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N° 2298

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 16 octobre 2019.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES
SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2020 (n° 2272)

TOME II

AGRICULTURE, ALIMENTATION, FORÊT ET AFFAIRES RURALES

AGRICULTURE ET ALIMENTATION

PAR M. Jean-Bernard Sempastous

Député

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 Voir les numéros : 2272 et 2301 (Tome III, annexe 4).

 


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SOMMAIRE

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Pages

Introduction

I. Présentation des crédits de la mission « agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales »

A. le programme 149 « compétitivité et durabilité de lagriculture, de lagroalimentaire, de la forÊt, de la pêche et de laquaculture »

1. Laction n° 21 « Adaptation des filières à lévolution des marchés »

2. Laction n° 22 « Gestion des crises et des aléas de la production agricole »

3. Laction n° 23 « Appui au renouvellement et à la modernisation des structures agricoles »

4. Laction n° 24 « Gestion équilibrée et durable des territoires »

5. Laction n° 25 « Protection sociale »

6. Laction n° 26 « Gestion durable de la forêt et développement de la filière bois »

7. Laction n° 27 « Moyens de mise en œuvre des politiques publiques et gestion des interventions »

8. Laction n° 28 « Gestion durable des pêches et de laquaculture »

B. le programme 206 : « sécurité et qualité sanitaires de lalimentation »

C. le programme 215 « conduite et pilotage des politiques de lagriculture »

D. le compte daffectation spéciale « développement agricole et rural » (CAS DAR)

II. repenser le portage du foncier agricole

A. une agriculture en difficulté dans un contexte environnemental de plus en plus dégradé

B. la question du foncier agricole

1. État des lieux

2. Le portage foncier en France

a. Les sociétés daménagement foncier et détablissement rural (SAFER)

b. Le portage foncier alternatif ()

i. Lassociation Terre de Liens

ii. Les initiatives locales : lexemple de Lurzaindia ()

C. rendre la terre accessible

1. Présentation du projet porté par la Caisse des dépôts et consignations – Biodiversité

2. Structure du projet

a. Protéger le marché et assurer lattractivité du dispositif

b. Pérenniser les exploitations

c. Quel cahier des charges environnemental ?

i. Les obligations réelles environnementales (ORE)

ii. Le bail rural à clauses environnementales (BRE)

EXAMEN EN COMMISSION

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES


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Introduction

En dépit de la sécheresse, l’année 2019 est marquée par des résultats positifs en termes de récoltes pour la large majorité des territoires, excepté l’Auvergne. Pourtant, la quantité et la qualité de la production n’ont pas d’effet substantiel sur le revenu agricole, les marchés ayant réagi à ce surplus d’offre par une conséquente chute des prix. La situation du secteur agricole reste donc préoccupante, victime de l’essoufflement de son modèle productif, de la réduction des actifs agricoles et de l’artificialisation croissante des sols.

Dans son projet de loi de finances pour 2020, le Gouvernement marque une volonté de renforcer les mesures favorables à une agriculture durable économiquement et respectueuse de l’environnement, tout en participant au redressement des comptes publics et en s’efforçant d’accroître la sincérité budgétaire. La mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » voit ses crédits augmenter pour lexercice 2020, atteignant 3,01 milliards deuros en autorisations dengagement (AE), soit une augmentation de 6,31 % par rapport à 2019, et 2,96 milliards deuros en crédits de paiement (CP), soit une augmentation de 1,24 %.

En outre, la politique agricole commune (PAC) contribue au financement d’un grand nombre d’actions nationales. Ainsi, les aides de la PAC représenteront, pour lexercice 2020, 9,5 milliards deuros, dont 6,8 milliards deuros en paiements directs ([1]). Elles viennent généralement renforcer une aide cofinancée nationalement, comme dans le cadre de l’indemnité compensatoire de handicaps naturels (ICHN) ou des mesures agroenvironnementales et climatiques (MAEC).

Dans la continuité de la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019, le projet de loi de finances pour 2020 intègre le volet agricole du Grand plan d’investissement 2018-2022 (GPI). Ceci se traduit, pour 2020, par le financement d’un fonds Avenir Bio, stable par rapport à la loi de finances pour 2019 précitée, et par le renforcement des MAEC, accompagnant les mesures de modernisation et d’innovation préexistantes. Les trois axes de travail du GPI restent logiquement identiques : transformation de l’amont agricole et forestier, amélioration de la compétitivité de l’aval agricole et forestier, et innovation et structuration des filières. Pour 2020, les dotations relatives au GPI sont en forte augmentation par rapport à la loi de finances pour 2019, à hauteur de 329,9 millions d’euros en AE et de 244,2 millions d’euros en CP. Là aussi, la transition agroenvironnementale est un facteur majeur de cet accroissement des dotations ([2]).

Ceci étant, votre rapporteur tient à faire part de ses inquiétudes quant à la réduction de 15 % de la taxe additionnelle à la taxe sur le foncier non bâti (TATFNB). D’après l’Assemblée permanente des chambres d’agriculture (APCA), en 2017, la TATFNB représentait 42 % du budget des chambres d’agriculture, soit 315 millions d’euros sur un budget total de 750 millions d’euros. En outre, elle couvre 80 % des dépenses de personnel des chambres départementales d’agriculture. À l’inverse, cette taxe ne représente que 0,52 % des taxes dont les agriculteurs doivent s’acquitter ([3]). Ceci semble en contradiction avec la loi n° 2018‑938 du 30 octobre 2018 pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous (« Egalim »), qui élargit les missions des chambres d’agriculture. Dès lors, sans créer de hausse significative du pouvoir d’achat des agriculteurs, cette mesure pourrait pousser les chambres d’agriculture à trouver de nouveaux moyens financiers, ce qui passerait, d’après la Cour des comptes (1), par des prestations facturées aux agriculteurs. Cette réforme pourrait donc aboutir à pénaliser les agriculteurs dont la situation financière est la plus complexe. Votre rapporteur s’associe en conséquence à l’amendement ([4]) de M. Hervé Pellois, rapporteur spécial de la commission des finances sur les crédits « Politiques de l’agriculture, forêt, pêche et aquaculture et développement agricole et rural » de la présente mission, examiné en première partie du présent projet de loi de finances.

Enfin, à la suite de la remise, en décembre 2018, du rapport de la mission d’information ([5]) sur le foncier agricole qu’il a eu l’honneur de présider, votre rapporteur est attentif aux consultations débutées par le Gouvernement sur l’élaboration d’une future loi foncière.

Au vu des difficultés rencontrées par les nouveaux exploitants agricoles lors de leur installation et afin de renforcer l’attractivité de ce secteur essentiel face aux défis environnementaux et sanitaires, votre rapporteur soutient le projet de portage du foncier agricole imaginé par la Caisse des dépôts et consignations – Biodiversité. Cette initiative se fonde sur la possibilité donnée aux agriculteurs d’accéder à la location de terres à moindre coût, en contrepartie du respect d’un cahier des charges environnemental.

Votre rapporteur soutient laction du Gouvernement en donnant un avis favorable à ladoption des crédits des programmes 149 « Compétitivité et durabilité de lagriculture, de lagroalimentaire, de la forêt, de la pêche et de laquaculture », 206 « Sécurité et qualité sanitaires de lalimentation » et 215 « Conduite et pilotage des politiques de lagriculture ».

 


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I.   Présentation des crédits de la mission « agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales »

Le plafond des crédits alloués à la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » sélève à 3,01 milliards deuros en AE (+ 6,31 %) et 2,96 milliards en CP (+ 1,24 %).

Le périmètre de la mission reste identique par rapport à la loi de finances pour 2019 précitée.

Crédits nationaux en faveur de l’agriculture pour 2020

(En euros)

Numéro de programme et intitulé

AE

CP

149

Compétitivité et durabilité de l’agriculture, de l’agroalimentaire, de la forêt, de la pêche et de l’aquaculture

1 826 831 461

1 768 846 861

206

Sécurité et qualité sanitaires de l’alimentation

570 153 451

569 644 785

215

Conduite et pilotage des politiques de l’agriculture

614 311 466

619 380 966

TOTAL Mission agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales

3 011 296 378

2 957 872 612

142

Enseignement supérieur et recherche agricoles

356 315 200

357 177 921

143

Enseignement technique agricole

1 475 392 638

1 475 392 638

775 & 776

Compte d’affectation spéciale développement agricole et rural

136 000 000

136 000 000

TOTAL

4 979 004 216

4 926 443 171

 


A.   le programme 149 « compétitivité et durabilité de l’agriculture, de l’agroalimentaire, de la forÊt, de la pêche et de l’aquaculture »

Crédits du programme 146
« compétitivité et durabilité de l’agriculture, de l’agroalimentaire,
de la forêt, de la pêche et de l’aquaculture »

(En euros)

Numéro et intitulé
du programme et de l’action

AE

CP

Ouvertes en LFI
2019

Demandées pour
2020

Ouverts en LFI
2019

Demandés pour
2020

149

Compétitivité et durabilité
de lagriculture, de
lagroalimentaire, de la
forêt, de la pêche et de
laquaculture

1 679 078 387

1 826 831 461

1 761 299 774

1 768 846 861

Variation

+ 8,80 %

+ 0,43 %

1

Adaptation des filières à
l’évolution des marchés

220 420 000

217 772 500

220 820 000

217 772 500

2

Gestion des crises et des aléas
de la production agricole

5 374 381

5 374 381

5 374 381

5 374 381

3

Appui au renouvellement
et à la modernisation
des exploitations agricoles

124 197 183

127 313 208

157 058 460

166 803 310

4

Gestion équilibrée et durable
des territoires

397 871 554

571 927 929

438 890 720

469 093 247

5

Protection sociale

134 892 865

117 387 865

134 892 865

117 387 865

6

Gestion durable de la forêt
et développement de la
filière bois

245 794 253

242 117 948

253 725 628

247 468 359

7

Moyens de mise en œuvre des
politiques publiques et gestion
des interventions

500 828 831

494 052 310

500 828 831

494 052 310

8

Pêche et aquaculture

49 699 320

50 885 320

46 708 889

50 894 889

Ce programme, inchangé dans sa structure par rapport à la loi de finances pour 2019, est le programme pilier du ministère puisquil cadre financièrement les filières relevant du domaine du ministère de lagriculture et de lalimentation (MAA). Après une diminution de 24 % en AE et en CP entre la loi de finances pour 2018 et la loi de finances pour 2019, liée au transfert vers la sphère sociale des dispositifs dexonération de charges ([6]), la dotation du programme 149 est en hausse de 8,8 % en AE et de 0,43 % en CP. Cette variation s’explique majoritairement par une augmentation des autorisations d’engagement d’environ 47 % pour l’action n° 24 « Gestion équilibrée et durable des territoires », qui a pour objectif d’accroître la durabilité et l’attractivité des territoires ruraux. Cela se traduit par un effort en termes de mesures agroenvironnementales et climatiques (MAEC), dont les autorisations d’engagement ont plus que triplé.

1.   L’action n° 21 « Adaptation des filières à l’évolution des marchés »

Cette action contribue à l’adéquation des productions agricoles aux demandes du marché. Ainsi, elle valorise la qualité des produits, promeut la modernisation des filières tout en soutenant les entreprises agroalimentaires dans la commercialisation des produits sur le sol national et à l’international. Elle représente 12 % du budget du programme, en baisse de 2,27 % en AE et de 2,44 % en CP par rapport à 2019.

Cette diminution résulte pour sa plus grande partie de la baisse de 9 millions d’euros du budget des transferts aux entreprises, en particulier en termes d’action internationale. Ces transferts servent essentiellement à financer des conventions annuelles, telles que le Salon international de l’agriculture (SIA) et le Concours général agricole (CGA), dans une logique de promotion de l’agriculture française à l’international. En outre, le fonds pour les industries agroalimentaires est également réduit de 600 000 euros en AE et d’1 million d’euros en CP. Cette sous-action finance le partenariat entre Bpifrance et le ministère pour renforcer l’innovation agroalimentaire.

Cette baisse du budget des transferts aux entreprises s’explique enfin par une modification purement comptable : la loi de finances pour 2019 précitée avait comptabilisé les subventions pour charges de service public dans les transferts aux entreprises, par erreur. Ces subventions représentent 3,7 millions d’euros en AE et en CP, montants stables par rapport à la loi de finances pour 2019, expliquant près de la moitié de la diminution du budget alloué à ces transferts.

Enfin, le soutien à la filière canne à sucre est stable depuis plusieurs années (124,4 millions d’euros).

Il en va de même pour le fonds Avenir Bio – 8 millions d’euros – (financé par l’Agence Bio), dans la logique du plan Ambition Bio 2022 et de son objectif d’atteindre 15 % de la surface agricole utile (SAU) convertie en agriculture biologique d’ici 2022 ([7]). À noter que le budget de ce fonds a doublé depuis 2018.

2.   L’action n° 22 « Gestion des crises et des aléas de la production agricole »

Cette action soutient les producteurs en difficulté. Elle ne représente que 0,3 % du budget du programme, avec 5,3 millions d’euros consacrés à cette action en AE et en CP. Elle se décompose en deux fonds : l’aide en faveur du redressement des exploitations en difficulté (AGRIDIFF) et le fonds d’allègement des charges (FAC). La dotation de ces fonds est stable par rapport à la loi de finances pour 2019, représentant respectivement 3,5 millions d’euros et 1,8 million d’euros, en AE comme en CP.

3.   L’action n° 23 « Appui au renouvellement et à la modernisation des structures agricoles »

Cette action représente 7 % du budget du programme en AE, et 9 % en CP, avec respectivement 127 millions d’euros en AE, en hausse de 2,5 %, et 166 millions d’euros en CP, en hausse de 6,2 %.

Cette variation se traduit par l’augmentation de 7 millions d’euros, uniquement en CP, de la dotation aux jeunes agriculteurs (DJA), portant son budget à 37 millions d’euros en AE et 54 millions d’euros en CP. Cette hausse correspond en outre, pour partie, au financement des restes à payer au titre des prêts bonifiés, supprimés en 2017. Il convient également de noter l’augmentation de 9 % en AE et de 7 % en CP du budget consacré à la modernisation des exploitations, dans le cadre du GPI et des subventions à l’investissement du plan de compétitivité et d’adaptation des exploitations agricoles (PCAE).

4.   L’action n° 24 « Gestion équilibrée et durable des territoires »

Cette action représente 517 millions d’euros en AE, soit 31,3 % du budget du programme, et 469 millions d’euros en CP, soit 25,7 % du programme. Le budget alloué à ce programme est ainsi en hausse de 43,33 % en AE et de 6,7 % en CP.

Cette augmentation s’explique quasiment exclusivement par la hausse du budget des MAEC et des aides à l’agriculture biologique, atteignant 231 millions d’euros en AE et 128 millions d’euros en CP, soit respectivement des hausses de 266,52 % et de 23,7 %. L’objectif est de soutenir les agriculteurs engagés dans une démarche biologique et vertueuse pour l’environnement, afin de réaliser l’objectif du plan Ambition Bio 2022. Ces mesures sont cofinancées par le Fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER) à hauteur de 75 %.

Les mesures en faveur des actions environnementales et du pastoralisme connaissent également une croissance de leur budget de 32,19 % en AE et en CP, l’élevant à 24,72 millions d’euros. Elles financent, majoritairement, la protection des producteurs face aux grands prédateurs et le soutien à l’animation des groupements d’intérêt économique et environnemental (GIEE).

À l’inverse, la dotation servant à l’appui aux sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural (SAFER) est réduite à 2,39 millions d’euros en AE et en CP, soit une baisse de 35,24 %. Ceci se justifie par la finalisation, au cours de l’année 2019, de la régionalisation des SAFER, faisant passer leur nombre de 26 à 16. En outre, le financement relatif à la création de la SAFER Guyane a créé une charge exceptionnelle pour l’exercice 2019.

Enfin, le budget des indemnités compensatoires de handicaps naturels (ICHN) est stable par rapport à la loi de finances pour 2019, pour un montant de 284,2 millions d’euros en AE et en CP. Les ICHN permettent le maintien des exploitations agricoles dans les zones naturellement défavorisées, en compensant les surcoûts subis du fait de la situation de l’exploitation.

5.   L’action n° 25 « Protection sociale »

Cette action soutient le secteur agricole par des exonérations de cotisations sociales. Elle représente 6,43 % du budget du programme, avec une dotation de 117 millions d’euros en AE et en CP. Ce budget est en hausse de 13 % par rapport à la loi de finances pour 2019 précitée.

L’exonération concerne principalement les charges patronales pour l’emploi de travailleurs occasionnels et de demandeurs d’emploi (TO-DE), dans la limite de 119 jours par an. La loi n° 2018-1203 du 22 décembre 2018 de financement de la sécurité sociale pour 2019 prévoit la fin de ce dispositif au 1er janvier 2021. Ainsi, la dotation des exonérations de charges sociales sert à financer le dispositif transitoire mis en place pour 2019 et 2020. Ce dernier prévoit d’aligner le champ des cotisations exonérées sur celui des allègements généraux et de modifier le plateau d’exonération (1,2 à 1,6 SMIC contre 1,15 à 1,5 SMIC aujourd’hui).

6.   L’action n° 26 « Gestion durable de la forêt et développement de la filière bois »

Cette action représente 13,25 % du budget du programme en AE, et 13,55 % de ce même budget en CP, soit respectivement 242 et 247 millions d’euros. Ainsi, sa dotation diminue, par rapport à la loi de finances pour 2019 précitée, de 1,89 % en AE et de 2,85 % en CP.

L’action n° 26 sert à financer le programme national de la forêt et du bois (PNFB), auquel s’ajoute, depuis septembre 2018, un plan d’action interministériel. L’objectif de ce plan d’action est de développer la production de la filière de manière durable.

La variation majeure du projet de loi de finances pour 2020 par rapport à 2019 est la réduction de la dotation au Centre national de la propriété forestière (CNPF) de 1 million d’euros, conséquence des regroupements des centres régionaux de la propriété forestière (CRPF).

Le budget des versements compensateurs et de la contribution exceptionnelle (152,83 millions d’euros), le budget des missions d’intérêt général confiées à l’Office national des forêts (ONF, 12,5 millions d’euros), le budget la restauration des terrains en montagne, la dotation de la défense des forêts contre les incendies (DFCI), ou encore la dotation de l’institut technologique forêt cellulose bois-construction ameublement (FCBA) conservent leur niveau de 2019.

7.   L’action n° 27 « Moyens de mise en œuvre des politiques publiques et gestion des interventions »

Avec un budget de 494 millions d’euros (AE et CP) dans le cadre du projet de loi de finances pour 2020, cette action subit une baisse de sa dotation de 1,38 % par rapport à 2019. Elle représente néanmoins 27,04 % du budget du programme.

Elle comprend les moyens de fonctionnement des opérateurs en charge de la mise en œuvre des politiques, nationales et communautaires en faveur des entreprises agroalimentaires et agricoles. Elle comporte également des provisions pour aléas, dont le montant est réduit de 12,6 %, passant de 200 millions d’euros en 2019 à 174,8 millions d’euros pour le projet de loi de finances pour 2020. Ce budget avait déjà été réduit d’un tiers entre 2018, année de sa création, et 2019. Elle couvre majoritairement les potentiels refus d’apurement communautaire, mais également d’éventuelles aides pour faire face à des crises climatiques ou économiques au niveau communautaire.

En outre, la subvention pour charges de service public de l’Institut national de l’origine et de la qualité (INAO) augmente de 44 % par rapport à 2019, pour atteindre 24 millions d’euros. Ceci s’explique par la budgétisation des droits perçus sur les productions sous signes officiels d’identification de l’origine et de la qualité, à hauteur de 7 millions d’euros. À l’inverse, la subvention pour charges de service public octroyée à l’office de développement de l’économie agricole d’outre-mer (ODEADOM) est réduite de 0,7 million d’euros par rapport à 2019, conséquence du nouveau contrat d’objectifs et de performances 2019-2023 (COP), signé le 20 mai 2019 et modifiant les axes de travail de l’organisme.

La dotation en fonds propres de l’agence de services et de paiements (ASP) croît de 29,37 % en AE et en CP par rapport à 2019. Ceci correspond au renforcement du budget relatif à plusieurs activités financées par l’ASP, et plus particulièrement à l’augmentation du budget des MAEC.

8.   L’action n° 28 « Gestion durable des pêches et de l’aquaculture »

S’inscrivant dans les objectifs généraux de la politique commune de la pêche (PCP), ce programme représente 2,8 % du budget du programme.

Sa dotation est en hausse de 2,49 % par rapport à la loi de finances pour 2019, du fait de l’augmentation de 20,46 % des AE et des CP des crédits contribuant à l’amélioration de la performance des filières pêche et aquaculture . En particulier, une dotation de 2 millions d’euros a été ajoutée en AE comme en CP, afin de financer le renouvellement de la flotte de pêche dans les départements d’outre-mer (DOM).

Cependant, les crédits destinés à l’amélioration et au contrôle du cadre réglementaire de la politique commune de la pêche subissent une diminution de 0,7 million d’euros, soit 4,26 %. Celle-ci concerne exclusivement la réduction du financement du système de gestion et de contrôle du fonds européen des affaires maritimes et de la pêche (FEAMP), du fait de la réduction des frais de gestion, d’instruction, de contrôle et de paiement, supportés par l’ASP.

B.   le programme 206 : « sécurité et qualité sanitaires de l’alimentation »

Le programme 206 « Sécurité et qualité sanitaires de l’alimentation » correspond à trois objectifs : favoriser le changement de pratiques afin de préserver la santé publique et l’environnement ; évaluer, prévenir et réduire les risques sanitaires à tous les stades de la production ; s’assurer de la réactivité et de l’efficience du système de contrôle sanitaire.

Pour l’exercice 2020, ce programme est particulièrement impacté par les provisions relatives aux potentielles externalités induites par le Brexit, qu’il se réalise avec ou sans accord bilatéral ; et quelle que soit la forme dudit accord.


crédits du programme 206 « sécurité et qualité sanitaires de l’alimentation »

(En euros)

Numéro et intitulé
du programme et de l’action

AE

CP

Ouvertes en LFI
2019

Demandées pour
2020

Ouverts en LFI
2019

Demandés pour
2020

206

Sécurité et qualité sanitaires de lalimentation

535 855 584

570 153 451

534 955 584

569 644 785

Variation

+ 6,40 %

+ 6,48 %

1

Prévention et gestion des risques inhérents à la production végétale

30 299 317

37 188 806

30 141 340

36 956 036

2

Lutte contre les maladies animales et protection des animaux

85 300 764

105 292 356

83 754 816

104 775 438

3

Prévention et gestion des risques sanitaires liés aux denrées alimentaires

21 204 300

20 686 701

21 180 255

20 876 223

4

Actions transversales

81 325 067

80 513 974

82 154 067

80 565 747

5

Élimitation des cadavres et des sous-produits animaux

3 800 000

4 000 000

3 800 000

4 000 000

6

Mise en œuvre de la politique de sécurité et de qualité sanitaire de l’alimentation

310 242 606

318 261 114

310 242 606

318 261 114

8

Qualité de l’alimentation et offre alimentaire

3 683 500

4 210 500

3 682 500

4 210 500

Ce programme dispose dun budget de 570,2 millions deuros en AE et de 569,6 millions deuros en CP, en hausse de 34,3 millions deuros en AE et de 34,7 millions deuros en CP. Il représente environ 19 % du budget de la mission budgétaire.

Cette augmentation s’explique principalement par :

– l’action n° 01 « Prévention et gestion des risques inhérents à la production végétale » (+ 22,74 % en AE et + 22,61 % en CP), et en particulier les missions déléguées aux fédérations régionales de lutte contre les organismes nuisibles aux végétaux (FREDON) dans le cadre de la mise en œuvre de plusieurs règlements européens relatifs à la production, l’inspection, l’échantillonnage, les contrôles, l’importation, la mise en circulation et la certification du matériel végétal, ainsi que la détection, la notification et l’éradication des organismes de quarantaine ;

– l’action n° 02 « Lutte contre les maladies animales et protection des animaux » (+ 23,44 % en AE et + 25,1 % en CP), avec une augmentation des crédits affectés à la gestion des maladies animales  conséquemment à la détection de foyers de peste porcine africaine en Belgique et à la réduction des co-financements européens de près de 3 millions d’euros. Par suite, les crédits alloués au contrôle de l’alimentation animale et du médicament vétérinaire voient également leur budget augmenter, conséquence de l’augmentation du nombre de prélèvements réalisés pour se prémunir d’une potentielle propagation de la peste porcine africaine sur le sol français, la maladie s’étant déjà propagée dans plusieurs États d’Europe de l’est ;

– l’action n° 06 « Mise en œuvre de la politique de qualité et de sécurité sanitaires de l’alimentation », dans le cadre de provisions relatives à un éventuel Brexit sans accord bilatéral. 320 équivalents temps plein (ETP) seront créés en 2020 pour réaliser des contrôles sanitaires aux frontières, en anticipation la possibilité d’une sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne sans accord ([8]), mais également de la menace de la peste porcine africaine.

À noter l’introduction d’un indicateur de suivi du plan de sortie du glyphosate du Gouvernement. Il permet un suivi pluriannuel de l’évolution des usages et du nombre d’autorisations de mise sur le marché de produits contenants du glyphosate.

C.   le programme 215 « conduite et pilotage des politiques de l’agriculture »

Le programme 215 « Conduite et pilotage des politiques de l’agriculture » est un programme d’appui consacré au pilotage et à la mise en œuvre déconcentrée des politiques portées par le ministère de l’agriculture et de l’alimentation.

Il comporte trois objectifs : sécuriser et simplifier l’accès des usagers au droit, aux données et aux procédures du ministère ; optimiser l’efficience de la gestion des ressources humaines et mettre en œuvre les actions ministérielles dans des conditions optimales de coût et de qualité des services.

 

 

 

 

 

 


(En euros)

Numéro et intitulé
du programme et de l’action

AE

CP

Ouvertes en LFI
2019

Demandées pour
2020

Ouverts en LFI
2019

Demandés pour
2020

215

Conduite et pilotage des politiques de lagriculture

617 731 118

614 311 466

625 455 467

619 380 966

Variation

- 0,55 %

- 0,97 %

1

Moyens de l’administration centrale

186 005 875

196 444 549

192 369 023

200 909 327

2

Évaluation de l’impact des politiques publiques et information économique

17 801 004

23 801 004

17 801 004

23 801 091

3

Moyens des directions régionales de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt et directions départementales des territoires (et de la mer)

346 406 425

326 436 175

346 406 425

326 436 175

4

Moyens communs

67 517 814

67 629 651

68 879 015

68 234 373

L’action n° 01 « Moyens de l’administration centrale » voit son budget croître de 5,61 % en AE et de 4,44 % en CP. Ceci s’explique majoritairement par une augmentation des dépenses de personnel et des dépenses de fonctionnement, notamment par des besoins de gestion immobilière.

L’action n° 03 « Moyen des directions régionales de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt, des directions de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt et directions départementales des territoires » (53,1 % des crédits du programme) est celle qui connaît la plus forte réduction de ses crédits, avec une baisse d’environ 20 millions d’euros en AE comme en CP. Elle correspond majoritairement à une réduction des dépenses de personnel dans le cadre du schéma emplois, qui prévoit la suppression d’environ 300 équivalent temps plein annuel travaillé (ETPT).

À l’inverse, l’action n° 02 « Évaluation de l’impact des politiques publiques et information économique » connaît une croissance de ses AE et de ses CP de 6 millions d’euros, soit une hausse de 33,71 % de son budget (qui ne représente toutefois que 3,9 % des crédits du programme). Cette augmentation est la conséquence budgétaire du financement du recensement agricole 2020 (+ 5 millions d’euros).

D.   le compte d’affectation spéciale « développement agricole et rural » (CAS DAR)

Aucune évolution n’est à signaler pour ce compte d’affectation spéciale.

La recette affectée de la taxe sur le chiffre d’affaires des exploitants agricoles est estimée à 136 millions d’euros. Ce montant correspond à la recette de la taxe pour l’année 2018. La recette étant entièrement affectée, les crédits du CAS DAR sont estimatifs, le montant des engagements est ajusté tout au long de l’année à due concurrence des recettes réellement encaissées.

Les deux programmes qui composent ce compte d’affectation spéciale sont le compte « Développement et transfert en agriculture » (775), doté de 65 millions d’euros de crédits, et le compte « Recherche appliquée et innovation en agriculture » (776), doté de 71 millions d’euros de crédits. Leurs objectifs sont respectivement l’orientation des structures chargées du conseil des agriculteurs vers le développement et la diffusion de systèmes de production innovants et performants ; et le renforcement de l’orientation des appels à projets et des programmes pluriannuels sur les priorités des politiques publiques.

Les montants alloués à ces deux programmes sont stables.

 


—  1  —

II.   repenser le portage du foncier agricole

A.   une agriculture en difficulté dans un contexte environnemental de plus en plus dégradé

Dans le cadre de la préparation du sixième rapport d’évaluation du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) dont la publication aura lieu en 2021, les experts français du Centre national de la recherche scientifique (CNRS), du Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) et de Météo-France ont déjà rendu leurs prévisions. Selon eux, le réchauffement climatique sera encore plus important que ne l’estimaient tous les travaux scientifiques précédents. Dans le scénario le plus pessimiste, le réchauffement climatique pourrait atteindre les 7°c d’ici 2100. Pire encore, les résultats optimistes, supposant des efforts drastiques sur l’ensemble du globe, permettraient un réchauffement limité à 2°c.

Le réalisme de ces estimations, fondées sur des modèles de plus en plus performants, nous alerte, à nouveau, sur l’urgence du changement. Il passe, en premier lieu, par une refonte de nos modèles agricoles face à des surfaces de production toujours plus restreintes et appauvries, menacées par l’artificialisation des terres et l’agriculture intensive. Par ailleurs, si le secteur agricole est aujourd’hui un émetteur important de gaz à effet de serre, il peut et doit être la clé de la réduction de ces émissions et, à terme, de la neutralité carbone de notre pays.

En effet, le sol est essentiel dans le stockage du carbone, en particulier grâce au pâturage. En outre, les techniques agricoles vertueuses pour l’environnement se développent, et permettent de réduire l’impact de l’ensemble du secteur sur le réchauffement climatique.

Pourtant, les surfaces agricoles se réduisent chaque année, du fait de la déprise agricole au profit de terres en friches d’une part, et de l’artificialisation des sols d’autre part. D’après les données de l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE), 9,7 % du territoire national était artificialisé en 2017, contre 8 % en 2002. Cette artificialisation se réalise sans prendre en compte la qualité des sols ainsi altérés, la rendant encore plus préoccupante.

Dans le même temps, l’INSEE prévoit une population d’environ 74 millions d’habitants d’ici 2050 en France, soit une hausse supérieure à 7 millions d’habitants. Il existe donc un réel défi alimentaire pour l’avenir de notre pays, qui doit se construire avec une agriculture plus vertueuse.

Le rapport remis au Gouvernement en juillet 2019 « Ruralités : une ambition à partager » le rappelle : « il est nécessaire […] de proposer des mesures concrètes pour faciliter l’installation de jeunes (ou moins jeunes) agriculteurs, qui n’ont pas accès au foncier ni aux réseaux » ([9]).

Face à cet ensemble de problématiques, votre rapporteur soutient, à l’initiative de la Caisse des dépôts et consignations – Biodiversité (CDC ‑ Biodiversité), un projet innovant afin de permettre aux agriculteurs d’accéder au foncier agricole disponible.

B.   la question du foncier agricole

1.   État des lieux

Pour les agriculteurs, l’accès à la terre est difficile. Dans un secteur économique où la rentabilité n’est que trop rarement assurée, le coût du foncier est un frein à l’entrée sur le marché.

Le rapport de la mission d’information commune de 2018 sur le foncier agricole « Le foncier agricole : un bien commun à protéger et à partager » (M. Dominique Potier et Mme Anne-Laurence Petel, rapporteurs) le rappelle : « Le prix du foncier agricole est relativement faible en France et pourtant, ce prix est le principal obstacle à l’installation de jeunes agriculteurs en dehors de la reprise d’une exploitation familiale. «  La maîtrise et le coût du foncier sont les premiers freins à l’installation hors cadre familial car si nous parlons d’arriver à un revenu décent pour l’agriculteur, il est très difficile de rémunérer le capital investi par l’activité agricole. Et dans ce capital investi, le foncier pèse pour beaucoup. Or, si nous n’organisons pas la liquidité du foncier et sa régulation, voire son portage, c’est le monde de la finance qui va s’en emparer et qui va faire sa propre régulation. » Voilà ce qu’affirmait M. Michel Etchebest, vice-président à l’économie, au développement des territoires et à l’agriculture de la communauté d’Agglomération Pays Basque lors de la table ronde organisée par le président de la mission [sur le foncier agricole] à Orthez le 21 juin 2017. » ([10])

Si les valeurs foncières des terres agricoles françaises sont faibles relativement aux valeurs observables au sein de l’Union Européenne, la surface moyenne des exploitations françaises (63 hectares) induit un coût foncier très important pour les exploitants. En ce sens, les nouveaux arrivants du monde agricole ne peuvent pas suivre le rythme effréné de l’élargissement des exploitations.

La moyenne de la valeur de l’hectare sur le territoire métropolitain est d’environ 6 000 € (hors viticulture) mais les divergences interrégionales sont importantes, si bien que de nombreux agriculteurs s’endettent à vie pour exploiter le sol. Les exploitants agricoles qui reprennent l’exploitation familiale ne sont pas exclus de ces contraintes.

PRIX DES TERRES ET PRÉS LIBRES DE PLUS DE 70 ARES

(En euros)

Régions

2018

Auvergne Rhône-Alpes

 4 520

Bourgogne Franche-Comté

 2 930

Bretagne

 5 790

Centre – Val-de-Loire

 6 110

Grand-Est

 6 440

Hauts-de-France

 9 720

Île-de-France

 8 730

Normandie

 8 180

Nouvelle Aquitaine

 5 170

Occitanie

 7 090

Pays de la Loire

 3 780

Provence  Alpes-Côte dAzur

 11 070

France métropolitaine hors Corse

 5 990

Source : Safer-SSP-Terres d’Europe-Scafr-INRA

En prenant un potentiel agriculteur s’installant sur une surface correspondant à la taille moyenne des exploitations valorisée au prix moyen de l’hectare, il faut débourser 377 370 € pour devenir propriétaire. Cette logique d’élargissement permanent de la surface de l’exploitation ne tend pas à s’inverser. Le réseau d’information comptable agricole (RICA) assurait, en 2010, qu’une exploitation spécialisée en céréales et oléoprotéagineux de 200 hectares était deux fois plus rentable qu’une exploitation de 100 hectares.

Au prix du foncier doivent s’ajouter tous les investissements nécessaires au lancement de l’activité. Dans une agriculture de plus en plus mécanisée et automatisée pour des questions productives, ces investissements sont généralement massifs. Alors, il est complexe d’investir dans le mobilier tout en acquérant de l’immobilier. Dès lors, l’arbitrage réalisé par les nouveaux exploitants se traduit par un abandon de la propriété, au moins dans les premières années d’activité, au profit d’un équipement productif assurant une production à grande échelle. Finalement, les agriculteurs français sont particulièrement endettés, tout en étant très largement dépendants des aides perçues. D’après l’Institut national de la recherche agronomique (INRA) ([11]), le rapport entre dettes et passif est de 35 % en France, contre une moyenne dans l’Union Européenne de 15 %. Seuls les agriculteurs danois ont un ratio d’endettement plus important. En d’autres termes, l’endettement des agriculteurs français est environ équivalent à un an de chiffre d’affaires. Toujours d’après l’INRA, la part des aides publiques dans le revenu des agriculteurs français est d’environ 50 %, alors que la moyenne européenne s’établit plutôt autour de 40 %. Globalement, 90 % des agriculteurs perçoivent des aides directes, pour un montant moyen de 33 193 €. Là aussi, les divergences sont importantes selon les secteurs d’activité : tous les producteurs de viande bovine perçoivent des aides, pour un montant moyen de 46 745 €, soit plus de six fois plus que le montant moyen perçu par un viticulteur ([12]). Mais l’apport de la polyculture-élevage à la dynamique des territoires ruraux est indéniable et justifie à lui seul de tels montants.

À l’inverse, le fermier s’extirpe partiellement de la contrainte financière. Il peut, par cette voie, sortir de la zone d’exclusion limitant l’entrée sur le marché. Les sommes engagées au moment de l’installation sont moindres. Aussi, les parcelles en fermage sont généralement plus petites que celles des propriétaires en faire-valoir direct, rendant, dans la logique des statistiques précédemment observées, l’exploitation moins rentable. La protection associée au statut du fermage permet cependant au fermier d’investir sans crainte d’être brutalement dépossédé du bien qu’il exploite.

Plusieurs garanties sont octroyées au fermier. Elles contribuent nettement à l’attractivité du secteur primaire. Premièrement, les baux, réalisés sur un minimum de 9 ans en vertu de l’article L. 411-5 du code rural et de la pêche maritime, sont automatiquement reconduits sauf dans le cas où le propriétaire assure, lors de la reprise, de le mettre directement en culture pour une durée de 15 ans. Par ailleurs, le prix du fermage est fixé par un indice émanant des pouvoirs publics. Une fourchette de prix est déterminée par arrêté préfectoral, et doit être respectée par le propriétaire. Enfin, les investissements du fermier sont protégés, dans le sens où il peut obtenir une compensation pour les investissements réalisés s’il est amené à quitter la terre louée – cas très rare, tant les conditions dans lesquelles le bail peut prendre fin sont strictement encadrées.

La protection du fermage peut le rendre rationnellement plus intéressant pour un nouvel exploitant. Cependant, la structure réelle du foncier agricole n’est pas aussi simple que cet arbitrage binaire. Selon un rapport publié par Terres d’Europe en décembre 2017, le « fermage pur », cas où le fermier loue l’ensemble des terres qu’il exploite, ne concerne que 18 % des exploitations en 1999. À l’inverse, 40 % des exploitations étaient alors en « faire-valoir mixte », situation dans laquelle l’exploitant est propriétaire de certaines parcelles des terres travaillées, et loue à plusieurs propriétaires d’autres parcelles venant compléter son exploitation. En moyenne, sur le territoire national, un agriculteur possède 51 % des terres qu’il cultive, et loue les 49 % restants.

L’installation des nouvelles générations dans un contexte de coût élevé du foncier agricole, se traduit par une donnée statistique particulièrement parlante quant à l’évolution du rapport à la terre : 75 % de la SAU française est exploitée sous le statut du fermage.

Cependant, même s’il est conforme à la tradition agricole de vouloir cultiver des parcelles toujours plus étendues, les nouvelles générations marquent une rupture quant à leur vision du foncier agricole. Ces derniers sont intéressés par une installation sur des parcelles plus réduites dont la rentabilité est bonne, car elles nécessitent moins d’investissements en matériel. Ce choix éloigne le nouvel exploitant de la lourde charge du foncier, lui permettant de faire usage de ses capacités financières pour ses activités productives. C’est en particulier le cas du maraîchage, essentiel dans la revitalisation des territoires ruraux. Dans ce secteur, la taille moyenne des exploitations était de 10 hectares en 2016, alors qu’elles représentaient plus de quatre équivalents temps plein (ETP) en moyenne par exploitation.

De plus en plus de petites exploitations de la sorte privilégient des pratiques agro-écologiques respectueuses de l’environnement et/ou proches des consommateurs par le développement de circuits courts de commercialisation. C’est le type d’agriculture soutenu par l’association Pour une agriculture du vivant, qui a séduit votre rapporteur.

Il demeure néanmoins souvent vital de recourir à des tiers, sociétés ou non, qui acquièrent le foncier à la place de l’exploitant avant de le mettre à sa disposition.

2.   Le portage foncier en France

a.   Les sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural (SAFER)

D’après l’article L. 141-1 du code rural et de la pêche maritime, les sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural « ont pour mission d’améliorer les structures foncières par l’installation ou le maintien d’exploitants agricoles ou forestiers, par l’accroissement de la superficie de certaines exploitations agricoles ou forestières, par la mise en valeur des sols et, éventuellement, par l’aménagement et le remaniement parcellaires. Elles peuvent concourir à la préservation de l’environnement. Elles assurent la transparence du marché foncier rural ». Elles disposent de la faculté de devenir propriétaires du foncier agricole pour une période de 5 ans, avant de rétrocéder la propriété à un agriculteur considéré comme prioritaire. Dans cette logique de délégation de service public et en vertu de l’article L.143-1 du code rural et de la pêche maritime, les SAFER disposent d’un droit de préemption, prérogative exorbitante assurant leur efficacité. Dans 88 % des cas, les SAFER acquièrent le foncier à l’amiable. En 2016, les SAFER, au nombre de 26, avaient acquis 93 800 hectares et avaient rétrocédé 97 700 hectares ([13]).

Depuis 1990, les SAFER concentrent leur activité sur l’installation de nouveaux agriculteurs, plutôt que sur l’agrandissement d’exploitations préexistantes. L’interventionnisme des SAFER permet d’éloigner les investisseurs spéculateurs du marché – même si, nous le verrons, ce fait est à relativiser – et donc de réguler et de sécuriser le marché. En particulier, ces organismes protègent indirectement le statut du fermage, dont la rentabilité foncière est faible.

Cependant, les SAFER peuvent être un facteur d’aléa moral. En effet, ces structures peuvent jouer de leur droit de préemption pour intervenir de force dans des transactions entre agriculteurs (12 % des cas d’acquisition de foncier se font via leur droit de préemption, strictement encadré par des motifs d’intérêt général, contre 88 % des cas qui résultent d’un accord amiable). Ce droit devient un outil de surveillance et de contrôle du marché, pouvant décourager la vente. À l’inverse, les limitations de l’exercice du droit de préemption, en particulier sa limitation aux cessions de l’ensemble de l’exploitation, permettent aux investisseurs de contourner la législation. Par exemple, lorsqu’est réalisée une cession de 99 % des parts sociales d’une société agricole, les SAFER n’ont pas la capacité juridique d’agir. Le législateur a tenté, à plusieurs reprises, d’endiguer ce phénomène.

La loi n° 2017-348 du 20 mars 2017 relative à la lutte contre l’accaparement des terres et au développement du biocontrôle, portée par M. Dominique Potier, a créé un dispositif législatif tendant à renforcer la transparence des acquisitions de foncier agricole par les sociétés, en les obligeant à s’appuyer sur une société consacrée au portage du foncier, pour toute nouvelle acquisition ou apport de foncier. Elle constitue le dernier aboutissement législatif d’une volonté de contenir le phénomène qui a débuté par l’adoption de la loi n° 2014-1170 du 13 octobre 2014 d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt.

Les SAFER permettent une mise en relation simplifiée des acquéreurs et des vendeurs. Ces organismes jouent un rôle d’intermédiaire, dans une logique voulant assurer un prix juste. Pour les nouveaux agriculteurs, les SAFER simplifient les démarches et peuvent réduire les coûts. Cependant, elles ne peuvent durablement conserver du foncier agricole ; elles sont contraintes de le rétrocéder et ne peuvent en aucun cas le mettre en location. Elles accompagnent les projets en nouant des partenariats pour les financer avec les collectivités territoriales, les coopératives agricoles, les établissements publics fonciers locaux, les banques.

Les SAFER constituent également un relais des pouvoirs publics locaux et nationaux, assurant une maîtrise et une connaissance du terrain pour mieux l’appréhender.

b.   Le portage foncier alternatif ([14])

i.   L’association Terre de Liens

L’association Terre de Liens s’appuie sur un portage solidaire du foncier agricole. En effet, elle utilise une épargne citoyenne pour acquérir des terres, et les distribuer aux projets qu’elle sélectionne ([15]). En plus de l’accès au marché, Terre de Liens s’intéresse aussi à l’emploi : globalement, les exploitations que l’association possède sont vectrices d’un plus grand nombre d’emplois que la moyenne nationale.

Une convention nationale lie d’ailleurs Terre de Liens et la fédération nationale des SAFER (FNSAFER). Ainsi, la FNSAFER apporte son soutien financier et son expertise aux projets portés par l’association. Entre 2006 et 2012, les SAFER ont joué le rôle d’intermédiaire dans la moitié des opérations d’acquisition de l’association Terre de Liens.

Une difficulté majeure de l’association est son incapacité à collecter les fonds nécessaires à l’acquisition d’une parcelle d’ampleur sur le très court terme. En moyenne, Terre de Liens met un an à être capable d’acheter un bien, créant dès lors une inadéquation temporelle entre offre et demande, dans le sens où de nombreuses ventes sont relativement urgentes – départ à la retraite, liquidation judiciaire, etc. Pour limiter cette complication, les collectivités territoriales, généralement par l’intermédiaire des SAFER qui proposent des conventions d’occupation précaire, peuvent acheter le bien pour assurer sa gestion temporaire, laissant le temps à l’association de collecter les ressources nécessaires à l’acquisition.

L’Association Terre de Liens se limite, en outre, à l’agriculture paysanne et biologique.

ii.   Les initiatives locales : l’exemple de Lurzaindia ([16])

Lurzaindia est une société en commandite par actions (SCA) établie au Pays Basque. Son objectif est d’acquérir collectivement des terres agricoles pour les mettre à disposition de plusieurs agriculteurs via des baux à long terme. Ses fonds sont constitués par une épargne collective et solidaire, dont les apports proviennent de personnes physiques et morales. La gestion est réalisée par la SAS Erne, dans le respect de la charte éthique de l’entreprise.

Lurzaindia est la descendante du groupement foncier agricole mutuel (GFAM), structure qui avait déjà comme objectif d’acquérir collectivement le foncier agricole afin de le mettre à disposition de fermiers. Elle doit permettre, par un travail en commun avec la SAFER locale, de contrôler l’évolution du prix du foncier agricole. Par là même, son objectif est d’éviter que le marché ne devienne oligopolistique du fait d’une zone d’exclusion trop importante. Sa première lutte est celle de l’inflation des prix fonciers.

C.   rendre la terre accessible

Si des structures font leur possible pour garder un foncier agricole accessible, leur action couvre difficilement l’ensemble du territoire, pour des causes parfois juridiques, mais principalement économiques liées à la faiblesse des capitaux disponibles.

1.   Présentation du projet porté par la Caisse des dépôts et consignations – Biodiversité

Votre rapporteur et la Caisse des dépôts et consignations – Biodiversité, (CDC – Biodiversité), portent un projet voué à améliorer l’accès des nouveaux agriculteurs au foncier agricole.

Pour ce faire, le groupe achèterait des terres agricoles afin de les rendre disponibles pour les agriculteurs, à un loyer modéré. Il s’agirait ici de l’achat de très grandes parcelles, pour les redécouper en plus petites parcelles à louer à différents exploitants. Forte d’une capacité d’investissement importante, la CDC ‑ Biodiversité peut réaliser des achats sur diverses parcelles de grande envergure.

Cette possibilité serait offerte aux nouveaux exploitants, sans distinction d’âge ou de cadre familial.

Pour être éligible à l’obtention des terres dont la CDC – Biodiversité serait propriétaire, il serait nécessaire de respecter un cahier des charges préétabli, composé de diverses obligations environnementales, éventuellement construites avec le soutien de l’association Pour une agriculture du vivant.

Cette dernière défend particulièrement l’agroécologie, forme d’agriculture systémique prenant en compte l’ensemble de la biodiversité présente sur les sols. Grâce aux techniques qui en découlent, l’agriculture devient vertueuse pour l’environnement, et les rendements sont accrus par enrichissement des sols. Il s’agit très certainement de l’avenir de notre agriculture, qui doit répondre à de nombreux défis. Ce projet s’inscrit donc dans une refonte agricole mêlant productivité et protection des sols.

Un tel type d’agriculture nécessitant un socle important de connaissances en agronomie, l’association Pour une agriculture du vivant pourrait jouer un rôle de conseil et d’accompagnement auprès des exploitants. Aussi, l’association travaillant déjà en lien avec un grand nombre d’entreprises de l’aval, elle permettrait de sécuriser les débouchés pour les agriculteurs, et donc d’assurer un revenu acceptable.

Le projet porté par votre rapporteur a pour vocation d’assurer un revenu décent aux agriculteurs, tout en augmentant la qualité des sols. Surtout, il répond aux défis environnementaux en protégeant les terres et leur biodiversité.

2.   Structure du projet

a.   Protéger le marché et assurer l’attractivité du dispositif

Dans sa structure, le projet doit remplir ses objectifs tout en sécurisant l’ensemble du monde agricole. En ce sens, il s’agit d’éviter toute forme d’externalité négative. Ceci suppose de construire des indicateurs proches de la réalité économique du secteur primaire. Du fait des fortes divergences entre les territoires, ce travail doit se faire à une échelle locale.

Dès lors, il faut s’inscrire dans le marché agricole actuel sans avoir une influence trop importante sur lui, en particulier en termes de prix. Pour cette raison, la CDC – Biodiversité ne devrait pouvoir acheter les terres agricoles qu’à des prix proches de ceux du marché local.

En termes de loyer payé par les agriculteurs, il faut là aussi construire un projet attractif. Il est d’usage que les loyers soient minorés lorsque les pratiques agricoles sont vertueuses. Ce faisant, le projet de la CDC – Biodiversité serait d’autant plus attractif.

b.   Pérenniser les exploitations

Le statut du fermage est, comme détaillé précédemment, particulièrement protégé par le droit français. En ce sens, il convient parfaitement à l’installation de nouveaux agriculteurs. Pour rendre possible le développement de l’activité des bénéficiaires, la CDC – Biodiversité proposerait des baux classiques d’une durée d’au moins 9 ans avec reconduction automatique tant que le cahier des charges, que nous détaillerons par la suite, serait respecté.

Par ces modalités, les agriculteurs se verraient plus à même d’investir, du fait d’un coût du foncier plus faible. À cela s’ajouterait une vision de long terme sur l’exploitation, incitant là aussi à l’investissement, facteur majeur de productivité. En outre, ce projet permettrait aux agriculteurs de diversifier leurs sources de revenus, grâce aux aides préexistantes et, éventuellement avec l’association Pour une agriculture du vivant, à la sécurisation des débouchés à un prix prévisible.

c.   Quel cahier des charges environnemental ?

Différents dispositifs légaux existent afin d’introduire, au sein du bail, des clauses environnementales prévisibles et obligatoires. Votre rapporteur présente ici deux possibilités.

i.   Les obligations réelles environnementales (ORE)

Le contrat instaurant des ORE doit être établi en forme authentique et enregistré au service de la publicité foncière. Ce type de contrat a été défini par la loi n° 2016-1087 du 6 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, codifié à l’article L. 132-3 du code de l’environnement.

Le contrat ORE peut prévoir des obligations actives comme passives. La mise en œuvre d’un tel contrat donne lieu à une contrepartie réparant le manque à gagner ou compensant l’investissement qui lui sont induits. Cette contrepartie est librement définie entre le propriétaire et le cocontractant. Les termes du contrat perdurent pendant toute sa durée, indépendamment d’un potentiel changement de propriétaire.

Le contrat ORE se signe entre un propriétaire et un cocontractant, qui ne peut qu’être une collectivité publique, un établissement public ou une personne morale de droit privé agissant pour la protection de l’environnement. Tout contrat ORE doit préciser les engagements réciproques des parties au contrat, la durée du contrat et les possibilités de révision et de résiliation. La nature et le niveau des engagements sont libres, mais ils doivent être cohérents avec la finalité de l’ORE et compatibles avec les droits préalablement établis au profit des tiers. La durée dudit contrat est également libre, mais elle ne peut excéder celle d’un contrat emphytéotique, soit 99 ans.

Le contrat ORE peut être un moyen de mise en œuvre des mesures compensatoires relatives à la réalisation d’un projet ou d’activités.

Selon la CDC – Biodiversité, cet outil est difficile à mettre en œuvre sur des terrains privés, les propriétaires étant réticents à engager leurs propriétés sur le long terme. À ce jour, la CDC – Biodiversité n’a pas réussi à signer un tel contrat avec un propriétaire privé. 

ii.   Le bail rural à clauses environnementales (BRE)

Le bail rural à clauses environnementales défini à l’article L. 411-27 du code rural et de la pêche maritime a été créé par la loi n° 2006-11 du 5 janvier 2006 d’orientation agricole et modifié par la loi n° 2014-1170 du 13 octobre 2014 d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt, précitée.

Son objectif est le respect, par le preneur (le fermier), des pratiques ayant pour objet la préservation de la ressource en eau, de la biodiversité, des paysages, de la qualité des produits, des sols et de l’air, la prévention des risques naturels et la lutte contre l’érosion.

De nombreuses pratiques culturales protectrices de l’environnement peuvent figurer dans le bail au titre de clause environnementale ([17]).

Le non-respect des clauses environnementales est un manquement suffisant pour demander la résiliation du bail. Le contrat doit donc fixer les conditions dans lesquelles le bailleur peut s’assurer, annuellement, du respect des clauses.

En tant que société privée ([18]), la CDC – Biodiversité peut conclure un BRE dans les zones protégées. En dehors de ces zones, les clauses du bail sont limitées au maintien d’infrastructures et de pratiques écologiques.

Tout en imposant des pratiques respectueuses de l’environnement, il permet au preneur de bénéficier d’un loyer minoré (inférieur à la fourchette prévue par l’indice préfectoral), compte tenu des contraintes particulières d’exploitation que ce bail peut générer. Ce loyer minoré est une faculté, soumise à négociation entre les parties.

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Le projet porté par la CDC – Biodiversité montre que les pouvoirs publics peuvent aussi compter sur des institutions financières pour soutenir le financement de notre agriculture. Depuis la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt précitée, le droit rural met à la disposition des opérateurs un ensemble d’outils permettant de protéger les agriculteurs par la pérennisation du statut du fermage tout en prenant en compte les questions environnementales dans la résolution des enjeux agricoles. D’ailleurs la Caisse des dépôts et consignations ne s’y trompe pas : en s’assurant de la qualité des terres par des pratiques agricoles respectueuses de l’environnement, elle assure la valeur de son investissement tout en préservant le modèle agro-écologique français.

Reste à savoir si Monsieur le ministre de l’agriculture et de l’alimentation décidera de « faire une grande loi [foncière], une moyenne loi, une petite loi ou pas de loi du tout » ([19]).

 


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   EXAMEN EN COMMISSION

Au cours de sa réunion du mardi 16 octobre 2019, la commission des affaires économiques a examiné pour avis, sur le rapport de M. Jean-Bernard Sempastous, les crédits de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales».

Mme Valéria Faure-Muntian, présidente. Mes chers collègues, nous examinons le projet de budget pour la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » dans le cadre du projet de loi de finances pour 2020.

Notons que ce budget est en hausse. Il atteint 3,1 milliards d’euros en autorisations d’engagement et 2,96 milliards d’euros en crédits de paiement à périmètre identique.

Le programme 149 « Compétitivité et durabilité de l'agriculture, de l'agroalimentaire, de la forêt, de la pêche et de l'aquaculture » est doté de 1,8 milliard d’euros, avec une augmentation de 8,8 % des autorisations d’engagement. Pour l’action 24 « Gestion équilibrée et durable du territoire », la hausse de 47 % des autorisations d’engagement s’explique par une augmentation du budget consacré aux mesures agroenvironnementales et climatiques (MAEC) et des aides à l’agriculture biologique.

Le programme 206 « Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation » structure l’évaluation et la prévention des risques sanitaires à tous les stades de la production. Doté de 570 millions d’euros, en hausse de 6,5 %, il prend en compte la perspective du Brexit et les risques inhérents aux incertitudes qui planent sur les conditions dans lesquelles il se déroulera.

Le programme 215 « Conduite et pilotage des politiques de l'agriculture » regroupe les moyens humains et de fonctionnement de l’administration centrale et de certains services déconcentrés. Son budget est en très légère baisse par rapport à la loi de finances pour 2019. Notons la réduction du budget des administrations régionales et départementales du fait de la suppression de 300 équivalents temps plein. La mesure majeure concerne le recensement agricole qui sera organisé en 2020 pour lequel le budget augmente de 6 millions d’euros afin, notamment, de développer les outils de dématérialisation.

Monsieur le rapporteur, pourriez-vous, à l’occasion du renouvellement du Parlement européen et de la Commission européenne nous donner des informations relatives aux aides de la politique agricole commune (PAC) après 2020 ? Dans la continuité de la mission d’information sur le foncier agricole que vous avez présidée, vous consacrez une partie thématique de votre rapport à la question foncière. Vous soutenez une initiative de la caisse des dépôts et consignations, la CDC Biodiversité, qui permettra aux agriculteurs d’accéder au foncier agricole disponible. Pouvez-vous nous présenter ce projet et nous dire s’il nécessitera des mesures législatives ?

M. Jean-Bernard Sempastous, rapporteur pour avis. Le budget de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » s’inscrit dans un contexte particulier : certains enjeux s’entrechoquent et il nous appartient de les concilier.

Il y a d’abord le dérèglement climatique qui menace l’agriculture d’aujourd’hui et de demain. Les températures pourraient augmenter de 7 degrés d’ici à 2100. L’agriculture en subit les conséquences de plein fouet avec des sécheresses à répétition et des épisodes de grêle dévastateurs. La multiplication des phénomènes climatologiques extrêmes, l’apparition d’organismes nuisibles et de maladies contre lesquelles il faudra lutter sans molécules chimiques affecteront davantage les rendements. Cet enjeu, la mission budgétaire le prend en compte à travers la hausse des crédits du programme 149, principalement dirigée vers la hausse des crédits attribués aux mesures agroenvironnementales et climatiques dans le cadre du volet agricole du Grand plan d’investissement (GPI). Les actions 24 et 27 sont principalement concernées par la hausse des budgets en faveur de l’environnement. Notons le maintien du financement de l’indemnité compensatoire de handicaps naturels (ICHN), stable sur un an, après une hausse de 20 millions d’euros en 2019. Ce dispositif permet le maintien des exploitations agricoles durables dans les zones défavorisées. La révision des zonages et des critères de l’ICHN animale entraîne un accroissement de l’enveloppe budgétaire.

Il faut aussi avoir en tête que l’agriculture, bien qu’émettrice de gaz à effet de serre, peut constituer un moyen de réduire l’impact du réchauffement climatique grâce à des techniques agricoles vertueuses pour l’environnement.

Contrer l’artificialisation des sols au profit d’un foncier agricole accessible doit être un des piliers de la refonte de notre modèle agricole. Pour mettre en valeur ce foncier, il faut des agriculteurs, ce qui implique de leur assurer un revenu décent. C’est aussi pour cela que j’ai décidé d’axer la seconde partie de mon rapport sur les initiatives de la CDC Biodiversité qui favorisent un meilleur accès au foncier agricole, et qui n’appelle pas de mesures législatives, je le précise.

Faciliter le quotidien des agriculteurs et favoriser la qualité de notre agriculture dépend de l’effectivité des mesures des États généraux de l’alimentation (EGA). Comme l’a rappelé le ministre Didier Guillaume la semaine dernière : « Nous devons pousser jusqu’au bout les États généraux de l’alimentation pour que les agriculteurs puissent vivre de leur travail ». Appuyons-nous sur ces propositions indispensables pour développer les initiatives locales, les synergies, mieux répondre aux attentes des consommateurs, réussir la transition écologique, renforcer l’attractivité des métiers et faire rayonner le patrimoine alimentaire français. Ce travail de plusieurs mois apporte de vraies réponses pour réaffirmer le potentiel de l’agriculture française mais aussi pour éviter qu’elle ne soit distancée.

Valoriser nos productions agricoles nécessite un travail approfondi pour prévenir le décalage avec d’autres régions du monde.

Ce décalage est d’abord environnemental : nous ne sommes pas tous égaux face aux conséquences du dérèglement climatique. Comment prévenir les catastrophes environnementales ? Comment adapter notre agriculture et nos modes de consommation ?

Ce décalage tient aussi à notre système : nos normes sanitaires et sociales ont leur importance, elles doivent montrer l’exemple sans pour autant constituer des freins. De mes échanges avec les acteurs du monde agricole est souvent revenue l’idée de concurrence déloyale entre pays, d’abus mal contrôlés qui donnent des avantages à des structures dans des pays qui appartiennent parfois à l’Union européenne. Certaines pratiques transfrontalières conduisent à un épuisement des sols. Dans le Nord de la France, à la frontière, les taux de matières organiques du sol subissent une chute au bout de trois années de culture de la pomme de terre. Or, il faut trente ans pour parvenir à une reconstitution complète. La terre reste donc très peu fertile pendant des décennies. Pour éviter ce genre d’écueil, il est nécessaire de travailler au niveau européen et de veiller aux impacts des politiques agricoles d’autres États membres.

Le budget de l’action 23 « Appui au renouvellement et à la modernisation des structures agricoles » entend prendre en compte les obstacles au développement de notre agriculture. La modernisation des exploitations prend appui sur le Grand plan d’investissement et sur les subventions à l’investissement du plan de compétitivité et d’adaptation des exploitations agricoles (PCAE).

Un autre problème va se poser en Europe : le sort de la PAC. Elle constitue un soutien précieux. Les menaces d’une baisse importante de ses crédits du fait du Brexit devraient être prises au sérieux. Il faudra négocier pour maintenir un budget correct et réfléchir à sa mise en œuvre en matière de protection de l’environnement, qui devrait être l’une des principales ambitions de la PAC après 2020.

Pour 2020, les aides de la PAC s’élèveront à 9,5 milliards d’euros, dont 6,8 milliards d’euros en paiements directs. Les aides directes de la campagne PAC 2020 seront payées sur la base du nouveau budget pluriannuel 2021-2027 à partir du 16 octobre 2020. La Commission européenne a proposé une baisse de 3,9 % de l’enveloppe des paiements directs pour la prochaine programmation, soit une baisse de 290 millions d’euros pour la France. Les discussions budgétaires sont en cours. Le futur commissaire européen chargé de l’agriculture, M. Janusz Wajciechowski, s’est dit ouvert au changement mais il doit d’abord finaliser les négociations. Par ailleurs, il s’est engagé à proposer un plan d’action pour le développement de l’agriculture biologique en Europe et des dispositions pour lutter contre l’accaparement des terres agricoles dans l’Union européenne. M. Didier Guillaume a soutenu au Conseil des ministres européens un maintien du budget de la PAC à son niveau UE27 et a rappelé qu’on ne pouvait se permettre une baisse du budget au moment où les défis environnementaux s’accroissent.

Le Brexit a aussi des répercussions sur la sécurité sanitaire et le programme 206 « Sécurité et qualité sanitaires de l’alimentation » comporte des mesures pour prévenir les potentielles conséquences néfastes de la sortie du Royaume-Uni. Citons la création de 320 équivalents temps plein pour réaliser des contrôles sanitaires aux frontières.

Autre point d’importance : le besoin de proximité pour la refonte de notre système. Je pense entre autres aux chambres d’agriculture qui s’engagent en faveur de la transition éco‑agricole à travers un diagnostic économique et environnemental des exploitations françaises d’ici à trois ans. Les 103 chambres maillent le territoire et leurs plus de huit mille collaborateurs sont indispensables à une transition efficace de notre agriculture. C’est la raison pour laquelle je m’oppose à la baisse du budget des chambres via la réduction de 15 % de la taxe additionnelle à la taxe sur le foncier non bâti (TATFNB). Ce n’est pas en adéquation avec nos exigences sans cesse renouvelées pour l’amélioration de notre agriculture. Je soutiens donc l’amendement de suppression de cette mesure déposé par M. Hervé Pellois.

Je salue par ailleurs la création de la société d'aménagement foncier et d'établissement rural (SAFER) de Guyane qui va dans le sens d’une politique de proximité.

L’efficacité de notre politique de proximité passera aussi par une régionalisation réfléchie. La France a des spécificités et l’agriculture n’est pas épargnée par des disparités territoriales. Soutenir et décider au plus près des territoires va dans le bon sens. La régionalisation est une nécessité. Elle doit cependant être effectuée correctement avec un temps d’habilitation et des expérimentations préalables pour optimiser le dispositif. L’accompagnement vers une agriculture plus vertueuse sera aussi conditionné à notre capacité à prendre en compte les nouvelles technologies.

Ce budget pour 2020 entend répondre aux enjeux que j’ai énumérés et je tiens d’ailleurs à saluer l’augmentation des crédits qui est déployée pour y faire face.

Venons-en aux aspects plus strictement budgétaires.

À périmètre identique, le budget de cette mission augmente de 6,41 % en autorisations d’engagement et de 1,24 % en crédits de paiement. Cela tient à deux raisons principales : la volonté de poursuivre nos efforts en faveur d’une agriculture durable et respectueuse de l’environnement et la nécessité d’anticiper les conséquences du Brexit, surtout en cas de sortie sans accord.

Le programme 149 est un pilier majeur du ministère puisqu’il cadre les filières. La hausse de 8,8 % en autorisations d’engagement et de 0,43 % en crédits de paiement s’explique principalement par les efforts effectués pour soutenir les mesures agroenvironnementales et climatiques dans le cadre du volet agricole du Grand plan d’investissement 2018-2022. La dotation du GPI est en hausse avec 329,9 millions d’euros en autorisations d’engagement et 244,2 millions d’euros en crédits de paiement.

Le budget de l’action 28 « Gestion durable de la pêche et de l’aquaculture » est en hausse. Il est marqué par le financement du renouvellement de la flotte dans les départements d’outre-mer grâce à une augmentation de 2 millions d’euros en autorisations d’engagement comme en crédits de paiement.

Le programme 206 a la particularité de favoriser le changement de pratiques afin de préserver la santé publique et l’environnement. Il s’agit d’évaluer, de prévenir et de réduire les risques sanitaires à tous les stades de la production et de s’assurer de la réactivité et de l’efficience du système de contrôle sanitaire. Son budget en hausse est très affecté par le Brexit. L’augmentation du budget de l’action 01 « Prévention et gestion des risques inhérents à la production végétale » se justifie par la mise en œuvre de plusieurs règlements européens relatifs à l’inspection, l’échantillonnage, les contrôles, l’importation, la mise en circulation et la certification du matériel végétal. La hausse du budget de l’action 02 « Lutte contre les maladies animales et protection des animaux » s’explique par la lutte contre la peste porcine africaine détectée en Belgique et par la baisse des co-financements européens.

Le programme 215, qui concerne le pilotage et la mise en œuvre déconcentrée des politiques portées par le ministère, voit son budget baisser légèrement, de 1 %. Les explications avancées sont liées aux dépenses de l’administration générale pour le personnel et le fonctionnement, aux besoins de gestion immobilière et aux moyens en baisse des directions régionales de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt (DRAAF), des directions départementales de l’agriculture et de la forêt (DDAF) et des directions départementales des territoires (DDT).

Je termine par mon point thématique : la CDC Biodiversité.

Dans la continuité des travaux que j’ai menés sur le foncier agricole, j’ai choisi d’accorder une attention particulière à une expérimentation en préparation au sein de la CDC‑Biodiversité. Elle consiste en l’achat de grandes parcelles de terres agricoles dans le but de les redécouper et de les rendre disponibles pour les agriculteurs, à un loyer modéré. La CDC‑Biodiversité a une grosse capacité d’investissement qui pourrait résoudre une partie des problèmes rencontrés par des acteurs classiques et alternatifs du foncier dans l’acquisition de terrains. Il faudra, cependant, veiller à ne pas faire monter les prix en privilégiant les achats au prix du marché.

Dans des conditions particulières impliquant de respecter un cahier des charges préétabli composé de diverses obligations environnementales, des baux d’au moins neuf ans, avec reconduction automatique seront accordés aux nouveaux exploitants, sans distinction d’âge ou de cadre familial, pour encourager l’investissement.

Par ailleurs, la diversification des sources de revenus sera encouragée grâce aux aides préexistantes et la sécurisation des débouchés à un prix anticipable sera prise en compte, éventuellement avec l’association Pour une agriculture du vivant.

Le rapport remis au Gouvernement en juillet 2019 Ruralités, une ambition à partager le rappelle, « il est nécessaire de proposer des mesures concrètes pour faciliter l’installation des jeunes ou moins jeunes agriculteurs qui n’ont pas accès au foncier ni au réseau ». Ce genre d’expérimentation nous paraît intéressant, compte tenu des difficultés rencontrées par les nouveaux exploitants agricoles lors de leur installation, de la nécessité de renforcer l’attractivité de ce secteur essentiel et des défis environnementaux et sanitaires. Elle est en cohérence avec le budget marqué par l’augmentation des moyens alloués aux mesures agro-environnementales et climatiques et avec la proposition d’établir un cahier des charges environnemental.

Mme Pascale Boyer. Pour ma première prise de parole dans cette commission, je suis très heureuse de m’exprimer sur l’agriculture, qui me tient particulièrement à cœur, notamment l’agro-pastoralisme et la présence des prédateurs, sujets sensibles pour la députée des Hautes-Alpes que je suis.

Au nom du groupe La République en Marche, je me félicite de la stabilité du budget relatif à la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » avec pour l’année 2020 3,1 milliards d’euros en autorisations d’engagement, soit une hausse de 6,3 % par rapport au PLF pour 2019, et 2,96 milliards d’euros en crédits de paiement, soit une hausse de 1,2 %. Ces augmentations sont la preuve de l’attention que porte la majorité à tous les acteurs du monde agricole. Nous savons qu’ils ont besoin d’être accompagnés pour s’adapter aux demandes sociétales émanant d’un grand nombre de Français.

Le constant dénigrement que subissent les agriculteurs n’est pas admissible. Ce sont eux qui nourrissent notre population avec une production réputée comme étant l’une des meilleures du monde, globalement saine, durable et entièrement tracée.

Nous serons toujours à leurs côtés comme nous le sommes depuis le début de la législature. La large concertation des parties prenantes au cours des États généraux de l’alimentation et de la loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, dite loi EGALIM, ont montré notre volonté de permettre aux agriculteurs de vivre de leur travail.

Les missions d’information sur la pêche, sur le suivi de la stratégie de sortie du glyphosate et sur le foncier agricole illustrent la détermination des parlementaires à s’engager auprès de nos agriculteurs.

Je tiens à souligner le maintien ou la hausse de plusieurs crédits importants de cette mission, à commencer par le financement de l’ICHN avec 284 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement, stable sur un an, après la hausse de 20 millions d’euros en 2019. Ce dispositif permet le maintien des exploitations agricoles durables dans les zones défavorisées.

La hausse des crédits alloués aux mesures agroenvironnementales avec 231 millions d’euros en autorisations d’engagement et 128 millions d’euros en crédits de paiement permet de soutenir la conversion des agriculteurs et d’atteindre les objectifs fixés dans le cadre du plan « Ambition Bio 2022 ».

Avec un budget de 24,72 millions d’euros, les mesures en faveur des actions environnementales et du pastoralisme bénéficient d’une augmentation de 32,19 % en autorisations d’engagement et en crédits de paiement. Cela permet de financer principalement les mesures de protection contre les prédateurs et le soutien à l’animation des groupements d’intérêt économique et environnemental (GIEE).

Enfin, je veux saluer la hausse du budget en faveur des contrôles sanitaires et de la surveillance dans le domaine végétal et animal et de l’alimentation avec 27 millions d’euros supplémentaires en autorisations d’engagement et 28 millions d’euros supplémentaires en crédits de paiement. Notons également la création de 300 équivalents temps plein annuel travaillé au niveau régional dans le cadre du programme 206, qui seront notamment mobilisés en cas de sortie sans accord du Royaume-Uni.

Ce budget s’inscrit dans la continuité des budgets présentés depuis le début de ce quinquennat et poursuit les objectifs que nous nous sommes fixés pour notre agriculture et dont nous sommes fiers : soutenir le revenu des agriculteurs, accompagner la transition des pratiques, renforcer la sécurité sanitaire mais aussi accélérer l’innovation, l’installation et la formation des jeunes.

C’est pourquoi le groupe de La République en Marche soutient les crédits en faveur de cette mission.

M. Jérôme Nury. Pour l’examen des crédits de la mission « Agriculture,  alimentation, forêt et affaires rurales  », il y a deux premières depuis le début de la législature.

Tout d’abord, le ministre est absent alors même qu’il s’agit d’un moment fort pour ce secteur stratégique qu’est l’agriculture. Cela peut apparaître comme un manque de respect vis‑à‑vis de la Représentation nationale qui aurait pu se servir de cette réunion pour faire passer des messages.

Ensuite, les crédits de la mission ne sont pas en baisse. Rappelons qu’en 2018 et 2019, ils avaient chuté de près de 19 %. Il faut donc souligner cette année une légère hausse des autorisations d’engagement et une stagnation des crédits de paiement, ce qui me fait dire que c’est moins pire.

Les objectifs visés dans ce budget sont louables comme chaque année et je ne vois pas comment nous ne pourrions pas y souscrire car l’affichage est parfait : combiner la performance économique et environnementale des exploitations agricoles et investir dans les territoires ruraux et les filières d’avenir. Le problème résulte bien évidemment des moyens qui sont dévolus à la réalisation de ces objectifs et à la déclinaison concrète de ces actions.

Sans entrer dans le détail des chiffres à ce stade de la discussion, nous nous interrogeons sur plusieurs points qui semblent ne pas avoir été suffisamment pris en compte par le Gouvernement.

Quelles suites donner au texte agricole phare de la majorité, la loi EGALIM, qui s’avère très décevant et à sa portée très réduite pour le revenu des agriculteurs ? Comment mieux contrôler les industriels et la grande distribution toujours en position de force face à nos paysans ? Comment mieux accompagner les agriculteurs dans leurs regroupements, dans la rédaction des contrats et dans les rapports de force qu’ils pourraient engager face à ces géants ?

Ensuite, le volet consacré à la PAC n’est pas sans nous inquiéter. Malgré le prélèvement opéré en 2017 sur le premier pilier pour financer les ICHN au détriment de toutes les exploitations, on peut craindre, du fait de l’opacité de la maquette budgétaire et du co‑financement par le Fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER), que ces aides ne soient pas en totalité prises en compte ou versées à nos agriculteurs. Qui plus est, il reste des dossiers MAEC et Agriculture bio au titre de l’année 2018 : un quart n’ont pas été encore été instruits. À cela s’ajoutent les craintes de la profession quant à la baisse, malheureusement acceptée par la France, du niveau financier de la future PAC à partir de 2021.

Je veux également revenir sur la baisse de la TATFNB qui risque d’étouffer totalement nos chambres d’agriculture à l’heure où l’État et la profession souhaitent leur confier plus de compétences en termes de conseil et d’accompagnement. L’amendement de suppression de cette mesure injuste et incohérente demandée par de nombreux députés de tous bords doit absolument être sanctuarisé lors de nos débats dans l’hémicycle.

Inquiétude aussi face à l’insuffisance des moyens octroyés à l’Agence des services de paiement (ASP) qui cogère avec les régions les fonds du programme LEADER – Liaison entre actions de développement de l'économie rurale. Ces agences sont débordées et des retards de paiement des aides LEADER de plusieurs années placent les associations, les collectivités locales, les entreprises dans des situations de trésorerie intenables. Ils placent aussi la France dans une situation intenable car elle risque de perdre ces fonds européens.

Je terminerai par le Grand plan d’investissement. Sur les 5 milliards d’euros annoncés par le Gouvernement, combien iront réellement aux agriculteurs et aux filières pour se moderniser ? On a le sentiment que ces milliards d’euros annoncés sont soit du recyclage de crédits, soit des mirages d’accompagnement, soit des intentions sans fond.

Pour toutes ces raisons, malgré la foi sincère mise par le rapporteur M. Jean-Bernard Sempastous à défendre une profession agricole désabusée, découragée et résignée face aux crises, à la concurrence et aux prix en berne, nous estimons ce budget trop fade et beaucoup trop insipide.

Mme Valéria Faure-Muntian, présidente. Monsieur Nury, je dois vous préciser que l’absence du ministre résulte d’une décision du bureau de la commission. Nous cherchons à mettre en valeur le travail thématique du rapporteur pour avis.

M. Richard Ramos. La colère monte dans les cours de ferme. Face aux aléas naturels, aux épisodes de sécheresse à répétition, aux inondations, nos agriculteurs sont en grande détresse. Face à un marché mondial non soumis aux mêmes exigences sociales, sanitaires et environnementales que celles auxquelles ils sont astreints, ils éprouvent de la crainte pour l’avenir. Face à la guerre des prix délétère menée par des acteurs plus puissants, nos petits paysans doutent malheureusement de l’action du Gouvernement et de notre action en tant que parlementaires.

Nous nous sommes efforcés tout au long de l’examen de la loi EGALIM de faire appel à la force de la loi et aux ressources des filières pour engager la transition de l’agriculture française vers davantage de qualité et de compétitivité. Le texte encadre les relations commerciales pour que les agriculteurs redeviennent acteurs et non plus seulement des spectateurs. Surtout, ils les impliquent dans la formation des prix qui assoient leurs rémunérations. Il faudra examiner l’impact de la loi EGALIM car aujourd’hui, on le sait, l’argent n’est pas revenu dans les cours de ferme. Des amendements ont été déposés sur la pose de caméras dans les boxes de négociation : si les négociations sont filmées, nous pourrons voir comment s’exerce le rapport de force avec nos paysans.

La commission d’enquête sur la situation et les pratiques de la grande distribution et de ses groupements dans leurs relations commerciales avec les fournisseurs, présidée par l’excellent M. Thierry Benoit, nous a permis de constater que les mauvaises pratiques de la grande distribution n’ont pas été enrayées et que nos agriculteurs continuent d’être pris en étau dans les négociations commerciales. Ils importent que nous, parlementaires, puissions leur envoyer un signal politique fort.

Le budget du ministère de l’agriculture, en légère augmentation, permet de maintenir l’ensemble des actions en faveur de l’agriculture malgré un contexte budgétaire très contraint.

Le Gouvernement soutient l’agriculture française, il faut le dire. Il favorise l’installation et l’investissement, la recherche et l’innovation ; il aide les agriculteurs en difficulté en prenant en charge des cotisations à la Mutualité sociale agricole (MSA), en permettant à chaque agriculteur de provisionner une épargne de précaution jusqu’à 150 000 euros déductibles d’impôts, ou encore en pérennisant en 2020 le dispositif d’exonération de cotisations sociales pour les travailleurs occasionnels, demandeurs d’emploi (TODE).

Toutefois, ces signaux positifs sont totalement brouillés par la baisse de la TATFNB affectée au réseau des chambres d’agriculture et payés par les propriétaires fonciers. À l’instar de la disparition annoncée du TODE l’année dernière, qui avait totalement masqué la mise en place par le Gouvernement d’un dispositif efficace d’épargne de précaution, la coupe budgétaire sur les ressources des chambres d’agriculture occulte l’augmentation des fonds attribués au ministère de l’agriculture.

Face à un monde agricole en souffrance, nous ne pouvons pas chaque année envoyer des signaux politiques contraires, mal accueillis par nos paysans. Nous ne pouvons pas demander aux chambres d’agriculture d’accompagner la transition agro-écologique de l’agriculture, d’un côté, et réduire, de l’autre, leur budget. Nous ne pouvons pas, d’un côté, stopper le travail saisonnier avec la suppression du TODE, et, de l’autre, vanter les mérites de nos petites exploitations.

Il est vrai que les autres chambres consulaires ont dû engager ces dernières années une réduction de leurs coûts mais il est difficile de comparer des secteurs qui vivent des réalités bien différentes.

Au groupe du Mouvement Démocrate et apparentés, nous préférons réfléchir aux modalités de la mutualisation des chambres d’agriculture plutôt que de réduire leurs moyens.

Nous comprenons et nous partageons la volonté d’économies du Gouvernement car il est urgent de sortir de la spirale d’un accroissement continu de la dépense budgétaire. Toutefois, cette baisse de la dépense publique doit s’accompagner d’une réforme en profondeur de notre agriculture à travers une simplification des normes, d’un rééquilibrage des forces et des rapports de force et elle ne doit pas se faire contre nos paysans qui sont les véritables faiseurs de bonne alimentation car, ne l’oublions pas, les produits français sont les meilleurs du monde.

M. Thierry Benoit. Au risque de surprendre certains d’entre vous, je dirai que ce n’est pas le volume budgétaire qui pose problème. Nous voyons bien à travers la présentation de M. le rapporteur que les crédits consacrés à l’agriculture, environ 2,9 milliards d’euros, sont d’importance analogue aux années précédentes.

Parmi les points positifs que nous avons recensés au sein du groupe UDI, Agir et Indépendants, il y a le fameux Grand plan d’investissement pour un montant de 245 millions d’euros, l’augmentation de 24 % en faveur de l’agriculture bio et les MAEC et le financement d’1,1 million d’euros pour le plan « Ambition Bio 2022 ». Je rappellerai aussi que le plan Ecophyto 2, qui vise à réduire de 50 % le recours aux produits phytosanitaires d’ici à 2025, est une avancée importante qui vient s’ajouter à la loi EGALIM et ses fameuses chartes de bonnes pratiques d’utilisation des produits phytosanitaires.

Un maire d’Ille-et-Villaine, département où se trouve ma circonscription, a cru bon de se faire remarquer en prenant un arrêté qui a créé une tension dans le pays depuis l’été. Je trouve son initiative préjudiciable. Elle met en l’air tout le travail réalisé par ceux qui aiment l’agriculture et qui militent pour une agriculture diverse en soutenant aussi bien le bio, les circuits courts que l’agriculture conventionnelle et l’agriculture agroindustrielle. Avec 28 millions d’hectares de surface agricole utile, la France est le premier pays agricole européen, ne l’oublions pas.

L’enjeu actuel est d’aider l’agriculture à assurer la transition alimentaire, la transition écologique et la transition énergétique. Jusqu’à une période récente, en parlant d’agriculture, on parlait des filières animales et végétales. Maintenant, on y adjoint la filière énergétique. Il a d’abord été question de la filière bois-énergie, ensuite des panneaux solaires photovoltaïques sont venus couvrir les toits des bâtiments d’élevage et, aujourd’hui, est soulevée la question de la méthanisation avec injection de biogaz. L’agriculture est, nous le voyons, un des éléments qui peut contribuer à la transition énergétique.

Pour ce faire, il faut que la politique agricole en France soit réellement partagée avec les agriculteurs. On sait très bien qu’ils sont nostalgiques des années soixante-dix, notamment de la période où Jacques Chirac était ministre de l’agriculture. Pourquoi ? Parce que les agriculteurs avaient leurs chambres consulaires et un interlocuteur, le ministère de l’agriculture. Aujourd’hui, tout le monde s’occupe d’agriculture – les régions, les intercommunalités, les syndicats de production d’eau potable. Et ceux qui en parlent le plus sont souvent ceux qui la connaissent le moins. C’est la raison pour laquelle on ne peut accepter que le Gouvernement réduise les moyens des chambres d’agriculture.

On nous parle aussi de régionalisation mais il faudrait qu’on se mette d’accord : que recouvrirait-elle ? En Bretagne, elle concernerait quatre départements, dans les Hauts‑de‑France, cinq, en Nouvelle Aquitaine, douze et en Occitanie treize !

Avec M. Gregory Besson-Moreau, rapporteur de la commission d’enquête sur la grande distribution, et les députés du groupe UDI, Agir et Indépendants, nous proposons un amendement destiné à renforcer les moyens du médiateur des relations commerciales.

Mme Gisèle Biémouret. Les chiffres publiés le 27 septembre dernier par l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) sont sans appel : les prix agricoles sont en baisse. D’août 2018 à août 2019, le prix du blé payé aux producteurs a baissé de 21 %, celui du maïs de 8 %, celui des fruits et légumes frais de 4,7 %. Les conséquences de la sécheresse de cet été risquent d’aggraver la situation.

En ce qui concerne les crédits de paiement, le budget de la mission est en hausse de seulement 1 %. L’augmentation s’élève certes à 6 % pour les autorisations d’engagement mais est-ce réellement suffisant pour répondre à la baisse des prix agricoles et pour relever le défi de la transition agroécologique ? Je n’en suis pas si sûre.

N’oublions pas que cette transition vers une agriculture plus respectueuse de l’environnement est fragilisée à chaque fois qu’un accord de libre-échange est ratifié avec un pays dont les normes environnementales ne sont pas au même niveau que les nôtres. Elle sera aussi fragilisée si nous ne marquons pas un tournant clair en matière de politique budgétaire.

C’est la raison pour laquelle le groupe Socialistes et apparentés propose à travers plusieurs amendements d’accélérer ce mouvement : déploiement des fermes DEPHY qui ont pris l’engagement de réduire l’usage de produits phytosanitaires, soutien à l’élaboration de projets alimentaires territoriaux, aux organisations de producteurs, facilitation de la transition de la restauration collective vers une alimentation qualitative.

Nous aborderons également la question de la lutte contre l’artificialisation des sols et la taxation des produits alimentaires en fonction de leur intérêt nutritionnel, sanitaire et environnemental.

Nous devons apporter un bémol à la loi EGALIM. Une étude de l’UFC-Que Choisir démontre que les hausses les plus importantes ont profité aux produits de grande marque : « La loi se traduira malgré tout par un cadeau de 1,6 milliard d’euros en deux ans pour les grandes surfaces ». « Un chèque en blanc pour les grandes surfaces, un chèque en bois pour les agriculteurs » conclut l’association.

Bref, vous l’aurez compris, pour notre groupe, le budget pour 2020 doit être celui qui marque incontestablement un tournant vers l’agroécologie à travers un accompagnement renforcé de l’ensemble des acteurs. C’est la raison pour laquelle nous nous opposons à la diminution de la TATFNB : les chambres d’agriculture auront besoin elles aussi d’accompagnement pour effectuer cette transition.

Alors que les taux d’intérêt n’ont jamais été aussi bas et que les recettes du prélèvement à la source ont créé des marges de manœuvre supplémentaires, il n’y a pas d’excuses, il est temps d’appuyer sur l’accélérateur.

Mme Sylvia Pinel. Nous voulons saluer quelques avancées dans ce budget mais le PLF semble insuffisant au regard des priorités affichées. Les crédits de paiement de la mission bénéficient d’une légère hausse, de 1,24 %, avec une priorité donnée au soutien à l’agriculture, à la transition agroécologique et à la sécurité sanitaire mais il ne faut pas oublier qu’en 2019, ce budget était en baisse de 10 %. Aussi le budget proposé pour 2020 ne retrouve pas le niveau de celui de 2018.

Monsieur le rapporteur, vous avez à juste titre évoqué l’installation des jeunes agriculteurs, la valorisation de la profession, l’attractivité des métiers et la nécessaire adaptation de notre agriculture ainsi que le besoin de proximité. Je souscris à ces objectifs mais ils sont en contradiction avec l’article 27 du PLF, qui prévoit une diminution de 15 % du niveau des ressources des chambres d’agriculture et une régionalisation de l’impôt. Nous savons tous quel rôle indispensable jouent ces structures sur nos territoires, notamment dans l’adaptation de l’agriculture française, le plan « Ambition Bio 2022 » et dans l’attractivité des territoires. Il y a là un paradoxe.

S’agissant de la PAC, nous partageons les inquiétudes sur les négociations en cours qui aboutissent à une diminution de son budget.

Par ailleurs, dans le cadre des négociations sur le nouvel acte de décentralisation, M. le Premier ministre a prévu une recentralisation de certaines mesures surfaciques. Le Gouvernement envisage-t-il d’étendre les compétences des régions ou entend-il uniquement leur transférer la charge de l’instruction des dossiers en conservant le pilotage de ces politiques ? Dans quelle mesure cela serait-il compatible avec le transfert des budgets correspondants ? On évoque souvent la PAC mais on oublie souvent de parler du rôle des régions.

Vous souligniez aussi l’enjeu du dérèglement climatique. Beaucoup de régions dont la nôtre, l’Occitanie, ont été frappées par des épisodes de sécheresse. M. le ministre de l’agriculture a annoncé des mesures d’urgence. Or ces événements sont amenés à se reproduire à intervalle répété et de manière plus durable. Quels sont les moyens déployés dans les années à venir pour lutter efficacement contre la sécheresse ? Qu’en est-il de la négociation avec l’Union européenne sur ce point ?

Voici quelques questions, Monsieur le rapporteur, que le groupe Libertés et Territoires voulait vous poser.

M. Sébastien Jumel. Même si les crédits de cette mission sont légèrement en hausse, c’est tout de même un budget « à l’os » : l’augmentation de 1 % ne suffira même pas à compenser l’inflation de 1,1 %. Ce qui nous dérange, au fond, c’est moins ce que contient ce budget que ce qui lui manque, à savoir l’ambition et la stratégie. Le problème, c’est que vous ne croyez pas à la force de la loi. Vous ne croyez pas à l’État qui protège, vous ne croyez pas à l’État qui prend soin, vous ne croyez pas à l’État qui régule.

Nous avons vécu une situation dramatique à Rouen, avec la catastrophe de Lubrizol. M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation a tenu à cette occasion, comme à son habitude, des propos bienveillants à l’égard du monde agricole. Le problème, c’est qu’il n’a même pas dit « Aide-toi et le ciel t’aidera », mais : « Aide-toi et le ciel te regardera. » On renvoie la solidarité au niveau de l’interprofession et on n’est pas capable de faire jouer la solidarité nationale. Dans ces circonstances, on se dit que si les chambres d’agriculture n’existaient pas, il faudrait vraiment les inventer et, alors qu’on mesure leur immense importance sur le terrain, on est en train de les assassiner budgétairement au Parlement !

La crise de Lubrizol nous rappelle que les promesses de la loi EGALIM sur la revalorisation des prix sont des promesses de Gascons, des promesses qui n’ont pas été tenues. D’après l’INSEE, entre 2018 et 2019, le prix du blé payé aux producteurs a baissé de 21 %, celui du maïs de 8 % et celui des autres végétaux, hors fruits et légumes, de 5,2 %. Si le lait a relativement bien résisté, rien ne dit que l’évolution de son prix suffira à compenser l’augmentation dramatique des coûts de production. Quant à la mobilisation des fonds européens dans nos territoires, c’est une vraie usine à gaz. Le fait que les MAEC et le FEADER soient mobilisés avec trois ans de retard est une marque de mépris supplémentaire. J’ajoute que les deux années de sécheresse, qui ont un impact majeur sur le coût de la plupart des exploitations, ne sont pas non plus prises en compte.

J’entends quelques Marcheurs grogner : ils ne sont contents que lorsqu’on fait l’apologie du Président de la République et qu’on loue la réussite pleine et entière du Gouvernement. Mais c’est le rôle de l’opposition que de formuler ces critiques-là.

Nous avons été un certain nombre, il y a quelques jours, à assister à la projection de l’excellent film de M. Guillaume Canet, Au nom de la terre, un film poignant qui décrit les maux de l’agriculture, la nécessité d’accompagner les agriculteurs dans leur transition vers un nouveau modèle, l’extrême solitude du monde agricole, le poids des banques, celui des grands distributeurs et celui, insupportable, de l’industrie qui les asphyxie. Nous pleurions tous des larmes de crocodile à la fin de cette projection : elles étaient sincères, mais nous ne pouvons pas nous contenter de pleurer. Notre rôle de parlementaires, c’est de voter une loi qui prenne soin, une loi qui protège, une loi qui régule, une loi qui inverse les rapports de force, une loi qui contraigne les grands distributeurs à payer les agriculteurs pour le fruit de leur travail.

Je répète que nous sommes davantage préoccupés par ce qui est absent de ce budget, c’est-à-dire l’ambition, que par ce qu’il contient. L’absence du ministre, qui a été décidée par le bureau, est une erreur, parce que la présence du ministre au chevet des agriculteurs est une nécessité, et même une ardente obligation.

M. François Ruffin. On parle de budget, de subventions, d’aides, mais les agriculteurs ne veulent pas être aidés : ils veulent être payés pour leur travail. Et la clé, ce sont les prix, qui ont d’ailleurs été au cœur du long processus des États généraux de l’alimentation. C’était un pari, c’était une promesse. Or l’UFC-Que Choisir a montré, en analysant les données officielles sur le lait de consommation, la viande bovine et les filets de poulet, que cette promesse n'a pas été tenue. Prenons l’exemple du lait UHT (ultra haute température) : alors que, depuis 2017, le prix revenant à l’éleveur a diminué de 5 %, la marge des distributeurs a au contraire augmenté de 8 %, si bien que les consommateurs paient maintenant le lait 4 % plus cher. J’ai devant moi les données de FranceAgriMer : pour toutes les productions – les gros bovins, le lait de vache standard, le lait de chèvre standard, l’agneau –, le prix de vente est inférieur aux coûts de production. Et, pour un certain nombre de productions, il a même baissé depuis le discours de Rungis et les 144tats généraux de l’alimentation.

C’est un échec. On le lit à demi-mot dans le rapport de la commission d’enquête, présidée par notre excellent collègue Thierry Benoit : il explique que si les nouveaux dispositifs de la loi EGALIM vont certes dans le bon sens – ce dont je doute, à titre personnel – ils ne sont pas suffisants. Cet échec se vérifie au niveau des prix, mais aussi des processus de décision. Quand je demande aux agriculteurs de ma circonscription ce que la loi EGALIM a changé pour eux, ils me répondent : « Rien ». On peut se dire que ce sont des petits producteurs, qu’ils sont occupés par leur travail et qu’ils n’ont pas le temps de mettre le nez dans leurs papiers. Mais il se trouve que j’ai rencontré, au Sommet de l’élevage de Clermont-Ferrand, les représentants de la filière Limousine, de la Holstein, du mouton vendéen et du Charolais : eux me disent aussi qu’ils ne voient aucun changement. Rien n’a changé : ni au niveau des prix, ni dans le processus de décision.

On en est resté au stade des discours et cela a des conséquences dramatiques, pas seulement dans les films, comme Au nom de la terre, mais aussi dans les fermes. L’agriculture a besoin de régulation : c’est la croyance dans la loi, dont mon collègue M. Sébastien Jumel vient de parler. Il faut des prix plancher : 400 euros les 1 000 litres de lait, par exemple. Il faut des quotas de production, des quotas d’importation, il faut un coefficient multiplicateur. Vous êtes en train de vous dire que c’est le couplet classique de la gauche, qui réclame plus de loi, plus de régulation. Mais, pendant les États généraux de l’alimentation, M. Olivier Allain, qui en était le coordinateur et qui est un « Marcheur », disait qu’il était protectionniste, et même interventionniste et régulationniste. Sans régulation, rien ne changera pour les agriculteurs.

Je peux citer des témoignages plus surprenants encore : M. Serge Papin, lorsqu’il était le patron de Système U, est venu s’exprimer devant notre commission. Il a dit que si l’on veut sauver l’agriculture française et la rendre plus qualitative, il faut des prix minimaux garantis. On a besoin de régulation dans ce pays, et cela fait trente ans que l’agriculture est la variable d’ajustement dans la guerre des prix. Même M. Michel-Édouard Leclerc – qui a quelque chose du Janus à deux têtes, car il dit tantôt blanc, tantôt noir –, a dit que si la pauvreté de nos agriculteurs est une cause nationale, alors il faut fixer un prix minimum, un prix plancher. Sans cette garantie, nous ne pourrons pas aider les agriculteurs à sortir la tête de l’eau. Ils ont besoin de ce socle pour se projeter dans l’avenir. Pour nous, l’avenir, c’est davantage d’écologie, la sortie des produits phytosanitaires, ou en tout cas leur nette diminution, et la préservation du bien-être animal. Nous ne pouvons plus nous contenter d’accords-cadres fumeux, avec des prix indicateurs dont on ignore l’origine et un médiateur qui ne peut contraindre personne. Régulation, régulation, régulation !

Il existe une exception culturelle française : il faut désormais construire une exception agriculturelle française.

M. Jean-Bernard Sempastous, rapporteur pour avis. S’agissant des négociations commerciales, certains des amendements que nous examinerons tout à l’heure tireront les conséquences de la loi EGALIM et de la commission d’enquête sur la grande distribution. M. le ministre de l’agriculture a rappelé hier, au cours des questions au Gouvernement, que la grande distribution ne joue pas le jeu et qu’il va falloir que les négociations commerciales se déroulent mieux désormais. La critique qu’il a formulée est sévère. Nous sommes dans une période transitoire et nous devons prendre le temps de l’évaluation.

S’agissant de la PAC, je répète qu’il faut faire confiance au ministre pour nous défendre. M. Jean-Baptiste Moreau doit se rendre à Helsinki à la fin du mois pour aborder ces questions : il nous fera sans doute un compte rendu.

Vous êtes plusieurs à m’avoir interrogé sur les chambres d’agriculture et sur la baisse de la taxe additionnelle à la taxe sur le foncier non bâti (TATFNB). Je reconnais que l’on demande beaucoup aux agriculteurs et que les chambres d’agriculture ont une grande importance sur nos territoires. Je pense en particulier aux petites chambres d’agriculture, pour qui cette taxe représente des sommes énormes. Je vous ai dit tout à l’heure que les chambres d’agriculture ont le projet d’accompagner sur trois ans les agriculteurs dans leur transition. Il importe donc de ne pas leur envoyer un signal négatif et c’est la raison pour laquelle nous voterons l’amendement de notre collègue Hervé Pellois, qui demande la suppression de cette mesure.

La régionalisation est essentielle : il importe d’être au plus près de nos territoires et de régionaliser nos chambres d’agriculture. Monsieur Jumel, vous avez évoqué Lubrizol. La solution qui a été proposée est la création d’un fonds de mutualisation des risques, qui serait financé par les agriculteurs à hauteur de 35 % et par l’État, à 65 % – nous demanderons au ministre de confirmer ce point.

Mme Jacqueline Maquet. Dès janvier 2020, la TATFNB diminuera de 15 %. C’est une excellente nouvelle, d’abord parce qu’il s’agit de faire diminuer la pression fiscale pour les contributeurs de cette taxe, qui sont pour l’essentiel des agriculteurs, ensuite parce que cet effort permet de réduire les dépenses publiques. Cette baisse pèse néanmoins sur les ressources des chambres d’agriculture, puisque la TATFNB représente 42 % de leur budget. La diminution prévue signifie 6 % de réduction des ressources de leur réseau au niveau national. Dans un contexte d’« agribashing », que notre majorité combat, et dans le cadre de la réflexion lancée par le ministère de l’agriculture et de l’alimentation sur l’avenir de notre politique agricole, ne peut-on trouver une solution adéquate pour les chambres d’agriculture, qui sont des alliées de poids ?

Ne pouvons-nous pas profiter de cette baisse de la TATFNB pour accompagner ces établissements publics dans la diversification de leurs ressources propres ? Il apparaît en effet nécessaire de réfléchir à une possible réforme du financement des chambres consulaires agricoles. Le président de la chambre d’agriculture du Nord-Pas-de-Calais, M. Christian Durlin, propose par exemple de conserver une part de ces crédits pour assister les chambres dans leur fusion. Celle-ci serait un vecteur d’efficacité économique et de rationalisation de l’organisation des chambres, puisqu’elle permettrait de faire des économies et de gagner en cohérence. Une chambre interdépartementale, issue de la chambre de région, s’apprête ainsi à voir le jour, de même qu’une chambre régionale regroupant les chambres régionales de Picardie et une fraction de la chambre de région Nord-Pas-de-Calais. Quel est, Monsieur le rapporteur pour avis, votre sentiment sur cette analyse ?

M. Julien Dive. Je veux, à la suite de mon collègue M. Jérôme Nury, dire combien je regrette que le ministre de l’agriculture ne soit pas présent ce matin. L’agriculture, dont nous examinons le budget ce matin, est un domaine où il importe tout particulièrement de joindre les actes à la parole. Le ministre de l’agriculture et le Président de la République ont prononcé des discours sur le monde agricole, mais on attend que les actes suivent.

Monsieur le rapporteur pour avis, vous écrivez que la terre agricole joue un rôle essentiel en termes de stockage du carbone, et vous donnez l’exemple des pâturages. Mais il n’y a pas que les pâturages : il y a aussi l’agriculture de conservation des sols (ACS). Certains parlementaires ont été invités hier soir à débattre avec des professionnels qui pratiquent depuis des décennies l’agriculture de conservation des sols. Celle-ci va se retrouver en grande difficulté quand le Gouvernement décidera de mettre fin à l’usage du glyphosate. Au sein de la mission d'information commune sur le suivi de la stratégie de sortie du glyphosate, que je mène avec M. Jean-Baptiste Moreau et M. Jean-Luc Fugit, nous cherchons les moyens d’accompagner les agriculteurs qui pratiquent l’ACS et, plus globalement, l’ensemble de la filière agricole, vers la sortie du glyphosate. Or le budget qui nous est soumis ne fait aucune proposition pour aider les agriculteurs à s’équiper en matériel, ni pour développer la recherche de solutions alternatives.

Enfin, on nous a annoncé, il y a quelques mois, un grand plan en faveur des protéines végétales. Monsieur le rapporteur, pour avis, pouvez-vous nous dire quels moyens financiers lui sont dédiés dans ce budget ?

Mme Valéria Faure-Muntian, présidente. Je répète que tous les membres du bureau avaient la faculté, il y a encore quelques jours, de demander la venue du ministre.

M. Nicolas Turquois. Je souhaite tout d’abord m’associer aux propos de mon collègue Julien Dive : compte tenu de l’importance de la question agricole et de l’ampleur des difficultés que rencontrent nos agriculteurs, la présence du ministre aurait effectivement été souhaitable – et cela ne remet nullement en cause la qualité du travail réalisé par le rapporteur pour avis. Les interventions que nous avons entendues ce matin montrent que nous avons beaucoup de points communs, quels que soient nos groupes. Il serait souhaitable, sur cette question en particulier, que le ministre et les députés travaillent plus étroitement : nous pourrions partager nos analyses et avancer plus vite.

Je salue, même si elle est légère, l’augmentation des crédits de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » : cela prouve que l’agriculture a de l’importance au sein de l’action gouvernementale. Contrairement à certains des collègues qui se sont exprimés, je continue de croire au travail avec les filières. Certaines filières, notamment celle de la viande bovine, sont trop dispersées, ce qui crée de la concurrence en leur sein. Un travail sur les filières doit donc être engagé, qui n’exclut pas un travail en direction des centrales d’achat – je crois que le ministre y travaille.

S’agissant du débat sur les chambres d’agriculture, je partage l’avis du rapporteur pour avis : il me paraît stérile de supprimer 45 millions d’euros du jour au lendemain. Cela étant, et en dépit du côté romantique des chambres d’agriculture, les rapports de la Cour des comptes pointent de vraies difficultés, notamment leur dépendance vis-à-vis du financement public, et appellent à une mutualisation de leurs services. Il me semblerait plus opportun de développer des contrats d’objectifs pour amener les chambres à évoluer, plutôt que de réduire brutalement leur budget de 45 millions d’euros. Enfin, comme notre collègue Julien Dive, j’aimerais savoir où en est le plan protéines végétales. Il va falloir anticiper les annonces de la PAC et les conséquences du Brexit, qui risquent encore de malmener le monde agricole.

M. Yves Daniel. Je veux, moi aussi, apporter mon soutien aux chambres d’agriculture. Notre excellent collègue Thierry Benoit a dit que tout le monde parle d’agriculture aujourd’hui. Et, en écoutant mon collègue Nicolas Turquois, j’ai pensé que si nous, les paysans, nous ne disons pas qui nous sommes, les autres se chargeront de dire qui nous ne sommes pas : c’est ce qui nourrit l’« agribashing ».

Nous examinons ce matin le budget de l’agriculture et nous parlons de chiffres. C’est tout à fait normal, puisque ce qui est en jeu, c’est la compétitivité de notre agriculture, un résultat chiffré lié à notre balance commerciale. Je veux néanmoins rappeler que la compétitivité de l’agriculture ne se résume pas à cela : elle ne peut pas se résumer à cela.

Il faut bien se mettre dans la tête qu’il ne peut pas y avoir d’agriculture sans paysans. Or si l’on ne stoppe pas l’hémorragie en cours, on va aboutir à la disparition totale des paysans, et on ira dans le mur. Par ailleurs, sans politique d’installation des jeunes, nous ne pourrons pas garantir la pérennisation de notre agriculture, et je regrette que ce budget ne prévoie pas davantage de crédits en faveur de l’installation des jeunes. Enfin, nous n’aurons plus de paysans, s’ils ne vivent pas de leur métier. À cet égard, j’attends les résultats de la loi EGALIM, comme tout le monde.

L’agriculture, c’est autre chose qu’une marchandise : c’est un bien vital, protégé par les paysans, comme l’air et l’eau. C’est la raison pour laquelle on commence à parler d’exception agriculturelle. Les exploitations agricoles ne sont pas seulement des entreprises : elles protègent la santé de la planète et du vivant.

M. Jean-Bernard Sempastous, rapporteur pour avis. Je ne reviendrai pas sur la question des chambres d’agriculture : nous sommes une majorité à nous opposer à la diminution de leurs aides. M. Nicolas Turquois a noté, à juste titre, que des pistes d’évolution existent, notamment à travers la régionalisation. Mais il faut laisser aux chambres d’agriculture un temps d’adaptation : elles ne pourront pas se transformer du jour au lendemain.

En matière de transition agricole, les mesures agroenvironnementales et climatiques sont dotées de 230 millions d’euros. Ces crédits, qui ont triplé, permettront de financer le changement.

Vous m’avez également interrogé sur le plan protéines végétales. Ce nouveau plan devrait s’étaler sur dix ans et comporter neuf leviers d’action, parmi lesquels un levier PAC et un levier national de financement. Mais, pour l’instant, il n’y a rien, et nous attendons avec impatience les propositions qui nous seront faites à ce sujet.

M. Dino Cinieri. Je regrette, à mon tour, que M. le ministre ne soit pas présent pour examiner un budget aussi important que celui de l’agriculture, qui concerne directement la vie de nos agriculteurs.

Monsieur le rapporteur pour avis, je suis rassuré de voir que vous êtes, comme moi, inquiet de la baisse de 15 % de la TATFNB, qui va pénaliser nos chambres d’agriculture. Nous sommes nombreux à avoir déposé des amendements visant à maintenir le montant de la taxe affectée aux chambres d’agriculture pour 2020.

En commission des finances, l’amendement de notre collègue Fabrice Brun a été adopté et nous espérons que la même sagesse prévaudra dans l’hémicycle cette semaine. Si l’objectif annoncé de cette baisse est d’augmenter le pouvoir d’achat des agriculteurs propriétaires de leur terre, elle se fera pourtant à leur détriment, puisque les chambres d’agriculture sont en première ligne pour accompagner tous les paysans dans tous les territoires, que ce soit pour la transition écologique, la diversification des productions, ou encore l’amélioration de la qualité de leurs produits par la recherche et le développement.

Dans l’hexagone comme en outre-mer, les agriculteurs ont besoin d’un soutien et d’un accompagnement pour s’adapter au changement climatique et à la transition écologique. Et c’est d’autant plus vrai dans le contexte du Brexit et du CETA (Comprehensive and Economic Trade Agreement ou accord économique et commercial global – AECG) – un accord inacceptable. Cette baisse de moyens est d’autant plus paradoxale, que les pouvoirs publics ont confié, ces derniers mois, de nouvelles missions aux chambres d’agriculture. Elles doivent notamment accompagner les exploitations sur le volet réglementaire de la loi n° 2018‑277 du 10 août 2018 pour un État au service d'une société de confiance (ESSOC) et de la loi EGALIM, mais aussi en matière de transition écologique. Monsieur le rapporteur pour avis, avez-vous pu échanger avec M. le ministre sur cette question importante ? Acceptera-t-il de renoncer à cette baisse de 15 % de la TATFNB ?

M. Sébastien Jumel. Ce matin, nous avons découvert un nouveau concept : celui de la « régionalisation réfléchie ». J’ai beau y réfléchir, je ne vois pas ce que cela peut signifier. Le Président de la République a redécouvert, à la faveur du Grand débat, les joies de la proximité. Il a même fait des déclarations d’amour aux maires… Et, à présent, on nous parle de la « régionalisation réfléchie », qui est le déménagement annoncé de nos territoires ! On va éloigner les chambres d’agriculture du terrain, alors qu’elles ont une expertise et une connaissance fine des spécificités agricoles, qu’elles sont au chevet des agriculteurs. Appeler à une « régionalisation réfléchie », c’est une manière de faire avaler la pilule du déménagement des territoires.

Il est clair que le Gouvernement a un double discours. Il nous dit qu’il va au chevet des villes moyennes, avec le programme « Action Cœur de ville ». Il dit qu’il veut assurer, dans la ruralité, la présence de la République partout et pour tous. Il le dit, et il fait le contraire. Il fait le contraire chez les oubliés de la République, chez les humiliés de la République, chez ceux qui se sentent abandonnés par la force de la loi qui protège, la force de la loi qui prend soin. Je veux sonner l’alerte !

On nous dit que les « Marcheurs » ne sont pas d’accord avec cette mesure. On peut donc espérer que le ministre va céder, qu’il va renoncer à déménager nos territoires et à flinguer les chambres d’agriculture. À propos des chambres de commerce et d’industrie, M. le ministre Bruno Le Maire nous avait expliqué que tout serait parfait, qu’elles seraient au plus près du terrain, que tout serait numérisé et qu’elles seraient très réactives. Mais la vérité, c’est qu’il n’y a plus de chambres de commerce chez moi. Le seul qui défend les patrons et les petites et moyennes entreprises (PME), c’est le député communiste : c’est le monde à l’envers ! Il faut donner du sens et de la cohérence aux discours et les traduire dans les actes budgétaires.

M. Jean-Pierre Vigier. Comme mes collègues, je regrette vivement que le ministre soit absent, alors que nous examinons une question aussi importante et sensible que le budget de l’agriculture. Nos agriculteurs souffrent beaucoup et ils méritent d’être accompagnés et aidés.

Il est évident qu’il ne faut pas réduire les fonds affectés aux chambres d’agriculture, car elles sont indispensables, notamment dans les petits départements et en milieu rural.

Le projet de loi de finances pour 2020 anticipe la possibilité d’un Brexit dur et prévoit le recrutement de 320 agents supplémentaires pour rétablir d’éventuels contrôles sanitaires aux frontières. Je trouve que c’est une bonne chose, mais je me demande pourquoi ce qu’il est possible pour le Brexit ne l’est pas pour le CETA et, demain, pour l’accord avec le Mercosur. Quels moyens prévoyez-vous pour contrôler les importations de produits agricoles, notamment les viandes bovines qui ne respectent absolument pas les normes sanitaires imposées à nos producteurs français, afin de protéger nos marchés et nos consommateurs, premièrement d’une concurrence déloyale et, deuxièmement, de produits élevés aux organismes génétiquement modifiés (OGM) et aux hormones ?

Mme Marie-Noëlle Battistel. Monsieur le rapporteur pour avis, j’ai bien entendu votre position sur la réduction du plafond des recettes fiscales des chambres d’agriculture et j’ai noté que vous soutiendrez, en séance, le même amendement de suppression qu’en commission, mais je voudrais savoir s’il s’agit de la position du groupe La République en Marche ou de votre position personnelle.

Le Gouvernement a expliqué que cette mesure serait positive pour les agriculteurs, dans la mesure où elle entraînera une baisse d’impôt. C’est la réponse que M. le ministre de l’agriculture a faite à une sénatrice qui lui posait la question. Or cette justification ne nous paraît pas satisfaisante, d’abord parce que cette disposition impactera fortement les chambres d’agriculture, auxquelles elle retirera presque la moitié de leur budget. Surtout, je rappelle que cette taxe ne repose qu’en partie sur les terres agricoles, à hauteur de 53 %. Elle repose à 6 % sur la forêt et à 40 % sur les propriétaires fonciers sans lien avec l’agriculture. Il s’agit donc d’un mécanisme vertueux, qui ne met pas à contribution l’exploitant en tant que tel, mais le détenteur de la ressource foncière et, accessoirement, le citoyen. Ce dispositif de solidarité fiscale nous semble extrêmement important.

Enfin, tous les agriculteurs ne bénéficieront pas de cette baisse d’impôt et ne verront donc pas leur pouvoir d’achat augmenter, puisque seuls les propriétaires terriens paient cette taxe : ceux qui exploitent des terres dont ils ne sont pas propriétaires ne seront pas concernés.

Mme Sophie Beaudouin-Hubiere. Nous sommes censés débattre ce matin de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales », dans le cadre de l’examen de la deuxième partie du projet de loi de finances. Or, depuis tout à l’heure, nos collègues utilisent notre réunion comme une tribune pour aborder des questions qui relèvent de la première partie du PLF. Cela me surprend un peu… Nous devrions travailler ce matin pour notre agriculture et nos agriculteurs, au lieu de faire des effets de manches et de la basse politique. Il y a d’autres lieux et d’autres moments pour cela. (Exclamations parmi les députés du groupe LR) Je rappelle à tous mes collègues que la question de la TATFNB et des chambres d’agriculture relève de la première partie du PLF. Concentrons-nous, s’il vous plaît, sur la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales ». J’aimerais à présent travailler pour mes agriculteurs. (Applaudissements parmi les députés du groupe LaREM)

M. Sébastien Jumel. Vous ne pouvez pas mettre l’opposition au pas de cette façon ! Quand on est dans la majorité, il faut aussi savoir entendre les choses qui ne font pas plaisir. La marche au pas, ça ne fonctionne pas ! Rappel au règlement !

Mme Valéria Faure-Muntian, présidente. Monsieur Jumel, vous ne pouvez pas faire de rappel au règlement, mais je vous donnerai à nouveau la parole si vous le souhaitez, lorsque tous nos collègues se seront exprimés.

M. Jean-Bernard Sempastous, rapporteur pour avis. J’ai oublié de répondre tout à l’heure à notre collègue Gisèle Biémouret, qui a évoqué la grande distribution. Je rappelle que les mesures relatives à l’encadrement des promotions et au seuil de revente à perte n’ont même pas deux ans : nous les évaluerons d’ici un an. S’agissant des différentes études déjà parues, je note que celle l’UFC-Que Choisir était biaisée, puisque cet organisme était d’emblée opposé au texte.

Je ne reviens pas sur les chambres d’agriculture. L’un d’entre vous m’a demandé si je m’étais entretenu de cette question avec M. le ministre de l’agriculture. Un petit groupe de députés de la majorité a eu l’occasion de le rencontrer il y a une quinzaine de jours : nous lui avons dit que plusieurs dizaines de députés de la majorité s’opposeraient à la réduction de la taxe. Je crois que le message est bien passé.

La régionalisation, dont vous soulignez les aspects négatifs, présente aussi des points positifs. La régionalisation de la SAFER permet par exemple d’avoir une vision globale à l’échelle régionale et d’être au plus près du territoire. Je précise que certaines chambres d’agriculture ne sont pas opposées à la régionalisation. Donnons-nous le temps et proposons des expérimentations : toutes les chambres d’agriculture n’y sont pas opposées.

Quant aux contrôles sur l’importation de la viande, je vous renvoie au rapport pour avis sur le CETA que notre collègue Marie Lebec a rendu, au nom de la commission des affaires économiques, en juillet 2019.

M. Antoine Herth. Je vais satisfaire ma collègue Sophie Beaudouin-Hubiere et m’en tenir à la deuxième partie du projet de loi de finances. Monsieur le rapporteur pour avis, j’ai deux questions à vous adresser.

La première concerne le programme Ambition Bio 2022. Il se déroule plutôt bien, puisque les surfaces cultivées en bio dépassent 9 % en 2019 et devraient atteindre 12 % en 2020, et qu’il mobilise des crédits importants. Dans la mesure où ce sont les régions qui sont chargées de mettre en œuvre les crédits des MAEC, je souhaiterais savoir si vous vous êtes rapproché des régions. Je sais qu’il leur manquait parfois des crédits de cofinancement : ont‑elles une programmation budgétaire à la hauteur ?

Ma deuxième question concerne le Brexit. L’année dernière, le ministère de l’agriculture a bénéficié de la création de 40 postes en vue du Brexit et, cette année, on prévoit 320 postes supplémentaires pour un montant de 8 millions d’euros, ce qui fait 25 000 euros par poste en moyenne. Pouvez-vous nous indiquer s’il s’agit de postes de catégorie C et le type de fonctions qui leur seront attribuées ?

M. Rémi Delatte. L’examen du projet de loi de finances nous donne l’occasion de rappeler que l’agriculture est confrontée à des enjeux considérables, d’ordre écologique, d’abord, d’ordre économique, ensuite, puisqu’il s’agit d’assurer la rentabilité de nos exploitations et de garantir des revenus à nos agriculteurs, d’ordre sociétal, enfin, puisqu’elle doit répondre aux attentes des consommateurs. La recherche et l’innovation sont des leviers tout à fait importants, qui permettront d’ouvrir des voies nouvelles pour nos fermes.

On a un peu tendance à considérer qu’il n’existe que deux modèles agricoles en France : l’agriculture conventionnelle et l’agriculture biologique. Il ne faut pas oublier qu’il existe d’autres voies possibles, en particulier l’agriculture de conservation des sols, qui mérite tout notre intérêt, parce qu’elle est respectueuse de l’environnement, qu’elle emploie moins d’intrants et qu’elle préserve l’agrosystème et la biodiversité. Monsieur le rapporteur pour avis, comment envisagez-vous d’accompagner nos exploitants pour qu’ils réalisent la transition vers un nouveau modèle, innovant et prometteur ? Certains crédits ciblent-ils spécifiquement cette transition et favorisent-ils l’investissement dans l’agriculture de conservation des sols ?

M. André Villiers. Je regrette que l’analyse du budget du ministère de l’agriculture ne permette pas d’intégrer l’enseignement supérieur et l’enseignement technique agricole. Cela aurait permis de mettre en lumière le fait que seuls 4 000 des 18 500 vétérinaires en exercice sur le territoire national exercent en zone rurale. Leur formation est assurée par quatre écoles, mais la filière belge permet heureusement de maquiller cette carence et la baisse des moyens de l’enseignement. Comment, dans ce contexte, assurer la mission de contrôle, dont on nous dit par ailleurs qu’elle est une nécessité absolue ?

Je voudrais mettre en perspective le budget de 2,9 milliards d’euros de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » avec les 9,5 milliards de la PAC. La contribution française, d’après le projet de loi de finances pour 2020, est évaluée à 21,3 milliards. Notre pays est contributeur net : le but est sans doute de faire converger les économies des États membres. La France est le deuxième contributeur et nous continuons de payer le désengagement déjà ancien du Royaume-Uni, qui remonte à l’époque de Margaret Thatcher. Je vous rappelle sa célèbre formule : « I want my money back ». L’annonce de la baisse de 3,9 % dès 2021, conjuguée à la volatilité des cours agricoles, sonne le glas de la loi EGALIM. La déception qu’elle suscite est proportionnelle aux attentes que les paysans nourrissaient, car leurs revenus sont liés très directement aux aides de la PAC. L’organisation de la transformation et de la distribution – je renvoie au rapport de M. Thierry Benoit – relève de véritables trusts et cartels : il convient, comme les États-Unis l’ont fait en leur temps, et comme on l’évoque aujourd’hui au sujet des GAFA (Google, Appel, Facebook, Amazon), de casser ces concentrations économiques, qui sont devenues la cause des maux de l’agriculture.

M. Jacques Cattin. Concernant les moyens alloués à la mission « Agriculture, alimentation, forêts et affaires rurales », il faut rester cohérent. Le Gouvernement a voulu séparer le conseil de la vente des produits phytopharmaceutiques ; soit. Mais savez-vous que le premier conseil en agriculture se fait par le biais de nos conseillers agricoles et viticoles siégeant dans les instances des chambres d’agriculture ? Ce conseil s’adresse essentiellement aux petites et moyennes exploitations. Enlever des moyens financiers aux chambres d’agriculture, c’est pousser encore plus nos bons conseillers vers le privé. J’ai été vice-président de la chambre d’agriculture Alsace dans une vie antérieure : je sais de quoi je parle !

La régionalisation est également un non-sens. Pour prendre un exemple concret, en Alsace, nous avions déjà anticipé la rationalisation des moyens en regroupant nos deux chambres d’agriculture du Haut-Rhin et du Bas-Rhin en une chambre unique pour l’Alsace. Celle-ci, bien gérée, continue d’œuvrer dans la proximité. En Alsace, le foncier est taxé trois à quatre fois plus que dans les autres départements du Grand Est : la régionalisation diminuera de 30 % les moyens financiers pour l’Alsace, alors qu’elle compte 12 014 exploitants.

M. José Évrard. Le budget que vous nous avez présenté ne peut pas s’appréhender sans une vision des contraintes que nous allons subir. Le budget n’est pas hors sol : sans notre souveraineté nationale, nous aurons beaucoup de mal à répondre aux légitimes revendications des agriculteurs.

À propos de la politique agricole commune (PAC), vous annoncez déjà une diminution de 290 millions d'euros. La PAC continuera à diminuer, les aides aux agriculteurs à se réduire. Peut-être faudra-t-il déterminer à qui elles vont en priorité : bien souvent, ceux qui en bénéficient ne sont pas ceux qui en ont le plus besoin.

Par ailleurs, le Brexit vous sert d’écran de fumée : c'est nous qui avons voulu une négociation dure ; on n'a pas voulu négocier raisonnablement ! Vous parlez de contrôles sanitaires : eh bien parlons-en ! Les œufs, les sangliers, les lasagnes, la grippe aviaire, Lubrizol, la viande avariée et le lait : ce sont des problèmes sanitaires de première importance, et le Brexit n’y est pour rien. C’est quand même préoccupant.

Autre problème, 20 % de nos terres cultivables sont actuellement aux mains des étrangers : que faisons-nous pour endiguer ce phénomène ? Ajoutez à cela la spéculation de la finance, et les agriculteurs connaîtront encore plus de difficultés. De plus, quel modèle agricole voulez-vous mettre en place ? Est-ce le modèle agricole allemand, où l’on trouve des porcheries de 30 000 porcs, c'est-à-dire des modèles gigantesques, qui ne respectent en rien l'animal ?

Pour conclure, la question agricole est douloureusement illustrée par le suicide d'un agriculteur tous les deux jours. Nous devons donc réfléchir globalement à cette question.

Mme Marguerite Deprez-Audebert. Depuis deux ans, avec la fin des quotas, la filière sucre évolue dans un contexte mondialisé en prise directe avec les marchés mondiaux. En France, la filière betterave-sucre génère 44 500 emplois directs pour un chiffre d'affaires de 3,8 milliards d'euros. La production de sucre sur notre territoire s’élève à environ 5 millions de tonnes, soit 135 kilogrammes par seconde.

Je souhaite donc profiter de ce temps d'échange pour saluer le choix du Gouvernement qui, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2020, a décidé la création d’une aide pour la filière canne à sucre dans les outre-mer. En effet, la filière canne à sucre constitue l'un des piliers de l'économie des départements de la Guadeloupe, de la Martinique et de La Réunion. En parallèle, la filière betterave-sucre est aussi un pilier important de l'économie agroalimentaire dans certaines régions, en particulier dans les Hauts-de-France. Je souhaite donc savoir si des mécanismes de soutien spécifiques seront également mis en place pour le secteur sucrier, actuellement malmené en France métropolitaine.

M. Julien Dive. Je souhaite réagir calmement aux propos de Mme Sophie Beaudouin-Hubiere, qui a interpellé les oppositions tout à l'heure. Nous débattons ce matin du rapport présenté par M. Sempastous : il est donc normal que nous réagissions aux différents thèmes abordés dans ce rapport, qu’il s’agisse des MAEC, de la TATFNB, du programme Ambition bio 2022, de la DJA – dotation jeunes agriculteurs – ou du foncier agricole.

Mais nous ne sommes pas là non plus pour donner des leçons, ni à la majorité, ni à l'opposition. Vous ne pouvez pas, en tant que députée, dire à l'ensemble des oppositions de se taire. Notre mission consiste à travailler sur le budget mais également à relayer la parole libre des agriculteurs, qu’elle soit politiquement correcte ou incorrecte : nous devons l'écouter. Nous pouvons librement nous exprimer tout au long de l’examen des amendements, notamment pour déplorer l'absence de M. le ministre.

M. Sébastien Jumel. Hier, les forces de l'ordre ont chargé ceux qui prennent soin de notre vie : les pompiers.

Mme Huguette Tiegna. Cela n’a rien à voir !

M. Sébastien Jumel. Laissez-moi terminer !

Alors que nous avions sollicité, avec d'autres parlementaires, la possibilité de recevoir une délégation de sapeurs-pompiers, l'on a tenté de nous empêcher de recevoir leurs délégués syndicaux : c'est la première fois que je vois cela dans notre démocratie parlementaire !

Chaque jour qui passe apporte son lot de nouvelles postures : aujourd'hui, vous voudriez décider de ce que l'opposition a le droit de dire ou non, du ton avec lequel elle devrait le dire – mais enfin, pour qui vous prenez-vous ? Non seulement votre réforme du règlement musellera le Parlement mais, en plus, vous voulez nous bâillonner ! Jamais de la vie ! Ici, nous sommes la voix de nos territoires et de leurs habitants, nous relayons leur colère et leurs espoirs : tant que nous serons là, nous les défendrons dans le respect, mais avec la conviction qui est la nôtre !

Mme Huguette Tiegna. Je peux tout à fait comprendre que nos collègues de l'opposition ne soient pas contents mais je ne veux pas que l'on dénature la situation. Mme Sophie Beaudouin-Hubiere s’est adressée à tous ses collègues, y compris à ceux de son groupe ! Vous passez votre temps à dire que la majorité vous muselle, alors que vous ne cessez d’exercer votre liberté de parole, ici même comme dans la presse !

M. Sébastien Jumel. Encore heureux !

Mme Huguette Tiegna. Mais nous sommes en commission pour travailler et, aujourd'hui, le sujet, c'est l'agriculture : concentrons-nous sur ce sujet !

M. Jean-Bernard Sempastous, rapporteur pour avis. L’agriculture déchaîne toujours les passions ! C’est normal : étant pour beaucoup enracinés dans nos territoires, nous cherchons à être les meilleurs défenseurs de nos agriculteurs.

Je souhaite évoquer la difficulté dans laquelle vivent les agriculteurs, mais aussi la façon dont ils sont perçus par certaines franges de la population. Dès qu’un agriculteur sort un tracteur ou laboure, il est observé, filmé : cela devient insupportable. Étant membre d’une famille d’agriculteurs, je peux témoigner que cela est invivable, en plus des difficultés économiques et familiales. Ce sujet peut susciter un malaise mais soyons positifs et défendons tous notre modèle agricole : nous sommes là pour ça. Il est certes dommage que le ministre soit absent mais nous aurons l'occasion de le rencontrer et de lui poser les questions que vous n'avez pu poser ce matin.

Concernant le programme Ambition bio 2022, je vais être franc : je ne me suis pas rapproché des régions, même si j'ai effectué un déplacement en Occitanie. Nous y avons rencontré le vice-président de la région, les jeunes agriculteurs ou encore la SAFER – société d’aménagement foncier et d’établissement rural.

Les 320 postes supplémentaires liés au Brexit se répartissent en 101 postes de catégorie A et 219 postes de catégories B et C. Il y a des entrées et des sorties, avec des transferts du programme 215. Cela représente 3,3 millions d'euros de fonctionnement. Quant au budget de la transition bio, il a été doublé depuis 2018, s’élevant désormais à 8 millions d'euros.

 

Mme Valérie Faure-Muntien, présidente. Nous en venons à l’examen des crédits de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales ».

 

Article 38 et État B

Mme Valérie Faure-Muntien, présidente. Je suis saisie de cinq amendements de crédits.

La commission examine l’amendement IICE14 de M. Dominique Potier.

Mme Marie-Noëlle Battistel. Cet amendement du groupe Socialistes et apparentés a pour objet de prélever 450 000 euros du programme 215 en son action n° 1 « Moyens de l’administration centrale » afin d’abonder l’action n° 21 « Adaptation des filières à l’évolution des marchés » du programme 149 en faveur du soutien aux organisations de producteurs.

Les organisations de producteurs et leurs associations contribuent, à travers la mutualisation des moyens, au rééquilibrage des relations commerciales que les producteurs entretiennent avec les acteurs économiques de l’aval de leur filière. Elles permettent également de mieux adapter l’offre à la demande, d’instaurer une transparence des transactions et de promouvoir des méthodes de production respectueuses de l’environnement. C’est pourquoi l’État doit renforcer son soutien à ce type de structures.

M. Jean-Bernard Sempastous, rapporteur pour avis. Cet amendement a pour objet l’augmentation des moyens des organisations de producteurs. Soutenir et développer l'organisation collective de l'amont du monde agricole constitue l'un des objectifs de la loi EGALIM : j’émets donc un avis favorable.

La commission adopte l’amendement.

 

Elle se saisit ensuite de l’amendement IICE15 de M. Dominique Potier.

Mme Marie-Noëlle Battistel. Je veux tout d’abord remercier M. le rapporteur pour son avis favorable ; j’espère qu’il en ira de même pour ce deuxième amendement, qui propose une prime sociale à l’investissement pour la restauration collective en gestion directe, afin de favoriser la transition agroécologique et alimentaire, ainsi que l’adaptation de la restauration collective.

L’objectif de ce transfert est d’apporter un soutien financier aux restaurants collectifs en gestion directe dans le secteur scolaire, médico-social et de la santé implantés dans les territoires les plus fragiles, c’est-à-dire dans les communes éligibles à la fraction cible de la dotation de solidarité rurale (DSR) et à la dotation de solidarité urbaine (DSU), ainsi que dans les établissements publics de coopération intercommunale lorsque deux tiers au moins de leur population habitent dans une commune éligible à la DSR et à la DSU cible.

M. Jean-Bernard Sempastous, rapporteur pour avis. L'obligation de plus de 30 % de produits sous signe de qualité et de 20 % de produits bio a été inscrite dans la loi, pour une application en 2022 : cela laisse un temps de transition assez important. Lors des débats sur le projet de loi EGALIM, nous avons recensé divers leviers pour diminuer la facture, notamment la lutte contre le gaspillage alimentaire. La loi n'a été promulguée qu'il y a un an : faisons d'abord un bilan d'étape avant de prélever un montant aussi conséquent sur les moyens de l'administration générale. Avis défavorable.

M. Sébastien Jumel. Je me souviens qu’un maire a obligé un enfant à manger du pain et à boire de l'eau, parce que ses parents n’avaient pas honoré la facture de la cantine : quelle inhumanité ! Quel lien avec l'amendement, me demanderez-vous ? L'amendement affiche des objectifs ambitieux en matière de qualité de l'alimentation dans nos cantines, mais il ne se donne aucun moyen, il n’accompagne pas les collectivités pour ce faire : c’est donc un amendement qui ne mange pas de pain !

Je soutiens cet amendement parce que certaines collectivités font le choix de proposer des tarifications solidaires afin que les enfants, quelle que soit la situation sociale de leur famille, prennent un repas équilibré à l'école. Si l’on veut atteindre les objectifs unanimes de l'Assemblée nationale en faveur de repas bio, de repas du terroir dans nos cantines, il est nécessaire d’assurer un accompagnement des communes. Sinon, ce ne serait qu’une déclaration d'intention dépourvue de moyens, ne permettant pas d’atteindre les objectifs fixés par le législateur.

M. Julien Dive. Je ne discuterai pas du montant car je ne dispose pas d’une étude d'impact indiquant si 15 millions d’euros suffisent ou non pour accompagner nos communes dans cette voie. Mais cet amendement ouvre un débat sur la qualité alimentaire et surtout sur l'éducation alimentaire. Aujourd’hui, les gamins ne savent même plus distinguer une courgette d'une carotte – cela fait sourire mais c'est une réalité !

L’éducation alimentaire passe par l’apprentissage de la cuisine. Des initiatives sont prises localement par des communes, qui créent des cantines pour apprendre aux enfants les aliments, leur qualité, comment et à quelle saison les consommer ; les enfants seront en effet les consommateurs de demain. Promouvoir la consommation locale et accompagner nos paysans en achetant directement à la ferme, c'est aussi consommer en fonction des saisons : ce n'est pas au mois de décembre que l'on consomme des fraises ou des cerises. Cela commence avec l'éducation alimentaire des enfants.

De même, la capacité des communes ou des cantines à produire – il peut y avoir des jardins pédagogiques – et à consommer ces aliments est une question importante. Nous avons visionné ici même, à l’Assemblée nationale, le film de M. Guillaume Canet, Au nom de la terre : lors du débat qui a suivi, le réalisateur nous a expliqué qu'il connaissait une commune ayant pris l’initiative de créer des jardins. Or la loi interdisait à celle-ci de consommer les produits qu’elle cultivait elle-même : c'est là où nous avons, nous, législateurs, un travail à effectuer.

Mme Marie-Noëlle Battistel. La prime que nous proposons d’instaurer est temporaire : d’une durée de trois ans, elle a justement pour vocation de soutenir les restaurants scolaires en gestion directe qui sont implantés dans les territoires les plus fragiles, et d’investir pour l'adoption de pratiques visant à l'amélioration de la qualité des repas. Elle est totalement en accord avec les objectifs importants fixés par la loi EGALIM pour 2022.

M. Nicolas Turquois. Si je partage les constats qui ont été évoqués, je n’en partage pas les conclusions. La transition vers la fourniture de repas comprenant plus de produits locaux, la sensibilisation aux différents produits locaux, cela se passe surtout dans les têtes : les élus qui le font sur leur territoire n’ont pas besoin d'une énième prime, pour laquelle il faudrait monter un projet et le défendre d'un point de vue administratif.

La question porte davantage sur la motivation des élus : certains sont-ils sensibles à ce sujet, ou bien leur seule motivation est-elle de faire de l'immobilier et des kilomètres de bitume ? Cela ne passe pas par un nouveau programme de subventions, d’autant que lorsqu’il sera supprimé, dans quelques années, on criera au scandale parce qu’une subvention existante aura été supprimée ! Je ne suis pas favorable à cet amendement.

Mme Sophie Beaudouin-Hubiere. À La République en Marche, nous faisons le même constat que nos collègues. Mais je partage totalement l'opinion de M. Turquois : il s’agit surtout d’une modification des pratiques. La loi EGALIM a à peine un an : on voit bien que des choses se passent sur le terrain mais il convient d'attendre un peu, afin d'évaluer clairement la mise en œuvre des mesures qui ont été votées. Nous verrons plus tard s’il y a lieu d'engager de nouveaux moyens financiers.

M. Sébastien Jumel. Je sais qu'un certain nombre d'entre vous rêvent de s'investir aux municipales : cela leur offrirait une expérience locale consolidée ! Acheter des produits au rabais, importés, de médiocre qualité, cela n'a pas le même coût pour une collectivité que de recourir à des filières courtes, à des repas bio – et heureusement, d'ailleurs, car plus les produits sont de qualité, puis ils doivent avoir un prix rémunérateur. Si l’on achète des poissons carrés avec des yeux dans les coins plutôt que des poissons frais, un Neufchâtel du terroir plutôt que du fromage sous cellophane, le prix n’est pas le même : cela nécessite donc un accompagnement. Interrogez n'importe quel maire, de n'importe quelle sensibilité politique ! J’ai été maire d'une ville qui a fait le choix de mettre au menu plus de 25 % de repas bio et du terroir : cela a créé un surcoût pour la collectivité, que nous avons assumé politiquement. Mais quand, dans le même temps, l'État asphyxie les communes en rognant sur les crédits, il ne permet pas ce mouvement. Je ne souhaite pas que vous prospériez aux municipales mais c'est dommage parce que cela vous donnerait l’occasion de découvrir concrètement ce qu’est un budget communal !

Mme Pascale Boyer. Votre discours fait preuve d’un certain mépris à l’égard des élus locaux qui, dans leur majorité, cherchent à proposer une alimentation meilleure dans les écoles. Cela prend du temps car les circuits courts doivent s'organiser dans les territoires. De plus, si la demande est bien là, l’offre n'est pas forcément suffisante : nous avons donc besoin d'organiser cette offre. Si vous achetez un mouton parce que vous avez besoin de côtelettes, que faites-vous du reste du mouton ? Les élus locaux s'organisent pour atteindre l’objectif de nourrir au mieux les enfants dans les écoles. Mais il est complètement aberrant et faux d’affirmer que cela engendre un surcoût. Ne méprisons pas les élus locaux, qui font un énorme travail sur nos territoires à ce sujet !

Mme Barbara Bessot Ballot. Monsieur Jumel, vous connaissez sans doute très bien les mairies, mais vous n'y connaissez absolument rien en cuisine ! Les normes posent problème aux collectivités et, en tant que législateurs, nous avons effectivement un rôle à jouer : vous avez eu raison de le rappeler tout à l’heure, cher collègue. Mais le vrai problème, c’est qu’il s’agit souvent de points de chauffe et non de véritables cuisines. Je n'ai jamais été maire mais cela, je le sais !

M. Nicolas Turquois. Il y a 6,8 millions d'élèves à l'école primaire : une prime de 15 millions d’euros représenterait environ 2,20 euros par élève, soit l’équivalent d’un repas. Ce n’est pas avec 15 millions d'euros que l’on parviendra à faire baisser le coût des repas ! Il est nécessaire de sensibiliser l’ensemble des élus à la montée en gamme de leurs produits : cela aura un coût, certes, mais c'est une priorité.

Mme Marie-Noëlle Battistel. Je ne suis pas certaine que ce calcul soit pertinent : il doit être limité aux seuls élèves concernés par l’amendement, c'est-à-dire ceux qui vivent en zone défavorisée.

M. Jean-Bernard Sempastous, rapporteur pour avis. Je partage l’avis de M. Turquois : le montant de cette aide est certes important mais cela ne suffirait pas.

M. Sébastien Jumel. Alors mettez-en plus !

M. Jean-Bernard Sempastous, rapporteur pour avis. Je remercie M. Jumel de nous rappeler qu'il a une longue expérience d'élu local, mais nous sommes nombreux dans ce cas à La République en Marche. Cela fait trente ans que je suis élu : j’ai été conseiller municipal, adjoint au maire, maire ; j'étais responsable de la cantine. Les initiatives locales sont les plus fortes ; le lien avec les agriculteurs et l’action sur le terrain sont importants. Je peux être fier de ce que fait mon territoire parce que j'ai pu fédérer les agriculteurs et le personnel.

Par ailleurs, il existe un plan pauvreté qui répondrait très bien aux préoccupations de cet amendement. De même, le fonds européen, qui est fléché sur ces sujets-là, n'est quasiment pas utilisé. Faisons confiance aux élus : voilà ce que je voulais dire sur cet amendement !

La commission rejette l’amendement IICE15.

 

Elle se saisit ensuite de l’amendement IICE11 de M. Dominique Potier.

Mme Marie-Noëlle Battistel. Cet amendement vise à prélever 450 000 euros du programme 149 en ses actions n° 21 « Adaptation des filières à l’évolution des marchés » à hauteur de 150 000 euros, n° 24 « Gestion équilibrée et durable des territoires » à hauteur de 150 000 euros et n° 27 « Moyens de mise en œuvre des politiques publiques et gestion des interventions » à hauteur de 150 000 euros, afin d’abonder à la même hauteur l’action n° 1 « Prévention et gestion des risques inhérents à la production végétale » du programme 206 en direction de l’expérimentation des fermes DEPHY.

M. Jean-Bernard Sempastous, rapporteur pour avis. Les fermes DEPHY sont un pilier du plan Ecophyto et de la transition vers une agriculture respectueuse des hommes et de l'environnement, moins utilisatrice de produits phytopharmaceutiques. Les fermes expérimentales ont d'ailleurs montré leur utilité dans le cadre du plan de réduction de l'usage de ces produits, en particulier dans la perspective de la sortie de l'utilisation du glyphosate d'ici la fin de l'année prochaine. Elles sont un vrai levier, à l'échelle d'une exploitation, pour mettre en œuvre de nouvelles techniques d'action, culture par culture, et partout en France. Nous nous devons de les soutenir : j’émets donc un avis favorable.

La commission adopte l’amendement.

 

Puis elle examine l’amendement IICE13 de M. Dominique Potier.

Mme Marie-Noëlle Battistel. Cet amendement du groupe Socialistes et apparentés ponctionne 450 000 euros du programme 215 en son action n° 1 « Moyens de l’administration centrale » afin d’abonder à la même hauteur l’action n° 8 « Qualité de l’alimentation et offre alimentaire » du programme 206 en direction du soutien aux projets alimentaires territoriaux (PAT).

Les PAT permettent de répondre au mieux aux besoins alimentaires par bassin de vie ou par consommation. Ils constituent le creuset où peuvent naître les contrats locaux favorisant le changement de mode de consommation vers une alimentation locale et de qualité.

M. Jean-Bernard Sempastous, rapporteur pour avis. Les PAT sont élaborés par les acteurs locaux. Ils constituent une déclinaison territoriale possible des actions visant à rapprocher les producteurs, les transformateurs, les distributeurs, les collectivités territoriales et les consommateurs, ainsi que des actions tendant à développer l'agriculture sur les territoires et la qualité de l'alimentation. Les PAT ont du mal à démarrer : aussi, pour soutenir la dynamique de développement, je suis favorable au transfert de ces crédits.

M. Nicolas Turquois. Je suis un peu perplexe car tous les amendements rédigés par M. Potier sont calibrés à 450 000 euros, à l’exception de celui à 15 millions d’euros. Si je peux entendre la nécessité d’un accompagnement, je ne sais pas ce que l'on peut faire dans un territoire avec 450 000 euros. De plus, je peux vous assurer, pour la côtoyer un peu, que l’administration centrale du ministère de l’agriculture ne roule pas sur l'or : il ne serait pas anodin de lui retirer 450 000 euros.

Mme Marie-Noëlle Battistel. Nous sommes d’accord pour ramener le montant à une hauteur plus raisonnable pour satisfaire notre collègue, éventuellement par le biais d’un sous-amendement. Par ailleurs, concernant la ponction sur les moyens de l’administration centrale, le Gouvernement peut tout à fait lever le gage sur cet amendement.

M. Jean-Bernard Sempastous, rapporteur pour avis. Si l’on ajoute 450 000 euros aux 500 000 déjà affectés à cette ligne, on double quasiment les crédits, ce qui serait intéressant. Je pense donc, comme Mme Marie-Noëlle Battistel, qu’il faut demander au Gouvernement de lever le gage.

La commission adopte l’amendement.

 

Elle se saisit ensuite de l’amendement IICE1 de M. Thierry Benoit.

M. Thierry Benoit. Avec M. Grégory Besson-Moreau, qui était rapporteur de la commission d'enquête que je présidais sur la situation et les pratiques de la grande distribution et de ses groupements dans leurs relations commerciales avec les fournisseurs, nous avons fait le constat qu'il fallait renforcer la médiation dans les relations commerciales agricoles. Notre premier acte politique, à la suite de cette commission d’enquête, consiste donc à proposer une hausse des crédits de l'action n° 1 du programme 215 « Conduite et pilotage des politiques de l’agriculture » de 440 000 euros pour accorder des moyens supplémentaires au médiateur des relations commerciales agricoles.

M. Jean-Bernard Sempastous, rapporteur pour avis. Les missions du médiateur des relations commerciales agricoles ont été renforcées dans la loi EGALIM, promulguée il y a un an. Le recours au médiateur est obligatoire avant la saisine d'un juge dans un litige entre professionnels. La commission d'enquête sur la grande distribution, qui vient de publier son rapport, a montré l'attachement de tous à l’action du médiateur. Mais celui-ci dispose de moyens limités – quatre médiateurs délégués et des renforts temporaires. Il convient en effet de renforcer ces moyens ; avis favorable.

M. Sébastien Jumel. Je soutiens cet intelligent amendement. Avec la grande distribution, nous n’avons pas affaire à des enfants de chœur : elle dispose de moyens financiers colossaux, de juristes, et se trouve en abus de position dominante permanent. Il nous semble donc évidemment nécessaire que la puissance publique se dote de moyens pour favoriser la médiation. Même si ce n'est pas la régulation que nous appelons de nos vœux, cela permettra de remettre un peu de moralité, d'éthique dans les relations commerciales et de rééquilibrer les forces en présence.

La commission adopte l’amendement.

Ensuite de quoi, la commission émet un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » modifiés.

 

Avant l’article 73

La commission examine l’amendement IICE8 de M. Dominique Potier.

Mme Marie-Noëlle Battistel. Le présent amendement vise à demander un rapport au Gouvernement sur la taxation différenciée des produits alimentaires en fonction de l’intérêt nutritionnel, sanitaire et environnemental. Il s’agit d’introduire ainsi un signal prix pour que les décisions des agents économiques tiennent compte de la qualité nutritionnelle et sanitaire ainsi que des impacts environnementaux des denrées alimentaires qu’ils achètent. Cela va tout à fait dans le sens des objectifs fixés par la loi EGALIM.

M. Jean-Bernard Sempastous, rapporteur pour avis. D'une manière générale, je ne suis pas très favorable aux demandes de rapport dans les lois de finances. Le rapporteur spécial de la commission des finances pourrait prendre le temps d'étudier ce sujet ; à défaut, le Conseil national de l'alimentation a les moyens de les étudier. Avis défavorable.

Mme Sophie Beaudouin-Hubiere. À La République en Marche, nous pensons qu’un rapport ne réglera pas la question. Par ailleurs, nous examinerons prochainement le projet de loi relatif à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire, qui prévoit plusieurs mesures sur l'impact environnemental des produits, un renforcement de l'information sur les caractéristiques et la qualité environnementale des produits, ainsi qu'un bonus-malus. Il nous semble donc opportun d'attendre ce projet de loi plutôt que de demander un rapport qui, souvent, n’est qu’une perte de temps.

Mme Marie-Noëlle Battistel. J'ai bien entendu les interventions de M. le rapporteur pour avis et de notre collègue qui nous renvoie vers la loi sur l’économie circulaire : nous serons évidemment attentifs et proposerons le cas échéant un amendement équivalent. Nous sommes toutes et tous assez défavorables aux demandes de rapports mais il faut parfois évaluer les politiques que l'on mène ou, en tout cas, disposer d’une aide à la décision. Il me semble important que l'on dispose d’un rapport sur ce sujet, mais nous aurons d'autres occasions d’en débattre. Je maintiens tout de même cet amendement car il a été préparé par mon collègue Dominique Potier, qui n’est pas là.

La commission rejette l’amendement.

 

Elle examine ensuite l’amendement IICE10 de M. Dominique Potier.

Mme Gisèle Biémouret. Le présent amendement demande lui aussi la remise d’un rapport, concernant la taxation de la publicité en faveur des produits alimentaires. Il s'agit d'inciter les entreprises du secteur alimentaire à limiter la promotion des denrées alimentaires trop grasses, salées ou sucrées, ou encore dont l'empreinte carbone et l'impact sur la destruction des écosystèmes sont jugés particulièrement importants.

M. Jean-Bernard Sempastous, rapporteur pour avis. En novembre sera présenté le projet de loi sur la réforme de l’audiovisuel public, qui viendra en discussion début 2020. Nous pourrons alors en débattre et je suis même persuadé que de nombreux amendements seront déposés. Avis défavorable.

Mme Gisèle Biémouret. Nous sommes ici pour débattre de l’agriculture ; or, bien souvent, les productions de nos agriculteurs, lorsqu’elles sont transformées par l'industrie agroalimentaire, perdent toutes leurs saveurs et toutes leurs qualités. Il serait temps de pointer la responsabilité de ces entreprises.

La commission rejette l’amendement.

 

Puis elle est saisie de l’amendement IICE6 de M. Dominique Potier.

Mme Marie-Noëlle Battistel. Il s’agit encore d’une demande de rapport, cette fois‑ci sur l’application de la capacité de modulation de la part communale et intercommunale de la taxe d’aménagement et sur ses effets au regard de la protection du foncier brut exempt de constructions antérieures. Il vise à lutter efficacement contre l’artificialisation des sols, qui nécessite de poser un principe supérieur de neutralité en termes de dégradation des terres.

Je sais, Monsieur le rapporteur pour avis, que vous êtes très sensible à la question du foncier agricole. Il est vrai que cette taxe d’aménagement constitue l’un des mécanismes fiscaux de compensation d’usage de la terre. Ce rapport a donc pour objet d’éclaircir le potentiel de l’utilisation de cette taxe d’aménagement et de faire des propositions de fléchage les plus pertinentes possible.

M. Jean-Bernard Sempastous, rapporteur pour avis. Dans la continuité du rapport foncier et eu égard à l'enjeu que représente l'artificialisation des sols, je donne un avis favorable à cet amendement.

Mme Marie-Noëlle Battistel. Merci beaucoup, Monsieur le rapporteur pour avis : je savais bien que vous étiez sensible à la question du foncier agricole !

La commission adopte l’amendement.

 


 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


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   LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

17 juillet 2019

Caisse des dépôts et consignations (CDC)

M. Jean-Christophe Benoit, CDC – Biodiversité

23 juillet 2019

Pour une agriculture du vivant

M. Arnaud Daguin, vice-président et porte-parole

M. Sébastien Roumegous, expert agronomie et filière

5 septembre 2019

Réunion en préfecture de région Occitanie à Toulouse

Chambre régionale dagriculture dOccitanie

M. Denis Carretier, président

Chambre départementale dagriculture des Hautes-Pyrénées

M. Lilian Lasserre

Société daménagement foncier et détablissement rural Occitanie

M. Michel Baylac, vice-président

Caisse des dépôts et consignations (CDC)

M. Thierry Ravot, directeur régional CDC Occitanie

M. Jean-Christophe Benoit, CDC Biodiversité

Conseil régional dOccitanie

M. Jean-Louis Cazaubon, vice-président chargé de l’agroalimentaire et de la viticulture

Jeunes Agriculteurs Occitanie

M. Roland Le Grand

Pour une agriculture du vivant

M. Arnaud Daguin, vice-président et porte-parole

Mme Anne Trombini, directrice

 


([1]) Les aides directes de la campagne PAC 2020 seront payées sur la base du nouveau budget pluriannuel 2021‑2027 à partir du 16 octobre 2020. La Commission européenne a proposé une baisse de 3,9 % de l’enveloppe des paiements directs sur la prochaine programmation, soit une baisse de 290 millions d’euros pour la France. Les discussions budgétaires sont en cours.

([2]) Les rapporteurs spéciaux des crédits « Politiques de l’agriculture, forêt, pêche et aquaculture » de la présente mission M. Hervé Pellois et Mme Emilie Cariou se sont interrogés sur la pertinence du rattachement MAEC et des aides à l’agriculture biologique, cofinancées par le fonds européen agricole et de développement rural (FEADER) qui conduit à une inflation comptable du GPI (Annexe 4 du rapport de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2018 [n° 1947], juillet 2019).

([3]) Rapport public annuel de la Cour des comptes, février 2017

([4]) http://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/amendements/2272A/CION_FIN/CF5

([5]) Rapport d’information sur le foncier agricole n° 1460

([6]) Voir les lois de financement de la sécurité sociale

([7]) Objectif inscrit à l’article 45 de la loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, modifiant l’article L. 1 du code rural et de la pêche maritime.

([8]) 3,3 millions d’euros de crédits de fonctionnement sont également prévus

([9]) https://cohesion-territoires.gouv.fr/sites/default/files/2019-07/Rapport_Mission-ruralite_juillet-2019.pdf

([10]) http://www.assemblee-nationale.fr/15/pdf/rap-info/i1460.pdf

([11]) INRA, Évolutions des structures agricoles en France et dans l’UE, Congrès des SAFER, 3 décembre 2015

([12]) Agreste Primeur n° 354, p. 4, décembre 2018

([13]) Hubert Bosse-Platière, « Les SAFER à la veille de la loi foncière », Defrénois, n° 11, p. 25, 2018

([14]) Autre que le portage sociétaire classique

([15]) Les particuliers se voient proposer une épargne solidaire par la souscription d’actions au prix de 103,50 €

([16]) http://www.lurzaindia.eu/index.php/fr/

([17]) https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?cidTexte=LEGITEXT000006071367&idArticle=LEGIARTI000030665838&dateTexte=&categorieLien=id  

([18]) Société par actions simplifiée unipersonnelle

([19]) Audition du 23 janvier 2019 devant la Commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale