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N° 2292

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 8 octobre 2019.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DU DÉVELOPPEMENT DURABLE ET DE L’AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2020 (n° 2272)

TOME IX

COHÉSION DES TERRITOIRES

 

POLITIQUE DES TERRITOIRES

PAR M. Jean-Pierre VIGIER

Député

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 Voir les numéros : 2272, 2301 (Tome III, annexe 9).


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SOMMAIRE

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Pages

PREMIÈRE PARTIE : LE PROGRAMME « IMPULSION ET COORDINATION DE LA POLITIQUE D’AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE » (PROGRAMME 112)

I. PRÉSENTATION GÉNÉRALE DU PROGRAMME

II. LES NOMBREUX OUTILS DE CONTRACTUALISATION ÉTAT-COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

A. LES CONTRATS DE PLAN ÉTAT-RÉGION (CPER) ET LES NOUVEAUX CONTRATS DE CONVERGENCE ET DE TRANSFORMATION (CCT)

B. LES CONTRATS DE RURALITÉ

C. LES CONTRATS DE REDYNAMISATION DES SITES DE DÉFENSE

D. LE PROGRAMME « ACTION CŒUR DE VILLE »

E. LES PACTES DE DÉVELOPPEMENT TERRITORIAL

III. DEUX ENJEUX MAJEURS POUR L’ATTRACTIVITÉ DES TERRITOIRES, NOTAMMENT RURAUX : L’ACCÈS AU NUMÉRIQUE ET L’ACCÈS AUX SERVICES PUBLICS

A. LA COUVERTURE NUMÉRIQUE DU TERRITOIRE

B. DES « MAISONS DE SERVICES AU PUBLIC » AUX « MAISONS FRANCE SERVICES »

DEUXIÈME PARTIE : L’AGENCE NATIONALE DE LA COHÉSION DES TERRITOIRES (A.N.C.T) AURA-T-ELLE LES MOYENS DE SES AMBITIONS ?

I. L’AGENCE SERA-T-ELLE OPÉRATIONNELLE AU 1er JANVIER 2020 ?

II. QUELS MOYENS HUMAINS ET BUDGÉTAIRES LE PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 2020 ATTRIBUE-T-IL À L’AGENCE ?

A. LES MOYENS DU CGET, DE L’AGENCE DU NUMÉRIQUE et de l’epareca

1. Le CGET

2. L’Agence du numérique

3. L’EPARECA

B. LES REGROUPEMENTS ET TRANSFERTS PRÉVUS PAR LE PROJET DE LOI DE FINANCES

TROISIÈME PARTIE : LE PROGRAMME « INTERVENTIONS TERRITORIALES DE L’ÉTAT » (PROGRAMME 162)

I. PRÉSENTATION GÉNÉRALE DU PROGRAMME

II. UNE ACTION ARRIVANT À SON TERME : LE PLAN D’ACTION POUR LE MARAIS POITEVIN

III. LES QUATRE ACTIONS SE POURSUIVANT EN 2020

A. L’ACTION « EAU ET AGRICULTURE EN BRETAGNE »

B. LE PROGRAMME EXCEPTIONNEL D’INVESTISSEMENTS (P.E.I) EN FAVEUR DE LA CORSE

C. LE « PLAN CHLORDÉCONE » EN GUADELOUPE ET EN MARTINIQUE

D. LE PLAN « LITTORAL 21 » EN OCCITANIE

IV. DEUX NOUVELLES ACTIONS LANCÉES EN 2020

A. LE FONDS INTERMINISTÉRIEL POUR LA TRANSFORMATION DE LA GUYANE

B. L’ACTION « RECONQUÊTE DE LA QUALITÉ DES COURS D’EAU EN PAYS DE LA LOIRE »

EXAMEN EN COMMISSION

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES


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   INTRODUCTION

 

La mission « Cohésion des territoires » rassemble, depuis la loi de finances pour 2018, les programmes auparavant rattachés aux missions « Égalité des territoires et logement » et « Politique des territoires », et couvre ainsi l’ensemble des actions mises en œuvre par le ministère de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales (MCTRCT) en faveur du développement et de l’aménagement du territoire, du renouvellement urbain, de la solidarité entre les territoires, du logement, de l’hébergement et de l’habitat durable. Le projet de loi de finances pour 2020 prévoit de doter cette mission d’un montant total de 15,075 milliards d’euros en autorisations d’engagement (AE) et de 15,157 milliards d’euros en crédits de paiement (CP).

Ce budget est globalement en baisse par rapport aux montants attribués par la loi de finances pour 2019 (- 8,69 % en AE et – 7,53 % pour les CP). Il convient toutefois de noter que le budget de ce ministère ne représente qu’une partie des crédits du budget de l’État relatifs à l’aménagement du territoire : au sein du budget de l’État, ce sont une trentaine de programmes, rattachés à différentes missions et donc à plusieurs ministères, qui comportent des crédits pouvant être considérés comme une contribution de l’État à l’aménagement du territoire.

La mission « Cohésion des territoires » comporte six programmes. Le présent rapport porte, compte tenu des compétences de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, sur deux d’entre eux : le programme 112 « Impulsion et coordination de la politique d’aménagement du territoire » et le programme 162 « Interventions territoriales de l’État ». À eux deux, ces programmes représentent moins de 2 % des crédits de la mission, mais ils permettent de financer ou de cofinancer une grande variété d’actions de l’État et des collectivités territoriales. Le budget de ces deux programmes pour 2020 est globalement en hausse par rapport à la loi de finances pour 2019.

Votre rapporteur pour avis invite par conséquent la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire à émettre un avis favorable sur ces deux programmes, tout en exprimant, d’une part, un regret, et d’autre part, une mise en garde.

Le regret, c’est que le plan d’action, très prometteur, en faveur des territoires ruraux, dit « Agenda rural », présenté à la fin du mois de septembre (voir encadré page 5), l’ait été bien trop tard pour pouvoir être clairement et concrètement intégré dans le projet de loi de finances pour 2020. Votre rapporteur pour avis note que, lors de son audition par la commission le 16 octobre dernier, la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales a indiqué que toutes les missions budgétaires seront mises à contribution, dès 2020. Mais il souligne qu’il s’agit a priori plutôt d’une réorientation de crédits préexistants vers la ruralité, que de moyens financiers supplémentaires nouveaux.

Quant à la mise en garde, elle concerne la future Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT), sur laquelle votre rapporteur pour avis a exprimé, pendant les débats sur la loi prévoyant sa création, la crainte qu’elle s’avère être soit une « usine à gaz », soit une structure vide de sens. Si le projet de loi de finances pour 2020 comporte bien des moyens humains et financiers permettant à l’ANCT de se constituer, il demeure encore bien trop d’incertitudes sur ce que pourra réellement apporter cette structure pour faire émerger et faire aboutir les projets des territoires.

L’Agenda rural

1. La Mission ruralités et ses « 200 propositions pour un agenda rural » (juillet 2019)

Suite au lancement de travaux au niveau européen en vue de l’élaboration d’un « agenda rural européen » qui constituerait le pendant de l’agenda urbain, l’Association des maires ruraux de France (AMRF), l’Association nationale Nouvelles ruralités (ANNR) et l’association Rural Environnement Développement (RED) ont proposé au Gouvernement l’élaboration d’un agenda rural français. Le Président de la République ayant répondu favorablement à cette demande, la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, Mme Jacqueline Gourault, et le ministre de l’agriculture et de l’alimentation, M. Didier Guillaume, ont chargé, en avril 2019, une mission composée de cinq élus ([1]), la Mission ruralités, de formuler des propositions en vue de l’élaboration de cet agenda rural.

La Mission ruralités, à l’issue de trois mois de travaux, a présenté en juillet 2019 un rapport intitulé « Ruralités : une ambition à partager – 200 propositions pour un agenda rural ». Ces propositions couvrent un grand nombre de thématiques, parmi lesquelles les conditions de réussite de l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT), les contractualisations entre l’État et les collectivités, les coopérations entre les territoires, la santé, l’école, les actions en faveur de la jeunesse, l’accès aux services, l’habitat et le logement, le soutien aux initiatives économiques, le soutien au commerce en milieu rural, les mobilités, l’agriculture, la transition écologique ou encore l’inclusion numérique. Le rapport de la mission préconise par exemple :

– un travail de réflexion et de cartographie sur une nouvelle définition des espaces ruraux et la redéfinition d’une géographique rurale prioritaire ;

– la création d’un fonds d’amorçage pour lancer les projets de l’ANCT ;

– la désignation de « référents ruralités » dans chaque ministère ;

– le lancement d’un plan de revitalisation des petites villes et bourgs-centres ;

– la garantie de l’accès à un socle de services universels à moins de trente minutes de trajet, par le déploiement d’un nombre suffisant de maisons de services au public (MSAP) ou de maisons France Services ;

– le développement de l’accueil de premier niveau dans les mairies, en lien avec les MSAP ;

– la prolongation du régime des zones de revitalisation rurale (ZRR) jusqu’en 2022, puis la révision de ce régime ;

– la création d’un fonds d’innovation territorial issu du programme d’investissements d’avenir (PIA) ;

– le soutien à la création de 1 000 cafés en milieu rural ;

– l’extension à des territoires ruraux de l’expérimentation « territoire zéro chômeur de longue durée » ;

– le soutien aux plateformes numériques de circuits courts alimentaires ;

– l’intégration des contrats de transition écologique dans les contrats de ruralité.

 

2. L’Agenda rural annoncé par le Premier ministre

Le 20 septembre 2019, le Premier ministre, M. Édouard Philippe, a présenté l’agenda rural du Gouvernement, ou « plan d’action en faveur des territoires ruraux », qui reprend 173 des 200 propositions du rapport de la Mission ruralités.

Y figurent notamment des mesures pour encourager la création de commerces dans les communes de moins de 3 500 habitants, des actions en faveur de la jeunesse, le lancement en 2020 d’un plan spécifique pour les « petites centralités » inspiré du programme « Action Cœur de ville » et qui pourrait bénéficier à 800 à 1 000 communes, l’implantation de 1 000 cafés dans des villages, qui seront également des points d’accès multiservices ou des commerces, le déploiement de 33 campus connectés pour permettre aux jeunes bacheliers habitant en zone rurale de poursuivre des études supérieures à distance, le déploiement d’au moins 300 maisons France Services d’ici fin 2020, le renforcement de la lutte contre l’artificialisation des sols, le soutien à 150 tiers-lieux en milieu rural…

Pour mettre en œuvre cet agenda, le Gouvernement a annoncé, notamment, l’organisation, à échéances régulières, de comités interministériels de la ruralité, la désignation d’un « référent ruralité » dans chaque ministère, le lancement d’un groupe de travail sur la définition des territoires ruraux avec l’INSEE, la mise en œuvre dès 2020 par l’ANCT du dispositif dédié à la revitalisation des petites centralités, et l’élaboration d’une nouvelle génération de contrats de ruralité en 2020.

 


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   PREMIÈRE PARTIE :
LE PROGRAMME « IMPULSION ET COORDINATION DE LA POLITIQUE D’AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE » (PROGRAMME 112)

I.   PRÉSENTATION GÉNÉRALE DU PROGRAMME

Le programme 112 de la mission « Cohésion des territoires » a pour objet la préparation et la mise en œuvre des décisions du Gouvernement en matière d’aménagement et de compétitivité des territoires. Il se caractérise par une forte dimension interministérielle, tant dans les réflexions préparatoires que dans les actions engagées. Il vise à concourir à la réalisation de deux objectifs : d’une part, renforcer l’attractivité économique et la compétitivité des territoires, et d’autre part, assurer la cohésion et l’équilibre des territoires et favoriser leur développement durable. Les programmes et interventions qu’il finance concernent donc à la fois l’attractivité des territoires, leur développement économique et l’accessibilité des services au public ; il est notamment l’outil budgétaire du développement du numérique. Le programme 112 était mis en œuvre, jusqu’à présent, par le Commissariat général à l’égalité des territoires (CGET) ; celui-ci va être en grande partie intégré, en 2020, dans la future Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT), qui va devenir le deuxième opérateur rattaché au programme 112 (avec l’opérateur Business France, qui bénéficie d’une subvention pour charges de service public versée via ce programme).

Le programme 112 comporte un outil budgétaire transversal, le Fonds national pour l’aménagement et le développement du territoire (FNADT). Créé par la loi du 4 février 1995, il a vocation à soutenir, en investissement comme en fonctionnement, les actions qui appuient les choix stratégiques de la politique d’aménagement du territoire et intervient en complément des fonds publics et privés mobilisés pour ces opérations. Il comporte deux sections : l’une, générale, pour des projets d’envergure issus de programmes nationaux d’État (inscrits au sein des contrats de plan État-régions ou arrêtés par le comité interministériel pour l’aménagement et le développement du territoire) ou des demandes locales adressées par le préfet de région au CGET ; l’autre, locale, gérée de manière déconcentrée par les préfets, finançant certaines opérations des contrats de plan État-région (CPER) et des opérations non contractualisées.

Le projet de loi de finances pour 2020 prévoit, pour le programme 112, un montant d’environ 209 millions d’euros en autorisations d’engagement (+ 9,68 millions d’euros par rapport à la loi de finances pour 2019, soit + 4,85 %) et d’environ 245 millions d’euros en crédits de paiement (+ 4,33 millions d’euros, soit + 1,8 %).

Au sein de l’enveloppe de crédits de paiement d’environ 245 millions d’euros demandés pour 2020, les transferts aux collectivités territoriales devraient représenter 172,6 millions d’euros, dont 93,3 millions de contribution au financement des CPER et 24,6 millions au titre de restes-à-payer concernant les contrats de ruralité.

Le budget du programme 112 est donc globalement en hausse, en AE comme en CP. Si l’augmentation globale est nette, la maquette budgétaire de ce programme (la ventilation des crédits entre plusieurs actions) est modifiée par le PLF 2020, sans qu’une explication soit d’ailleurs fournie à ce sujet par les documents annexés à celui-ci. Les crédits étaient, jusqu’en 2019, ventilés en trois actions :

les crÉdits de paiement du programme 112 pour 2018-2019

(en euros)

Intitulé de l’action

Exécution 2018

(crédits de paiement consommés)

LFI 2019

01 - Attractivité économique et compétitivité des territoires

76 131 975

81 682 748

02 - Développement solidaire et équilibré des territoires

134 354 976

129 414 589

04 - Instruments de pilotage et d’étude

29 923 565

29 716 842

TOTAL

240 410 516

240 814 179

Sources : Rapport annuel de performance annexé au projet de loi de règlement pour 2018 et Projet annuel de performance annexé au projet de loi de finances pour 2020.

La nouvelle ventilation est ainsi établie :

les crédits de paiement du programme 112 pour 2020

(en euros)

Intitulé de l’action

PLF 2020

11.- FNADT section locale

111 161 252

12.- FNADT section générale

32 573 072

13.- Soutien aux opérateurs

54 486 483

14.- Prime d’aménagement du territoire, contrats de ruralité et pacte État-métropoles

46 925 508

TOTAL

245 146 315

FNADT : Fonds national pour l’aménagement et le développement du territoire

Source : Projet annuel de performance annexé au projet de loi de finances pour 2020.

Les informations communiquées à votre rapporteur pour avis par les services du MCTRCT permettent toutefois d’établir une comparaison basée sur la nouvelle nomenclature des actions :

Les crédits du programme 112 (nouvelle maquette)

(en euros)

Actions et
sous-actions

LFI 2018

LFI 2019

PLF 2020

AE

CP

AE

CP

AE

CP

11. FNADT section locale

121 010 950

102 147 442

128 454 471

111 820 583

123 659 804

111 161 252

CPER

121 010 950

102 147 442

107 916 738

96 926 959

107 928 313

100 596 705

Contrats de convergence et de transformation

 

 

5 037 733

3 884 033

4 533 000

4 205 000

Pactes territoriaux

 

 

15 500 000

11 009 591

11 198 491

6 359 547

12. FNADT section générale

20 540 885

33 308 152

24 071 741

35 580 475

24 932 694

32 573 072

FNADT hors CPER

20 540 885

33 308 152

24 071 741

35 580 475

24 238 694

31 879 072

Réseau et partenaires CGET (autres associations)

0

0

0

0

694 000

694 000

13. Soutien aux opérateurs

37 765 031

37 765 031

36 872 684

36 872 684

54 486 483

54 486 483

Fonctionnement, études, immobilier CGET

26 254 909

26 254 909

25 662 562

25 662 562

0

0

Assistance technique et réseaux CGET

4 354 280

4 354 280

4 054 280

4 054 280

0

0

Réseau et partenaires CGET (autres associations)

1 388 000

1 388 000

1 388 000

1 388 000

0

0

Business France

5 767 842

5 767 842

5 767 842

5 767 842

4 800 000

4 800 000

ANCT

 

 

 

 

49 686 483

49 686 483

14. PAT, pacte État-métropoles et contrats de ruralité

15 000 000

80 011 524

10 000 000

56 540 437

6 000 000

46 925 508

Prime d’aménagement du territoire (PAT)

15 000 000

20 664 558

10 000 000

19 329 355

6 000 000

18 065 304

Pacte État-métropoles

0

44 156 331

0

33 395 450

0

26 618 478

Contrats de ruralité

0

15 190 635

0

3 815 632

0

2 241 726

TOTAL

194 316 866

253 232 149

199 398 896

240 814 179

209 078 981

245 146 315

Source : réponses du ministère de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales (MCTRCT) au questionnaire budgétaire en application de l’article 49 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF).

 

Les principales variations entre 2019 et 2020 sont les suivantes :

S’agissant de l’action 11, on peut noter une baisse de 4 % en AE et de 1 % en CP. Ceci s’explique notamment par un transfert des crédits relatifs au contrat de convergence et de transition pour la Guyane vers le programme 162, dans le cadre de la création d’une nouvelle action dans le PITE (voir Troisième partie du présent rapport). La contribution du programme 112 au financement apporté par l’État aux CPER demeure stable en AE et est en légère augmentation en CP.

S’agissant de l’action 12, la hausse du niveau d’AE demandées (+ 4 %) s’explique par les moyens complémentaires prévus pour répondre aux objectifs fixés dans le cadre du programme « Maisons France Services ».

S’agissant de l’action 13, la hausse du niveau d’AE et de CP est liée à l’obtention de 10 millions d’euros supplémentaires pour répondre aux besoins d’ingénierie de la future ANCT, et à des mesures de transfert en provenance d’autres programmes (notamment la subvention pour charges de service public de l’EPARECA, qui relevait du programme 134, en conséquence de l’intégration de l’EPARECA à l’ANCT). En revanche, la subvention accordée à Business France diminue.

Enfin, s’agissant de l’action 14, les crédits demandés diminuent de manière considérable (- 40 % en AE et – 17 % en CP), en raison de la diminution des crédits de la prime d’aménagement du territoire et de la diminution des restes-à-payer des contrats de ruralité ([2]) et du pacte État-métropoles.

Votre rapporteur pour avis ayant choisi de consacrer une attention particulière à la création de l’ANCT, celle-ci fait l’objet de la deuxième partie du présent rapport. Les principaux autres dispositifs financés par le programme 112 sont présentés ci-après.

II.   LES NOMBREUX OUTILS DE CONTRACTUALISATION ÉTAT-COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

Les crédits du programme 112 contribuent au financement de nombreux contrats pluriannuels conclus entre l’État et une ou plusieurs collectivités territoriales. Il s’agit en premier lieu des contrats de plan État-région (CPER) mais aussi, pour des montants moindres, des contrats de ruralité, des contrats de redynamisation des sites de défense (CRSD) dans les territoires affectés par des redéploiements militaires, des conventions du programme « Action Cœur de ville », des conventions du pacte État-métropoles… ainsi que, depuis 2019, des pactes territoriaux de développement et des contrats de convergence et de transformation, ou encore des conventions « Territoires d’industrie ».

Votre rapporteur pour avis note que la multiplicité des dispositifs contractuels existants, qui ne cesse de s’enrichir de nouveaux types de contrats, est source de complexité et d’illisibilité, notamment pour les élus des territoires ruraux. Le président de l’Association des maires ruraux du Nord, auditionné par votre rapporteur pour avis, a ainsi souligné que, sur certains territoires, plusieurs contrats se recoupent tandis que d’autres territoires se trouvent exclus de toute contractualisation, faute d’information suffisante sur leur éventuelle éligibilité aux différents dispositifs ou sur les démarches à effectuer.

Certes, il ne saurait être question d’utiliser un outil contractuel uniforme, par nature inadapté aux spécificités de chaque territoire, de chaque ensemble de besoins, de chaque niveau de collectivité. Mais votre rapporteur pour avis rappelle que la loi portant création de l’ANCT prévoit la création d’une catégorie de contrats supplémentaire, les « contrats de cohésion territoriale », dont le projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances pour 2020 ne fait pas mention. La loi prévoit que ces futurs contrats pourront intégrer les contrats existants, afin de limiter l’« empilement » de dispositifs, mais ne rend pas cette intégration systématique, et les caractéristiques de ces contrats ne seront définies qu’après la création de l’agence : il est donc permis de douter que ces contrats apporteront une simplification à l’ensemble.

Par ailleurs, votre rapporteur pour avis note le caractère extrêmement laconique des documents annexés au PLF quant aux montants des crédits que le Gouvernement prévoit d’affecter, d’année en année, à la mise en œuvre des engagements de l’État pour chaque catégorie de contrats. Ainsi, il note que dans les documents annexés au présent projet de loi de finances, seuls les CPER font l’objet d’une présentation détaillée et chiffrée des crédits budgétaires.

A.   LES CONTRATS DE PLAN ÉTAT-RÉGION (CPER) ET LES NOUVEAUX CONTRATS DE CONVERGENCE ET DE TRANSFORMATION (CCT)

La démarche de contractualisation entre l’État et les régions a donné lieu à une première génération de contrats pluriannuels de grande ampleur, les contrats de projets État-région (CPER) et les contrats de projets interrégionaux État-région (CPIER), qui ont couvert la période 2007-2014. Dans ce cadre, l’État s’était engagé pour un montant total de 12,76 milliards d’euros et les conseils régionaux, pour un montant de 15,5 milliards d’euros. Cette programmation a été clôturée le 31 décembre 2014, mais les paiements correspondant à la mise en œuvre de ces contrats ne se termineront complètement qu’en 2020.

La préparation de la génération 2015-2020 des CPER – « contrats de plan État-région » – et des contrats interrégionaux a été lancée en 2013. Pour les CPER, l’engagement financier de l’État s’élève à environ 13,5 milliards d’euros, et celui des régions à 15 milliards d’euros. La contribution prévue du budget de l’État aux CPER 2015-2020 (montants contractualisés révisés) est ainsi ventilée :

 

Volets des CPER

Montants contractualisés révisés des crédits État

Mobilité multimodale

7 440 360 667,00 €

Enseignement supérieur et recherche

1 500 356 400 €

Transition écologique et énergétique

2 901 211 000,00 €

Volet territorial

1 265 472 400 €

Culture

253 650 300 €

Emploi

210 100 000 €

TOTAL

13 571 150 767 

Source : réponses du MCTRCT au questionnaire budgétaire en application de l’article 49 de la LOLF.

Plusieurs missions du budget de l’État comportent des crédits consacrés à la mise en œuvre des CPER ([3]). La mission la plus « impactée » est la mission « Écologie, développement et mobilité durables », qui devrait fournir au total près de 10 milliards d’euros, principalement pour le volet mobilités des CPER. La mission « Cohésion des territoires » est mise à contribution à hauteur d’environ 918 millions d’euros via deux de ses programmes, le programme 112 (pour environ 755 millions d’euros) et le programme 135 « Urbanisme, territoires et amélioration de l’habitat » (environ 163 millions).

Les crédits du FNADT (programme 112) contribuent au financement du volet territorial de chaque CPER. Ce volet constitue le cadre principal d’élaboration de politiques territoriales partagées entre l’État et les régions ; il est destiné à assurer la cohérence entre les interventions de l’État et celles des collectivités territoriales.

Pour l’année 2020, le programme 112 comportera 101,27 millions d’euros de crédits de paiement dédiés aux CPER 2015-2020 et 3,53 millions d’euros pour poursuivre la résorption du reste-à-payer de la mise en œuvre des CPER 2007-2014 (le solde intégral des engagements de l’État pour la première génération des CPER nécessitera encore 16,1 millions d’euros de crédits au-delà de 2020).

Exécution des CPER au 31 décembre 2018 – Crédits état

Volets des CPER

CP
2015-2018

taux de paiement

Taux de couverture des AE par des CP

Mobilité multimodale :

1 369 734 707 

18 %

47 %

Programme 203 – Infrastructures et services de transport

1 321 702 944 

18 %

46 %

Voies navigables de France (VNF)

48 031 763 

17 %

73 %

Enseignement supérieur et recherche

565 569 294 

38 %

61 %

Transition écologique et énergétique

785 054 312 

27 %

46 %

Volet territorial :

339 473 222 

27 %

50 %

Programme 112 « Impulsion et coordination de la politique d’aménagement du territoire » et programme 119 « Concours financiers aux collectivités territoriales et à leurs groupements »

226 942 750 

30 %

50 %

Programme 123 « Conditions de vie outre-mer »

56 630 931 

17 %

40 %

Programme 135 « Urbanisme, territoires et amélioration de l’habitat »

55 433 974 

35 %

75 %

Programme 212 « Soutien de la politique de la défense »

465 566 

37 %

37 %

Centre national de développement du sport

0,00 

0

0

Culture

82 542 016 

33 %

53 %

Emploi

127 910 549 

61 %

100 %

TOTAL

3 270 284 099,00 

24 %

50 %

Source : réponses du MCTRCT au questionnaire budgétaire en application de l’article 49 de la LOLF.

Les CPER 2015-2020 n’ont pas fait l’objet d’une révision généralisée à mi-parcours (qui aurait pu être utile compte tenu de la nouvelle carte des régions) mais ont connu plusieurs évolutions importantes en 2018 et 2019. Des avenants techniques ont été signés dans plusieurs régions, à équilibre budgétaire inchangé. Les CPER ont été clos de manière anticipée au 31 décembre 2018 dans les territoires ultramarins (Guadeloupe, Martinique, La Réunion, Mayotte et Guyane) pour laisser la place à de nouveaux contrats : les contrats de convergence et de transformation (CCT), qui couvriront la période 2019-2022 ; les engagements des CPER ont toutefois été repris dans ces nouveaux contrats.

Les CCT constituent la traduction contractuelle des « plans de convergence et de transformation » conclus entre l’État, les régions, départements (ou collectivités uniques) et EPCI des cinq territoires en application de la loi du 28 février 2017 relative à l’égalité réelle outre-mer.

Les travaux d’élaboration de la nouvelle génération de CPER, qui couvrira la période 2021-2027, ont commencé, le calendrier étant lié à celui de la nouvelle programmation budgétaire pluriannuelle des fonds européens. Selon les informations communiquées à votre rapporteur pour avis, le Gouvernement envisage un élargissement du périmètre de la contractualisation à des thématiques qui ne figurent pas dans les CPER 2015-2020, et souhaite en particulier qu’un volet consacré aux coopérations entre les territoires soit systématiquement inclus dans les futurs contrats.

Lors de son audition par la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire le 16 octobre 2019, la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, Mme Jacqueline Gourault, a indiqué que le volet « Mobilités » des futurs CPER serait élaboré à part, le travail étant confié spécifiquement au ministère chargé des transports tandis que l’élaboration des autres volets relèvera de son ministère.

B.   LES CONTRATS DE RURALITÉ

La démarche de contractualisation spécifique à la ruralité a été lancée en 2016. Les contrats de ruralité visent à accompagner les territoires ruraux dans leurs projets de développement en coordonnant les dispositifs et moyens existants et en fédérant l’ensemble des acteurs institutionnels, économiques et associatifs. Chaque contrat présente les principales orientations du projet de territoire, et doit comporter six volets prioritaires (accessibilité des services et des soins, développement de l’attractivité, redynamisation des bourgs-centres, mobilités, transition écologique, cohésion sociale). La première génération de contrats de ruralité porte sur la période 2017-2020.

Au 1er janvier 2019, on dénombrait 485 contrats de ruralité signés (dont 19 signés en 2018). 4 contrats supplémentaires ont été signés depuis cette date. La contribution financière de l’État ne provient pas uniquement du programme 112 : selon les informations communiquées à votre rapporteur pour avis par le MCTRCT, en 2018, les crédits de l’État mobilisés pour la mise en œuvre de ces contrats se sont élevés au total à environ 455 millions d’euros (dont 16,3 millions au titre du FNADT). Les actions qui bénéficient le plus de subventions de l’État sont celles relatives à l’accès aux services et aux soins et celles relatives à la revitalisation des centres-bourgs.

Au sein du programme 112, dans le projet de loi de finances pour 2020, un montant de 26,6 millions d’euros de crédits de paiement est prévu pour la mise en œuvre des contrats de ruralité signés avant le 1er janvier 2018.

Une deuxième génération de contrats devrait être élaborée en 2020, après les élections municipales. Votre rapporteur pour avis observe que le bilan de la mise en œuvre des contrats de la première génération est globalement positif, tant selon le CGET (qui a publié une étude en mai 2018) que selon la commission des finances du Sénat ([4]) ; le rapport « Ruralités : une ambition à partager – 200 propositions pour un agenda rural » présenté par la Mission ruralité en juillet 2019 porte également une appréciation positive sur cet outil, et préconise d’élargir le cercle des partenaires impliqués et les thématiques abordées.

C.   LES CONTRATS DE REDYNAMISATION DES SITES DE DÉFENSE

Le dispositif d’accompagnement territorial du redéploiement des armées existe depuis 2008. Des crédits du FNADT sont utilisés pour alimenter la contribution financière de l’État à la mise en œuvre des contrats de redynamisation des sites de défense (CRSD) et des plans locaux de redynamisation (PLR).

Les 62 contrats signés entre 2008 et 2014 concernent 45 départements de métropole et 4 territoires ultramarins. 54 de ces contrats sont arrivés à échéance et ont été clôturés ; selon les informations communiquées à votre rapporteur pour avis, ces contrats achevés ont permis de maintenir ou de créer environ 11 000 emplois directs. 8 CRSD resteront actifs sur les années 2020 et suivantes ; l’année 2020 sera l’année de clôture de deux d’entre eux, et un nouveau contrat est en cours d’élaboration (en vue de la fermeture de l’ancienne base aérienne de Châteaudun).

D.   LE PROGRAMME « ACTION CŒUR DE VILLE »

Le programme « Action Cœur de ville » (ACV) est un plan d’investissement public lancé en avril 2018 et associant l’État et trois partenaires financeurs (Action Logement, la Banque des territoires et l’Agence nationale pour l’habitat – ANAH), pour financer la revitalisation des centres-villes. Le programme se décline en contrats : chaque convention-cadre ACV est signée par la commune concernée, l’État, les trois partenaires financiers et toute autre partie intéressée, privée ou publique. Au 31 décembre 2018, 222 conventions ACV avaient été signées. Pour la période 2018-2022, il est prévu que l’État attribue un montant total de crédits budgétaires de 600 millions d’euros, via plusieurs programmes dont le programme 112 (FNADT).

E.   LES PACTES DE DÉVELOPPEMENT TERRITORIAL

Au cours de l’année 2019, le Gouvernement a lancé une nouvelle démarche d’accompagnement contractualisée, destinée à répondre aux difficultés de plusieurs territoires considérés comme particulièrement fragiles. 11 contrats dits « pactes de développement territorial » ([5]) ont ainsi été signés, afin de financer des projets nécessaires pour relancer l’attractivité de ces territoires et améliorer les conditions de vie de leurs habitants. La contribution apportée par le budget de l’État est partagée entre plusieurs ministères (santé, culture, agriculture, éducation…) car leur contenu est très transversal. Pour l’année 2020, une enveloppe de 6,36 millions d’euros en crédits de paiement est prévue dans le programme 112.

III.   DEUX ENJEUX MAJEURS POUR L’ATTRACTIVITÉ DES TERRITOIRES, NOTAMMENT RURAUX : L’ACCÈS AU NUMÉRIQUE ET L’ACCÈS AUX SERVICES PUBLICS

A.   LA COUVERTURE NUMÉRIQUE DU TERRITOIRE

La construction d’infrastructures puis le déploiement de services et d’usages locaux constituent les deux piliers de la réponse au défi majeur que représente l’égalité numérique des territoires. La couverture numérique du territoire est synonyme d’accès aux services, de dynamisme économique et d’attractivité, notamment pour les territoires ruraux. Votre rapporteur pour avis affirme sa conviction profonde que les territoires ruraux sont des territoires d’avenir, et se réaliseront en tant que tels grâce à leur désenclavement, par les infrastructures de transport ferroviaire et routier, et par les infrastructures numériques.

Lancé en 2013, le Plan France Très Haut Débit doit permettre de couvrir l’intégralité du territoire français en très haut débit d’ici 2022. Réaliser cet objectif nécessitait un investissement total de 20 milliards d’euros sur dix ans, dont 3,3 milliards d’euros apportés par l’État. Les crédits budgétaires nécessaires à la mise en œuvre de cet engagement sont inscrits dans l’un des programmes de la mission « Économie » (programme 343), qui prévoit un montant de 440 millions d’euros en crédits de paiement pour 2020.

Le déploiement de l'internet à très haut débit (THD) sur le territoire se matérialise par l’installation progressive d’équipements adaptés. Le développement des réseaux THD s’effectue progressivement et selon deux modalités :

– pour les grandes agglomérations et chefs-lieux, l’installation est gérée par des opérateurs privés : 3 600 communes sont concernées, soit 57 % de la population ;

– pour le reste du territoire, les installations sont assurées par les collectivités territoriales via des réseaux publics, les « réseaux d’initiative publique » (RIP). L’attribution des financements de l’État s’opère à travers le guichet « réseaux d’initiative publique » du Plan « France Très Haut Débit », qui a pour objet de cofinancer les projets de déploiement d’infrastructures de réseaux à très haut débit des collectivités territoriales.

Dans le cadre de son agenda rural présenté le 20 septembre dernier, le Gouvernement s’est engagé à faire résorber les « zones blanches » de téléphonie mobile en cinq ans et à faire déployer d’ici fin 2020 la 4G sur tous les pylônes existants. En outre, il a annoncé qu’un seuil minimal de sites « 5G » à déployer dans les territoires ruraux sera défini dans le cadre des prochaines attributions de fréquences aux opérateurs. Par ailleurs – et parce que, une fois que les infrastructures numériques sont présentes, se pose la question des usages du numérique –, le Gouvernement a lancé en 2018 la création d’un réseau de tiers-lieux, avec un engagement de l’État à hauteur de 110 millions d’euros sur trois ans pour aider à créer et à pérenniser des tiers-lieux dans les territoires.

L’extension de la couverture du territoire en services mobiles s’inscrit désormais dans un accord, conclu en janvier 2018 entre l’État, les opérateurs (Orange, Free, SFR et Bouygues) et l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP), qui comporte un programme d’investissements de 3 milliards d’euros sur six ans, les opérateurs s’étant engagés à financer 5 000 nouveaux sites. Il s’agit d’engagements contraignants, dont l’ARCEP pourra sanctionner le non-respect. Votre rapporteur pour avis salue ce « New Deal » historique, dont la mise en œuvre concrète semble progresser de manière satisfaisante, grâce notamment à l’activité de l’Agence du numérique dont il a pu apprécier le rôle et les résultats, en particulier lors de l’audition de son directeur.

Le programme 112 ne comporte pas de crédits pour la mise en œuvre de cet accord, qui ne nécessite pas de dépenses du budget de l’État. Il convient toutefois de noter que le pilotage de la mise en œuvre du « New Deal mobile » est assuré par l’Agence du numérique, qui va être partiellement intégrée dans la future ANCT.

B.   DES « MAISONS DE SERVICES AU PUBLIC » AUX « MAISONS FRANCE SERVICES »

L’accessibilité des services pour la population est une dimension essentielle de l’aménagement du territoire, et correspond à un besoin très profond exprimé par les résidents des territoires ruraux mais aussi de certains territoires urbains. Les maisons de services au public (MSAP), auxquelles le programme 112 apporte la contribution financière de l’État, constituent un dispositif très important, mais largement perfectible. Les maisons France Services devraient permettre une « montée en gamme » du dispositif à partir de 2020.

La loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations avait prévu la création de « maisons des services publics » (MSP) pour réunir des services relevant de l’État, de ses établissements publics, des collectivités territoriales ou de leurs groupements, des organismes de sécurité sociale ou d’autres organismes chargés d’une mission de service public, afin de « faciliter les démarches des usagers et d’améliorer la proximité des services publics sur le territoire en milieu urbain et rural ». La loi prévoyait aussi la possibilité de proposer les services accessibles dans ces maisons « de façon itinérante ».

Avec la loi dite « NOTRe » du 7 août 2015, les maisons des services publics sont devenues les « maisons de services au public » (MSAP) afin d’y inclure d’autres services nécessaires à la satisfaction des besoins de la population.

Le déploiement des MSP puis des MSAP a été lent : au 31 décembre 2014, seules 363 maisons étaient en service et labellisées. Sept opérateurs ([6]) ont alors signé un accord national créant le Fonds de soutien inter-opérateurs (FIO) et ont pris l’engagement de conclure des conventions locales de partenariat pour chaque MSAP (les sept opérateurs n’ayant, toutefois, pas l’obligation d’être présents dans toutes les MSAP). Par la suite, en 2015, l’État a décidé d’accélérer encore le déploiement des MSAP sur le territoire en concluant une convention distincte avec le groupe La Poste pour permettre l’installation de MSAP dans des bureaux de poste existants en déficit d’activité.

Le FIO a permis de doubler l’effort financier déjà engagé par l’État, en complément du financement apporté par les collectivités territoriales (qui constituent le principal financeur des MSAP non postales).

Les MSAP revêtent diverses formes en pratique. Certaines prennent la forme d’une implantation multi-sites (par exemple à l’échelle d’une intercommunalité), d’autres sont itinérantes, d’autres encore organisent une permanence en mairie ou dans des locaux associatifs… Cependant, les MSAP ne peuvent en principe être reconnues comme telles et labellisées que si elles respectent un cahier des charges (présence d’au moins deux opérateurs des secteurs de l’emploi, des prestations ou de l’aide sociale, ouverture régulière au moins 24 heures par semaine, présence d’un animateur d’accueil formé par chaque opérateur partenaire, équipement informatique mis à la disposition du public…). Les agents-médiateurs qui assurent l’accueil, l’information et l’orientation du public proposent, dans les faits, une information et un accompagnement administratif « de premier niveau » uniquement, car ils n’ont pas vocation à se substituer aux personnels des agences de Pôle emploi ou de la CAF, par exemple. Ils ne répondent pas aux demandes complexes et ne traitent pas eux-mêmes les dossiers des usagers.

L’activité des MSAP permet essentiellement de renseigner en un seul lieu les usagers de plusieurs organismes administratifs pour les orienter vers la bonne structure et les aider à accomplir certaines démarches, notamment des démarches dématérialisées. Mais la qualité n’est pas partout au rendez-vous : si, en termes quantitatifs, les objectifs de déploiement ont été atteints, force est de constater que certaines MSAP ont été créées sans analyse préalable des besoins réels de la population, tandis que d’autres ne répondent pas, en réalité, aux exigences du cahier des charges.

Le nombre de MSAP a atteint 1 150 fin 2017 (dont 500 MSAP postales), puis 1 284 en août 2018, dont 85 % situées dans des communes de moins de 5 000 habitants. À ce jour, le portail en ligne des maisons de services au public référence 1 393 MSAP. Victime de son succès, le dispositif n’est plus en capacité d’assurer le financement de nouvelles maisons.

Le 25 avril 2019, le Président de la République a annoncé la mise en place d’un réseau de maisons « France Services ». Par rapport aux MSAP, les maisons « France Services » représenteront une amélioration qualitative sur plusieurs points :

– le nombre d’opérateurs partenaires sera plus élevé ;

– la formation des agents sera améliorée et renforcée ;

– la collaboration sera plus étroite avec les collectivités locales ;

– une évaluation préalable plus rigoureuse des besoins sera assurée ;

– l’accompagnement des usagers ne se fera pas seulement sur de la réorientation mais comprendra un engagement de résolution des difficultés rencontrées ;

– un renforcement du maillage : 200 nouvelles structures seront ouvertes en 2020 et 100 en 2021 ;

– un nouveau plan de financement, qui est en cours d’établissement.

Auditionné par votre rapporteur pour avis, le directeur adjoint du cabinet de la ministre de la cohésion des territoires a précisé que l’objectif initialement annoncé par le Président de la République d’installer une maison France Services par canton ne signifie en aucune façon qu’il n’y aura forcément qu’une seule maison par canton : certains cantons seront dotés, comme c’est d’ailleurs le cas actuellement pour les MSAP, de plusieurs maisons France Services, pour que le dispositif soit adapté aux besoins. Les MSAP déjà performantes au regard du référentiel de qualité élaboré pour l’attribution du label « France Services » seront labellisées très rapidement. Il a indiqué que jusqu’à la fin de l’année 2021, le Gouvernement s’est engagé à maintenir le niveau actuel des subventions versées aux MSAP qui en reçoivent, mais que le maintien ne peut pas être garanti au-delà de cette échéance.

Votre rapporteur pour avis prend acte de la volonté très claire du Président de la République et du Gouvernement d’améliorer l’accès de la population aux services dont elle a besoin, et salue les ambitions de la démarche « France Services », mais déplore que le plan de financement demeure à ce stade non défini et fait sienne l’une des préconisations du rapport de la Mission ruralités : il est indispensable de développer l’accueil de premier niveau dans les mairies, en lien avec les MSAP/Maisons France Services. Votre rapporteur pour avis souligne également que la performance globale du dispositif, qu’il s’agisse des MSAP ou des futures maisons France Services, dépend très directement des progrès de la couverture numérique du territoire.

 


—  1  —

   DEUXIÈME PARTIE :
L’AGENCE NATIONALE DE LA COHÉSION DES TERRITOIRES (A.N.C.T) AURA-T-ELLE LES MOYENS DE SES AMBITIONS ?

La loi n° 2019-753 du 22 juillet 2019 portant création d’une Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) prévoit la constitution d’un nouvel établissement public de l’État par fusion, au 1er janvier 2020, de trois organismes existants, de nature et de statut différents : une grande partie des services du Commissariat général à l’égalité des territoires (CGET), qui est une administration centrale ; l’Établissement public d’aménagement et de restructuration des espaces commerciaux et artisanaux (EPARECA) ; et deux des trois pôles de l’Agence du numérique.

La création de l’agence vise à répondre au souhait des élus locaux de disposer d’un accès plus simple aux services de l’État et aux différents opérateurs qui interviennent dans les territoires pour soutenir leurs projets. L’ANCT apportera une aide « sur mesure » à travers un appui en ingénierie par la mobilisation et la coordination des ressources de l’État et de ses opérateurs. L’agence interviendra à la fois dans le déploiement de programmes nationaux d’intervention (par exemple Action Cœur de ville) et, selon les termes employés dans le projet annuel de performance de la mission « Cohésion des territoires » annexé au projet de loi de finances pour 2020, « en appui spécifique aux territoires en transition économique, écologique ou démographique ».

I.   L’AGENCE SERA-T-ELLE OPÉRATIONNELLE AU 1er JANVIER 2020 ?

Pour que la création de l’ANCT puisse avoir effectivement lieu au début de l’année 2020, plusieurs conditions doivent impérativement être remplies :

– le projet de loi de finances pour 2020 doit opérer la construction de l’agence par l’attribution de moyens humains et d’un budget ;

– les décrets d’application prévus par la loi doivent être publiés ;

– le président de l’ANCT (qui sera un élu local), les autres membres du conseil d’administration et son directeur général doivent être désignés ; votre rapporteur pour avis note que le futur directeur général doit, préalablement à sa nomination, être auditionné par les commissions compétentes de l’Assemblée nationale et du Sénat ([7]) en application de loi n° 2010-838 du 23 juillet 2010 relative à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution ;

– un organigramme fonctionnel complet doit être construit ;

– la doctrine d’intervention de l’ANCT doit être définie ;

– les délégués territoriaux de l’ANCT doivent être désignés ; la loi prévoit que les délégués territoriaux de l’ANCT sont les préfets de département, ou des personnes désignées par les préfets ;

– une convention pluriannuelle doit être conclue entre l’État, l’ANCT et chacun des cinq partenaires suivants : l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU), l’Agence nationale de l’habitat (ANAH), l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME), le Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (CEREMA) et la Caisse des dépôts et consignations. La loi prévoit que ces cinq conventions doivent être signées après la nomination du directeur général de l’ANCT et au plus tard le 1er janvier 2020.

Votre rapporteur pour avis, compte tenu des auditions qu’il a menées et des informations qui lui ont été communiquées par le Gouvernement, exprime une vive inquiétude sur la réunion de toutes ces conditions avant le 1er janvier 2020.

Il observe en effet que, si le projet de loi de finances pour 2020 prévoit effectivement un budget et un effectif de personnels pour l’ANCT (voir ci-après), aucun des textes réglementaires d’application de la loi n’a encore été publié.

Les personnels de l’EPARECA et de l’Agence du numérique manifestent une certaine inquiétude sur les modalités de leur intégration dans la nouvelle structure et sur la possibilité de conserver ensuite leur « identité », leur expertise et leur niveau de performance sans que ceux-ci soient « dilués » dans la nouvelle structure.

Les conventions pluriannuelles de partenariat sont en cours d’élaboration mais aucun élément d’information n’a été communiqué à votre rapporteur pour avis s’agissant des actions ou des moyens financiers sur lesquels pourraient porter ces conventions.

II.   QUELS MOYENS HUMAINS ET BUDGÉTAIRES LE PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 2020 ATTRIBUE-T-IL À L’AGENCE ?

A.   LES MOYENS DU CGET, DE L’AGENCE DU NUMÉRIQUE et de l’epareca

1.   Le CGET

Le CGET est un service de l’administration centrale de l’État, placé sous l’autorité du Premier ministre. Il a été créé par un décret du 31 mars 2014, qui lui a attribué les missions auparavant confiées à la Délégation interministérielle à l’aménagement du territoire et à l’attractivité régionale (DATAR), au Secrétariat général du comité interministériel des villes et à l’Agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances.

Parmi les missions du CGET, figurent notamment :

– la conception, la préparation et la mise en œuvre de la politique nationale d’égalité des territoires, dont il assure le suivi et la coordination interministérielle. Il est chargé, en particulier, de la conception, de l’élaboration et de la mise en œuvre de la politique de la ville ;

– l’évaluation des politiques publiques en matière d’égalité des territoires ;

– la participation à l’élaboration de la stratégie, des actions et des programmes destinés à renforcer les capacités et la cohésion sociale et économique des territoires et à favoriser leur transition écologique et énergétique ;

– la coordination de la préparation et le suivi des instruments contractuels associant l’État et les collectivités territoriales ; en particulier, le CGET pilote l’élaboration des contrats de plan État-région (CPER), coordonne leur mise en œuvre, assure leur suivi et veille à leur cohérence. Il coordonne les politiques d’égalité des territoires mises en œuvre par les préfets de région et par les préfets de département ;

– l’exercice de la tutelle de l’ANRU et de la cotutelle de l’EPARECA ;

– la coordination de l’utilisation des fonds structurels européens.

Le CGET est organisé en trois directions : la direction de la ville et de la cohésion urbaine, spécifiquement chargée de la conception et de la mise en œuvre de la politique de la ville ; la direction des stratégies territoriales ; et la direction du développement des capacités des territoires, qui veille notamment à la cohérence des politiques sectorielles.

Pour l’année 2019, le plafond d’emplois assigné au CGET se situe à 265 équivalents temps plein travaillé (ETPT). L’effectif sous plafond est composé de 97 agents titulaires et de 168 contractuels de droit public.

2.   L’Agence du numérique

L’Agence du numérique est, comme le CGET, un service de l’administration centrale de l’État. Rattaché à la direction générale des entreprises (DGE) du ministère de l’économie et des finances, il a été créé par un décret du 3 février 2015 ([8]). Ce décret dispose que le service est chargé « de l’impulsion, de l’animation et de l’accompagnement des projets et des initiatives numériques » dans le cadre du plan « France très haut débit », du programme « Quartiers numériques » (également dénommé « French Tech » dans ce décret) et d’une politique nationale de diffusion des outils numériques et de développement de leur usage. Le décret précise que ces projets et initiatives que l’Agence du numérique impulse, anime et accompagne sont « développés dans les territoires par les collectivités publiques, les réseaux d’entreprises, les associations et les particuliers ». L’Agence du numérique a remplacé la Délégation aux usages de l’internet.

Ce service comprend, en application du décret de 2015, trois pôles :

 Un pôle chargé du pilotage et de la mise en œuvre du déploiement du plan « France très haut débit » (lancé en 2013 et financé dans le cadre du Programme des investissements d’avenir). Ce pôle est chargé notamment :

– d’accompagner et de conseiller les collectivités locales dans la préparation de leurs projets de déploiement des réseaux à très haut débit ;

– d’instruire les projets déposés en s’assurant du respect du cahier des charges, et d’instruire les demandes de décaissement transmises par les collectivités locales. C’est donc ce service qui assure l’instruction et le suivi administratif et financier des subventions demandées par les collectivités locales pour mettre en place les réseaux d’initiative publique (RIP), en lien avec la Caisse des dépôts et consignations ;

– d’assurer le suivi des projets sur les plans technique et financier ;

– de diffuser les meilleures pratiques auprès des collectivités locales ;

– de contribuer à l’harmonisation des référentiels techniques.

Le pôle « France très haut débit » constitue le « cœur de métier » de l’Agence du numérique ; selon le rapport d’activité 2015-2016, sur les 35 équivalents temps-plein que comptait alors l’agence, 18 personnes travaillaient au sein de ce pôle, et il correspond à l’enveloppe budgétaire la plus importante de l’Agence du numérique.

Celle-ci a piloté, depuis sa création, trois appels à projets : l’appel à projets « Réseaux d’initiative publique », l’appel à projets « Continuité territoriale numérique dans les outre-mer » et l’appel à projets « Cohésion numérique des territoires ». Elle pilote également deux programmes de soutien à la couverture du territoire en téléphonie mobile ;

 Un pôle chargé du pilotage et de la mise en œuvre du programme « Quartiers numériques » (ou « French Tech »). Il doit accompagner les initiatives candidates à l’octroi du label du même nom. L’enjeu est de développer et de faire croître les nouvelles entreprises innovantes en France. Le pôle « French Tech » ne sera pas intégré dans l’ANCT ;

 Enfin, un pôle chargé de favoriser la diffusion des outils numériques et le développement de leur usage auprès de la population, dans le cadre du programme « Société numérique ». Dans ce cadre, l’agence propose et coordonne des mesures permettant de généraliser l’accès à internet dans l’ensemble de la société, assure une veille des meilleures pratiques relatives à l’appropriation des outils numériques sur le territoire, et conseille les collectivités locales, les associations, les collectifs citoyens et les réseaux d’entreprises pour leurs projets de développement des usages et des services numériques dans les territoires. Le pôle « Société numérique » de l’Agence du numérique est actif depuis novembre 2016.

Auditionné par votre rapporteur pour avis, le directeur de l’Agence du numérique a indiqué que l’agence emploie actuellement une trentaine de contractuels et 5 fonctionnaires. Il a considéré que, face aux inquiétudes perceptibles et justifiées de ceux de ces personnels qui vont être intégrés à l’ANCT, le Gouvernement a présenté des orientations rassurantes dans le souci de préserver la performance de ces équipes, et que la présence d’un « pôle numérique » au sein de l’ANCT a vocation à intégrer la dimension numérique dans toutes les grandes politiques territorialisées de l’État, ce qui est hautement souhaitable, voire indispensable, par exemple dans le domaine de la santé.

Votre rapporteur pour avis salue la grande qualité du travail de l’actuelle Agence du numérique, et considère qu’effectivement, l’ANCT aura un rôle majeur à jouer pour soutenir les projets des territoires intégrant une dimension numérique, pour mettre les territoires en capacité d’accroître leur attractivité.

3.   L’EPARECA

L’EPARECA est un établissement public industriel et commercial (EPIC), opérateur de l’État, qui emploie actuellement 47 salariés (43 ETP sous plafond d’emplois et 4 emplois hors-plafond). Tous sont des salariés de droit privé, à l’exception d’un fonctionnaire territorial détaché sur contrat et de la directrice générale de l’établissement. L’EPARECA, dont le siège est situé à Lille, est également présent à Paris, à Lyon, et depuis avril 2019, à Marseille, ce qui permet de rapprocher ses personnels opérationnels des territoires d’intervention.

L’établissement a pour objet de favoriser l’aménagement et la restructuration d’espaces dans plusieurs catégories de zones (ainsi qu’à proximité de ces quartiers et territoires). Actuellement, il ne peut intervenir que dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) et dans les territoires éligibles au Programme national de requalification des quartiers anciens dégradés (PNRQAD). La loi portant création de l’ANCT a élargi considérablement le périmètre géographique dans lequel l’ANCT pourra intervenir en tant que « successeur » de l’EPARECA, en y incluant les zones de revitalisation rurale (ZRR), les secteurs d’intervention définis dans le cadre des opérations de revitalisation de territoire (ORT) et toutes les zones prioritaires d’aménagement du territoire (et non plus seulement les QPV, qui en font partie) définies à l’article 42 de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d’orientation pour l’aménagement et le développement du territoire.

L’EPARECA assure la maîtrise d’ouvrage d’actions et d’opérations tendant à « la création, l’extension, la transformation ou la reconversion des surfaces commerciales et artisanales situées dans ces zones », mais ne peut agir qu’avec l’accord des communes ou groupements de communes concernés ou des syndicats mixtes fermés concernés. En pratique, l’EPARECA intervient en qualité de promoteur, investisseur et exploitant de locaux commerciaux et artisanaux répondant à des besoins de proximité :

– en déclarant l’utilité publique pour pouvoir se rendre maître de copropriétés dégradées ;

– en mobilisant des subventions publiques, indispensables aux reconfigurations ;

– en exploitant les centres commerciaux de proximité pour accompagner les commerçants jusqu’à stabilisation économique, sociale et urbaine.

Le budget de l’EPARECA n’est pas uniquement alimenté par une dotation budgétaire de l’État : la majeure partie de ses moyens financiers est issue des revenus de ses activités (cessions et loyers).

Votre rapporteur pour avis note avec un grand intérêt le modèle économique vertueux que représente l’activité de l’EPARECA et les résultats remarquables, et trop peu connus, de celle-ci. Il exprime le souhait que la possibilité donnée à l’ANCT d’étendre les activités de l’EPARECA à de nombreuses zones rurales se traduise rapidement dans les faits, mais exprime également des doutes sur les moyens que l’ANCT pourra réellement y consacrer. Lors de son audition par votre rapporteur pour avis, la directrice générale a en effet souligné, à juste titre, que l’extension progressive du champ géographique d’intervention de l’EPARECA a été faite à moyens humains constants (à l’exception de l’octroi de 4 emplois hors-plafond), et que la tension sur les effectifs – 47 personnes pour « couvrir » l’ensemble du territoire – est réelle, compte tenu de l’activité soutenue de l’établissement.

B.   LES REGROUPEMENTS ET TRANSFERTS PRÉVUS PAR LE PROJET DE LOI DE FINANCES

Les subventions pour charges de service public dont bénéficiaient les entités qui vont fusionner seront toutes réunies au sein du programme 112 de la mission « Cohésion des territoires », ainsi que les dépenses de personnel de la future agence. Ainsi, le projet de loi de finances pour 2020 opère plusieurs transferts vers le programme 112 et le nouvel opérateur « ANCT » :

Transferts entrants en crédits

(en euros)

Transfert pour la création de l’ANCT

Programme source

Autorisations d’engagement

pour 2020

Crédits de paiement

pour 2020

Emploi de soutien du ministère de la cohésion des territoires pour le CGET

217

108 736

108 736

Transfert des personnels de l’Agence du numérique (hors « French Tech »)

134

1 975 304

1 975 304

218

156 720

156 720

Subvention pour charges de service public et ETP de l’EPARECA

134

5 837 301

5 837 301

Création de l’agence comptable de l’ANCT

156

150 812

150 812

Fonctions support de l’ANCT

147

2 400 000

2 400 000

Transfert d’emplois du CGET

112

20 314 434

20 314 434

TOTAL

 

30 943 307

30 943 307

Transferts entrants

(en ETPT)

Transfert à l’ANCT

Programme

source

ETPT

Emploi de soutien du ministère de la cohésion des territoires pour le CGET

217

2

Transfert des personnels de l’Agence du numérique (hors « French Tech »)

134

28

Personnels de l’EPARECA

134

47

Création de l’agence comptable

156

2

Transfert d’emplois du CGET

112

238

Transfert d’emplois en provenance de l’Agence de services et de paiements (ASP)

 

14

TOTAL

 

331

Source : Projet annuel de performance de la mission « Cohésion des territoires » annexé au PLF 2020.

Au total, en tant que nouvel opérateur de l’État, l’ANCT disposera en 2020 d’un budget de 49,67 millions d’euros en AE comme en CP (la somme des transferts tracés dans le tableau ci-dessus et une dotation du programme 112) et d’un effectif de 331 ETPT (327 sous plafond et 4 hors-plafond). Selon les informations communiquées par les services du ministère, l’effectif total pourrait toutefois approcher 350 personnes par la suite.

L’actuel siège du CGET, situé à Paris, servira de siège à la future ANCT. Néanmoins, les antennes déconcentrées de l’EPARECA à Lille et à Marseille et les commissariats de massifs du CGET donneront à l’ANCT une assise territoriale conséquente. La directrice de l’EPARECA a indiqué que l’agence comptable de l’ANCT sera située à Lille.

Les préconisations de la Mission ruralités sur l’ANCT

Le rapport précité de la Mission ruralités, présenté en juillet 2019, salue la création de cette agence, qui « signe un profond changement dans les relations entre l’État et les collectivités » car elle constitue « une réponse concrète et opérationnelle au nouveau rôle que l’État entend jouer en matière de cohésion des territoires : celui d’un État facilitateur » et « accompagnateur des porteurs de projets ». La Mission ruralités considère que l’ANCT « constituera un outil complémentaire pour accompagner les collectivités dans leurs projets de développement, singulièrement dans les espaces ruraux qui sont encore insuffisamment dotés en moyens d’ingénierie ».

Le rapport préconise de faire remplir à cette agence plusieurs missions particulières, notamment favoriser les travaux de recherche scientifique sur les ruralités et animer une « plateforme des coopérations interterritoriales ». Il demande aussi un renforcement des services déconcentrés de l’État. Il formule enfin les propositions suivantes pour « créer les conditions de réussite de l’ANCT » :

– en s’inspirant du rôle et du fonctionnement des commissariats de massifs, constituer des « équipes projets » pluridisciplinaires placées auprès des délégués territoriaux de l’agence pour assurer le suivi local des programmes nationaux d’intervention de la future agence et répondre aux sollicitations en accompagnement sur mesure des collectivités et porteurs de projets, en renouvelant régulièrement les personnels mis à disposition pour constituer ces équipes en fonction de l’évolution des besoins et des compétences requises ;

– créer un « fonds d’amorçage » de 150 à 200 millions d’euros pour soutenir les premiers projets pilotes qui seront portés par l’ANCT ;

– créer un fonds national de cohésion des territoires ciblant en priorité les territoires les plus en difficulté, une fois que les nécessaires travaux de réflexion et de redéfinition de ces territoires auront abouti à une nouvelle géographie rurale prioritaire ; ce fonds de cohésion inclurait, d’une part, 250 millions d’euros de crédits d’État (dont les crédits du FNADT) et, d’autre part, un montant équivalent issu d’un « fonds de péréquation sur les territoires riches » ;

– moduler les subventions aux collectivités qui bénéficieront des prestations payantes des opérateurs de l’ANCT en fonction des moyens de la collectivité et de ses capacités d’autofinancement ;

– renforcer l’appui au montage financier et à la gestion de projets européens pour les territoires ruraux dans le cadre de l’ANCT ;

– modifier la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) pour permettre la pluriannualité budgétaire afin de planifier les dotations ;

– maintenir au niveau actuel les crédits de la dotation de soutien à l’investissement local (DSIL) et de la dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR) pour continuer à soutenir les projets de territoires.

 


—  1  —

   TROISIÈME PARTIE :
LE PROGRAMME « INTERVENTIONS TERRITORIALES DE L’ÉTAT » (PROGRAMME 162)

I.   PRÉSENTATION GÉNÉRALE DU PROGRAMME

Le programme 162 est un dispositif budgétaire atypique par rapport au dispositif mis en place pour l’application de la loi organique relative aux lois de finances. La LOLF a prévu un système vertical de gestion des crédits, dans lequel chaque programme est rattaché à un ministère et les crédits sont transférés vers des budgets opérationnels (BOP) déconcentrés. Ce système vertical peut entraîner, en pratique, des retards importants dans la conduite de grands programmes intégrés mobilisant plusieurs ministères ([9]) ou opérateurs de l’État et pouvant également nécessiter de conclure des partenariats avec d’autres acteurs ([10]) ou de solliciter des fonds européens ([11]).

Créé en 2006, le programme « Interventions territoriales de l’État » (P.I.T.E) a été conçu comme un outil financier permettant de regrouper, sur un programme unique, l’ensemble des crédits consacrés à quelques politiques territoriales interministérielles particulières. Le PITE ne crée pas de dépenses supplémentaires pour le budget de l’État : il permet la mutualisation de moyens consacrés aux actions qui le composent, celles-ci étant administrativement interministérielles mais géographiquement « ciblées » et d’une durée limitée.

Géré par les services du ministère de l’intérieur pour le compte du Premier ministre, ce programme traduit une volonté d’approche territorialisée pour des problématiques particulières. Les crédits fixés par la loi de finances, répartis en autant d’« enveloppes » que d’actions du programme, sont délégués aux préfets de région pour être dédiés à une intervention précise, ce qui assure leur sécurisation et permet concrètement à chaque préfet d’avoir un interlocuteur unique. Toutefois, aucune des actions du PITE n’est intégrée aux contrats de plan État-région (CPER) des régions concernées.

À sa création, plusieurs actions budgétaires existantes y ont été regroupées, notamment le programme exceptionnel d’investissement (PEI) pour la Corse lancé en 2002 pour une durée de quinze ans. Pendant ses deux premières années d’existence, le PITE a financé huit actions et clôturé cinq d’entre elles. De nouvelles actions ont ensuite été créées, toujours dans la même logique d’une approche interministérielle permettant une rapidité d’action et le financement, par une seule enveloppe, d’une multiplicité de mesures.

Parmi les cinq actions que réunit le PITE en 2019, trois portent exclusivement sur des questions environnementales, la quatrième correspond à des préoccupations à la fois environnementales et économiques (le plan « Littoral 21 ») et la cinquième action est structurelle (le PEI en faveur de la Corse) et représente l’enveloppe la plus importante au sein du programme. Le projet de loi de finances pour 2020 prévoit la clôture d’une action et le lancement de deux nouvelles actions.

Le montant total des autorisations d’engagement demandées pour 2020 pour le programme 162 représente 43,55 millions d’euros et le montant des crédits de paiement prévus s’élève à 36,72 millions d’euros.

Les crÉdits de paiement du PITE depuis 2016

(en millions d’euros, hors fonds de concours ([12]))

Action

Exécution 2016

Exécution 2017

Exécution 2018

Loi de finances pour 2019

Projet de loi de finances pour 2020

02 : Eau et agriculture en Bretagne

8,98

4,12

6,11

1,78

1,78

04 : PEI Corse

23,5

37,59

45,56

17,83

17,87

06 : Marais poitevin

1,69

1,60

1,72

1,59

1,45

08 : Plan chlordécone

2,18

3,75

2,11

1,98

3,00

09 : Plan Littoral 21

 

 

0,22

2,48

4,46

10 : Fonds interministériel pour la transformation de la Guyane

 

 

 

 

7,46

11 : Reconquête de la qualité des cours d’eau en Pays-de-la-Loire

 

 

 

 

0,70

TOTAL

36,36

47,07

55,72

25,66

36,72

II.   UNE ACTION ARRIVANT À SON TERME : LE PLAN D’ACTION POUR LE MARAIS POITEVIN

C’est un contentieux européen qui est à l’origine du plan d’action national consacré à la zone du marais poitevin, la zone humide la plus vaste du littoral atlantique français. Le 25 novembre 1999, la France a été condamnée par la Cour de justice des Communautés européennes, pour sa mauvaise application de la directive « Oiseaux » sur ce territoire. Le Marais poitevin est un territoire d’une grande richesse écologique, du fait de la diversité des milieux naturels qui le composent. Mais les habitats naturels de la zone humide étaient menacés par une emprise croissante des terres cultivées et une gestion de l’eau qui ne leur était pas favorable. Le manque de mesures appropriées pour protéger le patrimoine naturel et éviter sa détérioration justifiait cette condamnation.

En réaction, le Gouvernement a présenté en juin 2002 un plan d’action pour le Marais poitevin pour la période 2003-2012. Un rapport d’évaluation publié en mai 2009 ayant mis en évidence la nécessité de renforcer les moyens déjà mis en œuvre, sous peine de voir le contentieux européen ré-ouvert, la loi « Grenelle 2 » du 12 juillet 2010 a prévu la création d’un établissement public de l’État, l’Établissement public du Marais poitevin (EPMP). Cet opérateur met en œuvre, depuis 2011, certaines mesures du plan d’action grâce à une subvention budgétaire provenant du PITE ([13]), les autres mesures étant mises en œuvre directement par les services de l’État. Le périmètre géographique d’intervention de l’EPMP couvre 352 communes, situées dans deux régions (Pays de la Loire et Nouvelle-Aquitaine) et quatre départements.

Grâce à la mise en œuvre de ce plan, le Marais poitevin a pu obtenir de nouveau, en mai 2014, le label de « Parc naturel régional », qu’il avait perdu en raison de la diminution des surfaces enherbées. En novembre 2014, un rapport du Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD) et du Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux (CGAAER) a dressé un bilan positif de la mise en œuvre du plan, qui s’est traduit notamment par l’adoption de trois schémas d’aménagement et de gestion des eaux (SAGE) pour les cours d’eau du bassin du Marais, une harmonisation des règles et des pratiques en matière de drainage, désormais très fortement encadré, un dispositif de mesures agro-environnementales et climatiques (MAEC) à l’échelle du territoire, grâce auquel 90 % des prairies du Marais font l’objet d’une contractualisation, et un développement de l’économie touristique du territoire.

Le plan d’action gouvernemental pour le Marais poitevin arrive à terme en 2019. Les crédits du PITE prévus pour cette action dans le projet de loi de finances pour 2020 (1,45 million d’euros en crédits de paiement, dont environ 653 000 euros pour la subvention versée à l’EPMP pour charges de service public) seront intégralement consacrés aux restes-à-payer de l’action. L’action de l’État dans le Marais poitevin sera poursuivie ensuite en utilisant les outils de droit commun (crédits du ministère de l’agriculture, budget de l’Office français de la biodiversité, utilisation du Fonds national d’aménagement et de développement du territoire…) et non plus le PITE.

III.   LES QUATRE ACTIONS SE POURSUIVANT EN 2020

A.   L’ACTION « EAU ET AGRICULTURE EN BRETAGNE »

La reconquête de la qualité des eaux constitue un objectif prioritaire de la région Bretagne, pour lequel des actions publiques ont été engagées dans le cadre du programme 162, notamment en réponse à la condamnation de la France en 2001 pour non-respect de la directive « nitrates ». Au vu des résultats atteints par le « plan d’urgence nitrates », qui ont permis la levée du contentieux européen, le Gouvernement a décidé d’adosser le « plan algues vertes » (PLAV), élaboré pour la période 2010-2015, aux actions déjà mises en œuvre dans le cadre du PITE. Ses caractéristiques en font en effet un outil adapté à la démarche d’appels à projets de territoire visant à réduire les rejets d’azote responsables de la prolifération des algues vertes.

L’action 02 « Eau et agriculture en Bretagne » du programme 162 concentre ainsi la partie budgétaire du financement de l’État consacré au PLAV, les autres financeurs étant l’agence de l’eau, l’ADEME et les collectivités locales. Un deuxième plan de lutte contre la prolifération des algues vertes a été élaboré pour la période 2017-2021, le financement de ce deuxième PLAV étant assuré conjointement par l’État, le conseil régional, l’agence de l’eau Loire-Bretagne, les conseils départementaux et les collectivités locales porteuses des huit projets de territoire correspondant aux huit baies concernées (les huit « chartes de territoire » se déclinent localement par des engagements individuels dans les exploitations agricoles). Selon les informations communiquées à votre rapporteur pour avis, l’impact du plan est positif sur le terrain, car il contribue à la modification des comportements des agriculteurs en termes d’utilisation des pesticides.

S’agissant des autres mesures financées par l’action 02, elles sont réparties en deux séries d’actions :

– une série de mesures pour inciter les agriculteurs et les autres acteurs à supprimer les atteintes à l’environnement (environ 825 000 euros de crédits de paiement en 2020), notamment pour apporter un soutien aux programmes de recherche et de transfert de connaissances et à des initiatives concourant à accompagner le changement des pratiques agricoles ;

– pour un montant d’environ 959 000 euros en crédits de paiement en 2020, des mesures permettant d’assurer le suivi des objectifs de « bon état écologique » des masses d’eau, notamment par des contrôles in situ, d’améliorer l’évaluation des résultats, de développer les retours d’expérience, etc.

L’action 02 est maintenue dans le PITE pour l’année 2020, avec un montant d’autorisations d’engagement d’environ 2 millions d’euros et une enveloppe de crédits de paiement de 1,78 million d’euros.

B.   LE PROGRAMME EXCEPTIONNEL D’INVESTISSEMENTS (P.E.I) EN FAVEUR DE LA CORSE

Le programme exceptionnel d’investissement pour la Corse (PEI) vise à aider la Corse à surmonter les handicaps naturels que constituent son relief et son insularité, et à résorber son déficit en équipements et services collectifs. Il est singulier tant par sa durée que par son ampleur, qui a un effet accélérateur sur des investissements indispensables pour le développement de la Corse et, en ce sens, contribue à réduire les inégalités entre l’île et le continent.

Institué par l’article 53 de la loi du 22 janvier 2002 relative à la Corse (codifié à l’article L. 4425-9 du code général des collectivités territoriales), le PEI, initialement prévu pour quinze ans (2002-2016), a vu sa durée d’exécution prolongée de deux années supplémentaires par la loi « NOTRe » du 7 août 2015 ([14]), puis de nouveau prolongée de deux ans par la loi « ELAN » du 23 novembre 2018 ([15]). La date limite d’engagement des crédits du PEI a été ainsi reportée à la fin de l’année 2020, et la date ultime de paiement, à 2024.

La contribution globale de l’État est plafonnée à 70 % du coût total du programme. Elle est complétée par une participation des collectivités (la collectivité territoriale de Corse, les conseils départementaux, les communes et les EPCI) et d’autres maîtres d’ouvrage publics tels que les chambres de commerce et d’industrie. Il convient de noter que le programme 162 du budget de l’État (le PITE) n’assure pas à lui seul le financement national du PEI Corse : l’Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF) apporte des financements pour les investissements routiers, ferroviaires et portuaires du PEI, l’agence de l’eau Rhône-Méditerranée et Corse intervient dans sa mise en œuvre dans les domaines de l’eau potable et de l’assainissement, l’ADEME contribue aux actions relatives à la gestion des déchets, et le Fonds d’amortissement des charges d’électrification (FACE), à la remise à niveau des réseaux d’électrification rurale.

La Cour des comptes, dans son rapport sur l’exécution du PEI en 2017, et de nouveau cette année dans sa note d’analyse sur l’exécution en 2018, a souligné la nécessité d’améliorer le suivi des restes-à-payer de ce programme.

S’agissant des crédits de paiement demandés dans le cadre du projet de loi de finances pour 2020 pour l’action « PEI Corse » du PITE, d’un montant total d’environ 17,87 millions d’euros, le projet annuel de performance de la mission « Cohésion des territoires » indique qu’ils seront ainsi répartis :

– 8,32 millions d’euros seront consacrés à la mise à niveau des réseaux et équipements collectifs, notamment les réseaux d’eau potable et la montée en débit des réseaux internet ;

– 4,93 millions d’euros seront consacrés au renforcement des infrastructures de mise en valeur du territoire, notamment pour contribuer au financement de projets de rénovation urbaine ;

– 4,43 millions d’euros seront affectés à la résorption du déficit en services collectifs, principalement pour les équipements culturels et la santé en milieu rural.

C.   LE « PLAN CHLORDÉCONE » EN GUADELOUPE ET EN MARTINIQUE

La chlordécone est un pesticide hautement toxique qui a été utilisé de manière intensive pendant plus de vingt ans en Guadeloupe et en Martinique (il y a finalement été interdit en 1993) pour lutter contre le charançon du bananier. Ce perturbateur endocrinien demeure présent pendant très longtemps dans les sols. Au début des années 2000, des études ont établi que la chlordécone avait contaminé non seulement les sols, mais aussi les cours d’eau, une partie du littoral marin, et de nombreuses denrées alimentaires végétales et animales. Selon une étude de Santé Publique France, plus de 90 % de la population de la Guadeloupe et de la Martinique sont contaminées par cet insecticide, mais les connaissances scientifiques sur l’impact potentiel sur la santé humaine sont encore parcellaires.

Un premier « plan chlordécone » a été lancé par l’État pour la période 2008-2010, suivi d’un deuxième (2011-2013) et d’un troisième qui est en cours de mise en œuvre (2014-2020). Ce plan, qui correspond dans le PITE à l’action 08, a pour objectif principal de réduire l’exposition des populations de Martinique et de Guadeloupe à la chlordécone. Il finance notamment l’élaboration d’une cartographie des zones polluées, encore incomplète à ce jour, des contrôles effectués sur les denrées alimentaires les plus susceptibles d’être contaminées, ainsi que des campagnes d’information, et les actions engagées pour accompagner les professionnels impactés (agriculteurs, marins pêcheurs, éleveurs…), notamment pour faciliter leur reconversion ou l’adoption de nouvelles techniques de production ou de transformation.

 

Le financement de l’action 08 « Plan Chlordécone »
pour la période 2014-2019
Crédits de paiement

(en euros)

 

Dotations en loi de finances initiale

Exécution (y compris reports de crédits en cours d’année)

2014

2 692 869

2 220 247

2015

2 582 651

4 105 918

2016

2 075 989

2 184 362

2017

2 030 700

3 807 044

2018

1 993 319

2 105 108

2019

1 981 490

2 831 490

Total

13 357 018

17 254 169

Source : Ministère de l’intérieur.

En 2020, l’action 08 du PITE poursuivra la mise en œuvre du troisième plan d’action, qui est complété par un plan de mise en œuvre, en 2019-2020, de mesures identifiées lors du colloque scientifique et d’information sur la chlordécone qui s’est tenu en Martinique et en Guadeloupe en octobre 2018. La feuille de route 2019-2020 prévoit que le budget de l’action 08 du PITE s’élèvera à 2,8 millions d’euros en 2019 (par une augmentation des crédits dédiés en cours d’année, la loi de finances initiale pour 2019 n’ayant affecté que 1,98 million d’euros à cette action) et 3 millions d’euros en 2020.

Une enveloppe de 3 millions d’euros (en autorisations d’engagement et en crédits de paiement) figure bien dans le programme 162 du projet de loi de finances pour 2020. Elle devrait notamment permettre de poursuivre l’analyse et la cartographie des sols pollués, les actions d’information des auto-consommateurs de denrées alimentaires issues des jardins et des élevages familiaux, les actions d’information des consommateurs des produits de la pêche, la surveillance et le contrôle des denrées avant et après leur mise sur le marché, les actions de recherche et l’accompagnement des professionnels dont l’activité est impactée par la pollution à la chlordécone.

Selon les informations communiquées à votre rapporteur pour avis, un quatrième « plan chlordécone » est en cours d’élaboration. Votre rapporteur pour avis exprime le souhait que ce quatrième plan prenne en compte, le cas échéant, les conclusions du rapport de la commission d’enquête créée par l’Assemblée nationale, qui a commencé ses travaux en juin 2019 et dont le rapport est attendu pour le mois de décembre.

D.   LE PLAN « LITTORAL 21 » EN OCCITANIE

Le « Plan Littoral 21 Méditerranée », qui concerne le littoral de la région Occitanie, s’inscrit dans la stratégie nationale pour la mer et le littoral présentée en février 2017, dont l’un des objectifs est la préservation d’un littoral attractif. Le vieillissement des stations touristiques en Occitanie, l’inadaptation des infrastructures aux nouveaux usages, les effets du réchauffement climatique et ceux de l’urbanisation sur les espaces naturels forment un ensemble de facteurs qui portent atteinte à la compétitivité de ce territoire. Le plan, prévu pour une durée totale de dix ans, se base sur un accord-cadre signé le 10 mars 2017 par l’État, la région et la Caisse des dépôts et consignations, pour un montant total de 1,08 milliard d’euros pour la période 2017-2020.

Les financements apportés par l’État sur la période devraient s’élever à environ 200 millions d’euros ; ils se composent des crédits du Programme d’investissements d’avenir (PIA) sur les éoliennes en mer, des crédits consacrés à plusieurs appels à projets lancés par l’État, et de la dotation budgétaire inscrite dans le PITE depuis la loi de finances pour 2018 (qui n’a prévu qu’un montant de 1 million d’euros en autorisations d’engagement et 0,5 million d’euros en crédits de paiement, le plan étant encore « à bâtir » à ce stade).

Pour l’année 2020, le programme 162 comporte environ 4,8 millions d’euros en autorisations d’engagement et environ 4,5 millions d’euros en crédits de paiement, répartis autour de trois axes : l’adaptation du littoral de l’Occitanie aux évolutions liées au réchauffement climatique et à la croissance démographique (avec par exemple des actions pour favoriser les mobilités « douces » et promouvoir une meilleure utilisation de l’eau dans le secteur viticole), le soutien à des actions innovantes et à des projets de recherche, et l’attractivité du territoire (notamment par des opérations de rénovation des stations touristiques et des centres-bourgs dans l’arrière-pays).

IV.   DEUX NOUVELLES ACTIONS LANCÉES EN 2020

Le projet de loi de finances pour 2020 prévoit l’inscription de deux nouvelles actions dans le programme 162.

A.   LE FONDS INTERMINISTÉRIEL POUR LA TRANSFORMATION DE LA GUYANE

L’action 10 « Fonds interministériel pour la transformation de la Guyane » est créée par le projet de loi de finances pour porter, à partir de 2020, la participation budgétaire de l’État aux mesures inscrites dans le contrat de convergence et de transformation (CCT) de la Guyane signé en juillet 2019. Les cinq volets de ce contrat qui engage l’État et la collectivité portent sur la cohésion des territoires, la mobilité, la résilience des territoires, les territoires d’innovation et de rayonnement, la cohésion sociale et l’employabilité. Le CCT se substitue au CPER 2015-2020 et s’inscrit dans le cadre du Plan de convergence et de transformation 2019-2028 prévu par la loi de programmation relative à l’égalité réelle outre-mer du 28 février 2017. Les parties au contrat sont la collectivité territoriale de Guyane, les quatre établissements publics de coopération intercommunale et l’État.

Aux cinq volets du CCT correspondent les cinq axes de l’action du PITE. Les crédits seront utilisés, par exemple, pour l’intégration de Cayenne et de Saint-Laurent-du-Maroni dans les opérations du plan « Action Cœur de ville », pour le développement d’infrastructures numériques, sanitaires, éducationnelles, culturelles et sportives, pour des investissements portuaires, routiers et fluviaux, ou encore pour le développement et la modernisation des unités de traitement des déchets.

Comme il s’agit de l’année de création de l’action, et que sa mise en œuvre passe par des opérations pluriannuelles, le montant des autorisations d’engagement demandé pour 2020 est de près de 17 millions d’euros, tandis que les crédits de paiement pour l’année 2020 représenteront 7,46 millions d’euros pour lancer effectivement les premières opérations.

B.   L’ACTION « RECONQUÊTE DE LA QUALITÉ DES COURS D’EAU EN PAYS DE LA LOIRE »

L’action 11 « Reconquête de la qualité des cours d’eau en Pays de la Loire » est créée pour faciliter la mise en œuvre du contrat d’avenir signé en février 2019 par l’État et la région Pays de la Loire pour traiter les enjeux écologiques, économiques et de santé publique liés à la dégradation importante de la qualité des eaux dans la région. Cette action ne représentera, dans le budget de l’État en 2020, que 700 000 euros en crédits de paiement dans le programme 162, mais ces crédits seront complétés par un transfert de 3,2 millions d’euros en provenance du ministère de l’agriculture et de l’alimentation. Ces crédits seront intégralement consacrés à l’accompagnement de la transition agro-écologique des exploitations agricoles, pour agir sur des facteurs de dégradation de la qualité de l’eau (nitrates, pesticides).

 


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   EXAMEN EN COMMISSION

Après l’audition de Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales au cours de sa réunion du mercredi 16 octobre 2019 après-midi ([16]), la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a examiné, le mercredi 30 octobre 2019 matin, pour avis, sur le rapport de M. Jean-Pierre Vigier, les crédits des programmes « Impulsion et coordination de la politique d’aménagement du territoire » et « Interventions territoriales de l’État » de la mission « Cohésion des territoires ».

Mme la présidente Barbara Pompili. Mes chers collègues, nous achevons aujourd’hui l’examen du projet de loi de finances pour 2020, avec la présentation des avis sur les crédits de l’aménagement du territoire et sur les crédits relatifs aux transports terrestres et fluviaux. Nous débutons avec la mission « Cohésion des territoires ».

M. Jean-Pierre Vigier, rapporteur pour avis sur les crédits des programmes 112 « Impulsion et coordination de la politique d’aménagement du territoire » et 162 « Interventions territoriales de l’État » de la mission « Cohésion des territoires ». Dans le cadre du projet de loi de finances pour 2020, la mission « Cohésion des territoires » revêt une importance particulière par les actions qu’elle recouvre. Le développement et l’aménagement du territoire, le renouvellement urbain, la solidarité entre les territoires, le logement sont en effet des thèmes essentiels pour les collectivités territoriales, et plus largement pour les Français.

Si le budget de la mission est en baisse par rapport à 2019, les programmes 112 « Impulsion et coordination de la politique d’aménagement du territoire » et 162 « Interventions territoriales de l’État », dont il est ici question compte tenu des compétences de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, et qui représentent malheureusement seulement 2 % des crédits de la mission, voient leur budget globalement en hausse par rapport à la loi de finances pour 2019.

Cela me conduit à émettre un avis favorable, tout en exprimant plusieurs réserves.

Les crédits du programme 112 contribuent au financement de nombreux contrats pluriannuels conclus entre l’État et une ou plusieurs collectivités territoriales – notamment les contrats de plan État-région (CPER) et les contrats de ruralité. Pour la mise en œuvre des CPER, la mission « Cohésion des territoires » est mise à contribution, pour 2015-2020, à hauteur d’environ 918 millions d’euros via deux de ses programmes.

J’observe que sur certains territoires, plusieurs contrats se recoupent, tandis que d’autres territoires, malheureusement, se trouvent exclus de toute contractualisation, faute d’information suffisante sur leur éventuelle éligibilité aux différents dispositifs et surtout sur les démarches à effectuer.

Je remarque que, dans le cadre des travaux d’élaboration de la nouvelle génération de CPER, le Gouvernement envisage un élargissement du périmètre de la contractualisation à des thématiques qui ne figurent pas dans les CPER actuels, et souhaite en particulier qu’un volet consacré aux coopérations entre les territoires soit systématiquement inclus dans les futurs contrats. C’est une bonne chose, et c’est un point important en ce qui concerne les territoires ruraux.

Dans ce souci d’élargissement, j’attire votre attention sur le fait qu’il est vital que l’État apporte un vrai soutien financier aux projets structurants de nos régions, et en particulier aux infrastructures routières et ferroviaires qui sont un pilier essentiel du développement des territoires, en particulier ruraux. Le volet « Mobilités-Transport » des CPER est absolument primordial, et je me permets de mentionner tout particulièrement les « petites lignes » ferroviaires. J’espère que celles-ci ont un avenir et qu’elles seront défendues par le Gouvernement, car elles sont menacées. Sur un sujet aussi majeur, ce n’est pas seulement aux collectivités locales de se battre, mais cela relève bien plus de la compétence de l’État, qui ne peut s’en décharger : cela constitue un véritable point de vigilance.

Le 29 septembre dernier, le Premier ministre a présenté le plan d’action du Gouvernement en faveur des territoires ruraux, l’« Agenda rural », sur la base du rapport présenté par la Mission ruralités, dont il reprend 173 des 200 propositions. Le Gouvernement s’engage notamment, parmi celles-ci, à encourager la création de commerces dans les communes de moins de 3 500 habitants, à mener des actions en faveur de la jeunesse, à encourager l’implantation de 1 000 cafés ou encore le déploiement de 33 campus connectés. Sur le principe, ce plan est bienvenu. Mais j’exprime deux regrets : d’une part, le caractère trop tardif de l’intégration de l’Agenda rural dans le projet de loi de finances pour 2020, même si j’ai bien noté que la ministre, lors de son audition par notre commission, a indiqué que toutes les missions budgétaires seront mises à contribution en 2020. D’autre part et surtout, il s’agit d’une réorientation de crédits préexistants vers la ruralité, et pas de moyens financiers supplémentaires nouveaux. Or, les territoires ruraux ne peuvent se satisfaire des crédits existants : par leurs spécificités, et les problématiques très larges auxquelles elles sont confrontées, nos collectivités territoriales méritent un soutien plus massif et plus important de la part de l’État. Il en résulte qu’une simple réorientation des fonds ne saurait, à mon avis, suffire au bon développement des territoires.

Dans un second temps, et dans le cadre de notre discussion, les thèmes de l’accès au numérique et de l’accès aux services publics méritent d’être évoqués.

En plus du développement des infrastructures de transport, le développement de la couverture numérique est le deuxième pilier du développement des territoires. Comme vous le savez, l’égalité numérique des territoires est un impératif. Pour l’accès aux services, le dynamisme économique et l’attractivité, notamment des territoires ruraux, il est vital de disposer d’une couverture numérique de qualité, et ce n’est pas encore le cas. Les territoires ruraux sont en effet des territoires d’avenir, et se réaliseront en tant que tels grâce à leur désenclavement, par les infrastructures routières et ferroviaires et par les infrastructures numériques.

Lancé en 2013, le plan « France Très haut débit » doit permettre de couvrir l’intégralité du territoire français en très haut débit d’ici 2022. Je remarque que cet objectif ne sera atteint que si une vraie vigilance est exercée par les pouvoirs publics. J’ai également observé que, dans le cadre de l’Agenda rural et en complément de l’accord historique conclu en début d’année avec les opérateurs, le Gouvernement s’est engagé à résorber les « zones blanches » de téléphonie mobile en cinq ans et à faire déployer, d’ici fin 2020, la 4G sur tous les pylônes existants. C’est tout à fait indispensable.

Concernant l’accès aux services publics, le programme 112 apporte la contribution financière de l’État aux maisons de services au public (MSAP), dispositif très important mais tout à fait perfectible.

L’activité des MSAP est essentielle pour renseigner en un seul lieu les usagers de plusieurs organismes administratifs, pour les orienter vers la bonne structure et les aider à accomplir certaines démarches, notamment les démarches dématérialisées. Mais la qualité n’est pas partout au rendez-vous : si, en termes quantitatifs, les objectifs de déploiement ont été atteints, force est de constater que certaines MSAP ont été créées sans analyse préalable des besoins réels de la population, tandis que d’autres ne répondent pas, en réalité, aux exigences du cahier des charges. Victime de son succès quantitatif, le dispositif n’est plus en capacité d’assurer le financement de nouvelles maisons.

Les maisons « France Services » pourront représenter, je l’espère, une amélioration qualitative. Je salue les ambitions de la démarche « France Services », mais je déplore que le plan de financement demeure à ce stade non défini et je tiens à exprimer une des préconisations du rapport de la Mission ruralités : il est indispensable de développer l’accueil de premier niveau dans les mairies, en lien avec les MSAP et les maisons France Services. Je souligne également que la performance globale du dispositif, qu’il s’agisse des MSAP ou des futures maisons France Services, dépend directement d’une couverture numérique du territoire digne de ce nom.

Deux points de vigilance méritent d’être signalés.

Le développement de ces maisons ne saurait se faire « sur le dos » des services publics existants. Ces nouveaux dispositifs ne sauraient être un prétexte pour vider ce qui existe déjà, ou pour supprimer – on va le voir en 2020 – des trésoreries. Ces organismes de proximité assurent en effet un vrai rôle pour la population.

S’agissant des personnels, si des efforts de formation peuvent être menés, les agents ne peuvent faire les frais d’une politique qui viserait à supprimer des services publics de proximité. Cela est d’autant plus vrai dans les territoires ruraux, où le service public est aussi un service social pour la population. Dans les « petits » départements, les services publics assurent un lien social avec nos compatriotes.

Permettez-moi enfin d’évoquer la création de l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT), qui est issue de la fusion de trois organismes existants : une grande partie des services du Commissariat général à l’égalité des territoires (CGET), l’établissement public d’aménagement et de restructuration des espaces commerciaux et artisanaux (EPARECA), et deux des trois pôles de l’Agence du numérique.

Visant à répondre au souhait des élus locaux de disposer d’un accès plus simple aux services de l’État et à ses différents opérateurs qui interviennent dans les territoires pour soutenir leurs projets, l’ANCT doit apporter une aide « sur mesure » à travers un appui en ingénierie par la mobilisation et la coordination des ressources de l’État et de ses opérateurs.

Mais plusieurs conditions doivent impérativement être remplies, et compte tenu des auditions que j’ai menées, j’exprime une vive inquiétude sur la réunion de ces conditions avant le 1er janvier 2020. Il ne faut pas mettre en place une « usine à gaz ». Si le projet de loi de finances prévoit effectivement un budget et des effectifs pour l’ANCT, aucun des textes réglementaires d’application de la loi n’a encore été publié. Je me fais également le relais des personnels de l’EPARECA et de l’Agence du numérique, qui manifestent une certaine inquiétude sur les modalités de leur intégration dans la nouvelle structure et sur la possibilité de conserver ensuite leur « identité », leur expertise et leur niveau de performance. Il convient d’y être très vigilant.

Pour conclure, vous l’aurez compris, j’émets un avis favorable sur les crédits des programmes 112 et 162, tout en émettant certaines réserves. Le développement de nos territoires, dont l’État est le principal garant, est un impératif qui mérite une mobilisation budgétaire, humaine, politique, de tous les instants. En lien direct avec les collectivités territoriales, l’État doit mener une action publique de développement territorial, soucieuse de tous, en garantissant les mêmes droits à tous les Français. C’est bien parce que nos territoires sont un véritable atout pour notre pays qu’ils méritent d’être fortement soutenus. Je vous remercie.

Mme Bérangère Abba, rapporteure pour avis sur les crédits des programmes 203 « Infrastructures et services de transports » et 355 « Charge de la dette de SNCF Réseau reprise par l’État » de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » et du compte d’affectation spéciale « Services nationaux de transport conventionnés de voyageurs ». Le programme 203 « Infrastructures et services de transports », qui fait partie de la mission « Écologie, développement et mobilité durables », regroupe les moyens de l’État consacrés à la politique nationale des transports.

Dans le projet de loi de finances pour 2020, sont attendus pour ce programme 3,159 milliards d’euros en autorisations d’engagement (AE) et 3,184 milliards d’euros en crédits de paiement (CP). Si ces crédits sont en légère baisse par rapport à la loi de finances initiale (LFI) pour 2019, cela est en réalité plus que compensé par la hausse des fonds de concours et attributions de produits au programme 203. Ceux-ci sont ainsi en hausse de près de 300 millions d’euros en AE et de près de 500 millions d’euros en CP.

Ces crédits et fonds de concours, provenant principalement de l’Agence française de financement des infrastructures de France (AFITF), traduisent fidèlement la programmation des infrastructures de transport telle qu’elle a été prévue par le projet de loi d’orientation des mobilités (LOM). Les seuls fonds de concours de l’AFITF représentent ainsi 1,6 milliard d’euros pour 2020.

Les recettes affectées à l’AFITF pour 2020 sont également en augmentation, selon une trajectoire conforme à la LOM : elles s’élèvent pour 2020 à 2,982 milliards d’euros. Cela est permis, d’une part, par la réduction, prévue à l’article 19 du PLF 2020, de 2 centimes d’euro du remboursement partiel de taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) dont bénéficient les transporteurs routiers de marchandises et, d’autre part, par l’augmentation, prévue à l’article 20 du PLF, des tarifs de la taxe de solidarité sur les billets d’avion, dite « taxe Chirac ».

En tant que rapporteure de la LOM sur la programmation des infrastructures de transport, je me réjouis de cette augmentation, tout en demeurant vigilante pour les années à venir : ces recettes doivent être pérennisées, notamment l’affectation à l’AFITF des 2 centimes de TICPE.

Je souhaite également saluer l’action des agents du ministère qui mettent en œuvre la politique des transports. Ils représentent plus de 10 000 équivalents temps plein (ETP), répartis entre administration centrale et services déconcentrés, notamment au sein des directions régionales de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DREAL) et des directions interdépartementales des routes. Je remercie également les agents des différents opérateurs du programme 203 – l’AFITF, Voies navigables de France, la société du Grand Paris, la société du Canal Seine-Nord Europe et l’Établissement public de sécurité ferroviaire – qui concourent à la mise en œuvre de la politique des transports.

Mon rapport pour avis porte également sur le nouveau programme 355 « Charge de la dette de SNCF Réseau reprise par l’État », créé à compter de 2020, qui découle de la reprise par l’État de la dette de SNCF Réseau à hauteur de 25 milliards d’euros en 2020, conformément à l’article 76 du PLF 2020. Cette reprise sera assurée par le biais de prêts dits « miroirs », par l’intermédiaire de la Caisse de la dette publique. L’État reprendra une tranche supplémentaire de la dette de SNCF Réseau en 2022, à hauteur de 10 milliards d’euros, conformément aux engagements du Gouvernement.

Les crédits du programme 355, d’un montant de 408,8 millions d’euros pour 2020, correspondent aux charges financières, c’est-à-dire essentiellement des intérêts, résultant de la reprise de la dette de SNCF Réseau. Ces crédits ne sont pas directement pilotables mais sont évaluatifs, car une partie des emprunts est à taux variables ou indexée sur l’inflation.

Par ailleurs, mon avis porte sur le compte d’affectation spéciale (CAS) « Services nationaux de transport conventionnés de voyageurs », dont les recettes s’élèvent en 2020 à 312,7 millions d’euros. Ce CAS assure notamment le paiement de la compensation allouée par l’État à SNCF Mobilités en contrepartie de son exploitation des trains d’équilibre du territoire (TET). Il inclut également les contributions de l’État liées au matériel roulant de ces services. Il est financé, d’une part, par une solidarité entre modes de transport, en faisant contribuer les concessionnaires autoroutiers par le biais de la taxe d’aménagement du territoire (TAT), à hauteur de 70 millions d’euros et, d’autre part, par une solidarité des lignes ferroviaires rentables – essentiellement TGV – vers les TET, par le biais de la contribution de solidarité territoriale et de la taxe sur le résultat des entreprises ferroviaires, pour des montants respectifs de 16 et 226 millions d’euros.

Enfin, je tiens à souligner que le CAS « Aides à l’acquisition de véhicules propres », alimenté par le « malus automobile », est supprimé par l’article 33 du PLF 2020. Comme l’avait indiqué mon collègue M. Christophe Arend, ces crédits ont été rebudgétisés au sein du programme 174 « Énergie, climat et après-mines », ce qui permettra un meilleur pilotage de cette dépense et évitera les délais importants de versement, comme cela a malheureusement été le cas en 2018. Les recettes du malus seront versées au budget général de l’État, mais le Gouvernement s’est engagé à ce que le montant du bonus et de la prime à la conversion corresponde aux recettes du malus, malgré la suppression du CAS.

Dans le cadre de mon avis budgétaire, j’ai choisi de réaliser un cycle d’auditions autour de deux thématiques, que j’ai présentées dans mon rapport. Je vais rapidement vous en présenter les grandes lignes, avant de répondre à vos questions.

J’ai tout d’abord détaillé les crédits consacrés au secteur ferroviaire et notamment à la régénération de notre réseau ferré. Le constat, comme l’indiquait précédemment le rapporteur pour avis M. Jean-Pierre Vigier, est en effet extrêmement préoccupant : notre réseau ferré est vieillissant, en particulier pour les lignes de desserte fine du territoire, dont l’âge moyen est d’environ 39 ans. Ces lignes font face à une augmentation du kilométrage de ralentissement, même si les investissements conduits ces trois dernières années ont permis de ralentir, voire de mettre fin, à cette augmentation.

Cette régénération est essentielle pour nos infrastructures de transport du quotidien. Cela s’inscrit dans le prolongement de l’ouverture à la concurrence et de la réorganisation du groupe SNCF, prévues par le nouveau pacte ferroviaire. Cela passe par le rachat de la dette de SNCF Réseau, mais aussi par l’évolution du contrat pluriannuel de performances entre l’État et SNCF Réseau. Cette évolution permettra d’augmenter les investissements de régénération de ce dernier de 200 millions d’euros. Ce projet de budget consacre donc bien la priorité accordée à la modernisation du réseau existant. Je me réjouis par ailleurs de la concertation engagée par le Gouvernement avec les régions sur les lignes de desserte fine du territoire, dans l’attente des conclusions de M. le préfet François Philizot, auditionné dans le cadre de cet avis budgétaire, afin de trouver des solutions quant à la pérennisation de ce réseau capillaire.

Je me félicite de l’inscription dans le PLF 2020 de fonds de concours de l’AFITF à l’action 51 « Sécurité ferroviaire » du programme 203 à hauteur de 40 millions d’euros. Ces crédits seront consacrés à la mise en sécurité des passages à niveau et des tunnels ferroviaires. Cela permettra notamment d’assurer la mise en œuvre des recommandations du rapport parlementaire remis au Premier ministre par Mme Laurence Gayte en avril 2019.

J’ai ensuite présenté les crédits permettant le développement de mobilités plus propres et partagées. Je me suis ici concentrée sur la traduction, dans le PLF 2020, des crédits du quatrième programme d’investissement prioritaire de la LOM. Le PLF 2020 abonde, par le biais d’appels à projet, le financement des mobilités du quotidien.

Le plan Vélo a d’ores et déjà démarré, puisqu’un appel à projets, financé par une enveloppe de l’AFITF de 43,7 millions d’euros, a conduit à retenir 152 projets de création d’axes et de continuités cyclables. Un nouvel appel à projets est prévu dès 2020 pour atteindre l’objectif de triplement de nos déplacements à vélo d’ici 2024. Je vous invite, mes chers collègues, à accompagner sur vos territoires les projets qui vont dans ce sens.

Le troisième appel à projets sur le financement des transports en commun en site propre s’achève également, avec une enveloppe de 150 millions d’euros qui demeure à engager. Le Gouvernement a prévu de consacrer 450 millions d’euros à un quatrième appel à projets, qui sera lancé dans le courant de l’année 2020.

Enfin, le financement des nouvelles mobilités fait l’objet de l’appel à projets « France Mobilités – Territoires d’expérimentation de nouvelles mobilités durables », dont l’instruction est actuellement en cours. Il sera financé par l’État à hauteur de 10 millions d’euros par an.

Je me réjouis donc de ce projet de budget pour 2020, qui traduit fidèlement les engagements inscrits dans le rapport annexé à la LOM, et émets en conséquence un avis très favorable à l’adoption de ces crédits.

Mme Zivka Park. Je salue la qualité des interventions de nos deux rapporteurs pour avis. Mon intervention portera sur l’avis de Mme Bérangère Abba. La politique nationale des transports, ses priorités et sa mise en œuvre se déclinent à travers les crédits que nous examinons ce matin. Ils permettent de répondre tant aux besoins de mobilité de l’ensemble de nos concitoyens sur tous les territoires qu’aux besoins de développement de notre économie. Ils participent largement à la transition écologique, énergétique et solidaire de la France ainsi qu’à sa cohésion sociale.

Les crédits alloués à ce programme, et donc à notre action en la matière, sont stables par rapport à la loi de finances pour 2019. Nous nous félicitons de la conformité de ces crédits aux objectifs ambitieux que nous nous sommes fixés dans la LOM.

L’état des réseaux de transport existants est un révélateur de leur efficacité et de leur performance. Pourriez-vous nous éclairer sur les diagnostics réalisés quant aux actions nécessaires d’entretien, de maintenance et de modernisation de leur exploitation ? Quels sont les objectifs poursuivis et les moyens que l’État se donne afin de maintenir et d’améliorer nos réseaux de transport ?

Les crédits alloués au secteur ferroviaire représentent plus des trois quarts des crédits du programme 203. L’actualité nous le rappelle toutes les semaines : le ferroviaire reste au cœur des préoccupations de nos concitoyens.

S’agissant des modalités d’ouverture à la concurrence du transport ferroviaire de voyageurs, toutes les ordonnances prévues par la loi pour un nouveau pacte ferroviaire ont été publiées. L’année 2020 sera donc une année de mise en place effective du nouveau groupe public. Comment les ambitions du nouveau pacte ferroviaire et de la LOM se traduisent-elles budgétairement ? Dans quelle mesure ce projet de loi de finances permet-il de répondre à ce défi ?

Il semblerait que les coûts de régénération du réseau des petites lignes ferroviaires, pour continuer d’assurer un service performant, s’élèvent à environ 7,4 milliards d’euros. Compte tenu de ce besoin, comment se traduit la volonté du Gouvernement pour donner la priorité à la remise à niveau du réseau existant ?

Mme Danielle Brulebois. Je souhaite également remercier les rapporteurs pour avis pour la qualité de leurs travaux. Les crédits des deux programmes de la mission « Cohésion des territoires » que nous examinons ce matin permettent de financer ou de cofinancer une grande variété d’actions de l’État et des collectivités locales. Le programme 112 et le programme 162 bénéficient d’un budget globalement en hausse pour 2020 par rapport à 2019. Vous émettez donc un avis favorable sur les crédits de ces programmes mais en formulant deux réserves. La première porte sur l’Agenda rural, dont vous dites par ailleurs que c’est un plan d’action très prometteur en faveur des territoires ruraux. La seconde concerne la future Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT), de crainte qu’elle ne soit une usine à gaz.

J’ai toutefois relevé dans votre rapport des considérations propres à nous rassurer. Vous notez la multiplicité des dispositifs contractuels existants qui est parfois source de complexité et d’illisibilité, mais ne faut-il pas considérer qu’ils proposent tout un éventail de nouveaux moyens d’investissement et d’aménagement mis à la disposition des territoires ? L’ANCT apportera justement aux élus locaux une meilleure information, une aide sur mesure et un appui en ingénierie. Elle disposera en 2020 d’un budget de 49,67 millions d’euros, ainsi que d’un effectif de 331 ETP.

L’Agenda rural regroupera des actions déjà déployées ou qui le seront, dans le but d’améliorer la vie des habitants des territoires ruraux dans tous les domaines. On dénombre déjà 485 contrats de ruralité signés, dont un tiers l’a été en 2018. Les crédits de l’État en la matière se sont élevés à 455 millions d’euros.

Le programme Action Cœur de ville va permettre à 222 villes moyennes de retrouver attractivité et dynamisme en leur centre. Elles bénéficieront d’un plan d’action de plus de 5 milliards d’euros sur cinq ans.

La couverture numérique du territoire en très haut débit est également un enjeu essentiel, vous l’avez dit. Bon nombre de Français en sont toujours privés aujourd’hui. L’achèvement du plan « France Très haut débit » pour 2025 fait l’objet d’un volontarisme sans précédent de l’État en matière d’investissements.

M. Thibault Bazin. Les différents programmes de la mission « Cohésion des territoires » présentent des écueils qui ont été soulignés par le rapporteur pour avis. Il y a par exemple des établissements publics de coopération intercommunale qui ne bénéficient pas d’opérations programmées d’amélioration de l’habitat. Par ailleurs, je relève une incohérence entre les annonces et les actes : il n’y a par exemple pas de crédits supplémentaires pour les territoires en souffrance. Les contrats de ruralité, élaborés sous le précédent quinquennat, n’étaient qu’un fléchage de crédits existants. Le budget ne traduit pas une volonté d’aménagement équitable du territoire.

L’alerte du rapporteur pour avis est fondée quand il craint que l’ANCT soit une usine à gaz et que ce dispositif soit illisible pour les territoires éloignés.

Il en va de même pour la transition énergétique, alors même que nous avons un objectif de neutralité carbone en 2050. Je vous poserai quelques questions sur le dispositif de rénovation énergétique des logements, qui se veut plus simple, plus juste et plus efficace. Comment le public va-t-il en être informé et accompagné, notamment dans les territoires peu denses ? Comment nos concitoyens vont-ils être protégés contre les arnaques qui se développent ? L’artisanat va-t-il pouvoir recruter partout en France pour relever ce défi ? Ne va-t-on pas connaître un surcroît d’activité, notamment si les modalités de l’ingénierie se font attendre ? Avec la réforme de l’aide personnalisée au logement et les risques induits pour la trésorerie des bailleurs sociaux, ces derniers ne vont-ils pas temporiser les travaux de rénovation énergétique ?

Enfin, il y a un risque d’accroissement des inégalités territoriales et sociales. Ces dispositifs seront-ils accessibles dans les territoires déconnectés, oubliés et sous-financés, en particulier dans les maisons de services au public (MSAP) ? L’État accompagnera-t-il ces territoires ? À défaut, ce sera à nouveau plus de normes et moins de moyens.

Mme Valérie Beauvais. Concernant le programme 203 de la mission « Écologie, développement et mobilité durables », je souhaite, au nom du groupe Les Républicains, remercier la rapporteure pour avis pour la qualité de ses travaux. Je souhaiterais néanmoins formuler plusieurs interrogations.

Si nous souscrivons à l’objectif de réduction des émissions de CO2 de 40 % d’ici 2030, nous devons le concilier avec la préservation de notre compétitivité économique, de notre sécurité énergétique et du pouvoir d’achat, ainsi qu’avec l’équilibre de nos territoires. La baisse de 0,31 % des crédits de paiement pour 2020 n’est pas de bon augure en la matière.

Je ne pense pas que les crédits de la mission que nous examinons aujourd’hui soient de nature à réaliser ces ambitions. Avec le nouveau barème du malus automobile, certains véhicules verront ce dernier être multiplié par sept, pouvant atteindre 12 500 euros. Cela pourrait s’entendre pour les plus grosses cylindrées mais, avec ces nouveaux barèmes, des véhicules abordables se verront également appliquer un malus de plus de 1 500 euros. Par ailleurs, des véhicules diesel pourraient recevoir un malus moindre que les véhicules essence de la même catégorie. On risque donc un report des achats au profit des véhicules d’occasion, qui ne supportent pas de malus. Par ailleurs, il n’y a aucune mesure pour soutenir l’acquisition, par les artisans, de véhicules utilitaires légers.

Il y a un paradoxe dans les crédits consacrés au transport ferroviaire : alors que l’on vante ce mode de transport, les crédits de l’action 41 sont en diminution de 0,89 %, tandis que la SNCF modifie des horaires de dessertes ou supprime ces dernières sans concertation. Enfin, à l’heure où le rapport de M. le préfet François Philizot est à peine connu et où le sort des petites lignes est incertain, je souhaiterais connaître les moyens que le Gouvernement va consacrer à l’amélioration de la compétitivité du fret ferroviaire en France.

En conclusion, pensez-vous que les mesures contenues dans ce budget vont améliorer le sort des Français ? Ne vont-elles pas à nouveau accroître la fracture territoriale ?

Mme Florence Lasserre-David. Je remercie les rapporteurs pour avis pour leur travail et souhaite m’adresser à M. Jean-Pierre Vigier au sujet de l’aménagement du territoire, ayant été chargée de ce rapport pour avis l’an dernier. La question des MSAP avait été centrale dans mes auditions.

Ces maisons sont essentielles pour recréer du lien dans les zones rurales, améliorer le service rendu aux populations, lutter contre les fractures territoriales et répondre au sentiment d’isolement voire d’abandon qui peut y être ressenti. Elles connaissent toutefois, pour certaines d’entre elles, des difficultés en raison du manque de formation de leurs personnels ou du manque de communication sur leurs missions, aboutissant parfois à un déficit d’information des citoyens sur leur activité, voire sur leur existence. C’est pourquoi le Gouvernement a annoncé la création de 300 maisons « France Services » d’ici au 1er janvier 2020.

Il est impératif que les collectivités n’aient pas à en supporter le financement. C’est pourquoi je souhaite interroger le rapporteur pour avis sur les modalités de financement de ces maisons. Prennent-elles en compte le fait que ce financement ne doit pas relever uniquement des collectivités locales, dont les ressources sont contraintes ? Quelles sont les orientations budgétaires prévues pour stabiliser ces structures dans le temps ? Comment seront formés les agents qui en assureront la permanence ?

Je souhaite également vous interroger sur le programme Action Cœur de ville, initialement doté de 5 milliards d’euros pour soutenir les villes moyennes dans les domaines du logement, de l’offre commerciale et artisanale, des mobilités et des services. Un an après, quel bilan en tirez-vous ? Quels sont les choix budgétaires faits pour l’année à venir ?

Enfin, que pensez-vous de l’expérimentation en faveur de la revitalisation des centres-bourgs, initiée en 2014 et qui s’est poursuivie depuis dans de nombreux territoires ?

Mme Aude Luquet. Lors des débats sur la LOM, nous sommes arrivés au constat partagé que nos infrastructures étaient dans un état parfois inacceptable. Ceci est corroboré par le dernier rapport du Forum économique mondial, qui place la France en 18e position, en recul de onze places par rapport à l’année précédente. Nous devons donc renforcer nos investissements dans les réseaux existants et dans la réduction de la fracture territoriale, qui s’est aggravée.

Sans financement, nous aurons beau avoir de bonnes intentions, il ne se passera rien. L’AFITF joue en la matière un rôle déterminant. Nous ne pouvons que nous réjouir de l’abondement de son budget par une éco-contribution complémentaire sur les billets d’avion, faisant participer pour la première fois le transport aérien à la politique multimodale de la mobilité. La réduction de 2 centimes d’euro du remboursement partiel de TICPE sur le gazole fait également participer le transport routier de marchandises à l’effort de régénération du réseau routier national.

Au-delà des infrastructures, la LOM privilégie les alternatives à la voiture individuelle et les mobilités fondées sur les nouvelles technologies, avec le financement des pistes cyclables, des modes moins polluants et du forfait mobilités durables. Autant d’actions qui demandent des financements garantis et pérennes.

Pensez-vous, madame la rapporteure pour avis, que les crédits qui figurent dans le programme 203 permettent de répondre aux objectifs fixés par la LOM en termes d’infrastructures de qualité ? L’examen de la LOM a-t-il permis des avancées importantes en matière de financement des mobilités ?

M. Guillaume Garot. Mon propos portera sur le rapport de M. Jean-Pierre Vigier, que je remercie pour la précision de son discours. Je ne partage pas l’idée que les territoires ruraux seraient forcément en souffrance dans notre pays. Nous ne devons pas avoir un discours larmoyant et pessimiste sur l’avenir du monde rural. Il y a en effet des territoires qui souffrent, mais d’autres sont en plein développement. Nous devons nous demander comment soutenir les territoires, ruraux comme urbains, qui sont en difficulté. C’est une approche un peu différente.

Le budget qui nous est présenté comporte en effet des difficultés. D’abord, regardons ce qui va dans le bon sens. C’est notamment le cas des crédits permettant l’accès de tous les territoires au numérique – le très haut débit et la 4G – qui est un facteur essentiel de développement économique, culturel et social. Au-delà, se pose la question de l’accès des différentes générations au numérique. Je rejoins à ce titre le propos qui a été tenu. Les MSAP sont des plateformes d’information, mais ne sont pas suffisantes en soi. Comment accompagner les personnes qui n’ont pas d’ordinateur ou de tablette à domicile ? Le rôle des mairies est essentiel en la matière : donnons des moyens humains à l’accompagnement numérique.

M. Christophe Bouillon. Je vais poursuivre le propos de mon collègue dans le domaine des transports. Nous cherchons désespérément le rapport de M. le préfet François Philizot. Cela fait des mois que nous le réclamons, depuis le débat sur le nouveau pacte ferroviaire, puis au cours de la discussion de la LOM. En effet, en traitant la question des petites lignes, nous traitons celle de l’aménagement du territoire et des inégalités. Mais nous traitons aussi celle du changement climatique car les petites lignes peuvent constituer des alternatives à la voiture. Ce rapport se fait donc attendre. Une réunion de notre commission était prévue pour en examiner les conclusions mais elle a dû être reportée, ce qui est dommage car nous en avons besoin pour savoir où investir et pour accompagner la renaissance de certaines petites lignes. Qu’est-ce qui explique ce retard ? Pourquoi ne peut-on pas avoir une carte détaillée des investissements à effectuer pour moderniser le matériel roulant, les voies et la signalisation ?

Je souhaiterais par ailleurs interroger la rapporteure pour avis sur les sommes prévues dans les contrats de plan État-région (CPER) pour contribuer à cette régénération du réseau et pour aider les collectivités qui prendront la compétence en matière de mobilités.

M. Stéphane Demilly. L’ANCT, créée cette année, devient un nouvel opérateur du programme 112 de la mission « Cohésion des territoires ». Elle est une réponse à la demande des élus locaux de bénéficier d’un accès facilité aux services de l’État et aux différents opérateurs afin de les accompagner et de les soutenir dans leurs projets.

Toutefois, si notre groupe avait demandé la création d’une telle agence, et cela à de nombreuses reprises, nous avions également alerté le Gouvernement, notamment par la voix de mon collègue M. Guy Bricout, sur le manque de moyens de la future agence. Aucun financement supplémentaire n’est en effet prévu pour son fonctionnement.

Dans votre rapport, monsieur le rapporteur pour avis Jean-Pierre Vigier, vous évoquez, je cite : « l’obtention de 10 millions d’euros supplémentaires pour répondre aux besoins d’ingénierie de la future ANCT ». Ces 10 millions viennent-ils réellement s’ajouter aux transferts des budgets des agences qui seront regroupées dans l’ANCT ? C’est ma première question.

Vous nous alertez également sur l’absence de publication des textes réglementaires d’application de la loi, sans néanmoins évoquer les moyens qui seront alloués à l’ANCT pour répondre à la demande des collectivités territoriales. Les considérez-vous comme suffisants ? C’est ma deuxième question. Je rappelle que la Mission ruralités préconisait la création d’un « fonds d’amorçage » de 150 à 200 millions d’euros pour soutenir les premiers projets qui seront portés par l’ANCT.

Quelques mots également sur la SNCF ainsi que sur l’avis présenté par Mme Bérangère Abba. Ce projet de loi de finances prévoit la reprise de la première partie de la dette de la SNCF par l’État : 25 milliards d’euros en 2020 et 10 milliards d’euros en 2022. Lors de l’examen du projet de loi pour un nouveau pacte ferroviaire, le groupe UDI, Agir et Indépendants avait appelé cette reprise de ses vœux. C’est donc une bonne chose. Toutefois, pouvez-vous nous dire ce qui est prévu pour qu’une telle situation ne se reproduise plus à l’avenir ? Il est en effet impératif que la dette ne se reconstitue pas, sinon cela ressemble au rocher de Sisyphe ou, plus exactement, au trou du sapeur Camember.

Quand je parle de la SNCF, je pense aussi immanquablement aux dessertes fines du territoire, ces « petites lignes » si importantes pour nos territoires ruraux. Nous ignorons à ce jour les conclusions du rapport de M. le préfet François Philizot sur le devenir de ces lignes mais votre rapport, et le rapport de la Cour des comptes sur les trains express régionaux (TER) publié la semaine dernière, n’augurent rien de bon sur l’état du réseau. Avez-vous des informations rassurantes à nous communiquer sur ce point ? C’était ma troisième et dernière question.

M. Mathieu Orphelin. Les crédits de la mission « Cohésion des territoires » doivent répondre aux grands enjeux de la réduction de la fracture territoriale et de l’aménagement du territoire. Ils sont essentiels pour répondre, dans les territoires, à la fermeture des services publics, aux zones blanches numériques, aux difficultés d’accès aux soins, à l’éducation et à la culture, ou encore à la dévitalisation des centres-villes et des centres-bourgs.

Comme plusieurs collègues l’ont rappelé avant moi, la mise en œuvre de l’ANCT pose un certain nombre de questions sur ses modalités de fonctionnement ainsi que sur son niveau de centralisation. Nous devrons veiller à ce que ce projet ne soit pas une nouvelle usine à gaz et qu’il soit mis en œuvre au plus près des territoires.

Au-delà, il y a évidemment la question des moyens de l’agence. On constate une reconduction à l’identique des budgets des agences préexistantes qui seront fusionnées dans l’ANCT. Or, il aurait sans doute fallu, plutôt que ce budget global d’un peu moins de 50 millions d’euros, se rapprocher de 150 à 200 millions d’euros, comme cela avait été préconisé par la Mission ruralités, notamment pour la mise en œuvre d’un fonds d’amorçage pour les premiers projets accompagnés par l’ANCT. Il y a donc une question de mise en œuvre et une question de moyens de l’ANCT que nous devrons suivre avec vigilance.

Je souligne deux autres points d’alerte sur cette mission. Le premier concerne les 200 propositions pour un Agenda rural, qui peinent à trouver leur incarnation dans le présent projet de loi de finances, notamment pour des raisons de calendrier. Le second concerne les contrats de ruralité, qui sont des outils essentiels de la politique en faveur des territoires. Quelles sont les pistes d’amélioration pour la nouvelle génération de contrats qui devraient être signés au second semestre 2020 ? Les crédits affectés à la promotion de cette politique seront-ils pérennisés ?

Sur la mission « Écologie, développement et mobilité durables », le PLF offre une suite intéressante à la programmation des financements dans les infrastructures de transport, en particulier grâce aux deux nouveaux outils que sont, d’une part, la réduction de 2 centimes d’euro par litre du remboursement de la TICPE sur le gazole routier et, d’autre part, une nouvelle éco-contribution sur le transport aérien. Ce sont deux dispositifs intéressants qui vont permettre de financer une partie du programme d’investissement de l’AFITF. La question est de savoir comment pérenniser ces financements sur les prochaines années.

En ce qui concerne les arbitrages relatifs à la programmation budgétaire, et notamment à celle de l’AFITF d’ici la fin du quinquennat, la véritable question est de savoir si ces mesures nous placent sur la bonne trajectoire en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Ayant participé au Conseil d’orientation des infrastructures, je dois dire que je n’en suis pas pleinement persuadé. Je crois qu’une autre politique est possible, mais elle nécessiterait des investissements publics massifs, notamment pour développer des alternatives à la voiture. J’y reviendrai sur la question du plan Vélo, mais cela concerne aussi le développement des transports en commun, sujets sur lesquels nous pourrions réfléchir à une autre trajectoire d’investissement, plus ambitieuse, pour être sur la bonne trajectoire de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Nous en sommes encore loin, en particulier dans le domaine des transports.

M. Loïc prud’homme. Permis de conduire, immatriculation des véhicules, Pôle emploi, caisse d’allocations familiales, assurance maladie, caisses de retraite, EDF, etc. La dématérialisation de toutes les démarches administratives et de la vie courante annonce le passage à une société sans contact.

Loin de faciliter l’accès des citoyens aux réseaux, développer ce type de société achève de couper tout contact social et empêche l’accès aux services vitaux pour certains de nos concitoyens. Treize millions de personnes sont touchées par « l’illectronisme », c’est-à-dire qu’elles ne sont pas à l’aise avec internet, soit 23 % de la population âgée de plus de 18 ans.

La dématérialisation ne facilite pas mais complique, au contraire, le quotidien de nombreuses personnes, dont les plus âgées. Identifiants, mots de passe, courriel, « captcha », un renouvellement mal effectué, un mail pas reçu, la moindre petite erreur peut enliser des personnes dans des situations difficiles pendant des mois. Il est simplement inadmissible que des personnes n’aient pas accès à leurs droits à cause de la dématérialisation. Cela est d’autant plus vrai que 15 % du territoire aujourd’hui ne bénéficient pas de la 4G et 30 % des habitants des communes de moins de 1 000 habitants ne disposent pas d’un débit de 3Mbits/s.

La même question se pose quant à la couverture réseau du territoire. Les zones blanches sont aujourd’hui en cours de résorption par la puissance publique : 3,3 milliards d’euros ont été promis sur les dix prochaines années pour y remédier, dont 420 millions en crédits de paiement en 2020. L’État vient donc faire le « boulot » que la main invisible du marché, si sacrée pour la majorité macroniste, n’a pas fait. Forcément, aller équiper des territoires peu denses signifie peu d’abonnements et donc peu d’argent à gagner pour les entreprises.

Et pendant ce temps-là, l’État facilite l’arrivée de la 5G. Qui a demandé cette 5G et pour quoi faire ? Pour que notre frigo nous envoie des SMS quand il n’y a plus de lait ou pour que les panneaux publicitaires ciblent leur affichage quand nous passons devant ? Est-ce bien là la société que nous souhaitons ? Je ne le crois pas.

La 5G pose également des problèmes d’un point de vue sanitaire. Les ondes sont classées cancérogènes possibles par l’OMS, et l’ANSES a alerté sur leurs effets possibles sur les fonctions cognitives de nos plus jeunes concitoyens. Aucune étude n’a prouvé aujourd’hui l’innocuité de ces ondes. Le déploiement de la 5G est donc une expérimentation grandeur nature dont nous sommes toutes et tous les cobayes. J’en veux pour preuve le déploiement dans ma circonscription autour de Bordeaux Métropole et des villes environnantes, et les inquiétudes montantes des habitants qui voient fleurir des antennes sur les abribus ou leurs immeubles.

Du point de vue de l’environnement, ce n’est pas mieux : tous nos appareils vont devenir obsolètes d’ici 2025 si cette 5G devient le nouveau standard. Il faudra donc tout jeter et tout remplacer. Ce que l’État doit assurer pour la cohésion des territoires, puisque c’est de cela dont nous parlons aujourd’hui, c’est un accès normal aux services publics et non pas servir de marchepied aux géants du numérique qui ne cherchent que le profit au détriment de l’intérêt général. L’État avait prévu 100 millions d’euros sur plusieurs années pour former les citoyens au numérique, au rythme d’un million et demi de personnes par an. Face aux 13 millions de personnes complètement perdues face à internet, l’effort me semble bien insuffisant.

Le passage au tout numérique représenterait pour les caisses de l’État une économie globale de 450 millions d’euros par an, mais un investissement de 9 milliards d’euros serait nécessaire pour passer au tout numérique. On accélère finalement vers l’inconnu alors qu’on a déjà laissé presque un quart des gens sur le bord du chemin !

Voilà le résultat de cette politique de cohésion du territoire en matière de numérique : la « start-up nation » finalement équipée d’un logiciel « exclusion ». Moins de wifi et plus de gens en face-à-face : voilà ce que réclament aujourd’hui les gens sur les territoires pour que leur vie quotidienne soit réellement améliorée.

M. Hubert Wulfranc. Je partage le point de vue de notre collègue M. Guillaume Garot qui indiquait comment des territoires urbains et des territoires ruraux se rejoignent dans la précarité d’accès à un certain nombre de services et d’équipements. La tendance est effectivement aujourd’hui à l’accroissement généralisé de cette précarité d’accès aux équipements et aux services publics.

Le rapporteur pour avis, M. Jean-Pierre Vigier, a bien évidemment intérêt à mettre l’accent sur les maisons de services au public (MSAP) et leur extension aux maisons France service (MFS). On a là un « pot-pourri » de prestations de médiocre qualité et de services publics minimaux à l’échelle locale, fonctionnant par intermittence, et qui va se réaliser sur le dos des collectivités locales, en particulier des communes et de leurs personnels. Nous portons un regard très sévère sur cette évolution des services publics territoriaux.

Sur l’ANCT, je le rejoins et je rappelle que nous avions nous-même dénoncé ce projet comme étant une probable usine à gaz, davantage source de confusions que d’autre chose. J’ajoute qu’il existe un risque de discrimination territoriale supplémentaire avec la mise en œuvre de cette agence, en fonction des choix d’opportunité qui seront effectués au moment de la sélection des projets.

Concernant les infrastructures de transport, j’y consacrerai l’essentiel de mon intervention dans l’hémicycle. Néanmoins, sur la question du réseau routier, il existe une forte tendance à l’érosion des moyens humains et matériels consacrés à l’entretien de notre réseau. Quant à la SNCF, cette reprise de la dette par l’État, pour laquelle nous avions plaidé, se fera au prix d’un effort de productivité sans précédent sur le dos des personnels ferroviaires. Vous l’aurez deviné, mes propos ne vont pas dans le sens d’un avis favorable aux crédits de cette mission.

M. Jean-Pierre Vigier, rapporteur pour avis. Merci pour toutes ces questions. Premièrement, quand on parle de fragilité et de ruralité, il faut rappeler le contexte et ne pas opposer la ruralité et les villes, car les besoins et les problèmes ne sont pas les mêmes. Il faut prendre en compte la spécificité de ces territoires. En ville, les problèmes portent essentiellement sur le bruit, le stress, la pollution et la sécurité alors qu’en milieu rural, toute notre action doit tendre vers le maintien de la vie sur ces territoires, notamment en assurant leur développement économique.

Sur les MSAP, j’ai clairement dit qu’on ne doit pas reproduire la même formule sur tous les territoires. On doit l’adapter aux bassins de vie sur chaque territoire rural. Si le chef-lieu de canton est de 10 000 habitants, ce n’est pas la même chose que si le chef-lieu en compte 1 000. J’ai un exemple de MSAP qui s’étend sur quatre ou cinq communes, avec un service ouvert sur une thématique spécifique dans chacune des communes.

Je refuse en revanche que les collectivités territoriales prennent en charge le fonctionnement de ces MSAP car c’est le rôle de l’État d’aider à l’aménagement du territoire. Cela n’empêche évidemment pas de travailler en complémentarité, le cas échéant, avec les services d’une mairie.

Je refuse également que l’on pense qu’une MSAP peut offrir de nouveaux services en contrepartie de la suppression de services existants dans les collectivités, notamment en matière de trésorerie. On voit dans certaines MSAP que l’on pousse à développer une activité de conseil en finances publiques pour les collectivités pour deux heures par semaine, mais cela a pour contrepartie la fermeture du service de trésorerie de la collectivité. Or, les MSAP ne doivent pas se substituer aux services existants, mais en être complémentaires.

La première condition pour que les MSAP fonctionnent bien, notamment au service de personnes ne disposant pas d’accès à internet, est une couverture numérique intégrale des territoires ruraux avec le très haut débit et la téléphonie mobile. Sur la couverture numérique, je considère que le Gouvernement a bien agi, notamment avec l’accord historique signé en début d’année. J’espère qu’au bout des deux ans prévus par l’accord, on aura une couverture quasi-intégrale pour la téléphonie mobile et le très haut débit, avec le concours des régions et des départements. Avec les transports, c’est l’un des piliers pour développer les territoires ruraux. Si l’on veut un avenir pour ces territoires, cela passera par une couverture numérique intégrale.

Dans l’Agenda rural, il y a des mesures pertinentes, qui ciblent bien les besoins sur les territoires mais, malheureusement, seule une réorientation des crédits vers ce dispositif est prévue et il n’y a donc pas de crédits nouveaux.

J’en viens au point principal sur lequel nombre de collègues se sont exprimés et qui concerne l’ANCT. Je serai très vigilant sur ce sujet. Il ne faut pas que cela soit une agence centralisée sur Paris. Il faut qu’il y ait, comme prévu par la loi, une représentation de l’agence dans chaque département, sous le pilotage du préfet, et que son fonctionnement soit souple. Sur les moyens de l’agence, il y a 50 millions d’euros. Les 10 millions d’euros supplémentaires évoqués, monsieur Stéphane Demilly, sont compris dans ces 50 millions d’euros mais leur origine n’est pas précisée dans les documents budgétaires. Trois agences vont fusionner et il est nécessaire que chaque personnel trouve sa place et travaille en fonction de ses compétences. Le CGET va contribuer avec plus de deux cents salariés. L’Agence du numérique et l’EPARECA vont apporter environ 50 ETP.

Il faut aussi que l’ANCT joue un rôle en matière de conseil en ingénierie, surtout auprès des petites communes en milieu rural. Il faut que l’ANCT accompagne ces communes pour monter les dossiers d’investissements mais aussi pour aller chercher les financements, pour bénéficier d’un maximum de subventions.

Enfin, nous constatons une multiplication des dispositifs contractuels. Cela pèse lourd pour certaines collectivités, qui ne s’y retrouvent plus, tandis que d’autres collectivités, notamment en zone rurale, ne savent pas comment y accéder. Il faut une mise en cohérence et un toilettage pour que chacun puisse s’y retrouver.

Avec toutes ces réserves, j’émets néanmoins un avis favorable car les crédits du PLF 2020 sur les programmes 112 et 162 sont en augmentation par rapport à 2019, mais je tiens à ce que l’État soit bien présent dans son rôle d’aménagement du territoire.

Mme Bérangère Abba, rapporteure pour avis. En réponse à Mme Zivka Park, nous ne pouvons que nous féliciter que le PLF 2020 concrétise les engagements pris dans le cadre de la LOM, s’agissant notamment de la programmation des infrastructures de transport, au plus près des mobilités du quotidien. L’effort budgétaire, en augmentation de près de 40 % par rapport au précédent quinquennat, est considérable. L’examen de la LOM a permis d’affiner les objectifs et les priorités, à la suite des travaux du Conseil d’orientation des infrastructures (COI), qui y a travaillé durant plusieurs mois. Ce budget reflète sincèrement l’ambition forte de la LOM.

S’agissant du ferroviaire, le diagnostic figurera dans le rapport à venir de M. le préfet François Philizot. Les besoins d’investissement sont tout à fait considérables. Il faudra prioriser et apporter des réponses, parfois nuancées, adaptées aux contextes locaux. Le rapport du préfet s’y attache, par un travail de préfiguration des arbitrages à venir avec les régions. Nous sommes évidemment tous dans l’attente de ses conclusions.

Madame Valérie Beauvais, l’évolution du parc automobile français, en particulier pour les particuliers, est nécessaire. Personne ne nie l’impact industriel des mesures que nous engageons. L’interdiction, prévue par la LOM, à l’horizon 2040, de la vente de véhicules thermiques utilisant des énergies fossiles a été élaborée dans la concertation mais également avec fermeté. Il est nécessaire, pour infléchir l’impact du secteur des transports sur les émissions de gaz à effet de serre, de prendre ces décisions dès à présent. La prime à la conversion et le bonus automobile ont suscité un engouement chez les Français, ce qui correspond à notre vision de la transition énergétique, qui doit également être sociale et solidaire. Il faut donner les moyens aux Français de participer à cette transformation. Les conditions d’attribution des aides et de réduction du malus ont parfois évolué en ce sens, par exemple pour ne pas défavoriser les familles nombreuses. Est-il normal que des véhicules dont le prix est exceptionnellement élevé puissent disposer de ces dispositifs d’aide ? Nous sommes également vigilants aux questions d’approvisionnement énergétique.

Sur la question des crédits du programme 203, ce qui, en apparence, ressemble à une légère baisse de crédits est en réalité largement plus que compensé, comme évoqué précédemment, par une hausse des fonds de concours de 300 millions d’euros en AE et de 500 millions d’euros en CP. Les fonds de concours de la seule action 41 « Ferroviaire » sont quant à eux en hausse de plus de 300 millions d’euros. Cette baisse des crédits du programme 203 n’est donc qu’apparente.

Mme Aude Luquet nous a alertés sur la déclinaison pratique de la LOM. Nous pouvons nous féliciter de la réorientation effectuée des crédits vers les infrastructures de transport du quotidien. En tant que députée de Haute-Marne, j’entends et partage les enjeux liés à la ruralité. Au regard de la hausse de près de 40 % du budget par rapport au précédent quinquennat, nous pouvons, collectivement, nous réjouir de cet apport.

M. Christophe Bouillon a rappelé sa déception de n’avoir pu bénéficier de l’audition de M. le préfet François Philizot. Je souhaite donc rappeler qu’en application de l’article 46 du Règlement de l’Assemblée nationale, tous les commissaires au développement durable et à l’aménagement du territoire ont été conviés à participer à l’audition que j’ai programmée dans le cadre de mon rapport pour avis, qui s’est tenue le 8 octobre dernier. Le rapport n’est certes pas terminé – je suis, comme vous, impatiente de le lire – mais la politique de la chaise vide ne fait selon moi pas avancer les choses. Ce temps d’échange a d’ailleurs été très enrichissant.

Sur la question des CPER, il est question de faire glisser la fin des CPER sur deux ans. Cela doit cependant être analysé au cas par cas, selon l’utilisation des crédits dans chaque région. Rien n’a toutefois été définitivement arbitré.

M. Stéphane Demilly se félicite de la reprise de la dette de SNCF Réseau, tout en alertant sur l’éventuel risque d’un surendettement à venir. C’est tout l’objet du nouveau pacte ferroviaire et de l’assainissement de la situation financière de SNCF Réseau afin de lui permettre d’investir. L’effort de productivité à accroître est manifeste, et il faut se féliciter de l’augmentation, à compter de 2022, des investissements de régénération à hauteur de 200 millions d’euros par an. La révision de la trajectoire d’évolution des péages est également positive, tout comme le renforcement de la « règle d’or », qui doit permettre à la structure d’assainir ses finances. Je suis donc vigilante, mais confiante, sur le résultat de cette reprise de la dette de SNCF Réseau par l’État.

M. Matthieu Orphelin a alerté sur la nécessité de renforcer les investissements pour les mobilités douces et actives, tout en étant vigilant à la programmation des infrastructures pour atteindre nos objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre. En complément de mon propos introductif, vous trouverez tous les détails du financement de ces mobilités plus propres et actives dans mon avis budgétaire. L’investissement est considérable, sans compter la dotation de soutien à l’investissement local, les contrats de plan État-région, les divers appels à projets, etc.

Je souhaite à cet égard appeler votre attention, mes chers collègues, sur les débats ayant eu lieu en commission des finances la semaine dernière. Un de nos collègues a évoqué l’idée, par voie d’amendement, de scinder la mission « Écologie, développement et mobilité durables » en deux, en isolant le budget des transports du reste des crédits de la mission. Je pense qu’au contraire, tous ces enjeux sont extrêmement liés. Il serait fort regrettable de les séparer alors que cela ne présente pas d’avantage particulier. Tous ces programmes entrent dans le périmètre du ministère de la transition écologique et solidaire ; il me semble pertinent de conserver ces programmes au sein d’une même mission.

Mme Valérie Lacroute. Ma question portera sur le rapport présenté par Mme Bérangère Abba. Dans celui-ci, vous abordez évidemment le sujet du malus automobile, sans pour autant traiter de l’impact qu’aura l’interdiction de la vente des véhicules thermiques à l’horizon 2040. Or les fonds nécessaires à l’accompagnement de cette transition écologique doivent être prévus. C’est un secteur important pour l’économie française. Je tiens à signaler que cette disposition adoptée dans le cadre du projet de loi d’orientation des mobilités est contraire au droit européen ; c’est le sens de la réponse qu’a adressée la Commissaire européenne chargée des transports au Gouvernement danois le 18 décembre 2018. Quel est votre sentiment sur cette réponse de l’Union européenne ?

M. Patrick Loiseau. Je remercie les deux rapporteurs pour avis pour la présentation de leurs travaux. Ma question porte sur le programme 112 de la mission « Cohésion des territoires », qui inclut des programmes de soutien ayant un impact réel et direct sur la vie quotidienne de nos concitoyens. L’Agenda rural a pour objectif de dynamiser les petites villes et concerne un grand nombre de domaines, notamment l’accès aux services, le numérique, les transports, ou encore l’éducation. Nous avons bien compris que, pour l’année 2020, ce programme est en fait un « coup d’essai » puisqu’aucun financement spécifique n’est affecté à sa mise en œuvre. C’est regrettable, mais dû à un problème de calendrier. Je souhaite par conséquent qu’au cours de l’année 2020, une réflexion globale soit menée sur le financement de cet Agenda rural. Ne pourrait-on pas, au cours de l’année 2020, par le biais d’une loi de finances rectificative, abonder une ligne budgétaire dédiée ?

M. Martial Saddier. Je voudrais féliciter les deux rapporteurs pour avis pour leurs travaux, et exprimer deux inquiétudes. La première concerne l’effacement des passages à niveau dangereux. Dans un certain nombre de départements, 50 % des financements sont apportés par les collectivités territoriales mais l’État n’est pas capable d’apporter les 50 % restants.

La deuxième inquiétude porte sur les maisons de services au public. Il semble que soient ouvertes et labellisées des maisons de services au public situées à quelques dizaines de mètres de sous-préfectures ; ne serait-il pas plus intelligent de réarmer et de conforter les sous-préfectures ?

Mme Sophie Auconie. Je voudrais revenir sur le sujet des subventions versées par l’État et les régions au profit de la SNCF. Elles ont représenté 15 milliards d’euros en 2018. À défaut d’avoir pu lire le rapport de M. le préfet François Philizot, j’ai consulté celui de M. François Ecalle, ancien magistrat de la Cour des comptes, qui indique que la charge de ces subventions représente 224 euros par Français ou 905 euros par foyer fiscal. Malgré cela, la dette de la SNCF a dépassé 57 milliards d’euros en 2018. Je m’interroge donc sur la pertinence des choix stratégiques de la SNCF, sur l’abandon des petites lignes, sur l’état inadmissible des voies ferrées, sur le prix des billets qui augmente et sur l’absence de guichets dans les gares. S’agissant de M. le préfet François Philizot, je salue, madame la présidente, votre décision d’annuler son audition par la commission en l’absence de son rapport. Je rappelle quand même que c’est le Parlement qui a commandé ce rapport, et que nous n’en disposons toujours pas, ce qui traduit une forme de mépris inacceptable à notre égard !

M. Vincent Descoeur. Je remercie les rapporteurs pour avis pour la clarté de leurs rapports. Je voudrais interroger M. Jean-Pierre Vigier sur les zones de revitalisation rurale (ZRR), puisque son rapport évoque la préconisation, formulée par la Mission ruralités, de prolonger le régime applicable à ces zones jusqu’en 2022, avant sa révision. Il semble que le calendrier prévu par le Gouvernement ne corresponde pas à cette préconisation. Pouvez-vous nous apporter des précisions sur le devenir de ce dispositif ?

Mme Zivka Park. Madame la rapporteure pour avis, vous avez noté un engagement fort pour la régénération et la modernisation des infrastructures ferroviaires, rendu nécessaire par le vieillissement du réseau ferré, notamment pour les lignes de desserte fine du territoire. Pourriez-vous préciser comment est menée la concertation engagée par le Gouvernement avec les régions pour définir les priorités en termes de travaux de régénération sur ces « petites lignes » ?

M. Emmanuel Maquet. Ma question s’adresse à M. Jean-Pierre Vigier. Nos territoires ruraux sont les grands oubliés des politiques publiques. Pour remédier à cela, le Gouvernement propose la création d’une nouvelle agence publique, l’ANCT. J’ai bien entendu vos remarques et vos inquiétudes. Quelles seraient vos propositions pour donner plus de force à cette agence dont l’objectif est, entre autres, d’apporter de l’ingénierie au service de nos communes rurales ?

Sur les MSAP, vos inquiétudes sont légitimes car bien souvent, ces maisons restent des coquilles vides. Je souhaite vivement que le Gouvernement impose la présence d’un minimum de services de l’État dans ces maisons, et je souhaiterais que, sur les onze opérateurs potentiellement présents, au moins sept soient effectivement présents dans chaque maison. Qu’en pensez-vous ?

M. Jean-Pierre Vigier, rapporteur pour avis. Je suis d’accord avec M. Patrick Loiseau : à ce stade, l’Agenda rural, ce ne sont que des annonces, sans crédits supplémentaires. Il faudrait vraiment obtenir pour 2021 des crédits supplémentaires pour aider les territoires ruraux grâce à la mise en œuvre de ce plan, et ne pas se contenter d’annonces.

Sur les MSAP, il faut effectivement que chacune d’elles corresponde précisément à la demande et aux besoins d’un territoire. Elles ne doivent pas constituer des doublons, mais s’inscrire dans une complémentarité avec les services existants sur chaque territoire, qu’il s’agisse des services des sous-préfectures ou des mairies. Leur installation ne doit surtout pas être une occasion de supprimer des services existants.

L’ANCT devra aller au plus près des territoires ruraux, sans être une usine à gaz, et avec des moyens financiers et humains conséquents. Je demande à voir ; il faut que nous soyons vigilants car aujourd’hui nous n’avons pas les informations nécessaires. L’ANCT devra faire preuve de souplesse, d’efficacité et de complémentarité avec les collectivités locales.

Les ZRR sont un sujet très important. Ce dispositif apporte en effet une aide financière de 235 millions d’euros, par des exonérations fiscales et sociales, sur nos territoires ruraux. Avec M. Alain Calmette, j’avais présenté, en 2014, un rapport d’information sur les ZRR pour refonder le dispositif. Si rien n’est fait, le dispositif arrive à terme dès la fin de cette année. D’après les informations qui m’ont été communiquées par le cabinet de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, un amendement permettra, dans le cadre du présent projet de loi de finances, de prolonger les ZRR jusqu’à fin 2020, de manière à se donner le temps, dans le courant de l’année 2020, de redéfinir ces ZRR. Nous devons être très vigilants pour que ce dispositif ne disparaisse pas.

Mme Bérangère Abba, rapporteure pour avis. Madame Valérie Lacroute, la fin programmée des véhicules thermiques recourant aux énergies fossiles en 2040 appelle plusieurs remarques. Il est nécessaire de faire évoluer la structure de notre parc automobile. Les industriels du secteur ne découvrent pas ce problème et en sont, au contraire, pleinement conscients. Il faut ensuite réorienter en ce sens nos investissements et notre recherche et développement, aujourd’hui accompagnés par les pouvoirs publics à travers « l’Airbus de la batterie » au niveau franco-allemand ou encore le développement des réseaux d’avitaillement. Les industriels sont en capacité de tenir cet objectif. Quant aux consommateurs, ils montrent déjà leurs choix : la baisse de la vente des véhicules diesel au niveau européen au second trimestre 2019, de 16 % par rapport à 2018, est à cet égard significative. Les choix des consommateurs évoluent peut-être même plus vite que la transition industrielle. Sans fragiliser notre secteur automobile, il était nécessaire de fixer cet objectif tout en accompagnant les industriels. C’est un enjeu environnemental et de santé publique, qui aurait pu plaider pour une fin dès 2030, au lieu de 2040. Un consensus a été trouvé sur cette dernière date, nous devons désormais tous nous y tenir.

M. Martial Saddier a interpellé concernant l’action 51 « Sécurité ferroviaire ». Les crédits proposés permettent tout à fait de mettre en œuvre les recommandations du rapport parlementaire au Premier ministre de Mme Laurence Gayte.

Madame Sophie Auconie, je partage votre attente concernant la remise du rapport de M. le préfet François Philizot, mais je répète qu’il a accepté d’échanger avec nous le 8 octobre dernier dans le cadre des auditions budgétaires. Le rapport doit être enrichi des premiers arbitrages avec les régions, qui en sont les premiers acteurs, et des axes de priorisation à retenir. Le retard en investissement sur les petites lignes est tel que nous ne pourrons pas tout régénérer d’un coup. Je ne peux me mettre à la place du Gouvernement pour vous expliquer le déroulement de la concertation, mais j’ai toutefois été invitée à une réunion de la région Grand‑Est dans les semaines qui viennent, ce qui laisse présager, en réponse à Mme Zivka Park, de la forme de cette concertation.

Sur le contrat de performance entre l’État et SNCF Réseau, cela a déjà été évoqué précédemment. La reprise de la dette permettra d’assainir les finances de SNCF Réseau et lui permettra de retrouver un fonctionnement de qualité et une gestion pérenne.

Article 38 et état B : Crédits de la mission « Cohésion des territoires »

La commission examine l’amendement II-CD59 de Mme Mathilde Panot.

M. Loïc Prudhomme. Par cet amendement, nous souhaitons redonner un peu d’oxygène aux organismes HLM que le Gouvernement a asphyxiés. Dès le projet de loi de finances pour 2018, le Gouvernement a décidé de ponctionner 800 millions d’euros sur les organismes HLM par la baisse des aides personnalisées au logement, puis 850 millions en 2019 et enfin 1,5 milliard à partir de 2020. L’accord d’avril 2019 prévoit que la ponction prélevée sur les années à venir ne serait « que » de 1,3 milliard d’euros ! Le dogme austéritaire qui anime le Gouvernement a des conséquences désastreuses pour nos concitoyens qui rencontrent les plus grandes difficultés à trouver un logement abordable. Et la situation ne fait qu’empirer !

À cause de ces mesures qui assèchent les ressources financières des organismes HLM, la construction de logements sociaux s’est effondrée : baisse de 23 % en 2018 de la distribution de crédits par la Caisse des dépôts, recul de 9 % des permis de construire accordés. En Île-de-France, entre 2016 et 2018, la production a déjà chuté de 20 %. La Caisse des dépôts elle-même prévoit que, d’ici à 2035, la production de logements sociaux baissera à 60 000 par an, deux fois moins qu’aujourd’hui.

Pour les élus de la majorité qui sont friands de modèles, je voudrais rappeler que, de l’autre côté du Rhin, en Allemagne, la Chancelière a annoncé l’année dernière un plan massif de 5,7 milliards d’euros sur trois ans pour construire des logements abordables. Au Royaume‑Uni, c’est la même chose, avec 2 milliards de livres mis sur la table pour relancer le logement social.

Il est donc grand temps de réinvestir dans le logement social pour loger nos concitoyens. C’est pourquoi cet amendement propose, pour augmenter les crédits relatifs aux HLM, de puiser dans le programme n° 112 « Impulsion et coordination de la politique d’aménagement du territoire » la somme de 2 241 726 euros.

M. Jean-Pierre Vigier, rapporteur pour avis. Il pourrait s’agir d’un bon amendement sur le fond. Toutefois, il réduit le budget du programme 112, sur lequel je suis rapporteur pour avis, et augmente les crédits du programme 109, dont je ne suis pas rapporteur. Je n’ai donc pas les éléments sur ce sujet pour vous répondre et je vous demande de retirer votre amendement pour, si vous le souhaitez, le redéposer en séance.

L’amendement II-CD59 est rejeté.

La commission examine l’amendement II-CD61 de M. Loïc Prud’homme.

M. Loïc Prudhomme. Cet amendement concerne également le logement social. Il vise à rappeler que le Président de la République M. Emmanuel Macron a pris en moyenne près de 12 euros par personne aux personnes les plus pauvres bénéficiant des aides au logement. Il vise à rappeler que la politique relative au logement social est anti-sociale !

M. Jean-Pierre Vigier, rapporteur pour avis. Là encore, il peut s’agir d’un bon amendement sur le fond. Par contre, il est en dehors du champ de mon rapport et je vous invite à le retirer pour le redéposer en séance.

L’amendement II-CD61 est rejeté.

La commission examine l’amendement II-CD53 de M. Matthieu Orphelin.

M. Matthieu Orphelin. Cet amendement concerne un sujet dont nous avons déjà discuté et je serai donc très bref : il s’agit des crédits attribués à l’ANAH pour verser la prime de transition énergétique qui, à partir de l’an prochain, viendra remplacer le crédit d’impôt pour la transition énergétique pour les ménages des quatre premiers déciles. Nous espérons que cette prime sera plus incitative que l’ancien dispositif, notamment parce qu’il n’y aura plus à attendre dix-huit mois avant d’obtenir un remboursement. Il s’agit d’un amendement « miroir » d’un autre amendement déjà discuté dans notre commission, étant donné que l’enveloppe de 450 millions d’euros supplémentaires accordée à l’ANAH est partagée entre la mission « Écologie, développement et mobilités durables » et la mission « Cohésion des territoires ». Cet amendement vise à alerter sur le fait que, si le nouveau dispositif mis en place fonctionne bien, il faudra peut-être fournir de nouveaux crédits à l’ANAH en cours d’année pour éviter de casser le rythme des travaux. Comme nous avons déjà eu cette discussion lors de l’examen des crédits consacrés à la transition énergétique, je retire cet amendement.

L’amendement II-CD53 est retiré.

La commission en vient à l’amendement II-CD62 de Mme Mathilde Panot.

M. Loïc Prudhomme. Cet amendement vise à revenir sur le scandale du chlordécone, qui, en Guadeloupe et en Martinique, est un scandale d’État. L’usage de ce produit a fait l’objet d’un aveuglement collectif pendant près de vingt ans ! Le Président de la République avait déclaré que l’État devait prendre sa part de responsabilité sur ce sujet. C’est ce que nous proposons avec cet amendement.

Au-delà des écosystèmes, la quasi-totalité des Antillais sont eux aussi contaminés : 95 % des habitants de la Guadeloupe et 92 % des habitants de la Martinique, comme le révèle une étude menée pour la première fois à grande échelle par Santé publique France. Ce perturbateur endocrinien altère la fertilité et entrave le développement neurologique des nourrissons. Au vu de la persistance de cette molécule dans les écosystèmes et du degré de contamination, il faut que des mesures concrètes et urgentes de dépollution et de protection soient prises. Près de trente ans après l’interdiction de l’usage de cette molécule, les populations antillaises ont droit aujourd’hui à la reconnaissance des préjudices subis et de leur statut de victime par l’État et la société.

Pour ce faire, il est proposé de puiser dans le programme 112 la somme de 2 241 726 euros pour abonder le plan chlordécone. Nous considérons que l’attractivité des territoires passe aussi par des plans environnementaux qui améliorent la qualité de vie, l’attractivité économique et l’activité économique.

M. Jean-Pierre Vigier, rapporteur pour avis. Je suis d’accord avec vous. Il s’agit d’un scandale sanitaire. Les moyens budgétaires de l’action « Plan chlordécone » du programme 162 s’élèvent pour 2020 à 3 millions d’euros et une commission d’enquête est en cours sur ce scandale sanitaire. D’ailleurs, je note que la ministre des outre-mer a reconnu récemment, devant cette commission d’enquête, que la responsabilité de l’État est engagée. Vous souhaitez augmenter le budget du plan chlordécone de 2 millions d’euros mais, selon moi, il faut attendre les résultats de la commission d’enquête pour connaître les besoins, qui peuvent être plus importants. C’est pourquoi je vous demande de retirer cet amendement dans l’attente des résultats de la commission d’enquête.

M. Loïc Prudhomme. Nous considérons que nous proposons une provision sur le montant qui sera estimé par la commission d’enquête. Nous verrons ensuite s’il faut l’augmenter.

M. Jean-Pierre Vigier, rapporteur pour avis. La somme de 3 millions d’euros prévue pour 2020 constitue une amorce suffisante selon moi. Je maintiens qu’il faut attendre les résultats de la commission d’enquête.

L’amendement II-CD62 est rejeté.

La commission examine l’amendement II-CD63 de M. Loïc Prud’homme.

M. Loïc Prudhomme. L’urgence écologique est réelle. D’après le récent rapport du GIEC sur les océans, la montée du niveau de la mer est deux fois plus rapide qu’il y a dix ans. Elle pourrait être cinq fois plus importante selon le pire des scénarios et pourrait dépasser un mètre en 2100. Cette tendance menace directement près de 680 millions de personnes vivant dans les zones côtières de basse altitude, soit 10 % de la population mondiale. Tout le monde connaît ces effets ici puisque nous avons auditionné Mme Valérie Masson-Delmotte, qui nous l’a expliqué de manière très claire et précise.

Un autre rapport, celui de l’Union pour la Méditerranée, estime que sur les vingt villes les plus importantes menacées par ce phénomène et donc par un recul du trait de côte, douze sont méditerranéennes.

La France, présente dans tous les océans du monde, est donc concernée au premier chef par le problème que constitue la montée du niveau des océans Un investissement financier conséquent doit être consenti pour anticiper le recul inéluctable du trait de côte et son érosion et surtout pour rendre prioritaire la préservation du littoral sur toute entreprise d’expansion économique à rebours de la loi « littoral ».

Pour ce faire, il est proposé de puiser dans le programme 112 « Impulsion et coordination de la politique d’aménagement du territoire » la somme de 2,2 millions d’euros au profit du programme 162, et plus spécifiquement de son action 9 « Plan littoral 21 ». Nous considérons que l’attractivité des territoires passe avant tout par les plans environnementaux qui permettent de préserver l’attractivité des territoires.

M. Jean-Pierre Vigier, rapporteur pour avis. Le réchauffement climatique et la montée des eaux constituent de vrais problèmes. On ne peut qu’être d’accord avec vous sur le principe. Toutefois, aujourd’hui, il y a un contrat entre l’État, la région Occitanie et la Caisse des dépôts qui comporte non seulement des modalités techniques mais aussi des modalités financières. À ma connaissance, les signataires n’ont pas fait part d’un souhait de modification des éléments financiers de ce contrat. C’est pourquoi je demanderai le retrait de votre amendement.

M. Loïc Prudhomme. Mon amendement ne concerne pas que la côte méditerranéenne mais toutes les côtes françaises, qui sont très nombreuses.

L’amendement II-CD63 est rejeté.

La commission examine ensuite l’amendement II-CD64 de Mme Mathilde Panot.

M. Loïc Prudhomme. Madame la Présidente, je vais défendre un amendement dont je suis sûr qu’il vous plaira. Il concerne la Montagne d’Or. La secrétaire d’État Mme Brune Poirson a déclaré récemment que ce projet ne se ferait pas et qu’il était incompatible avec nos critères environnementaux. Pourtant, le 16 octobre 2019, la commission des mines en Guyane devait se prononcer sur la demande de prolongation des concessions de Montagne d’Or avec un avis favorable au projet des services de l’État. Cette réunion a été annulée suite au tollé que cette information a provoqué. Le Gouvernement se trouve dans une situation ambiguë.

Nous rappelons que le projet Montagne d’Or s’étend sur 190 km2 en pleine forêt tropicale. Les conséquences environnementales de la mine devraient être désastreuses. Une étude de novembre 2018 sur le développement économique durable de la Guyane démontre la non-pertinence économique de l’industrie minière : selon ce rapport, le secteur extractif est le secteur marchand qui dispose des plus faibles effets d’entraînement sur le reste de l’économie locale, notamment parce qu’il importe à hauteur de 75 % les biens et services dont il a besoin.

Ce transfert de crédits à hauteur d’un peu plus de 2,2 millions d’euros de l’action 14 du programme 112 vers l’action 10 du programme 162 « Fonds interministériel pour la transformation de la Guyane » vise à rappeler notre opposition à ce projet mortifère de mine d’or et insiste sur la nécessité de développer un projet de développement viable sur le plan économique, social et environnemental pour la Guyane, qui dispose de tous les atouts pour devenir un territoire exemplaire en termes de transition écologique. À ce propos, je tiens à rappeler que la France a une grande responsabilité dans la sauvegarde de la forêt amazonienne puisque la moitié de cette forêt se trouve sur le territoire de la Guyane.

Mme Barbara Pompili, présidente. Monsieur Loïc Prudhomme, je vous confirme que j’ai un intérêt très fort pour cette question.

M. Jean-Pierre Vigier, rapporteur pour avis. Je comprends bien que cet amendement est un amendement d’appel pour vous permettre de réitérer votre opposition à ce projet. Il serait effectivement souhaitable que le Gouvernement apporte une clarification sur l’avenir de ce projet très contesté. Cependant, pour les mêmes raisons que précédemment, je demanderai son retrait. Là encore, il y a un contrat entre l’État, la collectivité de Guyane et les intercommunalités et je n’ai pas été informé par les signataires du contrat d’une demande de modification. Je ne peux donc apporter ni une réponse positive ni une réponse négative à votre demande.

M. Loïc Prudhomme. Cet amendement est plus qu’un amendement d’appel : c’est un amendement d’appel au secours de toute la population guyanaise ! La démographie de ce territoire est très dynamique et il faut aider la Guyane à utiliser son énergie et ses atouts pour devenir un territoire économiquement autonome.

Mme Barbara Pompili, présidente. Je crois que la préoccupation du développement de la Guyane est partagée par tous ici et il est important de le rappeler.

La commission rejette l’amendement II-CD64.

Puis, elle émet un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Cohésion des territoires ».

 


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   LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

(par ordre chronologique)

Agence du numérique

M. Laurent Rojey, directeur

Cabinet de Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales

M. Marc Chappuis, directeur adjoint du cabinet

Mme Laetitia Cesari-Giordani, conseillère financière et budgétaire

Commissariat général à l’égalité des territoires (CGET)

M. François-Antoine Mariani, commissaire général

Mme Sophie Duval-Huwart, directrice du développement des capacités des territoires

Mme Laurence Langa, cheffe du bureau de la programmation et des affaires financières

Établissement public d’aménagement et de restructuration des espaces commerciaux et artisanaux (EPARECA)

Mme Valérie Lasek, directrice générale

Association des maires ruraux de France (AMRF)

M. Luc Waymel, président de l’association des maires ruraux du Nord

 


([1]) M. Daniel Labaronne, député, M. Patrice Joly, sénateur, président de l’ANNR, M. Pierre Jarlier, président délégué de l’Association des petites villes de France (APVF), Mme Cécile Gallien, vice-présidente de l’Association des maires de France et M. Dominique Dhumeaux, vice-président de l’AMRF.

([2]) Il convient de noter que la mise en œuvre des contrats de ruralité signés après le 1er janvier 2018 n’est plus financée par le programme 112 de la mission « Cohésion des territoires » mais par un programme de la mission « Relations avec les collectivités territoriales », parce que la dotation concernée, la dotation de soutien à l’investissement local (DSIL), créée au départ à titre exceptionnel, a été pérennisée et intégrée dans les financements de droit commun destinés aux collectivités locales.

([3]) La répartition détaillée figure dans le document de politique transversale « Aménagement du territoire » annexé au projet de loi de finances pour 2020.

([4]) Rapport d’information de la commission des finances du Sénat sur les contrats de ruralité (rapporteur : M. Bernard Delcros), n° 673, juillet 2019.

([5]) Le contrat de développement territorial pour Calais et le Calaisis, le contrat de développement territorial de l’Amiénois, le contrat d’accompagnement à la redynamisation de Châlons-en-Champagne, le contrat triennal de Strasbourg, le pacte Sambre Avesnois Thiérache, l’engagement pour le renouveau du bassin minier du Nord et du Pas-de-Calais, le contrat d’action publique pour la Bretagne, le contrat d’avenir Pays de la Loire, le pacte de développement pour la Nièvre, le pacte Ardennes et le plan particulier pour la Creuse.

([6]) Pôle emploi, la Caisse nationale d’allocations familiales (CNAF), la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS), la Caisse nationale d’assurance vieillesse (CNAV), la Caisse centrale de la mutualité sociale agricole (MSA), La Poste et GRDF.

([7]) L’audition de M. Yves Le Breton, pressenti pour devenir le premier directeur général de l’ANCT, aura lieu au début du mois de novembre à l’Assemblée nationale et au Sénat.

([8]) Décret n° 2015-113 du 3 février 2015 portant création d’un service à compétence nationale dénommé « Agence du numérique ».

([9]) Pas moins de quinze ministères sont concernés par une ou plusieurs actions inscrites au programme 162.

([10]) Par exemple l’action « Eau et agriculture en Bretagne » inclut un partenariat conclu avec l’agence de l’eau Loire-Bretagne pour certaines activités de recherche, et le « plan littoral 21 » (action 09 du PITE) est une démarche partenariale portée par l’État, la région Occitanie et la Caisse des dépôts et consignations sur la base d’un accord-cadre.

([11]) Un cofinancement du FEDER concerne 19 opérations sur les 653 du PEI « Corse » ; des financements européens interviennent également dans le cadre du plan « chlordécone ».

([12]) Le PEI pour la Corse comporte, outre les crédits du programme 162, des fonds de concours provenant de plusieurs opérateurs de l’État, notamment l’Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF). Les crédits de la nouvelle action 10 seront complétés en 2020 par des fonds de concours de l’AFITF, de l’ADEME, de l’Office français de la biodiversité (OFB) et de l’Agence nationale du sport. Enfin, la nouvelle action 11 bénéficiera de fonds de concours de l’agence de l’eau Loire-Bretagne.

([13]) Le budget de l’EPMP est, par ailleurs, alimenté par une subvention de l’État pour charges de service public au titre du programme 113 « Paysages, eau et biodiversité », qui devrait s’élever à 653 000 euros pour 2020, et par une partie des redevances perçues par l’agence de l’eau Loire-Bretagne. L’EPMP est désormais rattaché à l’Agence française de la biodiversité, qui deviendra au 1er janvier 2020 l’Office français de la biodiversité (OFB).

([14]) Loi  2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République.

([15]) Loi  2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique.

([16]) http://assnat.fr/jniLXT