N° 1307

______

ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 12 octobre 2018

AVIS

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L’ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE SUR LE PROJET DE LOI (n° 1255)
de finances pour 2019

TOME VI

OUTRE-MER

PAR M. Philippe DUNOYER

Député

——

 

 

 Voir les numéros : 1255 – III – 31 et 1288 – XIII

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

En application de l’article 49 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF), les réponses au questionnaire budgétaire devaient parvenir au rapporteur pour avis au plus tard le 10 octobre 2018 pour le présent projet de loi de finances.

À cette date, 52 réponses aux 85 questions adressées étaient parvenues à votre rapporteur pour avis.

 


—  1  —

SOMMAIRE

___

Pages

introduction................................................ 5

PREMIÈRE PARTIE – Une hausse apparente du budget des outre-mer

I. une progression comptable des crédits de la mission Outre-mer

A. Le programme 138 « Emploi outre-mer »

B. Le programme 123 « Conditions de vie outre-mer »

II. Des risques de dérapage en exécution

A. La compensation des exonérations de charges patronales sociales

B. Le contentieux de létat avec EDF

C. Les engagements pris envers la collectivité de Guyane

III. Les crédits globaux en faveur des outre-mer au sein du budget

A. Une croissance continue

B. Des relations différentes entre lÉtat et chaque territoire

IV. lUnion européenne et ses concours financiers

A. Les concours européens aux régions ultrapériphériques

B. Les concours européens aux pays et territoires doutre-mer

seconde partie – Deux défis pour les outre-mer

I. Limpérative lutte contre les violences faites aux femmes

A. Un constat alarmant

1. Un contexte général plus violent

2. Des violences faites aux femmes plus fréquentes

B. Une nécessaire mobilisation des acteurs publics

1. Le rôle de lÉtat

a. Un rôle dimpulsion et de coordination

b. Des adaptations aux spécificités culturelles et linguistiques

2. Le rôle des collectivités doutre-mer

3. Les préconisations de votre rapporteur pour avis

II. La consolidation de la paix en Nouvelle-Calédonie

A. Les prescriptions de lAccord de Nouméa

B. Une consultation tenue dans les meilleures conditions

1. La constitution de la liste électorale spéciale pour la consultation (LESC)

2. Des désaccords aplanis dans le consensus

3. Des opérations minutieusement préparées et supervisées

C. Un avenir à construire ensemble

Examen en commission

Personnes entendues

 


—  1  —

 

 

 

Mesdames, Messieurs,

 

Les outre-mer font face avec constance et détermination à des défis majeurs : le développement économique et social, la réduction des inégalités, la préservation de l’environnement, le combat pour l’éducation et la culture. Une conclusion doit être tirée des longs débats qui ont eu lieu au Parlement au cours de la précédente législature, à l’occasion de la discussion de la loi ÉROM ([1]) à laquelle des députés et sénateurs de tous les horizons ont pris part avec une réelle volonté d’aboutir : il existe un objectif – un impératif même – auquel ne peuvent renoncer ces territoires, auquel la nation ne peut se soustraire. C’est l’objectif du rattrapage. C’est l’exigence, l’espérance, l’ambition, tant de fois répétées et tant de fois poursuivies, d’une égalité réelle entre tous les Français, qu’ils vivent en Europe ou sur un autre continent.

C’est à l’aune de cet engagement politique et juridique que doit être examiné le volet relatif aux outre-mer du projet de loi de finances pour 2019. L’analyse doit s’affranchir de la seule consultation du dossier de presse élaboré par le Gouvernement, qui laisse l’observateur saisi par des chiffres de progression considérables – de l’ordre de + 9 % à + 27 % suivant le programme concerné, que l’on s’exprime en autorisations d’engagement ou en crédits de paiement. La réalité est plus conforme à l’exigence d’économie qui préside depuis plusieurs années à la préparation du budget : les grandes masses des crédits des outre-mer demeurent globalement inchangés au regard du précédent exercice.

C’est par le fait de changements de périmètre et de réaffectations de crédits qu’apparaît une hausse comptable. Celle-ci résulte de la transformation à l’échelon national du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) en exonérations de cotisations sociales, mais aussi du redéploiement des financements libérés par la suppression de la TVA non perçue récupérable (TVA NPR) existant en Guadeloupe, à la Martinique et à La Réunion et du plafonnement de la réduction d’impôt sur le revenu applicable aux contribuables domiciliés dans les collectivités régies par l’article 73 de la Constitution – les départements et régions d’outre-mer. Si la première mesure, qui se borne à porter application outre-mer d’une disposition édictée pour l’ensemble du territoire national, n’appelle pas de commentaire particulier, les deux autres ne manquent pas de poser question sur le sens que le Gouvernement entend donner à l’objectif de rattrapage.

Convertir des incitations fiscales en crédits d’investissement et d’infrastructure, notamment pour aider les territoires en difficulté et pour soutenir leur tissu économique, peut avoir du sens, surtout s’il devait apparaître que les dispositifs existants manquaient d’efficacité. Toutefois, ces transferts de ressources ne se font pas à périmètre constant : les sommes supplémentaires qui seront mises à la disposition des outre-mer sont des dépenses fiscales retirées à certains d’entre eux. Sans ignorer l’importance de la préservation de l’intégralité des crédits issus de ces dépenses fiscales que l’on doit à l’engagement de la Ministre des outre-mer, la marche vers l’égalité réelle suppose une solidarité nationale renouvelée au soutien des espaces ultramarins pénalisés par l’éloignement, l’insularité, les héritages de l’histoire. La solidarité ne saurait consister à ce que l’aide apportée aux moins pauvres bénéficie désormais aux plus pauvres, au risque de faire naître des divisions entre nos territoires ultramarins. C’est d’abord et surtout au budget national dans son ensemble, à toutes les ressources de l’État, que revient la mission d’accélérer le rattrapage. Des mesures techniques d’ajustement restent possibles à l’intérieur du budget des outre-mer, mais elles seront impuissantes à répondre aux besoins de terrain et aux priorités clairement identifiées dans le Livre bleu outre-mer. Rien ne serait pire que de décevoir cette attente légitime.

Votre rapporteur pour avis a choisi de consacrer ses travaux à une dimension particulière de ce rattrapage, dans laquelle les outre-mer accusent un cruel retard sur une situation hexagonale pourtant déjà préoccupante : l’excessive prévalence des violences faites aux femmes. Toujours trop nombreuses où qu’elles se produisent, elles le sont plus encore dans les outre-mer où certains territoires connaissent une situation alarmante – notamment la Guyane, mais aussi les collectivités calédonienne et polynésienne où le taux de violence serait jusqu’à neuf fois supérieur à la moyenne nationale. Votre rapporteur pour avis a entendu les explications tenant à la géographie, à l’histoire, à divers facteurs socioculturels parmi lesquels les addictions ; s’ils expliquent en tout ou partie le phénomène, ils ne dispensent aucunement de le combattre et de poursuivre une mobilisation du corps social des outre-mer pour y mettre un terme définitif. À cette fin, votre rapporteur pour avis suggère au Gouvernement, outre une coopération renforcée avec les collectivités locales, une identification de la lutte contre les violences faites aux femmes en tant qu’action autonome du programme 123, « Conditions de vie outre-mer », afin de permettre aux parlementaires d’en suivre précisément la progression d’année en année.

Enfin, impossible de ne pas évoquer ce qui constituera sans nul doute un évènement historique à l’échelle des outre-mer : la tenue du référendum d’autodétermination du 4 novembre 2018 en Nouvelle-Calédonie. L’appel aux urnes des Calédoniens marquera une étape majeure du cycle ouvert par les accords de Matignon-Oudinot et Nouméa – cycle basé sur une notion, le rééquilibrage, qui fait parfaitement écho à l’objectif de rattrapage. La réussite du chemin parcouru depuis ces deux accords fondateur est incontestable et considérable : en trente années, la Nouvelle-Calédonie a mis fin à une guerre civile destructrice et meurtrière, restauré la paix et la concorde civile, développé son économie et posé les fondements d’une organisation institutionnelle originale propre à sauvegarder les intérêts de chacun. Le succès en revient d’abord aux populations qui, derrière la poignée de main qu’échangèrent le 26 mars 1988 Jacques Lafleur et Jean-Marie Tjibaou, ont su refermer les plaies de l’histoire. L’engagement et le rôle actif de l’État, tout au long du processus porté avec constance par les Premiers ministres successifs, de Michel Rocard à l’actuel chef du Gouvernement, doivent aussi être salués : tout est aujourd’hui en place pour que la consultation se déroule dans les meilleures conditions.

Pour autant, chacun doit comprendre que le vote du 4 novembre ne saurait réduire le chemin parcouru à une divergence autour d’un choix institutionnel plutôt qu’un autre. Au-delà, les Calédoniens cherchent avant tout à vivre ensemble sur ce territoire. En aucun cas, ce vote ne remettra en cause le destin commun qu’ils se sont choisis, en affirmant que ce qui les rassemble est plus important que ce qui les divise, comme l’a démontré encore récemment l’adoption d’une Charte des valeurs calédoniennes. Étape marquante de l’Accord de Nouméa, les citoyens seront conviés à l’issue du référendum à envisager un nouvel équilibre institutionnel, propre à respecter les intérêts et les volontés de chacun. Demain comme hier, l’État aura à œuvrer à l’apaisement et au développement de la Nouvelle-Calédonie.

 

 


—  1  —

   PREMIÈRE PARTIE – Une hausse apparente du budget des outre-mer

I.   une progression comptable des crédits de la mission Outre-mer

La mission Outre-mer du projet de loi de finances pour l’année 2019 regroupe les crédits alloués au ministère des outre-mer pour ses actions dans les territoires ultramarins.

Évolution annuelle des crédits de la Mission Outre-mer

Numéro et intitulé (programme et action)

Autorisations dengagement
(millions deuros)

Crédits de paiement
(millions deuros)

LFI 2018

PLF 2019

Variation

LFI 2018

PLF 2019

Variation

138

Emploi outre-mer

1 306,5

1 688

+ 29 %

1 333

1 691

+ 27 %

01

Soutien aux entreprises

1 057

1 375

+ 30 %

1 078

1 375

+ 28 %

02

Aides à l’insertion et à la qualification professionnelle

247

254

+ 3 %

253

258

+ 2 %

03

Pilotage des politiques des outre-mer

2,5

2,1

- 16 %

2

2

=

04

Financement de l’économie (nouveau)

Sans objet

56,5

Sans objet

Sans objet

56

Sans objet

123

Conditions de vie outre-mer

796,5

888

+ 11 %

734

800

+ 9 %

01

Logement

226

226

=

228

223

- 2 %

02

Aménagement du territoire

161

189

+ 17 %

166

174

+ 5 %

03

Continuité territoriale

41

42

+ 2 %

41

42

+ 2 %

04

Sanitaire, social, culture, jeunesse et sports

19,5

19,6

+ 1 %

20

21

+ 5 %

06

Collectivités territoriales

262

262

=

225

241

+ 7 %

07

Insertion économique et coopération régionales

1

1

=

1

1

=

08

Fonds exceptionnel d’investissement

40

110

+ 175 %

36

65

+ 81 %

09

Appui à l’accès aux financements bancaires

46

39

- 15 %

17

33

+ 94 %

Total Mission

2 103

2 576

+ 22 %

2 067

2 491

+ 21 %

Source : annexe au projet de loi de finances pour 2019.

Deux programmes composent la mission Outre-mer :

– le programme 138 « Emploi outre-mer » comprend désormais quatre actions, puisqu’aux dotations destinées au soutien des entreprises ultramarines, aux dispositifs d’aide à la formation professionnelle et aux moyens de pilotage des politiques publiques s’ajoutent désormais les crédits consacrés au financement de léconomie dont l’objectif consiste à pallier les défauts du marché de l’offre bancaire d’investissement dans les outre-mer ;

– le programme 123 « Conditions de vie outre-mer » compte huit actions dont les crédits destinés au financement des dispositifs propres aux outre‑mer (aménagement du territoire, fonds exceptionnel dinvestissement, aides au logement, continuité territoriale, coopération régionale, dispositifs sanitaires, culturels et sociaux, accès au financement bancaire) ainsi que le soutien à linvestissement des collectivités territoriales.

Le projet de loi de finances pour 2019 voit les crédits de la mission Outremer s’élever à 2,576 milliards d’euros en autorisations d’engagement (AE), soit une hausse de 22 % par rapport à l’exercice 2018, et à 2,491 milliards d’euros en crédits de paiement (CP), ce qui correspond à une hausse de de 21 %.

Crédits votés en loi de finances pour la mission Outre-mer

(en millions d’euros)

Année

2008

2009

2010

2011

2012

2013

CP

1 620

1 871

2 023

1 977

1 966

2 039

Année

2014

2015

2016

2017

2018

2019

CP

2 058

2 062

2 016

2 066

2 067

2 491

Source : réponse au questionnaire budgétaire adressé au Gouvernement pour le projet de loi de finances 2017. Les chiffres votés en 2017 sont issus du projet annuel de performances pour 2018. Les chiffres votés en 2018 et demandés en 2019 sont issus du projet annuel de performances pour 2019.

Cette progression, de prime abord remarquable, s’explique par la conjonction de trois évolutions et modifications de périmètre, de sorte que les sous-jacents de la mission Outre-mer apparaissent relativement inchangés par rapport à l’exercice budgétaire précédent :

–  la disparition du crédit dimpôt pour la compétitivité et lemploi (CICE) sur l’ensemble du territoire national ([2]), qui induit une redéfinition du périmètre des exonérations spécifiques à l’outre-mer dès le 1er janvier 2019, a pour conséquence une augmentation des crédits de la mission évaluée par le projet annuel de performances à 296 millions d’euros ;

–  l’article 4 du projet de loi de finances abaisse le plafond de la réduction dimpôt sur le revenu pour domiciliation ultra-marine, qui a bénéficié au cours de l’année 2017 à quelque 350 000 ménages pour un coût global de 402 millions d’euros. Le nouveau périmètre devrait concerner 50 000 foyers fiscaux de moins et rapporter en année pleine 70 millions d’euros, intégralement réaffectés à la mission ;

–  le mécanisme de la TVA non perçue récupérable (TVA NPR), dont la finalité consiste à subventionner les entreprises de Guadeloupe, de Martinique et de La Réunion, autorise les assujettis à majorer leur droit à déduction du montant de la taxe calculée fictivement sur la valeur des biens d’investissement neufs, acquis ou importés en exonération de la TVA. Ceci revient à déduire une TVA non payée lorsque l’assujetti procède à un investissement. Ce dispositif est supprimé par l’article 5 du projet de loi de finances et sera compensé par des crédits d’intervention pour un montant équivalent (100 millions d’euros).

Votre rapporteur pour avis prend acte de la stratégie globale du Gouvernement tendant à substituer au crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi des allègements de cotisations sociales. Dès lors que cette mesure concerne l’ensemble de la nation, il est normal qu’elle trouve une application outre-mer. En revanche, l’abaissement du plafond de réduction d’impôt sur le revenu et la disparition de la TVA NPR engendrent des transferts de charges entre foyers, parmi les entreprises et entre les territoires d’outre-mer qui ne semblent pas avoir été suffisamment expliqués aux parties prenantes et peuvent légitimement jeter la suspicion sur l’avenir à long terme d’une telle réorientation, a fortiori en raison du changement de nature de l’aide de l’État (passant d’une dépense fiscale à un soutien budgétaire avec l’incertitude autour de sa pérennisation et de sa pleine utilisation). L’ambition affichée d’une action plus forte et plus globale, aux traductions concrètes sur le terrain, et la volonté de mettre fin à des mécanismes jugés inefficients doivent être saluées, comme l’investissement personnel de la Ministre pour conserver la totalité des crédits au bénéfice des outre-mer et son engagement de les sanctuariser jusqu’à la fin de la mandature. Mais les longs et vifs débats dans l’hémicycle au cours de la discussion de la première partie du Projet de loi de Finances ont montré que le Gouvernement aurait gagné à déployer une plus grande pédagogie dans la présentation des dispositifs appelés à s’y substituer ([3]).

A.   Le programme 138 « Emploi outre-mer »

Le programme 138 « Emploi outre-mer » dispose, dans le projet de loi de finances pour 2019, de 1 688 millions d’euros en autorisations d’engagement et 1 691 millions d’euros en crédits de paiement, soit des hausses faciales de 29 % et 27 % par rapport à l’exercice budgétaire précédent. Ces progressions résultent des différents transferts et mouvements précédemment évoqués.

•  L’action n° 1 a pour objet le soutien à l’économie ultramarine par la diminution des coûts de production et l’amélioration de leur compétitivité. Elle prend la forme d’un allègement des charges sociales dont bénéficient les entreprises et les travailleurs indépendants pour un montant de 1,375 milliard d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement – soit une hausse respective de 30 % et 28 %. Cette variation repose exclusivement sur l’imputation des 296 millions d’euros correspondant à la suppression du crédit d’impôt sur la compétitivité et l’emploi. Le dispositif d’aide se trouve ainsi recentré, conformément aux préconisations du Livre bleu des outre-mer.

•  Les crédits ouverts pour l’aide à l’insertion et à la qualification professionnelle des jeunes ultramarins (action  2) connaissent une croissance modérée en autorisations d’engagement (+ 3 %) et en crédits de paiement (+ 2 %). Cette action met en œuvre deux dispositifs emblématiques, le service militaire adapté (SMA) et l’aide à la mobilité dispensée par l’Agence de l’outre-mer pour la mobilité (LADOM). Cette progression relève essentiellement de l’affectation à LADOM de 4 millions deuros redéployés à la suite de la suppression de la TVA NPR et du plafonnement de la réduction d’impôt sur le revenu précédemment évoqués.

Le service militaire adapté est un dispositif destiné aux jeunes gens de 18 à 25 ans les plus éloignés de l’emploi dans les outre-mer, dont il participe à l’insertion sociale et professionnelle au moyen d’un environnement militaire. Il a atteint en 2017 l’objectif assigné de 6 000 personnes concernées chaque année, qui représente un doublement de la population accueillie par rapport à 2010.

Huit implantations accueillent les volontaires dans chacun des départements et régions d’outre-mer ainsi qu’en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française. Elles dispensent une formation de dix mois et un suivi individualisé des volontaires pour un taux d’insertion professionnelle supérieur à 75 %.

Votre rapporteur pour avis s’étonne, en revanche, qu’il ne soit nulle part fait état de l’ouverture d’une nouvelle structure permettant l’accueil de 80 personnes en Nouvelle-Calédonie, à Bourail, à partir de l’année 2019.

•  L’action n° 3 abrite les crédits de pilotage des politiques publiques ultramarines. Ils sont destinés au financement des dépenses de fonctionnement du ministère des outre-mer, de la délégation interministérielle à l’égalité des chances des Français d’outre-mer et du comité interministériel pour la reconstruction des îles de Saint-Barthélemy et Saint-Martin. Augmentée de 400 000 euros en 2018 pour la prise en charge du coût d’organisation des Assises des Outre-mer, cette action revient en 2019 à son niveau antérieur.

•  Enfin, l’action n° 4 est créée à l’occasion du présent projet de loi de finances. Elle est dotée de 56,5 millions deuros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement, somme constituée à hauteur de 50 millions d’euros à partir des ressources nouvelles dégagées par l’extinction de la TVA NPR et par la réforme de l’imposition sur le revenu outre-mer, le reliquat résultant de transferts depuis l’action n° 1. Destinée au financement de l’économie, cette nouvelle ligne budgétaire se compose ainsi :

–  6,5 millions d’euros pour l’aide au fret, jusque-là assurée dans le cadre de l’action n° 1, afin de compenser les surcoûts liés au transport des marchandises vers les territoires ultramarins ;

–  10 millions d’euros pour l’abondement de fonds de garantie permettant à Bpifrance de financer les entreprises sans appliquer de réfaction sur les créances d’acteurs publics qu’elles lui apportent en garantie ;

–  10 millions d’euros pour la structuration d’un outil de capital investissement pour les départements et régions d’outre-mer ;

–  10 millions d’euros pour un élargissement du périmètre des prêts au développement outre-mer (PDOM) accordés par Bpifrance ;

–  15 millions d’euros de subventions d’investissement dans le cadre d’appels à projets outre-mer ;

–  3 millions d’euros de co-financement de fonds régionaux ;

–  2 millions d’euros de soutien au microcrédit outre-mer.

B.   Le programme 123 « Conditions de vie outre-mer »

Le programme 123 regroupe les crédits des politiques publiques destinées à l’amélioration des conditions de vie outre-mer. Il compte 888 millions d’euros en autorisations d’engagement et 800 millions d’euros en crédits de paiement, soit au regard de l’exercice précédent des hausses de 92 millions d’euros (+ 11 %) et de 66 millions d’euros (+ 9 %). Toutefois, il apparaît en léger recul une fois prise en compte l’imputation de 116 millions deuros à la suite de la suppression de la TVA NPR et du plafonnement de la réduction d’impôt sur le revenu précédemment évoqués.

•  Les crédits de l’action 1, relative au logement, connaissent une grande stabilité après avoir subi, au cours du précédent exercice, une baisse significative de 20 millions d’euros en autorisation d’engagements et de 4 millions d’euros en crédits de paiement. Ils représentent un quart des dotations du programme 123.

•  L’action n° 2 relative à l’aménagement du territoire progresse de 38 millions d’euros en autorisations d’engagement pour s’établir à 189 millions d’euros (+ 17 %) et de 8 millions d’euros en crédits de paiement (+ 5 %) pour atteindre 174 millions d’euros. Elle bénéficie de 26 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 10 millions d’euros en crédits de paiement sur les rebudgétisations précédemment évoquées. En effet, les contrats de convergence prévus par la loi dite « ÉROM » ([4]) devront également prendre en compte les objectifs assignés pour la mise en œuvre du Livre bleu – notamment dans la prise en compte des personnes en situation de handicap et dans la lutte en faveur de l’égalité entre hommes et femmes. Ces éléments de contractualisation comptent pour 179 millions d’euros en autorisations d’engagement et 156 millions d’euros en crédits de paiement.

•  La continuité territoriale est assurée au sein de l’action n° 3 dont les crédits progressent faiblement en raison de l’affection de 2 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement issus de la suppression de la TVA NPR et de la réforme de l’imposition sur le revenu outre-mer. L’évolution est comparable pour l’action n° 4 relative aux politiques sanitaire, sociale, culturelle, sportive et à destination de la jeunesse – également abondée de 4 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement – et pour l’action n° 7 sur l’insertion économique et les coopérations régionales.

•  Consacrée au soutien aux collectivités territoriales, l’action n° 6 reçoit 4 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement issus de la suppression de la TVA NPR et de la réforme de l’imposition sur le revenu. Stable en autorisations d’engagement, elle augmente cependant de 16 millions d’euros en crédits de paiement (+ 7 %) pour atteindre 241 millions d’euros. S’y trouvent notamment transcrits les engagements pris envers la Guyane, avec la poursuite de l’effort de construction de lycées (50 millions d’euros) et la dotation spéciale d’équipement scolaire de ce territoire (15 millions d’euros).

•  L’action n° 8 supporte le Fonds exceptionnel dinvestissement voué à apporter l’aide de l’État aux personnes publiques poursuivant des projets d’équipement collectif en sus des engagements conventionnés dans les contrats de projet et de développement. Dotée en 2018 de 40 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 36 millions d’euros en crédits de paiement, cette ligne budgétaire bénéficie en 2018, grâce à l’abolition de la TVA NPR et à la réforme de l’imposition sur le revenu, d’un abondement massif pour la mise en œuvre du Livre bleu. Elle passe ainsi à 110 millions d’euros en autorisations d’engagement (+ 175 %) et à 65 millions d’euros en crédits de paiement (+ 81 %). Le projet annuel de performance fait apparaître la volonté de contribuer prioritairement aux constructions scolaires à Mayotte et Saint-Martin.

•  Enfin, l’action n° 9 offre un appui à l’accès aux financements bancaires des acteurs publics par l’entremise de l’Agence française de développement (AFD). Elle est complétée à hauteur de 15 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 12 millions d’euros en crédits de paiement par les sommes dégagées par les réformes de la TVA NPR et de l’imposition sur le revenu.

II.   Des risques de dérapage en exécution

Le rapport de la Cour des comptes sur la situation et les perspectives des finances publiques du 27 juin 2018 a identifié plusieurs risques de dépassement des crédits consommés par rapport à la loi de finances initiale, pour un montant variant de 50 à 100 millions d’euros pour la mission Outre-mer ([5]).

A.   La compensation des exonérations de charges patronales sociales

Au cours de l’année 2018, les prévisions de l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) ont fait apparaître, au rythme des rattrapages effectués par les caisses générales de sécurité sociale pour corriger les blocages intervenus depuis 2016 dans le traitement des déclarations sociales, une accélération des sommes à imputer sur le programme 138, « Emploi outre-mer ». Ainsi les premiers mois de l’année ont-ils vu la réalisation de corrections manuelles sur les exercices précédents équivalentes à un montant de 63 millions d’euros.

Les informations recueillies par votre rapporteur pour avis, qui se fondent sur des prévisions datant du 2 juillet 2018, laissent craindre un besoin de financement nécessitant pour son règlement le dégel de la totalité de la réserve gouvernementale du programme 138 – soit 34,4 millions d’euros en autorisations d’engagement et 35,2 millions d’euros en crédits de paiement – mais aussi une ouverture de crédits complémentaires de 53,2 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 31 millions d’euros en crédits de paiement dans le projet de loi de finances rectificative. La dépense supplémentaire pourrait donc avoisiner les 80 millions d’euros.

B.    Le contentieux de l’état avec EDF

En 2015 et 2016, le tribunal administratif de Fort-de France a condamné l’État à indemniser Électricité de France en réparation du préjudice occasionné par des réquisitions préfectorales la contraignant à s’approvisionner en fuel lourd auprès de la Société anonyme de raffinerie des Antilles (SARA), à un prix supérieur à celui du marché ([6]). Le juge a établi le montant de cette indemnité à quelque 62 millions d’euros, soit :

– 55 millions d’euros du fait des réquisitions survenues entre septembre 2009 et décembre 2013 ;

– 6,2 millions d’euros au titre des réquisitions prises entre le 1er janvier et le 26 août 2014.

Un arrêt de la cour administrative d’appel de Bordeaux a confirmé ces deux jugements à l’été 2017 ([7]). La décision est devenue exécutoire et les intérêts légaux courent depuis le 1er août 2017, à un taux majoré de 5,90 % depuis octobre 2017.

Avant cette date, l’État avait acquitté une provision d’un montant de 10 millions d’euros en conséquence d’une procédure de référé introduite par la société EDF. Par un arbitrage du 19 mars 2015, la charge de cette provision a été répartie entre :

–  le ministère de l’économie pour 25 % de la somme ;

–  le ministère de l’intérieur pour 35 % de la somme ;

–  le ministère des outre-mer pour 40 % de la somme.

D’après les informations recueillies par votre rapporteur pour avis, cette clef de répartition n’a pas nécessairement vocation à s’appliquer sur la totalité de l’indemnité prononcée par le juge administratif. Un arbitrage interministériel a été sollicité afin de trancher la position de l’État sur l’imputation du reliquat. Toutefois, si des proportions identiques devaient être retenues, il en découlerait une ponction de lordre de 26 millions deuros sur la mission outre-mer. Une ouverture de crédits devrait alors être sollicitée dans le cadre du projet de loi de finances rectificative, sur l’action 2 du programme 123.

C.   Les engagements pris envers la collectivité de Guyane

Dans un discours prononcé le 25 octobre 2017, le Président de la République a affirmé la volonté de l’État de venir en aide à la collectivité territoriale de Guyane face à la dynamique des coûts de gestion du revenu de solidarité active.

Discours du Président de la République au Carbet Loubère, 25 octobre 2017

Pour réduire lattractivité du territoire, il faut aussi que lon puisse réviser laccès à certaines prestations sociales. LÉtat va dabord reprendre la gestion du RSA, le RSA sera donc réintégré dans le budget de lÉtat et piloté par lÉtat. Cest une charge qui nest pas soutenable pour la collectivité territoriale de Guyane, cest une charge qui représentait lannée dernière environ 150 millions deuros, nous la compensions à environ 100 millions deuros et augustement, dans le cadre du plan justement durgence et des accords de Guyane, nous étions prêts à attribuer 50 millions de plus, cest-à-dire en fait à compenser leffort légitime. Les choses doivent être claires, cest une mission régalienne ici, lÉtat en reprendra la gestion.

Le 2 novembre 2017, le Premier ministre a confirmé cette orientation : « Au regard de la charge considérable du RSA en Guyane, qui en fait une véritable mission régalienne, lÉtat en reprendra la gestion et il sera donc réintégré dans le budget de lÉtat et piloté par lÉtat. ([8]) » Les documents de suivi publiés par le ministère des outre-mer estiment cette dépense supplémentaire à 50 millions d’euros chaque année ([9]). À cette somme s’ajoute le « dispositif complémentaire » d’un montant maximal de 30 millions d’euros pour la seule année 2018. Ces engagements sont retracés dans la convention signée entre l’État et la collectivité territoriale de Guyane le 24 octobre 2017.

S’il advenait que la mission Outre-mer supporte le coût budgétaire de cette initiative, ce sont 73 millions d’euros qu’il conviendrait de mobiliser en faveur de la Guyane dans la loi de finances rectificative 2018, dans le cadre de l’action n° 6 du programme 123, 7 millions d’euros étant déjà octroyés à la collectivité guyanaise par le fonds de soutien aux départements en difficulté au titre de la loi de finances rectificative n° 2016-1918 du 29 décembre 2016 ([10]).

III.   Les crédits globaux en faveur des outre-mer au sein du budget

A.   Une croissance continue

Les politiques publiques financées sur les crédits de la mission Outre-mer ne représentent qu’une fraction de l’ensemble des ressources que mobilise l’État en faveur des territoires ultramarins. L’action des différents ministères sur ces territoires est supportée par leurs propres missions et programmes. Cet engagement financier s’élève à 18,6 milliards deuros en autorisations dengagement et 18,2 milliards deuros en crédits de paiement dans le projet de loi de finances pour 2019.

Évolution sur trois ans des crédits destinés aux outre-mer

(en millions deuros)

Exécution 2017

LFI 2018

PLF 2019

Évolution CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

2018/2017

2019/2018

17 587

17 482

17 823

17 671

18 562

18 249

+ 1,08 %

+ 3,27 %

Source : ministère des outre-mer.

Votre rapporteur pour avis constate que le renforcement de l’action de l’État dans les outre-mer ne se limite pas à la seule mission Outre-mer. Si l’ensemble des crédits ne connaissent pas une hausse d’ampleur comparable à celle du budget géré par le ministère des outre-mer, ils poursuivent néanmoins leur progression – de l’ordre de 3,2 % entre les années 2018 et 2019. Si lon excepte la mission Outre-mer dont la variation résulte des changements de périmètre et des réaffectations préalablement évoquées, les dotations allouées aux outre-mer croissent de 1 % avec le présent projet de loi de finances.

Il convient d’ajouter à ces montants celui de la dépense fiscale dont bénéficient les territoires ultramarins aux termes de la mission Outre-mer. Selon le projet annuel de performances, il devrait correspondre à 4,6 milliards d’euros. Lenveloppe globale consacrée aux outre-mer sétablirait donc à un peu moins de 23 milliards deuros pour lannée 2019.

B.   Des relations différentes entre l’État et chaque territoire

La présentation globale des dotations budgétaires consacrées aux outre-mer ne doit pas négliger les disparités de chacune des collectivités concernées. Ces territoires sont confrontés à des défis spécifiques et parfois contradictoires. Par exemple, la question démographique posée aux Antilles, où Martinique et Guadeloupe connaissent un recul de leur population ([11]), appelle des réponses très différentes de celle formulées en Guyane et à Mayotte ([12]). En outre, les différences statutaires ont des conséquences sur l’engagement de l’État, selon que des taxes nationales y sont prélevées, ou non.

Évolution de l’effort budgétaire et financier de l’État par DROM-COM

en millions deuros

Exécution 2017

LFI 2018

PLF 2019

Évolution AE

Collectivité bénéficiaire

AE

CP

AE

CP

AE

CP

2018/2017

2019/2018

Guadeloupe

2 994

2 996

3 017

3 051

2 837

2 809

+ 0,8 %

- 6,0 %

Guyane

2 113

2 073

2 032

1 994

2 096

1 999

- 3,8 %

+ 3,2 %

Martinique

2 663

2 631

2 712

2 665

2 451

2 435

+ 1,9 %

- 9,6 %

La Réunion

5 617

5 605

5 705

5 682

5 212

5 189

+ 1,6 %

- 8,6 %

Mayotte

1 202

1 182

1 272

1 212

1 307

1 242

+ 5,8 %

+ 2,8 %

Nouvelle-Calédonie

1 237

1 239

1 227

1 243

1 256

1 251

- 0,8 %

+ 2,3 %

Polynésie française

1 237

1 251

1 263

1 261

1 302

1 278

+ 2,1 %

+ 3,0 %

Wallis et Futuna

127

127

132

134

132

132

+ 4,2 %

+ 0,0 %

Saint-Pierre-et-Miquelon

136

126

116

115

101

99

- 14,3 %

- 13,2 %

Saint-Martin

81

78

124

96

120

118

+ 52,2 %

- 3,4 %

Saint-Barthélemy

3,4

3,0

10,7

8,6

4,2

4,0

+ 214,9 %

- 60,8 %

TAAF

19

15

31

20

16

20

+ 62,1 %

- 49,0 %

Non réparti

157

155

180

189

1 727

1 673

+ 14,2 %

+ 860,5 %

Total (tous territoires)

17 587

17 482

17 823

17 671

18 562

18 249

+ 1,3 %

+ 4,1 %

Source : ministère des Outre-mer ([13]).

Le tableau ci-dessus retrace l’engagement de l’État en faveur de chacun des territoires ultramarins et son évolution au cours des trois dernières années. Il appelle les commentaires suivants de la part de votre rapporteur pour avis :

–  la baisse significative des autorisations d’engagement constatée dans certains territoires – Guadeloupe, Martinique et La Réunion notamment – s’explique par la très forte croissance des crédits non répartis correspondants aux nouveaux moyens dont disposera la mission Outremer à l’issue des mesures de périmètre et des réformes précédemment détaillées, le fléchage des crédits redéployés vers les nouveaux dispositifs n’ayant pas encore été pleinement établi ;

–  la mobilisation des moyens de l’État afin de venir en aide aux territoires frappés par louragan Irma en 2018 s’est traduite par un brusque accroissement des financements octroyés à ces collectivités et par une divergence à la normale qui devra durer jusqu’à l’achèvement de la reconstruction ;

–  parmi les départements et régions doutre-mer, dans lesquels les services de l’État exercent un grand nombre de compétences, les dotations sont logiquement importantes. Sans préjudice des effets de périmètre, la hausse des autorisations d’engagement en Guyane et à Mayotte répond à de véritables besoins d’administration et d’équipement qu’impose la démographie.

effort budgétaire et financier par DROM-COM et par habitant

 

Population

PLF 2019 (autorisations dengagement, en euros)

Ratio
(en euros par habitant)

Guadeloupe

404 542

2 837 207 111

7 013

Guyane

262 381

2 096 353 918

7 990

Martinique

386 875

2 451 276 009

6 336

La Réunion

860 896

5 212 422 789

6 055

Mayotte

‎256 518

1 307 171 323

5 096

Nouvelle-Calédonie

274 780

1 255 971 575

4 571

Polynésie française

‎ 287 881

1 301 781 196

4 522

Wallis et Futuna

11 899

132 226 854

11 112

Saint-Pierre-et-Miquelon

6 260

101 037 292

16 140

Saint-Martin

36 509

119 575 122

3 275

Saint-Barthélemy

9 743

4 209 014

432

TAAF

(non permanents)

15 646 846

Non pertinent

Source : commission des Lois de l’Assemblée nationale, ministère des Outre-mer, Insee ([14]).

Votre rapporteur pour avis éprouve des difficultés à tirer des conclusions des chiffres qui figurent dans le tableau ci-dessus.

Ils font apparaître, en première analyse, que les départements et régions d’outre-mer recevront, en 2019, un soutien de l’État par habitant variant entre 5 096 et 7 990 euros entre Mayotte et la Guyane. Il y a lieu de se réjouir de la progression des crédits alloués aux Mahorais, qui étaient inférieurs à 5 000 euros en 2018 : l’engagement résolu de la nation est indispensable au rattrapage économique et à l’édification des infrastructures dont ce département a besoin. La situation de la Nouvelle-Calédonie et des collectivités régies par l’article 74 de la Constitution est, quant à elle, trop marquée par des éléments de conjoncture et par la disparité des territoires et des populations pour qu’il soit possible d’interpréter les chiffres présentés.

Surtout, les montants présentés n’intègrent pas les crédits non répartis géographiquement : une vision plus fine de leur affectation ne sera possible qu’à l’occasion du prochain exercice budgétaire, voire dans la discussion de la loi de règlement.

IV.   l’Union européenne et ses concours financiers

La France distingue les collectivités doutre-mer en deux catégories : dune part, les départements et régions doutre-mer (DROM), collectivités régies par larticle 73 de la Constitution où sapplique un principe didentité législative, et, dautre part, la Nouvelle-Calédonie et les collectivités doutre-mer relevant de larticle 74 de la Constitution (COM) où prévaut une plus grande liberté dorganisation et de fonctionnement au regard du droit commun.

L’Union européenne opère, quant à elle, une distinction voisine entre les régions ultrapériphériques (RUP), où le droit européen s’applique par principe et où peuvent intervenir les fonds structurels européens, et les pays et territoires d’outre-mer (PTOM), où le droit européen s’applique avec une latitude variable, aux statuts déterminés spécifiquement et où les dotations du fonds européen de développement (FED) constituent la seule enveloppe financière accessible.

Ces distinctions se recoupent pour l’essentiel : au statut de DROM correspond celui de RUP, à celui de COM la qualification de PTOM ([15]).

Toutefois, bien que collectivité régie par l’article 74 de la Constitution, Saint-Martin constitue par exception une région ultrapériphérique de l’Union européenne ([16]).

A.   Les concours européens aux régions ultrapériphériques

Les crédits alloués par l’Union européenne au titre de la politique de cohésion, de l’agriculture et de la pêche aux régions ultrapériphériques françaises atteignent des montants significatifs : ils correspondent à plus de 5 milliards d’euros pour la programmation 2014/2020.

Programmation 2014/2020

En millions deuros

Guadeloupe*

Guyane

Martinique

Mayotte

La Réunion

Total

*dont Saint-Martin

Programmes gérés par les régions ou collectivités uniques AG Région

610,8

392,6

521

0

1130,5

2654,9

0

FEDER

424,1

286,1

352

0

940,2

2002,4

0

Allocation RUP

97,8

52,1

93,1

0

190,3

433,3

0

FSE

86,7

54,4

73,4

0

0

214,5

0

Initiative pour l’Emploi des Jeunes (IEJ)

Quote-part gérée par les régions ou collectivités

2,2

0

2,5

0

0

4,7

0

Programmes gérés par l’État (Préfets)

203,8

83,9

124,7

217,2

516,8

1146,4

54,4

FEDER

31,4

 

 

148,9

 

180,3

31,4

FSE

165,2

83,9

124,7

65,5

516,8

956,1

15,8

Allocation RUP

7,2

0

0

2,8

0

10

7,2

Total général FEDER-FSE

814,6

476,5

645,7

217,2

1647,3

3801,3

54,4

Programme national Initiative pour l’emploi des Jeunes (IEJ)

Quote-part gérée par l’État (Préfets)

19

13

15,4

10

73,2

130,6

1,2

IEJ

9,5

6,5

7,7

5

36,6

65,3

0,6

FSE

9,5

6,5

7,7

5

36,6

65,3

0,6

Total FEDER-FSE/IEJ

833,6

489,5

661,1

227,2

1720,5

3931,9

55,6

Total FEADER

171

112

130,2

60

385,5

858,7

3

Total FEAMP régionalisé

9,6

7,1

9,7

3

11,9

41,1

0,769

Total (Hors programmes de coopération)

1014,2

608,6

801

290,2

2117,9

4831,7

59,3

Source : réponse au questionnaire budgétaire adressé au Gouvernement.

Ces dotations proviennent :

–  du Fonds européen de développement régional (FEDER), qui intervient dans les domaines de la prévention des risques, de la recherche, du développement économique, de l’environnement, de la culture et de l’édification d’infrastructures de transport et d’énergie ;

–  du Fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER) ;

–  du Fonds social européen (FSE) ;

–  du Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche (FEAMP).

Les régions ultrapériphériques bénéficient également du programme Interreg de promotion de la coopération des régions européennes entre elles. Ses interventions de prédilection ont lieu dans le domaine de l’environnement et en faveur du développement économique.

Programmes EUROPéens de coopération territoriale 2014/2020

(en euros)

Océan indien

Caraïbes

Amazonie

Mayotte

Saint-Martin

Total

Transfrontalier

41 398 967

41 143 733

14 080 000

12 033 000

10 000 000

118 655 700

Transnational

21 788 162

23 179 821

4 827 317

 

 

49 795 300

Total

63 187 129

64 323 554

18 907 317

12 033 000

10 000 000

168 451 000

Source : réponse au questionnaire budgétaire adressé au Gouvernement.

B.   Les concours européens aux pays et territoires d’outre-mer

Les sommes allouées par le fonds européen de développement (FED) sont nettement plus faibles que les dotations octroyées aux RUP : 286 millions d’euros sur l’exercice 2014-2020 pour les vingt-cinq PTOM de l’Union européenne. Les volets régional et thématique ont une approche par projets tandis que le volet territorial consiste en un appui budgétaire.

Le FED territorial verse 105,6 millions d’euros aux collectivités françaises (+ 27 % au regard de la programmation précédente).

FED territorial (2014-2020)

 

Nouvelle-Calédonie

Polynésie française

Wallis-et-Futuna

Saint-Pierre-et-Miquelon

Secteur

Emploi et insertion professionnelle

Tourisme

Développement numérique

Tourisme durable et desserte maritime

Montant (en millions deuros)

29,8

29,95

19,6

26,3

Évolution /
2008-2013

+ 50,4%

+ 51%

+ 29%

+ 26,8%

Source : réponse au questionnaire budgétaire adressé au Gouvernement.

Quant aux programmes FED régional et thématiques, ils distribuent quelque 100 millions d’euros. Les collectivités françaises n’y sont pas identifiées.

FED régional et FED thématique (2014-2020)

 

FED Pacifique

FED Océan indien

FED Caraïbe

FED thématique

PTOM concernés

4 PTOM dont 3 français

Les TAAF
(seul PTOM bénéficiaire)

12 PTOM dont Saint-Barthélemy 

 

Les 25 PTOM

Secteur de concentration

Changement climatique et biodiversité

Écosystèmes terrestres et marins, énergies durables, biodiversité marine

Énergies durables et biodiversité marine

Changement climatique et énergies durables

Montant (en millions deuros)

36

4

40

16 à 18

Évolution /
2008-2013

+ 300%

+ 33,33% (malgré la sortie de Mayotte)

+ 42,85%

Nouveau programme

Source : réponse au questionnaire budgétaire adressé au Gouvernement.


   seconde partie – Deux défis pour les outre-mer

Votre rapporteur pour avis a souhaité consacrer ses travaux à deux thèmes sur lesquels la commission des Lois de l’Assemblée nationale s’est fortement investie au cours de la première année de la XVe législature : la dimension ultramarine des violences faites aux femmes d’une part ([17]), la consultation imminente de la population calédonienne sur l’accession du territoire à la pleine souveraineté d’autre part ([18]).

I.   L’impérative lutte contre les violences faites aux femmes

Chaque année, en France, 220 000 femmes sont victimes de violences graves – physiques ou sexuelles – de la part de leur compagnon. Une femme meurt sous les coups tous les 2,7 jours et, si on en croit l’enquête Violences et rapports de genre (VIRAGE) publiée en 2016, 580 000 femmes ont subi au moins une agression sexuelle au cours des douze derniers mois.

Les territoires d’outre-mer, qui abritent 2,7 millions d’habitants dont 1,4 million de femmes, partagent ce constat national. La situation des femmes y est même parfois bien pire, même si le caractère lacunaire des données statistiques et la diversité des histoires respectives ne permet pas de porter une appréciation exhaustive et univoque. Dans un récent rapport, le Conseil économique, social et environnemental a souligné que les violences faites aux femmes sont outre-mer « plus nombreuses que dans lHexagone et les agressions les plus graves excèdent la moyenne » ([19]). Cette prévalence peut recevoir plusieurs tentatives d’explication, qui ne représentent bien sûr pas la totalité des outre-mer :

–  des contextes économiques et sociaux généralement plus fragiles qu’en Europe, où s’enracinent des addictions à des produits stupéfiants ou à la consommation excessive d’alcool ;

–  une géographie marquée par l’insularité, la faible densité et un difficile accès aux services publics qui complique la libération de la parole des victimes ;

–  une histoire scandée par des successions de phénomènes violents, de la conquête au système colonial en passant par l’esclavage et le conflit entre communautés, qui ont pu acculturer à une forme de brutalité dont les plus faibles demeurent encore et toujours les victimes ;

–  une démographie plus jeune, à l’exception notable de l’espace antillais ;

–  des compétences administratives éclatées, notamment dans les collectivités d’outre-mer où l’action de l’État se limite aux domaines régaliens et n’embrasse pas pleinement le sujet des droits des femmes.

A.   Un constat alarmant

Les enquêtes nationales ne sont pas parallèlement diligentées dans l’ensemble des territoires ultramarins, notamment dans les collectivités régies par l’article 74 de la Constitution et en Nouvelle-Calédonie, où les autorités locales sont seules compétentes pour l’information statistique ([20]). Toutefois, la conjugaison des différentes études menées au cours des quinze dernières années permet de tirer le constat de la coexistence de plusieurs outre-mer :

–  des situations comparables à celles de l’Europe dans certains départements d’outre-mer, notamment à La Réunion ;

–  des occurrences très supérieures à la moyenne nationale dans les territoires calédonien, polynésien et mahorais.

Source : Conseil économique, social et environnemental

1.   Un contexte général plus violent

Le Conseil économique, social et environnemental souligne dans son rapport précité que « la très grande majorité des atteintes volontaires à lintégrité physique [outre-mer] sont des violences physiques non crapuleuses, à savoir des violences exercées au sein du milieu familial, dans le voisinage, etc. ». Ces faits sont par ailleurs en augmentation, sans qu’il soit possible d’en déduire une détérioration massive des comportements ou une révélation accrue des violences subies auprès des forces de l’ordre et de l’institution judiciaire.

Dans huit territoires sur onze, souligne le Conseil économique, social et environnemental, la prévalence des coups et blessures volontaires dans la sphère familiale est sensiblement plus élevée que le niveau métropolitain. Saint-Martin est le territoire qui recueille les plus mauvais résultats pour cet indicateur, devant la Polynésie française, la Nouvelle-Calédonie et la Guyane. Les mêmes éléments sont constatés pour ce qui concerne les violences hors de la sphère familiale même si, dans ce domaine, la Polynésie française s’avère relativement épargnée.

Les conclusions du Conseil économique, social et environnemental sont corroborées par le bilan statistique du ministère de l’intérieur Insécurité et délinquance (Interstats) pour l’année 2017 ([21]). Ce document souligne que les coups et blessures volontaires, ainsi que les violences sexuelles, sont particulièrement fréquents dans les territoires ultramarins. « Dans les départements français des Antilles, à La Réunion, et surtout en Nouvelle Calédonie et en Polynésie, les violences intrafamiliales sont particulièrement nombreuses. Leur nombre augmente fortement depuis deux ans en Nouvelle-Calédonie. » Toutes données confondues, le nombre de victimes de crimes ou de coups et blessures est spécifiquement élevé dans l’ensemble des outre-mer : de 3,5 pour 1 000 habitants en métropole, il est supérieur à 5 à la Martinique, en Guadeloupe, à La Réunion, à Mayotte et en Polynésie. Il excède même 8 en Nouvelle-Calédonie et en Guyane.

2.    Des violences faites aux femmes plus fréquentes

Une enquête nationale sur les violences faites aux femmes en France (Enveff) a été réalisée en 2000 auprès d’un échantillon d’environ 7 000 femmes. Elle a été effectuée sur le territoire européen de la France mais aussi à La Réunion, en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française.

Dans tous les territoires, la relation amoureuse est le principal théâtre des violences déclarées pour les douze derniers mois. Mais les taux de violences déclarées sont nettement plus élevés en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie que dans lhexagone ou à La Réunion. La jeunesse des femmes, la multiplicité de leurs relations amoureuses et les stigmates d’une enfance ou d’une adolescence difficile sont les facteurs statistiquement les plus associés aux violences déclarées. Par ailleurs, la consommation abusive d’alcool, du conjoint mais aussi de la femme, apparaît encore plus liée à l’accroissement des agressions outre-mer que dans l’hexagone.

L’influence des caractéristiques sociales du couple sur le niveau de violence conjugale varie également selon les territoires. Si une situation précaire, souvent consécutive au chômage ou à l’éviction de l’emploi de l’un ou l’autre des partenaires accroît toujours les risques, une formation et une situation professionnelle élevée semblent protéger les femmes ultramarines alors que tel n’est pas le cas en France continentale.

Proportion de femmes victimes de violences conjugales dans les douze derniers mois, selon le territoire et le type de violence conjugale

 

Départements de droit commun

N = 5 793

La Réunion

N = 1 013

Polynésie française

N = 770

Nouvelle-Calédonie

N = 792

Agressions verbales

4,0

4,2

21

27,8

Pressions psychologiques

23,5

27,4

36

41,3

    dont harcèlement

7,3

8,8

24

24

Agressions physiques

2,3

2,6

17

19

Agressions sexuelles

0,8

1,1

7

7,2

 

Définitions :

Agressions verbales : au moins une fois dans l’année.

Pressions psychologiques : au moins trois types de pressions subies « quelquefois ».

Harcèlement psychologique : plus de trois types de pressions subies dont au moins un « souvent ».

Agressions physiques : gifles, coups, bousculades, menaces avec arme, tentative de meurtre, séquestration ou mise à la porte.

Agressions sexuelles : gestes sexuels imposés, rapport sexuels imposés par la force.

Source : violences au sein du couple – enquête ENVEFF La Réunion, Polynésie française et Nouvelle-Calédonie, 2000.

L’enquête statistique Genre et violences interpersonnelles en Martinique réalisée en juin 2007 s’inscrit dans la ligne des enquêtes Enveff, dont elle reprend la problématique, les principes et la méthodologie. Les taux de violences constatés sont le plus souvent comparables à ceux enregistrés en Europe et à La Réunion avec, toutefois, un surcroît de violences sexuelles.

L’enquête de victimation Cadre de vie et sécurité (CVS) de l’INSEE a été conduite à La Réunion en 2011 et en Guadeloupe, Guyane et Martinique en 2015. Elle montre que le taux de Guyanais ayant subi des violences physiques ou sexuelles est significativement supérieur à celui relevé dans l’Hexagone et aux Antilles. La violence au sein des ménages est deux fois plus élevée ; le taux de victimation pour les violences sexuelles hors du ménage est également plus élevé. En Martinique et en Guadeloupe, en revanche, le pourcentage de personnes ayant subi des violences physiques ou sexuelles est proche de celui de la métropole – voire inférieur. À La Réunion, les violences sexuelles par une personne extérieure au ménage sont les plus fréquentes et concernent 7 % de la population.

Des violences intrafamiliales plus nombreuses en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française

Les taux d’incidence élevés des violences intra-familiales expliquent une partie de la surreprésentation des coups et blessures dans ces territoires : alors que les forces de sécurité constatent en moyenne 1,5 victime pour 1 000 habitants en métropole, ce chiffre se situe entre 2,1 et 2,9 pour les DOM américains, il atteint 2,4 à La Réunion, et surtout 3,9 en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française.

Ces particularités des différents territoires étaient déjà présentes dans les données des années précédentes, et les chiffres ont peu évolué depuis 2015, sauf à la Réunion (+ 14 %) et en Nouvelle-Calédonie (+ 29 %). Mayotte n’est pas spécifiquement concerné par cette violence intra-familiale : le taux de victimes est légèrement inférieur à celui de la métropole, mais ceci peut résulter de sous-déclarations.

En outre-mer comme en métropole, les violences sexuelles intra-familiales sont dix fois moins nombreuses que les violences physiques intrafamiliales. Les forces de sécurité enregistrent un nombre particulièrement élevé de violences sexuelles intra-familiales dans les outre-mer du Pacifique, à la Réunion et en Guyane.

Les violences faites aux femmes peuvent utilement être analysées au prisme de situations régionales particulières. À titre d’exemple, la Nouvelle-Calédonie s’inscrit dans un contexte de violence particulièrement prégnant en Océanie : comme le souligne le Conseil économique, social et environnemental, la violence touche deux femmes sur trois dans les îles du Pacifique. Si les chiffres en Nouvelle-Calédonie sont plus élevés que dans le reste de la France, ils demeurent inférieurs à ceux de la région Pacifique.

Le bilan statistique du ministère de lintérieur Insécurité et délinquance (Interstats) pour l’année 2017 confirme ces éléments. En métropole, les forces de sécurité ont enregistré 0,6 victime de violences sexuelles pour 1 000 habitants. Ce taux est beaucoup plus élevé en Guyane (1,3) et dans les territoires de l’océan Indien et de l’océan Pacifique (entre 0,8 et 0,9), mais l’écart est bien moindre pour les départements antillais.

Nombre de violences sexuelles enregistrées pour mille habitants en 2017

Source : Interstats 2017

Ces données ne retracent toutefois que les événements qui parviennent à la connaissance de la justice. Or, déposer plainte peut être plus délicat dans un contexte ultramarin dans lequel la réprobation sociale et la crainte des représailles, que l’on retrouve universellement, se double d’une pression liée à l’exiguïté des territoires, au faible nombre de la population et au poids de la coutume. Comme partout, et peut-être même davantage, les violences faites aux femmes sont probablement sous-déclarées dans les outre-mer.

Enfin, un élément positif doit être souligné : le taux délucidation des violences sexuelles est plus élevé dans l’ensemble des territoires d’outre–mer (70 %) qu’en métropole (63,1 %). Il en va de même pour les atteintes sexuelles dont le taux d’élucidation est de 70,7 % dans les territoires d’outre-mer contre 63 % en France métropolitaine.

B.   Une nécessaire mobilisation des acteurs publics

Remporter la bataille contre la violence que subissent les femmes dans les outre-mer suppose une mobilisation forte de l’ensemble des acteurs publics au côté des associations qui, dans la mesure de leurs moyens, engagent déjà des actions de prévention et d’accompagnement des victimes.

1.   Le rôle de l’État

a.   Un rôle d’impulsion et de coordination

Le rôle de l’État dans la mise en œuvre des politiques publiques en matière de lutte contre les violences faites aux femmes est déterminant. Le cinquième plan de mobilisation et de lutte contre toutes les violences faites aux femmes (2017‑2019) est en cours de mobilisation : 125 millions d’euros seront engagés afin de permettre à davantage de victimes de violences d’accéder à leurs droits, d’être protégées et accompagnées pour se reconstruire. Une nouvelle impulsion de la politique menée en matière de prévention et de lutte contre les violences sexuelles et sexistes a été donnée par le Président de la République le 25 novembre 2017. Une « feuille de route nationale » intègre les vingt-cinq mesures annoncées.

Dans les territoires ultramarins, l’État contribue à la lutte contre les violences faites aux femmes à travers le fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD) qui lutte contre les violences intrafamiliales et favorise l’accueil des victimes. Le ministère des outre-mer apporte également son soutien à certaines associations intervenant sur la prévention des violences, comme il a été souligné dans l’analyse des crédits de l’action n° 2 du programme budgétaire 123.

Au niveau local, les déléguées régionales et départementales aux droits des femmes et à l’égalité ont un rôle central dans la coordination et l’animation territoriales des politiques d’égalité, de prévention et de lutte contre les violences faites aux femmes avec tous les acteurs locaux concernés.

L’État promeut la définition de protocoles de lutte contre les violences faites aux femmes. Ces derniers lient les services déconcentrés, les collectivités territoriales, les organismes sociaux, les établissements publics territoriaux, les associations. La Guadeloupe et la Guyane se sont engagées dans cette démarche.

L’État soutient également les associations locales qui œuvrent à la prévention et à la sensibilisation auprès des jeunes et de la population dans son ensemble. Il soutient la formation des professionnels en contact avec les femmes victimes de violence. Des formations ont eu lieu en Martinique, en Nouvelle-Calédonie et à La Réunion, notamment dans le cadre d’un diplôme universitaire de victimologie. Les professionnels de santé et du social ont été formés en Guadeloupe, à La Réunion, à Mayotte, et à Saint-Pierre-et-Miquelon. En Nouvelle-Calédonie, plusieurs modules sont dispensés, notamment à l’école de police dans la province sud.

S’agissant de la prise en charge des femmes victimes de violence, l’État encourage le dispositif d’accueil de jour qui permet de préparer, éviter ou anticiper le départ du domicile des femmes victimes de violences et de leurs enfants. Il existe dans l’ensemble départements et régions d’outre-mer. En parallèle, des numéros verts dédiés sont implantés dans de nombreux territoires ultramarins.

b.   Des adaptations aux spécificités culturelles et linguistiques

Les politiques de sensibilisation à l’égalité entre les femmes et les hommes et la lutte contre les violences faites aux femmes doivent être adaptées aux spécificités culturelles et linguistiques des territoires. Les stéréotypes sexistes, qui sont universels, présentent des caractéristiques particulières dans les outre-mer en lien avec les cultures, traditions et histoires locales.

Dans plusieurs territoires ultramarins, la langue parlée majoritairement n’est pas le français. Des traductions dans les langues locales sont nécessaires pour toucher le plus grand nombre. À Wallis-et-Futuna, un livret d’information des femmes sur les violences au sein du couple en langue futunienne a été rédigé pour un meilleur accès à leurs droits. À Mayotte, un projet de télénovela relatif aux violences faites aux femmes a été lancé pour sensibiliser les familles au sujet.

La communication visuelle dans les campagnes de sensibilisation à l’égalité femme homme est adaptée afin que les individus puissent s’identifier aux contenus qui leur sont proposés. La majorité des territoires ultramarins organisent des campagnes de sensibilisation locales.

2.   Le rôle des collectivités d’outre-mer

En matière de lutte contre les violences faites aux femmes, les départements et régions d’outre-mer régis par l’article 73 de la Constitution disposent des mêmes compétences et orientations que les collectivités de droit commun. En revanche, dans les collectivités relevant de l’article 74 de la Constitution et en Nouvelle-Calédonie, la compétence des droits des femmes appartient à l’autorité locale, qui l’exerce avec une grande implication soulignée par le Conseil économique, social et environnemental dans son rapport précité. Toutefois, le volet régalien de la lutte contre les violences faites aux femmes (avec notamment la politique pénale) relève de l’État.

En Polynésie française, les politiques de lutte contre les violences faites aux femmes s’articulent autour de la prévention. Un conseil de prévention de la délinquance a été créé en mars 2016, qui s’engage pour la prévention des violences intrafamiliales, et le plan de prévention de la délinquance de la Polynésie française (2016‑2017) a proposé diverses actions pour les combattre.

Le gouvernement local a aussi souhaité développer l’aide à la conjugalité et à la parentalité sans violence, notamment dans le cadre du plan d’action polynésien pour la promotion des familles et la reconstruction du lien social.

En 2015, la Polynésie française a mis en œuvre une convention locale relative au traitement des mains courantes et des procès-verbaux de renseignement judiciaire dans le cadre des violences conjugales. Aux termes de cette convention, toute violence déclarée fait l’objet d’une réponse pénale et sociale.

Enfin, des assises de l’aide aux victimes et de la prévention de la délinquance se sont tenues à trois reprises, au cours desquelles les violences sexuelles et intrafamiliales ont été abordées.

En Nouvelle-Calédonie, les actions de lutte contre les violences faites aux femmes sont menées par les provinces. La mission à la condition féminine de la province sud gère trois pôles relatifs à l’accueil, la prise en charge sociale et l’insertion. Une structure « le Relais » lui est rattachée et oriente les femmes en détresse. La province nord a mis l’accent sur la gestion des urgences : elle dispose d’un centre d’accueil des femmes en difficultés qui est une plateforme d’écoute-orientation en lien avec une association qui offre un hébergement en urgence.

Le territoire est doté d’un bon maillage d’établissements médico-sociaux dans lesquels s’installent parfois les associations d’aide aux victimes situées dans des zones géographiquement isolées. Des établissements d’accueil mère-enfant existent également pour aider les femmes enceintes et les mères isolées d’enfants de moins de 3 ans.

S’agissant de la sensibilisation des populations, des clips vidéo informent la population sur les différentes formes de violences. Des campagnes « ruban blanc » sont également mises en place pour montrer l’engagement des hommes qui se font ambassadeurs de la lutte contre les violences faites aux femmes.

En ce qui concerne l’aspect judiciaire et le traitement des mains courantes et des procès-verbaux de renseignement judiciaire, des directives locales reprennent le strict contenu du protocole-cadre national. Des enquêtes sont réalisées même en l’absence de plainte.

À Saint-Pierre-et-Miquelon, le tissu associatif reste fragile. En 2012, l’association locale d’aide aux victimes (IRIS) a disparu alors qu’elle suivait environ 50 femmes victimes de violences. Aujourd’hui, le Centre local d’études et de formation (CLEF) a repris ses missions.

Dans le domaine judiciaire, le 25 novembre 2014, le protocole cadre relatif au traitement des mains courantes et des procès-verbaux a été enrichi d’une connexion avec les services sociaux améliorant le cadre de la prise en charge des victimes.

3.   Les préconisations de votre rapporteur pour avis

Votre rapporteur salue la mobilisation des différents services de l’État et des collectivités ultramarines dans la lutte contre les violences faites aux femmes. Toutefois, le constat cruel que révèlent depuis vingt ans les études statistiques ne peut être ignoré : dans le combat fondamental de civilisation que constitue l’égalité des droits entre hommes et femmes, dans la quête vers le respect des droits et de l’intégrité de chacun, les outre-mer accusent un retard certain.

Le présent rapport pour avis sur le projet de loi de finances n’est pas le lieu pour développer une politique complète de lutte contre les violences faites aux femmes. Votre rapporteur pour avis entend cependant formuler trois préconisations :

–  l’amélioration de loutil statistique à la disposition des décideurs publics constitue une condition du succès des politiques développées sur le terrain. On ne combat pas bien ce que l’on connaît mal. Les études lancées dans les départements de droit commun, telles que VIRAGE, doivent couvrir la totalité du territoire national ;

–  dans les collectivités d’outre-mer dans lesquelles les politiques relatives au droit des femmes sont du ressort de l’autorité locale, le partenariat entre léchelon national et le territoire doit toujours être développé et, si possible, formalisé dans des engagements réciproques. Il est bon, de ce point de vue, que les futurs contrats de convergence comprennent une dimension relative aux droits des femmes ;

–  enfin, dans le cadre budgétaire, la mention des crédits affectés à la lutte en faveur de l’égalité entre hommes et femmes outre-mer pourrait utilement être mise en avant. La création d’une nouvelle action spécifiquement dédiée au sein du programme 123 sur les « conditions de vie outre-mer » serait un signal fort envoyé aux populations. Elle permettrait aussi un meilleur suivi budgétaire de l’action de l’État dans cette politique publique dont le Président de la République a fait la grande cause de son quinquennat.

II.   La consolidation de la paix en Nouvelle-Calédonie

La fin de l’année 2018 sera marquée par la tenue, le 4 novembre, de la consultation des populations calédoniennes sur leur accession à la pleine souveraineté prévue par les accords signés à Matignon, il y a trente ans, et prolongés à Nouméa, il y a vingt ans. La date sera historique : elle clôturera le processus de sortie du cycle de la violence qui ensanglanta le territoire tout au long des années 1980, tout en ouvrant, sur des bases solides et pour l’avenir, un nouveau chapitre à l’écriture duquel seront appelés, sans exclusive, tous les Calédoniens.

A.   Les prescriptions de l’Accord de Nouméa

Le 26 juin 1988, il y a près de trente ans, les responsables des différentes forces politiques calédoniennes parvenaient à un accord pour mettre un terme aux violences qui avaient secouées depuis plusieurs années la Nouvelle-Calédonie. Sous l’égide de Michel Rocard, alors chef du Gouvernement, Jean-Marie Tjibaou et Jacques Lafleur s’entendaient pour que leur avenir commun découle des urnes et non des armes, du droit et non de la force, de la confrontation de projets politiques et non d’affrontements entre communautés.

Ces accords de Matignon, auxquels furent adjoints le 20 août 1988 les accords dits d’Oudinot, ont été ratifiés par référendum le 6 novembre 1988. Ils ont ouvert une nouvelle ère fondée sur la concorde entre les citoyens, un rééquilibrage des pouvoirs et des richesses, et un développement du territoire dans un contexte économique de mondialisation. Ils prévoyaient aussi l’autodétermination, dont les non indépendantistes reconnaissaient le principe et pour laquelle les indépendantistes acceptaient un horizon de dix années.

En 1998, toutes les parties s’entendirent pour que la solution soit repoussée de vingt ans. L’Accord de Nouméa, paraphé le 5 juin 1998 avec le Premier ministre Lionel Jospin, se doublait d’un préambule fondateur pour le territoire en reconnaissant les apports de chaque communauté à la construction conjointe de la Nouvelle-Calédonie contemporaine. « Le passé a été le temps de la colonisation. Le présent est le temps du partage, par le rééquilibrage. Lavenir doit être le temps de lidentité, dans un destin commun. » La consultation du 8 novembre 1998 sanctionna l’adhésion des populations calédoniennes à l’Accord de Nouméa qui, quoique profondément dérogatoire aux traditions institutionnelles de la République française, fut inscrit dans la Constitution par la loi constitutionnelle n° 98-610 du 20 juillet 1998 relative à la Nouvelle-Calédonie.

Au cours des vingt années suivantes, sur la base du statut spécifique octroyé par la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999, la Nouvelle-Calédonie a construit son propre modèle institutionnel autour des trois provinces, du Gouvernement local, du congrès, du sénat coutumier et des communes, amalgame original des traditions locales, de l’héritage juridique français et d’une volonté perpétuelle de susciter un consensus. Elle achoisi, en outre, d’opérer des transferts de compétence de la part de l’État central sans équivalent sur le territoire de la République. Tous s’accordent pour qualifier le travail accompli de grand succès politique, économique, institutionnel et social – même si, bien sûr, des défis restent à relever pour l’avenir.

L’enjeu réside désormais dans l’achèvement de la phase de transition ouverte en 1988. L’Accord de Nouméa prévoit, en effet, sa propre conclusion : le « vote des populations intéressées [sur] le transfert à la Nouvelle-Calédonie des compétences régaliennes, laccès à un statut international de pleine responsabilité et lorganisation de la citoyenneté en nationalité […]. Leur approbation équivaudrait à la pleine souveraineté de la Nouvelle-Calédonie. »

Le vote devait intervenir au cours de l’automne 2018. Par une délibération du 19 mars de l’année, le congrès de la Nouvelle-Calédonie en a fixé la date au dimanche 4 novembre.

B.   Une consultation tenue dans les meilleures conditions

Le travail engagé tout au long des années précédant la consultation a permis son organisation dans des conditions qui apparaissent aujourd’hui optimales afin que le résultat des urnes, quel qu’il soit, ne puisse donner lieu à contestation et que chacun dispose d’une base stable sur laquelle asseoir la Nouvelle-Calédonie de demain. L’État, qu’il s’agisse de ses gouvernements ou de ses administrations, a tout mis en œuvre pour aplanir les difficultés successives, acceptant même une supervision internationale.

1.   La constitution de la liste électorale spéciale pour la consultation (LESC)

Seuls les électeurs inscrits sur la liste électorale spéciale à la consultation sont appelés aux urnes ([22]). Leur inscription suppose un lien suffisamment fort ou prolongé de l’électeur avec le territoire, dans le respect de l’esprit de l’accord de Nouméa. Ce corps électoral référendaire est défini à larticle 218 de la loi organique du 19 mars 1999 précitée comme tout électeur inscrit sur les listes de droit commun et remplissant lune des conditions énoncées aux a à h de ce même article.

La composition de la LESC constitue l’un des points centraux de l’organisation du scrutin. Tous les efforts ont donc été faits pour garantir l’exhaustivité de cette liste, parmi lesquels la création de procédures d’inscription d’office dispensant les électeurs auxquels l’Accord de Nouméa reconnaît le droit de suffrage à l’occasion de la consultation. Les lois organiques n° 2015-987 du 5 août 2015 relative à la consultation sur l’accession de la Nouvelle-Calédonie à la pleine souveraineté et n° 2018‑280 du 19 avril 2018 relative à l’organisation de la consultation sur l’accession à la pleine souveraineté de la Nouvelle-Calédonie ont permis de lever les dernières craintes selon lesquelles des milliers de personnes se trouveraient privées de leur droit de vote en raison de formalités administratives ([23]).

Corps électoral référendaire 
Article 218 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 modifiée

Sont admis à participer à la consultation les électeurs inscrits sur la liste électorale à la date de celle-ci et qui remplissent l’une des conditions suivantes :

a) Avoir été admis à participer à la consultation du 8 novembre 1998 ;

b) N’étant pas inscrits sur la liste électorale pour la consultation du 8 novembre 1998, remplir néanmoins la condition de domicile requise pour être électeur à cette consultation ;

c) N’ayant pas pu être inscrits sur la liste électorale de la consultation du 8 novembre 1998 en raison du non-respect de la condition de domicile, justifier que leur absence était due à des raisons familiales, professionnelles ou médicales ;

d) Avoir eu le statut civil coutumier ou, nés en Nouvelle-Calédonie, y avoir eu le centre de leurs intérêts matériels et moraux ;

e) Avoir l’un de leurs parents né en Nouvelle-Calédonie et y avoir le centre de leurs intérêts matériels et moraux ;

f) Pouvoir justifier d’une durée de vingt ans de domicile continu en Nouvelle-Calédonie à la date de la consultation et au plus tard au 31 décembre 2014 ;

g) Être nés avant le 1er janvier 1989 et avoir eu son domicile en Nouvelle-Calédonie de 1988 à 1998 ;

h) Être nés à compter du 1er janvier 1989 et avoir atteint l’âge de la majorité à la date de la consultation et avoir eu un de leurs parents qui satisfaisait aux conditions pour participer à la consultation du 8 novembre 1998.

Les périodes passées en dehors de la Nouvelle-Calédonie pour accomplir le service national, pour suivre des études ou une formation ou pour des raisons familiales, professionnelles ou médicales ne sont pas, pour les personnes qui y étaient antérieurement domiciliées, interruptives du délai pris en considération pour apprécier la condition de domicile ».

Afin de limiter les contestations, l’établissement et la révision de la LESC ont relevé d’une commission administrative spéciale, composée notamment d’un magistrat de l’ordre judiciaire, du délégué du haut-commissaire, du maire et de représentants des partis locaux. Une ultime révision complémentaire a eu lieu à l’été 2018. Depuis cette date, elle se compose de 174 154 Calédoniens appelés à se prononcer, le 4 novembre prochain, sur l’accession du territoire à la pleine souveraineté.

2.   Des désaccords aplanis dans le consensus

Un enjeu tel qu’une consultation d’autodétermination suscite forcément entre les partisans des deux options en présence des divergences qui se transcrivent en désaccords sur des éléments techniques et ponctuels. De telles oppositions sont inévitables, mais il convient de saluer l’esprit de responsabilité qui a présidé aux échanges entre chacune des parties en présence pour parvenir, in fine et le cas échéant avec la médiation de l’État, à une solution de consensus.

La formulation de la question posée aux électeurs a suscité quelques oppositions. Certains préféraient une rédaction sans alternative ; d’autres proposaient une question sous forme d’alternative – indépendance ou maintien dans la République française. C’est au cours du XVIIe comité des signataires de l’Accord de Nouméa, tenu à Matignon le 27 mars 2018, que les parties ont retenu, sur la suggestion du Premier ministre, la rédaction : « Voulez-vous que la Nouvelle-Calédonie accède à la pleine souveraineté et devienne indépendante ? » Sur ce point comme sur d’autres – les modalités de campagne audiovisuelle par exemple –, la médiation de l’État et la volonté d’aboutir de tous auront été décisives.

Au cours des dernières années, les principales divergences ont porté sur la constitution de la liste électorale et sur le risque de défaut d’exhaustivité avancé par les groupes politiques indépendantistes. En 2016, plus de 300 recours ont ainsi été déposés devant la justice, dont 275 demandes d’inscription et 25 demandes de radiation, tous faisant l’objet d’un rejet au motif que la LESC n’était pas encore constituée.

Les échanges entre les parties prenantes ont cependant abouti à un consensus sur la nécessité d’une révision complémentaire et de procédures d’inscription d’offices. Les conclusions du XVIe comité des signataires de l’Accord de Nouméa, tenu à Matignon le 2 novembre 2017, ont été transcrites dans la loi organique du 19 avril 2018. En conséquence, aucun tiers électeur n’a contesté en justice la composition de la LESC en 2017 et 2018.

Enfin, les différentes lois organiques vouées à parfaire les conditions d’organisation de la consultation ont toujours été votées en termes identiques par l’Assemblée nationale et le Sénat, de sorte que l’avenir de la Nouvelle-Calédonie n’a pas eu à souffrir d’une controverse partisane sur la scène nationale. Là encore, tous ont fait preuve d’une responsabilité qui les honore.

3.   Des opérations minutieusement préparées et supervisées

Le décret de convocation et d’organisation du scrutin, qui constitue le socle réglementaire de la consultation, a été publié le 7 juin dernier ([24]).

Du point de vue pratique, la commission de contrôle du scrutin veille à la régularité et à la sincérité de l’ensemble des opérations électorales (y compris la campagne), et procèdera au recensement général des votes ainsi qu’à la proclamation des résultats. Présidée par M. Francis Lamy, conseiller d’État, elle s’est adjoint 235 magistrats, universitaires et fonctionnaires, dont le rôle est prévu par le statut et qui apporteront leur appui au contrôle des opérations électorales le jour du scrutin.

En outre, une importante campagne de communication a été menée à destination des électeurs, notamment sur les modalités particulières d’exercice du droit de vote par procuration et sur les bureaux de vote délocalisés ouverts à Nouméa pour permettre aux électeurs inscrits dans les communes insulaires et se trouvant sur la Grande-Terre de voter dans des conditions plus accessibles.

Des observateurs de l’Organisation des Nations unies seront enfin présents pour attester de la bonne tenue du scrutin. Un représentant des Nations unies était déjà présent au sein de la commission administrative spéciale chargée d’établir et de réviser la LESC, comme l’avaient demandé les délégations en comité des signataires.

L’implication totale de tous les acteurs, dont l’État et les élus locaux, tant en termes de moyens humains que dans la définition du cadre juridique, a permis de garantir une parfaite transparence des opérations référendaires et leur déroulement optimal. Au cours du XVIe comité des signataires, « les partenaires ont souhaité saluer le travail des agents des services de létat civil des communes, des services de la Nouvelle-Calédonie et de lÉtat pour leur implication depuis plusieurs années dans lélaboration et le suivi des listes électorales ».

C.   Un avenir à construire ensemble

La consultation a été parfaitement préparée. Mais elle constitue une étape de l’histoire de la Nouvelle-Calédonie, non son aboutissement définitif. Le 4 novembre connaîtra un lendemain qu’il importe de structurer dans les meilleures conditions pour tracer les voies de la concorde.

En 2016, la mission d’écoute et de conseil sur l’avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie a permis de poser les premières bases de sortie de l’Accord de Nouméa ([25]). Une proposition de définition des valeurs communes, partagées par tous les partenaires, susceptibles de fonder le « vivre ensemble » des Calédoniens, a été rédigée à cette occasion. Y figurent les valeurs de la République, les valeurs chrétiennes arrivées avec la colonisation, et les valeurs kanak et océaniennes comme l’accueil, le don, le partage, le mode de gouvernement par consensus, le respect des anciens et la tradition orale.

La volonté de faire prospérer cette démarche d’unité s’est perpétuée par la suite, sans toutefois que les parties en présence parviennent à rédiger un document au contenu partagé. À l’occasion du XVIIe comité des signataires de l’Accord de Nouméa, le Premier ministre a rappelé son attachement à cette initiative à travers le « groupe de dialogue sur le chemin de l’avenir » dont il avait proposé la création le 5 décembre 2017 dans un discours devant le congrès de la Nouvelle-Calédonie, et dont il a personnellement réuni les membres le 28 mars dernier ([26]). Les multiples réunions ont abouti à la signature d’une charte des valeurs calédoniennes et un bilan politique de l’Accord de Nouméa par les représentants de plusieurs mouvements politiques, indépendantistes et non-indépendantistes, le 27 juillet dernier, sans toutefois parvenir à susciter un consensus parfait ([27]).

Votre rapporteur pour avis regrette que la démarche d’unité impulsée par le Premier ministre n’ait pu parvenir à rassembler toutes les opinions de la société calédonienne autour de valeurs communes dont l’existence ne fait plus aucun doute, même si leur définition précise peut prêter à débat. Sans doute l’imminence de la consultation sur l’accession à la pleine souveraineté et l’organisation des prochaines élections provinciales du printemps 2019 ne sont-elles pas étrangères au départ de certaines formations politiques. Toutefois, les documents produits par le groupe de dialogue constituent une base de travail précieuse pour l’avenir : un avenir que les Calédoniens veulent bâtir ensemble, sur leur terre, dans la paix et au côté de la France selon des modalités qui restent à définir.

 

 

 

 

 

 


—  1  —

   Examen en commission

Lors de sa réunion du mardi 23 octobre 2018, la Commission auditionne Mme Annick Girardin, ministre des outre-mer, sur les crédits de la mission « Outre-mer » du projet de loi de finances pour 2019.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Mes chers collègues, je vous remercie de votre présence cet après-midi en commission des Lois. Nous avons le plaisir d’accueillir Mme Annick Girardin, ministre des outre-mer, pour l’examen et le vote des crédits de la mission « Outre-mer ». Notre rapporteur pour avis est M. Philippe Dunoyer.

C’est la première mission budgétaire associée au projet de loi de finances que nous étudions ; nous en examinerons d’autres au cours des prochains jours. L’organisation de cette discussion a été fixée : après la ministre interviendront le rapporteur pour avis pendant dix minutes, le rapporteur spécial pour cinq minutes, puis un orateur par groupe pour cinq minutes. Nous prendrons ensuite les questions des députés présents pour une durée de deux minutes chacune, après quoi Mme la ministre répondra. Hors sa présence nous examinerons les amendements et voterons les crédits de la mission.

Mme Annick Girardin, ministre des outre-mer. Madame la présidente, messieurs les rapporteurs, mesdames et messieurs les députés, votre invitation devant la commission des Lois me donne l’occasion, avant le débat que nous aurons en séance publique sur l’examen des crédits de la mission « Outre-mer », de répondre à vos interrogations et de dialoguer avec vous.

Je n’ai pas souhaité exercer les fonctions qui m’ont été confiées pour le seul plaisir de profiter des charmes de la rue Oudinot. Chacun le sait, j’ai accepté ce portefeuille il y a maintenant dix-huit mois pour une seule raison : conduire avec l’ensemble des territoires un exercice de co-construction et de transformation des outre-mer pour leur donner les moyens d’affronter l’avenir.

Ce budget, le premier des Assises des outre-mer, est une traduction du travail mené pendant de nombreux mois, dans l’ensemble des territoires. Il engage cette transformation sans laquelle nous ne ferons toujours que reproduire des schémas qui ont été, souvent, également par vous-mêmes, dénoncés.

Que disent les citoyens qui ont pris la parole durant ces Assises ? Les citoyens ultramarins veulent des services publics de qualité, des réseaux de transport qui fonctionnent, des routes en bon état, des écoles et des crèches pour accueillir leurs enfants. Ils veulent une réponse au chômage de masse qui plombe l’avenir des jeunes générations et ancre des milliers de nos concitoyens dans la pauvreté ; beaucoup d’entre vous me le rappellent régulièrement. Ils veulent se projeter dans des territoires pionniers et inscrits dans leur environnement régional. C’est à cela que je veux répondre aujourd’hui, pour mettre l’État et les ressources publiques au service des ambitions que porte le Livre bleu comme une stratégie, comme un projet lisible pour le quinquennat.

Je n’égrènerai pas toutes les lignes des programmes 123 et 138. Vous me poserez toutes les questions que vous voudrez sur les différents sujets. Je ne reviendrai pas non plus sur nos débats, animés d’ailleurs, jeudi dernier dans l’hémicycle. Vous aurez bien entendu l’occasion d’y revenir, si vous le souhaitez.

Je veux, ici, devant vous, assumer les choix qui sont les miens, mais aussi les expliquer en insistant sur le contenu de ce qui change, de ce qui fait l’impulsion de ce budget, c’est-à-dire la volonté de donner aux territoires la capacité de se développer : un effort considérable en matière d’investissements publics et une réforme majeure de l’écosystème économique outre-mer.

 En 2019, le Fonds exceptionnel d’investissement (FEI) sera porté de 40 à 110 millions d’euros. Sur le quinquennat, ce sont près de 500 millions d’euros qui permettront la réalisation d’équipements structurants pour le développement des territoires. Nous parlons de projets concrets qui seront lancés dès janvier prochain – j’insiste sur ce point –, en réponse notamment aux demandes exprimées lors des Assises des outre-mer. Nous nous sommes, ensemble, interrogés sur le FEI, il y a quelques jours, et je veux redire ici que 100 % des crédits du FEI ont été consommés, en 2016 comme en 2017.

Vous vous questionnez légitimement sur la pérennité des crédits du FEI. Le ministre de l’action et des comptes publics a été parfaitement clair devant tous ceux qui étaient dans l’hémicycle, la semaine dernière. Ces crédits sont sanctuarisés, même si vous comprendrez qu’il est difficile pour le Gouvernement de s’engager au-delà de ce quinquennat. Ces propos ont été tenus à l’occasion de l’examen des mesures fiscales du projet de loi de finances ; ils engagent donc, publiquement, l’ensemble du Gouvernement.

Mais l’investissement public ne se limite pas au FEI. Les contrats de convergence et de transformation, qui vous tiennent aussi à cœur, prévus dans la loi de programmation du 28 février 2017 relative à l’égalité réelle outre-mer (ÉROM), seront, je le souhaite, signés avant la fin de l’année. Sur quatre ans, la participation de l’ensemble des ministères va s’élever à près de 2,1 milliards d’euros. Cet engagement financier démontre la priorité que ce Gouvernement accorde aux territoires d’outre-mer.

En 2019, le seul ministère des outre-mer consacrera 179 millions d’euros à cette nouvelle contractualisation, que nous souhaitons tous, soit 23 millions d’euros de plus que l’an passé. Je précise, pour ceux qui en douteraient, que ces crédits s’additionnent à ceux qui étaient d’ores et déjà inscrits dans la trajectoire financière du ministère.

 Le PLF prévoit, par ailleurs, en Guyane et à Mayotte, la reprise par l’État du financement du revenu de solidarité active (RSA). C’est une dépense de près de 170 millions d’euros, devenue insoutenable pour ces deux territoires, compte tenu de la dynamique de leur démographie, et que l’État reprend à son compte. Dans ces deux territoires, également, l’État compensera l’intégralité du montant des recettes d’octroi de mer réservées aux communes et dont bénéficiaient, jusqu’à aujourd’hui, les collectivités territoriales. Cette compensation d’un montant de 51 millions d’euros permettra de soutenir leurs programmes d’investissement structurants.

Les trois dispositifs d’aide à la reconversion polynésienne sont maintenus à 151 millions d’euros, tout comme la participation de l’État au régime de solidarité du territoire, pour 12 millions d’euros.

Soutenir les plus fragiles, c’est aussi soutenir la jeunesse. Le projet de budget confirme les moyens alloués au service militaire adapté (SMA) ou encore l’aide à la mobilité ou à la modernisation de l’Agence de l’outre-mer pour la mobilité (LADOM).

J’insisterai sur les crédits de la ligne budgétaire unique (LBU), dédiés à la politique du logement et sanctuarisés à hauteur de 225 millions d’euros. En supplément, vous l’attendiez car nous en avions débattu et je devais vous le confirmer, 20 millions d’euros de produits des cessions des sociétés immobilières des départements d’outre-mer (SIDOM), une décision antérieure à mon arrivée, seront bien inscrits en loi de finances rectificative (LFR). Je dis cela à ceux qui m’accusent de ne pas tenir mes engagements : les communiqués de presse, c’est bien ; voter les dispositifs favorables aux outre-mer, c’est mieux et cela nous permet d’avancer ensemble.

À ce stade, je ferai une pause dans mon intervention pour vous dire que je n’ignore pas l’intensité des attentes concernant la politique du logement, et notamment la question de l’accession sociale à la propriété portée par de nombreux députés, notamment ceux de La Réunion. Ces allocations, qui permettent aux ménages modestes d’accéder à la propriété et de réhabiliter leur logement, avaient effectivement été suspendues. Je puis vous le dire aujourd’hui : le Gouvernement rétablira, en 2019, de manière transitoire et exceptionnelle, les aides personnalisées au logement (APL) accession outre-mer, afin de solder l’ensemble des opérations engagées qui n’ont pu être menées à terme, du fait de leur suppression en 2018. Nous estimons à un millier le nombre de dossiers concernés. Les crédits du ministère du logement seront abondés en conséquence ; vous serez appelés à vous prononcer sur ce sujet lors de l’examen en nouvelle lecture du PLF.

Mais nous ne nous arrêterons pas là : nous allons mettre en place un dispositif pour 2020 qui devra être durable et efficace, c’est-à-dire au moins équivalent aux anciennes APL. C’est un dispositif que nous devons mettre en place ensemble. Il financera l’accession sociale à la propriété, mais aussi la rénovation des logements des propriétaires occupants sous condition de ressources. Pour ce faire, nous prendrons appui sur les conclusions d’une mission d’expertise qui finalise ses travaux en ce moment. Nous en avons discuté lors de mes déplacements dans différents territoires d’outre-mer. J’en parlerai à La Réunion, jeudi et vendredi prochains. Nous aurons aussi l’occasion d’en parler lors de la conférence « Logement outre-mer » organisée avec mon collègue Julien Denormandie, ministre chargé de la ville et du logement, avant la fin décembre : ceci nous permettra de finaliser l’ensemble de ces annonces et de débattre du meilleur outil possible. Nous répondons donc à deux inquiétudes qui se sont exprimées lors de la suppression des aides du 199 undecies C du code général des impôts, un article qui n’était plus utilisé depuis un certain de temps. Nous débattrons ensemble du nombre de dossiers qu’il reste ou qui ont été montés sous cette forme, en 2018.

L’Assemblée nationale a voté la semaine dernière un amendement prévoyant l’alignement des vignettes de sécurité sociale sur les alcools forts, consommés outre-mer, sur le taux national. Nul n’ignore ici la prégnance de ces enjeux outre-mer : je veux assurer la Représentation nationale de la détermination du Gouvernement à lutter contre le fléau des addictions. Nous devons apporter une réponse équilibrée. Cette mesure aura un impact sur le tissu économique des départements et régions d’outre-mer (DROM), notamment sur la production de rhum qui bénéficiait d’une exemption de vignette. Cela représente un ajustement de 1 à 3 euros par bouteille. Les acteurs de la filière s’y sont préparés à compter de 2020. Nous allons, sans revenir sur le fond de l’amendement, proposer un étalement de la mise en place de ce dispositif, qui débuterait en 2020 et pourrait durer une dizaine d’années, avec un nouvel élément : la création d’un fonds spécifique à l’outre-mer qui sera précisé par amendement.

Nous voulons tous gagner la bataille de l’emploi. Nous avons un combat commun à mener : permettre à toutes ces générations, qui comptent de nombreux demandeurs d’emploi, de trouver leur place dans les territoires d’outre-mer. C’est ce qui me guide dans la réforme des aides économiques qui vous a été proposée. Pour répondre véritablement au chômage de masse, il est indispensable de prendre des initiatives fortes et de changer de logiciel. Ce n’est pas en recyclant en permanence les anciennes recettes qui ne portent pas leurs fruits que nous pourrons apporter une réponse à ces jeunes générations qui nous demandent de trouver leur place dans ces territoires.

Nous avons voulu une réforme globale, ambitieuse. Il s’agit de dispositifs zonés qui se fusionnent, appelés « zones franches d’activités nouvelles », avec des taux d’abattement fortement revalorisés. Les mécanismes actuels de défiscalisation sont prolongés jusqu’en 2025 – contre 2020.

La mission « Outre-mer » va être enrichie pour 50 millions d’euros de nouveaux outils, nécessaires au démarrage des projets : garanties d’emprunt, prêts bonifiés, dotations en fonds propres, capital risque, préfinancement, apport en subventions dans le cadre d’appels à projets ciblés. Vous le constatez : nous avons la volonté que les entrepreneurs bénéficient pleinement du renforcement des moyens dédiés au financement des investissements structurants. Je pense notamment au secteur du bâtiment et des travaux publics (BTP) et à ceux qui y sont associés.

Je rappelle que chaque euro d’investissement structurant ou d’investissement public sur le territoire représente deux à trois fois plus, en termes de dynamique et d’efficacité, qu’une dépense fiscale équivalente. Au total, ce sont 100 millions d’euros qui seront investis dans le soutien à l’activité économique. En parallèle, nous allons travailler à améliorer la confiance envers les grands donneurs d’ordres. Il s’agit d’une question que vous avez voulu aborder : les délais de paiement, souvent inacceptables outre-mer. Le Gouvernement proposera, cette année, une série d’initiatives qui apporteront des réponses.

Je connais vos inquiétudes concernant le projet de loi de financement de la scurité sociale (PLFSS) et les exonérations de charges sociales. Nous ne pouvions pas faire l’économie de ce débat. La suppression du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) a été décidée au plan national. L’outre-mer devait réfléchir à une réforme relative aux exonérations de charges et au CICE. Les propositions du Gouvernement mettent en avant une vraie volonté de lutter contre le chômage, avec notamment la mise en place d’une politique de l’emploi. C’est notre réponse au constat récurrent d’un taux de chômage inacceptable dans les territoires d’outre-mer, notre réponse à cette jeunesse souvent trop peu qualifiée et formée. C’est la volonté de donner les moyens aux chefs d’entreprise d’embaucher ces jeunes qui nous amène à leur proposer de ne payer aucune charge pour les rémunérations proches du salaire minimum, horaire ou mensuel.

À engagement financier constant, c’est un dispositif mieux ciblé en faveur des secteurs les plus exposés – tourisme, économie bleue, économie verte. Ce sont 77 % d’entreprises qui seront gagnantes dans les secteurs en compétitivité renforcée.

C’est une réforme d’ampleur, donc, et qui bouscule les habitudes. Toutefois, elle est dictée par l’impératif de ce qui se passe au niveau national. Elle entraînera nécessairement des transferts importants dont nous devons débattre. Sommes-nous pour autant sourds à vos remarques ? Non, au contraire, même si, il est vrai, nous n’avons pas eu un temps d’échange suffisant sur le détail des scénarios.

Nous avons présenté, en juin dernier, une vision macro-économique de cette réforme. Nous sommes entrés récemment dans la vision micro-économique. Il nous faut travailler encore davantage. Depuis dix jours, le Gouvernement a entendu les différentes questions des parlementaires, mais, surtout, il a reçu un grand nombre d’entreprises inquiètes. Nous avons traité leurs demandes, loin du mépris dont certains m’accusent. Nous avons travaillé tous ensemble. Nous voyons bien que les logiciels mis en place ne donnent pas les mêmes chiffres et que nous avons besoin de temps pour comparer ces données.

D’ores et déjà, en réponse aux premières réactions, je voudrais dire que les secteurs du transport aérien et maritime seront revus et qu’ils pourront bénéficier de la réforme. C’est également le cas pour la presse, un secteur qui n’avait pas été traité de la même manière que les autres et qui est fragile dans les territoires d’outre-mer ; nous allons le rendre plus compétitif.

Autre question importante : le traitement de la Guyane qui, jusqu’alors, bénéficiait d’un mécanisme particulier. Nous travaillerons avec la Guyane afin de préserver l’attractivité de ce territoire. Des amendements seront déposés en ce sens, dès demain, en PLFSS.

Mais tout n’est pas obligatoirement réglé, nous avons encore des ajustements à effectuer. Nous devons continuer à travailler avec les entreprises. Dès la semaine prochaine, l’ensemble des représentants des trois ministères concernés – outre-mer, action et comptes publics, solidarités et santé – rencontreront les représentants des entreprises, à Paris, pour ajuster nos logiciels, expertiser les différentes problématiques et définir comment y répondre. Je souhaite que l’on puisse le faire rapidement afin que nous soyons prêts, au Sénat, à corriger, s’il le faut, ce dispositif. Le ministère des outre-mer, comme les autres, est à l’écoute des inquiétudes, notamment quand un certain nombre de réflexions n’ont pas été menées jusqu’à leur terme.

Je n’ai pas souhaité commencer mon intervention par les aspects strictement budgétaires de ce PLF 2019. C’est une action que je veux porter, en passant d’une logique de guichet à une logique de projets. L’ensemble des mesures nouvelles conduit à une hausse sensible des crédits de la mission outre-mer, plus de 20 % : 466 millions d’euros, dont 170 millions d’euros qui viennent abonder le FEI et les nouveaux outils pour le financement de l’économie, de l’investissement public – financement, bien sûr, de projets. Ces crédits traduisent la nouvelle approche mise en place. Et puis ce sont 296 millions d’euros liés à une modification des circuits de financement des exonérations de charges sociales. Il s’agit d’une mesure purement technique, qui n’augmente pas les crédits engagés dans les territoires.

Je souhaite travailler en toute transparence, dans la plus grande confiance. Et parce que je reste la même, je répondrai à toutes vos questions le plus sincèrement possible avec l’ensemble des éléments à ma disposition aujourd’hui. Si je ne peux y répondre, je prends l’engagement que mon cabinet vous répondra très vite. Il ne s’agit pas pour moi de réformer pour réformer, mais bien de relever les défis auxquels sont confrontés les outre-mer, de relever les nombreux défis de ce XXIe siècle.

M. Philippe Dunoyer, rapporteur pour avis. Je veux d’abord remercier mes collègues de la confiance qu’ils m’ont témoignée en me confiant ce premier rapport pour avis. C’est une mission exceptionnelle, la ministre l’a rappelé, avec des crédits en augmentation, de 22 % – 2,491 milliards d’euros – en autorisations d’engagement et de 21 % – 2,576 milliards euros – en crédits de paiement.

Passé le premier moment d’agréable surprise, il nous faut regarder un peu plus en profondeur d’où vient cette augmentation, une augmentation de 473 millions d’euros qui provient de trois sources. La première est la transformation du CICE en exonérations de charges à l’échelle nationale ; 296 millions d’euros qui constituent, non pas une modification structurelle entre CICE et exonérations de charges, mais un changement de périmètre. La bonne nouvelle est l’affichage, dans la mission « Outre-mer », de ce soutien très fort au développement de l’économie et au soutien de l’empoi dans nos territoires. J’y reviendrai, car l’une des principales difficultés à comprendre les politiques menées outre-mer, c’est qu’elles ne sont pas toutes résumées dans cette mission.

La deuxième source, ce sont les 170 millions d’euros les plus célèbres de ces dernières semaines : 100 millions d’euros issus de la suppression du dispositif de la taxe sur la valeur ajoutée non perçue récupérable (TVA NPR), et 70 millions d’euros issus de la diminution de l’abattement sur l’impôt sur le revenu qui existe dans certains de nos DROM – la Guadeloupe, la Martinique, La Réunion.

Cent soixante-dix millions d’euros d’aides fiscales sont transformées en soutien budgétaire. Cette transformation, quasiment une révolution du mode d’accompagnement de nos territoires, explique une bonne partie des questionnements de mes collègues, la semaine dernière.

Pour résumer le sentiment général sur cette mission et rejoindre l’ambition affichée par la ministre, je crois que nous pouvons parler de stratégie disruptive. À l’échelle des outre-mer, il s’agit d’une stratégie économique qui peut s’appliquer à notre situation, qui consiste à changer sur un marché des positions durablement établies par une nouvelle stratégie et une ouverture au plus grand nombre. Vous verrez tout à l’heure pourquoi il s’agit, à mon avis, à bien des égards, d’une stratégie distructive et donc volontariste à l’échelle des outre-mer, avec un but affiché d’améliorer l’efficacité, si ce n’est l’efficience des dispositifs qui ont été pour certains supprimés et pour d’autres abondés.

Je vous dirai quelques mots de ces fameux 170 millions d’euros : deux dispositifs ont été supprimés et remplacés par des crédits répartis sur les deux programmes qui constituent la mission « Outre-mer », les programmes 123 et 138, relatifs respectivement au soutien à l’emploi et à l’amélioration des conditions de vie. Lorsque des aides fiscales disparaissent, bien souvent elles se perdent dans la masse et ne bénéficient plus à ceux qui les recevaient auparavant. Nous serons donc nombreux à considérer que la conservation des 170 millions d’euros est une bonne nouvelle. Cela n’a probablement pas été un mince effort, madame la ministre, que d’affronter Bercy pour récupérer la totalité de cette somme.

Une deuxième bonne nouvelle est la sanctuarisation de ces 170 millions d’euros pour le reste de la mandature : une nouvelle susceptible de rassurer nos collègues qui se préoccupent, et à juste titre, de la disparition de ce niveau d’aide, remplacée par une nouvelle méthode d’appui budgétaire.

Deux problèmes sont à identifier. D’abord, quand ils disparaissent, ces dispositifs entraînent une réaction des uns et des autres – représentations patronales, chambres consulaires, entreprises. Ils se demandent s’ils vont pouvoir bénéficier, sous une autre forme, de la même aide. La justification, contenue dans le document qui nous a été remis, est incomplète s’agissant de l’inefficience de ces deux mécanismes. Cela a été dit, mais non suffisamment étayé dans le document pour balayer un certain nombre de protestations. Ensuite, concernant la pédagogie de la réforme, je crois qu’elle a eu lieu, pour partie, mais qu’elle est insuffisante. Pour symboliser les inquiétudes de nos collègues, je voudrais vous renvoyer à la page 18 de mon rapport pour avis : un tableau permet de voir de manière plus large, sur l’ensemble du budget de l’État, les 18,5 milliards d’euros dépensés pour les outre-mer, toutes missions confondues. Ces 18,5 milliards d’euros sont répartis par territoire ; or il y a une ligne intitulée « non répartis ». Cette ligne, d’un exercice à l’autre, passe de 180 millions d’euros en 2018, soit 1 %, à 1,7 milliard d’euros en 2019, soit 9,3 %. Lorsque la ligne « non répartis » augmente dans une telle proportion, elle est génératrice des questionnements quant à la lisibilité de la modification et de la réforme conduite.

Néanmoins, il convient d’éviter désormais le piège dans lequel nous sommes tombés, mes chers collègues, la semaine dernière, car cela nous conduirait à nous opposer malgré nous. Je vous le dis, car j’ai vécu douloureusement les commentaires de certains qui pensaient que nous étions dans une confrontation entre une solidarité nationale, que nous appelons collectivement et qui fonde la logique de l’élaboration du Livre bleu, et une solidarité ultramarine. Ou, pire encore, dans une opposition entre les DROM et les collectivités d’outre-mer (COM), au motif que les deux dispositifs supprimés bénéficiaient exclusivement aux DROM et que, maintenant qu’ils sont répartis plus largement, les COM en bénéficient aussi.

Vingt-quatre milliards d’euros, donc, si nous ajoutons les dépenses fiscales, tel est l’effort de l’État à l’échelle du budget – et non pas de la mission, qui n’en reflète qu’un dixième. Notre mission est la seule mission du PLF qui ne traduit pas de manière complète, tant s’en faut, la stratégie politique et budgétaire menée à l’égard des territoires. C’est aussi la seule qui soit à vocation géographique, c’est-à-dire horizontale et non pas verticale ; les autres missions sont concentrées par thématique.

Le programme 138, concerne l’emploi. Il est doté de 1,688 milliard d’euros et comporte quatre actions. L’action principale, qui représente 85 % de l’effort financier, est le soutien aux entreprises qui affiche deux objectifs : la lutte contre les handicaps structurels que connaissent nos économies et l’amélioration de la compétitivité des entreprises – deux objectifs qui vont de pair et que personne ne remet en cause. Je voudrais insister sur une nouveauté, puisque elle consacre une partie de la nouvelle affectation des 170 millions d’euros, c’est l’action 4, « Financement de l’économie ». Madame la ministre, vous l’avez dit tout à l’heure, 50 millions d’euros lui ont été alloués, issus des 170 millions d’euros, et qui servent à financer les dispositifs suivants : création de fonds de garantie pour préfinancer des créances – celles des entreprises qui ont passé des marchés avec des donneurs d’ordres, publics ou privé, et qui ne sont pas payées ; plans de développement pour financer des besoins en fonds de roulement ; outils de capital-investissement ; subventions d’investissement sur appels à projets. Tout cela est très bien. Mais j’appelle votre attention, madame la ministre : il ne faudrait pas que la réponse de l’État à l’égard des besoins de financement de nos entreprises se trouve réduite à l’intérieur de cette action. Car il ne pourra pas, ni à hauteur de 50 millions d’euros, ni même de 65 millions si j’ajoute le montant dévolu à une autre action, se réduire à cela. Nos besoins sont bien plus larges. Notre collègue Serge Letchimy a déposé un amendement, il y a deux ans, pour conditionner la baisse de l’option pour un crédit d’impôt ou une aide fiscale à un dispositif pérenne de préfinancement des entreprises. Ce dispositif fait défaut encore aujourd’hui, je le regrette, et je voudrais indiquer que le financement des entreprises ne pourra pas se résumer à cette aide, même si elle est la bienvenue.

Madame la présidente, pardonnez-moi d’avoir été un peu long ; c’est probablement le fruit de mon inexpérience. Je voudrais indiquer, en conclusion, les deux thématiques sur lesquelles j’ai tenu à faire porter mes travaux. La première est chère à l’ensemble de nos collègues : c’est la lutte contre les violences faites aux femmes, car l’outre-mer est malheureusement, à cet égard, à la pire place du classement. Il faut conduire des politiques qui soient plus visibles ; je formulerai une proposition pour qu’elle soit inscrite dans la mission en tant qu’action identifiée. La seconde thématique a trait au référendum sur la Nouvelle-Calédonie et son autodétermination, mais je n’en dirai naturellement pas plus.

Telles sont les remarques que je souhaitais faire avant d’exprimer un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission, tout en souhaitant, bien sûr, que l’audace et le volontarisme affichés se traduisent dans les faits en 2019.

M. Olivier Serva, président de la délégation aux outre-mer, rapporteur spécial de la commission des Finances. À titre liminaire, je remercie la présidente d’avoir bien voulu que cette réunion de la commission des Lois soit ouverte aux membres de la délégation aux outre-mer, qui sont heureux d’entendre Mme la ministre.

Vous le savez, les sujets qui touchent nos territoires en cette période budgétaire sont aussi nombreux qu’ils suscitent le débat. Nous sortons d’une semaine de discussions intenses sur les articles relatifs à la révision du plafond de l’abattement fiscal, la suppression de la TVA non perçue récupérable ou encore la réforme des dispositifs zonés d’aide économique. Ces quelques mesures, sur lesquelles nous avons pris des positions claires et fermes, trouvent leur prolongement nécessaire dans la mission portée par votre ministère. Vous l’avez d’ailleurs parfaitement expliqué, monsieur le rapporteur pour avis.

Il en va ainsi, par exemple, de la traduction budgétaire de la révision de l’abattement fiscal dans les crédits demandés pour 2019 au titre de l’action 8 relative au Fonds exceptionnel d’investissement (FEI). Or, nombreuses sont les questions en suspens. Sans que l’inventaire soit exhaustif, je pense à la mise en place d’un dispositif de copilotage du FEI avec les collectivités, que vous avez vous-même évoquée, madame la ministre, la semaine dernière.

Autre question, celle du fléchage vers les départements d’outre-mer du montant de la recette générée par la réforme de l’abattement sur l’impôt sur le revenu qui sera justement prélevé dans ces départements d’outre-mer. Effectivement, il ne s’agit pas d’opposer les DROM et les COM, monsieur le rapporteur pour avis : il serait prudent que les fonds récoltés par les DROM aillent aux DROM.

Je pense également à la construction d’un outil pour lutter contre les trop longs délais de paiement des collectivités, sujet sur lequel nous sommes en discussion depuis maintenant près d’un an. Je connais votre sensibilité à ce sujet et à propos duquel je crois savoir que vous auriez quelques informations à apporter aux entreprises ultramarines.

Je pense encore à la suppression, à l’article 55 du projet de loi de finances, de la condition qui suspend le terme des dispositifs de défiscalisation traditionnelle à la mise en place d’un mécanisme de préfinancement du crédit d’impôt. On m’a par ailleurs indiqué, à ce propos, que vous auriez trouvé un dispositif de pré-financement qui aboutirait à ce résultat ; la représentation nationale souhaite connaître les détails concrets de ce dispositif.

Dans le même esprit, un sujet qui nous préoccupe au premier chef est le financement de la réhabilitation des logements individuels dans nos territoires. Vous le savez, l’usage qui consistait à utiliser le dispositif prévu à l’article 199 undecies C du code général des impôts au titre de la réhabilitation du logement social individuel n’est pas encadré par la loi. Vous avez le devoir d’apporter des réponses à nos concitoyens les plus démunis, qui ont un droit fondamental à vivre dans des conditions respectueuses de la dignité humaine.

Bercy évoque des crédits qui auraient abondé la mission « Cohésion des territoires » pour les outre-mer, permettant de financer une solution budgétaire d’intervention directe à hauteur, me dit-on, de 17 millions d’euros. Cependant, là encore, nous attendons une information claire sur la mise en œuvre de cette intervention, tout en rappelant que les personnes démunies n’ont pas de possibilités réelles de cofinancer leurs travaux.

Plus largement, sur la défiscalisation de la construction de logements sociaux, une deuxième délibération a abouti ce matin à ce qu’un amendement défendu par nos collègues soit finalement rejeté.

Il me faut enfin évoquer l’amendement du rapporteur général du projet de loi de financement de la sécurité sociale relatif à l’alignement de la cotisation sur les boissons alcooliques, qui sera mis en œuvre dès le 1er janvier prochain. J’ai entendu avec satisfaction que vous envisagiez d’étaler son application sur dix ans ; je salue cette décision. Je ne doute pas que mes collègues de la délégation aux outre-mer, tout comme les membres de la commission des Lois, auront à cœur de vous interroger sur tous ces sujets et sur bien d’autres.

Mme Annick Girardin, ministre des outre-mer. Monsieur Dunoyer, s’agisssant de la TVA NPR et de son inefficience, un grand nombre de rapports existent et sont parvenus à cette conclusion. Alors peut-être n’en disposez-vous pas ; nous allons vous les envoyez – notamment ceux de l’inspection générale des finances et du Trésor. Ce que nous appelons la TVA NPR, c’est du financement bénéficiant à des produits, non à des secteurs d’activité. Or, vous voyez bien que notre volonté, aujourd’hui, est de s’orienter vers des secteurs en développement. La TVA NPR est intraçable, et dès lors qu’elle est intraçable, il est compliqué de donner plus d’éléments.

Concernant l’impôt sur le revenu, 50 % de l’épargne non disponible localement vont être effectivement restitués aux outre-mer. Nous voyons bien ce à quoi servait l’abattement qui, jusqu’à aujourd’hui, profitait à 4 % des contribuables. Les dernières déclarations de M. Victorin Lurel m’ont profondément scandalisée : je reste abasourdie d’entendre un ex-ministre, un sénateur, dire autant de contre-vérités. Je souhaite que ces 50 % soient alloués à l’ensemble des Français d’outre-mer de manière à investir différemment. Je l’ai dit tout à l’heure : un euro investi dans des infrastructures, c’est trois fois plus de dynamisme économique sur un territoire, c’est trois fois plus de possibilités de lutter contre le chômage de masse qu’une dépense fiscale équivalente.

S’agissant du manque de pédagogie qu’on nous reproche sur la TVA NPR, cela fait plus d’un an que nous en discutons avec les entreprises car cette décision a été annoncée très rapidement. De même, nous avons rendue publique en juin la mesure concernant l’impôt sur le revenu, mesure qui se trouve par ailleurs dans le Livre bleu.

Si j’estime que nous avons réalisé un bon travail sur ces deux sujets, je suis consciente que, s’agissant des exonérations, nous n’avons pas terminé le dialogue et qu’il doit se poursuivre.

S’agissant des crédits non répartis, la variation que vous avez mentionnée correspond aux exonérations de charges.

Vous m’avez également questionnée sur le préfinancement du crédit d’impôt. Avec les sommes qui étaient consacrées à la TVA NPR, nous allons renforcer ce que nous avons déjà mis en place, c’est-à-dire le prêt DROM de Bpifrance, qui était un crédit d’impôt pour l’investissement productif, et nous allons l’étendre à toutes les COM. Ce nouvel outil devrait répondre à votre préoccupation. Nous l’évaluerons au fur et à mesure de l’année 2019.

Monsieur Serva, vous avez évoqué un certain nombre de sujets, notamment le FEI. L’impôt sur le revenu n’est pas un impôt local : j’ai quelque difficulté à concevoir que nous puissions flécher l’ensemble des crédits FEI sur les seuls territoires concernés par la suppression de l’abattement. Prenons un exemple : si vous proposiez la suppression de la prime d’éloignement versée aux fonctionnaires affectés dans les territoires du Pacifique, demanderiez-vous que l’économie obtenue soit versée à ces seuls territoires ? Les outils sont conçus pour l’ensemble des territoires d’outre-mer. On peut évidemment créer tel ou tel dispositif particulier, mais je crois qu’il serait déplacé de vouloir cibler les aides selon les territoires dès lors qu’un outil est accessible à tous. Il y a dans votre logique quelque chose que je peux comprendre, mais je ne souhaite pas y entrer. Je veux être équitable et juste, et il conviendra, s’agissant du FEI, de renforcer par différentes mesures les espaces qui en ont le plus besoin. Nous pourrons, par exemple, étudier l’idée d’une FEI « entreprises ».

Quant au copilotage avec les collectivités et à la transparence dans la répartition des crédits, j’y suis favorable et nous pourrons en débattre.

 Concernant l’article 199 undecies C, qui a effectivement été supprimé, nous allons rétablir, pour 2018 et 2019, l’APL « accession sociale à la propriété » pour les 1 000 dossiers en suspens – s’il y en a plus, nous les traiterons aussi. Nous allons mettre en place un nouveau dispositif, à compter de 2020, pour répondre à l’ensemble des besoins.

S’agissant des délais de paiement, vous avez déposé un amendement et nous allons continuer à travailler la question ensemble afin d’élaborer un dispositif global. Une concertation avec les collectivités est nécessaire : un groupe de travail au sein de la prochaine Conférence nationale des territoires (CNT) sera dédié à ce sujet.

Pour ce qui est, enfin, de la vignette sur le rhum, nous allons reporter son entrée en vigueur à 2020, en accord avec l’ensemble des producteurs, qui avaient de toute façon anticipé cette taxation, et étaler sur dix ans son déploiement. Les crédits seront orientés vers la prévention outre-mer, qui en a largement besoin.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Je donne maintenant la parole à un orateur par groupe pour une durée de cinq minutes chacun.

M. David Lorion. Madame la ministre, nous ne nous sommes pas réveillés pour rien ce matin : après avoir bataillé pendant un an, vous rétablissez l’APL-accession pour le logement social. La nouvelle est de taille !

Le budget des outre-mer a augmenté de 22 %. Mais nous savons bien que cette augmentation est financée par des suppressions d’avantages fiscaux liés à la TVA NPR, pour 100 millions d’euros, et à l’abattement d’impôt sur le revenu, pour 70 millions d’euros. Et vous avez ajouté récemment une nouvelle taxation du rhum, qui rapportera quelque 30 millions d’euros, soit un total de 200 millions d’euros en moins sur le budget de l’outre-mer. La vérité, c’est qu’il n’y a pas beaucoup de solidarité dans ce budget qui augmente certes, mais que vous faites augmenter en puisant dans les ressources mêmes des outre-mer.

La répartition des grandes masses ne connaît pas non plus d’évolution particulière ; 56 % de la dépense de cette mission concerne les allégements de charges sociales afin d’améliorer la compétitivité des entreprises. Des ajustements restent à venir : chacun est conscient de l’importance des prochaines négociations pour que la transformation du CICE en allégement de charges sociales ne pénalise pas les entreprises ultramarines – nous parlons de 1,7 milliard d’euros.

Le reste du budget se divise en parts égales, ou presque, entre le logement, le service militaire adapté (SMA) et les contrats État-collectivités. Certes, le prolongement de l’aide fiscale en faveur des investissements outre-mer jusqu’en 2025 est de nature à rassurer les entreprises. Le président de la Fédération des entreprises des outre-mer (FEDOM) disait qu’il s’agissait d’une mesure passablement « optique ». Encore faut-il que l’affichage ne soit pas vidé de son sens par des difficultés d’accès, notamment parce que ces mesures fiscales ne sont pas prises en compte dans le prélèvement de l’impôt à la source !

Le Fonds exceptionnel d’investissement (FEI), géré par l’État, progresse fortement ; c’est exceptionnel ! Cela veut dire qu’il s’agit d’une cagnotte extrêmement importante, gérée directement par le ministère. Je ne suis pas certain que beaucoup de moyens alloués à ce Fonds se traduisent à la fin de cette année par de réels investissements, étant donné la faiblesse dans laquelle se trouvent les collectivités territoriales.

L’originalité de ce budget est à chercher dans la révision des aides économiques. Vous avez beaucoup travaillé sur ce sujet et elles ont été modifiées de manière substantielle. La TVA NPR, qui a été supprimée, était un mécanisme qui s’apparentait à une subvention assez simple aux entreprises. Vous nous dites qu’elle a été évaluée et qu’elle ne servait pratiquement à rien ; je n’en suis pas tout à fait sûr.

Comment sera répartie cette dotation, qui bénéficiait déjà aux territoires d’outre-mer, mais que le Gouvernement veut faire apparaître comme une mesure nouvelle ? La plus grande partie, 70 millions d’euros, va abonder le FEI, géré, comme je le disais, par l’État, et visant à financer des infrastructures nouvelles. Des questions restent en suspens. Les promesses engagent-elles réellement le Gouvernement ou seulement ceux qui les croient ? Quels investissements seront privilégiés ? Comment pourrons-nous participer à ces investissements ?

Vingt-trois autres millions d’euros sont fléchés vers les contrats de convergence et de transformation, venant compenser la baisse du budget de la mission « Relations avec les collectivités » et permettant à l’État de respecter les engagements pris lors des signatures de contrats financiers. Quelque 50 autres millions d’euros financeront les garanties aux entreprises : fonds de garantie, fonds de capital-investissement, appels à projets… Quant au solde, il sera réparti entre les aides aux collectivités fragiles, aux constructions scolaires et aux reconstructions post-cycloniques. Il n’est pas certain que cette dispersion garantisse que tout ce qui aura été récupéré par la suppression des aides fiscales revienne bien aux outre-mer. Il conviendra d’organiser un débat sur cette question à l’issue de l’année budgétaire.

Le second changement majeur, sur le plan économique, réside dans la suppression du CICE, transformé en allégements de charges sociales, afin d’encourager la compétitivité des entreprises et la création d’emplois. Si l’enveloppe globale est préservée, pourquoi le Gouvernement n’a-t-il pas saisi l’occasion d’accompagner un meilleur encadrement dans les entreprises en favorisant l’embauche de personnes plus qualifiées à un niveau de salaire égal à 1,2 fois, 1,4 fois, voire 2 fois ou 2,5 fois le SMIC ? Je crois savoir que des débats sont en cours et qu’ils vont donner des résultats satisfaisants. Au-delà de la compétitivité des entreprises, c’est aussi le renforcement de leur encadrement qui est à souhaiter car les jeunes Réunionnais veulent travailler dans des entreprises ultramarines. Les discussions sont ouvertes et j’espère qu’elles trouveront une issue favorable.

La mesure de regroupement des dispositifs zonés en un seul, la « zone franche d’activités nouvelle génération » (ZFANG), apparaît bonne, mais certains points importants restent encore à débattre.

Je réitère mes félicitations pour la bonne nouvelle que vous nous avez annoncée, madame la ministre, mais les 225 millions d’euros alloués au logement social à La Réunion ne permettront pas de répondre à la demande. 22 000 foyers attendent encore un logement.

Mme Isabelle Florennes. Les crédits de la mission « Outre-mer » prennent cette année une dimension particulière puisqu’ils reflètent les échanges qui se sont déroulés lors des Assises de l’outre-mer. Ils incarnent la dynamique voulue et impulsée à cette occasion. Priorité a été donnée aux équipements publics, au développement économique et social, à l’emploi ou encore à la préservation de l’environnement.

Pour cela, la mission s’appuie sur deux programmes, l’un entièrement consacré à l’emploi, l’autre plus largement dédié à l’amélioration des conditions de vie outre-mer. Je n’irai pas plus loin dans le détail des actions que vous avez présentées, madame la ministre, monsieur le rapporteur pour avis. Je souhaite néanmoins revenir sur quelques points spécifiques qui ont trait à trois sujets qui me semblent être des problématiques cruciales pour le développement des territoires ultramarins : l’économie, l’emploi et l’éducation.

Tout d’abord, l’augmentation significative du budget destiné aux territoires ultramarins résulte de deux leviers. D’une part, vous l’avez rappelé, il y a la TVA NPR, dont la suppression va permettre de réorienter environ 100 millions d’euros, chaque année, vers le développement économique des outre-mer. D’autre part, il y a la refonte de l’impôt sur le revenu, qui devrait rapporter 70 millions d’euros, lesquels seront – nous l’espérons car nombre de collègues ont manifesté leur désaccord sur ce sujet – redistribués au bénéfice du plus grand nombre pour encourager l’économie locale et la création d’infrastructures.

Ensuite, je veux insister sur l’augmentation de 300 millions d’euros destinée au financement de la baisse des charges pesant sur les entreprises. C’est, vous l’avez rappelé, une mesure capitale car elle encourage, indirectement, la création d’emplois, essentielle dans les territoires ultramarins qui souffrent d’un taux de chômage supérieur à la moyenne nationale.

Enfin, je crois qu’il est important de relever le passage de 40 à 110 millions d’euros de l’enveloppe allouée au Fonds exceptionnel d’investissement (FEI), qui servira à accompagner la construction de nouveaux établissements scolaires et à renforcer les équipements structurants, essentiels pour ces territoires.

Ces trois avancées traduisent la volonté du Gouvernement de poursuivre sa politique de soutien à l’égard des outre-mer. Toutefois, dans le prolongement des craintes exprimées lors de différents débats en séance et en commission par mes collègues Justine Benin et Max Mathiasin, nous saluons votre annonce, madame la ministre, concernant le rétablissement transitoire des aides à l’accession à la propriété pour l’année 2019, et la mise en place d’un nouveau dispositif à partir de 2020. Nous souhaitons qu’il soit élaboré en concertation avec l’ensemble des députés et des acteurs économiques locaux.

Mme Maina Sage. La présentation du Livre bleu, en juin dernier, a suscité de vifs espoirs. Il en va de même du discours du Président de la République qui a affirmé nourrir pour ces territoires des outre-mer une « ambition nouvelle » à laquelle notre groupe adhère. L’objectif de ce projet de loi de finances, qui est en fait le premier vrai budget de cette majorité, est de vérifier si nous sommes au rendez-vous de ces ambitions. Bien entendu, tout ne peut être réglé en un an, mais il était important pour nous de voir comment serait construit ce nouveau budget.

Je rappelle, en saluant l’excellent rapport de M. Philippe Dunoyer, que nous traitons dans cette mission de 2 milliards d’euros seulement sur les 18 milliards déployés par l’État dans nos territoires. Il me semble que les budgets accordés aux outre-mer doivent faire l’objet d’une étude particulière à l’Assemblée nationale, car les autres missions – éducation, santé, etc. – disposent du même temps pour traiter d’un seul domaine.

S’agissant des aspects dont nous sommes saisis aujourd’hui, c’est-à-dire les conditions de vie et l’emploi, sommes-nous au rendez-vous ? Je ne reviendrai pas sur le débat de fond qui nous a occupés jeudi, madame la ministre. Nous avons pris position par solidarité avec les DROM, qui n’ont guère apprécié le redéploiement des crédits dégagés par les deux mesures en question. Je comprends leurs inquiétudes et je suis rassurée d’apprendre que vous poursuivez les discussions. Il est fondamental que nous puissions nous inscrire dans une relation de confiance pour reconstruire le modèle économique de nos territoires. Je suis d’accord avec vous : il faut passer de la logique de guichet à la logique de projets. Nous en sommes tous d’accord.

Les moyens déployés sont-ils les bons ? Je ne referai pas le débat mais je ne suis pas persuadée que remanier les crédits en interne soit la meilleure réponse. Nous aurions souhaité un effort exceptionnel supplémentaire, financé sur les crédits nationaux, pour répondre au diagnostic et à l’ambition. En effet, il ne s’agit pas d’une hausse de 20 % à périmètre constant : à périmètre constant, les crédits sont seulement stabilisés. Je vous félicite cependant pour les avoir au moins maintenu.

En ce qui nous concerne, nous sommes favorables à l’idée de renforcer les moyens accordés aux grands projets. Mes questions concerneront trois domaines : l’économie, l’environnement et la formation.

Concernant l’économie, comment sera déployé le FEI ? On ne passe pas si facilement de 40 à 110 millions d’euros dans une programmation ! Pouvez-vous nous donner un peu plus d’informations sur les grandes masses ? Par ailleurs, je rejoins l’idée d’associer les collectivités au déploiement de ces nouveaux crédits.

S’agissant plus particulièrement de l’aide à l’investissement, nous demandons qu’une part des crédits soit priorisée en direction des collectivités d’outre-mer (COM) en faveur de la réhabilitation et que leur emploi soit décidé de façon décentralisée. Nous avons plaidé pour l’extension des aides à la construction de bateaux de croisière et déposé un amendement visant à soutenir l’audiovisuel et la création cinématographique.

Dans le domaine environnemental, j’ai noté 15 millions d’euros pour le Fonds Vert, soit 7 millions d’euros de moins qu’en 2018. Pouvez-vous nous faire un bilan de l’utilisation du fonds en 2018 et nous donner les orientations pour 2019 ?

En matière de formation, nous avons insisté, madame la ministre, sur la mobilité de notre jeunesse, un sujet qui vous tient à cœur. Nous vivons loin de l’Europe et nous avons besoin d’aider les jeunes à se déplacer. J’en profite pour demander l’application du principe de continuité territoriale aux aides à la formation continue de nos salariés.

En conclusion, nous sommes globalement favorables à ce PLF, mais nous attendons d’être rassurés quant au redéploiement des crédits supprimés jeudi dernier.

M. Serge Letchimy. Madame la ministre, je suis très ennuyé, car si nous partageons quelques idées, nous nous opposons sur d’autres. Je suis très heureux que vous ayez pensé à construire une nouvelle émancipation économique. Cette volonté est claire, notamment par la mise en place d’une vision globale, avec des filières. En revanche, contrairement à Mme Maina Sage, je ne pense pas que vous soyez passée d’une logique de guichet à une logique de projets. En rapatriant les fonds de la TVA NPR, qui avait pour elle une dynamique de liberté d’utilisation, une dynamique de progrès sur le plan local, vous recentralisez le produit de cette taxe, de l’ordre de 100 millions. La méthode employée va à l’encontre de l’air du temps, puisque c’est de Paris que vous allez décider de l’attribution des subventions, à partir du FEI. Par ailleurs, très honnêtement, je ne suis pas du tout d’accord avec votre analyse sur la question de l’abattement. Nous savons pertinemment que cette décision concernera bien plus de 4 % de personnes : selon nous, 20 % de personnes seront touchées.

Je regrette la fermeté de cette décision à l’image de votre majorité, notamment quand, à cinq heures du matin, elle revient sur un amendement voté sur l’article 199 undecies C du code général des impôts qui aurait permis de continuer la défiscalisation, à la fois dans le secteur public et privé. La majorité sait pourtant bien que le secteur privé ne peut avoir accès aux crédits d’impôt de la même manière que le secteur public – notamment pour le préfinancement des opérations et la réhabilitation. Vous avez même poussé l’audace jusqu’à comparer cet article 199 undecies C à l’APL-accession. Cela n’a rien à voir ! Souvenez-vous du combat que nous avons mené pour le rétablissement de l’APL-accession : il nous avait été radicalement refusé et parce que nous avons protesté, parce que Mme Huguette Bello a fait plusieurs interventions brillantes dans l’hémicycle, vous revenez un an plus tard sur votre décision. Mais pour combien de temps l’avez-vous rétablie ? Pour quelques semaines ? Un an ? Éternellement ? Nous souhaitons qu’elle soit pérennisée car elle permet l’accession des plus pauvres à la propriété. Cette suppression a été extrêmement douloureuse.

S’agissant de la comptabilité, alors que votre budget augmente de quelque 6 millions d’euros, vous rapatriez plus de 370 millions d’euros : 100 millions plus 70 millions, plus 200 millions au titre de la défiscalisation du logement social dont vous dites qu’ils ne sont pas utilisés mais qui sont dans le budget. Il y a tout de même une grosse différence entre 6 millions d’euros et 370 millions d’euros ! Où se trouve l’argent ?

Je partage votre ambition de changer de modèle, mais vous avez employé, dans l’hémicycle, le terme « disruptif », dans lequel il y a rupture. Or quand il y a une rupture, il y a aussi naissance. Il serait donc intéressant de savoir ce que vous voulez faire naître. Par ailleurs, je ne vois pas la sanctuarisation. Dans quelque temps, vous serez, vous ou quelqu’un d’autre, en face d’une réalité budgétaire : les 170 millions d’euros deviendront 2 millions d’euros.

Ce que j’ai trouvé très douloureux, c’est d’opposer les outre-mer entre eux, même s’il y a une différenciation à mettre en œuvre dans la politique de développement économique.

Madame la ministre, si je me réjouis que vous soyez sur la ligne d’un éventuel nouveau modèle économique qui nous permette de sortir des importations massives et de construire un progrès mieux partagé, je suis attristé par la brutalité des décisions prises, notamment celle consistant à profiter de la nuit pour abîmer un amendement de notre groupe, qui avait créé beaucoup d’espoir dans les outre-mer.

Je vous demande d’être très vigilante s’agissant des exonérations, afin d’éviter que les entreprises rencontrent des difficultés.

Enfin, vous aviez prévu une aide pour l’audiovisuel, visant en particulier les petites télévisions. Nous en avions, par amendement, voté le principe. Or, vos services nous disent qu’elle n’est pas mise en place ; pourriez-vous faire respecter la loi ?

Mme Huguette Bello. Madame la ministre, je ferai tout d’abord trois remarques. La première porte sur la prétendue augmentation de la mission « Outre-mer ». Tant que les graphiques de présentation restaient muets, nous n’avons rien dit. Mais voici que, depuis la semaine dernière, le ministre de l’action et des comptes publics s’est lancé dans des démonstrations en vue de faire croire que les outre-mer échappaient à la rigueur budgétaire et que seul leur budget était à ce point privilégié. Écoutons M. Darmanin dire, le 18 octobre dans l’hémicycle : « Nous nous engageons à ne pas diminuer les crédits des outre-mer, ils augmentent même de 20 %, passant de 2 milliards d’euros à 2,4 milliards d’euros, soit une augmentation de 400 millions d’euros... […] Ces 400 millions d’euros, obtenus par Mme Girardin, représentent la plus importante augmentation des crédits des outre-mer… » Et le même M. Darmanin d’ajouter, plus loin : « J’ignore quel autre ministère voit ses crédits augmenter de 20 % dans le PLF ; il n’y en a aucun… »

Qui le ministre veut-il tromper ? Et pourquoi vouloir ainsi jeter la confusion dans les esprits ? Nous savons tous, ici, que ces 400 millions ne sont que des redéploiements issus de trois réformes concernant l’abattement de l’impôt sur le revenu, la suppression de notre TVA NPR et celle de la défiscalisation qui finance le logement social. Bref, il s’agit, si j’ose dire, d’un simple rapatriement budgétaire, en aucun cas d’une augmentation réelle au bénéfice de nos territoires. Cette réalité-là, le Gouvernement et sa majorité doivent l’assumer, en toute transparence et en toute responsabilité.

Ma deuxième remarque concerne le grand retour de la thématique de la solidarité nationale, qui procède de la même logique que le montage précédent. Ce que le Gouvernement appelle solidarité nationale, c’est tout simplement la présence de l’État dans les territoires de la République. Que les outre-mer soient plus éloignés géographiquement, qu’ils soient plus fragiles, qu’ils soient plus pauvres, qu’ils souffrent de grands retards ne change rien à l’affaire. Si l’on évoque la solidarité nationale, il faut immédiatement évoquer Kourou et le centre spatial, le domaine maritime, la biodiversité, tant d’autres choses et même, hélas, les essais nucléaires. Mais raisonner de la sorte relève davantage de la logique des comptabilités des multinationales que des fondements de la République française.

Ma troisième remarque est d’ordre méthodologique. Le Gouvernement a fait le choix d’une consultation citoyenne directe à travers les Assises, synthétisée dans le Livre bleu. Vous y puisez, madame la ministre, la légitimité de vos décisions. Tout cela n’appelle aucune remarque de notre part. Les difficultés surgissent et surgiront de plus en plus puisque, désormais, rien ne paraît opposable au Livre bleu. C’est oublier un peu vite que ce que les Assises ont permis pendant huit mois, les parlementaires, eux, le vivent quotidiennement : nous sommes en dialogue constant avec nos concitoyens dans nos permanences. Les Assises, pour nous, c’est tous les jours ! Les limites de cette approche « disruptive » sont apparues dès la semaine dernière, quand, de manière inédite, des mesures concernant exclusivement les outre-mer ont été adoptées malgré l’opposition unanime des députés ultramarins. Nous avons été interpellés en urgence par le monde économique sur les risques que la réforme des exonérations de cotisations sociales fait peser sur l’emploi et sur les stratégies de spécialisation, dans les secteurs à forte valeur ajoutée. Le petit charpentier des Hauts de La Réunion, celui que vous avez peut-être entendu, s’inquiète de la suppression des zones de revitalisation rurale (ZRR).

J’en viens à présent au budget lui-même, et plus précisément à deux lignes. Les crédits pour le logement ne retrouvent pas leur niveau d’il y a deux ans en autorisations d’engagement et continuent de diminuer en crédits de paiement : moins 4 millions d’euros. La sanctuarisation de la ligne budgétaire unique (LBU) est-elle définitivement abandonnée ? Ce montant intègre-t-il le premier acompte de 20 millions d’euros issu de la cession des parts de l’État au sein des sociétés immobilières d’outre-mer (SIDOM) ? Vous nous annoncez maintenant, concernant l’APL-accession, une décision que vous-même jugiez impossible l’an dernier ; nous sommes fondés à nous demander quelles seront les modalités précises.

S’agissant des crédits de l’Agence de l’outre-mer pour la mobilité (LADOM), et en particulier de ceux qui sont prévus pour la formation professionnelle et la mobilité, la forte diminution de 13 % subie l’an dernier n’est pas remise en cause, alors même qu’une nouvelle action est lancée en faveur de Mayotte. Nous parlons ici de jeunesse, de formation, d’où notre vigilance, notre inquiétude.

Pour terminer, je rappelle simplement l’étude réalisée en 2012 par l’Agence française de développement (AFD), selon laquelle le niveau actuel de développement de La Réunion accuse un retard de vingt-cinq ans par rapport à la France continentale et se situe tout juste devant celui de la Guyane. Ce constat est toujours d’actualité.

M. Guillaume Vuilletet. Je crains d’avoir moins de verve que les orateurs précédents… (Sourires.) Il y a un grand changement dans ce budget, et dès lors qu’il y a changement, une forme d’inquiétude se dégage. Pour autant, le fait que l’augmentation de 22 % soit due essentiellement à une évolution du périmètre n’est pas caché par le Gouvernement. Il suffit de se reporter à la page 8 du Livre bleu pour constater que l’augmentation est réelle : à périmètre constant, on observe une hausse des crédits d’une dizaine de millions d’euros par rapport à 2018.

On reproche souvent à ce gouvernement de s’inspirer de la théorie du « ruissellement » selon laquelle faire gagner plus aux plus riches bénéficierait in fine aux plus pauvres, grâce au surcroît de consommation que cela entraînerait. Or, la réforme de l’impôt sur le revenu outre-mer, c’est justement le contraire, puisqu’il s’agit de réorienter le surcroît d’impôt vers davantage d’action et d’investissement publics, ce qui permettra aux collectivités locales de se développer.

S’agissant de la TVA NPR, je veux bien qu’on dise que cela marchait très bien, mais en matière de transparence et de fonctionnement, c’est tout de même un peu spécial : elle est estimée forfaitairement à 100 millions d’euros depuis 2010 ! Je ne connais pas beaucoup de recettes fiscales comptabilisées de la sorte... Là encore, le changement proposé vise à orienter vers un vrai développement des territoires l’argent que la Nation leur consacre au nom de la solidarité : le FEI passera de 40 à 110 millions d’euros, les conventions avec les collectivités locales seront abondées de 23 millions d’euros.

Je veux saluer les efforts réalisés en faveur de la mobilité, avec le renforcement de LADOM et l’extension du SMA – un outil important en faveur des jeunes de ces territoires.

Quant à l’APL-accession, il ne faut pas oublier qu’elle peut aussi servir à la réhabilitation, et pas seulement à l’accession proprement dite. Elle répond à la préoccupation de notre collègue Olivier Serva s’agissant du logement des plus démunis. De manière générale, nous devrions nous inspirer de la bataille que Mme la ministre a remportée s’agissant de l’APL-accession. Je souligne également l’effort important et continu du Gouvernement en matière de lutte contre l’habitat indigne.

 Si ce budget présente des acquis forts, il comporte aussi des sujets d’inquiétude. Nous devons évidemment y être attentifs. Madame la ministre, nous vous demandons de confirmer l’effort de transparence annoncé en matière d’affectation des crédits du FEI et de copilotage par les territoires et les collectivités ; c’est une demande qui me paraît fondamentale.

Enfin, le Président de la République s’est rendu à Saint-Martin pour signifier une forme d’exigence de l’État par rapport à ce qui se passe outre-mer. C’est la nation entière qui est préoccupée. Le Gouvernement consent un effort soutenu qui ne se dément pas dans ce budget. La réforme que nous engageons aujourd’hui tend à une action publique plus efficace.

M. Sylvain Brial. Madame la ministre, je ferai bref. Votre budget a clairement évoqué Wallis-et-Futuna comme un territoire pour lequel la formation professionnelle est une impérieuse nécessité. Je souhaite que vous m’indiquiez dans quelles conditions les jeunes de Wallis-et-Futuna pourront bénéficier du service militaire adapté (SMA). Mon prédécesseur avait insisté sur le besoin ; je ne peux que faire de même. Nos jeunes doivent avoir leur place, au minimum dans le site de Nouvelle-Calédonie. Cette structure pour laquelle vous nourrissez de grands projets aura-t-elle les moyens de vos ambitions ?

S’agissant de la desserte aérienne, une nouvelle délégation de service public a été signée. Elle l’a été dans la précipitation et sans véritable vision prospective. J’habite Futuna et, la semaine dernière, j’ai été bloqué quatre jours sans pouvoir rentrer chez moi. Que comptez-vous faire, Madame la ministre, pour que les moyens soient adaptés aux besoins ?

Les autres points dont je souhaitais parler ayant déjà été évoqués, j’en resterai là.

Mme Annick Girardin, ministre des outre-mer. Concernant le FEI, la transparence sera totale. Vous souhaitez un copilotage avec les territoires, mais tous les projets proviennent du terrain après négociation avec le préfet. Actuellement, cinq projets remontent par territoire ; nous en finançons quatre. C’est un système que vous n’avez jamais contesté. Je ne comprends donc pas ce que vous voulez dire : c’est bien une logique de projets puisqu’ils sont proposés par les collectivités. Rien n’est retenu qui n’émane d’une collectivité.

Comme vous, j’aimerais qu’un jour une somme globale soit allouée à chaque territoire, les priorités étant définies par le Livre bleu. Oui, le Livre bleu a une légitimité puisque ce sont les collectivités et les citoyens qui demandent un effort pour les réseaux d’assainissement, la construction d’écoles, de structures sportives, d’équipements culturels. Il n’existe aucun autre bénéficiaire du FEI que les collectivités.

Ne pourrait-on, me demandez-vous, mettre en place un FEI « entreprises » ? Il s’agit d’une réflexion à mener ensemble.

S’agissant de la TVA NPR, votre argument a été de dire que les territoires disposaient d’une certaine liberté par rapport à cet argent. Quelle liberté ? Ces crédits étaient alloués automatiquement à des entreprises pour financer environ 80 000 produits. Aujourd’hui, nous voulons une dynamique qui soit fonction, non de produits, mais de filières – filières que je ne choisirai pas seule depuis Paris, mais qui seront portées par les territoires.

Qu’entendons-nous par « accompagner une entreprise » ? L’accompagner lors de sa création, dans son développement, lors d’une transmission. Ce sont tous ces outils que nous allons mettre en place, des outils plus démocratiques, me semble-t-il, que la TVA NPR qui « tombait » en partie là où ce n’était pas vraiment utile. Pour la création, nous allons nous appuyer sur le micro-crédit, sur le plan de développement des DOM (PDDOM) révisé, sur le capital-risque ; pour le développement, nous allons lancer des appels à projets sectoriels ; pour les transmissions, il faut que nous arrivions à structurer le capital développement. Bien entendu, je suis favorable à ce que l’on aille plus loin en donnant la possibilité aux territoires de se saisir de ces outils. J’ai commencé à en discuter avec les collectivités concernées.

Je souhaite pouvoir, avant la fin du quinquennat, présenter devant vous, dans le cadre du budget, l’ensemble du document de politique transversale. J’estime qu’il appartient à la ministre des outre-mer de s’expliquer sur l’ensemble des crédits destinés aux outre-mer. Une réorganisation est en cours, ministère par ministère, chaque ministre devant formuler des propositions. Je me suis souvent nourrie de vos propos : je réfléchirai à une évolution vers cette possibilité mais il est important que nous le fassions ensemble.

Si les engagements que nous prenons pour les outre-mer ne sont pas à la hauteur des retards qu’ils connaissent, on ne peut cependant pas accuser l’État, la France, de ne pas faire preuve de solidarité. Ce sont, par exemple, 134 millions d’euros qui sont redistribués pour compenser la baisse de la taxe d’habitation. En outre, 2,1 milliards d’euros supplémentaires sont alloués, pour les quatre ans qui viennent et dans des périmètres élargis, aux contrats de convergence et de transformation (CCT). De même, plus de 700 millions d’euros seront consacrés à la formation des jeunes ultramarins sur l’ensemble du quinquennat. Concernant la santé, 50 % de l’enveloppe nationale annuelle est attribuée aux hôpitaux ultramarins – et c’est normal, nous en avons besoin. Vous ne pouvez pas dire que la solidarité n’est pas là. Autre exemple, la tarification de l’énergie : 1,3 milliard d’euros sont consacrés à faire baisser le coût de l’électricité outre-mer.

Nous aimerions tous aller beaucoup plus vite pour remettre nos territoires à niveau, notamment en ce qui concerne les investissements structurants. C’est justement ce que j’essaie de faire avec le FEI en m’assurant de l’efficacité des investissements – un euro investi doit être deux fois plus efficace qu’un euro de dépense fiscale.

Concernant le logement, il faut rappeler que 13 % du parc est insalubre et que 80 % de la population est éligible à un logement social.

Le projet de loi de finances comporte un certain nombre d’autres avancées. Il y a l’extension, dans les COM, de l’aide à la réhabilitation aux parcs des bailleurs sociaux. Il y a aussi l’allongement de six à douze mois du délai de mise en location des logements pour bénéficier de l’aide fiscale. Il y aura, grâce à des amendements à venir, l’anticipation du versement du crédit d’impôt dès l’achèvement des fondations ainsi que le relèvement des quotas de prêts locatifs sociaux (PLS) qui permettra de construire davantage de logements étudiants, notamment à La Réunion. Je citerai encore le maintien à 225 millions d’euros en autorisations d’engagement de la ligne budgétaire unique (LBU) – malgré une baisse des crédits de paiement, mais c’est une autre question. Il y a enfin le produit des cessions des SIDOM, à savoir 19 millions d’euros comme vous le verrez lors de l’examen du projet de loi de finances rectificative.

S’agissant de l’accession à la propriété et l’aide à la rénovation de l’habitat privé, 17 millions d’euros sont inscrits dans la mission « Cohésion des territoires ». Nous allons financer l’ensemble des dossiers restés bloqués du fait de la suppression de l’APL-accession pour 2018, et mettre en place un nouveau système dont nous discuterons une fois rendues les conclusions du groupe de travail.

En ce qui concerne spécifiquement la rénovation de l’habitat privé, le rétablissement de l’article 199 undecies C n’est pas la solution. Je n’aime pas plus que vous, monsieur Letchimy, les annulations en fin de parcours : je les ai moi aussi contestées quand j’étais parlementaire. J’ai regretté de ne pas être présente ce jour-là dans l’hémicycle pour en débattre avec vous, mais huit dossiers seulement sont à traiter cette année – d’ailleurs déposés par le même monteur en défiscalisation. J’ajoute qu’il existe un risque de redressement pour tous ceux qui utilisent ce dispositif ; cela m’inquiète car, sous peu, certains vont regretter de l’avoir utilisé. Nous devons donc faire autrement. Actuellement, sur les 200 millions d’euros, seuls 10 millions sont consacrés aux DROM et tout le reste va aux COM. Et si vous pensez que mes chiffres sont faux, nous allons nous asseoir avec les services concernés et éplucher les documents, car je déteste que l’on mette ma franchise en doute.

Par ailleurs, je n’ai pas affirmé que le rétablissement de l’APL-accession allait tout résoudre. J’ai dit que le nouveau dispositif qui prendra la suite de l’APL-accession répondrait aux problèmes des propriétaires…

Mme Huguette Bello. Les petites entreprises auront le temps de faire faillite !

Mme Annick Girardin, ministre des outre-mer. Non, puisque l’APL-accession est rétablie pour 2019. Vous pouvez effectivement me reprocher d’appartenir au Gouvernement qui l’a supprimée, mais vous pouvez aussi dire que nous nous sommes tous battus – vous les premiers – pour la récupérer et pour que les dossiers restants soient pris en compte.

Le nouvel outil, juridiquement plus fiable et qui existera à partir de 2020, sera abondé de 17 millions d’euros. Nous ferons le point ensemble, comme je l’ai dit, pour nous assurer de la véracité des chiffres. Nous travaillerons aussi sur la réhabilitation des immeubles de propriétaires occupants modestes.

Le Fonds Vert a été créé dans la double perspective de l’adaptation au changement climatique et de son atténuation. Il était initialement réservé aux collectivités du Pacifique mais j’ai voulu l’étendre à l’ensemble des territoires. En 2017, 17 projets ont été financés pour un montant de 60 millions d’euros. En 2018, il a été élargi à tous et 36 millions d’euros ont été distribués sous la forme de prêts bonifiés. Au total, 98,3 % des crédits ont été consommés. Par ailleurs, 4 millions d’euros en autorisations d’engagement ont été ajoutés pour l’assistance à la maîtrise d’ouvrage, le montage des dossiers étant très complexe. Nous avons pu, grâce à ce fonds, progresser pour ce qui est des abris anticycloniques, cruciaux en Polynésie, mais il n’a pas été possible de financer la totalité des abris programmés ; c’est une question que nous devons étudier ensemble. Pour l’avenir, je souhaite accentuer notre effort en matière d’accompagnement du dérèglement climatique ; l’instrument Fonds Vert doit être renforcé. Je proposerai que nous ayons, cette année, une vraie réflexion en collaboration avec le ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie.

Concernant les croisières, il existe un fort potentiel. Nous en sommes tous d’accord. Nous devons cependant fixer des limites : je suis favorable à ce que seuls les navires ayant vocation à effectuer des croisières dans nos eaux bénéficient de la défiscalisation, car j’ai été témoin de la disparition soudaine d’un navire défiscalisé deux jours avant ! Ils devront naviguer dans nos eaux sous un pavillon qui ne soit pas de complaisance, compter au maximum 300 cabines – soit environ 600 passagers – et faire travailler les entreprises locales pour la maintenance et le ravitaillement.

Pour ce qui est de l’audiovisuel, nous rétablissons les exonérations. Un amendement relatif à la défiscalisation, que j’appuierai, sera discuté en nouvelle lecture avec le rapporteur général. Quant à l’aide qui aurait été promise avant mon arrivée, monsieur Letchimy, je n’en ai jamais entendu parler ; nous ferons donc des fouilles au ministère. Mme Éricka Bareigts pourra nous indiquer ce qui a été décidé.

Enfin, s’agissant de Wallis-et-Futuna, nous devons réserver aux jeunes du territoire un certain nombre des 80 places en service militaire adapté (SMA) annoncées. J’ai évoqué il y a quelques jours, avec les élus du territoire, la question des transports. J’espère pouvoir vous apporter des réponses et tenir mon engagement d’un déplacement dans l’archipel avant la fin de l’année.

Mme Claire Guion-Firmin. Madame la ministre, vous avez insisté sur le fait que le budget des outre-mer avait pour objectif de donner aux territoires la capacité de se développer. Or, après étude de ce projet de loi de finances, je constate que Saint-Martin se trouve au rang des oubliés. En effet, je m’étonne de ne lire aucune traduction des engagements forts pris par le chef de l’État lors de son déplacement sur l’île le mois dernier.

Toutes les avancées proposées dans le cadre de l’examen de la première partie du projet de loi de finances ont été rejetées sans même faire l’objet d’un quelconque débat. Je prends pour seul exemple la rénovation hôtelière. L’économie de Saint-Martin repose essentiellement sur le tourisme : si nous ne soutenons pas les acteurs de ce secteur prioritaire, à une crise économique s’ajoutera une crise sociale.

Madame la ministre, pensez-vous vraiment que, si la situation de la collectivité de Saint-Martin n’est pas prise en compte dans votre budget, elle pourra faire face à l’avenir ?

M. Mansour Kamardine. Madame la ministre, je vous ai écoutée avec beaucoup d’intérêt. Ce n’est pas la première fois que vous défendez l’idée de la co-construction et de la transformation. Malheureusement, je ne les trouve jamais au rendez-vous.

Je ne reviendrai pas sur l’épisode de Mayotte, où on nous a parlé de co-construction alors que les mêmes erreurs sont toujours commises : l’État, avec ses gros sabots, nous explique ce qui est bon pour Mayotte. Aujourd’hui, vous nous dites, à juste titre, que nous nous trouvons face à un échec collectif. Je ne m’attarderai pas non plus sur les sujets qui ont déjà été abordés, si ce n’est pour saluer la pertinence des interventions de mes collègues.

Vous ne pouvez pas venir exposer un budget et faire comme si de rien n’était. Vous avez parlé d’infrastructures à Mayotte, mais vous ne parlez pas des pistes longues, de l’aéroport, des paramétrages des services publics. Madame la présidente, vous avez fait le déplacement : vous connaissez le désastre que subit Mayotte. Plus de 60 % de la population a moins de 20 ans ; le chômage est aux alentours de 35 % ; nous ne disposons d’aucune structure de formation. Vous nous parlez de solidarité nationale, de RSA, mais si votre effort portait sur le développement des structures, je n’aurais pas à le demander !

Nous aurions aimé vous entendre, ce soir, sur le développement des infrastructures, du sport et de l’emploi. Comment allez-vous financer ces priorités, nécessaires pour une paix sociale durable à Mayotte ?

Mme Justine Benin. Madame la ministre, vous avez fait de nombreuses annonces que j’accueille avec joie : l’augmentation du budget et le rétablissement transitoire de l’APL-accession, pour laquelle nous avons plaidé durant douze mois. Mais, vous l’avez dit, il n’est que transitoire ; comment allez-vous le rendre pérenne ? Les spécificités de nos territoires justifient un accompagnement renforcé de l’État et la mise en place de dispositifs adaptés.

Nous avons eu à discuter longuement sur la réduction du plafond de l’abattement de 30 %. Elle a finalement été adoptée alors que nombre de collègues et moi-même avions demandé la suppression de l’article 4. Je souhaite résolument que vous puissiez me rassurer, d’une part sur la destination du Fonds exceptionnel d’investissement dont aucune décision budgétaire ultérieure ne devra diminuer le montant, d’autre part sur la création d’une instance propre à garantir une gestion efficace de cet argent ainsi que la représentation de nos collectivités.

Mme Éricka Bareigts. Je souhaitais, madame la ministre, vous poser deux questions sur les exonérations de cotisations patronales, dont une sur la réintégration de la presse dans le dispositif – une attente forte à La Réunion. Mais vous y avez déjà répondu. Les inquiétudes des acteurs économiques sont vives, car le dispositif actuel – excluant – met à mal le tissu économique, nos TPE et PME en particulier. Nous attendons les propositions que vous allez faire devant le Sénat.

Il me faut revenir aussi, j’en suis désolée, sur l’APL-accession. Si j’ai bien compris, vous confirmez le retour de l’ancien dispositif en 2019 et réfléchissez à un nouveau système pérenne mis en place en 2020 ? Est-ce bien cela ?

Concernant la taxe sur le rhum, je suis bouleversée par le recul que constitue son étalement sur dix ans, tant l’alcoolisme détruit nos familles. Les violences faites aux femmes sont terribles. Le colonel de la gendarmerie me disait la semaine dernière que ce fléau ne reculait pas. Or, l’une des raisons en est la consommation abusive d’alcool. Proposer un étalement sur dix ans serait un très mauvais signal. Il faut faire preuve de courage ; je vous en conjure, madame la ministre, ne revenez pas dessus !

Enfin, j’ai déposé deux amendements proposant la création d’un fonds destiné à financer la lutte contre les addictions outre-mer. Ils n’ont pas été déclarés recevables, ce que je regrette. Je les redéposerai.

M. Gabriel Serville. Madame la ministre, avant d’entrer dans le vif du sujet, je tiens à m’émouvoir de l’absence du document de politique transversale (DPT) chiffrant l’ensemble des efforts de l’État en direction de nos territoires respectifs. C’est bien la première fois, en sept exercices budgétaires, que cela nous arrive. Or, ce document permet de vérifier la traduction financière des engagements de l’État ; cette année, pour la première fois, nous ne pourrons pas opérer notre travail de contrôle. Le ministre de l’action et des comptes publics aurait des choses à cacher qu’il ne s’y prendrait pas autrement.

Cette observation faite, je souhaite obtenir des précisions sur la « ligne budgétaire unique » (LBU) qui finance le logement social outre-mer. Compte tenu de vos annonces, je prendrai le temps de mener quelques recherches pour être plus à même de comprendre comment évolue cette LBU, notamment en Guyane, car certaines informations me plongent dans une profonde perplexité.

Par ailleurs, lorsque j’interroge le ministre de l’action et des comptes publics, c’est vous qui êtes chargée de m’apporter les éléments de réponse. Je vais donc profiter de l’occasion qui m’est donnée aujourd’hui pour vous poser quelques questions que vous pourrez lui transmettre…

Je voudrais savoir ce que coûte et ce que rapporte le spatial au territoire de la Guyane ; ce que coûte et ce que rapporte la recherche sur la biodiversité ; ce que coûte et ce que rapporte la forêt amazonienne qui fonctionne comme un puits de carbone ; ce que coûte et ce que rapporte la zone maritime de Guyane qui, avec l’appui des autres territoires, permet à la France de disposer de la deuxième zone économique exclusive (ZEE) du monde. Je veux ainsi souligner que nous contribuons énormément à la puissance internationale de la France et que nous n’accepterons plus certaines remarques émanant de Bercy qui cherchent à nous donner le sentiment que nous pratiquons la politique de la main tendue. Nous ne réclamons, à travers les différentes interventions de mes collègues, que compréhension et respect. Il serait de bon ton que le ministre de l’action et des comptes publics comprenne les questions que nous portons.

Mme Manuéla Kéclard-Mondésir. Deux annonces importantes ont été faites aujourd’hui. Il y a le rétablissement de l’APL-accession qui concernerait 1 000 projets – chiffre à préciser. Je n’ai pas compris si le dispositif serait pérenne. Pouvez-vous nous dire, madame la ministre, si de nouvelles demandes pourront être engagées au cours de l’année 2019, en attendant le prochain dispositif ?

L’industrie du rhum est très importante dans certains territoires, où elle génère beaucoup d’emplois. Je ne peux donc que soutenir votre décision, qui n’est pas une annulation du dispositif de taxation mais une préparation des producteurs à l’augmentation prévue. Je suis très sensible également aux ravages que provoque l’alcool, mais je ne suis pas certaine que le rhum en soit la première cause.

Mme Nathalie Bassire. Je voudrais tout d’abord, madame la ministre, vous remercier pour le rétablissement de l’APL-accession. Vous allez traiter les 1 000 projets restés en suspens, est-ce à dire qu’il n’y en aura pas d’autres en 2018 ? Repartirons-nous en 2019 sur un nouveau quota ? Ou faudra-t-il attendre 2020 ?

Par ailleurs, nous avons la même préoccupation que vous : comment parvenir à développer des activités sur nos territoires ? C’est bien tout ce qui nous importe aujourd’hui. Il faut réduire le taux de chômage à défaut de le faire disparaître.

Pourquoi ne pas autoriser les territoires ultramarins, notamment La Réunion – c’est l’objet d’un amendement que je défends –, à expérimenter un impôt sur les sociétés favorable à la création d’activité ? Nous ne quémandons rien. Entendre parler systématiquement de solidarité me dérange : nous sommes des territoires français et il n’y a pas plus à évoquer la solidarité nationale pour nos territoires que pour n’importe quelle autre région. Nous demandons simplement la possibilité de favoriser notre développement économique.

Mme Annick Girardin, ministre des outre-mer. Concernant Saint-Martin, madame Guion-Firmin, la solidarité est au rendez-vous, tout comme les 500 millions d’euros annoncés. Vous ne pouvez pas dire que Saint-Martin compte au rang des oubliés ; ce n’est pas vrai. Vous pouvez estimer que les choses ne vont pas assez vite. Mais, croyez-moi, je ne manque pas de signaler les retards observés sur le terrain puisque je m’y rends régulièrement. L’État, je le rappelle, a décidé de prendre à sa charge 56 millions d’euros de fiscalité afin que les entreprises et la population puissent passer l’année sans difficulté supplémentaire.

La rénovation hôtelière s’étalera jusqu’en 2025. Le fisc étudiera les projets de Saint-Martin en priorité. Vous n’êtes pas oubliés. La mobilisation a été sans faille dans la reconstruction du territoire. Nous aurions voulu, bien sûr, aller plus vite ; j’aurais aimé que les matériaux arrivent plus vite, que toutes les entreprises qui souhaitaient venir sur place participer le puissent, mais cela n’a pas été le cas. Il est vrai aussi que nous ne sommes vraiment opérationnels, pour la reconstruction, que depuis six mois. Mais nous sommes là ; l’État était au rendez-vous. Quand il s’agit d’un territoire à la fois insulaire et divisé en deux, quand le port se trouve de l’autre côté de la frontière, quand la situation est aussi dramatique, on peut comprendre que cela prenne plus de temps qu’ailleurs. Si nous avions voulu reconstruire à l’identique les bâtiments édifiés illégalement, ce serait peut-être déjà fini. Mais ce n’est pas notre choix. Nous avons voulu reconstruire autrement car c’est mettre en danger la vie des habitants que de les loger dans des maisons qui peuvent être facilement submergées par une vague ou détruites par les éléments.

Enfin, n’oublions pas que les soutiens prévus pour Saint-Martin sont répartis entre les budgets des différents ministères et ne figurent pas tous dans la mission « Outre-mer ». La visite du Président de la République a rappelé l’importance de Saint-Martin – j’aurais tendance à dire comme tous les territoires – dans les politiques publiques. Je serai à Saint-Martin dans quelques mois et nous pourrons, à nouveau, Madame, constater ensemble les évolutions et le renforcement des services de l’État.

S’agissant de l’APL-accession, nous avons évalué à mille le nombre de dossiers à étudier – essentiellement à La Réunion. Ce ne sont pas des projets nouveaux. C’est pour les traiter que nous rétablissons le dispositif de manière transitoire. Les projets nouveaux seront soumis au nouveau dispositif mis en place dès 2020. Nous espérons aller vite : c’est à cette fin que 16 millions d’euros sont inscrits au titre de la mission « Logement ».

Concernant le plan pour Mayotte, l’État tient ses engagements, monsieur Kamardine. Le préfet délégué du Gouvernement a réuni, la semaine dernière, un deuxième comité de pilotage en présence des élus, qui ont tous pu constater que nous avançons au rythme prévu. Le site internet TransparenceMayotte – il y en aura un dans chaque territoire – est en ligne. Tous les citoyens peuvent donc suivre le plan pour Mayotte, faire des commentaires, contester. Ils peuvent aussi passer par les élus car, comme Mme Bello l’a justement rappelé, les parlementaires sont quotidiennement sur le terrain et font remonter les problématiques de leur territoire.

L’aéroport de Mayotte fait l’objet de la trente-septième mesure du plan. L’exploitant de l’aéroport procède en urgence aux aménagements indispensables pour un montant de 13 millions d’euros. Les travaux ont débuté en juin ; nous sommes dans les temps. L’État s’engage à poursuivre les études en vue du développement de l’aéroport, ce qui inclut la question de l’allongement de la piste. Nous en avons débattu hier encore avec la présidente de la commission des Lois, très sensibilisée au sujet.

Par ailleurs, nous avons besoin d’un complément d’information sur la desserte aérienne et les lignes susceptibles d’être créées, même si nous nous félicitons de la mise en place de vols de nuit depuis le 6 août dernier.

Je rappelle que le versement du RSA est repris intégralement par l’État, comme nous en avions pris l’engagement.

D’une manière générale, je suis régulièrement l’avancée des projets, qui ne sont pas financés uniquement, je le souligne, par le budget des outre-mer.

Monsieur Serville, si vous n’avez pas encore le document de politique transversale, c’est pour une raison simple : je suis la première à venir devant cette commission dans la période budgétaire. D’habitude, le budget des outre-mer est discuté plus tard et le document de politique transversale a déjà été distribué. Il est actuellement « sous presse » ; vous l’aurez bientôt. Ne voyez là aucune volonté de cacher quoi que ce soit.

La ligne budgétaire unique connaîtra une montée en charge progressive en Guyane. Elle atteindra, comme nous nous y sommes engagés dans le cadre du plan d’urgence, 60 millions d’euros en 2022.

Les exonérations de charges sociales figurent dans le PLFSS, que l’Assemblée nationale examine cette semaine. Nous traiterons aussi, dans ce cadre, des questions relatives à la presse, aux transports et à la Guyane. Parallèlement, nous ouvrons une concertation avec l’ensemble des entreprises et administrations concernées, de manière à discuter avec chacune d’elle de leurs problématiques. Si des modifications devaient être sollicitées, nous les étudierions devant le Sénat.

S’agissant du rhum, il est évident que les questions de prévention en matière de santé publique sont insuffisamment prises en compte outre-mer. Elles sont éligibles au fonds national mais il faut un outil spécifique, dont le principe figure dans le Livre bleu et qui sera créé par amendement. L’étalement sur dix ans de la montée en charge est justifié par l’importance de la hausse prévue : 600 % sur quatre ans, c’est beaucoup. Il nous reste à réfléchir pour alimenter ce fonds autrement et davantage. Je suis favorable à ce que nous en discutions ensemble ; il s’agit d’une priorité du Gouvernement. Nous devons trouver une solution sans mettre à mal ce secteur économique. Par ailleurs, la consommation d’alcool outre-mer pose de vraies questions : quels sont les alcools consommés et par quels publics ? Nous devons notamment faire la part de la consommation locale et de celle des touristes, car les taux me paraissent vraiment énormes.

Mme Éricka Bareigts. Il s’agit d’un sujet aussi important que délicat. Il est d’abord utile de réaffirmer que personne ne souhaite fragiliser l’industrie du rhum. L’amendement qui a été présenté, et voté, vise à une augmentation sur quatre ans de la contribution du secteur à la sécurité sociale. Il s’agit d’un amendement équilibré, qui ne vise que les alcools forts consommés localement et non pas le rhum exporté.

J’avais proposé d’expérimenter, sur le territoire de La Réunion, un fonds de lutte contre les addictions – abondé par cette taxe. La Réunion est la deuxième région où l’on consomme le plus d’alcool en France et où les effets sont les plus néfastes. Comme pour le tabac, c’est par une augmentation importante et rapide du prix que nous pourrons prévenir les conduites addictives. Vous ne devez pas étaler l’augmentation sur dix ans !

Mme Annick Girardin, ministre des outre-mer. Nous aurons ce débat dans l’hémicycle. Je rappelle cependant que la hausse, sur quatre ans, sera de 600 %.

Madame Bassire, la nouvelle zone franche d’activités ramènera le taux de l’impôt sur les sociétés à 6 % pour les entreprises éligibles, soit moins qu’en Irlande. Nous regarderons le sujet ensemble car notre proposition me semble plus avantageuse que la vôtre.

Concernant l’impôt sur le revenu, 50 000 foyers sur 1,150 million sont touchés par l’abaissement du plafond de l’abattement, soit 4 % des foyers fiscaux. Les 70 millions d’euros ainsi dégagés représentent 20 % de la réfaction de la dépense fiscale. C’est là que réside la confusion ; il était donc important de le préciser. Un célibataire gagnant 50 000 euros par an ne paiera pas d’impôt supplémentaire.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Madame la ministre, nous vous remercions pour ces échanges.

Après le départ de la ministre, la Commission examine les crédits de la mission « Outre-mer » (M. Philippe Dunoyer, rapporteur pour avis).

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Mes chers collègues, il revient maintenant à la commission des Lois, saisie pour avis du projet de loi de finances pour 2019, de se prononcer sur la mission « Outre-mer ».

Un seul amendement sur les crédits a été déposé. Je cède la parole à notre rapporteur pour avis qui en est le premier signataire.

La Commission examine l’amendement II-CL22 de M. Philippe Dunoyer.

M. Philippe Dunoyer, rapporteur pour avis. L’amendement que je vous présente a vocation à alerter la Représentation nationale et le Gouvernement sur la nécessaire mobilisation de tous en faveur de la protection des coraux, en cette année 2018 qui a par ailleurs été proclamée année internationale des récifs coralliens. Les actions menées dans ce cadre relèvent notamment de l’initiative française pour les récifs coralliens (IFRECOR). Pour l’année 2019, ce budget s’élève à 1,8 million d’euros dont 1,3 million sont employés au ramassage et à la destruction des algues sargasses. Il reste donc 500 000 euros seulement pour la protection des coraux.

Un dixième du corail au monde se trouve sur le territoire français, en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française notamment. C’est un trésor qu’il faut préserver, car le groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) a d’ores et déjà prévenu que la hausse d’un degré des températures du globe aurait pour conséquence la disparition de 70 % des coraux.

L’amendement que je présente a pour objet de doubler la somme que consacre l’IFRECOR à la protection des récifs coralliens, en prélevant cette somme sur le budget de fonctionnement du ministère de l’outre-mer. J’indique immédiatement qu’il s’agit d’un amendement d’appel car il n’est pas dans mes intentions de retirer des moyens au budget de l’outre-mer. Je porterai cette préoccupation au cours de l’examen par l’Assemblée nationale des crédits du ministère de la transition écologique.

M. Olivier Serva, président de la délégation aux outre-mer, rapporteur spécial de la commission des Finances. Je soutiens l’initiative du rapporteur pour avis. C’est un enjeu que partagent tous les outre-mer : des élèves d’une école primaire de Pointe-à-Pitre m’ont saisi d’une proposition de loi sur ce thème. C’est vous dire à quel point nous sommes tous concernés !

Mme Huguette Bello. Il y a aussi des coraux à La Réunion : deux bancs ont été détruits à Saint-Denis avec la construction de la nouvelle route du littoral (NRL). La France doit prendre conscience de l’extraordinaire richesse qu’abritent ses eaux territoriales et sa zone économique exclusive grâce aux outre-mer.

M. Guillaume Vuilletet. Nous partageons également les préoccupations qui viennent d’être exprimées. Toutefois, comme l’a indiqué le rapporteur pour avis dans son intervention, nous considérons qu’il n’est pas judicieux d’adopter cet amendement dans la mission Outre-mer. Les députés du groupe La République en marche appellent donc à son retrait.

M. Philippe Dunoyer, rapporteur pour avis. Je remercie tous ceux qui viennent d’apporter leur soutien à mon propos. Je vous confirme le retrait de l’amendement. J’espère pouvoir compter sur votre soutien lorsque je le défendrai dans la discussion sur les crédits de l’environnement.

L’amendement est retiré.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Avant de mettre aux voix les crédits de la mission Outre-mer pour 2019, je demande à notre rapporteur son avis sur ces crédits.

M. Philippe Dunoyer, rapporteur pour avis. Mon avis est favorable.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Je mets donc ces crédits aux voix.

La Commission donne un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Outre-mer » pour 2019.

 

 


—  1  —

 

   Personnes entendues

   M. Rémi Bastille, conseiller affaires régaliennes

   Mme Raphaëlle Séguin, conseillère budget

   Mme Sandra-Élise Reviriego, conseillère parlementaire

   M. Emmanuel Berthier, directeur général

   M. Marc Demulsant, sous-directeur de l’évaluation, de la prospective et de la dépense de l’État

   M. Paul-Marie Claudon, adjoint au sous-directeur des politiques publiques

   Mme Marie-Pierre Rixain, présidente

   M. François Seners, conseiller d’État, représentant du Premier ministre dans les travaux du groupe de dialogue sur le chemin de l'avenir en Nouvelle- Calédonie

   M. Alain Christnacht, conseiller d’État honoraire

 

 


([1]) La loi n° 2017-256 du 28 février 2017 de programmation relative à l’égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique a d’ailleurs été adoptée à l’unanimité à l’Assemblée nationale comme au Sénat.

([2]) Article 86 de la loi n° 2017‑1837 du 30 décembre 2017de finances pour 2018.

([3]) Assemblée nationale, première et deuxième séances du jeudi 18 octobre 2018.

([4]) Loi n° 2017‑256 du 28 février 2017 de programmation relative à l’égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique.

([5]) https://www.ccomptes.fr/sites/default/files/2018-06/20180627-rapport-RSPFP_0.pdf, p. 104.

([6]) TA Fort-de-France, jugements n° 1000263, 1201047 et 1400067 du 15 mai 2015 et n° 1400651 et 1500292 du 10 novembre 2016.

([7]) CAA Bordeaux, n° 15BX02573 et 17BX00218 du 27 juillet 2017.

([8]) « L’action de l’État en Guyane », communication du Premier ministre au Conseil des ministres du 2 novembre 2017, point n° 2, https://www.gouvernement.fr/conseil-des-ministres/2017-11-02/l-action-de-l-etat-en-guyane

([9]) « Suivi de l’accord de Guyane – Trente mesures pour la Guyane », 11 juillet 2017, p. 5.

([10]) Ce dispositif est prévu à l’article 131 de la loi de finances rectificative pour 2016.

([11]) Les deux îles ont respectivement perdu 2 000 et 4 000 habitants au cours de l’année 2017.

([12]) La Guyane a gagné 8 000 habitants au cours de l’année 2017. La population mahoraise aurait progressé de 20 000 personnes, mais l’ampleur des flux migratoires locaux rendent ces chiffres sujets à caution.

([13]) Votre rapporteur pour avis a pris connaissance de ces données avant la publication officielle du document de politique transversale. En conséquence, des ajustements comptables pourront être effectués.

([14]) Pour les territoires couverts, les chiffres de population sont issus du décret n° 2017‑1873 du 29 décembre 2017 authentifiant les chiffres des populations de métropole, des départements d’outre-mer de la Guadeloupe, de la Guyane, de la Martinique et de La Réunion, de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin, et de Saint-Pierre-et-Miquelon. Les données relatives aux autres populations ont été collectées auprès de sources diverses et peuvent présenter un caractère approximatif.

([15]) Quand la France a prononcé la départementalisation de la collectivité de Mayotte, transférant celle-ci de l’article 74 à l’article 73 de la Constitution, elle passa en conséquence du statut de PTOM à celui de RUP par décision du Conseil européen du 12 juin 2012 modifiant le statut à l’égard de l’Union européenne de Mayotte (EUCO 112/12).

([16]) Alors que l’île de Saint-Martin est partagée entre la France et les Pays-Bas, la partie française applique donc le droit de l’Union européenne en tant que région ultrapériphérique alors que la partie néerlandaise, Sint Maarten, est placée sous le statut de pays et territoire d’outre-mer de l’Union européenne. Il en résulte une différence de législation entre les deux entités alors même que règne sur l’île un accord de libre circulation des personnes et des biens depuis le traité de Concordia du 23 mars 1648.             

([17]) La loi n° 2018-703 du 3 août 2018 renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes a été examinée sur le rapport de notre collègue Alexandra Louis. Votre rapporteur pour avis a été chargé par la commission des Lois d’en suivre l’application (compte rendu n° 64, 11 avril 2018).

([18]) La loi organique n° 2018‑280 du 19 avril 2018 relative à l’organisation de la consultation sur l’accession à la pleine souveraineté de la Nouvelle-Calédonie a été examinée sur le rapport de notre ancien collègue Manuel Valls.

([19]) Combattre les violences faites aux femmes dans les outre-mer, rapport de M. Dominique Rivière et de Mme Ernestine Ronai au Conseil économique, social et environnemental, 29 mars 2017.

([20]) L’enquête VIRAGE (Violences et rapports de Genre) de 2015, réalisée par l’Institut national d’études démographiques (INED), considérée comme étant la plus récente et la plus exhaustive sur cette thématique, ne portait ainsi que sur la France métropolitaine.

 

([21]) https://www.interieur.gouv.fr/Interstats/Actualites/Insecurite-et-delinquance-en-2017-premier-bilan-statistique

([22]) L’article 77, alinéa 5, de la Constitution le prévoit ainsi.

([23]) La loi organique du 19 avril 2018 a notamment prévu une présomption de détention de centre des intérêts matériels et moraux sur le territoire calédonien par la résidence sur le territoire depuis trois ans au moins qui, combinée à la condition de naissance en Nouvelle-Calédonie, entraîne l’inscription d’office sur la LESC des personnes concernées.

([24]) Décret n° 2018‑457 du 6 juin 2018 portant convocation des électeurs et organisation de la consultation sur l’accession à la pleine souveraineté de la Nouvelle-Calédonie.

([25]) Les participants du XIIe comité des signataires de l’accord de Nouméa, réuni le 3 octobre 2014, avaient souhaité que des experts soient appelés à se prononcer sur les options institutionnelles ouvertes à la Nouvelle-Calédonie. Le 7 février 2016, un nouveau comité des signataires élargissait leur mission à la recherche de convergences. La mission se composait de MM. Alain Christnacht, Yves Dassonville, Régis Fraisse, François Garde, Benoît Lombrière et Jean-François Merle.

([26]) Le Premier ministre a ensuite été représenté par M. François Senners, conseiller d’État.

([27]) Les signataires sont MM. Daniel Goa, Paul Néaoutyine, Victor Tutugoro et Roch Wamytan côté indépendantiste et MM. Philippe Gomès, Philippe Michel et Gaël Yanno côté loyaliste. Les Républicains calédoniens et le Rassemblement Les Républicains avaient quitté les discussions engagées autour de cette charte.