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 N° 1307

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 12 octobre 2018

AVIS

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L’ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE SUR LE PROJET DE LOI (n° 1255)
de finances pour 2019

TOME III

IMMIGRATION, ASILE ET INTÉGRATION

 

PAR Mme Élodie JACQUIER-LAFORGE

Députée

——

 

 Voir les numéros : 1255 – III – 28 et 1304 – VII

 

 


 

 

 

En application de l’article 49 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF), les réponses au questionnaire budgétaire devaient parvenir au rapporteur pour avis au plus tard le 10 octobre 2018 pour le présent projet de loi de finances.

À cette date, l’intégralité des réponses attendues était parvenue à votre rapporteure pour avis, qui remercie les services du ministère de l’Intérieur de leur collaboration.


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SOMMAIRE

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 Pages

INTRODUCTION..................................................... 5

I. LéVOLUTION DES CRéDITS CONSACRés à Limmigration et à Lintégration

A. Le programme 303 « immigration et asile »

1. Laction n° 2, « Garantie de lexercice du droit dasile »

a. La réorganisation du dispositif national daccueil des demandeurs dasile

b. Les crédits de lallocation pour demandeurs dasile

2. Laction n° 3 « Lutte contre limmigration irrégulière »

3. Les autres actions

B. lE PROGRAMME 104 « Intégration et accès à LA NATIONALITé FRANçAISE »

1. Laction n° 11 « Accueil des étrangers primo-arrivants »

2. Laction n° 12 « Actions daccompagnement des étrangers en situation régulière »

3. Laction n° 14 « Accès à la nationalité française »

4. Laction  15 « Accompagnement des réfugiés »

5. Laction n° 16 « Accompagnement du plan de traitement des foyers de travailleurs migrants »

II. lE règlement « dublin » AU DÉFI DE LA CRISE MIGRATOIRE EUROPÉENNE

A. Une procédure pour organiser la solidarité au niveau européen

1. Une composante essentielle du régime dasile européen commun

2. Une mise en œuvre longue et complexe

a. La détermination de lÉtat responsable de lexamen de la demande

b. Le transfert du demandeur vers lÉtat responsable

B. un dispositif qui ne peut pas répondre à la situation européenne actuelle

1. La France confrontée à une proportion croissante de demandeurs sous procédure « Dublin »

a. Des flux secondaires intra-européens de plus en plus importants

b. Un fonctionnement inadapté à la situation actuelle

c. Des taux de transfert qui demeurent faibles

2. Une mise à niveau du dispositif français en cours de réalisation

a. La création de pôles régionaux spécialisés

b. Ladoption de la loi du 20 mars 2018

c. Un programme dhébergement spécialisé : le PRADHA

C. UNE refonte du règlement « dublin » désormais indispensable

1. Les propositions de la Commission : réduire les délais dinstruction et instituer une responsabilité permanente

2. Les propositions du Conseil européen de juin 2018 : mettre en place des centres contrôlés

3. Des négociations dans limpasse

examen en commission

Personnes entendues

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


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Mesdames, Messieurs,

La mission « Immigration, asile et intégration » se structure autour de trois grands axes : la maîtrise des flux migratoires, l’intégration des personnes immigrées en situation régulière et la garantie du droit d’asile.

L’année 2018 est la deuxième année de mise en œuvre du plan du Gouvernement, présenté le 12 juillet 2017, « Garantir le droit d’asile, mieux maîtriser les flux migratoires ». Ce plan a pour ambition de construire une politique migratoire équilibrée et maîtrisée, reposant sur une gestion concertée des flux au niveau européen, une amélioration des demandes d’asile et une politique assumée de lutte contre l’immigration irrégulière.

Adoptée cet été par l’Assemblée nationale, la loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie constitue une étape fondamentale de ce plan gouvernemental, en permettant à la fois un raccourcissement des délais d’examen des demandes d’asile, un renforcement de l’efficacité des reconduites et une réorganisation des dispositifs d’intégration.

Le projet de loi de finances pour 2019 poursuit cet effort, en augmentant encore de manière très significative les crédits consacrés à cette mission, qui s’élèvent désormais à 1,69 milliard d’euros en crédits de paiement, contre 1 milliard il y a seulement deux ans. Il permet de financer la mise à niveau du parc d’hébergement des demandeurs d’asile mais aussi le renforcement des dispositifs d’accompagnement et d’intégration dédiés aux réfugiés, à travers notamment le doublement des cours de langue qui leur sont dispensés.

Si l’année a été riche au niveau national, elle l’a également été au niveau européen. Alors que la crise migratoire des années 2015 à 2016 semble derrière nous, l’épisode de l’Aquarius, l’été dernier, du nom de ce bateau ayant recueilli plusieurs centaines de migrants et qu’aucun État européen ne voulait voir accoster chez lui, a souligné les carences de la solidarité européenne en matière d’asile.

C’est pourquoi, après avoir présenté les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration », votre rapporteure pour avis a fait le choix, cette année, de s’intéresser à la mise en œuvre du règlement « Dublin », dont l’application provoque de nombreuses divergences entre les différents États membres de l’Union.

 


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I.   L’éVOLUTION DES CRéDITS CONSACRés à L’immigration et à L’intégration

Les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration » inscrits dans le projet de loi de finances pour 2019 s’élèvent à 1,87 milliard deuros en autorisations dengagement (AE) et 1,69 milliard deuros en crédits de paiement (CP), soit des augmentations de respectivement 37,5 % en AE et 22,7 % en CP par rapport à la loi de finances initiale pour 2018.

La mission comporte deux programmes : le programme « Immigration et asile » (n° 303) et le programme « Intégration et accès à la nationalité française » (n° 104).

A.   Le programme 303 « immigration et asile »

Le programme n° 303 « Immigration et asile » comprend l’essentiel des crédits de la mission. Il finance les politiques publiques relatives à l’entrée, la circulation, le séjour et le travail des étrangers, l’éloignement des personnes en situation irrégulière ainsi que l’exercice du droit d’asile.

Pour 2019, les crédits de ce programme connaissent des hausses spectaculaires de 35,1 % en AE et 16,5 % en CP par rapport à la loi de finances initiale pour 2018 pour s’établir à respectivement 1,44 milliard et 1,28 milliard d’euros.

éVOLUTION DES CRédits du programme 303

(en millions deuros)

 

LFI 2018

PLF 2019

Évolution

Numéro et intitulé de laction

AE

CP

AE

CP

AE

CP

01 – Circulation des étrangers et politique des visas

0,52

0,52

0,52

0,52

0

0

02 – Garantie de l’exercice du droit d’asile

951,67

984,11

1 258,51

1 113,06

+32,2%

+ 13,1 %

03 – Lutte contre l’immigration irrégulière

82,51

82,71

154,11

137,01

+ 86,8 %

+65,7 %

04 – Soutien

33,63

31,76

30,09

30,09

- 10,5%

- 5,3 %

Total

1 068,33

1 099,10

1 443,23

1 280,68

+ 35,1 %

+ 16,5 %

Source : projet annuel de performances pour 2019.

1.   L’action n° 2, « Garantie de l’exercice du droit d’asile »

L’action n° 2, « Garantie de l’exercice du droit d’asile », représente la presque totalité des crédits du programme. Pour 2019, ils sélèvent à 1,25 milliard deuros en autorisations dengagement et 1,11 milliard deuros en crédits de paiement, soit des hausses de 32,2 % et 13,1 % par rapport à 2017.

a.   La réorganisation du dispositif national d’accueil des demandeurs d’asile

Dans son information du 4 décembre 2017 relative à l’évolution du parc d’hébergement des demandeurs d’asile et des réfugiés, le ministère de l’Intérieur prévoit une réorganisation du dispositif national d’accueil pour en renforcer la lisibilité et l’efficacité.

Si le parc d’hébergement a cru de manière très importante au cours de ces dernières années, passant de 49 465 places en 2017 à 82 523 à la fin de l’année 2018, il souffre en effet d’un éclatement en divers dispositifs, construits dans l’urgence par strates successives.

Le parc dhébergement doit ainsi être progressivement réorganisé autour de trois niveaux de prise en charge :

● les centres daccueil et dévaluation des situations (CAES). Ils visent à garantir aux personnes souhaitant engager une démarche d’asile une mise à l’abri permettant une évaluation immédiate de leur situation administrative, afin de les orienter ensuite vers une structure adaptée.

L’objectif national, précisé par l’information du 4 décembre 2017, était de créer environ 200 places par région – hors Corse et outre-mer – et 750 places en Île-de-France, soit un total de 2 950 places.

À ce jour, 2 634 places ont été ouvertes, au sein de 35 CAES répartis dans l’ensemble des régions. Le public est orienté en CAES soit lors d’opérations d’évacuation ou de maraudes, soit par les structures de premier accueil soit en raison d’un besoin immédiat d’hébergement. La durée moyenne de séjour y est de 46 jours en région, et de dix jours en Île-de-France. Ce taux de rotation est satisfaisant car il garantit la fluidité de tout le système et évite ainsi la constitution de campements sur la voie publique.

 le parc dhébergement durgence des demandeurs dasile (HUDA), plus particulièrement adapté aux personnes sous procédure « Dublin » et procédure accélérée.

Il comprend à la fois le dispositif « accueil temporaire – service de l’asile » (AT-SA), le « programme d’accueil et d’hébergement des demandeurs d’asile » (PRADHA), les places relevant des « centres d’accueil et d’orientation » (CAO), ainsi que les places d’hébergement d’urgence gérées au niveau déconcentré par les préfectures.

Il devrait comprendre 43 350 places à la fin de l’année 2018. La dotation pour 2019, 542 millions d’euros d’AE et 397 millions d’euros de CP, doit permettre de financer la création de 2 500 places supplémentaires.

Cette dotation comprend également lintégration dans le champ de ce programme 303 de 7 800 places de centres dhébergement durgence pour migrants (CHUM) en région Île-de-France, jusqu’ici financés par le programme 177 « Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables » de mission « Cohésion des territoires ». Cela représente 189 millions en AE et 99,6 millions en CP. Le transfert de ces structures dans le présent programme doit permettre au ministère de l’Intérieur d’unifier les conditions d’hébergement, d’accompagnement et d’orientation proposées aux demandeurs d’asile sur l’ensemble du territoire national.

Au total, le parc d’hébergement d’urgence représentera 53 650 places fin 2019.

● les centres daccueil pour demandeurs dasile (CADA). Ils sont l’hébergement de référence pour les demandeurs d’asile en procédure normale.

Ce dispositif d’hébergement pérenne compte plus de 350 centres qui offrent des prestations d’accompagnement social et administratif. Pour 2019, la dotation inscrite, 309,2 millions d’euros, doit permettre, en créant 1 000 nouvelles places, de porter la capacité du parc à 43 450 places.

Nombre de places disponibles dans le dispositif national d’accueil

Dispositifs dhébergement 

2015

2016

2017

2018

CAES

2 634

AT-SA

4 234

6 013

5 776

5 776

PRAHDA

-

-

5 351

5 351

CAO

967

10 370

9 424

9 424

Hébergement déconcentré

18 868

17 400

19 045

21 014

CADA

29 778

38 126

40 450

42 452

Total

53 847

71 909

80 283

82 523

 

Source : ministère de l’Intérieur.

Cette poursuite de la mise à niveau du dispositif national d’accueil doit permettre de disposer de plus de 97 000 places en 2019. Elle s’accompagnera d’un renforcement de la logique dorientation directive, précisée par la loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie. Le prochain schéma national d’accueil, pris en application de cette loi, pour les années 2019 à 2021, définira la répartition entre les régions des places d’hébergement dédiées aux demandeurs d’asile selon les différents dispositifs d’hébergement.

Une plateforme téléphonique pour entrer dans la procédure d’asile en Île-de-France

Depuis le 4 mai dernier, afin de répondre à l’augmentation continue de la demande d’asile en Île-de-France, l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII) a ouvert une plateforme téléphonique pour permettre aux demandeurs d’asile de prendre rendez-vous auprès des plates-formes d’accueil (PADA) franciliennes puis aux guichets uniques (GUDA), où leurs demandes d’asile sont enregistrées.

Cette procédure permet un accès rapide aux neuf PADA régionales Les rendez-vous accordés au téléphone le sont à des échéances courtes pour éviter la constitution de files d’attente et raccourcir les temps d’accès aux guichets uniques : ils sont donnés J+1 en PADA et J+3 en guichets uniques.

Ouverte du lundi au vendredi, de 9h à 16h, cette plateforme comprend une dizaine de personnes et attribue en moyenne 300 rendez-vous par jour.

Depuis son ouverture, des résultats spectaculaires en termes de réduction des délais moyens d’enregistrement ont été observés : ils sont passés ainsi de 14,1 à 2 jours ouvrés, soit en-dessous du seuil légal d’enregistrement, qui est de trois jours.

La plateforme téléphonique évite la constitution de files d’attentes et répartit de manière plus homogène les demandeurs sur le territoire francilien. Un dispositif de géolocalisation permet d’écarter les demandeurs des départements situés hors de la région ou à l’étranger.

b.   Les crédits de l’allocation pour demandeurs d’asile

À l’action n° 2 figurent également les crédits de l’allocation pour demandeurs d’asile (ADA), qui est versée aux demandeurs d’asile pendant toute la durée de la procédure d’instruction de leur demande, y compris en cas de recours devant la Cour nationale du droit d’asile (CNDA).

Versée par l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII), son montant varie selon la composition familiale des demandeurs et leur hébergement. En 2017, le montant moyen mensuel de l’allocation était de 243 euros par personne et elle était versée à un peu moins de 90 000 personnes par mois.

Pour 2019, la dotation inscrite est de 335,8 millions deuros, soit une légère progression par rapport à l’année 2018 (+ 5,7 %), qui avait été la première année où l’exigence de sincérité budgétaire avait été prise en compte. La dotation 2019 est bâtie sur une hypothèse de stabilité de la demande d’asile. Une provision de 11 millions d’euros a toutefois été inclue par anticipation des aléas inhérents à cette prévision.

2.   L’action n° 3 « Lutte contre l’immigration irrégulière »

Cette action finance notamment les dépenses liées au maintien en zone d’attente ou en rétention et les procédures d’éloignement, ainsi que l’accompagnement social, juridique et sanitaire des personnes non admises sur le territoire national.

Pour lannée 2019, les autorisations dengagement augmentent de manière très significative pour sétablir à 154,11 millions deuros (+ 86,8 % par rapport à 2018) et les crédits de paiement à 137,01 millions deuros (+ 65,7 %). Ces crédits supplémentaires ont pour objet principal de financer de nouvelles places en centre de rétention administrative (CRA).

 35,56 millions d’euros sont destinés au fonctionnement des 27 centres de rétention administrative (CRA), des quatre locaux de rétention administrative (LRA) et de la zone d’attente des personnes en instance (ZAPI) de l’aéroport de Roissy.

Ces crédits couvrent à la fois le fonctionnement courant – prestations de restauration, de blanchisserie, entretien immobilier et frais d’interprétariat, la prise en charge sanitaire ainsi que l’accompagnement social des personnes placées.

● 56,3 millions d’euros et 39,2 millions de CP seront consacrés en 2019 à laugmentation du nombre de places de rétention. Le nombre de places disponible est aujourd’hui de 1 534 et sera augmenté de 450, soit plus de 30 %, par la rénovation des structures existantes, leur extension ainsi que la création de nouveaux centres.

Il s’agit là de renforcer l’effectivité de l’exécution des décisions d’éloignement et de tenir compte de l’augmentation de la durée légale de placement en rétention prévue par la loi du 10 septembre 2018 précitée.

 30,9 millions deuros, enfin, sont consacrés aux frais déloignement des migrants en situation irrégulière, dont la mise en œuvre revient, au sein de la police nationale, à la direction centrale de la police aux frontières (DCPAF).

Ces crédits permettent notamment de financer les frais de billetterie de transport (vols commerciaux, train ou bateau), le fonctionnement de l’aéronef de type Beechcraft de dix-neuf places utilisé de manière ponctuelle pour les éloignements, notamment familiaux, à destination des Balkans et du Caucase, ainsi que certains frais supportés par les services administratifs.

3.   Les autres actions

L’action n° 1 « Circulation des étrangers et politique des visas » finance une partie des dépenses de fonctionnement des postes diplomatiques et consulaires en charge des visas, à savoir le renouvellement des stations de travail ainsi que l’utilisation des réseaux de communication de données. Pour 2019, la dotation est stable et sélève à 520 000 euros.

Laction n° 4 « Soutien » regroupe une partie des moyens nécessaires au fonctionnement courant de la direction générale des étrangers en France (DGEF) du ministère de l’Intérieur. Les autorisations dengagement et les crédits de paiement sélèvent pour 2019 à 30,09 millions deuros.

B.   lE PROGRAMME 104 « Intégration et accès à LA NATIONALITé FRANçAISE »

Le programme n° 104 « Intégration et accès à la nationalité française » comprend quatre actions qui ont pour point commun de concourir à l’intégration des étrangers séjournant régulièrement en France, notamment ceux qui se sont vus reconnaître le bénéfice du droit d’asile.

Pour 2019, les crédits du programme sélèvent à 413,60 millions deuros en AE et 413,65 millions deuros en CP, soit une hausse de 46 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2018.

Cette augmentation témoigne de la volonté du Gouvernement de financer le renforcement des dispositifs d’intégration décidé lors du comité interministériel à l’intégration du 5 juin 2018.

éVOLUTION DES Crédits du programme 104

(en millions deuros)

 

LFI 2018

PLF 2019

Évolution

Numéro et intitulé de laction

AE

CP

AE

CP

AE

CP

11 – Accueil des étrangers primo-arrivants

190,52

190,52

255,18

255,18

+ 33,9%

+ 33,9%

12 – Actions d’accompagnement des étrangers en situation régulière

38,43

38,43

49,73

49,73

+ 29,4%

+ 29,4%

14 – Accès à la nationalité française

1,069

1,029

0,98

1,039

- 8,3%

+ 1 %

15 – Accompagnement des réfugiés

43,16

43,16

99,16

99,16

+°129,7%

+°129,7%

16 – Accompagnement du plan de traitement des foyers de travailleurs migrants

8,54

8,54

8,54

8,54

0

0

Total

282,63

282,59

413,60

413,18

+ 46,3%

+ 46,2%

Source : projet annuel de performances pour 2019.

1.   L’action n° 11 « Accueil des étrangers primo-arrivants »

Cette action finance l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII), opérateur public qui contribue aux missions de la direction générale des étrangers en France (DGEF).

L’OFII est notamment en charge de l’accueil et de l’intégration des étrangers autorisés à séjourner durablement en France, de l’accompagnement des demandeurs d’asile ou encore de l’aide au retour et à la réinsertion des étrangers qui ne bénéficient pas d’un titre de séjour.

Pour ce qui concerne l’accueil et l’accompagnement des étrangers primo-arrivants, la loi du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France avait posé les principes de cette politique, qui s’appuie notamment sur le contrat d’intégration républicaine (CIR).

Le CIR comprend, outre un entretien d’orientation, des cours de langue française et une formation civique.

Reprenant une grande partie des propositions du rapport de notre collègue Aurélien Taché ([1]), également intégrées dans la loi du 10 septembre 2018 précitée, le comité interministériel à l’intégration du 5 juin 2018 a arrêté une série de mesures en faveur de l’intégration comprenant notamment :

– le doublement des cours de langue : le nombre d’heures passera de 200 à 400 heures dès 2019, afin de rapprocher la France des meilleurs standards européens ;

– le doublement de la formation civique, qui passera de 12 à 24 heures, et sera organisée en plusieurs temps, au fil du parcours d’intégration, pour que les bénéficiaires en tirent un meilleur profit ;

– lintroduction dune prestation dorientation professionnelle dès le stade du CIR, avec, à la fois, la création d’entretiens à visée professionnelle en début et en fin de CIR, ainsi qu’un entretien approfondi d’orientation professionnel pour chaque primo-arrivant en recherche d’emploi.

Pour 2019, la dotation allouée à lOFII sélèvera à 241,7 millions deuros, soit une hausse de 34,3 % par rapport à 2018. Ces crédits supplémentaires doivent permettre :

 de financer les mesures décidées lors du comité interministériel du 5 juin 2018, dont le coût prévisionnel est de 41,5 millions d’euros pour 2019 ;

– de prendre en compte, pour 6,7 millions d’euros, la nouvelle prestation d’accompagnement social et administratif au sein des structures de premier accueil des demandeurs d’asile ;

– d’assurer le suivi des 9 300 places des centres franciliens d’hébergement d’urgence des migrants (CHUM), qui lui sont transférés depuis les préfectures. 5,4 millions d’euros sont prévus à cet effet pour 2019.

2.   L’action n° 12 « Actions d’accompagnement des étrangers en situation régulière »

Cette action finance les actions d’accompagnement, effectuées par les préfectures, visant à faciliter l’intégration des étrangers durant les cinq premières années qui suivent leur admission au séjour.

Elles comprennent, pour prolonger la formation délivrée par le contrat d’intégration républicaine, des actions de formation linguistique et de formation civique ainsi que des mesures d’accès aux droits, à l’insertion professionnelle et à l’emploi.

Après une hausse de 29,1 % en 2018, les crédits consacrés à cette action continuent daugmenter puisquils sélèveront pour 2019 à 49,73 millions deuros, soit une hausse de 29,4 % par rapport à 2018.

Dans le prolongement des décisions du comité interministériel du 5 juin 2018, ces crédits supplémentaires doivent permettre de financer :

– des modules complémentaires de formation en Français à visée professionnelle (3,1 millions d’euros) ;

– des actions visant à lever les obstacles périphériques à l’emploi pour les étrangers primo-arrivants les plus vulnérables (8,6 millions d’euros) ;

– des crédits à hauteur de 5,9 millions d’euros pour permettre aux préfets de proposer aux collectivités territoriales des actions conjointes.

3.   L’action n° 14 « Accès à la nationalité française »

L’action n° 14 finance le fonctionnement courant de la sous-direction de l’accès à la nationalité française (SDNAF) du ministère de l’Intérieur, notamment l’entretien des locaux et les fournitures documentaires à destination des préfectures en lien avec la procédure de naturalisation (dossiers remis lors des cérémonies d’accueil, livret de citoyenneté).

Pour 2019, les autorisations d’engagement s’élèvent à 0,98 million d’euros et les crédits de paiement à 1,03 million, dans la lignée de l’année 2018.

83 674 personnes sont devenues françaises en 2017 au terme de procédures suivies par le ministère de l’Intérieur, selon deux voies :

– la procédure de naturalisation par décret, pour les étrangers installés durablement en France ;

– la procédure de déclaration à raison du mariage, pour les étrangers mariés à un conjoint français.

Nombre de naturalisations en 2017

 

TOTAL

Postulants

Effets collectifs

Total

Par décret

 

 

 

naturalisations et réintégrations

47 632

18 022

65 654

Par déclaration

 

 

 

au titre du mariage avec un conjoint français

16 957

519

17 476

Au titre d’ascendant de français

309

5

314

Au titre de frère et sœur de français

193

37

230

Total des acquisitions

65 091

18 583

83 674

Source : ministère de l’Intérieur.

4.   L’action n° 15 « Accompagnement des réfugiés »

Cette action finance l’accès au logement et à l’emploi des réfugiés qui ont besoin d’un accompagnement spécifique.

Pour 2019, les crédits de cette action sont plus que doublés (+129,7 %) pour être portés à 99,16 millions deuros en autorisations dengagement et crédits de paiement.

● L’essentiel de ces crédits finance les centres provisoires dhébergement des réfugiés (CPH), structures ayant pour objet de favoriser l’accompagnement des réfugiés présentant des difficultés et nécessitant une prise en charge complète dans les premiers mois après l’obtention de leur statut.

Pour 2019, la dotation inscrite augmente de 33 millions d’euros, et s’établit à 67,84 millions d’euros pour permettre la création progressive en cours d’année de 2 000 places supplémentaires ainsi que la transformation de 1 500 places de CHUM en places de CPH en Île-de-France. La capacité totale du parc sera ainsi portée à 8 707, contre 5 207 places en 2018 et 2 707 en 2017.

● Les actions daccompagnement des réfugiés sont mises en œuvre et gérées par le secteur associatif. Elles comprennent notamment des aides et secours, par l’attribution de bourses pour la poursuite d’études universitaires, et des interventions en faveur de la promotion sociale et professionnelle. Sont ainsi financés, pour un montant de 3 millions d’euros, des dispositifs d’hébergement spécifiques pour les réfugiés isolés, non francophones et en difficulté sociale.

La dotation pour 2019 augmente de 23 millions deuros par rapport à 2018 et sétablit à 31,31 millions deuros.

Cette augmentation, dans la lignée du comité interministériel du 5 juin 2018, doit permettre de financer, notamment :

– le déploiement de 2 000 missions de service civique pour les réfugiés (1,2 million d’euros) ;

– des projets de partenariats avec les collectivités territoriales pour l’intégration des réfugiés (3 millions d’euros) ;

– la poursuite du programme « HOPE » ([2]) qui permet à 1 000 réfugiés d’entrer dans un parcours spécifique d’intégration de huit mois comprenant hébergement, acquisition de la langue française, découverte des métiers et accompagnement social et professionnel (3,15 millions d’euros) ;

– la spécialisation de plusieurs dispositifs d’hébergement pour protéger les femmes particulièrement vulnérables, victimes de violences ou de la traite d’êtres humains ;

– le soutien aux territoires par le développement de projets locaux d’accompagnement intégré vers l’emploi et le logement (12,55 millions d’euros).

5.   L’action n° 16 « Accompagnement du plan de traitement des foyers de travailleurs migrants »

Cette action finance l’accompagnement du plan de traitement des foyers de travailleurs migrant (PTFTM). Le PTFTM a pour objectif d’améliorer les conditions de logement et de vie des résidents. Il s’agit à la fois de remettre aux normes un certain nombre de bâtiments et de mettre en place un accompagnement social. Depuis sa création en 1979, ce plan a permis le traitement de 430 foyers sur les 690 recensés. Sa poursuite est indispensable pour réhabiliter environ 200 foyers supplémentaires.

Les autorisations dengagement et les crédits de paiement, identiques à ceux des années précédentes, sélèvent pour 2019 à 8,54 millions deuros.

 

 


  1 

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II.   lE règlement « dublin » AU DÉFI DE LA CRISE MIGRATOIRE EUROPÉENNE

La crise migratoire qu’a connu l’Union européenne à partir du deuxième semestre 2015, quand plus de 1,2 million de demandes d’asile ont été déposées dans les différents États membres, a sérieusement mis à mal les mécanismes de solidarité prévus par le régime d’asile européen commun.

Au sein de ce régime d’asile européen commun, le règlement « Dublin » a pour objet d’organiser une répartition des demandeurs d’asile, en attribuant la responsabilité de l’examen des demandes à un seul État membre.

Sa bonne application n’a pas résisté à l’afflux de demandeurs, en Europe de l’Est d’abord, en Italie et en Allemagne ensuite, et une refonte complète de son dispositif est aujourd’hui indispensable. Elle se heurte cependant à des prises de position qui semblent très difficilement conciliables entre les différents États membres.

A.   Une procédure pour organiser la solidarité au niveau européen

1.   Une composante essentielle du régime d’asile européen commun

Depuis le Conseil européen de Tampere (Finlande) des 15 et 16 octobre 1999, l’Union européenne œuvre à la création d’un régime d’asile européen commun. Ce régime est fondé sur l’application intégrale et globale de la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés et vise à assurer que nul ne sera renvoyé là où il risque à nouveau dêtre persécuté.

L’Union s’est ainsi progressivement dotée d’un cadre législatif pour instaurer des normes communes, faciliter laccès à la procédure dasile et garantir aux demandeurs un traitement égal, quel que soit le pays d’accueil. Cet ensemble comprend aujourd’hui cinq textes : trois directives, qui ont été transposées dans le droit français par la loi n° 2015-925 du 29 juillet 2015 relative à la réforme du droit d’asile, et deux règlements qui sont, sous réserve de quelques précisions apportées par la loi nationale, d’application directe.

●  La directive « Procédures » a été adoptée le 26 juin 2013 ([3]). Elle fixe les règles qui s’appliquent tout au long de la procédure de demande d’asile : modalités d’introduction d’une demande et d’examen de celle-ci, types d’aides dont peut bénéficier le demandeur, modalités de recours et droit éventuel de séjour pendant la procédure.

Par rapport à la directive précédente, qui datait de 2005 ([4]), la directive « Procédures » impose notamment à l’autorité compétente d’enregistrer la demande d’asile dans un délai de trois jours, accorde des garanties nouvelles aux demandeurs en systématisant, par exemple, l’entretien individuel et impose aux États membres de veiller à ce que la procédure d’examen n’excède pas un délai de six mois. La directive a, enfin, introduit des procédures spéciales – procédures « accélérées » et « à la frontière » afin de traiter plus rapidement les demandes manifestement infondées.

●  La directive « Accueil » a également été adoptée le 26 juin 2013 ([5]). Elle concerne l’accès des demandeurs d’asile aux conditions d’accueil dans l’attente de l’examen de leur demande. Elle leur assure l’accès au logement, aux moyens de subsistance ou encore aux soins de santé.

Elle comprend des règles communes détaillées sur la question de la rétention des demandeurs d’asile. Elle dresse ainsi une liste exhaustive des motifs de rétention, restreint le placement en rétention des personnes vulnérables et précise les garanties qui doivent être offertes aux personnes placées, telles qu’une assistance juridique.

●  La directive « Qualification » date du 13 décembre 2011 ([6]). Elle est une refonte de la directive du 29 avril 2014 ([7]) qui comprenait une série de droits concernant la protection contre le refoulement, les titres de séjour et documents de voyage, l’accès à l’emploi, à l’éducation ou aux soins de santé.

La nouvelle directive est beaucoup plus précise que la précédente, qui n’avait pas réussi à faire disparaître les divergences dans les législations et pratiques nationales en matière d’asile. Elle fixe ainsi les normes relatives à l’octroi d’une protection internationale. Elle harmonise, dans une large mesure, les droits accordés aux bénéficiaires de cette protection et favorise, enfin, l’accès des bénéficiaires aux droits et aux mesures d’intégration.

●  Le règlement « Dublin » a pour objet, d’une part, d’éviter que le demandeur dasile sollicite successivement plusieurs pays européens et, d’autre part, qu’il soit renvoyé d’un pays à l’autre sans que sa demande ne soit jamais examinée, ce qui contreviendrait au principe de non-refoulement de la convention de Genève. Il pose pour cela le principe selon lequel un seul État européen est responsable de la demande dasile d’une personne ressortissante d’un État tiers et prévoit pour cela une procédure de transfert entre les différents États membres.

Le règlement actuellement en vigueur, dit « Dublin III », a été adopté le 26 juin 2013 ([8]). Il s’applique aux 28 pays de l’Union européenne ainsi qu’à l’Islande, la Norvège, le Lichtenstein et la Suisse – tous quatre faisant partie de l’espace de libre circulation Schengen.

●  Le règlement « Eurodac », enfin, a créé une base de données dactyloscopiques commune aux 32 États du système « Dublin » afin de faciliter la détermination de la responsabilité de l’État membre. Lorsqu’une personne introduit une demande d’asile sur le territoire européen, ses empreintes sont ainsi transmises au système central d’Eurodac. Opérationnel depuis 2003, Eurodac a fait l’objet d’une refonte en 2013 ([9]), afin notamment d’ouvrir son accès aux forces de police nationale et à Europol dans le cadre d’enquêtes pénales.

2.   Une mise en œuvre longue et complexe

La mise en œuvre du règlement « Dublin » par les États membres se fait en deux étapes : la détermination de l’État responsable de l’examen de la demande puis le transfert du demandeur vers cet État.

a.   La détermination de l’État responsable de l’examen de la demande

●  Le règlement « Dublin » précise que le processus de détermination de l’État responsable de la demande d’asile « commence dès quune demande de protection internationale est introduite pour la première fois auprès dun État membre » (article 20). Concrètement, en France, ce processus débute au stade de lenregistrement de la demande dasile par l’un des 34 guichets uniques pour demandeurs d’asile (GUDA), qui regroupent, sur un même site, services préfectoraux et services de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII).

Il est tout d’abord procédé au relevé des empreintes digitales du demandeur afin d’interroger la base de données Eurodac, commune aux 32 pays de l’espace « Dublin », et établir ainsi si celui-ci a déjà demandé l’asile dans un autre pays ou y a été contrôlé à la frontière. Puis, lors de l’entretien individuel qui suit, l’agent de la préfecture interroge le demandeur, le cas échéant avec l’aide d’un interprète, sur son parcours migratoire.

Plusieurs critères, fixés par les articles 7 à 17 du règlement « Dublin », sont alors pris en compte pour déterminer si le demandeur d’asile relève ou non de la procédure « Dublin ».

Les critères de détermination de lÉtat responsable

La détermination de l’État responsable obéit à des critères qui sont présentés ci-après par ordre d’importance :

– s’agissant d’un mineur non accompagné, l’État membre responsable de l’examen de la demande d’asile est celui dans lequel réside un membre de sa famille, sous réserve toutefois de l’intérêt supérieur du mineur et que le membre de sa famille, réfugié ou demandeur d’asile, accepte de s’occuper de lui. Lorsque les membres de la famille du mineur non accompagné se trouvent dans plusieurs États membres, l’État responsable est déterminé en fonction de l’intérêt supérieur du mineur ;

– si le demandeur a un membre de sa famille dans le territoire d’un autre État membre, réfugié ou simple demandeur d’asile, cet État est responsable de l’examen de sa demande, sous réserve que le demandeur et le membre de sa famille en aient exprimé le souhait ;

– si le demandeur s’est vu délivrer un titre de séjour ou un visa en cours de validité par un État membre, cet État est responsable de l’examen de sa demande ;

– si le demandeur a pénétré, par voie terrestre, maritime ou aérienne, le territoire d’un État membre, cet État est responsable de l’examen de sa demande. Toutefois, la responsabilité de cet État cesse douze mois après la date de franchissement irrégulier de la frontière de son territoire ;

– si le demandeur d’asile entre sur le territoire d’un État membre dans lequel il est exempté de l’obligation de visa, l’examen de sa demande incombe à cet État membre ;

– si le demandeur d’asile formule sa demande dans la zone de transit international d’un aéroport situé dans un État membre, ce dernier est responsable de l’examen de la demande.

Même si l’un des critères ci-dessus est rempli, le règlement « Dublin » prévoit que l’État sur le territoire duquel séjourne le demandeur doit poursuivre l’examen de la demande d’asile s’il existe des défaillances systémiques dans la procédure et que les conditions d’accueil des demandeurs sont susceptibles d’entraîner un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.

Lorsque la préfecture estime que l’examen de la demande d’asile relève de la compétence d’un autre État membre, elle remet au demandeur une attestation qui précise qu’il est placé sous procédure « Dublin ». Cette attestation lui donne le droit de se maintenir sur le territoire français. Elle est renouvelable pendant toute la durée de la procédure, le cas échéant jusqu’au transfert effectif vers l’État responsable. Le demandeur bénéficie, pendant ce temps, des conditions matérielles d’accueil offertes à tous les demandeurs d’asile, c’est-à-dire l’allocation pour demandeur d’asile (ADA) et un hébergement dans le parc d’hébergement pour demandeurs d’asile, à l’exception des centres d’accueil pour demandeurs d’asile (CADA).

●  L’autorité administrative dispose ensuite d’un délai pour requérir lÉtat membre qu’elle estime responsable de la demande d’asile. À défaut de requête dans les délais fixés par le règlement « Dublin », l’État requérant devient responsable de l’examen de la demande. Plusieurs cas de figure sont prévus :

– le demandeur a déjà demandé l’asile dans un autre pays européen : c’est la procédure de reprise en charge prévue par l’article 24 du règlement qui s’applique. Elle concerne aujourd’hui la grande majorité des étrangers placés sous procédure « Dublin ». L’État requérant dispose d’un délai de trois mois pour saisir l’État qu’il estime responsable, ce délai étant ramené à deux mois s’il y a eu un résultat positif dans la borne Eurodac. L’État requis dispose alors d’un délai d’un mois pour répondre, réduit à quinze jours en cas de résultat positif d’Eurodac. L’absence de réponse de sa part à l’expiration de ces délais équivaut à l’acceptation de la requête et entraîne l’obligation de reprendre en charge la personne concernée (article 25 du règlement) ;

– plusieurs éléments de preuves laissent à penser que l’étranger a déjà transité dans un autre pays européen (titre de séjour ou visa) ou qu’un membre de sa famille y réside : c’est alors la procédure de prise en charge, prévue par les articles 21 et 22 du règlement, qui s’applique. L’État requérant dispose des mêmes délais de trois ou deux mois pour saisir l’autre État, ce dernier disposant en revanche d’un délai de réponse plus long, fixé à deux mois.

●  Pendant tout le temps que dure la procédure de détermination de l’État responsable, le préfet peut assigner à résidence le demandeur d’asile sous procédure « Dublin » ou, depuis l’adoption de la loi n° 2018-187 du 20 mars 2018 permettant une bonne application du régime d’asile européen, le placer en rétention.

Le but de ces mesures est de mettre en œuvre la procédure de détermination et de permettre un traitement rapide et un suivi efficace de cette demande.

b.   Le transfert du demandeur vers l’État responsable

●  Si la réponse de l’État requis est positive – ou s’il a laissé s’écouler le délai de réponse – l’État requérant peut prendre une décision de transfert ([10]) vers cet État, désormais seul responsable de l’examen de la demande.

L’étranger qui fait l’objet d’une décision de transfert dispose d’un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision pour en demander l’annulation au président du tribunal administratif. Celui-ci dispose alors de quinze jours pour statuer, le recours étant suspensif.

Le transfert vers lÉtat responsable doit ensuite être effectué dans un délai de six mois à compter de son acceptation. Le non-respect de ce délai délie l’État responsable de son obligation de reprendre le demandeur et la responsabilité est transférée à l’État requérant (article 29 du règlement « Dublin »). Ce délai de six mois peut toutefois être porté à un an en cas d’emprisonnement de la personne concernée et à dix-huit mois si celle-ci est en fuite.

●  Lorsque la décision de transfert est notifiée à l’intéressé, l’autorité administrative peut recourir à deux mesures pour en assurer la mise en œuvre effective : l’assignation à résidence ou le placement en rétention administrative.

L’article 28 du règlement « Dublin » prévoit en effet que les États membres « peuvent placer les personnes concernées en rétention en vue de garantir les procédures de transfert conformément au présent règlement lorsquil existe un risque non négligeable de fuite de ces personnes, sur la base dune évaluation individuelle et uniquement dans la mesure où le placement en rétention est proportionnel et si dautres mesures moins coercitives ne peuvent être effectivement appliquées ».

B.   un dispositif qui ne peut pas répondre à la situation européenne actuelle

L’application du règlement « Dublin » n’est plus adaptée à la situation migratoire actuelle et facilite les mouvements secondaires de migrants à l’intérieur du territoire européen.

1.   La France confrontée à une proportion croissante de demandeurs sous procédure « Dublin »

a.   Des flux secondaires intra-européens de plus en plus importants

Avec 91 975 demandes enregistrées en 2017, la demande d’asile en France a atteint un niveau inédit, supérieur au seuil déjà atteint en 2016 (85 696).

Après trois années de quasi-stabilité, la demande avait connu une inflexion majeure à partir du second semestre 2015 (+ 24 % par rapport à l’année précédente). Depuis, cette tendance n’a pas fléchi et les chiffres du premier semestre 2018 (+ 17 % par rapport au premier semestre 2017) laissent penser que le total des demandes devrait approcher des 100 000 en fin d’année.

Au total, en cinq ans, la demande globale de protection internationale sur le territoire français a donc augmenté de près de 50 %.

Moins concernée par la crise de l’asile qu’a connue l’Union européenne à partir de 2015, où plus de 1,2 million de demandes avaient été déposées auprès des 28 États membres, dont 722 000 dans la seule Allemagne, la France présente la particularité de continuer à voir la demande de protection augmenter sur son territoire, alors quelle baisse partout ailleurs en Europe (650 975 demandes déposées au total en 2017).

La France se situe désormais au troisième rang des pays daccueil au sein de lUnion européenne, derrière l’Allemagne et l’Italie.

Demandes dasile au sein des pays de lunion européenne

 

2012

2013

2014

2015

2016

2017

Allemagne

77 485

126 705

202 645

476 510

722 265

198 255

Italie

17 335

26 620

64 625

84 085

121 185

126 550

France

61 468

66 251

64 811

80 075

85 696

91 975

Grèce

9 575

8 225

9 430

13 205

49 875

56 940

Autriche

17 415

17 500

28 035

88 160

39 875

22 460

Royaume-Uni

28 800

30 585

32 785

38 800

38 290

33 315

Hongrie

2 155

18 895

42 775

177 130

28 215

3 100

Suède

43 857

54 270

81 180

162 450

22 330

22 185

Pays Bas

13095

13 060

24 495

44 970

19 285

16 090

Bulgarie

1 230

6 980

10 805

20 165

18 990

3 470

Source : ministère de lIntérieur.

La France est en effet confrontée à une hausse des flux secondaires sans précédent depuis désormais plus d’un an : il s’agit de migrants arrivés en Europe en 2015-2016 et qui, après avoir déposé une demande d’asile dans un premier pays européen – et en ont été déboutés – réitèrent cette demande auprès d’un autre État membre de l’Union et relèvent donc du règlement « Dublin ».

b.   Un fonctionnement inadapté à la situation actuelle

Plusieurs éléments peuvent expliquer cette augmentation des flux secondaires intra-européens :

– les États membres de première entrée n’enregistrement pas systématiquement les demandeurs car ils préfèrent laisser passer les migrants vers les États de leur choix ;

– les demandeurs contournent l’application du règlement en faisant jouer les clauses de responsabilité trop courtes (six ou dix-huit mois selon les cas, cf. supra), dès lors qu’en État ne parvient pas à les transférer ;

– les taux d’octroi de la protection varient selon les pays, ce qui incite à déposer une nouvelle demande après un premier échec. Ainsi que l’ont expliqué à votre rapporteure plusieurs interlocuteurs, la demande d’asile de ressortissants afghans est par exemple en augmentation de 75 % par rapport à l’année dernière et il s’agit de personnes, en grande majorité, en provenance d’Allemagne ou d’Italie, qui ont déposé en moyenne 1,8 demande d’asile dans un autre pays avant d’arriver en France.

Ce phénomène trouve notamment son explication dans le durcissement du taux doctroi de lasile aux ressortissants afghans par lAllemagne : le pourcentage de rejet est ainsi passé de 27 % en 2015 à 53 % en 2017. Toutes nationalités confondues, l’Allemagne aurait ainsi débouté plus de 600 000 personnes au cours de ces dernières années.

Alors qu’il s’établissait à seulement 5 156 en 2014 et 12 094 en 2015, le nombre de demandeurs d’asile en France relevant de la procédure « Dublin » s’est donc élevé à 25 963 en 2016 et 35 901 en 2017. La tendance s’accélère depuis le début de l’année 2018 puisque ce chiffre était de 22 506 pour le seul premier semestre, soit une augmentation de 176 % par rapport au premier semestre 2016.

La part des demandes dasile relevant du règlement « Dublin » représente désormais près de 40 % du total des demandes déposées en France.

c.   Des taux de transfert qui demeurent faibles

Au niveau européen, avec 41 482 procédures « Dublin » engagées en 2017, la France représentait près de 25 % du total des requêtes de l’ensemble des États membres, contre 9 % en 2015. Elle est désormais seulement devancée par l’Allemagne et représente avec elle plus de 60 % du nombre total de requêtes en 2017.

Malgré cette activité, les taux de transferts restent particulièrement faibles : sur les 41 482 requêtes adressées en 2017 par la France, 29 113 ont obtenu un accord des États membres concernés, dont 13 355 de l’Italie, mais seulement 2 633 transferts ont été effectivement faits. Dans le même temps, la France a accueilli 1 642 étrangers en provenance d’autres pays européens.

Sur les sept premiers mois de l’année 2018, 22 506 ressortissants étrangers ayant sollicité l’asile en France ont été placés sous procédure « Dublin ». Sur cette même période 1 075 transferts ont été réalisés des États-membres vers la France alors que la France transférait 1 967 demandeurs vers les États-membres.

Ces faibles taux de transfert, moins de 8 %, révèlent les grandes difficultés rencontrées par les préfectures dans l’organisation des transferts, en raison notamment des refus d’embarquement ou de la disparition des intéressés dès la notification par le préfet de la décision de transfert.

Ils fragilisent la France par rapport aux autres États membres, qui affichent des taux largement supérieurs, de l’ordre de 30 à 50 %, et la font devenir, de fait, un pôle d’attractivité pour tous les déboutés du droit d’asile présents sur le continent européen.

2.   Une mise à niveau du dispositif français en cours de réalisation

Une mise à niveau à hauteur des enjeux actuels nécessite de repenser le dispositif français de l’asile au regard de la gestion des procédures « Dublin ».

a.   La création de pôles régionaux spécialisés

● Dans le cadre du Plan d’action pour garantir le droit d’asile et mieux maîtriser les flux migratoires, présenté le 12 juillet 2017, le Gouvernement a décidé de la création de pôles régionaux spécialisés pour le traitement de la procédure « Dublin ».

Le niveau d’expertise requis par la procédure implique en effet d’assurer une spécialisation de sa gestion pour améliorer la réalisation des transferts. Pour beaucoup de préfectures, cette procédure complexe mobilise trop de ressources pour un rendement aléatoire. L’objectif est de parvenir à une centralisation régionale en spécialisant des unités administratives sur la procédure « Dublin ».

Dans ce nouveau modèle, la préfecture qui procède, au sein du guichet unique, à l’enregistrement de la demande d’asile, conserve les opérations directement liées à l’enregistrement de la demande, en particulier l’entretien « Dublin ». L’unité Dublin régionale a, pour sa part, compétence pour la procédure de détermination de l’État responsable, l’organisation et l’exécution du transfert, et le cas échéant, sur la procédure contentieuse.

Dans un premier temps, onze pôles régionaux « Dublin », dont deux avaient été mis en place à titre expérimental à l’automne 2017, dans les Hauts-de-France et en Provence-Alpes-Côte d’Azur, doivent être créés cet automne et leur déploiement achevé avant la fin de l’année 2018.

Premier bilan des deux expérimentations régionales

Un premier bilan des expérimentations menées depuis plus d’un an dans les Hauts-de-France et la région Provence-Alpes-Côte d’Azur a permis de faire ressortir les points suivants :

– amélioration de la qualité des requêtes et de la procédure constatée dans les deux pôles ;

– organisation efficace et conforme aux orientations nationales dans la préfecture du Nord avec réelle spécialisation des agents du pôle ;

– nécessité d’une orientation vers des hébergements à proximité du pôle et de préférence dans le département du siège du pôle compte tenu des convocations liées à la procédure et afin d’assurer une meilleure effectivité des transferts.

Ces onze pôles, précisés par la circulaire ministérielle du 30 juillet 2018, recouvrent l’ensemble du territoire métropolitain à l’exception de la région Île-de-France dont les spécificités, notamment en termes de flux, nécessitent un dispositif adapté. Ils seront localisés à Lille, Marseille, Strasbourg, Besançon, Lyon, Bordeaux, Toulouse, Rennes, Angers, Orléans et Rouen. Cette régionalisation concerne les procédures « Dublin » engagées à la suite du dépôt d’une demande d’asile et non celles concernant des étrangers en situation irrégulière interpellés sur le territoire national et relevant de la procédure « Dublin » sans avoir sollicité la protection internationale de la France.

● La création de ces pôles s’est accompagnée du déploiement de personnel dédié. Ainsi, un effectif total de 105 ETP a été fixé pour l’ensemble des onze pôles, dont 50 par création d’emplois et 55 par redéploiement d’effectifs au niveau régional.

Un programme de formation a été prévu à partir du mois de septembre 2018 associant la sous-direction du recrutement et de la formation du ministère de l’Intérieur, notamment à titre général sur le droit d’asile pour les nouveaux agents, et l’unité nationale Dublin de la direction générale des étrangers en France au regard des aspects techniques et juridiques liés à l’application du règlement « Dublin ».

b.   L’adoption de la loi du 20 mars 2018

Adoptée à l’initiative de notre collègue Jean-Luc Warsmann, la loi n° 2018-187 du 20 mars 2018 permettant une bonne application du régime d’asile européen visait à tirer les conséquences de deux décisions de la Cour de justice de l’Union européenne et de la Cour de cassation, qui privaient l’autorité administrative d’un outil particulièrement utile pour mettre en œuvre les procédures de transfert nécessaires à l’application du règlement européen « Dublin » : le placement en rétention.

Si ce placement en rétention est explicitement prévu par l’article 28 du règlement « Dublin », la Cour de cassation avait en effet jugé, dans un arrêt du 27 septembre 2017, que la loi devait définir des critères objectifs établissant « un risque non négligeable » de fuite du demandeur.

C’est ce que fait l’article 1er de cette loi. Il dresse une liste, précise et concrète, de critères objectifs qui permettent détablir ce « risque non négligeable de fuite ». Il prend également en compte les besoins particuliers des étrangers en situation de vulnérabilité et harmonise les régimes d’assignation à résidence des étrangers placés sous procédure « Dublin ».

L’article 2 procède à plusieurs coordinations et inscrit par ailleurs la possibilité, prévue par le règlement européen mais non inscrite jusque-là dans notre droit national, de placer en rétention un étranger avant la décision de transfert, c’est-à-dire dès la phase de détermination de l’État responsable de l’examen de sa demande d’asile.

Ce texte donne ainsi à la France les moyens de mettre en œuvre de façon efficace la procédure « Dublin » et de garantir ainsi son engagement européen en matière d’asile.

Malgré son caractère récent, et comme l’a expliqué à votre rapporteure le préfet de police de Paris, M. Michel Delpuech, les résultats obtenus sont tangibles. L’évolution du taux de transfert de la France vers les autres États membres entre le mois d’octobre 2017, date de la décision de la Cour de cassation, et le mois de juillet 2018, sont en effet significatifs.

Demandeurs d’asile transférés par la France Entre
octobre 2017 et juillet 2018

Mois

Nombre d’accords obtenus

Nombre de transferts réalisés

Taux de transfert

Octobre 2017

2 643

319

12,07%

Novembre 2017

2 435

166

6,82%

Décembre 2017

2 276

153

6,72%

Janvier 2018

2 571

216

8,40%

Février 2018

2 300

215

9,35%

Mars 2018

2 427

226

9,31%

Avril 2018

2 525

276

10,93%

Mai 2018

2 335

312

13,36%

Juin 2018

2 607

336

12,89%

Juillet 2018

2 204

386

17,51%

Source : ministère de l’Intérieur

c.   Un programme d’hébergement spécialisé : le PRADHA

Afin de ne pas encombrer le parc d’hébergement pour demandeurs d’asile, déjà saturé, et faciliter les transferts, le ministère de l’Intérieur a mis en place, au cours de l’année 2017, un dispositif dhébergement spécifique pour les étrangers sous procédure « Dublin » : le programme d’accueil et d’hébergement des demandeurs d’asile (PRAHDA).

Il comprend 5 131 places, réparties sur l’ensemble du territoire métropolitain, et permet de disposer de locaux adaptés à des opérations de pointage, en présence des forces de l’ordre, pendant toute la durée de la procédure.

En outre, un certain nombre de ces structures se trouvent à proximité d’aéroports – tel que les sites de Lesquin, dans le Nord, et de Vitrolles, dans les Bouches-du-Rhône – pour faciliter les transferts.

C.   UNE refonte du règlement « dublin » désormais indispensable

Si la France s’organise pour appliquer de manière plus efficace le règlement « Dublin », le nombre d’étrangers relevant de cette procédure témoigne de son inadaptation au contexte migratoire actuel.

Pensé à une époque où la demande d’asile était très faible, le règlement « Dublin » ne répond plus à son objectif initial : éviter les demandes d’asile successives au sein des différents pays européens.

1.   Les propositions de la Commission : réduire les délais d’instruction et instituer une responsabilité permanente

En 2016, la Commission européenne a soumis sept propositions de textes portant refonte de l’intégralité du régime d’asile européen commun (RAEC), dont le règlement « Dublin ».

Globalement, les propositions de la Commission reflétaient largement les priorités de la France, en visant à rendre le système européen plus résistant aux crises, à renforcer la convergence entre les systèmes nationaux de l’asile, à améliorer l’efficacité du système et à mieux prendre en compte les impératifs sécuritaires.

Les discussions sur ces textes butent à ce jour sur les négociations du règlement « Dublin ». La position défendue par la France est qu’il n’est possible de remédier aux dysfonctionnements actuels que moyennant un allongement de la responsabilité, qui cesse aujourd’hui à l’expiration d’un délai de six mois – dix-huit en cas de fuite – et permet au demandeur, à son expiration de déposer une nouvelle demande dans un État de son choix.

L’allongement de cette responsabilité, à cinq, huit ou quinze ans, ne saurait cependant être viable, en cas d’afflux massif dans les pays de première entrée, que par la mise en place dun mécanisme de solidarité entre tous les États européens prévisible et ambitieux, pour partager la charge de cet accueil.

Le 4 mai 2016, la Commission a présenté un projet de refonte qui visait notamment à réduire les délais d’instruction des demandes de transfert et à instituer une responsabilité permanente. La proposition prévoyait également l’introduction d’un mécanisme d’attribution correcteur permanent, rendant possible la relocalisation des demandeurs dans les États membres, en cas d’afflux soudains et massifs, selon une clé de répartition prédéterminée.

L’examen de ce texte par le Conseil, qui répondait aux préoccupations de la France, a été interrompu en septembre 2016 par la présidence slovaque, en raison de trop grandes divergences politiques entre les États membres :

– l’allongement de la durée de la responsabilité de l’État chargé de l’examen de la demande d’asile se heurte à l’opposition des pays de première entrée, au premier rang desquels l’Italie ;

– l’instauration d’un mécanisme de solidarité, par réinstallation des demandeurs dans d’autres États membres, se heurte au refus des États de Višegrad – Pologne, Hongrie, République tchèque et Slovaquie – opposés à toute forme d’accueil obligatoire.

2.   Les propositions du Conseil européen de juin 2018 : mettre en place des centres contrôlés

À la suite de la crise de l’Aquarius, du nom de ce bateau ayant sauvé 629 migrants au large de la Libye en juin 2018 et qu’aucun pays européen ne souhaitait voir accoster sur ses côtes, les États européens ont souhaité réfléchir à la mise en place de « centres contrôlés », pour prendre en charge les personnes secourues en mer et examiner au plus vite leur situation.

Concrètement, les personnes débarquées dans ces centres contrôlés, établis dans des États membres volontaires, bénéficieraient d’un traitement rapide et sûr de leurs demandes, avec le soutien appuyé de l’Union européenne, afin de distinguer ceux ayant besoin d’une protection internationale, pour les relocaliser rapidement, de ceux qui ne satisfont pas aux conditions d’entrée et de séjour dans l’Union européenne, pour les reconduire dans leur pays d’origine.

Outre l’enregistrement des empreintes, l’identification des personnes et l’évaluation des risques sécuritaires, ces centres offriraient aux migrants un hébergement temporaire le temps strictement nécessaire au traitement de leurs demandes.

Dans ses conclusions du 28 juin 2018, le Conseil européen invite à examiner le concept, très proche, des centres contrôlés, des « plateformes régionales de débarquement » ou « arrangements de débarquement » selon le vocable de la Commission.

Avec l’appui de tous les acteurs concernés et en coopération avec l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) et le Haut-Commissariat aux réfugiés (HCR), ces plateformes doivent répondre à deux objectifs : d’une part la prise en charge rapide des personnes secourues en mer et, d’autre part, une offre de solutions adaptées à ces dernières en fonction de leur statut, à savoir le retour dans le pays d’origine (en lien avec l’OIM) ou l’accès à l’asile, y compris via la réinstallation dans un pays tiers (en lien avec le HCR).

Ces arrangements ayant vocation à être conclus avec des pays tiers de départ, il est nécessaire de prendre en compte la situation spécifique de chaque État concerné. Les discussions au Conseil ont permis d’entériner le principe d’un dialogue axé, dans un premier temps, sur le développement des capacités de sauvetage en mer des pays de départ, condition essentielle à la prévention des décès en mer. Aucune estimation budgétaire n’a été réalisée à ce stade, la mise en place de tels arrangements devant toutefois requérir, pour être viable, le soutien de l’Union et des États membres.

Ces propositions correspondent pleinement au souhait de la France dexaminer au plus tôt, dès leur entrée sur le territoire européen, la situation des étrangers demandant une protection. Ce système serait en réalité assez proche de la demande d’asile à la frontière mis en œuvre dans les zones d’attente aéroportuaires françaises.

3.   Des négociations dans l’impasse

Si la France, en lien étroit avec ses partenaires, au premier rang desquels l’Allemagne, continue d’œuvrer à l’aboutissement de la négociation, les conclusions du Conseil européen du 18 octobre semblent avoir sonné le glas des centres contrôlés et plateformes de débarquement : aucun pays ne s’est porté volontaire pour accueillir de tels projets et le concept est absent des conclusions du Conseil.

Dans leur rapport conjoint d’octobre 2018, Sauver le droit dasile, l’Institut Montaigne et Terra Nova ([11]) font seize propositions pour réformer le droit d’asile européen. Si le renforcement de la solidarité européenne est une nécessité absolue, l’instauration de la possibilité pour les demandeurs d’asile de solliciter l’État de leur choix, comme le propose ce rapport, irait précisément à l’encontre de cet objectif de solidarité, en faisant porter l’accueil par seulement quelques pays.

Votre rapporteure est convaincue que la réponse des États européens doit être nécessairement collective, pour aider, d’une part les pays de première entrée à mieux contrôler leurs frontières et, d’autre part, inventer des mécanismes de solidarité, par des aides aux contrôles ou des compensations financières, qui fassent participer tous les États à l’effort collectif.

 

 


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   examen en commission

Lors de sa seconde réunion du jeudi 25 octobre 2018, la Commission auditionne M. Christophe Castaner, ministre de l’Intérieur, sur les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration ».

M. Christophe Castaner, ministre de l’Intérieur. Madame la présidente, madame la rapporteure, mesdames, messieurs les députés, les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration » représentent 1,694 milliard d’euros, soit une hausse de 13 % à périmètre constant, après une progression de 26 % en 2018. Cette hausse significative correspond au fait que la pression migratoire reste forte dans notre pays, avec notamment une demande d’asile très soutenue, mais elle est également la traduction budgétaire de priorités politiques claires, en application, d’une part, des décisions prises au comité interministériel à l’intégration du 5 juin 2018 et dans la droite ligne, d’autre part, du plan d’action du Gouvernement pour garantir le droit d’asile et mieux maîtriser les flux migratoires.

Ce budget pour 2019 est robuste et complet à un triple titre : il garantit les moyens qui permettront à l’État de renforcer les capacités d’hébergement des demandeurs d’asile et des réfugiés ; il assure des ressources nouvelles pour renforcer les instruments de l’éloignement des étrangers en situation irrégulière ; enfin, il permet le changement d’échelle des politiques d’intégration, qui sont déployées en faveur des étrangers qui ont vocation à rester durablement en France.

Vous le savez, notre pays reste soumis à une pression migratoire intense, évolutive, qui appelle de notre part une action toujours plus déterminée.

Cette pression migratoire n’est pas sans paradoxes. Entre 2016 et 2017, le nombre de demandeurs d’asile a diminué de moitié dans l’Union européenne mais a augmenté de 17 % en France, faisant franchir à notre pays le cap historique des 100 000 demandes d’asile enregistrées à l’Office français de protection des réfugiés et des apatrides (OFPRA).

Pour ceux parmi vous qui, comme moi, sont attachés par-dessus tout à la protection du droit d’asile pour les personnes persécutées et celles qui fuient la guerre, ce chiffre historiquement élevé ne doit pas, contrairement aux apparences, réjouir car il résulte d’une demande d’asile émanant en large part de personnes sans besoin de protection.

En 2017, le premier pays d’origine des demandeurs d’asile était ainsi l’Albanie, pays sûr, candidat à l’entrée dans l’Union européenne et dont les ressortissants n’ont guère plus de 6 % de chances d’obtenir le statut de réfugié. La même année, on constatait en Guyane une hausse constante et préoccupante des demandes d’asile des personnes originaires d’Haïti, qui ne font généralement pas état de motifs de protection au sens du droit international. Ces flux sont particulièrement déstabilisants pour un territoire qui connaît déjà des tensions importantes.

Nous sommes devant un paradoxe : les demandes d’asile sont en hausse alors que les arrivées sur notre continent de personnes fuyant véritablement la guerre sont en baisse.

Cette réalité, le Gouvernement s’en est saisi à bras-le-corps, et j’en veux pour preuve deux exemples.

Après l’élaboration avec le gouvernement albanais d’un plan d’action vigoureux visant à dissuader les flux migratoires irréguliers vers la France, la demande d’asile en provenance de ce pays enregistre, sur les neuf premiers mois de 2018, une baisse de 41 % par rapport à la même période 2017.

En Guyane, le constat avait été fait que la durée excessive de nos procédures d’asile constituait un facteur important d’attractivité. Conformément à l’engagement pris par le Président de la République de réduire la durée de la procédure et la durée de perception de l’allocation pour demandeurs d’asile à deux mois, un décret expérimental réduisant à deux mois le délai de traitement de l’asile dans ce territoire a permis une baisse de 49 % des demandes.

J’étais il y a deux jours à Grande-Synthe où j’ai assisté à l’évacuation d’un campement où étaient installés en majorité des Kurdes irakiens. Cette opération a fait suite à une décision de la cour d’appel de Douai qui, la semaine dernière, a considéré que, dans certaines régions d’Irak, il n’y avait pas de risques politiques justifiant l’obtention du droit d’asile. Là où il y a une volonté, on peut faire baisser la pression. Ce sont des messages qu’il faut faire passer à celles et ceux qui organisent avec le grand banditisme des filières de traite humaine qui utilisent la France comme pays cible et exposent des familles à subir des conditions de vie épouvantables dans de tels campements.

L’année écoulée nous le prouve, mesdames et messieurs les députés, pour dissuader les flux migratoires irréguliers, l’action déterminée de l’État porte ses fruits. Il n’en reste pas moins, et je le reconnais solennellement devant vous, que la France reste confrontée à une situation migratoire délicate, qui justifie de poursuivre et d’amplifier notre action et, par conséquent, d’y allouer les moyens nécessaires. Je prendrai à nouveau des exemples particulièrement illustratifs.

La France est aujourd’hui la destination d’un nombre important, et toujours croissant, de demandeurs d’asile originaires de Géorgie, un pays qui a obtenu récemment une exemption de visas pour ses ressortissants se rendant dans l’Union européenne. Sur les neuf premiers mois de l’année, la demande en provenance de ce pays a enregistré une hausse de 289 % ! Je tiens à l’affirmer devant vous : ma détermination sera totale pour endiguer ce phénomène, qui relève d’une migration économique et concerne très largement des personnes qui n’ont pas de besoin de protection au sens du droit international. Je mobiliserai tous les outils, bilatéraux mais aussi européens, pour y parvenir.

Du fait des dysfonctionnements actuels du règlement « Dublin », notre pays est fortement exposé aux flux secondaires internes à l’Union européenne, flux dans lesquels les déboutés du droit d’asile sont, hélas, de plus en plus nombreux. Un tiers des demandes d’asile enregistrées en France proviennent de personnes ayant déjà déposé une demande dans un autre pays de l’Union européenne et qui n’ont pas obtenu l’asile. Les Afghans qui demandent l’asile dans notre pays ont déjà déposé, en moyenne, 1,8 demande d’asile dans d’autres pays de l’Union. Ce n’est pas acceptable, et je souhaite m’engager avec vigueur dans les négociations européennes pour réformer enfin le système qui permet cela. Cependant, en attendant, nous n’avons d’autre issue que de mettre en œuvre avec détermination les outils à notre disposition, en transférant les personnes concernées vers le pays européen chargé de l’examen de leur demande d’asile. Si nous voulons sauver ce droit essentiel et faire en sorte qu’il profite à celles et ceux peuvent y avoir droit, il nous faut être extrêmement strict.

Vous le voyez, l’année 2019 devra, en matière migratoire, voir poursuivis et amplifiés nos efforts pour maîtriser l’immigration, garantir le droit d’asile et tirer les conséquences de l’octroi, ou du refus, du statut de réfugié. Je souhaite que nous conduisions un dialogue ferme avec les pays d’origine des migrants pour qu’ils travaillent à dissuader les départs et qu’ils reprennent leurs ressortissants. Nous devons œuvrer à l’échelle européenne pour apporter une réponse coordonnée aux défis migratoires que nous partageons, qu’il s’agisse des arrivées en Méditerranée ou des flux de rebond dans l’Union européenne. Il nous faut aussi garantir la dignité de l’accueil dans notre pays : en 2019, conformément aux engagements pris par le Président de la République à Orléans en juillet 2017, nous créerons 3 500 nouvelles places d’hébergement pour les demandeurs d’asile. Il importe également d’assumer d’éloigner ceux qui sont déboutés de leur demande d’asile, y compris, je le dis sans détour, en les plaçant en rétention lorsqu’existe un risque de fuite. Enfin, aux quelque 30% de demandeurs qui obtiennent le statut de réfugié, nous donnerons réellement les moyens de s’intégrer dans notre pays.

Ces orientations, mesdames et messieurs les députés, sont celles qui guident la construction du budget que je vous présente aujourd’hui.

En premier lieu, pour faire face à une demande d’asile toujours soutenue, les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration » incluent des moyens supplémentaires pour traiter ces demandes d’asile et accueillir les demandeurs dans des conditions dignes. Ce renforcement du dispositif d’accueil et d’hébergement est indispensable : c’est le meilleur moyen de lutter contre les campements.

Aussi, pendant tout le temps du traitement de la demande d’asile, tous les moyens seront déployés pour accueillir dignement les demandeurs d’asile : conformément aux engagements déjà pris par le Gouvernement, 1 000 nouvelles places de centres d’accueil pour demandeurs d’asile (CADA) et 2 500 nouvelles places d’hébergement d’urgence pour demandeurs d’asile (HUDA) seront créées en 2019 ainsi que 2 000 places en centres provisoires d’hébergement (CPH), qui visent à faciliter l’accès au logement des réfugiés les plus vulnérables. Ce projet de loi de finances met également fin à une anomalie, qui voulait que les places d’hébergement pour demandeurs d’asile en Île-de-France, dans les centres d’hébergement d’urgence pour migrants (CHUM), soient financées sur le programme 177, sous la responsabilité du ministre chargé du logement. Le PLF organise donc le transfert des 7 800 places de ces centres vers les programmes 104 et 303, pour un montant de 113 millions d’euros.

Pour atteindre, fin 2019, l’objectif d’un traitement des demandes d’asile dans un délai de six mois en moyenne, des renforts seront alloués à l’ensemble de ceux qui contribuent au traitement de ces demandes : 170 renforts de personnels titulaires ont été alloués aux préfectures, comme j’ai eu l’occasion de vous l’indiquer plus tôt en présentant les moyens du programme « Administration territoriale » auxquels s’ajoutent 25 effectifs pour l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII) afin d’investir des missions nouvelles, notamment armer les équipes mobiles prévues par la circulaire du 12 novembre 2017, ainsi que 10 équivalents temps plein (ETP) supplémentaires pour l’OFPRA, qui aura ainsi vu ses effectifs renforcés de 280 postes depuis 2015, ce qui est une dynamique particulièrement remarquable pour un opérateur de l’État.

En outre, même si cette juridiction ne fait pas partie du périmètre de cette mission, je mentionne, compte tenu de son importance, 122 ETP pour la Cour nationale du droit d’asile (CNDA), chargée de statuer sur les recours contre les refus d’asile décidés par l’OFPRA, dont les délais de traitement se sont allongés en 2018 du fait notamment d’une grève des personnels.

Enfin, s’agissant toujours de l’accueil des demandeurs d’asile, ce projet de loi de finances prévoit la poursuite du rebasage de l’allocation versée aux demandeurs d’asile (ADA) pendant toute la durée de la procédure : les crédits sont en hausse de 5,7% par rapport à la loi de finances initiale pour 2018.

Le PLF pour 2019 traduit l’attachement très fort de ce Gouvernement à la mise en œuvre d’une politique toujours plus crédible de lutte contre l’immigration irrégulière et d’éloignement.

En la matière, l’entrée en fonctions de ce Gouvernement a marqué un tournant, avec une reprise des éloignements qui ont augmenté de 14 % en 2017, après des années de fléchissement. Depuis le début de l’année 2018, la tendance se maintient puisque le nombre de personnes ayant quitté le territoire est à nouveau en hausse de 20 % par rapport à la même période en 2017. Mais cette tendance à la hausse, pour être amplifiée, appelle des moyens supplémentaires. Si la dynamique de l’aide au retour volontaire est très positive, celle des éloignements contraints, avec une augmentation de 9 %, est en-deçà de la mobilisation que je sais très forte des services de l’État. Les préfets l’ont indiqué dans leurs rapports : il n’y pas suffisamment de places dans les centres de rétention pour permettre l’éloignement effectif de ceux qui, hélas, tentent de se soustraire à l’application du droit.

L’engagement avait été pris, vous vous en souvenez, d’ouvrir 400 places supplémentaires en centres de rétention. Depuis octobre 2017, plus de 200 places ont déjà été ouvertes. Mais pour poursuivre cette dynamique, il nous faut investir dans ces équipements. C’est la raison pour laquelle les crédits qui vous sont proposés prévoient un plan d’investissement en matière de rétention d’un montant de 48 millions d’euros.

Il y a aussi l’enjeu de l’intégration. Vous le savez, mesdames et messieurs les députés, elle ne se décrète pas : il faut y travailler avec constance et avec ambition. C’est pourquoi, à la suite des conclusions du rapport de votre collègue Aurélien Taché, le Gouvernement a décidé d’organiser le changement d’échelle de nos politiques d’intégration, lors du comité interministériel à l’intégration, présidé par le Premier ministre, le 5 juin dernier.

Pour ce faire, nous travaillerons selon quatre axes.

Premièrement, s’intégrer dans un pays, c’est d’abord en maîtriser la langue. Le nombre d’heures de cours de français dans le cadre du contrat d’intégration républicaine (CIR) sera donc doublé, passant de 200 heures à 400 heures, et même 600 heures pour celles et ceux qui ne maîtrisent pas la lecture et l’écriture.

Deuxièmement, demeurer sur le sol français, c’est partager les valeurs de la République, les cours d’éducation civique seront donc eux aussi doublés, passant de 12 heures à 24 heures. Ils incluront désormais la visite d’institutions comme les préfectures, les commissariats ou les palais de justice.

Troisièmement, parce que, pour tous, l’emploi est un facteur d’insertion dans la société, le contrat d’intégration républicaine comprendra une dimension d’orientation professionnelle. Il prévoira notamment un entretien dédié en fin de contrat, organisé par l’OFII.

Enfin, les réfugiés qui présentent des besoins et des vulnérabilités particulières bénéficieront d’un accompagnement dédié et renforcé en matière de santé, de logement et de formation, sous le pilotage du délégué interministériel chargé de l’accueil et de l’intégration des réfugiés, le préfet Alain Régnier.

Ces axes décidés en juin dernier devaient trouver une concrétisation dans le projet de loi de finances. C’est chose faite dans le budget qui vous est présenté, avec 89 millions de crédits supplémentaires consacrés à la mise en œuvre des décisions du comité interministériel.

Voilà, mesdames et messieurs les députés, la traduction budgétaire de la politique juste, crédible et responsable que j’entends mener en 2019 sur ces matières si complexes et délicates de l’asile, de l’immigration et de l’intégration. Elles ne peuvent se résumer à quelques bonnes formules car derrière, il y a la vie d’hommes, de femmes et d’enfants. J’ai vu à Grande-Synthe des familles entières vivre dans des conditions épouvantables parce qu’elles avaient été conduites ici par des personnes qui font commerce d’assassiner leurs rêves.

Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure pour avis des crédits de la mission « Immigration, asile et intégration ». Monsieur le ministre, madame la présidente, mes chers collègues, les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration » augmentent encore de manière très importante cette année et contribuent ainsi à la sincérité du budget que nous examinons aujourd’hui. En effet, ils s’élèveront à 1,69 milliard d’euros en crédits de paiement en 2019, contre 1 milliard il y a seulement deux ans.

Ils permettront de poursuivre la mise en œuvre du plan « Garantir le droit d’asile, mieux maîtriser les flux migratoires » présenté le 12 juillet 2017 par le Gouvernement, dont la loi pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie, que nous avons adoptée cet été, constitue un élément fondamental.

Le programme 303 « Immigration et asile » comprend l’essentiel des crédits de la mission et finance notamment la politique de l’asile, ainsi que la lutte contre l’immigration irrégulière. L’augmentation des crédits dédiés à l’hébergement permettra de poursuivre la mise à niveau du dispositif national d’accueil. Sa rationalisation, dont nous avons longuement débattu lors de l’examen du projet de loi sur l’asile et l’immigration, doit constituer une priorité du Gouvernement. Je me réjouis qu’une telle démarche soit désormais engagée, pour l’organiser autour de trois niveaux de prise en charge.

Premièrement, les centres d’accueil et d’examen des situations (CAES), pour éviter les files d’attentes et les campements illégaux sur la voie publique et orienter au plus vite les demandeurs ; deuxièmement, l’hébergement d’urgence, pour les étrangers sous procédure accélérée ou procédure dite « Dublin » ; troisièmement, enfin, les CADA, qui doivent demeurer l’hébergement de référence.

Cela doit nous permettre de disposer d’un parc d’hébergement de 97 000 places fin 2019. Pouvez-vous nous préciser, monsieur le ministre, quelles sont les hypothèses d’augmentation de la demande d’asile que vous avez retenues en 2019 pour bâtir votre budget ?

Les crédits consacrés à la lutte contre l’immigration irrégulière augmentent également. Ils pourront ainsi financer la création de 450 places en centres de rétention administrative, portant le total de notre parc à un peu plus de 2 000 places. Cette augmentation est rendue indispensable pour renforcer l’effectivité de l’exécution des décisions d’éloignement et tenir compte de l’augmentation de la durée légale de placement en rétention prévue par la loi du 10 septembre 2018.

Les crédits consacrés à l’intégration, enfin, augmentent également pour financer les décisions prises lors du comité interministériel à l’intégration du 5 juin 2018, qui reprenait les principales propositions de notre collègue Aurélien Taché. Ces crédits supplémentaires doivent notamment permettre de financer le doublement des cours de langue, dont le nombre d’heures passera de 200 à 400 heures dès 2019, afin de rapprocher la France des meilleurs standards européens ; le doublement de la formation civique, qui passera de 12 à 24 heures ; l’introduction d’une prestation d’orientation professionnelle dès le stade du contrat d’intégration républicaine (CIR).

Toutes ces mesures seront mises en œuvre par l’opérateur du ministère, (OFII). À ce propos, monsieur le ministre, j’ai été alertée de la difficulté pour l’Office de recourir à des contrats longs pour certaines catégories d’agents, notamment ceux en contact avec le public. Beaucoup sont en effet recrutés pour des durées courtes – onze mois –, ce qui entraîne un roulement important du personnel, coûteux en termes de finances publiques et peu efficace en termes de politiques publiques. Pouvez-vous nous dire, monsieur le ministre, ce que vous comptez faire pour remédier à cette situation et donner à l’OFII les moyens de remplir au mieux ses missions ?

Alors que la crise migratoire des années 2015 à 2016 semble dernière nous, l’épisode de l’Aquarius, l’été dernier, du nom de ce bateau ayant recueilli plusieurs centaines de migrants et qu’aucun État européen ne voulait voir accoster chez lui, a souligné les carences de la solidarité européenne en matière d’asile. C’est pourquoi j’ai fait le choix cette année de m’intéresser à la mise en œuvre du règlement « Dublin », dont l’application provoque de nombreuses divergences entre les différents États membres de l’Union.

Vous le savez, le règlement « Dublin » est une composante du régime d’asile européen commun. Il a pour objet, d’une part, d’éviter que le demandeur d’asile sollicite successivement plusieurs pays européens et, d’autre part, qu’il soit renvoyé d’un pays à l’autre sans que sa demande soit jamais examinée, ce qui contreviendrait au principe de non-refoulement de la convention de Genève. Il pose le principe selon lequel un seul État européen est responsable de la demande d’asile d’une personne ressortissante d’un État tiers, et prévoit pour cela une procédure de transfert entre les différents États membres.

Or, le nombre de demandeurs d’asile relevant du règlement « Dublin » a augmenté de manière spectaculaire depuis deux ans, ces demandeurs représentant désormais 40 % du total des demandes enregistrées en préfecture. Moins concernée par la crise de l’asile qu’a connue l’Union européenne à partir de 2015, où plus de 1,2 million de demandes avaient été déposées auprès des vingt-huit États membres, dont 700 000 dans la seule Allemagne, la France présente en effet la particularité de continuer à voir la demande de protection augmenter, alors qu’elle baisse partout ailleurs en Europe – 650 000 demandes ont été déposées au total en 2017.

La France est confrontée à une hausse des flux secondaires sans précédent depuis désormais plus d’un an : il s’agit de migrants arrivés en Europe en 2015-2016 et qui, après avoir déposé une demande d’asile dans un premier pays européen – et en avoir été déboutés – réitèrent cette demande auprès d’un autre État membre de l’Union et relèvent donc du règlement Dublin.

Ainsi que me l’ont expliqué plusieurs interlocuteurs, la demande d’asile de ressortissants afghans est par exemple en augmentation de 75 % par rapport à l’année dernière ; il s’agit de personnes provenant en grande majorité d’Allemagne ou d’Italie, qui ont déposé en moyenne 1,8 demande d’asile dans un autre pays avant d’arriver en France – ce qui signifie que la demande qu’ils déposent en France est généralement la troisième.

Ce phénomène trouve notamment son explication dans le durcissement du taux d’octroi de l’asile aux ressortissants afghans par l’Allemagne : le pourcentage de rejet est ainsi passé de 27 % en 2015 à 53 % en 2017. Toutes nationalités confondues, l’Allemagne aurait ainsi débouté plus de 600 000 personnes au cours de ces dernières années.

Le problème est que la France a du mal à s’organiser face à ce phénomène nouveau. Ainsi, les taux de transfert restent particulièrement faibles : sur les 41 000 requêtes adressées en 2017 par la France, 29 000 ont obtenu un accord des États membres concernés, dont 13 000 de l’Italie, mais seulement 2 600 transferts ont été effectivement faits. Ces faibles taux de transfert fragilisent la France par rapport aux autres États membres affichant des taux supérieurs, et contribuent à un faire un pôle d’attractivité pour tous les déboutés du droit d’asile présents sur le continent européen.

C’est pourquoi une mise à niveau de notre dispositif est indispensable. Le vote, à l’initiative de notre collègue Jean-Luc Warsmann, de la loi du 20 mars 2018 relative au régime d’asile européen commun, doit y contribuer. Surtout, monsieur le ministre, il a été décidé cet été de créer des pôles régionaux « Dublin » pour aider les préfectures dans la mise en œuvre de cette procédure longue et complexe. Pouvez-vous nous indiquer l’état d’avancement de leur déploiement ainsi que les moyens qui leur seront alloués ?

Cependant, nous en sommes tous conscients, la résolution de cette question ne pourra se faire qu’au niveau européen. Pensé à une époque où la demande d’asile était très faible en Europe, le règlement « Dublin » ne répond plus du tout à son objectif initial : éviter les demandes d’asile successives au sein des différents pays européens.

En 2016, la Commission européenne avait présenté un projet de refonte qui visait notamment à réduire les délais d’instruction des demandes de transfert et à instituer une responsabilité permanente – aujourd’hui, si la France ne transfère pas le ressortissant Dublin dans un délai de six mois, la procédure est annulée et la personne concernée peut déposer une nouvelle demande d’asile en France. La proposition prévoyait également l’introduction d’un mécanisme de solidarité rendant possible la relocalisation des demandeurs dans les États membres, en cas d’afflux soudains et massifs, selon une clé de répartition prédéterminée.

L’examen de ce texte par le Conseil a été interrompu en septembre 2016 par la présidence slovaque, en raison de trop grandes divergences politiques entre les États membres. L’allongement de la durée de la responsabilité de l’État chargé de l’examen de la demande d’asile suscite l’opposition des pays de première entrée, au premier rang desquels l’Italie ; l’instauration d’un mécanisme de solidarité, par réinstallation des demandeurs dans d’autres États membres, se heurte au refus des États du groupe de Višegrad – Pologne, Hongrie, République Tchèque et Slovaquie –, opposés à toute forme d’accueil obligatoire.

En juin dernier, à la suite du drame de l’Aquarius, le Conseil européen avait évoqué la création de « centres contrôlés » ou de « plateformes régionales de débarquement », pour examiner au plus vite la situation de personnes débarquant sur nos côtes et permettre, soit de les inscrire dans une démarche d’asile, soit de les reconduire dans leur pays d’origine.

Pouvez-vous nous dire, monsieur le ministre, quelles ont été les conclusions du dernier Conseil européen sur ce sujet et quelle position soutient la France dans la refonte du règlement « Dublin », ainsi que les perspectives pour les mois qui viennent, notamment avant les échéances européennes de 2019 ?

M. Christophe Castaner, ministre de l’Intérieur. La prévision d’évolution de la demande d’asile en 2019 constitue un exercice compliqué en raison de la situation paradoxale à laquelle nous sommes actuellement confrontés. D’un côté, les entrées en Europe sont en très forte baisse, de l’autre, le nombre de demandeurs est en très forte augmentation en France, cette année comme l’année dernière. Le nombre d’entrées a diminué de moitié entre 2016 et 2017, et les hypothèses retenues pour l’élaboration du projet de loi de finances sont fondées sur une prévision de stabilité des flux de demandeurs d’asile – on table sur environ 110 000 premières demandes introduites à l’OFPRA – et une prévision de stabilité du nombre de demandeurs relevant de l’application de la procédure « Dublin » – après avoir prévu plus 10 % en 2018, on prévoit moins 10 % en 2019 et 2020, du fait de l’assèchement des entrées en Europe.

S’il est vrai que l’effet de rebond actuellement constaté complique un peu la prévision, nous pensons cependant que les objectifs retenus sont sérieux et raisonnables. Il s’agit à mon sens d’hypothèses plutôt prudentes, selon lesquelles la situation française continuerait à se singulariser en Europe, mais qui tiennent compte des effets de flux que nous sommes susceptibles de connaître, ainsi que de l’accélération du traitement des demandes et des effets attendus de la politique de lutte contre l’immigration irrégulière que j’ai évoquée dans mon propos liminaire.

Pour ce qui est de la possibilité pour l’OFII d’avoir recours à des contrats à durée indéterminée (CDI), nous devons tenir compte de la loi du 29 juillet 2015 relative à la réforme du droit d’asile, qui prévoit que l’office ne peut plus recruter de non-fonctionnaires en CDI : c’est ce qui explique qu’il ne recrute actuellement que sur contrat à durée déterminée (CDD) d’un an. La possibilité de recourir à des CDD de trois ans est à l’étude par la direction du budget, qui ne m’a pas encore fait part de sa position. En tout état de cause, nous sommes, comme vous, conscients des limites du système actuel, c’est pourquoi le Gouvernement pourrait être favorable à une initiative qui serait portée dans le cadre de nos discussions, visant à régler ce problème.

Je précise cependant que, si une telle proposition était présentée dans le cadre de la loi de finances, elle serait certainement considérée comme un cavalier budgétaire, et repoussée à ce titre ; le projet de loi sur la fonction publique qui sera présenté prochainement à l’Assemblée nous fournirait sans doute une meilleure occasion de traiter ce sujet.

Au sujet de la mise en place des pôles régionaux de traitement des dossiers « Dublin », une note du 30 juillet 2018 à l’intention des préfets de région, relative à la régionalisation de la procédure « Dublin », prévoit de généraliser le dispositif des pôles régionaux en dehors de l’Île-de-France, dans un souci de cohérence et d’efficacité dans la mise en œuvre de la procédure « Dublin » sur l’ensemble du territoire métropolitain. Il existe actuellement onze pôles régionaux localisés et dotés de moyens, dont les compétences sont précisément définies, en articulation avec celles du guichet unique au stade de l’enregistrement de la demande d’asile, et celles des préfectures de département en cas d’interpellation d’un étranger en situation irrégulière relevant d’une procédure « Dublin ».

Après le Conseil européen, les discussions se poursuivent. Comme je l’ai dit précédemment, je souhaite un changement clair des règles, afin qu’il soit mis fin à certaines pratiques : à l’heure actuelle, des demandeurs passent d’un pays à l’autre pour représenter le même dossier, ce qui n’est pas l’esprit du dispositif mis en place. Je précise que la présidence autrichienne a évoqué la notion de solidarité obligatoire, ce qui ne signifie pas une relocalisation obligatoire, mais la solidarité avec les migrants recueillis en mer et la mise en place de centres contrôlés dans les pays de première entrée. Pour atteindre cet objectif, nous allons continuer à travailler avec ces pays. Au niveau européen, ce sont des orientations compatibles avec celles qui sont défendues par la France, et les discussions avancent – peut-être pas assez vite, mais elles avancent, ce qui est une bonne chose.

Enfin, vous m’avez interrogé sur les centres de rétention administrative (CRA), en particulier sur le programme d’extension des capacités de rétention. Sur ce point, je vous précise qu’en 2017, 1 543 places avaient été prévues mais que, du fait de la saturation constatée, les préfets ont fréquemment été confrontés à une impossibilité de procéder à des éloignements, faute de places disponibles. Comme je l’ai dit tout à l’heure, un plan d’investissement a été mis en place, avec pour objectif de disposer de 481 places supplémentaires d’ici la fin 2020 – ce qui représente une augmentation de 35 %. Nous avons par ailleurs prévu 46 millions d’euros en 2018 pour l’ouverture de deux nouveaux CRA, et 60 millions d’euros pour 2019, avec notamment la réhabilitation du CRA de Nîmes et l’extension des CRA de Lyon, de Coquelles et de Lille.

Mme Élise Fajgeles. Monsieur le ministre, à mon tour, je tiens à vous féliciter pour votre nomination et vous remercie pour vos propos liminaires sur cette mission.

Depuis plus d’un an, l’ambition du Gouvernement et de la majorité est d’apporter des réponses à ce défi majeur qu’est le défi migratoire – des réponses pragmatiques, lucides, prenant en compte la complexité des situations migratoires, et dont les résultats concrets sont aujourd’hui visibles.

Comme vous l’avez dit, si les arrivées sur le territoire européen ont diminué au cours de l’année 2017, la France continue d’accueillir sur son sol un nombre significatif de femmes et d’hommes venus solliciter sa protection. Face à l’augmentation sans précédent du nombre de personnes accueillies en 2017, qui s’est poursuivie par une nouvelle augmentation en 2018, le Gouvernement s’est engagé dans une démarche volontariste et équilibrée pour que l’accueil des demandeurs d’asile soit à la hauteur de notre tradition républicaine d’hospitalité à l’égard de ceux qui fuient les guerres et les persécutions.

Pour améliorer l’intégration des étrangers appelés à résider durablement sur notre territoire et pour que la lutte contre l’immigration irrégulière soit plus efficace, nous avons voté cet été la loi pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie, qui a apporté les modifications législatives nécessaires à la réalisation des objectifs poursuivis, à savoir une demande d’asile étudiée dans des délais plus courts, donc plus humains, un hébergement mieux organisé, des conditions d’intégration améliorées par l’apprentissage de la langue et l’insertion professionnelle, et une reconduite des étrangers en situation irrégulière plus efficace.

Avec des moyens budgétaires en forte augmentation pour l’année 2018, des créations de postes à l’OFPRA, à l’OFII et en préfecture, ainsi que la création de places d’hébergement, les délais d’attente en préfecture, ainsi que ceux d’examen des demandes, diminuent déjà fortement et les campements indignes sur l’espace public tendent à se résorber durablement. La mise en place en Île-de-France d’une plateforme téléphonique de prise de rendez-vous auprès des structures de premier accueil des demandeurs d’asile (SPADA) a même permis de passer, depuis le mois de mai, de plus de vingt jours à moins de trois jours pour obtenir un rendez-vous à un guichet unique. J’aimerais savoir, monsieur le ministre, s’il est prévu d’étendre cette avancée technique très efficace à l’ensemble du territoire.

Le budget pour 2019 que vous venez de nous présenter poursuit, avec une augmentation globale de 23 %, l’effort engagé en 2018, et nous permettra d’atteindre les objectifs fixés par la loi votée cet été. Nous le ferons en poursuivant la création de places d’hébergement dans les CAES avant même l’inscription au guichet unique dans le dispositif national d’accueil pour les demandeurs d’asile et en centre provisoire d’hébergement pour les réfugiés, en permettant à l’OFPRA de réaliser l’ensemble de ses missions dans des délais raccourcis, grâce à la mise en œuvre de deux mesures importantes prévues dans la loi – une procédure d’interprétariat lancée au plus tôt et des convocations aux entretiens par voie électronique, avec la création de comptes numériques personnalisés –, mais aussi en effectuant des missions exceptionnelles dans les ports du sud de la Méditerranée, comme ce fut le cas cet été, et en augmentant les effectifs de l’OFII, principalement sur ses missions d’intégration.

Je tiens à saluer tout particulièrement l’effort budgétaire accompli sur cette partie, avec une augmentation de 46,9 % du budget opérationnel de programme (BOP) 104. Une somme de 41,5 millions d’euros servira à réformer le contrat d’intégration républicaine (CIR), qui comprend l’augmentation des heures d’apprentissage du français – jusqu’à 600 heures pour les personnes ne sachant ni lire ni écrire –, la mise en place d’un processus de certification, le doublement de la durée et la modernisation de la formation civique obligatoire, ainsi que l’accompagnement des dispositifs d’orientation et d’insertion professionnelle. Avec ces moyens, nous pouvons nous féliciter du retour d’une politique d’intégration digne sur notre territoire.

Le budget pour 2019 est également en augmentation en ce qui concerne le poste « Lutte contre l’immigration irrégulière », au titre duquel il prévoit la création de 450 nouvelles places en centre de rétention administrative. Mes collègues et moi-même avons visité des CRA au cours des derniers mois, et nous avons été frappés par l’état de détérioration de certains de ces centres, ainsi que par l’inactivité des personnes retenues, rendant les conditions de rétention particulièrement difficiles. Monsieur le ministre, pouvez-vous nous donner des informations sur la rénovation des CRA existants, ainsi que sur les aménagements qui pourraient leur être apportés afin de permettre aux personnes retenues de pratiquer plus d’activités ?

Nous savons bien que la question migratoire doit nécessairement trouver une réponse au niveau européen et, de ce point de vue, la France joue un rôle moteur. D’ores et déjà, les mesures engagées et le budget que vous nous avez présenté permettront à la France d’être à la hauteur de ses valeurs, de ses engagements et du maintien de l’État de droit ; ils permettront d’assurer le nécessaire équilibre entre un accueil effectif, une intégration améliorée et une immigration maîtrisée.

M. Éric Ciotti. Monsieur le ministre, vous avez tout à l’heure souligné la dégradation persistante de la situation de l’asile dans notre pays, en citant notamment les chiffres de l’OFPRA. Étant moi-même membre du conseil d’administration de l’Office, je rappelle que nous comptabilisons, sur les neuf premiers mois de l’année, une augmentation des premières demandes d’asile de 22,1 % – un chiffre ramené à 18,5 % si nous intégrons les mineurs, arrivés en moins grand nombre. La situation est paradoxale car, bien que le Président de la République et vous-même ayez affirmé à mainte reprise que la situation de l’immigration et de l’asile en Europe s’était améliorée et que la crise migratoire était derrière nous, la crise migratoire n’a en réalité jamais été aussi forte dans notre pays. Je vois dans cette situation la conséquence directe des atermoiements, des faiblesses et du laxisme de la politique migratoire actuellement appliquée, dans la stricte continuité de celle mise en œuvre en son temps par le gouvernement socialiste. Aujourd’hui, la situation continue à se dégrader, et je voudrais donc vous interroger, monsieur le ministre, sur des sujets qui me paraissent particulièrement préoccupants.

Pour ce qui est de la relation avec nos partenaires italiens – je dis bien nos partenaires –, 50 000 non-admissions ont été prononcées l’année dernière à la frontière franco-italienne dans mon département, les Alpes-Maritimes, et l’on retrouve aujourd’hui la même situation dans d’autres départements frontaliers, notamment les Hautes-Alpes. Les tensions que le président Macron a volontairement suscitées avec l’Italie sont très préoccupantes. En effet, si demain les Italiens décidaient de mettre fin à la coopération – certes liée au traité de Chambéry –, ce sont plusieurs dizaines, voire plusieurs centaines de milliers d’étrangers, qui se trouvent aujourd’hui en Italie, en situation régulière ou irrégulière, qui risqueraient d’arriver en France. Ne trouvez-vous pas que cette attitude, consistant à rejeter toute forme de coopération pour privilégier la diplomatie de l’insulte, est particulièrement dangereuse pour notre pays ?

Par ailleurs, monsieur le ministre, pouvez-vous nous expliquer pourquoi nous ne sommes pas capables d’appliquer la réglementation « Dublin », contrairement à certains de nos voisins européens, qui ne semblent pas rencontrer les mêmes difficultés que nous ? En effet, nous affichons actuellement des taux de transfert ridiculement et dangereusement faibles – 10,93 % en avril et 13 % en mai et en juin.

Au sujet de la mise en place de centres contrôlés et de plateformes de débarquement, je crois que l’attitude que nous avons eue concernant l’Aquarius et d’autres navires est révélatrice de nos ambiguïtés. En effet, si vous avez refusé l’arrivée de ces navires, vous avez accepté les passagers qu’ils transportaient, ce qui montre bien que, comme à votre habitude, vous préférez pratiquer une politique de communication plutôt qu’une politique pragmatique d’action visant à lutter contre l’immigration illégale dans notre pays. Les chiffres montrent que la plupart des dix premiers pays de demande ne correspondent pas à des zones de guerre, et que le principe de l’asile est aujourd’hui dévoyé, sans que l’on fasse rien pour y remédier.

Pour ce qui est des obligations de quitter le territoire français (OQTF), plus de 75 000 personnes se sont maintenues sur le territoire français en 2016, et les chiffres sont comparables en 2017. Ainsi, à l’heure actuelle, une personne entrée illégalement sur le territoire français ou ayant recouru à la procédure d’asile – en la dévoyant, devrais-je dire –, est quasi certaine de se maintenir. Le nombre de reconduites forcées est ridiculement faible, et l’immense majorité de ces reconduites se fait vers des pays de l’Union européenne plutôt que vers des pays situés hors de l’Union européenne, d’où provient l’essentiel de l’immigration. Parvenir à entrer en Europe, et si possible en France, garantit aujourd’hui un maintien à vie dans notre pays, ce qui traduit notre impuissance et me paraît totalement inacceptable.

Pour ma part, j’estime que ce budget n’exprime aucune volonté de lutter contre les dérives d’un droit d’asile qu’il faut certes préserver, mais qui se trouve aujourd’hui malheureusement dévoyé, et aucune réelle volonté de lutter contre l’immigration illégale.

Mme Sarah El Haïry. Je veux commencer par saluer la qualité des travaux de la rapporteure.

Tout est question d’équilibre au sein de cette mission, et nous saluons celui que le Gouvernement a su trouver, en tenant compte de l’évolution législative que nous avons connue cette année, entre une nécessaire exigence de fermeté et l’honneur de la France, celui de protéger les droits de l’homme et un droit d’asile auquel nous sommes particulièrement attachés. La crise que nous avons récemment connue à Nantes a été l’occasion de montrer l’intérêt de mettre en œuvre de nouvelles méthodes, faisant appel à une plus grande agilité des services de l’État – aujourd’hui, l’OFPRA est en mesure de se déplacer –, tout en respectant la dignité des personnes qui se trouvent sur notre territoire.

Bien évidemment, notre groupe votera ce budget, qui prévoit des moyens permettant de réaliser les objectifs que je viens d’évoquer.

Mme Cécile Untermaier. Je tiens, moi aussi, à féliciter la rapporteure pour la qualité de ses travaux et pour avoir su mettre en avant les questions les plus essentielles au cours de sa présentation. Vous avez eu raison de souligner la dangerosité du règlement « Dublin », qui oppose les États au lieu de résoudre les problèmes au bénéfice des personnes en souffrance.

Pour ma part, je souhaite interroger M. le ministre au sujet de l’OFPRA. Si nous souhaitons tous la mise en place d’un accueil digne des demandeurs d’asile – on ne peut éventuellement parler d’un asile dévoyé qu’après l’instruction d’un dossier, et prendre dès lors les mesures qui s’imposent –, il me semble qu’un accueil digne consiste d’abord à respecter un délai et, sur ce point, le délai de six mois me semble être celui que nous devons nous fixer pour objectif. À la suite des arrivées massives de 2015, qui ont été à l’origine d’une situation extrêmement compliquée, nous avions procédé à la création d’un nombre important de postes à l’OFPRA : 195 postes ont été créés en 2016, puis 40 en 2017 et 15 en 2018 ; enfin, il est prévu de créer 10 postes en 2019 – en lien, me semble-t-il, avec une expérimentation qui doit être menée en Guyane.

J’aimerais savoir si l’effort accompli depuis 2015 sera maintenu dans son intensité – ce dont les chiffres portant sur les emplois ne me permettent pas d’être convaincue. Cet aspect constitue un élément important si nous voulons progresser en termes de rapidité d’instruction du dossier. L’objectif d’une réduction à trois mois du délai moyen d’instruction de la demande d’asile a été atteint, puisque le délai moyen est passé sous la précédente législature de 216 jours à 183 jours. Vous vous étiez fixé pour objectif de passer de 183 jours à 140 jours, et les mesures spécifiques prises dans le cadre de la loi du 10 septembre 2018 sont de nature à laisser espérer une instruction facilitée. Cependant, je reste convaincue que la solution est à rechercher avant tout dans un renforcement du présentiel humain ; or, de ce point de vue, les chiffres relatifs à l’emploi ne me semblent de nature à permettre un traitement rapide et efficace des demandes d’asile, qui se font de plus en plus pressantes auprès des services de l’OFPRA et des préfectures.

Je conclus en vous précisant, monsieur le ministre, qu’à titre personnel je salue ce budget et que je le voterai.

M. Philippe Dunoyer. Je salue également la qualité du travail et de la présentation de notre rapporteure pour avis.

Au sein du projet de budget pour 2019, la mission « Immigration, asile et intégration » est essentielle en ce qu’elle constitue la traduction financière des priorités du Gouvernement en termes de maîtrise des flux migratoires, de garantie du droit d’asile, mais aussi d’intégration et d’accès à la nationalité française – des enjeux particulièrement importants dans la période troublée que nous traversons. Le groupe UDI, Agir et Indépendants tient avant tout à saluer la décision du Gouvernement d’augmenter les moyens pour répondre à la pression migratoire exceptionnelle que connaît actuellement la France. Le budget de la mission est en nette augmentation, avec une hausse des crédits de paiement de près de 14 % des crédits de paiement à périmètre constant, et de plus de 22 % à périmètre courant ; pour ce qui est des autorisations d’engagement, l’augmentation atteint 37,5 %.

Quant au nombre d’emplois, même si leur augmentation est moins conséquente en pourcentage que celle des crédits, la création de 105 ETP est particulièrement attendue pour renforcer les effectifs des opérateurs afin de faire face aux nouvelles missions qui leur sont confiées – l’OFII en sera le principal bénéficiaire, avec 95 emplois supplémentaires.

Pour ce qui est du programme 303 « Immigration et asile », nous soutenons le renforcement des dispositifs à travers la mise en œuvre des dispositions du plan d’action pour garantir le droit d’asile et mieux maîtriser les flux migratoires du 12 juillet 2017 et l’application de la loi du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie.

Après une première réduction de 70 jours du délai moyen de traitement des dossiers par l’OFPRA – nous serions en effet passés de 185 à 115 jours en 2018 –, la volonté de réduire à six mois en moyenne les délais d’examen de ces demandes par l’OFPRA, puis par la CNDA, et la création de 3 500 places d’hébergement sont des mesures nécessaires pour renforcer la garantie de ce droit dans le respect de notre tradition historique d’accueil. Je voudrais en profiter pour saluer le travail des fonctionnaires de l’OFPRA, auprès duquel nous nous sommes rendus à votre initiative, madame la présidente, en février dernier. J’avoue que cette visite a constitué une révélation pour moi, car je ne connaissais rien au fonctionnement de l’office et j’ai été très impressionné par la qualité du travail effectué par ses fonctionnaires – un travail à la fois compliqué et important, qui les soumet à une forte pression, ce qui justifie que nous les soutenions.

En matière d’immigration, le véritable enjeu est celui de la recherche d’un équilibre entre humanisme et responsabilité, c’est pourquoi notre groupe soutient la volonté du Gouvernement d’augmenter les moyens des dispositifs de lutte contre l’immigration irrégulière et de ceux relatifs à l’éloignement, qu’il s’agisse de la redéfinition du délai de recours et de l’articulation entre recours judiciaires et administratifs, ou bien encore de la facilitation des contrôles en matière de vérification du droit de séjour.

Enfin, en ce qui concerne le programme 104 « Intégration et accès à la nationalité française », nous saluons la mise en œuvre des dispositions de la loi du 10 septembre 2018 ainsi que celles des propositions contenues dans le rapport de notre collègue Aurélien Taché, publié le 19 février dernier, pour une politique ambitieuse d’intégration des étrangers arrivant en France – des propositions retenues par le comité interministériel à l’intégration. En effet, l’insertion linguistique, économique et sociale des personnes accueillies en France est à ce jour très insuffisante. L’augmentation de plus de 46 % du budget consacré à ce programme est donc particulièrement bienvenue, d’autant qu’elle permettra de renforcer les actions conduites sur les territoires quant à l’apprentissage de la langue française, à l’insertion sociale et professionnelle, ainsi qu’à l’accès au droit, à la formation professionnelle et à l’emploi – dont je citerai deux exemples : le doublement des volumes des forfaits de formation linguistique et de formation civique, et l’introduction d’un bilan axé sur l’emploi et l’orientation.

Pour toutes ces raisons, le groupe UDI, Agir et Indépendants votera en faveur de ce projet de budget en nette augmentation, malgré un contexte budgétaire que l’on sait contraint. Nous soutenons cette ambition qui, à nos yeux, est un préalable indispensable pour pouvoir répondre aux défis migratoires avec dignité, solidarité et responsabilité.

M. Mansour Kamardine. Comme vous le savez, monsieur le ministre, notre combat consiste à ce que Mayotte s’intègre pleinement à l’ensemble national : de ce point de vue, j’ai plusieurs questions à vous poser.

Mayotte, c’est une superficie de 374 kilomètres carrés et 256 000 habitants, dont plus de 52 % étaient d’origine étrangère avant mars 2018. Si je mentionne cette date, c’est qu’il est désormais impossible de reconduire les personnes interpellées : depuis maintenant sept mois, il arrive à Mayotte toutes les nuits l’équivalent de deux Aquarius, soit 100 à 120 personnes, qui restent sur place – ce qui fait que nous avons dû accueillir plus de 20 000 personnes depuis le début de l’année.

Pouvez-vous m’indiquer combien d’obligations de quitter le territoire français ont été distribuées – malheureusement sans aucun effet, puisque les personnes concernées sont relâchées – et dans quel délai les opérations de reconduite pourront être reprises ? Je précise que si des demandes d’asile sont présentées à Mayotte comme sur le reste du territoire français, les personnes qui les formulent ne sont jamais reconduites en cas de décision de rejet. Pouvez-vous donc également me dire combien de personnes ont présenté une demande d’asile à Mayotte, combien d’entre elles ont vu leur demande rejetée et, parmi celles-ci, combien ont été reconduites ? Je peux vous dire que l’on voit désormais ces personnes s’installer sur l’espace public pour y exercer des activités commerciales, au nez et à la barbe des autorités.

M. Christophe Castaner, ministre de l’Intérieur. L’entretien des CRA, au sujet duquel Mme Fajgeles m’a interrogé, est essentiel : en cas d’insuffisance dans ce domaine, le taux de disponibilité des places diminue, comme cela a été le cas en 2017, où plus d’un tiers des places n’étaient pas utilisables. Il faut donc à la fois assurer un bon entretien et, quand c’est nécessaire, effectuer des remises en état. En 2018, nous avons fait passer de 7 à 13 millions d’euros les crédits destinés à l’entretien des CRA, ce qui nous a permis d’atteindre un taux de disponibilité de 80 % – il n’était précédemment que de 69 % – qui, s’il constitue un progrès, est encore insuffisant. Nous avons donc l’intention de continuer à investir pour l’entretien et la rénovation, car c’est par cela qu’il faut commencer avant de construire de nouvelles places.

Pour ce qui est de l’extension du dispositif de prise de rendez-vous téléphonique, les mesures spécifiques mises en œuvre en Île-de-France, où il y a un nombre important de demandes d’asile, ont permis d’atteindre, fin juillet, le délai de 2,2 jours. Des renforts ont été alloués au guichet unique pour demandeurs d’asile (GUDA), des guichets temporaires ont été mis en place, et l’OFII a mis en place une plateforme régionale de rendez-vous téléphonique dans les SPADA. C’est la situation singulière de l’Île-de-France, qui concentre 50 % des demandes d’asile, qui a justifié la mise en place de cette plateforme téléphonique : sans cet instrument, nous n’aurions sans doute pas été en mesure d’atteindre l’objectif consistant à réduire le délai d’accès au GUDA à dix jours en juillet – et à trois jours d’ici à la fin de l’année. Dans les autres régions, les objectifs ont pu être atteints sans recourir à cet outil spécifique. Compte tenu de son coût relativement élevé, il n’est donc pas envisagé de le mettre en place ailleurs qu’en Île-de-France.

Vous nous avez fait une véritable déclaration de politique générale, monsieur Ciotti – je n’en attendais pas moins de vous (Sourires) – qui a confirmé les désaccords qui existent entre nous. En matière de relations diplomatiques internationales, vous avez évoqué des « tensions volontairement suscitées » par le Président de la République, que vous accusez de pratiquer une diplomatie de l’insulte ; or, je vous mets au défi de me citer une seule insulte qu’aurait pu prononcer le président Macron à l’égard de l’Italie ou de son président du Conseil, Guiseppe Conte, avec lequel il travaille régulièrement et dans de très bonnes conditions – je peux même témoigner que le Président de la République a donné pour consigne à l’ensemble des ministres de son gouvernement de ne jamais oublier que le gouvernement italien est parfaitement légitime. De même que vous et moi avons du respect l’un pour l’autre en dépit de ce qui nous sépare, nous ne devons jamais cesser de considérer que M. Conte et son gouvernement sont légitimes à exercer leurs fonctions, quels que soient les désaccords politiques entre nos deux pays. Il est donc évident que nous devons travailler avec les autorités italiennes, notamment sur les questions relatives aux migrants.

Il y a deux semaines, un incident – si l’on peut appeler cela ainsi – survenu à Clavière, à la frontière italienne, où des gendarmes français avaient déposé, en un lieu agréé par les autorités françaises et italiennes, des migrants qui venaient d’être refoulés alors qu’ils tentaient d’entrer sur notre territoire, a été l’occasion pour M. Salvini de faire monter la tension entre nos deux pays en tenant dans une vidéo des propos un peu vifs, comme il en a l’habitude. J’ai demandé à Mme la préfète des Hautes-Alpes d’organiser une rencontre entre nos services respectifs, ce qui a été fait et a permis de revenir à une situation apaisée. Il est essentiel que nous trouvions des solutions avec nos voisins italiens, mais aussi espagnols : quels que puissent être nos désaccords politiques, nous devons continuer à travailler ensemble afin d’appliquer le règlement « Dublin ». Ainsi, toutes les personnes interpellées en France alors qu’elles proviennent d’Italie doivent être reconduites à la frontière franco-italienne – cela me paraît de bonne politique.

Plus généralement, pour ce qui est de la mise en œuvre des transferts « Dublin », comme Gérard Collomb l’a dit à plusieurs reprises, nous n’étions pas assez efficaces. Nous avons donc dû nous organiser pour faire mieux et, si des progrès restent à faire, je me félicite que nous ayons mis en place 50 équivalents temps plein sur la procédure « Dublin » et que les pôles régionaux « Dublin » aient été généralisés par l’instruction du 30 juillet 2018. Sur la période allant d’août 2017 à août 2018, nous avons augmenté les transferts de 42 % ; et depuis l’entrée en vigueur de la proposition de loi de M. Warsmann, le taux de transfert « Dublin » a encore gagné dix points. Si l’on peut toujours mieux faire, j’estime néanmoins que nous sommes sur le bon chemin.

En ce qui concerne les éloignements forcés, notre gouvernement a obtenu des résultats, puisqu’après avoir augmenté de 14 % en 2017, le nombre de ces mesures s’est encore accru de 10 % en 2018, ce qui témoigne de notre volonté de mettre efficacement en œuvre une politique d’éloignement forcé. Une instruction du 20 novembre 2017 pose les bases de notre politique en ce domaine et, comme je vous l’ai dit tout à l’heure, non seulement je n’entends pas revenir sur cette orientation, mais je souhaite m’y engager pleinement pour éviter que nous nous retrouvions dans une impasse, comme cela a été le cas il y a quelque temps.

Pour ce qui est des moyens de l’OFPRA, au sujet desquels Mme Untermaier m’a interrogé, je veux dire que s’ils ont été massivement augmentés, la charge de travail s’est, elle aussi, considérablement accrue. Je sais les tensions qui existent, mais aussi l’engagement des personnels de l’office. Entre 2014 et 2018, les crédits ont augmenté de 80 % et les effectifs de 70 %. Je pense que l’OFPRA est désormais capable de prendre 120 000 décisions par an, ce qui représente le volume nécessaire pour faire baisser les délais de décision et atteindre les objectifs que le Gouvernement s’est fixés.

Monsieur Dunoyer, vous avez évoqué l’engagement total de l’OFPRA et affirmé votre soutien à votre budget, ce dont je vous remercie.

Monsieur Kamardine, il semble que la réponse que je vous ai donnée hier ne vous ait pas satisfait, puisque vous me reposez la même question. S’il y a eu des tensions dans les rapports entre les autorités comoriennes et les autorités françaises qui, à un moment donné, ont eu pour conséquence de suspendre les retours de migrants refusés, nous avons désormais retrouvé le chemin du dialogue et il y a aujourd’hui à nouveau des retours – je vous communiquerai des chiffres précis à ce sujet, que nous rendrons publics. Certes, il y a des arrivées presque tous les jours, mais tous les jours il y a aussi des retours. La récente arrivée d’un groupe de Comoriens à Mayotte, à la suite d’incidents politiques survenus à Anjouan, a eu pour effet de créer des tensions et de bloquer temporairement les éloignements, mais le problème est désormais réglé, grâce aux relations que Jean-Yves Le Drian entretient avec le président et le ministre des affaires étrangères des Comores. Sur les deux dernières années, il y a eu 20 000 reconduites aux Comores ; brièvement interrompues en mars 2018, elles ont depuis repris à un rythme variable. Nous sommes très attachés à ce que les éloignements continuent à se faire régulièrement et je peux vous dire que Jean-Yves Le Drian est très engagé sur ce dossier. Je ne dispose pas dans l’immédiat d’autres éléments chiffrés que ceux que je viens de vous fournir, mais je vous en communiquerai dès que possible.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Merci beaucoup, monsieur le ministre, d’avoir été avec nous pour l’examen de ces missions fondamentales, qui se trouvent au cœur des compétences de la commission des Lois.

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*        *

Après le départ du ministre de l’Intérieur, la Commission examine les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration » (Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure pour avis).

Article 39 – État B

Mme Yaël Braun-Pivet, présidente. Nous allons d’abord examiner les amendements de crédits, qui portent sur l’état B annexé à l’article 39 du projet de loi de finances.

La Commission examine l’amendement II-CL9 de Mme Cécile Untermaier.

Mme Cécile Untermaier. Défendu.

Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure pour avis. Votre amendement vise à financer 1 000 nouvelles places dans les centres provisoires d’hébergement des réfugiés.

Je ferai simplement remarquer que ce parc, grâce à ce budget, qui augmente de 33 millions les crédits prévus à cet effet, va être porté à 8 707 places en 2019, contre 2 707 en 2017. C’est un effort sans précédent et il me semble difficile d’aller plus loin pour le moment !

Je vous demanderai donc de retirer votre amendement.

L’amendement est retiré.

La Commission est ensuite saisie de l’amendement II-CL10 de Mme Cécile Untermaier.

Mme Cécile Untermaier. Défendu.

Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure pour avis. Votre amendement a pour objet d’augmenter les crédits consacrés à l’accompagnement des réfugiés. Je vous ferai la même réponse que précédemment : nous faisons plus que doubler (+ 129 %) les crédits de cette action en 2019 !

L’amendement est retiré.

Mme Yaël Braun-Pivet, présidente. Nous allons à présent nous prononcer sur les crédits de la mission. Avant de les mettre aux voix, je vais demander à notre rapporteure son avis sur les crédits.

Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure pour avis. Mon avis est favorable.

La Commission donne un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Immigration, asile et intégration » pour 2019.

Après l’article 77

La Commission est saisie de l’amendement n° II-110 du Gouvernement.

Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure pour avis. Il s’agit d’un amendement technique, qui précise le fondement juridique de la contribution forfaitaire versée à l’OFII par les employeurs qui ont employé un travailleur étranger non autorisé à travailler.

Suivant l’avis favorable de la rapporteure, la Commission accepte l’amendement II110.

Mme Yaël Braun-Pivet, présidente. Nous avons terminé l’examen de la mission « Immigration, asile et intégration ». Je vous remercie.

 

 

 

 


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   Personnes entendues

 

   M. Michel Delpuech, préfet de police ;

   M. Jérôme Guerreau, chef de cabinet ;

   M. Julien Marion, directeur de la police générale.

   M. Pascal Brice, directeur général.

   M. Didier Leschi, directeur général.

   M. Pierre-Antoine Molina, directeur général ;

   Mme Agnès Fontana, directrice de l’accueil, de l’accompagnement des étrangers et de la nationalité ;

   Mme Julie Bouaziz, adjointe au directeur de l’asile ;

   Mme Franceline Forterre-Chapard, adjointe au sous-directeur du service du pilotage et des systèmes d’information.

   M. Olivier Bergeau, conseiller « migrations et asile » au cabinet du commissaire européen, M. Dimitris Avramopoulos.

   M. Jean Mafart, chef du service « justice et affaires intérieures ».

 

La rapporteure a par ailleurs reçu des contributions écrites de la part de la préfecture de la région Île-de-France et de Forum réfugiés Cosi.

 


([1]) 72 propositions pour une politique ambitieuse d’intégration des étrangers arrivant en France, 21 février 2018.

([2]) HOPE : hébergement, orientation et parcours vers l’emploi.

([3]) Directive 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relative à des procédures communes pour l’octroi et le retrait de la protection internationale.

([4]) Directive 2005/85/CE du Conseil du 1er décembre 2005 relative à des normes minimales concernant la procédure d’octroi et de retrait du statut de réfugié dans les États membres.

([5]) Directive 2013/33/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant des normes pour l’accueil des personnes demandant la protection internationale.

([6]) Directive 2011/95/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 concernant les normes relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir bénéficier d’une protection internationale, à un statut uniforme pour les réfugiés ou les personnes pouvant bénéficier de la protection subsidiaire, et au contenu de cette protection.

([7]) Directive 2004/83/CE du Conseil du 29 avril 2004 concernant les normes minimales relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir prétendre au statut de réfugié ou les personnes qui, pour d'autres raisons, ont besoin d'une protection internationale, et relatives au contenu de ces statuts.

([8]) Règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des États membres par un ressortissant d’un pays tiers ou d’un apatride.

([9]) Règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relatif à la création d'Eurodac pour la comparaison des empreintes digitales aux fins de l'application efficace du règlement (UE) n° 604/2013.

([10]) Si la réponse est négative, c’est-à-dire que l’État requis n’accepte pas de prendre ou reprendre en charge le demandeur, celui-ci est admis au séjour sur le territoire de l’État requérant et peut y déposer une demande d’asile.

([11])  https://www.institutmontaigne.org/publications/sauver-le-droit-dasile