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N° 2292

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 8 octobre 2019.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DU DÉVELOPPEMENT DURABLE ET DE L’AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2020 (n° 2272)

TOME X

RECHERCHE ET
ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR

RECHERCHE DANS LES DOMAINES DU DÉVELOPPEMENT DURABLE, DE LA GESTION DES MILIEUX ET DES RESSOURCES

PAR Mme Elsa FAUCILLON

Députée

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 Voir les numéros : 2272, 2301 (Tome III, annexe 33).


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SOMMAIRE

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Pages

INTRODUCTION

I. Un budget qui a le mérite de répondre aux engagements passés de l’État

A. Un effort financier cohérent avec les obligations internationales de la France

1. Le programme 193 « Recherche spatiale »

2. Le programme 172 « Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires »

3. Le programme 190 « Recherches dans les domaines de l’énergie, du développement et de la mobilité durables »

B. Des dotations généralement préservées

1. La plupart des autres actions sont reconduites

2. Les fusions d’organismes ne recherchent pas les économies, dans l’immédiat

II. Mais qui ne prévoit aucun renforcement de la recherche publique sur les énergies renouvelables

A. Certes, les programmes d’investissements d’avenir ont permis d’ouvrir de nouveaux chantiers en aval

B. Mais malgré les résultats obtenus par les opérateurs historiques, le développement de ces recherches piétine

1. Les contributions spécialisées de l’INRA et de l’IRSTEA

2. Les moyens en recul du CNRS

3. La place incontestée du nucléaire au CEA

4. Les injonctions contradictoires données à l’IFPEN

5. Les orientations peu contraignantes des appels à projets de l’ANR

III. Des modalités de financement de la recherche publique insatisfaisantes

A. Qu’il s’agisse de donner les moyens nécessaires au maintien d’une recherche forte et efficiente

1. Les besoins de fonctionnement des organismes de recherche sont toujours sous-financés

2. L’impact du crédit d’impôt recherche sur la recherche publique est difficile à mesurer

B.  ou de piloter efficacement les investissements vers les priorités nationales

EXAMEN EN COMMISSION

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES


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   INTRODUCTION

Que dire de ce projet de budget ? Les efforts financiers qu’il traduit permettront essentiellement à la France de tenir des engagements internationaux. C’est louable, mais comment ne pas insister sur la faiblesse des moyens consacrés aux immenses défis du développement durable et de l’adaptation aux bouleversements climatiques. S’il s’agissait réellement de priorités, elles devraient se traduire dans le projet de loi de finances pour 2020, et ce n’est pas le cas.

Certes, les trois programmes qui portent les crédits consacrés à la recherche dans ces domaines augmenteront à nouveau l’année prochaine, et de manière substantielle. Toutefois ces crédits supplémentaires iront en presque totalité compléter le financement d’engagements passés.

L’abondement de 214 millions d’euros du programme 193 « Recherche spatiale » permettra ainsi de solder la dette contractée par notre pays auprès de l’Agence spatiale européenne. Le complément de 118 millions d’euros promis au programme 172 « Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires » financera l’impact en 2020 des mesures salariales accordées en 2017 et du plan « Intelligence artificielle » lancé en 2018, ainsi que la poursuite du développement de plusieurs infrastructures de recherche. Enfin, le programme 190 « Recherche dans les domaines de l’énergie, du développement et de la mobilité durables » progressera de plus de 28 millions d’euros pour continuer la recherche sur les réacteurs nucléaires de quatrième génération.

Il n’y aura, en revanche, aucun investissement supplémentaire, via les subventions aux opérateurs ou les enveloppes consacrées aux appels à projets nationaux, pour renforcer la recherche en faveur du développement durable, ni même en faveur de la transition énergétique malgré l’urgence de la situation.

La recherche est pourtant une des clés de notre capacité future à y répondre. Non seulement c’est elle qui nous permet de suivre et comprendre les phénomènes naturels et physiques à l’œuvre, mais c’est aussi elle la plus à même de lever les verrous technologiques et faire émerger des solutions efficaces aux problèmes de plus en plus aigus auxquels est confrontée l’humanité.

S’attachant, en particulier, à examiner les moyens mobilisés pour la recherche dans les énergies renouvelables, votre rapporteure pour avis constate que les crédits fléchés ne progresseront pas, hors l’exception notable du nucléaire. Ils tendraient même à régresser, avec le recul de certaines subventions de l’État et la menace d’un alourdissement de la réserve de précaution appliquée aux dotations budgétaires, s’il n’y avait la persévérance de quelques organismes de recherche à maintenir leurs investissements. Mais eux-mêmes pourraient voir leurs marges d’action se réduire à nouveau en 2020 et leurs difficultés à recruter les compétences nécessaires pour ces nouveaux défis s’aggraver.

Cette stagnation des moyens de la recherche dans la transition énergétique – notamment –, pour ne pas dire leur dégradation, est injustifiable au regard des 6,5 milliards d’euros de crédit d’impôt recherche que notre Gouvernement est capable d’accorder aux entreprises, pourtant notoirement frileuses sur les thématiques émergentes, au regard des ambitions fortes qu’il proclame en la matière, ni au regard des attentes de notre jeunesse.

Autant de raisons pour lesquelles votre rapporteure pour avis donnera un avis défavorable à ce projet de budget pour 2020.

 

 


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I.   Un budget qui a le mérite de répondre aux engagements passés de l’État

A.   Un effort financier cohérent avec les obligations internationales de la France

Au sein de la mission interministérielle « Recherche et enseignement supérieur » (MIRES), les trois programmes mobilisés en tout ou partie sur les thématiques de développement durable et de gestion des milieux et des ressources cumuleraient à eux trois plus de 10,5 milliards deuros de dotations en autorisations d’engagement (AE) et plus de 10,7 milliards d’euros en crédits de paiement (CP) en 2020. Le projet de loi de finances leur apporterait ainsi, au total, + 360,5 millions d’euros en AE et + 257,5 millions d’euros en CP de dotations supplémentaires par rapport à la loi de finances initiale (LFI) pour 2019.

Le programme 193 « Recherche spatiale » en serait le premier bénéficiaire avec un rebasage de + 213,6 millions d’euros en AE et CP, qui compléteraient toutes ses actions, à l’exception de l’action 07 « Développement des satellites de météorologie ».

Les crÉdits du Programme 193 en 2019 et 2020

(en millions d’euros)

 

Autorisations d’engagement = Crédits de paiement

 

LFI 2019

PLF 2020

2020/2019

Total programme 193

1 820,0

2 033,6

+ 11,7 %

01 Développement de la technologie spatiale au service de la science

230,5

262,2

+ 13,7 %

02 Développement de la technologie spatiale au service de l’observation de la terre

326,6

358,3

+ 9,7 %

03 Développement de la technologie spatiale au service de la recherche en science de l’information et de la communication

156,2

180,2

+ 15,3 %

04 Maîtrise de l’accès à l’espace

673,9

783,9

+ 16,3 %

05 Maîtrise des technologies orbitales et de l’innovation technologique

267,8

302,3

+ 12,9 %

06 Moyens généraux et d’appui à la recherche

86,6

95,7

+ 10,4 %

07 Développement des satellites de météorologie

78,5

51,1

 34,9 %

Source : projet annuel de performances 2020. Dotations sans attribution de produits ni fonds de concours.

Comme le précédent, le programme 172 « Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires » relève du ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation (MESRI). Ses dotations en AE seraient aussi renforcées à hauteur de + 118,3 millions d’euros. On relève en outre que ces nouveaux moyens seront concentrés sur trois de ses onze actions, dont les deux les plus en lien avec les thématiques suivies par notre commission, les actions 17 et 18 qui financent les recherches scientifiques et technologiques dans les domaines de l’énergie et de l’environnement. Les CP du programme reculeraient quant à eux à la marge, de – 0,16 million d’euros, cette évolution traduisant moins un rationnement des crédits qu’une diminution des besoins.

Les crÉdits du Programme 172 en 2019 et 2020

(en millions d’euros)

 

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

 

LFI 2019

PLF 2020

2020/2019

LFI 2019

PLF 2020

2020/2019

Total programme 172

6 842,2

6 960,8

+ 1,7 %

6 942,1

6 941,9

0 %

01 Pilotage et animation

205,4

262,0

+ 27,6 %

207,2

257,9

+ 24,5 %

02  Agence nationale de la recherche

768,8

766,4

- 0,3 %

859,5

738,0

 14,1 %

11 Recherches interdisciplinaires et transversales

62,7

62,7

0 %

62,7

62,7

0 %

12 Diffusion, valorisation et transfert des connaissances et des technologies

149,0

149,0

0 %

149,0

149,0

0 %

13 Grandes infrastructures de recherche

264,1

252,5

 4,4 %

264,1

252,5

 4,4 %

14 Moyens généraux et d’appui à la recherche

917,1

977,5

+ 6,6 %

917,1

977,5

+ 6,6 %

15 Recherches scientifiques et technologiques en sciences de la vie et de la santé

1 219,4

1 214,8

 0,4 %

1 221,0

1 216,6

 0,4 %

16 Recherches scientifiques et technologiques en sciences et techniques de l’information

982,6

982,6

0 %

982,6

982,6

0 %

17 Recherches scientifiques et technologiques dans le domaine de l’énergie

743,8

762,9

+ 2,6 %

749,7

774,6

+ 3,3 %

18 Recherches scientifiques et technologiques dans le domaine de l’environnement

1 122,9

1 124,5

+ 0,1 %

1 122,9

1 124,5

+ 0 ,1 %

19 Recherches scientifiques et technologiques en sciences humaines et sciences sociales

405,1

405,0

0 %

405,1

405,0

0 %

Source : projet annuel de performances 2020. Dotations sans attribution de produits ni fonds de concours.

Enfin, sous la responsabilité du ministère de la transition écologique et solidaire (MTES), le programme 190 « Recherche dans les domaines de l’énergie, du développement et de la mobilité durables », au cœur de nos préoccupations, progresserait également en 2020 de + 28,3 millions d’euros en AE et + 44 millions d’euros en CP. Cette augmentation, certes légère, est néanmoins notable que la loi de finances pour 2019 s’était contentée de stabiliser les dotations en AE et poursuivait la diminution des CP du programme. Ces renforts sont répartis entre trois de ses sept actions.

 

 

Les crÉdits du Programme 190 en 2019 et 2020

(en millions d’euros)

 

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

 

LFI 2019

PLF 2020

2020/2019

LFI 2019

PLF 2020

2020/2019

Total programme 190

1 763,3

1 791,5

+ 1,6 %

1 722,9

1 766,9

+ 2 %

11 Recherche dans le domaine des risques

177,1

177,1

0 %

177,1

177,1

0 %

11.01 INERIS

6,4

6,4

0 %

6,4

6,4

0 %

11.02 IRSN

170,8

170,8

0 %

170,8

170,8

0 %

12 Recherche dans le domaine des transports, de la construction et de l’aménagement

101,8

103,6

+ 1,8 %

101,8

103,6

+ 1,8 %

12.01 Université Gustave Eiffel (ex-IFSTTAR)

87,4

87,4

0 %

87,4

87,4

0 %

12.02 CSTB

14,4

16,2

+ 12,5 %

14,4

16,2

+ 12,5 %

13 Recherche partenariale dans le développement et l’aménagement durable

1,6

1,6

0 %

3,6

1,9

 47,9 %

14 Recherche et développement dans de domaine de l’aéronautique civile

135

135

0 %

92,7

110,1

+ 18,8 %

15 Charges nucléaires de long terme des installations du CEA

740

740

0 %

740

740

0 %

16 Recherche dans le domaine de l’énergie nucléaire

431,4

459,9

+ 6,6 %

431,4

459,9

+ 6,6 %

16.01 CEA

430,9

459,9

+ 6,7 %

430,9

459,9

+ 6,7 %

16.02 Gestion des matières et déchets radioactifs-CNE

0,5

-

-

0,5

-

-

17 Recherche dans le domaine des nouvelles technologies de l’énergie

176,3

174,3

 1,1 %

176,3

174,3

 1,1 %

17.01 Soutien aux NTE-CEA

51,0

51,0

0 %

51,0

51,0

0 %

17.02 Soutien aux NTE-IFPEN

125,3

123,3

 1,6 %

125,3

123,3

 1,6 %

Source : projet annuel de performances 2020. Dotations sans attribution de produits ni fonds de concours.

L’effort financier est réel d’autant qu’il s’ajoute aux rebasages appliqués lors des deux précédents exercices.

Il est toutefois essentiellement concentré sur l’apurement des dettes passées ou la mise en œuvre des engagements contractés ces dernières années et sur la simple confirmation des investissements français dans les grandes infrastructures de recherche.

 

1.   Le programme 193 « Recherche spatiale »

Le programme 193 finance, dans un cadre national et surtout européen, la conception, le développement et la mise en œuvre (quand ils ne sont pas commercialisés) des différents types de satellites (météorologiques, d’observation, de géolocalisation ou de télécommunication), de leurs lanceurs spatiaux, des ballons atmosphériques, des instruments embarqués et autres technologies associées ainsi que des plateformes d’exploitation des données recueillies.

Les observations spatiales apportent, entre autres, des contributions essentielles à l’étude des phénomènes climatiques et de toutes les transformations de notre planète. Le GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) utilise ainsi vingt-six paramètres fondamentaux du climat qui sont directement issus de données satellitaires.

Ces données sont recueillies ou traitées pour la France par les deux opérateurs du programme 193, le Centre national d’études spatiales (CNES) et Météo-France. Elles proviennent de flottilles de satellites développés aux niveaux national et parfois bilatéral, mais surtout par l’organisation européenne pour l’exploitation des satellites météorologiques EUMETSAT ou au sein du programme européen « Copernicus » de surveillance mondiale pour l’environnement et la sécurité.

Réparties sur les six premières actions du programme, les dotations spécifiquement prévues pour le fonctionnement et le financement des programmes prioritaires du CNES augmenteraient de 566,6 à 581,6 millions d’euros, soit une hausse de 15 millions d’euros. Mais en parallèle, les crédits reçus des programmes d’investissement d’avenir (PIA) reculeraient de 17 millions d’euros et la subvention versée par le programme 191 « Recherche duale (civile et militaire) » pourrait diminuer de 20 millions d’euros, en étant ramenée à 130,2 millions d’euros, selon le projet annuel de performances.

Les dépenses de fonctionnement de Météo-France sont, quant à elles, financées par le programme 159 « Expertise, économie sociale, et solidaire, information géographique et météorologique ».

Plus de 71 % des 2 033,6 millions d’euros inscrits en AE et CP au programme 193 en 2020 seront dédiés aux projets portés par les agences européennes European space agency (ESA) et EUMETSAT auxquelles ils sont versés par l’intermédiaire de nos deux opérateurs nationaux. À ces fins sont budgétés, respectivement, 1 401 millions d’euros (répartis sur les six premières actions) et 51,1 millions d’euros (sur l’action 07 « Développement des satellites de météorologie »).

L’enveloppe globale prévue pour les diverses contributions françaises à l’ESA progresserait alors de plus de 226 millions d’euros par rapport aux dotations votées pour 2019 (environ + 20 %), poursuivant notamment l’accélération du remboursement de la dette de la France comme elle s’y est engagée en 2018.

En effet, s’il est possible aux États contributeurs de retarder leurs versements, des sous-budgétisations récurrentes et l’ajout de nouveaux engagements avaient fait monter cette dette à 354 millions d’euros fin 2017. Un effort de redressement de la situation a été engagé dès 2018 avec une revalorisation significative des enveloppes ; puis le conseil d’administration du CNES du 16 décembre 2018 a validé le scénario d’apurement ci-après :

scÉnario proposé pour la dette française envers l’ESA

(en millions d’euros courants)

 

2015

2016

2017

2018

2019

2020

2021

Besoins en contribution des programmes ESA souscrits par la France

842

1 001

1 079

1 026

1 036

1 099

1 033

Subvention P193 – part ESA

777

754

833

963

1 175

1 376

1 033

Trop perçus sur subventions antérieures

 

 

 

2

 

 

 

PIA - Contribution à Ariane 6

83

9

1

-

-

-

-

Produit de cession de titres Arianespace

-

86

42

-

-

-

-

Dette de financement

-18

152

203

61

-138

-277

0

Dette nette cumulée au 31/12

-1

151

354

415

277

0

0

Source : PMT ESA CNES

Sous réserve du dégel – vraisemblable en 2019  de leurs mises en réserve, il apparaît que les dotations budgétaires versées en 2019 et prévues pour 2020 respecteraient cette trajectoire. La dette française auprès de l’ESA devrait donc être neutralisée en 2020. Les prévisions intégreraient également 25 millions d’euros supplémentaires pour financer les prochains engagements qui seront définis lors de la conférence ministérielle des 27 et 28 novembre 2019 en faveur de la poursuite des programmes relatifs au lanceur Ariane 6 et aux technologies de télécommunications et d’observation de la terre.

Le CNES porte en particulier une initiative en faveur du développement d’un Space Climate Observatory (SCO) qui renforcerait la mobilisation des outils spatiaux et la coordination des agences pour la lutte contre le dérèglement climatique. Des travaux de définition préliminaire et de maquettage ont été réalisés lors de plusieurs manifestations internationales et une déclaration conjointe d’intérêt a été signée mi-2019 par plus de vingt agences spatiales et organismes internationaux.

À l’inverse, la contribution française à EUMETSAT diminuerait de près de 35 millions d’euros (– 34,9 %) entre 2019 et 2020. Mais ce recul n’annonce pas de future dette. Le règlement de l’agence européenne ne l’autorise pas au demeurant, les États contributeurs étant tenus de verser dès le début de l’année l’intégralité des sommes dues. Cette baisse est permise à la fois par de moindres besoins à couvrir, les programmes européens entrant dans une phase basse de leur cycle, et par une réserve de 19,9 millions d’euros constituée par la France dans le fonds de roulement d’EUMETSAT qu’elle mobilisera entre 2020 et 2022 afin de compléter ses crédits budgétaires.

2.   Le programme 172 « Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires »

Les dotations du programme 172 pour 2020 augmenteraient surtout pour accompagner la mise en œuvre de dispositifs lancés ou annoncés ces deux dernières années. Sur la globalité, cela se traduirait par une hausse de 118,6 millions d’euros des AE (+ 1,7 %), avec un recul toutefois des CP de  0,2 million d’euros.

Ainsi, au sein de l’action 01 « Pilotage et animation », près de 48 millions d’euros en AE et plus de 46 millions d’euros en CP viendraient presque doubler le financement des programmes incitatifs et des plans prioritaires portés par le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche. Parmi ceux-ci, le nouveau plan intelligence artificielle (IA), annoncé par le Président de la République en 2018, bénéficierait en 2020 de la consolidation des 17 millions d’euros déjà mobilisés en gestion 2019 et d’un complément de 21 millions d’euros.

Parallèlement, au regard de son succès, le dispositif des conventions industrielles de formation par la recherche (CIFRE) ([1]) serait renforcé de 2,8 millions d’euros afin d’atteindre un volume de 1 450 conventions en 2020, auxquelles se rajouteraient une cinquantaine dans le cadre du plan IA.

Quelques autres millions d’euros supplémentaires seraient apportés pour le soutien à l’innovation, l’animation scientifique ou l’action européenne et internationale. Au total, cette action 01 augmenterait de 56,6 millions d’euros en AE (+ 27,6 %) et de 50,8 millions d’euros en CP (+ 24,5 %) en 2020.

L’action 14 « Moyens généraux et d’appui à la recherche », qui couvre les frais de fonctionnement des grands opérateurs de recherche (hors CNES) que l’on ne peut imputer à un domaine de recherche précis, bénéficierait de la plus forte progression en valeur absolue dans le programme 172, avec une hausse de 60,4 millions d’euros (+ 6,6 %) de ces crédits en AE et CP. Elle traduit, à hauteur de 33,4 millions d’euros, les impacts sur 2020 des mesures PPCR (parcours professionnels, carrières et rémunérations) et ICCSG (indemnité compensatrice de la hausse exceptionnelle de contribution sociale généralisée) qui ont été accordées aux personnels des opérateurs publics de la recherche à compter de 2017.

Mais les autres augmentations de crédits prévues en 2020 au sein du programme 172 concernent les grandes infrastructures de recherche. Outils de recherche mutualisés, leurs coûts de construction et d’exploitation nécessitent un processus de décision et de financement de niveau au moins national. En mai 2018, la quatrième édition de la feuille de route de la stratégie nationale des infrastructures de recherche a identifié 99 infrastructures labellisées, réparties en trois catégories : les organisations internationales (OI), les très grandes infrastructures de recherche (TGIR) et les infrastructures de recherche (IR). Nombre d’entre elles sont les composantes françaises d’infrastructures européennes en réseau ; d’autres sont cofinancées par plusieurs pays. L’importance stratégique croissante de ces dispositifs – et les recommandations de la Cour des comptes sur leur financement – a conduit l’État à ouvrir un chantier « Clarifier la gestion des TGIR » dans le cadre du plan de transformation ministériel. Les décisions qui en découleront devraient se traduire dans la future loi de programmation pluriannuelle de la recherche.

Certes, l’action 13 « Grandes infrastructures de recherche », spécifiquement dédiée au financement de plusieurs d’entre elles, reculerait de 11,6 millions d’euros (– 4,4 %) en 2020 par rapport aux dotations votées pour 2019, mais cette évolution serait le reflet du cycle des divers dispositifs. Certains devaient bénéficier d’investissements supplémentaires en 2019 ; ils retrouveraient en 2020 un niveau de dépenses équivalent à celui de 2018 – avec toutefois un renfort substantiel de près de 9 millions d’euros accordé à l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer (IFREMER) pour la flotte océanographique française et les flotteurs immersibles utilisés pour l’observation des océans.

De même, si l’action 15 « Recherches scientifiques et technologiques en sciences de la vie et de la santé » diminuait d’un peu moins de 5 millions d’euros (– 0,4 %) en 2020, les contributions françaises aux OI et TGIR seraient néanmoins revalorisées.

Quant aux contributions relevant des actions 17 « Recherches scientifiques et technologiques dans le domaine de l’énergie » et 18 « Recherches scientifiques et technologiques dans le domaine de l’environnement », elles seraient même significativement complétées : de + 19,1 millions d’euros en AE et + 24,9 millions d’euros en CP pour la première et de + 1,5 million d’euros en AE et CP pour la seconde. Ces rebasages expliquent au demeurant l’intégralité de la hausse des dotations de ces deux actions.

Au sein de l’action 17, le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) recevrait ainsi des renforts, par rapport à la loi de finances pour 2019, de 5,2 millions d’euros au titre de ses participations à plusieurs TGIR internationales, ainsi que 4,7 autres millions d’euros pour accompagner l’accélération du projet de réacteur thermonucléaire expérimental international (ITER), qui mobiliserait 157 millions d’euros en 2020. Il s’agit d’une machine expérimentale visant à démontrer la faisabilité d’un réacteur nucléaire utilisant le principe de la fusion. Il réunit trente-cinq pays et est en construction à Cadarache en France. Notre pays assume 20 % de son coût.

3.   Le programme 190 « Recherches dans les domaines de l’énergie, du développement et de la mobilité durables »

Hormis un complément de 1,8 million d’euros en AE et CP promis au Centre scientifique et technique des bâtiments (CSTB) par l’action 12 « Recherche dans le domaine des transports, de la construction et de l’aménagement », qui verrait ses dotations croître de 12,5 %, la seule autre progression des AE au sein du programme 190 bénéficiera au CEA.

Il devrait ainsi recevoir de l’action 16 « Recherche dans le domaine de l’énergie nucléaire » près de 29 millions d’euros supplémentaires en AE et CP par rapport aux dotations votées pour 2019 pour atteindre un total de 459,9 millions d’euros en 2020.

Ces crédits sont essentiellement destinés :

 au renforcement des mesures de sécurité autour des infrastructures nucléaires du CEA, à hauteur de 7 millions d’euros ;

 et pour une vingtaine de millions d’euros, à la poursuite des travaux sur les réacteurs à neutrons rapides refroidis au sodium afin de continuer à capitaliser les connaissances sur les réacteurs dits de 4e génération et le cycle du combustible au-delà de la suspension du projet ASTRID qui interviendra après la remise de son avant-projet détaillé (APD) prévue fin 2019.

Le programme ASTRID structurait depuis 2010 les recherches sur les réacteurs à neutrons rapides refroidis au sodium (réacteurs de 4e génération). Soutenu par le premier programme d’investissement d’avenir (PIA 1), il visait la mise au point d’un démonstrateur. Le programme avait été lancé dans un contexte où l’on pouvait craindre une raréfaction du combustible ; les perspectives ayant notablement changé depuis Fukushima, la poursuite des travaux d’exploration reste d’actualité, car la recherche nucléaire garde l’objectif de la fermeture du cycle de combustible avant la fin du siècle, mais le gouvernement a décidé de stopper la construction du démonstrateur, ne le jugeant plus nécessaire à moyen terme. Le programme est reporté de plusieurs décennies.

En 2019, le programme ASTRID est encore financé à hauteur de 61,8 millions d’euros par le PIA 1, auxquels il faut ajouter 15 millions d’euros correspondant aux personnels du CEA mobilisés, dont les rémunérations sont décomptées dans les subventions versées au commissariat.

Les financements du PIA 1 arrivent à leur terme cette année. Les personnels dédiés restent affectés à la poursuite des travaux de recherche et développement (basés sur la simulation cette fois) avec un renfort direct de l’État de 20 millions d’euros. Un total de 35 millions d’euros par an devrait ainsi être alloué à ce programme en 2020 et les années suivantes.

Enfin, les autres impasses de financement identifiées lors de la dernière trajectoire budgétaire pluriannuelle du CEA arbitrée par l’État fin 2015 sont également en voie de résolution sans que de nouveaux compléments du budget de l’État soient nécessaires en 2020. La dette du commissariat vis-à-vis d’ORANO Cycle (800 millions d’euros) sera apurée fin 2019 grâce à la mobilisation de 200 millions d’euros du compte d’affectation spéciale « Participations financières de l’État ». Et le projet de réacteur expérimental Jules Horowitz (RJH) trouvera les financements qui lui manquaient.

Le coût à terminaison de ce projet était évalué à 1,8 million d’euros, en partie financé par le PIA 1. Mais les besoins de financement restants, estimés à 582 millions d’euros fin 2015, se sont alourdis pour atteindre près de 900 millions d’euros. La question s’est alors posée de l’arrêt du projet. Lors du Comité de l’énergie atomique du 16 mai 2019, il a cependant été décidé d’achever sa construction. Le PIA 3 avait déjà pris le relais en 2018 avec une dotation de 300 millions d’euros supplémentaires étalée sur trois ans. Elle sera complétée à hauteur de 200 millions d’euros grâce à des efforts d’économies réalisés sur 2020–2026 par le CEA, principalement en reportant d’autres investissements dans le nucléaire ([2]). Un accord est par ailleurs en cours de négociation pour un soutien financier des partenaires industriels. Seul le solde final reviendra ultérieurement à l’État.

Toutes les autres actions du programme 190 verraient leurs dotations en AE reconduites aux mêmes montants que ceux votés en loi de finances pour 2019, à l’exception notable de la subvention dédiée à l’Institut français du pétrole et des énergies nouvelles (IFPEN) par l’action 17 « Recherche dans le domaine des nouvelles technologies de l’énergie » (cf. infra) – et hormis l’extinction de la sous-action 16.02 « Gestion des matières et déchets radioactifs : CNE – reprise des sources » qui finançait le groupement d’intérêt public CISBIO, absorbé par le CEA.

B.   Des dotations généralement préservées

1.   La plupart des autres actions sont reconduites

● Dans le programme 172, quand elles ne sont pas complétées pour mettre en œuvre les engagements pris antérieurement (cf. supra), la plupart des actions budgétaires seraient maintenues aux niveaux votés pour 2019.

Les unes (actions 16 « Recherches scientifiques et technologiques en sciences et techniques de l’information » et 19 « Recherches scientifiques et technologiques en sciences humaines et sciences sociales ») sont dédiées à des domaines de recherche précis, rassemblant les dépenses de personnels, de fonctionnement et d’infrastructures que l’on peut rattacher à ces secteurs.

Les autres (actions 11 « Recherches interdisciplinaires et transversales » et 12 « Diffusion, valorisation et transfert de connaissances et de technologies ») visent à favoriser l’interdisciplinarité des recherches menées sous la tutelle du CNRS et du CEA, pour la première, et à soutenir l’édition française en sciences humaines et sociales et développer l’« Open science » dans notre pays, pour la seconde.

Les subventions pour charges de service public versées aux opérateurs par les actions 17 « Recherches scientifiques et technologiques dans le domaine de l’énergie » et 18 « Recherches scientifiques et technologiques dans le domaine de l’environnement » seraient également reconduites en 2020.

L’action 02 « Agence nationale de la recherche » diminuerait toutefois de – 0,3 % (– 2,5 millions d’euros, répartis entre 0,6 million au titre du fonctionnement et 1,9 million au titre de ses interventions, c’est-à-dire ses appels à projets de recherche) en AE et surtout de – 14,1 % (– 121,5 millions d’euros) en CP entre 2019 et 2020. Mais si la baisse des AE pourrait, en théorie, imposer un rationnement à l’Agence nationale de la recherche (ANR) en 2020 – après qu’elle ait bénéficié d’un rebasage budgétaire de + 32,7 millions d’euros entre 2018 et 2019 –, le recul des CP ne traduit pas un désengagement de l’agence dans le financement de la recherche française en 2020.

Les dotations en CP seraient en effet à la hauteur exacte des besoins de décaissements anticipés par l’ANR pour le prochain exercice, contrairement à ce qui s’était produit dans le passé. Les sous-budgétisations récurrentes des CP pendant plusieurs années avaient créé une dette de l’ANR vis-à-vis des laboratoires et organismes porteurs de projets sélectionnés lors des appels à projets de l’agence. Un plan d’apurement de ces retards de versement avait été arrêté fin 2016 et les dotations en CP ont été particulièrement renforcées en 2018 et 2019. À compter de 2020, les crédits retrouvent donc un niveau cohérent avec les engagements pris.

Au demeurant, s’agissant des crédits en AE, le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche avait annoncé le 26 septembre 2019 ([3]) que « les capacités d’engagement de l’ANR […] continuent de croître de 32,7 millions d’euros ». Cette promesse ne se traduisant pas dans le montant facial des prévisions budgétaires pour 2020, sa réalisation pourrait passer par une minoration de la réserve de précaution. Selon les calculs de l’ANR, il faudrait que le taux de mise en réserve appliqué à ses crédits d’intervention soit ramené de 8 à 3 %. Interrogée par votre rapporteure pour avis, l’agence n’a ni confirmation, ni infirmation de ce geste. Aucun taux, ni montant ne lui ont été notifiés à ce jour. On relèvera cependant que la réserve pour 2019 a été maintenue à 54 millions d’euros, soit un taux de 8 %.

● S’agissant du programme 190, les subventions pour charges de service public destinées à l’Institut national de l’environnement industriel et des risques (INERIS) et à l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) par l’action 11 « Recherche dans le domaine des risques » ainsi qu’à l’Institut français des sciences et technologies des transports, de l’aménagement et des réseaux (IFSTTAR) par l’action 12 seraient à nouveau sanctuarisées.

De même pour le complément de subvention de 1,6 million d’euros versé par l’action 13 « Recherche partenariale dans le développement et l’aménagement durable » à l’Agence nationale de la sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES), qui correspond au cofinancement apporté par le ministère au plan national Santé-environnement.

Les autres lignes budgétaires de cette action 13 restent maintenues à 0,00 euro en AE et diminuent à nouveau de – 1,7 million d’euros en CP entre 2019 et 2020. Il s’agit en effet, pour la quasi-totalité, des dispositifs par lesquels le ministère mobilisait ses crédits incitatifs jusqu’en 2014. Ces lignes ne suivent plus que les décaissements induits par les derniers engagements. Elles devraient arriver à leur terme en 2020-2021.

Les prévisions de dépenses en faveur de la recherche fondamentale et appliquée et des équipementiers inscrites à l’action 14 « Recherche et développement dans le domaine de l’aéronautique civile » seraient aussi reconduites en AE à la hauteur des dotations votées pour 2019. Les CP augmenteraient cependant de 17,7 millions d’euros (+ 18,8 %), répartis entre une hausse de 24,5 millions d’euros (+ 33,1 %) en faveur de la recherche en amont et une diminution de 7 millions d’euros (– 37,7 %) sur la ligne dédiée aux équipementiers afin de suivre le rythme des décaissements prévus en 2020 pour les engagements antérieurs.

Les 135 millions d’euros en AE et 110,1 millions d’euros en CP de crédits budgétaires ont pris la suite des programmes d’investissement d’avenir 1 et 2 (PIA 1 et PIA 2), en particulier de l’action « Démonstrateurs technologiques aéronautiques » dont la dotation a été entièrement allouée à fin 2017. Ils visent à soutenir l’effort de recherche, très onéreux, d’une filière stratégique pour notre pays et qui évolue dans un contexte de compétition internationale agressive.

L’action 14 relève intégralement, depuis 2018 et pour tout le quinquennat, de l’action 18 du Grand plan d’investissement (GPI) « Soutenir les filières stratégiques ». Le soutien au développement d’aéronefs, de moteurs et autres équipements se fait par avances récupérables au fur et à mesure de la vente des produits mis au point.

Outre le renforcement de la sécurité, les travaux de recherche s’attachent à développer des technologies qui réduisent les impacts environnementaux des avions, leurs nuisances sonores et leurs émissions de gaz à effet de serre, les objectifs donnés par le Conseil stratégique pour la recherche aéronautique civile (CORAC) étant de diviser par deux leur consommation de carburants d’origine fossile et jusqu’à 80 % les émissions d’oxydes d’azote (Nox) à l’horizon 2050. Pour accélérer ces mutations dans le parc existant, le CORAC a notamment décidé la remotorisation des moyens et longs courriers d’Airbus.

En 2020, une cinquantaine de nouveaux projets, associant souvent industriels et organismes de recherche, devraient faire l’objet d’une décision de soutien.

Enfin, l’action 15 « Charges nucléaires de long terme des installations du CEA » est maintenue à 740 millions d’euros en AE et CP en 2020, comme chaque année depuis 2016. Elle concourt en effet à la constitution des provisions pour le démantèlement et l’assainissement des sites nucléaires se trouvant sous la responsabilité du commissariat, conformément aux articles L. 594-1 à L. 594-10 du code de l’environnement, ainsi qu’au financement des opérations en cours.

Le seul effort d’économie budgétaire affiché par le programme 190 repose sur l’IFPEN qui verra sa dotation réduite de 2 millions d’euros (– 1,1 %), la ramenant à 123,3 millions d’euros en AE et CP au sein de l’action 17 « Recherche dans le domaine des nouvelles technologies de l’énergie ». Le CEA, quant à lui, recevrait de la même action une dotation équivalente à celle votée pour 2019 de 51 millions d’euros en AE et CP.

2.   Les fusions d’organismes ne recherchent pas les économies, dans l’immédiat

La quasi-stabilité des subventions pour charges de service public versées aux opérateurs de recherche par les programmes 172 et 190 apparaît comme un privilège au regard des économies demandées à nombre d’autres acteurs des politiques publiques.

Cette préservation apparente de leurs ressources pourrait être mise en cause par le jeu des futures mises en réserve. En principe, les dotations allouées aux opérateurs de l’État subissent le gel d’une partie des crédits votés en loi de finances, à hauteur de 0,5 % sur les dépenses de titre 2 (dépenses de personnels) et de 8 % sur les autres dépenses. Mais en 2018, puis à nouveau en 2019, le ministère de la recherche et de l’enseignement supérieur et le ministère de la transition écologique et solidaire avaient été autorisés à ramener le taux de la réserve de précaution de 8 à 3 % sur les crédits d’intervention de leurs organismes de recherche, et même à accorder à certains d’entre eux des minorations pouvant aller jusqu’à 0,5 %. En 2018, ces aménagements ont permis de laisser 105,2 millions d’euros à la disposition des opérateurs relevant du programme 172.

Or, le taux appliqué aux crédits hors titre 2 pourrait être révisé à la hausse de 3 % à 4 % en 2020 pour tous les opérateurs, semble-t-il, avec en outre l’affirmation que ces réserves ne pourraient faire l’objet de dégel en cours d’exercice – et ce, afin de participer au financement des mesures « sociales » promises par le Gouvernement ces derniers mois. Le CEA, par exemple, perdrait alors 8 autres millions d’euros sur ses subventions nationales en 2020.

Nonobstant cette menace sur les capacités à agir des opérateurs de recherche, le maintien des ressources budgétaires à leur niveau actuel est à noter concernant des organismes qui feront l’objet de fusion en 2020. Il conviendra de regarder les prochaines années car il est assez courant d’attendre des économies d’échelle de ce type d’opérations. Cependant les auditions menées par votre rapporteure pour avis montrent qu’il n’en serait rien, dans l’immédiat.

● Ainsi en est-il de la création de l’Université Gustave Eiffel au 1er janvier 2020. Cette université nationale, aux missions se situant entre celles d’une université et d’un organisme de recherche, regroupera six des sept établissements du consortium I-SITE Future ([4]), qui développait des projets collaboratifs sur les thématiques de la ville de demain. Deux d’entre eux fusionneront en une même personnalité morale : l’Université Paris-Est Marne-la-Vallée et l’Institut français des sciences et technologies des transports, de l’aménagement et des réseaux (IFSTTAR). Le plafond d’emplois de l’IFSTTAR est transféré au programme 150 « Formation supérieure et recherche universitaire » qui n’imposera plus de baisse, contrairement au programme 190. Sa diminution de 7 ETPT en 2020 n’est que l’alignement du plafond à la réalité des emplois de l’institut. La subvention attribuée à l’institut reste attachée au programme 190 et est fixée en 2020 au même montant que celui voté pour 2019, soit 87,4 millions d’euros. Elle permettra de poursuivre le financement de plusieurs projets lancés par l’institut sur les quatre thématiques retenues : « Ville 2050 », « Mobilités et transitions numériques », Infrastructures et transition énergétique » et « Voyageur virtuel ».

Ce rapprochement créera ainsi une entité qui représentera 25 % des capacités nationales de recherche sur l’habitat et la ville durable, tout en lui associant une formation initiale et continue adaptée.

Auditionné par votre rapporteure pour avis, le ministère de la transition écologique et solidaire affirme qu’il n’y aura « pas d’économies avant deux ou trois ans », seulement une simplification de l’organisation. L’objectif est d’abord d’augmenter le rayonnement du nouvel établissement.

● Sera également opérée au 1er janvier de l’année prochaine la fusion de deux organismes, l’Institut national de la recherche agronomique (INRA) et l’Institut national de recherche en sciences et technologies pour l’environnement et l’agriculture (IRSTEA), en un nouvel opérateur de recherche, l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (INRAE). Non seulement les subventions prévues en 2020 au programme 172 ne seront pas réduites par comparaison à l’addition des dotations votées pour chaque établissement en 2019, mais elles seraient complétées par 15 autres millions d’euros. De même, celle inscrite au bénéfice de l’INRA par le programme 142 « Enseignement supérieur et recherche agricoles » progresserait de 1,9 million d’euros.

Une partie de ces hausses couvrira le financement du protocole « parcours professionnel, carrière et rémunération » engagé en 2017. Les autres ont été accordées pour accompagner cette fusion, soit en 2020 :

– le solde de l’enveloppe de 4 millions d’euros mobilisés à compter de 2019 pour accompagner le changement et l’adaptation des systèmes d’information des établissements ;

– la convergence indemnitaire (partielle) entre les personnels des deux établissements, dont l’impact budgétaire sera récurrent ;

– et la convergence scientifique des sites à compter de 2020 (notamment par le renforcement de la dotation de base des unités de recherche issues de l’IRSTEA).

Le programme 142 porte par ailleurs une première tranche du financement (estimé à 4,5 millions d’euros) de la reconstruction de la halle technologique de Montpellier appartenant à l’IRSTEA, outil majeur de recherche finalisée, en particulier pour les « zones non traitées » et qui s’était effondrée en 2018.

Au demeurant, les deux organismes ont assuré à votre rapporteure pour avis qu’aucun site ne serait fermé « aujourd’hui », ce qui était une préoccupation des personnels comme des collectivités territoriales où les établissements sont implantés.

Le processus a été lancé en 2018. Après que leurs équipes respectives ont évalué en interne les synergies que ce rapprochement créera, il a fait l’objet d’un dialogue social soutenu, dans des instances dédiées. Les conseils d’administration des établissements ont approuvé le projet INRAE en mai 2019 et le Conseil d’État a examiné les projets de décret organisant la future entité en septembre. Le projet entraînera des évolutions jusqu’en 2022-2023. L’INRA se déclare « confiant dans sa capacité à autofinancer cette convergence à horizon de deux à trois ans grâce à ses efforts de gestion ».

Des garanties ont été données aux personnels : outre la convergence indemnitaire et la préservation géographique des sites, il leur a été assuré que les unités de recherche ne seraient pas touchées dans leur périmètre, et que les employés directement concernés par la fusion (plus d’un millier de personnes essentiellement dans les fonctions d’appui) n’auront pas à changer de métier, ni de résidence administrative.

Les économies attendues à moyen terme porteraient donc sur les dépenses de fonctionnement redondantes et non sur les personnels qui seraient redéployés pour renforcer de nouveaux services de structure et d’appui.

En réunissant plus de 10 000 personnels – dont plus de 8 500 titulaires – et un budget total d’environ 1 milliard d’euros, il s’agit d’accroître la visibilité et l’attractivité de l’INRAE. Il deviendra en effet le deuxième acteur international dans le champ des sciences agricoles, le quatrième pour les sciences de l’animal et du végétal et le dixième pour l’environnement. Son nouveau contrat d’objectifs et de performance devrait l’inscrire de manière plus volontariste que jamais dans les objectifs de développement durable de l’ONU (ODD).

Selon l’INRA, il y avait peu de redondances entre les travaux des deux organismes et surtout de « belles complémentarités » dans leurs thématiques et dans leurs réseaux territoriaux. Le rapprochement des expertises et compétences de leurs équipes respectives et la mise en commun des données et des infrastructures de recherche devraient permettre au nouvel opérateur de répondre de manière globale et intégrée aux défis majeurs et souvent systémiques de la sécurité alimentaire et nutritionnelle, de la gestion des risques naturels et anthropiques, de la gestion des ressources, de la réduction des intrants et des déchets et de la résilience des écosystèmes sociaux.

II.   Mais qui ne prévoit aucun renforcement de la recherche publique sur les énergies renouvelables

L’État se montrant capable de mobiliser l’an prochain 360,5 millions d’euros supplémentaires sur les trois programmes examinés, au bénéfice notamment des diverses infrastructures nucléaires, il est difficile de comprendre pourquoi les moyens budgétaires alloués aux travaux de recherche sur les thématiques du développement durable et de la transition énergétique stagneront, et même reculeront dans certains cas.

On a vu qu’hormis pour le CSTB et en dehors du soutien au financement des OI et TGIR, de la couverture des mesures salariales accordées en 2017 et de quelques mesures d’accompagnement des réformes en cours, les subventions pour charges de service public promises aux opérateurs compétents sur ces domaines seront au mieux reconduites.

Les thématiques « durables » ne sont, par ailleurs, traitées qu’à la marge parmi les programmes incitatifs et plans prioritaires (faisant l’objet d’« appels à projets spécifiques » de l’Agence nationale de la recherche – ANR) dont l’enveloppe consacrée par l’action 01 du programme 172 doublera pourtant en 2020 à 90 millions d’euros. Tout au plus, le programme « Make our planet great again » gagnera-t-il 0,4 million d’euros ([5]).

Il n’existe pas davantage d’espoir de renfort du côté des appels à projets génériques (AAPG) de l’ANR (action 02 du programme 172). La mobilisation actuelle n’est pourtant pas massive : l’ensemble de ces champs d’étude devrait recevoir moins de 90 millions d’euros sur l’enveloppe de 552,5 millions d’euros ([6]) de l’édition 2019.

Ainsi, selon le décompte provisoire de l’ANR, sur un total de 1 471 projets sélectionnés sur l’exercice 2019, 108 portent sur la gestion des milieux et des ressources non minérales – dans une conception large du champ d’étude ([7]) – et recevront un volume total d’aides de 46,7 millions d’euros. À ce bilan, s’ajoutent des projets bilatéraux financés dans le cadre de l’AAPG sur l’instrument PRC international ([8]) (en attente de finalisation pour 2019) et la participation de l’ANR à 7 appels à projets européens et internationaux traitant de ces problématiques, pour environ 14 millions d’euros (tel l’AAP spécifique « Sargasses » avec les collectivités territoriales de Guadeloupe, Martinique et Guyane, l’ADEME et des agences brésiliennes doté de 2 millions d’euros).

Concernant les travaux relatifs à l’énergie et à la gestion des ressources minérales ([9]), les AAPG de 2019 mobiliseront 41,35 millions d’euros, pour un total de 109 projets. Cela traduirait un léger progrès puisque les AAPG de 2018 n’avaient consacré que 40,7 millions d’euros à ces thématiques. Il n’en reste pas moins que ces interventions oscillent entre 40 et 45 millions d’euros depuis plusieurs années. Ce décompte est complété par le financement de deux actions spécifiques d’un total de 5 millions d’euros et deux actions multilatérales représentant une participation d’un peu moins de 2 millions d’euros. Deux autres projets multilatéraux devraient s’ajouter en 2020.

Quand on considère la seule thématique de l’énergie – qui recouvre tout de même des problématiques aussi diverses que sa production durable, son stockage, la gestion des réseaux et l’efficacité énergétique –, le bilan est encore plus modeste : depuis plusieurs années, c’est à peine une vingtaine de millions d’euros par an qui reviennent aux projets « énergétiques » dans le cadre des appels à projets génériques de l’ANR. Et parmi ceux-ci, l’agence estime que les travaux portant sur les énergies renouvelables proprement dites (EnR) ont représenté un total cumulé de 73 projets et 32 millions d’euros d’aides entre 2014 et 2018.

En outre, on constate que ces investissements « énergétiques » ont sensiblement diminué, comme le montre le schéma ci-après, établi par les services du MESRI à la demande de votre rapporteure pour avis.

Notes : PRCI : projets de recherche collaborative, hors AAPG ; dans les AAPG, JCJC : Jeunes chercheuses et jeunes chercheurs ; PRC : projets de recherche collaborative ; PPP (2014) : projets en partenariat public-privé ; PRCE (à partir de 2015) : projets de recherche collaborative-entreprises.

Cette regrettable évolution résulte de plusieurs facteurs qui seront analysés plus loin : orientations énergétiques peu contraignantes des AAPG, prépondérance des sujets de recherche fondamentale, moindre mobilisation de la communauté scientifique sur ces recherches de rupture… Il est aussi visible que la forte réduction des moyens d’action de l’ANR entre 2011 et 2015 a pesé sur les enveloppes distribuées. Mais si les rebasages budgétaires réalisés depuis 2016 ont permis à l’ANR de retrouver un budget d’intervention presque au niveau de 2012, cela n’a pas suffi à relancer véritablement les financements destinés aux projets « énergétiques ». En 2019, leur part retrouve à peine son niveau de 2017, 23,6 millions d’euros (+ 2,7 millions d’euros), pour 57 nouveaux projets (dont 30 % dans les EnR), alors que les dotations budgétaires de l’agence ont été renforcées de 32,7 millions d’euros. Et l’on a vu qu’en 2020, ces financements pourraient légèrement régresser.

Or, en parallèle, les autres dispositifs susceptibles de contribuer au financement national de la recherche publique sur les énergies renouvelables ne mobilisent pas davantage de moyens en 2020, alors même que l’urgence de la transition énergétique s’affirme plus que jamais.

Pourtant, le Gouvernement affiche des ambitions hautes et fortes. Le projet de programmation pluriannuelle (PPE) de l’énergie 2019-2023 et 2024‑2028, présenté à la consultation en février de cette année, ne mâche pas ses mots : « Le danger immédiat qui guette notre civilisation, le réchauffement climatique, trouve sa cause dans la production de gaz à effet de serre dont environ 70 % résultent de notre consommation d’énergies fossiles. (…) La Stratégie nationale bas-carbone (SNBC) ([10]) décrit la feuille de route de la France pour réduire ses émissions de gaz à effet de serre à l’horizon 2050. Pour atteindre cet objectif, il sera nécessaire (…) de substituer aux énergies fossiles des énergies décarbonées. ». Ses objectifs sont en apparence volontaristes – alignés sur le scénario de la SNBC pour la période visée.

Le scÉnario retenu pour la prochaine PPE

Consommation finale d’énergie

Baisse de 7 % en 2023 et de 14 % en 2028 par rapport à 2012

Consommation primaire des énergies fossiles

Baisse de 20 % de la consommation primaire d’énergies fossiles en 2023 et de 35 % en 2028 par rapport à 2012

Émissions de gaz à effet de serre issues de la combustion d’énergie

277 MtCO2 en 2023 ; 227 MtCO2 en 2028

Soit une réduction de 14 % en 2023 et de 30 % en 2028 par rapport à 2016 (322MtCO2)

Consommation de chaleur renouvelable

Consommation de 196 TWh en 2023 ; entre 218 et 247 TWh en 2028

Soit une augmentation de 25 % en 2023 et entre 40 et 60 % en 2028 de la consommation de chaleur renouvelable de 2016 (155TWh)

Production de gaz renouvelable

Production de biogaz injecté à hauteur de 14 à 22TWh en 2028 sous l’hypothèse d’une forte baisse des coûts (35 à 55 fois la production de 2017)

Capacités de production d’électricité renouvelable installées

74 GW en 2023, soit + 50 % par rapport à 2017

102 à 113 GW en 2028, doublement par rapport à 2017

Capacités de production d’électricité nucléaire

2 réacteurs nucléaires arrêtés en 2023 ; 4 à 6 réacteurs nucléaires fermés d’ici 2028 ; fermeture de 14 réacteurs nucléaires d’ici 2035, date d’atteinte d’une part de 50 % d’électricité nucléaire dans le mix électrique.

Le projet de loi relatif à l’énergie et au climat adopté le 26 septembre 2019 ([11]) a repoussé à 2035 l’échéance pour atteindre un mix électrique composé à 50 % de source nucléaire. Mais remonter la part des énergies renouvelables des 17 % constatés en 2017 à 50 % en 2035 nécessite, en tout état de cause, des investissements massifs dans le développement de nouvelles infrastructures de production et de réseaux de distribution adaptés.

Cela suppose aussi la résolution de divers problèmes technologiques et la mise au point de solutions originales. La recherche et l’innovation dans le domaine de l’énergie s’imposant comme des clés de la réussite de la future programmation, le projet de PPE (que l’on peut considérer comme la feuille de route que le Gouvernement se donnera pour la transition énergétique) fait de leur simplification administrative et de leur renforcement des priorités d’action. Il rappelle en outre les cibles qu’il convient de donner à leurs travaux :

– la décarbonation de l'énergie, l’efficacité énergétique, le stockage de l’énergie et la gestion intelligente des réseaux de transport et de distribution, essentiels pour accompagner le déploiement d’énergies intermittentes et décentralisées, ainsi que les solutions de capture, stockage et réutilisation du carbone ;

– l’amélioration des process visant l’efficacité « carbone » et environnementale, l'optimisation, le recyclage et la réutilisation des ressources ;

– enfin, les innovations sociales (évolution des comportements, conduite et appropriation du changement) et organisationnelles (politiques publiques) qui devront accompagner cette transition énergétique.

L’aboutissement de ces chantiers demanderait, à l’évidence, la mobilisation immédiate de moyens très substantiels pour espérer lever les verrous scientifiques et technologiques dans des délais plutôt rapides pour la science.

Le Gouvernement préfère-t-il attendre la prochaine loi de programmation pluriannuelle de la recherche, prévue pour la fin de l’année prochaine, et la réforme du financement de la recherche publique qu’elle pourrait porter ? Force est de constater que l’on ne voit pas la traduction de ses ambitions énergétiques dans le projet de loi de finances pour 2020.

A.   Certes, les programmes d’investissements d’avenir ont permis d’ouvrir de nouveaux chantiers en aval

Les dotations des programmes 172 et 190 ne sont pas les seules sources nationales de financement à la disposition de la recherche française sur les énergies décarbonées non nucléaires.

● L’Union européenne, en premier lieu, propose de très importants moyens pour la recherche et développement énergétique. Son programme Horizon 2020 (H2020), en particulier, alloue un budget de 5 931 millions d’euros à cette recherche (hors nucléaire, le programme Euratom disposant d’un budget propre de 1,6 milliard d’euros) pour la période 2014-2020. Cet effort devrait être prolongé par le futur programme Horizon Europe qui prévoit notamment de flécher 15 milliards d’euros au cluster 4 Énergie-climat-transport.

La France contribue et continuera à contribuer à ces budgets. Son apport s’est élevé à environ 16 % du programme H2020. Malheureusement, les acteurs français sollicitent encore trop peu ces financements. Le taux de retour des crédits européens vers les projets nationaux piétine aux alentours de 10 % depuis plusieurs années. Le Gouvernement a donc lancé un plan d’action pour améliorer la participation des chercheurs français aux dispositifs européens.

● Face à l’urgence et à l’ampleur des enjeux, les efforts doivent être collectifs. Même s’ils ne sont pas réservés aux énergies renouvelables, on peut aussi évoquer les soutiens mis en place par l’État au bout de la chaîne de la recherche et de l’innovation françaises, afin de stimuler et accompagner les acteurs privés dans le développement et la commercialisation de produits répondant à des besoins nouveaux et intégrant des technologies de pointe, entre autres :

– les incitations fiscales et sociales comme le crédit d’impôt recherche –sur lequel votre rapporteure pour avis revient en fin de rapport –, le crédit d’impôt innovation et le dispositif d’allègement des charges en faveur des jeunes entreprises innovantes ;

– les diverses aides et les soutiens en fonds propres que la banque publique pour l’innovation, BpiFrance, peut apporter aux entreprises innovantes depuis 2012 ;

– le Fonds unique interministériel (FUI) qui soutient, en lien avec les régions, les projets collaboratifs ayant un potentiel de mise sur le marché à court terme qui sont identifiés par les pôles de compétitivité ;

– ou encore le Fonds pour l’innovation, créé en 2018 avec une dotation de 10 milliards d’euros générant un rendement annuel estimé à 250 millions d’euros. Les enveloppes mobilisées sur de grands défis d’innovation, tel celui portant sur le stockage de l’énergie retenu en décembre 2018, ont vocation à créer ou orienter les filières vers des secteurs à forts enjeux technologiques et sociétaux.

Le présent rapport ne s’attachant qu’à la recherche publique, seul le crédit d’impôt recherche fera l’objet, plus loin, d’une tentative d’évaluation de son impact sur celle-ci.

● Toujours en aval de cette chaîne, mais ciblant des stades moins avancés des processus d’innovation, il convient de citer les dispositifs développés grâce aux programmes d’investissement d’avenir (PIA), à savoir :

– une enveloppe de plus de 2,3 milliards d’euros alloués par le PIA 2 aux démonstrateurs technologiques en aéronautique, secteur lui-même confronté aux défis énergétiques de demain ;

– une huitaine de plateformes publiques-privées, les instituts pour la transition énergétique (ITE). Ils ont été créés pour stimuler la recherche et l’innovation en constituant des campus d’excellence qui rassemblent recherche académique, grands groupes industriels et PME sur des thèmes spécifiques de la transition énergétique (photovoltaïque, bâtiments, villes, énergies marines, réseaux, chimie verte et véhicule décarboné). Les ITE ciblent le développement industriel d’une filière complète, depuis l’innovation technologique jusqu’au démonstrateur et au prototype industriel. Lancés à partir de 2010 avec une enveloppe initiale de 406,6 millions d’euros, ils feront l’objet d’une évaluation en 2020 afin de préciser leurs stratégies scientifiques respectives et de décider de leur prolongation jusqu’en 2024, sous réserve d’un partage équilibré des financements entre public et privé ;

– depuis 2010 également, la gestion par l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME) de plusieurs volets des PIA traitant, directement ou indirectement, des diverses questions énergétiques. Celui consacré aux « Démonstrateurs de la transition écologique et énergétique », en particulier, a contribué à soutenir entre 2010 et 2017 une étape cruciale dans la mise au point des innovations. Une nouvelle enveloppe allouée par le PIA 3 en 2017 est venue poursuivre ces investissements. 1 milliard d’euros supplémentaires, répartis entre des aides d’État (600 millions) et des apports en fonds propres (400 millions), financent désormais trois actions : les « Démonstrateurs territoriaux et d’innovation de grande ambition », le concours d’innovation et l’action « Accélérer le développement des écosystèmes d’innovation performants », exclusivement dédiée aux transports et à la mobilité. 300 millions d’euros sont spécialement fléchés sur la première action ; mais, en cumulé depuis 2011, ce sont 1 493 millions d’euros qui ont été engagés sur 457 projets de démonstrateurs. Le dispositif a ainsi prouvé son efficacité. L’ADEME craint toutefois que le seuil des candidatures ne soit remonté à 2 millions d’euros, ce qui exclurait les plus petits projets dont on a autant besoin que des grands, estime-t-elle.

Quant au concours d’innovation, l’agence et l’IFPEN regrettent que ses financements soient réservés aux seules PME, interdisant qu’un organisme de recherche, plus expérimenté, puisse assurer le rôle de coordonnateur de projet.

Quoi qu’il en soit, les soutiens apportés par ces dispositifs sont précieux et déterminants car ils permettent de pallier le manque fréquent (souligné par de nombreux acteurs) d’appétence de nos filières industrielles à s’emparer d’un projet non immédiatement commercialisable, ou à l’insuffisante maturité de certains secteurs pour en assurer le relais industriel, voire à l’absence de filière (particulièrement dans le secteur des énergies renouvelables). Autant de difficultés auxquelles se heurte le développement opérationnel des nouvelles énergies dans notre pays.

Le co-investissement public est alors un levier pour l’engagement financier du privé. Il peut aussi influencer son volume : les ministères remarquent que l’État (ou ses opérateurs) doit souvent porter plus de la moitié des investissements pour décider nos industriels. Et parfois cela ne suffit pas.

Les chiffres communiqués par le MESRI sur l’évolution des projets collaboratifs financés par l’ANR montrent même un certain désengagement des entreprises ces dernières années (cf. supra) et ce, malgré le soutien du crédit d’impôt recherche. Les raisons en sont multiples. Entre autres : l’ADEME a cité une étude récente d’Ernst and Young ([12]) qui montre l’efficacité des dispositifs français d’amorçage, mais aussi les fragilités des jeunes « pousses » à porter la maturation de leurs projets par manque de fonds propres suffisants. Pour y répondre, l’agence vient justement de créer un nouvel outil, « Ademe investissement ».

Au demeurant, certaines thématiques énergétiques n’ont jamais ou peu mobilisé les entreprises : qu’il s’agisse d’efficacité énergétique des procédés industriels et des équipements, de bioénergies, de captage et de stockage du CO2, des fuels solaires ou de la valorisation du CO2.

Les grands opérateurs de la recherche française dans l’énergie sont ainsi conduits à favoriser la création de start-up, voire à les créer eux-mêmes, pour expérimenter les prototypes qu’ils mettent au point – avec les difficultés déjà évoquées.

En amont de la chaîne de recherche-innovation, leur « solitude » est plus criante encore. Même quand les travaux sont technologiquement avancés, les phases de modélisation et d’adaptation aux différents usages trouvent peu de partenaires industriels, hors les ITE et quelques laboratoires communs. La désaffection du privé s’aggrave évidemment aux étapes antérieures.

Or, les besoins de recherche restent significatifs pour optimiser les technologies, les finaliser ou pas, lever les verrous, combler les manques, imaginer de nouvelles approches… Pour la seule recherche-développement et innovation, l’ADEME identifie plusieurs champs encore insuffisamment explorés selon elle : les dernières mises au point de l’éolien flottant en mer, l’augmentation de la qualité et des performances des méthaniseurs, jugés encore trop chers, les solutions hydrogène, la diversification des usages de la biomasse, la création d’une filière nationale et les questions que cette exploitation soulèverait en termes de gestion des forêts et d’arbitrages avec les besoins de stockage du carbone, ainsi que celles posées par la démultiplication des sites de production d’électricité renouvelable (stockage, gestion des flux, exportations) – des champs de travail pourtant recommandés par la PPE.

Aussi des financements publics substantiels sont-ils plus que jamais indispensables au développement des énergies renouvelables.

L’ADEME porte elle-même un programme d’appels à projets de recherche et développement auquel elle consacre chaque année 20 à 25 millions d’euros, ainsi que 3 millions d’euros pour 50 nouvelles thèses doctorales, sur cinq grandes thématiques dont l’Énergie durable, la Forêt, l’agriculture et la bioéconomie et Énergie, ressources, environnement et société. Elle envisage notamment de flécher 30 % des thèses attribuées en 2020 aux champs Ressources-énergie.

Ces aides viennent utilement compléter les appels à projets de l’ANR, qui explorent aussi les diverses thématiques de l’énergie, comme elles sont détaillées dans le tableau ci-après.

Répartition des aides de l’ANR entre les thématiques de l’Énergie

Source : ANR 2019. Montants en millions d’euros.

Il n’en reste pas moins que tous ces investissements sont sans commune mesure avec les moyens mobilisés dans les nouvelles technologies de l’énergie par les organismes publics de recherche. Même si ces moyens sont rationnés, les opérateurs historiques restent donc les principaux acteurs de la recherche sur les énergies renouvelables.

B.   Mais malgré les résultats obtenus par les opérateurs historiques, le développement de ces recherches piétine

Les acteurs publics et privés de la recherche dans l’énergie sont multiples. Pour renforcer leur coordination, ils sont invités à participer à l’alliance thématique ANCRE ([13]) qui constitue un cercle d’échanges et intervient dans la sélection par AAPG des projets se positionnant sur les axes énergétiques du plan d’action de l’ANR. Cependant, le secteur est essentiellement animé par quelques grands opérateurs publics.

1.   Les contributions spécialisées de l’INRA et de l’IRSTEA

Certains organismes spécialisés dans d’autres secteurs ont été amenés à contribuer aux travaux sur les énergies renouvelables, tels l’INRA et l’IRSTEA.

● L’INRA mobilise plusieurs unités et plateformes de recherche sur quatre ressources :

– la forêt et le bois qui représentent le premier réservoir de bioénergies ;

– la méthanisation et les énergies associées comme l’hydrogène (power-to-gaz). Les travaux menés depuis trente ans par son unité LBE de Narbonne, notamment, sont mondialement reconnus. Il inscrit ses recherches dans le concept plus général de « bioraffinerie environnementale », c’est-à-dire la production, à partir de la biomasse, à la fois, de produits chimiques, de biocarburants, d’énergie, d’agromatériaux (incluant les fibres végétales) et d’ingrédients alimentaires. Mais les études de l’INRA portent aussi sur la disponibilité de la ressource, le bouclage des cycles de carbone, l’acceptabilité sociale et la bioéconomie.

Parallèlement, l’INRA et GRDF ont signé en février 2018 une convention cadre pour développer la méthanisation en secteur agricole ;

– la combinaison, sur une même surface, de cultures agricoles et panneaux solaires ;

– enfin, la production de biomasse pour le bioéthanol et sa transformation en bioéthanol. Certaines équipes mènent des travaux « amont » pour développer de nouvelles souches bactériennes. D’autres ont contribué à la mise en place de démonstrateurs : pour le projet FUTUROL avec l’IFPEN (cf. infra) et sur Toulouse white Biotechnology (TWB).

Le démonstrateur TWB

Le concept du démonstrateur Toulouse White Biotechnology est né en 2010, grâce une dynamique impliquant des acteurs locaux, académiques et industriels, souhaitant créer une infrastructure d’excellence en biotechnologies blanches. Lauréat en mars 2011 de l’appel à projet PIA « Santé et Biotechnologie – Démonstrateurs préindustriels », TWB bénéficie d’une aide de l’ANR de 20 millions d’euros sur dix ans ainsi que du soutien financier de plusieurs collectivités territoriales et de l’Europe dans le cadre du programme FEDER. Il a démarré en octobre 2011 avec une trentaine de partenaires publics et privés regroupés au sein d’un consortium ; ils sont désormais une cinquantaine.

Le démonstrateur pré-industriel a un statut d’unité mixte de service (UMS), sous la triple tutelle de l’INRA, de l’INSA Toulouse et du CNRS. Il est labellisé par l’Institut Carnot 3BCar. Aux industriels, entrepreneurs en biotechnologie et chercheurs, TWB propose des ressources humaines et techniques, un savoir-faire et l’expertise nécessaires pour développer de nouvelles filières biologiques de production, alternatives aux filières conventionnelles. L’activité repose sur l’utilisation d’outils biologiques innovants (enzymes, microorganismes, consortia microbiens) qui peuvent être implantés au cœur de procédés industriels pour les marchés de la chimie (produits de base, pharmacie, arômes, etc.), des matériaux et de l’énergie.

● Une dizaine d’équipes de l’IRSTEA investissent aussi les pistes de la biomasse forestière (mise au point d’outils et de modèles pour évaluer sa disponibilité et les impacts de ses différents modes d’exploitation et de renouvellement) et de la méthanisation (études des procédés et des filières les plus efficaces selon les situations locales). L’institut se penche tout particulièrement sur la prise en compte des inégalités territoriales et l’évaluation des potentiels des territoires. L’IRSTEA coordonne par ailleurs le projet H2020 DECISIVE qui a pour objectif de développer des microméthaniseurs pour traiter les biodéchets municipaux en milieu urbain et périurbain à l’échelle d’un quartier.

L’institut travaille également sur de nouveaux procédés bioélectrochimiques, utilisés en couplage avec les filières de traitement existantes, afin de valoriser la matière organique résiduaire en produisant des molécules organiques plate-forme au-delà de la seule production de méthane. Amorcé en 2011 dans le cadre du PIA BIORARE, le projet est entré en phase de maturation technologique avec Suez.

Néanmoins, l’énergie n’est pas leur vocation première de ces organismes. Les recherches énergétiques dans notre pays reposent largement sur trois grands opérateurs : le CNRS, le CEA et l’IFPEN, dont les investissements dans les énergies renouvelables sont réels et substantiels, mais dont le volontarisme se heurte aux injonctions contradictoires de l’État.

2.   Les moyens en recul du CNRS

Le Centre national de la recherche scientifique (CNRS) se positionne plus spécifiquement sur des travaux de recherche fondamentale, c’est-à-dire des travaux théoriques ou expérimentaux entrepris essentiellement en vue d’acquérir de nouvelles connaissances sur les fondements de phénomènes ou de faits observables, sans qu’aucune application ou utilisation pratiques ne soient directement prévues (ils peuvent être classés aux niveaux TRL 1 à 4 ([14])). Mais, à travers ses collaborations avec d’autres organismes et même des entreprises, il participe aussi à des travaux plus avancés dans la chaîne de la recherche‑développement-innovation.

En 2018, son budget s’est établi à 3 453 millions d’euros, grâce des subventions du budget de l’État de 2 615 millions d’euros et 838 millions d’euros de ressources propres (issues de l’ANR, de l’Union européenne, des PIA, de ses brevets et de contrats de partenariat). En 2019, le CNRS prévoyait 2 630 millions d’euros de subventions et 788 millions d’euros de ressources propres. Les dotations de l’État ont progressé pour accompagner les mesures « Fonction publique », soutenir ses investissements dans plusieurs TGIR et renouveler une mesure de soutien aux laboratoires (à hauteur de 10,6 millions d’euros). En 2020, une nouvelle augmentation est prévue, d’environ 37 millions d’euros en AE et 39 millions d’euros en CP (avant mise en réserve) ([15]), essentiellement pour financer les mesures salariales. Ses plafonds d’emplois (28 597 ETPT sous plafond et 7 865 hors plafond) ne seraient pas modifiés.

Les recherches qu’il mène ou pilote sur les thématiques énergétiques sont coordonnées par sa « cellule Énergie » et sont en grande partie organisées autour de deux de ses instituts : l’Institut de chimie (INC) pour les énergies renouvelables et le stockage et l’Institut des sciences de l’ingénierie et des systèmes (INSIS), notamment pour les domaines « transports » et « bâtiments-villes ».

Entre 2011 et 2016, 135 brevets ont été déposés par les unités du CNRS sur les sujets énergétiques, dont près de 40 % concernaient les EnR. L’opérateur avait déjà déposé bien d’autres brevets dans ces domaines, mais depuis dix ans il a nettement accentué ses investissements pour protéger et valoriser les résultats de la recherche française. Il a par ailleurs plusieurs projets de pré-maturation avec des SATT ([16]) et plusieurs laboratoires communs avec des entreprises.

Selon le MESRI, aujourd’hui, 207 unités pilotées par le CNRS seraient concernées par les recherches sur les énergies renouvelables et 121 par les travaux sur le stockage et les réseaux. Le CNRS précise que sur les 4 546 ETPT que comptent ces unités, 30 %, soit 1 676 ETPT – dont une part importante de personnels du CNRS – travaillent sur les EnR selon la répartition suivante :

répartition des ETPT des unités du CNRS par thématiques énergétiques

Source : CNRS sur l’année 2018.

Leurs recherches sont soutenues par le financement direct des laboratoires, la mise à disposition de personnels, la distribution de bourses doctorales et des appels à projets de la cellule « Énergie » ou des instituts. Les tableaux ci-après décrivent l’évolution du nombre des ETPT dédiés aux champs de l’énergie (dont les EnR) ainsi que celle des contributions de chaque partenaire (soit, pour le CNRS, la masse salariale, les dotations aux unités et aux appels à projets thématiques).

Répartition des Investissements des unités du CNRS dans l’énergie

(en ETPT et en millions d’euros)

Contributeurs

2016

2017

2018

ETPT

Coût

ETPT

Coût

ETPT

Coût

CNRS

1 568

129,91

1 592

129

1 286

117,61

Université/Écoles

3 332

206,41

3 639

223,94

2 652

170,11

Autres

637

34,25

625

35,55

607

34,25

TOTAL

5 538

345,68

5 856

364,75

4 546

321,97

Source : enquêtes CNRS.

Évolution des INVESTISSEMENTS DES UNITÉS DU CNRS DANS LES EnR

(en ETPT et en millions d’euros)

 

2016

2017

2018

Effectifs

2 003

2 140

1 676

Coûts salaires et fonctionnement

56,8

53,8

49,2

Source : CNRS 2019.

Enfin, l’effort budgétaire consenti en propre par le CNRS sur les questions énergétiques s’est décomposé selon les tendances suivantes :

Évolution de l’Effort budgétaire du CNRS dans l’énergie

(en millions d’euros)

 

Coûts en 2016

Coûts en 2017

Coûts en 2018

Coût des personnels

105,03

105,26

89,5

Fonctions support et part du FEI (dotations aux unités et actions spécifiques)

24,88

23,75

28,1

TOTAL

129,91

129

117,61

Source : CNRS 2019

Sur chaque indicateur, on constate une décroissance progressive des moyens engagés dans les recherches sur l’énergie, et notamment sur les EnR, que ce soit sur la globalité, sur la part assumée par le CNRS, en personnels mobilisés, mais aussi, bien que dans une moindre proportion, en dépenses.

Interrogé par votre rapporteure pour avis, le CNRS explique qu’« il fait avec les moyens dont il dispose ». Le nombre de thésards, notamment, avait baissé en 2018. Surtout, le nombre de projets acceptés par les appels à projets de l’ANR et de l’Europe ayant diminué, les recrutements des post-doctorants en contrats à durée indéterminée ont également baissé. De fait, comme le souligne l’opérateur, ce recul est le reflet de la diminution depuis 2012 de la dépense publique en recherche et développement dans l’énergie et plus encore dans les EnR.

Enfin, à cette contrainte s’ajoute celle que fait peser l’alourdissement du coût unitaire des personnels. Entre 2017 et 2018, il aurait augmenté de 0,8 à 0,9 million d’euros en moyenne au CNRS, sous l’effet des mesures « Fonction publique » mais aussi des évolutions structurelles du GVT (glissement-veillesse-technicité) que les subventions pour charges de service public ne couvrent plus depuis plusieurs années.

Malgré ces rationnements, le CNRS assure que la recherche publique française est d’une excellente qualité dans plusieurs domaines des EnR, comme l’énergie photovoltaïque, l’énergie marine et la biomasse.

3.   La place incontestée du nucléaire au CEA

En 2019, le budget prévisionnel du Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) s’élève à 3 017 millions d’euros. Si l’on retire les 740 millions d’euros annuels de fonds dédiés aux opérations de démantèlement et d’assainissement (action 15 du programme 190), les soutiens financiers au calcul intensif et à diverses TGIR nucléaires – dont le projet RJH – via les PIA, ainsi que la contribution du programme 191 « Recherche duale » à ses activités pour la défense, ses ressources sont constituées :

– de recettes propres (ANR, Europe, brevets et contrats avec des industriels) qui, après une période de croissance entre 2010 et 2014, tendent à diminuer depuis. Cette année, environ 852 millions d’euros seraient attendus, en recul de près de 20 millions ;

– et de plus de 1,15 milliard d’euros de subventions du budget de l’État (programmes 172 et 190), qui devraient atteindre 1,2 milliard d’euros en 2020 (en hausse d’une trentaine de millions d’euros). Toutefois, leur volume et la croissance qu’elles connaissent depuis trois ans reflètent davantage le poids pris par les investissements dans plusieurs grandes infrastructures de recherche que l’amélioration des capacités d’action du CEA. Ainsi, le projet ITER mobilise-t-il une enveloppe de 148 millions d’euros en 2019, puis à nouveau en 2020 (inscrite à 157 millions d’euros avant mise en réserve). De même, les 29 millions d’euros supplémentaires promis par le programme 190 en 2020 correspondent surtout à une « rebudgétisation » des crédits consacrés aux travaux sur les réacteurs nucléaires de quatrième génération et le cycle du combustible avec la fin du PIA « Astrid » (cf. partie I).

De fait, le CEA observe que les dotations qui lui sont allouées par le programme 190 au titre des recherches dans le domaine de l’énergie ont décru régulièrement depuis 2014, tant en lois de finances initiales qu’en exécution.

Or, on a vu que ses marges d’intervention pourraient être encore rognées en 2020 avec l’application d’un taux de mise en réserve supérieur.

Quant à l’augmentation de son plafond d’emplois en 2020, qui s’établira à 16 389 ETPT (+ 240 ETPT), elle traduit essentiellement l’intégration des personnels de la direction des applications militaires (DAM) ainsi que des personnels de ST Microelectronics, déjà employés. Seuls 38 emplois seront créés pour les chantiers de démantèlement et d’assainissement. Cette hausse ne renforce pas les équipes scientifiques et technologiques civiles ; elle pourrait cependant finir par peser sur leurs effectifs. En effet, sur un surcoût total de 19 millions d’euros, 4 millions devraient être financés par des recettes externes et 3 millions s’imputeront vraisemblablement sur les fonds dédiés. Les 12 millions d’euros restants sont rattachés au secteur Défense. Mais le programme 191 va diminuer de 5,5 millions en 2020. Les gestionnaires du CEA craignent donc d’être obligés de mettre sous tension leurs emplois civils pour permettre les recrutements supplémentaires attendus par la DAM.

Avec un budget aussi contraint, il n’y a que deux voies permettant au CEA d’accroître ses investissements dans les énergies non nucléaires décarbonées :

– trouver davantage de financements non étatiques. Mais les recettes sur brevets stagnent ; il y a peu de perspectives du côté des aides de l’ANR, peut-être davantage auprès de l’Union européenne... Quant aux partenaires privés, ils financent déjà en moyenne 37 % des projets que porte le CEA dans les EnR. De fait, aujourd’hui, les financements externes (institutionnels et industriels) couvrent en moyenne 70 % des dépenses engagées. Or, il est communément admis comme pertinent de préserver au moins un taux de 25 à 30 % de subventions nationales pour conserver la maîtrise des travaux et la propriété des découvertes ;

– redéployer les moyens actuellement consacrés à la recherche nucléaire.

En 2019, la maquette budgétaire a, pour la première fois, rendu visible au sein du programme 190 les enveloppes budgétaires allouées au Commissariat pour la recherche nucléaire d’une part et pour la recherche sur les nouvelles technologies de l’énergie d’autre part (hors les crédits destinés aux charges salariales de l’opérateur qui sont réunis sous l’action 14 du programme 172). De ce point de vue, les priorités gouvernementales sont affichées clairement : les 51 millions d’euros budgétés en 2019 pour les EnR seront simplement reconduits à l’identique – avant mise en réserve – en 2020. Et une fois encore, les seuls renforts budgétaires accordés iront au secteur nucléaire. S’il est vrai que l’énergie atomique conservera encore longtemps une place importante dans le mix énergétique français et que les technologies nucléaires peuvent toujours gagner en sécurité et en performance, une telle sanctuarisation mérite débat.

Quoi qu’il en soit, le tableau ci-après montre que le budget prévisionnel du CEA pour 2019 ne dément pas cette primauté de la recherche atomique.

La répartition des dépenses du CEA par activités civiles

(en millions d’euros)

Source : CEA 2019.

NB : En 2017, 2018 et 2019, les montants des dépenses reportés sur le tableau ci-dessus intègrent des dépenses exceptionnelles relatives à l’apurement de la dette du CEA vis-à-vis d’ORANO Cycle.

Malgré tout, le CEA affirme aujourd’hui sa volonté de développer son investissement dans la recherche-innovation sur les EnR. On relèvera ainsi que :

– le projet de budget pour 2019 envisageait pour la première fois une hausse sensible de cette enveloppe d’interventions ;

– le CEA a construit son nouveau plan de financement du réacteur Jules Horowitz en partant du principe inédit que le nucléaire doit financer le nucléaire ;

– le redéploiement des moyens qu’il a engagés pour finaliser ce projet fut aussi l’occasion de redéfinir la programmation de ses travaux à dix ans. Ce document est aujourd’hui en discussion avec les ministères de tutelle. Or, dans son plan à moyen et long termes 2019-2029, le commissariat dit prévoir une croissance de 18 % des moyens affectés aux EnR – tout en demandant le maintien d’un schéma économique reposant sur 25 % de subventions. Certaines activités (comme les travaux sur la biomasse) seraient arrêtées ou réorientées et les ressources libérées redéployées sur les thématiques où le CEA a le plus de valeur ajoutée (les batteries, l’électrolyse haute température pour l’hydrogène, le stockage thermique ou les réseaux et l’efficacité énergétique).

En attendant, ce sont tout de même près de 170 millions d’euros qui devaient être engagés en 2019 dans les travaux sur les énergies non nucléaires décarbonées, selon la ventilation prévisionnelle suivante :

Répartition des dépenses du segment « énergies non nucléaires décarbonées » selon le budget initial pour 2019

Source : CEA 2019. Montants en millions d’euros.

4.   Les injonctions contradictoires données à l’IFPEN

Organisme de renommée internationale dans son secteur historique des hydrocarbures, du raffinage et de la mobilité, l’Institut français du pétrole et des énergies nouvelles ou IFP-Énergies nouvelles (IFPEN) a entamé une récente mais notable reconversion dans les nouvelles technologies de l’énergie (NTE).

L’institut s’intéressait depuis plusieurs années à ces nouveaux champs de recherche, sur lesquels il pense pouvoir apporter sa maîtrise de plusieurs modes de production d’énergie, sa capacité à faire émerger des approches nouvelles et son expérience de la valorisation des résultats de la recherche et des partenariats avec le monde industriel. Toutefois, la décision de sa tutelle de réserver, à compter de 2019, l’intégralité de sa subvention pour charges de service public (action 17 du programme 190) aux travaux sur les NTE a conduit l’IFPEN à accélérer le redéploiement de ses programmes de recherche et innovation (R&I) : ses investissements dans la mobilité durable connaissent ainsi une hausse de 4,5 % ; elle est de 33 % dans les énergies nouvelles, alors que la partie « hydrocarbures responsables » baisse de 12 %. Pour ce faire, l’institut a amené une partie de ses chercheurs et ingénieurs à changer de secteur de recherche, investi de nouvelles thématiques (géothermie, géosciences pour le climat etc.) et a mobilisé davantage de crédits que le montant de la dotation versée par le programme 190 (de 124,5 millions d’euros nets de mise en réserve).

Évolution des dépenses de l’IFPEN dans EnR

(en millions d’euros)

 

Réalisé 2016

Réalisé 2017

Réalisé 2018

2019 (estim.juin)

Mobilité durable

38,8

38,4

40,1

41,6

Énergies nouvelles

32,1

30,4

39,0

51,3

Recherche fondamentale transverse

48,0

48,2

48,1

51,1

Total charges NTE

118,9

117,0

127,2

144,0

Hydrocarbures responsables

116,7

115,9

106,2

94,1

TOTAL charges R&I

235,6

232,9

233,4

238,1

% Charges NTE

50,5

50,2

54,5

60,4

Source : IFPEN 2019.

En 2020, IFPEN entend poursuivre cet effort de redéploiement, notamment vers les domaines de la mobilité électrique et connectée, des biocarburants, des bioproduits, des énergies marines, du captage-stockage-valorisation du CO2 (CCUS), du recyclage des plastiques, du stockage de l’énergie et de la géothermie.

Il a déjà à son actif de premiers résultats prometteurs comme les projets partenariaux BioTfuel (pour la production de biodiésel et de biokérosène) et FUTUROL.

Le projet FUTUROL

L’INRA, l’ARD, le groupe Lesaffre et l’IFPEN se sont associés à la structure dédiée au projet (Procéthol 2G) afin de transformer les « preuves de concept », issues de plusieurs travaux financés en 2005-2007 par l’ANR dans le cadre du Programme national de recherche sur les biocarburants, en un procédé de production de bioéthanol de 2e génération optimisé en termes de coûts de production (le prix de revient initial a été divisé par 10) et de performances environnementales, conçu pour être applicable à l’ensemble des biomasses lignocellulosiques et qui est commercialisé à l’échelle mondiale par un opérateur reconnu (Axens) du secteur du raffinage.

Le pré-traitement continu, étape clé du procédé, a été validé à l’échelle pré-industrielle à environ 100 t/jour dans un démonstrateur installé sur un site industriel du partenaire Tereos.

Grâce aux performances de ses brevets dans les hydrocarbures et notamment de sa filière Axens, l’IFPEN dispose de ressources propres substantielles et encore assez dynamiques. En 2019, il en espère 153,6 millions d’euros, ce qui porterait son budget total à 287,4 millions d’euros, en progression de 7 millions malgré la baisse concomitante de 4 millions d’euros des crédits du programme 190. Mais l’opérateur rappelle que ces recettes sont fluctuantes et appelées à diminuer avec le recul des énergies fossiles. En parallèle, sa subvention a été réduite de 25 % en dix ans et cette dégradation semble promise à se poursuivre puisque les prévisions pour 2020 annoncent un nouveau recul de 2 millions d’euros par rapport à l’enveloppe votée en loi de finances (et même de 3 millions d’euros si l’on compte le transfert de gestion appliqué en 2019).

D’ores et déjà, cette baisse continue de la dotation a fragilisé sa trésorerie. L’IFPEN a réussi ces dernières années à atténuer le manque à gagner grâce à une gestion rigoureuse de ses dépenses de personnel et de ses frais de fonctionnement. Mais cela ne suffit plus et en 2019, son budget opérationnel sera probablement déficitaire.

Or, l’opérateur a évalué à 9,1 millions d’euros les investissements nécessaires en 2020 pour accélérer encore son redéploiement vers les NTE et la mobilité durable. Il a proposé à sa tutelle d’en couvrir les deux-tiers par des redéploiements d’activités, mais il a besoin que sa subvention soit revalorisée de 3 millions d’euros en 2020, et à nouveau en 2021. Ses pistes de travail relèvent en effet d’un niveau de recherche encore trop en amont pour intéresser ses partenaires industriels traditionnels. Contrairement à ses autres domaines de recherche, qui sont intégralement financés par ses ressources propres, l’IFPEN a donc besoin d’un soutien encore largement public pour avancer. Toutefois, rien ne lui a encore été accordé.

En attendant, la nouvelle baisse va freiner le redéploiement de ses investissements dans les NTE et, en contractant ses moyens, entraînera « inévitablement » une réduction des personnels de chercheurs. Au demeurant, l’institut s’inquiète aussi de la réduction annoncée de son plafond d’emplois (– 31 ETPT), qui pèsera également sur son engagement dans les NTE. Celui-ci supposerait en effet le recrutement de nouvelles compétences et de nouveaux personnels, tout simplement, car il n’est pas possible de faire brutalement basculer ses équipes dans ces nouveaux univers.

L’IFPEN indique que ce désengagement de l’État est mal vécu par ses personnels qui y voient un désaveu de leur travail malgré leur volontarisme à s’investir dans les NTE. Il y a en tout état de cause une forte contradiction avec les exigences de son contrat d’objectifs et de performance et avec les ambitions de la politique énergétique du Gouvernement.

5.   Les orientations peu contraignantes des appels à projets de l’ANR

Les appels à projets de l’ANR sont indispensables au financement de la recherche française. Leurs volumes sont modestes (à peine 700 millions d’euros) par rapport aux dotations allouées aux opérateurs publics, et bien éloignés des milliards d’euros que beaucoup estiment nécessaires pour répondre à la réalité des besoins et à l’urgence des enjeux. Mais leur ouverture à tous types d’acteurs publics ou privés, opérateurs historiques, institutionnels ou chercheurs débutants, très grandes ou très petites entreprises  est censée ouvrir le champ des possibles ; et la mise en compétition des projets ainsi que la rigueur et l’exigence des procédures de sélection, reposant sur l’évaluation des projets par les pairs, apportent des garanties de qualité.

L’ANR ou plus exactement la communauté scientifique qui intervient dans les sélections via les comités de pilotage de la programmation assume un positionnement très en amont des travaux financés. Ainsi, jusqu’en 2017, l’AAPG qui représente environ 80 % des aides, s’adressait-il principalement à des recherches destinées à produire de nouvelles connaissances ou des « preuves de concept » de technologies à bas niveau de TRL (2 à 4). Les développements technologiques plus avancés étaient laissés aux organismes de recherche et aux entreprises, éventuellement aidés par des acteurs comme l’ADEME, BpiFrance etc.

Offrir des moyens suffisants à la poursuite et au développement de la recherche fondamentale est légitime, indispensable pour construire les bases des futures innovations et nécessaire pour favoriser l’émergence d’idées radicalement nouvelles et de concepts en rupture par rapport aux connaissances actuelles. Ces financements amont ont tout de même contribué à faire émerger des communautés scientifiques sur les sujets émergents, par exemple sur les carburants solaires (solar fuels) depuis les années 2010-2011 ou sur le photovoltaïque organique…

Mais la multiplication des axes de programmation ne permettait pas de percevoir les priorités nationales et cette répartition des tâches créait un creux de financement sur les phases de développement où l’initiative privée fait défaut et où les grands opérateurs publics n’ont pas les moyens de prendre le relais. Aussi, y a-t-il depuis 2018 une simplification des thématiques de recherche et l’affichage d’une ouverture vers plus d’innovation. Les anciennes composantes « Grands défis sociétaux » et « Aux frontières de la recherche » ont été remplacées par une composante intitulée « Recherche et innovation », avec un point d’entrée désormais disciplinaire ou transdisciplinaire. Et le nouveau champ disciplinaire « Sciences de l’énergie et des matériaux » du plan d’action de l’ANR affiche explicitement, dans son édition 2019, l’ambition de mobiliser toutes les capacités nationales de recherche pour répondre aux enjeux de la transition énergétique et lever les verrous scientifiques. S’il reste largement ouvert aux sciences fondamentales à vocation essentiellement exploratoire, il annonce aussi clairement attendre des projets plus finalisés et proches de l’opérationnel.

Ces évolutions devraient favoriser le renforcement de la part des projets consacrés à l’énergie dans les financements de l’ANR. Car même si la thématique des NTE pouvait s’inscrire dans plusieurs des 49 axes de l’ancienne formule du plan d’action de l’ANR, le nouveau champ disciplinaire lui donne davantage de visibilité. Les travaux sur les EnR en particulier, qui se situent souvent à un niveau de TRL plus élevé, devraient aussi mieux trouver leur place.

L’indication dans la programmation d’une enveloppe potentiellement dédiée à ces travaux est un message fort également, qui peut motiver des candidatures. Malheureusement, en pratique, ce fléchage reste purement indicatif. Dans les faits, une partie de ces crédits est ventilée sur d’autres champs de travaux.

Cela résulte de processus bien intentionnés à la base : les projets étant encore relativement peu nombreux sur les sujets énergétiques, l’ANR et les comités de pilotage considèrent qu’avec une enveloppe d’aides réservée, ils bénéficieraient d’un taux de sélection très-trop généreux s’ils ne sont mis en concurrence qu’entre eux. Soucieux de s’assurer d’un bon niveau de science et de traiter tous les projets à égalité, ils les mettent donc tous en compétition. Or, les candidatures se positionnant sur ces sujets émergents sont évidemment moins expérimentées pour défendre leurs projets que des laboratoires bien implantés. Les aides sont ensuite réparties ex post en fonction des projets retenus. Au final, les investissements de l’ANR dans les EnR sont bien inférieurs à ce qu’ils pourraient être !

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*     *

Alors que l’accélération du changement climatique supposerait une accélération des investissements dans les énergies renouvelables, il est navrant de constater que ce projet de loi de finances pour 2020 ne leur apporte aucun renfort budgétaire. Il y a un enjeu de volume financier. Mais la situation du secteur des énergies durables illustre également certaines des difficultés que rencontre l’ensemble de la recherche publique française s’agissant des modalités du financement de l’État.


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III.   Des modalités de financement de la recherche publique insatisfaisantes

A.   Qu’il s’agisse de donner les moyens nécessaires au maintien d’une recherche forte et efficiente

1.   Les besoins de fonctionnement des organismes de recherche sont toujours sous-financés

● Dans le contexte de rationnement budgétaire ainsi imposé aux opérateurs de la MIRES, les ajustements financiers que l’État s’accorde en jouant de ses outils comptables, comme l’éventuelle remontée du taux de mise en réserve de 3 à 4 % ou les surgels et annulations de crédits qu’il peut appliquer en cours de gestion, sont encore plus difficiles à accepter. Dans leur principe déjà : ces procédés ne sont pas nouveaux, mais il reste discutable que le Parlement ne puisse se prononcer sur les montants réels qui seront engagés par la nouvelle loi de finances.

Plus concrètement, ce jeu entretient une incertitude sur les ressources disponibles des opérateurs, en cours d’exercice et d’une année sur l’autre, ce qui fragilise toute tentative de programmation pluriannuelle.

Et au final, l’État rogne encore sur leurs capacités d’action. Les AAPG de l’ANR ont ainsi été privés de 54 millions d’euros en 2019 par rapport aux enveloppes votées en loi de finances initiale. On peut s’en étonner quand on sait que c’est essentiellement l’augmentation de leurs enveloppes budgétaires qui permettra de faire remonter le taux de sélection des projets de recherche. L’an dernier, celui-ci n’était encore que de 16,2 % sur l’ensemble des appels à projets de l’ANR et même 15,1 % sur les AAPG.

Le rapport entre volumes des crédits engagés et taux de sélection apparaît clairement quand on compare leurs évolutions respectives depuis 2005.

Sources : MESRI, 2019.

La faiblesse du taux de sélection décourage les candidats – qui sont nombreux à penser que leurs chances sont trop faibles pour s’engager dans une démarche lourde en dépit des efforts de simplification mis en œuvre en 2018 et 2019. Elle crée de grandes frustrations dans la communauté scientifique française, évince de bons projets et encourage un certain conformisme dans le choix des travaux. Dans son rapport du 23 septembre 2019, le groupe de travail qui a analysé les limites et les besoins d’évolution du financement de la recherche observe qu’« il est admis qu’un taux de succès inférieur à 30 % revient à introduire une part d’aléatoire importante dans la sélection des « bons » projets, qui nuit à l’attractivité du dispositif et au développement de la recherche. Il tend également à conforter les thématiques de recherche établies au détriment de la prise de risque et des domaines de recherche émergents que devraient favoriser les appels à projets. »

Le MESRI espère faire remonter ce taux à au moins 20 % ; des progrès ont été obtenus avec le renforcement progressif du budget de l’ANR depuis 2016. Mais il y a encore du chemin à faire et ce n’est pas avec la stagnation des dotations annoncée par le projet de budget que 2020 poursuivra le redressement du taux de sélection !

● Ce bilan est encore plus navrant quand on constate que les subventions allouées aux organismes publics de recherche ne couvrent même pas la réalité de leurs dépenses structurelles.

– C’est particulièrement le cas des dépenses de personnel, en principe financées par les subventions pour charges de service public du budget de l’État : elles ne tiennent pas compte, depuis plusieurs années, de l’alourdissement induit chaque année par le glissement vieillesse-technicité (GVT). Ces évolutions, qui renchérissent inéluctablement les masses salariales, touchent toutes les catégories de personnels.

Le renchérissement est encore plus rapide concernant les chercheurs. La dynamique de leurs grilles indiciaires (avec des changements fréquents d’échelon et de chevron en hors-échelle) crée une pression naturelle sur le GVT positif, que ne compense pas l’« effet noria » (GVT négatif). Leur coût d’entrée dans la carrière est en effet beaucoup plus élevé que la rémunération correspondant aux « pieds de corps » à cause de la prise en compte des années de doctorat et de post‑doctorat dans la détermination de leur premier indice de rémunération. Pour l’ensemble des établissements publics scientifiques et technologiques (EPST) de la MIRES, le solde imputable au GVT représenterait un montant d’une trentaine de millions d’euros chaque année – jamais financés.

Les organismes n’ont eu alors d’autre alternative que de compenser ce GVT par la suppression d’un certain nombre d’emplois théoriquement financés sur les subventions de l’État :  3 531 ETPT sur la période 20122018 sur le périmètre des EPST. Cela ne paraît pas s’être traduit par des licenciements, mais au moins par des non-renouvellements de contrats et une modération sur les recrutements. Pour autant, les tensions persistent sur leurs masses salariales car le GVT continue à les faire croître.

Cette dégradation est totalement contreproductive : non seulement certains opérateurs ne voient plus comment continuer à contracter leurs emplois tout en s’impliquant davantage dans les dernières priorités données par leur tutelle, mais ils rencontrent de réelles difficultés à recruter les nouvelles compétences nécessaires. Touchant des secteurs en plein développement mondial, ces dernières font en effet l’objet d’une forte concurrence internationale. On est arrivé au point qu’aujourd’hui, des organismes indiquent ne plus pouvoir offrir les niveaux de rémunération demandés.

On frôle enfin l’absurde quand leur tutelle leur impose une réduction de leurs plafonds d’emplois tout leur demandant d’élargir leurs champs d’action.

– Le groupe de travail sur le financement de la recherche montre par ailleurs que le rationnement drastique des crédits de fonctionnement atteint également ses limites et que ces dotations s’avèrent aujourd’hui insuffisantes.

Conscient de l’ampleur de ces difficultés, le MESRI indique qu’il s’attachera à négocier au moins un réalignement des subventions de fonctionnement sur la réalité des coûts des personnels permanents, dans le cadre de la prochaine loi de programmation de la recherche – sans grand optimisme toutefois.

● Un autre dispositif fait l’objet du même reproche de sous-financement des dépenses structurelles de la recherche : les enveloppes qui complètent les subventions de l’ANR aux projets de recherche pour couvrir les charges supplémentaires induites par la gestion et/ou l’hébergement des travaux. Régulièrement dénoncées comme insuffisantes, elles ont été un peu améliorées en 2018. Désormais :

– 8 % du montant de l’aide accordée sont prélevés pour frais de gestion par les établissements gestionnaires des contrats ;

– 11 % de préciput sont versés en sus de l’aide accordée à l’établissement hébergeur (celui au sein duquel le porteur de projet exerce ses fonctions). Il a été heureusement forfaitisé l’an dernier.

Le total de ces prises en charge atteint donc au maximum 20,6 % de l’aide au projet. Le niveau français se situe clairement dans la fourchette basse des pratiques internationales. L’Union européenne, par exemple, couvre les coûts indirects à hauteur de 25 %. En outre, elle fait une distinction complexe entre établissements universitaires et organismes de recherche.

Le groupe de travail sur le financement de la recherche précité propose quant à lui un net renforcement de ces pourcentages.

2.   L’impact du crédit d’impôt recherche sur la recherche publique est difficile à mesurer

Créé en 1983, défini à l’article 244 quater B du code général des impôts, le crédit d’impôt recherche (CIR) a pour objectif de diminuer le coût des opérations de recherche-développement (R&D) des entreprises pour les inciter à accroître leur effort de recherche. On pourrait remarquer que certains discours mettent surtout en exergue le gain de compétitivité qu’il offre à ces mêmes entreprises…

Depuis la réforme de 2008, le socle des dépenses éligibles a été élargi ; le crédit d’impôt n’est plus plafonné et retient ces dépenses à hauteur de 30 % de leur montant. Son succès a aussitôt bondi : entre 2008 et 2016, le nombre d’entreprises déclarant des dépenses de R&D a augmenté de 36 % pour atteindre plus de 19 000 bénéficiaires en 2016 avec un montant de dépenses déclarées de 22,1 milliards d’euros générant une dépense fiscale de plus de 6 milliards d’euros pour l’État. Pour les années suivantes, les chiffres sont plus estimatifs. On sait cependant que la dépense fiscale constatée en 2018 s’élève à 6,2 milliards d’euros ; elle pourrait monter à 6,5 milliards en 2019.

Un tel niveau d’engagement de l’État justifierait que l’on réinterroge son utilité, non seulement pour les entreprises au regard de leurs responsabilités mais aussi pour la recherche elle-même. On imagine aisément la puissance d’action que représenteraient 6,5 milliards d’euros d’investissements directs dans la recherche et l’innovation nationales.

Malheureusement, les diverses évaluations qui ont été menées au fil des années semblent s’être surtout attachées aux impacts du CIR sur les dépenses de R&D des entreprises, sans juger ni de leur utilité, ni du bénéfice réellement obtenu grâce aux travaux ainsi financés – ni pour l’entreprise elle-même, ni a fortiori pour la recherche en général. Elles se sont tout de même intéressées à son impact sur les emplois des doctorants.

La dernière évaluation en date a été réalisée à la demande de la Commission nationale d'évaluation des politiques d'innovation (CNEPI) qui a publié son avis de synthèse le 7 mars dernier.

Les principaux constats de l’évaluation de la CNEPI sur le CIR

Des quatre études focalisées sur les effets directs du CIR et l’impact de la réforme de 2008, sur lesquelles la CNEPI a fondé son avis de synthèse sur le CIR, il ressortirait que :

– les entreprises qui bénéficiaient déjà du CIR avant la réforme de 2008 auraient globalement augmenté leurs dépenses de R&D d’un montant égal ou légèrement supérieur à celui de l’aide fiscale reçue ;

– le dispositif aurait permis de maintenir le niveau des dépenses de R&D des entreprises après la crise de 2009. Des comparaisons internationales montreraient que le CIR a contribué à maintenir un niveau significatif de R&D au plus fort de la crise. En outre, dans les entreprises pérennes, elle serait aujourd’hui d’environ 25 % supérieure à ce qu’elle aurait été s’il n’y avait pas eu de réforme du CIR ;

– la réforme du CIR en 2008 aurait produit un effet plus modéré sur l’emploi en R&D que sur les dépenses de recherche. Cet impact serait de l’ordre de 5 % à 10 % par rapport aux entreprises non bénéficiaires ;

– sur la période analysée, et dans une conjoncture défavorable en ce qui concerne l’accès des jeunes à l’emploi en R&D, le CIR aurait réduit la durée moyenne entre l’obtention du diplôme et l’accès à un emploi de chercheur des docteurs. Il y aurait eu par ailleurs un effet de substitution des ingénieurs par des docteurs de spécialités « ingénieurs » ;

– enfin, la réforme de 2008 se serait traduite de manière positive, mais moins prononcée, sur le dynamisme des entreprises à déposer des brevets et sur leurs gains de productivité.

La commission a aussi pointé l’absence d’analyse d’impact sur :

– la proportion d’entreprises ayant des activités de recherche ;

– les impacts micro et macroéconomiques indirects du CIR, notamment sur la croissance économique, la création d’emplois, les exportations ;

– le CIR et l’externalisation ;

– l’attractivité de la France comme pays d’implantation d’activités de R&D.

Elle a donc engagé une seconde étape d’évaluation du CIR pour y répondre.

Il est intéressant de constater que ces études confirment la tendance des entreprises à n’augmenter leurs investissements en R&D que dans une proportion à peu près équivalente au crédit d’impôt reçu, quand elles en bénéficiaient déjà. L’effet de levier est dans ces cas presque nul.

Votre rapporteure pour avis a plus modestement cherché à savoir comment les acteurs publics de la recherche évaluaient l’impact du CIR sur leurs activités et sur la recherche publique en général.

Car si le CIR est réservé aux entreprises, sont éligibles les dépenses de recherche-développement confiées par ces entreprises à des organismes publics de recherche. Ces derniers n’ont pas à solliciter l’agrément du ministère en charge de la recherche pour sous-traiter ces opérations, à condition qu’il n’existe pas de lien de dépendance entre l’organisme et l’entreprise. Les dépenses correspondantes sont alors retenues pour le double de leur montant, dans la limite de 12 millions d’euros par an.

Les organismes de recherche auditionnés par votre rapporteure pour avis pensent que le CIR doit expliquer une partie des contrats que les entreprises passent avec leurs équipes. Ce faisant, il participe au financement de leurs travaux. Le CEA est notamment convaincu qu’il a toute sa place dans le dispositif national de soutien aux programmes de recherche de très longue durée. Mais son bénéfice réel pour la recherche publique est très difficile à évaluer :

– il est, de toutes les façons, impossible d’en avoir une mesure globale et précise s’agissant des thématiques de la transition énergétique et du développement durable car les déclarations auprès des services fiscaux ne permettent pas de connaître les domaines de recherche sur lesquels portent les travaux menés dans l’entreprise. Les services du MESRI réalisent bien des enquêtes sur les dépenses en R&D des entreprises directement ou indirectement liées à l’environnement, mais sans connaître celles qui bénéficient d’un soutien du CIR ;

– quant au soutien exact des activités et des emplois des opérateurs de la recherche publics, parmi ceux-ci, seul l’IRSTEA a réussi à établir un décompte des contrats industriels dont il a pu bénéficier et qui ont fait l’objet d’un remboursement du CIR.

Montants des travaux de l’IRSTEA ayant générant du CIR

(en milliers d’euros)

 

Réalisé 2017

Réalisé 2018

Prévision 2019

Montant de R&D réalisé par l’IRSTEA facturé aux industriels

2 439

2 836

3 989

Montant CIR reçu par les industriels (1 an plus tard)

1 463

1 702

2 493

Source : IRSTEA 2019.

Ces partenariats lui auront permis en 2019 de présenter le projet de création d’un nouvel institut Carnot sur la thématique de l’eau et de l’environnement.

En tout état de cause, le coût croissant du CIR a amené le Gouvernement à proposer, à l’article 49 du projet de loi de finances pour 2020, de réduire le forfait des frais de fonctionnement, en abaissant le taux de prise en compte des dépenses de personnels de 50 à 43 %. Cette réforme apparaît d’autant plus nécessaire que la Cour des comptes la recommandait déjà en 2013 et ce, afin de mieux ajuster l’assiette du CIR à la réalité des dépenses effectuées.

On aurait pu être plus ambitieux pour encadrer un avantage fiscal reconnu comme le plus généreux des pays industrialisés !

B.   … ou de piloter efficacement les investissements vers les priorités nationales

● Pour accélérer et renforcer les investissements dans les besoins de recherche les plus urgents, il serait peut-être nécessaire, aussi, d’interroger la façon dont sont pilotés les crédits publics engagés dans la recherche française.

La programmation annuelle des aides de l’ANR s’attache évidemment à traduire les priorités définies par la stratégie nationale de recherche (SNR) ainsi que par la politique européenne et internationale du MESRI. Au demeurant, celui-ci peut, en cas d’actualité spécifique nécessitant le lancement en urgence de nouveaux projets de recherche, demander au président de l’ANR de lancer des appels à projets ponctuels, dits appels « Flash », après avoir pris en compte les avis des autres ministères.

Les enjeux de société identifiés par le Gouvernement peuvent par ailleurs faire l’objet de plans nationaux, comportant un volet « recherche » dont la mise en œuvre effective s’opère à travers les programmes prioritaires de recherches du PIA 3. Ces actions sont alors décidées par le Premier ministre, instruites par le MESRI, financées par le Secrétariat général pour l’investissement, opérées par l’ANR et pilotées par un organisme national de recherche missionné.

Cette organisation présente cependant des éléments peu satisfaisants :

– les axes de la programmation de l’ANR sont plus indicatifs qu’incitatifs, et donc assez peu efficaces pour renforcer le fléchage des moyens vers les priorités gouvernementales ;

– bien qu’associés à la définition de cette programmation et à la sélection des projets, les ministères opérationnels ont le sentiment de peser peu dans la répartition des aides, voire même dans l’identification des urgences nationales.

La frustration est d’autant plus grande qu’ils ont perdu leurs crédits incitatifs, désormais centralisés par l’ANR.

● De son côté, l’ADEME réfléchit aux moyens et leviers qui permettraient de faire émerger plus de projets de qualité sur les questions émergentes – dont les spécialistes sont encore peu nombreux et trop peu expérimentés pour se soumettre aux appels à projets de recherche.

Considérant qu’il existe un vrai besoin d’accompagnement, elle étudie les dispositifs qui seraient les plus efficaces (aides financières pour le montage de pré‑projets, création de hubs…).

Deux problématiques qui mériteraient d’être approfondies.

 

 


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   EXAMEN EN COMMISSION

La commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a examiné, le mercredi 23 octobre 2019 matin, pour avis, sur le rapport de Mme Elsa Faucillon, les crédits relatifs à la recherche dans les domaines du développement durable, de la gestion des milieux et des ressources de la mission « Recherche et enseignement supérieur ».

Mme la présidente. Nous poursuivons l’examen de la seconde partie du projet de loi de finances (PLF) pour 2020, avec la présentation des avis sur les crédits de la recherche et sur les crédits relatifs à la prévention des risques. Je donne tout d’abord la parole à Mme Elsa Faucillon, rapporteure pour avis, pour présenter son rapport sur les crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur », rapport relatif à la recherche dans les domaines du développement durable, de la gestion des milieux et des ressources.

Mme Elsa Faucillon, rapporteure pour avis sur les crédits relatifs à la recherche dans les domaines du développement durable, de la gestion des milieux et des ressources de la mission « Recherche et enseignement supérieur ». S’il fallait résumer ce budget, je dirais que nous pouvons relever certains efforts financiers. Cependant, ils permettent essentiellement à la France de tenir des engagements internationaux. Voilà qui est louable, mais comment ne pas insister sur la faiblesse des moyens consacrés aux immenses défis du développement durable et des bouleversements climatiques ? S’il s’agissait réellement d’une priorité, nous devrions en voir la traduction dans ces chiffres et ces engagements ; or ce n’est pas le cas !

Un grand quotidien national note : « Depuis trois ans, le budget de la recherche augmente. Pourtant les chercheurs ne voient quasiment pas ces hausses ! » Les travaux que j’ai menés sur le budget consacré à la recherche dans les domaines du développement durable me conduisent malheureusement au même constat.

Les trois programmes de la mission interministérielle « Recherche et enseignement supérieur » (MIRES) verront leurs crédits augmenter à nouveau en 2020, de manière substantielle. Cependant, ni la recherche dans les thématiques d’avenir, ni les moyens d’action des opérateurs n’en seront renforcés. Bien au contraire ! Ces crédits supplémentaires iront presque en totalité compléter le financement des grandes infrastructures de recherche ou la mise en œuvre d’engagements pris ces dernières années.

Il en va ainsi de l’abondement de 214 millions d’euros du programme 193 « Recherche spatiale », qui viendra enfin solder notre retard de paiement auprès de l’Agence spatiale européenne (ESA). Le complément de 118 millions d’euros promis au programme 172 « Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires » financera l’impact, en 2020, des mesures salariales accordées en 2017 et du plan « Intelligence artificielle » lancé en 2018, ainsi que la poursuite du développement de plusieurs infrastructures de recherche. Le programme 190 « Recherche dans les domaines de l’énergie, du développement et de la mobilité durables » progressera de plus de 28 millions d’euros, pour préserver la recherche sur les réacteurs nucléaires de quatrième génération.

Si ce projet de budget assume, heureusement, les répercussions des engagements passés, il ne traduit en rien des ambitions fortes en matière de transition énergétique. Pourtant, ces derniers temps, la mobilisation est grande, particulièrement au sein de la jeunesse, qui, à propos de l’urgence climatique, ne s’intéresse qu’aux actions !

Dans le domaine de l’énergie, c’est encore et toujours le nucléaire qui bénéficiera des quelques renforts financiers qui seront accordés au Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA). Pour ses autres travaux dans les nouvelles technologies de l’énergie, comme pour les autres opérateurs de la mission, les dotations seront simplement maintenues à leurs niveaux actuels. La dotation allouée aux appels à projets de l’Agence nationale de la recherche (ANR), qui sont censés constituer un levier stratégique et un soutien financier nécessaire à l’émergence des nouveaux projets de recherche, serait même en recul de 2 millions d’euros en 2020 !

Le contexte ne permet pas de se contenter de ces simples reconductions, ni, a fortiori, des baisses envisagées. Tout d’abord, les reconductions de crédits ne garantissent pas que les organismes de recherche reçoivent des subventions équivalentes à celles qui leur ont été versées en 2019. Les premières annonces font craindre que la mise en réserve soit supérieure en 2020, rognant un peu plus leur marge d’action.

Ensuite, depuis plusieurs années, les subventions pour charges de service public (SCSP) des opérateurs ne tiennent pas compte du renchérissement des dépenses de personnels qu’entraîne le glissement vieillesse technicité (GVT). Selon les calculs des ministères de tutelle, le manque à gagner s’élèverait à une trentaine de millions d’euros par an. Cette pression croissante sur leur masse salariale a contraint les organismes de recherche non seulement à renoncer à des recrutements plus que nécessaires, mais aussi à réduire leurs effectifs. Pour les seuls établissements publics à caractère scientifique et technologique (EPST), 3 531 emplois ont été supprimés entre 2012 et 2018 !

Le rationnement des investissements de l’ANR est tout aussi destructeur : le taux de sélection des projets de recherche par ses appels à projets est de 16,2 % à la fin de 2018. Nous sommes encore loin des 20 % que voudrait atteindre le ministère de la recherche, et plus loin encore des 30 % recommandés par le groupe de travail sur le financement de la recherche et grandement réclamés par les laboratoires. Ce n’est pas la stagnation de ses crédits en 2020 qui améliorera la situation. Le fonctionnement de ces appels à projets est tel que seule une vraie augmentation des enveloppes dédiées permettrait une réelle augmentation des chances de sélection des projets portant sur les nouvelles énergies. Force est de constater que seule une vingtaine de millions d’euros est attribuée chaque année à l’ensemble des thématiques énergétiques, même si l’enveloppe globale est passée de 450 à 550 millions ; à peine 36 millions d’euros ont été consacrés, au total, entre 2014 et 2018, aux énergies renouvelables proprement dites.

De fait, les ministères reconnaissent que, tant du côté des appels à projets de l’ANR que des subventions versées aux opérateurs de recherche, les crédits fléchés vers les énergies renouvelables ne progressent pas, hors l’exception notable du nucléaire. Les seuls vrais investissements de l’État ces dernières années relèvent des plans d’investissement d’avenir, par l’intermédiaire des instituts publics-privés pour la transition énergétique (ITE) et le programme « Démonstrateurs », confié à l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME).

Le crédit d’impôt recherche (CIR), censé stimuler la recherche et développement des entreprises privées, représente 6,5 milliards d’euros de manque à gagner pour l’État. Les opérateurs de la recherche pensent qu’il explique une partie des contrats que les entreprises passent avec leurs équipes. Cependant, il est impossible d’évaluer le soutien réel du CIR aux recherches dans les thématiques énergétiques, ni ce que les organismes publics perdraient si ce CIR était moins généreux, voire n’existait plus.

En tout état de cause, ces divers dispositifs et investissements sont concentrés sur des stades déjà avancés de la recherche et de l’innovation. Les verrous qui restent à lever et les nouvelles solutions à trouver pour accélérer la transition énergétique de notre pays nécessitent de renforcer aussi les efforts de recherche beaucoup plus en amont. Sur ce point, très clairement, le compte n’y est pas dans ce projet de budget pour 2020 ! J’émets donc un avis défavorable.

Mme Danielle Brulebois, rapporteure pour avis sur les crédits relatifs à la prévention des risques de la mission « Écologie, développement et mobilité durables ». Le programme 181 est le programme clef en matière de prévention des risques naturels, technologiques et nucléaires, mais aussi en matière de soutien à l’économie circulaire et au développement des énergies renouvelables, puisqu’il inclut le financement de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME), dont la subvention pour charges de service public représente 71 % des crédits du programme.

Je vais d’abord décrire l’évolution des crédits du programme, en m’intéressant particulièrement aux moyens consacrés à la prévention des risques technologiques et industriels ; dans un second temps, je m’intéresserai aux crédits de l’ADEME, plus particulièrement au Fonds « économie circulaire ». J’ai choisi d’examiner plus en détail ces sujets, qui font actuellement l’objet de toute l’attention de l’opinion publique. Nos concitoyens ont de grandes attentes vis-à-vis de l’État en matière de risques connus ou supposés pour leur santé et leur sécurité.

Cette politique de prévention des risques repose d’abord sur des moyens financiers. En ce qui concerne les crédits du programme 181, nous constatons une légère évolution à la baisse entre la loi de finances initiale (LFI) pour 2019 et le PLF 2020. Ils passent de 838 à 826 millions d’euros en autorisations d’engagement (AE) et de 832 à 826 millions d’euros en crédits de paiement (CP).

Cependant, cette baisse d’environ 7 millions d’euros des CP est due à la disparition d’une mesure exceptionnelle de même montant que nous avions votée en LFI pour 2019, afin de permettre l’indemnisation des propriétaires de l’immeuble dénommé « Le Signal » à Soulac-sur-mer.

En dehors de cette mesure exceptionnelle, les crédits du programme sont stables. Les effectifs du programme 181 « Prévention des risques » sont donc globalement préservés. Dans le domaine de la sûreté nucléaire, les effectifs du programme sont même renforcés, puisque le plafond d’emplois de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) augmente de 13 équivalents temps plein travaillé (ETPT) pour atteindre 435 ETPT en PLF pour 2020.

J’en viens plus spécifiquement à la question de la prévention des risques technologiques et industriels. Si l’on déplore généralement peu d’accidents industriels graves en France, les risques n’en demeurent pas moins présents, comme vient de nous le rappeler l’accident survenu au sein de l’entreprise Lubrizol à Rouen, usine qui avait fait l’objet de 39 inspections depuis 2013 et de plusieurs mises en demeure de la part des services de l’État.

Les effectifs restent stables, avec 1 290 ETPT sur la mission pour un effectif total de 1 607 agents techniques au sein des différents services déconcentrés, environnement et agriculture compris. L’Institut national de l’environnement industriel et des risques (INERIS) connaît en revanche une diminution de 13 ETPT de son plafond d’emplois.

Quant aux moyens, ils relèvent de l’action 1 du programme 181. Elle est dotée de 90,5 millions d’euros en PLF pour 2020, contre 90,9 millions d’euros en LFI pour 2019. Mme la ministre l’a rappelé lors de son audition, ici même, après les événements de Lubrizol : cette action ne connaît ni réduction d’effectifs, ni réduction de moyens.

Si nous constatons une légère baisse des AE et des CP pour cette action, respectivement à hauteur de 5 % et de 0,5 %, cela tient à l’achèvement du processus de finalisation des plans de prévention des risques technologiques (PPRT). En effet, 381 PPRT ont déjà été approuvés sur les 388 prescrits. Seulement sept d’entre eux sont encore en phase d’approbation, ce qui nécessite moins de crédits.

De manière générale, le nombre de contrôles réalisés reste élevé en 2018, avec 18 200 visites d’inspection. Les plus grands sites et les sites les plus dangereux, comme celui de la plate-forme Inovyn de Tavaux, classé Seveso « seuil haut », dans le Jura, font évidemment l’objet d’une surveillance approfondie. Néanmoins, le nombre total de contrôles a chuté depuis une dizaine d’années ; nous comptions encore près de 25 000 contrôles par an en 2009.

Il semble cependant que le problème ne réside pas tant dans le niveau des effectifs que dans la capacité des inspecteurs à réaliser des contrôles sur le terrain. De manière générale, le temps passé par les inspecteurs en contrôle ne représente plus que 20 % de leur temps de travail, sous l’effet des nouvelles tâches qu’ils doivent accomplir, notamment en matière d’autorisations environnementales ou de validation des réglementations techniques. Ces tâches sont très accaparantes, en raison d’une production législative réglementaire importante, encore renforcée par la révision fréquente des réglementations européennes.

Le Gouvernement a fixé comme objectif une augmentation de 50 % du nombre de contrôles annuels d’ici à 2022. Ils seraient facilités par une simplification des procédures et par leur numérisation. Cependant, pour atteindre ce résultat, et au-delà des considérations du moment à la suite de l’accident de Lubrizol, il nous a semblé, avec plusieurs de nos collègues, que les moyens humains et matériels des inspecteurs des directions régionales de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DREAL) devaient être significativement renforcés. C’est pourquoi nous avons prévu un amendement visant à renforcer leurs moyens à hauteur de 2 millions d’euros, ce qui représente approximativement un effectif supplémentaire de 30 inspecteurs. Ces crédits permettront aussi l’acquisition de nouveaux équipements ; j’ai pu constater, lors de déplacements sur le terrain, que les inspecteurs ne bénéficient pas toujours du matériel adapté.

Toujours en ce qui concerne les risques, le fonds de prévention des risques naturels majeurs, dit fonds « Barnier », constitue la principale source de financement de la politique de prévention des risques naturels. Il joue un rôle essentiel pour prévenir les risques croissants liés au dérèglement climatique. Toutefois, les recettes nettes du fonds Barnier demeurent plafonnées à 131,5 millions d’euros par an.

J’en viens désormais au financement de l’ADEME et du Fonds économie circulaire. Vous le savez, le financement de l’ADEME a profondément évolué en 2018, puisque les crédits de l’agence, autrefois dispersés entre plusieurs programmes, ont été intégralement budgétisés dans le programme 181.

Dans le cadre de mon rapport, j’ai souhaité approfondir l’étude des conditions d’action du Fonds économie circulaire de l’ADEME. En 2019, l’activité du fonds s’est déclinée selon plusieurs actions, notamment le soutien à la prévention des déchets et à l’animation des territoires, les investissements publics et privés, la valorisation des déchets organiques et diverses autres actions en faveur de l’économie circulaire.

Aujourd’hui, les fonds de l’ADEME doivent être confortés, et les moyens de l’agence augmentés. L’application de la future loi sur l’économie circulaire et de la feuille de route pour l’économie circulaire (FREC), la mise en place d’une vingtaine de nouvelles filières à responsabilité élargie des producteurs (REP), la structuration des éco-organismes, la traçabilité des déchets et la consigne sont autant de missions qui incomberont à l’ADEME dans son rôle d’expertise. Il faudra nécessairement renforcer les effectifs de l’agence. À l’heure actuelle, les équipes dédiées ne représentent que trois postes à l’ADEME et deux postes à la direction générale de la prévention des risques (DGPR). L’agence estime le besoin d’effectifs supplémentaires à 15 ETP. La politique des déchets est un domaine de la prévention des risques qui fait l’objet d’une forte demande sociétale : fin du gaspillage, réemploi, meilleure information sur les produits, amélioration de la collecte des déchets, etc. Ces préoccupations sont au cœur du quotidien des Français.

Pour toutes ces raisons, nous avons choisi de déposer, avec plusieurs collègues, un amendement visant à renforcer les moyens du Fonds économie circulaire à hauteur de 10 millions d’euros.

Conduire une démarche de prévention des risques, quels qu’ils soient, exige de déployer des moyens humains suffisants. C’est pourquoi je vous propose d’augmenter les ETPT dans le domaine des inspections des installations classées.

Je souhaite rappeler que la France est l’un des pays les plus exigeants au monde en matière de sécurité, et que, malgré toute la qualité de l’action de l’État, la survenue d’un accident industriel, d’une pollution ou d’une catastrophe naturelle potentiellement dramatique ne peut malheureusement être exclue. Ce constat doit être très régulièrement rappelé, afin de développer la culture du risque et améliorer l’efficacité de la prévention et de la protection.

M. Christophe Arend. Nous saluons, au nom du groupe La République en marche, l’excellent travail de nos deux rapporteures pour avis, Mmes Elsa Faucillon et Danielle Brulebois.

La recherche scientifique est sans doute la solution idéale pour relever les grands défis de demain, j’entends le développement durable et l’adaptation aux bouleversements climatiques. De nombreux exemples le montrent : c’est grâce à la mobilisation de la recherche scientifique que nous pourrons trouver des solutions alternatives et accompagner nos sociétés dans cette transition. La recherche scientifique nous aide à comprendre les phénomènes et à borner le principe de précaution qui nous est si cher. Ainsi, nous nous félicitons de la hausse des crédits alloués à la mission « Recherche et enseignement supérieur », et plus particulièrement des crédits en direction de la recherche en matière de développement durable et de gestion des ressources, avec, respectivement, une augmentation de 11 % des CP du programme 193, une stabilité pour les CP du programme 172 et une hausse de 2 % des CP du programme 190. L’ensemble des programmes mobilise ainsi plus de 10,5 milliards d’euros pour la recherche dans ces domaines. Autrefois chercheur, je me suis forgé l’assurance que, de tout temps, l’efficacité de la recherche scientifique était et est encore, aujourd’hui plus qu’hier, conditionnée par des coopérations internationales. Pouvez-vous nous exposer la part de ces budgets consacrée à la coopération internationale dans le domaine de la recherche scientifique ?

Concernant la prévention des risques, vous l’avez rappelé, les crédits du programme 181 évoluent légèrement à la baisse, passant de 838,3 à 826,5 millions d’euros en AE et de 832,8 à 826,6 millions d’euros en CP. Nous pouvons néanmoins nous féliciter de la quasi-stabilité des crédits à périmètre constant.

Parmi les nombreuses missions relevant du programme 181, nous souhaitons revenir sur deux idées majeures de votre rapport, Mme Danielle Brulebois. La première est l’évolution des missions de l’ADEME, et la volonté du Gouvernement de faire de l’économie circulaire une priorité. Dans votre rapport, vous mentionnez un léger recul de la subvention destinée à l’agence. L’opérateur réalise un travail majeur dans la transition écologique et solidaire et a vu, au cours des dernières années, ses missions se multiplier. En matière d’économie circulaire, la loi de transition énergétique pour la croissance verte fixe des objectifs ambitieux : la diminution de 10 % par habitant et par an des déchets ménagers et assimilés, la division par deux du recours à la mise en décharge entre 2010 et 2025 ou encore le tri à la source des déchets organiques. Le Fonds déchets, géré par l’ADEME, qui devra informer les citoyens et accompagner les entreprises et les collectivités, répond à ces objectifs. Pour ce fonds, appelé aussi Fonds économie circulaire, une enveloppe de 164 millions d’euros est attribuée en 2019 ; elle devrait pouvoir évoluer en 2020. Dès lors, l’ADEME devra gérer le soutien aux investissements publics et privés, la valorisation des déchets organiques et construire un indice de durabilité. L’agence devra également structurer les futures filières à responsabilité élargie du producteur (REP).

Si la capacité d’expertise essentielle de l’ADEME est indiscutable, vous mettez en exergue la difficulté pour l’agence à gérer ces nouvelles missions. Comment serait-il possible d’aider l’ADEME à poursuivre ses travaux ? Vous évoquez par ailleurs des aides trop concentrées sur des activités innovantes, pouvez-vous développer ce point ?

Une autre question relève davantage de l’actualité ; elle porte sur l’amélioration de la prévention des risques, en référence à l’accident de l’usine Lubrizol. Dans votre rapport, vous rappelez qu’une politique de prévention est essentielle, politique consistant en une visite régulière. Toutefois, concernant l’usine de Lubrizol, le site a fait l’objet de 39 inspections depuis 2013, dont la dernière a eu lieu en septembre 2019. Quelles sont à vos yeux, madame la rapporteure pour avis, les solutions et les propositions à envisager pour renforcer la prévention des risques industriels ? Je vous remercie.

M. Gérard Menuel. Je souhaite tout d’abord féliciter les rapporteures pour avis pour leurs interventions.

Le programme 193 « Recherche spatiale » est en hausse de 11 %. L’ensemble des actions connaît une augmentation, hormis celle concernant le développement des satellites de météorologie, en raison, peut-être – c’est à vous de nous le dire – de la fin des grands projets européens. À première vue, nous pouvons être satisfaits de la hausse des moyens pour ces investissements d’avenir. Cependant, n’oublions pas que ce secteur est le théâtre d’une concurrence exacerbée entre les États : États-Unis, Chine, Inde, etc. Soixante agences spatiales existent aujourd’hui dans le monde, tout comme des acteurs privés, tels SpaceX. La moitié des données exploitables en matière de climatologie et de prévision du réchauffement climatique proviennent de l’espace. D’où ma question : ces moyens sont-ils suffisants pour maintenir la place de la France dans le monde en matière spatiale ? Nous sommes le deuxième pays au monde en termes de qualité et de savoir-faire spatiaux. Nous ne pouvons relâcher nos efforts.

Par ailleurs, le Gouvernement français sera-t-il présent à la réunion interministérielle de l’Agence spatiale européenne (ESA), en Espagne, en novembre prochain, pour défendre la position de la France ? Et quelle position défendra-t-il ?

Une partie de l’augmentation des crédits est due au remboursement de notre dette à l’ESA. Quand sera-t-elle résorbée ? Hors remboursement de la dette, quelle est l’augmentation réelle du budget du Centre national d’études spatiales (CNES) ? Notre collègue, M. Jean-Luc Fugit, n’a-t-il pas rendu un rapport de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques sur les moyens en recherche spatiale, les qualifiant de notoirement insuffisants ?

Le programme 172 « Recherche scientifique et technologique pluridisciplinaire », qui est le plus conséquent, comme l’a rappelé la rapporteure pour avis, constitue l’instrument essentiel de la recherche en France. Il est stable en CP. Cependant, nous observons des mouvements à l’intérieur de la mission : hausse significative, supérieure à 24 %, pour le pilotage et l’animation, et baisse de 14,13 % pour l’ANR.

La recherche en matière nucléaire est en hausse. Où en sommes-nous dans ce domaine ? Nous connaissons en France la situation de l’EPR. Qu’en est-il du réacteur Astrid ? Est-ce à vos yeux l’avenir du nucléaire ? Je rappelle que l’énergie nucléaire est décarbonée, et que le réacteur Astrid réutilise des déchets nucléaires et permet leur transmutation. Pouvez-vous nous expliquer la baisse de 14,13 % en CP pour l’ANR ? Allons-nous investir moins, et même beaucoup moins, dans ce domaine ?

Quant à l’hydrogène, les engagements de l’État sont faibles au regard des enjeux et de l’action de nos voisins, voire ridicules au regard des efforts de recherche et d’investissement aux États-Unis, en Chine, en Australie et en Allemagne. Nos voisins allemands investissent dix fois plus dans la recherche que l’État français.

Concernant la prévention des risques, le budget est en baisse de 0,73 % et même de 15,82 % pour l’action « Prévention des risques naturels et hydrauliques ». Nous avons connu l’événement dramatique de Rouen. Allez-vous prendre en compte les critiques de l’opposition ? Comment le ferez-vous ? Allez‑vous abonder le budget de l’État afin d’augmenter la surveillance et les contrôles ?

Nous émettrons donc un avis défavorable sur les crédits de ces missions, sauf si nos amendements sont pris en compte.

M. Patrick Loiseau. Je souhaite avant tout louer la qualité des travaux des rapporteures pour avis.

S’agissant des crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur », je salue également, au nom du groupe MODEM et apparentés, le montant du budget alloué au programme 190, en hausse de 1,60 % en AE et de 2,55 % en CP par rapport à 2019. Les montants engagés en faveur de la recherche dans les domaines de l’énergie, du développement et de la mobilité durables sont importants. Ce budget permet de soutenir un grand nombre d’opérateurs qui engagent des projets de recherche dans des domaines variés. Toutefois, dans son rapport pour avis de l’année dernière, M. Gérard Menuel nous avait expliqué que les situations pouvaient être très inégales entre les opérateurs, certains ayant exprimé leur frustration d’être moins protégés par le ministère de la transition écologique et solidaire, en charge de leur gestion, que ne le fait le ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation à l’égard de ses propres opérateurs. Qu’en est-il cette année ? Madame Elsa Faucillon, avez-vous noté une évolution par rapport à l’année dernière ?

Notre groupe porte une attention particulière aux moyens attribués à la recherche dans deux domaines. Le premier est le soutien aux énergies plus vertueuses sur un plan environnemental, notamment aux carburants alternatifs. Ce soutien est essentiel si l’on veut atteindre les objectifs fixés par la France dans sa stratégie nationale bas carbone. Le développement de la recherche et développement (R&D) en faveur des énergies alternatives permettra d’atteindre l’objectif de réduction de 75 % des émissions de gaz à effet de serre (GES) à l’horizon 2050, en application de l’accord de Paris sur le climat. Nous avons plaidé, durant tout l’examen du projet de loi d’orientation des mobilités (LOM), en faveur de la sortie du « tout électrique » au profit d’un mix énergétique intelligent, recourant à de nouvelles solutions d’énergie, comprenant, en plus de l’électrique, l’hydrogène vert, le biométhane, les carburants de synthèse ou le bio-éthanol. Nous devons veiller à la promotion de ce mix énergétique, plus économique à la pompe mais aussi créateur d’emplois innovants. Existe-t-il, à ce titre, des projets de recherche sur ces énergies alternatives au niveau européen, qui permettraient de mutualiser les coûts et de développer un réel marché européen de l’énergie plus vert et plus diversifié ? Quels sont les choix budgétaires, dans ce PLF, qui soutiennent la recherche dans ces matières ?

Le second domaine est celui des alternatives aux produits phytopharmaceutiques. Ce sujet d’actualité majeur préoccupe nos concitoyens. Nous avons pu le constater cette dernière semaine, avec les arrêtés municipaux anti-pesticides récemment pris par certains maires pour interdire ces produits autour des habitations. Dans ce contexte, la recherche scientifique en faveur de solutions de substitution est essentielle ; elle doit être approfondie et pérennisée sur le long terme. Le budget de 1’année dernière a choisi d’accompagner les projets de recherche vers ces solutions alternatives. Qu’en est-il dans ce PLF des montants alloués à la recherche dans le domaine des pesticides naturels ou insecticides biologiques ? Disposons-nous d’ores et déjà des résultats issus des précédents projets de recherche, pour pérenniser des solutions alternatives efficaces ?

M. Guillaume Garot. Avant de laisser la parole à notre excellent collègue M. Christophe Bouillon, je m’intéresserai à la mission « Recherche et enseignement supérieur ». Je souhaiterais remercier à mon tour Mme Elsa Faucillon pour la clarté et la précision de son propos.

Il y a les discours et il y a les actes. Les discours, nous les connaissons : l’urgence climatique – la loi relative à l’énergie et au climat le proclame, et nous étions alors tous très heureux de mettre ce point en avant – et l’objectif de 50 % d’énergies renouvelables dans notre mix énergétique à l’horizon 2035. Cette date de 2035 nous semblait un peu lointaine ; mais toujours est-il que nous avons une feuille de route à disposition. Voilà pour le discours. Cependant, disposons-nous des moyens nécessaires ? Mme Elsa Faucillon a donné une réponse claire, et je souhaite m’inscrire dans le sillon qu’elle vient de tracer.

Pour atteindre notre objectif à l’horizon 2035, une détermination constante est nécessaire, tout comme une grande ingéniosité, afin d’investir massivement dans les nouvelles énergies et être capables d’approfondir en permanence l’état de la connaissance sur ce sujet. Or nous ne distinguons dans ce budget aucune nouvelle ambition, pour des pans très importants de ce qui devrait mobiliser aujourd’hui l’argent public, pour des politiques publiques essentielles. Qu’y a-t-il de neuf ou d’ambitieux concernant la production et le stockage des énergies renouvelables ? Je rejoins complètement les propos de mon collègue M. Gérard Menuel. Nous ne sommes pas au rendez-vous des ambitions affichées. Qu’y a-t-il de neuf ou d’ambitieux concernant l’efficacité énergétique ou la gestion des réseaux ? Le budget ne répond pas à l’ambition collective que nous devrions nous fixer.

Allez-vous me répondre que des programmes seront lancés dans la loi de programmation pluriannuelle sur la recherche qui sera votée l’année prochaine ? Mes chers collègues, pensez-vous que nous ayons encore le loisir de repousser les échéances et la mise en œuvre de nos ambitions ? Notre déception est patente – vous le comprenez tous. Il nous faut agir.

M. Christophe Bouillon. Nous sommes encore sous le choc du terrible accident de Lubrizol. Ce budget doit évidemment refléter la priorité que nous devons accorder à la prévention des risques industriels et technologiques. Voici quelques chiffres. Le bureau d’analyse des risques et des pollutions industriels (BARPI) a produit le 10 septembre dernier un inventaire, qui signale que les accidents industriels ont augmenté de 34 % entre 2016 et 2018.

Madame la rapporteure pour avis Danielle Brulebois, vous avez rappelé que le nombre de contrôles effectués en 2009 était de 25 000, contre 18 000 aujourd’hui. Voilà une diminution manifeste. Quelle en est la raison ? Est-ce la diminution du nombre d’inspecteurs, l’absence de temps pour réaliser les contrôles, l’assouplissement des règles, l’amélioration de la situation chez les industriels et les exploitants, la diminution du nombre d’installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) ? Toutes ces questions se posent avec une acuité accrue. Je vous demande de ne pas baisser la garde en ces matières. Nous avons besoin de plus de contrôles, de plus de contrôleurs et d’une vigilance accrue. Nous devons la vérité à celles et ceux qui vivent autour des sites industriels. Si nous voulons concilier qualité de vie et présence d’une industrie forte en France, nous devons porter haut cette exigence. Voilà la raison pour laquelle nous avons déposé, avec mes collègues, un amendement visant à rétablir les budgets de la prévention des risques, qui baisserait, selon ce PLF, de 6 millions d’euros cette année.

M. Stéphane Demilly. Mon propos portera principalement sur les programmes 181 et 190 du PLF, qui traitent tous deux de la sûreté nucléaire. Plus d’un milliard d’euros au total sont consacrés au nucléaire dans ce budget 2020. Madame Elsa Faucillon, vous déplorez dans votre rapport – je vous cite – qu’« une fois encore les seuls renforts budgétaires accordés iront au secteur nucléaire. S’il est vrai que les technologies nucléaires peuvent toujours gagner en sécurité et en performance, une telle sanctuarisation mérite débat. »

Au-delà de la sanctuarisation que vous dénoncez comme telle, se pose la question des moyens accordés à l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN), dont le rôle est d’assurer au nom de l’État le contrôle de la sûreté nucléaire et de la radioprotection. Les effectifs de cette autorité augmentent, mais comme vous le soulignez dans votre rapport, madame Danielle Brulebois, l’ASN constate une sous-dotation en crédits de personnels à hauteur de 600 000 euros chaque année, ce qui implique de remettre en cause des créations de postes qui ont pourtant été accordées. Alors qu’aujourd’hui l’essentiel du parc nucléaire français a été construit voilà près de quarante ans, la maîtrise du vieillissement des installations et des différents aléas extérieurs implique de relever de nouveaux défis en termes de sûreté nucléaire. Comment expliquez-vous cette sous-dotation de l’ASN ? J’aurai même une question plus générale : en faisons-nous assez pour la sûreté nucléaire ? L’incendie de l’usine Lubrizol a montré que les catastrophes industrielles étaient encore possibles en 2019, rappelant tout l’enjeu de la prévention.

Ma deuxième question s’adresse plus particulièrement à Mme Danielle Brulebois et concerne le Fonds chaleur de l’ADEME, qui permet de financer les projets de production de chauffage alimentés par des énergies renouvelables : chaufferies au bois, réseaux de chaleur, géothermie, etc. Son efficacité est souvent rappelée. Toutefois, si la dotation de ce fonds devait atteindre 350 millions d’euros en 2020 – cette information a été transmise par communiqué de presse –, elle correspond à la trajectoire définie par la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) mais ne figure pas, semble-t-il, dans le document budgétaire. Au contraire, ces documents pour 2020 indiquent, d’une part, une baisse de 23 ETPT, d’autre part, une baisse de la subvention versée pour 2020 de moins 24 millions d’euros sur deux ans pour l’ADEME. N’y a-t-il pas contradiction entre les intentions affichées et les crédits budgétaires affectés ? Pouvez-vous nous en dire plus sur la dotation de ce Fonds chaleur ?

M. Matthieu Orphelin. Mon intervention abordera trois points : les moyens de l’ADEME, les moyens de contrôle des ICPE et le déploiement du plan hydrogène.

Concernant l’ADEME, je rejoins évidemment les préconisations de Mme Danielle Brulebois. L’État doit donner les moyens d’accompagner l’ensemble des acteurs de la transition écologique, particulièrement pour l’économie circulaire. Le projet de loi en cours de discussion autorisera un certain nombre d’avancées, dont le Fonds déchets-économie circulaire de l’ADEME. La question porte sur les moyens financiers, mais aussi sur les moyens humains. Le meilleur exemple est celui des nouvelles filières à responsabilité élargie des producteurs. L’ADEME jouera évidemment un rôle important pour ces filières. Cependant, ce budget propose une baisse d’une vingtaine de postes pour l’agence. Je soutiens donc la volonté de la rapporteure pour avis de supprimer ce gel de postes. Des moyens existent pour financer ces postes affectés à la mise en place et au suivi des filières REP, grâce à une contribution des filières concernées. Nous devons trouver une solution : encourager l’économie circulaire et les filières REP demande plus de moyens, notamment humains. Les baisses prévues à l’ADEME sont donc très problématiques.

Mon deuxième point concerne la prévention des risques et le contrôle des ICPE. Ces missions ne pourront pas non plus s’accommoder d’une baisse du nombre de postes. J’espère que nous pourrons convaincre qu’une dizaine de postes, voire une trentaine, soient réaffectés à ces missions.

Mon dernier point porte sur la recherche – les autres groupes l’ont heureusement évoqué – et le plan de déploiement de l’hydrogène pour la transition écologique. Le Gouvernement a pris des engagements, à la mi-2018, pour déployer un plan hydrogène de 100 millions d’euros, afin de rattraper notre retard et accompagner les acteurs, notamment pour le stockage et la production d’hydrogène vert à partir d’énergies renouvelables. Le plan 2019 n’a pas été complètement exécuté, puisque nous atteignons seulement 70 millions d’euros. Nous souhaiterions nous rapprocher enfin, en 2020, de cet effort massif de 100 millions d’euros de soutien public. Cependant, à la lecture des documents budgétaires, nous ne sommes pas rassurés. Deux moyens existent pour financer ce plan : premièrement, les crédits de l’ADEME – nous n’avons pas de visibilité à ce sujet, et nous estimons qu’ils s’élèveront à 20 ou 25 millions d’euros, alors que 50 millions d’euros seraient nécessaires – deuxièmement, l’assurance que les financements du plan seront à la hauteur des enjeux. Les documents budgétaires contiennent trop d’incertitudes. Nous voulons des garanties. Voilà le sens des amendements que je défendrai tout-à-l’heure.

M. Loïc Prud’homme. Je débuterai mon propos par les crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur », que je connais bien, puisque j’en suis issu : j’étais technicien à l’Institut national de la recherche agronomique (INRA) avant de devenir élu. J’y ai constaté, au fil du temps, le glissement des financements récurrents vers des financements sur projets et vers la méta‑organisation qu’est l’ANR. Cette organisation pose des problèmes en termes d’indépendance de la recherche publique par rapport aux financeurs privés.

Les chercheurs et les scientifiques que j’ai pu rencontrer sont brillants, mais ils passent leurs journées à remplir des dossiers de financement et de recherche, dont seulement 10 % aboutissent. L’argent que nous investissons dans la recherche publique l’est en pure perte. Cet argent sert à empiler des projets, dont neuf sur dix iront caler des armoires dans les laboratoires. C’est dramatique, et je me dois de donner l’alerte sur ce fonctionnement.

Concernant le manque de moyens, les mesures prévues ne sont pas neutres. Mme Elsa Faucillon nous annonce une baisse de 2 millions d’euros, à laquelle s’ajoute le non‑financement du GVT à hauteur de 30 millions d’euros. Voilà qui signifie un manque de moyens humains et financiers, pointé du doigt par la rapporteure pour avis, qui est incompréhensible au regard des enjeux et des défis incroyables que nous avons à relever.

Je prendrai deux exemples. L’Institut français des sciences et technologies des transports, de l’aménagement et des réseaux (IFSTTAR), ancien Institut national de recherche sur les transports et leur sécurité, s’intéresse à la mobilité du futur. Elle va bien au-delà des véhicules autonomes que vous voulez, mes chers collègues, faire rouler à la queue leu leu, réinventant ainsi le train qui existe depuis des siècles. L’IFSTTAR compte 1 000 agents pour 105 millions d’euros de budget. J’en tomberais de ma chaise ! Ce n’est rien au regard des enjeux que représentent la réorganisation de la mobilité dans notre pays et ses implications écologiques.

Je pourrais vous alerter sur l’échéance de janvier prochain, qui verra la création de l’Institut national de recherche agronomique et environnementale (INRAE), fusionnant l’INRA et l’Institut national de recherche en sciences et technologies pour l’environnement et l’agriculture (IRSTEA). Cette fusion ne se fait pas vraiment à moyens constants, puisqu’elle est envisagée comme une économie d’échelle, alors que les enjeux demanderaient une augmentation des moyens. Que dire du plafond d’emplois, qui n’est même pas atteint !

Quant à la prévention des risques, la baisse généralisée des moyens des opérateurs publics concernant la sécurité des sites industriels implique moins de contrôles et un plus grand laxisme au regard des normes environnementales. Voyez le cas de Lubrizol, quelle catastrophe ! Nous n’avions pas attendu cet événement pour donner l’alarme. En 2018, je vous alertais déjà sur les rejets de bromopropane par l’entreprise Sanofi, 190 000 fois supérieurs à la norme dans le bassin de Mourenx. J’avais alors demandé une commission d’enquête sur les ICPE. Nous n’avons pas d’argent, et nous laissons donc Sanofi s’autocontrôler ! En attendant, des ouvriers meurent. Le PDG de Sanofi, lui, n’habite pas à côté de l’usine, vous pouvez en être sûrs ! Les budgets que nous votons, ici, ne sont pas seulement des lignes budgétaires, ils ont un impact réel sur la vie des gens.

M. Hubert Wulfranc. Je remercie comme tout un chacun nos deux rapporteures pour avis pour leur travail, avec une mention particulière pour ma collègue Mme Elsa Faucillon. Au risque de la redite, je reviendrai sur les risques technologiques, et, pour l’ADEME, sur le fonds de traitement des sols pollués en déshérence.

Concernant les risques technologiques, Madame Danielle Brulebois, vous notez non seulement la trajectoire à la baisse des moyens d’intervention et de contrôle des installations à risque, dont les installations Seveso, mais vous indiquez aussi que peu d’accidents sont à déplorer. Comme l’a rappelé à juste titre le rapporteur de la mission d’information créée à la suite de l’incendie de Lubrizol, plus de 1 300 accidents ont eu lieu en 2018 dans les sites à risques et ce chiffre est en augmentation très sensible ces deux dernières années ! Plus de 50 % de ces accidents ont eu lieu dans des usines classées Seveso. Nous ne pouvons donc pas conclure que peu d’accidents sont à déplorer en France. C’est tout l’inverse, la trajectoire est à la hausse. Nous devons en prendre la mesure. J’ai bien pris en compte votre amendement qui vise à consolider les moyens des inspecteurs de la DREAL, à hauteur de 2 millions d’euros. J’ai aussi pris en compte l’amendement qui sera présenté par M. Christophe Bouillon et son groupe, et qui porte sur 8 millions d’euros. Au-delà des chiffres, nous serons tous vigilants afin que ces amendements permettent un accroissement très sensible des moyens consacrés au traitement des risques technologiques.

Concernant le fonds d’intervention de l’ADEME de traitement des sites pollués en déshérence, nous avons connu au cours des dernières semaines et des derniers mois une recrudescence très sensible des sujets d’actualité portant sur ce point. La responsabilité des entreprises ne peut être avérée, dans la mesure où leur trace a été perdue dans l’histoire industrielle de nos régions, qu’il s’agisse de sites en milieux urbains denses ou en zone rurale. Nos concitoyens sont très inquiets des conséquences de ces sites à l’abandon. Il en va de même pour les collectivités territoriales concernées par la localisation de ces sites. Les interventions sont délicates, lourdes et longues. Il est nécessaire de considérablement renforcer ce fonds d’intervention de l’ADEME pour intervenir concrètement sur ces sites.

M. Martial Saddier. Je le disais hier soir au sujet de l’ADEME et du budget, le ministère de la transition écologique et solidaire se voit amputer d’un nombre d’ETPT bien supérieur à celui des autres ministères. Pour faire face aux demandes, il se tourne vers ses agences, où les efforts exigés en termes de baisses d’effectifs sont démultipliés. L’ensemble des groupes et des sensibilités se rejoint sur ce point. Il est impératif d’arrêter cette ponction, très supérieure à celle que connaissent les autres ministères.

M. Jean-Marie Sermier. Je suis surpris de la manière dont certains collègues lient le nombre de contrôles des inspecteurs de la DREAL à celui des accidents dans les entreprises. La question est bien plus complexe. Je ne mets pas en cause la capacité qu’ont les entreprises à assurer la meilleure sécurité pour elles-mêmes, pour les salariés et pour les riverains. Sur la plateforme Inovyn de Tavaux, je peux vous assurer que l’ensemble des cadres et des salariés met tout en œuvre pour s’assurer qu’aucun problème ne survienne. Cependant, le risque zéro n’existe pas. Nous ne pouvons pas simplement discréditer les entreprises et considérer qu’un simple contrôle permettrait de régler tous les problèmes et prévenir tout potentiel accident.

Mme Valérie Lacroute. À l’heure où les événements climatiques se multiplient – nous l’avons encore vu cette nuit – vous baissez de près de 16 % le budget de prévention des risques naturels et hydrauliques, et la part non attribuée au fonds « Barnier » est malheureusement versée au budget général. En tant que députée de Seine-et-Marne et ancienne maire de Nemours, ville durement touchée par les crues de 2016, je ne peux que déplorer cette baisse. Nous devons changer nos pratiques pour sauver la planète. La communication du Président de la République le rappelle souvent – c’est louable. Dès lors, pourquoi diminuer le budget de la prévention des risques, alors que tous les experts s’accordent à dire que l’investissement dans la prévention est encore dix fois inférieur à ce que coûte l’indemnisation des catastrophes ?

Mme Elsa Faucillon, rapporteure pour avis. Je souhaite tout d’abord préciser mon propos concernant la hausse du budget de la recherche dans les énergies renouvelables. Dire qu’il augmente n’est pas vrai. Une hausse existe bien, mais pour rembourser nos dettes et ainsi tenir nos engagements internationaux. Ces crédits ne seront donc pas affectés directement à la recherche dans les thématiques d’avenir, ni même aux opérateurs de recherche. Ces derniers n’en seront pas renforcés, bien au contraire, puisque le financement proposé par le Gouvernement reste problématique.

La coopération internationale concerne une grande partie du programme 193, soit environ 1,6 milliard d’euros, ainsi qu’une part du programme 172, pour un total d’au moins 2 milliards d’euros.

Monsieur Gérard Menuel, vous évoquiez un arrêt des projets européens de météorologie. Je parlerais plutôt de ralentissement des paiements, formule certes jargoneuse, mais qui est plus proche de la réalité.

Quant à la recherche spatiale, le budget 2020 permet de solder la dette envers l’ESA, ce qui constitue un point positif. Je n’ai pas de point d’alerte à signaler, les auditions l’ont confirmé.

Enfin, concernant la présence du Gouvernement ou du Président de la République en Espagne, ce n’est pas à moi de vous répondre. J’espère néanmoins que vous obtiendrez une réponse rapidement.

Le réacteur Astrid était financé autrefois par l’intermédiaire des programmes d’investissement d’avenir (PIA), à hauteur de 100 millions d’euros par an, depuis 2010. 20 millions d’euros complèteront le budget pour poursuivre la recherche sur les réacteurs de quatrième génération. L’arrêt ou le report de ce projet est une décision politique. Lors des auditions, nous n’avons pas noté de remarque particulière sur cette décision. À titre personnel, je pense qu’elle aurait pu faire l’objet d’un débat, notamment au Parlement, car il s’agit d’une décision importante.

Monsieur Patrick Loiseau, un alignement des taux de réserve a eu lieu en 2019 entre le ministère de la transition écologique et solidaire et le ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation. Une différence de traitement avait été soulignée. Nous ne savons pas à l’heure actuelle ce qu’il en sera en 2020.

Quant à l’Union européenne, il existe des fonds européens importants pour la recherche. Mais les Français y font peu appel aujourd’hui. L’ANR a donné l’alerte, et nous a indiqué qu’elle allait mettre en œuvre un accompagnement pour davantage solliciter ces fonds.

Monsieur Guillaume Garot, monsieur Christophe Bouillon, effectivement, nous avons besoin d’actes. La trajectoire voulue est prise. Mais le besoin de financement en termes de recherche et d’innovation pour suivre cette trajectoire est évalué entre 500 millions et 1 milliard d’euros. Or, aujourd’hui, nous sommes plus proches des 400, voire des 300 millions d’euros si nous considérons une fourchette basse. Voilà une vision honnête de la situation. Nous sommes encore loin du compte.

Quant à la sûreté nucléaire, dans notre mission, seul l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) est concerné. Sa subvention pour charges de service public est identique aux années précédentes. Toutefois, comme de nombreux autres organismes, l’institut est confronté au problème du financement du GVT. Une reconduction à l’identique est inquiétante s’il souhaite mener à bien ses missions.

Je partage vos remarques, mesdames et messieurs, sur la recherche sur l’hydrogène. Si le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) ou l’Institut français du pétrole-Énergies nouvelles (IFPEN) travaillent sur l’hydrogène, il n’existe pas de financements directement affectés. Pour pouvoir répondre aux engagements pris – un amendement de M. Matthieu Orphelin va dans ce sens –, nous devons affecter directement des crédits à la recherche sur l’hydrogène.

Concernant les remarques de M. Loïc Prud’homme sur l’ANR, la question du financement des projets est un débat ancien. Les chercheurs et les laboratoires passent un temps fou à élaborer les projets. Une recherche de simplification a été tentée en 2019. L’ANR examine d’abord un pré‑projet pour voir s’il pourrait être intéressant ; le cas échéant, elle demande une version plus fouillée.

L’inquiétude est réelle pour l’emploi dans la recherche publique. Le sous‑financement du GVT représente 30 millions d’euros de manque à gagner ! Entre 2012 et 2017, nous notons une compression de 3 500 postes. Sans investissement massif dans la recherche publique, les difficultés seront importantes. La vigilance s’impose.

La création de l’INRAE ne doit pas permettre de dégager des économies dans l’immédiat. Cependant nous devrons surveiller l’évolution de la situation au cours des prochaines années. Ce n’est que dans deux ou trois ans que l’on pourrait constater des économies d’échelle. L’on nous a dit qu’aucun site ne serait fermé ; je vous invite à bien regarder les budgets futurs !

M. Loïc Prud’homme. J’ai oublié d’évoquer le rendement de la métastructure ANR. Pour 100 euros investis dans l’ANR, combien sont transférés aux laboratoires de recherche ? Cet indicateur est très significatif.

Mme Elsa Faucillon, rapporteure pour avis. Je n’ai pas ce chiffre à disposition.

Mme Danielle Brulebois, rapporteure pour avis. Monsieur Christophe Arend, vous soulignez une légère baisse des crédits de l’ADEME. Cependant, l’agence a des moyens de fonctionnement suffisants, grâce à ses ressources propres, en nette augmentation : elles sont passées de 11 à 28 millions d’euros entre 2018 et 2019. Par ailleurs, des désengagements de projets ont libéré des crédits pour 2020. Nous ne connaissons pas encore exactement le budget de l’ADEME, qui sera déterminé lors du conseil d’administration de fin 2019. Nous aurons alors une vision claire des ressources de l’agence, qui me semblent néanmoins suffisantes, si ce n’est en termes d’emplois. L’ADEME propose des actions innovantes au plus près des territoires : elle met notamment en œuvre les plans régionaux de traitement des déchets et la redevance incitative dans les territoires. Elle a donc besoin de moyens humains supplémentaires pour dérouler la FREC et toutes ses autres actions. Beaucoup de progrès sont encore à faire pour éviter l’enfouissement des déchets, mieux trier, recycler et réemployer.

Monsieur Gérard Menuel, votre question portait, comme celles d’autres collègues, sur l’accident de l’usine Lubrizol. Vos inquiétudes portent sur la qualité et la fréquence des contrôles et des inspections. Pour tout ce qui concerne les sites Seveso, les contrôles sont effectués de manière extrêmement rigoureuse, suivie et régulière. Sur le site Seveso seuil haut Inovyn à Tavaux, deux inspecteurs travaillent à temps plein de façon permanente sur le site. Les inspections sont très fréquentes. Cependant, le travail administratif des inspecteurs est de plus en plus important. Chaque extension ou création d’une nouvelle activité implique un nombre très important de tâches administratives. Notre cadre législatif est particulièrement complexe et riche, et nous devons aussi l’adapter constamment à la réglementation européenne. Ce temps est cependant pris auprès de personnels qui travaillent sur des sites classés à risque moins élevé, et qui sont donc moins fréquemment inspectés.

Monsieur Patrick Loiseau, votre question portait sur la baisse des crédits affectés à la prévention des risques naturels. La baisse de 15 % du programme 10 est due – je l’ai déjà expliqué – à la dotation exceptionnelle en faveur de l’immeuble Le Signal votée en LFI 2019. Elle n’a pas lieu d’être cette année.

Le plafond du fonds « Barnier », qui s’élève à 131,5 millions d’euros, devra être revu dès 2020. Cependant, il est suffisant pour répondre aux besoins cette année.

Monsieur Patrick Loiseau, vous avez aussi parlé des moyens de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES), qui doivent être préservés. Ils sont principalement inclus dans la mission agriculture, mais le programme 181 inclut aussi 8 millions d’euros pour la recherche. L’ANSES assume des missions de plus en plus complexes et difficiles, notamment sur les pesticides et les perturbateurs endocriniens. La mise sur le marché de nouvelles molécules est très rapide, et l’agence doit constamment s’adapter et mener ses recherches dans de très courts délais.

Monsieur Christophe Bouillon, vous avez aussi parlé des contrôles, craignant un certain laxisme. Je peux vous assurer que l’État français ne baisse pas la garde, bien au contraire. Les contrôles sont de plus en plus exigeants et complets.

Monsieur Stéphane Demilly, concernant le nucléaire, 2 millions d’euros de plus ont été accordés à l’ASN. Son financement est conforté : ses crédits augmentent de 2,28 % en AE et 2,10 % en CP, pour atteindre 60,3 millions d’euros en AE et 65,2 millions d’euros en CP. Vous avez raison de souligner que le vieillissement de nos installations et les difficultés sur les soudures constatées à Flamanville nécessitent de l’ASN et de l’IRSN un travail de plus en plus complet et assidu, d’où ces moyens supplémentaires. Les effectifs de l’ASN ont aussi été renforcés.

Il a été dit que le Fonds chaleur ne répondait pas aux attentes de la PPE. Le Fonds chaleur est pour le moment suffisant. En 2020, 350 millions d’euros lui seront consacrés, contre 307 millions en 2019. Par ailleurs, nous devons souligner le désengagement d’un grand nombre de projets, de la part de particuliers comme de collectivités. Le gaz et l’énergie ne sont pas très chers actuellement, ce qui n’encourage pas les projets.

Monsieur Jean-Marie Sermier, vous avez évoqué les inspections de la DREAL, et souligné à juste titre que les accidents graves sont très rares en France. La culture de la prévention des risques est réelle dans notre pays, notamment dans nos entreprises, qui n’attendent pas les contrôles et les inspections pour assurer la sécurité et la sûreté de leurs établissements. Les entreprises se plaignent cependant de la lourdeur des démarches administratives. Nos inspecteurs ont trop de travail administratif, les temps de traitement des dossiers sont de six mois, voire un an, tandis que la concurrence des pays étrangers fait son œuvre. La France est le lieu d’importantes contradictions : nous nous plaignons de la lourdeur et de la lenteur de l’administration, tout en réclamant davantage de sécurité et de protection.

Je souhaite souligner un point qui figure dans mon rapport, à propos de Lubrizol. Les salariés du site Inovyn ont attiré mon attention sur les systèmes d’alerte. Dans le cas de Lubrizol, tout a été fait dans les règles. Cependant, les sirènes et les réseaux sociaux ne suffisent peut-être plus aujourd’hui. SMS et téléphones portables, que nos concitoyens utilisent en permanence, devraient sûrement être utilisés.

Madame Valérie Lacroute, la baisse du fonds Barnier tient à la hausse artificielle du programme, l’année dernière, en faveur de l’immeuble Le Signal.

Monsieur Hubert Wulfranc, vous êtes à juste titre attaché à la question de la dépollution des sites en déshérence. L’ADEME réalise un travail important sur cette question. Nous recensons 230 sites orphelins. Les crédits sont en hausse : 18 millions d’euros en 2020, contre 12 millions d’euros en 2019 et 9 millions d’euros en 2018. Vous avez raison d’évoquer cette question, car de nombreux sites orphelins réclament encore d’être dépollués. J’ai pu le constater dans les calanques de Marseille.

Monsieur Matthieu Orphelin, vous évoquez la question de l’hydrogène, sujet qui vous tient à cœur. Le Fonds air mobilité passe de 16 millions d’euros en 2018 à 47 millions d’euros en 2019. Il nous faudra cependant attendre la fin de l’année pour connaître la dotation exacte de l’ADEME. La filière industrielle française de l’hydrogène, décarbonnée, doit être développée, et nous devons ouvrir de nouvelles perspectives pour le stockage des énergies renouvelables.

La commission en vient à l’examen des amendements.

Article 38 et état B : Mission Écologie, développement et mobilité durables

La commission examine l’amendement II-CD44 de M. Matthieu Orphelin.

M. Matthieu Orphelin. Il s’agit d’un amendement d’appel sur le thème de l’hydrogène, pour envoyer de la part de notre commission un signal au Gouvernement. Nous devons atteindre en 2020 un financement du plan hydrogène qui soit à la hauteur des annonces, soit 100 millions d’euros au total, incluant les crédits de l’ADEME et le grand plan d’investissement.

Mme Danielle Brulebois, rapporteure pour avis. Je partage l’ambition de M. Matthieu Orphelin de déployer l’hydrogène. Le Fonds air mobilité a été significativement renforcé, avec 47 millions d’euros en 2019 pour l’ADEME ; nous ne connaissons pas encore le chiffre exact pour 2020. Le Gouvernement souhaite faire inscrire rapidement ces crédits pour le développement de l’hydrogène. J’ajoute que le gage de votre amendement conduirait à retirer 25 millions d’euros de crédits en dépenses de personnels au ministère de la transition énergétique et solidaire. Je vous demande donc de le retirer, sans quoi j’émettrai un avis défavorable.

M. Matthieu Orphelin. Tout le monde connaît les règles de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) et du débat parlementaire. Nous devons prendre les crédits sur d’autres lignes budgétaires, de façon tout à fait artificielle. Loin de moi l’idée de ponctionner des moyens en personnels, alors que cela fait des semaines que nous nous battons contre les suppressions de postes. Cette règle qui nous est imposée est complètement absurde et artificielle.

Pour le plan hydrogène, nous ne sommes pas sûrs – vous l’avez bien dit – que les crédits de l’ADEME seront à la hauteur des engagements pris. Voilà le sens de cet amendement, que je maintiens à ce stade, malgré l’artificialité de la réduction qu’il implique par ailleurs. Il s’agit d’un signal envoyé par notre commission, conforme à notre mission de contrôle de l’action du Gouvernement.

La commission rejette l’amendement II-CD44.

Elle examine l’amendement II-CD51, 2e rectification, de la rapporteure pour avis Mme Danielle Brulebois.

Mme Danielle Brulebois, rapporteure pour avis. Je présente cet amendement avec mon collègue rapporteur pour avis M. Adrien Morenas. Nous souhaitons donner des moyens supplémentaires à l’ADEME et à son Fonds économie circulaire, qui va constituer un outil essentiel pour accompagner la mise en œuvre de la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire et de la FREC. Ce fonds a été doté de 164 millions d’euros en 2019, contre 149 millions d’euros en 2018. Cependant, ces moyens me paraissent trop faibles par rapport aux ambitions que nous nous donnons pour transformer notre système de traitement des déchets. Les missions qui vont incomber à l’ADEME sont immenses : développement de la tarification incitative, filières REP, qui constituent un outil puissant – certaines déjà mises en œuvre ne fonctionnent pas toujours de manière satisfaisante, comme la filière REP textile – fonctionnement des éco-organismes – eux aussi ne fonctionnent pas toujours de manière satisfaisante. Beaucoup reste à faire. Je ne parle pas de l’accompagnement des entreprises pour l’écoconception et l’intégration de matières premières recyclées. Cet accompagnement et cette expertise de l’agence nécessitent des effectifs supplémentaires, que j’évalue à 15 ETPT.

Notre amendement prévoit de transférer 10 millions d’euros de l’action 52 « Transport aérien » du programme 203 « Infrastructures et services de transport » vers l’action 12 du programme 181 « Prévention des risques », qui porte la subvention pour charges de service public versée à l’ADEME.

La commission adopte l’amendement II-CD51, 2e rectification.

Elle en vient à l’amendement II-CD42 de M. Christophe Bouillon.

M. Christophe Bouillon. Cet amendement vise à rétablir les crédits de la prévention des risques industriels. Nous avons maintes fois évoqué dans la discussion générale l’attention que nous devons porter à cette question et les moyens qu’il nous faut lui allouer. Un sentiment de relâchement peut se faire sentir. Je ne doute pas du travail qui est réalisé par les inspecteurs sur le terrain, mais nous devons pouvoir l’accompagner.

Nous souhaitons revenir sur la diminution de 6 millions d’euros que vous proposez dans le PLF, et affecter à la prévention 2 millions d’euros supplémentaires, pour satisfaire l’exigence qui est la nôtre. Imaginez la situation, si, à la fin de cet examen budgétaire, le message adressé à nos concitoyens était celui d’une baisse des crédits accordés à la prévention des risques ! Avec mon collègue M. Hubert Wulfranc, nous pensons aux habitants de notre département, qui sont très concernés par les sites industriels – plusieurs sont classés Seveso. Nous ne pouvons pas baisser la garde en matière de prévention des risques.

Mme Danielle Brulebois, rapporteure pour avis. Vous mentionnez la légère diminution des crédits. Le moindre besoin de financement des plans de prévention des risques technologiques (PPRT) est dû au fait que 381 sur 388 sont déjà approuvés. Notre objectif est que 100 % le soient en 2020. Avec seulement sept plans en cours d’approbation, cette action demande moins de crédits.

En revanche, la prévention des risques industriels ne connaît de réduction ni de moyens ni d’effectifs. Le nombre d’inspecteurs reste stable. Toutefois, le travail administratif est lourd et ils ont moins de temps disponible pour les inspections de terrain. Je pense moi aussi que les moyens humains doivent être renforcés au niveau des DREAL. Je vous propose donc de retirer votre amendement et de soutenir celui que je propose, d’autant que le vôtre priverait de crédits l’Institut national de l’information géographique et forestière (IGN), ce qui serait dommageable.

M. Hubert Wulfranc. Cette question est politique, au sens noble du terme. Nous sommes confrontés depuis plusieurs années, en matière de risques technologiques, à une trajectoire qui réduit sensiblement – malgré les propos de la ministre qui indique que les effectifs restent stables cette année – le nombre des agents mobilisés sur le terrain ; or, cette question est de la plus haute importance pour nos administrés.

De la même façon – et vous l’avez dit à plusieurs reprises – la densité et la complexité des missions vont croissant. En la circonstance, devant un accident d’une ampleur nationale qui vient interroger directement la responsabilité de l’État, vos propres collègues, nous-mêmes et la population attendent une réponse politique du Gouvernement. Notre industrie, heureusement, participe à la richesse nationale et à celle de nos régions, près de la Seine, le long du Rhône, en région Provence-Alpes-Côte d’Azur, etc. Le dossier est national.

J’en appelle donc à votre sens des responsabilités, pour porter au plus haut niveau, via cet amendement, une inversion de la trajectoire concernant les moyens humains, le savoir‑faire et l’expertise de notre pays au regard des risques technologiques et industriels.

M. Christophe Bouillon. Je maintiens cet amendement ! Nous souhaitons rétablir les crédits en faveur de la prévention des risques. Je rejoins les excellents propos de mon collègue M. Hubert Wulfranc. Nous ne pouvons baisser la garde. Moyens humains et accompagnement des entreprises sont nécessaires. Nous participons tous deux à la mission d’information sur l’accident de l’usine Lubrizol. Nous devrons faire des propositions : améliorer des dispositifs d’alerte, par exemple, et trouver des solutions pour concilier l’activité industrielle et le cadre de vie des riverains. Notre pays compte 1 300 sites Seveso, qui concernent directement un très grand nombre d’habitants. L’attention a été réveillée à la suite de la catastrophe de Lubrizol. Nous ne devons ni baisser la garde, ni donner le sentiment que nous aurions déjà tout fait en la matière. La preuve en est que c’est faux. L’augmentation de 34 %, entre 2016 et 2018, des accidents industriels montre que nous ne pouvons dire que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes. Nous devons envoyer un message clair aux habitants qui résident à côté de ces sites industriels.

Mme Danielle Brulebois, rapporteure pour avis. Cet amendement me gêne, car il ponctionne les crédits de l’IGN, qui connaît certaines difficultés du fait de la gratuité de ses prestations. Je vous invite donc à soutenir l’amendement que je propose, qui est dans la même veine, pour redonner des moyens aux inspecteurs.

La commission rejette l’amendement II-CD42.

Elle examine l’amendement II-CD71 de la rapporteure pour avis Mme Danielle Brulebois.

Mme Danielle Brulebois, rapporteure pour avis. Voici l’amendement que j’évoquais. Si nous considérons que le nombre d’inspecteurs n’a pas baissé, puisqu’il est stable depuis dix ans, nous devons aujourd’hui augmenter leurs moyens, compte tenu de la complexité des tâches administratives et du temps passé aux activités de réglementation et de législation.

À la fin 2018, nous comptions 1 290 postes de contrôleurs exprimés en ETPT. Le Gouvernement prévoit une augmentation des contrôles de 50 % d’ici 2022. Afin de tenir cette ambition, je propose de transférer 2 millions d’euros de l’action 52 « Transport aérien » du programme 203 « Infrastructures et services de transport » vers l’action 16 « Personnels œuvrant pour les politiques du programme « Prévention des risques » » du programme 217, afin de créer une trentaine de postes d’inspecteurs pour les installations classées sur le terrain et de leur donner des moyens matériels d’agir.

La commission adopte l’amendement II-CD71.

Article 38 et état B : Mission Recherche et enseignement supérieur

La commission examine l’amendement II-CD66 de M. Matthieu Orphelin.

M. Matthieu Orphelin. Cet amendement porte sur l’hydrogène. Le gage est pris sur les crédits de la recherche spatiale. Le vote s’est joué à quelques voix sur l’amendement CD44 précédent, ce qui j’espère motivera certains collègues. Le montant est moins important.

Nous sommes un grand nombre, de tous les groupes politiques, à avoir évoqué la nécessité d’obtenir des assurances sur le développement des solutions en hydrogène. C’est la raison d’être de cet amendement. Mme la rapporteure pour avis a rappelé que nous n’avions aucune visibilité quant aux crédits qui seraient affectés en 2020 à l’ADEME, ni par le Grand plan d’investissement.

Soyons cohérents, prenons en compte l’ensemble des questionnements et interpellations qui se sont manifestés ce matin. Nos débats doivent permettre un dialogue avec le Gouvernement, pour que nous ayons la semaine prochaine, dans l’hémicycle, l’assurance que le financement du plan hydrogène, en 2020, s’élève bien à 100 millions d’euros, répartis entre l’ADEME et le Grand plan d’investissement. Voilà la raison d’être de cet amendement d’appel. Quant au gage de 20 millions d’euros pris sur la recherche spatiale, ce sont les règles budgétaires absurdes que l’on nous impose qui l’explique.

Mme Elsa Faucillon, rapporteure pour avis. Le gage est pris sur la recherche duale, civile et militaire – je me permets cette précision. Je donne un avis favorable à cet amendement. Nous savons que l’hydrogène peut apporter des solutions essentielles en termes de mobilité durable et de stockage des énergies renouvelables. Nous devons poursuivre la recherche et encourager l’innovation ; il nous faut donc investir. Le Gouvernement et le Président de la République ont pris des engagements en 2018 ; les discours étaient volontaires, mais ils ne se traduisent ni dans le budget de 2019, ni dans le PLF de 2020. L’amendement de notre collègue ouvre le débat, et invitera le Gouvernement à éclairer les membres de la commission et l’ensemble des députés sur les moyens qu’il compte mettre en œuvre. Seuls le CEA, l’IFPEN et le CNRS mènent actuellement des recherches sur l’hydrogène, avec des fonds directement affectés à la question. Or, 2 millions d’euros viennent de leur être retirés dans ce budget. D’où mon avis favorable.

La commission adopte l’amendement II-CD66.

 

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*     *

La commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a émis un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur ».

 


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   LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

(par ordre chronologique)

IFP énergies nouvelles (IFPEN)

M. Didier Houssin, président

M. Eric Lafargue, directeur général adjoint

Agence nationale pour la recherche (ANR)

M. Thierry Damerval, président directeur général

M. Olivier Spalla, responsable du département scientifique « Sciences Physiques Ingénierie, Chimie et Énergie »

M. Jérôme Ferrand-Ammar, chargé de mission auprès de la direction générale

Agence de lenvironnement et de la maîtrise de lénergie (ADEME)

M. Fabrice Boissier, directeur général délégué

Mme Valérie Quiniou-Ramus, directrice exécutive de la recherche et de la prospective

Institut national de la recherche agronomique (INRA)

M. Fabrice Marty, directeur général délégué à l’appui à la recherche

M. Louis-Augustin Julien, directeur du financement et des achats

M. Thierry Caquet, directeur scientifique « Environnement »

Ministère de la transition écologique et solidaire (MTES) – Commissariat général au développement durable (CGDD)

M. Thierry Courtine, adjoint au directeur de la recherche et de l’innovation (DRI)

Mme Dominique Berthon, cheffe du bureau des affaires financières au CGDD

M. Pierre Moschetti, sous-direction de la construction aéronautique à la direction générale de l’aviation civile (DGAC)

M. Fabrice Legendre, chargé de mission à la direction général de l’énergie et du climat (DGEC)

Commissariat à lénergie atomique et aux énergies alternatives (CEA)

Mme Marie-Astrid Ravon-Berenguer, directrice des finances et des programmes

M. Jean-Pierre Vigouroux, chef du service des affaires publiques, chargé des relations avec le Parlement

Ministère de lenseignement supérieur, de la recherche et de linnovation (MESRI) – Direction générale de la recherche et de linnovation (DGRI)

M. Bernard Larrouturou, directeur général

M. Damien Rousset, adjoint au chef du service de la performance, du financement et de la contractualisation avec les organismes de recherche

M. Maurice Caraboni, chef du département « Gestion et pilotage budgétaires des programmes »

M. Frédéric Ravel, directeur scientifique du secteur énergie, développement durable, chimie

Mme Christine Costes, Cheffe du département « Politique d’incitation à la R&D des entreprises »

Contributions écrites

‑ Institut national de recherche en sciences et technologies pour l’environnement et l’agriculture (IRSTEA)

– Centre national de la recherche scientifique (CNRS).


([1]) Contrats à durée déterminée de trois ans fondés sur des projets de recherche et de développement confiés à des doctorants (Bac+5) travaillant avec une équipe de recherche extérieure. Leur gestion est confiée à l’Agence nationale de la recherche et de la technologie (ANRT).

([2]) Laboratoires chauds, maquette critique, installation dédiée à l’étude des accidents graves.

([3])  http://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/cid145343/projet-de-loi-de-finances-2020-de-l-enseignement-superieur-de-la-recherche-et-de-l-innovation.html

([4]) French university on urban research.

([5])  Programme prioritaire de recherche porté par le PIA 3, il a été doté de 30 millions d’euros pour financer à part au moins égale avec leur laboratoire français d’accueil des chercheurs de haut niveau qui résidaient à l’étranger afin de développer des travaux liés au changement climatique global et ce, pendant au moins trois ans.

([6]) Chiffre du budget initial 2019 de l’ANR sur 708,3 millions d’euros de crédits d’intervention. Mais sur cette enveloppe globale, 23,8 millions d’euros sont prévus pour les programmes collaboratifs, co-financés, et le solde est réparti entre le préciput (cf. partie III), le programme Carnot, les transferts à l’Institut national du cancer (INCA) et le financement des plateformes de micro et nanofabrication.

([7]) S’inscrivant dans les anciens axes thématiques du plan d’action annuel de l’ANR : 1.2 « Terre vivante », 1.3 « Innovations scientifiques et technologiques pour accompagner la transition écologique », 1.4 « Biologie des animaux, des organismes photosynthétiques et des microorganismes », 1.5 « Alimentation et systèmes alimentaires », 1.6 « Dynamique des socio-écosystèmes et de leurs composants en vue de leur gestion durable », 8.1 « Interactions humains-Environnement » et 8.2 « Contaminants, écosystèmes et santé ».

([8]) Projets de recherche collaboratifs.

([9]) Sur les axes (ancienne grille) 2.1 « Une énergie durable, propre, sûre et efficace », 2.3 « Chimie moléculaire », 2.4 « Matériaux métalliques et inorganiques et procédés associés », 8.9 « Bioéconomie : chimie, biotechnologie, procédés et approches systèmes, de la biomasse aux usages » et 8.10 « Sociétés urbaines, territoires, constructions et mobilité ».

([10])  Cf. Décret n° 2015-1491 du 18 novembre 2015.

([11]) Dont le Conseil constitutionnel est actuellement saisi. Il fixe par ailleurs les objectifs d’atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050 et de diminuer de 40 % la consommation d’énergies fossiles d’ici 2030.

([12]) EY, Advisory program to foster scale up investment in clean energy innovation in France, juillet 2019.

([13]) Alliance nationale de coordination de la recherche pour l’énergie.

([14])  L’échelle TRL (technology readiness level) est couramment utilisée pour évaluer le niveau de maturité d’une technologie, notamment en vue de financer sa recherche et son développement, jusqu’à son arrivée sur le marché. Elle commence avec l’observation et la description des principes de base (niveau ou TRL 1) jusqu’à l’application réelle d’une technologie (TRL 9).

([15]) Il s’agit du décompte tous programmes budgétaires confondus, mais la hausse est intégralement portée par l’action 14 du programme 172.

([16]) Sociétés d’accélération du transfert de technologies, créées par les organismes de recherche.