N° 1306

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 12 octobre 2018.

AVIS

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DE LA DÉFENSE NATIONALE ET DES FORCES ARMÉES
SUR LE PROJET DE LOI de finances pour 2019 (n° 1255)

 

TOME VIII

 

 

SÉCURITÉS

 

GENDARMERIE NATIONALE

PAR Mme Aude BONOVANDORME

Députée

——

 

 

 Voir le numéro : 1302 (annexe 39)


 


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SOMMAIRE

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 Pages

introduction

Première partie : Les crédits relatifs à la gendarmerie dans le projet de loi de finances pour 2019

I. les difficultés de l’exercice 2018 conditionnent la construction du budget 2019

A. Une gestion compliquée

B. La construction du budget 2019

C. L’après 2019

II. les crédits prévus en 2019 pour la gendarmerie

A. Le montant des crédits et leur évolution

B. La répartition des crédits par titre

1. Les dépenses de personnel

2. Les dépenses de fonctionnement

3. Les dépenses d’investissement

4. Les dépenses d’intervention

III. Les grandes orientations du programme « Gendarmerie nationale »

A. Sur le périmètre « ressources humaines »

B. Sur le périmètre « hors ressources humaines »

1. Les moyens mobiles

2. Le parc immobilier

3. Les systèmes d’information et de communication

4. Les missions de la gendarmerie mobile

Deuxième partie : La gestion de crise par la gendarmerie nationale

I. Pour répondre aux crises, la gendarmerie nationale a mis en place un dispositif performant

A. la chaîne de gestion de crise de la gendarmerie nationale

1. De l’échelon tactique au niveau local jusqu’à l’échelon stratégique au niveau central

2. Le centre de planification et de gestion des crises : une unité de soutien à la gestion de crise

B. Un spectre interventionnel complet face aux crises

1. Les différents niveaux d’intervention de la Gendarmerie

2. Le renforcement des capacités d’intervention du haut du spectre face à la menace terroriste

3. La centralité du soutien opérationnel

II. L’hétérogénéité des crises met à l’épreuve la gendarmerie nationale

A. les crises d’aujourd’hui par rapport aux crises d’hier

1. Un durcissement des crises

2. Des crises nouvelles et plus fréquentes

B. les grandes familles de crises supposant une gestion spécifique

1. Les grandes classifications des crises

2. La gestion de la crise terroriste

3. La spécificité des crises en outre-mer

III. la gestion de crise suppose une manœuvre globale au sein de laquelle la gendarmerie occupe une place centrale

A. une institutionnalisation de la coopération avec la police nationale à approfondir

B. une manœuvre intégrée avec les autres services de l’état

C. une relation de confiance réciproque avec les autorités locales

D. une coopération internationale qui se développe

IV. une nouvelle doctrine de la gestion de crise par la gendarmerie nationale se dessine progressivement

A. adapter les moyens humains à la gestion de crise

B. doter la gendarmerie de moyens matériels importants

C. gagner en anticipation pour assurer la planification opérationnelle

D. s’assurer de capacités de soutien fiables

E. développer une culture de la communication

Troisième partie : Principales conclusions de la rapporteure pour avis

TRAVAUX DE LA COMMISSION

I. audition du général richard lizurey, directeur général de la gendarmerie nationale

II. EXAMEN des crÉdits

annexe  Liste des personnes auditionnées par la rapporteure pour avis et déplacements


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   introduction

Le projet de loi de finances pour 2019 s’inscrit dans une ambition de « remontée en puissance » de la gendarmerie nationale, ambition que le Gouvernement n’entend pas réserver qu’aux armées. En tout, ce sont 8,94 milliards d’euros en crédits de paiement qui seront alloués à la gendarmerie en 2019, soit 2,1 % de plus que l’année dernière. Pour la deuxième année consécutive, les moyens proposés sont en phase avec une des grandes priorités du Gouvernement et de la majorité : assurer la protection de la France et des Français.

Les ressources ainsi prévues permettront de reconstituer des capacités profondément mises à mal au cours de la dernière décennie. Les principales mesures de ce budget comprennent la création de 643 ETP ([1]) conformément à la trajectoire fixée par le président de la République, les moyens supplémentaires accordés à la réserve opérationnelle, la sanctuarisation des ressources allouées à la réhabilitation du parc immobilier, le déploiement du logiciel de paie « Agorh@ Solde » et la poursuite de l’effort de mutualisation, notamment dans le cadre de deux projets : la direction du numérique du ministère de l’Intérieur et le service ministériel des achats.

La rapporteure pour avis n’ignore pas que l’effort engagé ne pourra permettre, en seulement deux années, de rattraper les retards accumulés. Ceci est d’autant plus vrai que l’objectif de renouvellement de 3 000 véhicules ne devrait pas être atteint cette année et est revu à la baisse pour 2019. Ce budget participe néanmoins, il faut le reconnaître, d’un véritable redressement de la gendarmerie, qui méritera d’être poursuivi dans la durée.

Les travaux menés dans le cadre de cet avis ont par ailleurs été l’occasion de mettre l’accent sur une mission pour laquelle la gendarmerie dispose d’une compétence reconnue : la gestion de crise. Seuls les principaux enseignements tirés seront évoqués ici.

La gestion de crise par la gendarmerie ne peut aujourd’hui faire l’économie d’une approche globale qui associe l’ensemble des acteurs concernés, la police, la justice, la sécurité civile, mais aussi les autorités locales. De l’implication de la préfecture de région à Notre-Dame-des-Landes à l’engagement des élus sur les îles de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy, les acteurs locaux sont en mesure d’apporter un appui décisif à l’action de la gendarmerie nationale.   

La rapporteure pour avis souhaite également rappeler le caractère indispensable du soutien dans les opérations de gestion de crise, d’autant plus lorsque ces dernières sont d’une certaine ampleur ou d’une certaine durée. La contribution des soutiens à la solidité et à la réactivité de notre modèle est au cœur des retours d’expérience réalisés à la suite de la gestion de la crise Irma comme de l’opération menée à Notre-Dame-des-Landes. Il en ressort que toute velléité de remettre en cause le caractère intégré ainsi que la militarité de la partie la plus opérationnelle du soutien doit être écartée.

Enfin, ce rapport est l’occasion d’attirer l’attention sur le manque de marge de manœuvre qui résulte du haut niveau d’engagement des forces de gendarmerie mobile. L’organisation de grandes opérations réduit les moyens disponibles pour faire face à une crise qui pourrait survenir de manière simultanée. Or, dans les années à venir, la gendarmerie devra faire face à de nouvelles tensions sur certaines ZAD ([2]), à l’organisation de la coupe du monde de football féminin dans plusieurs villes de France à l’été prochain ou encore aux Jeux Olympiques d’été en 2024.  

L’ensemble des travaux conduits par la rapporteure pour avis pointe vers une nécessité : celle d’une loi de programmation pour le ministère de l’Intérieur. Une telle loi est nécessaire pour donner de la visibilité à moyen terme aux gestionnaires – sur le renforcement de la gendarmerie mobile, la réhabilitation du parc immobilier ou encore le renouvellement des véhicules – ainsi que pour donner une vision d’avenir pour la gendarmerie, autour de laquelle chaque gendarme pourra se mobiliser. La première étape est l’élaboration d’un document stratégique qui détermine des objectifs clairs et ambitieux pour les forces de sécurité intérieure. Le ministère des Armées l’a fait. Le ministère de la Justice s’y prépare. C’est désormais au ministère de l’Intérieur de l’envisager.

 

 

 

 

 

 

 

 

La rapporteure pour avis avait demandé que les réponses à son questionnaire budgétaire lui soient adressées au plus tard le 10 octobre 2018, date limite résultant de l’article 49 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances. À cette date, 51 réponses sur 51 lui étaient parvenues, soit un taux de 100 %.


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   Première partie :
Les crédits relatifs à la gendarmerie dans le projet de loi de finances pour 2019

I.   les difficultés de l’exercice 2018 conditionnent la construction du budget 2019

A.   Une gestion compliquée

La gestion budgétaire 2018 du programme 152 « Gendarmerie nationale » a subi les conséquences de plusieurs problèmes au stade de la construction budgétaire de la loi de finances initiales (LFI) pour 2018 et de la loi de programmation des finances publiques (LPFP) pour la période 2018‑2022.

En début d’année 2018, les responsables de la gendarmerie ont dû faire face à une sous-budgétisation des dépenses de personnel à hauteur de 43 millions d’euros par rapport aux besoins réels. Afin d’éviter un dépassement des crédits autorisés par la LFI pour 2018, des mesures de régulation budgétaire prudentielle ont dû être prises. Le gel d’un tiers des crédits de la réserve opérationnelle a ainsi permis de dégager 28 millions d’euros tandis que les mesures de retardement d’entrée en école ont procuré 15 millions d’euros. Bien que regrettables, ces mesures de régulation démontrent que la gendarmerie nationale pilote sa masse salariale de manière responsable.

La gendarmerie a également été confrontée à certaines difficultés portant sur les dépenses hors titre 2. Sans évoquer la réserve de précaution (40 millions d’euros de crédits de paiement) et le remboursement de la « dette loyers » (13 millions d’euros), la direction générale de la gendarmerie nationale a dû faire face à la non‑budgétisation du « coût de sac à dos » ([3]) des recrutements programmés (2,8 millions d’euros) ainsi qu’aux coûts résultant de l’objectif d’engagement en opération de 3 000 réservistes par jour (13,6 millions d’euros). En parallèle, 6,5 millions d’euros d’économies n’étaient pas documentés. En conséquence, la gendarmerie a dû diminuer son budget consacré aux investissements dans les systèmes d’information et de communication, à l’achat de certains matériels, à l’entretien du casernement et à l’entretien automobile.

Les sous-budgétisations de crédits dont la gendarmerie a subi les conséquences en 2018 ont pu être rattachées à la faiblesse de l’outil de budgétisation utilisé par la direction du budget. Le PLF pour 2019 est ainsi l’occasion d’un « rebasage » du budget de la gendarmerie.

B.   La construction du budget 2019

Comme le reconnaissait le général de corps d’armée Laurent Tavel, directeur du soutien et des finances de la gendarmerie nationale, le PLF pour 2019 marque une nette amélioration du budget de la gendarmerie qui résulte de la prise en compte des dépenses sous-budgétisées dans la construction de la LFI pour 2018 et de la LPFP 2018-2022. À cet égard, la rapporteure pour avis souhaite saluer l’action de l’ancien ministre de l’Intérieur, M. Gérard Collomb, qui a su entendre les besoins exprimés par la gendarmerie et les défendre lors des arbitrages interministériels.

Dans un contexte où un effort budgétaire est demandé de la part de chaque administration, la gendarmerie percevra 89 millions d’euros de crédits de paiement (64 millions d’euros sur le titre 2 et 25 millions d’euros sur le hors titre 2) de plus que ce que prévoient les plafonds de crédits fixés par la LPFP telle que votée en 2017. Ces crédits supplémentaires correspondent à une correction technique, et non à la couverture d’une dérive de la dépense liée à un défaut de pilotage. En l’absence de ces mesures nouvelles, la gendarmerie aurait été à nouveau contrainte de dégrader son action opérationnelle, en diminuant le nombre de réservistes et en réduisant les objectifs d’investissement en matériel.  

L’équation budgétaire pour l’année 2019 ne sera pas, pour autant, simple à résoudre pour la gendarmerie. En effet, le PLF pour 2019 intègre, au titre des dépenses hors titre 2, des hypothèses d’économies non-documentées à hauteur de 18,5 millions d’euros, qui pèseront nécessairement sur les investissements.

C.   L’après 2019

Il sera nécessaire de rester vigilant à l’égard des perspectives budgétaires décidées au-delà de 2019. À ce jour, la gendarmerie ne dispose d’aucune garantie que le « rebasage » en hors titre 2 obtenu en 2019 sera reconduit lors des années suivantes, alors même que ces crédits seront amenés à augmenter en raison du niveau élevé de recrutements initiaux programmés pour les prochaines années. À cela, il faut ajouter que certaines dépenses plus difficiles à maîtriser, telles que le carburant et les dépenses de la gendarmerie mobile, connaîtront une progression rapide.

De manière générale, il serait souhaitable de donner une visibilité à moyen terme aux gestionnaires ainsi qu’une vision d’avenir pour la gendarmerie. La rapporteure pour avis propose donc que le ministère de l’Intérieur se dote d’une loi de programmation, à l’instar d’autres ministères régaliens. Comme l’affirmait le général Lizurey, directeur général de la gendarmerie nationale, il est « important de tracer des perspectives. Cela a du sens et ce n’est pas pour rien que les armées se dotent de lois de programmation militaire ». La première étape consisterait à définir des objectifs clairs et ambitieux pour les forces de sécurité intérieure, avant de s’interroger sur les besoins, puis sur les moyens permettant d’atteindre les objectifs ainsi définis.

II.   les crédits prévus en 2019 pour la gendarmerie

A.   Le montant des crédits et leur évolution

Dans le cadre du PLF pour 2019, environ 9,63 milliards d’euros d’autorisations d’engagement (AE) et 8,94 milliards d’euros de crédits de paiement (CP) sont inscrits au titre du programme 152 « Gendarmerie nationale ». Les crédits en AE progressent de +6,8 % par rapport à la LFI pour 2018 ([4]), et les crédits de paiement de +2,1 %.

Ces montants comprennent :

– 9,50 milliards d’euros en AE et 8,81 milliards d’euros en CP, soit respectivement + 6,93 % et + 2,09 % par rapport aux crédits inscrits en loi de finances initiale pour 2018 ;

– et 135 millions d’euros au titre des fonds de concours (FDC) et attributions de produits (ADP) attendus. Le montant des ADP devrait atteindre 100 millions d’euros au titre du remboursement des dépenses de personnel (titre 2) pour les effectifs mis à disposition de divers organismes qui ne participent pas directement à la performance du programme (EDF, Banque de France, etc.). Hors titre 2, 35 millions d’euros devraient venir alimenter le budget de la gendarmerie, au titre notamment de la rémunération de prestations fournies (service d’ordre par exemple).

Le tableau ci-dessous retrace l’ensemble de ces ressources – crédits budgétaires et fonds de concours et attributions de produit. Du fait de leur montant au regard des crédits budgétaires, les fonds de concours et des attributions de produits ne modifient pas fondamentalement les grands équilibres du budget prévu.

Évolution des crÉdits du programme gendarmerie nationale 2018-2019
fonds de concours et attributions de produits compris

(en millions d’euros)

 

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Programme / action

Ouvertes en LFI 2018

PLF 2019

Évolution 2019/2018

Ouverts en LFI 2018

PLF 2019

Évolution 2019/2018

152 Gendarmerie nationale

9 011,74

9 630,26

+6,83 %

8 756,08

8 940,05

+2,10 %

01 Ordre et sécurité publics

3 367,31

3 450,24

+2,46 %

3 367,31

3 450,24

+2,46 %

02 Sécurité routière

734,46

746,12

+1,59 %

734,46

746,12

+1,59 %

03 Missions de police judiciaire et concours à la justice

2 031,04

2 081,41

+2,48 %

2 031,04

2 081,41

+2,48 %

04 Commandement, ressources humaines et logistiques

2 745, 71

3 116,63

+13,51 %

2 490,05

2 426,41

-2,56 %

05 Exercice des missions militaires

133, 21

136,05

+2,13 %

133,21

136,05

+2,13 %

Source : projet annuel de performances 2019 « Sécurités » ; calculs de la rapporteure pour avis ([5]).

B.   La répartition des crédits par titre

Les crédits prévus pour la gendarmerie pour 2019 par nature de dépenses – de personnel, de fonctionnement, d’investissement et d’intervention – se répartissent ainsi :

répartition des crédits du programme 152
hors fonds de concours et attributions de produits

(en millions d’euros)

 

AE

CP

Part dans le programme

AE

CP

Programme 152 – Total tous titres

9 495,66

8 805,45

100 %

100 %

Dépenses de personnel – titre 2

7 474,87

7 474,87

78,7 %

84,9 %

Dépenses de fonctionnement – titre 3

1 845,31

1 149,63

19,4 %

13 %

Dépenses d’investissement – titre 5

170,00

173,96

1,8 %

2 %

Dépenses d’intervention – titre 6

5,49

6,99

0,1 %

0,1 %

Source : projet annuel de performance 2019 « Sécurités » – calculs de la rapporteure pour avis.

1.   Les dépenses de personnel

Classiquement, les dépenses de personnel constituent le poste budgétaire le plus important de la gendarmerie avec 78,7 % des AE et 84,9 % des CP.

Les crédits prévus – d’un montant de 7,5 milliards d’euros environ – permettront :

– de rémunérer les personnels (soldes, indemnités) : 3,67 milliards d’euros environ ;

– d’acquitter les cotisations et contributions sociales : 3,79 milliards d’euros, dont 3,39 milliards d’euros environ versés au compte d’affectation spéciale « Pensions » ;

– de verser diverses prestations sociales et allocations aux personnels : 16,5 millions d’euros.

Il est à noter que le PLF pour 2019 prévoit une enveloppe de 50,03 millions d’euros pour les mesures catégorielles statutaires et indemnitaires au profit des personnels de la gendarmerie. Ces crédits visent, à titre principal, la mise en œuvre des mesures inscrites dans le protocole du 11 avril 2016 pour la valorisation des carrières, des compétences et des métiers dans la gendarmerie nationale (soit 48,52 millions d’euros à ce titre).

2.   Les dépenses de fonctionnement

Les dépenses de fonctionnement, d’un montant de 1,85 milliard d’euros en AE et de 1,15 milliard d’euros en CP, conditionnent la capacité de la gendarmerie nationale à répondre quotidiennement aux attentes de la population en matière de sécurité.

Elles se répartissent en sept agrégats présentés ci-après par ordre décroissant d’importance budgétaire.

● Les dotations relatives à l’immobilier représentent plus de la moitié du budget de fonctionnement de la gendarmerie. Les crédits prévus atteindront 1 390 millions d’euros en AE et 641 millions d’euros en CP en 2019. La majeure partie de ces dotations sont consacrées au paiement des loyers (environ 1 092 millions d’euros en AE et 506 millions d’euros en CP). Les autres dépenses concernent la gestion du parc immobilier (entretien du casernement, nettoyage) et le paiement des contrats de gaz et d’électricité.

● Les crédits liés au « fonctionnement courant lié à l’agent », évalués à 241,4 millions d’euros en AE et à 243,8 millions d’euros en CP, regroupent les dépenses directement liées à l’activité quotidienne et à la gestion des unités de gendarmerie. Ils incluent :

– le fonctionnement courant : fournitures de bureau, alimentation, téléphonie, changements de résidence, etc. ;

– la formation, avec l’accueil de plus de 30 000 stagiaires dans les 23 écoles et centres de la gendarmerie nationale, qui vise à répondre au niveau élevé de recrutements initiaux ([6]) ;

– les frais de déplacement, qui sont en augmentation en raison du haut niveau d’engagement de la gendarmerie.

● Les dépenses consacrées à l’acquisition, au fonctionnement et à la maintenance des systèmes d’information et de communication, qui incluent les télécommunications, l’informatique et les applications, atteindront 77,3 millions d’euros en AE et 85,6 millions d’euros en CP.

● Les crédits d’équipement sont prévus à hauteur de 38,5 millions d’euros en AE et de 80 millions d’euros en CP, afin de couvrir les dépenses liées à l’acquisition d’armes et de munitions, à l’habillement, aux moyens de projection et d’intervention ainsi qu’aux moyens de contrôle, de surveillance et d’analyse.  

● Les moyens mobiles conditionnent la capacité d’intervention et de surveillance de la gendarmerie. Les crédits prévus, estimés à 74 millions d’euros en AE comme en CP, permettront principalement de couvrir les dépenses d’entretien et de réparation de véhicules ainsi que les dépenses de carburant. Les crédits affectés aux dépenses carburant seront augmentés de trois millions d’euros afin de compenser la hausse du coût du carburant liée à la taxe sur le gazole.

● Les moyens lourds de projection et d’intervention bénéficieront de 23,7 millions d’euros en AE et de 24,8 millions d’euros en CP. Consacrés au parc d’hélicoptères de la gendarmerie, ils permettront d’en assurer le maintien en condition opérationnelle (MCO) et le fonctionnement via les dépenses de carburant.

Le taux de disponibilité des hélicoptères de la gendarmerie se maintient aux alentours de 75 %, ce qui représente un taux beaucoup plus élevé que les hélicoptères des autres forces armées ([7]). Le coût du MCO des hélicoptères des trois armées est, quant à lui, supérieur à celui de la gendarmerie, ces dernières engageant leurs hélicoptères, en opérations extérieures, sur des terrains plus âpres.

● Enfin, 0,4 million d’euros de subventions seront attribués à diverses associations et institutions comme, par exemple, le Centre national sur le droit des femmes et des familles ou encore l’Institut national d’études démographiques.

3.   Les dépenses d’investissement

Les dépenses d’investissement s’élèveront à 170 millions d’euros en AE et 174 millions d’euros en CP. Les investissements en matière immobilière et dans le domaine des moyens mobiles représentent la quasi-totalité des ressources prévues à ce titre (cf. infra).

4.   Les dépenses d’intervention

Les 5,5 millions d’euros en AE et 7 millions d’euros en CP permettront d’accorder des subventions d’investissements aux collectivités territoriales qui financent des opérations immobilières de construction de casernements de gendarmerie.

III.   Les grandes orientations du programme « Gendarmerie nationale »

A.   Sur le périmètre « ressources humaines »

● Le plan de renforcement des forces de sécurité intérieure, voulu par le président de la République, prévoit la création de 2 635 emplois dans la gendarmerie sur la période 2018–2022, contre 7 365 emplois dans la police. Après la création nette de 459 emplois au titre de l’année 2018, 643 effectifs seront créés dans la gendarmerie en 2019. Le plafond des emplois autorisés s’élèvera quant à lui à 100 760 équivalents temps plein travaillé (ETPT), dont environ 6 800 officiers, 77 100 sous-officiers et 11 800 volontaires.

Comme l’année dernière, la rapporteure pour avis salue ces augmentations d’effectifs, mais considère que, malgré la création de 54 emplois supplémentaires créés au titre du renseignement territorial, il convient d’envisager, sur la période restante du plan, un rééquilibrage en faveur des forces de gendarmerie. Si le critère du niveau de délinquance est souvent avancé pour justifier la répartition des créations de postes entre la police et la gendarmerie, la rapporteure pour avis considère que le meilleur critère reste celui de la présence des forces sur le terrain, afin d’agir en amont et de prévenir la délinquance.

Au-delà de l’évolution des effectifs, la rapporteure pour avis est soucieuse du moral des gendarmes. Le directeur des personnels militaires de la gendarmerie nationale, le général de corps d'armée Hervé Renaud, déplore un nombre élevé de personnels tués ([8]) ou blessés en service ([9]) qui démontre une dégradation progressive des rapports entre une partie de la population et les gendarmes et qui, en conséquence, nourrit une tension chez les personnels. En dépit de cela, la « colonne vertébrale militaire » que constitue la cohésion née de la formation initiale et de la vie en caserne, ainsi que les valeurs, comme celles incarnées par le comportement héroïque du gendarme Arnaud Beltrame, écarte l’idée d’un malaise collectif au sein de la gendarmerie.

● Contrairement à la LFI pour 2018, le PLF pour 2019 intègre le financement du « coût de sac à dos » des effectifs recrutés.

● Le gel, en début d’année 2018, d’un tiers des crédits de la réserve opérationnelle s’est traduit par un « coup d’arrêt » dans la montée en puissance de cette dernière. Prenant acte de l’impact opérationnel d’une telle mesure, le PLF pour 2019 prévoit une enveloppe supplémentaire de 36 millions d’euros par rapport aux crédits prévus en LFI pour 2018 (98,7 millions d’euros). Cette enveloppe exceptionnelle comprend les montants suivants :

– 17 millions d’euros, qui correspondent au passage au système d’information « Agorh@ Solde », qui se traduit par une accélération des paiements d’un mois et demi ;

– et 19 millions d’euros, afin de tenir l’objectif de près de 3 000 réservistes employés chaque jour sur le dernier quadrimestre de l’année 2018.

Après une année agitée pour les réserves, la rapporteure pour avis considère que ces crédits supplémentaires sont nécessaires pour ne pas décourager la volonté d’engagement des réservistes et pour réaffirmer l’importance de leur rôle dans les missions de la gendarmerie. La rapporteure pour avis appelle également à étudier les solutions permettant d’anticiper le paiement de la solde des réservistes les plus jeunes, dont la situation est la plus fragile.

● L’année 2019 se caractérise par la poursuite du plan de « transformation de postes » d’officiers et de sous-officiers de gendarmerie en emplois de soutien, à hauteur de 300 postes chaque année.

La rapporteure pour avis estime que ces substitutions de postes ne doivent pas avoir lieu uniquement au profit des personnels civils afin de ne pas entamer la capacité de projection des soutiens sur des théâtres de crise (cf. infra). Des études plus approfondies mériteraient également de mettre en évidence le coût comparé des personnels militaires par rapport aux personnels civils dans les corps de soutien techniques et administratifs de la gendarmerie.

B.   Sur le périmètre « hors ressources humaines »

1.   Les moyens mobiles

Conséquence du gel décidé sur les crédits hors titre 2 au début de l’année 2018, seuls 1 700 véhicules sur les 3 000 prévus par la LFI pour 2018 ont pu être commandés. Un éventuel dégel de ces crédits en fin d’année pourrait permettre d’honorer l’engagement de renouveler 3 000 véhicules en 2018. Il faut rappeler que cela correspond au besoin minimal annuel pour assurer le renouvellement du parc compte tenu des critères en vigueur ([10]).

Les crédits consacrés aux moyens mobiles diminueront de cinq millions d’euros en 2019 pour passer de 70 à 65 millions d’euros en AE. Ils permettront à la gendarmerie de commander environ 2 800 véhicules en 2019. Une partie de ces crédits est également dédiée à l’acquisition de moyens nautiques et de véhicules lourds, afin de poursuivre le renouvellement des équipements devenus obsolètes.

Malgré des moyens tout juste suffisants, la rapporteure pour avis constate avec satisfaction un léger rajeunissement du parc de véhicules, dont la moyenne d’âge est passée de 8 ans et 2 mois en 2017 à 7 ans et 4 mois en 2018.

Elle encourage également les nombreuses expérimentations visant à adapter le parc de véhicules de la gendarmerie. Des réflexions sont en cours portant, par exemple, sur l’acquisition et la maintenance de véhicules électriques pour la Garde républicaine, ou encore l’externalisation de la gestion de certains véhicules, notamment les bus, de concert avec la police.

2.   Le parc immobilier

● Les 664 casernes et 30 000 logements domaniaux de la gendarmerie souffrent d’un important retard d’investissement.

Prolongeant le plan de réhabilitation du parc immobilier domanial engagé sous la précédente législature ([11]), le Gouvernement a décidé, en 2019, de sanctuariser le montant des crédits d’infrastructure votés en 2018. En 2019, ces crédits se répartissent de la manière suivante :

– 90 millions d’euros d’AE permettront de réhabiliter près de 4 000 logements, d’enrayer la dégradation du parc et de répondre aux normes de sécurité et de confort réglementaire ;

– 15 millions d’euros d’AE seront consacrés au financement des mesures de sécurisation des casernes.

Si l’effort décidé n’est pas à la hauteur des besoins, qui seraient évalués à environ 300 millions d’euros par an, cet effort permettra d’interrompre la dégradation du parc immobilier de la gendarmerie.

● Par ailleurs, cette dernière dispose d’un parc locatif qui la conduit à s’acquitter, chaque année, de loyers substantiels.

En 2016 et en 2017, un gel des crédits hors titre 2 a porté sur le paiement des loyers, donnant lieu à la constitution d’une « dette loyers » dont le niveau a dépassé les 100 millions d’euros. L’importance prise par cette dette a conduit à la mise en place d’un plan de désendettement de 13 millions d’euros en 2017, poursuivi en 2018.

Un audit interne conduit sur la « dette loyers » auprès des régions de gendarmerie en 2018 a mis en évidence une sur-évaluation du niveau réel de la dette. En 2018, celle-ci s’élève, au niveau national, à 63 millions d’euros en CP. Si l’on soustrait à cette somme les montants correspondant aux baux à échoir, la « dette loyers » n’est plus qu’à 52 millions d’euros en CP.

Les responsables de la gendarmerie jugent désormais le résidu « frictionnel ». Dès lors, le PLF pour 2019 ne prévoit plus de crédits au titre du remboursement de cette dette.  

3.   Les systèmes d’information et de communication

Déployé sur l’ensemble du territoire au 1er janvier 2018, le dispositif NEOGEND a désormais atteint sa vitesse de croisière. Pour rappel, NEOGEND a permis d’équiper les gendarmes d’outils numériques afin d’accroître leur mobilité et leur présence sur le terrain, tout en améliorant l’efficacité de leur action.

L’année 2019 correspondra au déploiement du logiciel « Agorh@ Solde », visant à sécuriser le paiement de la solde des 125 000 militaires d’active et de réserve de la gendarmerie nationale et de leurs ayants droit, tout en renforçant la maîtrise de la masse salariale.

Lors de son déplacement au commandement du soutien opérationnel de la gendarmerie nationale (COMSOPGN), les gendarmes rencontrés par la rapporteure pour avis ont affirmé relever un taux d’erreur très faible sur la base des simulations réalisées et, en conséquence, se sont dits confiants quant à la mise en place de ce logiciel au 1er janvier 2019. Le commandant du soutien opérationnel de la gendarmerie nationale, le général de brigade Olivier Guérif, a souligné l’implication du personnel civil, qui n’a pas ménagé ses efforts pour parvenir à ce résultat.

 

La capacité d’innovation de la gendarmerie

● Les gendarmes, de par leurs activités, font régulièrement face à des situations inédites, pour lesquelles de nouvelles solutions sont nécessaires. La capacité d’innovation de la gendarmerie peut s’apprécier au travers de plusieurs réalisations marquantes dans les domaines des équipements, de la police technique et scientifique et de la transformation numérique.

Dans le domaine des équipements :

– le harnais multifonctions, un harnais d’escalade permettant au porteur, en sus des éléments de sécurité, de fixer tous les éléments nécessaires à l’accomplissement de sa mission ;

– le gilet d’intervention brigade, un gilet d’intervention permettant de fixer des plaques dures à partir d’un système de plaques molles.

Dans le domaine de la police technique et scientifique :

– le « LabADN », un laboratoire d’analyse mobile permettant de réaliser jusqu’à 200 analyses ADN par jour ;

– le « GendSAG », un dispositif de collecte pour l’analyse d’acides nucléiques à partir de traces biologiques ;

– le « NucléiC2ap », un dispositif visant à stocker et archiver, à l’issue d’analyse et dans un minimum d’espace, un nombre important d’échantillons de nature biologique.

Dans le domaine de la transformation numérique :

– l’invention d’un algorithme structurant un système d’analyse prédictive de la délinquance, qui constitue une aide à la décision précieuse. Cet algorithme est déjà expérimenté dans 11 départements et devrait bientôt être généralisé ;

– le développement de près de cinquante applications utilisables par les gendarmes sur NéOGEND, tandis que trente autres sont en cours de préparation.

La capacité d’innovation de la gendarmerie peut également s’apprécier au travers de partenariats européens. Le pôle judiciaire de la gendarmerie nationale (PJGN) est, en particulier, associé à des projets scientifiques majeurs subventionnés par des fonds européens. À titre d’exemple, le projet « Cerberus » vise à développer de nouveaux outils et méthodes permettant d’améliorer le déchiffrement de fichiers chiffrés ou d’empreintes de mots de passe.   

● La protection de ces innovations est devenue un enjeu majeur, à la fois économique et tactique pour la gendarmerie. La gendarmerie tente de protéger sa capacité d’innovation en déposant des brevets qui peuvent, parfois, être à l’origine de ressources non‑fiscales. Ainsi, l’ensemble des inventions précitées dans le domaine des équipements et de la police technique et scientifique ont été brevetées. Le « LabADN » et le « GendSAG » ont fait l’objet d’une licence de brevet signée avec une entreprise qui a permis un retour de 100 000 euros chacune.

● Plusieurs structures sont dédiées à l’innovation au sein de la gendarmerie. Cette dernière dispose notamment de son propre conseil scientifique, qui a pour fonction de renforcer la capacité d’innovation de la gendarmerie en y associant des organismes extérieurs, comme le CNRS, le CEA ou l’ONERA. Par ailleurs, le PJGN comprend en son sein un observatoire national des sciences et des technologies en lien avec la délinquance.

● De nombreux personnels militaires de la gendarmerie ont une formation scientifique ([12]). Pour recruter ses personnels dans un contexte de forte concurrence avec le privé, la gendarmerie propose des parcours de carrière qui permettent d’alterner postes scientifiques et postes de commandement.

Lorsqu’ils occupent des postes scientifiques, les personnels de la gendarmerie se retrouvent principalement au sein du service des technologies et des systèmes d’information de la sécurité intérieure (ST(SI)²), de l’institut de recherche criminelle de la gendarmerie nationale (IRCGN) et du service central de renseignement criminel de la gendarmerie (SCRC). À l’occasion de son déplacement auprès du groupement de gendarmerie départementale de la Somme, la rapporteure pour avis a été très impressionnée par sa rencontre avec les techniciens de la cellule d’identification criminelle (CIC).              

4.   Les missions de la gendarmerie mobile

Le PLF pour 2019 prévoit d’augmenter la dotation de fonctionnement allouée aux forces mobiles de trois millions d’euros par rapport à 2018. Ainsi, la hausse des ressources allouées à la gendarmerie mobile se poursuit pour prendre en compte son engagement accru dans la lutte antiterroriste, la sécurité publique et la lutte contre l’immigration irrégulière. 

Enfin, la rapporteure pour avis tient à souligner l’enjeu qui s’attache au renouvellement des véhicules de la gendarmerie mobile, en particulier des véhicules de commandement et de transmission.

 

 

 


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   Deuxième partie :
La gestion de crise par la gendarmerie nationale

Crise Irma en septembre 2017, évacuation de la zone à défendre (ZAD) de Bure en février 2018, attentat de Trèbes et de Carcassonne en mars 2018, évacuation de la ZAD de Notre-Dame-des-Landes en avril 2018, sécurisation de la consultation sur l’accession à la pleine indépendance de la Nouvelle-Calédonie prévue en novembre 2018 : le nombre de crises, inopinées ou pressenties, survenues pendant l’année écoulée, démontre combien ce type de missions tend à solliciter de plus en plus la gendarmerie nationale.

En 2019, la vigilance des gendarmes ne devrait pas baisser puisque, au‑delà des crises imprévisibles, la gendarmerie nationale anticipe des tensions sur certaines ZAD, comme à Roybon, se prépare à la coupe du monde de football féminin qui aura lieu dans plusieurs villes de France en juin et juillet et s’organise pour sécuriser la tenue du G7 à Biarritz en août.

Pour la gendarmerie nationale, la crise peut être définie comme une situation de déséquilibre majeur qui nécessite d’être gérée par des moyens dépassant ceux du niveau local. Elle peut prendre différents aspects, des grands rassemblements aux opérations de maintien de l’ordre, en passant par les phénomènes climatiques ou les accidents industriels. Si les crises représentent une minorité des faits du quotidien, elles sont souvent spectaculaires et exigent une concentration des moyens pour garantir une réponse adaptée.

Leur gestion, qui est au cœur des missions de la gendarmerie, consiste à mettre en œuvre l’ensemble des capacités, des procédures et des modes d’organisation permettant de revenir à une situation normale sous les plus brefs délais. Si, pour des situations à risque prévisibles, une planification peut être menée en amont, une préparation continue est nécessaire pour gérer au mieux les crises imprévues.

La gestion de crise se nourrit des retours d’expérience (RETEX) établis à la suite de chaque événement, qui permet de tirer des enseignements afin d’améliorer la réponse à une nouvelle crise. Les RETEX successifs font apparaître que, de manière croissante, la résolution des crises passe par une réponse globale et coordonnée associant les différents acteurs, forces de l’ordre, justice, sécurité civile et autorités locales.

I.   Pour répondre aux crises, la gendarmerie nationale a mis en place un dispositif performant

Le dispositif de gestion de crise de la gendarmerie nationale comprend des modes d’organisation ainsi que des capacités, à la fois humaines et logistiques.

A.   la chaîne de gestion de crise de la gendarmerie nationale

Selon le directeur des opérations et de l’emploi de la gendarmerie nationale, le général de corps d’armée François Giéré, la pertinence du modèle de gestion de crise de la gendarmerie nationale repose, non seulement sur une chaîne de commandement identifiée, mais également sur une chaîne de gestion de crise qui obéit aux principes de complémentarité et de subsidiarité des moyens. En vertu de ces principes, la gendarmerie est un système qui s’ajuste à l’ampleur de la crise pour y apporter la réponse la plus adaptée.

Le principal enjeu pour la gendarmerie est de déterminer, le plus en amont possible, la nature et l’intensité de la crise, ainsi que sa cinétique pour prévoir un possible changement de nature, comme dans le cas de l’ouragan Irma, qui a vu le passage d’une crise de sécurité civile à une crise d’ordre public.

1.   De l’échelon tactique au niveau local jusqu’à l’échelon stratégique au niveau central

La chaîne de gestion de crise de la gendarmerie est structurée en miroir de l’organisation étatique, depuis les échelons territoriaux de commandement (ETC) jusqu’au niveau central. Le principe de subsidiarité et de complémentarité des moyens consacrés à la crise s’applique pleinement et le lien entre les différents niveaux, notamment en matière de transmission de directives et de remontée des informations, est permanent. 

● Au plan local, le commandant de groupement de gendarmerie départementale est responsable, sous l’autorité du préfet, de la préparation et de la conduite des opérations de gestion de crise impliquant les forces de gendarmerie.

Pour assurer sa mission de préparation, il dispose d’un centre d’opérations et de renseignement (CORG) qui assure en permanence le suivi des événements, la diffusion des informations vers les échelons compétents et la coopération opérationnelle des interventions. La rapporteure pour avis a eu l’occasion de visiter le CORG d’Amiens, rattaché au groupement de gendarmerie départementale de la Somme, et de rencontrer les personnels qui assurent en continu l’accueil et le renvoi des appels téléphoniques au 17.

Afin d’assurer la conduite des opérations de gestion de crise, le commandement de groupement de gendarmerie départementale peut déployer un poste de commandement opérationnel gendarmerie sur le terrain, qui complète le centre opérationnel départemental (COD) à dimension interservices mis en place par le préfet ([13]).

● L’échelon régional ou zonal appuie le groupement dans sa manœuvre par le déploiement de moyens complémentaires venant renforcer les ressources locales, dont certains sont spécifiquement détenus à son niveau.

Lors de crises ou d’opérations d’importance, le commandant de région ou de zone peut être conduit à prendre le commandement des opérations, le commandant de groupement devenant chef des opérations. À titre d’exemple, à la suite du crash de l’avion de la Germanwings survenu le 24 mars 2015, c’est le commandant de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur (PACA) qui, compte tenu du niveau de la crise, a assuré le commandement des opérations.

● La crise peut aller jusqu’à nécessiter, en raison de sa gravité, de sa sensibilité ou de sa complexité, une prise en compte par l’échelon central. Tel a été le cas, par exemple, lors de la gestion de l’évacuation de Notre‑Dame‑Des‑Landes, qui a fait l’objet d’une implication personnelle de tous les instants du directeur général de la gendarmerie nationale, le général d’armée Richard Lizurey.

Le centre de renseignement opérationnel de la gendarmerie (CROGEND), situé à la direction générale de la gendarmerie nationale (DGGN), assure au profit de l’échelon central le suivi de l’ensemble des événements se déroulant en zone gendarmerie, grâce aux informations que lui communiquent les CORG départementaux.

En situation de crise, le directeur général de la gendarmerie nationale, le major général ou le directeur des opérations et de l’emploi peuvent décider, comme à l’occasion de la crise Irma, l’activation du centre des opérations (CDO). Cette structure légère, composée d’officiers et de sous-officiers spécialistes des crises, prend intégralement en charge la gestion de l’événement au niveau central, permettant ainsi au CROGEND de se recentrer sur le suivi de l’activité quotidienne. Le CDO assure les missions suivantes :

– le recueil et la transmission de l’information vers les échelons supérieurs et subordonnés ;

– la conduite des opérations par l’élaboration, la diffusion et le suivi d’ordres d’opérations ou de directives à destination des échelons territoriaux de commandement (ETC) ;

– l’anticipation de la manœuvre future par le biais de scénarios d’engagement différenciés de niveau stratégique ;

– l’appui aux ETC par la projection d’un état-major et de moyens de gestion de crises du centre de planification et de gestion de crise (CPGC) ([14]).

Enfin, des gendarmes présents au sein de la cellule interministérielle de crise (CIC), qui constitue le centre de décision stratégique de l’action gouvernementale en matière de gestion de crises, assurent le lien entre le CDO et le Gouvernement.

2.   Le centre de planification et de gestion des crises : une unité de soutien à la gestion de crise

Le centre de planification et de gestion des crises est une unité opérationnelle de la direction générale qui intervient, par anticipation et en réaction aux crises, en soutien à toute la chaîne de gestion de crise de la Gendarmerie nationale, tant au niveau central qu’au niveau des ETC :

– au niveau central, le CPGC intervient en aval des crises, en assurant, au sein du CDO, le suivi de la crise et en proposant des options stratégiques au directeur général ;

– au niveau des ETC, il conseille les responsables territoriaux, sans jamais se substituer à ces derniers, en proposant un appui à la gestion de grands événements ou à la préparation d’opérations majeures ou un soutien à la gestion d’une crise inopinée. Dans ce dernier cas, le CPGC peut, grâce à sa composante projetable, disponible en permanence, être projeté au plus près de la crise. Un état‑major complet peut même être fourni au profit des responsables territoriaux confrontés à une situation de crise majeure.

Projeté sur le terrain, le CPGC est en mesure d’apporter l’ensemble des moyens requis pour affronter une crise. Organisé comme un état-major de l’OTAN, il peut déployer des réseaux de communication de circonstance, organiser une manœuvre d’urgence et conduire des opérations d’ordre public, de police judiciaire, de circulation routière ou de logistique opérationnelle.

Composé de personnels formés à la gestion de crise et doté d’équipements performants dans les systèmes d’information et de communication, l’unité est en mesure de se déployer rapidement. Le CPGC met en œuvre notamment un système de cartographie de crise qui permet, en moins de quatre heures, de disposer d’une vision du terrain en temps quasi-réel.

Par ailleurs, cette unité de soutien est en mesure de se déployer dans toutes les conditions, y compris dans des environnements très dégradés, en poursuivant ses missions en totale autonomie. Face à une crise majeure, l’ensemble des moyens de commandement et de communication du CPGC est en effet intégrable dans sa structure d’accueil modulaire déployable (SAMD) ([15]).

Au cours de l’année écoulée, le CPGC a été déployé sur trois événements majeurs : une crise d’ampleur en outre-mer (Irma) et deux opérations de rétablissement de l’ordre public sur le territoire national (évacuation des ZAD de Bure et de Notre-Dame-des-Landes).

La Gendarmerie mène aujourd’hui une réflexion concernant la mise en place de capacités spécifiques de planification et de gestion de crise au niveau zonal, sur le modèle du CPGC au niveau national.

B.   Un spectre interventionnel complet face aux crises

La gestion de crise peut également être abordée sous l’angle des moyens engagés par la Gendarmerie nationale. De ce point de vue, la crise est un événement qui entraîne l’engagement de moyens plus importants que ceux habituellement requis pour faire face aux événements du quotidien.

1.   Les différents niveaux d’intervention de la Gendarmerie

Les unités d’intervention de la gendarmerie se répartissent en trois catégories dont la spécialisation est croissante :

– les unités d’intervention élémentaires regroupent toutes les unités territoriales, de recherche ou de sécurité routière, ainsi que les pelotons de surveillance et d’intervention de la gendarmerie (PSIG) ;

– les unités d’intervention intermédiaire intègrent les 22 pelotons spécialisés de protection gendarmerie (PSPG) situés près des sites nucléaires, les 157 PSIG Sabre ([16]), les 109 pelotons d’intervention des escadrons de gendarmerie mobile (EGM) et les 7 pelotons d’intervention de la Garde républicaine ;

– les unités d’intervention spécialisées incluent les 13 antennes GIGN et le GIGN.

L’ensemble des gendarmes sont, à leur niveau, des acteurs de la gestion de crise. Des unités territoriales jusqu’au GIGN, chaque unité de gendarmerie s’inscrit dans une gradation de moyens permettant de mettre en œuvre des personnels entraînés pour des situations de gravité variable.

Lors de son déplacement à l’antenne GIGN à Reims, la rapporteure pour avis a pu assister à l’organisation d’un exercice de simulation d’une attaque terroriste. Lors de cet exercice, elle a pu observer le déploiement de l’ensemble du spectre interventionnel de la Gendarmerie, des premiers gendarmes départementaux arrivés sur site jusqu’au déploiement par hélicoptère des gendarmes de l’antenne GIGN, en passant par l’intervention des PSIG et des PSIG Sabre. Les gendarmes de l’antenne GIGN parviennent à mettre fin à l’attaque terroriste simulée dans cet exercice, après une mise en pratique remarquable des techniques de négociation, d’effraction et d’assaut en urgence.

2.   Le renforcement des capacités d’intervention du haut du spectre face à la menace terroriste

Depuis 2015, l’intensité de la menace terroriste a conduit à la création de nouvelles unités d’intervention situées dans le haut du spectre.

En raison des coupes claires opérées par la révision générale des politiques publiques (RGPP) ([17]), les unités de gendarmerie mobile restent confrontées à un niveau d’engagement particulièrement élevé, notamment en outre-mer, niveau qui n’est pas amené à diminuer. Si le renforcement de la gendarmerie mobile se poursuit – à ce titre, la rapporteure pour avis salue la hausse de la dotation de fonctionnement allouée aux forces mobiles en 2018, puis à nouveau en 2019 –, de nouvelles unités au mode d’action complémentaire ont été créées afin de répondre spécifiquement au risque terroriste.

● Dans le cadre de la lutte antiterroriste, certains PSIG ont été requalifiés en PSIG « Sabre » et ont vu leur capacité d’intervention renforcée. Ils bénéficient d’une formation et d’un équipement renforcé avec notamment : les nouveaux fusils HK G36, des éléments de protection balistique (gilets portes‑plaques et casque à visière pare-balles) et de nouveaux véhicules types Sharan.

Les PSIG Sabre ont été conçus comme une réserve opérationnelle rapidement disponible en tout point du territoire ayant vocation à intervenir sur une attaque terroriste dans l’attente de l’arrivée des unités d’intervention plus spécialisées. À la fin de l’année 2018, les 157 PSIG Sabre initialement prévus devraient être intégralement opérationnels. 

L’implantation des PSIG Sabre sur le territoire national

● La création des antennes du GIGN (AGIGN) en 2016 répond à la volonté de renforcer le maillage territorial des unités spécialisées et de raccourcir les délais d’intervention en cas d’attaque terroriste. Insérées dans la chaîne d’intervention de la Gendarmerie nationale, les AGIGN ont vocation à intervenir lorsque les moyens nécessaires dépassent ceux à disposition des PSIG et des EGM ou pour appuyer le GIGN lors de certains engagements. En pratique, les AGIGN ont pour principales missions les interpellations judiciaires (domiciliaires ou en milieu ouvert), les arrestations de forcenés, les escortes de détenus dangereux, la lutte contre la criminalité organisée et le contre-terrorisme.

Rattachées organiquement à leur région de gendarmerie zonale, les antennes métropolitaines sont placées sous le commandement opérationnel du GIGN. Ainsi qu’a pu le constater la rapporteure pour avis lors de son déplacement à l’AGIGN de Guyane, les AGIGN ultramarines ([18]) disposent d’une plus grande autonomie et d’un domaine d’action élargi. En raison de l’éloignement géographique et du temps d’acheminement du GIGN, les AGIGN d’outre-mer doivent pouvoir réaliser toutes les missions d’un niveau d’intervention spécialisée.

Pour chaque incident pour lequel les AGIGN sont sollicitées, l’information remonte vers le GIGN qui décide du niveau d’intervention le plus approprié. Les personnels des AGIGN sont soumis à un régime d’alerte et sont disponibles en permanence : ils doivent être prêts à partir en intervention en moins de trente minutes. Chaque AGIGN métropolitaine est composée de 32 personnels dont la formation a été assurée par le GIGN.

Les AGIGN, qui sont au nombre de treize, sont réparties sur l’ensemble du territoire national, en métropole comme en outre-mer.

L’implantation des AGIGN sur le territoire national

3.   La centralité du soutien opérationnel

Le soutien opérationnel participe à la résilience des forces de gendarmerie engagées sur le terrain. Il se décompose en plusieurs missions situées à différents niveaux de la chaîne logistique :

– la préparation de la manœuvre et des équipements à acheminer ;

– le transport des équipements au plus près des vecteurs d’embarquement ;

– le soutien logistique sur place ;

– l’équipement des unités opérationnelles.

Lors de son déplacement au commandement du soutien opérationnel de la Gendarmerie nationale situé au Blanc, dans l’Indre, la rapporteure pour avis a pu rencontrer les personnels du service de soutien à la projection opérationnelle (SSPO). Comme l’expliquait le général Olivier Guérif, ces gendarmes ont pour mission d’assurer, de manière réactive et flexible, le soutien logistique des unités engagées dans des situations de crise, à l’étranger ou sur le territoire national. Ils ont assuré un appui au profit des unités de la Gendarmerie sur les ZAD de Bure et de Notre-Dame-Des-Landes ainsi qu’aux gendarmes déployés à Saint-Martin et à Saint-Barthélemy dès le lendemain du passage des ouragans Irma et Maria.

L’ensemble des gendarmes engagés sur des missions opérationnelles rencontrés par la rapporteure pour avis ont en partie attribué la réussite de leur opération à la fiabilité du soutien opérationnel sur lequel ils ont pu compter. Ainsi, le colonel Richard Caminade, qui a commandé l’opération d’évacuation de la ZAD de Notre-Dame-Des-Landes a salué l’efficacité de « la chaîne logistique militaire de la gendarmerie qui a permis d’approvisionner, d’équiper, de ravitailler, d’héberger et de nourrir une force de 2 500 personnels ».

De même, le général de brigade Jean-Marc Descoux, coordonnateur des opérations des forces de sécurité à Saint-Martin et à Saint-Barthélemy, a rappelé, qu’en dépit des ravages provoqués par le passage des ouragans Irma et Maria, la Gendarmerie est parvenue à recréer rapidement une chaîne logistique complète, des systèmes d’information et de communication (SIC) jusqu’à l’habillement. 

II.   L’hétérogénéité des crises met à l’épreuve la gendarmerie nationale

A.   les crises d’aujourd’hui par rapport aux crises d’hier

1.   Un durcissement des crises

Depuis plusieurs années, la Gendarmerie est confrontée à une résurgence de la violence à l’occasion des opérations de maintien de l’ordre. Ainsi que l’affirme le colonel Richard Caminade, cette violence peut se manifester aussi bien dans le cadre d’une manifestation, par l’infiltration d’éléments radicaux, qu’en dehors de toute manifestation, notamment par l’action de manifestants très agressifs lors des opérations d’évacuation des ZAD. Au-delà des dommages physiques, cette violence a des conséquences psychologiques sur les gendarmes et leurs familles. Le maintien de l’ordre est ainsi confronté à un défi nouveau de réduction du niveau de violence sur des terrains rapidement inflammables.

Par ailleurs, l’action des forces de l’ordre donne lieu à des formes de plus en plus variées de contrôle et d’observation qui ont pour effet de porter les opérations de gestion de crise sur la scène publique. Ces contrôles sont aussi bien le fait des médias et des associations que des élus et des autorités institutionnelles, comme le Défenseur des droits. Les actions des forces de gendarmerie sont très souvent filmées et transférées immédiatement sur les réseaux sociaux. Chaque opération de crise peut ainsi se transformer en caisse de résonance, contraignant les gendarmes, plus que jamais, à l’exemplarité dans leur conduite, y compris lorsqu’ils sont sujets à des attitudes provocatrices sur le terrain.

2.   Des crises nouvelles et plus fréquentes

La Gendarmerie est aujourd’hui confrontée à des crises nouvelles dont l’occurrence est plus régulière que les crises d’hier. Ainsi que le rappelait le commandant de la zone de défense et de sécurité du Grand Est, le général de corps d’armée Bruno Jockers, à la rapporteure pour avis, il est important de préparer les guerres de demain.

● Le changement climatique contribue à la multiplication des événements climatiques extrêmes, ce qui pourrait avoir pour effet de mobiliser, de plus en plus souvent, la Gendarmerie sur des crises de sécurité civile semblables à la crise Irma. Sur le territoire national, la Gendarmerie serait ainsi davantage sollicitée comme force concourante en soutien aux services de secours.

● Les ZAD, non seulement se multiplient, mais s’installent dans la durée, en raison de l’obstination des manifestants à revenir sur le site contesté après une opération d’évacuation. Ainsi que le rappelait avec lucidité le général de corps d’armée Bruno Jockers, qui a commandé l’opération d’évacuation de la ZAD de Bure, l’opération menée en février 2018 ne suffira pas à mettre un terme à cet abcès de tension, qui sera notamment ravivé lorsque commenceront les opérations de transports de matériaux irradiés. 

● La menace terroriste reste, quant à elle, vive et évolutive, avec un terrorisme qui se fait de plus en plus diffus. Le commandant du GIGN, le général Laurent Phélip, a débuté son audition avec la rapporteure pour avis en affirmant que, selon lui, l’actualité se caractérisait par une addition des menaces, les nouvelles ne chassant nullement les anciennes.

● L’impératif de sécurité se déplace, de manière croissante, sur le terrain de la mobilité. Les forces de l’ordre disposent d’une vision statique de la sécurité, alors que nombre de crises concernent désormais des agressions dans les transports, des trafics illicites, des délinquants en fuite ou des attaques de convois sensibles. L’attaque du Thalys le 21 août 2015 comme l’évasion du criminel Redoine Faïd de la prison de Réau, en Seine-et-Marne, le 1er juillet 2018, témoignent de l’enjeu du contrôle de la mobilité. De manière préventive, la sécurité des mobilités permet de détecter des signaux faibles susceptibles de se transformer en périple meurtrier.

Au sein de la Gendarmerie, la sécurité des mobilités s’articule autour d’une capacité de veille pilotée par le centre national de sécurité des mobilités, dont la création date de l’automne 2017. Cette veille permet le déploiement de capacités d’intervention ad hoc. Les personnels du centre d’opérations et de renseignement de la gendarmerie (CORG) d’Amiens visité par la rapporteure pour avis ont ainsi expliqué être en mesure de réaliser un maillage efficace du terrain, selon les logiques de flux à l’œuvre sur le territoire, afin d’intercepter un délinquant en fuite.

Si les organisations de la Gendarmerie se sont adaptées au nouvel enjeu de la sécurité des mobilités, la rapporteure pour avis estime que tel ne semble pas encore être le cas des moyens. La rapporteure pour avis appelle notamment à mettre à mettre à niveau le parc de vedettes de la Gendarmerie afin d’assurer la sécurité des transports fluviaux, notamment dans le nord-est du territoire, ainsi que de veiller à ce que l’engagement de renouvellement de 3 000 véhicules chaque année soit tenu ce qui, à l’heure actuelle, n’est pas assuré pour l’année 2018.

● Enfin, la rapporteure pour avis tient à attirer l’attention sur les risques nucléaires, radiologiques, biologiques et chimiques (NRBC) qui, compte tenu de leur gravité, ne sauraient être négligés. Le risque NRBC a d’ores et déjà justifié la création, en 2009, des PSPG qui, en cas de crise nucléaire, ont vocation à intervenir en un quart d’heure, avant d’être relevés par le GIGN.

B.   les grandes familles de crises supposant une gestion spécifique

Comme on l’a vu, l’action des forces de l’ordre face aux crises s’inscrit nécessairement dans une approche globale, qui repose sur une chaîne de commandement ainsi que sur une réponse opérationnelle déterminée. Néanmoins, la complexité de certaines crises nécessite une gestion spécifique.

1.   Les grandes classifications des crises

Selon le directeur des opérations et de l’emploi de la Gendarmerie nationale, le général de corps d’armée François Giéré, les crises auxquelles fait face la Gendarmerie peuvent faire l’objet de deux grandes classifications.

En premier lieu, les crises peuvent être caractérisées selon qu’elles peuvent être anticipées ou non :

– lors de crises prévisibles, des experts sont déployés sur les lieux en amont de l’événement, dans une logique de subsidiarité et d’apport du savoir‑faire de la gestion de crise. Tel est aujourd’hui le cas, par exemple, de la préparation des opérations référendaires en Nouvelle-Calédonie ;

– lors de crises imprévues, des experts sont déployés en renfort du niveau local pour lui permettre de continuer à gérer les événements quotidiens périphériques, comme ce fut le cas à la suite du crash de l’avion de la Germanwings.

En second lieu, les crises peuvent être réparties en deux grandes familles thématiques :

– les crises de sûreté, de l’accident technologique à la catastrophe naturelle, lors desquelles les services de secours sont menants, et la gendarmerie est concourante ;

– les crises de sécurité, lors desquelles, sur sa zone de compétence, la gendarmerie est menante et les services de secours sont concourants. Ces crises incluent l’organisation de grands rassemblements, les expressions violentes d’opposition à l’autorité de l’État ou les attaques terroristes.

2.   La gestion de la crise terroriste

Lors de son audition par la rapporteure pour avis, le commandant du GIGN, le général Laurent Phélip, a insisté sur la spécificité de la gestion d’une crise terroriste. Depuis les attentats de Bombay en 2008, puis à nouveau des attentats de Paris en 2015, les forces d’intervention spécialisées doivent s’adapter à une cinétique de crise beaucoup plus rapide qu’auparavant. Par ailleurs, les attaques de Trèbes et de Carcassonne du 23 mars 2018 ont confirmé la territorialisation de la menace et ont, en cela, confirmé la pertinence des orientations prises lors de la création des PSIG Sabre et des AGIGN.

Dans la période récente, un des principaux enjeux a été d’améliorer la réponse des unités d’intervention aux attaques terroristes. Le schéma national d’intervention (SNI) présenté le 19 avril 2016, qui va dans ce sens, s’articule autour de trois idées forces :

– assurer une meilleure couverture du territoire face au risque terroriste, en révisant l’implantation géographique des unités d’intervention ;

– optimiser les moyens, en recensant les capacités critiques nécessaires pour mener une opération sur les tueries de masse ([19]) et en prévoyant la possibilité de mise en œuvre du concours capacitaire d’une unité au profit d’une autre ;

– réduire les délais d’intervention, en réaffirmant le principe « menant‑concourant » des unités d’intervention en fonction des zones de responsabilité ou du critère de compétence en matière de contre-terrorisme ([20]) ainsi qu’en assurant une meilleure coordination entre les unités d’intervention.

Afin de dépasser le contexte de concurrence entre les forces d’intervention spécialisées de la Police nationale et de la Gendarmerie nationale, le SNI instaure une procédure d’urgence absolue qui, dans une situation d’une gravité extrême, prévoit la suspension ponctuelle du critère de zone de compétence territoriale au bénéfice du critère de proximité et de disponibilité ([21]).

À partir des enseignements tirés de la mise en œuvre du SNI, la gendarmerie a publié, le 6 juin 2017, une nouvelle instruction relative à la réponse opérationnelle de la gendarmerie en cas d’attaque terroriste ([22]). Elle vise à diffuser le plus largement possible, tant au niveau des unités élémentaires qu’à celui de l’intervention spécialisée, la doctrine gendarmerie de gestion de crise terroriste, en mettant l’accent sur l’importance :

– du rôle des unités primo-intervenantes ;

– de l’approche globale de la gestion de crise terroriste ;

– de la priorité accordée à la neutralisation de la menace et au sauvetage d’un maximum de vies ;

– de la coordination interservices, en particulier avec les secours.

3.   La spécificité des crises en outre-mer

La gendarmerie apporte une forte contribution à la gestion des crises en outre-mer en raison de l’importance de sa zone de compétence qui recouvre, dans ces territoires, 99 % de la superficie et de 70 % de la population. Compte tenu de la distance qui sépare les outre-mer de la métropole, la gestion de crise y présente certaines spécificités.

L’éloignement géographique de la métropole exige des autorités locales, plus encore qu’en métropole, une très fine connaissance des situations à risque afin de justifier et de planifier les demandes de renfort. En conséquence, le renseignement opérationnel occupe une place primordiale en outre-mer. Compte tenu des risques d’atteintes à l’ordre public, le référendum d’autodétermination en Nouvelle-Calédonie prévue en novembre 2018 fait l’objet d’une préparation opérationnelle intense de la gendarmerie depuis plus d’un an.

Si, lors d’une crise non-prévisible, les autorités ultramarines sont en dialogue constant avec la métropole, les délais d’acheminement des renforts requièrent une large autonomie des autorités locales. La robustesse et la capacité de résilience de la gendarmerie d’outre-mer sont donc essentielles afin de faire face initialement à la crise. La création d’unités spécialisées, comme les AGIGN, les pelotons de gendarmerie de haute montagne ou les unités nautiques, y contribue, de même que le pré-positionnement de nombreux escadrons de gendarmerie mobile dans les territoires ultramarins. Par ailleurs, la réalisation régulière d’exercices de coordination, comme ceux qui ont lieu durant la période cyclonique, favorise l’anticipation des situations à risques.

Par ailleurs, le retour d’expérience de la crise Irma a mis en lumière l’importance de se doter d’une chaîne de commandement caractérisé par une boucle très courte lors des crises en outre-mer. Comme l’a indiqué le général Descoux, la chaîne de commandement mise en place à la suite du passage des ouragans Irma et Maria ne réunissait que le commandement de la gendarmerie sur place, la préfète, le directeur général de la gendarmerie nationale et le ministre des outre-mer. A contrario, le nombre élevé de réunions, dans un contexte caractérisé par le fort décalage horaire et le niveau d’engagement élevé de la gendarmerie sur le terrain, a été ressenti comme très pesant. La présence d’agents de liaison sur place, exclusivement consacrés à la remontée d’informations, serait de nature à réduire cette contrainte.

Lors de son déplacement auprès de la gendarmerie en Guyane, la rapporteure pour avis a pris conscience du déficit de reconnaissance à l’égard des efforts déployés par la gendarmerie dans les territoires ultramarins, dont les enjeux sécuritaires sont pourtant bien plus importants qu’en métropole. Composée de 1 206 personnels dont près de la moitié est constituée de gendarmes mobiles, la gendarmerie en Guyane fait par exemple face à des défis redoutables liés à un niveau de délinquance très élevé, à une forte croissance démographique renforcée par l’immigration irrégulière et à l’orpaillage clandestin.

Comme l’expliquait le général de brigade Philippe Debarge, commandant en second de la gendarmerie d’outre-mer, les gendarmes exercent en outre-mer un rôle de médiateur social, qui va au-delà des missions de sécurité publique. Si les gendarmes se sont abstenus pendant longtemps devant la vie privée, ceux-ci sont désormais habilités à aller au-devant de la victime, sans attendre qu’une plainte soit déposée. Ce rôle de médiateur social se traduit aujourd’hui par de nombreux partenariats noués avec l’éducation nationale, le monde du travail et les structures associatives. Les réservistes en outre-mer, qui sont des acteurs ancrés dans la vie locale, facilitent l’exercice de cette mission.   

Pour tenter de combler en partie ce manque de reconnaissance, la rapporteure pour avis propose que les matériels de gendarmerie exportés dans les territoires ultramarins puissent être exonérés de l’octroi de mer de plein droit. Le gain financier pour la gendarmerie pourrait même être réinvesti localement dans des capacités matérielles supplémentaires.

III.   la gestion de crise suppose une manœuvre globale au sein de laquelle la gendarmerie occupe une place centrale

La chaîne de commandement de la Gendarmerie nationale prend en compte la nécessité de coordonner les différentes parties prenantes afin d’apporter une réponse globale à la crise.

A.   une institutionnalisation de la coopération avec la police nationale à approfondir

Comme on l’a vu, le schéma national d’intervention du 19 avril 2016 réaffirme le principe « menant-concourant » des unités d’intervention en fonction des zones de responsabilité de la Police nationale et de la Gendarmerie nationale mais prévoit, de manière dérogatoire, une procédure d’urgence absolue qui, en cas de crise de grande ampleur, fait primer les critères de proximité et de disponibilité sur le critère habituel de la zone de compétence. Si, ces dernières années, les unités d’intervention des deux forces de sécurité intérieure ont appris à mieux se coordonner, force est de constater certains manques dans le schéma de coopération institué par le SNI.

La procédure d’urgence absolue instaurée dans le SNI n’apporte pas toutes les garanties d’une coopération systématique entre la gendarmerie et la police face à une crise majeure. Ainsi que l’indiquait le général Laurent Phélip, commandant du GIGN, le bon fonctionnement de la procédure d’urgence absolue dépend aujourd’hui de la bonne volonté des commandants d’unités qui, afin d’écarter une autre unité, peuvent décider de retenir l’information avant de la diffuser. La rapporteure pour avis tient à rappeler la nécessité qui s’attache à ce que les préfets mettent en œuvre, de manière rigoureuse, cette politique globale. Toutefois, l’absence de recours à la procédure d’urgence d’absolue à ce jour ne permet pas, pour l’instant, de lever le doute quant à la bonne articulation des forces d’intervention devant une crise de grande ampleur.

La rapporteure pour avis propose donc la création d’une véritable structure de gouvernance des forces spéciales du ministère de l’intérieur. Construit sur le modèle du commandement des opérations spéciales (COS) des forces armées, un commandement des opérations spéciales intérieures (COSI) permettrait, en soumettant les unités d’intervention spécialisées de la police et de la gendarmerie à une chaîne hiérarchique ad hoc, de garantir la bonne coordination des forces de police et de gendarmerie dans le cas d’une crise importante ([23]).

Selon le général Laurent Phélip, le COSI pourrait également être une instance de planification opérationnelle. En effet, le ministère de l’Intérieur n’est équipé, aujourd’hui, que pour réagir aux crises les plus graves. À travers cette nouvelle instance, il pourrait engager une réflexion sur les scénarios de crise afin de prévoir la menace et de mieux responsabiliser les unités.

Une idée plus radicale, qui consisterait à fusionner les unités d’intervention de la police et de la gendarmerie, ne retient pas la préférence de la rapporteure pour avis. Les bénéfices d’une telle fusion seraient limités à la ville de Paris car, en dehors de la capitale, le GIGN, le RAID et la BRI de la préfecture de police interviennent sur des territoires distincts et leur complémentarité est un atout.

Cette fusion entraînerait en revanche plusieurs inconvénients. Dès lors que chaque unité d’intervention dispose d’un domaine d’excellence ([24]), une fusion signifierait un appauvrissement des capacités d’intervention. Enfin, cette fusion réduirait la latitude d’action de chaque directeur général qui ne disposerait plus, en propre, d’une force d’intervention spécialisée à sa disposition.

Face à une idée qui se heurterait en définitive à un niveau de complication excessif, la rapporteure pour avis estime que, plutôt que de fusionner, il est impératif de mieux coordonner pour augmenter la complémentarité des forces d’intervention. Un COSI permettrait ainsi d’assurer un meilleur niveau de coordination tout en respectant l’identité de chaque force. 

La procédure d’urgence absolue instituée par le SNI souffre d’une deuxième faiblesse liée à son champ d’application. En l’état, cette procédure ne concerne que les crises de grande ampleur qui représentent un phénomène somme toute marginal. La rapporteure pour avis estime que la logique ayant présidé à l’élaboration de la procédure d’urgence absolue mériterait d’être étendue aux crises de plus faible intensité ainsi qu’à la sécurité publique du quotidien, permettant d’envisager de nouvelles modalités de coopération entre la Police et la Gendarmerie nationales.

B.   une manœuvre intégrée avec les autres services de l’état

Une gestion de crise réussie repose sur la capacité à réunir tous les acteurs opérationnels afin d’apporter une réponse globale à la crise.

Cette coordination est d’autant mieux assurée si l’ensemble des services de l’État sont représentés dans un même état-major situé à proximité de la crise, comme ce fut le cas sur le site de Notre-Dame-Des-Landes. Au sein d’un poste de commandement unique étaient ainsi réunis le corps préfectoral, les procureurs de la République, les représentants des services de renseignement, le service départemental d’incendie et de secours (SDIS) et la sécurité civile aux côtés de l’ensemble des composantes de la gendarmerie engagées sur l’opération.

● La coordination entre la préfecture et le parquet en amont de l’intervention permet d’assurer un continuum entre la sécurité publique et la justice qui sécurise juridiquement les interpellations.

L’évacuation de la ZAD de Notre-Dame-Des-Landes a ainsi donné lieu à une véritable « judiciarisation » de l’opération de maintien de l’ordre. Suivie par des magistrats du parquet présents au sein du poste de commandement, l’opération d’évacuation de la ZAD s’est traduite par l’engagement de 200 officiers de police judiciaire aux côtés des forces de gendarmerie mobile. Un dispositif de communication, comprenant de multiples capteurs aériens (drones et hélicoptères) et terrestres (caméras piétons), a par ailleurs permis d’alimenter la justice en images en fonction des besoins.

Cette intégration de la police judiciaire à la manœuvre opérationnelle se double d’une volonté de faire évoluer la doctrine d’interpellation des forces de l’ordre. Si l’interpellation en masse permet de faire rapidement cesser un trouble à l’ordre public, ces interpellations débouchent rarement sur des sanctions pénales, faute d’éléments probants imputables aux personnes. Un des enjeux est donc de perfectionner les techniques d’interpellation pour les cibler sur les fauteurs de troubles dont la responsabilité peut être clairement établie. Par ailleurs, dès le stade de la planification, il est sans doute possible de procéder à des interpellations sur la base des infractions d’associations de malfaiteurs en vue de commettre des violences en réunion ou de participer à un attroupement armé. 

● Par ailleurs, la participation des services de secours aux opérations de maintien de l’ordre permet de limiter les dommages physiques qui en résultent.

La réussite de l’opération d’évacuation de la ZAD de Notre‑Dame‑Des‑Landes repose pour partie sur l’efficacité des services de secours déployés par la sécurité civile, en partenariat avec le SDIS, qui a permis la prise en charge des blessés, y compris adverses, au plus près de la ligne de contact.

C.   une relation de confiance réciproque avec les autorités locales

Les relations entre les différents niveaux de la chaîne de commandement et les autorités locales, tant administratives que politiques, sont permanentes et fondées sur la confiance réciproque.

La gendarmerie est, à chaque niveau, un acteur de proximité incontournable pour les autorités locales :

– interlocuteur direct du préfet, qui est le responsable de l’ordre public dans le département, le commandement de groupement de gendarmerie départementale (CGGD) met à disposition de l’autorité administrative l’ensemble de ses ressources pour prévenir les crises. Ce dernier est en lien direct et constant avec les élus nationaux ainsi qu’avec les principaux élus du département ;

– sous les ordres directs du CGGD, le commandant de compagnie de gendarmerie départementale est l’interlocuteur du sous-préfet, mais également des maires et des élus de l’arrondissement ;

– enfin, les commandants d’unités territoriales entretiennent des liens privilégiés avec les maires et les élus locaux de leur circonscription.

Cette proximité entre la gendarmerie et les autorités locales favorise la planification et la conduite des opérations. Lors de grands événements planifiés comme en cas de crise inopinée, la gendarmerie assure, sous la responsabilité du préfet, la sécurité et le maintien de l’ordre public. Sous la direction du commandement de groupement de gendarmerie départementale, chaque échelon de commandement décline et adapte les méthodes de planification et de raisonnement tactique, en étroite collaboration avec les autorités locales.  

L’implication des autorités locales peut apporter un soutien à la manœuvre de gestion de crise conduite par la gendarmerie.

Ainsi que le soulignait le colonel Richard Caminade, la médiation menée par la préfecture de région, en amont de l’opération d’évacuation de NotreDamedes-Landes, avec la frange institutionnelle de l’opposition a permis de diviser celle-ci entre les modérés et les radicaux et d’atténuer l’intensité des confrontations sur le terrain. Par ailleurs, l’implication de la préfecture a permis de sécuriser juridiquement la manœuvre opérationnelle en déterminant les parcelles qui pouvaient être expulsées. 

Le général Descoux, coordonnateur des opérations des forces de sécurité à Saint-Martin et Saint-Barthélemy, relève quant à lui que l’engagement des élus de proximité ainsi que la présence de la ministre des Outre-mer a permis d’éviter la prolifération de récits biaisés de la situation, avant l’arrivée sur place du premier ministre et du président de la République. La rapporteure pour avis estime que l’organisation d’une mission parlementaire visant à prendre l’attache des acteurs locaux aurait été souhaitable.

D.   une coopération internationale qui se développe

Compte tenu de la longueur des frontières de la France avec ses pays voisins et de l’intensification des mobilités, la coopération transfrontalière devient un axe important de la gestion de crise par la Gendarmerie nationale.

Ainsi que le rappelait le général de corps d’armée Bruno Jockers, commandant de la zone de défense et de sécurité du Grand Est, la coopération transfrontalière n’a eu, pendant longtemps, qu’un caractère d’affichage. En réponse au renforcement de la menace terroriste, la France et ses voisins tentent de développer une coopération, fondée notamment sur l’échange rapide d’informations entre forces de sécurité intérieure, avec un véritable effet opérationnel sur le terrain. La France a ainsi conclu un partenariat avec la Belgique pour lutter contre la criminalité organisée transfrontalière, et la relation de coopération avec l’Allemagne devrait s’approfondir prochainement.

L’importance des zones frontalières sur les territoires ultramarins conduit, par ailleurs, à l’implication de nombreux acteurs étrangers dans la gestion des crises qui frappent ces territoires. Aujourd’hui, cette gestion ne peut se concevoir sans une réelle coopération avec les pays étrangers, qu’il s’agisse de la lutte contre l’immigration clandestine en Guyane avec le Brésil et le Suriname ou de la lutte contre les trafics à Saint-Martin avec les Pays-Bas.    

Pour ce faire, la Gendarmerie nationale s’implique dans un cadre bilatéral ou multilatéral. En matière de coopération bilatérale, la gendarmerie promeut l’expertise française en matière de gestion de crise à travers des visites de services étrangers en France, des missions de formations ou des missions d’évaluation des capacités de pays partenaires. Dans le cadre européen, trois officiers supérieurs de gendarmerie sont déployés dans la bande sahélo-saharienne ainsi qu’un autre en périphérie de cette zone, en Tunisie. 

IV.   une nouvelle doctrine de la gestion de crise par la gendarmerie nationale se dessine progressivement

A.   adapter les moyens humains à la gestion de crise

● L’importance numérique des effectifs engagés et la résilience assurée par le statut militaire sont déterminants dans les opérations de gestion de crise.

Dans le cas des opérations de maintien de l’ordre, des personnels en nombre permettent, non seulement de tenir un large front pour pouvoir traiter plusieurs objectifs en même temps, mais également de submerger l’adversaire et de décourager l’usage de la force par les opposants radicaux.

Lors de l’évacuation de la ZAD de Bure au mois de février 2018, le général Jockers qui en assurait le commandement rapporte que, contre seulement 300 manifestants, le dispositif de gestion de crise mis en place est monté jusqu’à onze escadrons de gendarmerie mobile afin de défendre le bois contesté, de prévenir la commission de troubles aux alentours et de protéger les sites sensibles du secteur, de jour comme de nuit. L’opération à Notre-Dame-des-Landes a été, à nouveau, l’occasion d’une manœuvre fondée sur l’effet de masse, visant à dissuader l’adversaire et à faire baisser son niveau de violence. 

Dans ce cadre, la question du juste dimensionnement du nombre d’EGM se pose aujourd’hui. En effet, suite à la dissolution de 15 EGM lors de la révision générale des politiques publiques (RGPP) entre 2007 et 2012, les forces mobiles sont en nombre structurellement insuffisant pour faire face à la diversité des missions qui leur sont confiées dans un contexte sécuritaire à hauts risques : terrorisme, plan Vigipirate, mouvements sociaux radicalisés et souvent violents en milieu urbain comme en milieu rural (ZAD), lutte contre l’immigration clandestine dans le contexte de la crise migratoire, sécurisation de grands évènements. Le moment est sans doute venu de recréer des escadrons pour restaurer une capacité opérationnelle nécessaire pour affronter les crises successives que traverse notre pays.

Aux côtés des gendarmes d’active, les réservistes peuvent contribuer à la gestion de crise. Deux compagnies de réservistes ont été déployées aux Antilles dans le cadre des opérations menées à la suite du passage des ouragans Irma et Maria. Par ailleurs, à la suite de l’attentat de Nice du 14 juillet 2016, lors duquel la Gendarmerie nationale est intervenue en tant que force concourante, les réservistes ont permis une bascule de force permettant de tenir dans la durée. 

Le statut militaire des personnels est une composante essentielle de la résilience et de la souplesse d’emploi de la Gendarmerie nationale dans des situations d’urgence. En effet, le statut militaire repose sur des principes de disponibilité, d’adaptabilité et de cohésion qui garantit la permanence du service et la mobilisation rapide des effectifs. Le général Jockers considère que ces règles imprègnent l’éthique des gendarmes, celui-ci ayant par exemple constaté que de nombreux gendarmes étaient revenus de permission de leur propre chef pour faire face aux risques induits par l’organisation du Teknival. 

Par ailleurs, l’ampleur, l’intensité et la durée de certaines manœuvres de crise, qui se traduisent par des plages de travail quotidiennes très longues, une prise de risque importante et des tâches multiples confiées aux gendarmes, ne peuvent se concevoir que dans un cadre militaire.

●  La densité du maillage territorial, la capacité de projection des forces et la formation à la gestion de crise permettent de disposer d’une gendarmerie apte à répondre aux situations d’urgence.

Afin de renforcer les forces locales – les premières à être mises en situation – pour tenir dans la durée, la fonction projection des unités et du fret est primordiale. Cette capacité critique est en cours de réorganisation afin de réduire les délais d’acheminement au travers d’un travail d’identification de la ressource humaine immédiatement projetable sur un théâtre de crise.

Le dispositif de formation des personnels de la gendarmerie à la gestion de crise consiste en une superposition de plusieurs modules destinés aux officiers et aux sous-officiers, dont le contenu est adapté aux responsabilités qu’ils exercent sur le terrain. La formation à la gestion de crise dans toutes ses composantes – planification, méthode de raisonnement tactique, élaboration des ordres, commandement opérationnel et conduite des opérations – garantit la capacité des gendarmes à pouvoir gérer des événements de toute nature, que la gendarmerie soit engagée en force menante ou concourante.

À la suite de plusieurs retours d’expérience de crises majeures et afin d’adapter la réponse de la gendarmerie aux enjeux actuels, comme la collaboration interservices et l’emploi des outils numériques, une évolution de la formation a été mise en œuvre. À titre d’exemple, afin de préparer tous les gendarmes à réagir dans les meilleures conditions face à une crise terroriste, un dispositif de formation individuelle et collective a été lancé à l’été 2018. 

Le haut niveau de formation et d’expertise en matière de gestion de crise qui est reconnu à la Gendarmerie permet à celle-ci de proposer ses compétences à d’autres partenaires. Depuis 2014, la Gendarmerie organise une formation spécifique à la gestion de crise au profit des cadres de l’Éducation nationale.

Dans une stratégie de communication et de rayonnement des capacités de la Gendarmerie, de nouvelles formules de formation destinées au grand public voient également le jour, telles que le « massive online open course » (MOOC) consacré à la gestion de crise, un cours en ligne sur les savoir-faire spécifiques à la gestion de crise ([25]).

B.   doter la gendarmerie de moyens matériels importants

 Les capacités aériennes et blindées s’avèrent cruciales en matière de gestion de crise.

L’existence d’une manœuvre blindée est une condition importante de la réussite de nombreuses opérations. Afin d’assurer la bonne tenue et la sécurité des opérations référendaires en Nouvelle-Calédonie, de nombreux VRBG ([26]), renforcés avec des plaques de surblindage pour protéger les personnels contre les tirs d’armes de gros calibres, ainsi que des VAB ([27]), ont été déployés. De manière à garantir une certaine autonomie des forces de gendarmerie en outre-mer, les antennes GIGN ultramarines sont dotées de blindés, ce dont ne disposent pas les antennes GIGN métropolitaines.

Les hélicoptères et les drones fournissent, dans les airs, un appui précieux aux gendarmes sur le terrain. Lors de l’édition du Teknival de mai dernier dans la Marne, l’utilisation d’un hélicoptère a permis de repérer les plaques d’immatriculation et de démanteler les trafics de stupéfiants. Sur le théâtre de Notre-Dame-des-Landes, le déploiement de sept équipes drones a fourni aux gendarmes mobiles des moyens d’observation fins des mouvements de la partie adverse. La Gendarmerie, qui peut faire fond sur sa forte capacité d’innovation, est également équipée de moyens de contre-mesures électroniques permettant de détecter, de brouiller et de neutraliser les drones utilisés par l’adversaire. 

La rapporteure pour avis, qui s’est déplacée auprès des gendarmes à Notre-Dame-des-Landes et en Guyane, insiste sur la nécessité de restaurer une capacité de maintien de l’ordre durcie. En effet, il y a urgence à renouveler les véhicules blindés et, de manière moins prioritaire, la flotte d’hélicoptères employés par la Gendarmerie, certains de ces matériels ayant aujourd’hui atteint leur seuil d’obsolescence.

Le programme de véhicules blindés de maintien de l’ordre de la gendarmerie, lancé dans les années 1960, est notamment à bout de souffle. La plupart des véhicules sont hors d’usage. Or, cette capacité est indispensable en situation insurrectionnelle (outre-mer, émeutes, ZAD). Le renouvellement de ces engins blindés est donc une nécessité pour conserver la capacité d’agir dans des conditions très dégradées et pouvoir progresser sous le feu de l’adversaire, que ce soit en cas de crise terroriste, de troubles à l’ordre public graves ou d’émeutes urbaines. La situation de la Nouvelle-Calédonie, où près de vingt engins blindés sont actuellement employés pour garantir la sécurité du territoire, illustre l’acuité du besoin.

● Les animaux de la Gendarmerie nationale sont des acteurs trop souvent oubliés de la gestion de crise.

Les chiens, dont sont responsables les équipes cynophiles de la Gendarmerie, exercent, dans les opérations de maintien de l’ordre, un rôle de surprise, de dissuasion et d’alerte par détection de signaux imperceptibles pour l’homme. Ces auxiliaires sont davantage employés sur les théâtres ruraux que sur les théâtres urbains, en raison de leur difficulté à distinguer les adversaires des personnes situées aux abords. Quatorze équipes cynophiles ont ainsi été déployées, avec succès, à Notre-Dame-des-Landes.

La mutualisation des centres de formation des équipes cynophiles :
une fausse bonne idée

Certaines réflexions ont porté sur la possibilité et l’opportunité de mutualiser les centres de formations spécialisées des équipes cynophiles de la police et de la gendarmerie nationales.

Compte tenu de l’importance des investissements qui seraient requis par l’adaptation des locaux et des faibles économies en effectifs susceptibles d’être réalisés, cette mutualisation n’apporterait pas d’économie budgétaire significative. En outre, dans un contexte budgétaire qui reste contraint, les investissements engagés auraient un effet d’éviction sur d’autres projets et seraient difficiles à expliquer aux personnels et à leurs représentants, d’autant plus que ces regroupements créeraient des contraintes familiales fortes pour les personnels.

D’autres pistes d’amélioration du dispositif actuel peuvent toutefois être recherchées eu égard, notamment, à la mise en place de diplômes communs ou au renforcement de la mutualisation de l’emploi opérationnel des équipes cynophiles de la police et de la gendarmerie nationales.   

Les chevaux de la Gendarmerie ne sont pas, quant à eux, adaptés aux opérations de maintien de l’ordre mais offrent une contribution particulièrement utile dans la phase de stabilisation de la crise. En effet, les chevaux suscitent un certain respect chez les opposants qui occupent les ZAD et dissuadent d’une réescalade de la violence. L’évacuation de la ZAD de Bure en février s’est ainsi achevée par un déploiement de cavaliers de la Garde républicaine pour occuper le terrain. De même, la mobilisation de chevaux sur le site du Teknival 2018 a permis, à la fin de l’événement, de signifier le retour de l’ordre public.

Des chevaux pour les missions de sécurité publique

Au-delà de la gestion de crise, les chevaux sont appelés à jouer un rôle majeur dans l’accomplissement des missions de sécurité publique. Non seulement les chevaux apportent un avantage en matière de mobilité et de rapidité des déplacements, mais il constitue surtout un formidable outil de pacification des rapports entre les forces de l’ordre et la population, en particulier les plus jeunes. 

La Garde républicaine dispose, de longue date, d’un régiment de cavalerie, qui constitue la dernière unité à cheval de l’armée française. Loin de constituer un anachronisme, de nombreuses expérimentations voient le jour afin de réintroduire les chevaux dans les villes. Créé en 2016, le groupe à cheval de gendarmerie de Kourou a été renouvelé en septembre, compte tenu de sa contribution à l’amélioration des relations entre la gendarmerie et les populations locales. À Marseille, sept chevaux de la Garde républicaine contribuent, depuis le mois de mars, à la sécurité publique de lieux difficiles d’accès pour la police, comme les Calanques, et à la sécurisation des grands événements.  

C.   gagner en anticipation pour assurer la planification opérationnelle

Si le ministère de l’Intérieur est traditionnellement dans une situation de réaction aux crises, il est nécessaire de gagner en anticipation afin de tirer les bénéfices qui découlent d’une meilleure planification en amont. L’importance de la planification interministérielle de l’opération d’évacuation de la ZAD de Notre‑Dame-des-Landes, mise en œuvre dès novembre 2017, concomitante à celle conduite au sein de la DGGN, a largement contribué au processus de désescalade lors de l’opération elle-même.

● Préalable à toute opération, la manœuvre renseignement permet de guider la manœuvre opérationnelle. En amont des opérations, le renseignement sur les nébuleuses permet de mieux prévoir les modes opératoires, tandis que l’identification des casseurs permet de mieux cibler les interpellations. À Notre‑Dame-des-Landes, les analystes de la gendarmerie, du SCRT et de la DGSI, implantés au sein d’une même cellule du poste de commandement, ont pu exploiter le renseignement recueilli en bonne symbiose. La rapporteure pour avis souhaite néanmoins souligner l’importance des moyens humains dont ont besoin les services de renseignement pour assurer leurs missions, à l’heure où de nombreuses sorties de détention de personnes radicalisées sont prévues pour l’année 2019.

● La planification opérationnelle se traduit également par des mesures de prévention. La mise en place de mesures préventives, des contrôles d’identité aux fouilles de sacs, autour du périmètre des manifestations, remplit un objectif de dissuasion et de détection des individus susceptibles de générer des troubles à l’ordre public.

● La préparation de la manœuvre est la dernière composante d’une planification opérationnelle réussie. En amont, la définition de plans éprouvés lors d’exercices répétés par les forces de gendarmerie facilite la gestion des crises. Même si une crise ne se déroule jamais comme prévu, le fait de disposer d’un plan prédéfini permet déjà d’identifier préalablement un certain nombre de difficultés, d’anticiper les possibles solutions et de développer différentes variantes de situations qui seront ajustées en fonction de la réalité du terrain. En aval, la préparation inclut la montée en puissance d’un état-major et le déploiement optimum de moyens humains et matériels nécessaires à la gestion de crise.

D.   s’assurer de capacités de soutien fiables

Le déploiement de capacités de soutien, de la logistique aux systèmes d’information et de communication, est indispensable pour permettre à la gendarmerie de réaliser une opération de gestion de crise d’une certaine ampleur ou sur une certaine durée.

La résilience de la Gendarmerie nationale face aux crises repose, en grande partie, sur le caractère intégré des soutiens au sein de la Gendarmerie. Le général de brigade Jean-Marc Descoux estime que, en cas de crise comme celle qui a suivi le passage des ouragans Irma et Maria, il est inconcevable de dépendre de capacités de soutien extérieures à la Gendarmerie, sous peine de perdre en réactivité ainsi qu’en capacité d’absorption des renforts et des moyens envoyés, actuellement assurée par une culture commune sur toute la chaîne.

La rapporteure pour avis considère que ce modèle intégré, qui fait la force de la Gendarmerie nationale, ne doit pas être remis en cause. Si certaines démarches de mutualisation peuvent être positives ([28]), elles ne doivent pas se faire au détriment des capacités opérationnelles et de la solidité du modèle.

Comme l’indiquait la rapporteure pour avis dans son avis budgétaire l’année dernière, la mutualisation « idéale » est celle qui apporte un meilleur niveau de service, plus rapidement, de manière économique et, surtout, sans fragiliser les organisations qui la mettent en œuvre. La simple réalisation d’économies de court terme au détriment du modèle opérationnel ne saurait être considérée comme un succès à cet égard.

Or il apparaît que les demandes de mutualisation souffrent parfois d’un manque de méthode, qu’elles ne sont pas concrètement analysées de manière systématique, ni précisément documentées. La rapporteure suivra avec attention la création de la direction du numérique du ministère de l’Intérieur, qui devrait intégrer le service des technologies et des systèmes d’information de la sécurité intérieure (ST(SI)²) de la gendarmerie nationale à la direction des systèmes d’information et de communication (DIC) qui relève du secrétaire général pour l’administration du ministère de l’Intérieur. Il ne faudrait pas, en effet, que cette mutualisation prive la gendarmerie nationale d’une capacité opérationnelle en matière de SIC.

Il conviendrait, à l’avenir, d’élaborer une « méthodologie de la mutualisation » partagée par les services demandeurs comme par les services chargés de la mettre en œuvre, au regard de critères et d’objectifs précis. L’expérimentation et son corollaire, le « droit au retour en arrière » devraient par ailleurs être favorisés, afin de tester les effets du processus envisagé avant de l’appliquer de manière générale à l’ensemble du domaine.

Ainsi que le rappelait le général de corps d'armée Hervé Renaud, directeur des personnels militaires de la gendarmerie nationale, la « militarité » des corps de soutien doit être préservée pour garantir la solidité, la résilience et la réactivité de la gendarmerie nationale en cas de crise. À titre d’exemple, compte tenu des conditions de vie et des conditions de travail très dégradées sur les îles de Saint‑Barthélemy et de Saint-Martin après la crise Irma, le général Descoux indiquait que seuls des personnes militaires étaient aptes à assurer les missions d’appui opérationnel aux gendarmes engagés sur place.

La rapporteure pour avis appelle donc à la vigilance et, surtout, au pragmatisme dans la mise en œuvre du processus de 1 500 « transformations de postes » d’officiers et de sous-officiers en postes de civils au sein des corps de soutien prévues sur la durée du quinquennat. Si la « civilianisation » peut effectivement s’envisager pour certaines fonctions, la rapporteure pour avis estime que cette « transformation de postes » ne doit pas exclusivement s’effectuer au profit de personnels civils. Un plan de substitution de postes, qui bénéficierait à parts égales aux personnels civils et aux personnels militaires, serait plus protecteur du modèle opérationnel de la gendarmerie.

E.   développer une culture de la communication

Si la communication est un invariant de la gestion de crise, la gendarmerie doit aujourd’hui développer une véritable culture de la communication.

La gendarmerie dispose d’un dispositif complet de captation d’images, par voie aérienne, grâce aux hélicoptères et aux drones, et par voie terrestre, grâce aux caméras individuelles et collectives qui équipent les unités sur le terrain.

Comme on l’a vu, la manœuvre d’imagerie permet d’assurer une continuité entre la police administrative et la police judiciaire. La prise d’images exerce un effet dissuasif sur l’adversaire, qui est moins enclin à se livrer à des actions répréhensibles lorsqu’il sait qu’il est filmé, et un effet répressif, en permettant au procureur d’autoriser les interpellations sur la base des images transférées. La manœuvre imagerie exige toutefois de disposer de personnels dédiés et formés pour filtrer les images qui intéressent les enquêteurs dans le cadre de procédures de police judiciaire. 

La prise d’images a également pour intérêt d’informer les médias. Lors des opérations de maintien de l’ordre d’envergure, la Gendarmerie nationale doit être en mesure de justifier d’un usage proportionné de la force. Ainsi, la presse était particulièrement attentive aux modes d’action employées par la gendarmerie lors de l’opération d’évacuation de la ZAD de Notre-Dame-des-Landes, ce qui a conduit la gendarmerie à mettre en œuvre une manœuvre d’imagerie sans précédent. En même temps que la gendarmerie réalisait des enregistrements pour les diffuser aux médias, plusieurs équipes d’officiers accompagnaient des groupes de journalistes sur la zone des opérations. 

La gendarmerie doit aujourd’hui déployer sa propre stratégie de communication afin de contrer la communication adverse, voire la communication de certains médias plus soucieux de sensationnalisme que de la retranscription fidèle des événements. Le général Descoux s’est notamment plaint de la communication peu scrupuleuse de certains médias, qui a contribué à décrédibiliser l’action de centaines de gendarmes mobilisés auprès de la population de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin. La présence d’équipes de communicants de la gendarmerie au poste de commandement est aujourd’hui nécessaire à la mise en place d’une manœuvre de communication propre à la gendarmerie.

Ainsi que l’affirmait le général Jockers, la prochaine étape pourrait constituer en la mise en place d’un système d’alerte des populations sur les réseaux sociaux permettant d’apporter une source d’information fiable pour contrer les risques de paniques nés de la diffusion de fausses informations.


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   Troisième partie :
Principales conclusions de la rapporteure pour avis

Les travaux conduits amènent la rapporteure pour avis à formuler les recommandations suivantes :

1. Mettre en place d’une loi de programmation pour les forces de sécurité intérieure ;

2. Poursuivre l’augmentation des effectifs des forces de sécurité intérieure en opérant un rééquilibrage au bénéfice de la gendarmerie ;

3. Garantir la « militarité » de la composante opérationnelle des corps de soutien techniques et administratifs de la gendarmerie ;

4. Sanctuariser les crédits de la réserve opérationnelle ;

5. Créer une structure de gouvernance dotée d’une autorité hiérarchique sur les forces d’intervention spécialisées du ministère de l’Intérieur en cas de crise majeure ;

6. Étendre le modèle de coopération entre la police et la gendarmerie face à un attentat terroriste, tel qu’il résulte de la procédure d’urgence absolue du schéma national d’intervention, aux crises de plus faible intensité et à la sécurité publique du quotidien ;

7. Concentrer les efforts de renouvellement des moyens mobiles sur les véhicules de gendarmerie mobile et sur le parc de vedettes de la gendarmerie ;

8. Exonérer de plein droit de l’octroi de mer les matériels de gendarmerie exportés dans les territoires ultramarins ;

9. Mettre en place une étude sur le coût comparé des personnels militaires par rapport aux personnels civils au sein des corps de soutien techniques et administratifs de la gendarmerie ;

10. Conduire une étude approfondie sur l’intérêt des unités de gendarmerie à cheval dans l’accomplissement des missions de sécurité publique, sans omettre l’approche comparative avec nos principaux voisins européens. 

 


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   TRAVAUX DE LA COMMISSION

I.   audition du général richard lizurey,
directeur général de la gendarmerie nationale

La commission de la Défense nationale et des forces armées a entendu le général Richard Lizurey, directeur général de la gendarmerie nationale, sur le projet de loi de finances pour 2019 (n° 1255), au cours de sa réunion du mardi 16 octobre 2018.

M. le président Jean-Jacques Bridey. Mes chers collègues, je suis heureux d’accueillir le général Richard Lizurey, directeur général de la gendarmerie nationale, sur le projet de loi de finances pour 2019.

Je veux tout d’abord vous remercier, Mon général, d’avoir accueilli une délégation de députés au Centre national d’entraînement des forces de gendarmerie (CNEFG) de Saint-Astier au mois de mai dernier, et d’en avoir invité certains à prendre part à des stages en immersion en Guyane.

Je vous donne maintenant la parole pour un propos liminaire, avant que les députés qui le souhaitent ne vous posent quelques questions.

Général Richard Lizurey, directeur général de la gendarmerie nationale. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, je suis ravi de me trouver devant vous cet après-midi afin d’évoquer le projet de loi de finances pour 2019 et, au-delà, l’évolution de la gendarmerie nationale au cours des années à venir. La gendarmerie nationale a été placée sous la tutelle du ministère de l’Intérieur en 2009 – il y a presque dix ans –, et le bilan que l’on peut faire de cette migration de la défense vers l’intérieur m’apparaît positif, à la fois en termes d’évolution, de positionnement et de prise en compte de la gendarmerie dans l’architecture de la sécurité intérieure. Aujourd’hui, bien qu’ayant été intégrée à un autre ministère que celui auquel elle était initialement rattachée, la gendarmerie a conservé l’état d’esprit lié à son statut militaire, et tout ce qui fait la spécificité de son personnel, à savoir une certaine rusticité et une grande efficacité. Il est bon de souligner ce point, car en 2009 les choses ne semblaient pas gagnées d’avance et nous avions quelques légitimes inquiétudes.

Nous devons faire en sorte que ce qui apparaît aujourd’hui comme une réussite continue à l’être dans les années à venir. Pour cela, différents projets ont été engagés et d’autres le seront prochainement, notamment en termes de mutualisation des forces de sécurité intérieure. Dans ce domaine, nous avons mis en place un certain nombre d’organismes communs et d’unités de coordination, ainsi que des partages de connaissances et des perspectives communes. L’ensemble constitué par NéoGend et NéoPol est le premier outil nativement partagé entre les forces de police et de gendarmerie – elles utilisent exactement la même version – qui permet à chaque personnel d’emporter son bureau sur le terrain.

L’effort de mutualisation est appelé à se poursuivre, notamment dans le cadre de deux projets : la direction du numérique du ministère de l’Intérieur, d’une part ; le service ministériel des achats, qui a vocation à regrouper l’ensemble des achats effectués par le ministère, d’autre part.

Le troisième grand axe de transformation est celui de la mutualisation des services techniques et scientifiques de la police et de la gendarmerie. Au sein de chaque département, un certain nombre de plateaux auront ainsi vocation à être regroupés soit physiquement, soit fonctionnellement, afin de gagner en efficacité.

Nous devons nous inspirer des expériences réussies du passé pour continuer, au cours des prochaines années, à travailler dans une coopération toujours accrue. À l’été 2018, nous avons fait notre entrée à la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), ce qui a constitué un grand moment, car jusqu’alors la gendarmerie nationale n’y avait aucun représentant. La présence de deux officiers de gendarmerie au sein de la DGSI – c’est un début – marque le début d’un travail collaboratif en matière de renseignement, à la fois dans le haut du spectre, en son milieu – avec le renseignement territorial – et pour ce qui est du renseignement quotidien, au niveau local.

En matière de renseignement territorial, nous bénéficierons à partir de 2019 de transferts d’effectifs, à hauteur de 27 équivalents temps plein (ETP) par an – 54 en 2019, où nous obtiendrons le bénéfice simultané de deux annuités – en provenance du programme 176 « Police nationale », ce qui nous permettra d’augmenter le nombre de gendarmes affectés au dispositif de renseignement territorial. Une dynamique est enclenchée, grâce à laquelle le renseignement territorial est maintenant un outil partagé, permettant aux forces de sécurité intérieure d’être plus efficaces.

Pour ce qui est de la lutte contre le terrorisme, nous poursuivons le travail engagé contre la radicalisation, et avons dans ce domaine des objectifs en commun avec nos services partenaires.

En ce qui concerne la lutte contre l’immigration irrégulière, nous sommes dotés d’un dispositif mis en place à proximité de la frontière italienne – où un petit incident a eu lieu il y a quelques heures –, dans le Calaisis, mais aussi à la frontière espagnole, où le flux croissant d’immigrés nous oblige à renforcer nos effectifs. Aujourd’hui, environ six escadrons sont affectés à cette mission, en plus des personnels de la gendarmerie départementale des zones concernées.

La lutte contre la délinquance se poursuit, et nous affichons actuellement de bons résultats en matière de lutte contre les atteintes aux biens, avec une diminution d’environ 6 % du nombre de cambriolages constatés dans notre zone de compétence. Nous faisons en sorte de maintenir notre présence sur le terrain afin d’être en mesure de lutter contre les grands groupes criminels organisés – notamment ceux provenant d’Europe de l’est –, grâce à l’Office central de lutte contre la délinquance itinérante (OCLDI).

Par ailleurs, nous sommes très satisfaits des résultats que notre dispositif d’analyse décisionnelle, récemment mis en fonction, nous permet d’ores et déjà d’obtenir. En alimentant en données relatives à la criminalité, au contexte socio‑économique, mais aussi à la météorologie et à toutes sortes d’autres domaines, une application fonctionnant grâce à un algorithme, nous obtenons une sorte de « carte des températures » de la délinquance. À l’issue d’une expérience menée pendant un an dans onze départements, nous avons constaté que le résultat obtenu dans les départements concernés en matière de cambriolage a été meilleur que dans tous les autres. Sur la base des informations fournies par le dispositif d’analyse décisionnelle, qui indique où et dans quel créneau horaire des cambriolages sont le plus susceptibles de se produire, le commandement local peut organiser ses patrouilles en concentrant les effectifs là où ils sont le plus utiles. Les compagnies de gendarmerie disposent ainsi d’un outil de prévision qui les aide dans leur conception de service – sans être pour autant contraints de suivre les orientations suggérées par la machine, évidemment.

Par ailleurs, nous poursuivons notre logique de modernisation dans le domaine de la recherche, dans le cadre d’une démarche de valorisation et d’innovation. Ainsi, nos ateliers de performance (ADP) font appel aux propositions de chacun de nos personnels en matière d’innovation. Nous mettons également en œuvre une politique de valorisation, dans le cadre de laquelle nous déposons cinq ou six brevets par an. Pour deux de ces brevets, nous nous sommes mis en relation avec un industriel qui, en contrepartie de leur utilisation, nous verse des royalties et nous fait bénéficier d’un prix plancher sur la vente des produits qu’il fabrique.

Pour cela, nous avons travaillé en liaison avec l’Agence du patrimoine immatériel de l’État (APIE) et avons eu recours aux services d’un cabinet d’avocat ; nous avons aussi bénéficié du détachement d’ingénieurs de l’armement – le délégué général de l’armement m’a récemment confirmé que cela continuerait à être le cas à l’avenir –, qui nous apportent en interne toute l’ingénierie dont nous avons besoin dans nos relations avec l’industriel, rendant possible cette valorisation de l’innovation qui ne faisait pas partie de nos pratiques il y a quelques années. Nous avons, enfin, engagé des démarches en vue de l’obtention de financements européens.

Le budget pour 2019 est satisfaisant, dans la mesure où il traduit un engagement très fort du ministre de nous fournir un certain nombre de moyens. En termes d’effectifs, conformément aux orientations du plan 2 500, le schéma d’emplois affiche un solde net de plus 643 personnels qui, à l’exception des 36 personnels affectés au soutien, pourront tous être engagés sur le terrain, au sein des unités territoriales – cet engagement des forces au contact constitue notre priorité depuis deux ans.

Pour ce qui est des effectifs de réservistes, le budget prévoit 98 millions d’euros destinés à nous permettre de maintenir 30 000 personnels. En 2018, nous avons été obligés d’effectuer une régulation. En effet, pour ne pas dépasser ce que prévoit la loi de finances initiale en termes de masse salariale, les deux seuls outils de régulation dont je dispose sont, d’une part, le décalage d’un mois et demi de l’entrée des élèves en école de gendarmerie, d’autre part, les crédits de la réserve. Cela dit, pour 2018, le ministre a obtenu une autorisation d’engagement supplémentaire de 19 millions d’euros afin de permettre d’employer le même nombre de réservistes que celui de 2017, à savoir 2 700 par jour en moyenne – ce chiffre était descendu à 1 800 en début d’année, mais le ministre a souhaité qu’il remonte à 2 700 à partir du 1er septembre. En pratique, nous convoquons depuis septembre des réservistes que nous ne paierons qu’en 2019, en accord avec la direction du budget – un dispositif qui nous a permis de relancer l’engagement des réservistes.

Au sujet de la réserve, je veux également mentionner une modification du système de paiement. À compter du 1er janvier 2019, nous allons mettre en place un dispositif visant à solder à la fois les personnels d’active et les personnels de réserve et s’appuyant sur notre système d’information ressources humaines (SIRH) Agorh@, qui regroupe la totalité des informations portant sur les militaires concernés – nous sommes en train d’en fiabiliser les données. Ce SIRH va servir de calculateur pour la solde de l’ensemble des militaires à compter du 1er janvier 2019. Les tests auxquels il a été procédé durant deux mois, avec des opérations de solde en double, n’ont mis en évidence que très peu d’erreurs, et celles qui sont apparues sont déjà réglées, ce qui me permet d’être très confiant quant au déploiement de ce nouveau dispositif au début de l’année prochaine.

Le fait que les réservistes soient payés grâce à la même application que les personnels d’active va leur permettre de percevoir leur solde plus rapidement – en effet, il fallait jusqu’alors deux à quatre mois pour que le règlement de la solde d’un réserviste soit effectué. Au cours d’une année donnée, on payait les deux derniers mois de l’année précédente, puis les dix premiers mois de l’année en cours. Passer sans aménagement au nouveau dispositif, où les soldes sont réglées sans décalage, nous aurait donc conduits à régler quatorze mois de soldes en 2019, puisqu’en plus des douze mois de solde de l’année 2019, réglés immédiatement, nous aurions également dû régler les deux derniers mois de 2018. Afin d’y remédier, nous avons obtenu que le budget pour 2019 prévoie 17 millions d’euros supplémentaires – n’ayant évidemment pas vocation à être renouvelés –, qui vont nous permettre de faire face à la modification du calendrier de paiement qu’entraîne la mise en œuvre du nouveau dispositif technique.

Hors titre 2, nous avons bénéficié du « coût de sac à dos » des effectifs créés, ce qui n’avait pas été le cas dans le budget pour 2018, et 13,6 millions d’euros sont également destinés au fonctionnement de la réserve. Ces crédits vont nous permettre d’envisager le renouvellement de notre flotte de véhicules, grâce à l’achat de 2 800 véhicules ; nous allons également pouvoir faire l’acquisition de gilets pare-balles pour des quantités au moins équivalentes à 2018 et rénover un certain nombre de casernes. Les programmes immobiliers vont bénéficier de 105 millions d’euros, dont 15 millions d’euros pour la sécurisation des casernes, ce qui s’inscrit dans une trajectoire amorcée l’année dernière et qui me semble nécessaire, car l’immobilier constitue une préoccupation essentielle pour l’ensemble de nos personnels.

Parallèlement, nous faisons évoluer notre politique en matière de ressources humaines, d’abord en mettant en place de nouvelles modalités de recrutement. Il existe aujourd’hui deux concours, organisés respectivement en mars et en octobre, et pour lesquels certaines épreuves – je pense notamment aux tests psychologiques – se font à l’ancienne, sur papier. Nous travaillons actuellement à la mise en place d’un seul concours en octobre, avec une dématérialisation totale des épreuves – qui, outre qu’elle va nous permettre d’économiser 60 tonnes de papier, va également faciliter la correction. Le prochain concours sera donc organisé en septembre 2019. Si nous avons décidé d’en supprimer un, c’est que nous avions constaté qu’un certain nombre de candidats attendaient jusqu’alors douze à quatorze mois avant d’être intégrés, ce qui provoquait une « évaporation » non négligeable parmi les candidats : bon nombre d’entre eux se désistaient avant leur incorporation. Nous avons donc décidé d’écouler le stock de candidats agréés, avant d’en sélectionner de nouveaux qui, eux, seront intégrés peu de temps après avoir été reçus au concours.

Nous allons également modifier le contenu de la formation dispensée aux nouvelles recrues, en continuant à mettre l’accent sur ces aspects spécifiques que sont le contact, la résilience, l’endurance, la confrontation à la mort et à la difficulté : en d’autres termes, nous voulons travailler le savoir-être plus que les connaissances. En effet, ces connaissances étant aujourd’hui facilement accessibles à partir de l’outil NéoGend, il est inutile de les apprendre par cœur, d’autant que les lois changent tous les jours – vous êtes bien placés pour le savoir !

En ce qui concerne les ressources humaines, nous avons mis en place un dispositif d’avancement semi-automatique, ainsi qu’un nouveau dispositif d’enseignement du second degré – nous avons pour cela modifié toute la partie relative à l’École de guerre, et introduit une notion de mobilité des officiers supérieurs. Je considère pour ma part qu’un officier supérieur de qualité doit avoir servi à l’extérieur de la maison. Si cette exigence n’est pas statutaire, elle me paraît souhaitable en ce qu’elle permet à l’officier concerné de voir autre chose, de rencontrer des personnes ayant une autre vision, et de revenir enrichi de l’expérience ainsi accumulée, donc meilleur. Je rappelle que le taux de féminisation des effectifs de la gendarmerie s’établit actuellement à 19 % et qu’il augmente d’un point par an depuis plusieurs années – ce qui fait que l’on commence à voir arriver des personnels féminins dans les strates de commandement, dont la proportion est appelée à augmenter dans les prochaines années.

Mme Aude Bono-Vandorme, rapporteure pour avis des crédits de la gendarmerie nationale. Le budget présenté par le ministre de l’Intérieur pour la gendarmerie nationale est marqué par une hausse de crédits de paiement de près de 118 millions d’euros hors compte d’affectation spéciale (CAS) « Pensions ». Cette hausse exprime tout autant une véritable reconnaissance pour le remarquable travail accompli quotidiennement par nos gendarmes que pour la place stratégique occupée par la gendarmerie parmi les forces de sécurité intérieure.

Je fais partie de ceux qui croient à la nécessité de sanctuariser les budgets afin de fournir une visibilité à moyen terme aux responsables dont vous faites partie. Aussi, j’ai la conviction qu’il est important que le ministère de l’Intérieur se dote d’une loi de programmation, à l’instar de tous les ministères régaliens – le ministère des Armées l’a fait et le ministère de la Justice s’y prépare. Cette loi doit être l’aboutissement d’un travail et d’une vision collective, c’est la raison pour laquelle son nécessaire préalable est l’élaboration d’un document stratégique pour les forces de sécurité intérieure, avec des objectifs clairs et ambitieux.

Vous connaissez mon attachement au maintien du moral des troupes. Je crois en effet que l’engagement du gendarme est proportionnel au bien-être qu’il peut avoir dans sa vie personnelle et je souhaite, comme vous, que chaque gendarme reste pleinement mobilisé, tant les menaces sont aujourd’hui importantes. C’est pourquoi son cadre de vie doit être amélioré et les moyens affectés à ses missions modernisés – c’est là une nécessité que j’ai pu vérifier tant en outre-mer qu’en métropole. Si le budget de l’immobilier de 2018 est reconduit en 2019, vous savez comme moi que ce budget ne pourra pas satisfaire tous les besoins qui s’expriment, en dépit de tous les efforts consentis. Nous devons rester vigilants sur ces sujets, c’est pourquoi le projet de loi de programmation pour la sécurité intérieure (LPSI) que je porte répondrait à cet impérieux besoin de visibilité.

Pour ce qui est des conditions d’exécution de la loi de finances pour 2018, en particulier des mesures de régulation budgétaire qui ont concerné la réserve, si ces dépenses sont facilement pilotables, le financement de la réserve de la gendarmerie nationale ne peut pas constituer, chaque année, une variable d’ajustement, car les réservistes représentent une ressource inestimable.

Enfin, je souhaite évoquer des missions méconnues de la gendarmerie nationale dans le domaine de la gestion de crise, en mettant à l’honneur ces corps participant au soutien opérationnel et dont le commandement est installé dans la commune du Blanc, dans l’Indre : ils sont souvent les premiers de cordée dans la gestion des crises.

Général, pensez-vous comme moi qu’une loi de programmation pour la sécurité intérieure soit indispensable à la Nation ? Le cas échéant, quels en seraient selon vous les nécessaires préalables ? La notion de bien-être au travail ne s’applique pas seulement aux salariés et aux fonctionnaires : elle concerne aussi les militaires. Quelles sont vos pistes pour l’amélioration des conditions de vie des gendarmes et de leurs familles ? Souhaitez-vous sanctuariser les crédits de la réserve à un moment où la menace est importante ? Enfin, quels sont les avantages que procure le statut de militaire pour les responsables dans la gestion de crise ?

M. Jean-Louis Thiériot. L’un des éléments majeurs de l’efficacité réside dans le maillage territorial, donc dans la présence sur le terrain des brigades territoriales. Si nous avons déjà eu l’occasion d’évoquer ensemble cette question à l’École des officiers de la Gendarmerie nationale (EOGN) de Melun, alors que j’étais président du conseil départemental de Seine-et-Marne, aujourd’hui, je souhaiterais savoir quelles sont les règles définissant les priorités pour les constructions réalisées sur la base du décret du 28 janvier 1993 relatif aux modalités d’attribution de subventions aux collectivités territoriales pour la construction de casernements de gendarmerie.

Selon la rumeur, alors que les constructions prévues en région Île‑de‑France figurent sur une liste prioritaire comportant une partie domaniale et une partie réservée aux brigades territoriales, un certain nombre des casernes destinées à ces brigades territoriales, dont la construction avait été annoncée en 2016 par le ministre, ont été sorties de la liste, sans que l’on puisse savoir à qui attribuer cette décision – on parle tantôt du Secrétariat général pour l’administration du ministère de l’Intérieur (SGAMI), tantôt de la préfecture de police. Je ne sais pas ce qu’il faut en penser, mais force est de constater que de nombreux projets, tel celui de la caserne de Guignes, en Seine-et-Marne, se trouvent aujourd’hui retardés, alors même que les communes et régions concernées sont disposées à prendre part à leur financement. Pouvez-vous nous dire ce qu’il en est réellement ?

Pour conclure, je me permets d’insister à nouveau sur l’importance de veiller à ce que les personnels soient décemment logés sur les territoires où ils interviennent : c’est une condition essentielle au bien-être des personnels, mais aussi à l’efficacité de leur action.

Mme Sereine Mauborgne. Général, au nom de tous les parlementaires qui m’accompagnaient lors du stage que vous aviez organisé à notre intention en Guyane, je veux à nouveau vous remercier pour l’accueil qui nous a été réservé par tous les gendarmes rencontrés sur place.

Ma question porte sur les hélicoptères de la gendarmerie, qui affichent un taux de disponibilité de 90 % – un chiffre tout à fait remarquable, notamment au regard de la disponibilité des aéronefs des armées. Pouvez-vous nous dire un mot des modalités spécifiques de maintien en condition opérationnelle (MCO) dont bénéficient vos hélicoptères ?

Par ailleurs, je me permets de vous faire passer le message selon lequel les hélicoptères Écureuil sont particulièrement bienvenus en Guyane, au regard des longues distances à parcourir.

M. Jean-Pierre Cubertafon. Les effectifs de la gendarmerie ont été augmentés, et les brigades ont bénéficié de nouveaux équipements. La création de plus de 3 000 postes de 2013 à 2017 a permis de renforcer la présence des gendarmes sur le terrain, ce qui est très important pour la population rurale, dont les gendarmes sont les principaux interlocuteurs en matière de sécurité.

Au-delà des nouvelles problématiques demandant une présence accrue sur le territoire, la démographie est en constante évolution. Entre 2013 et 2017, la population française a augmenté de 1,3 million d’habitants. Si le projet de loi de finances pour 2017 semblait avoir répondu à vos attentes en matière d’effectifs, est-ce également le cas du projet de loi de finances pour 2019 ?

M. Joaquim Pueyo. Mon général, c’est à juste titre que vous avez réservé une grande place à la réserve opérationnelle dans votre propos liminaire, car elle est d’une grande importance, en particulier dans les départements qui, sans elle, ressembleraient à des déserts militaires : il est bon de savoir qu’en tout point du territoire, des réservistes peuvent être mobilisés lors de grands événements.

Je ne reviendrai pas sur le détail des chiffres, mais j’aimerais savoir si, selon vous, il existe des disparités territoriales en termes de recrutement. En d’autres termes, est-il plus difficile de recruter dans certains départements que dans d’autres ? J’ai tendance à penser que le recrutement se fait plus facilement dans les départements ruraux, mais je peux me tromper.

Ma deuxième question porte sur le renseignement territorial. Dans ce domaine, nous savons que la récolte de renseignement au plus près du terrain est essentielle, et repose sur des personnels qui connaissent très bien les populations, et sont donc les plus à même de détecter un changement de comportement chez tel ou tel individu. Pouvez-vous nous indiquer si en matière de renseignement les gendarmes travaillent avec les élus locaux ? En tout état de cause, ces derniers sont demandeurs – non pas de renseignements précis sur une personne, mais d’informations concernant leur territoire. En dehors des réunions régulièrement organisées par les préfets, les brigades sont-elles amenées à entrer en relation avec les élus locaux afin de procéder à des échanges d’informations ? Je précise que si je vous pose cette question, c’est aussi parce que je sais que la police travaille différemment.

M. Jacques Marilossian. Les groupements de gendarmerie départementaux sont mis à contribution, nous le savons, pour le déploiement des dispositifs de police de sécurité du quotidien.

Dans ce cadre, le groupement de gendarmerie de la Haute-Saône a mis en place la Force de liaison et d’action des Mille Étangs (FLAME). S’appuyant sur un réseau d’information par SMS, elle permet aux gendarmes de renseigner et d’alerter la population mais également au public d’envoyer des requêtes. Ce dispositif, développé par la section des systèmes d’information et de communication de Haute-Saône, semble bien fonctionner pour un coût d’exploitation faible, ce qui est une innovation à saluer pour les finances publiques.

Envisagez-vous, Mon général, de l’adapter à des départements de même nature, étendus et difficilement contrôlables, notamment en outre-mer et plus particulièrement en Guyane ?

M. André Chassaigne. Mes questions porteront sur le numérique.

La gendarmerie a engagé sa transformation en ce domaine avec NéoGend. Ces outils ont-ils été généralisés à l’ensemble des brigades territoriales ? Pourriez‑vous faire le point sur leur développement ?

La gendarmerie a également mis en place un self-service numérique avec la brigade numérique, composée d’une vingtaine de gendarmes formés pour répondre aux questions envoyées en ligne par les usagers dans des domaines variés. Pour y accéder, nos concitoyens doivent bien sûr disposer d’internet. Comptez-vous passer des conventions avec les maisons de services au public (MSAP) afin de rendre ce service accessible au plus grand nombre de personnes ?

Comme chaque service public, la gendarmerie est obligée de publier sur internet des données publiques. Où en êtes-vous de votre politique d’open data ? L’organisation des communautés de brigades rend parfois difficile de connaître les horaires d’ouverture des gendarmeries. Une meilleure information s’impose.

Enfin, qu’en est-il du classement des pelotons de surveillance et d’intervention (PSIG) en configuration Sabre ? Le projet de loi de finances pour 2018 envisageait la création de cinq nouveaux PSIG-Sabre, ce qui portait leur nombre à 150. Qu’en sera-t-il pour les années à venir ?

Général Richard Lizurey. Madame la rapporteure, je vous remercie pour les encouragements que vous prodiguez à la gendarmerie, qui sont extrêmement appréciés, sachez-le. Les moyens qui nous sont accordés témoignent de la reconnaissance du travail qu’elle accomplit : je peux vous garantir que les militaires et les personnels civils y sont particulièrement sensibles parce qu’ils leur permettent de travailler mieux.

Pour ce qui est de la création d’une loi de programmation de sécurité intérieure, je partage votre analyse et votre souhait. Il me semble important de tracer des perspectives. Cela a du sens et ce n’est pas pour rien que les armées se dotent de lois de programmation militaire. Nous pourrions définir ensemble les objectifs stratégiques, le niveau de sécurité que nous voulons garantir à nos concitoyens, puis déterminer les besoins et enfin définir les moyens à attribuer et les évolutions à mettre en place en matière d’organisation et de personnels.

Le bien-être de nos personnels est un enjeu d’importance, particulièrement cette année où la gendarmerie a déjà connu vingt-neuf suicides. En dix ans, c’est la deuxième fois que nous enregistrons de tels chiffres, ce qui me préoccupe beaucoup. Ces actes individuels ne me semblent pas refléter un malaise général à la gendarmerie mais ils doivent nous mobiliser : il faut réfléchir aux moyens d’éviter ces dramatiques passages à l’acte.

Plusieurs pistes s’offrent à nous.

Il y a d’abord la mise à disposition de nouveaux outils pour les personnels et l’amélioration des infrastructures – vous avez évoqué les efforts consentis en matière d’immobilier. Les familles sont très présentes au sein de l’univers de la gendarmerie : qu’elles puissent être logées dans des conditions normales est un élément déterminant. Autre élément déterminant : le sens de la mission. « Choisissez un travail que vous aimez et vous n’aurez pas à travailler un seul jour » disait un grand auteur. Donner à nos personnels les moyens de travailler au service de la population contribue à leur bien-être.

Pour ces deux raisons, j’ai lancé depuis quelques mois un chantier portant sur l’évolution des astreintes afin que chaque militaire ait davantage de temps à accorder à sa famille et trouve un plein sens à son action. Les permanences se multiplient tous azimuts, dans toutes les unités, et concernent chaque jour un tiers des 100 000 civils et militaires, ce qui est beaucoup trop. Certes, elles garantissent une grande réactivité mais compte tenu de la réalité des besoins, nombre d’entre elles se révèlent inutiles. Elles apparaissent dès lors comme des contraintes et suscitent des interrogations.

Le bien-être passe aussi par la perspective de l’avancement, qui permet à chacun d’être reconnu dans son métier grâce à l’ascenseur social. Je souhaite que toutes les personnes qui rentrent dans la gendarmerie, dès lors qu’elles en ont l’ambition, puissent monter en grade, de gendarme adjoint volontaire jusqu’à général. Chaque année, la liste d’aptitudes comprend des gens qui ont commencé à la base.

Le bien-être se manifeste, en outre, par la solidarité dans les moments difficiles – aujourd’hui, c’est vers les brigades de l’Aude confrontées aux inondations que nous nous tournons. On a coutume de dire que la gendarmerie est une famille. Cela a des mauvais côtés mais aussi des bons et mon travail consiste à développer ces bons côtés.

Sanctuariser les crédits consacrés à la réserve, suggérez-vous, Madame la rapporteure. Oui, mais il ne faut pas oublier que je dois rester dans les limites de l’enveloppe initiale qui m’a été accordée par la loi de finances. Cela m’impose d’avoir recours à certains leviers de gestion, dont font partie les crédits de la réserve opérationnelle. J’essaierai de limiter leur impact mais je n’ai pas d’autre choix.

Quant au statut militaire, il apporte un avantage décisif dans la gestion de crise. Après le passage de l’ouragan Irma, je n’ai pas pu projeter de personnels civils car leur statut ne le permet pas. Les personnels des corps de soutien comme les mécaniciens ou les spécialistes radio ont pu, eux, être envoyés sur place car ils sont militaires. Dans la sphère « environnement », nous devons donc continuer à avoir moitié de personnels civils, moitié de personnels militaires, soit 5 000 et 5000, afin d’assurer une pleine efficacité opérationnelle.

Pour ce qui est du décret de 1993, Monsieur Thiériot, je vais essayer d’être synthétique. Une fois le principe de la construction d’une brigade notifié, il fait l’objet d’une validation au niveau du ministre et le programme de construction suit son cours. Il ne peut être stoppé que si la collectivité territoriale ou l’opérateur le décide. Lorsque la gendarmerie relevait du ministère de la Défense, son opérateur était le service d’infrastructure de la défense (SID) ; depuis qu’elle est rattachée au ministère de l’Intérieur, elle dépend des SGAMI. Certains sont en mesure de conduire toutes les opérations de construction qui leur sont confiées. Celui de Paris a des difficultés pour gérer la totalité des chantiers, très nombreux dans la région parisienne. Cela explique qu’il y ait ici ou là des retards mais cela n’implique nullement que le programme de Guignes soit remis en cause, il est simplement décalé.

Madame Mauborgne, pour les hélicoptères, je dois rendre hommage à mes spécialistes. Notre conception de l’entretien des appareils privilégie l’autonomie : dans chaque section aérienne, le travail des pilotes et des mécaniciens permet d’atteindre ce taux de disponibilité de 90 %. En outre-mer, nous avons mis en place depuis de nombreuses années un système de maintien en condition opérationnelle local. Contrairement à la sécurité civile, nous ne faisons pas revenir les appareils en métropole. Cela limite les coûts de transport comme les périodes d’indisponibilité. Nous recevons également l’appui très efficace de la structure intégrée du maintien en condition opérationnelle des matériels aéronautiques du ministère de la Défense (SIMMAD).

Monsieur Cubertafon, je pourrais vous répondre que l’augmentation des effectifs prévue dans chaque budget n’est jamais suffisante. Toutefois, l’accroissement de 643 équivalents temps plein pour 2019 nous permettra de renforcer nos unités : 100 seront injectés dans les vingt départements prioritaires en matière de police de sécurité du quotidien et les autres seront intégrés dans des brigades soumises à d’importantes tensions opérationnelles. Il est important de noter que 70 % de l’augmentation de la population concernent des zones qui relèvent de la gendarmerie. Auparavant, l’exode rural drainait les populations vers les villes tandis qu’aujourd’hui, beaucoup de citadins viennent s’installer dans des zones périurbaines ou rurales. Dans les années à venir, il nous faudra être en mesure d’accompagner cette évolution démographique. Les effectifs dont nous disposons actuellement nous permettent de faire face mais cela n’empêche pas de procéder à de nécessaires redéploiements ici ou là.

Quant aux recrutements, Monsieur Pueyo, ils sont marqués par des disparités certaines. Nos bassins de recrutement se situent essentiellement dans les métropoles et les grandes villes, ce qui conduit à une asymétrie car les bassins d’emploi sont souvent ruraux. Nous devons apprendre à nos jeunes recrues à parler avec une population qu’ils n’ont pas l’habitude de côtoyer, comme les agriculteurs. Bon an mal an, nous parvenons toutefois à recruter : le taux de sélection est de quatre pour un pour les sous-officiers et d’un peu moins de deux pour un pour les gendarmes adjoints volontaires. Je n’ai pas d’inquiétudes particulières à ce sujet.

C’est votre question sur le renseignement territorial qui m’inquiète car elle montre que les relations entre élus et gendarmerie ne se nouent pas comme il le faudrait. La base de l’action de la gendarmerie est le contact avec les élus, qui constituent pour elle des interlocuteurs majeurs à même de l’éclairer sur la manière dont elle fait son service. Dans le cadre de la police de sécurité du quotidien en 2018, nous avons souhaité que chaque maire ait un gendarme référent. Il reste apparemment des marges de progression. Depuis cette année, nous avons décidé d’organiser chaque semestre des réunions de travail réunissant l’ensemble des maires des communes relevant d’une compagnie territoriale pour que le commandant de compagnie et les commandants de brigade rendent compte de leur activité. Nous devons continuer à travailler dans cette voie. Ces contacts contribuent au développement du renseignement territorial.

Je me suis rendu en Haute-Saône pour voir de plus près comment fonctionnait le dispositif FLAME. Je dois dire qu’il m’a enchanté, d’autant qu’il est uniquement animé par des réservistes. Il inspirera sans doute d’autres compagnies. Il correspond à une approche sur-mesure en matière de police de sécurité du quotidien. Je considère qu’une fois que j’ai « donné les clefs du camion » à chacun des 350 commandants de compagnie, il est de leur responsabilité de s’organiser comme ils l’entendent et qu’ils sont libres de s’inspirer ou non des bonnes pratiques. S’ils prennent des options qui ne sont pas les bonnes, des corrections pourront toujours être apportées après retour d’expérience. Chacun a droit à l’erreur.

Ajoutons que la Haute-Saône va aussi innover l’année prochaine en expérimentant le dispositif GenDrive, qui consiste à implanter un poste de gendarmerie au sein d’un centre commercial.

Tous les terminaux NéoGend, soit 67 000, ont été déployés avant le 31 décembre 2017. Chaque gendarme départemental est désormais doté d’un smartphone, qui comprend la totalité des bases de données nécessaires, tandis que chaque escadron de gendarmerie mobile dispose de deux ou trois tablettes collectives. Tous les trois ans, ces équipements seront renouvelés, opération qui ne posera pas de problèmes particuliers puisqu’ils sont loués.

La brigade numérique est née d’un constat : nombre de nos concitoyens ont des difficultés pour accéder aux services publics de gendarmerie parce que les brigades sont fermées la nuit, le week-end, que leurs horaires d’ouverture sont mal connus et qu’il n’est pas toujours facile de s’y rendre durant la semaine. Pour leur offrir un moyen d’interagir avec nous, nous avons créé cette plateforme animée par des gendarmes spécialement formés, qui s’occuperont aussi de la future plateforme de signalement des violences sexuelles. Depuis Rennes, ils répondent vingt-quatre heures sur vingt-quatre aux internautes de toute la France qui se sont connectés à partir du site gendamerie.gouv.fr.

Par ailleurs, nous avons lancé avec la préfecture du Loir-et-Cher une expérimentation consistant à implanter dans les maisons de services au public des bornes interactives afin que tous ceux et toutes celles qui n’ont pas d’équipement internet chez eux puissent avoir accès à la brigade numérique.

Vous évoquiez également, Monsieur Chassaigne, la difficulté d’obtenir des informations sur les horaires d’ouverture. Nous travaillons à améliorer les choses. La plateforme animée par la brigade numérique servira même en 2019 à prendre des rendez-vous avec les gendarmes de chaque brigade territoriale.

Quant aux 150 PSIG-Sabre, ils représentent un PSIG sur trois, ce qui est une bonne proportion. Cela dit, pour atteindre l’objectif opérationnel qui nous a été fixé – chaque point du territoire doit pouvoir bénéficier d’une intervention spécialisée de premier niveau dans un délai de vingt minutes –, nous procéderons à des aménagements complémentaires et nous créerons sans doute d’autres PSIG car nous constatons qu’il y a dans certaines zones des petits déserts.

M. Didier Le Gac. Ma première question portait sur les réservistes mais vous y avez en grande partie répondu, Mon général. C’est pour nous, élus, un enjeu d’importance car la baisse de 30 % l’année dernière a été douloureusement vécue localement.

Ma deuxième question porte sur les brigades nautiques. J’ai entendu dire que vous comptiez les supprimer. Pour le Finistère, qui est le département le plus maritime de France avec 1 200 kilomètres de côtes, cela paraît difficilement compréhensible.

Mme Marianne Dubois. Ma question vous paraîtra sans doute basique. L’une des missions premières d’un gendarme est d’accueillir les personnes, souvent en plein désarroi, qui viennent porter plainte. Or les conditions d’accueil ne sont souvent pas à la hauteur des attentes. Prévoyez-vous des moyens spécifiques pour former les gendarmes aux accueils difficiles ?

M. Yannick Favennec Becot. Le Groupe d’intervention de la gendarmerie nationale (GIGN), unité d’élite de la gendarmerie, est reconnu et envié dans le monde entier. Il semblerait qu’il traverse une période un peu difficile, notamment depuis les attentats de Paris. Le 13 novembre 2015, les hommes du GIGN ne sont pas intervenus car les événements se déroulaient dans une zone d’intervention de la police. Ils ne sont pas intervenus non plus lors de l’attaque de Trèbes car ils sont arrivés trop tard.

Le problème renvoie au temps nécessaire pour mobiliser les hommes du GIGN. Cette unité d’élite est formée et entraînée pour des interventions pointues pour lesquelles elle est irremplaçable ; or elle paraît aujourd’hui souffrir d’être sous-utilisée.

Pouvez-vous, Mon général, nous donner votre sentiment sur cette situation et nous indiquer quels moyens vous comptez utiliser pour réorganiser ces groupements d’intervention au niveau national mais également au niveau des six antennes régionales ?

Mme Françoise Dumas. Les années 2017-2018 ont marqué un véritable tournant pour la gendarmerie nationale, notamment dans sa manière de créer un lien avec les citoyens, et je tiens à saluer l’ensemble de vos forces et ceux qui les commandent.

L’expérimentation des brigades territoriales de contact qui a lieu depuis 2017 s’est révélée positive et elle a trouvé un prolongement dans le cadre de la police de sécurité du quotidien. Quelles mesures sont envisagées pour renforcer la fonction « contact » au sein de la gendarmerie territoriale ? Pourriez-vous nous préciser les mesures relatives à la formation des personnels d’active et de réserve, en particulier pour ce qui est de la compréhension des attentes sur le terrain ?

M. Jean-Michel Jacques. Ma question porte sur la mutualisation informatique. NéoGend, équivalent de NéoPol pour la gendarmerie, fonctionne bien. Qu’en est-il des logiciels de rédaction des procédures ? D’après les informations dont je dispose, il y en a un pour la police nationale, dit LRPPN, et un autre pour la gendarmerie nationale, dit LRPGN. Un groupe de travail se penche sur une convergence, qui serait une garantie de simplification. Pouvez‑vous nous en dire plus ?

Par ailleurs, la police ne dispose pas de l’équivalent de la brigade numérique de Rennes. Ne serait-ce pas une autre piste pour la mutualisation ?

Mme Nicole Trisse. Le budget alloué à la gendarmerie nationale pour 2019 est fort. Toutefois, un poste de dépenses est en baisse : les investissements subissent une diminution de 4 % en autorisations d’engagement et de 13 % en crédits de paiement. Quelles sont vos attentes en la matière ?

M. Laurent Furst. Mon général, j’aimerais vous rassurer : dans ma circonscription, les relations entre gendarmes et élus sont absolument excellentes. Il y a environ trois ans, lors d’une réunion, les gendarmes nous ont informés qu’une bande, partie de la région parisienne pour rejoindre l’Europe de l’Est, commettait des cambriolages chemin faisant, de zones de police en zones de gendarmerie. De quels moyens disposez-vous pour suivre ce genre d’affaires particulièrement complexes puisqu’elles s’étendent sur des portions importantes du territoire national ?

Mme Patricia Mirallès. À la suite de l’application aux gendarmes de la directive « Temps de travail », vous estimiez il y a deux ans une moindre activité de 5 %. Qu’en est-il à ce jour ? Et quel impact cette directive a-t-elle eu sur la population spécifique des réservistes, alors que les pompiers pourraient s’y voir soumis à la suite de l’arrêt Matzak ?

Général Richard Lizurey. S’agissant des brigades nautiques, Monsieur Le Gac, nous n’entendons rien supprimer mais nous voulons les adapter aux besoins. Les brigades nautiques de Bretagne ont bien entendu leur justification, mais nous avons quelque 300 plongeurs dans la gendarmerie nationale, principalement localisés dans les unités nautiques sur la côte alors que leur emploi est principalement dans les terres, car les recherches subaquatiques se font surtout dans les cours d’eau. Il faut donc parcourir des distances importantes pour exercer leur métier et même pour s’entraîner car ils s’entraînent, non dans la mer, mais là où ils interviennent, c’est-à-dire dans les terres. Le travail qui est actuellement conduit est tout simplement une revue capacitaire, qui ne concerne d’ailleurs pas que les unités nautiques mais l’ensemble des unités. Il est de ma responsabilité de regarder si le dispositif historique est toujours pertinent au regard de la démographie et des besoins. Les unités nautiques font comme les autres l’objet de cette réflexion. Il n’est pas envisagé de les supprimer mais nous regarderons l’évolution des besoins.

Je considère qu’une unité qui passe plus de 50 % de son temps à s’entraîner doit être interrogée sur sa justification. C’est comme cela que je l’ai dit à mes troupes. On doit d’abord être engagé dans l’opérationnel. Cela ne veut pas dire qu’il ne faut pas s’entraîner mais 50 % ne me paraît pas une bonne mesure. Cela peut inquiéter ici ou là ; il me paraît toutefois important d’y réfléchir, en liaison avec l’ensemble des personnels. Vous serez également sollicités, je pense, dans ce cadre.

Madame Dubois, l’accueil est la première étape du contact. C’est donc l’étape la plus importante, et ce n’est pas pour rien que les entreprises font porter là-dessus le plus gros effort. Nous avons pris quelques mesures, avec des locaux aménagés ici ou là, mais il faut encore que nous soyons meilleurs en matière de formation. La qualité d’accueil laisse parfois à désirer et je le regrette car notre métier est d’accueillir toutes les personnes qui viennent nous voir, usagers, plaignants, et même des auteurs d’actes, et nous avons le devoir de les respecter. Le respect est la base de l’accueil. L’accueil, comme le contact, fait partie des éléments déterminants de notre ADN et, de ce point de vue, nous devons encore progresser dans la formation de nos personnels. Nous en ferons un point fort de la formation initiale que j’ai évoquée.

Monsieur Favennec Becot, le GIGN connaît en effet une période un peu difficile mais c’est normal car les choses évoluent et on ne peut pas considérer qu’il soit au sommet de la pyramide et inatteignable pour l’éternité. Ce n’est en tout cas pas mon point de vue. Le GIGN est un organisme vivant, la gendarmerie tout entière est un organisme vivant, et il faut donc que nous nous interrogions sur notre avenir, sur la manière d’assurer la mission, sur la cinétique et sur le contexte, qui a changé. Vous avez évoqué les attentats du 13 novembre : le GIGN n’a pas été engagé à ce moment-là parce que, d’une part, la réponse apportée localement était considérée comme suffisante et, d’autre part, nous n’étions pas à l’abri d’une réplique en d’autres points et le GIGN était donc potentiellement prévu pour intervenir ailleurs. Pour Trèbes, c’est vrai que le temps de projection de Satory a été long et quand ils sont arrivés c’était terminé, mais c’est aussi du fait de la cinétique propre de la crise.

Le modèle que nous avons aujourd’hui est-il pérenne, ne souffre-t-il aucune critique ? J’ai demandé une réflexion en interne, d’où l’inquiétude qui s’exprime, car, quand on demande aux gens de réfléchir sur un dispositif, ils craignent qu’il soit mis en cause et supprimé. Nous avons six antennes GIGN, qui doivent à mon avis être intégrées dans une vision globale de l’opération. Nous sommes aujourd’hui sur une logique de tueries de masse, avec une cinétique extrêmement rapide : nous n’avons plus le temps d’attendre une projection, il faut prendre de premières mesures. Le primo-arrivant, c’est le gendarme de brigade ; l’intervention spécialisée de premier niveau, c’est le PSIG-Sabre. C’est d’ailleurs comme cela que ça s’est passé à Trèbes. C’est d’abord la communauté de brigade de Trèbes qui est arrivée, puis le PSIG-Sabre, puis l’antenne GIGN, enfin le GIGN. Tout cela s’est mis en place mais on voit bien qu’il faut s’interroger sur notre modèle, qui doit être revu dans sa cinétique et dans sa conception opérationnelle, non pas pour le mettre en cause mais pour l’améliorer et pour qu’il réponde à l’instant t aux besoins. Nous avons des marges de progression.

Madame Dumas, je vous remercie pour l’hommage que vous avez rendu aux personnels. S’agissant de la fonction contact et des brigades territoriales de contact, je rejoins ce que j’ai dit sur l’accueil. C’est une formation que nous avons commencé à intégrer dans la formation initiale, et ce sont d’ailleurs des élus qui interviennent devant nos élèves gendarmes, pour leur expliquer tout simplement ce qu’ils attendent d’eux, ce qui est attendu des gendarmes quand ils arrivent, aller voir les élus, dire bonjour, faire le tour de la circonscription, toutes choses qui étaient considérées comme acquises et qui en réalité ne le sont pas. Je pense qu’il faudra aller encore au-delà, nous continuerons d’investir sur le sujet. Si les uns et les autres êtes intéressés, je suis prêt à vous accueillir dans les écoles pour que vous témoigniez de votre expérience et de votre vision d’élus, car il est important que les jeunes gendarmes vous entendent. Un jour, un élu m’a dit que les gendarmes ne venaient pas toujours aux cérémonies et que, quand ils venaient, ils ne disaient pas bonjour. Cela m’a interpellé. En l’espèce, c’était vrai : renseignements pris, il s’agissait de deux jeunes gendarmes qui venaient d’arriver et qui étaient complètement perdus. Notre erreur était de ne pas les avoir formés. C’est ce qui a déclenché le processus de réflexion sur le contact.

Monsieur Jacques, les plateformes LRPPN et LRPGN sont différentes, et je ne crois pas qu’il soit dans l’intérêt des uns et des autres de les rendre identiques. La LRPGN a été développée par des personnels de la gendarmerie nationale en fonction de la doctrine d’emploi de nos personnels. Un gendarme fait de la police administrative, de la police judiciaire, de la police des eaux et forêts, de la police de la chasse, il fait de tout, à la différence de nos camarades policiers qui sont beaucoup plus spécialisés. Les besoins ne sont donc pas les mêmes. Le gendarme traite une enquête de A à Z, sauf les enquêtes complexes où nous saisissons la section de recherches ; il a donc besoin d’une procédure complète, ce qui n’est pas le cas de la police nationale. Le policier premier saisi, parfois, et même assez souvent, transfère les gardes à vue. Le séquençage des missions est différent. C’est pourquoi il ne me paraît pas souhaitable de rapprocher les logiciels de rédaction de procédure.

En revanche, il faut, vous avez raison, que le puits de données soit identique. Je rejoins donc ce que vous avez dit sur les perspectives de dématérialisation de la procédure. Un travail est actuellement en cours entre la justice et l’intérieur, afin de créer, j’espère en 2021 ou 2022, un dispositif qui permette à chaque policier et chaque gendarme de remplir la procédure, la machine transférant les données dans un puits de données où les magistrats viendront puiser, donc une procédure dématérialisée jusqu’au procès pénal. Mais cela n’oblige pas à se doter d’une plateforme unique.

La brigade numérique ne comprend à ce stade que des gendarmes mais des offres de service sont sur la table. J’ai dit, dès sa création, que les policiers étaient les bienvenus. Une salle est à leur disposition et nous mettrons les ordinateurs nécessaires quand ils viendront.

Madame Trisse, il est vrai que les investissements sont en baisse, notamment dans le domaine des systèmes d’information et de communication (SIC) : c’est parce que, sur la partie Néogend, nous sommes en phase de MCO, tandis que l’an dernier nous avons acheté 67 000 tablettes. Nous n’avons plus besoin d’acheter de tablettes aujourd’hui, le matériel a été loué ; il ne reste que le MCO qui ne nécessite pas d’investissement.

Monsieur Furst, nous suivons les grands groupes criminels organisés, notamment avec l’Office central de lutte contre la délinquance itinérante (OCLDI). Nous avons démantelé une trentaine de groupes l’année dernière et nous avons l’ambition d’en démanteler au moins autant cette année. Nous sommes d’ailleurs, au niveau de l’office, leaders dans le projet European multidisciplinary platform against criminal threats (EMPACT) de l’Union européenne qui vise à travailler au niveau européen sur la lutte contre ce phénomène de délinquance. C’est un phénomène principalement en provenance d’Europe de l’Est, mais pas seulement, puisque nous sommes même confrontés à des groupes chiliens. Jusqu’à récemment, on estimait que la criminalité organisée était le haut du spectre. Aujourd’hui, les cambriolages opérés par ces groupes criminels sont de la criminalité organisée, et nous nous organisons pour en limiter l’impact au maximum. Les résultats en matière de lutte contre les atteintes aux biens sont encourageants.

Madame Mirallès, la directive « Temps de travail » a fait l’objet d’une réflexion en interne et nous avons mis en place, le 1er septembre 2016, une instruction provisoire établissant un système de récupération de onze heures de repos physiologique journalier par tranche de vingt-quatre heures. Cela a été absorbé. Je vous avais dit à l’époque que cela ferait 5 % en moins de capacités présentes sur le terrain ; l’Inspection générale de l’administration (IGA) a considéré que l’impact était équivalent à moins 4 000 ETPT. Dont acte. Cela a été intégré, nous nous sommes réorganisés. La contrainte nous conduit à imaginer d’autres formes de procès : nous diminuons un certain nombre de tâches indues, de missions périphériques… Cela n’a pas recréé la capacité de travail pour autant, mais nous nous sommes adaptés à ce dispositif.

Il n’a pas eu à ce stade d’impact sur les réservistes. La jurisprudence que vous avez évoquée concernait des sapeurs-pompiers belges en astreinte immédiate à la caserne. C’est le caractère immédiat de l’astreinte qui a conduit le juge à estimer qu’il s’agissait d’un temps de travail effectif. Nos réservistes ne sont pas, quant à eux, en astreinte immédiate ; ils sont mobilisables mais n’ont pas l’obligation d’être en tenue chez eux pour intervenir. Je ne crois donc pas que la directive aura un impact sur nos réserves dans le futur proche.

M. le président. Il reste douze questions. Je vais les faire passer en une seule série et, si vous n’avez pas le temps de répondre à toutes, Mon général, vous pourrez nous communiquer vos réponses par écrit pour que nous les incorporions dans le compte rendu.

M. Xavier Batut. Je suis député de Seine-Maritime, une circonscription rurale de 233 communes et six compagnies de gendarmerie. Je salue la mise en place des brigades de contact, qui permettent de resserrer les liens avec la population et les élus. Cela marche très bien en Seine-Maritime ; les maires et les élus sont satisfaits des référents, avec qui ils se trouvent en discussion permanente. Ces brigades permettent également de sensibiliser les populations de personnes âgées aux risques numériques et autres.

Malgré cela, je suis régulièrement interpellé par la population pour des vols et incivilités en augmentation. Il faut savoir que nous avons eu cette année en Seine-Maritime 30 % d’affluence touristique en plus. Il y a quelques années, il existait des postes de gendarmerie d’été qui permettaient de gérer ces afflux de population. Des effectifs supplémentaires sont-ils prévus sur le terrain pour les gendarmeries territoriales, où souvent le gendarme est le dernier lien avec la population ?

M. Charles de la Verpillière. Dans le canton que je représente au conseil départemental de l’Ain, le canton de Lagnieu, se trouve la centrale nucléaire du Bugey, protégée par un peloton spécialisé de protection de la gendarmerie (PSPG). Pouvez-vous nous parler de ces PSPG ? Vous disiez par exemple qu’il ne faut pas dépasser 50 % de temps d’entraînement : comment fait-on, dans ces conditions, pour maintenir leur moral ?

Mme Séverine Gipson. La gendarmerie dans les territoires ruraux occupe une place importante auprès des citoyens et des élus. Elle est un lieu précieux pour chacun et permet un équilibre non négligeable dans la vie des petites communes. Lors de la réunion annuelle avec la compagnie de gendarmerie départementale, à laquelle je participe avec grand intérêt depuis plusieurs années, auparavant comme maire et maintenant comme députée, les différents chiffres de la délinquance, l’activité des brigades, les effectifs ont été présentés, il y a quelques semaines. Je tiens à féliciter les brigades de ma circonscription pour le travail effectué : baisse de la délinquance – moins 11 % – et des cambriolages – moins 9 %. Cependant, cette année, il y a un manque d’effectifs de 20 % et un point noir à moins 30 %. Il semblerait que ce point noir puisse avoir un impact non négligeable sur la vie de cette brigade, notamment en raison de la superficie couverte puisque l’on est en ruralité. Les raisons invoquées sont le manque d’attractivité des lieux mais aussi un manque de gradés. Des actions spécifiques sur le tableau d’avancement deviennent nécessaires afin de combler ces manques. Pouvez-vous nous indiquer quelles mesures vous entendez prendre face à ces postes non pourvus ?

M. Christophe Lejeune. Mon collègue Jacques Marilossian a eu l’excellente idée de vous parler de FLAME et vous avez répondu sur GenDrive.

Vos hommes et femmes sont régulièrement déployés sur des théâtres hors de métropole : Mayotte, Nouvelle-Calédonie pour le référendum, Guyane, Irma… Comme pour Notre-Dame-des-Landes, en termes capacitaires, c’est beaucoup de personnel concentré pendant plusieurs semaines, voire plusieurs mois, en l’occurrence sur des horizons lointains. Certains éléments sont prévisibles, comme le référendum. Certaines tensions sont récurrentes, en Guyane, à Mayotte. Il y a aussi l’imprévisible, comme les événements météorologiques. Vos capacités sont‑elles suffisantes ?

Mme Laurence Trastour-Isnart. Dans la sixième circonscription des Alpes-Maritimes, les relations entre la gendarmerie et les élus sont très bonnes. Nous sommes régulièrement invités à la gendarmerie pour participer à des réunions d’information.

Ma question porte sur l’insécurité dans les quartiers, de plus en plus présente, avec de la criminalité, des trafics de drogue, de la délinquance, des vols, des agressions, l’appropriation de certains quartiers par des bandes organisées. Avez-vous les moyens humains et matériels de faire face à la montée de cette insécurité ? De plus, la police de sécurité au quotidien souhaitée par le Gouvernement est-elle la bonne réponse à cette criminalité organisée qui crée des zones de non-droit en France ?

M. Stéphane Trompille. Je souhaite revenir, après notre collègue tout à l’heure, sur l’immobilier. Lors de projets de casernes, une commission tripartite se réunit. J’ai connu le problème dans mon département de l’Ain : il faut parfois plus d’un an pour que le service de santé des armées envoie quelqu’un. C’est un réel problème.

Vous avez parlé de rendre des comptes aux élus. Les policiers de Bourg-en-Bresse ont fait quelque chose qui mériterait peut-être d’être reproduit dans des secteurs de gendarmerie : « un café avec un policier », où la police rend des comptes aux habitants et qui leur permet également d’avoir des remontées du terrain.

M. Patrice Verchère. Si les crédits du budget de la gendarmerie sont en hausse de 2 % en crédits de paiement, les crédits de paiement pour l’investissement sont néanmoins en baisse de 13 %, cela a été dit. Une inquiétude a été relayée par l’Association professionnelle nationale de militaires (APNM) Gendarmes et Citoyens, qui craint que ce manque de crédits d’investissement se traduise par un retard de la rénovation du parc immobilier, préjudiciable aux familles et aux militaires eux-mêmes. Ils sont également inquiets quant au manque de crédits pour le renouvellement nécessaire des véhicules réformables. Faites‑vous le deuil de la possibilité d’une levée de la mise en réserve ou avez-vous encore l’espoir, d’ici au 31 décembre, de l’obtenir ?

Par ailleurs, les gendarmes de l’hôtel Matignon, qui assurent la sécurité de la résidence du Premier ministre, ont récemment dénoncé la dégradation de leurs conditions de travail. Une mission d’évaluation, que vous avez confiée à l’inspection générale de la gendarmerie nationale (IGGN), devait rendre ses conclusions le 12 octobre. Nous sommes le 16. Est-ce que, par hasard, vous auriez ses conclusions ?

Mme Anissa Khedher. Dans le cadre des Rencontres de la sécurité, une convention a été signée la semaine dernière en Isère le 10 octobre entre les sapeurs-pompiers, la gendarmerie nationale et la police nationale, afin d’assurer la sécurité des soldats du feu au cours de leur intervention. Je suis députée de la septième circonscription du Rhône, qui comporte notamment les communes de Bron, Vaulx-en-Velin, Rillieux-la-Pape, où les pompiers tirent la sonnette d’alarme. Dès novembre 2017, ils ont manifesté pour dénoncer le nombre d’agressions en hausse lors de leurs interventions. Ils demandaient notamment l’anonymisation de leurs plaintes, mais aussi la possibilité d’avoir recours à une caméra GoPro pour filmer les interventions dites sensibles et pouvoir identifier les auteurs. Ils comptent également sur une meilleure communication avec la police nationale et la gendarmerie afin de mieux identifier les interventions à risque. Quels moyens seront alloués à l’amélioration de la coopération et du partage d’informations entre ces différents services de sécurité ? Quels résultats envisagez-vous en Isère ? Et pensez-vous que des conventions similaires seront signées dans les prochains mois sur d’autres territoires dits à risque ?

M. Thomas Gassilloud. Il y a quelques semaines, j’étais avec plusieurs collègues en Guyane. Les forces aériennes de la gendarmerie comptent actuellement quelque cinquante hélicoptères ; dans les années quatre-vingt-dix, elles comptaient également des avions légers, du type Cessna. Alors que ces avions sont plus robustes, moins chers, ont un plus grand rayon d’action et sont plus rapides, ils ont cependant été abandonnés. Compte tenu des missions de la gendarmerie, transport de personnes, observation…, ne serait-il pas pertinent de se doter à nouveau d’avions de ce type ?

M. Philippe Folliot. Il y a une dizaine d’années, dans le cadre d’un rapport budgétaire, j’avais constaté un problème dans la gendarmerie d’outre-mer par rapport au recrutement, à savoir qu’il y avait relativement peu de gendarmes issus des départements ou collectivités d’origine. Vos prédécesseurs avaient répondu qu’ils feraient des efforts pour un meilleur recrutement local. Pouvez‑vous nous présenter un point d’étape ? La situation a-t-elle progressé ?

M. Thibault Bazin. Des investissements attendus, notamment sur des casernes, sont reportés. Est-ce dû à la baisse du montant d’investissement évoqué par Mme Trisse ? Je pense en particulier à des logements qui suscitent des postes vacants chez nos gendarmes, ou même à des cellules de garde à vue, avec, sur six cellules, pour trois unités, deux cellules opérationnelles seulement. Avez-vous, en termes de pilotage, un outil pour identifier les points noirs et les prioriser dans les budgets successifs ?

M. Philippe Chalumeau. Je salue tout d’abord l’engagement permanent de nos gendarmes et le service rendu à la population.

Ma question porte sur le service national universel. Il n’est pas encore mis en œuvre mais quel regard portez-vous sur un tel dispositif ? Avez-vous des propositions ?

Enfin, nous avons évoqué l’an dernier la dette de loyer de la gendarmerie. Ce problème est-il réglé ou en cours de l’être ?

Général Richard Lizurey. Monsieur Batut, le dispositif des brigades territoriales de contact est à développer. C’est pourquoi une grande partie des effectifs qui me seront accordés, voire leur quasi-totalité, y seront injectés. Nous poursuivrons nos efforts en ce sens, dans la mesure où ces brigades me paraissent être aujourd’hui la cible prioritaire en termes d’augmentation d’effectifs. S’agissant des postes saisonniers, cette année, pour des raisons d’ordre public, nous disposions de moins d’escadrons et en avons, de ce fait, moins créés.

Monsieur de la Verpillière, les gendarmes des pelotons spécialisés de protection de la gendarmerie sont installés à proximité immédiate des centrales nucléaires de production d’électricité (CNPE). Ces unités de contre-terrorisme, dont l’effectif moyen s’élève à cinquante hommes, sont spécialement entraînées. Moniteurs d’intervention professionnels, ils sont lourdement équipés. S’ils s’entraînent beaucoup, ils peuvent également intervenir aux alentours des CNPE, dans le cadre quotidien des perquisitions ou des interpellations de forcenés, en parfait accord avec EDF. De fait, même si les 1 100 gendarmes des PSPG sont intégralement payés par EDF et dédiés aux CNPE, nous avons l’autorisation de les utiliser dans le cadre de la sécurité publique. Leur taux d’entraînement dépasse largement 50 %. Mais dès lors que ce n’est pas moi qui paie, je suis un peu moins regardant... (Sourires.)

Madame Gipson, vous m’avez inquiété en mentionnant le taux de 30 %, qui me semble très élevé. Il est vrai, cependant, que certains endroits souffrent d’un vrai déficit d’attractivité. Si l’on ne peut pas inventer une attractivité géographique, on peut néanmoins inciter les personnels. Aussi allons-nous créer un dispositif pour favoriser les stages dans ces unités, de sorte qu’un gendarme voulant devenir montagnard, pilote d’hélicoptère ou motocycliste aura plus de chances d’obtenir un stage dans ces unités-là que dans celles jugées plus attractives. C’est un moyen un peu détourné de donner de l’attractivité : on paie son écot au manque d’attractivité, mais l’on obtient, en contrepartie, un retour en termes de stage, de formation et d’avancement.

Une autre option à l’étude est celle de l’école de gradés, dont manquent ces unités. Je travaille actuellement avec le chef d’état-major des armées, afin d’intégrer chez nous une vingtaine de gradés, qui seraient formés en tant qu’officiers de police judiciaire (OPJ), puis injectés dans les unités, à la faveur d’un changement d’armée. Après cinq ou six ans dans ces unités non attractives, ils rejoindraient le cycle normal d’encadrement de la gendarmerie. Vingt gradés par an, cela en fait cent en cinq ans. Dotés chacun d’un contrat de cinq ans, ils nous permettraient de répondre aux difficultés actuelles.

Monsieur Lejeune, l’action outre-mer constitue actuellement un sujet de préoccupation. Nous planifions depuis un an l’opération relative au référendum en Nouvelle-Calédonie, avec huit escadrons sur place. Elle est bien préparée et ne présente pas de difficultés. En revanche, les crises régulières à Mayotte, où sont localisés trois escadrons en permanence, sont beaucoup plus inquiétantes. Je pense cependant qu’avec vingt et un escadrons outre-mer nos capacités sont suffisantes. Ces opérations ont un impact sur l’activité de nos personnels : un déplacement outre-mer de trois mois tous les treize mois n’est pas sans conséquences sur la vie familiale. Notre principale difficulté réside dans le manque de capacités de projection, puisque nous sommes tenus par le marché des voies aériennes civiles, qui coûtent extrêmement cher. La projection d’un escadron aller-retour coûte entre 150 000 et 200 000 euros. La facture est, de ce fait, assez élevée.

Madame Trastour-Isnart, nous menons un travail pour lutter contre les bandes. Christophe Castaner, le ministre de l’Intérieur, était d’ailleurs à Fosses ce matin. Pour répondre à ce problème, des zones de sécurité prioritaire ont été mises en place. La police de sécurité du quotidien y répond aussi : c’est du sur-mesure, qui concerne les zones rurales et urbaines. Nous menons également un travail en partenariat avec l’ensemble des contributeurs : la police municipale, la sécurité privée, la gendarmerie, la police nationale ainsi que l’ensemble des bailleurs sociaux et des élus. L’important, dans une telle situation, c’est de travailler collectivement. Mais l’effort de sécurité intérieure ne peut pas être la seule réponse à ce type de délinquance, qui doit être combattu par un travail collectif et dans la durée. Dans plusieurs zones, notamment dans le Val-d’Oise, nous avons déjà obtenu de bons résultats, par exemple à Persan-Beaumont, où nous avons repris une partie du terrain. Il faut continuer en ce sens.

Monsieur Trompille, nous sommes un peu dépendants du service de santé des armées. Tant qu’il n’est pas disponible, il n’est pas possible de réunir la commission tripartite. Deux options sont possibles : soit je m’en passe, mais les textes actuels ne me le permettent pas ; soit je prends un autre opérateur, ce qui poserait un problème d’ancrage militaire. Même s’il reste des marges de progression, je suis satisfait du service de santé des armées, qui est notre opérateur. Les médecins militaires sont beaucoup pris, que ce soit en opérations extérieures ou ailleurs, ce qui peut faire traîner les projets immobiliers.

L’expérimentation du « café rencontre » de la police nationale ne me pose aucun problème. C’est une bonne pratique à laquelle nous pourrions réfléchir.

Monsieur Verchère, sur les craintes formulées par l’APNM Gendarmes et Citoyens concernant la levée de la mise en réserve, j’espère – l’espoir est toujours permis – que les crédits qui ont été gelés en début d’année pourront être dégelés. L’ancien ministre de l’Intérieur, Gérard Collomb, a écrit à son collègue du budget, de sorte que nous puissions bénéficier de ce dégel, qui nous permettrait de commander 1 000 nouveaux véhicules. À ce stade, le dossier est entre les mains du ministre compétent, dont je ne doute pas de la bienveillance à l’égard de notre demande.

Concernant la compagnie de sécurité de l’Hôtel de Matignon, le besoin de concertation et de dialogue social est très clair. Suite à des changements dans le service, un travail est à faire. Hier, j’ai réuni les commandants de la garde, du régiment, de la compagnie et le commandant militaire. Ce que je retiens de l’échange parfaitement libre que nous avons eu, c’est qu’il faut remettre de l’humain dans les choses. Le statut militaire n’empêche pas le respect, la concertation et le dialogue, mais doit, au contraire, les favoriser. Dans ce cas-ci, il y a manifestement des marges de progression.

 

 


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II.   EXAMEN des crÉdits

La commission examine pour avis, sur le rapport de Mme Aude BonoVandorme, les crédits du programme « Gendarmerie nationale », de la mission « Sécurités », au cours de sa réunion du mercredi 24 octobre 2018.

Un débat suit l’exposé de la rapporteure pour avis.

M. François André. Ma question porte sur les crédits d’investissement de la gendarmerie et, en particulier, sur les efforts à mener sur les dépenses relatives à l’immobilier, qui comprend les logements et les casernes de gendarmerie. C’est un des points faibles, pour ne pas dire un des points noirs, l’État n’ayant pas assuré, au fil du temps, l’entretien normal de son patrimoine, qui est aujourd’hui souvent dégradé, voire obsolète. Vous avez mentionné dans votre exposé les chiffres qui sont inscrits à ce titre dans le PLF pour 2019, en indiquant tout de suite leur insuffisance au regard des besoins recensés. Ces montants sont-ils toutefois en augmentation par rapport au PLF pour 2018 et aux années précédentes ?

M. Fabien Lainé. Ma question est très complémentaire à celle de mon collègue. Ayant visité des logements de gendarmes dans ma circonscription et ailleurs sur le territoire, ces derniers sont dans un état catastrophique dans bien des endroits, à tel qu’on point qu’on parle parfois d’insalubrité pour qualifier les logements occupés par les gendarmes. J’ai fait le calcul : les 90 millions d’euros prévus par ce PLF représentent à peu près 1 200 logements rénovés par an. Il faut mettre ce chiffre en perspective avec le nombre de logements dans la gendarmerie aujourd’hui afin de savoir si cet effort est à la hauteur des enjeux. Le respect que l’on doit a minima à nos gendarmes est de bien les loger.

M. Joaquim Pueyo. Je vois que les parlementaires se montrent attentifs à l’immobilier, puisque je voulais poser la même question. La situation est d’autant plus compliquée que les propriétaires des logements occupés par les gendarmes sont multiples. Le propriétaire peut être une commune, un département ou un office, même si l’entretien revient à la gendarmerie. Ne faudrait-il pas faire, dans le prochain budget en 2020, un grand plan Famille, comme pour le ministère des Armées ? Ce plan permettrait de relancer la rénovation et la construction de logements pour nos gendarmes, qui puisse également prendre en compte la complexité des situations conjugales. En effet, lorsque les gendarmes sont affectés dans des milieux ruraux, un tel changement peut poser des difficultés à l’égard de leur conjoint ou leur conjointe. Je pense qu’il serait bien de réfléchir à un grand plan Famille comme on l’a fait avec les armées.

M. Alexis Corbière. Ne pensez-vous pas qu’il y a tout de même une absence dans ce budget? Je pense à l’absence de moyens qui nous permettraient d’avoir suffisamment de patrouilleurs dans la marine pour garantir la surveillance et le respect de notre souveraineté sur les onze millions de kilomètres carrés de notre espace maritime. C’est encore un budget qui ne permet pas d’atteindre cet objectif, mais j’y reviendrai plus longuement tout à l’heure. 

M. Laurent Furst. Afin de recadrer les échanges, permettez à un député d’opposition de rappeler – puisque nous sommes un peu auto-satisfaits des budgets examinés depuis ce matin – que le budget voit, dans son ensemble, les dépenses, les déficits et la dette du pays augmenter. 

Je voudrais évoquer la question du logement et vous dire notamment que j’ai un peu de mal à avoir une vue d’ensemble de l’état du patrimoine immobilier de la gendarmerie. En réalité, qu’a fait la gendarmerie depuis un certain nombre d’années ? Elle s’est retirée de la gestion de son patrimoine détenu en pleine propriété pour travailler, de plus en plus, avec des investisseurs et, comme cela a été dit par mon collègue Joaquim Pueyo, le plus souvent avec des bailleurs sociaux qui ont réalisé des investissements. Avons-nous réalisé une évaluation de la pertinence de ces politiques, qui font que la gendarmerie est locataire, et non plus propriétaire, de son parc immobilier ? Y a-t-il un avantage à long terme à cela?

M. Didier Le Gac. Vous avez évoqué, à juste titre, le rôle très important, prépondérant, essentiel que jouent les réservistes dans la gendarmerie. Originaire d’un département littoral, je suis ancien maire d’une commune où de nombreuses fêtes sont organisées l’été. Les réservistes apportent effectivement un soutien important. De même, lors des manifestations nationales, quand le tour de France passe ou que des grands festivals ont lieu, ce sont les réservistes qui viennent apporter une aide au maintien de la sécurité.

De plus en plus, les gendarmes de métier affirment ne plus pouvoir venir assurer la sécurité des événements en raison du manque d’effectifs. Ancien président de service départemental d’incendie et de secours (SDIS), je sais que les pompiers facturent leurs services lors de grands rassemblements ou de fêtes privées ou organisées par un grand festival. Quel est l’état de la réflexion de la gendarmerie sur sa politique de tarification de ses services ?

M. Jean-Michel Jacques. Je voudrais me joindre à l’hommage rendu par la rapporteure aux gendarmes qui sont souvent les primo-intervenants sur les situations de crise. Dans le cadre du groupe « Gestion de crise » que je préside à l’Assemblée nationale, nous avons effectivement pu constater que les gendarmes étaient souvent les premiers sur place.

Le budget consacré à la transformation numérique vous semble-t-il suffisant ? Je pense plus particulièrement à la brigade numérique de Rennes, qui est désormais active et qui exerce déjà des effets positifs, à la cybermenace et aux outils de proximité comme NéOGEND.

M. Jean-Charles Larsonneur. La gendarmerie nationale dispose de 86 véhicules blindés à roues (VBRG) qui sont d’un âge vénérable puisqu’ils remontent à 1974, si les informations dont je dispose sont justes. Leur remplacement devient urgent. J’ai entendu dire récemment que la gendarmerie souhaitait récupérer les vieux véhicules de l’avant blindé (VAB) de l’armée de terre. Cette question a-t-elle été abordée au cours de vos entretiens ?

M. Charles de la Verpillère. Ma question concerne les moyens aériens de la gendarmerie nationale, composés essentiellement d’hélicoptères mais aussi de quelques avions légers. En mission en Guyane avec mes collègues Sereine Mauborgne, Fabien Gouttefarde et Thomas Gassilloud, je me suis rendu compte que l’efficacité de la gendarmerie dans un département comme la Guyane est véritablement fonction de ses moyens aériens. On pourrait dresser le même constat en zone de montagne lorsqu’il faut rechercher des alpinistes égarés. Quel est l’état du parc aérien de la gendarmerie nationale et quelles sont les perspectives ?

M. Christophe Lejeune. De trop nombreux gendarmes sont blessés ou tués en service. Si certaines blessures ne nuisent pas au prolongement de leur carrière, ce n’est pas le cas de toutes les blessures. Dans ce dernier cas, je sais que le commandement traite avec attention le reclassement des gendarmes, lorsque cela est possible, au sein de l’institution. Toutefois, les crédits sont-ils à la hauteur pour ceux qui doivent être reclassés en dehors ?

M. Patrice Verchère. Je voudrais évoquer rapidement la question des véhicules. Il semblerait qu’il y ait une inquiétude quant au budget, apparemment insuffisant, affecté au renouvellement des véhicules réformables.

Mme Aude-Bono Vandorme, rapporteure pour avis. Je vais essayer de répondre à toutes les questions.

Les crédits consacrés à l’immobilier sont de 105 millions d’euros, dont 90 millions sont consacrés à la rénovation des logements. Il s’agit du même budget que l’année dernière, qui est en nette hausse par rapport à ce qui avait été accordé à la gendarmerie au cours de la mandature précédente. Je pense donc qu’il s’agit d’une préoccupation sincère du Gouvernement à l’égard de la gendarmerie. Il faut reconnaître que le budget est en hausse, même s’il sera toujours insuffisant et qu’on a raison de ne pas l’oublier.

Ce sont 4 000 logements qui seront rénovés en 2019. C’est certainement insuffisant, mais il y a des choses qui sont faites, et même relativement bien faites. Il serait évidemment souhaitable d’enclencher la vitesse supérieure.

Je suis également favorable à un grand plan Famille, qui ferait partie de la loi de programmation que je souhaite pour les forces de sécurité intérieure. Cette loi de programmation nous permettrait de faire, pour les forces qui relèvent du ministère de l’Intérieur, l’équivalent de tout ce qui se fait actuellement pour les armées. Je pense qu’il s’agit là de quelque chose de désiré, voire qui est presque attendu par nos gendarmes.

Face au poids des loyers dont la gendarmerie doit s’acquitter, l’idée de conserver, voire même d’accroître, la part de logements détenus en patrimonial est une réflexion que mène le directeur général de la gendarmerie nationale. Cette réflexion est en cours et avance, bien que la décision ne soit pas encore prise.

Nous avons effectivement eu très peur pour la réserve de la gendarmerie nationale cette année. Lorsque j’ai posé la question au général Lizurey, directeur général de la gendarmerie nationale, celui-ci a reconnu que la réserve a tendance à servir de variable d’ajustement. Toutefois, le budget 2019 dépasse cette difficulté récurrente en prévoyant une enveloppe de crédits supplémentaires. Il y a simplement un petit bémol qui concerne les réservistes qui seront mobilisés sur les quatre derniers mois de l’année 2018 et qui ne seront payés qu’au mois de janvier. De manière générale, les moyens seront mis en œuvre en 2019 afin de reconnaître le rôle central de la réserve au sein de la gendarmerie. 

La gendarmerie facture déjà des services d’ordre. En 2019, ce sont 131 millions d’euros d’attributions de produits et de fonds de concours qui sont attendus, notamment au titre de ces prestations. Ce n’est pas du tout neutre.

Nous sommes en phase de montée en puissance des outils numériques dont se dote la gendarmerie. Comme les choses sont encore en mouvement, il est nécessaire d’attendre un peu avant de pouvoir évaluer si les moyens sont suffisants ou non. Toutefois, la dynamique est bien enclenchée.

Les VBRG de la gendarmerie nationale ont 45 ans, ce qui confirme le constat dressé sur l’usure de ces moyens blindés. Je suis monté dans un VBRG nouvellement repeint en Guyane : l’extérieur était superbe mais l’intérieur témoignait des effets de l’âge. J’ai entendu, comme vous, que la gendarmerie pourrait reprendre les VAB de l’armée de terre. Certains VAB sont bien plus récents et ils pourraient être adaptés aux besoins de la gendarmerie. C’est une réflexion qui est actuellement en cours.

Les hélicoptères de la gendarmerie concentrent moins de difficultés que les hélicoptères de nos armées. Un renouvellement des hélicoptères de la gendarmerie pourrait être envisagé, mais ce n’est pas prioritaire. La priorité porte davantage sur les véhicules blindés.   

En effet, le nombre de gendarmes blessés en service est un vrai problème. Je reviendrai vers vous afin de pouvoir répondre à la question que vous m’avez posée sur les crédits de reconversion destinés aux gendarmes dont la carrière est affectée par une blessure. Il nous reste encore des questions à poser aux responsables de la gendarmerie.

Le budget 2018 prévoyait le renouvellement de 3 000 véhicules, mais seuls 1 700 ont été reçus. Une nouvelle commande devrait être passée sans que l’on sache, à l’heure actuelle, à quel total nous arriverons en 2018. Pour l’année prochaine, nous nous imposons un objectif de 2 800 véhicules. En effet, dans l’idéal, il faudrait un renouvellement de 3 000 véhicules par an. Toutefois, comme je l’ai mentionné, l’âge moyen des véhicules de la gendarmerie est en nette diminution. L’année dernière, nous étions à 8 ans et 2 mois d’âge moyen, et nous ne sommes plus qu’à 7 ans et 4 mois. Nous observons donc une véritable amélioration, même si l’idéal serait bien de se donner un objectif de renouvellement de 3 000 véhicules.

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M. le président. Nous en venons maintenant au temps réservé aux groupes politiques.

M. Fabien Gouttefarde. J’ai l’honneur d’intervenir en commission, aujourd’hui, au nom de mon groupe La République en Marche, pour exprimer notre vue d’ensemble sur les trois missions budgétaires que nous examinons dans le cadre du projet de loi de finances pour 2019 : la mission « Anciens Combattants, mémoire et liens avec la Nation », la mission « Défense » et enfin le programme « Gendarmerie nationale » de la mission « Sécurités ».

À titre liminaire, concernant la mission « Anciens Combattants, mémoire et liens avec la Nation », je tiens à souligner qu’avec 2,3 milliards d’euros de crédits le budget pour 2019 marque la volonté du Gouvernement de consolider les mesures de reconnaissance et de réparation, tout en renforçant significativement l’équité des dispositifs qu’elle finance. Je veux immédiatement saluer l’intégration du financement de l’octroi de la carte du combattant à près de 35 000 militaires stationnés en Algérie entre le 2 juillet 1962 et le 1er juillet 1964, résultat du travail de concertation colossal qu’a mené la secrétaire d’État, Geneviève Darrieussecq, avec tous les acteurs, et en particulier les associations d’anciens combattants.

C’est une mesure que nous avions appelée de nos vœux, en avril dernier notamment, lors du vote de notre motion de renvoi en commission de la proposition de loi de notre collègue Les Républicains, Gilles Lurton, mus par notre responsabilité politique et l’exigence de sincérité budgétaire. Nous avions alors garanti mettre en œuvre cette mesure de reconnaissance légitime et de juste réparation en l’intégrant dans un futur projet de loi de finances, nous le faisons dès maintenant, nous tenons nos engagements, mais avec la rigueur de la sincérité budgétaire qui nous est singulière.

Pour preuve, le rapporteur d’alors, Gilles Lurton, estimait que cette mesure bénéficierait à 25 000 anciens militaires alors que la concertation menée par la secrétaire d’État aboutit à l’estimation de 50 000 anciens militaires potentiellement concernés pour un coût budgétaire en 2019 estimé à 6,6 millions d’euros. Cette mesure de justice porte l’effort financier total à 60 millions d’euros.

En ce qui concerne les crédits de la mission « Défense », avec une hausse de 5 %, soit 1,7 milliard d’euros, le projet de loi de finances pour 2019 poursuit la mise en œuvre de la politique courageuse et volontariste du président de la République de réparer nos armées, déjà engagée en 2018.

Les crédits de cette mission permettent également de commencer à réaliser les objectifs fixés dans la loi de programmation militaire 2019-2025 récemment votée, et qui permettent de renforcer considérablement les moyens de nos armées, pour que la France puisse s’adapter et consolider son positionnement dans un environnement stratégique mondial durablement marqué par l’incertitude et l’instabilité.

Le PLF pour 2019 engage donc résolument nos armées vers la réalisation de l’ambition 2030, articulée autour d’un modèle d’armée complet, c’est-à-dire autonome vis‑à‑vis de nos partenaires, et équilibré, c’est-à-dire soutenable dans la durée.

Dans le contexte d’un environnement globalisé où les contestations de l’ordre international et du multilatéralisme vont croissantes, où la prolifération des armements, on l’a entendu, va de pair avec un retour de la compétition militaire, où la menace terroriste se pérennise, et où la nécessité d’organiser une politique de défense européenne renforcée apparaît essentielle, le budget 2019 permet une remontée en puissance des moyens de nos armées, ainsi que de toutes nos forces de sécurité intérieure, avec un total des crédits à hauteur de 1,82 % du PIB et renforce ainsi leur capacité à protéger la population et accomplir leur mission sans risque démesuré.

Avec notamment 758 millions d’euros dédiés aux études amont, dissuasion comprise, soit une hausse de 6 % sur l’année, dans la ligne de l’objectif fixé par la LPM, le budget 2019 marque la transformation profonde du ministère des Armées engagé dans la recherche et la modernisation technologique.

Ce budget pour 2019 est manifestement porteur de l’autonomie stratégique de la France, que d’aucuns dans l’opposition déploraient comme absente lors de l’exercice précédent. Pour preuve, les crédits dédiés au renforcement des moyens de renseignement sont en hausse avec, par exemple, une augmentation de 13 % pour la DGSE et la DRSD.

L’emploi des forces est également soutenu par le budget 2019 qui vient réparer les défaillances passées par un renouvellement des équipements et par l’amélioration des conditions de travail et de vie des militaires. Comme nous l’avons vu, la LPM à hauteur d’homme impactera dès sa première année la vie de nos soldats.

S’agissant de l’indispensable remise à niveau des armées, je citerai, par exemple, la livraison de 500 véhicules légers tactiques polyvalents non protégés qui accroîtront la mobilité tactique, celle du quatrième bâtiment multi-missions et celle des derniers bâtiments de soutien et d’assistance hauturiers, le programme dit MILAD qui permettra de réduire la vulnérabilité aux mini-drones, ou encore le lancement du programme FLOTLOG de remplacement des navires ravitailleurs, et sans oublier plus de 820 millions d’euros consacrés au maintien en condition et à la réhabilitation des infrastructures de tout type.

Sur les équipements militaires, je veux saluer l’absence d’annulation de programmes en cours et qui inscrit donc le budget 2019 dans les engagements pris par la LPM

Pour terminer sur un propos général, je veux réaffirmer, avec la force et la responsabilité qui caractérisent notre majorité, que ce projet de loi de finances pour 2019, et en particulier pour la mission « Défense » qui nous occupe principalement, tranche par sa sincérité budgétaire en comparaison des exercices passés. Il prévoit, en effet, des dépenses intégralement financées sur les crédits budgétaires, avec par ailleurs une provision de 850 millions d’euros dédiée aux OPEX et une autre de 100 millions d’euros aux missions intérieures.

La sincérité budgétaire est un engagement fort de notre majorité qui soutient le président de la République, parce que nous sommes conscients et responsables du fait de ne pas faire supporter aux générations futures le prix de promesses certes attrayantes mais irréalistes. Je vous remercie.

M. Patrice Verchère. Avec ce budget 2019 nous avons à discuter de la première année de la mise en œuvre de la LPM votée au printemps dernier. Les annonces budgétaires semblent être en conformité avec la LPM votée puisque nous pouvons constater que le budget est en augmentation. Cette hausse pour la deuxième année consécutive ne doit pas cependant faire oublier que la première mesure en matière de défense du tout nouveau président de la République avait été d’amputer le budget 2017 de 850 millions d’euros. Une fois de plus, c’est le programme 146 qui avait le plus sollicité. Il est à noter, et c’est regrettable, l’absence de publication à ce jour de l’annuaire statistique de la défense 2018 qui faciliterait pourtant la vision globale au regard du budget de la Nation. En effet, cette augmentation de votre budget ne doit pas occulter le fait que la part des dépenses de la défense dans le budget de l’État a reculé de 0,1 % en 2017 pour s’établir à 1,4 % du PIB, pour la seule mission « Défense », hors pensions et anciens combattants, donc loin des 1,7 % annoncés par le Gouvernement. La question du périmètre des dépenses à prendre en considération se pose donc une fois de plus. Mes chers collègues, vous pourrez reconnaître que cette distorsion entre les chiffres, pourtant tous publiés par le ministère des Armées, n’aide pas à la lisibilité du budget et entretient le doute sur l’effort réel accordé aux armées, dont la trajectoire affichée par le Gouvernement est d’atteindre 2 % du PIB en 2025, soit environ 50 milliards d’euros, hors pensions et à périmètre constant.

La fin annoncée et demandée dès 2013 par le groupe Les Républicains des déflations d’effectifs dans les armées se concrétise cette année par la création de 466 postes supplémentaires pour les armées. La LPM 2014-2019 votée fin 2013 prévoyait sur la période une réduction nette de 33 675 équivalents temps plein. Au final, et malgré ses annonces, le ministère de la Défense, a perdu sur la période près de 500 postes.

Venons-en au surcoût des OPEX. Véritable serpent de mer du budget de la défense depuis des années, il devrait dépasser le milliard d’euros en 2018 pour atteindre un total de 1,5 milliard d’euros, soit 1,3 milliard d’euros pour les OPEX et 200 millions pour les OPINT, selon le chef d’état-major de l’armée de terre. La provision initiale dans le budget 2019 a été fixée à 850 millions d’euros, contre 650 millions d’euros en 2018, déjà en hausse par rapport à l’année précédente. La tradition veut que le surcoût par rapport au prévisionnel adopté relève d’un financement interministériel, dont 20 % sont d’ailleurs supportés par le ministère de la Défense. Une fois de plus, les députés Les Républicains demandent que le ministère de la Défense ne participe pas à cette réserve de précaution en vue de financer le surcoût des OPEX tant il nous paraît évident que le ministère de la Défense ne doit pas payer deux fois.

Mes chers collègues, au surcoût des OPEX s’ajoute désormais le coût des opérations intérieures. Celles-ci bénéficiaient dans le budget 2018 de crédits de 100 millions d’euros dans le programme 212, soit une hausse de 59 millions d’euros. Cette somme du titre 2 est inscrite dans la LPM, portant en réalité les sommes consacrées au surcoût pour les OPEX et des OPINT à 950 millions d’euros.

Les députés du groupe Les Républicains restent inquiets quant à un éventuel financement par le ministère de la Défense du service national universel (SNU), ce qui serait contraire à l’article 3 de la LPM 2019-2025. Nous constatons en effet que le SNU n’est mentionné dans aucun document budgétaire alors qu’une expérimentation, réduite certes, est prévue dès 2019. Nous craignons que l’augmentation de 9 millions d’euros inscrite au titre 2 du programme 212 liée à l’augmentation du personnel travaillant à la Journée défense et citoyenneté ne soit un financement déguisé du SNU. Nous y reviendrons plus longuement en séance.

En ce qui concerne le budget des anciens combattants, nous regrettons que le budget 2019 soit en baisse de 5,13 %. Nous regrettons au nom de la reconnaissance de la Nation en faveur du monde combattant que la spirale de la baisse enclenchée en 2013 se poursuive après une baisse de 3,2 % en 2018. Malgré cette baisse du budget et grâce à la diminution naturelle des effectifs, le Gouvernement peut cependant annoncer quelques mesures en faveur des anciens combattants et de leurs ayants-droit, comme la mise en place d’un mécanisme de solidarité au profit des enfants de harkis ou l’attribution de la carte du combattant aux militaires déployés en Algérie après le 2 juillet 1962 et jusqu’au 1er juillet 1964. Les députés Les Républicains se réjouissent de ces annonces mais déplorent que, pour des raisons purement politiciennes, le Gouvernement ait fait rejeter par sa majorité le 5 avril dernier la proposition de loi de notre collègue Gilles Lurton portant sur l’attribution de la carte du combattant aux militaires déployés en Algérie après le 2 juillet 1962 et jusqu’au 1er juillet 1964.

Nous regrettons que ce budget des anciens combattants renoue avec des habitudes de la précédente majorité et rompe de nouveau avec la dynamique enclenchée il y a dix ans sous l’ancienne majorité UMP/LR qui avait permis l’augmentation de 30 % de la retraite du combattant, entre 2007 et 2012, son montant étant ainsi passé de 488 euros à 609 euros. Le groupe Les Républicains poursuivra donc cette logique et demandera à l’occasion du budget 2019 la poursuite de l’augmentation de la retraite du combattant. Il s’agit pour nous de rappeler notre attachement au monde combattant et de faire en sorte que cette augmentation soit régulière et ne dépende pas des aléas électoraux.

Plus généralement les députés LR s’associent aux associations d’anciens combattants qui font part de leurs inquiétudes quant à l’avenir de leur budget et sa refonte dans certains dispositifs existants.

Le groupe Les Républicains regrette également que dans ce nouveau monde aseptisé, Emmanuel Macron ait décidé que la commémoration annuelle du 11 novembre se fera sans militaires ou presque. Il est à noter que ce choix diplomatique n’a pas été effectué par les Britanniques et les Américains. Il faut aussi préciser que, depuis le 11 novembre 2011, la France ne commémore plus seulement l’armistice de 1918 mais aussi tous les soldats tombés en opérations extérieures.

Pour conclure, le groupe Les Républicains, compte tenu des observations exposées, s’abstiendra sur le budget que vous nous présentez. Nous formulons aujourd’hui une abstention vigilante en commission. Vigilante, car nous avons été échaudés dans le passé par des annonces non concrétisées budgétairement. En effet, le chef d’état-major des armées a récemment rappelé à quel point nos armées étaient, je cite, éreintées, sous-équipées, sous‑dotées, sous-entraînées, épuisées par leurs multiples engagements qui dépassent largement leur contrat opérationnel. Ceci démontre à quel point les députés LR, depuis 2014, ont eu raison à chaque audition dès l’engagement de nos armées dans le cadre de l’opération Serval d’alerter l’exécutif de l’inadéquation entre la LPM 2014-2019, même réactualisée, et l’action de nos forces. Dois-je rappeler les commentaires alors dithyrambiques de certains affirmant, malgré les évidences, en audition et à la presse que la LPM de M. Le Drian était totalement en adéquation avec les missions demandées. Nous sommes aujourd’hui dubitatifs et vigilants, certains députés appartenant à la majorité précédente étant toujours dans la majorité, bien qu’ayant changé de parti. Notre abstention est donc vigilante au sein de cette commission.

M. Jean-Pierre Cubertafon. Dans la continuité de certains des exposés précédents je souhaitais rappeler le contexte qui nous mène à l’étude de ce budget défense et anciens combattants. Nous le savons, le panorama des menaces mondiales, établi tant par la Revue stratégique que par la LPM, est aujourd’hui marqué par une augmentation significative des crises et de l’instabilité internationale.

De ce constat, la LPM a traduit ces nouveaux enjeux mondiaux, humains et techniques et pose ainsi les bases d’une remontée en puissance des armées françaises en faisant porter l’effort sur leurs femmes et leurs hommes autant que sur leurs équipements.

En ce sens, si ce budget fait un grand pas vers le renforcement des forces françaises comme « seconde armée du monde libre », la budgétisation appuie un projet d’une rare sincérité et fidèle, dès la première année, à ce travail de planification budgétaire que nous appelons loi de programmation militaire.

La ministre des Armées déclarait devant la représentation nationale le 20 mars dernier « que le temps du sacrifice était révolu, et que le renouveau de nos armées commençait ».

Alors que nous nous apprêtons à soutenir le vote des provisions annuelles pour ce budget à hauteur de cette ambition, je sais que le Gouvernement sera, au même titre que la majorité parlementaire, très attentif à l’exécution budgétaire de cette LPM « an un ».

Nous soulignons le fait qu’il n’y a de richesse ni de force que d’hommes, que les conditions de vie du soldat dans sa vie quotidienne sont la condition sine qua non de sa fidélisation, de son moral et de l’expression harmonieuse de sa charge militaire parfois plus, peut-être, que son équipement.

Ainsi sommes-nous dans la pleine espérance quant à la réalisation du plan Famille, qui bénéficiera de 57 millions d’euros supplémentaires en 2019.

Le budget et les mesures pour cette année, relatives à la reconnaissance et à la réparation au monde ancien combattant, rappellent une autre facette de cette exécution de LPM à « hauteur d’homme » : le soutien et la reconnaissance de la condition du soldat‑citoyen dans la société tout au long de la vie, la mémoire et la reconnaissance de nos anciens combattants, avec la carte 62-64, et le rôle renforcé des familles auprès de leurs blessés.

Au-delà des trois missions qui nous sont soumises, nous rappelons que cet esprit « à hauteur d’homme » s’affirmera dans la prise en compte de la spécificité du métier de militaire dans le cadre de la prochaine réforme des retraites. La prise en compte des spécificités de cette retraite est aussi un levier important quant à la fidélisation de nos vétérans.

C’est donc dans cet esprit de dialogue – constant, apaisé et constructif – que nous renouvelons pleinement notre confiance à ce projet collectif au service d’une ambition commune; celle du « succès des armes de la France ». Je vous remercie.

Monsieur Joaquim Pueyo. Monsieur le président, chers collègues, le temps qui nous est imparti étant limité, je ne reviendrai pas sur les grands équilibres et orientations des Missions « Défense » et « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation ». Je salue l’augmentation du budget de la mission « Défense », conforme aux orientations votées dans la loi de programmation militaire. Je souhaite revenir uniquement sur quelques points qui me paraissent importants.

Tout d’abord, je salue les mesures prises pour améliorer les équipements des militaires, qu’il s’agisse des 25 000 gilets pare-balles ou des 8 000 armes individuelles futures. Les 57 millions du plan Famille pour 2019 sont également à souligner, car ils apportent des améliorations concrètes aux militaires et à leurs familles. Comme le rappelle le haut comité d’évaluation de la condition militaire dans son 12e rapport, l’accompagnement à la mobilité des conjoints est essentiel dans la démarche de fidélisation ; ces efforts devront être poursuivis dans les années à venir.

Je souhaite tout de même mettre en lumière la question de l’immobilier. Malgré l’effort de 420 millions d’euros en faveur du maintien et du soutien des sites, nous devrons absolument améliorer les hébergements. Cela implique d’accélérer la mise en place des nouvelles mesures prévues en termes de rénovation et de construction d’immobilier moderne. Toutes ces mesures participent aussi de la fidélisation de nos militaires, ce qui m’amène au second point que j’aborderai.

La question de la fidélisation reste centrale. J’ai posé une question sur ce sujet, je n’y reviendrai donc pas, mais c’est une question importante si l’on veut que notre armée soit attractive. Au-delà du plan d’accompagnement des familles et d’amélioration des conditions de vie des militaires, nous devons également renforcer l’accompagnement des hommes et des femmes dont l’engagement prend fin. Selon les chiffres de Défense mobilité, le dispositif d’accompagnement ne « capte » que 67 % des militaires quittant nos armées, et seulement 60% des accompagnés retrouvent un emploi. Bien sûr, ces chiffres sont en augmentation, mais nous devons investir massivement pour toucher davantage de personnels et mieux les accompagner. Leurs profils sont en effet très recherchés et valorisés, notamment dans le secteur privé. Le groupe Socialistes et apparentés proposera un amendement dans ce sens.

Les équipements constituent un autre point d’attention. L’année 2019 verra l’arrivée de plusieurs matériels importants ; je ne vais pas rappeler les livraisons qui seront faites. Mais des inquiétudes demeurent au sujet des patrouilleurs et, malheureusement, notre pays ne pourra pas remplir 100 % du contrat opérationnel en 2019 et en 2020 dans ce domaine. Malgré des efforts en termes d’augmentation des cibles de commandes et des budgets consacrés au maintien en condition opérationnelle, nous devons impérativement poursuivre une politique ambitieuse en matière d’équipement. Les taux de disponibilité des matériels, notamment aériens, sont encore beaucoup trop bas dans certains cas. Cela a une incidence sur les journées de préparation opérationnelle, dont le nombre est de nouveau en hausse depuis 2016, mais reste parfois encore éloigné des cibles réaffirmées dans la LPM 2019-2025.

Un dernier point d’attention concerne la répartition des créations de postes. Cette année, ce sont 450 équivalents temps plein qui seront créés ; ils bénéficieront notamment au renseignement. Cependant, il existe de réels besoins dans d’autres secteurs, notamment dans le soutien aérien. Le groupe Socialistes et apparentés souhaiterait d’ailleurs que des précisions puissent être apportées sur la répartition des futurs équivalents temps plein.

Pour finir, je souhaite aborder le budget de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation ». L’ensemble des gouvernements a diminué les crédits alloués à cette mission, partant du principe que le nombre de bénéficiaires diminuait mécaniquement. Cela peut s’entendre pour le programme 169 « Reconnaissance et réparation », mais cette logique est difficilement applicable au programme 167 « Liens entre la Nation et son armée ». Alors que nous souhaitons tous voir s’accroitre le lien entre l’armée et la Nation, notamment avec les jeunes, que nous insistons sur les valeurs que nos armées portent, nous pourrions envisager de changer de paradigme et de conserver un budget constant, ou du moins d’en limiter la baisse. C’est la proposition que j’avais faite lors de l’audition de Madame la secrétaire d’État. Il me semble particulièrement important de préserver et même de développer les actions favorisant une meilleure connaissance de nos armées par nos jeunes. Cela passe par l’enseignement de défense ou par l’échange avec les associations d’anciens combattants, qui ont exprimé leur volonté de faire davantage. La participation aux cérémonies doit aussi être développée, ainsi que le tourisme de mémoire. Les efforts faits lors de commémorations importantes ne doivent pas se borner à ce laps de temps particulier.

Enfin, je souhaite également que la coopération européenne se renforce et que la France soit moteur dans ce qu’on appelle l’Europe de la défense.

Cette discussion va continuer dans quelques instants avec les amendements. Une fois ces points de vigilance rappelés et les orientations que nous souhaiterions voir se développer abordées, à titre personnel, je proposerai au groupe de voter ce budget, malgré les réserves que j’ai évoquées.

M. Alexis Corbière. Mes chers collègues, nous assistons, nous le savons, à une recrudescence des tensions sur la scène internationale. Je voudrais évoquer un point, qui ne va pas passer inaperçu, pour illustrer mon propos. Ce jeudi 25 octobre, l’OTAN lancera les prémices des plus grandes manœuvres militaires jamais engagées depuis la fin de la Guerre Froide. Cet exercice, baptisé Trident Juncture 18 – je ne le dirai pas, volontairement, avec un accent anglais –, mobilisera près de 50 000 soldats en Norvège. L’amiral américain James Foggo, commandant en chef de l’exercice, assure que cette opération ne vise aucun pays en particulier. C’est pourtant la sécurité internationale elle-même qui est mise en péril. Cet exercice apparaît, selon nous, comme le franchissement d’une nouvelle étape dans la construction d’une Europe de la défense que je qualifierai d’« atlantiste ». La France participe à la course à la guerre en consacrant une partie de son budget à l’OTAN, contribuant par son financement à ces velléités guerrières.

Outre cet aspect budgétaire, c’est l’absence de véritable doctrine qui rend illisibles et incohérentes, selon nous, toutes les actions et mesures annoncées comme, soi-disant, de « rupture ». Ce budget s’inscrit, en fait, dans la continuité de ses prédécesseurs. C’est une forme d’alignement sur la politique extérieure des États-Unis. L’objectif des 2 % du PIB consacrés au budget de la défense d’ici 2024 en est la meilleure preuve : il est sous l’impulsion de la demande des États‑Unis d’Amérique.

Les sommes colossales engagées justifieraient, pourtant, la définition d’une stratégie et d’une vision claire pour notre politique de défense. Nous considérons que ce n’est pas le cas. En lieu et place de sauvegarder son indépendance militaire, la France poursuit une infinie course des armements derrière les États-Unis. Nous assistons à une escalade militaire, une escalade dans la guerre spatiale, une escalade dans le théâtre des opérations extérieures. Mais quelles sont les finalités de telles opérations ? Quel est le sous-bassement stratégique de ces multiples escalades ? Ce budget s’apparente à l’action, certes d’un tacticien, mais non pas d’un stratège. Je le répète une nouvelle fois, Bastien Lachaud l’a déjà dit, c’est l’absence d’une vision générale qui ne nous permet pas de construire une ligne politique propre et indépendante.

Alors que les moyens alloués à cet « atlantisme » – vous me pardonnerez l’expression – effréné ne manquent pas, la défense de notre souveraineté se retrouve marginalisée. Ces moyens pourraient notamment servir à réaffirmer notre souveraineté maritime, aujourd’hui menacée en raison d’un manque de patrouilleurs destinés à assurer notre défense en mer. Les six nouveaux patrouilleurs commandés par la marine en 2019 ne suffiront pas à remplir cette mission. L’amiral Prazuck, chef d’état-major de la marine, l’a déploré en 2017 : nous n’avons plus que quatre patrouilleurs, au lieu huit, disait-il, pour assurer la sécurité du deuxième espace maritime mondial.

Ces moyens pourraient servir aussi pour nos militaires engagés en opération extérieure. J’ai pu en rencontrer, avec certains collègues, au Mali et au Niger, sur la base de Niamey. Leurs conditions de vie pourraient être améliorées. Le manque de moyens matériels adéquats et récents accentue les difficultés inhérentes à toute opération extérieure. Nous pourrions par exemple – pardon si c’est un détail, mais je le répète parce que des soldats me l’ont demandé – au moins permettre qu’ils aient une connexion Wi-Fi qui ne soit plus limitée à 2Go. Cette limitation complique bien souvent les relations qu’ils ont avec leurs familles.

L’armée de l’air, elle aussi, gagnerait à disposer de moyens pour accomplir ses missions. Les taux de disponibilité des aéronefs militaires sont alarmants : un avion sur deux est cloué au sol, deux hélicoptères sur trois sont en maintenance, et j’en passe.

Enfin, nos anciens combattants ne sont pas épargnés par ces difficultés. Leurs avancées sociales sont progressivement remises en cause, sacrifiées au profit, souvent, de considérations économiques. Le plafond de l’allocation différentielle du conjoint survivant n’est toujours pas porté au niveau du seul seuil de pauvreté.

Outre les aspects financiers, l’engagement pour la transmission de la mémoire et de l’histoire ne doit pas être négligé. Notamment, la reconnaissance des harkis doit, selon nous, passer par un important travail de mémoire entre historiens algériens et français, pour que toute leur dignité soit rendue à ces supplétifs de notre armée. De la même façon, pourquoi ne pas mieux retracer l’histoire des fusillés pour l’exemple, qui étaient condamnés par des conseils de guerre expéditifs, afin que cette mémoire soit mieux partagée ? Pourquoi ne pas revenir sur la mobilisation des femmes durant tout ce conflit ? Bref, il y a là tout un travail mémoriel qui pourrait être engagé.

Je termine sur ce que nous montrent de récents travaux d’historiens. De nombreux étrangers se sont engagés dans l’armée française, notamment entre 1914 et 1918. Ont participé à cet effort national – si je puis dire ainsi – près de dix nationalités. Ces faits étaient assez peu connus. Un travail de mémoire pourrait être effectué, pour qu’il n’y ait pas seulement une commémoration d’ordre militaire, mais bien une claire restitution de ces évènements permettant une meilleure compréhension de la Nation, des sacrifices qui ont été faits et de la place des uns et des autres.

Mme Manuela Kéclard-Mondésir. Ce budget 2019 s’inscrit dans le contexte de la LPM 2019-2025. Il s’agit même du premier de ce cycle pluriannuel. Ce budget se situe à un niveau de 35,8 milliards d’euros, en hausse de 1,7 milliard d’euros. Il permet ainsi de porter progressivement l’effort de défense à 2 % du PIB.

Ce pourrait donc être une bonne chose, si son exécution n’était pas une source d’inquiétude.  

Par ailleurs, malgré les hausses programmées, l’enveloppe prévue paraît encore insuffisante au vu des besoins des armées précisément identifiés dans cette loi de programmation. Je m’interroge notamment sur le financement des surcoûts des OPEX. Ce sont 850 millions d’euros qui ont été budgétés en 2019, contre 650 millions d’euros en 2018 et 450 millions d’euros en 2017. C’est bien, pourrait-on dire, mais les besoins annoncés sont de plus d’un milliard d’euros !

Si la plupart des parlementaires du groupe GDR auquel j’appartiens reconnaissent des avancées en matière d’équipement et de ressources humaines, ils restent cependant très critiques vis-à-vis de la promotion de la dissuasion nucléaire, qui reste une priorité du Gouvernement avec un effort de modernisation à hauteur de 400 millions d’euros, soit une hausse de 8 % !

Nous sommes également très critiques du haut degré d’allégeance du Gouvernement à l’égard de l’OTAN, mais également de la mise en œuvre de la politique européenne de défense. En effet, la France supporte toujours à elle seule le poids de ses engagements sur de nombreux théâtres d’opérations, y compris dans le domaine logistique, où elle sollicite pourtant un soutien européen.

Pour ces raisons, le groupe GDR votera contre ce budget.

À titre personnel cependant, puisque notre groupe parlementaire est un groupe ouvert où domine la liberté de pensée et de vote, je voterai ce budget tout en adhérant à certaines critiques formulées par mes collègues.

Ce budget comporte en effet des éléments qui recueillent notre assentiment. Je constate notamment que les dépenses de personnel au titre des missions intérieures (MISSINT) sont portées à 100 millions d’euros. Ce budget renforce également les équipements d’accompagnement et de protection des soldats grâce à une enveloppe supplémentaire de 150 millions d’euros par rapport à 2018. Il modernise les infrastructures, et surtout, il met en œuvre le plan Famille, élément très important à nos yeux, en y consacrant 57 millions d’euros en 2019.

Par ailleurs, 400 millions d’euros supplémentaires sont prévus pour le MCO des matériels, notamment de la composante aéronautique.

Je suis particulièrement sensible aux efforts faits pour la Caraïbe. En effet, nous avions traditionnellement un bâtiment de transport léger (BATRAL) prépositionné aux Antilles, avant que celui-ci ne soit déporté vers la Méditerranée. Ce bâtiment est revenu dans la zone Antilles du fait des ouragans Irma et Maria. Aujourd’hui, je salue l’engagement de la ministre de redoter l’Atlantique et la Caraïbe de six navires en 2020 et en 2022.

Enfin, je note que le budget 2019 prévoit 300 millions d’euros pour le renouvellement et la modernisation des équipements conventionnels.

Je finirai par évoquer le renforcement ciblé des moyens dans certains domaines comme le renseignement, la cyberdéfense, l’intelligence artificielle ou le traitement des données.

Pour ces raisons, ce budget aura mon soutien personnel en dépit du positionnement de mon groupe, le groupe GDR.

M. Yannick Favennec Becot. Le budget de la défense traduit – et c’est bien la moindre des choses –, les orientations que nous avons votées lors de la LPM 2019 - 2015. En effet, pour répondre à la menace terroriste tout en garantissant notre autonomie stratégique, une augmentation très significative des moyens était nécessaire. Cet effort budgétaire important devrait permettre d’amorcer les bases d’une remontée en puissance de nos armées.

Ce budget poursuit bien la montée en charge de nos armées, amorcée l’année dernière, avec une hausse de 1,7 milliard d’euros. Cette hausse témoigne de l’engagement déterminé à renforcer les moyens de nos armées dans un contexte international instable et dangereux.

S’agissant en particulier de l’amélioration des conditions de vie et d’engagement de la communauté de défense, un effort particulier est prévu en faveur de la maintenance des infrastructures et du soutien, par la livraison d’équipements essentiels au quotidien du soldat ainsi que par la poursuite du plan « Famille » décidé à l’été 2017. Je tiens ici à saluer cet effort et à vous faire part de la satisfaction de mon groupe.

Permettez-moi de m’interroger malgré tout sur le financement des surcoûts de 600 millions d’euros des OPEX en 2018. En effet, il ne faudrait pas que les OPEX de cette année empiètent sur les augmentations prévues au titre de la LPM.

D’une manière générale, les orientations de ce budget ne pourront être effectives qu’à la condition qu’elles puissent être exécutées. Nous jugerons donc sur les faits et resterons vigilants.

La mission « Anciens combattants, mémoire et lien avec la Nation » joue un rôle essentiel en ce qu’elle incarne l’hommage que la Nation rend à nos armées pour l’engagement et les sacrifices de nos soldats au service de la sécurité de notre pays. Ce budget accuse, par rapport à l’année dernière, une légère baisse à périmètre constant, ce qui s’explique par la diminution naturelle des ayants droits. Je tiens néanmoins, au nom de mon groupe, à vous faire part là aussi de notre satisfaction, d’une part en ce qui concerne les mesures prises à l’égard des anciens militaires qui justifieront de quatre mois de présence en Afrique du Nord entre le 2 juillet 1962 et le 1er juillet 1964 et, d’autre part, pour le plan d’action en faveur des harkis et de leurs familles.

S’agissant plus particulièrement de la carte du combattant, je m’interroge tout de même sur les modalités pratiques de son attribution qui semblent préoccuper les associations, malgré les propos qui se veulent rassurants de la part de notre rapporteur ce matin.

Pour ce qui est de la retraite du combattant, nous regrettons, même si nous sommes bien conscients des contraintes budgétaires, qu’aucune augmentation ne soit prévue cette année. Cette augmentation aurait pourtant été plus que légitime et son absence s’inscrit malheureusement dans la continuité de la législature précédente.

Enfin, nous regrettons également qu’il ne soit toujours pas prévu d’indemniser les pupilles de la Nation et orphelins de guerre en leur accordant le bénéfice des dispositifs de réparation adoptés en 2000 et en 2004.

Ces remarques étant posées, notre groupe parlementaire, dans un souci de consensus politique au nom de l’intérêt de nos armées et des difficiles missions que nous leur demandons d’accomplir pour la défense de notre sécurité et de notre liberté, votera ce budget tout en restant vigilant sur un certain nombre de points.

*

*      *

Suivant les conclusions de la rapporteure pour avis, la commission émet un avis favorable à l’adoption des crédits du programme « Gendarmerie nationale » de la mission « Sécurités ».

 


—  1  —

   annexe

Liste des personnes auditionnées par la rapporteure pour avis
et déplacements

(Par ordre chronologique)

 

Auditions à Paris

  M. le colonel Richard Caminade, conseiller gendarmerie mobile auprès du directeur général de la gendarmerie nationale et commandant de l’opération d’évacuation de Notre-Dame-des-Landes.

  M. le général de brigade Laurent Phélip, commandant du groupe d’intervention de la gendarmerie nationale.

  M. le général de corps d'armée Hervé Renaud, directeur des personnels militaires de la gendarmerie nationale.

  M. le général de corps d’armée François Gieré, directeur des opérations et de l’emploi de la gendarmerie nationale.

  M. le général d’armée Richard Lizurey, directeur général de la gendarmerie nationale.

  M. le général de brigade Philippe Debarge, commandant en second de la gendarmerie d’outre‑mer.

  M. le général de brigade Jean-Marc Descoux, commandant de la gendarmerie de la Guadeloupe et coordonnateur des opérations des forces de sécurité à Saint-Martin et Saint-Barthélemy (par visio-conférence).

  M. le général de corps d’armée Laurent Tavel, directeur du soutien et des finances de la gendarmerie nationale et M. le lieutenant-colonel Sébastien Thomas, chef du bureau de la synthèse budgétaire ;

 Déplacement au commandement du soutien opérationnel de la gendarmerie nationale (COMSOPGN) au Blanc

 M. le général de brigade Olivier Guérif, commandant du soutien opérationnel de la gendarmerie nationale et tous les gendarmes rencontrés sur place.

 Déplacement à l’antenne du groupe d’intervention de la gendarmerie nationale à Reims

 M. le général de corps d’armée Bruno Jockers, commandant de la zone de défense et de sécurité du Grand Est, M. le colonel Ronan de Lorgeril, commandant de la région de gendarmerie Champagne-Ardenne et tous les gendarmes rencontrés sur place.

● Déplacement au groupement de gendarmerie départementale de la Somme (GGD 80) à Amiens

 M. le général de brigade Didier Fortin, commandant du groupement de gendarmerie de la Somme et adjoint au commandant de la région Hauts‑de‑France et tous les gendarmes rencontrés sur place.


([1])  Équivalents temps plein.

([2])  Zone à défendre.

([3])  Le « coût de sac à dos » représente le coût budgétaire hors titre 2 de la création d’un poste de gendarme. Il inclut toutes les dépenses relatives à l’équipement du gendarme supplémentaire, à la « quote-part » qu’il représente en matière de dépenses liées à l’immobilier, à la mobilité (véhicules), etc.

([4]) L’augmentation sensible des AE s’explique en grande partie par un changement de la réglementation au 1er janvier 2019, qui intègre les baux renouvelés à la gestion pluriannuelle des AE. Ce changement représente une augmentation de 498,4 millions d’euros en AE. 

([5])  Les tableaux de crédits du programme 152 ne permettent pas de retracer l’affectation par action des 100 millions d’euros d’attributions de produits prévisionnelles au titre du remboursement des dépenses de personnel (titre 2) en 2019.

([6]) De manière originale, 120 élèves sous-officiers de la Guardia Civil espagnole seront accueillis à l’école de Dijon en janvier 2019, faisant suite à la formation de 120 élèves-gendarmes à l’école de la Guardia civil située à Valdemoro en 2018.

([7]) Aucun type d’hélicoptère en service au sein de l’armée de terre, de la marine ou de l’armée de l’air n’affiche un taux de disponibilité supérieur ou égal à 50 %.

([8]) Depuis 2004, près de 60 personnels ont été tués en service.

([9]) Chaque jour, la gendarmerie déplore environ 20 blessés en service. 

([10])  Huit ans et 200 000 kilomètres.

([11]) Plan immobilier triennal 2015-2017 de 210 millions d’euros, à raison de 70 millions d’euros par an.

([12]) On notera que plus de 20 % des officiers ont une formation scientifique. 

([13])  Le centre opérationnel départemental est un outil de gestion de crise à la disposition du préfet pour organiser une réponse à un évènement majeur dans le département. Présidé par le préfet, il rassemble l’ensemble des acteurs de la sécurité civile, la police et la gendarmerie nationales, les services de l’État concernés et les représentants des collectivités locales.

([14]) Le rôle du CPGC est explicité plus bas.

([15]) La structure d’accueil modulaire déployable du CPGC est une structure qui se déploie en quatre heures et offre une surface de 80 m2 pouvant accueillir jusqu’à 28 postes de travail pré-équipés. Les moyens radios, informatiques, de téléphonie ou d’information qui y sont intégrés permettent d’émettre en toutes circonstances.

([16]) Ces unités nouvelles, issues d’un renforcement de certains PSIG, sont évoquées plus loin. 

([17])  Celle-ci s’était en effet soldée, pour la gendarmerie, par la dissolution de quinze escadrons de gendarmerie mobile (EGM) entre 2017 et 2012.

([18]) Les AGIGN d’outre-mer sont placées sous le commandement opérationnel du commandement de la gendarmerie d’outre-mer (COMGEND). 

([19]) Ces capacités incluent la montée en puissance, le dépiégeage, les engins blindés, le soutien médical en intervention, l’effraction, le tir, la cynotechnique ou la gestion du risque NRBC. Le général Laurent Phélip a quant à lui insisté sur la nécessité de conserver une véritable capacité de projection, à travers les hélicoptères dont dispose le ministère de l’Intérieur, et sur l’importance de la négociation sur les prises d’otage de masse.

([20]) À ce titre, le GIGN est menant en cas de déclenchement des plans PIRATEMER et PIRATAIR, ainsi qu’en cas d’attaque contre un site militaire.  

([21]) Sa mise en œuvre est soumise à l’approbation des directeurs généraux de la Police nationale et de la Gendarmerie nationale et/ou du préfet de police de  Paris

([22]) Il s’agit de l’instruction n°78000 du 6 juin 2017 relative à la réponse opérationnelle de la gendarmerie en cas d’attaque terroriste.

([23]) Le COSI prendrait la succession de l’unité de coordination des forces de sécurité intérieure (UCoFI), créé en 2010, qui, selon les témoignages recueillis par la rapporteure pour avis, ne donne pas satisfaction. L’UCoFI a pour mission de faciliter la coordination et la coopération, mais n’a pas d’autorité hiérarchique sur les différentes forces d’intervention spécialisées.   

([24]) A titre d’exemple, seul le GIGN sait intervenir dans un avion pour contrer des actes de terrorisme ou de piraterie.   

([25]) Près de 8 200 personnes issues de 97 pays, dont 5 500 français, se sont inscrits à la dernière session du MOOC gendarmerie sur la gestion de crise qui a été mis en ligne le 8 janvier 2018.  

([26]) VRBG : Véhicule blindé à roues de la Gendarmerie.

([27]) VAB : Véhicule de l'avant blindé.

([28]) Citons, par exemple, la création du service de l’achat, des équipements et de la logistique de la sécurité intérieure – SAELSI, commun aux forces de gendarmerie, de police et de sécurité civile –, du service des technologies et des systèmes d’information de la sécurité intérieure – ST(SI)² –.