N° 1307

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 12 octobre 2018

AVIS

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION
ET DE LADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE SUR LE PROJET DE LOI (n° 1255)
de finances pour 2019

 

 

 

TOME IX

SÉCURITÉS

 

SÉCURITÉ CIVILE

PAR M. Éric Ciotti,

Député.

 

 

 

 Voir le numéro : 1255 – III40


 

 

         En application de l’article 49 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF), les réponses au questionnaire budgétaire devaient parvenir au rapporteur pour avis au plus tard le 10 octobre 2018 pour le présent projet de loi de finances. À cette date, la totalité des réponses attendues étaient parvenues à votre rapporteur pour avis, qui remercie les services du ministère de l’Intérieur de leur collaboration.

 

 


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SOMMAIRE

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Pages

 

 

introduction

I. LE BUDGET 2019 de la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises

A. Un budget marqué par la mise en oeuvre du renouvellement de la flotte davions

1. Une stabilité des crédits du programme

2. Un renouvellement progressif de la flotte davions

a. Le remplacement de la flotte de Tracker par des Dash 8

b. La modernisation de la flotte de Canadair CL 415

B. un retard inacceptable dans lapplication de la gratuité DES PÉAGES DAUTOROUTE pour les véhicules de sapeurspompiers en intervention

1. Ladoption de la gratuité des péages dautoroute pour les véhicules dintérêt général prioritaires en opération lors de lexamen du PLF 2018

2. Un an après, la volonté du législateur nest toujours pas respectée

C. Une indispensable adaptation du droit européen sur le temps de travail pour les sapeurs-pompiers volontaires

1. Une directive qui menace depuis longtemps le modèle français de volontariat

2. Un arrêt de la CJUE reconnaissant la qualité de travailleur aux sapeurspompiers volontaires

3. Une négociation européenne primordiale en vue dune nouvelle directive sur le temps de travail des forces régaliennes

II. Lintolérable augmentation des agressions de sapeurspompiers en intervention

A. Des agressions de plus en plus nombreuses dans le cadre des missions de secours à personne

1. Un accroissement préoccupant du nombre dagressions déclarées

2. Des agressions intervenant le plus souvent dans le cadre des missions de secours à personne

B. De récentes mesures de prévention et de protection

1. Des mesures de coordination opérationnelle avec la police et la gendarmerie à renforcer

2. Une expérimentation à venir des caméras mobiles

3. Des actions de formation à développer

4. Laccompagnement médical et psychologique des sapeurs-pompiers agressés

C. UnE réponse pénale À renforcer

1. Des dépôts de plainte insuffisants

2. Un faible nombre de condamnations

3. Un nécessaire renforcement des peines pour outrage à sapeurpompier

Examen en Commission

personnes entendues

 


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   introduction

 

Mesdames, Messieurs,

 

Le nombre d’agressions de sapeurs‑pompiers en intervention a fortement augmenté au cours des dix dernières années. En 2016, près de 2 300 sapeurs‑pompiers ont déclaré avoir été victime d’agression, soit en moyenne six agressions par jour. Ces faits, qui interviennent le plus souvent dans le cadre des missions de secours à personne, sont d’autant plus insupportables que, derrière la vie des sapeurs-pompiers, c’est aussi celle des victimes qu’ils prennent en charge qui peut être mise en danger. Les agressions génèrent des blessures physiques et psychologiques, des arrêts de travail et des dommages matériels qui affectent l’organisation des secours et présentent un coût pour la collectivité.

Face à cette situation très préoccupante, le ministère de l’Intérieur a renforcé et étendu à l’ensemble du territoire les protocoles opérationnels de prévention et de lutte contre les agressions visant les sapeurs-pompiers qui avaient été expérimentés dans certains départements et s’étaient montrés efficaces pour lutter contre les violences urbaines. Toutefois, le récent décès d’un sapeur‑pompier de Paris a mis en lumière les limites de ces protocoles dans le cadre des interventions de secours et de transport de personnes alcoolisées, ayant pris des stupéfiants ou présentant des fragilités psychologiques. Il convient aujourd’hui d’approfondir la coordination opérationnelle des sapeurs‑pompiers avec les forces de police et de gendarmerie pour mieux prévenir ce type d’agression.

La réponse pénale à ces intolérables agressions doit être d’une très grande fermeté. Le nombre de plaintes individuelles déposées par les sapeurs‑pompiers est encore insuffisant au regard du nombre d’agressions déclarées. En outre, le nombre des condamnations pour violences, menaces ou outrages est beaucoup trop faible par rapport au nombre de plaintes déposées. Enfin, il est injustifiable que les outrages soient sanctionnés par des peines plus légères lorsque les victimes sont des sapeurs‑pompiers que dans les cas où il s’agit de policiers ou de gendarmes.

La sécurité des sapeurs‑pompiers dépend également de la sécurité juridique de leur organisation. Or le modèle français de sécurité civile est aujourd’hui directement menacé par l’application aux sapeurs‑pompiers volontaires d’une directive européenne sur le temps de travail qu’il est impératif de renégocier auprès des institutions européennes.


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I.   LE BUDGET 2019 de la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises

A.   Un budget marqué par la mise en oeuvre du renouvellement de la flotte d’avions

1.   Une stabilité des crédits du programme

Le programme 161 « Sécurité civile » fait partie de la mission « Sécurités » qui regroupe l’ensemble des moyens financiers relevant du ministère de l’Intérieur et concourant à la protection des populations sur tout le territoire, avec les programmes 176 « Police nationale », 152 « Gendarmerie nationale » et 207 « Sécurité et éducation routières ».

Il est placé sous la responsabilité de la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises (DGSCGC) qui concourt à la politique interministérielle de sécurité civile, conformément aux orientations définies par la loi n° 2004-811 du 13 août 2004 relative à la modernisation de la sécurité civile aux termes de laquelle : « lÉtat est garant de la cohérence de la sécurité civile au plan national ; il en définit la doctrine et coordonne ses moyens ». La DGSCGC organise, prépare et met en œuvre les moyens nationaux d’intervention de la sécurité civile, notamment en situation de crise. Elle conduit la politique internationale française de sécurité civile et participe à la lutte contre le terrorisme.

Les crédits demandés pour 2019 sont en légère hausse de 1,2 % par rapport à la dotation consentie pour le précédent exercice.

ÉVOLUTION des CRÉDITS DE PAIEMENT DU PROGRAMME « SÉCURITÉ CIVILE »

(en euros)

Actions du programme 161
« Sécurité civile »

Crédits de paiement

LFI 2018

PLF 2019

Évolution

11 – Prévention et gestion de crises

35 975 672

35 669 074

- 0,9 %

12 – Préparation et interventions spécialisées des moyens nationaux

338 911 992

339 991 474

+ 0,3 %

13 – Soutien aux acteurs de la sécurité civile

146 741 173

150 239 009

+ 2,4 %

14 – Fonctionnement, soutien et logistique

10 642 368

12 877 953

+ 21,0 %

Total du programme 161

532 271 205

538 777 510

+ 1,2 %

Source : projet annuel de performance du programme « Sécurité civile » annexé au projet de loi de finances pour 2019.

L’action 11 « Prévention et gestion de crises » porte sur l’activité opérationnelle, sur la veille, l’alerte et la gestion interministérielle des crises, sur la gestion et le développement du système d’alerte et d’information des populations (SAIP), sur la solidarité nationale en cas de survenance d’une crise, sur la prévention opérationnelle et la protection des populations et, enfin, sur l’activité opérationnelle lors de crises.

L’action 12 « Préparation et intervention spécialisées des moyens nationaux » bénéficie de la dotation la plus importante, correspondant à environ 63 % des crédits du programme. Elle regroupe les moyens nationaux que l’État met à la disposition de la population, au quotidien ou lors de catastrophes naturelles ou technologiques, et se décline en cinq sous-actions, chacune portant sur un « métier » propre à la sécurité civile : avions, hélicoptères, moyens nationaux terrestres, de déminage et de soutien.

L’action 13 « Soutien aux acteurs de la sécurité civile » correspond aux activités de coordination et de formation des services d’incendie et de secours et des associations de sécurité civile. Les dépenses liées au projet de réseau radio numérique des services de secours ANTARES et à la modernisation de l’infrastructure nationale partagée des transmissions (INPT) représentent les seules dépenses d’investissement de cette action. Celle-ci comprend également la contribution au régime d’indemnisation spécifique (RISP) et à la nouvelle prestation de fidélisation et de reconnaissance (NPFR) des sapeurs-pompiers volontaires et les participations au budget de la brigade des sapeurs-pompiers de Paris (BSPP) et au budget de l’École nationale supérieure des officiers de sapeurs‑pompiers (ENSOSP). Enfin, elle comprend la dotation qui finance le projet de système d’information et de commandement unifié des services d’incendie et de secours et de la sécurité civile (NexSIS) et l’agence du numérique de la sécurité civile.

L’agence du numérique de la sécurité civile

L’agence du numérique de la sécurité civile, établissement public national créée par un décret du 8 octobre 2018, est la structure qui portera le programme « NexSIS 18-112 » à partir du 1er novembre 2018. Ce programme a été initié en avril 2017 pour mettre en place un système d’information et de commandement unifié qui permettra aux services d’incendie et de secours et à la sécurité civile de disposer d’une plateforme optimisée de réception et de traitement de l’alerte.

L’agence, dont la gouvernance sera partagée entre l’État et les SDIS, contrôlera l’élaboration de la plateforme digitale en sélectionnant notamment les différents prestataires qui seront retenus à l’issue des appels d’offres à venir.

Le plafond d’emploi de l’agence est fixé à 12 ETP pour 2019. L’effectif sera complété par des agents des SDIS ou des sapeurs-pompiers professionnels mis à disposition par les SDIS, à hauteur de 6 ETP.

La plateforme NexSIS devrait être testée dans un SDIS en 2020, puis monter en charge progressivent à partir de 2021. Elle devrait permettre notamment :

– d’améliorer le service rendu grâce à une meilleure prise en compte des usages numériques de la population et à une interaction renforcée avec les services de secours (en plus des appels téléphoniques pourront être réceptionnés des flux de données issues d’applications de smartphones, d’applications tierces labellisées, de mails, de SMS, ou des réseaux sociaux) ;

– de décloisonner les données entre services de secours, de santé et de sécurité au sein d’un même département, mais également au sein de la chaîne hiérarchique de la sécurité civile, afin d’assurer une meilleure information de ces différents acteurs au quotidien et lors de la gestion de crises ;

– de maîtriser les développements de la plateforme, d’assurer ainsi leur amélioration continue et de garantir une meilleure sécurité.

Le coût global du programme NexSIS, pour les dix années à venir, est évalué à 150 millions d’euros. Dans un premier temps, le financement du programme s’opérera grâce à une participation de l’État à hauteur de 25 %, soit 37 millions d’euros, et par des subventions d’investissement de SDIS. En 2019, 7 millions d’euros en crédits de paiement du programme 161 seront consacrés à l’agence, complétés par 2 millions d’euros de subventions des SDIS. Par la suite, ce sont les contributions des SDIS bénéficiant des services de NexSIS qui constitueront l’essentiel des recettes de l’agence.

L’action 14 « Fonctionnement, soutien et logistique » réunit les fonctions de soutien général du programme 161 : services d’état-major, inspection générale de la sécurité civile (IGSC) et fonctions support.

Les fonds de concours et avances de produits attendus, qui s’ajoutent au montant des crédits de paiement demandés pour 2018, s’élèvent à 14 420 542 euros et seront principalement employés pour financer le fonctionnement du projet ANTARES et de l’INPT.

Les dépenses de personnel (titre 2) s’élèvent à 183,3 millions d’euros en crédits de paiement, en baisse de 1,5 % par rapport à 2018. Dans le cadre du projet de loi de finances pour 2019, la direction du budget a fixé le schéma d’emplois à + 10 ETP, à périmètre constant, correspondant au recrutement de six personnels des moyens aériens et quatre démineurs en 2019. Le plafond d’emplois a été défini à 2 498 ETPT, répartis de la manière suivante : 1 429 personnels militaires, 134 personnels administratifs, 444 personnels techniques, 88 ouvriers d’État, 88 hauts fonctionnaires, corps de conception et de direction et corps de commandement de la police nationale et 315 personnels des corps d’encadrement et d’application de la police nationale.

Le budget de la DGSCGC hors titre 2 est en hausse de 2,7 % en crédits de paiement. Une part significative des crédits de paiement (41 %) concerne  la maintenance, l’équipement, la modernisation et le carburant des aéronefs, ainsi que l’acquisition de nouveaux avions. Les grands projets informatiques (SAIP, ANTARES et NexSIS) ne représentent que 8 % du budget hors titre 2.

Évolution des crédits de paiement hors dépenses de personnel (titre 2)

   (en millions d’euros)

Actions du programme 161
« Sécurité civile »

LFI 2018

PLF 2019

Évolution

11  Prévention et gestion de crises

24,1

24,3

+ 0,5%

Carburant et produit retardant des aéronefs

10,9

11,2

 

Système dalerte et dinformation des populations (SAIP)

6,5

5,8

 

12  Préparation et interventions spécialisées des moyens nationaux

173,5

177,5

+ 2,3%

Maintenance et équipement des aéronefs

79,5

73,2

 

Acquisition daéronefs

61,4

64,2

 

Dépenses immobilières

13

15,8

 

Maintenance et équipement des moyens terrestres

9,6

13,0

 

13  Soutien aux acteurs de la sécurité civile

143,7

147,4

+ 2,6%

Participation au budget spécial de la ville de Paris (BSPP)

86,2

88,8

 

RISP et NPFR des sapeurspompiers volontaires

15,6

16,7

 

Fonctionnement et modernisation dANTARES / INPT

14,3

14,7

 

Personnel mis à disposition par les SDIS, BSPP et BMPM

10,0

10,0

 

Subvention ENSOSP

6,6

6,2

 

Agence du numérique de la sécurité civile (NexSIS)

7,0

7,0

 

14  Fonctionnement, soutien et logistique

5,0

6,3

+ 26,9%

Total du programme 161 hors titre 2

346,2

355,5

+ 2,7%

Source : projets annuels de performance du programme « Sécurité civile » annexé aux projets de loi de finances pour 2018 et 2019.

La DGSCGC conserve, pour l’exercice 2019, les quatre objectifs de performance précédemment définis pour l’exercice 2018 : assurer l’efficacité et l’efficience des dispositifs de lutte contre les feux de forêt, assurer la disponibilité des moyens aériens et leur conformité aux besoins opérationnels, faire évoluer la cartographie des centres de déminage pour éliminer les munitions historiques et faire face à la menace terroriste et harmoniser les moyens des services départementaux d’incendie et de secours (SDIS).

2.   Un renouvellement progressif de la flotte d’avions

a.   Le remplacement de la flotte de Tracker par des Dash 8

Les neuf bombardiers d’eau Tracker de la flotte d’avions de la sécurité civile seront progressivement retirés du service entre 2018 et 2022, au terme de la durée maximale de 25 000 heures de vol définie par leur constructeur.

Le marché d’acquisition de six avions multirôles (bombardier d’eau, transport de personnes et de fret, évacuation sanitaire) a été notifié le 10 janvier 2018 à la société Conair. Le montant du marché d’acquisition des Dash 8 Q400M s’élève à 370,37 millions d’euros.

Programmation budgétaire de l’acquisition des Dash 8

(en millions d’euros)

 

2018

2019

2020

2021

2022

2023

TOTAL

Commande

6

 

 

 

 

 

6

Livraison

 

1

2

1

1

1

6

Autorisations d’engagement

322.08

10.77

5.5

10.76

8.86

12.4

370.37

Crédits de paiement

34.48

64.24

66.28

80.52

61.08

63.77

370.37

Source : DGSCGC.

La livraison des six appareils devrait intervenir entre le mois d’avril 2019 et le mois de juin 2023.

Par ailleurs, la DGSCGC a indiqué que des analyses techniques doivent être réalisées en vue de maintenir en service quatre Tracker après 2022.

b.   La modernisation de la flotte de Canadair CL 415

Dans son rapport sur le programme « sécurité civile » du projet de loi de finances pour 2018, votre rapporteur pour avis rappelait que les deux tiers de la flotte de Canadair CL 415 auront plus de 25 ans en 2020. Il estimait qu’une rénovation des appareils devait a minima s’organiser au cours des cinq années à venir et que de nouveaux achats de Canadair devaient être envisagés dans les meilleurs délais, au regard de la dizaine d’années qui a été nécessaire pour mettre en œuvre le remplacement de la flotte de Tracker.

Les douze Canadair CL 415 de la flotte d’avions de la sécurité civile feront l’objet d’une modernisation de leurs cabines à partir de 2020, pour un montant d’environ 6 millions d’euros. Il s’agit d’une mise aux normes de la flotte à la suite de l’évolution des règlements aéronautiques. Cette rénovation a été repoussée plusieurs fois en raison du retard de la publication de la nouvelle réglementation.

En outre, la DGSCGC a indiqué que le retrofit de la flotte de CL 415, à partir de 2022, devrait représenter un montant compris entre 70 et 100 millions d’euros pour les douze Canadair. La modernisation de la seule avionique de bord représente en effet environ 4,5 millions d’euros par avion. Il devrait également entraîner une indisponibilité de dix-huit mois pour chaque appareil, soit deux à trois appareils indisponibles chaque année.

Selon la DGSCGC, cette rénovation complète des CL 415 devrait permettre de prolonger leur durée de fonctionnement d’une vingtaine, voire d’une trentaine d’années. Le renouvellement de la flotte ne sera envisagé qu’en cas de forte augmentation du coût du maintien en condition opérationnelle et du taux d’indisponibilité des Canadair. Des évaluations sont actuellement menées avec le concours de la société Viking Air, repreneur de la licence « Canadair », et doivent être poursuivies afin de permettre de mieux comparer le coût d’acquisition de nouveaux avions à celui de la maintenance en condition opérationnelle d’appareils vieillissants.

L’évolution du coût de maintien en condition opérationnelle des Canadair CL 415 est encadrée par le marché de maintenance des aéronefs de la sécurité civile notifié le 6 août 2015 à la société Sabena Technics FNI et varie en fonction de l’activité de la flotte. Il augmente régulièrement en raison de l’accroissement des exigences de sécurité et de sûreté des avionneurs et des équipementiers, de leurs situations monopolistiques, de la forte sensibilité au dollar de leur activité et de leurs investissements de plus en plus importants. En 2018, il devrait s’élever à 26 millions d’euros pour les CL 415, alors que la campagne des feux de forêt a été d’une intensité moyenne en comparaison avec celles des cinq dernières années.

La société Viking Air envisage de construire un Canadair de troisième génération, le CL 515, destiné à remplacer le CL 415, dont la chaîne de fabrication a été arrêtée en 2015. En 2017 et 2018, elle a multiplié les déplacements dans des pays européens et asiatiques, afin d’évaluer le nombre de nouveaux appareils susceptibles d’être commandés et la rentabilité d’une reprise de la production, mais n’a pas encore établi d’offre commerciale et technique relative au CL 515.

La France a pris l’initiative de réunir, à partir du mois d’avril 2016, un groupe de travail comprenant les six pays européens exploitant des Canadair, auxquels se sont joints le Maroc et la Turquie, afin de renforcer la coopération opérationnelle et de mettre en place une discussion stratégique sur le renouvellement des flottes. Toutefois, selon la DGSCGC, il n’existe pas, à ce jour, de stratégie européenne commune de renouvellement des flottes de Canadair.

Votre rapporteur pour avis estime que ces travaux doivent se poursuivre au niveau européen, en tenant compte des nouveaux enjeux liés au changement climatique, comme lallongement de la saison des feux et lextension des zones à risque à des régions plus septentrionales, afin délaborer une stratégie commune de renouvellement des flottes de Canadair.

B.   un retard inacceptable dans l’application de la gratuité DES PÉAGES D’AUTOROUTE pour les véhicules de sapeurs‑pompiers en intervention

1.   L’adoption de la gratuité des péages d’autoroute pour les véhicules d’intérêt général prioritaires en opération lors de l’examen du PLF 2018

Lors de l’examen en première lecture du projet de loi de finances pour 2018, l’Assemblée nationale a adopté à l’unanimité un amendement de votre rapporteur pour avis créant l’article L. 122‑4‑3 du code de la voirie routière qui exonère de péage les véhicules d’intérêt général prioritaires lorsqu’ils empruntent l’autoroute, indépendamment de leur lieu d’intervention.

Cette disposition a été sous-amendée par le groupe majoritaire, afin de préciser que seuls les véhicules « en opération » sont concernés par cette exonération. La définition des conditions d’application de cette disposition a été renvoyée à un décret en Conseil d’État.

Code de la voirie routière

Art. L. 1224.  L’usage des autoroutes est en principe gratuit.

Toutefois, il peut être institué par décret en Conseil d’État, pris après avis de l’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières, un péage pour l’usage d’une autoroute en vue d’assurer la couverture totale ou partielle des dépenses de toute nature liées à la construction, à l’exploitation, à l’entretien, à l’aménagement ou à l’extension de l’infrastructure.

En cas de délégation des missions du service public autoroutier, le péage couvre également la rémunération et l’amortissement des capitaux investis par le délégataire. (…)

Art. L. 12243. – I. – Les véhicules d’intérêt général prioritaires en opération ne sont pas assujettis au péage mentionné au deuxième alinéa de l’article L. 122-4.

II. – Les modalités d’application du présent article sont fixées par décret en Conseil d’État.

Code de la route

Art. R. 311-1. – Pour l’application du présent code, les termes ci-après ont le sens qui leur est donné dans le présent article : (…)

6.5. Véhicule d’intérêt général prioritaire : véhicule des services de police, de gendarmerie, des douanes, de lutte contre l’incendie, d’intervention des services de déminage de l’État, d’intervention des unités mobiles hospitalières ou, à la demande du service d’aide médicale urgente, affecté exclusivement à l’intervention de ces unités et du ministère de la justice affecté au transport des détenus ou au rétablissement de l’ordre dans les établissements pénitentiaires ; (…)

Jusqu’à l’adoption de l’amendement de votre rapporteur pour avis, les véhicules d’intérêt général prioritaires bénéficiaient d’une exonération de péage uniquement lorsque leur intervention était « en lien direct avec lexploitation de lautoroute », conformément à l’instruction n° 3-2 du 30 décembre 1980 relative au droit de circulation en franchise sur autoroutes à péage, dite « circulaire Hoeffel ». Cette circulaire prévoyait que les services de police, de gendarmerie, de lutte contre l’incendie et des SMUR (SAMU) n’étaient pas assujettis au péage lorsqu’ils effectuaient une intervention sur l’autoroute, notamment à la suite d’un accident, mais ne bénéficiaient pas de cette franchise pour tout autre parcours sur l’autoroute.

 

 

Instruction n° 3/2 du 30 décembre 1980 relative au droit de circulation en franchise sur autoroute à péage, dite « circulaire Hoeffel »

« Nul ne peut bénéficier du droit de circulation en franchise de péage, s’il n’est dans l’exercice de ses fonctions et si ces fonctions n’ont pas de liens directs avec l’exploitation de l’autoroute.

(…)

« Pour ce qui concerne les agents de l’État, deux situations peuvent se présenter :

« a) L’agent appartient à une administration dont les attributions ne nécessitent pas qu’il intervienne à un titre quelconque sur l’autoroute. Dans ces conditions, tout parcours effectué sur l’autoroute doit être, soit réglé immédiatement, soit facturé à l’administration concernée, l’intéressé devant acquitter le péage dans les mêmes conditions que l’ensemble des usagers ;

« b) L’agent appartient à une administration qui a, entre autres missions, celle de contribuer à la bonne marche du service autoroutier ou qui est dans l’obligation d’intervenir sur le réseau d’autoroutes pour l’exécution des tâches qui lui sont confiées. Les parcours qu’il effectuera sur l’autoroute par simple commodité devront être facturés, aucun lien direct n’existant entre l’autoroute et la mission exercée. En revanche, ceux effectués pour assurer une mission nécessitant une intervention sur l’autoroute lui donneront droit au passage gratuit. Il devra être porteur, à cet effet, d’un titre de circulation dûment signé par son chef de service. »

L’article L. 122-4-3 instaure une nouvelle logique en imposant à tous les concessionnaires autoroutiers d’exonérer de péage l’ensemble des véhicules d’intérêt général prioritaires en intervention, même lorsque cette intervention a lieu en dehors de l’autoroute. Désormais, la seule condition pour bénéficier de la franchise de péage est que le déplacement revête un caractère opérationnel, que ce déplacement soit lié à une opération directement (dans le cas, par exemple, du secours ou de l’évacuation de victimes) ou indirectement (dans le cas, par exemple, des colonnes de renforts pour intervenir sur des feux de forêt ou des inondations importantes).

La différence de traitement vis-à-vis des autres usagers était précédemment justifiée par le fait que les services de secours qui interviennent sur l’autoroute contribuent à la bonne exploitation de l’infrastructure et donc au service rendu à l’usager. Elle l’est maintenant par la différence de situation entre les véhicules d’intérêt général prioritaires en opération, qui parcourent l’autoroute en vue d’accomplir une mission d’intérêt général urgente, et les véhicules des autres usagers.

Les articles 29 des cahiers des charges annexés aux conventions de concession d’autoroute, intitulés : « franchise de péage », précisent que : « les fonctionnaires tenus d’emprunter l’autoroute pour l’exercice de leurs fonctions sont exemptés des péages dans les conditions et limites fixées par une instruction du ministre chargé de la voirie nationale. » Le ministre de la Transition écologique et solidaire devrait donc abroger la circulaire Hoeffel et prendre une nouvelle instruction conforme à l’article L. 122-4-3 du code de la voirie routière.

2.   Un an après, la volonté du législateur n’est toujours pas respectée

À ce jour, le Gouvernement n’a toujours pas publié le décret d’application de l’article L. 122‑4‑3 du code de la voirie routière, alors même que l’échéancier de mise en application de la loi de finances pour 2018 indique que cette publication était prévue au cours du mois d’avril 2018. Les sapeurs‑pompiers, notamment, doivent encore payer des frais de péage dans le cadre de leurs interventions, car les concessionnaires autoroutiers continuent à appliquer la circulaire Hoeffel aux véhicules d’intérêt général prioritaires.

Pourtant, la rédaction de l’article L. 122‑4‑3, qui exonère de péage les seuls « véhicules prioritaires dintérêt général en intervention », est suffisamment précise pour être pleinement opérante.

Ce retard est lié aux négociations en cours entre le Gouvernement et les concessionnaires autoroutiers. En effet, les sociétés concessionnaires ont indiqué à l’État leur intention d’introduire, en cas de publication du décret d’application, un recours devant le juge du contrat en se prévalant d’un préjudice lié au manque à gagner qu’elles subiraient. L’État, en sa qualité de concédant, s’exposerait alors au risque de devoir indemniser, dans les conditions fixées par le juge, ses cocontractants pour le manque à gagner représenté par cette mesure.

Le manque à gagner pour les sociétés concessionnaires serait estimé à 30 millions d’euros par an. Pour la seule police nationale, 7,84 millions d’euros sont prévus en crédits de paiement au titre des dépenses de péage pour 2019. Pour la gendarmerie nationale, ce montant se situe entre 0,85 et 1 million d’euros par an, en raison de l’existence d’accords locaux avec les différentes sociétés concessionnaires. Ces montants doivent toutefois être rapprochés des 10,17 milliards d’euros de chiffre d’affaire des sociétés d’autoroute en 2017.

L’article 31 des cahiers des charges annexés aux conventions de concession d’autoroute prévoit des compensations en cas de modification substantielle ou de création d’une réglementation technique susceptible de compromettre gravement l’équilibre de la concession. Leur article 32 prévoit des compensations en cas de modification, de création ou de suppression d’impôt, de taxe ou de redevance spécifiques dont s’acquittent les sociétés concessionnaires, de nature à dégrader ou améliorer l’équilibre économique et financier de la concession. Mais ils ne prévoient aucune mesure de compensation en cas de modification des dispositions législatives instituant les péages autoroutiers.

En tout état de cause, l’intention du législateur, lors de l’adoption de l’amendement de votre rapporteur pour avis, n’était pas de compenser le manque à gagner pour les sociétés d’autoroute, et encore moins d’en répercuter la charge sur les usagers au moyen d’une augmentation des tarifs de péage.

Par ailleurs, les sociétés concessionnaires font valoir la difficulté qu’elles auront à s’assurer du caractère opérationnel des déplacements des véhicules d’intérêt général prioritaires, lorsque les interventions se situent hors du réseau autoroutier concédé.

Ces véhicules sont pourtant munis, en application du I de l’article R. 313‑27 du code de la route et de l’arrêté du 30 octobre 1987 relatif aux dispositifs spéciaux de signalisation des véhicules d’intervention urgente, de feux spéciaux tournants ou d’une rampe spéciale de signalisation, de catégorie A, qui permettent de distinguer aisément si ces véhicules sont en intervention. L’article 1er de l’arrêté du 30 octobre 1987 précité précise qu’il « ne doit être fait usage de ces dispositifs lumineux spéciaux ainsi que des avertisseurs spéciaux quà loccasion dinterventions urgentes et nécessaires ». Les caméras situées au niveau des péages autoroutiers pourraient ainsi permettre d’identifier les véhicules en intervention de ceux qui ne le sont pas.

Les sociétés concessionnaires pourraient, par exemple, mettre à la disposition des véhicules d’intérêt général prioritaires des badges spécifiques leur assurant un passage immédiatement gratuit des péages lors de leurs interventions. Il reviendrait ensuite à ces sociétés de procéder à des contrôles vidéo, si elles le souhaitent. En effet, la loi dispose que les véhicules d’intérêt général prioritaires en intervention ne sont pas assujettis au péage des autoroutes, et non pas qu’ils bénéficient d’un remboursement de leurs frais de péage a posteriori. Il s’agit d’un changement de logique par rapport à la situation antérieure.

Votre rapporteur pour avis estime que la publication du décret dapplication de larticle L. 12243 du code de la voirie routière est une question de principe : la volonté du législateur devrait toujours être plus forte que celle des lobbies, aussi puissants soient-ils. Si le Gouvernement lavait voulu, la gratuité des péages pour les véhicules dintérêt général prioritaires en intervention serait entrée en vigueur depuis plusieurs mois. La situation de blocage actuelle dénote un manque de courage face à la pression financière des sociétés concessionnaires.

En outre, au regard des missions dintérêt général durgence quassurent les véhicules exonérés de péage par larticle L. 12243, les sociétés concessionnaires devraient consentir à faire un geste commercial et accepter de bonne grâce la loi qui simpose à elles.

C.   Une indispensable adaptation du droit européen sur le temps de travail pour les sapeurs-pompiers volontaires

1.   Une directive qui menace depuis longtemps le modèle français de volontariat

La directive n° 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail, dite « directive européenne sur le temps de travail » (DETT), fonde la qualification de travailleur, quelle que soit la nature juridique de la relation d’emploi au regard du droit national, sur la réunion de trois conditions cumulatives : l’exercice d’une activité réelle et effective, l’existence d’un lien de subordination et le versement d’une rémunération.

Les SPV remplissent deux de ces critères : leurs astreintes et interventions représentent une activité réelle, effective et planifiées et ils sont subordonnés aux sous-officiers et officiers qui les encadrent. En outre, l’indemnité horaire qu’ils perçoivent pourrait être considérée comme une rémunération.

Or, la reconnaissance de la qualité de travailleur s’accompagne d’un régime de protection minimal, susceptible d’être renforcé par les États membres, qui garantit notamment :

– une durée maximale de travail hebdomadaire de 48 heures en moyenne ;

– un repos journalier minimal de 11 heures consécutives par 24 heures ;

– un repos minimal de 24 heures consécutives par tranche de sept jours, qui s’ajoute aux 11 heures consécutives précédemment mentionnées.

La majorité des volontaires exercent une activité professionnelle dont la durée, cumulée à celle de leur activité de SPV, entraînerait un dépassement des quotas horaires fixés par la directive. La prise en compte de leur activité de SPV dans le calcul de ces durées aurait donc pour effet de limiter considérablement l’effectivité de leur engagement.

En effet, une journée de travail professionnel suivie d’interventions en qualité de SPV dans la soirée ou la nuit peut se traduire par une activité continue ne permettant pas d’obtenir 11 heures consécutives de repos. De même, une semaine de travail professionnel suivie d’une mobilisation pendant le week-end en qualité de SPV peut se traduire par une activité continue ne permettant pas d’assurer une période de repos de 24 heures consécutives au cours de la semaine. Enfin, le cumul de ces deux activités conduit, dans de nombreux cas, au dépassement de la durée maximale des 48 heures hebdomadaires travaillées.

Les 193 800 SPV assurent en moyenne 34 % des gardes diurnes et 42 % des gardes nocturnes des services d’incendie et de secours (SIS), mais également 96 % de leurs astreintes diurnes et 97 % de leurs astreintes nocturnes. Environ les deux tiers de la durée des interventions des SIS sont effectués par des SPV.

Le rapport de Mission volontariat du 23 mai 2018 indique que, dans l’hypothèse d’une professionnalisation des SPV, le budget alloué à leur indemnisation (556 millions d’euros) permettrait de disposer d’environ 48 000 sapeurs-pompiers contractuels à temps partiel (estimation construite sur la base d’une durée de travail équivalente à un tiers temps). Une professionnalisation à temps partiel de ce type, comme c’est le cas au Royaume‑Uni, aurait pour conséquence une réduction de 12% du potentiel de garde postée en journée et de 15% la nuit, ainsi qu’une destruction du potentiel d’astreinte.

La Fédération nationale des sapeurs-pompiers français (FNSPF) estime de son côté qu’une application de la DETT aux SPV conduirait la France à se priver des SPV qui exercent une activité professionnelle à titre principal, soit environ 60 % de leurs effectifs. Les 120 000 SPV concernés devraient être remplacés par 60 000 sapeurs-pompiers professionnels, pour un montant de 2,5 milliards d’euros (soit 50 % du budget actuel des services d’incendie et de secours).

Toutefois, la DETT ne concernerait que les SPV qui occupent à titre principal une activité elle‑même soumise à un encadrement du temps de travail. Les travailleurs indépendants (chefs d’entreprises, artisans, agriculteurs, professions libérales...), les étudiants ou les personnes sans emploi ne seraient donc pas concernés.

Pour tenter d’éviter que la DETT ne s’applique aux SPV, l’article 1er de la loi n° 2011‑851 du 20 juillet 2011 relative à l’engagement des sapeurs-pompiers volontaires et à son cadre juridique a expressément exclu le volontariat du champ des activités exercées à titre professionnel et indiqué que ses conditions d’exercice sont soumises à un régime propre.

Parallèlement, l’Union européenne (UE) a entrepris un processus de révision de la DETT dans un sens a priori défavorable aux SPV. En mars 2015, elle a organisé une consultation publique à laquelle la France a participé en demandant expressément : « lexclusion des acteurs volontaires et bénévoles de la sécurité civile du champ dapplication de la directive ». En 2015 et 2016, la France a participé à plusieurs réunions avec ses partenaires allemands et polonais pour développer une stratégie commune en faveur du volontariat et permettre notamment d’exclure du champ d’application de la nouvelle directive européenne les activités réalisées dans le cadre de la protection civile. Dans le cadre de la « déclaration de Berlin » du 24 janvier 2014, les trois pays s’étaient engagés à œuvrer auprès des instances européennes pour la promotion du volontariat.

2.   Un arrêt de la CJUE reconnaissant la qualité de travailleur aux sapeurs‑pompiers volontaires

En 2009, M. Rudy Matzak, sapeur-pompier volontaire belge (et par ailleurs employé au sein d’une entreprise privée), a engagé une procédure contre la ville de Nivelles pour obtenir notamment un dédommagement pour ses services de garde à domicile. Dans le cadre de cette procédure, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a été saisie de questions préjudicielles de la Cour du travail de Bruxelles visant à déterminer si ces périodes de gardes à domicile constituent des périodes de travail au sens de la DETT.

À l’occasion de ces questions préjudicielles, les autorités françaises ont invité la CJUE de conclure à la non-application de la directive aux volontaires, car leurs conditions d’emploi les excluent de la qualification de travailleurs au sens de cette directive.

La CJUE a rendu sa décision le 21 février 2018 : après avoir rappelé qu’elle s’est déjà prononcée favorablement par une précédente décision sur l’application de cette directive aux activités des sapeurs-pompiers, la Cour a fait application de sa jurisprudence constante sur la qualification de travailleur au sens de la DETT en jugeant que les sapeurs-pompiers volontaires belges doivent être qualifiés comme tels. Elle a toutefois invité la juridiction de renvoi à vérifier si ces critères sont effectivement remplis : il incombe donc aux juridictions nationales saisies du litige de déterminer si les critères de la DETT sont satisfaits par les sapeurs-pompiers volontaires de leur État, au regard de leurs caractéristiques et spécificités.

La CJUE a par ailleurs retenu que, pendant ses périodes de garde, M. Matzak était contraint d’être physiquement présent au lieu déterminé par son employeur et de s’y tenir à sa disposition pour pouvoir immédiatement fournir les prestations appropriées en cas de besoin. Elle a donc jugé que les périodes de garde à domicile des sapeurs-pompiers volontaires doivent être considérées comme du temps de travail au sens de la DETT.

Il est à noter que la juridiction belge destinataire de cet arrêt est liée par l’interprétation donnée par le CJUE de la DETT pour trancher le litige initié par M. Matzak. En outre, cet arrêt lie de la même manière les autres juridictions nationales, notamment françaises, qui seraient saisies d’un problème identique : il s’applique donc aux SPV français.

En France, depuis l’arrêt « Matzak », plusieurs contentieux ont été initiés sur son fondement par des organisations syndicales représentatives des sapeurs‑pompiers professionnels. Ces dernières sont en effet favorables à la transposition de la DETT en droit interne pour les SPV. Par ailleurs, le ministère de l’Intérieur a récemment entrepris une étude des conséquences de cet arrêt pour les services d’incendie et de secours, reposant sur une enquête approfondie auprès de l’ensemble des SDIS.

3.   Une négociation européenne primordiale en vue d’une nouvelle directive sur le temps de travail des forces régaliennes

L’arrêt « Matzak » a suscité de vives inquiétudes en France. La FNSPF a demandé que soit mise en place une exemption ou une dérogation de l’application de la DETT pour les SPV. Une « motion du Sénat français » intitulée : « Engagement libre, altruiste et généreux, le sapeur‑pompier volontaire ne doit pas devenir un travailleur » a été signée par 254 sénateurs et adressée au président de la Commission européenne le 27 septembre 2018.

Dans son discours du 29 septembre 2018 prononcé à l’occasion du congrès annuel des sapeurs‑pompiers, le ministre de l’Intérieur a estimé que l’application de l’arrêt de la CJUE aux SPV français remettrait en cause le modèle national de sécurité civile dans son ensemble. Il a par ailleurs indiqué que « la France doit prendre une initiative pour faire valoir auprès de la commission la spécificité de son modèle, et la nécessité quil soit préservé » et qu’il est « urgent dœuvrer pour faire changer cette directive » qui n’est plus adaptée aux préoccupations actuelles majeures que représentent le réchauffement climatique et le terrorisme.

Votre rapporteur pour avis souhaite le succès de cette démarche du Gouvernement. Une nouvelle directive européenne sur le temps de travail portant spécifiquement sur les forces de sécurité et de secours durgence est en effet devenue indispensable pour préserver lorganisation des forces régaliennes des États membres et, plus particulièrement, pour préserver le modèle français de sécurité civile dont le volontariat est la clé de voûte.

 


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II.   L’intolérable augmentation des agressions de sapeurs‑pompiers en intervention

A.   Des agressions de plus en plus nombreuses dans le cadre des missions de secours à personne

1.   Un accroissement préoccupant du nombre d’agressions déclarées

En 2016, 2 283 sapeurs‑pompiers ont déclaré avoir été victime d’une agression physique au cours d’une intervention, soit une augmentation de 17,6 % par rapport à 2015. Cela représente en moyenne 6 agressions par jour. Depuis 2008, le nombre de déclarations d’agression a augmenté de plus de 150 % pour l’ensemble des sapeurs‑pompiers et de plus de 220 % pour les seuls sapeurs‑pompiers volontaires.

Nombre de sapeurs‑pompiers agressés de 2008 à 2016

Source : DGSCGC – La note de lONDRP n° 20, novembre 2017.

Pour 10 000 interventions effectuées, 5 sapeurs‑pompiers ont été agressés en 2016, contre 4,4 en 2015.

Au niveau régional, la Nouvelle‑Aquitaine compte le plus d’agressions déclarées (406, dont 348 pour le seul département de la Gironde) et le taux d’agression pour 10 000 interventions le plus important (11,3). Les Hauts-de-France (366 agressions déclarées), le Grand Est (267) et la région Auvergne-Rhône-Alpes (301) présentent également un taux supérieur au taux national.

Nombre de sapeurs‑pompiers agressés pour 10 000 interventions
par régions en 2016

Source : DGSCGC – La note de lONDRP n° 20, novembre 2017.

Nombre de sapeurs‑pompiers agressés pour 10 000 interventions
par départements en 2016 (départements Les plus touchés)

Source : DGSCGC.

Ces éléments statistiques de l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales (ONDRP) pourraient toutefois sous-évaluer le nombre d’agressions de sapeurs‑pompiers. En effet, depuis 2005, les SDIS peuvent communiquer à la DGSCGC des informations relatives à l’agression physique de sapeurs‑pompiers en intervention. Mais ces données sont purement déclaratives et il n’existe aucune obligation de déclarer les faits. Les remontées d’information varient en fonction des SDIS : il est à noter que 21 départements n’ont déclaré aucune agression de sapeurs‑pompiers en 2016.

En 2016, plus de la moitié (52 %) des sapeurs‑pompiers ayant déclaré avoir été victime d’une agression au cours d’une intervention étaient des sapeurs‑pompiers professionnels, qui ne représentaient pourtant que 21 % des effectifs de sapeurs‑pompiers.

Agressions de Sapeurs-pompiers en intervention en 2016
Par type d’engagement

Source : DGSCGC – La note de lONDRP n° 20, novembre 2017.

Le bilan des agressions à l’encontre de sapeurs‑pompiers réalisé par la DGSCGC pour les huit premiers mois de l’année 2018 fait état de 554 faits : 150 violences verbales, 105 jets de projectiles, 250 agressions simples et 49 agressions avec arme, soit en moyenne 69 agressions par mois et plus de 2 agressions par jour. 255 dépôts de plainte à titre individuel auraient été enregistrés par les services de police et les unités de gendarmerie, pour les 554 faits enregistrés. Ces éléments statistiques sont apparemment réalisés sur une base différente de celle de l’ONDRP.

En effet, la seule gendarmerie nationale a enregistré 379 plaintes de sapeurs‑pompiers au cours des neuf premiers mois de l’année 2018, dont 298 plaintes pour outrage (les autres plaintes concernant principalement des violences et dégradations). En 2017, elle en avait dénombré 454. Si le nombre de plaintes déposées entre 2017 et 2018 augmente seulement d’environ 10 %, la direction générale de la gendarmerie nationale a indiqué que le niveau de violence des faits tend à augmenter.

2.   Des agressions intervenant le plus souvent dans le cadre des missions de secours à personne

Les agressions dont sont victimes les sapeurs-pompiers relèvent principalement de coups et blessures volontaires, de menaces et d’outrages. Ces faits sont majoritairement commis dans le cadre des missions de secours à personne, souvent en raison d’un état alcoolique, de la prise de produits stupéfiants, ou de souffrance ou de détresse psychologique.

Les missions de secours à personne représentent aujourd’hui 84 % des interventions des sapeurs-pompiers. Le nombre de ces missions a augmenté de près de 40 % au cours des dix dernières années, principalement en raison de l’affaiblissement du maillage territorial du système de santé. Les sapeurs‑pompiers interviennent par ailleurs de plus en plus systématiquement sur des missions qui sont habituellement dévolues aux forces de l’ordre, comme l’ivresse publique et manifeste ou les violences familiales. Devenus une véritable variable d’ajustement, voire un dernier recours, ils sont de plus en exposés aux comportements agressifs et violents de personnes en situation de fragilité sociale et psychologique.

En septembre 2018, lors d’une intervention de secours à victime sur la commune de Villeneuve Saint-Georges, deux sapeurs‑pompiers de la brigade des sapeurs‑pompiers de Paris ont été poignardés par un homme souffrant de schizophrénie qu’ils étaient venus prendre en charge. L’un des sapeurs‑pompiers a succombé à ses blessures. Ce drame a mis en lumière les difficultés de l’évaluation de la dangerosité d’une victime ou de son entourage, qui permet de solliciter un accompagnement par les forces de l’ordre lors du traitement de l’alerte.

À la suite de cet évènement, plusieurs acteurs de la sécurité civile ont demandé la mise en place de plateformes communes de traitement des appels, composées d’équipes spécifiquement formées, afin que le traitement de l’alerte, la détection et la prise en compte des risques de violence soient améliorés. Certains acteurs ont également appelé de leurs vœux la mise en œuvre du numéro unique européen d’urgence (le 112), la dispersion actuelle des numéros et des plateformes complexifiant le traitement des appels et générant des pertes de temps et d’informations.

Dans le prolongement de la déclaration du Président de la République du 6 octobre 2017 sur la création des plateformes uniques de réception des appels d’urgence et la mise en place d’un numéro unique d’appel d’urgence, une mission conjointe d’évaluation de l’inspection générale de l’administration et de l’inspection générale des affaires sociales, chargée de l’évaluation de la feuille de route relative au secours d’urgence à personne et à l’aide médicale urgente, a été diligentée. Ses conclusions sont attendues au cours du dernier trimestre 2018.

Si les agressions liées à des fragilités sociales ou psychologiques des victimes ou de leur entourage sont les plus fréquentes, les agressions dans le cadre de violences urbaines organisées sont celles qui sont le mieux connues. En octobre 2017, par exemple, dans le quartier des Minguettes de la commune de Vénissieux, six sapeurs‑pompiers de Feyzin ont été pris dans un guet‑apens (des poubelles en feu avaient été disposées en arc de cercle sur la chaussée pour bloquer leur avancée, et des barrières de chantier installées derrière le camion pour empêcher toute retraite) et attaqués avec des jets de pierres et un cocktail Molotov. Ces agressions liées aux violences urbaines font l’objet de protocoles de coopération entre les forces de l’ordre et les SDIS qui ont montré leur efficacité.

Enfin, les sapeurs‑pompiers font face de plus en plus fréquemment, au cours de leurs interventions, à des agressions verbales ou physiques de la part d’individus isolés, sans lien avec les victimes.

Ces différents types d’agression nécessiteraient d’être analysés plus finement sur le plan statistique, sociologique et administratif.

Votre rapporteur pour avis souligne limportance, dans la prévention des agressions et incivilités du quotidien, des campagnes de sensibilisation menées par les sapeurs-pompiers auprès de la population, qui permettent notamment de mieux expliquer leur rôle. Le département des Alpes-Maritimes, par exemple, a mis en œuvre avec son SDIS des actions sur la prévention des risques et les gestes de premiers secours dans les collèges : 350 000 personnes ont ainsi été sensibilisées depuis plus de dix ans.

B.   De récentes mesures de prévention et de protection

1.   Des mesures de coordination opérationnelle avec la police et la gendarmerie à renforcer

À la suite des émeutes urbaines de 2005, des préfets ont mis en place, en collaboration avec les services de police et de gendarmerie, des protocoles opérationnels destinés à améliorer la sécurité des sapeurs-pompiers en intervention.

La circulaire du ministre de l’Intérieur du 30 mars 2015 relative à la prévention et à la lutte contre les agressions visant les sapeurs-pompiers a formalisé ces procédures en proposant à l’ensemble des départements un modèle de protocole entre les SDIS, les directions départementales de la sécurité publique et les groupements de gendarmerie départementale.

Dans un contexte d’émergence de territoires où les violences empêchaient le bon déroulement des missions de secours, ces protocoles ont permis de prévenir des agressions et de faciliter l’identification de leurs auteurs, en renforçant la coordination des interventions des sapeurs-pompiers avec celles des gendarmes et des policiers. Actuellement, 86 départements disposent d’un tel protocole.

En novembre 2017, une évaluation de ces protocoles a été demandée aux préfets, afin d’identifier les bonnes pratiques. La circulaire du ministre de l’Intérieur du 13 mars 2018 relative à l’évaluation et au renforcement des protocoles de prévention et de lutte contre les agressions visant les sapeurs-pompiers a renforcé et généralisé les mesures ainsi identifiées en matière de coordination opérationnelle, de dépôt de plainte, de protection fonctionnelle et de formation.

Ainsi, en matière de coordination opérationnelle :

– des procédures spécifiques doivent être élaborées pour les interventions dans les secteurs urbains sensibles ;

– une évaluation régulière des procédures d’intervention doit être réalisée pour les secteurs dans lesquels la fréquence des agressions ou des faits de violence urbaine est élevée ;

– en cas de violences urbaines, le partage d’information en temps réel doit être renforcé entre les centres opérationnels des SDIS (CTA-CODIS), les centres d’information et de commandement de la police (CIC) et les centres d’opération et de renseignement de la gendarmerie (CORG) ;

– les polices municipales sont invitées à contribuer au renforcement des dispositifs sur le terrain, notamment par l’exploitation des caméras de vidéo‑protection des centres de supervision au profit des SDIS.

La circulaire rappelle par ailleurs que, « en toutes circonstances, un appui police ou gendarmerie doit être engagé à la demande du chef dagrès, lorsque la protection physique des équipages de sapeurs-pompiers et de leurs matériels est nécessaire, notamment en cas de résistance violente probable ou avérée ».

La DGSCGC ne dispose d’aucune donnée statistique sur l’impact des agressions ou des mesures visant à les prévenir sur les délais d’intervention des sapeurs-pompiers. Le maillage territorial des centres de secours permet en moyenne un départ en intervention dix minutes après la réception d’un appel d’urgence. Lorsqu’une situation de risque est identifiée mais que l’état de la victime ne présente pas un caractère d’urgence vitale, un point de rencontre est fixé avec les forces de l’ordre : l’intervention des secours ne débute qu’après la sécurisation des lieux par la police ou la gendarmerie. Mais si la situation de la victime présente un caractère d’urgence vitale, l’engagement des sapeurs-pompiers est immédiat et s’accompagne du déclenchement simultané d’une demande urgente d’intervention des forces de l’ordre.

Votre rapporteur pour avis estime que des marges de progression existent dans lapplication de ces protocoles : en cas de prise en charge de personnes présentant un profil sensible (risque de violences liées à un état dalcoolisation, à la prise de stupéfiants ou à une détresse psychologique identifiée), laccompagnement des sapeurspompiers par les forces de lordre devrait être systématique, notamment lors de la phase de transport de la personne entre le lieu de sa prise en charge et lunité de soin. Cette phase de transport devrait faire lobjet dune doctrine commune plus précise.

Plus généralement, les mesures de coordination pourraient être complétées par une réflexion sur les doctrines existantes des policiers, gendarmes et sapeurs-pompiers permettant de déterminer les cas qui nécessitent des précisions. Une grille danalyse commune pourrait, par exemple, être élaborée dans le cadre dun rapport commun de lIGA avec lIGPN, lIGGN, lIGSC et lIGAS.

Par ailleurs, si le système de radio des sapeurs-pompiers (ANTARES) repose sur la même infrastructure que celui des forces de l’ordre, le bouton d’alerte des terminaux portatifs des sapeurs-pompiers ne permet pas leur géolocalisation immédiate par la police ou la gendarmerie : les centres de commandement (CTA-CODIS, CIC, CORG) doivent se mettre en relation pour localiser les sapeurs‑pompiers en danger. Il existe pourtant de nouveaux terminaux radio permettant une géolocalisation en continu, comme le TPH 900, mais leur déploiement débute seulement au sein des SDIS. Votre rapporteur pour avis estime que la DGSCGC devrait soutenir linvestissement des SDIS dans ce type déquipement, afin doffrir une meilleure sécurité aux sapeurs-pompiers en intervention.

2.   Une expérimentation à venir des caméras mobiles

Depuis la loi n° 2016-731 du 3 juin 2016 renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l’efficacité et les garanties de la procédure pénale, les policiers nationaux et les militaires de la gendarmerie nationale sont autorisés à procéder, sous certaines conditions, à des enregistrements audiovisuels de leurs interventions au moyen de caméras individuelles. Ces caméras mobiles constituent un outil efficace d’apaisement des tensions et de prévention des incidents et permettent de disposer d’éléments de preuve objectifs en cas de contentieux ou de contestation des conditions dans lesquelles s’est déroulée une intervention.

La loi n° 2018-697 du 3 août 2018 relative à l’harmonisation de l’utilisation des caméras mobiles par les autorités de sécurité publique a créé une expérimentation autorisant, pour une durée de trois ans, les sapeurs-pompiers professionnels ou volontaires à procéder, au moyen de caméras individuelles, à un enregistrement audiovisuel de leurs interventions. Ces enregistrements doivent permettre de prévenir des incidents au cours des interventions, de faciliter le constat des infractions et la poursuite de leurs auteurs par la collecte de preuves et de contribuer à la formation des agents.

Cette loi restreint toutefois l’usage des caméras individuelles aux seuls cas où « se produit ou est susceptible de se produire un incident de nature à mettre en péril leur intégrité physique » et exclut la possibilité pour les sapeurs-pompiers de recourir aux caméras individuelles à l’occasion d’interventions à caractère médical, afin de garantir le respect de la vie privée et du secret médical.

Les conditions de mise en œuvre de cette expérimentation doivent être précisées dans un décret en Conseil d’État, après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL), qui devrait paraître au plus tard au début de l’année 2019. Le Gouvernement devra remettre au Parlement un rapport d’évaluation de la mise en œuvre de cette expérimentation six mois avant son terme.

Le décret d’application de cette loi permettra de disposer d’informations sur les modalités d’utilisation de ces caméras mobiles par les sapeurs-pompiers. Votre rapporteur pour avis estime toutefois que leur emploi pourrait être particulièrement délicat au regard des contraintes liées au respect du secret médical et de la vie privée.

3.   Des actions de formation à développer

Les SDIS ont mis en œuvre des formations destinées à préparer leurs agents aux situations de violence en intervention. Une première vague de formations est intervenue au début des années 2000 dans les zones urbaines soumises à des violences en groupes organisés. Ces formations, élaborées en concertation avec le Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) et les forces de police et de gendarmerie du département, ont permis de mettre en place des modèles d’action et de coopération communs.

Depuis cinq ans, l’orientation de ces formations a progressivement changé, afin de mieux faire face aux agressions individuelles et courantes venant de citoyens impliqués ou non dans les interventions. Elles se concentrent sur l’analyse des contextes d’intervention, la détection des réactions violentes des personnes et les modes d’action et de réaction des sapeurs-pompiers. Tous les SDIS sont concernés par la mise en œuvre ces formations, car ce type d’agression n’épargne aucun milieu.

En septembre 2018, la FNSPF soulignait que si les sapeurs‑pompiers sont parfaitement formés aux techniques d’intervention dans le cadre du secours d’urgence à personne, ils ont besoin d’une meilleure formation pour détecter les situations de conflit et de violence et y réagir de manière appropriée.

La circulaire du ministre de l’Intérieur du 13 mars 2018 relative à l’évaluation et au renforcement des protocoles de prévention et de lutte contre les agressions visant les sapeurs-pompiers rappelle que des formations à la négociation et aux techniques de défense simple (évitement, esquive, dégagement) face à une personne agressive peuvent être mises en œuvre en partenariat avec les directions départementales de la sécurité publique (DDSP) et les groupements de gendarmerie départementale (GGD), afin de permettre aux sapeurs‑pompiers d’acquérir des automatismes et d’intégrer des mesures de sûreté applicables au quotidien et adaptées aux particularités de leurs missions.

Votre rapporteur pour avis estime nécessaire de créer un corps de doctrine commun pour ces formations, afin de généraliser les bonnes pratiques des expérimentations menées jusquà présent dans quelques départements et de les étendre à lensemble du territoire.

4.   L’accompagnement médical et psychologique des sapeurs-pompiers agressés

En 2016, les agressions déclarées de sapeurs-pompiers ont donné lieu à 1 613 journées d’arrêt de travail, soit une augmentation de 31 % par rapport à 2015. La majeure partie de ces journées d’arrêt de travail (65 %) sont accordées aux sapeurs‑pompiers professionnels qui, rappelons-le, sont victimes de 52 % des agressions déclarées.

Répartition des journées d’arrêt de travail consécutives
à une agression par type d’engagement en 2016

Source : DGSCGC.

Les services de santé et de secours médical (SSSM) des services d’incendie et de secours (SIS) organisent le soutien médical des sapeurs-pompiers victimes d’agression.

Une majorité de SIS a prévu la possibilité de constituer des cellules médico-psychologiques, sur le modèle des cellules d’urgence médico-psychologiques hospitalières, à destination des sapeurs-pompiers et, le cas échéant, des personnels administratifs, techniques et spécialisés. Ce soutien s’appuie sur l’action :

– de l’encadrement de proximité (chef d’agrès ou chef de groupe), chargé de procéder à un premier debriefing sur le site de l’agression ou au retour de l’intervention ;

– de personnels du SSSM préalablement formés à la technique de prise en charge immédiate du defusing, sur le site de l’agression ou au retour de l’intervention ;

– de 250 psychologues (des volontaires « experts » présentant un profil de psychologue clinicien ou de psychologue du travail), chargés de réaliser un entretien psychologique au retour de l’intervention ou six à vingt‑quatre heures plus tard. Le soutien psychologique est organisé sous forme d’astreintes téléphoniques, les psychologues se déplaçant ensuite au CIS ou accueillant en consultation les personnels concernés dans leur service ou leur cabinet, selon leurs disponibilités.

En dehors des urgences, certains SIS proposent également un dispositif de prise en charge des personnels souffrant de problèmes psychologiques sous la forme d’un « numéro vert ». Les prises en charge proposées se limitent généralement à une à trois consultations, l’agent concerné étant redirigé vers un professionnel externe au SIS si son état le nécessite.

Par ailleurs, le régime défini par la loi n° 91-1389 du 31 décembre 1991 relative à la protection sociale des sapeurs-pompiers volontaires en cas de maladie contractée ou d’accident survenu en service s’applique en cas d’agression en intervention d’un sapeur‑pompier volontaire et tend à lui assurer une protection sociale comparable à celle dont bénéficient les sapeurs-pompiers professionnels.

Cette protection repose sur la gratuité des soins à vie et la dispense de l’avance auprès des praticiens, l’indemnisation de l’incapacité temporaire de travail et la prise en charge de l’invalidité permanente, qu’elle soit accompagnée ou non de la cessation de l’activité du SPV. Ces prestations sont prises en charge par les SDIS, subrogés aux SPV victimes dans leurs droits auprès de leur organisme d’assurance maladie, à l’exception des allocations et rentes d’invalidité qui sont versées par la Caisse des dépôts et consignations pour le compte de l’État.

Pour les sapeurs-pompiers professionnels, la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale s’applique : elle permet notamment aux SPP de bénéficier d’une prise en charge complète des accidents survenus dans l’exercice de leurs fonctions.

C.   UnE réponse pénale À renforcer

1.   Des dépôts de plainte insuffisants

La DGSCGC indique qu’en cas d’agression commise à l’encontre d’un sapeur-pompier dans l’exercice de ses fonctions, le dépôt de plainte est systématique. Mais il convient de distinguer les plaintes individuelles, en tant que personne physique, des plaintes de service des SDIS, en tant que personne morale.

D’après les éléments statistiques de l’ONDRP, sur les 2 283 sapeurs‑pompiers ayant déclaré une agression en 2016, 1 337 ont déposé une plainte individuelle, soit 59 % d’entre eux. Ce taux, qui a diminué par rapport à 2015 (65 %), demeure très insuffisant. La région Nouvelle‑Aquitaine présente même un taux de plainte de 7 %.

Taux de plaintes déposées par les sapeurs‑pompiers
à la suite de leur agression en 2016

Source : DGSCGC – La note de l’ONDRP n° 20, novembre 2017.

En leur qualité d’agents publics chargés d’une mission de service public, les sapeurs-pompiers professionnels ou volontaires victimes d’agressions bénéficient de la protection fonctionnelle définie à l’article 11 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, dès lors qu’une plainte individuelle ou de service est déposée. Les SDIS, en leur qualité d’établissements publics dotés de la personnalité juridique et de l’autonomie financière, peuvent également mettre en œuvre des dispositifs de soutien financier à caractère associatif ou assurantiel.

En janvier 2018, la FNSPF a demandé que l’anonymat des sapeurs‑pompiers victimes d’agression soit garanti lors du dépôt de plainte. Le droit à l’anonymisation est défini à l’article 15-4 du code de procédure pénale, qui permet à tous les agents publics susceptibles d’intervenir dans des enquêtes judiciaires de s’identifier dans les actes de procédure qu’ils établissent par un numéro d’immatriculation administrative plutôt que par leur nom et prénom, afin de les protéger d’éventuelles menaces ou représailles de la part des personnes mises en cause. Cette disposition concerne les policiers et les gendarmes, mais également les agents des douanes et les agents des services fiscaux habilités à effectuer des enquêtes judiciaires en application des articles 28‑1 et 28-2 du code de procédure pénale. En outre, conformément à l’article 55 bis du code des douanes, l’ensemble des douaniers peuvent bénéficier de ce dispositif dans le cadre des procédures engagées sur le fondement du code des douanes.

Le Conseil d’État, dans son avis du 15 décembre 2018 sur le projet de loi relatif à la sécurité publique, a estimé que ce dispositif permet une juste conciliation entre le droit à la sécurité des enquêteurs et les droits de la défense des personnes mises en cause. Ce droit paraît donc difficilement applicable aux sapeurs-pompiers, qui sont chargés d’une mission de service public, mais ne sont pas auteurs d’actes de procédure.

La circulaire du ministre de l’Intérieur du 13 mars 2018 rappelle que les dépôts de plainte doivent être facilités dans le cadre des protocoles de prévention et de lutte contre les agressions visant les sapeurs-pompiers. Pour préserver leur sécurité, les sapeurs-pompiers victimes ont notamment la possibilité de se domicilier, à l’occasion du dépôt de plainte, à l’adresse du siège de la direction du service d’incendie et de secours dont ils relèvent. Les protocoles peuvent également prévoir que les dépôts de plainte se font sur rendez-vous et que les enquêteurs auditionnent les sapeurs-pompiers dans leur centre d’incendie et de secours.

En outre, ces protocoles doivent être validés par les procureurs de la République en réunion d’état-major de sécurité, afin de garantir une bonne coordination avec l’autorité judiciaire.

2.   Un faible nombre de condamnations

Dans sa circulaire de politique pénale du 21 mars 2018, la ministre de la Justice rappelle que, « au-delà des questions de terrorisme et de radicalisation, défendre la Nation impose aussi de protéger ceux qui, dans lexercice de leurs fonctions au service de lÉtat, subissent des agressions ou des actes dintimidations beaucoup trop fréquents. » Elle demandait donc aux procureurs de « porter une attention particulière aux atteintes contre les personnes représentant lautorité publique, en particulier les surveillants pénitentiaires, les fonctionnaires de police, les militaires de la gendarmerie, les sapeurs-pompiers et les huissiers de justice ». Les récentes condamnations à des peines d’emprisonnement ferme pour les auteurs d’agressions de sapeurs-pompiers témoignent de la mise en œuvre de cette circulaire.

Les sapeurs-pompiers professionnels et volontaires ont été explicitement mentionnés au 4° des articles 222–10, 222‑12 et 222‑13 (aggravations de peines en cas de violences) et au premier alinéa de l’article 433‑3 (menace ou intimidation) du code pénal par la loi n° 2003‑239 du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure. Ils étaient cependant déjà protégés par ces articles avant 2003, en leur qualité de « personnes chargées d’une mission de service public ». La forte augmentation du nombre de condamnations est donc en lien avec l’accroissement important du nombre d’agressions.

Condamnations dont l’infraction principale est dans le champ
des violences sur les sapeurs-pompiers

Source : Ministère de la Justice/SG/SDSE, exploitation statistique du Casier judiciaire national.

Les condamnations dont l’infraction principale concerne des violences, menaces ou intimidations envers des sapeurs-pompiers ont presque doublé entre 2006 et 2016, passant de 73 à 140. En 2016, les condamnations pour violences représentent 70 % de l’ensemble de ces condamnations. Parallèlement, les condamnations dont au moins une infraction entre dans le champ des violences sur les sapeurs-pompiers ont doublé entre 2006 et 2016, passant de 97 à 193. Ces données doivent être rapprochées des 1 337 plaintes individuelles déposées par des sapeurs-pompiers en 2016.

Condamnations dont au moins une infraction est dans le champ
des violences sur les sapeurs-pompiers

Source : Ministère de la Justice/SG/SDSE, exploitation statistique du Casier judiciaire national.

Les statistiques fournies par le ministère de l’Intérieur sur les condamnations pour embuscades (article 222-15-1 du code pénal, créé par la loi n° 2007-297 du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance) ne permettent pas de distinguer celles organisées à l’encontre de l’autorité publique de celles à l’encontre de sapeurs-pompiers. Leur nombre demeure toutefois relativement faible (sept condamnations en 2016).

Votre rapporteur pour avis s’étonne du faible nombre de condamnations au regard du nombre de plaintes déposées. Ce type d’infractions, d’une grande gravité, devrait toujours faire l’objet d’une poursuite devant une juridiction de jugement.

3.   Un nécessaire renforcement des peines pour outrage à sapeur‑pompier

Aucune statistique n’a été fournie par le ministère de l’Intérieur sur le délit d’outrage adressé à des sapeurs-pompiers, alors même que ceux-ci paraissent progresser.

En application de l’article 433‑5 du code pénal, lorsqu’il est adressé à un sapeur-pompier professionnel ou volontaire, l’outrage n’est puni que de 7 500 euros d’amende, alors qu’il est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende lorsqu’il est adressé à une personne dépositaire de l’autorité publique. Cette différence de traitement ne se justifie en aucune façon et qu’elle pourrait même s’avérer néfaste dans le contexte actuel.

Votre rapporteur pour avis propose donc de renforcer le dispositif de protection des sapeurs-pompiers en étendant l’aggravation de peine prévue lorsque les victimes sont des gendarmes ou des policiers aux outrages envers des sapeurspompiers. Il avait d’ailleurs déposé un amendement en ce sens lors de l’examen de la proposition de loi relative à l’harmonisation de l’utilisation des caméras mobiles par les autorités de sécurité publique.

 


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Examen en Commission

Lors de sa première réunion du jeudi 25 octobre 2018, la Commission auditionne M. Christophe Castaner, ministre de l’Intérieur, sur les crédits de la mission « Sécurités » du projet de loi de finances pour 2019.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Nous accueillons les deux rapporteurs pour avis, M. Jean-Michel Fauvergue sur les programmes « Police nationale » et « Gendarmerie nationale », et M. Éric Ciotti sur le programme « Sécurité civile ». Nous avons également le plaisir d’accueillir trois rapporteurs spéciaux de la commission des finances : Mme Nadia Hai, M. Romain Grau et Mme Sarah El Haïry, qui devrait nous rejoindre.

M. Christophe Castaner, ministre de l’Intérieur. Les crédits de la mission « Sécurités » représentent 13,6 milliards d’euros, soit 80 % des crédits dont j’ai la charge au ministère de l’Intérieur. Pour 2019, la sécurité intérieure bénéficie, comme en 2018, d’un budget sincère, solide et réaliste, afin de consolider les dispositifs de sécurité intérieure que les Français attendent de nous. Ce budget reflète la conscience qu’ont le Président de la République et l’ensemble du Gouvernement de l’importance des missions exercées par le ministère de l’Intérieur et ses personnels dans ce domaine. La sécurité est, vous le savez, pour le Premier ministre et le Président de la République, comme pour nos concitoyens, une priorité absolue. C’est pourquoi les moyens de la police et de la gendarmerie sont à nouveau, en 2019, en hausse – très significative – de 335 millions d’euros, soit une progression de 2,6 %.

Il était important de s’inscrire dans la dynamique budgétaire lancée en 2015. Dans les deux forces, les crédits sont globalement en hausse de près de 12 %, soit 1,4 milliard d’euros. Plus encore, le budget de fonctionnement et d’investissement des services est augmenté de plus de 17 % par rapport à 2015, soit près de 350 millions d’euros. Le message est donc clair : non seulement nous consolidons les efforts passés, mais nous les accentuons.

Les mesures, qui étaient considérées, jusqu’en 2017, comme exceptionnelles et limitées dans le temps – les différents plans de remise à niveau du budget des forces de sécurité depuis 2015 – ont été sanctuarisées, pérennisées et inscrites dans la durée. Nous accentuons même l’effort de sanctuarisation que vous avez engagé dès l’année dernière. Quels que soient nos désaccords politiques, il faut avoir en tête que la sécurité intérieure est une priorité des Français : elle doit être une orientation forte de ce quinquennat.

Grâce à ce déploiement de moyens et aux engagements pris, qu’il s’agisse de ceux du Président de la République ou de mon prédécesseur, dont je veux saluer la combativité, notamment budgétaire, qui me permet de vous présenter ce budget, je pense que nous avons les moyens d’accompagner les femmes et les hommes qui œuvrent chaque jour à la sécurité de tous.

Le budget pour 2019 de la sécurité intérieure est donc, à mon sens, dépourvu de toute surprise : il est en tout point conforme aux annonces faites et aux engagements pris en matière d’effectifs, d’immobilier, de moyens de fonctionnement des forces ou encore de politique indemnitaire sociale et salariale.

S’agissant des effectifs, le plafond d’emplois pour la police nationale s’établit en 2019 à 151 532 équivalents temps plein. Par rapport à 2018, le budget permet la création de la tranche 2019 du plan de 10 000 recrutements en faveur des forces de sécurité. En 2018, vous aviez accepté de créer 1 084 postes de policier, 492 de gendarme, 359 d’agent des services de renseignement et 65 d’agent de la sécurité civile et des pôles de lutte contre l’immigration irrégulière dans les préfectures. En 2019, le budget qui vous est proposé porte l’effort à 2 500 emplois supplémentaires : ce seront 414 agents de plus dans les services de renseignement, dont 54 gendarmes, et un renfort de 622 gendarmes et 1 442 policiers. Toutes les composantes de la sécurité intérieure bénéficieront des recrutements.

Entre 2007 et 2012, 6 276 emplois de policier et 6 243 postes de gendarme avaient été supprimés, non pour des raisons d’économies budgétaires, mais pour valoriser leurs conditions – un choix que je n’ai pas à juger. Cette valorisation des conditions de rémunération et d’intervention des agents était un rattrapage nécessaire. Néanmoins, je ne veux pas que ce choix stratégique se traduise par une moindre importance des enjeux de sécurité. Nous avons assisté en 2015 à une inversion de cette tendance, grâce à un plan de recrutement. Nous poursuivons dans cette dynamique, que nous accentuons fortement.

Les personnels titulaires sont aussi renforcés par les réservistes de la garde nationale. En 2019, le budget pourra nous permettre de consacrer jusqu’à 130 millions d’euros, dans les deux forces, à cet instrument. Nous disposons d’un vivier de 37 000 réservistes, qui peut encore augmenter : 30 000 pour les gendarmes et 7 000 dans la police. Aux côtés des renforts de policiers et de militaires titulaires, cet instrument pourra continuer d’être pleinement actionné en 2019. Je voudrais en profiter pour saluer le travail, le caractère citoyen et l’engagement des réservistes, aux côtés des personnels actifs de la police et de la gendarmerie nationales.

En janvier dernier, des orientations claires ont été données pour la programmation immobilière des trois années à venir : il fallait agir résolument en faveur des commissariats de police et des casernes de gendarmerie. L’amélioration des conditions de travail de nos policiers et de nos gendarmes représente un axe très important de la politique que j’entends conduire. Dimanche matin, je me suis rendu à Champigny-sur-Marne sur le site d’un quartier de reconquête républicaine (QRR), où nous avons déjà mobilisé vingt-cinq policiers supplémentaires. En visitant le commissariat, situé dans un quartier extrêmement sensible, on se rend compte de la difficulté d’agir. Nous allons mobiliser 4 millions d’euros pour avoir, au cœur de ce quartier de reconquête républicaine, un commissariat digne des conditions de travail de celles et ceux qui affrontent – j’utilise volontairement ce mot – le terrain, dans toute sa difficulté.

Comme cela a été annoncé, le budget porte à un niveau historiquement élevé les investissements dans les commissariats, pour 196 millions d’euros, et dans les gendarmeries, pour 105 millions d’euros, soit 9 % de plus que ce qui était prévu en 2017. Je ne vais pas vous rappeler les principales opérations, que la plupart d’entre vous ont en tête. Notre principe de gestion des crédits immobiliers, que je souhaite maintenir, est pour partie déconcentré aux responsables zonaux et locaux, par le biais des secrétariats généraux pour l’administration du ministère de l’Intérieur (SGAMI). Je souhaite favoriser cette déconcentration, en augmentant le budget dédié aux SGAMI de 47 millions d’euros. L’efficacité de la gestion déconcentrée n’est pas à démontrer ; mais nous pourrons, si vous le souhaitez, en parler.

Enfin, même si les crédits du projet sont arbitrés dans d’autres programmes, je veux rappeler les opérations immobilières concernant la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) : 20 millions d’euros de travaux ont été prévus pour aménager son site de Neuilly. J’ai confié au nouveau patron de la DGSI l’un des objectifs de notre feuille de route : disposer d’un site immobilier unique au plus vite, c’est-à-dire d’ici à 2022, pour garantir une meilleure efficacité. Nous avons ouvert une ligne budgétaire qui permettra de mobiliser 450 millions d’euros en ce sens.

Troisième niveau d’action : l’équipement. Le niveau atteint par le budget 2019 permettra de donner corps à notre ambition d’avoir une police et une gendarmerie aux ambitions renouvelées, respectées et tirant parti des progrès de la technologie. C’est ainsi qu’est prévue la commande de 5 800 véhicules neufs dans les deux forces en 2019, pour un budget de 137 millions d’euros. Ce faisant, nous réalisons l’investissement le plus important depuis huit ans, avec plus de 1 600 véhicules de plus que la moyenne de ces dernières années. Je crois qu’il est inutile que j’évoque la vétusté d’une grande partie du matériel roulant de nos forces. Il est donc nécessaire d’accompagner la modernisation du parc automobile.

Pour ce qui concerne l’équipement, le budget 2009 sera de 142,9 millions d’euros, répartis entre les achats d’armements, de munitions, d’habillement et de protections individuelles de nos agents.

En matière d’équipements technologiques, toute personne sensible d’un point de vue technique à ce sujet sait l’importance d’accompagner les progrès de la technologie et de doter nos services des meilleurs moyens. C’est l’un des axes forts de la police de sécurité du quotidien. En s’équipant de tablettes et de smartphones, les forces de sécurité disposent d’un accès facilité aux systèmes d’information. Elles peuvent développer de nouveaux modèles de mobilité, et renforcer l’opérationnalité des services sur le terrain. À la fin du premier trimestre de 2019, 50 000 tablettes et smartphones NEOPOL et 67 000 équipements NEOGEND auront été déployés. 10 000 équipements supplémentaires seront acquis dans la police en 2019 comme en 2020, pour un investissement de 5,4 millions d’euros.

Je souhaite aussi que la diffusion des caméras-piétons se poursuive en 2019 parce que je suis convaincu que cet outil permet de contribuer à réduire les incidents et qu’il participe à la protection des policiers sur le terrain. J’ai rencontré des policiers ces derniers jours qui m’ont dit toute l’importance qu’ils attachaient à ce dispositif, et tout son caractère dissuasif.

Enfin, nous avons obtenu en 2019 les moyens de lancer quatre programmes d’importance : un plan d’investissement de 22,5 millions d’euros supplémentaires destinés à mettre au meilleur niveau technologique les réseaux, outils et techniques de renseignement de la DGSI ; un plan de 22,5 millions d’euros pour entrer dans la phase opérationnelle du réseau radio du futur – je l’ai évoqué précédemment concernant les crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l’État » ; le financement, à Paris, du partenariat public-privé de vidéoprotection pour 21 millions d’euros qui sera doté de 2 754 caméras et qui permet aux forces de l’ordre d’exploiter opérationnellement et judiciairement les renvois d’images provenant des 10 000 caméras déployées par différents opérateurs publics ou privés présents sur Paris ; enfin la modernisation des centres d’information et de commandement pour 11,2 millions d’euros, afin d’améliorer le pilotage des interventions de police secours et l’efficacité et la rapidité du traitement des appels d’urgence.

En complément de ces projets de modernisation, je souhaite que l’année 2019 marque la conduite des premières expérimentations de la procédure pénale numérique dans le ressort des tribunaux de grande d’instance d’Amiens et de Blois. Ce programme, porté conjointement avec le ministère de la justice, est complémentaire à la simplification de la procédure pénale. Il permet à la fois de dégager du temps pour nos agents, de se recentrer sur leur cœur de métier, et contribue à ce qu’ils soient « mieux dans leurs baskets » quand ils font le métier pour lequel ils ont choisi de travailler.

En matière de ressources humaines, je souhaite évoquer avec vous la politique salariale et indemnitaire qui sera déployée en 2019 pour les forces de sécurité. Cette année sera la première année de mise en œuvre du protocole parcours professionnel, carrières et rémunérations dans la police nationale. Après le report d’un an pour toutes les fonctions publiques, il sera mis en œuvre cette année. Cela représente 32,4 millions d’euros de crédits supplémentaires.

En outre, les dispositions des feuilles de route sociales d’avril 2016 qui sont propres à la police et à la gendarmerie seront appliquées comme prévu. Cela représente un effort de 110 millions d’euros supplémentaires. Si vous le souhaitez, je pourrai vous apporter des éclaircissements sur la ventilation de ces crédits.

Pour ce qui concerne les mesures catégorielles, qui seront forcément réduites compte tenu de l’ampleur des mesures relevant de la feuille de route sociale, une enveloppe de 3,4 millions d’euros a aussi été prévue pour prendre en compte certaines particularités qu’il est nécessaire de corriger.

Mesdames, messieurs les députés, vous l’avez compris, nous disposons, il me semble, d’un bon budget qui permettra de financer nos priorités ainsi que l’ambition que nous avons en matière de sécurité. L’ensemble des engagements pris par ce Gouvernement pourront donc être tenus.

Ces arbitrages, très favorables aux forces de sécurité dans une période où demeure une contrainte budgétaire réelle que chacun connaît, doivent aussi nous permettre de nous moderniser et de rationaliser notre organisation et nos ressources. Voilà pourquoi je souhaite devant vous confirmer quatre chantiers qui concernent la police comme l’ensemble du ministère.

Premièrement, nous poursuivons la mise en œuvre d’une politique de substitution des personnels actifs par des personnels administratifs civils. L’objectif fixé pour la période 2018-2022 de 500 substitutions par an a pris du retard et je souhaite mettre la pression sur ces sujets pour ramener les personnels actifs au plus près du cœur de leur métier.

Deuxièmement, j’ai demandé que les effectifs des états-majors et des cabinets des directions centrales soient revus à la baisse pour inciter à des modes de fonctionnement moins verticaux. Soixante-sept emplois de ce type de fonctions non opérationnelles seront donc supprimés chaque année.

Troisièmement, deux projets de transformation du ministère ont été ouverts. Leur point commun est de chercher à renforcer l’efficacité des services qui bénéficient aux forces de sécurité. Le premier que vous connaissez, je pense, est celui de la création d’un service ministériel des achats. Il vise à renforcer encore cette fonction, y compris en examinant les conditions selon lesquelles l’approvisionnement des unités opérationnelles est organisé, et à réaliser des économies par la massification des achats. Le second chantier portera sur la mise en place d’une direction unique du numérique qui doit regrouper les moyens de l’ensemble du ministère pour renforcer également notre action. Cette direction concentrera les moyens, mais pas l’ensemble des ressources techniques, pour conserver le lien si important entre directions opérationnelles et techniciens du numérique et des systèmes d’information.

Bien évidemment, il faudra que ces mutualisations créent de la valeur ajoutée et qu’elles ne soient pas une source de complexité supplémentaire. Je sais que l’on a souvent cette capacité, au nom de la simplification, à rajouter des couches de contraintes. Il faudra donc être très innovant sur ce sujet.

Pour ma part, j’envisage ces réformes avec sérénité car leur objectif était uniquement de produire de l’efficacité au service de l’activité opérationnelle des forces, tout en améliorant l’efficience de notre organisation. C’est la contrepartie nécessaire à l’effort financier de la nation en faveur de nos forces de sécurité qui est réel, et des plus substantiels, et qui appelle une capacité réformatrice nécessaire au sein du ministère.

J’en viens maintenant aux moyens de la sécurité civile, qui fait cette année encore l’objet d’un rapport spécial de votre commission, rapport fait par un rapporteur de qualité qui n’est autre que mon voisin territorial. Je me félicite de ce rapport car je sais l’importance des capacités opérationnelles nationales, l’engagement des démineurs, des pilotes, personnels navigants et mécaniciens des avions et hélicoptères, ainsi que l’attachement de nos concitoyens au modèle de proximité et d’efficacité des services départementaux d’incendie et de secours (SDIS) et de leurs 194 000 sapeurs-pompiers volontaires.

Le budget 2019 augmente de 1,5 %, pour s’établir à 486 millions d’euros. L’objectif dans ce domaine est que le budget de la sécurité civile permette de maintenir et de renforcer les termes du contrat opérationnel avec la nation. L’an passé, vous vous en souvenez, la principale mesure avait consisté à mobiliser des autorisations d’engagement (AE) pour acquérir six avions multirôles Dash, pour un total de 380 millions d’euros. L’ensemble du marché est aujourd’hui totalement engagé et les premières dépenses réalisées. Le premier avion sera livré dans le courant du premier semestre 2019 et pourra être engagé dès la saison des feux de l’année prochaine. Les autres avions seront livrés chaque année jusqu’en 2022.

L’année 2019 sera consacrée à la poursuite de la modernisation des moyens nationaux, avec 4,8 millions d’euros de crédits supplémentaires. Les moyens du service de déminage seront augmentés, de même que le budget d’investissement des formations militaires de la sécurité civile.

Par ailleurs, le budget consacré au maintien en condition opérationnelle (MCO) des aéronefs et hélicoptères de la sécurité civile est maintenu. Ce budget, qui s’établit à 65 millions d’euros, avait été revu à la hausse en 2018 pour tenir compte de l’augmentation de l’activité opérationnelle des moyens aériens de la sécurité civile. Si la saison des feux a été fort heureusement moins rude que celle de l’an passé, avec une vingtaine de missions contre plus de 200 l’an dernier, notre flotte doit cependant être maintenue aux meilleurs standards opérationnels car le risque est permanent et peut retrouver un niveau élevé l’année prochaine.

Le budget de la sécurité civile tient également compte de la nécessité d’anticiper les évolutions que nous connaissons, et notamment les crises de demain, par la conduite de projets structurants et d’investissement qui doivent s’inscrire dans le temps long. C’est pourquoi nous poursuivons l’équipement des départements en système d’alerte et d’information des populations (SAIP), que nous continuons à raccorder les nouveaux SDIS au réseau radio numérique des services de secours (ANTARES), et que nous engageons la phase opérationnelle du chantier du système unifié de gestion des appels d’urgence NexSIS en mobilisant 10 millions d’euros sur ce sujet.

Par ailleurs, en mobilisant les moyens du « plan 10 000 », c’est-à-dire 10 000 recrutements, les effectifs du programme sont en augmentation sur des activités essentielles au bon fonctionnement du service.

Je conclurai mon propos en évoquant la sécurité routière. Chacun connaît l’objectif : partout où la sécurité routière peut sauver une vie, c’est une famille, une histoire, un quartier, un village, un immeuble que nous préservons. C’est aussi un traumatisme physique que nous épargnons. Il est donc important que nous ayons dans ce domaine un budget à la hauteur des enjeux qui sont essentiels. À cet égard, le projet de loi de finances pour 2019 permettra d’assurer le financement des mesures décidées lors du comité interministériel de sécurité routière du 9 janvier dernier, qui visent à nous permettre de faire baisser la mortalité routière en deçà de 2 000 morts par an – il y en a actuellement plus de 3 500. La principale évolution concerne non pas tant le programme 207 « Sécurité routière » qui regroupe essentiellement les moyens de l’administration et ceux dédiés à la communication, mais l’utilisation des recettes du compte d’affectation spéciale « Radars ». Deux évolutions seront à cet égard notables en 2019.

D’abord, les recettes de la section affectée au financement des structures et dispositifs de sécurité routière augmentent de 32 millions d’euros, après une première augmentation de 58 millions d’euros dans la loi de finances initiale pour 2018. Dix millions d’euros viendront abonder le budget de l’Agence nationale de traitement automatisé des infractions (ANTAI) dans le contexte de développement des PV électroniques et de la mise en place du forfait post-stationnement. 10 millions d’euros seront consacrés à l’externalisation de la conduite des véhicules radar dans trois nouvelles régions en 2019, après la Normandie, la Bretagne, le Centre-Val-de-Loire et les Pays-de-la-Loire. Six millions d’euros permettront de porter le parc de radars automatiques à 4 700 à la fin 2019. Le solde des moyens complémentaires viendra financer la modernisation du système national du permis de conduire, des projets de recherche en matière de sécurité routière, ainsi qu’un fonds de soutien à l’innovation.

Ensuite, les mesures d’accompagnement de la diminution de la vitesse autorisée sur le réseau national secondaire seront financées dans les termes arrêtés et annoncés par le Premier ministre au mois de janvier dernier. Dix millions d’euros de recettes « amendes radar » seront mobilisés pour financer le coût des changements de panneaux de signalisation pour les collectivités gestionnaires de voirie. Les collectivités concernées pourront financer ces équipements auprès des préfets. En outre, 26 millions d’euros, c’est-à-dire l’équivalent de 660 000 contraventions correspondant à l’estimation faite du surcroît de recettes « amendes radar » qui résultent de la mesure « 80 kilomètres heure », seront affectés exclusivement au financement des établissements de soins prenant en charge des accidentés de la route. C’est un engagement du Premier ministre et que nous tenons, bien évidemment.

Voilà, mesdames, messieurs les députés, ce que je retiens du budget de la mission « Sécurités » qui est en tous points un très bon budget, matérialisant combien la sécurité compte, pour la seconde année consécutive, parmi les priorités de ce Gouvernement et qui s’inscrit dans une volonté affirmée, qui ne remonte pas à ce quinquennat, de doter de moyens nos forces de sécurité. Je crois que ce qui mobilise chacune et chacun ici, c’est l’exigence des attentes de nos concitoyens et d’y répondre au quotidien de la meilleure façon possible.

M. Jean-Michel Fauvergue, rapporteur pour avis des programmes « Police nationale » et « Gendarmerie nationale ». La trajectoire de hausse du budget de la police et de la gendarmerie dans le cadre du quinquennat se traduit dans le projet de loi de finances pour 2019 par une augmentation sensible des moyens financiers et des effectifs. Les engagements sont donc tenus.

Les renforts nets d’effectifs s’élèvent à 1 735 éléments pour la police nationale et à 634 pour la gendarmerie. Les crédits de paiement sont également en nette hausse, de 172 millions d’euros pour la police sur le programme 176, et de 180 millions d’euros pour la gendarmerie sur le programme 152. Comme l’année dernière, cette augmentation est plus particulièrement fléchée sur l’immobilier et les moyens roulants.

Concernant les moyens roulants de la police, le renouvellement du parc automobile vieillissant fait l’objet d’un effort important cette année. L’objectif de renouvellement est fixé à 3 000 véhicules, contre 2 500 véhicules l’année dernière, ce qui représentait déjà en 2018 un effort important par rapport aux années précédentes.

L’année 2018 a été marquée par un effort substantiel des opérations immobilières, et l’année 2019 permettra le lancement d’opérations nouvelles soutenues au même rythme – environ 105 millions d’euros en autorisations d’engagement. Les crédits consacrés à la maintenance immobilière s’élèvent à 60 millions d’euros.

Pour ce qui concerne le plan d’action contre le terrorisme (PACT) présenté récemment par le Premier ministre, les services de renseignement et de police judiciaire seront aussi dotés d’effectifs et de moyens nouveaux : 270 emplois et 20 millions d’euros de mesures nouvelles pour la DGSI, dont 13,7 millions d’euros dédiés aux systèmes d’information, 34 emplois pour le service central du renseignement territorial, et 46 emplois pour la direction centrale de la police judiciaire (DCPJ) affectés à l’antiterrorisme.

Le plan de réhabilitation immobilière de la gendarmerie se poursuit en 2019, et les crédits sont en forte hausse. Ils permettront la réhabilitation de près de 4 000 logements. La sécurité des casernes fait l’objet d’un effort particulier de 15 millions d’euros.

Le renouvellement du parc automobile de la gendarmerie fait pour sa part l’objet de l’acquisition de 2 800 véhicules. Dans le même temps, les saisies effectuées dans le cadre de procédures judiciaires ont permis en 2018 d’affecter à la gendarmerie environ un millier de véhicules supplémentaires. La gendarmerie expérimentera, à partir du 1er janvier 2019, la location avec option d’achat de 400 véhicules affectés à la Garde républicaine. Cette expérience intéressante est à suivre.

Cet effort, qui s’inscrit dans la continuité du précédent budget voté par la majorité, doit être salué. Votre rapporteur pour avis souligne cette mobilisation budgétaire qui devrait être perçue, non comme une fin mais bien comme un moyen d’améliorer les réalités opérationnelles que vivent les agents de terrain. Cette valorisation du potentiel opérationnel exceptionnel des policiers et des gendarmes leur est due, pour le bénéfice de la population.

Cette année, nous nous sommes plus particulièrement intéressés au cas de la police technique et scientifique (PTS), en forte progression avec les avancées de la recherche génétique qui sont appliquées aux enquêtes judiciaires. L’organisation de notre PTS est complexe en raison d’une pluralité d’acteurs : l’Institut national de la police scientifique pour la police nationale, le service central de la police technique et scientifique pour la police nationale, l’Institut de recherche criminelle de la gendarmerie nationale, le service régional de l’identité judiciaire pour la préfecture de police. Vous l’avez compris, un effort de rationalisation est nécessaire.

Comme l’année dernière à brève échéance, votre rapporteur recommande une nouvelle fois d’amplifier la rationalisation de la gouvernance en confiant au service central de la police technique et scientifique une véritable autorité hiérarchique sur l’ensemble des services de la PTS de la police nationale. Mais l’objectif final à l’échelle du quinquennat, et si possible avant, reste l’intégration aussi rapide que possible des structures existantes de la police et de la gendarmerie nationales au sein d’une grande direction commune de la PTS qui est aussi suggérée par la Cour des comptes. D’où ma première question : monsieur le ministre, envisagez-vous une telle direction et, le cas échéant, dans quel délai ?

Au-delà de la PTS, cette démarche doit être étendue à tous les secteurs de la sécurité intérieure. Votre rapporteur relevait dans son rapport pour avis l’année dernière qu’en région parisienne, du fait de la dualité des polices entre la préfecture de police et la direction générale de la police nationale, la continuité et l’efficacité opérationnelle sont tributaires d’échelons de coordination multiples et, par voie de conséquence, faillibles et dépensiers en énergie et effectifs. Cette situation, qui nuit à l’efficacité opérationnelle des agents, demeure.

En matière de sécurité publique et d’ordre public, dans le secteur géographique de la préfecture de police où les effectifs sont nombreux et les problématiques parisiennes particulières, la coordination zonale actuelle apparaît satisfaisante. En revanche, dans les autres domaines, votre rapporteur pour avis préconise l’intégration aux structures centrales de la direction générale de la police nationale (DGPN) de plusieurs services spécialisés de la préfecture de police. En matière de police judiciaire, la direction régionale de la police judiciaire (DRPJ) pourrait être intégrée à la direction centrale de la police judiciaire (DCPJ). En matière de renseignement, la direction du renseignement de la préfecture de police (DRPP) pourrait être intégrée pour partie à la DGSI et pour une autre partie au service central du renseignement territorial (SCRT). Pour les unités d’intervention, la brigade de recherche et d’intervention (BRI) pourrait être intégrée au RAID – Recherche, assistance, intervention, dissuasion. Enfin, en matière de lutte contre l’immigration clandestine, la sous-direction de la lutte contre l’immigration irrégulière (SDLII) pourrait être intégrée à la police aux frontières (PAF).

Monsieur le ministre, quels transferts de la préfecture de police à la DGPN le Gouvernement peut-il envisager ?

Votre rapporteur préconise qu’une réflexion soit engagée pour la constitution de centres de commandement départementaux communs aux forces de police et de gendarmerie, comme nous le préconisions déjà dans le rapport que nous avons remis au Premier ministre avec ma collègue Alice Thourot. Notre objectif est de permettre de récupérer des effectifs et d’être plus opérationnels dans le traitement des interventions pour rendre un meilleur service à la population. D’où ma question : envisagez-vous la constitution au niveau départemental de centres de commandement communs aux deux forces ?

Concernant les forces nationales d’intervention spécialisées, votre rapporteur pour avis réitère sa proposition déjà formulée l’année dernière d’un commandement unifié du RAID et du groupe d’intervention de la gendarmerie nationale (GIGN). Ce commandement unique permettrait de mettre un terme définitif aux conflits de compétences et de rationaliser là aussi les effectifs et les dépenses. Monsieur le ministre, envisagez-vous une telle organisation et, le cas échéant, dans quel délai ?

Vous l’aurez compris, la clé de voûte de cet avis tient à la réorientation des personnels opérationnels vers leur cœur de métier. Pour cela, il nous faut aussi accélérer le transfert et la suppression des missions périphériques et autres tâches indues qui détournent un nombre encore trop important de policiers et de gendarmes de leurs missions prioritaires. Or il n’a été constaté que peu d’évolution dans ce domaine depuis un an, en particulier concernant la garde statique des bâtiments publics, et surtout la gestion des procurations électorales qui vont être un problème dans l’année à venir. Mon collègue Fabien Matras développera cet aspect, mais il me tient à cœur de vous préciser que des solutions de recours à la sécurité privée pourraient être mises en œuvre ; nous l’avons évoqué, Alice Thourot et moi-même, dans notre rapport.

Par ailleurs, la substitution de personnels administratifs, techniques et scientifiques aux personnels actifs doit se poursuivre sur les fonctions support afin de libérer des personnels actifs pour les missions opérationnelles. L’objectif du plan de substitution de personnels administratifs aux personnels des corps actifs sur les fonctions de soutien est par ailleurs reconduit en 2019. Le rythme de 500 pour la police nationale et de 300 pour la gendarmerie nationale, chaque année, jusqu’à la fin du quinquennat, se heurte à un problème de recrutement, en particulier sur la région parisienne, ce que le préfet de police a soulevé lors des auditions. Le cas échéant, monsieur le ministre, quels recrutements d’agents administratifs envisagez-vous spécifiquement en région parisienne ?

Le rapporteur pour avis se félicite de la trajectoire très favorable du budget actuel des forces de police et de gendarmerie nationales. Il demeure cependant persuadé que les quelques pistes de réforme soulevées ici seront de nature à favoriser la cohésion opérationnelle des diverses forces de sécurité intérieure et à dégager, à budget constant, de très nombreux équivalents temps plein travaillé (ETPT) qui pourront utilement renforcer la police de sécurité du quotidien, projet majeur du quinquennat dans le domaine de la sécurité.

Mme Nadia Hai, rapporteure spéciale de la commission des finances. Je vous remercie, madame la présidente, de nous accueillir, M. Grau et moi-même, dans votre commission.

Monsieur le ministre, permettez-moi tout d’abord de vous adresser mes félicitations pour votre prise de responsabilités. Le rapport spécial que Romain Grau et moi-même vous présentons concerne les programmes « Police nationale », « Gendarmerie nationale » et « Sécurité et éducation routières » ainsi que le compte d’affectation spéciale « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers ».

J’aborderai tout d’abord le montant et la ventilation des crédits sur lesquels le Parlement est appelé à se prononcer. Nous saluons la trajectoire de la mission qui sera dotée en 2019, fonds de concours et attribution de produits compris, de 21 milliards d’euros en autorisations d’engagement et de 20,17 milliards en crédits de paiement, soit une hausse de 2,1 %. Cette augmentation marque la détermination absolue du Gouvernement pour la protection des Français sur un large spectre allant de la sécurité du quotidien à la lutte contre le terrorisme, en passant par les accidents de la route.

Par ailleurs, comme l’a rappelé Jean-Michel Fauvergue, 2 260 emplois seront créés. Cet effort est coûteux mais indispensable. En effet, la progression des crédits et des effectifs se fait exclusivement au bénéfice d’activités opérationnelles et s’appuie sur des gains d’efficience structurels. Nous nous réjouissons également de constater dans ce projet de loi de finances les engagements du Premier ministre qui ont donc été tenus sur les recettes résultant de la mesure des 80 kilomètres-heure qui a créé tant d’émoi dans cette assemblée.

Dans le double contexte du maintien de la menace terroriste à un niveau élevé et de la mise en place de la police de sécurité du quotidien, ce budget appelle de notre part quatre séries d’observations sur lesquelles nous souhaitons que le Gouvernement nous donne des précisions. J’en évoquerai deux avec vous, les deux autres étant abordées par mon collègue Romain Grau.

S’agissant des ressources humaines, avec le plan de recrutement, les questions récurrentes de la formation initiale et continue et du temps de travail se posent de manière plus aiguë. Que prévoyez-vous, monsieur le ministre, pour assurer un repyramidage des corps optimal, en veillant à la fois à renforcer le taux d’encadrement des commissaires et des officiers et en offrant à chacun des perspectives de carrière, par exemple en confortant le rôle des fonctionnaires de la filière d’investigation ?

Quelles mesures comptez-vous prendre, et dans quel délai, pour assurer la pleine effectivité des droits des policiers nationaux à percevoir l’allocation spécifique d’ancienneté (ASA), en levant l’obstacle de l’interprétation par l’administration du principe de prescription quadriennale et en assurant un traitement égal des agents sur l’ensemble du territoire ?

Les policiers et gendarmes effectuent des missions à titre périphérique, mais ils rencontrent aussi des difficultés dans leur champ de compétence propre. Quand les forces de l’ordre verront-elles des progrès substantiels s’agissant des tâches indues réalisées par carence d’autres administrations, dont souvent celles du ministère de la justice et du ministère des solidarités et de la santé ?

M. Romain Grau, rapporteur spécial de la commission des finances. Nous avons choisi de considérer comme fil rouge de notre mission de rapporteurs spéciaux, tout au long du quinquennat, le suivi des avancées en matière de renouvellement de la flotte automobile et d’amélioration continue du parc immobilier de la police et de la gendarmerie nationales. Comme vous l’avez dit, monsieur le ministre, il n’est pas admissible que les femmes et les hommes qui nous protègent travaillent dans des locaux et avec des matériels parfois proches de la vétusté. Serait-il possible de faire le point sur les expérimentations en matière de leasing, s’agissant des véhicules ? Êtes-vous favorable à la généralisation de cette méthode ? Par ailleurs, comment avez-vous prévu de concilier la création d’une direction centrale des achats, que vous évoquiez dans votre propos, avec la déconcentration des crédits pour les travaux du quotidien en ce qui concerne l’immobilier ?

Nous savons tous que les nouvelles technologies doivent faciliter tant la relation aux citoyens que la lutte contre la cyberdélinquance et la cybercriminalité, en passant par la modernisation des outils quotidiens des agents du ministère de l’Intérieur. On constate que les policiers et les gendarmes français innovent de manière permanente et spectaculaire. Prévoyez-vous de valoriser les inventions de logiciels développés en interne par des femmes et des hommes de la direction générale de la police nationale (DGPN) et de la direction générale de la gendarmerie nationale (DGGN), comme la plateforme de gestion des situations exceptionnelles « 36 crise », y compris en faisant breveter ces pépites pour les vendre ou les louer à des sociétés privées en inversant la logique qui prévalait bien souvent et conduisait l’État à payer faute d’avoir investi ?

Pour conclure, les deux rapporteurs spéciaux que nous sommes ne peuvent que se féliciter de la trajectoire budgétaire des programmes que nous avons étudiés et qui incarne la priorité donnée par le Gouvernement à la sécurité du quotidien de nos concitoyens.

M. Éric Ciotti, rapporteur pour avis du programme « Sécurité civile ». Monsieur le ministre, permettez-moi de vous féliciter pour votre nomination et vous souhaiter pleine réussite dans cette mission ô combien difficile et exigeante pour la protection de nos concitoyens.

Mes chers collègues, j’ai l’honneur de vous présenter le rapport pour avis de notre commission sur le programme « Sécurité civile ». Le budget de la sécurité civile reste stable cette année, avec une augmentation de 6,5 millions d’euros de crédits de paiement, soit une hausse de 1,2 % qui ne correspond pas à l’augmentation de l’inflation – c’est pour cela que j’évoque ce point de stabilité. Il comporte des éléments positifs que vous avez rappelés, monsieur le ministre, notamment la mise en œuvre, même si elle a été retardée puisque nous l’avions déjà annoncée l’année précédente, du renouvellement progressif de la flotte d’avions bombardiers d’eau et le financement de la nouvelle agence du numérique de la sécurité civile. Pour ces raisons, j’aurai l’honneur d’émettre un avis favorable sur les crédits de ce programme.

Néanmoins, je veux exprimer des inquiétudes quant à la pérennité de notre modèle de sécurité civile. Des menaces de diverses natures apparaissent qui risquent, si nous n’y prenons garde, de mettre en péril un modèle qui a témoigné de son efficacité, qui a fait ses preuves et qui, je crois, constitue une véritable référence internationale. Ces menaces sont liées à l’évolution des missions de nos sapeurs-pompiers. En 2017, les sapeurs-pompiers ont effectué plus de 4,6 millions d’interventions, dont 84 % relèvent de missions de secours à personne. Le nombre d’interventions de secours à personne a augmenté de 40% au cours des dix dernières années. Le nouveau président de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers, le colonel Grégory Allione, a pris pour référence les deux coupes du monde de football que nous avons remportées pour indiquer que, par rapport à 1998, les sapeurs-pompiers ont fait en 2018 près d’un million d’interventions supplémentaires. Pour prendre toute la mesure de cette augmentation, il faut être conscient qu’elle est due à l’affaiblissement du maillage territorial du système de santé,…

Mme Cécile Untermaier et M. Ugo Bernalicis. Bien sûr !

M. Éric Ciotti, rapporteur pour avis. à la diminution de la présence médicale dans certaines zones, notamment dans nos zones rurales, mais aussi dans certains quartiers. Les sapeurs-pompiers sont le dernier point d’appel face à la défaillance d’un système de santé que nous rencontrons, hélas, depuis trop longtemps. C’est un problème national, mais nous devons mesurer la dégradation rapide de ce maillage territorial.

Les pompiers sont aujourd’hui devenus une variable d’ajustement, voire un dernier recours, et ils sont par conséquent plus exposés, comme nous l’avons hélas vu récemment, à des comportements agressifs et violents de personnes en situation de fragilité sociale et souvent psychologique ou psychiatrique.

Dans ce rapport, je me suis tout particulièrement intéressé cette année aux agressions que subissent les sapeurs-pompiers en intervention. Leur nombre a été multiplié par deux et demi en dix ans. D’après les dernières données de l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales (ONDRP), près de 2 300 sapeurs-pompiers ont déclaré avoir été victimes d’une agression en cours d’intervention en 2016, soit une augmentation de 18 % par rapport à 2015. Ces faits sont d’autant plus insupportables que derrière la vie des sapeurs-pompiers, c’est aussi celle des victimes qu’ils prennent en charge qui est mise en cause et menacée. Les agressions génèrent des blessures physiques, psychologiques, des arrêts de travail et des dommages matériels qui affectent l’ensemble de l’organisation des secours dans notre pays et présentent un coût majeur pour la collectivité, deuxième menace pour notre modèle de sécurité civile.

Pour répondre à cet intolérable accroissement des violences, il me paraît indispensable d’approfondir la coordination opérationnelle – nous l’avons évoquée avec le directeur général de la police nationale et le directeur général de la gendarmerie nationale que je remercie personnellement pour leurs auditions – entre les sapeurs-pompiers, la police et la gendarmerie dans le cadre des protocoles opérationnels départementaux. Le récent décès d’un sapeur-pompier de la brigade des sapeurs-pompiers de Paris, auquel je veux rendre hommage, en pensant à sa famille, a mis en lumière les limites de ces protocoles dans le cadre des interventions de secours et de transport de personnes alcoolisées notamment, ou de personnes sous l’emprise de stupéfiants ou présentant des fragilités psychologiques. En cas de prise en charge de ce type de profil extrêmement sensible, l’accompagnement des sapeurs-pompiers par les forces de l’ordre devrait être systématique, notamment lors de la phase de transport de la personne entre le lieu de sa prise en charge et l’unité de soins.

Il apparaît également nécessaire de créer un corps de doctrine commun pour les formations aux techniques de négociation et de défense mises en œuvre en partenariat avec la police et la gendarmerie.

Monsieur le ministre, pouvez-vous nous indiquer le degré d’avancement de la réflexion du Gouvernement sur la mise en place de plateformes uniques de réception des appels d’urgence et sur la généralisation d’un numéro unique d’appel d’urgence ? Nous en parlons depuis des années. Cette coordination, cette centralisation des appels est plus que jamais d’actualité, notamment eu égard à ces exigences de sécurité, et nous attendons des avancées conséquentes.

D’après l’ONDRP, seuls 60 % des sapeurs-pompiers ayant déclaré une agression en 2016 ont déposé plainte, un taux qui demeure très insuffisant. Je m’étonne par ailleurs du faible nombre de condamnation – 193 en 2006 –, au regard du nombre de plaintes déposées – 1 300 pour la même année –, soit à peine un taux de condamnation de 14 %. Ce type d’infraction, d’une particulière gravité, devrait toujours faire l’objet d’une poursuite devant une juridiction de jugement.

Enfin, monsieur le ministre, il est injustifiable que les outrages soient sanctionnés par des peines plus légères lorsque les victimes sont des sapeurs-pompiers que lorsque ce sont des policiers ou des gendarmes. Il me paraît nécessaire d’étendre l’aggravation de peine prévue par l’article 433-5 du code pénal aux outrages envers les sapeurs-pompiers.

La sécurité des sapeurs-pompiers dépend également de la sécurité juridique de leur organisation. Or, et c’est le troisième risque que je veux pointer dans ce rapport, le modèle français de sécurité civile est aujourd’hui directement menacé par l’application aux sapeurs-pompiers volontaires de la directive européenne sur le temps de travail, à la suite de l’arrêt « Matzak » de la Cour de justice de l’Union européenne – du nom d’un sapeur-pompier volontaire belge qui contestait l’organisation de son travail – qui a reconnu la qualité de travailleur aux sapeurs-pompiers volontaires. Cela nous inquiète au plus haut point.

Votre prédécesseur s’était engagé, le 29 septembre dernier, à demander une renégociation de la directive européenne sur le temps de travail, pour qu’elle reconnaisse les spécificités du volontariat français. Si l’on ne fait rien pour prévenir les conséquences de l’arrêt « Matzak », on ne pourra plus avoir dans notre pays de sapeurs-pompiers volontaires qui soient, par ailleurs, salariés. C’est une menace extraordinairement préoccupante dont il faut aujourd’hui, monsieur le ministre, vous saisir avec toute l’énergie qui convient.

Nous vous demandons de vous engager, vous aussi, à œuvrer rapidement auprès des institutions européennes afin de faire modifier cette directive. Sans doute serait-il d’ailleurs plus simple de procéder à la rédaction d’une nouvelle directive, qui exonère les services de secours de l’application des critères liés à l’organisation du temps de travail et à la qualification salariale.

Je souhaite enfin évoquer la question de la gratuité des autoroutes pour les véhicules d’intérêt général prioritaires en intervention, notamment ceux des sapeurs-pompiers, de la police, de la gendarmerie et des services d’aide médicale urgente (SAMU). Et je voudrais pousser un cri de colère : l’année dernière, nous avions décidé à l’unanimité de cette gratuité. Or aujourd’hui, monsieur le ministre, rien n’a changé !

La loi que nous avons votée n’est toujours pas appliquée. Pourtant, les sommes en cause, soit 30 millions d’euros par an, sont modiques, comparées au chiffre d’affaires des sociétés concessionnaires d’autoroutes, qui est de 10,2 milliards d’euros, et à leur bénéfice, qui est de 4 milliards. Monsieur le ministre, ces sociétés refusent de faire un geste à l’égard des véhicules de secours. C’est totalement scandaleux ! Face aux lobbies financiers, je vous demande d’agir très vite !

M. Christophe Castaner, ministre de l’Intérieur. De nombreuses questions ont été posées sur ce sujet d’importance, qui nous rassemble tous.

Je vais commencer par les questions de M. Fauvergue sur la nécessité d’une approche mutualisée entre police et gendarmerie en matière de police technique et scientifique. Cela ne doit pas faire de débat. Ce doit être une exigence.

Nous avons demandé que soit poursuivi le processus de mutualisation. Des actions ont déjà été engagées, comme la rationalisation de l’implantation des plateaux techniques de révélation des traces papillaires, avec l’objectif d’une centaine de plateaux pour les deux forces, comme le préconisait d’ailleurs la Cour des comptes, ou la recherche de l’interopérabilité des deux forces et le partage des savoir-faire et des formations. Des spécialisations techniques pourront être envisagées pour les activités à faible sollicitation. Je ne vais pas les citer, mais vous les connaissez, et il est nécessaire qu’on travaille sur cette interopérabilité.

La feuille de route conjointe à la police et à la gendarmerie nationales a été élaborée et signée par les deux directeurs généraux ici présents en mars 2018, pour amorcer cette convergence souhaitée.

La convergence s’organise, elle progresse pas à pas, et je maintiendrai la pression pour y parvenir. Mais je crois avant tout au rapprochement des pratiques et des cultures professionnelles, ainsi qu’à la mutualisation des capacités qui me semblent produire des effets plus durables qu’une simple réorganisation des services. Et je sais pouvoir compter sur celles et ceux qui m’entourent pour pouvoir avancer en ce sens.

S’agissant des transferts de services spécialisés, je dirai que l’exigence de résultats probants en matière de sécurité sur la plaque parisienne est forte. Elle est essentielle, elle est demandée par tous et c’est légitime, en raison de la densité de population dans cette zone, mais aussi parce que celle-ci abrite le cœur des institutions de notre République. La DGPN, la DGSI, le préfet de police y concourent, sous l’autorité du ministre de l’Intérieur.

Est-ce qu’une banalisation, au sens de l’organisation actuelle, rendrait la préfecture de police plus efficace et plus efficiente, que ce soit en matière de sécurité ou d’ordre public, de police judiciaire, de renseignement ou de lutte contre l’immigration irrégulière ? Je vous le dis sans gêne : la question mérite d’être posée. C’est un chantier que nous allons ouvrir avec Laurent Nuñez, sans a priori, mais aussi sans parti pris de normalisation. La normalisation n’est pas un objectif en soi, mais nous ouvrons ce chantier et nous allons avancer en la matière. Nous reviendrons pour échanger, si Mme la présidente nous y invite, au moment où nos réflexions seront un peu plus affinées.

Faut-il un commandement unique des forces d’intervention ? Après les attentats terroristes de l’année 2015, quatre nouvelles directions ont été données, avec le Schéma national d’intervention des forces de sécurité : une meilleure couverture du territoire pour réduire les délais d’intervention ; la création des antennes du RAID et du GIGN en métropole comme outre-mer ; l’optimisation des moyens à travers le recensement et l’évaluation des capacités rares dont dispose chacune des entités d’intervention spécialisée ; l’adoption d’une procédure d’urgence qui autorise l’unité disponible la plus proche à intervenir hors de sa zone de compétence en cas de péril immédiat, et en cas de crise majeure, la mise en place d’un commandement des opérations d’intervention spécialisée.

Comment faut-il faire évoluer ce dispositif ? Là encore, je suis par principe favorable à tout ce qui pourra être fait pour améliorer la coopération opérationnelle entre nos forces d’intervention et, in fine, pour la sécurité des Français. C’est la raison pour laquelle j’ai demandé aux différentes directions générales de ne pas hésiter à me faire des propositions sur les adaptations qu’elles jugeraient pertinent d’apporter à notre dispositif.

L’arrivée d’un nouveau ministre doit permettre une mise à plat, pour évaluer, décider, changer. Mais je ne souhaite pas changer pour changer parce qu’il y aurait un nouveau ministre. Je ne pratique pas cette culture assez classique, qui amène le ministre à considérer que son successeur est un usurpateur et, accessoirement, son prédécesseur un incompétent. Je pense qu’il faut nous inscrire dans la logique de la force du ministère de l’Intérieur qui, bien évidemment, dépasse la qualité de ceux qui le dirigent comme ministres. J’examinerai, le cas échéant, dans un double souci d’efficacité et de pragmatisme, chacune des propositions.

Plusieurs d’entre vous ont abordé la question, évidemment majeure, des tâches indues. Il faut réduire celles-ci pour donner des capacités opérationnelles aux forces de sécurité. C’est un axe fort de la police de sécurité du quotidien.

Certaines missions « périphériques » – sans jugement de valeur – ont déjà été réduites.

Les gardes statiques des policiers ont été considérablement réduites sous le ressort de la DGPN. Plus aucun tribunal de grande instance ne fait l’objet d’une garde statique. Seules vingt-quatre préfectures font encore l’objet d’une présence policière, et les travaux engagés par le ministère permettront de réduire encore ce format dans les mois à venir. Il en est de même pour les extractions judiciaires ; une instruction de la garde des Sceaux pose un certain nombre de principes en la matière.

Nous devrons réévaluer cette réalité en 2019, et ne pas hésiter à chercher les meilleures solutions pour limiter les tâches indues.

Vous avez pu noter que j’ai proposé que l’on mette fin à la sécurisation à vie des anciens ministres de l’Intérieur. Cela s’appliquera évidemment à celui qui vous parle à l’instant présent, sous réserve d’une évaluation du risque pour chacune et chacun d’entre eux dans la mesure où ce risque peut perdurer au-delà de cinq ans. Je propose qu’il soit mis fin à cet avantage qui accompagne le ministre de l’Intérieur tout au long de sa vie, même quand il ne l’a été que quelques semaines. Je pense que cela fait partie des tâches indues, et qu’il est essentiel de reconcentrer nos moyens sur la sécurité des Français.

Nous allons poursuivre en ce sens sur un certain nombre de points. On a parlé des procurations ; je pense que le dispositif de procuration électorale en ligne va alléger les forces de sécurité. Nous devons relancer notre réflexion avec le ministère de la santé, pour favoriser le déplacement des médecins dans les locaux de police et de gendarmerie plutôt que d’organiser des transports. Autant de sujets sur lesquels le chantier est engagé. Mais il faut rester vigilant, et je comprends parfaitement le sens de vos questions. Nous devrons effectivement, monsieur Fauvergue, nous rencontrer prochainement pour parler de la question des polices municipales et autres acteurs de la sécurité, soulevée dans le rapport que vous avez rédigé avec Mme Alice Thourot.

Vous avez évoqué la constitution de centres départementaux communs de la police et de la gendarmerie dans la gestion des appels. Je pense qu’il est essentiel que le ministère de l’Intérieur fasse d’abord avancer sa réflexion dans son propre périmètre – c’est la consigne que j’ai passée – pour poursuivre les travaux déjà engagés. Mais il faut aller au-delà et réfléchir à inclure le SAMU parce que l’on sait bien que l’équilibre de la répartition se détermine au moment de l’appel et que, de ce fait, il faut être particulièrement attentif. Un rapport d’inspection IGA-IGAS, qui traite de cette question, et notamment de l’articulation entre les SDIS et les SAMU, sera prochainement rendu. On compte dix-neuf plateformes communes 15-18, dont deux virtuelles, qui sont déjà en place, et sept autres en projet.

Je suis très favorable à cette démarche de mutualisation. Le ministère de l’Intérieur n’exclut pas de l’approfondir d’abord dans son propre périmètre et, pourquoi pas, dans un périmètre plus large. Mais attention aux fausses bonnes idées, qui fragiliseraient l’ensemble du système.

Madame Hai, si vous m’y autorisez, je vous enverrai par écrit quelques éléments plus précis sur les mesures prises pour assurer le renforcement des taux d’encadrement et conforter la filière d’investigation. Mais sachez d’ores et déjà que le renforcement des taux d’encadrement dans la police nationale est au cœur de la feuille de route sociale, que la structuration se fait autour du recrutement des commissaires, des officiers, des gradés et des gardiens, et qu’il est essentiel que nous rénovions en profondeur la structure de l’encadrement – pour répondre à votre préoccupation. Quelques mesures ont été prises, nous avancerons aussi sur ce sujet.

De la même façon, la filière d’investigation est de celles dont la feuille de route sociale a permis la valorisation. Je pense que cela va dans le bon sens.

Sur l’allocation spécifique d’ancienneté (ASA), le Conseil d’État a confirmé l’interprétation du ministère : la prescription quadriennale s’applique, et nous aurons provisionné 13 millions d’euros pour d’éventuels contentieux.

M. Grau m’a interrogé sur la création d’une direction centrale des achats, avec la décentralisation des crédits pour les travaux du quotidien et l’usage des cartes d’achat. L’idée est que ce service pilote les 3 milliards d’euros d’achats du ministère de l’Intérieur. Il regroupera tous ceux qui, au sein du ministère de l’Intérieur, exercent une fonction d’acheteur, soit 400 personnes. L’objectif est à la fois de professionnaliser la fonction tout en la rendant moins consommatrice de ressources humaines, mais aussi de réaliser des économies par la massification des achats, et de sécuriser les procédures en renforçant leur qualité. Mais je répète, et nous aurons l’occasion de travailler sur le sujet, que cette logique n’est pas incompatible avec la déconcentration des expressions de besoins ou des actes d’achat – sous réserve, bien sûr, d’un encadrement.

Vous m’avez posé une autre question, monsieur le député, sur la valorisation des inventions internes, y compris en termes de brevets. Vous le savez comme moi, le droit en matière d’inventions est très complexe. Un logiciel, notamment, n’est brevetable que sous certaines conditions qui ne sont pas toujours évidentes à remplir.

Dans l’optique d’une recherche de ressources complémentaires, les services mènent des études de brevetabilité qui consistent à apprécier le coût de la procédure par rapport aux perspectives de recettes qu’on peut attendre du brevet. Quand l’équilibre paraît positif, nos services s’y engagent. Mais il faut aussi mettre en parallèle notre volonté d’avoir une République numérique, et le fait que l’article 16 de la loi du 7 octobre 2016 pour une République numérique pose comme principe que les services publics adhèrent au principe de la politique du logiciel libre. Si l’outil est utile pour l’ensemble de nos concitoyens, il ne faut pas chercher à le « privatiser » pour qu’il nous rapporte, puisque son meilleur rapport, c’est celui de son utilité.

Monsieur Ciotti, vous avez plaidé en faveur du modèle particulier de notre sécurité civile. S’il est un modèle que beaucoup de pays étrangers viennent observer, il est évident que nous devons le protéger.

Vous avez évoqué la question des transferts de charges et celle de la sécurité des interventions, à la fois pour la sécurité de celles et ceux qui sont accompagnés, mais aussi de nos sapeurs-pompiers eux-mêmes. Je vous répondrai de façon détaillée.

Pas moins de 610 faits d’agression sur nos pompiers ont été constatés au 1er octobre 2018. Je ne peux évidemment pas tolérer une telle situation. Je poursuivrai – et je demande à mes services de poursuivre – de façon déterminée la lutte contre ces agressions.

Ces agressions doivent être sanctionnées. Vous parliez d’un taux de plainte de 20 %. Il faut encourager, et des instructions seront données en ce sens, chaque femme, chaque homme qui, dans le cadre de ses fonctions, est victime d’une atteinte, à porter plainte pour que des sanctions puissent être mises en œuvre. Il me faudra également discuter avec Mme la garde des sceaux des conditions de protection, y compris judiciaire, de celles et ceux qui servent chez nos sapeurs-pompiers et qui, en intervention, doivent être tout particulièrement protégés.

J’avais en tête que l’agression d’un pompier constituait une circonstance aggravante depuis la loi du 28 février 2017 relative à la sécurité publique. Nous allons le vérifier. Mais ça n’est peut-être pas le cas pour les outrages. Mais s’il fallait renforcer le régime de protection en cas d’agression, et considérer que c’est une circonstance aggravante, je soutiendrai toute initiative parlementaire allant en ce sens.

Ensuite, au-delà de la sanction et de la menace judiciaire, qui est une façon de protéger aussi celles et ceux qui interviennent pour la sécurité civile, un plan d’action a été élaboré pour garantir la sécurité de nos sapeurs-pompiers, avec des protocoles opérationnels qui sont construits systématiquement au plus près du terrain pour prévenir les agressions, et selon les zones, avec des renforts, avec des accompagnements, de gendarmes, de policiers, partout où c’est nécessaire, dès que la situation l’exige.

Je voudrais aussi vous parler des caméras mobiles, dont l’expérimentation a été autorisée par la loi du 3 août 2018. Une quinzaine de SDIS se sont portés candidats pour équiper leurs hommes. Nous allons faire le test. Mais je suis convaincu, car ce sont les retours que nous en avons, que ce dispositif permet de faire baisser sensiblement la pression lors de situations tendues. Je ne peux donc que l’encourager.

Vous avez évidemment évoqué l’arrêt « Marzak » et les préoccupations qu’il a fait naître chez nos sapeurs-pompiers, mais aussi chez nous. Il est évident que nous devons nous battre ensemble pour préserver notre modèle.

Deux orientations au moins semblent envisageables pour prendre en compte les impacts de cette jurisprudence. La première est d’envisager la transposition de la directive de 2003 en exploitant toutes les facultés de dérogation prévues par le texte. La seconde consiste à engager une démarche auprès des autorités européennes pour obtenir une évolution de la directive, de manière à exclure de son champ d’application l’activité de sapeur-pompier volontaire. Je crois que la meilleure réponse correspond à une combinaison de ces deux orientations. Nous allons nous y engager totalement, et j’aurai besoin pour ce faire de l’expertise de certains d’entre vous. Aujourd’hui, 69 % de nos sapeurs-pompiers volontaires ont une activité salariée à côté. On voit quel peut être l’impact de cette jurisprudence, et la menace qu’elle fait peser sur notre dispositif de sécurité civile. Je serai à vos côtés et aux côtés de nos sapeurs-pompiers, totalement mobilisé, pour faire en sorte de préserver notre modèle.

Sur la gratuité de la circulation des véhicules de secours sur les autoroutes, je n’ai pas tous les éléments de réponse. Je vais regarder. Les services en mission pourraient disposer de télé-badges pour circuler rapidement, leur passage étant refacturé ultérieurement. Cela pose des problèmes juridiques et techniques, mais on va tenter de trouver des solutions.

Enfin, Monsieur Kamardine, soyez rassuré : à Mayotte, la police n’est pas dépourvue de moyens. Les dépenses de personnel ont atteint 2,4 millions d’euros en LFI pour 2018. Nous avons débloqué 340 000 euros de moyens supplémentaires en cours d’année, compte tenu des tensions que vous avez soulignées, et que personne ne conteste. Cela peut paraître insuffisant, mais c’est tout de même une augmentation significative, de 28 % par rapport à 2017. Je rappelle que 650 policiers sont mobilisés, soit deux fois plus qu’il y a dix ans, et que la loi de finances pour 2019 devrait nous permettre d’envoyer sur ce territoire 25 renforts supplémentaires. La gendarmerie est également accompagnée. Elle dispose de moyens positionnés à Mayotte, avec le 3e escadron de gendarmes mobiles qui sera maintenu sur place au moins jusqu’à la fin de l’année. Par ailleurs, 16 militaires supplémentaires rejoindront le territoire d’ici à 2019.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Je vous propose d’interrompre nos travaux. Nous les reprendrons à quatorze heures quinze.

*

Lors de sa seconde réunion du jeudi 25 octobre 2018, la Commission poursuit l’audition de M. Christophe Castaner, ministre de l’Intérieur, sur les crédits de la mission « Sécurités ».

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Nous reprenons l’examen de la mission « Sécurités ».

Mme Sarah El Haïry, rapporteure spéciale de la commission des Finances pour le programme « Sécurité civile ». Monsieur le ministre, vous avez déjà apporté beaucoup d’informations, et je vous en remercie.

Alors que le programme 161 porte principalement sur les structures nationales, je voudrais vous alerter sur un problème « communautaire » qui dépasse le cadre de mon rapport, mais qui, à terme, risque d’avoir un coût au niveau national. En effet, à la suite de l’arrêt « Matzak », la directive européenne de 2003 sur le temps de travail pourrait s’appliquer à nos sapeurs-pompiers volontaires, qui seraient assimilés à des travailleurs. Je voudrais ensuite vous demander de condamner avec volontarisme les agressions que subissent  nos pompiers et, enfin, d’ouvrir un dialogue avec les organisations syndicales patronales en vue d’une meilleure articulation entre la vie personnelle et professionnelle de nos sapeurs‑pompiers volontaires.

Je tiens, tout comme vous, à notre modèle français de sécurité civile. Mais j’observe que la disparition des sapeurs-pompiers volontaires aurait un impact de 2,5 milliards d’euros sur nos finances, et ferait perdre toute son âme à ce dispositif, basé sur l’engagement et la volonté de servir que le Président de la République appelle de ses vœux.

M. Christophe Castaner, ministre de l’Intérieur. Madame la députée, cette question, que nous avons déjà évoquée ce matin, est au cœur de la préoccupation de tous les parlementaires ici présents, quel que soit leur groupe.

Je suis un élu local des Alpes de Haute-Provence, où 1 % des habitants sont sapeurs-pompiers volontaires, ce que je trouve très impressionnant. J’ai été maire d’une ville, une sous-préfecture, où, jusqu’à il y a trois ans, il n’y avait pas de pompiers professionnels. Aujourd’hui, il n’y en qu’un. Et pourtant, le centre d’incendie et de secours de cette ville est le quatrième plus grand du département.

Évidemment, comme vous, je suis très attaché au maintien de notre modèle de sécurité civile. Comme je l’ai dit, il faut d’abord voir quelles conséquences tirer de cette jurisprudence, et travailler sur deux champs de façon complémentaire.

On peut envisager la transposition de la directive en exploitant les facultés de dérogation prévues par le texte et voir jusqu’où on peut aller. L’analyse juridique en cours ne nous permet pas de vous répondre précisément, mais c’est un objectif.

On peut aussi, et je suis prêt à m’y engager sans difficulté parce que je sais que j’aurai votre soutien, engager une démarche auprès des autorités européennes pour obtenir une évolution de la directive de 2003, sachant, comme je le disais ce matin, que 69 % des sapeurs‑pompiers volontaires, qui sont des salariés, sont directement concernés.

Vous avez soulevé une deuxième question dont nous avait également parlé Éric Ciotti : les violences subies lors de leurs interventions par les sapeurs-pompiers. J’ai pu réaffirmer ce matin que nous ne devions rien laisser passer, et que nous ne tolérerions pas une telle situation. J’ai par ailleurs invité les autorités présentes à encourager systématiquement les personnes concernées à porter plainte, car ces faits ne doivent pas rester impunis. L’agression d’un pompier est une circonstance aggravante. Mais même pour des insultes ou des menaces, je pense qu’il faut solliciter l’appui des forces de l’ordre.

Des protocoles opérationnels ont été mis en place, au plus près du terrain, quartier par quartier. La coordination des interventions des sapeurs-pompiers avec celles des gendarmes ou des pompiers a été renforcée. Selon les zones, mais aussi selon les quartiers, des renforts particuliers sont assurés. C’est absolument nécessaire.

J’ai également évoqué dans la matinée l’équipement en caméras mobiles de nos sapeurs-pompiers volontaires. L’expérimentation de ces caméras a été autorisée par une loi récente, du 3 août 2018 ; une quinzaine de services départementaux d’incendie et de secours (SDIS) se sont portés volontaires. Je pense, et c’est l’avis des policiers que j’ai rencontrés ces jours-ci, que ce genre de ce dispositif peut avoir son importance en termes de prévention du risque. Cela permet de faire baisser la pression lors de situations tendues. C’est un bon dispositif, qu’il convient de développer.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Nous en venons aux orateurs des groupes.

M. Fabien Matras. Monsieur le ministre, dans un temps qui nous appelle à la plus grande vigilance et à la plus grande exemplarité, je pense que nous pouvons collectivement saluer l’effort budgétaire effectué en matière de sécurité intérieure.

En effet, nous noterons que le budget est en forte hausse par rapport à 2018 : 335 millions d’euros supplémentaires après une première augmentation de 400 millions l’an dernier, soit près de 800 millions d’euros en plus sur deux ans.

Les effectifs suivent la même trajectoire. Nous comptons 1 700 équivalents temps plein (ETP) en plus dans la police cette année, après les 1 500 de l’an dernier. Notons que 80% d’entre eux seront affectés aux services d’encadrement et d’opération. Et ce seront 700 personnels supplémentaires pour les forces de gendarmerie après une hausse de 450 ETP l’an dernier. La grande majorité de ces nouveaux postes concerneront les sous-officiers et les personnels scientifiques. Nous voyons donc que la promesse présidentielle des 10 000 postes en plus sur le quinquennat est en voie d’être tenue.

Pour rendre l’action des forces de sécurité plus efficiente encore, il convient de souligner l’effort inédit de redéploiement des agents sur le cœur de leurs missions. Sur le quinquennat, le Gouvernement s’est engagé à effectuer plus de 4 000 substitutions de personnels actifs par des personnels administratifs. Elles permettront de soulager les forces de l’ordre de nombreuses tâches administratives et indues.

La mise en œuvre de cet objectif se poursuit cette année avec à nouveau plus de 800 substitutions, soit 500 dans les forces de police et 300 dans la gendarmerie : un effort similaire à celui de l’an dernier mais qui est presque cinq fois supérieur à celui que nous connaissions les années précédentes.

Ces substitutions s’accompagneront évidemment de la poursuite d’une politique ferme en matière de réduction des tâches dites indues. L’an dernier, ce sont près de 300 000 heures de travail qui ont été redéployées dans la police nationale, des missions annexes vers le cœur de métier des policiers. Il convient d’apporter toutefois un point de vigilance sur la gendarmerie puisque cet effort n’a pu se concrétiser chez les militaires qui ont besoin d’être davantage soutenus en ce sens.

Ainsi, la question des transfèrements judiciaires doit être au cœur de nos préoccupations pour veiller à ce que la circulaire interministérielle de septembre 2017 qui prévoit la compétence subsidiaire des forces de l’ordre en cas de carence absolue de l’administration pénitentiaire ne soit pas appliquée de manière abusive. De la même manière, comme l’a souligné mon collègue Jean-Michel Fauvergue, les gardes statiques et les procurations occupent encore trop nos forces de l’ordre.

Je comptais vous interroger sur ce point, mais vous avez apporté des réponses détaillées, démontrant ainsi votre engagement à prendre ce dossier à bras le corps.

Globalement, ce budget et le travail accompli quotidiennement par les fonctionnaires de sécurité intérieure permettront de lutter avec efficacité contre le terrorisme, contre la criminalité et contre la délinquance.

Outre cette approche budgétaire, nous nous réjouissons des orientations prises et qui prennent corps dans ce budget.

Nous renforçons encore la lutte contre la menace terroriste. Pour cela, l’accent est mis sur les renseignements, avec 400 ETP supplémentaires mais également sur l’action. À titre d’exemple, je me réjouis de constater que l’ensemble des 150 antennes des pelotons de surveillance et d’intervention de la gendarmerie (PSIG) sont désormais opérationnelles.

Nous resserrons les liens et la proximité avec nos concitoyens. L’exemple emblématique de cette volonté a été le lancement de la police de sécurité du quotidien, venu compléter le déploiement des brigades de contact sur le territoire national. Les premiers retours sont d’ailleurs unanimement positifs.

L’effort est poursuivi avec le démarrage des quartiers de reconquête républicaine, ces dispositifs mettant l’accent sur la collaboration entre les acteurs pour une police au plus proche des enjeux et des besoins.

Le fort investissement de l’an dernier dans des équipements numériques qui rendent nos forces plus réactives et plus efficientes sera poursuivi en 2019.

Enfin, il convient de dire un mot sur la réforme de la procédure pénale qui participera à décupler les effets de notre politique ambitieuse en matière de sécurité.

Concernant la sécurité routière, domaine dans lequel ce budget maintient un effort important visant l’objectif des moins de 2 000 tués sur les routes à l’horizon 2020, la mise en œuvre des dix-huit  mesures préconisées par le Comité interministériel de la sécurité routière (CISR) permettra de poursuivre la baisse du nombre de morts sur les routes constatée cette année.

Dans le domaine de la sécurité civile, l’année 2018 a vu un effort considérable en termes d’investissement, avec le renouvellement de la flotte aérienne constitué par l’achat des six avions polyvalents. Il convient désormais de suivre la mise en œuvre de cet engagement pour qu’il soit tenu dans les délais. La livraison des premiers appareils en 2019 en sera un signe fort. Pourriez-vous, monsieur le ministre, nous dire si les premiers avions seront livrés pour la prochaine saison de feux de forêt ?

Le budget 2019 met l’accent sur la finalisation de la mise en place des nouveaux dispositifs de traitement des alertes ou de gestion des opérations.

Concernant les sapeurs-pompiers volontaires, nous ne pouvons que nous réjouir que le Gouvernement ait retenu le plan d’action, élaboré par la mission volontariat constituée par le ministère de l’Intérieur dont j’ai fait partie, et présenté dans le rapport que j’ai rendu au ministre. Les sapeurs-pompiers volontaires sont la clé de voûte de notre modèle de sécurité civile, et votre engagement fort dès votre nomination pour le défendre est à saluer.

Je souhaite toutefois insister, monsieur le ministre, sur la question de la directive « temps de travail ». L’engagement des sapeurs-pompiers volontaires est le symbole de cet engagement citoyen que nous souhaitons collectivement développer. Budgétairement parlant, puisque c’est le sujet qui nous intéresse aujourd’hui, les conséquences d’une professionnalisation du volontariat seraient dramatiques pour les finances publiques.

Je sais votre attachement au volontariat et je ne doute pas de votre totale implication sur ce dossier. La négociation d’une nouvelle directive, qui ne s’appliquerait qu’aux forces de sécurité, permettrait de sécuriser le statut des 194 000 femmes et hommes qui s’engagent, avec passion, courage et abnégation pour assurer notre sécurité.

Je constate, monsieur le ministre, que notre gouvernement est extrêmement ambitieux en ce qui concerne la sécurité des Français.

M. Éric Ciotti. Monsieur le ministre, en prenant vos fonctions, vous avez hérité d’un budget préparé par votre prédécesseur, mais surtout d’une situation qu’il a dépeinte dans des termes très éloquents en quittant la place Beauvau.

Dans ce qui a constitué sans doute son meilleur discours, Gérard Collomb a décrit un pays dont certains quartiers étaient livrés aux narcotrafiquants – cela rappelle la Colombie – et aux islamistes. Ces fléaux gangrènent chaque jour notre pacte républicain. Nos forces de l’ordre, police, gendarmerie, et tous les maillons de la chaîne de sécurité, services de renseignements ou douaniers, y sont confrontés. Policiers et gendarmes vivent cette situation au quotidien de façon très douloureuse et avec de plus en plus de difficultés.

La situation est grave. De nouveaux drames sont survenus ces dernières heures : des enfants ont été tués dans des conditions épouvantables lors de rixes à Paris, d’affrontements entre bandes dans nos quartiers. On dénombre chaque jour en France un millier d’agressions non crapuleuses. Cela, ajouté à la menace terroriste qui se maintient à un niveau extrêmement élevé, constitue notre quotidien. Nous sommes préoccupés par ces quartiers qui échappent aux lois de la République, par un département, la Seine-Saint-Denis, qui s’éloigne progressivement des règles normales de fonctionnement d’un État républicain.

Telle est la mission dont vous avez la charge aujourd’hui. Pourtant, monsieur le ministre, vous nous présentez un budget très classique, d’une grande banalité. Des efforts, des progrès, des mesures techniques sont à relever. Mais d’années en années, et quels que soient les gouvernements – en toute lucidité, j’inclus la période où nous étions aux responsabilités –, l’effort que nous consentons n’est pas à la hauteur des enjeux, qu’il s’agisse du terrorisme islamiste ou de la délinquance.

En cinquante ans, la part des dépenses régaliennes a été divisée par deux. Elles représentent à peine 3,16 % de la richesse nationale, contre 6,5 % en 1960, sous la présidence du général de Gaulle. Votre ministère perçoit 0,85 % de la richesse nationale, celui de la justice, 0,38 %, quand, dans le même temps, la part consacrée à la dépense sociale est de 32 % !

Il faut savoir ce que l’on veut. Nous devrons, à un moment, changer de cap ! Vous annoncez une augmentation de 2 % du budget, ce qui compense grosso modo l’effet de l’inflation. Je me réjouis de l’augmentation des effectifs, mais je voudrais nuancer ces annonces, qui procèdent souvent d’un excès de communication. Dans son excellent rapport, Jean-Michel Fauvergue indique qu’en juin 2018, il y avait exactement 374 policiers de moins qu’à la fin de l’année 2017. Bien sûr, il s’agit du mois de juin, et je n’ignore pas que des effectifs sortiront de l’école à l’automne, mais cela signifie que nous usons toujours des mêmes subterfuges et que les effets d’annonce ne se concrétisent que très rarement dans les faits.

Je conclurai sur la directive européenne sur le temps de travail, dont le général Lizurey, directeur général de la gendarmerie nationale, a indiqué qu’elle reviendrait à supprimer 4 000 postes. Les quelques centaines d’effectifs supplémentaires prévus par le budget seront donc rognés par la nouvelle organisation du temps de travail. Qu’en est-il de la police nationale ? On dit que l’application du vendredi fort pourrait représenter 5 000 effectifs en moins.

Monsieur le ministre, même s’il existe des dispositions positives, les mesures que vous prenez ne répondent en rien à la gravité de la situation, au malaise que ressentent policiers et gendarmes. Il faut les entendre, dans le cadre d’une vraie mobilisation générale.

Mme Cécile Untermaier. En premier lieu, je veux féliciter nos rapporteurs, qui ont parfaitement éclairé nos travaux. La mission dont vous avez la charge, monsieur le ministre, justifie notre plein soutien. Nos citoyens ont besoin de sécurité, dans un espace de liberté qu’ils revendiquent aussi.

Sur les quatre programmes, les crédits de la mission sont en hausse légère de 2,4 % – c’est-à-dire de 0,7 % hors inflation. Nous nous interrogeons essentiellement sur les emplois. Dans le cadre de la seconde tranche de recrutement des 10 000 postes de sécurité sur l’ensemble du quinquennat, 2 500 personnes seront recrutées en 2019. Pour rappel, elles étaient 1 400 dans la police et 500 dans la gendarmerie en 2018. Nous saluons ce qui constitue une mesure importante de votre budget, mais nous nous interrogeons sur la possibilité d’atteindre cet objectif, alors que la Cour des comptes a dénoncé une sous-exécution du plafond d’emplois pour 2018.

J’ai deux questions : quelle évaluation faites-vous des brigades territoriales de contact ? D’autre part, l’usage des caméras-piétons a fait l’objet d’une expérimentation et je regrette de ne pas disposer d’une évaluation plus fine : les images sont-elles prises en compte dans les procédures judiciaires ? Est-ce efficient ? L’implication dans ces procédures est-elle à la hauteur de nos attentes ? Sans douter de l’intérêt de ces caméras-piétons, je reste persuadée qu’une évaluation, réalisée en externe, objective et indépendante, aurait toute son importance.

M. Philippe Dunoyer. La mission « Sécurités » concerne l’une des prérogatives essentielles de l’État, la protection de nos concitoyens ; elle a pour priorité la lutte contre le terrorisme, contre toutes les formes de délinquance et contre l’insécurité routière. Avec 13,6 milliards d’euros à périmètre constant, le budget est en légère hausse, de 2,4 % par rapport à 2018. Cette progression, amorcée ces dernières années, est pleinement justifiée dans un contexte de menace terroriste qui exige un investissement continu de la part de la police et de la gendarmerie.

On peut saluer la volonté du Gouvernement d’assurer une présence accrue des policiers sur le terrain, notamment par la poursuite du plan de création de 10 000 postes, qui se traduira en 2019 par le recrutement de 2 500 policiers et militaires et la hausse du budget de fonctionnement, qui progresse de près de 2 % en crédits de paiement. Toutefois, le tableau « Évolution des emplois » montre que si les effectifs de la police nationale augmentent de 1 735 ETP en 2019, les hauts fonctionnaires, corps de conception et de direction et corps de commandement de la police nationale, verront leur nombre baisser de 399 ETP, tandis que les adjoints de sécurité perdront 54 ETP.

Nous devons prêter attention à la juste répartition des effectifs sur l’ensemble du territoire. Je tiens à relayer la question posée par Jean-Christophe Lagarde la semaine dernière au Premier ministre : à Paris, les effectifs sont quatre fois supérieurs à ceux de la Seine‑Saint‑Denis ; or assurer la même protection des citoyens en tout lieu du territoire devrait être une priorité. Pouvez-vous nous indiquer comment vous comptez agir en ce sens ?

Les crédits alloués à cette mission devraient aussi permettre le déploiement de la police de sécurité du quotidien, qui a débuté le 8 février. La Nouvelle-Calédonie est le seul territoire d’outre-mer admis à bénéficier de ce dispositif, qui accentuera la collaboration entre les forces de l’ordre et la police municipale, en se rapprochant du terrain et des acteurs locaux, sur un territoire où les mineurs sont à l’origine de la moitié des faits de délinquance de proximité – une donnée particulièrement inquiétante.

En matière de sécurité civile, le rapporteur pour avis a évoqué la baisse des effectifs de sapeurs-pompiers volontaires, alors que leur action représente les deux tiers des interventions réalisées en France. Leur nombre est passé de 204 000, il y a une dizaine d’années, à 194 000. La situation est d’autant plus préoccupante qu’un arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne du 21 février dernier les assimile désormais à des travailleurs, au sens de la directive européenne 2003/1988/CE qui fixe le temps de travail à 48 heures hebdomadaires, avec une durée minimale de repos de 11 heures consécutives par 24 heures. Comme l’a souligné Pierre Morel-À-L’Huissier, cette décision sera difficilement applicable, l’engagement des sapeurs-pompiers volontaires devant être constant et leur implication étant nécessaire au fonctionnement de nos centres de secours. Comment le Gouvernement prendra‑t-il en compte cette nouvelle disposition ?

L’un des objets louables de cette mission est d’intensifier la lutte contre l’insécurité routière. Après deux ans de baisse continue, la mortalité sur les routes a de nouveau augmenté à partir de 2014, et malgré sa stabilisation en 2017, nous devons rester mobilisés. Je tiens à appeler votre attention sur la situation désastreuse en Nouvelle‑Calédonie, laquelle détient le pire ratio de mortalité routière, avec 29 morts pour 100 000 habitants, contre 7 morts pour 100 000 en métropole. Avec ses 6 000 kilomètres de routes, notre île dispose seulement de deux radars mobiles embarqués et est dépourvue, selon mes informations, de tout radar fixe. Vous avez indiqué que 4 700 radars seraient attribués aux forces de l’ordre en 2019. Je réitère donc la demande faite par Philippe Gomès à votre prédécesseur : serait-il possible de lancer une mission d’audit afin de déterminer les modalités techniques et les moyens organisationnels qui permettraient de doter notre territoire d’un réseau de radars fixes ?

Le groupe UDI, Agir et Indépendants votera en faveur des crédits alloués à la mission « Sécurités ».

M. Ugo Bernalicis. J’ai beaucoup de choses à dire, et je commencerai par les moyens humains. Par une formule un peu alambiquée, on nous explique suivre la trajectoire prévue, la création de 10 000 postes sur le quinquennat, soit en moyenne 2 000 postes par an. Or dans le projet annuel de performance (PAP) figurent seulement 832 postes – 824 pour la police nationale, huit pour la gendarmerie nationale, si l’on tient compte des reports de l’année précédente. Pour la gendarmerie, la variation entre le PAP 2018 et le PAP 2019 est de 516 EPTP en moins. Il est donc certain que l’objectif de 10 000 effectifs supplémentaires à la fin du quinquennat ne sera pas atteint. Pourtant, on pourrait renforcer le dispositif de substitution d’emplois de personnels actifs : placer sur le terrain des personnels administratifs ne demande pas beaucoup de temps et ne coûte pas cher. Ce n’est qu’une question de volonté politique, comme je l’ai dit, sans être tellement entendu, au ministre précédent.

Le problème de recrutement tient aussi au fait que les écoles de police sont en nombre insuffisant. La durée de formation est passée de douze à neuf mois, pour augmenter au maximum le nombre de promotions, le niveau de recrutement est tombé à 8 sur 20 de moyenne au concours ! Qu’est-on en train de faire ? J’avais réussi à arracher de la bouche de Gérard Collomb que l’on construirait deux nouvelles écoles de police, cela a été évoqué dans des conférences de presse, mais je n’en vois pas trace dans le budget ! Il faudrait s’y mettre, car le temps de les construire, c’est peut-être nous qui récupérerons les nouveaux effectifs en 2022 ! (Sourires.)

M. Christophe Castaner, ministre de l’Intérieur. Nous vous le souhaitons !

M. Ugo Bernalicis. Je me le souhaite aussi ! (Sourires.)

Je note également que les heures supplémentaires représentent l’équivalent de 13 000 ETPT dans la police nationale ! Il est temps de s’attaquer à ce sujet majeur et de mettre les moyens là où on en a besoin. Certes, on augmente les effectifs, les budgets de fonctionnement ne suivent pas.

La dernière circulaire de budgétisation de votre ministère demande aux services de police, pour ne prendre que le périmètre « police nationale », de baisser leur budget de fonctionnement de 2 %. Mais comment faire lorsque l’on est déjà « à l’os » sur chaque unité budgétaire ? On ne peut plus prendre sur le carburant ; on ne peut plus prendre sur le renouvellement du parc informatique – on s’est engagé à le renouveler tous les six ans, une obligation comptable depuis la dotation aux amortissements ; et, dans une injonction paradoxale, on explique qu’il faut réduire la voilure sur les forfaits mobiles alors que le nombre de tablettes NEO augmente. On marche sur la tête ! Je ne comprends pas que l’on puisse demander aux services de faire des économies de fonctionnement alors que le budget est en hausse.

Vous parlez d’effectifs supplémentaires, mais les faits sont têtus. Les policiers et les gendarmes sont certes plus nombreux sur le terrain, mais de moins en moins bien équipés. Dans la gendarmerie, les caméras-piétons tournent entre les équipages, et il n’y en a qu’une par équipe d’intervention. Entre les effets d’annonce et ce qui se passe concrètement sur le terrain, le delta est malheureusement important.

On fait de beaux discours sur la police technique et scientifique, mais il faudrait peut-être s’occuper de leur avancement pour 2018, qu’ils n’ont toujours pas obtenu. Ces fonctionnaires travaillent 40 heures et demie par semaine et sont d’astreinte une semaine durant, hors du cadre réglementaire des 11 heures consécutives de repos. Cela n’émeut peut‑être personne, mais ils sont placés dans des situations de stress et de danger, sans être toujours accompagnés d’un personnel actif. Encore une fois, les faits sont têtus.

Enfin, je ne crois pas que vous vous fichiez de la transition écologique au ministère de l’Intérieur,…

M. Christophe Castaner, ministre de l’Intérieur. Pas de faux procès !

M. Ugo Bernalicis. …mais les milliers de nouveaux véhicules dont seront dotés les services de police et de gendarmerie rouleront-ils au diesel ?

M. Stéphane Peu. Je crois me souvenir que ce budget est l’un des rares pour lesquels le groupe de la Gauche démocrate et républicaine ait voté en 2017 : l’augmentation était notable, le Gouvernement s’était engagé à recruter de nouveaux effectifs et à faire évoluer sa doctrine, avec la police de sécurité du quotidien.

Cette année, le budget est encore en augmentation. L’essentiel de la hausse porte sur les effectifs, mais je partage les propos d’Ugo Bernalicis : quels sont les effectifs en augmentation nette ? L’évolution est moindre sur le matériel. Or dans nos quartiers, les habitants souffrent de voir les policiers poursuivre de grosses cylindrées dans des Kangoo brinquebalantes, sous le sourire narquois des délinquants. Je ne parle même pas de l’état de nos commissariats, que les inspecteurs de salubrité de nos mairies pourraient fermer dans leur grande majorité.

Ces quatre prochaines années, je reviendrai autant de fois que nécessaire sur la situation en Seine-Saint-Denis. Un rapport parlementaire est sorti sur l’exercice des missions régaliennes – police, justice et éducation – dans ce département. Il fait l’unanimité sur tous les bancs. La situation de rupture totale d’égalité républicaine est objectivée par l’ensemble des personnes ayant participé à cette mission parlementaire. Jean-Christophe Lagarde a interrogé le Premier ministre sur le différentiel d’effectifs de policiers entre Paris et la Seine‑Saint‑Denis, j’ai moi-même posé une question d’actualité à Édouard Philippe sur le même sujet.

Pendant ce temps, les morts s’accumulent et les quartiers de non-droit se renforcent. Nous demanderons que les efforts consentis pour rétablir l’égalité républicaine en Seine-Saint-Denis soient désormais spécifiés dans les budgets de la justice, de la police et de l’Éducation nationale. Ce n’est pas votre gouvernement qui est mis en cause par le rapport, puisque notre mission parlementaire a regardé ce qui se fait depuis quinze ans ; par contre, nous interpellons votre gouvernement sur ce qui sera fait dans les quatre ans qui viennent pour tenter de rétablir la situation. Il n’y a pas d’acrimonie dans notre propos, seulement la volonté de corriger quelque chose. Sans cet effort, nous irons droit à la catastrophe.

Pour la police de sécurité du quotidien, grande promesse du Gouvernement, trente quartiers ont été retenus – quinze dans un premier temps, quinze dans un second –, mais un seul, à cheval sur Aulnay-sous-Bois et Sevran, pour la Seine-Saint-Denis ! Le département fait figure, une fois de plus, de grand oublié. Les 20 000 habitants de ce microquartier ne représentent que 0,25 % des 860 000 habitants concernés par le dispositif. La Seine‑Saint‑Denis ne pèse donc que 0,25 % de l’effort qui sera fait pour la police de sécurité du quotidien, alors que c’est, à l’évidence, l’un des départements qui méritent le plus d’efforts dans ce domaine. Non seulement on ne corrige pas le décalage ou le différentiel, mais on l’accentue, on l’aggrave !

Est-il envisageable de réviser cette implantation, qui, sous votre prédécesseur, a davantage obéi à des préoccupations politiques, ou politiciennes, qu’au sens de l’État et de la sécurité de nos concitoyens ? C’est ainsi que j’interprète, monsieur le ministre, la liste des trente quartiers retenus.

 La préfecture de police procède à des mutualisations qui se traduisent par des fermetures de commissariats le week-end et la nuit, dans certaines villes de Seine‑Saint‑Denis. Envisagez-vous de mettre un coup d’arrêt à cette rétraction de la sécurité dans ce département ?

Enfin, une ligne budgétaire était consacrée à l’installation d’une antenne de l’Institut national de la police scientifique et d’un commissariat à Saint-Denis, avec un premier volet de financement en 2018. Est-il normal, ou inquiétant, que la suite ne figure pas dans le budget pour 2019 ?

Mme Élodie Jacquier-Laforge. Nous saluons l’augmentation des crédits consacrés à la sécurité, une priorité pour les Français. Cela se traduit par des moyens humains supplémentaires, avec la création de 10 000 postes et la mobilisation de 1 300 policiers et de 500 gendarmes dans vingt départements prioritaires pour la police de sécurité du quotidien (PSQ), par davantage de moyens matériels. La suppression des tâches indues permet de libérer du temps, d’accroître la visibilité des agents sur le terrain et de mener des actions de prévention. D’autres ont évoqué avant moi les soixante quartiers de reconquête républicaine, des éléments essentiels aujourd’hui.

Je souhaite revenir sur l’amélioration du traitement des appels d’urgence Police Secours, dont vous avez rapidement indiqué les axes, monsieur le ministre. Pouvez-vous détailler ce point et dresser un bilan de la plateforme des appels d’urgence, expérimentée à Paris depuis novembre 2016, qui centralise le 17, le 18 et le 112 ? Êtes-vous favorable au développement de dispositifs identiques ailleurs sur le territoire français, et dans quelles zones ?

Vous souhaitez aussi favoriser un rapprochement avec le SAMU. On sait que des initiatives locales existent, mais uniquement sur les appels d’urgence médicale. On a également évoqué la gestion des SMS, qui pourraient, en cas de crise grave et face à une saturation des réseaux, permettre de signaler des faits et améliorer la réactivité des services de police et de gendarmerie. Cela fait-il partie des axes de travail ?

Enfin, en matière de sécurité routière, le nombre de morts et de blessés sur les routes a stagné ; il était même en hausse précédemment. Je tiens à saluer la volonté forte du Gouvernement d’infléchir ces courbes. Tous nos concitoyens sont concernés !

M. Christophe Castaner, ministre de l’Intérieur. M. Matras l’a dit, 4 000 postes seront concernés par la substitution d’ici à la fin du quinquennat. En 2018, 800 policiers et gendarmes auront été redéployés des tâches administratives vers les tâches opérationnelles, ce qui aura permis de réaliser 8 millions d’euros d’économies, de renforcer l’efficacité, mais aussi d’apporter davantage de satisfactions aux agents concernés. Au besoin, nous mettons à leur disposition des accompagnements en matière de formation pour transformer le poste et faire évoluer le dispositif.

Sur les bombardiers d’eau, je confirme que nous avons engagé un plan d’investissement de 380 millions d’euros. Le premier Dash 8-Q400 sera livré avant l’été pour être opérationnel durant la saison des feux 2019. Les cinq autres appareils seront progressivement livrés jusqu’en 2022.

M. Ciotti m’a assez peu interrogé, mais il a décrit, avec ses mots, une situation que nous connaissons bien. Peut-être Gérard Collomb a-t-il fait son meilleur discours lors de son départ, mais si M. Ciotti avait pris la peine de l’écouter auparavant, il l’aurait entendu répéter ce qu’il n’a jamais cessé de dire pendant les quinze mois qu’il a passés à la tête de ce ministère. C’est à partir de ce diagnostic, de ce constat, de cette inquiétude, de ces tensions sur le terrain qu’il a proposé des outils, dont nous poursuivons le financement entamé dans le budget pour 2018. Les quartiers de reconquête républicaine sont la réponse à ce diagnostic. Ne faisons pas dire à Gérard Collomb qu’il aurait découvert cette situation en partant, il a été constant sur ce sujet et a pu le réaffirmer à de nombreuses reprises.

Pour M. Ciotti, ce budget est très classique, et d’une grande banalité : peut-être est-il nostalgique de l’époque où l’on supprimait 12 500 emplois et nous conseille-t-il de faire ce choix aujourd’hui ?

Qualifier d’opérations de communication, de subterfuges ou d’effets d’annonce les augmentations d’effectifs, c’est mal connaître la réalité. Dimanche matin, j’étais à Champigny‑sur‑Marne pour apporter mon soutien aux policiers insultés dans une vidéo purement scandaleuse. Ils m’ont dit que l’arrivée sur le terrain de 25 policiers en complément des effectifs avait changé leur vie. Aucun n’a parlé de subterfuge ou d’effet d’annonce.

Comme inscrit dans le budget 2018, 1 443 policiers ont bien été embauchés. Ils passent par la formation. Vous pouvez, munis de votre pouvoir de contrôle, consulter chacune des 1 443 fiches de paie ; elles sont à votre disposition. Les fiches de paie, elles, ne mentent pas !

Madame Untermaier, vous aussi m’avez interrogé sur les objectifs de recrutement. Je l’ai dit dans mon propos liminaire ce matin, cette politique de recrutement a été engagée depuis 2015 pour reconstituer les forces, affaiblies précédemment par d’autres choix. Oui, les objectifs de recrutement de 2018 seront bien atteints, avec 2 000 ETP ; ceux de 2019 le seront tout autant puisque le PLF comprend les crédits nécessaires pour le recrutement de 2 500 ETP.

L’enregistrement des caméras-piétons peut être exploité dans les procédures judiciaires. Cela nécessite un apprentissage. Tous les policiers que j’ai interrogés à ce sujet m’ont expliqué que la simple présence de la caméra-piéton avait pour vertu de prévenir les actes et de faire baisser la tension. C’est bien là l’objectif, et si elle peut de surcroît permettre de résoudre des enquêtes, nous nous en réjouissons. Voilà pourquoi 11 200 caméras ont été acquises en 2018 et 4 000 le seront en 2019.

Monsieur Dunoyer, vous m’avez posé des questions techniques et ciblées sur la Nouvelle-Calédonie. Le bilan en matière de sécurité routière est mauvais, la mortalité étant quatre fois supérieure à celle de la métropole. Il convient de noter que les mauvais comportements sont à l’origine de nombreux décès : le défaut de port de la ceinture explique 73 % des décès, contre 23 % en métropole, et 60 % des accidents mortels impliquent la consommation d’alcool, contre 29 % en métropole.

Il n’a pas été envisagé d’installer des radars fixes en raison de l’absence de réseau électrique à proximité des emplacements où les contrôles auraient été pertinents et de la difficulté anticipée d’assurer leur maintien en condition opérationnelle. En revanche, les forces de l’ordre utilisent actuellement six radars mobiles. Il faut savoir que le droit calédonien ne permet pas la mise en place de contrôles automatisés, dans la mesure où le principe de responsabilité pécuniaire du propriétaire du véhicule n’existe pas. C’est un problème de droit sur lequel nous pouvons peut-être travailler avec le gouvernement local. Mes services sont évidemment disponibles pour trouver des solutions.

La Nouvelle-Calédonie, comme tous les territoires français, est concernée par la mise en place de la police de sécurité du quotidien. Nous avons choisi de cibler les renforts, plutôt que de les éparpiller : douze gendarmes viendront renforcer le secteur de Koné, avec des moyens sécurisés motorisés : 25 véhicules blindés de type 4x4 seront livrés dans ce cadre ; la circonscription de sécurité publique de Nouméa a bénéficié du renfort de 22 policiers adjoints de sécurité entre la fin de l’année 2016 et la fin du mois de juillet 2018, conformément aux engagements pris par la majorité précédente dans le cadre du plan sécurité outre-mer. Nous pourrons travailler ensemble pour faire évoluer certains dispositifs.

Monsieur Bernalicis, sans être certain d’y parvenir, je tenterai de vous convaincre, non de votre aspiration à devenir ministre de l’Intérieur, mais de la confusion à ne pas faire entre les plafonds d’emplois – le nombre maximum d’ETP autorisés en fin d’année – et le schéma d’emplois – la variation annuelle des emplois. La loi de finances pour 2018 prévoyait le recrutement, que vous auriez pu voter, de 2 000 fonctionnaires : 1 376 postes dans la police, 459 dans la gendarmerie et 65 dans la sécurité civile.

Je veux vous rassurer : dès lors que des moyens budgétaires sont prévus et budgétés, personne n’a intérêt à ce qu’ils ne soient pas réalisés ! Un ministre qui se bat pour obtenir son budget ne veut pas qu’il soit réduit l’année suivante s’il n’a pas utilisé tous les crédits. Gérard Collomb a fait en sorte que le plan de recrutement, qui va se poursuive d’ici le 31 décembre, soit opérationnel. À mon tour, et parce que je crois à la présence humaine sur le terrain, je ferai en sorte que le plan de recrutement pour 2019 soit opérationnel.

Il faut former et équiper rapidement ces nouveaux personnels. Je ne me souviens pas que vous ayez réussi à arracher à Gérard Collomb la création de deux écoles. Celle-ci n’est pas prévue, car nous avons choisi d’aller vite. Au lieu de prendre quatre ou cinq ans pour créer une école, nous avons préféré optimiser la capacité des centres existants.

M. Ugo Bernalicis. Je ne suis pas d’accord !

M. Christophe Castaner, ministre de l’Intérieur. Malgré vos aspirations, vous n’êtes pas encore responsable du budget. Dix millions d’euros seront mobilisés d’ici à 2020 pour renforcer les capacités d’accueil des écoles existantes.

Enfin, personne n’a demandé aux services de préparer des budgets réduits de 2 %. Peut-être confondez-vous avec la réserve de précaution, qui est mise en œuvre comme tous les ans ?

M. Ugo Bernalicis. Ce sont pourtant les faits !

M. Christophe Castaner, ministre de l’Intérieur. Je ne vous ai pas interrompu, j’ai écouté attentivement votre démonstration.

M. Ugo Bernalicis. C’est une discussion budgétaire, vous pouvez souffrir la contradiction !

M. Christophe Castaner, ministre de l’Intérieur. Soyez patient, vous n’êtes pas encore ministre de l’Intérieur.

M. Ugo Bernalicis. Cela va venir !

M. Christophe Castaner, ministre de l’Intérieur. Je sais que vous en êtes intimement convaincu. M. Ciotti pourra alors s’interroger pour savoir si vous êtes taillé pour le poste…

Le rabot, une technique pratiquée depuis de trop longues années dans nos collectivités locales et au niveau de l’État, n’est pas dans notre culture. Les demandes budgétaires qui remontent des services font l’objet de discussions, d’abord en interne, avant d’être validées par Bercy. Elles sont ensuite votées par le Parlement. Je vous rappelle d’ailleurs que le document qui vous est présenté aujourd’hui n’est pas forcément celui qui sera voté in fine par le Parlement. Une réserve de précaution peut ensuite être mobilisée.

M. Ugo Bernalicis. Elle est de 3 %.

M. Christophe Castaner, ministre de l’Intérieur. Lorsque j’étais commissaire aux finances, elle était de 8 %. Ces 3 % ne représentent pas une baisse. Si le budget augmente de 10 % et que vous appliquez un gel de 2 %, le chiffre reste largement supérieur à celui de l’année précédente. Cette préparation budgétaire n’a rien à voir avec une baisse de 2 % qui serait demandée à l’ensemble des services.

Monsieur Peu, je comprends votre motivation, déjà perceptible ce matin. Je suis ministre de l’Intérieur, mais j’ai le souvenir d’avoir été député des Alpes-de-Haute-Provence. Le département avait besoin d’être défendu sur beaucoup de fronts, mais je me sentais député de la nation. Le député doit se faire le promoteur et le défenseur de son territoire, tout en conservant une approche globale.

Sur l’augmentation des effectifs, je rappelle que nous recrutons actuellement 1 835 effectifs nets supplémentaires et que nous poursuivrons cet effort. L’écart entre les 2 000 et les 2 500 postes résulte de la baisse des effectifs que nous avons décidée dans les cabinets des états-majors – 100 postes environ chaque année – et des transferts d’emplois d’autres missions, comme en 2018, le transfert d’emplois de policiers au ministère de la justice pour le service national des écoutes judiciaires. Ce sont de petits mouvements, sur lesquels je puis vous donner davantage d’informations.

Le préfet de police de Paris m’a présenté récemment la mesure de mutualisation, qui implique la fermeture des commissariats de petite couronne le soir et les week-ends. Cela permet de maintenir les effectifs sur le terrain, sur des surfaces de compétences plus larges. Mais les élus, et je ne pense pas que vous les contredirez, n’ont pas eu le sentiment que la présence était renforcée sur le terrain. Il s’agit d’un dispositif qui a moins d’un an ; nous pouvons en demander le bilan, afin d’évaluer les conséquences de la mutualisation et vérifier si elles sont conformes aux objectifs. Au cas contraire, nous reviendrons en arrière.

Au-delà des quartiers de reconquête républicaine (QRR), dont j’arrêterai prochainement la liste de seconde vague, nous nous efforçons de rapprocher systématiquement l’allocation des effectifs avec la cartographie de la délinquance. L’idée est de construire une approche qui soit différente d’un quartier à l’autre : on ne traite pas votre circonscription comme on traite les Alpes-de-Haute-Provence, on ne traite pas le quartier de l’Ariane dans les Alpes-Maritimes comme on le fait du nord de la circonscription de M. Ciotti. Il est essentiel de donner aux responsables locaux, en lien avec les élus, le soin de définir les besoins. Je vous rappelle que les QRR représentent 1 800 effectifs sur les 10 000 nouveaux postes et que le 93 bénéficie aussi du remploi, au titre des autres compétences.

M. Stéphane Peu. 0,25 % !

M. Christophe Castaner, ministre de l’Intérieur. Je vous ai bien entendu, ce matin et à l’instant. Je ne nie pas le constat, je suis d’accord avec vous sur la photographie. Je vous invite à prendre de la hauteur, sans négliger le territoire, que vous connaissez mieux que moi.

Madame Jacquier-Laforge, vous m’avez demandé de revenir sur la constitution des centres d’appel. Le Gouvernement a orienté ses travaux vers des plateformes mutualisées, associant les services de sécurité et de secours, comme cela existe dans de nombreuses métropoles européennes, Madrid, Séville ou Milan. Ces plateformes pourraient être supra‑départementales et les outils numériques permettraient même qu’elles ne soient pas physiques.

Le ministère de l’Intérieur a avancé la réflexion dans son propre périmètre : il a engagé en juin une démarche associant les trois directions, direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises (DGSCGC), direction générale de la police nationale (DGPN), direction générale de la gendarmerie nationale (DGGN) et préfecture de police de Paris. Il s’agit de définir un modèle organisationnel de plateforme et les systèmes d’information associés pour l’équipement des salles de commandement. L’objectif est de disposer d’une plateforme test avant la fin de l’année 2019 : les expérimentations en situation réelle permettront de valider ou d’amender un système unifié de réception des appels avec un numéro unique d’urgence, de type « 112 ».

Nous devons aussi sortir du ministère et voir dans quelle mesure on peut inclure le SAMU dans ces réflexions. Le rapport d’inspection de l’Inspection générale de l’administration (IGA) et de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS), qui sera remis prochainement, doit nous permettre d’y voir plus clair. Je pourrai, si vous le souhaitez, en évoquer le contenu devant vous. Actuellement, il existe neuf plateformes communes au « 15 » et au « 18 », dont deux, virtuelles, sont déjà en place et sept autres en projet. Le ministère de l’Intérieur est évidemment très favorable à cette démarche de mutualisation. Nous n’excluons pas du tout de l’approfondir dans notre propre périmètre, si elle s’avère techniquement possible et ne fragilise pas le système mis en place par le ministère de l’Intérieur. Parfois, ce qui paraît simple, comme un numéro unique, peut engendrer des désordres. Prenons garde à ne pas fragiliser un système, certes perfectible, mais qui fonctionne !

Mme Nicole Dubré-Chirat. Lancée en 2013 avec la nouvelle feuille de route pour la gendarmerie afin de simplifier et de moderniser les modes d’action des gendarmes pour les recentrer sur leur cœur de métier, au contact de la population, la transformation numérique a été érigée au rang de priorité stratégique pour la gendarmerie nationale. Cette démarche, désormais bien engagée, constitue un processus global et transversal porté par l’ensemble des directions et des services de la gendarmerie mais aussi par les personnels eux‑mêmes.

Animée par l’ambition de doter chaque gendarme d’un équipement numérique sécurisé, la gendarmerie souhaite favoriser l’exécution du service en tout temps et tout lieu. Plus mobile et plus réactif, le gendarme devient brigade et offre à ses concitoyens une nouvelle proximité.

Cet objectif est poursuivi dans ce PLF pour 2019 : le dispositif monte en puissance avec plus de 4 000 enquêteurs numériques pilotés par le centre de lutte contre les criminalités numériques (C3N).

Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous en dire plus sur les nouvelles technologies qui seront développées grâce à l’affectation des crédits du présent budget ?

Mme Catherine Kamowski. L’augmentation des crédits alloués aux forces de sécurité dans ce projet de loi de finances constitue un signal fort et remarqué. Elle témoigne de la volonté du Gouvernement de lutter contre l’insécurité.

Ma collègue Alexandra Louis, qui ne pouvait être parmi nous cet après-midi, et moi-même aimerions appeler votre attention sur Marseille et Grenoble, monsieur le ministre.

Lors d’une récente visite à Grenoble, votre prédécesseur avait annoncé un renforcement des effectifs policiers. Les parlementaires et les élus locaux de la région grenobloise espèrent qu’il est toujours à l’ordre du jour. Le fait que vous visiez une augmentation globale des effectifs et des moyens alloués aux forces de l’ordre est de nature à nous rassurer.

À Marseille, des habitants témoignent d’un sentiment d’abandon. Certains secteurs de la ville concentrent les difficultés – taux de chômage élevé, taux de pauvreté supérieur à la moyenne nationale, copropriétés dégradées – et sont touchés par une insécurité chronique – trafic de stupéfiants à ciel ouvert, incivilités, violences et menaces. Beaucoup d’habitants ne prennent d’ailleurs même plus la peine de porter plainte et se résignent.

Monsieur le ministre, pourriez-vous nous préciser les moyens que vous entendez consacrer au déploiement de la police de sécurité du quotidien dans ces territoires spécifiques ? Il est urgent que la République et les représentants de l’État en redeviennent le centre névralgique.

M. Olivier Marleix. Monsieur le ministre, je tiens à vous indiquer qu’à titre personnel je voterai les crédits de la mission « Sécurités ». Ils constituent incontestablement des moyens supplémentaires qu’il faudra, évidemment, savoir mobiliser, ce qui suppose de faire preuve de volonté. Comme vous n’avez pris vos fonctions que depuis huit jours, je vous accorde le bénéfice du doute…

Ma première question porte sur l’impact de la directive « Temps de travail ». Le général Lizurey, lors de son audition devant la commission de la défense, a estimé que cela entraînerait la suppression de 4 500 emplois ; Philippe Dominati, au Sénat, a cité le chiffre de 6 000 emplois, soit une baisse capacitaire de 5,5 %. Une instruction provisoire a été publiée en 2016. Si le statu quo l’emporte, quel impact, selon vous, aura la transposition de la directive en termes d’emploi ?

Ma deuxième question concerne les nouveaux outils technologiques développés au sein du ministère de l’Intérieur. L’expérience de NéoGend dans la gendarmerie est assez probante : des moyens importants ont été consacrés à ce dispositif – plus de 60 millions d’euros – dont le déploiement est près d’être achevé. Pour ce qui est de la police nationale, j’ai le sentiment que NéoPol n’est pas aussi avancé. Pourriez-vous nous en dire plus ?

M. Mansour Kamardine. Depuis le début de la nouvelle législature, je n’ai cessé d’appeler l’attention du Gouvernement sur la situation préoccupante de Mayotte.

Mme la présidente s’y est rendue avec une délégation de notre commission et en est revenue complètement retournée. Je n’ai pas réussi à faire venir M. Collomb, mais j’espère vous voir, monsieur le ministre : vous vous rendrez compte à quel point Mayotte est éloignée des standards de la métropole.

Vous avez dit tout à l’heure en parlant d’un département qu’il devait trouver toute sa place dans l’approche globale que met en œuvre le Gouvernement. Je souhaite qu’il en aille de même pour mon département.

La population officielle de l’archipel est de 265 000 habitants mais sa population réelle s’élève à 400 000 habitants, autrement dit cela fait grandement varier le ratio entre forces de l’ordre et nombre d’habitants. À cela s’ajoutent les risques naturels : plus de 60 % des habitations sont construites dans des zones à risques.

Quels sont les moyens mobilisés à Mayotte pour la sécurité civile ? Quels objectifs poursuivez-vous ? Pouvons-nous espérer que nous nous rapprocherons des standards de la métropole ?

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Monsieur Kamardine, je ne dirais pas que j’aie été « complètement retournée » par ce que j’ai vu à Mayotte, mais j’estime que notre mission a été extrêmement intéressante. Nous en ferons un compte rendu qui me donnera l’occasion de préciser quel a été notre sentiment.

M. Stéphane Peu. Monsieur le ministre, vous m’avez invité à prendre de la hauteur et je vais m’y efforcer. Avouez toutefois que je serais un piètre député si, au moment d’examiner les crédits de la mission « Sécurités », je n’évoquais pas la singularité de ma circonscription, qui est la plus criminogène de France et qui compte une ville de 100 000 habitants qui est parmi les plus criminogènes de France dans sa catégorie.

Je tiens à repréciser mes questions.

Je suis prêt à vous accorder le bénéfice du doute moi aussi et j’aimerais savoir si vous considérez qu’il est juste que, parmi les trente quartiers de reconquête républicaine, la Seine-Saint-Denis ne représente que 0,25 % des habitants concernés. Vous connaissez pourtant tous les caractéristiques de ce département du point de vue de la délinquance et les enjeux que cela implique en termes de lien de confiance entre la population et la police.

Enfin, les financements pour la construction du nouveau commissariat de Saint‑Denis et du site de l’Institut national de la police scientifique (INPS) seront-ils assurés cette année ? Les crédits de la première tranche figuraient dans le « bleu » budgétaire de l’année dernière mais je ne vois pas ceux correspondant à la deuxième dans celui de cette année – sans doute ma question est-elle naïve.

M. Philippe Dunoyer. Je vous remercie, monsieur le ministre, pour les réponses précises que vous avez apportées à ma question sur la sécurité routière en Nouvelle‑Calédonie. Il faudra que je vérifie certains éléments. Le fait qu’on vous indique que certaines zones ne sont pas électrifiées pourrait laisser penser que nous sommes assez en retard en ce domaine, alors que cela ne me semble pas être le cas.

Si la réglementation ou la législation calédonienne doit évoluer, elle évoluera. La Nouvelle-Calédonie s’est dotée d’un plan quinquennal de sécurité routière il y a quelques années et saura renouveler son ambition.

Je me tiens à la disposition de vos services pour travailler sur les moyens à accorder aux effectifs supplémentaires que nous avons reçus – une deuxième brigade motorisée vient de s’installer dans le Nord. Je ne suis pas un aficionado des contrôles radars et vous avez raison de pointer du doigt les causes premières de la surmortalité comme l’absence du port de la ceinture ou l’alcoolisation massive. J’estime toutefois que plus les forces de l’ordre auront des moyens, mieux nous pourrons lutter contre un fléau qui endeuille chaque année une soixantaine de familles.

M. Christophe Castaner, ministre de l’Intérieur. Tout d’abord, je dois vous indiquer, madame Kamowski, que, pour Grenoble et Marseille, je vous transmettrai des renseignements précis par écrit.

De la même manière, monsieur Kamardine, je ne dispose pas de suffisamment d’éléments chiffrés pour vous répondre aujourd’hui au sujet de la sécurité civile à Mayotte. N’y voyez aucun désintérêt de ma part. Je me réjouis d’ailleurs qu’après avoir évoqué le mépris, ce matin, vous parliez maintenant d’invitation…

M. Mansour Kamardine. Mayotte est une grande terre d’accueil, monsieur le ministre !

M. Christophe Castaner, ministre de l’Intérieur. Monsieur Peu, je vous l’ai dit tout à l’heure : dans un département qui connaît de grandes tensions comme le vôtre, il importe de trouver des moyens supplémentaires pour l’ensemble des politiques publiques. Il y aura une deuxième vague de création de quartiers de reconquête républicaine et nous aurons l’occasion d’échanger sur les secteurs de votre département. Le choix qui a été fait a consisté à identifier les territoires les plus difficiles de France et il n’y en a hélas pas qu’en Seine‑Saint‑Denis.

La transformation numérique de la gendarmerie s’appuie sur les brigades numériques. Nous avons prévu le renforcement des effectifs dédiés à la lutte contre les cybermenaces. Il s’intègre dans le plan de recrutement de 10 000 gendarmes et policiers. Les gendarmes ont reçu 67 000 smartphones et tablettes dans le cadre de NéoGend et s’en montrent très satisfaits. Nous irons encore plus loin : je suis convaincu que dans peu de temps, il n’y aura plus d’ordinateur sur le bureau des gendarmes. Tablettes et smartphones seront connectés entre eux et cela leur fera gagner du temps sur leurs tâches administratives au profit du temps consacré au terrain, au service des populations.

Il faudra consacrer un maximum de moyens à la recherche-développement et éviter la concurrence entre les services. La création d’une direction unique du numérique au sein du ministère de l’Intérieur permettra de construire, au plus près du terrain, avec des développeurs, des solutions adaptées mais aussi des outils au niveau national. Le budget que le ministère de l’Intérieur consacre à la recherche-développement est le deuxième de tous les ministères après le ministère des armées.

Il s’agit d’un ministère de personnel, et les effectifs ont souvent été privilégiés par rapport aux moyens de fonctionnement voire aux moyens d’équipement. Vous aurez remarqué que dans les propositions budgétaires qui vous sont faites, il y a toujours des moyens de fonctionnement en regard des augmentations d’effectifs.

Investir massivement dans le numérique nous permettra d’être plus efficaces et contribuera à dégager du temps à nos policiers et à nos gendarmes au profit de leurs missions fondamentales.

Monsieur Kamardine, évidemment, nous ne pouvons traiter Mayotte comme n’importe quel département. C’est le plus petit des départements d’outre-mer et c’est celui qui connait la croissance démographique la plus forte en France. Sa population est passée de 11 000 habitants en 1911, à 212 000 en 2012 et 256 000 en 2016, pour ne citer que les chiffres officiels – je ne reprends pas les autres chiffres que vous avez cités mais je ne les conteste pas non plus. Il importe de trouver des solutions adaptées.

Monsieur Marleix, NéoPol a été déployé plus tardivement que NéoGend, avec 2 000 équipements en 2016 et 28 000 en 2018. Nous visons l’objectif de 110 000 pour 2019 : 50 000 au premier trimestre et 60 000 à la fin de l’année.

Pour ce qui est du temps de travail dans la gendarmerie, l’instruction de juin 2016 pose le principe du repos compensateur de onze heures. Pour tenir compte de la particularité du statut militaire, nous n’irons pas au-delà. Cette position est la même que pour les armées. Elle a été notifiée à la Commission européenne et nous maintiendrons ce principe pour éviter tout mouvement de désaffection.

Monsieur Peu, je peux vous rassurer : le projet de regroupement du commissariat de Saint-Denis et de l’INPS est bien financé dans la programmation 2018-2020, avec une dotation de 44 millions d’euros. Le marché de travaux a été notifié. Les travaux ont même débuté ce printemps. La livraison est attendue pour décembre 2019 ou janvier 2020. C’est aussi un message envoyé à la Seine-Saint-Denis.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Monsieur le ministre, je vous remercie.

*

À l’issue de la seconde réunion du jeudi 25 octobre 2018 et après le départ de M. Christophe Castaner, ministre de l’Intérieur, la Commission examine, pour avis, les crédits de la mission « Sécurités » (MM. JeanMichel Fauvergue, rapporteur pour avis « Sécurité » et Éric Ciotti, rapporteur pour avis « Sécurité civile »).

Mme Yaël Braun-Pivet, présidente. Il appartient à la Commission des Lois, saisie pour avis du projet de loi de finances pour 2019, de se prononcer sur la mission « Sécurités ». Je rappelle que seuls peuvent voter les commissaires aux Lois.

 

 

Article 39 – État B

Mme Yaël Braun-Pivet, présidente. Nous allons d’abord examiner les amendements de crédits, qui portent sur l’état B annexé à l’article 39 du projet de loi de finances.

Suivant les avis défavorables de M. Jean-Michel Fauvergue, rapporteur pour avis sur les programmes « Police nationale » et « Gendarmerie nationale », la Commission rejette successivement les amendements nos IICL6, IICL7, IICL13, IICL12, IICL11, IICL16, IICL15, IICL14 puis IICL8 de M. David Habib.

Elle aborde ensuite l’amendement n° IICL37 de M. Éric Ciotti, rapporteur pour avis sur le programme « Sécurité civile ».

M. Éric Ciotti, rapporteur pour avis. Cet amendement vise à mettre en place le remboursement d’une fraction de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) dont s’acquittent les services d’incendie et de secours. Le programme « Sécurité civile » prévoit des dépenses en carburant des véhicules terrestres de 1,35 million d’euros, mais ne semble pas tenir compte de la hausse de la taxation du carburant décidée dans le projet de loi de finances pour 2019 : en 2019, le prix du gazole devrait augmenter de 6,5 centimes par litre, ce qui revient à une hausse d’environ 4,5 %. Cet amendement propose donc de compenser cette hausse en augmentant de 60 000 euros la dotation en carburants des véhicules terrestres au sein de l’action « Fonctionnement, soutien et logistique » du programme Sécurité civile.

M. Fabien Matras. Le groupe La République en marche votera contre cet amendement. J’ai déposé un amendement similaire en première partie du projet de loi de finances pour 2019 et je travaille actuellement avec le Gouvernement sur d’autres pistes pour traiter la question de la TICPE pour les services départementaux d’incendie et de secours.

La Commission rejette l’amendement n° IICL37.

Mme Yaël Braun-Pivet, présidente. Avant de mettre aux voix les crédits de la mission « Sécurités » pour 2019, je demande leur avis aux rapporteurs.

M. Jean-Michel Fauvergue, rapporteur pour avis. Les policiers et les gendarmes risquent quotidiennement leur vie pour notre sécurité. Ils sont les personnes sacrées de notre République. Je veux leur rendre hommage. En leur défense, je rends un avis favorable sur les crédits de la mission « Sécurités ».

M. Éric Ciotti, rapporteur pour avis. Je suis favorable, à titre personnel, aux crédits du programme « Sécurité civile ». Cependant, au regard de l’absence de prise en compte par la Gouvernement de la gravité de la situation en matière de sécurité et de l’inexistence de moyens appropriés pour y faire face, j’émets un avis défavorable sur les crédits de l’ensemble de la mission « Sécurités ».

Conformément aux conclusions de M. Jean-Michel Fauvergue, mais contrairement à l’avis de M. Éric Ciotti, la Commission donne un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Sécurités » pour 2019.

Après l’article 81

Contrairement à l’avis du rapporteur, la Commission rejette l’amendement nos IICL38 de M. Éric Ciotti.

 


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   personnes entendues

   M. Arnaud Quiniou, conseiller sécurité civile au sein de la mission opérationnelle de sécurité et de défense auprès du ministre de l’Intérieur

   M Jacques Witkowski, directeur général

   Mme Claire Chauffour-Rouillard, sous-directrice des affaires internationales, des ressources et de la stratégie

   M. Antonin Flament, chef du bureau des ressources humaines et des finances

   M. Richard Lizurey, directeur général

   M. Sébastien Thomas, chef du bureau de la synthèse budgétaire

   M. Denis Musson, conseiller sécurité civile au cabinet du directeur général

   M. Éric Morvan, directeur général

   M. François Poupard, directeur général

   M. Olivier Richefou, président du conseil départemental de la Mayenne, président de la CNSIS, président de la commission sécurité civile de l’ADF

   M. Jacques Merino, conseiller sécurités de l’ADF

   Mme Ann-Gaëlle Werner-Bernard, conseillère relations avec le Parlement de l’ADF

 

 

   M. Grégory Allione, président

   M. Guillaume Bellanger, directeur de cabinet

   M. André Goretti, président de la FA SPP-PATS

   M. Christophe Mauger, secrétaire général adjoint de la FA SPP-PATS

   M. Frédéric Monchy, vice-président du SN SPP-PATS

   M. Yael Lecras, vice-président du SN SPP-PATS

   M. Sébastien Bouvier, chargé de mission SDIS de la CFDT-INTERCO CFDT

   M. Christophe Thuot, CFDT-INTERCO CFDT

   M. Sébastien Delavoux, animateur du collectif fédéral CGT des agents des SDIS

   M. Alain Darmey, CGT des agents des SDIS

   M. Christophe Boutin, délégué général de l’ASFA

   Mme Nathalie Boivin, directeur juridique de Vinci Autoroutes

   M. Christian Ambrun, directeur juridique du groupe APRR