructure nécessaires à la vie, à l’entraînement et à l’engagement des forces armées ainsi que des directions et services du ministère des armées. Il est présent sur le territoire national ainsi que sur les théâtres d’opérations extérieures. 

Composé de près de 7 000 personnels civils et militaires, le SID a adapté son réseau à l’évolution de la carte militaire des bases de défense (BdD) tout en intégrant le besoin de proximité avec les formations soutenues. Ainsi, en 2011, ont été créés sept établissements du SID, auxquels ont été rattachées une cinquantaine d’unités du service implantées au sein de chaque BdD. Ces unités du SID sont elles‑mêmes subdivisées en antennes positionnées au plus près des formations soutenues.

Le degré d’externalisation est variable selon les opérations d’infrastructure considérées :

– la totalité de la construction et la quasi-totalité du maintien en condition des infrastructures est externalisée ;

– une partie de la maîtrise d’œuvre des marchés, concernant 40 % du plan de commande annuel, est externalisée ;

– une petite partie de la maîtrise d’ouvrage commence à être externalisée et devrait, à terme, concerner 10 % du plan de commande annuel.

Au total, le SID n’effectue en régie que du dépannage, du maintien en condition et de l’exploitation de certaines installations du ministère.

3.   Les capacités militaires

En France, l’externalisation ne concerne pas tout le spectre des activités militaires, mais uniquement les missions d’appui aux armées. Refusant par principe la participation de sociétés privées aux missions de combat, en raison des difficultés politiques, juridiques et morales que cette participation soulèverait, la France a pour l’essentiel cantonné ses partenariats avec le privé au champ de l’environnement et du soutien des forces.             

Mais cette limite tend à s’estomper comme le soulignent dès 2014 ([5]) les sénateurs Yves Krattinger et Dominique de Legge : « contrairement à l’externalisation réalisée en temps de paix et en métropole, qui répond à une logique essentiellement économique, l’externalisation en OPEX a pour objet premier de répondre au besoin opérationnel ».

Aujourd’hui, il est fait recours à l’externalisation soit pour mieux répondre aux besoins exprimés par les armées, soit pour pallier des lacunes capacitaires : « toujours centrées sur le soutien, les externalisations commencent cependant à porter sur des fonctions plus opérationnelles. En outre, elles ne s’opèrent souvent pas simplement en substitution d’une activité exercée jusque-là en régie, mais apportent également des prestations ou capacités additionnelles » ([6]).

Ce recours à des acteurs privés est particulièrement sensible dans le transport de passagers et de fret, qu’il soit aérien, maritime ou terrestre. Pour ces marchés, le ministère des Armées dispose du service spécialisé de la logistique et du transport (SSLT), organisme qui relève du service du commissariat des armées (SCA), lui-même rattaché à l’État-major des armées.

 

Le service spécialisé de la logistique et du Transport

Le service spécialisé de la logistique et du transport (SSLT) a pour fonction de passer des marchés portant sur la logistique et les voyages professionnels. 75 % des marchés passés par le SSLT sont des marchés de transport. Dans ce cadre, le SSLT fournit aux armées françaises les moyens de transport qui leur font défaut et qui sont pourtant indispensables pour opérer sur les théâtres d’opérations.

Ces externalisations ne sont, en principe, que temporaires, même si elles peuvent, dans les faits, s’étaler sur de longues durées. Dans la mesure où les marchés passés par ce service visent la seule mise à disposition de moyens de transport au profit des armées, à l’exclusion d’activités d’entretien ou de maintenance, l’activité du SSLT s’apparente davantage à de la sous-traitance qu’à de l’externalisation à proprement parler. Selon les termes du directeur du SSLT, les marchés passés par le SSLT « ne s’apparentent pas à des renoncements d’une capacité de souveraineté ».

En 2019, un travail de cartographie doit amener à faire évoluer le périmètre des marchés passés par le SSLT pour recentrer le service sur la passation des marchés de transport et d’affrètement. Par ailleurs, le SSLT poursuit la dématérialisation des marchés et le développement de solutions innovantes afin de mieux répondre aux besoins des armées.

Dans le cadre de la réforme du maintien en condition opérationnelle (MCO) voulue par la ministre des armées, un recours plus systématique à l’externalisation est envisagé, notamment pour le MCO terrestre où les opérateurs privés ne représentent aujourd’hui que 10 % de l’activité.

B.   L’externalisation, une formule TOUJOURS prisée par le ministère des armées

1.   Un bilan financier souvent favorable

La direction des affaires financières (DAF) du ministère effectue un suivi des dépenses, tandis que le service porteur du contrat effectue un suivi de son exécution, afin de s’assurer que le prestataire répond bien au besoin identifié.

Au-delà, chaque contrat d’externalisation doit faire l’objet d’une évaluation régulière des résultats, qui est présentée au ministre des Armées. Cette évaluation doit permettre d'assurer la comparaison avec les données ayant conduit à prendre la décision d'externaliser et doit être réalisée selon une méthode et des outils similaires à ceux ayant été utilisés lors de l'évaluation préalable. L’évaluation des résultats doit être périodique, la première devant intervenir, en principe, 36 mois après la fin du déploiement de la solution d’externalisation.

Ces évaluations tendent à montrer que les externalisations auxquelles procède le ministère des Armées présentent un bilan financier souvent favorable.

C’est le cas de l’externalisation de certains équipements. Non seulement les externalisations permettent d’éviter l’acquisition de capacités coûteuses, mais la mise en concurrence qui les précède permet de limiter les frais. À titre d’exemple, l’affrètement du navire Freemantle en février 2017 pour transporter deux chasseurs de mines tripartites de Brest à Abou Dhabi a coûté trois millions d’euros, soit 30 % de moins qu’en 2015, sous les effets conjugués de la mise en concurrence, de l’évolution des prix du pétrole et du cours du dollar.

C’est également le cas de l’externalisation des opérations d’infrastructure. À l’occasion du dernier conseil de gestion du SID, qui a eu lieu le 14 mai 2018, le SID a été estimé tout à fait performant, au regard des objectifs fixés, des contraintes exogènes et des moyens alloués.

2.   De nombreux projets d’externalisation sont en cours

Des études sont actuellement en cours sur l’externalisation des fonctions restauration, hébergement, hôtellerie, loisirs et soutien à la personne, communément appelées « Gestion base Vie ». Comme le rappelait le directeur central du SCA, ces projets d’externalisation pourraient permettre de dégager des marges de manœuvre tout en réduisant les risques de ruptures de service du fait des perspectives de départ à la retraite des agents civils au cours des prochaines années. Aujourd’hui, les principales fonctions concernées sont la restauration et l’habillement.

● L’externalisation de la restauration est principalement motivée par le souci de réaliser des économies, l’exercice de cette activité en régie étant plus onéreux que lorsqu’elle est exercée par le privé. Sur les 315 restaurants des armées, 45 sont d’ores et déjà externalisés par l’Économat des armées (EdA) ([7]).

Les réflexions portent donc aujourd’hui sur les 270 restaurants restants gérés en régie par le SCA. Afin de ne pas entamer la résilience des forces armées, le SCA considère que la moitié des 270 restaurants doit rester en interne et que chaque garnison doit posséder au moins un restaurant en régie. En revanche, la gestion de 135 restaurants peut être confiée à des acteurs privés.

Le scénario d’externalisation à l’étude est progressif : il porte sur un premier ensemble de 70 restaurants et renvoie l’externalisation des 75 restaurants restants à une date ultérieure. Dans le schéma retenu, l’EdA se verrait confier la gérance de ces restaurants et aurait recours à une délégation de service public pour en sous-traiter la gestion. Afin de rendre la manœuvre sociale acceptable, les 2 000 personnels civils intégrés aux restaurants externalisés seront redéployés sur les fonctions exercées en gérance par l’EdA. Une décision de la ministre sur cette proposition est attendue pour la fin de l’année 2018 ou le début de l’année 2019.

● Le chantier de l’externalisation de la fonction habillement a débuté il y a déjà cinq ans. Le premier scénario d’externalisation de la fonction habillement, qui avait débouché sur la sélection du groupe Ineo à l’issue d’une phase de dialogue compétitif, n’avait finalement pas été retenu par le ministre de l’époque en raison des faibles gains financiers attendus ([8]) et de l’impact social du projet.

La solution alternative retenue a été la modernisation de la régie en interne au travers du projet d’« Amazon des armées », qui devrait être fonctionnel au début de l’année 2019.

Plus largement, la fonction habillement cristallise peut-être l’ensemble des critiques adressées au modèle d’organisation des soutiens issu des réformes de 2008 par les militaires. Gestion des stocks déficiente, absence d’effets nécessaires au service ou à un départ en opération… Un tel état des choses impliquerait une consolidation de l’existant, plutôt qu’une réforme supplémentaire.

● D’autres domaines seront également examinés comme la formation ou le MCO. Des discussions sont en cours au sujet de l’externalisation du MCO terrestre et aéronautique afin de mieux répartir la charge entre les unités et l’industrie.

● Par ailleurs, d’importantes opérations d’infrastructure sont prévues par le SID afin d’accueillir les équipements programmés par la LPM 2019‑2025. Comme on l’a vu, les opérations d’infrastructure sont en grande partie confiées au privé, surtout quand elles atteignent une certaine ampleur.

L’accueil du nouvel Airbus A330 Multi Role Tanker Transport (MRTT) sur la base aérienne d’Istres suppose d’engager la réfection de la piste, la construction d’un nouveau hangar et la création de locaux techniques pour entretenir ce dernier. À Toulon, l’accueil du sous-marin de nouvelle génération Barracuda conduit à rénover trois bassins dans le port.

Ces deux opérations d’infrastructure visant l’accueil d’équipements emblématiques sont plus complexes à réaliser que les opérations d’hébergement que le SID est habitué à mener. Le chantier sur la base aérienne d’Istres constitue une opération de grande ampleur, en ce qu’elle doit conduire le SID à concevoir l’ouvrage avec l’armée de l’air, à passer les marchés nécessaires et à assurer leur suivi jusqu’à la fin des travaux.

Le chantier de Toulon atteint quant à lui un très haut degré de complexité, compte tenu des compétences qu’il rend nécessaire de réunir (associant le CEA, le génie civil, des ingénieurs des réseaux, etc.) tout en permettant à Naval Group de continuer à entretenir les sous-marins existants. La sous-traitance des travaux à Vinci par Naval Group, qui a reçu la délégation de la maitrise d’ouvrage, s’étant « mal passée », le SID a été contraint de réinvestir l’opération. Cette situation appelle à une vigilance accrue sur la capacité de certains acteurs privés à répondre aux demandes des armées en matière d’infrastructures, notamment nucléaires.

Par ailleurs, la signature de la directive SPIRALE entre le SID et l’armée de terre, ou l’expérience « Do it yourself » tentée avec la Marine à Toulon, où certaines compétences en matière d’infrastructures ont été « rétro-transférées » par le SID aux unités via une convention, illustrent le caractère peu adapté que peuvent avoir certaines pratiques d’externalisation auprès d’acteurs privés, y compris dans les infrastructures. En effet, les travaux d’entretien, en raison des délais afférents aux externalisations, en ont largement pâti.

II.   LA PERSISTANCE DE DéRIVES APPELLE à PLUS DE RIGUEUR

A.   UN CADRE JURIDIQUE STRICT MAIS ENCORE TROP THÉORIQUE

Avec le développement des externalisations, a été défini un régime juridique strict de manière à s’assurer que toute décision d’externalisation soit le produit d’un choix avisé. Ceci répond à des demandes pressantes tant de la part de la Représentation nationale, et notamment des rapporteurs de la commission de la défense nationale et des forces armées dans leurs avis et rapports d’information depuis 2001, que de la Cour des comptes qui, en conclusion de son rapport public annuel pour l'année 2011, avait émis trois recommandations : 1. Clarifier la notion de « cœur de métier », ainsi que celle de « socle », lorsqu'il y est fait référence pour justifier le recours à des externalisations de complément. 2. Développer une comptabilité analytique solide, préalable indispensable à l'engagement d'un processus d'externalisation afin de pouvoir juger chaque projet sur ses performances propres. 3. Renforcer les capacités d'analyse et de pilotage du ministère.

1.   Des conditions strictes encadrent le recours à l’externalisation

Après une première instruction publiée en mars 2013, le secrétariat général pour l’administration a édicté une instruction en date du 12 mars 2018 « relative au processus ministériel de préparation, de conduite et de suivi des projets d'externalisation ou de régie rationalisée optimisée » ([9]).

Cette instruction ne s’applique pas aux marchés passés sur les théâtres d’opérations extérieures. Si les principes de la commande publique doivent en principe être respectés, il est possible d’y déroger pour tenir compte des difficultés sur place. De manière générale, les marchés d’externalisation pratiqués sur les théâtres d’opération se caractérisent par une plus grande latitude laissée au commandement, mieux à même de juger de ses besoins et de les remplir.

L’instruction du 12 mars 2018 subordonne toute décision d’externalisation à la réalisation d’études et de travaux préparatoires destinés à vérifier que sont bien remplies, de manière cumulative, chacune des quatre conditions suivantes :

– ne pas affecter la capacité des armées, des services de soutien et des organismes interarmées, à réaliser leurs missions opérationnelles ;

– s’assurer d’un bilan global plus favorable, notamment en termes de gains financiers, de soutenabilité budgétaire, de qualité de service et de transfert de risques ;

– préserver les intérêts du personnel ;

– ne pas conduire à la création de positions dominantes chez les opérateurs économiques et préserver l'accès des petites et moyennes entreprises (PME) à la commande publique.

Plusieurs acteurs interviennent dans cette procédure :

– les unités sur le terrain expriment un besoin à leur hiérarchie.

– Le SCA traite la demande et, s’il valide le besoin, identifie les moyens pour y répondre, par les moyens propres du Service, par une externalisation ou par une mutualisation.

– Si la solution préconisée par le SCA consiste à confier la fonction à un prestataire extérieur, le SGA réalise une étude économique, en s’interrogeant notamment sur le mode d’externalisation le plus adapté, qui peut notamment consister en un marché public ou une délégation de service public.

– Enfin, le projet est présenté au ministre, qui décide du recours ou non à l’externalisation. Le cas échéant, le marché est conclu par le service compétent du ministère des Armées.

*

Le recours aux partenariats public-privé est soumis à un cadre juridique renforcé. En vertu de la réglementation applicable ([10]), la décision de recourir à un marché de partenariat, qui suppose que la valeur du marché soit suffisamment significative ([11]), est subordonnée à la réalisation d’une évaluation ayant pour objet de comparer les différents modes envisageables de réalisation du projet ainsi que d’une étude de soutenabilité budgétaire, appréciant notamment les conséquences d’un tel contrat sur les finances publiques et la disponibilité des crédits.

Par ailleurs, un processus de contrôle interministériel encadre très strictement le lancement d’un marché de partenariat. En effet, tout projet de marché de partenariat est soumis à la double validation des ministres du budget et de l’économie, avant le lancement de la procédure de passation, puis avant la signature du marché.

*

Le marché de défense et de sécurité est un marché négocié dont la procédure de passation tient compte de la sensibilité de la prestation au regard du secret de la défense nationale

Le marché de défense et de sécurité se caractérise par une double procédure : une sélection initiale des candidats, puis une sélection des offres des candidats retenus. Ce type de marché permet de sécuriser juridiquement le contrat, en éliminant les candidats écartés d’une habilitation au secret de la défense nationale. Il permet également des gains financiers car, contrairement à un appel d’offres classique, il se caractérise par des tours de négociation susceptibles de faire baisser les prix.

Toutefois, le marché de défense et de sécurité présente certains inconvénients. En premier lieu, il se caractérise par un rallongement des délais de passation du marché en raison des procédures d’habilitation. Dans le cadre d’un tel marché, les personnes morales candidates doivent faire l’objet, en amont de la procédure, d’une procédure d’habilitation par le pouvoir adjudicateur sur la base d’un avis rendu par le service de la sécurité de défense et des systèmes d’information de la DGA (DGA/SSDI), en lien avec la direction du renseignement et de la sécurité de la défense (DRSD).

De même, les personnes physiques devant participer à l’exécution du contrat font l’objet d’une habilitation par le pouvoir adjudicateur ou l’officier de sécurité. Théoriquement, un marché ne peut être notifié avant que les candidats aient été agréés par la DRSD ; cependant, le pouvoir adjudicateur ne disposerait pas toujours à temps de cet avis. On peut s’interroger sur la capacité des services et des officiers de sécurité à habiliter des personnes physiques de personnes morales elles-mêmes habilitées, notamment dans le cadre de marchés passés en opérations extérieures.

Par ailleurs, ces procédures d’habilitation peuvent poser des difficultés dans l’exécution du contrat. Ainsi, avec le renforcement des contrôles de sécurité dans le contexte post-attentats, des entreprises sélectionnées pour un marché peuvent être confrontées à des difficultés d’accès de leurs personnels aux chantiers, lorsque l’habilitation leur a été refusée.

Le marché de défense et de sécurité est une procédure qui répond aux risques juridiques posés par la passation de marchés portant sur des segments d’achat sensibles selon la procédure d’appel d’offres ouvert classique peu à même de protéger le secret de la défense nationale. À l’avenir, tous les marchés faisant intervenir des documents classifiés ont vocation à être passés selon cette procédure. 

2.   Une mise en œuvre sujette à interrogations

De précédents rapports d’information ont déjà mis en exergue des dérives dans le recours aux externalisations. Ainsi, le rapport d’information sur le transport stratégique de mars 2017, fait au nom de la commission des finances de l’Assemblée nationale ([12]), a donné lieu à une saisine du parquet national financier par la Cour des comptes et la ministre des Armées.

Ce fâcheux exemple a-t-il servi de leçon ?

Les travaux du rapporteur pour avis ont mis en lumière le fait que l’instruction du 12 mars 2018 du secrétariat général pour l’administration n’était pas appliquée par tous les services du ministère passant des marchés d’externalisation. Ainsi, les responsables du Service du commissariat des armées ont mentionné se référer pour l’instant aux dispositions de l’instruction de 2013. On observera que cette dernière a été abrogée par celle du 12 mars 2018 ([13]) et n’a donc plus de valeur réglementaire.

Le directeur du SSLT a indiqué au rapporteur pour avis n’avoir pas reçu l’ordre d’appliquer l’instruction de 2013, toujours présentée comme l’instruction de référence. Selon lui, le fait que les marchés passés par le SSLT s’apparentent davantage à une activité de sous-traitance qu’à une véritable externalisation pourrait expliquer cette situation. Si ces instructions restent inappliquées, les conditions encadrant le recours à l’externalisation seraient néanmoins respectées.

Cette situation nous interpelle au titre de la sécurité juridique des marchés ainsi que de celle des intervenants dans la procédure de passation.

Au cours des auditions menées par le rapporteur pour avis, il est ainsi apparu que la multiplicité des prescripteurs sur le terrain a pu faciliter des pratiques parfois douteuses dans la procédure d’attribution de certains marchés. Comme on l’a vu, la procédure d’attribution commence, le plus souvent, par l’expression d’un besoin par le prescripteur sur le terrain, à travers une fiche de besoins adressée au SCA.

Si le SCA valide le besoin et retient le principe d’une externalisation, il rédige ensuite l’appel d’offres, en reprenant les exigences du prescripteur tout en s’assurant que le marché est conforme aux principes de la commande publique ([14]). Ainsi, la partie technique de l’appel d’offres relève surtout du pouvoir prescripteur, qui est expert dans son domaine, tandis que le service à compétence nationale se cantonne généralement à un rôle de garde-fou juridique.

Ainsi que le précisait le directeur du SSLT devant le rapporteur pour avis, la prise en compte des besoins exprimés par le pouvoir prescripteur et des critères fixés par la loi conduit parfois à la recherche d’un équilibre subtil. Les principes de la commande publique appellent à ouvrir le marché à la concurrence le plus largement possible, mais le besoin opérationnel exprimé par le prescripteur peut conduire à resserrer cette mise en concurrence.

Plus encore, le directeur de SSLT a évoqué les dérives de certains pouvoirs prescripteurs qui auraient pu, par la définition précise de critères techniques dans des appels d’offres, spécifiquement dans les marchés de formation des parachutistes, favoriser certains prestataires.

Ainsi, dans le cadre d’un appel d’offre relatif au MCO ([15]) des parachutistes de l’armée de terre, un des quatre lots, destiné au 13e régiment de dragons parachutistes, précisait que les candidats devaient se trouver à une distance de 150 kilomètres du régiment. En dépit de l’identification d’un candidat, ce marché fut déclaré infructueux, et un nouveau critère de distance fut défini, cette fois à 75 kilomètres. L’identification d’un candidat idéalement situé à 73 kilomètres aurait, semble-t-il, amené le pouvoir adjudicateur à privilégier un critère temporel à un critère géographique.

Pour autant, en 2018, aucun contentieux lié à un marché d’externalisation du soutien des forces passées par le SCA n’a débouché sur une condamnation de ce service. De même, depuis juin 2017, tous les référés précontractuels et contractuels visant des marchés passés par le SSLT ont été remportés par l’État.

Le retour d’expérience de certains contrats a cependant conduit le directeur du SSLT à militer pour la constitution d’un pouvoir prescripteur unique qui permettrait de prévenir efficacement tout risque de dérive. Celui‑ci exprime le souhait d’un regroupement des demandes au niveau de l’état-major de chaque armée, capable de filtrer et d’apporter des garanties sur les besoins exprimés par les unités sur le terrain. Le chef d’état-major de l’armée de terre a d’ores et déjà demandé une étude visant à massifier les besoins exprimés au pouvoir adjudicateur au travers d’une fiche unique d’expression des besoins de l’armée de terre.

3.   Les failles du contrôle interne

La persistance de pratiques peu conformes au cadre juridique des externalisations souligne la défaillance des dispositifs de contrôle interne.

Les marchés d’externalisation passés par le ministère des Armées font l’objet d’un contrôle interne qui s’organise à plusieurs niveaux :

– Le contrôle interne de premier niveau est opéré directement par le prescripteur et le pouvoir adjudicateur :

– Le contrôle interne de deuxième niveau repose sur le centre d’analyse et de contrôle interne (CACI) du SCA ;

– Le contrôle interne de troisième niveau est effectué, au niveau ministériel, par le centre d’audit des armées (C2A).

Afin de remédier aux faiblesses identifiées par le rapport de l’Assemblée nationale précité, le SSLT a doublé le volume des effectifs de sa cellule achats consacrée au contrôle interne, qui est passée de deux à quatre personnels.  

Au-delà, des contrôles externes sont régulièrement menés par le contrôle général des armées (CGA), à la demande de la ministre des Armées, ou encore par la Cour des comptes.

Enfin, dans cet environnement complexe, le statut et le rôle particulier de l’EdA, établissement public industriel et commercial, mériteraient une étude plus approfondie du législateur et de la Cour des comptes.

B.   RECOMMANDATIONS POUR RENFORCER LA vigilance

1.   Le champ d’application des partenariats public-privé doit rester limité

Les partenariats public-privé présentent un bilan mitigé et, pour cette raison, ne sauraient être généralisés à toutes les externalisations auxquelles ont recours les armées ([16]).

En premier lieu, les contrats de partenariat se traduisent par des prix élevés pour les armées. Les redevances sont élevées car elles intègrent le coût d’investissement ainsi que le coût du risque industriel supporté par le prestataire. À cela, il faut ajouter les frais financiers auxquels sont soumis les opérateurs privés, qui s’endettent en lieu et place de l’État pour réaliser l’investissement ([17]).

En second lieu, les contrats de partenariat se caractérisent par des rigidités qui peuvent devenir des contraintes pour les armées. Ils doivent en effet porter sur une durée suffisamment longue pour permettre au cocontractant de l’administration d’amortir les investissements engagés. Aussi, ces contrats ne sont-ils véritablement efficients que pour les fonctions présentant une grande stabilité dans la durée. Ce type de contrat correspond donc davantage aux opérations infrastructure qu’à l’acquisition de matériels répondant à un besoin opérationnel en constante évolution.

Ce constat est d’autant plus vrai que la négociation d’un contrat de partenariat est souvent complexe, et donc longue. Il ne saurait convenir pour répondre à des besoins susceptibles d’évoluer entre le lancement des négociations et la conclusion du contrat.

En définitive, ces conditions cumulées limitent le nombre de projets éligibles. Il en ressort que les partenariats publics-privés doivent être limités au périmètre de l’environnement et du soutien des forces et sont particulièrement adaptés aux opérations d’infrastructure. 

En effet, le bilan des contrats de partenariat dans le champ des infrastructures est plutôt satisfaisant. Les projets ont en effet été réceptionnés dans les délais, sauf cause exogène au contrat, tandis que les augmentations de budget ont été minimes et résultent de la réalisation de risques identifiés en amont du contrat ou d’évolutions demandées par le ministère. Par ailleurs, en termes opérationnels et de prestation rendue, les premières évaluations des résultats montrent que ces contrats donnent globalement satisfaction.

Le ministère des Armées doit donc s’attacher à recourir aux partenariats publicprivé de façon raisonnée, lorsque le bilan inconvénients/avantages reste favorable. L’expérience montre, en outre, que les contrats de partenariat requièrent un suivi étroit mobilisant les différents centres d’expertise du ministère tout au long de la vie du contrat.

2.   Les difficultés de l’externalisation en OPEX

L’intérêt des externalisations dans le cadre des OPEX est moins souvent évoqué, alors même que les contrats d’externalisation représentent près d’un cinquième des surcoûts des OPEX.

En l’occurrence, si l’externalisation en OPEX est parfois indispensable pour faire face à des lacunes capacitaires, celle-ci impose des précautions particulières.

Plus encore qu’en métropole, les forces doivent garder suffisamment de moyens en régie pour préserver un certain niveau d’autonomie opérationnelle. Une fois que les armées ont pris la décision d’externaliser, les armées doivent en outre pouvoir s’assurer de la capacité à reprendre en interne la fonction externalisée afin de faire face au risque d’aggravation de la situation sécuritaire et de retrait du prestataire.

Par ailleurs, sur les théâtres d’opérations, les armées sont souvent contraintes dans leur choix de partenaires. D’une part, compte tenu de l’environnement économique local, il n’est pas toujours possible de trouver une entreprise locale capable de répondre au besoin identifié. D’autre part, le prestataire doit répondre à des critères de fiabilité et de réactivité afin d’être en mesure d’agir dans les délais requis par la bonne conduite des opérations.

Compte tenu de ces contraintes, le rapport du Sénat précité conclut que ces externalisations « pourraient dans certains cas être avantageusement remplacées par une meilleure mutualisation des capacités militaires européennes ».

Plus encore, et cette réflexion pourrait s’étendre à différentes pratiques d’externalisation en métropole, la repatrimonialisation de certaines capacités pourrait être étudiée. Ainsi, des solutions patrimoniales dans le domaine du transport tactique en opérations extérieures, dans celui du maintien en condition des parachutistes en métropole, pourraient être envisagées, par exemple par l’acquisition et la certification par la direction de la sécurité aéronautique d’État (DSAÉ) d’appareils civils de la gamme Beechcraft.

3.   Externaliser exige des compétences de haut niveau

En raison de la complexité de certaines externalisations, le ministère des Armées exprime un besoin en compétences techniques élevées.

La gestion des compétences rares, en matière nucléaire ou en expertise d’infrastructure, constitue un point de vigilance pour le SID. Ce service a ainsi mis en place une formation initiale aux Arts et Métiers pour former ses ingénieurs, tandis que de nombreuses formations sont proposées aux ingénieurs spécialisés dans le nucléaire par le commissariat à l’énergie atomique (CEA). Le secrétaire général pour l’administration, M. Jean-Paul Bodin, se félicitait auprès du rapporteur pour avis de la préservation de l’attractivité du SID pour des ingénieurs souhaitant travailler sur des chantiers constituant de véritables défis, à l’image de l’aménagement des bassins nucléaires dans le port de Toulon.  

De même, le SSLT exprime un besoin en acheteurs expérimentés pour passer les marchés de transport. En nombre insuffisant, ces acheteurs doivent, pour la plupart, être mieux formés, ce qui a conduit le SSLT à doubler le nombre de formations qui leurs sont proposées entre 2017 et 2018. Afin de disposer d’experts de domaine, et non seulement d’experts en achats et en finances, le SSLT exprime le besoin que les armées lui mettent à disposition les personnels nécessaires

Le rapporteur pour avis souhaite rappeler qu’il est dans l’intérêt bien compris des armées de mettre à disposition de tels personnels experts auprès des services adjudicateurs, afin de leurs permettre de répondre, de la meilleure manière possible, aux besoins exprimés.

CONCLUSIONS PARTIELLES

Afin de renforcer la cohérence de l’architecture des soutiens des armées, il serait pertinent que les services du ministère consolident et renforcent les contrôles internes et externes portant sur les différentes externalisations. Plus largement, repatrimonialiser certaines capacités, en particulier s’agissant du transport tactique en opérations ou de la formation des parachutistes, permettrait aux armées de retrouver des capacités « in house ».

Sur le plan du contrôle parlementaire, il serait pertinent d’identifier un responsable des budgets opérationnels de programme (BOP) chargé de rendre compte de manière globale de ce pan des soutiens. Il devrait, selon le rapporteur, s’agir du directeur central du SCA ; ce serait mettre sa responsabilité, sur le plan budgétaire, à la hauteur de ses missions. De plus, cela permettrait d’assurer une véritable cohérence avec l’architecture budgétaire du ministère, où les commandants des différentes BdD sont des responsables budgétaires identifiés.

Par ailleurs, le rapporteur pour avis regrette que les conditions dans lesquelles s’effectue le contrôle parlementaire ne soient pas optimales. La diligence des services du ministère à répondre aux demandes du rapporteur, spécifiquement en matière de documentation sur les marchés publics de la formation des parachutistes, ne fut pas à la hauteur de ce que devrait représenter le contrôle parlementaire. Les délais de livraison effective de la documentation demandée, les nombreuses relances effectuées par les services de l’Assemblée, l’inadéquation entre les documents livrés et l’expression de besoins initiale, sont autant de problèmes qui semblent participer d’un « ancien monde », plus de quinze années après le vote de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF). 

Si cette partie thématique a appelé une conclusion partielle, c’est dû au dévoilement ou à la découverte d’un certain nombre de dysfonctionnements au sein de l’architecture des soutiens issue des grandes réformes de la RGPP.

Dix ans après cette réforme, dont l’écho est assimilable aux conséquences du rapport Bouchard de 1874, il semblerait opportun qu’une mission d’information s’attache à voir si ce mode d’organisation est à la hauteur des besoins de l’engagement opérationnel des armées. Faisant écho aux propos tenus par la ministre ou par le chef d’état-major des armées depuis leur entrée en fonction, une telle mission d’information, en plus de se pencher plus avant sur l’externalisation des soutiens, serait à même de s’intéresser à des problématiques que les interlocuteurs du rapporteur ou ses travaux de recherche ont signalées comme intéressantes ; les carences de la fonction habillement, la problématique du logement des militaires, ou bien le sentiment de dépossession des militaires face à leur chaîne administrative, distincte de leur chaîne hiérarchique.


—  1  —

   TROISIème partie – Les nouveaux défis du Service des essences des armées

«  L’essence [est] aussi précieuse

que le sang des batailles de demain »,

Georges Clemenceau, le 15 décembre 1917

À partir de la Première Guerre mondiale, la sécurité énergétique s’impose comme une préoccupation nouvelle pour les armées. La motorisation du champ de bataille et de ses abords fait de l’approvisionnement énergétique un élément clef dans l’architecture des soutiens aux forces. Aujourd’hui encore, sur les théâtres d’opérations sur lesquelles les armées sont engagées, la pérennité du soutien pétrolier garantit la liberté d’action des forces sur le terrain. 

En France, la mission de soutien pétrolier aux armées repose sur un organisme unique : le service des essences des armées (SEA). Cet organisme, progressivement devenu un service interarmées, prend en charge l’approvisionnement énergétique des forces sur le terrain.

En dépit de son rôle fondamental dans la bonne conduite des opérations, le SEA souffre d’être trop méconnu. Comme le déplore une étude récente, « l’approvisionnement pétrolier tend à devenir un impensé, à être tenu pour un acquis et rarement remis en question » ([18]). Cette invisibilité est sans doute liée au professionnalisme avec lequel ce service remplit sa mission et, en conséquence, à la rareté des ruptures d’approvisionnement.

Les défis que le SEA doit aujourd’hui affronter, liés à l’intensité de l’engagement opérationnel sur le terrain et à la transition énergétique, imposent de repenser la sécurité énergétique au niveau stratégique.

I.   Le SEA garantit l’autonomie énergétique des forces armées

A.   L’intégration de la chaÎne pétrolière au sein d’un organisme unique

1.   Un modèle unique dont les qualités sont largement reconnues

Anciennement appelé le service des Poudres, le SEA est créé par l’ordonnance du 17 mars 1945 dans le but d’approvisionner en tout temps et en tout lieu les militaires de l’armée de terre. Le champ de compétence du SEA s’est ensuite élargi pour intégrer le soutien pétrolier des autres armées, jusqu’à récupérer l’approvisionnement pétrolier de la marine en 2010, et tend même à devenir aujourd’hui l’opérateur pétrolier interministériel. En outre, le SEA s’est adapté à la nouvelle posture expéditionnaire développée par la France à partir de la fin de la Guerre froide.

La spécificité du SEA est d’intégrer en son sein l’ensemble de la chaîne pétrolière, de l’achat des produits pétroliers jusqu’à leur livraison aux forces armées, en passant par la réalisation des infrastructures et des équipements pétroliers, l’analyse de la qualité des produits et la gestion administrative et financière qui sous-tend l’ensemble.

Cette intégration de la fonction pétrolière au sein d’un organisme unique, ce qui contribue à la diffusion d’une culture commune tout le long de la chaîne pétrolière, permet d’importantes synergies. Elle concourt également à la capacité d’entrée en premier des forces françaises, qui a été démontrée par la réactivité du soutien pétrolier en réponse au lancement de l’opération Serval au Mali en 2013. Enfin, le SEA se caractérise par une expertise pétrolière complète qui concourt à la qualité des produits distribués aux forces.

Les capacités permises par cette organisation font du SEA un modèle envié à l’étranger. Chez la plupart de nos alliés, chaque armée conserve la responsabilité de son soutien pétrolier, conduisant à une segmentation des responsabilités qui complique parfois la cohérence d’ensemble de la logistique pétrolière. Certains pays disposent néanmoins d’un organisme central dont le champ d’action est plus ou moins étendu. Ainsi, aux États-Unis, la distribution du carburant reste à la charge de chaque armée, mais l’approvisionnement pétrolier et la gestion des stocks stratégiques sont assurés par la Defence Logistics Agency – Energy (DLA-E), qui est un service commun aux armées. De son côté, le Royaume-Uni a créé, en 2014, le Defence Strategic Fuels Authority (DFSA), pour répondre à un besoin de cohérence dans le soutien pétrolier aux armées.

2.   De l’approvisionnement à la livraison finale aux armées

La logistique pétrolière se décompose en plusieurs phases : les approvisionnements, le ravitaillement massif des dépôts et la distribution au client final. Le schéma suivant résume ces différentes étapes.

niveaux

Source : SEA.

Le SEA approvisionne principalement les armées en carburants à usage aéronautique, mais également en carburants à usage marin et terrestre pour remplir les besoins de chaque armée. Les principaux fournisseurs de produits pétroliers sont les grandes entreprises pétrolières, tandis que le SEA négocie avec des fournisseurs intermédiaires pour s’approvisionner en produits non‑pétroliers, comme les huiles et les graisses, qui sont des compléments indispensables aux carburants. Dans un souci de proximité avec les armées, l’exercice des missions de soutien des forces à l’étranger peut conduire le SEA à contracter avec des sociétés pétrolières locales, des pays alliés ou directement avec les pays dans lesquels les forces interviennent. Au Proche-Orient, par exemple, le soutien pétrolier des forces françaises est en partie assuré par l’allié américain. De manière marquante, la sécurité des approvisionnements des forces armées est toujours fortement dépendante de la logistique pétrolière civile.

Le SEA a recours à différents modes de transport pour ravitailler ses dépôts de carburants. L’oléoduc est le mode de transport privilégié sur le territoire national, à l’exception du sud-ouest de la France où le carburant est transporté par voie ferrée. Du fait de l’état dégradé des infrastructures sur les théâtres d’opérations extérieures, la voie routière et la voie maritime y sont davantage empruntées.

Le SEA assure les livraisons de produits pétroliers au profit des forces françaises sur le territoire national et à l’étranger. Compte tenu des contraintes propres à ces missions, le ravitaillement en vol ainsi que les cessions de carburants effectués par les pétroliers ravitailleurs de la marine nationale continuent de relever des armées compétentes. Le rapporteur pour avis juge plus surprenant que l’armée de terre conserve en régie la livraison des produits pétroliers depuis les dépôts du SEA, une activité moins contraignante que les deux missions évoquées précédemment. Outre les forces françaises, les clients du SEA incluent les armées étrangères ainsi que d’autres ministères ([19]) et certaines entreprises civiles en lien avec la défense.

B.   Une organisation adaptée aux missions du service

1.   Les moyens humains et matériels assurent la résilience du service

S’il reste de la bonne volonté des armées de lui mettre à disposition certains personnels, le SEA possède également un personnel en propre, dont il assure lui-même la formation. Le mouvement de réduction des effectifs impulsé par la révision générale des politiques publiques (RGPP) à partir de 2008 s’est poursuivi à la faveur de la loi de programmation militaire (LPM) précédente, avant d’être atténué, puis interrompu à la suite des attentats de novembre 2015. Le tableau ci‑dessous rappelle l’évolution des effectifs du SEA au cours des dix dernières années. En 2018, le SEA devrait être doté d’un effectif de 2 051 personnes, soit une baisse significative de 12,3 % si l’on se réfère au point haut des effectifs atteint en 2011 (2 338 personnes).

 

Catégorie

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

PM

1 380

1 374

1 419

1 443

1457

1 423

1 386

1 375

1 364

1 382

1 392

PC

895

837

831

895

838

821

798

739

725

707

659

Total

2 275

2 211

2 250

2 338

2 295

2 244

2 184

2 114

2 089

2 089

2 051

Source : SEA.

La SEA est composé aux deux tiers de militaires, l’état-major des armées ayant pris conscience, à la faveur de la première guerre du Golfe, de l’importance de la militarité du service afin d’assurer une capacité de projection sur les théâtres d’opérations. Avec seulement 40 ingénieurs militaires des essences, qui sont les officiers supérieurs du SEA, et 36 personnels civils de catégorie A, le SEA est un des services des armées avec un des taux d’encadrement les plus faibles.

La capacité de stockage des produits pétroliers est assurée par les 37 dépôts en métropole et les 7 dépôts en outre-mer et à l’étranger dont le SEA assure la conception, la construction et l’entretien. Depuis 25 ans, la cartographie des dépôts en métropole est en constante évolution. Le nombre de dépôts détenus par le SEA n’a cessé de décroître avec la diminution du nombre d’implantations militaires sur le territoire, avant que le SEA ne reprenne les deux dépôts de la marine à Brest et à Toulon en 2010, ce qui, en termes de capacité de stockage, a partiellement compensé les fermetures de site. Depuis 2015, le SEA s’est adapté au nouveau contexte stratégique issu des attentats terroristes et s’est engagé dans le maintien de ses emprises tout en renforçant sa capacité de projection. Le service dispose en effet de réservoirs souples ([20]) qui assurent une capacité de stockage indispensable sur les théâtres d’opérations extérieures.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Source : SEA.

Par ailleurs, le SEA dispose de nombreux matériels de transport, de différentes tailles et de différents niveaux de protection, permettant d’acheminer les produits pétroliers.

2.   La gouvernance du SEA est source de souplesse au regard des contraintes budgétaires

La gouvernance du SEA est assurée par le contrat opérationnel avec l’état‑major des armées qui dimensionne le service pour lui permettre de soutenir les engagements opérationnels actuels et d’être à la hauteur des ambitions figurant dans la loi de programmation militaire (LPM) 2019-2025. Le contrat opérationnel constitue une aide au commandement pour organiser le dispositif de soutien pétrolier en fonction des engagements opérationnels et précise le besoin d’équipement du service en matériels majeurs pour remplir ses missions.

La gouvernance du SEA présente d’importantes spécificités sur le plan budgétaire. Les recettes et les dépenses de la fonction pétrolière sont, par dérogation au principe d’unité budgétaire, séparées du budget général pour être retracées dans un compte de commerce ([21]). Grâce à un découvert autorisé de 125 millions d’euros, ce compte de commerce apporte de la souplesse aux opérations conduites par le SEA en lui permettant d’acheter de gros volumes de carburant à tout moment. Ce mode de gouvernance budgétaire, qui isole la fonction pétrolière des autres domaines, incite également le SEA à une gestion active de la trésorerie et, pour cela, à la valorisation de ses prestations à l’égard de ses clients, dans le respect du principe d’équilibre du compte de commerce.  

Le compte de commerce enregistre, en dépenses, les opérations d’achats de produits pétroliers et, en recettes, les cessions de produits pétroliers. L’équilibre du compte de commerce est assuré par la mise en œuvre d’une politique tarifaire qui valorise les prestations assurées par le service en intégrant les charges nécessaires à la réalisation des missions du SEA dans les tarifs de cession. La loi de finances pour 2016 ([22]) a élargi le champ du compte de commerce pour y inclure les dépenses de fonctionnement et d’investissement du service, auparavant inscrites dans le programme 178, ce qui a permis d’introduire une nouvelle dimension patrimoniale dans l’actif du bilan comptable du compte de commerce.

Les prévisions de recettes et de dépenses du compte de commerce pour les années 2018 et 2019 figurent dans le tableau suivant.

(en millions d’euros)

Compte de commerce 901

LFI 2018

PLF 2019

Recettes

Cessions de produits aux clients relevant du ministère des Armées

502,8

559

Cessions de produits aux clients « hors ministère des Armées »

70,2

77,6

Autre : instruments financiers et recettes diverses

4,6

0,2

Dépenses

Approvisionnement en produits pétroliers et autres dépenses

535,9

608,7

Fonction pétrolière (dépenses « métier » de fonctionnement)

23,76

25,15

Fonction pétrolière (dépenses « métier » d’investissement)

23,5

22,85

Source : SEA.

Cette extension du champ du compte de commerce au 1er janvier 2016 n’a pas pour autant eu pour effet d’unifier la gouvernance budgétaire du SEA. Une partie des investissements, en particulier les investissements dans les infrastructures pétrolières, ainsi que les dépenses de personnel du SEA sont retracés dans le programme 212 ([23]).

II.   La sécurisation des approvisionnements pétroliers est aujourd’hui confrontée à de nouveaux défis

A.    Le SEA met en œuvre plusieurs modes d’action pour assurer la pérennité du soutien pétrolier en toutes circonstances

1.   Les modes d’action visant à sécuriser les approvisionnements

La sécurisation des approvisionnements est un enjeu majeur pour assurer la liberté d’action des forces sur les théâtres extérieurs.

L’exigence de pérennité du soutien pétrolier conduit le SEA à s’assurer de la redondance des voies d’approvisionnement et des moyens de transport des produits pétroliers jusqu’à la zone d’opération. Si le SEA est quasiment autonome lors de l’entrée des forces sur un théâtre, le recours aux entreprises pétrolières locales devient nécessaire à mesure du développement des opérations. Pour cela, le SEA s’assure toujours d’avoir une bonne connaissance du tissu pétrolier à proximité du théâtre d’opération ([24]).

Par ailleurs, le SEA maîtrise la qualité des produits tout au long de la chaîne d’approvisionnement afin d’assurer la sécurité des vols et le bon fonctionnement des véhicules utilisés par les forces armées. Des prélèvements d’échantillons de carburant sont effectués à chaque chargement de lot et envoyés pour examen au centre d’expertise pétrolière interarmées (CEPIA) de Marseille. Sur les théâtres d’opérations extérieures, des moyens de campagne permettant d’effectuer rapidement des analyses approfondies des carburants sont employés. Le directeur du CEPIA, l’ingénieur en chef de première classe Luc Gruel, a rappelé au rapporteur pour avis que l’accroissement du champ de compétence du SEA avait eu pour conséquence une extension de la gamme de produits ([25]) dont le CEPIA surveille la qualité.

La sécurité des approvisionnements pétroliers est également assurée par la constitution et la gestion de stocks de sécurité en métropole et sur les théâtres d’opérations extérieures. En OPEX, les stocks de sécurité, entretenus uniquement dans des dépôts du SEA pour garantir leur disponibilité en toutes circonstances, sont fusionnés avec les stocks permettant le fonctionnement courant des forces. Plus qu’en métropole, ces stocks de sécurité sont régulièrement utilisés pour surmonter les aléas qui ne manquent pas de survenir dans les chaînes d’approvisionnement.

2.   Les convois pour protéger les personnels, le matériel et les approvisionnements

La sécurisation des personnels, des matériels et des approvisionnements est également fonction de la protection des convois. Les convois du SEA obéissent aux mêmes exigences de sécurité que le déploiement des forces armées à tel point que, lorsque les conditions sécuritaires l’exigent, les véhicules du SEA sont bien souvent intégrés aux convois des forces.

Depuis 2009, aucun personnel du SEA n’a été physiquement blessé suite à une attaque ou à une explosion d’IED ([26]) en opération extérieure, bien que le SEA déplore deux accidents mortels en cours de déploiement et de nombreux troubles post-traumatiques en retour d’opération.

Par ailleurs, s’ils représentent des cibles potentielles pour l’ennemi, les véhicules du SEA n’ont subi aucun dommage sérieux au cours de la dernière décennie. En revanche, plusieurs destructions de réservoirs souples ont eu lieu en République centrafricaine (RCA) et au Mali, dont certaines sont néanmoins le fait des forces spéciales s’assurent que ces capacités ne puissent pas être réutilisées par l’ennemi.

B.   La pérennité du soutien pétrolier est aujourd’hui mise à l’épreuve tant par l’intensité de l’engagement opérationnel que par les enjeux liés à la transition énergétique

1.   Un service en état de « surchauffe opérationnelle »

Le niveau d’engagement opérationnel des forces armées n’est pas sans conséquence sur le SEA. En 2013, lors du déclenchement de l’opération Serval au Mali, le SEA était présent sur sept théâtres d’opérations, atteignant son plus haut niveau d’engagement au cours de la dernière décennie. Aujourd’hui, le SEA reste actif sur les différentes opérations auxquelles participent les forces françaises et est particulièrement mobilisé dans le cadre de l’opération Barkhane.

Des difficultés propres aux théâtres d’opérations sur lesquelles la France est engagée requièrent une forte capacité d’adaptation de la part du SEA. En effet, de nombreux théâtres sont très étendus ([27]), enclavés et rudes, notamment en Afghanistan, au Mali et en RCA, ce qui, couplé aux évolutions fréquentes apportées au déploiement des forces projetées, impose d’importantes contraintes aux activités d’approvisionnement. La situation est d’autant plus difficile, qu’en Afghanistan ou au Mali, l’absence ou la vétusté des sociétés pétrolières locales nécessite de rechercher des solutions alternatives en matière de soutien pétrolier depuis les pays voisins.

Cet engagement extérieur s’est traduit par des sujétions opérationnelles très importantes pour les effectifs du SEA. En presque dix ans, le service a vu ses effectifs militaires présents en OPEX augmenter d’un tiers, passant de 291 militaires déployés en 2009 à 381 en 2017. Sur la période 2012 - 2016, entre 29 et 37 % de l’effectif militaire du SEA était déployé en OPEX chaque année.

Effectifs militaireS projetés annuellement en opérations et taux de projection au regard des effectifs militaires physiques du SEA

C:\Users\MHEILAUD\AppData\Local\Temp\msohtmlclip1\02\clip_image001.png

Source : ministère des Armées, octobre 2017.

Parallèlement à l’augmentation des besoins opérationnels, le SEA a mis en œuvre une politique de rationalisation de ses effectifs dans le cadre de la réduction globale des effectifs du ministère. Alors qu’en 2009, l’effectif militaire réalisé du SEA s’élevait à 210 officiers, 335 sous-officiers et 885 engagés volontaires du SEA (EVSEA), il n’était plus que de 182 officiers, 333 sous-officiers et 826 EVSEA en 2017. Ainsi, par un effet de « ciseaux », le taux de projection du personnel de ces deux dernières catégories a fortement augmenté, passant de 20 à 26 % pour les sous-officiers et de 21 à 33 % pour les EVSEA. Les taux de projection peuvent s’avérer particulièrement critiques pour certaines spécialités, comme pour la filière maintenance.

S’agissant des matériels, la multiplication des missions aux élongations importantes a conduit à une hausse de 10 % du taux de projection des matériels du SEA entre 2009 et 2017. Compte tenu du sous-dimensionnement du parc de véhicules pétroliers, près d’un tiers des véhicules de transport de carburant du SEA et la moitié des camions avitailleurs de petite capacité étaient déployés en OPEX début 2015. Le SEA parvient ainsi à remplir l’objectif de disponibilité technique opérationnelle en OPEX, mais au détriment de ses capacités sur le territoire national.

Compte tenu des conditions particulières d’emploi dans la bande sahélo-saharienne (BSS), ce fort engagement s’est traduit par une dégradation prématurée du matériel engagé. La dureté du terrain se combinant à un âge moyen élevé de certains véhicules déployés – entre 20 et 23 ans d’ancienneté pour les camions citernes routiers tous chemins CBH ([28]) et les camions avitailleurs TOE ([29]) –, le parc de véhicule du SEA atteint, sur certains segments, un niveau de vétusté inquiétant. Une dégradation rapide des réservoirs souples, dont le nombre engagé en opérations a brutalement augmenté entre 2012 et 2014, a également été constatée. En raison du fort engagement opérationnel et de l’usure importante des matériels qui en découle, le coût du maintien en condition opérationnelle (MCO) des matériels reste à un niveau élevé, à 10,9 millions d’euros en 2017.

L’état actuel des effectifs et des matériels est porteur de risques pour le SEA au regard de sa mission de sécurisation des approvisionnements pétroliers destinés aux forces armées.

2.   La transition énergétique : risque ou opportunité ?

Le SEA doit faire face à certains aléas énergétiques, parmi lesquels les fluctuations du prix du pétrole. De manière générale, l’évolution des tarifs de cession du SEA n’est pas strictement proportionnelle à l’évolution du prix du baril du pétrole puisque, comme on l’a vu, ces tarifs de cession intègrent, outre le coût du produit, les coûts d’approvisionnement, de fonctionnement et d’investissement du service.

Surtout, pour certains carburants, comme le carburéacteur ([30]) et le gazole de navigation, le SEA met en œuvre une politique tarifaire ([31]) qui atténue les répercussions de l’évolution du cours du pétrole sur le tarif de cession proposé par le SEA. En complément de cette politique tarifaire, le SEA met en œuvre un dispositif de couverture financière d’achat de carburéacteur, dont l’effet est de limiter l’impact d’une éventuelle envolée du cours du pétrole sur l’activité opérationnelle des forces ou, par éviction, sur les autres postes de dépenses.

Si les fluctuations du prix du pétrole ne constituent pas un problème pour le SEA, la dépendance du ministère des Armées au pétrole soulève des enjeux plus lourds au regard de la transition énergétique ([32]). De fait, la sécurité énergétique du ministère des Armées repose à 80 % sur les carburants, et seulement à 20 % sur le gaz et l’électricité.

La transition énergétique peut certes présenter des opportunités au regard de la sécurité énergétique des armées. D’une part, le développement de nouvelles formes d’énergie, comme les biocarburants, le solaire, l’éolien ou la géothermie, permettra une plus grande diversification des sources d’énergie, contribuant par ce biais à la sécurité énergétique. D’autre part, l’amélioration de la performance énergétique sera de nature à réduire les consommations et, par conséquent, le degré de dépendance à un approvisionnement pétrolier parfois difficile à sécuriser.

Cependant, il paraît plus important au rapporteur pour avis d’insister sur les risques que cette transition fait peser sur la sécurité énergétique des forces armées. D’abord, l’imposition de normes environnementales contraignantes sur les moteurs est susceptible de restreindre la fabrication et l’emploi de certains véhicules sur le territoire national ou en OPEX. Par exemple, les véhicules prévus dans le cadre du programme SCORPION seront équipés de moteurs aux normes Euro-3, alors que le cadre normatif actuellement applicable est la norme Euro-6 qui est plus exigeante.

Surtout, ainsi que l’a souligné le directeur central adjoint du SEA, des normes environnementales trop rigoureuses risquent de rendre les nouveaux matériels et véhicules incompatibles ou vulnérables aux carburants disponibles en opérations extérieures, qui sont souvent de moins bonne qualité. 

III.   Alors que le SEA évolue pour répondre à ces défis, le ministère des Armées doit engager une réflexion sur la sécurité énergétique au niveau stratégique

A.   Le SEA se transforme pour continuer à assurer, en tout temps et en tout lieu, la sécurité énergétique des forces

1.   La politique du carburant unique : un gage de sécurité énergétique et d’interopérabilité des forces

Depuis le milieu des années 1990, la France applique la politique du carburant unique définie par l’OTAN afin de renforcer la sécurité énergétique des armées. Cette politique consiste à utiliser, sur les théâtres d’opérations, du carburéacteur diesel, aussi bien dans les aéronefs que dans les matériels terrestres. Définie au niveau international, la composition de ce carburant est maîtrisée partout dans le monde et il est disponible partout où opère l’aviation commerciale.

Ce recours au carburant aéronautique est un facteur de sécurisation des approvisionnements à plusieurs égards. En premier lieu, il permet d’éviter la ségrégation des matériels et des véhicules consacrés au soutien pétrolier que supposerait l’approvisionnement de plusieurs carburants. Ensuite, la politique du carburant unique permet d’approvisionner les forces terrestres lorsque les conditions interdisent l’acheminement de carburant par voie terrestre, grâce à la souplesse offerte par la technique du defuelling ([33]) d’aéronefs de transport. Enfin, même lorsque l’approvisionnement par voie terrestre est possible, le carburant unique permet de fiabiliser les produits utilisés par les forces terrestres en s’affranchissant des carburants à usage terrestre locaux, souvent de moindre qualité.

L’adoption de la politique du carburant unique explique la diésélisation du parc des armées depuis le milieu des années 1980. À titre exemple, à la fin des années 2000, le programme de rénovation du blindé léger Sagaie s’est traduit par l’installation d’un moteur diesel au lieu des moteurs à essence utilisés sur les premiers modèles. Toutefois, le rapporteur pour avis regrette que cette politique n’aille pas jusqu’à son terme. Aujourd’hui, certains drones ne fonctionnent qu’avec de l’essence, obligeant le SEA à mettre en place une logistique spécifique et limitée, le plus souvent à partir du territoire national. Certaines décisions sont en outre récemment venues contrecarrer cette politique, à l’image de l’emploi de véhicules à essence dans le cadre de l’opération Sentinelle. En effet, 19% des véhicules de gamme commerciale employés dans le cadre de l’opération Sentinelle fonctionnent avec une motorisation essence.

La politique du carburant unique n’est qu’une des initiatives lancées par l’Alliance atlantique pour assurer l’interopérabilité des équipements pétroliers. À travers les accords de normalisation (Standardization Agreement - STANAG), l’Alliance atlantique assure la normalisation de tous les volets de la logistique pétrolière, y compris des matériels et des équipements pétroliers. L’interopérabilité des matériels pétroliers peut générer des gains, non seulement financiers, mais également opérationnels en autorisant la mutualisation de moyens en opérations ou en exercices.

De manière très intégrée, cette interopérabilité va jusqu’à permettre la constitution d’unités interalliées, telles que les unités modulaires multinationales de soutien pétrolier ([34]) dans lesquelles une nation assure le soutien pétrolier de toute une coalition. Dans le cadre de l’exercice « Trident Juncture » organisé par l’OTAN en octobre et en novembre 2018, le SEA a déployé 35 personnes qui ont la responsabilité d’assurer le soutien pétrolier de l’ensemble des forces.

À travers la référence à ces accords de normalisation, l’exigence d’interopérabilité est aujourd’hui prise en compte dès la conception des équipements et véhicules pétroliers des armées.

2.   La transition énergétique ne doit pas entraver les capacités opérationnelles

Aujourd’hui, compte tenu de leur souplesse d’emploi et de leur incomparable densité énergétique, les carburants restent prépondérants dans le soutien aux armées, tandis que le besoin en énergie électrique reste très marginal ([35]). La remontée en puissance de notre appareil militaire telle que programmée par la LPM 2019 - 2025, et en particulier le déploiement du programme SCORPION, aura même tendance à accroître les besoins en carburant des forces armées, sans que l’amélioration de l’efficacité énergétique des motorisations ne parvienne à contrecarrer cette tendance.

Compte tenu de l’importance vitale de l’autonomie énergétique laissée à nos armées, le rapporteur pour avis estime que la transition énergétique ne peut s’appliquer à la défense comme elle s’applique aux autres politiques publiques. Dès lors que nos armées sont concernées, il convient de faire primer les besoins opérationnels sur toute autre considération. Pour cette raison, les forces armées doivent continuer à être exonérées d’un nombre important de réglementations environnementales. 

Pour autant, comme on l’a vu, la transition énergétique présente aussi des opportunités pour la sécurité énergétique des armées qu’il faut savoir saisir. Si l’usage des carburants restera prépondérant à moyen terme, le SEA doit s’engager dans une transformation de long terme qui doit le voir basculer progressivement vers les énergies renouvelables. Pour atteindre cet objectif, le SEA peut s’appuyer sur une base de compétences déjà centrée sur l’énergie au sens large ([36]). Une montée en compétence de la délégation générale de l’armement (DGA) et du SEA sur les motorisations hybrides et électriques paraît tout de même nécessaire.

3.   La sécurité-protection des convois pétroliers est actuellement renforcée

L’engagement des forces armées sur des théâtres d’opérations en Afrique et au Moyen-Orient a renforcé la prise en compte des enjeux de sécurisation des convois pétroliers.

En effet, comme le rappelait le directeur de la base pétrolière interarmées (BPIA) de Chalon-sur-Saône devant le rapporteur pour avis, l’engagement des forces armées se caractérise aujourd’hui par la dureté des théâtres d’opérations. Éparpillés sur des zones très vastes, les personnels vivent des expériences difficiles sur le plan physique et psychologique. Lors de leur retour d’opération, les personnels du SEA passent donc par un sas de décompression au même titre que les personnels des armées.

Les flux logistiques assurés par les camions-citernes, notamment les mouvements assurés entre les dépôts du SEA et les bases avancées, sont particulièrement menacés. La menace se caractérise surtout par des attaques à la roquette ou à l’arme légère ou par des IED. Ainsi, lors d’un convoi en Afghanistan en 2012, des tirs d’armes automatiques ont touché la cabine blindée d’un véhicule pétrolier ravitailleur, sans faire de blessés.

Conscient des risques encourus lors des convois, le SEA poursuit sa politique de blindage des véhicules déployés en opération. Ainsi, les dix-sept camions-citernes tout terrain CBH ([37]) qui assurent le transport de carburant entre les différentes plateformes dans le cadre de l’opération Barkhane font actuellement l’objet d’un programme d’équipement en kits de blindage. Le rapporteur pour avis tient à rappeler que le blindage doit être un prérequis à l’emploi de tout véhicule en opération.

D’importants efforts sont déployés pour renouveler le parc de véhicules anciens, très fortement sollicité, et dont le MCO est de plus en plus difficile à réaliser. Avec un âge moyen actuel de 22 ans, les camions CBH font l’objet d’un programme de régénération profonde débuté en 2016 afin de prolonger leur durée de vie de dix ans, avant l’arrivée de leur remplaçant.

La prochaine étape dans l’amélioration de la protection des véhicules du SEA est marquée par l’arrivée de matériels de nouvelle génération, le camion avitailleur TOE NG ([38]) et le camion de transport CaRAPACE ([39]).

Le TOE NG vient prendre la succession des camions avitailleurs TOE, qui assurent l’avitaillement des avions sur les bases aériennes projetées ou sur les bases aériennes d’outre-mer, et dont l’âge moyen actuel est de 23 ans.  

Mieux connu, le CaRAPACE incarne bien souvent l’avenir de l’approvisionnement pétrolier en opération. Déjà mis en service en métropole en 2016, les trois premiers véhicules ont été déployés à Gao en août 2018, alors que les autres sont prévus pour fin octobre 2018. Doté d’une capacité d’emport de 22 m3 de carburant, le CaRAPACE possède une cabine entièrement blindée qui peut également être surprotégée par des grilles anti-roquettes. Il s’intègre parfaitement dans les convois logistiques des armées grâce à ses équipements de communication, identiques à ceux des forces terrestres.

L’introduction de ces nouveaux véhicules n’épuise pas les mesures de protection prises par le SEA face aux nouvelles menaces. Sur la BPIA de Chalon-sur-Saône, le rapporteur pour avis s’est vu présenter un nouveau concept de réservoir mobile, le réservoir aérien modulaire (RAM). D’une capacité accrue, ce nouveau réservoir, qui fait actuellement l’objet d’une expérimentation à N’Djamena au Tchad, offrira une plus grande résistance aux éclats.

Outre des innovations capacitaires, le SEA a mis en place toute une série de stratégies visant à réduire la vulnérabilité des convois en opération. Ces stratégies incluent la protection des véhicules du SEA par des convois militaires armés, la diversification des routes logistiques et l’emploi de mécanismes de camouflage ou d’une bâche sur la citerne pour passer inaperçu aux yeux des ennemis.

B.   LA pérennisation du SEA doit s’accompagner d’une réflexion plus large autour de la fonction énergie au sein des armées 

1.   Les besoins financiers et humains du SEA

Le SEA fait aujourd’hui face à des contraintes financières caractérisées par la quasi-stabilité de ses moyens de fonctionnement sur la période de la LPM 2019 - 2025 ([40])

La trajectoire pluriannuelle des moyens financiers du SEA
sur la période 2019 – 2024

(en millions d’euros)

Gestion

2019

2020

2021

2022

2023

2024

Fonctionnement

25,15

24,88

25,04

25,09

25,14

25,19

Investissement

22,85

20,05

18,20

22,90

35,70

29,00

Total

48,00

44,93

43,24

47,99

60,8

54,19

Source : document validé lors du conseil de gestion de mai 2018.

Surtout, le rapporteur pour avis souhaite attirer l’attention du ministère des Armées sur les tensions qui visent les effectifs du SEA. Selon la LPM 2019-2025, le SEA devrait connaître une augmentation de seulement 15 ETP sur la période 2019 - 2022, puis à nouveau de 39 ETP entre 2023 et 2025.

Évolution des effectifs sur le périmètre SEA entre 2018 et 2025 ([41])

Catégorie

2018

2019

2020

2021

2022

2023

2024

2025

Officiers

192

193

193

193

193

193

195

197

Sous-officiers

325

325

326

326

326

326

330

334

Militaires du rang

875

862

866

866

866

866

880

893

Total personnel militaire

1 392

1 380

1 385

1 385

1 385

1 385

1 405

1 424

Catégorie A

40

42

42

43

43

43

43

43

Catégorie B

133

141

142

143

144

146

147

147

Catégorie C

239

242

249

255

263

270

276

281

PCRL

0

5

5

5

5

5

5

5

Ouvriers de l’État

247

222

214

206

197

188

181

176

Total personnel civil

659

652

652

652

652

652

652

652

Total effectif SEA

2 051

2 032

2 037

2 037

2 037

2 037

2 057

2 076

Source : SEA.

De manière trompeuse, ces chiffres comptabilisent les personnels du SEA en détachement ou en reconversion ainsi que les personnels qui assurent des missions hors contrat opérationnel, ramenant le nombre d’effectifs réel à un niveau encore plus faible. Ainsi que l’indiquait le directeur de l’exploitation et de la logistique pétrolière interarmées (DELPIA), l’ingénieur général de deuxième classe Patrice Gobin, la faiblesse du niveau des effectifs contraint le SEA à un recours élevé aux réservistes.

La faiblesse de ces hausses d’effectifs, qui reflète l’oubli traditionnel du soutien par les armées, est susceptible de conduire le SEA à recentrer ses effectifs sur les missions opérationnelles au détriment de la maintenance et du soutien administratif et financier. Force est de constater que le SEA n’est et ne sera pas doté pour remplir la totalité de son contrat opérationnel.  

Le SEA fait aujourd’hui face à certaines difficultés dans le recrutement de sous-officiers et de militaires du rang, en particulier dans la filière de la maintenance pour laquelle il existe une très forte concurrence avec les entreprises civiles. Le SEA souffre principalement d’un manque d’attractivité au sein des forces armées. Ce constat rend nécessaire de proposer des parcours professionnels attractifs et valorisants aux personnels du SEA et de maintenir un effort de communication auprès des trois armées. Les innovations capacitaires et la transition énergétique devraient aussi spontanément contribuer à l’attractivité du SEA.

De manière rassurante, le SEA ne rencontre pas de problème de fidélisation de ses personnels. En dépit d’une attrition importante en cours de formation initiale des militaires du rang, le taux de renouvellement du premier contrat des sous-officiers et des militaires du rang est assez élevé. Le directeur central du SEA, l’ingénieur général de première classe Jean-Charles Ferré, attribuait la fidélité des personnels au SEA au sentiment de faire partie « d’une petite famille », composée d’un peu plus de 2 000 personnes. Passée la phase de découverte, les personnels du SEA se trouvent souvent une vocation. 

2.   Relever le défi de la transition énergétique

La maîtrise des effets de la transition énergétique sur les armées fait aujourd’hui l’objet d’un important travail prospectif à l’échelon national et interallié.

Une étude prospective a été lancée sur ce sujet par le ministère des Armées au début de l’année 2018. Afin de prévoir un cadre juridique adapté aux contraintes et aux missions des armées, elle pourrait déboucher sur un travail d’identification des mesures susceptibles de restreindre l’emploi opérationnel de certains matériels. Elle pourrait également répondre à une revendication récurrente consistant à mieux associer le SEA en amont des programmes d’équipement et des achats sur étagère.

Des travaux de réflexion sont également menés dans le cadre du centre d’excellence pour la sécurité énergétique de l’OTAN, qui se trouve à Vilnius en Lituanie. Cet organisme international, qui s’apparente à un institut de recherche, a pour vocation de promouvoir les projets nationaux dans le domaine de la sécurité énergétique. Créée au début de l’année 2018, la division « Research and Lessons Learned » offre des perspectives nouvelles sur la distribution d’énergie sur les théâtres d’opérations. Le cœur de l’activité de cette division consiste en effet à identifier les innovations technologiques qui pourraient trouver une application dans le domaine militaire ([42]).

Au sein de l’Union européenne, le projet d’amélioration de l’autonomie énergétique en opération ([43]) est piloté par la France dans le cadre de la coopération structurée permanente (CSP). Ce projet a notamment pour objectif de catalyser les progrès en matière de transition énergétique sans entraver les capacités d’action opérationnelle. À ce stade, un seul projet, le « camp déployable énergétiquement efficace », a été validé dans ses principes, et pourrait recevoir, à l’avenir, un financement de la part du Fonds européen de défense ([44]).

3.   Vers une nouvelle gouvernance de l’énergie

Malgré les défis énergétiques auxquels sont confrontées les armées, l’énergie ne fait pas l’objet d’une approche globale au sein du ministère des Armées.

La distribution de l’énergie est répartie entre le SEA, pour les produits pétroliers, et le service d’infrastructure de la défense (SID), pour le gaz et l’électricité.

La gouvernance de l’énergie est, quant à elle, éclatée entre l’état-major des armées ([45]) qui pilote le domaine énergétique sur le périmètre des opérations, le SEA qui contribue à l’élaboration de la stratégie énergétique du ministère, la direction des patrimoines, de la mémoire et des archives (DPMA) qui élabore la stratégie ministérielle relative à la performance énergétique et la DGA qui veille au critère d’efficacité énergétique lors des acquisitions des plateformes de combat.

L’étude stratégique lancée par le ministère des Armées, qui intègre les différents acteurs énergétiques du ministère, est sans doute une tentative de surmonter le traitement sectoriel de la politique énergétique au sein du ministère. Le rapporteur pour avis estime néanmoins que la gouvernance de la fonction énergie au sein des armées mériterait une organisation pérenne.

 

 


—  1  —

   TRAVAUX DE LA COMMISSION

I.   Audition dE M. JEan-PAUL BODIN,
secrétaire général pour l’administration

La Commission a entendu M. Jean-Paul Bodin, secrétaire général pour l’administration, sur le projet de loi de finances pour 2019 (n° 1255), au cours de sa réunion du mercredi 10 octobre 2018.

M. le président Jean-Jacques Bridey. Monsieur le secrétaire général, merci de votre présence à cette audition matinale. Vous êtes le premier, après les deux ministres, à vous exprimer devant cette commission sur le projet de loi de finances (PLF) 2019. Je vous passe la parole sans plus attendre.

M. Jean-Paul Bodin, secrétaire général pour l’administration. Merci, Monsieur le président.

Mesdames et Messieurs les députés, je vais effectivement vous présenter quelques éléments relatifs au projet de loi de finances pour 2019 et vous communiquer les grands chiffres des trois programmes placés sous ma responsabilité, à savoir le programme 212 pour la mission « Défense » et les programmes 167 et 169 de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation ». J’évoquerai ensuite les aspects relatifs à la politique des ressources humaines et aux crédits de titre 2 du ministère, dont le secrétariat général pour l’administration (SGA) a la responsabilité depuis quatre ans maintenant. J’aborderai enfin la politique immobilière, qui constitue un élément important des crédits du programme 212.

La décision du président de la République d’accorder durablement une priorité budgétaire aux crédits des armées se confirme, comme l’a souligné la ministre, à travers ce projet de loi de finances pour 2019, qui s’inscrit dans la trajectoire de la première année de mise en œuvre de la loi de programmation militaire (LPM). Ce budget se traduit par une augmentation importante de 1,7 milliard d’euros des crédits alloués à la mission « Défense » par rapport à 2018 et s’établit à 35,9 milliards d’euros hors pensions. Cette augmentation significative de 5 % permet de porter l’effort de défense à 1,82 % de la richesse nationale.

Les bases de ce budget sont considérées comme solides, dans la mesure où aucune ressource exceptionnelle n’a été prévue. Il y en aura vraisemblablement, notamment sur le compte d’affectation spécial immobilier, mais cela n’a pas été pris en compte dans l’équilibre de ce budget. Par ailleurs, la provision pour les opérations extérieures (OPEX) et les missions intérieures (MISSINT) a été augmentée, notamment en ce qui concerne les crédits du titre 2, pour passer au total à 950 millions d’euros. Pour la partie « missions intérieures », l’enveloppe de titre 2 prévue est de 100 millions d’euros et l’on estime que la dépense s’élèvera cette année à 99,1 millions d’euros ; si tout se déroule comme prévu, le budget correspondra ainsi très exactement à la dépense. Il appartient désormais au ministère de décliner le bon emploi de ce budget et de confirmer l’inflexion de cette traduction budgétaire.

Trois programmes sont placés sous ma responsabilité : le programme 212 de « soutien à la politique de défense », ainsi que les deux programmes 167 et 169 de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation ».

Le programme 212 regroupe les fonctions d’administration et de soutien mutualisé au profit de l’ensemble du ministère et, depuis 2015, l’ensemble des crédits relatifs aux rémunérations du personnel, c’est-à-dire le titre 2. Les crédits de paiement (CP) du programme 212, hors dépenses de personnel, augmentent de près de 3 %, soit 80 millions d’euros, passant de 2,56 milliards d’euros à 2,64 milliards d’euros dans le PLF 2019. Cette hausse est plus faible que celle constatée l’année passée, cette dernière, très importante, visant alors à couvrir des dépenses d’infrastructures. Un effort considérable avait en effet été effectué en 2018 dans ce domaine, avec une augmentation de plus de 400 millions d’euros en autorisations d’engagement (AE) et 420 millions d’euros en crédits de paiement. Cette année, l’augmentation se confirme, mais est beaucoup plus limitée.

Le programme 167 « Liens entre la Nation et son armée » s’établit à 33,8 millions d’euros en crédits de paiement, soit une baisse de 8,87 millions d’euros par rapport à 2018 : cela s’explique tout simplement par le fait que le cycle de commémorations liées à la Grande guerre se termine. La politique de mémoire sera axée en 2019 sur des événements moins nombreux.

Ce programme comprend deux actions.

La première, orientée vers la jeunesse, concerne essentiellement la Journée défense et citoyenneté (JDC) et est dotée de 15 millions d’euros ; on prévoit d’accueillir l’an prochain dans ce cadre quelque 792 000 jeunes. Nouveauté par rapport au budget de l’an dernier, il existe cette année une unité opérationnelle relative au service militaire volontaire (SMV), pérennisé dans la loi de programmation militaire (LPM) : les crédits du SMV ont été regroupés dans le programme 167, à hauteur de 2,5 millions d’euros. Ces crédits viennent du programme 178 et couvrent les dépenses de fonctionnement du SMV, dont l’objectif est d’accueillir environ un millier de stagiaires par an. Nous disposons pour ce faire de quelque 330 cadres. Est par ailleurs mentionné, pour le SMV, un montant provisionnel indicatif de 3,3 millions d’euros issus de fonds de concours, qui pourrait venir de la taxe d’apprentissage, mais aussi d’autres financements concourant à la formation professionnelle. L’équipe de commandement du SMV prépare un certain nombre de protocoles avec les régions. L’un d’entre eux sera ainsi signé dans quelques jours pour Ambérieu. Cela permettra de bénéficier des crédits de la formation professionnelle à disposition des régions.

La deuxième action du programme 167 concerne la politique de mémoire, avec des crédits en baisse, passant de 28 millions d’euros en 2018 à 16 millions d’euros en 2019. Cette action compte également un transfert en provenance du programme « patrimoine » du ministère de la Culture, à hauteur de 2,4 millions d’euros : le ministère des Armées se voit ainsi confier la cérémonie du 14 juillet, si bien que la direction des patrimoines, de la mémoire et des archives a désormais la responsabilité de presque toutes les grandes cérémonies. Je signale toutefois que si des crédits nous ont été transférés, il n’en va pas de même pour les effectifs : on a dû considérer que nous disposions de suffisamment d’effectifs pour nous acquitter de cette nouvelle mission.

Les crédits du programme 169 « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » s’élèveront à 2,196 milliards d’euros. Ils sont en baisse de 7 % par rapport à la loi de finances pour 2018, en raison notamment de la diminution du nombre de bénéficiaires des pensions militaires d’invalidité et de la retraite du combattant, baisse estimée à environ 400 000 bénéficiaires, ce qui explique la réduction de crédits.

Ce programme 169 comporte trois mesures nouvelles. La première est une mesure d’équité fortement attendue du monde combattant, puisqu’il s’agit de l’extension de la carte du combattant aux militaires français déployés sur le sol algérien à la suite des accords d’Évian, c’est-à-dire entre juillet 1962 et juillet 1964. On estime le nombre de bénéficiaires à environ 50 000 et le montant de cette mesure à 6,6 millions d’euros pour l’année 2019.

La deuxième mesure est relative au plan « Harkis », pour lequel une enveloppe de 10 millions d’euros est prévue. Ces crédits permettront notamment d’augmenter les allocations de reconnaissance et l’allocation viagère, au profit des harkis et de leurs veuves. Sur ces 10 millions, 7,5 millions d’euros permettront en outre de traiter la situation des enfants de harkis rencontrant le plus de difficultés socio-économiques. À côté de cette somme de 10 millions d’euros figurant dans le budget, environ 4,5 millions d’euros, étalés sur deux ou trois ans, seront utilisés à la mise en œuvre d’actions de mémoire, avec organisation de colloques, recueil de témoignages oraux, entretien de monuments, etc. Les sommes correspondantes seront prélevées sur les crédits dont nous disposons ; nous n’avons pas besoin pour ce faire de crédits supplémentaires.

La troisième mesure nouvelle du programme 169, bien que d’un montant très faible de 300 000 euros, revêt une grande importance pour nous, car elle va nous permettre de revaloriser le tarif des quelque 6 000 expertises médicales dont nous avons besoin chaque année. Jusqu’à présent, ces expertises étaient payées 80 euros, alors que le tarif est de 100 euros dans le régime sécurité sociale : il nous semblait donc logique de nous aligner sur ce régime. Nous serions en outre très satisfaits de pouvoir, à l’avenir, bénéficier d’un alignement automatique.

Quelques mots à présent sur les effectifs dont bénéficie le secrétariat général pour l’administration pour remplir ses missions dans ses directions et services : le cadrage est de 15 375 postes, dont 4 075 militaires et 11 025 civils. Nous pourrions par ailleurs accueillir 275 apprentis ; nous en avons recrutés l’an dernier et allons continuer cette année, car ils peuvent être très utiles, à divers postes. L’évolution en matière d’effectifs concernant le SGA se traduit par l’arrivée de 356 postes liés au SMV, ce dernier étant un service à compétence nationale rattaché au directeur du service national.

Pour 2019, la ressource nécessaire à la couverture totale des besoins du titre 2 du ministère est fixée à 20,811 milliards d’euros, dont 8,455 milliards d’euros pour le compte d’affectation spéciale (CAS) « Pensions ». Par rapport à la loi de finances initiale (LFI) 2018, ces crédits sont en augmentation de 234 millions d’euros, toutes ressources confondues. Cela résulte de l’évolution du schéma d’emploi, puisque 450 postes supplémentaires sont créés, auxquels s’ajoutent 16 postes au niveau du service industriel de l’aéronautique (SIAé). Le plafond des effectifs budgétaires du ministère s’élèvera à 274 595 équivalents temps plein (ETP) travaillés, soit 210 677 militaires et 63 918 civils, ce qui se situe dans la proportion habituelle de 75 % de militaires et 25 % de civils. Les emplois créés sont orientés vers les services de renseignement, le numérique, la sécurité protection, le soutien aux exportations, notamment au profit de la direction générale de l’armement (DGA), et quelques besoins opérationnels. Des emplois sont notamment fléchés sur l’action dans l’espace numérique et la cyberdéfense. 199 ETP travaillés seront consacrés au renseignement, 47 à la sécurité protection et 45 au soutien aux exportations. Cette évolution du schéma d’emploi se traduit par plus 282 ETP travaillés de militaires. Les effectifs de sous‑officiers restent stables, tandis que ceux de militaires du rang baissent de 50 emplois. Les effectifs des officiers augmenteraient quant à eux de 312 emplois, afin de répondre aux besoins du ministère pour les fonctions d’encadrement et d’expertise de haut niveau. Cela correspond par ailleurs à une correction de mouvements qui ont pu avoir lieu dans les lois de programmation précédentes, où avait été engagé, notamment à partir de 2007 – 2008, un mouvement de dépyramidage important, dont on s’aperçoit aujourd’hui qu’il pose des problèmes aux forces, notamment à l’armée de terre.

Concernant les personnels civils, on observe une augmentation globale de 184 ETP, la baisse du nombre d’ouvriers de l’État de 814 ETP étant plus que compensée par la hausse des emplois d’encadrement de 315 postes en catégorie A, 433 en catégorie B et 250 en catégorie C. Il faut toutefois savoir que des recrutements d’ouvriers de l’État auront toutefois lieu, notamment dans les domaines de la maintenance aéronautique et terrestre. L’inquiétude que l’on peut avoir à ce stade sur les effectifs concerne essentiellement les difficultés rencontrées pour recruter des fonctionnaires de catégorie B. Les concours ne produisent pas les effets attendus, notamment dans la branche technique et plus particulièrement dans les domaines de l’infrastructure et de la maintenance, d’où les procédures que nous vous avons proposées dans le cadre de la LPM, avec l’article 16 qui prévoit des recrutements sans concours dans un certain nombre de régions. Ce dispositif va être mis en œuvre dès cette année.

Pour ce qui est des militaires, nous constatons sur 2018 des départs de sous-officiers supérieurs et d’officiers plus importants et plus tôt dans l’année que prévus, avec des conséquences sur la consommation du titre 2, mais aussi sur l’évolution des effectifs sur l’ensemble de l’année, alors que les structures de recrutement tournent à plein depuis le début de l’année. Nous aurons donc à porter une attention toute particulière à cet aspect tout au long de 2019.

Le schéma d’emploi pour 2019 va se traduire par près de 25 300 recrutements, dont près de 3 700 personnels civils. Cela correspond à peu près aux résultats de 2018.

Au 1er janvier 2018, on comptait 1 180 apprentis au sein du ministère. L’objectif étant de 1 200 sur l’année, il est vraisemblable qu’il sera atteint et reproduit l’an prochain. Sans doute savez-vous que nous éprouvons quelques difficultés à recruter en contrats à durée indéterminée des personnes que nous avons eues comme apprenties. Nous essayons de contourner cet écueil en aidant des apprentis dans la préparation des concours, à tous les niveaux de formation, du BEP au doctorat. L’apprentissage est indéniablement un élément important, qui nous a aidés pour le recrutement. Une soixantaine d’ouvriers de l’État ont ainsi été recrutés dans les métiers de la maintenance aéronautique après avoir été apprentis. La ministre nous a demandé d’augmenter sensiblement le nombre d’apprentis que nous pourrions fidéliser au cours de l’année 2019. Il s’agira donc de l’une des actions que nous aurons à conduire.

Les réservistes sont également indispensables au bon fonctionnement des forces. La cible d’engagement avait été fixée à 40 000 pour l’année 2018. La dotation allouée à la réserve opérationnelle est de 159 millions d’euros hors cotisations patronales pour 2019, ce qui devra nous permettre d’atteindre la cible visée. Parmi les mesures prévues en 2017 et mises en œuvre à partir de 2018 en faveur des réservistes, 6 millions d’euros seront consacrés à accroître l’attractivité de la réserve, via notamment une prime de fidélisation pour un engagement dans la durée. Cela comprend par ailleurs une allocation d’études spécifique de 1 200 euros versée à des étudiants s’engageant à servir dans la réserve opérationnelle, ainsi qu’une participation à la formation au permis de conduire pour des jeunes qui s’engageraient dans la garde nationale, à hauteur de 1 000 euros. Au 31 août 2018, nous comptions 37 000 réservistes, soit 92 % de la cible. Nous espérons ainsi atteindre les 40 000 en 2019.

Je vous ai détaillé la répartition des augmentations d’effectifs par grand secteur. Cette hausse ne doit toutefois pas masquer des évolutions dans les services, notamment les services de soutien, qui connaissent des réductions d’effectifs, bien que moins importantes que les années précédentes. Il est probable que l’on arrive, fin 2019 et début 2020, à une stabilité des effectifs dans ces services. L’augmentation globale est donc le résultat de mouvements en positif et en négatif.

Comme je vous l’ai indiqué précédemment, nous sommes confrontés à des difficultés de recrutement, qu’il nous faut essayer de compenser, grâce notamment à des mesures catégorielles. Le budget alloué à ces mesures en 2019 est de 131 millions d’euros, dont 22,8 millions d’euros pour le personnel civil. Cela doit nous permettre de recruter dans un certain nombre de domaines requérant des compétences stratégiques ou rares et essayer de limiter les départs. Nous avons par exemple pris, dès le budget 2018, des dispositions pour conserver nos médecins dans les hôpitaux, en payant notamment les gardes, ce qui n’était pas le cas jusqu’alors. La semaine dernière, nous avons envisagé avec la ministre des mesures à mettre en place à hauteur de quelque 6 millions d’euros dans le budget 2019 pour les médecins des centres médicaux des armées, qui sont auprès de la médecine des forces, afin de mieux reconnaître leur spécialité, leurs spécificités, et tenter d’enrayer les nombreux départs auxquels nous sommes confrontés à l’heure actuelle. Si cette situation perdurait, nous rencontrerions de très sérieuses difficultés pour répondre aux missions opérationnelles. Nous allons par ailleurs mettre en place dans les armées une prime de lien au service, qui viendra se substituer à diverses primes antérieures et sera versée au militaire pour faciliter sa fidélisation et son maintien au service.

Pour les personnels civils, nous mettons de nouveau en œuvre les mesures prévues dans le régime indemnitaire des fonctionnaires de l’État (RIFSEEP) et essayons de corriger les différences de primes constatées entre le personnel civil de notre ministère et celui d’autres ministères. Nous avons notamment prévu une augmentation à hauteur de 12 millions d’euros du complément indemnitaire d’activité (CIA). Peut-être même pourrait-on verser une rallonge de CIA fin 2018. Nous sommes actuellement en train de discuter ce point avec le ministère de l’Économie et des finances.

Les difficultés de recrutement que nous rencontrons pourraient conduire à s’interroger sur le bien-fondé du maintien des outils d’aide au départ. Ce sujet revient de façon lancinante. Nous considérons toutefois qu’il est nécessaire de conserver certains de ces outils pour faciliter des départs de personnel, des dispositifs de promotion fonctionnelle ou de pension afférente au grade supérieur : 498 leviers ont ainsi été prévus en 2019. Nous avons également prévu des indemnités de départ volontaire pour les personnels civils ouvriers de l’État, afin de poursuivre le dispositif existant.

Je faisais allusion précédemment à la mise en œuvre des mesures prévues à l’article 16 de la LPM, par le biais de deux expérimentations. L’une permet de recruter du personnel civil, après audition par un comité de sélection, dans le corps des techniciens supérieurs d’études et fabrication (TSEF). Nous avons examiné hier en comité technique ministériel le projet de décret mettant en œuvre ce dispositif. La seconde expérimentation, pour laquelle les textes sont en cours de préparation, vise à recruter des agents contractuels pour une durée ne pouvant excéder trois années, afin de faire face, dans certaines régions, à une vacance d’emploi de plus de six mois, dans l’attente de recrutement d’un fonctionnaire. Ce dispositif va être testé et est très suivi par la direction générale de la fonction publique, dans l’objectif éventuellement de le faire figurer dans la loi « fonction publique ».

Nous allons par ailleurs engager les travaux de la nouvelle politique de rémunération des militaires. Nous avons beaucoup travaillé au cours de l’année à l’évaluation précise des différents éléments constitutifs de la rémunération des personnels militaires et sommes désormais à peu près clairs sur les objectifs : il faut assurer la réalisation des contrats opérationnels, en garantissant l’attractivité des emplois, redonner de la lisibilité à la rémunération des militaires, sortir d’un système difficilement décryptable dans lequel coexistent plus de 170 primes, répondre aux impératifs de gestion des ressources humaines, fiabiliser les modalités de calcul de la solde et garantir une bonne maîtrise de la masse salariale. Nous avons, pour ce faire, considéré l’ensemble des primes et indemnités, que nous sommes en train de répartir en huit thèmes.

Premier thème : sujétion et obligations du militaire. Cela correspond à la compensation de la disponibilité attendue des militaires. Aujourd’hui, l’élément de compensation principal est l’indemnité pour charge militaire : la question est de savoir comment la faire évoluer.

Deuxième thème : parcours professionnels et exercice de responsabilités. Cela est lié à la détention d’une qualification professionnelle.

Troisième thème : engagements opérationnels. Cela a trait à la compensation de l’absence engendrée par les périodes d’engagement opérationnel.

Quatrième thème : activités spécifiques de milieu. Cela correspond, par exemple, aux emplois de sous-mariniers, de pilotes, c’est-à-dire à haut niveau d’exigence.

Cinquième thème : qualifications et compétences. Il s’agit de toutes les primes prévues pour conserver les compétences au sein du ministère et éviter que les personnels, une fois formés, ne partent.

Sixième thème : commandement et performances. Cela a trait à la valorisation des postes de commandement et de responsabilité. Il est en effet possible, dans le déroulement des carrières, d’avoir un grade supérieur et un poste de commandement et de perdre en rémunération en fonction par exemple des postes occupés en administration centrale ou sur le terrain : il y a là certaines disparités qu’il faut veiller à corriger.

Septième thème : mobilité. Cela a trait à la façon d’indemniser la mutation de façon plus simple et homogène, et entraîne en outre une réflexion sur les actions à mener en matière de politique du logement : est-il plus opportun d’apporter une aide à la pierre ou à la personne ? Nous nous sommes aperçus que l’aide à la personne ne permettait pas de répondre aux tensions rencontrées par exemple en région parisienne et dans certaines grandes agglomérations et qu’il fallait un mix, c’est-à-dire à la fois un parc de logements réservés pour le personnel et des primes visant à compenser la mobilité.

Huitième thème : garnison. Cela correspond aux indemnités de résidence, qui varient selon les zones du territoire dans lesquelles on se trouve affecté.

L’idée générale est de substituer au système complexe de plus de 170 primes un dispositif beaucoup plus clair.

Figurent également dans le titre 2 les crédits relatifs à l’action sociale. Le budget de l’action sociale se stabilisera l’an prochain autour de 111 millions d’euros, dont 9,6 millions d’euros de crédits destinés au financement de diverses allocations liées au handicap, y compris l’allocation versée aux parents d’enfants handicapés. Figurent également dans ces 111 millions d’euros les crédits relatifs au plan « Famille », qui augmenteront d’environ 6 millions d’euros en 2019 pour financer des actions de cohésion, l’amélioration du cadre de vie des militaires et la réservation de berceaux ou la création de crèches, puisque nous avons dans ce domaine un objectif sur l’ensemble de la LPM.

Nous avons en outre mis en place le portail numérique « e-social » des armées, qui permet aux personnels d’obtenir des informations sur différents dispositifs d’aide et comptabilise environ 2 000 connexions par semaine, ce qui montre que le dispositif commence à fonctionner, pour le moins comme outil de renseignement. Notre objectif pour 2019 est de faire de ce portail un outil de saisie de demandes en ligne d’aides sociales.

Parallèlement, nous sommes en train de mettre en place un logiciel de gestion de l’accueil des enfants par des assistants maternels, qui permettra aux familles de localiser les assistants maternels et facilitera ainsi la garde des enfants.

Je souhaiterais, pour en terminer avec les éléments du titre 2, évoquer la question de la reconversion du personnel, avant d’aborder les systèmes d’information relatifs à la rémunération.

Compte tenu des mouvements rencontrés en recrutements et sorties de personnels chaque année, l’action en matière de reconversion est extrêmement importante. La dotation inscrite au PLF est de 38,7 millions d’euros, en augmentation de 1,2 million d’euros. L’agence de reconversion créée en 2009 a procédé en 2017 à près de 12 000 reclassements, dont 44 % en contrats à durée indéterminée (CDI). Ce chiffre est plutôt satisfaisant, puisqu’au niveau de Pôle Emploi, les reclassements en CDI sont de l’ordre de 13 %. Les dépenses de chômage ont été de 135,6 millions d’euros en 2018, en baisse de 6 millions d’euros par rapport à l’année précédente ; nous avons néanmoins prévu, pour 2019, une dépense de 138 millions d’euros, dans la mesure où nous ignorons si la tendance constatée en 2018 va se confirmer. Le nombre d’anciens militaires en situation de chômage indemnisé a diminué de 2,6 % sur un an, pour atteindre 12 750.

Concernant les systèmes d’information relatifs à la rémunération des personnels, je souhaiterais vous dire quelques mots du Logiciel unique à vocation interarmées de la solde (LOUVOIS) et de Source Solde, mais aussi d’Alliance pour les personnels civils, dont nous allons changer de version l’année prochaine. Sur 185 778 soldes payées en août 2018, 0,04 % l’ont été « hors LOUVOIS ». On peut donc considérer que l’on paie aujourd’hui la quasi-totalité des soldes via LOUVOIS. 4 341 bulletins de solde ont dû faire l’objet de corrections avant mise en paiement : cela signifie qu’un suivi extrêmement précis du système doit être effectué chaque mois. On peut néanmoins affirmer que le système est relativement stabilisé et fournit aujourd’hui des soldes qui semblent justes.

Nous sommes face à des indus constatés, qui s’élevaient au 31 juillet 2018 à 573 millions d’euros, accumulés depuis le début de la crise LOUVOIS. 405 millions d’euros ont été recouvrés, soit environ 70 % du total. Nous avons par ailleurs décidé d’abandonner près de 95 millions d’euros, dont 20 millions d’euros résultant de remises gracieuses et le reste de problèmes de calendrier dans l’envoi des demandes de recouvrement. Environ 13 % des demandes sont encore en cours de traitement. Nous nous apercevons que les remboursements demandés aux personnels sont effectués, même s’ils font parfois l’objet de recours, de contestations. Nous avons d’ailleurs mis en place un dispositif à cette fin. Globalement, la situation se stabilise. Le nombre de recours déposés par les militaires devant la commission de recours se situait aux alentours de 50 depuis le début de l’année et a baissé à 38 en août : cela laisse à penser que la situation s’est améliorée.

Il nous faut désormais mettre en place le système Source Solde. Un calendrier de mise en œuvre a été défini, sur lequel nous sommes un peu en retard, puisque nous aurions dû basculer vers ce système courant 2018. Nous sommes actuellement en pré solde en double pour la marine et devrions vraisemblablement, courant novembre, décider d’un éventuel basculement en solde en double. Nous aurons quatre mois de solde en double, avant de basculer ensuite définitivement dans le dispositif de Source Solde. L’industriel a rencontré un certain nombre de difficultés dans la mise au point du dispositif, en raison de la très grande complexité de notre système de rémunération. Au cours de l’année, un renforcement des équipes tant du ministère que de l’industriel a eu lieu, si bien que nous sommes aujourd’hui plus confiants dans un calendrier qui permettrait une bascule de la marine dans le premier semestre de l’année 2019. Avant de basculer, il convient – c’est d’ailleurs là l’objectif de la pré-solde en double, puis de la solde en double – de disposer d’éléments de comparaison entre la solde telle qu’elle sort de LOUVOIS et de Source Solde et, dans l’hypothèse où des différences sont constatées, de les expliquer. Ces différences existent, puisque Source Solde est recalé par rapport à l’ensemble du dispositif réglementaire, alors que LOUVOIS comporte encore des dispositions résultant d’interprétations différentes des armées, selon les indemnités. Le retour au réglementaire s’effectue progressivement dans LOUVOIS. Si ce calendrier est tenu, nous pourrons certainement envisager dans l’année qui suit le raccordement de l’armée de terre. Un travail très important a été initié par la direction des ressources humaines de l’armée de terre, afin de consolider l’ensemble des informations figurant dans le système d’information. Aucune décision n’est toutefois prise pour le moment. Nous veillons aussi très attentivement à la mise en œuvre du prélèvement à la source (PAS). Pour les personnels civils, le PAS sera traité directement par la direction générale des finances publiques (DGFiP) ; mais pour les personnels militaires, le PAS relève de la compétence du ministère qui administre et gère la solde de ces personnels. Aujourd’hui, les tests techniques réalisés sur LOUVOIS et sur Source Solde montrent que ces dispositifs peuvent intégrer le prélèvement à la source. Pour les militaires, l’une des grandes difficultés de mise en œuvre du PAS tient à l’existence de revenus exceptionnels. En effet, une grande partie des militaires n’ont pas, compte tenu de leurs engagements opérationnels et de l’entraînement, la même rémunération deux mois de suite. Ils auront donc des revenus exceptionnels dans le courant de l’année : comment les déclareront-ils ? Nous sommes par conséquent en train de mettre en place des outils d’accompagnement de ces personnels : nous avons ainsi élaboré une série de documents, de notices, envoyés dans les bases de défense. Nous avons également prévu de maintenir la plateforme téléphonique, pour répondre aux questions. Nous allons enfin, comme cela avait déjà été le cas lorsque nous avions rencontré des difficultés fiscales liées à LOUVOIS, recourir à des fiscalistes pour nous aider à traiter ces sujets.

Je terminerai cet exposé en évoquant la politique immobilière. Vous connaissez l’étendue du parc mis à disposition du ministère, évalué à près de 16 milliards d’euros, soit un quart de la valeur totale du parc immobilier de l’État. Ce parc, important et très diversifié, compte une petite part d’immeubles de bureaux et n’est pas en bon état. Il est donc nécessaire d’engager des travaux de remise en état de notre infrastructure, qui n’a pas toujours été dotée de façon satisfaisante au cours des quinze dernières années. Le budget 2018 était en forte augmentation, de près de 400 millions d’euros en AE et en CP. Le budget 2019 confirme cet effort, puisque nous disposerons de 2,083 milliards d’euros en AE et 1,834 milliard d’euros en CP, si l’on considère tous les crédits d’infrastructure répartis dans le programme 212. Les AE diminuent de 80 millions d’euros, mais les CP augmentent de 53 millions d’euros. À côté de ces ressources budgétaires, on prévoit d’utiliser 30 millions d’euros d’AE sur le compte d’affectation spéciale et 160 millions d’euros de CP. L’effort portera en 2019 sur les opérations de maintenance lourde, auxquelles on prévoit de consacrer 411 millions d’euros en AE et 373 millions d’euros en crédits de paiement, parmi lesquels environ 200 millions d’euros d’AE et 187 millions d’euros de CP seront dédiés à des opérations de plus de 500 000 euros.

Ces crédits sont ventilés entre trois opérations stratégiques (OS).

L’une concerne le fonctionnement et les activités spécifiques, à hauteur de 310 millions d’euros en AE et en CP, en augmentation de 5 millions d’euros par rapport à 2018. Dans cette enveloppe, figurent les loyers budgétaires, dont le dispositif a été maintenu pour le ministère des Armées pendant encore un an.

La deuxième opération stratégique concerne la dissuasion. Les crédits d’infrastructure relatifs seront de l’ordre de 92 millions d’euros en AE et 139 millions d’euros en CP. Cela concerne l’ensemble des opérations, notamment à l’Île Longue et sur des bases aériennes, hors ce qui est prévu pour l’accueil des matériels nouveaux de type Barracuda. Les crédits de paiement de cette année vont notamment permettre de régler des investissements importants effectués à l’Île Longue depuis deux ans.

L’OS « infrastructures de défense » comprend les crédits destinés à la construction, la rénovation et la maintenance des infrastructures, hors dissuasion, à hauteur de 1,68 milliard d’euros en AE et 1,385 milliard d’euros en CP, soit des montants globalement équivalents à ceux du budget 2018. Dans cette enveloppe, 957 millions d’euros en AE et 695 millions d’euros en CP seront réservés au financement d’infrastructures d’accueil et de soutien de matériels nouveaux : 412 millions d’euros en AE seront par exemple engagés pour la deuxième tranche des travaux à Toulon, pour l’accueil du sous-marin nucléaire Barracuda, près de 200 millions d’euros pour l’accueil de l’avion Multi Role Tanker Transport (MRTT), et 85 millions d’euros en AE pour les infrastructures relatives à l’accueil des véhicules terrestres dans le cadre du programme Scorpion. Sont également en cours des travaux de rénovation électrique des ports : 31 millions d’euros devraient ainsi être consacrés à la rénovation électrique du port de Brest l’an prochain. Figurent aussi dans ces opérations des investissements au profit du logement et de l’action sociale.

À côté de ces dépenses, 296 millions d’euros en AE et 244 millions d’euros en CP sont réservés au renouvellement des infrastructures de travail, de restauration, de formation des bases de défense et de l’administration centrale, ainsi que pour la sécurité protection. C’est dans cette enveloppe que l’on trouve les crédits consacrés au plan lycées présenté début septembre : d’ici 2025, 130 millions d’euros doivent ainsi être consacrés aux lycées, dont 16 millions d’euros dès 2019.

Parmi cette répartition des crédits, se trouvent certes l’accueil des nouveaux matériels, mais aussi, dans le cadre des opérations de maintenance, la remise à niveau de nos installations. Des crédits importants sont notamment prévus pour la remise à niveau de nos hôpitaux. Quelque 140 millions d’euros devraient être consacrés aux hôpitaux militaires et environ 50 millions d’euros aux quatre hôpitaux en cours de rapprochement avec des établissements civils. Près de 160 millions d’euros vont ainsi être investis à l’hôpital Laveran, à Marseille, avec des engagements très importants dès l’année prochaine. Le Service de santé des armées (SSA) bénéficie donc de mesures au profit du personnel, mais aussi en termes d’infrastructures, nécessaires pour permettre aux équipes chirurgicales de fonctionner dans de bonnes conditions et pour conserver nos personnels.

Au niveau parisien, le dossier du site Balard est globalement derrière nous, puisque les bâtiments 22 et 24 ont été livrés au mois de septembre. Ne reste plus que le bâtiment 26 à remettre en état : cette opération est prévue en fin de LPM, voire au cours de la LPM suivante. La réalisation de Balard fait que l’îlot Saint‑Germain peut être vendu. Une partie a déjà été cédée pour 29 millions d’euros à la Ville de Paris, pour y faire des logements sociaux. Cette somme est le montant obtenu après l’application de la décote « logement social », qui représentait 66 % de la valeur du bien. Nous avons obtenu, en contrepartie de cette décote, la possibilité de disposer de 50 logements sur les 251 qui seront construits par la Ville : après avoir fait valoir un article du code général de la propriété des personnes publiques, qui indique que la convention peut prévoir le droit de réservation d’un contingent de logements sociaux, à hauteur de 10 %, au profit de l’administration ayant cédé le terrain après décote. Cela nous permettra de bénéficier de 25 logements, auxquels viendront s’ajouter les 25 logements attribués au préfet au titre de l’État, soit une cinquantaine de logements au total. L’autre partie de l’îlot Saint‑Germain, qui borde le boulevard Saint‑Germain et la place Jacques-Bainville, a fait l’objet d’un appel d’offres international, publié mi‑septembre. La procédure de cession est engagée : les visites du site par des investisseurs peuvent avoir lieu jusqu’à la mi-décembre, ces derniers ayant jusqu’à fin janvier pour remettre leur offre, qui sera examinée par une commission d’appel d’offres, pilotée par la direction de l’immobilier de l’État. On peut penser que la vente interviendra dans le courant de l’année 2019.

Je conclurai en évoquant brièvement notre participation à la politique gouvernementale de développement durable. Compte tenu de la taille de notre parc, la ministre a annoncé que nous allions participer, avec le ministère de la Transition écologique et solidaire, à la recherche de surfaces pour favoriser l’implantation d’installations photovoltaïques. Nous devrons trouver environ 2 000 hectares. Seuls 300 sont identifiés pour l’instant, qui pourraient permettre le lancement d’un premier appel d’offres.

Vous aviez prévu, dans l’article 3 de la loi de programmation militaire, que les recettes non budgétaires, en particulier les redevances et loyers domaniaux, pouvaient être affectées aux infrastructures de défense. Cette disposition n’a pas encore de traduction pratique, puisqu’aucun article ne permet de la mettre en œuvre. Nous sommes toutefois en discussion avec le ministère de l’Économie et des finances et espérons que cela aboutira.

En conclusion, ce budget, dans mon domaine de responsabilité, est conforme à la trajectoire de la LPM. Il confirme l’inflexion donnée l’an dernier. Il nous appartient à présent, comme le souligne la ministre, de traduire cet effort dans la réalité et de faire en sorte que les crédits dépensés le soient utilement.

M. le président. Merci, Monsieur le secrétaire général, pour ce propos liminaire très complet. Je vous propose d’entendre à présent les questions que mes collègues souhaitent vous adresser.

M. Jean-Michel Jacques. Un chef militaire a besoin de s’appuyer sur un triptyque indissociable : être chef, avoir une mission, disposer de moyens. Concernant ce dernier aspect, on peut se réjouir de l’augmentation du budget dans le cadre de la loi de programmation militaire. Il importe toutefois, pour pouvoir les exercer, d’avoir des moyens propres. Or bien souvent à l’heure actuelle, ces moyens sont réduits et, culturellement, sujets de nombre de vérifications par d’autres structures, ce qui rend le système moins agile. Percevez-vous les choses ainsi ? Votre hochement de tête me laisse supposer que non. Pouvez-vous, dans ce cas, nous exprimer votre point de vue ?

Mme Marianne Dubois. J’ai noté, dans le programme 212, à l’action 65, une augmentation des crédits à hauteur de 9 millions d’euros pour le personnel affecté à la Journée défense et citoyenneté. Nous passons ainsi de 81 millions d’euros en 2018 à plus de 90 millions d’euros en 2019, et de 2019 équivalents temps plein en 2018 à 2 159 ETP en 2019. Quelles modifications de la JDC pourraient justifier une telle augmentation, sachant par ailleurs que l’on passe de 800 000 jeunes concernés en 2018, baby boom des années 2000 oblige, à 792 000 en 2019 ? Pouvez-vous nous expliquer à quoi correspond cette augmentation de 9 millions d’euros ? En tant que co-rapporteure d’un rapport sur le service national universel (SNU), je suis très attentive à sa mise en œuvre. Or il nous a été indiqué de façon récurrente que les armées ne seraient pas mises à contribution dans ce cadre. Merci de nous rassurer sur le strict respect de l’article 3 de la LPM. Je vous remercie.

M. Jacques Marilossian. Le gouvernement a annoncé début septembre un plan d’investissement d’environ 100 millions d’euros pour les six lycées militaires. Il a été dit que ce plan visait également à élargir l’offre de formation, avec l’introduction de filières technologiques en classes de première et terminale, et de sections de techniciens supérieurs (STS) adaptées aux besoins des armées, notamment dans les domaines de la cyberdéfense, de l’électronique, de la maintenance et de l’aéronautique. Pouvez-vous nous en dire plus sur le cadencement de ce programme et nous confirmer qu’il commence bien dès 2019 et non en 2024 ? Des partenariats sont-ils en outre prévus avec des entreprises du secteur industriel sur les domaines des nouvelles filières, technologiques par exemple ?

M. Jean-Pierre Cubertafon. Vous avez précisé être en charge de trois programmes concernant le soutien de la politique de défense, les liens entre la Nation et son armée, et la mémoire, reconnaissance et réparation en faveur du monde des combattants. Quelles ont été les évolutions de ces programmes depuis 2011 ? Comment participent-ils à la loi de finances pour 2019, et à quel titre ?

M. Yannick Favennec Becot. Vous avez évoqué dans votre intervention la question du recrutement des apprentis, avec un large panel allant du niveau du brevet d’études professionnelles (BEP) jusqu’au doctorat. Dans quelle catégorie recrutez-vous le plus ? Quels sont vos objectifs chiffrés pour 2019 ? Rencontrez‑vous des difficultés à recruter des apprentis ? N’êtes-vous pas confronté à un problème d’attractivité des métiers liés à la défense nationale ?

Mme Aude Bono-Vandorme. Je souhaiterais vous interroger sur les dispositifs de garde d’enfants prévus dans le plan famille. J’ai cru comprendre que la hausse des crédits permettra d’augmenter les réservations de berceaux. Or j’ai reçu voici quelques semaines le responsable de l’action sociale du ministère, qui m’a indiqué qu’à l’avenir les intentions seraient plutôt de se tourner vers la garde à domicile, éventuellement partagée, et réalisée notamment par les conjoints de militaires. Pouvez-vous nous donner quelques précisions ? Ce sujet n’est pas anecdotique, ni pour les familles, ni pour les collectivités territoriales.

M. Joaquim Pueyo. J’aimerais aborder un aspect spécifique des politiques que vous avez à mener. Cela concerne la reconversion des personnels. Le budget 2019 prévoit plusieurs baisses dans l’accompagnement des militaires, concernant notamment la sous-action reconversion, en crédits de paiement. Je souhaiterais connaître les raisons de ces baisses. Les militaires y sont très attentifs et leur offrir la perspective de bonnes conditions de reconversion participe selon moi de l’attractivité du recrutement.

Ma deuxième question renvoie à la rénovation et à la construction immobilières. Un effort va être consenti pour les nouveaux équipements. Pouvez‑vous nous indiquer si des efforts seront également effectués pour rénover les lieux de vie des militaires ?

M. André Chassaigne. Ma première question concerne la contribution interministérielle pour les dépenses OPEX et missions intérieures. L’augmentation prévue porte la provision globale à 950 millions d’euros. Est-ce lié à une augmentation des dépenses OPEX ou au désengagement prévisible des différents ministères dans le cadre de la contribution interministérielle ?

Je souhaitais par ailleurs vous interroger sur les établissements publics d’insertion de la défense (EPIDE). J’ai eu l’occasion, en tant que président de mission locale, de faire appel à ces structures, extrêmement intéressantes en termes d’insertion, notamment pour les jeunes décrocheurs. Ces établissements sont-ils toujours, comme par le passé, liés au ministère ?

Mme Patricia Mirallès. Ma question porte sur le logiciel LOUVOIS. Plusieurs militaires, notamment en OPEX, m’ont fait part de leur questionnement sur le fait que, pour la même mission, ils ne percevaient jamais la même solde. Pourriez-vous nous donner quelques éclaircissements sur ce point ?

On parle en outre d’attractivité et de fidélisation de la réserve : or il semblerait que les réservistes perçoivent souvent leur solde au bout de quatre à six mois. Que pensez-vous faire pour améliorer cette situation et donner ainsi envie aux réservistes de continuer à promouvoir les armées ?

M. Jean-Paul Bodin, secrétaire général pour l’administration. Je vais tâcher de répondre à vos questions et vous enverrai, pour certaines d’entre elles, des éléments plus précis par écrit en complément.

« Un chef, une mission, des moyens » : ce slogan est bien connu. Je ne me lancerai pas dans une polémique pour savoir s’il est fondé ou pas. Je suis secrétaire général pour l’administration du ministère des Armées. Les services que je dirige sont au service des forces. Nous sommes tous au service de la même mission, de la même cause, des mêmes objectifs. Il va de soi que les services du SGA n’ont pas à mener des politiques qui ne seraient pas conformes aux attentes des armées. Depuis de nombreuses années, des regroupements ont été effectués : je suis d’ailleurs en partie responsable de ce mouvement et l’assume pleinement. Ainsi, je ne gère pas les crédits d’infrastructures tout seul : il ne m’appartient pas de décider que l’on va construire tel équipement ou rénover telle caserne. Toutes les demandes partent des états-majors, qui fixent la liste de leurs priorités, auxquelles nous essayons de répondre avec l’enveloppe budgétaire dont nous disposons. Je suis favorable à une délégation plus étendue au niveau du terrain. D’ores et déjà, en matière de crédits d’infrastructures, toutes les opérations inférieures à 500 000 euros sont aujourd’hui pilotées au plan local.

M. Jean-Michel Jacques. Mon intention n’est pas de créer une polémique, mais d’obtenir des éclaircissements.

M. Jean-Paul Bodin, secrétaire général pour l’administration. Monsieur le député, ce terme ne s’adresse pas à vous. Je faisais référence à un débat qui existe en interne et prend parfois une tournure qui n’a pas lieu d’être. Je vous indique simplement que toutes les opérations inférieures à 500 000 euros sont déléguées au niveau des bases de défense. Le budget 2018 compte ainsi 310 millions d’euros de crédits d’infrastructures pilotés et gérés au niveau des bases de défense, par un dialogue entre le commandement de base de défense (Com BdD) et l’unité de soutien infrastructure de la défense (USID). En cours d’année, j’ai reventilé 35 millions d’euros pour augmenter cette enveloppe et j’ai proposé à la ministre qu’elle soit portée à 400 millions d’euros dès l’an prochain, avec une ventilation par base de défense effectuée par l’état-major des armées, en fonction des effectifs, de la situation de l’infrastructure, etc. Ces enveloppes seront ainsi mises à la disposition des Com BdD. Je suis opposé à un fléchage des investissements effectué au niveau parisien, car je considère que c’est localement que les gens responsables savent le mieux ce qu’ils ont à faire. Si le débat doit conduire à déléguer davantage au plan local, cette délégation doit s’effectuer en direction du commandant de la base de défense. Les bases de défense ont été créées précisément pour cela. Prenons l’exemple très simple de Paris et de Toulon : la dépense d’infrastructure déléguée est de 13 millions d’euros par an. Sur ce montant, la marge de manœuvre est d’un million d’euros seulement, le reste correspondant à des contrats – d’électricité, d’entretien, etc. – déjà fléchés. Si demain l’on donne aux Com BdD d’Ile-de-France ou de Toulon non pas un million, mais deux ou trois millions d’euros de marge de manœuvre, alors ils se retourneront nécessairement vers les commandants d’unités, vers les chefs de corps, et dialogueront avec eux pour utiliser ces crédits. C’est ce que nous recherchons. Derrière ces débats quelque peu théoriques, il faut savoir vers qui l’on souhaite déléguer : veut-on déléguer sur le terrain ? J’y suis tout à fait favorable. Au niveau central, il importe d’entretenir entre le SGA, l’EMA et les états-majors d’armée un dialogue le plus constructif et le plus conséquent. Démanteler les enveloppes globales, qui nous donnent des marges de manœuvre appréciables, pour reventiler les crédits au sein de chacune des armées serait selon moi une erreur, car nous perdrions des marges de manœuvre dans la gestion de l’ensemble du budget. Cela suppose toutefois que cette gestion soit la plus collective possible. Je crois qu’elle l’est, même si l’on peut sans doute faire encore des efforts.

Concernant la JDC, l’augmentation est due pour partie à un accroissement du nombre de jeunes accueillis. Il me semble par ailleurs que c’est également lié à l’introduction du SMV et aux dépenses relatives à l’arrivée des 313 cadres chargés d’encadrer le millier de jeunes qui vont chaque année s’engager dans ce dispositif. Je vais vérifier l’intitulé exact et vous fournirai une réponse par écrit. Je puis en revanche vous assurer que cela n’a aucun lien avec le SNU, dont nous ignorons comment il sera mis en place en 2019.

Le montant global du plan relatif aux lycées est de 130 millions d’euros, dont 16 millions débloqués cette année. Ces investissements concernent l’ensemble des lycées, mais principalement les établissements de La Flèche et de Saint-Cyr-l’École pour la première partie de travaux. Cela concerne la remise en état de locaux, notamment d’internat – à La Flèche par exemple –, et de bâtiments pour accueillir de nouvelles classes – comme à Saint-Cyr-l’École pour des classes technologiques de lycée et une STS –, afin de répondre aux besoins des armées, et particulièrement de l’armée de terre, sur des spécialités relatives à la cyberdéfense, mais aussi aux attentes des familles du personnel militaire en termes d’offre de formation.

Concernant les apprentis, nous recrutons dans toutes les catégories. Vous avez évoqué un éventuel problème d’attractivité de nos métiers. Je ne crois pas que ce soit le cas, car nous disposons d’une grande variété de spécialités possibles, accessibles à des jeunes en lycées professionnels, mais aussi à des doctorants. Nous avons réalisé une cartographie précise des recrutements, que nous avons présentée récemment aux représentants du personnel civil et que je vous communiquerai. Vous constaterez que cela concerne un très large panel de métiers. Je souligne que l’ensemble du ministère a participé à cet effort. Nous visons pour 2019 une reconduction de l’objectif de 2018, soit 1 200 apprentis.

En termes de garde d’enfants, l’objectif est d’une part de créer de nouvelles places de crèche, d’autre part d’aider, dans le cadre du plan famille, des conjoints de militaires à devenir assistants maternels. L’agence de reconversion a mis en place des actions de formation en ce sens, dont près de 50 personnes ont bénéficié cette année. L’objectif est bien sûr de poursuivre cette démarche. Comme je vous l’ai indiqué précédemment, un portail « e‑assmat » va être mis en place, afin que les familles puissent localiser les assistantes maternelles et s’adresser plus rapidement à elles. Une étude très intéressante a été menée par la base de défense de Toulon sur la localisation des personnels dans l’agglomération et les besoins en termes de garde d’enfants. Nous nous posions en effet la question d’ouvrir ou non une nouvelle crèche dans l’arsenal. Or lorsque nous sommes allés plus loin dans l’investigation, nous nous sommes aperçus que cela ne répondait en fait absolument pas aux besoins, compte tenu des lieux de vie des familles. Il est ainsi apparu plus opportun soit de réserver des berceaux dans les crèches municipales des communes de l’agglomération toulonnaise, soit d’y développer le réseau d’assistance maternelle. Nous essayons donc d’utiliser les deux outils.

Pour ce qui est de la reconversion, la dotation inscrite au PLF 2019 est de 38,7 millions d’euros, en hausse de 1,2 million d’euros par rapport à 2018. Nous avions prévu dans l’enveloppe pour 2018 des crédits, liés au plan famille, pour l’accompagnement des conjoints : or nous avons été beaucoup moins sollicités que nous le pensions. Cela est dû au fait que le dispositif se met en place. La provision OPEX passe à 950 millions d’euros. Il s’agit de considérer le montant global des dépenses d’opérations extérieures, évalué à environ 1,3 ou 1,4 milliard d’euros. En 2011, l’enveloppe de provision était de 700 millions d’euros. Elle avait été réduite, dans la LPM suivante, à 450 millions d’euros, montant dont on savait pertinemment qu’il ne correspondait pas aux dépenses, d’où la mise en place d’un mécanisme de financement interministériel pour compenser la différence, dont on constate qu’il n’a fonctionné à plein qu’une année. Les autres années, le ministère a beaucoup participé à l’autofinancement des opérations extérieures. Aujourd’hui, le dispositif comporte la réserve de 3 % sur les crédits du ministère, qui peut être levée notamment pour financer une partie du surcoût OPEX. Certaines dépenses n’étant pas tout à fait au niveau prévu en exécution peuvent aussi participer à ce financement. Dans la mesure où l’on ignore comment ces opérations extérieures peuvent évoluer dans l’année, a en outre été maintenu dans la loi de programmation militaire le principe d’une contribution interministérielle pour essayer d’éviter, comme cela a été le cas pendant de très nombreuses années, d’aller chercher sur des crédits du programme 146, c’est-à-dire des crédits du programme d’équipement des forces, pour financer ce surcoût. La contribution interministérielle intervient donc en complément de tous les modes de calcul, ce qui ne signifie pas qu’elle diminue volontairement ou que la part des OPEX baisse.

La différence de rémunération pour une même mission fait partie des sujets sur lesquels je comprends que les personnels s’interrogent. Certains éléments d’explication peuvent être liés à leurs conditions d’engagement et aux activités qu’ils ont effectuées, qui varient chaque mois. D’autres éléments peuvent en outre relever de difficultés de calcul et nécessiter des corrections a posteriori.

Les rémunérations des réservistes leur sont versées non pas au bout de six mois, mais de quatre mois, délai que nous essayons de ramener à deux mois. Nous y sommes presque, mais il reste encore quelques efforts à effectuer dans ce domaine.

M. Fabien Gouttefarde. Je souhaiterais revenir, Monsieur le secrétaire général, sur l’enjeu énoncé relativement à l’attractivité du ministère, au travers notamment du régime indemnitaire des personnels civils. Comme vous nous l’aviez signalé lors de votre audition de l’année passée, ces derniers évoluent dans un environnement de benchmarking salarial. Pourriez-vous nous apporter quelques précisions sur le régime indemnitaire des fonctionnaires de l’État et notamment sur le complément indemnitaire annuel : est-ce la première ou la deuxième année que cela va être appliqué ? Y a-t-il encore, au sein du ministère, des employeurs qui ont choisi de ne pas le donner ? Pouvez-vous enfin nous donner une idée de la somme que cela peut représenter pour un fonctionnaire de catégorie A ou B ?

M. Jean-Jacques Ferrara. Concernant les infrastructures pour l’accueil des nouvelles capacités, vous avez évoqué, me semble-t-il, la somme de 200 millions d’euros pour l’avion MRTT, qui va être officiellement accueilli à Istres le 19 octobre prochain. Avez‑vous pris en compte, dans ces 200 millions d’euros, les conséquences du transfert de l’escadron de transport 3/60 Esterel de Creil vers Istres et l’impact sur l’escale lié à l’augmentation considérable du transit fret et passagers et à la nécessité d’augmenter les capacités d’hébergement sur la base, les surfaces couvertes et de gérer les difficultés de l’organisation des circulations sur cette base à vocation nucléaire ?

Mme Anissa Khedher. Le Service de santé des armées (SSA) est une composante essentielle de nos forces et assure notre souveraineté stratégique en participant au soutien de nos militaires. Il a aussi su démontrer sa grande efficacité sur le territoire national, notamment lors des attentats. Le budget alloué à la santé de défense est en hausse dans le PLF 2019, ce dont je me réjouis. J’espère par ailleurs que le projet SSA 2020 continuera à bénéficier du soutien du ministère. Ma question porte sur la prime du lien au service, qui doit bénéficier en priorité aux personnels du SSA : quel en sera le montant et quels en sont les effets escomptés ?

M. Charles de la Verpillière. Ma première question concerne à nouveau le financement des OPEX et des opérations intérieures (OPINT) : je ne suis en effet pas très sûr d’avoir bien compris la réponse que vous avez faite à M. le président Chassaigne. Vous avez dit – Mme Parly l’avait également indiqué – que la provision serait portée à 850 millions d’euros pour les OPEX et 100 millions d’euros pour les OPINT. Dans le système précédent, les OPINT pouvaient-elles faire l’objet, tout du moins en partie et théoriquement, d’un financement interministériel ou leur financement était-il nécessairement prélevé sur le budget ?

Vous avez en outre indiqué dans votre exposé que l’îlot Saint Germain allait finir par être totalement vendu, une première partie ayant été cédée à la Ville de Paris, une seconde faisant l’objet d’un appel d’offres international. Pourriez‑vous nous dire quelle était à l’origine l’estimation de l’ensemble de l’îlot Saint Germain faite par le service des domaines avant le début des opérations de cession ? Je suppose que vous n’avez pas le renseignement sous les yeux, mais suis sûr que vous pourrez nous le transmettre ultérieurement.

Mme Frédérique Lardet. Ma question porte sur la prime « montagne ». Comme vous le savez, elle concerne quelque 2 000 militaires et son coût s’élève, hors pensions, à 3,57 millions d’euros au total. Or cette prime financée au titre des mesures catégorielles 2019 et inscrite en loi de finances initiale nécessite encore la publication de trois textes réglementaires. Pouvez-vous nous dire si cette publication interviendra rapidement ?

M. Fabien Lainé. Nous sommes dans la préparation de l’an I de cette LPM voulue à hauteur d’homme. Lorsque l’on s’entretient avec les membres du Conseil supérieur de la fonction militaire (CSFM), avec les représentants des associations professionnelles nationales de militaires (APNM), avec les officiers, les sous-officiers, la problématique du logement est souvent évoquée. Le sous-officier muté par exemple à Paris ou en région bordelaise se trouve confronté à cette difficulté, qui peut être vécue comme une sanction. Pourriez-vous nous en dire davantage sur la stratégie de logement dans les zones en tension ?

M. Jean-Charles Larsonneur. Ma première question concerne les infrastructures sur les sites de l’Île Longue et de Brest : vous avez cité le chiffre de 31 millions d’euros pour Brest. Je souhaiterais avoir davantage d’informations sur la ventilation et le cadencement de ces crédits, notamment pour ce qui concerne l’accueil des navires, l’entretien et le ravitaillement.

Vous avez également évoqué l’évolution des hôpitaux militaires dans le cadre des modalités du programme SSA 2020. L’hôpital d’instruction des armées (HIA) de Brest fait partie des établissements faisant l’objet d’un rapprochement avec des centres hospitaliers universitaires notamment. Pouvez-vous nous présenter précisément la stratégie et les crédits prévus pour cet hôpital en 2018‑2019 ?

Enfin, le musée de la marine entre, me semble-t-il, dans vos attributions. Le site de Chaillot est en pleine rénovation et ouvre la voie à un grand musée maritime du XXIe siècle. Quelle sera la place du site de Brest dans ce projet global ?

M. Jean-Paul Bodin. Le musée de Brest aura la chance de récupérer prochainement le canot de l’empereur, qui est aujourd’hui au musée de la marine de Chaillot !

Concernant les enjeux d’attractivité et les personnels civils, je précise que le complément indemnitaire d’activité (CIA) s’applique pour la deuxième année, dans l’ensemble du ministère. Tous les employeurs sont concernés. Il existe un mécanisme de modulation de ce CIA, avec des planchers et des plafonds au sein desquels les employeurs disposent d’une marge de manœuvre. Je vous transmettrai le montant moyen par catégorie de personnel, ainsi que les montants des plafonds et planchers. Ce complément indemnitaire d’activité comporte une part d’individualisation de la rémunération. Nous essayons ainsi de prendre en compte l’activité d’un agent par rapport à un autre ou le fait qu’un agent se soit par exemple vu confier une mission particulière dans l’année. La première année, un effort avait été effectué pour les catégories C et B. Cette année, l’effort a concerné les personnels de catégorie A, car nous nous sommes aperçus de l’existence d’une situation de décrochage par rapport aux autres ministères. Nous reviendrons de nouveau l’an prochain sur les catégories C et B. Je vous communiquerai les chiffres précis, dont je ne dispose pas ici. Cela s’ajoute à des mesures de requalification de certains personnels de catégorie C en catégorie B : un million d’euros a été prévu pour cela. Nous nous interrogeons par ailleurs actuellement sur la possibilité d’une requalification de personnels de catégorie B en A, dans le cas là aussi où il existerait une différence entre le poste occupé et la catégorie de l’agent. Statutairement, c’est difficile à mettre en œuvre. Il s’agit toutefois d’une demande que nous ne sommes pas les seuls à formuler au niveau interministériel. Nous allons, compte tenu notamment des réorganisations très importantes qui vont avoir lieu dans les services civils déconcentrés de l’État en province, vers une meilleure connaissance des rémunérations des uns et des autres et vers une évolution mieux organisée de ces rémunérations. Nous allons donc progressivement sortir de l’opacité actuelle et des comparaisons difficiles à effectuer.

Concernant la base d’Istres, il est vrai que le premier MRTT est sur le point d’y être accueilli. Un second arrivera l’an prochain. Les travaux réalisés permettent d’accueillir un premier avion. Compte tenu de l’évolution du calendrier de livraison, des études sont en cours pour déterminer s’il sera nécessaire de construire un deuxième, voire un troisième hangar. Vous avez toutefois raison de souligner que ce n’est pas suffisant : en effet, d’autres installations sur la base sont en très mauvais état. Je me souviens l’avoir visitée voici sept ans et avoir constaté le mauvais état de plusieurs bâtiments dont celui de la restauration. Or, j’ai eu la chance et l’honneur de poser la première pierre d’un nouveau bâtiment il y a quatre mois. De gros investissements de sécurité et protection de la base ont en outre été effectués. Les travaux de réfection de piste sont presque terminés et la centrale électrique a été refaite. L’approche est donc relativement globale et complète. Un travail est par ailleurs mené en commun avec l’armée de l’air, qui a permis d’installer une équipe de programme intégrée complètement mixte entre les services d’infrastructures et l’armée de l’air. Avec le chef d’état-major de l’armée de l’air, nous tirons des enseignements de cette opération, afin de déployer une action similaire sur la base d’Évreux, où l’arrivée du C-130J va nécessiter de très importants travaux, puis sur la base d’Orange. Nous essayons d’organiser base par base la planification d’une remise en état, dans le cadre d’équipes travaillant très étroitement ensemble, c’est pourquoi j’ai indiqué précédemment que les services du SGA étaient bien au service des forces et ne travaillaient pas seuls.

Vous évoquiez le Service de santé des armées : regardons comment utiliser la prime de lien au service pour les praticiens du SSA. Les textes ne sont pas encore parus. La prime sera effective en 2019. La ministre a, en outre, décidé la semaine dernière des mesures catégorielles spécifiques pour les médecins, notamment pour les praticiens employés dans les centres médicaux des armées et ayant un grade équivalent à lieutenant-colonel et colonel, qui percevront une prime de spécialité, ainsi que pour d’autres catégories de personnel, à hauteur de cinq millions d’euros.

L’une des questions portait sur le financement des OPEX. La provision figurant dans le budget concerne les OPEX et les missions intérieures (MISSINT). Elle est en augmentation globale pour 2019, avec 850 millions d’euros pour les OPEX et 100 millions d’euros pour les MISSINT, notamment pour les dépenses de titre 2 relatives aux missions intérieures. Elle était de seulement 41 millions d’euros dans le budget 2018 pour le titre 2 lié aux missions intérieures. L’augmentation à 100 millions d’euros est liée au fait que l’on a dépensé environ cette somme dans le courant de l’année 2018 : la sincérisation de la provision concerne donc à la fois les OPEX dans les dépenses de titre 2 et dans toutes les autres dépenses, et les missions intérieures dans la dépense de titre 2.

M. Charles de la Verpillière. Dans la LPM, il est indiqué que la somme de 850 millions d’euros englobe à la fois les OPEX et les OPINT.

M. le président. Permettez-moi, cher collègue, de vous contredire : j’avais eu la même interprétation, mais le rapport indique bien la somme totale de 950 millions d’euros.

M. Jean-Paul Bodin, secrétaire général pour l’administration. Je vais vérifier.

Je ne dispose pas ici du montant précis de l’estimation initiale de l’îlot Saint Germain par le service des domaines.

Nous souhaitons que les textes relatifs à la prime « montagne » sortent rapidement. Cela fait actuellement l’objet de discussions avec le guichet unique, l’objectif étant de mettre en œuvre cette prime dans le courant de l’année 2019.

Vous avez raison d’insister sur la question de la stratégie en termes de logements dans les zones tendues. Les efforts que nous effectuons en matière de réservation ou de construction de logements domaniaux portent essentiellement sur la région parisienne et les zones de Toulon, Bordeaux et d’outre-mer, sur lesquelles sont constatées des difficultés récurrentes de logement. Il apparaît nécessaire d’agir à la fois par le biais d’une aide à la personne et d’une aide à la pierre. Nos quelque 10 000 logements domaniaux sont aujourd’hui gérés dans le cadre d’un bail passé avec la Société nationale immobilière (SNI), qui arrive à échéance à la fin de l’année 2018 et sera vraisemblablement prolongé de deux ans par avenant. Ensuite, un appel d’offres sera lancé, selon des modalités que j’ignore pour l’instant, mais dans lequel nous souhaitons introduire des éléments d’évolution du parc : nous demanderions ainsi non seulement à la société de gérer le parc, de l’entretenir – ce que fait la SNI aujourd’hui –, mais aussi de le faire vivre. Ce parc compte en effet des immeubles implantés dans des zones ne rencontrant aucune tension. À Brest aujourd’hui, nous avons des logements vacants, car les personnels trouvent à se loger facilement dans le secteur privé. À Toulon, la situation est totalement inverse. Nous avons vendu plus d’un millier de logements au cours de la précédente LPM. Il faut donc continuer à vendre des logements et réinvestir dans d’autres zones. Ce travail est en cours et nous souhaiterions faire figurer ces aspects dans le nouveau contrat. Nous pourrons vous communiquer le nombre de logements dont nous disposons à Paris. Aujourd’hui, en région parisienne, l’axe prioritaire d’investissement se situe dans le secteur Balard-Saint-Cyr-l’École. Nous essayons de trouver des logements dans Paris, à proximité de Balard. Des programmes de logement concernent les zones d’Issy-les-Moulineaux, de Versailles, etc. La ministre a d’ailleurs inauguré l’année dernière un ensemble de logements domaniaux à Versailles, dans une caserne rénovée, et nous avons demandé à l’établissement public des fonds de prévoyance de nous aider à investir dans cette zone géographique, pour répondre aux besoins des personnels.

Les 31 millions d’euros que j’ai évoqués concernant Brest sont des autorisations d’engagement pour la rénovation des installations électriques du port et ne correspondent pas à l’ensemble des dépenses d’infrastructures. Nous pourrons vous transmettre des chiffres précis sur la totalité des investissements réalisés.

Le rapprochement entre l’hôpital d’instruction des armées de Brest et l’hôpital civil nécessite une grande attention. Comme vous le savez, des discussions s’y déroulent pour savoir où localiser les services d’urgence. La force du HIA est précisément de disposer d’un service d’urgence en centre-ville ; mais le centre hospitalier universitaire local a des projets d’investissement pour un service d’urgence à proximité. Cela a créé une certaine tension dans les échanges, car certaines structures donnant des avis sur les investissements hospitaliers suggéraient qu’en contrepartie d’investissements sur l’hôpital civil, il puisse y avoir une remise en cause de la partie militaire. Nous restons très attentifs à l’évolution de la situation. L’hôpital militaire de Brest est en effet absolument indispensable pour nous, afin de répondre aux besoins des forces sous-marines.

Concernant le musée, le canot de l’empereur va, comme je vous l’indiquais, bientôt quitter le Palais de Chaillot, pour rejoindre Brest. Le musée de Brest fait bien sûr partie du programme global de musée de la marine, qui prévoit non seulement des travaux à Chaillot, mais aussi dans les ports, pour en renforcer l’attractivité. Le musée de Brest est l’un des plus visités de Bretagne : il a donc toute notre attention.

M. le président. Nous en venons maintenant aux dernières questions.

M. Thomas Gassilloud. La transformation numérique est un chantier susceptible de placer rapidement la LPM à hauteur d’homme. Il s’agit aussi d’un enjeu d’efficacité organique et de fidélisation. Lors des journées « innovation défense » au SGA, fin novembre 2017, vous aviez fait de nombreuses annonces à ce sujet. Depuis lors, a été créée, par un décret de juin 2018, la direction générale du numérique (DGNum), véritable chef d’orchestre de la transformation numérique du ministère. Un an après vos annonces, j’aimerais savoir comment vos intentions se déclinent dans le PLF 2019 et dans l’organisation du SGA. Comment la transformation numérique est-elle pilotée au sein du SGA, en lien avec la DGNum ? Que devient le laboratoire de transformation numérique, le SGA Connect ? Comment jugez-vous l’effort, dans le PLF 2019, visant à développer la relation numérique du ministère des Armées avec ses ressortissants ?

Mme Laurence Trastour-Isnart. Ma question porte sur le Service de santé des armées. J’aurais voulu savoir ce qui est prévu notamment pour améliorer leur budget ; ils m’apparaissent en effet comme le parent pauvre des armées aujourd’hui. Avez-vous prévu des investissements particuliers ?

M. Philippe Chalumeau. Quelque 15 millions d’euros vont être consacrés à la Journée défense et citoyenneté : combien de jeunes seront-ils concernés ? Vous nous avez également indiqué que le SMV comptait un millier de stagiaires par an. Mon propos porte essentiellement sur le SNU, à propos duquel je suis certain qu’il n’y a pas de provision cachée. Je voudrais en revanche savoir si vous avez réfléchi à ce dispositif dans l’application qui en sera faite au ministère des Armées et quel chiffre vous pouvez éventuellement nous communiquer, sachant que l’on se situe bien évidemment là dans la réflexion et non dans l’opérationnel.

M. Philippe Michel-Kleisbauer. Concernant le plan « Harkis », des critères d’attribution seront-ils définis de manière précise, de façon à sécuriser ceux de nos personnels qui devront rendre des décisions en la matière dans les départements et se trouvent, au stade où nous parlons, quelque peu sans repère ?

M. Jean-Paul Bodin, secrétaire général pour l’administration. Nous travaillons, en matière de transformation numérique, de façon très étroite et confiante avec la DGNum. Pour le SGA, le passage de la direction générale des systèmes d’information et de communication (DGSIC) à la DGNum n’a pas bouleversé les méthodes de travail, mais a plutôt, au contraire, conforté les modalités de travail en commun, car la gestion des crédits consacrés aux systèmes d’information, d’administration et de gestion, qui sont de 168 millions d’euros de crédits de paiement et 174 millions d’euros d’autorisations d’engagement pour le budget 2019, se fait dans le cadre d’une commission des systèmes d’information, d’administration et de gestion, dans laquelle siège DGSIC, aujourd’hui DGNum, à mes côtés. Ainsi, tous les projets élaborés en relation étroite. Il est d’autant plus important qu’il soit présent qu’il a un droit de regard sur le programme d’activité des centres de la direction interarmées des réseaux d’infrastructure et des systèmes d’information (DIRISI). Le DGNum et moi-même siégeons tous deux, au titre des armées, dans les structures interministérielles qui concernent la transformation numérique ou les systèmes d’information, d’administration et de gestion. Les autres ministères sont représentés par le secrétaire général du ministère. Nous avons bientôt une réunion avec le délégué interministériel aux systèmes d’information et de communication, à laquelle nous devons nous rendre ensemble. Ce mode de fonctionnement est satisfaisant.

Au sein du SGA, un directeur de projet en charge de la transformation numérique, a été nommé pour faire en sorte que tous les projets dont il était question voici un an avancent. Certains ont bien progressé : je pense notamment à DATAFIN, système mis en place pour disposer d’informations en matière financière, de tableaux de bord. Un outil a également été développé pour avoir une meilleure connaissance de nos installations classées. Les projets lancés l’an dernier avancent globalement. Nous sommes à présent dans une phase au cours de laquelle nous réfléchissons à la manière de relancer une nouvelle série de projets, en partant, comme précédemment, des propositions des agents. Cela doit être mené en collaboration avec le DGNum et l’Agence de l’innovation de défense, qui vient d’être mise en place et a dans son enveloppe de crédits l’innovation non seulement technologique, sur les programmes d’armement, mais aussi dans le domaine administratif et financier. J’espère que nous pourrons, à l’occasion de la semaine de l’innovation en novembre, montrer que les projets présentés l’an dernier ont avancé. J’ai évoqué tout à l’heure le dispositif « e-social », qui faisait partie de ces projets. Concernant les pensions militaires d’invalidité, le « e-pmi » a été mis en place et a traité, avec des délais réduits, près de 900 demandes ou renouvellement de pensions déposées par des militaires dans le courant de l’année. Le défi suivant est de savoir comment mettre ces outils à disposition des agents sur internet, ce qui pose notamment des problèmes de sécurité. Un projet de plateforme, sur lequel travaille le DGNum, est à l’étude et doit permettre le basculement des systèmes de l’intranet vers l’internet, afin que les agents puissent, depuis chez eux, déposer des demandes en ligne, ce qui n’est pas possible aujourd’hui.

Madame Trastour-Isnart, vous qualifiez le SSA de « parent pauvre » des armées. Je peux vous dire que sont prévus, en matière d’infrastructure par exemple, des investissements à hauteur de 200 millions d’euros, qui doivent être effectués sur les hôpitaux durant la loi de programmation militaire. Plus d’une centaine de millions d’euros sont par ailleurs dédiés aux centres médicaux des armées (CMA). Leurs difficultés, leurs besoins ont été pris en compte. Un projet de CMA numérique est engagé et constitue un investissement relativement important de plusieurs dizaines de millions d’euros : une première phase a été financée à hauteur de 17 millions d’euros et nous allons passer à la deuxième phase. Cela permettra aux médecins, dans les centres médicaux ou les hôpitaux sur les théâtres d’opération de disposer des dossiers numérisés des patients. Des efforts sont donc accomplis, sur les équipements, l’infrastructure, les outils informatiques et les personnels, avec dans ce dernier cas les mesures catégorielles évoquées précédemment. Une réflexion est par ailleurs en cours sur l’application du plan santé et son impact sur notre organisation.

Nous avons en outre beaucoup progressé dans notre collaboration avec le ministère de la Santé, ce qui nous a permis d’élaborer le plan de rapprochement avec les hôpitaux civils et la distinction entre les établissements dits « plateformes » et les établissements civilo-militaires. Ce protocole, signé par les ministres précédents, est suivi dans le cadre d’une commission défense-santé. Une réunion de cette commission doit se dérouler dans quelques jours ; j’y siègerai au titre de la défense, en compagnie du major général des armées et de la directrice centrale des services de santé. Nous aurons en face de nous, au titre du ministère de la Santé, la secrétaire générale des ministères sociaux, la directrice générale de l’offre de soin, la directrice générale de la santé et les représentants des agences régionales de santé (ARS). Le dialogue entre les deux ministères est donc important, autour de plusieurs sujets qui nous sont communs, ce qui renforce la position et l’originalité du service de santé des armées au sein du système de santé.

Est par ailleurs prévu un investissement de 50 millions d’euros à l’Institution nationale des Invalides (INI). Une première tranche de travaux va avoir lieu dès 2019. L’INI va devenir un hôpital qui accueillera les blessés sur le long terme, après la phase aiguë traitée dans les hôpitaux d’instruction des armées. En septembre, a été ouverte une consultation psychiatrique assurée par des psychiatres de l’hôpital Bégin, qui vont suivre des blessés post-traumatiques sur la durée.

Les critères d’attribution concernant le bénéfice des mesures du plan harkis ne sont pas encore précisément définis : les textes sont en préparation. Cela comprendra une enquête sociale, puisque l’objectif d’utilisation de ces 7,5 millions d’euros est bien de répondre aux situations économiquement les plus difficiles rencontrées par les enfants de harkis. Le rapport du préfet Dominique Ceaux a déjà apporté quelques éléments.

Pour ce qui est de la JDC, en lien avec le SNU, je me fie au rapport du général Menaouine, directeur du service national et de la jeunesse, seul élément officiel dont je dispose. J’ai lu dans ce document qu’une expérimentation pourrait être menée, à titre très limité dès 2019. Des décisions vont être prises prochainement. Nous verrons alors comment tout cela s’organisera. La direction du service national et de la jeunesse (DSNJ) participera, compte tenu de sa connaissance des jeunes à tous ces exercices. Le général Menaouine continue d’ailleurs à travailler sur l’organisation de rencontres avec les jeunes, auxquelles le Premier ministre, Mme Parly, Mme Darrieussecq, M. Blanquer et d’autres ministres ont participé. Il va rendre compte de ce travail dans quelques jours au premier ministre et au président de la République. À partir de là, des décisions seront prises. A priori, les armées, qui disposent d’un savoir-faire dans ce domaine, pourraient être sollicitées pour la formation des formateurs. Tout cela reste au conditionnel, dans la mesure où aucune décision n’a pour l’instant été prise.

M. Thibault Bazin. Vous avez évoqué les difficultés de recrutement, notamment de fonctionnaires de catégorie B. Combien y a-t-il de postes non pourvus ? Les dispositifs prévus à l’article 16 de la LPM vous semblent-ils suffisants par rapport au recrutement de contractuels, notamment en termes de durées de contrats ?

Mme Sereine Mauborgne. La trajectoire des crédits de paiement par rapport à celle des autorisations d’engagement est-elle, selon vous, satisfaisante ?

M. Jean-Paul Bodin, secrétaire général pour l’administration. Concernant le nombre de postes vacants de catégorie B, je vous transmettrai le chiffre précis. Nous comptons utiliser l’article 16 de la LPM pour le recrutement de techniciens supérieurs d’études et de fabrication (TSEF). Hier, nous avons présenté en comité technique ministériel le décret d’application pour le recrutement de TSEF sans concours et allons bientôt présenter le texte qui permettra de recruter des contractuels sur des postes de catégorie B, dans les métiers de l’infrastructure et de la maintenance, qui sont pour nous les plus en tension. Nous avions au départ prévu d’inclure, au titre de l’article 16, le recrutement de secrétaires administratifs ; or cela n’a pas prospéré, bien que nous ayons aussi des emplois vacants. La trajectoire des AE et des CP me semble adaptée dans le domaine des infrastructures. Je ne vous cache pas malgré tout que l’augmentation très importante de crédits que nous avons connue en 2018 se traduit par un plan de charge très lourd pour le service des infrastructures. Or près de cent postes de conducteurs de travaux ne sont actuellement pas pourvus. Ces postes sont pourtant cruciaux. Nous sommes ainsi, en exécution, un peu en retard dans la consommation des crédits de paiement ; j’ignore encore à quelle hauteur, mais il est possible que l’on ait, pour les CP de 2018 dans le domaine de l’infrastructure, des retards de l’ordre d’une cinquantaine de millions d’euros. Il faut envoyer des conducteurs de travaux sur les théâtres d’opération, notamment au Mali, où des travaux sont en cours. On prélève donc pour ce faire, dans les établissements du service, des personnels sous-officiers ayant ces compétences. Ce déficit s’explique par le fait que le recrutement de conducteurs de travaux par l’armée de terre avait été quasiment stoppé dans le cadre de la réduction des effectifs des deux précédentes LPM. Les recrutements sont en train de reprendre, mais il se passera deux ou trois années difficiles avant que cela ne produise un effet.

M. le président. Merci, Monsieur le secrétaire général, pour toutes vos réponses à nos nombreuses questions.

 


—  1  —

II.   EXAMEN des crÉdits

La Commission a examiné pour avis, sur le rapport de M. Claude de Ganay, les crédits relatifs au « Soutien et à la logistique interarmées » de la mission « Défense », pour 2019, au cours de sa réunion du mercredi 24 octobre 2018.

Un débat suit l’exposé du rapporteur pour avis.

M. Yannick Favennec Becot. Vous avez fait allusion, au début de votre intervention, à la retraite des militaires. Lors de l’audition des APNM qui a eu lieu la semaine dernière, j’ai perçu un sentiment de perplexité, voire de doute quant à la façon dont la concertation était menée sur ce sujet très sensible. Quel est votre avis ? Avez-vous des préconisations à faire dans ce domaine ?

M. Jean-Michel Jacques. « Un chef, une mission, des moyens » : vous connaissez ce triptyque. Nous pouvons nous réjouir de la montée en puissance de la LPM que traduit ce budget, qui acte une hausse de 1,7 milliard d’euros des crédits du ministère des Armées en 2019. Toutefois, si nous souhaitons que chaque euro dépensé soit efficient, il est sans doute nécessaire de revoir certains mécanismes, comme vous l’avez évoqué. Pensez-vous que les BdD ont une juste proximité par rapport aux besoins des unités ? Et ne croyez-vous pas qu’il serait nécessaire de donner plus de possibilité de prescription à nos chefs de corps ? 

M. Laurent Furst. Je remercie notre rapporteur pour avis d’avoir mis le doigt sur un des services de l’armée qui reste méconnu : le service des essences des armées. Il s’agit d’un service qui fait aujourd’hui des miracles dans le cadre d’une grande élongation des théâtres d’opérations extérieures.

L’armée représente 0,7 % de la consommation pétrolière nationale, ce qui est loin d’être négligeable. Les prix d’acquisition des essences se caractérisent par des variations considérables. Le budget 2019 prévoit de consacrer 400 à 450 millions d’euros au soutien en hydrocarbures des forces armées. Nous avons déjà pu prévoir, par le passé, jusqu’à 700 millions d’euros pour financer le soutien pétrolier. Cela signifie, qu’à un moment donné, l’armée a bénéficié d’« oxygène » budgétaire grâce à la baisse des cours de l’énergie.

Aujourd’hui, nous sommes plutôt dans une phase de hausse des cours du pétrole et l’on pourrait logiquement devoir financer ces 300 millions d’oxygène dont on a bénéficié par le passé. Cette compensation pourrait toutefois grignoter une partie de l’effort budgétaire consenti par la Nation pour son armée. Le rapporteur pense-t-il que cette augmentation des cours du pétrole doit être compensée ? 

M. Christophe Blanchet. À la fin de votre propos, vous évoquiez les problèmes que vous avez constatés et vos doutes sur les conditions d’attribution de certains contrats d’externalisation. Est-ce que vous pouvez être plus précis ?

M. Claude de Ganay, rapporteur pour avis. La réforme annoncée des retraites est une préoccupation majeure aussi bien des militaires sur le terrain que de l’ensemble de l’encadrement. Il est essentiel que la spécificité de la condition militaire soit prise en compte. La façon dont travaillent les militaires, et en particulier leur devoir de disponibilité « 24 h/24 », ne permet pas d’appliquer les mêmes règles de retraite que celles applicables aux personnels civils. C’est donc un sujet qui mérite d’être souligné et qui doit faire l’objet d’un accompagnement tout au long de l’élaboration de la réforme. Il nous faudra être très vigilants. Nous profiterons des nombreuses auditions avec les responsables militaires pour débattre et essayer d’apporter un appui pour faire reconnaître cette spécificité militaire.  

L’éloignement des soutiens est un des points qui est revenu de façon systématique lors de l’ensemble des entretiens que j’ai pu mener. Les militaires ont le sentiment de ne plus pouvoir disposer, au sein de chaque corps, de leurs propres moyens de soutien. Il y a une carence importante, en particulier, de la fonction « habillement » au sein de la marine et de l’armée de l’air. Si beaucoup de moyens ont été mis pour conduire les opérations extérieures, ces deux armées peinent à trouver des tenues « sable ». C’est ce que je pointe dans mon avis budgétaire auquel je vous renvoie. Cela nécessite de revenir en partie sur le mouvement de mutualisation et d’externalisation des soutiens afin que chaque chef de corps puisse posséder, au plus près de lui, les moyens de répondre aux besoins de ses unités. 

Le SEA a une spécificité en matière comptable et financière. Ce service a, en interne, la faculté d’anticiper et d’atténuer en partie les hausses des prix du carburant. Cela étant dit, le fait d’envisager une compensation pour nos armées, comme vous le soutenez, me paraît pertinent. D’ailleurs, votre intervention accompagne-t-elle l’amendement que nous soutiendrons tout à l’heure ? Il me paraît important, en complément de la manière dont le SEA gère les fluctuations des cours, de compenser l’augmentation du coût budgétaire du carburant pour nos armées que l’on constate aujourd’hui et qui devrait encore s’accroître.  

Lors de mes entretiens, aussi bien avec le secrétaire général pour l’administration qu’avec le directeur du service spécialisé du transport et de la logistique (SSLT), ceux-ci m’ont fait part d’un certain nombre de manquements. En d’autres termes, ils m’ont fait part de pratiques qui ne relèvent pas toujours du code des marchés publics tel qu’il est appliqué par les collectivités locales avec, derrière, la rigueur du contrôle du sous-préfet. Ce sont des pratiques qui se sont parfois généralisées. Dans mon avis budgétaire, il y a des exemples très précis qui sont pointés et qui méritent qu’on y mette fin. En effet, ces pratiques ne sont pas très saines, même si on peut imaginer qu’elles sont parfois le résultat d’une volonté, non pas de contourner la réglementation, mais d’être plus efficient. J’ai entendu dire, y compris par le CEMA, qu’il y avait une volonté de renforcer les contrôles. Je vous renvoie à mon rapport pour en savoir plus.

*

*      *

M. le président. Nous en venons maintenant au temps réservé aux groupes politiques.

M. Fabien Gouttefarde. J’ai l’honneur d’intervenir en commission, aujourd’hui, au nom de mon groupe La République en Marche, pour exprimer notre vue d’ensemble sur les trois missions budgétaires que nous examinons dans le cadre du projet de loi de finances pour 2019 : la mission « Anciens Combattants, mémoire et liens avec la Nation », la mission « Défense » et enfin le programme « Gendarmerie nationale » de la mission « Sécurités ».

À titre liminaire, concernant la mission « Anciens Combattants, mémoire et liens avec la Nation », je tiens à souligner qu’avec 2,3 milliards d’euros de crédits le budget pour 2019 marque la volonté du Gouvernement de consolider les mesures de reconnaissance et de réparation, tout en renforçant significativement l’équité des dispositifs qu’elle finance. Je veux immédiatement saluer l’intégration du financement de l’octroi de la carte du combattant à près de 35 000 militaires stationnés en Algérie entre le 2 juillet 1962 et le 1er juillet 1964, résultat du travail de concertation colossal qu’a mené la secrétaire d’État, Geneviève Darrieussecq, avec tous les acteurs, et en particulier les associations d’anciens combattants.

C’est une mesure que nous avions appelée de nos vœux, en avril dernier notamment, lors du vote de notre motion de renvoi en commission de la proposition de loi de notre collègue Les Républicains, Gilles Lurton, mus par notre responsabilité politique et l’exigence de sincérité budgétaire. Nous avions alors garanti mettre en œuvre cette mesure de reconnaissance légitime et de juste réparation en l’intégrant dans un futur projet de loi de finances, nous le faisons dès maintenant, nous tenons nos engagements, mais avec la rigueur de la sincérité budgétaire qui nous est singulière.

Pour preuve, le rapporteur d’alors, Gilles Lurton, estimait que cette mesure bénéficierait à 25 000 anciens militaires alors que la concertation menée par la secrétaire d’État aboutit à l’estimation de 50 000 anciens militaires potentiellement concernés pour un coût budgétaire en 2019 estimé à 6,6 millions d’euros. Cette mesure de justice porte l’effort financier total à 60 millions d’euros.

En ce qui concerne les crédits de la mission « Défense », avec une hausse de 5 %, soit 1,7 milliard d’euros, le projet de loi de finances pour 2019 poursuit la mise en œuvre de la politique courageuse et volontariste du président de la République de réparer nos armées, déjà engagée en 2018.

Les crédits de cette mission permettent également de commencer à réaliser les objectifs fixés dans la loi de programmation militaire 2019-2025 récemment votée, et qui permettent de renforcer considérablement les moyens de nos armées, pour que la France puisse s’adapter et consolider son positionnement dans un environnement stratégique mondial durablement marqué par l’incertitude et l’instabilité.

Le PLF pour 2019 engage donc résolument nos armées vers la réalisation de l’ambition 2030, articulée autour d’un modèle d’armée complet, c’est-à-dire autonome vis‑à‑vis de nos partenaires, et équilibré, c’est-à-dire soutenable dans la durée.

Dans le contexte d’un environnement globalisé où les contestations de l’ordre international et du multilatéralisme vont croissantes, où la prolifération des armements, on l’a entendu, va de pair avec un retour de la compétition militaire, où la menace terroriste se pérennise, et où la nécessité d’organiser une politique de défense européenne renforcée apparaît essentielle, le budget 2019 permet une remontée en puissance des moyens de nos armées, ainsi que de toutes nos forces de sécurité intérieure, avec un total des crédits à hauteur de 1,82 % du PIB et renforce ainsi leur capacité à protéger la population et accomplir leur mission sans risque démesuré.

Avec notamment 758 millions d’euros dédiés aux études amont, dissuasion comprise, soit une hausse de 6 % sur l’année, dans la ligne de l’objectif fixé par la LPM, le budget 2019 marque la transformation profonde du ministère des Armées engagé dans la recherche et la modernisation technologique.

Ce budget pour 2019 est manifestement porteur de l’autonomie stratégique de la France, que d’aucuns dans l’opposition déploraient comme absente lors de l’exercice précédent. Pour preuve, les crédits dédiés au renforcement des moyens de renseignement sont en hausse avec, par exemple, une augmentation de 13 % pour la DGSE et la DRSD.

L’emploi des forces est également soutenu par le budget 2019 qui vient réparer les défaillances passées par un renouvellement des équipements et par l’amélioration des conditions de travail et de vie des militaires. Comme nous l’avons vu, la LPM à hauteur d’homme impactera dès sa première année la vie de nos soldats.

S’agissant de l’indispensable remise à niveau des armées, je citerai, par exemple, la livraison de 500 véhicules légers tactiques polyvalents non protégés qui accroîtront la mobilité tactique, celle du quatrième bâtiment multi-missions et celle des derniers bâtiments de soutien et d’assistance hauturiers, le programme dit MILAD qui permettra de réduire la vulnérabilité aux mini-drones, ou encore le lancement du programme FLOTLOG de remplacement des navires ravitailleurs, et sans oublier plus de 820 millions d’euros consacrés au maintien en condition et à la réhabilitation des infrastructures de tout type.

Sur les équipements militaires, je veux saluer l’absence d’annulation de programmes en cours et qui inscrit donc le budget 2019 dans les engagements pris par la LPM

Pour terminer sur un propos général, je veux réaffirmer, avec la force et la responsabilité qui caractérisent notre majorité, que ce projet de loi de finances pour 2019, et en particulier pour la mission « Défense » qui nous occupe principalement, tranche par sa sincérité budgétaire en comparaison des exercices passés. Il prévoit, en effet, des dépenses intégralement financées sur les crédits budgétaires, avec par ailleurs une provision de 850 millions d’euros dédiée aux OPEX et une autre de 100 millions d’euros aux missions intérieures.

La sincérité budgétaire est un engagement fort de notre majorité qui soutient le président de la République, parce que nous sommes conscients et responsables du fait de ne pas faire supporter aux générations futures le prix de promesses certes attrayantes mais irréalistes. Je vous remercie.

M. Patrice Verchère. Avec ce budget 2019 nous avons à discuter de la première année de la mise en œuvre de la LPM votée au printemps dernier. Les annonces budgétaires semblent être en conformité avec la LPM votée puisque nous pouvons constater que le budget est en augmentation. Cette hausse pour la deuxième année consécutive ne doit pas cependant faire oublier que la première mesure en matière de défense du tout nouveau président de la République avait été d’amputer le budget 2017 de 850 millions d’euros. Une fois de plus, c’est le programme 146 qui avait le plus sollicité. Il est à noter, et c’est regrettable, l’absence de publication à ce jour de l’annuaire statistique de la défense 2018 qui faciliterait pourtant la vision globale au regard du budget de la Nation. En effet, cette augmentation de votre budget ne doit pas occulter le fait que la part des dépenses de la défense dans le budget de l’État a reculé de 0,1 % en 2017 pour s’établir à 1,4 % du PIB, pour la seule mission « Défense », hors pensions et anciens combattants, donc loin des 1,7 % annoncés par le Gouvernement. La question du périmètre des dépenses à prendre en considération se pose donc une fois de plus. Mes chers collègues, vous pourrez reconnaître que cette distorsion entre les chiffres, pourtant tous publiés par le ministère des Armées, n’aide pas à la lisibilité du budget et entretient le doute sur l’effort réel accordé aux armées, dont la trajectoire affichée par le Gouvernement est d’atteindre 2 % du PIB en 2025, soit environ 50 milliards d’euros, hors pensions et à périmètre constant.

La fin annoncée et demandée dès 2013 par le groupe Les Républicains des déflations d’effectifs dans les armées se concrétise cette année par la création de 466 postes supplémentaires pour les armées. La LPM 2014-2019 votée fin 2013 prévoyait sur la période une réduction nette de 33 675 équivalents temps plein. Au final, et malgré ses annonces, le ministère de la Défense, a perdu sur la période près de 500 postes.

Venons-en au surcoût des OPEX. Véritable serpent de mer du budget de la défense depuis des années, il devrait dépasser le milliard d’euros en 2018 pour atteindre un total de 1,5 milliard d’euros, soit 1,3 milliard d’euros pour les OPEX et 200 millions pour les OPINT, selon le chef d’état-major de l’armée de terre. La provision initiale dans le budget 2019 a été fixée à 850 millions d’euros, contre 650 millions d’euros en 2018, déjà en hausse par rapport à l’année précédente. La tradition veut que le surcoût par rapport au prévisionnel adopté relève d’un financement interministériel, dont 20 % sont d’ailleurs supportés par le ministère de la Défense. Une fois de plus, les députés Les Républicains demandent que le ministère de la Défense ne participe pas à cette réserve de précaution en vue de financer le surcoût des OPEX tant il nous paraît évident que le ministère de la Défense ne doit pas payer deux fois.

Mes chers collègues, au surcoût des OPEX s’ajoute désormais le coût des opérations intérieures. Celles-ci bénéficiaient dans le budget 2018 de crédits de 100 millions d’euros dans le programme 212, soit une hausse de 59 millions d’euros. Cette somme du titre 2 est inscrite dans la LPM, portant en réalité les sommes consacrées au surcoût pour les OPEX et des OPINT à 950 millions d’euros.

Les députés du groupe Les Républicains restent inquiets quant à un éventuel financement par le ministère de la Défense du service national universel (SNU), ce qui serait contraire à l’article 3 de la LPM 2019-2025. Nous constatons en effet que le SNU n’est mentionné dans aucun document budgétaire alors qu’une expérimentation, réduite certes, est prévue dès 2019. Nous craignons que l’augmentation de 9 millions d’euros inscrite au titre 2 du programme 212 liée à l’augmentation du personnel travaillant à la Journée défense et citoyenneté ne soit un financement déguisé du SNU. Nous y reviendrons plus longuement en séance.

En ce qui concerne le budget des anciens combattants, nous regrettons que le budget 2019 soit en baisse de 5,13 %. Nous regrettons au nom de la reconnaissance de la Nation en faveur du monde combattant que la spirale de la baisse enclenchée en 2013 se poursuive après une baisse de 3,2 % en 2018. Malgré cette baisse du budget et grâce à la diminution naturelle des effectifs, le Gouvernement peut cependant annoncer quelques mesures en faveur des anciens combattants et de leurs ayants-droit, comme la mise en place d’un mécanisme de solidarité au profit des enfants de harkis ou l’attribution de la carte du combattant aux militaires déployés en Algérie après le 2 juillet 1962 et jusqu’au 1er juillet 1964. Les députés Les Républicains se réjouissent de ces annonces mais déplorent que, pour des raisons purement politiciennes, le Gouvernement ait fait rejeter par sa majorité le 5 avril dernier la proposition de loi de notre collègue Gilles Lurton portant sur l’attribution de la carte du combattant aux militaires déployés en Algérie après le 2 juillet 1962 et jusqu’au 1er juillet 1964.

Nous regrettons que ce budget des anciens combattants renoue avec des habitudes de la précédente majorité et rompe de nouveau avec la dynamique enclenchée il y a dix ans sous l’ancienne majorité UMP/LR qui avait permis l’augmentation de 30 % de la retraite du combattant, entre 2007 et 2012, son montant étant ainsi passé de 488 euros à 609 euros. Le groupe Les Républicains poursuivra donc cette logique et demandera à l’occasion du budget 2019 la poursuite de l’augmentation de la retraite du combattant. Il s’agit pour nous de rappeler notre attachement au monde combattant et de faire en sorte que cette augmentation soit régulière et ne dépende pas des aléas électoraux.

Plus généralement les députés LR s’associent aux associations d’anciens combattants qui font part de leurs inquiétudes quant à l’avenir de leur budget et sa refonte dans certains dispositifs existants.

Le groupe Les Républicains regrette également que dans ce nouveau monde aseptisé, Emmanuel Macron ait décidé que la commémoration annuelle du 11 novembre se fera sans militaires ou presque. Il est à noter que ce choix diplomatique n’a pas été effectué par les Britanniques et les Américains. Il faut aussi préciser que, depuis le 11 novembre 2011, la France ne commémore plus seulement l’armistice de 1918 mais aussi tous les soldats tombés en opérations extérieures.

Pour conclure, le groupe Les Républicains, compte tenu des observations exposées, s’abstiendra sur le budget que vous nous présentez. Nous formulons aujourd’hui une abstention vigilante en commission. Vigilante, car nous avons été échaudés dans le passé par des annonces non concrétisées budgétairement. En effet, le chef d’état-major des armées a récemment rappelé à quel point nos armées étaient, je cite, éreintées, sous-équipées, sous‑dotées, sous-entraînées, épuisées par leurs multiples engagements qui dépassent largement leur contrat opérationnel. Ceci démontre à quel point les députés LR, depuis 2014, ont eu raison à chaque audition dès l’engagement de nos armées dans le cadre de l’opération Serval d’alerter l’exécutif de l’inadéquation entre la LPM 2014-2019, même réactualisée, et l’action de nos forces. Dois-je rappeler les commentaires alors dithyrambiques de certains affirmant, malgré les évidences, en audition et à la presse que la LPM de M. Le Drian était totalement en adéquation avec les missions demandées. Nous sommes aujourd’hui dubitatifs et vigilants, certains députés appartenant à la majorité précédente étant toujours dans la majorité, bien qu’ayant changé de parti. Notre abstention est donc vigilante au sein de cette commission.

M. Jean-Pierre Cubertafon. Dans la continuité de certains des exposés précédents je souhaitais rappeler le contexte qui nous mène à l’étude de ce budget défense et anciens combattants. Nous le savons, le panorama des menaces mondiales, établi tant par la Revue stratégique que par la LPM, est aujourd’hui marqué par une augmentation significative des crises et de l’instabilité internationale.

De ce constat, la LPM a traduit ces nouveaux enjeux mondiaux, humains et techniques et pose ainsi les bases d’une remontée en puissance des armées françaises en faisant porter l’effort sur leurs femmes et leurs hommes autant que sur leurs équipements.

En ce sens, si ce budget fait un grand pas vers le renforcement des forces françaises comme « seconde armée du monde libre », la budgétisation appuie un projet d’une rare sincérité et fidèle, dès la première année, à ce travail de planification budgétaire que nous appelons loi de programmation militaire.

La ministre des Armées déclarait devant la représentation nationale le 20 mars dernier « que le temps du sacrifice était révolu, et que le renouveau de nos armées commençait ».

Alors que nous nous apprêtons à soutenir le vote des provisions annuelles pour ce budget à hauteur de cette ambition, je sais que le Gouvernement sera, au même titre que la majorité parlementaire, très attentif à l’exécution budgétaire de cette LPM « an un ».

Nous soulignons le fait qu’il n’y a de richesse ni de force que d’hommes, que les conditions de vie du soldat dans sa vie quotidienne sont la condition sine qua non de sa fidélisation, de son moral et de l’expression harmonieuse de sa charge militaire parfois plus, peut-être, que son équipement.

Ainsi sommes-nous dans la pleine espérance quant à la réalisation du plan Famille, qui bénéficiera de 57 millions d’euros supplémentaires en 2019.

Le budget et les mesures pour cette année, relatives à la reconnaissance et à la réparation au monde ancien combattant, rappellent une autre facette de cette exécution de LPM à « hauteur d’homme » : le soutien et la reconnaissance de la condition du soldat‑citoyen dans la société tout au long de la vie, la mémoire et la reconnaissance de nos anciens combattants, avec la carte 62-64, et le rôle renforcé des familles auprès de leurs blessés.

Au-delà des trois missions qui nous sont soumises, nous rappelons que cet esprit « à hauteur d’homme » s’affirmera dans la prise en compte de la spécificité du métier de militaire dans le cadre de la prochaine réforme des retraites. La prise en compte des spécificités de cette retraite est aussi un levier important quant à la fidélisation de nos vétérans.

C’est donc dans cet esprit de dialogue – constant, apaisé et constructif – que nous renouvelons pleinement notre confiance à ce projet collectif au service d’une ambition commune; celle du « succès des armes de la France ». Je vous remercie.

Monsieur Joaquim Pueyo. Monsieur le président, chers collègues, le temps qui nous est imparti étant limité, je ne reviendrai pas sur les grands équilibres et orientations des Missions « Défense » et « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation ». Je salue l’augmentation du budget de la mission « Défense », conforme aux orientations votées dans la loi de programmation militaire. Je souhaite revenir uniquement sur quelques points qui me paraissent importants.

Tout d’abord, je salue les mesures prises pour améliorer les équipements des militaires, qu’il s’agisse des 25 000 gilets pare-balles ou des 8 000 armes individuelles futures. Les 57 millions du plan Famille pour 2019 sont également à souligner, car ils apportent des améliorations concrètes aux militaires et à leurs familles. Comme le rappelle le haut comité d’évaluation de la condition militaire dans son 12e rapport, l’accompagnement à la mobilité des conjoints est essentiel dans la démarche de fidélisation ; ces efforts devront être poursuivis dans les années à venir.

Je souhaite tout de même mettre en lumière la question de l’immobilier. Malgré l’effort de 420 millions d’euros en faveur du maintien et du soutien des sites, nous devrons absolument améliorer les hébergements. Cela implique d’accélérer la mise en place des nouvelles mesures prévues en termes de rénovation et de construction d’immobilier moderne. Toutes ces mesures participent aussi de la fidélisation de nos militaires, ce qui m’amène au second point que j’aborderai.

La question de la fidélisation reste centrale. J’ai posé une question sur ce sujet, je n’y reviendrai donc pas, mais c’est une question importante si l’on veut que notre armée soit attractive. Au-delà du plan d’accompagnement des familles et d’amélioration des conditions de vie des militaires, nous devons également renforcer l’accompagnement des hommes et des femmes dont l’engagement prend fin. Selon les chiffres de Défense mobilité, le dispositif d’accompagnement ne « capte » que 67 % des militaires quittant nos armées, et seulement 60% des accompagnés retrouvent un emploi. Bien sûr, ces chiffres sont en augmentation, mais nous devons investir massivement pour toucher davantage de personnels et mieux les accompagner. Leurs profils sont en effet très recherchés et valorisés, notamment dans le secteur privé. Le groupe Socialistes et apparentés proposera un amendement dans ce sens.

Les équipements constituent un autre point d’attention. L’année 2019 verra l’arrivée de plusieurs matériels importants ; je ne vais pas rappeler les livraisons qui seront faites. Mais des inquiétudes demeurent au sujet des patrouilleurs et, malheureusement, notre pays ne pourra pas remplir 100 % du contrat opérationnel en 2019 et en 2020 dans ce domaine. Malgré des efforts en termes d’augmentation des cibles de commandes et des budgets consacrés au maintien en condition opérationnelle, nous devons impérativement poursuivre une politique ambitieuse en matière d’équipement. Les taux de disponibilité des matériels, notamment aériens, sont encore beaucoup trop bas dans certains cas. Cela a une incidence sur les journées de préparation opérationnelle, dont le nombre est de nouveau en hausse depuis 2016, mais reste parfois encore éloigné des cibles réaffirmées dans la LPM 2019-2025.

Un dernier point d’attention concerne la répartition des créations de postes. Cette année, ce sont 450 équivalents temps plein qui seront créés ; ils bénéficieront notamment au renseignement. Cependant, il existe de réels besoins dans d’autres secteurs, notamment dans le soutien aérien. Le groupe Socialistes et apparentés souhaiterait d’ailleurs que des précisions puissent être apportées sur la répartition des futurs équivalents temps plein.

Pour finir, je souhaite aborder le budget de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation ». L’ensemble des gouvernements a diminué les crédits alloués à cette mission, partant du principe que le nombre de bénéficiaires diminuait mécaniquement. Cela peut s’entendre pour le programme 169 « Reconnaissance et réparation », mais cette logique est difficilement applicable au programme 167 « Liens entre la Nation et son armée ». Alors que nous souhaitons tous voir s’accroitre le lien entre l’armée et la Nation, notamment avec les jeunes, que nous insistons sur les valeurs que nos armées portent, nous pourrions envisager de changer de paradigme et de conserver un budget constant, ou du moins d’en limiter la baisse. C’est la proposition que j’avais faite lors de l’audition de Madame la secrétaire d’État. Il me semble particulièrement important de préserver et même de développer les actions favorisant une meilleure connaissance de nos armées par nos jeunes. Cela passe par l’enseignement de défense ou par l’échange avec les associations d’anciens combattants, qui ont exprimé leur volonté de faire davantage. La participation aux cérémonies doit aussi être développée, ainsi que le tourisme de mémoire. Les efforts faits lors de commémorations importantes ne doivent pas se borner à ce laps de temps particulier.

Enfin, je souhaite également que la coopération européenne se renforce et que la France soit moteur dans ce qu’on appelle l’Europe de la défense.

Cette discussion va continuer dans quelques instants avec les amendements. Une fois ces points de vigilance rappelés et les orientations que nous souhaiterions voir se développer abordées, à titre personnel, je proposerai au groupe de voter ce budget, malgré les réserves que j’ai évoquées.

M. Alexis Corbière. Mes chers collègues, nous assistons, nous le savons, à une recrudescence des tensions sur la scène internationale. Je voudrais évoquer un point, qui ne va pas passer inaperçu, pour illustrer mon propos. Ce jeudi 25 octobre, l’OTAN lancera les prémices des plus grandes manœuvres militaires jamais engagées depuis la fin de la Guerre Froide. Cet exercice, baptisé Trident Juncture 18 – je ne le dirai pas, volontairement, avec un accent anglais –, mobilisera près de 50 000 soldats en Norvège. L’amiral américain James Foggo, commandant en chef de l’exercice, assure que cette opération ne vise aucun pays en particulier. C’est pourtant la sécurité internationale elle-même qui est mise en péril. Cet exercice apparaît, selon nous, comme le franchissement d’une nouvelle étape dans la construction d’une Europe de la défense que je qualifierai d’« atlantiste ». La France participe à la course à la guerre en consacrant une partie de son budget à l’OTAN, contribuant par son financement à ces velléités guerrières.

Outre cet aspect budgétaire, c’est l’absence de véritable doctrine qui rend illisibles et incohérentes, selon nous, toutes les actions et mesures annoncées comme, soi-disant, de « rupture ». Ce budget s’inscrit, en fait, dans la continuité de ses prédécesseurs. C’est une forme d’alignement sur la politique extérieure des États-Unis. L’objectif des 2 % du PIB consacrés au budget de la défense d’ici 2024 en est la meilleure preuve : il est sous l’impulsion de la demande des États-Unis d’Amérique.

Les sommes colossales engagées justifieraient, pourtant, la définition d’une stratégie et d’une vision claire pour notre politique de défense. Nous considérons que ce n’est pas le cas. En lieu et place de sauvegarder son indépendance militaire, la France poursuit une infinie course des armements derrière les États-Unis. Nous assistons à une escalade militaire, une escalade dans la guerre spatiale, une escalade dans le théâtre des opérations extérieures. Mais quelles sont les finalités de telles opérations ? Quel est le sous-bassement stratégique de ces multiples escalades ? Ce budget s’apparente à l’action, certes d’un tacticien, mais non pas d’un stratège. Je le répète une nouvelle fois, Bastien Lachaud l’a déjà dit, c’est l’absence d’une vision générale qui ne nous permet pas de construire une ligne politique propre et indépendante.

Alors que les moyens alloués à cet « atlantisme » – vous me pardonnerez l’expression – effréné ne manquent pas, la défense de notre souveraineté se retrouve marginalisée. Ces moyens pourraient notamment servir à réaffirmer notre souveraineté maritime, aujourd’hui menacée en raison d’un manque de patrouilleurs destinés à assurer notre défense en mer. Les six nouveaux patrouilleurs commandés par la marine en 2019 ne suffiront pas à remplir cette mission. L’amiral Prazuck, chef d’état-major de la marine, l’a déploré en 2017 : nous n’avons plus que quatre patrouilleurs, au lieu huit, disait-il, pour assurer la sécurité du deuxième espace maritime mondial.

Ces moyens pourraient servir aussi pour nos militaires engagés en opération extérieure. J’ai pu en rencontrer, avec certains collègues, au Mali et au Niger, sur la base de Niamey. Leurs conditions de vie pourraient être améliorées. Le manque de moyens matériels adéquats et récents accentue les difficultés inhérentes à toute opération extérieure. Nous pourrions par exemple – pardon si c’est un détail, mais je le répète parce que des soldats me l’ont demandé – au moins permettre qu’ils aient une connexion Wi-Fi qui ne soit plus limitée à 2Go. Cette limitation complique bien souvent les relations qu’ils ont avec leurs familles.

L’armée de l’air, elle aussi, gagnerait à disposer de moyens pour accomplir ses missions. Les taux de disponibilité des aéronefs militaires sont alarmants : un avion sur deux est cloué au sol, deux hélicoptères sur trois sont en maintenance, et j’en passe.

Enfin, nos anciens combattants ne sont pas épargnés par ces difficultés. Leurs avancées sociales sont progressivement remises en cause, sacrifiées au profit, souvent, de considérations économiques. Le plafond de l’allocation différentielle du conjoint survivant n’est toujours pas porté au niveau du seul seuil de pauvreté.

Outre les aspects financiers, l’engagement pour la transmission de la mémoire et de l’histoire ne doit pas être négligé. Notamment, la reconnaissance des harkis doit, selon nous, passer par un important travail de mémoire entre historiens algériens et français, pour que toute leur dignité soit rendue à ces supplétifs de notre armée. De la même façon, pourquoi ne pas mieux retracer l’histoire des fusillés pour l’exemple, qui étaient condamnés par des conseils de guerre expéditifs, afin que cette mémoire soit mieux partagée ? Pourquoi ne pas revenir sur la mobilisation des femmes durant tout ce conflit ? Bref, il y a là tout un travail mémoriel qui pourrait être engagé.

Je termine sur ce que nous montrent de récents travaux d’historiens. De nombreux étrangers se sont engagés dans l’armée française, notamment entre 1914 et 1918. Ont participé à cet effort national – si je puis dire ainsi – près de dix nationalités. Ces faits étaient assez peu connus. Un travail de mémoire pourrait être effectué, pour qu’il n’y ait pas seulement une commémoration d’ordre militaire, mais bien une claire restitution de ces évènements permettant une meilleure compréhension de la Nation, des sacrifices qui ont été faits et de la place des uns et des autres.

Mme Manuela Kéclard-Mondésir. Ce budget 2019 s’inscrit dans le contexte de la LPM 2019-2025. Il s’agit même du premier de ce cycle pluriannuel. Ce budget se situe à un niveau de 35,8 milliards d’euros, en hausse de 1,7 milliard d’euros. Il permet ainsi de porter progressivement l’effort de défense à 2 % du PIB.

Ce pourrait donc être une bonne chose, si son exécution n’était pas une source d’inquiétude.  

Par ailleurs, malgré les hausses programmées, l’enveloppe prévue paraît encore insuffisante au vu des besoins des armées précisément identifiés dans cette loi de programmation. Je m’interroge notamment sur le financement des surcoûts des OPEX. Ce sont 850 millions d’euros qui ont été budgétés en 2019, contre 650 millions d’euros en 2018 et 450 millions d’euros en 2017. C’est bien, pourrait-on dire, mais les besoins annoncés sont de plus d’un milliard d’euros !

Si la plupart des parlementaires du groupe GDR auquel j’appartiens reconnaissent des avancées en matière d’équipement et de ressources humaines, ils restent cependant très critiques vis-à-vis de la promotion de la dissuasion nucléaire, qui reste une priorité du Gouvernement avec un effort de modernisation à hauteur de 400 millions d’euros, soit une hausse de 8 % !

Nous sommes également très critiques du haut degré d’allégeance du Gouvernement à l’égard de l’OTAN, mais également de la mise en œuvre de la politique européenne de défense. En effet, la France supporte toujours à elle seule le poids de ses engagements sur de nombreux théâtres d’opérations, y compris dans le domaine logistique, où elle sollicite pourtant un soutien européen.

Pour ces raisons, le groupe GDR votera contre ce budget.

À titre personnel cependant, puisque notre groupe parlementaire est un groupe ouvert où domine la liberté de pensée et de vote, je voterai ce budget tout en adhérant à certaines critiques formulées par mes collègues.

Ce budget comporte en effet des éléments qui recueillent notre assentiment. Je constate notamment que les dépenses de personnel au titre des missions intérieures (MISSINT) sont portées à 100 millions d’euros. Ce budget renforce également les équipements d’accompagnement et de protection des soldats grâce à une enveloppe supplémentaire de 150 millions d’euros par rapport à 2018. Il modernise les infrastructures, et surtout, il met en œuvre le plan Famille, élément très important à nos yeux, en y consacrant 57 millions d’euros en 2019.

Par ailleurs, 400 millions d’euros supplémentaires sont prévus pour le MCO des matériels, notamment de la composante aéronautique.

Je suis particulièrement sensible aux efforts faits pour la Caraïbe. En effet, nous avions traditionnellement un bâtiment de transport léger (BATRAL) prépositionné aux Antilles, avant que celui-ci ne soit déporté vers la Méditerranée. Ce bâtiment est revenu dans la zone Antilles du fait des ouragans Irma et Maria. Aujourd’hui, je salue l’engagement de la ministre de redoter l’Atlantique et la Caraïbe de six navires en 2020 et en 2022.

Enfin, je note que le budget 2019 prévoit 300 millions d’euros pour le renouvellement et la modernisation des équipements conventionnels.

Je finirai par évoquer le renforcement ciblé des moyens dans certains domaines comme le renseignement, la cyberdéfense, l’intelligence artificielle ou le traitement des données.

Pour ces raisons, ce budget aura mon soutien personnel en dépit du positionnement de mon groupe, le groupe GDR.

M. Yannick Favennec Becot. Le budget de la défense traduit – et c’est bien la moindre des choses –, les orientations que nous avons votées lors de la LPM 2019 - 2015. En effet, pour répondre à la menace terroriste tout en garantissant notre autonomie stratégique, une augmentation très significative des moyens était nécessaire. Cet effort budgétaire important devrait permettre d’amorcer les bases d’une remontée en puissance de nos armées.

Ce budget poursuit bien la montée en charge de nos armées, amorcée l’année dernière, avec une hausse de 1,7 milliard d’euros. Cette hausse témoigne de l’engagement déterminé à renforcer les moyens de nos armées dans un contexte international instable et dangereux.

S’agissant en particulier de l’amélioration des conditions de vie et d’engagement de la communauté de défense, un effort particulier est prévu en faveur de la maintenance des infrastructures et du soutien, par la livraison d’équipements essentiels au quotidien du soldat ainsi que par la poursuite du plan « Famille » décidé à l’été 2017. Je tiens ici à saluer cet effort et à vous faire part de la satisfaction de mon groupe.

Permettez-moi de m’interroger malgré tout sur le financement des surcoûts de 600 millions d’euros des OPEX en 2018. En effet, il ne faudrait pas que les OPEX de cette année empiètent sur les augmentations prévues au titre de la LPM.

D’une manière générale, les orientations de ce budget ne pourront être effectives qu’à la condition qu’elles puissent être exécutées. Nous jugerons donc sur les faits et resterons vigilants.

La mission « Anciens combattants, mémoire et lien avec la Nation » joue un rôle essentiel en ce qu’elle incarne l’hommage que la Nation rend à nos armées pour l’engagement et les sacrifices de nos soldats au service de la sécurité de notre pays. Ce budget accuse, par rapport à l’année dernière, une légère baisse à périmètre constant, ce qui s’explique par la diminution naturelle des ayants droits. Je tiens néanmoins, au nom de mon groupe, à vous faire part là aussi de notre satisfaction, d’une part en ce qui concerne les mesures prises à l’égard des anciens militaires qui justifieront de quatre mois de présence en Afrique du Nord entre le 2 juillet 1962 et le 1er juillet 1964 et, d’autre part, pour le plan d’action en faveur des harkis et de leurs familles.

S’agissant plus particulièrement de la carte du combattant, je m’interroge tout de même sur les modalités pratiques de son attribution qui semblent préoccuper les associations, malgré les propos qui se veulent rassurants de la part de notre rapporteur ce matin.

Pour ce qui est de la retraite du combattant, nous regrettons, même si nous sommes bien conscients des contraintes budgétaires, qu’aucune augmentation ne soit prévue cette année. Cette augmentation aurait pourtant été plus que légitime et son absence s’inscrit malheureusement dans la continuité de la législature précédente.

Enfin, nous regrettons également qu’il ne soit toujours pas prévu d’indemniser les pupilles de la Nation et orphelins de guerre en leur accordant le bénéfice des dispositifs de réparation adoptés en 2000 et en 2004.

Ces remarques étant posées, notre groupe parlementaire, dans un souci de consensus politique au nom de l’intérêt de nos armées et des difficiles missions que nous leur demandons d’accomplir pour la défense de notre sécurité et de notre liberté, votera ce budget tout en restant vigilant sur un certain nombre de points.

*

*      *

M. le président. Nous en venons à l’examen des amendements sur la mission « Défense ».

Article 39 : État B  Mission « Défense »

La commission examine l’amendement II–DN2 présenté par M. Charles de la Verpillière.

M. Charles de la Verpillière. Lors de la discussion du projet de loi de programmation militaire, au printemps dernier, il a fallu l’insistante vigilance des députés de mon groupe pour que soit inscrit noir sur blanc dans la LPM le principe selon lequel le financement du service national universel ne sera pas imputé sur le budget des armées tel que la loi de programmation militaire en planifie l’évolution.

Nous avons cependant été très surpris de constater dans le présent projet de loi de finances une augmentation des dépenses de personnel travaillant pour le programme « Liens entre Nation et son armée », c’est-à-dire destinés au financement de la JDC. Cette hausse ne paraît pas justifiée étant donné que la JDC n’a pas changé de nature et que l’effectif des jeunes concernés en 2019 est au contraire appelé à baisser, de plus de 804 000 en 2018 à 792 745 en 2019. Pourquoi, dès lors, faudrait-il augmenter brutalement les crédits de personnels affectés à la JDC ? Instruits dans la prudence par les expériences passées, nous préférons prendre les devants pour éviter au ministère toute tentation de financer le service national universel sur les crédits des armées. C’est pourquoi nous proposons de réallouer les crédits supplémentaires de la journée de défense et de citoyenneté à des dépenses utiles pour les armées.

M. Philippe Michel-Kleisbauer. Je crains, chers collègues, qu’un effet de périmètre ne biaise la lecture de l’évolution des crédits de la JDC.

En effet, si les crédits de l’action du programme 178 couvrant les dépenses de titre 2 du programme « Liens entre la Nation et son armée » augmentent, c’est uniquement du fait d’un changement de périmètre de ce programme résultant de l’intégration du service militaire volontaire au périmètre du programme 167, ce qui a conduit à renforcer les effectifs de la direction du service national et de la jeunesse de 356 postes.

M. Claude de Ganay, rapporteur pour avis. Étant moi-même cosignataire de cet amendement, il va de soi que je le soutiens. L’amendement permet de redéployer les crédits au profit du service de santé des armées, dont les moyens méritent d’être confortés, tant le soutien sanitaire de nos forces est crucial sur nos théâtres d’engagements extérieurs. Donc avis favorable.

M. Fabien Gouttefarde. Je tiens à rappeler à nos collègues, comme le général Daniel Menaouine nous le faisait encore observer hier, que la JDC est aujourd’hui le grand point commun de passage de nos militaires d’active. Elle constitue ainsi un formidable outil d’attractivité pour nos armées. Il serait donc périlleux de réduire aujourd’hui ses moyens.

Contrairement à l’avis du rapporteur pour avis, la commission rejette l’amendement II–DN2 puis en vient aux amendements II–DN4, II–DN5 et II–DN6 de M. Joaquim Pueyo, soumis à une discussion commune.

M. Joaquim Pueyo. Ces amendements visent à tenir compte de l’augmentation prévisible des dépenses de carburant, ne serait-ce que du fait des mesures fiscales du présent projet de loi, qui alourdissent la fiscalité du gazole de sept centimes par litre. Quand bien même les cours des matières premières resteraient stables, la fiscalité à elle seule suffirait à accroître le besoin de financement de nos armées. C’est pour compenser cette hausse prévisible que ces trois amendements proposent d’accroître les budgets d’hydrocarbures des trois armées.

M. Claude de Ganay, rapporteur pour avis. J’ai présenté il y a quelques instants le fonctionnement du compte de commerce du service des essences des armées, qui retrace en dépense ses achats d’hydrocarbures et en recettes le produit de leur cession. Aucune dotation de l’État à ce service n’a été inscrite au programme 178 depuis 2016.

Les méthodes d’achat mises en œuvre par ce service ne permettent d’atténuer que partiellement les hausses de cours des matières premières, qui sont ainsi répercutées au moins en partie dans les prix facturés aux armées. Il n’est donc pas aberrant d’abonder les crédits d’hydrocarbures de celles-ci. J’émets donc sur ces trois amendements un avis favorable.

M. Fabien Gouttefarde. Les députés de mon groupe ne partagent pas la position de notre collègue rapporteur pour avis. Lors de l’examen du projet de loi de programmation militaire, le Gouvernement nous avait présenté les hypothèses d’évolution des prix du pétrole retenues par la programmation. Nous lui accordons notre confiance. D’ailleurs, les hypothèses sous-tendant le projet de loi de finances évaluent à 73,5 dollars le cours moyen du baril de pétrole en 2019, ce qui rejoint les prévisions de la Banque de France. En outre, si les crédits de carburant sont en baisse de 3,4 %, il faut préciser que cette évolution est cohérente avec les prévisions d’activité des forces en 2019.

M. Joaquim Pueyo. Il ne faudrait pas oublier que même si les cours du baril étaient conformes aux prévisions, reste l’impact des hausses de taxes sur le gazole.

M. Jean-Jacques Bridey, président. Compte tenu de l’incertitude qui s’attache nécessairement aux cours des matières premières énergétiques, il n’y a rien d’anormal ni d’inhabituel à ce que ces dépenses fassent l’objet d’ajustements éventuels au gré de l’exécution budgétaire.

Contrairement à l’avis du rapporteur pour avis, la commission rejette les amendements II–DN4, II–DN5 et II–DN6. Elle examine ensuite l’amendement IIDN9 du même auteur.

M. Joaquim Pueyo. J’ai évoqué plus tôt l’importance des dispositifs d’aide à la reconversion de nos militaires. Cet amendement a pour but d’augmenter significativement les ressources mises à disposition de l’Agence de reconversion de la défense afin d’améliorer la captation des personnels quittant le ministère des Armées. Certes, on ne peut pas dire qu’aucun effort ne soit fait. Mais à étudier ces questions de façon approfondie, on s’aperçoit que la moitié des militaires n’utilise pas les dispositifs d’aide à la reconversion alors qu’une part conséquente des anciens militaires éprouve de grandes difficultés pour retrouver un emploi stable. Le dispositif de reconversion constitue aussi à mes yeux un élément d’attractivité de nos armées, ce qui est plus que nécessaire.

M. Claude de Ganay, rapporteur pour avis. L’exposé des motifs de cet amendement cite les développements approfondis que j’ai consacrés l’an passé à l’Agence de reconversion de la défense, notamment à sa politique de communication interne et externe. Cette étude mettait en exergue une inquiétante érosion du taux de captation par l’Agence des militaires qui quittent l’institution, notamment les militaires du rang.

Cet amendement me paraît donc nécessaire. Certes, notre procédure ne permet pas une affectation des crédits aux dépenses de communication de façon aussi précise que ne le souhaite l’auteur de l’amendement. Les dirigeants de l’Agence y procéderont eux-mêmes, suivant les priorités qu’ils auront définies. J’émets donc un avis favorable à cet amendement.

M. Fabien Gouttefarde. La reconversion constitue bien l’une des priorités du ministère, qui en a même a fait un volet du plan Famille. Aux yeux des députés de mon groupe, l’effort en la matière n’est pas insuffisant. D’ailleurs, la reconversion ne passe pas seulement par l’ARD, mais aussi par des contacts de terrain, au sein des unités.

M. Joaquim Pueyo. Comme le rapporteur pour avis, j’estime qu’il n’y a pas assez de d’information et de communication autour du travail de l’Agence. J’ai pu le constater moi‑même dans mes fonctions de maire : ni les entreprises ni les collectivités territoriales ne sont suffisamment informées des compétences des anciens militaires pour pourvoir à leurs recrutements.

Contrairement à l’avis du rapporteur pour avis, la commission rejette l’amendement.

MM. Jean-Jacques Ferrara et Claude de Ganay, rapporteurs pour avis, s’abstenant et conformément à l’avis de Mme Frédérique Lardet et de MM. Thomas Gassilloud, JeanCharles Larsonneur et Jacques Marilossian, rapporteurs pour avis, la commission émet un avis favorable à l’adoption les crédits de la mission « Défense ».

Après l’article 72

La commission examine l’amendement II-DN3 de M. Pueyo

M. Joaquim Pueyo. Vous connaissez mon attachement à l’Europe de la défense et à la coopération européenne. Je ne vais pas relire l’exposé sommaire de cet amendement, vous l’avez sous les yeux. Je souhaiterais qu’il y ait un rapport d’information sur l’évaluation des programmes de coopération européenne dans le secteur de la défense avec deux « fléchages » importants : un premier sur l’industrie de l’armement, et un deuxième sur la recherche.

M. Jean-Charles Larsonneur, rapporteur pour avis. Mon opinion est convergente, évidemment, sur le fond. Je crois que c’est une opinion partagée par beaucoup de nos collègues députés ici, la vigilance sur les coopérations de défense est absolument essentielle ; j’en ai parlé lors de mon intervention, vous pouvez également aller voir dans mon rapport, une longue partie y est consacrée. Vous avez raison d’être vigilant, comme disait De Gaulle, « les traités sont comme les roses et les jeunes filles, ça dure ce que ça dure ». Nous sommes appelés, je pense, à nous saisir nous-mêmes de cette question. C’est ce que nous faisons, de même que la commission des Affaires européennes : elle a lancé une mission d’information sur le sujet. Alors que la commission des Affaires européennes est saisie, demander un nouveau rapport me parait superfétatoire. Donc, demande de retrait.

M. Joaquim Pueyo. Je ne retire pas cet amendement.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur pour avis, la commission rejette l’amendement II-DN3. Elle examine ensuite l’amendement II-DN10 de M. Pueyo

M. Joaquim Pueyo. Il me semble que c’est un rapport que nous avions déjà demandé l’année dernière. Il s’agit d’une évaluation de la politique d’équipement de la France, et notamment de ses coûts, en comparaison avec nos alliés européens et au sein de l’OTAN. Plusieurs questions ont été posées à ce sujet-là. Il est toujours utile de se comparer, bien que ce soit difficile, avec les autres pays de l’Union européenne ou de l’OTAN. Cela permettrait de faire un point sur les négociations des contrats d’armement en cours de discussion avec les industriels.

M. Jean-Charles Larsonneur, rapporteur pour avis. Suivant la même approche que celle que j’ai adoptée au sujet du précédent amendement, je formule une demande de retrait de cet amendement.

M. Joaquim Pueyo. Je confirme cet amendement.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur pour avis, la commission rejette l’amendement II-DN10. Elle examine ensuite l’amendement II-DN11 de M. Pueyo.

M. Joaquim Pueyo. Je vais retirer cet amendement – je ne vais pas alourdir la réunion –, car le rapporteur a donné suffisamment d’informations et a quasiment répondu, dans son rapport, à mon amendement.

L’amendement II-DN11 est retiré.

Après l’article 73

La commission examine l’amendement II-DN8 de M. Pueyo.

M. Joaquim Pueyo. Il s’agit d’un rapport sur les cadets de la défense. C’est dommage que Marianne Dubois ne soit pas là, car je pense qu’elle aurait voté cet amendement. On parle beaucoup des cadets de la défense, il y a d’ailleurs eu une loi sur les cadets de la défense qui a été votée sous l’ancienne mandature, mais je crains que, depuis une dizaine d’années, on n’en ait pas fait évoluer les effectifs. J’aimerais que l’on consacre une étude approfondie à ce dispositif très intéressant, opérée en lien avec l’éducation nationale.

M. Philippe Michel-Kleisbauer, rapporteur pour avis. Je rejoins ce que viens de dire Joaquim Pueyo. Mais la réalité est que cela doit s’intégrer dans la réforme globale du service national universel souhaitée par le président de la République. Il serait donc, peut-être, plus opportun d’attendre d’en connaître plus sur les modalités définitives du SNU avant de commander de nouveaux rapports sur la question. Donc, avis défavorable.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur pour avis, la commission rejette l’amendement II-DN8.

Après l’article 74

La commission examine l’amendement II-DN14 de M. Lachaud

M. Alexis Corbière. Il s’agit du débat qui concerne le service national universel. Nous demandons qu’il y ait un rapport sur l’impact sur les finances publiques de sa mise en place. Ce service national universel a pour ambition de créer un service d’un mois pour tous les jeunes âgés de 18 à 21 ans. Au-delà des critiques qui ont pu être formulées sur le SNU, qui serait bien trop court pour être efficace, nous craignons qu’il ne nécessite de mobiliser des moyens considérables. Des moyens humains d’abord : il rassemblera chaque année 650 000 à 700 000 jeunes ; un ratio d’encadrement de 1 pour 4 ou 5 nécessiterait entre 130 000 et 150 000 personnes, soit la mobilisation constante de 11 000 à 15 000 cadres des ministères contributeurs. Le président du G2S – une association réunissant des officiers généraux de l’armée de terre ayant récemment quitté le service actif –, Alain Bouquin, estime que jusqu’à 20 000 militaires seraient concernés durant les mois de juillet et août. Le SNU risque de ne pouvoir être étalé complètement sur l’année ; ce pic estival va donc poser quelques problèmes. Nous souhaitons, à travers cet amendement, obtenir davantage de précisions sur le financement du service national universel et sur son impact réel sur les finances publiques, en particulier sur la mission « Défense ». 

M. Philippe Michel-Kleisbauer, rapporteur pour avis. Il me paraît prématuré de demander un rapport sur les conséquences sur les finances publiques de la mise en place du service national universel, alors même que nous n’en connaissons pas encore les modalités. De plus, un grand nombre de travaux ont d’ores et déjà évalué l’impact financier des différents scénarios. En outre, un rapport du groupe de travail présidé par le général Daniel Menaouine, nouveau directeur du service national jeunesse au sein du ministère des Armées, a bien été publié. L’heure ne paraît pas propice à la production d’un nouveau rapport sur le sujet. Comme pour le sujet précédent, attendons d’en savoir plus avant de proposer ce rapport. Donc demande de retrait.

M. Fabien Gouttefrade. Mon groupe émettra un avis défavorable. J’ajouterai à ce qu’a dit Monsieur le rapporteur, Monsieur Corbière, que nous sommes en plein dans une campagne de consultation auprès de la jeunesse. Elle se termine dans quelques semaines. Contrairement à ce que vous pouvez peut-être imaginer, nous prendrons en compte les conclusions de cette grande consultation, ce qui pourra influer sur la structuration du service national universel en tant que tel et donc sur son coût. Il nous paraît donc inopportun de demander un rapport avant mars 2019.

M. Alexis Corbière. Je m’excuse, chers collègues, je ne le retirerai pas, mais j’observe de ce qui a été dit que vous n’êtes pas favorables à ce stade mais plutôt favorables un peu plus tard. Pour la beauté du débat et l’intérêt général, nous le maintiendrons, mais nous noterons aussi que vous serez à nos côtés quand nous le demanderons dans quelques mois.

M. le président. Avant de passer au vote, je préciserai simplement que, depuis le remaniement ministériel, il y a un secrétaire d’État qui s’occupe de ce dossier et qu’il est rattaché au ministère de l’Éducation nationale et de la jeunesse. Vous avez entendu les propos du général Lecointre qui a dit que s’il y avait, dans l’état actuel des choses, une intervention des armées, ce serait pour la formation des encadrants de ce système. C’est sur ce scénario que travaillent les armées, mais l’on pourra demander, effectivement, un point plus détaillé quand il y aura des décisions de prises.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur pour avis, la commission rejette l’amendement II-DN14.

Elle examine ensuite l’amendement II-DN15 de M. Lachaud.

M. Bastien Lachaud. Cet amendement est une demande de rapport – car nous n’arrivons pas à obtenir une commission d’enquête, malgré près d’une centaine de signatures de députés de tous groupes – sur la question des ventes d’armes françaises à l’Arabie saoudite et l’impact qu’aurait sur nos finances publiques un moratoire sur ces ventes. Aujourd’hui, la France vend des armes à l’Arabie saoudite. Plusieurs organisations non gouvernementales supputent que ces ventes se font en contradiction avec les articles 6 et 7 du traité sur le commerce des armes, qui interdit de vendre des armes qui seraient susceptibles de commettre des crimes de guerre. Or, la commission de crimes de guerre au Yémen par les armées saoudiennes et émiraties est confirmée par le rapport des experts de l’ONU publié à la fin du mois d’août. Le Parlement européen lui-même – vous qui aimez tant les décisions européennes – a demandé aux États membres de cesser de vendre des armes tant à l’Arabie saoudite qu’aux Émirats arabes unis. Nous souhaitons donc que ce rapport puisse déterminer quelles seraient les conséquences sur les finances publiques de la décision d’un moratoire sur la vente de ces armes.

M. Jean-Charles Larsonneur, rapporteur pour avis. Un point sur le fond de la question et un point sur l’économie de votre amendement. Sur le fond, le contrôle par l’exécutif des ventes d’armement est extrêmement strict. Le principe est bien la prohibition de tout commerce d’armes, sous la surveillance par l’État. Des dérogations au cas par cas, matériel par matériel et pays par pays sont accordées par le Premier ministre, qui statue en opportunité. Il bénéficie pour prendre ses décisions de l’appui de la commission interministérielle pour l’étude des exportations de matériels de guerre (CIEEMG), qui instruit ces demandes et permet de croiser les points de vue des affaires étrangères, de la défense, de l’économie. À titre strictement personnel, je trouve qu’il pourrait être intéressant de poursuivre la réflexion sur une meilleure information du Parlement sur ces questions. Par exemple, pourquoi ne pas, comme cela avait déjà été proposé dans plusieurs rapports, proposer la présence d’un député et d’un sénateur, à titre d’observateurs, au sein de la CIEEMG ?

Sur votre amendement en lui-même, j’y vois un problème fondamental : il porte sur l’impact budgétaire qu’aurait pour les finances publiques un moratoire sur les ventes d’armes à l’Arabie saoudite et aux Émirats arabes unis. Or, il n’y a pas d’impact budgétaire direct de ces contrats de vente sur les finances publiques : ce sont les industriels qui vendent, et non l’État. Je ne crois pas bon de laisser penser que l’État lui-même tirerait quelque bénéfice direct des ventes d’armes, quel que soit le client considéré. À ce titre, j’émets un avis défavorable.

M. Jacques Marilossian. Je suis aussi choqué par la formulation : je ne vois pas en quoi un impact budgétaire sur les finances publiques déciderait de notre position quant à la vente, ou non, d’armes à l’Arabie saoudite. Savoir si vendre des armes à l’Arabie saoudite est bien ou n’est pas bien, cela se tranche facilement et nous n’avons pas besoin, pour ce faire, d’en connaître l’impact budgétaire. Vous mélangez, très curieusement, une question morale –vendre ou ne pas vendre des armes à l’Arabie saoudite –, et une question budgétaire. Je suis très choqué par cette approche.

M. Bastien Lachaud. Non, vendre des armes à l’Arabie saoudite n’est pas une question morale, c’est une question de géopolitique et de stratégie : nous décidons quels sont nos alliés et à qui nous vendons des armes ou non. C’est une décision politique. La morale peut y intervenir, mais elle est secondaire, elle passe après la géopolitique.

Quant aux effets sur les finances publiques, Monsieur le rapporteur pour avis, j’espère qu’ils existent, sinon cela voudrait dire que les entreprises qui fabriquent et qui vendent ces armes ne payent pas l’impôt. L’impôt sur les sociétés dépend bien des recettes de ces entreprises. La vente de plusieurs centaines d’avions ou de tanks représente beaucoup d’argent, qui, j’espère, contribue à l’impôt. À moins que vous ne nous expliquiez que Dassault, Airbus et d’autres entreprises qui vendent des armes à l’Arabie saoudite sont des fraudeurs fiscaux. Mais, dans ces cas-là, il faudrait peut-être l’assumer. Et dans ce cas, un rapport sur l’impact de ces ventes sur les finances publiques est d’autant plus important.

M. le président. Chers collègues, arrêtons de parler de gros chiffres, l’Arabie saoudite n’est pas le seul acheteur d’armes françaises, il y en a même de plus importants.

M. Bastien Lachaud. C’est le deuxième pays auquel nous vendons des armes !

M. le président. Non, regardez les chiffres sur le rapport que vous avez reçu, vous verrez que, sur le long terme, ce n’est pas le cas.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur pour avis, la commission rejette l’amendement II-DN15.

 

 


—  1  —

   annexe :

Liste des personnes auditionnées par le rapporteur pour avis et déplacements

(Par ordre chronologique)

● Auditions à Paris

  Service du commissariat des armées  M. le commissaire général hors classe Stéphane Piat, directeur central.

  Service des essences des armées  M. l’ingénieur général de 1ère classe Jean-Charles Ferré, directeur central, M. l’ingénieur général de 2e classe Jérôme Lafitte, directeur central adjoint, et M. l’ingénieur en chef de 1ère classe Jean-Philippe Blanchard, sous-directeur des affaires financières.

  Secrétariat général pour l’administration – M. le contrôleur général des armées Jean-Paul Bodin, secrétaire général pour l’administration, et M. le colonel Franck Mollard, chef de cabinet du secrétaire général pour l’administration.

  Service spécialisé de la logistique et du transport  M. le commissaire en chef de 1ère classe Nicolas Fourcade, directeur.

 

 Déplacement à la direction de l’exploitation et de la logistique pétrolière interarmées (DELPIA) à Nancy

   M. l’ingénieur général de 2ème classe Patrice Gobin, directeur, et les personnels rencontrés sur place.

 Déplacement à la base pétrolière interarmées (BPIA) à ChalonsurSaône

  M. l’ingénieur général de 2e classe Jérôme Lafitte, directeur central adjoint du service des essences des armées, M. le colonel Pascal Boulling, directeur de la base pétrolière interarmées, et les personnels rencontrés sur place.

● Déplacement au centre d’expertise pétrolière interarmées (CEPIA) à Marseille

  M. l’ingénieur en chef de 1ère classe Luc Gruel, directeur, M. l’ingénieur en chef de 2ème classe Hugues Gaultier de la Ferrière, directeur adjoint, et les personnels rencontrés sur place. 


([1])  On peut citer, entres autres, le rapport d’information des sénateurs Yves Krattinger et Dominique de Legge en 2014 et le rapport d’information du député François Cornut-Gentille en 2017.

([2])  Ce chiffre résulte de 650 millions de dotation initiale pour les OPEX, de 100 millions de dotation initiale de titre 2 pour les OPINT et de 40 millions d’euros de fonds de concours, notamment de la part de l’ONU et de l’OTAN.

([3]) Instruction n°7538  relative au processus ministériel de préparation, de conduite et de suivi des projets d’externalisation ou de régie rationalisée optimisée du 12 mars 2018.  

([4]) Les travaux réalisés outre-mer et à l’étranger continuent d’être conduit directement par la SID.  

([5]) Rapport d’information n° 673 de MM. Yves Krattinger et Dominique de Legge, « Les externalisations en opération extérieure : un outil à manier avec précaution », fait au nom de la commission des Finances, déposé le 2 juillet 2014.

([6]) Rapport d’information n° 673 de MM. Yves Krattinger et Dominique de Legge, « Les externalisations en opération extérieure : un outil à manier avec précaution », fait au nom de la commission des Finances, déposé le 2 juillet 2014.

([7]) Établissement public à caractère industriel et commercial, l’Économat des armées (EdA) est un prestataire de services dans le champ des soutiens aux forces armées. Ses principales activités concernent l’approvisionnement alimentaire, la restauration, la gestion de camps et l’organisation d’évènements.

([8]) En audition, le directeur central du SCA a indiqué au rapporteur pour avis que le mode de calcul retenu aurait pu être à l’origine d’une évaluation sous-estimée des gains attendus sur ce projet.

([9])  Il s’agit de l’instruction n° 7538 du 12 mars 2018 relative au processus ministériel de préparation de conduite et de suivi des projets d’externalisation ou de régie rationalisée.

([10]) Le recours aux contrats de partenariat est régit par l’ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 et le décret n°2016-360 du 25 mars 2016.

([11])  La valeur du marché doit être supérieur à un seuil prévu à l’article 151 du décret n° 2016-360 du 25 mars 2016.

([12]) Le risque sur le transport stratégique a notamment été souligné par le rapport d’information de M. François Cornut-Gentille en mars 2017 (n° 4595).

([13]) Les personnes auditionnées ont indiqué se référer aux instructions n° 2595 et n° 2596 du 26 mars 2013 relatives au processus ministériel de suivi des démarches de rationalisation optimisée du fonctionnement en régie ou d’externalisation.

([14]) La pondération de chaque critère dans la décision d’attribution d’un marché varie selon les marchés. Le candidat qui offre le meilleur prix sera le plus souvent retenu pour les marchés les plus simples, tandis que la satisfaction aux critères techniques devient primordiale pour les marchés les plus complexes.  

([15]) Cahier des clauses particulières (ccp) accord-cadre à bons de commande n° 18/019 du 12 février 2018 (Issu de documents fournis par le SCA)

([16]) À nouveau, l’avis budgétaire précité de M. Jean-Charles Larsonneur sur le projet de loi de finances pour 2018 offre une synthèse complète de ces enjeux.

([17]) Ces frais financiers sont plus importants que si l’État avait supporté l’investissement, car les opérateurs privés sont soumis à des taux d’intérêts supérieurs aux taux souverains auxquels l’État s’endette. 

([18]) Paul Kaeser, « La sécurité énergétique des armées françaises. Le soutien pétrolier à l’heure de la transition », étude de l’Institut français des relations internationales, Focus stratégique n°66, mars 2016.

([19]) On pense, notamment, au ministère de l’Intérieur pour l’approvisionnement des forces de la gendarmerie et de la police nationale.

([20]) Les réservoirs souples (RS) permettent le stockage de carburant sur les plateformes (capacités fixes d’un volume de 40 à 300 m 3) et en dehors des plateformes pour des missions spécifiques (capacités mobiles d’un volume de 1 000 à 1 900 litres).

([21]) Il s’agit du compte de commerce n° 901 qui, au 1er janvier 2016, a pris le titre d’ « Approvisionnement de l’État et des forces armées en produits pétroliers, biens et services complémentaires ».

([22]) Plus précisément, il s’agit de l’article 46 de la loi n° 2015-1785 du 29 décembre 2015 de finances pour 2016.

([23]) Une partie des opérations d’infrastructure lourde est également assurée par le programme 723 « Opérations immobilières et entretien des bâtiments de l’État ».

([24]) Cette mission échoit à l’adjoint interarmées soutien pétrolier (AISP) qui assure la tutelle fonctionnelle du soutien pétrolier en opérations.

([25])  Les personnels du CEPIA gèrent aujourd’hui près de 200 codes produits différents.

([26]) Improvised explosive device (IED).

([27]) À titre de comparaison, la bande sahélo-saharienne (BSS), sur laquelle se déroule l’opération Barkhane est grande comme l’Europe.

([28]) Les camions citernes tout terrain camion benne hydraulique (CBH) assurent le transport de carburant entre les différentes plateformes en opération. Ils ont un âge moyen de 22 ans.  

([29]) Les camions avitailleurs « territoire d’opération extérieure » (TOE) assurent l’avitaillement des avions sur les bases aériennes projetées ou sur les bases aériennes d’outre-mer. Ils ont un âge moyen de 23 ans.  

([30]) Le carburéacteur est un carburant pour turbomachines d’aviation.  

([31]) Cette politique tarifaire est basée sur le calcul d’un coût unitaire moyen pondéré (CUMP), en référence à la norme comptable n° 8 de l’État de valorisation du stock.  

([32]) En particulier, la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte fixe des objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre de 40 % d’ici à 2030 et de réduction de moitié de la consommation d’énergie d’ici 2050 par rapport à 2012.

([33]) Vidange des réservoirs d’un gros porteur permettant de réutiliser le carburant ainsi récupéré pour des usages aéronautiques ou terrestres.

([34]) Modular Combined Petroleum Unit (MCPU).

([35]) Le besoin en énergie électrique de mobilité se concentre dans le domaine du service courant : flotte des véhicules de liaison urbains et chalands multi-missions Cigale.

([36]) La totalité des ingénieurs militaires du service est formée au sein de l’IFP Énergies nouvelles, ancien Institut français du pétrole, et acquiert un solde socle de connaissances sur les produits pétroliers, les motorisations de tous types, la compatibilité du couple moteur/fluide et le marché des énergies au sens large.

([37]) Camion benne hydraulique (CBH).

([38]) Territoire opération extérieure de nouvelle génération (TOE NG).

([39]) Camion de Ravitaillement Avancé Pétrolier à Capacité Étendue (CaRAPACE).

([40]) Ces contraintes financières risquent d’avoir un impact sur la maintenance et sur la mise aux normes des infrastructures du SEA.

([41]) Compte tenu de l’embasement de la base pétrolière interarmées (BPIA) au sein du groupement de soutien de la base de défense (GSBdD) de Besançon, la trajectoire intègre un transfert d’effectifs de 22 personnels militaires et 7 personnels civils du SEA vers le Service du commissariat des armées (SCA). En 2019, le schéma d’emploi est donc de -12 ETP (+10-22) pour le personnel militaire et de -7 ETP pour le personnel civil.

([42]) Sont actuellement à l’étude les applications militaires du gaz naturel liquéfié et de l’hydrogène, le remplacement des carburants fossiles par des carburants de synthèse et les problèmes de compatibilité entre la défense et les directives européennes sur la protection de l’environnement, notamment dans le domaine de la politique du carburant unique.

([43])  La décision du conseil 2018/340 du 6 mars 2018 a établi une liste de 17 projets au sein de la CSP, dont celui de la « fonction opérationnelle énergie ».

([44])  Deux autres projets, visant à mieux maitriser la chaîne logistique des batteries embarquées et à renforcer les outils de planification et d’analyse dans le domaine de l’énergie opérationnelle, correspondent à des propositions de la France soumises à l’approbation des autres participants.

([45]) Afin de répondre au mieux aux besoins des forces et de les anticiper, le SEA dispose d’officiers de liaison au sein de l’état-major des armées et de chaque état-major d’armée.