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N° 2298

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 10 octobre 2019.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES
SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2020 (n° 2272)

TOME III

COHÉSION DES TERRITOIRES

LOGEMENT

PAR Mme Stéphanie Do

Députée

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 Voir les numéros : 2272 et 2301 (Tome III, annexe 8).

 

 


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SOMMAIRE

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Pages

introduction

I. La mise en œuvre satisfaisante de la réduction de loyer de solidarité (RLS)

1. Le mécanisme de la RLS

2. Les mesures daccompagnement intervenues en 2018-2019

3. Les objectifs et mesures daccompagnement pour 2020

II. La « contemporanéisation » du mode de calcul des aides au logement : une réforme complexe mais essentielle

1. Les principes de la réforme

2. Limpact budgétaire des difficultés techniques rencontrées pour la mise en œuvre de la réforme

3. Une mise en œuvre à partir de janvier 2020

4. Une contribution décisive aux efforts de maîtrise de la dépense publique

III. propositions de nature à soutenir la rénovation et la construction dans les parcs privés et sociaux

1. L’aide à la construction et à la rénovation

a. Encourager la rénovation énergétique

b. Soutenir la réhabilitation

2. Renforcer l’accompagnement de la construction

a. Revenir sur la suppression du PTZ en zone détendue et revoir les plafonds de ressources associés

b. Mieux évaluer le dispositif « Pinel »

c. Réévaluer la taxation des plus-values de cessions de logements HLM

3. Mesures d’amélioration de l’accompagnement des publics les plus fragiles

a. Analyser l’adéquation du public bénéficiant d’un logement social avec la vocation de ces logements

b. Revoir le suivi des bénéficiaires du droit au logement opposable

c. Revoir l’organisation des services déconcentrés qui sépare la gestion de l’offre de celle de la demande de logement

f. Rechercher un système d’information unifié

4. Faire preuve de pédagogie quant à l’instauration du revenu universel d’activité

5. Rétablir l’APL accession

6. Poursuivre le « plan quinquennal pour le logement d’abord »

EXAMEN EN COMMISSION

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉes

 


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   introduction

Le projet de loi de finances (PLF) pour 2020 confirme la place particulière qu’occupe le logement parmi les politiques publiques conduites par le Gouvernement. Il prolonge le mouvement de réformes engagées depuis deux ans, avec la modernisation des aides aux logements et un soutien marqué à la construction et à la rénovation. Ces réformes permettent au secteur du logement de participer fortement à la maîtrise des dépenses publiques tout en maintenant les droits et protections dont bénéficient les personnes plus fragiles.

Le présent projet de loi de finances prolonge le dispositif dit de « réduction du loyer de solidarité » (RLS), qui neutralise une diminution des aides personnelles au logement (APL) dans le parc locatif social. L’année 2020 verra la mise en œuvre du dernier des trois paliers proposés par le Gouvernement, son niveau ayant été ajusté à la suite d’une concertation avec les acteurs du logement social. Il convient de saluer l’esprit constructif des organismes de logements sociaux (OLS) qui ont su saisir les mesures d’accompagnement pour poursuivre les mutations engagées par la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (ÉLAN), qui a favorisé le regroupement des plus petites structures, la mobilité des locataires et la dynamisation de l’offre.

Le projet de loi de finances prévoit également la mise en place, à compter de janvier 2020, de la réforme du mode de calcul des APL, réforme dite de « contemporéanisation ». Elle permettra de calculer les aides en fonction non plus des ressources de l’année N – 2 mais de celles du trimestre précédent. Cette réforme, ajournée au cours de l’année 2019, permettra de mieux prendre en compte la situation des allocataires et simplifiera leurs démarches.

Le Gouvernent maintient également son effort en faveur de la réhabilitation des logements et de la rénovation énergétique. Cet axe stratégique comprend des mesures aussi fondamentales que la lutte contre l’habitat indigne ou la transformation du crédit d’impôt pour la transition énergétique (CITE) en un système visant à solvabiliser les ménages aux revenus moyens et modestes grâce à un système de subventions allouées directement par l’Agence nationale de l’habitat (Anah).

Dans ce contexte, le présent projet de loi prévoit une diminution des crédits du programme 109 « Aide à l’accès au logement », qui passent de 13,4 à 12 milliards d’euros. Cette économie est essentiellement permise par la RLS et la modernisation du mode de calcul des aides personnelles au logement ainsi que par une contribution exceptionnelle du groupe Action Logement au Fonds national d’aide au logement (FNAL), qui diminue d’autant la subvention d’équilibre versée par l’État. Une nouvelle fois, ces mesures permettent une moindre dépense très significative pour l’État sans remise en cause des droits des allocataires.

Les ressources du programme 135 « Urbanisme territoire et amélioration de l’habitat », qui financent les « aides à la pierre », connaissent une augmentation importante, passant de 281,2 millions d’euros à 346,5 millions d’euros. Cette évolution s’explique essentiellement par l’augmentation de la contribution de l’État pour l’accompagnement des propriétaires les plus modestes dans le cadre du programme « habiter mieux » de l’Anah. Les crédits de lutte contre l’habitat indigne diminuent de 5 millions d’euros afin d’ajuster l’enveloppe au niveau de consommation constaté cette année.

Le tableau, ci-après, décrit les principales évolutions des crédits de paiement des programmes 109 et 135 sur les années 2019-2020.

évolution des CRéDItS DE PAIEMENT DES programmes 109 et 135

Numéro et intitulé du programme et de laction

LFI 2019

(en millions euros)

PLF 2020

(en millions euros)

Évolution 2019/2020

(en %)

109 – Aide à laccès au logement

13 443,00

12 039,00

 10,40

01 – Aides personnelles

13 429,00

12 028,00

– 10,40

02 – Information relative au logement et accompagnement des publics en difficulté

8,30

8,40

+ 1,20

03 – Sécurisation des risques locatifs

5,10

2,10

– 58,80

135 – Urbanisme, territoires et amélioration de lhabitat

281,20

346,50

+ 23,20

01 – Construction locative et amélioration du parc

10,00

14,50

+ 45,00

02 – Soutien à l’accession à la propriété

4,00

4,10

+ 0,20

03 – Lutte contre l’habitat indigne

25,60

20,50

– 19,90

04 – Réglementation, politique technique et qualité de la construction

161,40

222,80

+ 38,00

05 – Soutien

18,40

23,40

+ 27,20

07 – Urbanisme et aménagement

61,70

61,30

– 0,70

Source : Projet annuel de performance pour 2020 de la mission Cohésion des territoires.

Ces crédits sont, à la marge, complétés par d’autres dispositifs concourant également à la politique du logement et retracés dans d’autres programmes budgétaires tels que les crédits de l’hébergement d’urgence, qui relèvent du programme 177. L’effort de la Nation en faveur du logement est enfin complété par une série de dépenses fiscales, pour parties retracées au programme 135.


Dans le présent rapport, votre rapporteure a souhaité évaluer l’évolution des crédits dévolus à l’aide à la personne, retracés dans le programme 109, compte tenu de la mise en œuvre de la RLS et de la « contemporéanisation ». Elle s’est ensuite intéressée aux aides à la pierre, avec l’examen des politiques de soutien à la réhabilitation et la rénovation, de l’évolution attendue du prêt à taux zéro, ainsi que, deux ans avant son extinction, une série de propositions tendant à améliorer le suivi du dispositif d’incitation fiscal à l’investissement locatif « Pinel ».

Au terme de son analyse, votre rapporteure émet un avis favorable à ladoption des crédits des programmes 109 et 135 de la mission « Cohésion des territoires ».

 


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I.   La mise en œuvre satisfaisante de la réduction de loyer de solidarité (RLS)

La RLS est un mécanisme visant à neutraliser intégralement la réduction des aides au logement dans le secteur HLM. Elle a été appliquée par paliers en 2018 et 2019. Votre rapporteure en a étudié l’impact sur les organismes de logements sociaux (OLS) et les retours font état d’une mise en œuvre satisfaisante, à la faveur d’un réel effort de tous les acteurs et de mesures d’accompagnement pertinentes.

Dans ce contexte, votre rapporteure considère que la mise en œuvre du troisième palier proposée par le PLF pour 2020 peut être envisagée plus sereinement que les années précédentes.

1.   Le mécanisme de la RLS

Instaurée par la loi de finances pour 2018, la RLS permet de neutraliser la baisse des aides au logement en appliquant simultanément une baisse de loyer équivalente aux allocataires du parc social. Sa mise en œuvre a impliqué un chantier d’adaptation technique et réglementaire considérable. Il a fallu prévoir dans des délais contraints :

– le cadre réglementaire organisant le mécanisme de la RLS et les mesures d’accompagnement ainsi que leur actualisation ;

– les mécanismes de lissage permettant de ne pas pénaliser les OLS hébergeant une plus forte proportion d’allocataires ;

– les dispositifs techniques, et notamment informatiques, permettant l’actualisation des données afin de garantir les droits des allocataires et des versements exacts aux bailleurs par les caisses d’allocations familiales (CAF) et les caisses de la Mutualité sociale agricole (CMSA).

Grâce aux efforts d’explication de l’État, des caisses d’allocations familiales et surtout des bailleurs sociaux, le dispositif a été globalement sans incidence pour les allocataires. Ceux-ci ont vu l’apparition d’une « troisième ligne » sur leurs quittances indiquant le montant de la RLS compensant la diminution de l’aide au logement qui est généralement versée en tiers payant aux bailleurs.

La mise en œuvre de la RLS est intervenue au mois de juin 2018 pour les allocataires relevant du régime général ([1]), avec un effet rétroactif pour les quatre mois précédents. L’année 2018 a permis une économie proche des 800 millions d’euros. L’année 2019, première année pleine de mise en œuvre, doit permettre une économie globale de 890 millions d’euros. Il s’agit d’un effort demandé aux organismes de logement sociaux qui, en contrepartie, bénéficient de mesures d’accompagnement substantielles afin d’en limiter l’impact sur la trésorerie et les capacités d’investissement.

Votre rapporteure avait proposé en 2017 une application progressive de la RLS et des APL, et avait, en 2018, exprimé des doutes sur la faisabilité du doublement du volume de la RLS à 1,5 milliard d’euros pour 2020. Au cours de ses travaux, elle a de nouveau porté une attention particulière à ce sujet.

2.   Les mesures d’accompagnement intervenues en 2018-2019

Conformément aux propositions de votre rapporteure, l’article 126 de la loi de finances pour 2018 a prévu un mécanisme de lissage de limpact de la RLS à travers la cotisation payée par tous les bailleurs sociaux à la Caisse de garantie du logement locatif social (CGLLS). Ce mécanisme se fonde sur :

1° la définition d’un ratio national théorique (montant de la RLS rapporté à l’ensemble des loyers perçus par ces bailleurs, qui détermine le « niveau général » de baisse des loyers en OLS, fixé à environ 5 % en 2018) ;

2° l’application de ce ratio sur les loyers perçus par l’ensemble des OLS ;

3° le résultat est rapporté à l’impact effectif de la RLS pour chaque bailleur (le nombre de locataires bénéficiaires de l’aide au logement diminuant mécaniquement les recettes des organismes).

Il s’agit d’une mesure d’équité saluée par le secteur, ce mécanisme permettant aux bailleurs hébergeant davantage d’allocataires des APL de bénéficier d’une baisse de leur cotisation, ceux hébergeant moins d’allocataires assumant à l’inverse une surcote. Elle a ainsi permis un transfert d’environ 85 millions d’euros en 2018, soit plus de 10 % du montant de la RLS, avec 304 bailleurs bénéficiaires du mécanisme contre 260 en situation de modulation positive.

Des mesures complémentaires prises par l’État et la Caisse des dépôts et consignations ont permis de maintenir les capacités d’investissement des bailleurs avec notamment :

– la stabilisation du taux du livret A à 0,75 %, décidée à l’automne 2017 ainsi qu’une réforme du mode de calcul des intérêts. Cette décision a permis de minorer fortement les taux d’intérêt sur les emprunts souscrits par les OLS ;

– la poursuite en 2019 des mesures d’allongement de la durée des prêts initiées en 2018, accompagnée d’une baisse de taux. Pour la première fois, des prêts à 80 ans ont été proposés à des OLS. Cette mesure, qui génère un gain de trésorerie de près de 350 millions d’euros par an, a bénéficié à 360 bailleurs ;

– la mobilisation d’une enveloppe de prêts de haut de bilan bonifiés par Action Logement et alloués par trois tranches (700 millions d’euros en 2018 et 2019 et 600 millions d’euros en 2020). Ces prêts sont assimilables à des quasi‑fonds propres pour les OLS, puisqu’ils ne font l’objet d’aucun remboursement et d’aucuns intérêts pendant 20 ans ;

– la mise à disposition des OLS d’une ligne d’éco-prêts de 600 millions d’euros ;

– la mise en place du programme « Tonus », qui permettra d’injecter près de 700 millions d’euros de fonds propres, dégageant une capacité d’investissement d’un milliard d’euros. Ce programme permettra en effet à la Caisse des dépôts de proposer aux bailleurs sociaux des montages en démembrement de propriété pour les projets de construction neuve, le programme « Tonus » acquérant la nue‑propriété des programmes et la conservant pendant 15 ans, tandis que les bailleurs sociaux jouiront de l’usufruit des logements.

En complément, l’organisme national de vente (ONV) permet aux OLS et collectivités de disposer de marges de manœuvres supplémentaires en assurant le portage d’opérations de vente de logements HLM. Prévu par la loi ÉLAN et porté par Action Logement, il est chargé de faciliter et d’accompagner la vente de logements HLM au profit de tous les OLS, tout en favorisant l’accession à la propriété des ménages modestes. Doté d’une enveloppe de 1 milliard d’euros, il vise le rachat et la revente de 40 000 logements sur la période 2018-2025.

Ce dispositif a démarré avec succès : un premier appel à manifestation d’intérêt, initié à l’automne 2018, a permis à 71 bailleurs sociaux de déposer un projet de vente, pour volume de quelque 11 000 logements et 447 immeubles.

Au final, d’après les données communiquées par la direction générale du logement, de l’aménagement et de la nature (DGLAN), la trésorerie des OLS, et donc leur capacité d’investissement, n’a pas été sensiblement affectée par la RLS. La capacité d’autofinancement des OLS est quasi‑stable, présentant un niveau de 6 milliards d’euros en 2018 contre 6,1 milliards d’euros l’année précédente. Le niveau des agréments accordés pour la construction de logement social est resté relativement stable en 2018 (107 000 contre 113 000 en 2017) et devrait être comparable en 2019.

3.   Les objectifs et mesures d’accompagnement pour 2020

Ces mesures de soutien seront poursuivies ou renforcées en 2020. Dans le cadre de la clause dite « de revoyure », l’État, la Caisse des dépôts, Action Logement et les organismes de logements sociaux ont signé le 25 avril 2019 un pacte prévoyant une série de mesures complémentaires destinées à limiter l’effort financier demandé aux bailleurs, parmi lesquelles :

– la réduction en 2020 de 200 millions d’euros de la RLS initialement prévue, portant son niveau de 1,5 milliard d’euros à 1,3 milliard d’euros. Cette revue à la baisse est conforme aux remarques que la rapporteure avait formulées lors de son précédent rapport ;

– la prise en charge par Action Logement d’une partie des contributions CGLLS des bailleurs sociaux au Fonds national d’aide à la pierre (FNAP), à hauteur de 300 millions d’euros supplémentaires par an sur les années 2020-2022 ;

– une enveloppe annuelle 50 millions d’euros de remises commerciales d’intérêts octroyées par la Banque des territoires.

En complément, de nombreuses mesures de soutien à l’investissement ont été décidées. Ainsi, la production de logements locatifs sociaux sera éligible à un taux réduit de TVA de 5,5 % pour les logements les plus sociaux, et les acquisitions et améliorations de logement PLUS. De son côté, dans le cadre du Plan dinvestissement volontaire (PIV), Action Logement proposera également d’importantes mesures de soutien : une dotation de 300 millions d’euros sur trois ans de dotations en fonds propre ou quasi-fonds propres au profit des opérateurs ainsi qu’une subvention de 250 millions d’euros sur trois ans pour soutenir des programmes de démolition en zones détendues hors intervention de l’agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU), assortie d’une enveloppe de prêts à la reconstruction de 250 millions d’euros.

Le projet de loi de finances traduit rigoureusement ces équilibres et, compte tenu de la mobilisation remarquable de l’ensemble des partenaires du logement social, votre rapporteure n’a pas d’inquiétude concernant la mise en œuvre de la RLS en 2020.

 

 


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II.   La « contemporanéisation » du mode de calcul des aides au logement : une réforme complexe mais essentielle

Les crédits de paiement inscrits au titre du programme 109 dans le PLF pour 2020 anticipent la mise en œuvre de la réforme du mode de calcul du montant des aides sur le fondement des ressources de l’année en cours et non sur l’année N – 2 (« contemporanéisation »).

Cette réforme est cohérente et elle simplifiera les démarches des bénéficiaires et les conditions de gestion de la prestation. Il s’agit cependant d’un chantier technique dont la complexité explique le report, sa mise en œuvre étant initialement prévue en 2019.

1.   Les principes de la réforme

La contemporéanisation vise à mieux adapter le montant des APL à lévolution des ressources des allocataires.

Depuis leur création, le calcul des aides au logement se fonde essentiellement sur les revenus des allocataires. Jusqu’à la mise en place du prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu, le document le plus fiable sur lequel se fonder était l’avis d’imposition de l’année N – 1, calculé sur les revenus de l’année N – 2. Avec ses avantages et ses inconvénients, ce système reposait fondamentalement sur un décalage important entre le besoin immédiat des allocataires et la relative ancienneté de la situation fiscale. Il induisait une grande complexité de gestion, accrue par la nécessité d’examiner des demandes urgentes liées à des changements soudains de situation. Il pouvait, mécaniquement, permettre à des allocataires dont les ressources avaient crû rapidement de continuer à bénéficier d’une allocation. En un mot, ce système n’était plus adapté aux mutations rapides du mode de vie de la société contemporaine marqué par de plus grandes discontinuités (entreprenariat, évolution de la situation maritale, chômage, etc.).

La modernisation du prélèvement de l’impôt sur le revenu, avec la mise en place de la retenue à la source, a offert les conditions d’une réforme visant à adapter le calcul des aides au logement au revenu actualisé des bénéficiaires. Le montant mensuel de l’APL sera ainsi actualisé tous les trimestres sur le fondement des revenus des quatre derniers trimestres glissants de l’allocataire. La formule retenue concilie la contemporanéité pure et un lissage des revenus sur douze mois. L’actualisation du montant de l’APL permettra aux allocataires de disposer d’une aide qui correspondra mieux à leurs ressources réelles sans toutefois provoquer des variations trop fortes d’un trimestre à l’autre. Seuls les travailleurs indépendants (soit 230 000 allocataires) ont été écartés du dispositif dans la mesure où la détermination de leurs revenus d’activité nécessite d’imputer au chiffre d’affaires déclaré les différentes charges professionnelles et cotisations sociales de l’année d’exercice.

Il s’agit véritablement d’une mesure de modernisation : les démarches des allocataires se trouveront fortement allégées grâce à la télétransmission et ce système permettra de lutter plus efficacement contre la fraude et le non‑recours aux droits.

2.   L’impact budgétaire des difficultés techniques rencontrées pour la mise en œuvre de la réforme

La loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2019 a prévu la création d’une base ressources regroupant la déclaration sociale nominative (DSN) portant sur les revenus salariaux et la déclaration pour le prélèvement à la source sur les revenus de remplacement (déclaration dite « PASRAU »). Elle doit permettre aux CAF et aux caisses de la MSA de connaître tous les trimestres l’évolution des revenus des allocataires. L’objectif était, l’année dernière, de permettre aux organismes de disposer de ces éléments au printemps 2019 pour une mise en œuvre à compter des mois de juin et juillet 2019.

D’après les évaluations de la DGALN cette hypothèse devait permettre une diminution de dépense de 640 millions d’euros pour l’exercice 2019. Cependant, les difficultés techniques de ce chantier ont contraint le Gouvernement à repousser le démarrage de la contemporéanisation au mois de janvier 2020.

Il était évidemment essentiel de ne prendre aucun risque sur le calcul et le calendrier de versement de ces aides aux allocataires et la décision de report était certainement la meilleure à prendre. On ne peut que regretter l’insuffisante anticipation des difficultés liées à ce chantier technique.

3.   Une mise en œuvre à partir de janvier 2020

Au cours de leur audition, la présidente et le directeur général de la CNAF ont indiqué que le système d’information « Base de ressources mensuelles » serait opérationnel pour assurer la mise en œuvre de la réforme dès janvier 2020. La CNAF a mobilisé des moyens importants pour ce faire : 28 000 jours hommes ont été consacrés à la mise en place du système d’information et près de 15 000 agents auront bénéficié d’une formation spécifique d’ici à la mise en œuvre.

Des mesures de renforcement du réseau des caisses sont également prévues. Sa mise en œuvre nécessitera, par ailleurs, un effort de pédagogie important auprès de tous les allocataires et des bailleurs percevant l’aide en tiers‑payant afin d’expliquer les enjeux et le fonctionnement de cette réforme.

Il est désormais crucial que chacun soit au rendez-vous, l’économie attendue pour 2020 avoisinant le milliard d’euros.

4.   Une contribution décisive aux efforts de maîtrise de la dépense publique

L’État est le principal financeur des aides au logement en France à travers sa contribution à l’équilibre du Fonds national d’aide au logement, qui a atteint 82 % en 2019 (13,4 milliards d’euros), le reliquat de 18 % correspondant aux cotisations des entreprises.

Le PLF 2019 anticipait une diminution de la contribution de l’État au FNAL, qui passera de 13,4 à 12 milliards d’euros en 2020. Ce montant tient compte de certains facteurs d’augmentation de la ressource :

– l’accroissement tendanciel du nombre d’allocataires, d’environ 100 000 personnes cette année ;

– la compensation par l’État des moindres cotisations perçues par le FNAL à la suite du relèvement du seuil d’assujettissement des employeurs prévu par la loi PACTE, évaluée à 166 millions d’euros dans le projet annuel de performance ;

– la revalorisation des prestations maîtrisée à 0,3 % en 2020.

Les mesures de diminution de la dépense les compensent largement, pour un solde global de – 1,4 milliard d’euros, permis essentiellement par la contemporéanisation, le passage de la RLS de 890 millions d’euros à 1,3 milliard d’euros, et une contribution exceptionnelle de 500 millions d’euros versée par Action Logement au FNAL.

 


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III.   propositions de nature à soutenir la rénovation et la construction dans les parcs privés et sociaux

Pour son troisième avis budgétaire, votre rapporteure a souhaité formuler une série de propositions de nature à améliorer l’offre de logements (à travers les opérations de rénovation et de construction), mais également à faciliter son accès aux personnes les plus fragiles.

1.   L’aide à la construction et à la rénovation

a.   Encourager la rénovation énergétique

Autour du rôle pilote assumé par l’Agence nationale de l’habitat (Anah), cette politique publique voit l’intervention de l’Agence nationale de la rénovation urbaine (ANRU), de la Caisse des dépôts et consignations, du groupe Action Logement ou encore de Procivis et, bien, entendu, des collectivités territoriales.

Le soutien à la rénovation thermique des logements compte parmi les priorités de ce projet de loi de finances. Il traduit l’un des axes du Plan climat initié par le Gouvernement le 6 juillet 2017 et du Grand plan d’investissement annoncé le 26 septembre 2017, faisant tous deux de la rénovation thermique une priorité nationale. Conformément au plan de rénovation énergétique des bâtiments décidé le 26 avril 2018, le présent PLF prévoit une contribution de l’État de 170 millions d’euros, en hausse de 60 millions d’euros, pour l’accompagnement des propriétaires les plus modestes dans le cadre du programme « habiter mieux » de l’Anah. Il prévoit en outre la transformation du crédit d’impôt transition énergétique (CITE) en une prime destinée à financer des travaux portant sur une liste d’opérations standardisées (dont le financement budgétaire sera inscrit au programme 174). En l’état, le projet de loi de finances prévoit d’exclure du dispositif les ménages les plus aisés relevant des neuvième et dixième déciles. Cette décision mériterait certainement d’être réexaminée afin de ne pas mettre fin aux dynamiques déjà engagées en matière de rénovation énergétique.

Les organismes de logements sociaux bénéficient quant à eux d’un dispositif spécifique, la Caisse des dépôts ayant mis en place un « Éco-prêt logement social » afin d’accompagner leurs projets de rénovation énergétique.

b.   Soutenir la réhabilitation

La lutte contre lhabitat indigne constitue la seconde priorité du Gouvernement. Si les médias ont très justement mis en lumière la situation de nombreux locataires hébergés dans des logements impropres à l’habitation ou les exposant à des risques manifestes, ces conditions touchent aussi un grand nombre de propriétaires en grandes difficultés. Pour y faire face, et pour compléter les actions menées par l’Anah, 20 millions d’euros de crédits de paiement sont inscrits au programme 135 dans le présent projet de loi de finances. Ils couvrent pour moitié des opérations précises relevant des pouvoirs de police du préfet : diagnostics et contrôles après travaux, travaux d’office en cas de carence du propriétaire, hébergement ou relogement des occupants en cas de défaillance des propriétaires, mesures d’accompagnement des occupants. L’autre moitié de cette enveloppe vise à financer des aides aux travaux pour les propriétaires modestes, avec une expérimentation en cours dans certains territoires. En complément, le plan national « Initiative copropriétés » lancé en octobre 2018 et doté de 2,5 milliards d’euros, soutient la réhabilitation des copropriétés dégradées. Sous la conduite de l’État, il repose sur la participation de l’Anah, l’ANRU, la Banque des territoires, Action Logement et Procivis.

Le Gouvernement a également souhaité favoriser une approche géographique de la rénovation en s’adressant aux bourgs ou centres bourgs menacés de « désertification ». Ainsi, lopération de revitalisation des territoires (ORT), prévue par la loi ÉLAN, vise à encourager les habitants à revenir dans certains centres-villes fragilisés en favorisant la remise sur le marché de biens vacants ou très dégradés. Près de 400 communes portent actuellement des projets de convention d’ORT et le Gouvernement indique que ces conventions devraient être signées d’ici à la de l’année 2019 ou au début de l’année 2020.

Cette dynamique est complétée par la mobilisation de l’État, de l’Anah, de la Banque des territoires et du groupe Action Logement dans le cadre du plan national « Action Cœur de ville », initié le 27 mars 2018. Doté de 1,5 milliard d’euros sur la période 2018-2022, ce programme vise à contribuer à la redynamisation des centres-villes et périphéries de 222 villes moyennes et de leurs groupements. Ces opérations, qui peuvent être portées par des organismes HLM ou des investisseurs privés, portent aussi bien sur l’acquisition-amélioration d’immeubles entiers, la transformation de locaux en logements, des opérations de démolition-reconstruction, voire de réhabilitation ou de construction d’immeubles entiers.

2.   Renforcer l’accompagnement de la construction

À la suite de ses travaux, votre rapporteure a souhaité mettre en avant plusieurs propositions de nature à favoriser la construction.

a.   Revenir sur la suppression du PTZ en zone détendue et revoir les plafonds de ressources associés

Le prêt à taux zéro (PTZ) est un dispositif qui permet à des ménages aux revenus modestes et intermédiaires de bénéficier d’un prêt à taux nul pour favoriser leur accession à la propriété. Il permet de limiter le taux d’effort de ces ménages, dans un contexte de croissance des prix du foncier et de la construction. Il s’agit d’un outil populaire, en 2017, plus de 120 000 PTZ ont été émis.

Le barème des plafonds de revenus est reproduit ci-après :

RESSOURCES MAXIMALES SELON LE NOMBRE D’OCCUPANTS
ET LA LOCALISATION DU LOGEMENT

(en euros)

Nombre d’occupants du logement

Zone A bis et A

Zone B1

Zone B2

Zone C

1

37 000

30 000

27 000

24 000

2

51 800

42 000

37 800

33 600

3

62 900

51 000

45 900

40 800

4

74 000

60 000

54 000

48 000

5

85 100

69 000

62 100

55 200

6

96 200

78 000

70 200

62 400

7

107 300

87 000

78 300

69 600

À partir de 8

118 400

96 000

86 400

76 800

Source : service public.fr

La localisation du logement est déterminée en fonction des caractéristiques du marché immobilier, allant des zones les plus tendues (A bis et A) aux moins tendues (C).

La loi de finances pour 2018 a prorogé le PTZ dans le neuf pour quatre années supplémentaires en zones tendues mais elle a prévu son extinction dans les zones détendues (dites B2 et C1) à compter du 31 décembre 2019. Votre rapporteure avait souligné dans son précédent rapport son souhait de prolonger ce dispositif jusqu’au 31 décembre 2021. Elle réitère ce souhait cette année encore. Il s’agit en effet d’une question de justice sociale, car il bénéficie à des ménages qui sont de fait exclus des zones tendues où les prix sont trop élevés. Elle n’a pas eu connaissance d’études qui montreraient un manque d’efficacité de ce dispositif. Le PTZ est en effet un dispositif à caractère social, octroyé sur conditions de ressources. Sa suppression dans certains territoires touche donc une population modeste résidant en zones rurales ou périurbaines, bien souvent de jeunes ménages qui souhaitent faire bâtir leur propre logement, une population qui mérite pourtant d’être prioritairement accompagnée dans l’accès au logement.

En outre, ces mesures de zonage visaient à limiter les risques d’artificialisation des sols. Cet objectif est certainement digne d’intérêt, mais il semble davantage relever du droit de la construction, de l’urbanisme ou de la fiscalité que d’une restriction des possibilités d’emprunt. En l’état, la suppression du PTZ en zones dites « détendues » ne fait que diminuer la solvabilité des ménages, ce qui les incite à rechercher un foncier moins cher, en s’éloignant encore plus des zones d’habitation... contredisant finalement l’objectif de lutte contre l’artificialisation. Quant aux économies réalisées, elles sont limitées en période de taux d’intérêt durablement bas.

Votre rapporteure renouvelle donc son souhait que le PTZ soit maintenu sur lensemble du territoire mais également que les plafonds de revenus soient réévalués à la hausse. L’exclusion des zones rurales et périurbaines du dispositif est inéquitable et doit être corrigée, de même que le plafond de revenu qui défavorise les couples d’actifs (en zone C, le plafond de revenus est de 24 000 euros pour une personne seule et de seulement 33 600 euros pour un couple). La baisse des taux d’intérêt offre l’opportunité d’envoyer un signal très favorable à coût maîtrisé.

b.   Mieux évaluer le dispositif « Pinel »

La politique du logement se caractérise par la place importante de dispositifs d’encouragement fiscal, de nature très variée : taux réduits de TVA, crédit d’impôt pour la transition énergétique, exonération d’impôt sur les sociétés des organismes de logements sociaux, ou encore dispositifs de soutien à l’investissement locatif plus connus sous le nom de leurs initiateurs : dispositifs « Robien », « Scellier » et, actuellement, « Pinel », ces dispositifs constituant des dépenses fiscales rattachées au programme 135.

Instauré par la loi de finances pour 2015, le dispositif dit « Pinel » a succédé aux dispositifs Robien et Scellier afin de soutenir l’offre locative privée. Il s’agit d’un système d’encouragement fiscal à l’investissement locatif dans le neuf, qui permet à des particuliers de bénéficier d’une réduction annuelle d’impôt sur le revenu pour une durée allant de 6 à 12 ans. En contrepartie, en fonction de la zone de l’investissement (de A bis à C), l’investisseur s’engage à louer son logement dans des conditions fixées par décret, qui déterminent le plafond de revenu des locataires ainsi que le plafond de loyer par mètre carré habitable. La loi de finances pour 2018 a prolongé ce dispositif jusqu’au 31 décembre 2021, tout en le recentrant à raison sur les seules zones tendues afin de ne pas encourager la construction massive de logements dans des zones où la demande n’est pas suffisante.

Ce dispositif a certainement permis de dynamiser la construction en France et de faire face à des périodes de moindres performances du secteur. Ainsi, d’après la fédération des promoteurs immobiliers de France, près de 160 000 logements ont été construits dans ce cadre l’année dernière, pour un prix moyen de 200 000 euros. Ces volumes, combinés au plafonnement des loyers et aux conditions de ressources des locataires, ont permis, il est vrai, de développer une offre relativement abondante à prix maîtrisé pour les locataires, notamment en zone tendue.

Néanmoins, son coût a connu une progression sensible, à mesure de sa montée en charge : de 351 millions d’euros en 2017 à 555 millions d’euros en exécution 2018. Les estimations pour 2019 sont de 784 millions d’euros et le projet annuel de performance pour 2020 table sur une dépense fiscale légèrement supérieure au milliard d’euros. Ces chiffres, rapportés au niveau des crédits budgétaires du programme 135 (346,5 millions d’euros en 2020), illustrent le poids particulièrement élevé des dépenses fiscales dans ce secteur, qui risque à terme d’entraîner une forme d’accoutumance.

Pour que sa vocation sociale soit effective, les logements construits dans le cadre de ce dispositif doivent être situés dans certaines zones et être loués, avec des loyers plafonnés, à des ménages dont les revenus sont également plafonnés. Or, il est, selon la Cour des comptes, très difficile de savoir si les loyers sont réellement plafonnés et si les bénéficiaires demeurent en-dessous du plafond de ressources pendant toute la durée du crédit d’impôt, et donc si les conditions d’octroi sont respectées. Si la vocation sociale de ce dispositif n’est pas respectée, ce dispositif peut alors être apparenté à une subvention pour le secteur de l’immobilier tout en étant un moyen d’enrichissement non négligeable pour les catégories sociales moyennes-supérieures à supérieures, sans bénéfice social notable pour les ménages modestes.

Par ailleurs, et sur proposition de votre rapporteure, avait été adopté un amendement au projet de loi de finances pour 2018 prévoyant que le Gouvernement remettrait un rapport analysant « le respect des conditions de loyer et de ressources des locataires par les contribuables bénéficiant du dispositif ». Or, à ce jour, nous n’avons pas eu connaissance d’un tel rapport.

Toutes ces raisons nous conduisent à penser que, pour le moment, il ne serait pas opportun de prolonger le dispositif « Pinel » au-delà de 2021, dans l’attente d’une évaluation sérieuse du dispositif. Comme le propose la Cour des comptes, en l’absence d’une évaluation rigoureuse des impacts et du respect de la destination sociale du dispositif, suivie le cas échéant de mesures pour l’améliorer, sa prorogation à l’occasion des prochaines lois de finances ne devrait pas non plus avoir lieu. Cela reviendrait à prolonger indéfiniment un dispositif qui n’a pas montré son utilité sociale.

c.   Réévaluer la taxation des plus-values de cessions de logements HLM

Certaines des personnes auditionnées ont signalé la complexité de la taxation des plus-values de cessions portant sur les ventes de logement social, qui a été instaurée par la loi de finances pour 2018.

Si l’application de cette mesure avait été reportée du fait des difficultés liées à sa mise en œuvre et à cause de la faiblesse du rendement attendu, la même constatation peut être faite en 2019, ce que confirme la CGLLS, l’organisme prévu pour en être le destinataire. La difficulté serait aggravée par la nécessité de faire une déclaration par logement lors d’une vente en bloc.

Il serait donc utile de réexaminer la pertinence de cette mesure. Si elle ne s’avérait pas suffisamment rentable, il pourrait être opportun de la supprimer, à moins qu’une amélioration puisse lui être apportée, en précisant davantage en amont les conditions de sa mise en application.

3.   Mesures d’amélioration de l’accompagnement des publics les plus fragiles

De nombreuses mesures de nature essentiellement réglementaire pourraient, à moyens constants, fluidifier et améliorer les moyens d’accompagnement des plus fragiles vers et dans le logement.

a.   Analyser l’adéquation du public bénéficiant d’un logement social avec la vocation de ces logements

Certaines des personnes auditionnées nous ont signalé une inadéquation entre le public bénéficiant du logement social et celui qui devrait en bénéficier. La Cour des comptes estime que les catégories de ménages bénéficiant de revenus moyens ou supérieurs sont relativement trop représentées et, qu’inversement, les ménages très modestes ou en difficulté ne sont pas assez présents, alors que la vocation de ce parc est justement sociale.

Certains bailleurs sociaux préféreraient louer à des ménages aux revenus moyens, supposés « sans risque » pour le paiement des loyers, plutôt qu’à des ménages en difficulté. D’autres n’appliqueraient par les surloyers de solidarité, ou alors partiellement. Ainsi, jouir d’un logement social pourrait apparaître dans certains cas comme une sorte de « rente de situation » dont on pourrait disposer à vie, notamment lorsqu’il est situé dans un quartier agréable, et ce même si les revenus du ménage ont augmenté. Ce frein à la mobilité empêche les ménages aux revenus plus faibles d’accéder au logement social, en particulier dans les quartiers les plus demandés et considérés comme les plus agréables.

Il faut certes prendre en compte l’objectif de mixité sociale qui est d’ailleurs souvent mis en avant par les bailleurs sociaux. Il est vrai qu’il peut être intéressant d’inciter des ménages les plus aisés à rester, mais il faut noter que ce phénomène se produit davantage dans les quartiers plus demandés, qui, en général, ne présentent pas de problèmes de mixité sociale.

Afin d’y palier et sans nuire à la mixité sociale, il serait sans doute judicieux d’augmenter de manière plus marquée et plus automatique, les loyers pour les ménages dont les revenus augmentent, de manière à ce qu’ils puissent rester s’ils le souhaitent, tout en contribuant à financer le logement social par leurs loyers plus élevés. Le surloyer pourrait d’ailleurs être modulé en fonction des quartiers : un surloyer moindre pourrait être appliqué dans des quartiers les moins demandés, afin d’inciter des ménages plus aisés à y rester, ce qui constituerait une sorte de « prime à la mixité sociale ».

Votre rapporteure souligne à ce sujet que des problèmes de zonage de quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) dus à des questions de mise à jour de documents d’urbanisme, notamment lors des fusions d’intercommunalité, ont pu se traduire par des hausses soudaines et fortes de loyers, assorties d’un effet rétroactif. Ce phénomène a entraîné le départ de ménages vivant dans un quartier anciennement considéré comme un QPV. Il serait certainement utile d’instaurer un système de progressivité, qui interdirait une hausse soudaine des loyers, en permettant leur évolution progressive et raisonnable, notamment en cas de changement de statut du lieu d’habitation. La Cour des comptes a émis le souhait que le taux de contrôle des dépassements de plafond par les bailleurs sociaux approche les 90 %, et que ceux-ci soient davantage sanctionnés lorsqu’ils n’appliquent pas les surloyers.

b.   Revoir le suivi des bénéficiaires du droit au logement opposable

La Fondation Abbé Pierre a fait part de son inquiétude au sujet du respect par les commissions d’attribution de logement social de la priorité qui doit être accordée aux personnes ayant bénéficié d’une reconnaissance d’un droit au logement opposable (DALO). Certains organismes bénéficiaires de logements réservés ne les utiliseraient pas suffisamment au profit des personnes éligibles au DALO. De son côté, l’État, par l’intermédiaire des préfets, peut utiliser ces contingents et la Fondation note qu’un progrès a été fait dans ce domaine. Il semble toutefois que la mise en œuvre du système d’attributions prioritaires par l’État demeure assez inégale selon les départements.

Réticents à l’installation de ménages aux revenus fragiles dans leurs immeubles, certains bailleurs seraient peu enclins à proposer des logements à des personnes éligibles au DALO. Il en résulte que l’octroi d’un logement à des ménages reconnus DALO peut être parfois très long. Votre rapporteure a pu observer, en effet, que des personnes pouvaient rester sans logement pendant de nombreuses années après la reconnaissance de leur statut.

Ce public se heurte également à des difficultés administratives et pratiques qui les empêchent de bénéficier de leur droit au logement : envoi par les bailleurs d’un courrier papier quelques jours seulement avant le délai de réponse ou avant le jour de la visite, alors même que ces personnes sans logement ne peuvent consulter leur courrier qu’une fois par semaine dans les institutions hébergeant leur courrier ; propositions de loyers trop chers ou de logements trop éloignés de leur lieu de travail. Enfin, après trois propositions refusées, ou en l’absence de réponse dans les délais, on ne leur propose plus de logement.

Votre rapporteure suggère donc une concertation entre les opérateurs concernés ainsi qu’une évolution des pratiques afin de rendre plus effectif le droit au logement. Certaines mesures sont très simples et ne coûtent rien, telles que l’envoi d’un courriel en double du courrier papier, le respect par les bailleurs de délais raisonnables avant les visites, ou encore le fait de ne pas comptabiliser comme propositions refusées des propositions difficilement acceptables par les personnes. Pour rassurer les bailleurs, des accompagnements pourraient être proposés, si nécessaires, aux futurs locataires. Le choix des propositions devrait en outre tenir compte des objectifs de mixité sociale.

Cette évolution n’est pas nécessairement du domaine de la loi. Toutefois, si les résultats de ces échanges ne s’avéraient pas suffisants, des améliorations pourraient être proposées dans le futur, y compris par l’intervention du législateur.

c.   Revoir l’organisation des services déconcentrés qui sépare la gestion de l’offre de celle de la demande de logement

La Cour des comptes, dans son référé du 31 octobre 2018 relatif à la mise en œuvre de la politique du logement par les services déconcentrés de l’État, a souligné la nécessité d’unifier au niveau des départements les services en charge de la demande de logements, notamment sociaux, et l’offre de logements, par exemple au titre de la délivrance des autorisations. Actuellement, trois services différents doivent les gérer : les directions départementales des territoires (DDT) et directions départementales des territoires et de la mer (DDTM) pour l’offre, et les directions départementales de la cohésion sociale (DDCS) pour la demande, ce qui entraîne plusieurs difficultés.

La montée en puissance de la coproduction avec les acteurs locaux a pour effet l’obligation de doublonner les démarches avec ces services, certains aspects concernant l’offre et d’autres la demande, comme c’est le cas par exemple pour les démarches concernant les contrats d’utilité sociale avec les bailleurs, les plans départementaux d’action pour le logement et l’hébergement des personnes défavorisées (PDALHPD) ou encore les accords collectifs. De même, la gestion de l’habitat indigne est gérée du côté de l’offre pour prescrire les travaux d’office mais aussi du côté de la demande pour accompagner les occupants à reloger. Cela nécessite des allers/retours d’informations et des interactions entre les deux directions.

Par ailleurs les DDCS sont souvent très surchargées, comme par exemple pour faire face à la crise migratoire, et peinent à remplir leur mission, notamment pour la gestion du DALO. Parfois, elles sont contraintes de déléguer la gestion de leur contingent de logements aux bailleurs. De ce fait, le contrôle des obligations de logement des différents acteurs, notamment en ce qui concerne le DALO, se résume à un contrôle ex post.

Réunir dans un même service la gestion de l’offre et de la demande permettrait à ce service d’atteindre une taille critique afin de mieux accomplir les deux missions. Un seul service disposant de toutes les informations en interne pourrait gérer de manière bien plus efficace le zonage fin des aides, dont le traitement dépend bien sûr à la fois de l’offre et de la demande.

En ce qui concerne la fonction de contrôle, le développement des dispositifs de conventionnement nécessite une plus grande charge de travail. Or, les manquements de la part des bailleurs privés ou publics sont rarement sanctionnés. Une taille critique ainsi que la gestion dans un même service de toutes les informations permettraient là encore de mieux gérer cette fonction.

Enfin, il est nécessaire d’améliorer substantiellement le partage des informations entre les deux directions mais aussi avec les très nombreux acteurs du secteur. La réunion en un seul service permettrait de se poser en interlocuteur unique vis-à-vis de ces acteurs, et donc de mieux réunir les informations nécessaires.

Votre rapporteure soutient ces recommandations de la Cour des comptes de réunir en un seul service la gestion de l’offre et de la demande de logement au niveau des départements et d’améliorer le partage des données locales utiles entre les administrations et les acteurs du logement.

f.   Rechercher un système d’information unifié

Votre rapporteure, qui suit depuis le début de son mandat les questions liées au logement, a remarqué que de nombreux acteurs déplorent une grande difficulté pour avoir accès aux informations utiles, les partager et les consolider de manière cohérente. Or, la disponibilité d’une information de qualité est cruciale pour la bonne réalisation des missions de logement et de cohésion des territoires : citons pour exemple les observatoires des loyers, la gestion des allocations, les chiffres sur la demande réelle de logement social, la demande et l’offre de logement, la situation de l’habitat indigne, les demandes d’hébergement. Ces chiffres émanent d’acteurs très différents, sont parfois utilisés avec des définitions différentes, ou occasionnent des doubles comptes. Ils font partie de systèmes informatiques différents, qui sont souvent anciens.

Un grand travail d’unification, de mise en cohérence des données et de mise en compatibilité technique des différents systèmes permettrait un gain d’efficacité important des programmes relatifs au logement et à l’hébergement.

4.   Faire preuve de pédagogie quant à l’instauration du revenu universel d’activité

Engagement de campagne du Président de la République, l’instauration d’un revenu universel d’activité (RUA) permettrait d’unifier les prestations délivrées au titre d’une dizaine de minima sociaux en un dispositif unique, adapté à la situation et aux revenus de chacun. Il s’agit d’un chantier majeur de simplification qui connaîtra une phase de consultation citoyenne à l’automne 2019 (on peut à cet égard consulter le site dédié mis en place par le Gouvernement : www.consultation-rua.gouv.fr).

Les APL ont vocation à intégrer ce dispositif et, dans son précédent rapport, votre rapporteure a soutenu ce projet. Il offrira simplicité et visibilité aux bénéficiaires, encouragera la reprise d’activité et contribuera à un meilleur accompagnement de leurs parcours de vie.

Cette perspective de changement suscite naturellement des interrogations de la part des allocataires mais également de bailleurs. Il convient d’y apporter des réponses, en soulignant que le RUA est en cours de construction et que les concertations permettront d’adapter les spécifications techniques aux attentes des usagers. Par ailleurs, certains bailleurs manifestent également une forme d’inquiétude dans la mesure où ils ne bénéficieraient plus du tiers payant des APL. Cette interrogation est légitime, pour autant, il ne faut pas perdre de vue que le RUA comme les APL visent avant tout à solvabiliser les allocataires et ne doivent pas être considérés comme une garantie de versement de loyer.

Votre rapporteure réaffirme son attachement particulier au RUA. Elle préconise un surcroît de pédagogie autour de ce projet majeur, la phase de concertation et de consultation en fournit une occasion particulièrement favorable.

5.   Rétablir l’APL accession

La mise en extinction progressive de l’APL accession, décidée par la loi de finances initiale pour 2018, a eu pour conséquence de fragiliser certains programmes d’accession très sociale à la propriété. Si les dispositifs visant à lutter contre l’habitat indigne ont en effet permis de compenser certains effets de l’extinction de l’APL accession en outre-mer, ces deux aides ne disposent pas du même périmètre, l’APL accession permettant également de répondre à l’objectif de développement de la vente de logements sociaux.

Votre rapporteure avait appelé sans succès au maintien de cette aide dans le cadre de son rapport pour avis pour 2018 et 2019. Elle proposera, à nouveau, de rétablir ce dispositif dans le cadre du projet de loi finances pour 2020 pour un montant évalué à 50 millions d’euros.

6.   Poursuivre le « plan quinquennal pour le logement d’abord »

Votre rapporteure s’est particulièrement engagée pour le « plan quinquennal pour le logement d’abord » (2018-2022). Ce plan vise à favoriser l’accès direct au logement en faveur des personnes sans-abris en leur faisant bénéficier d’un accompagnement adapté. Il ambitionne de créer 40 000 places nouvelles en intermédiation locative et 10 000 places supplémentaires en pensions de famille sur la durée du quinquennat.

Ce plan a atteint ses premiers objectifs : depuis 2017, plus de 14 000 places d’hébergement ont été financées par l’État et, en 2018, pas moins de 70 000 personnes sont sorties de l’hébergement d’urgence vers un logement pérenne, soit une amélioration de 20 % par rapport à 2017. Il s’agit de résultats remarquables, peut-être insuffisamment mis en lumière, dans un contexte il est vrai marqué par la crise migratoire.

L’année 2020 verra la mise en œuvre de la deuxième phase du plan, avec la mobilisation de 60 millions d’euros pour développer l’offre de logements abordables et l’accompagnement vers et dans le logement. Ces ressources permettront de développer les places en intermédiation locative et en pensions de famille. En partenariat avec l’Union sociale pour l’habitat, l’État va également renforcer le fonds national d’accompagnement vers et dans le logement.

Le dispositif « Un chez-soi d’abord », permettant l’accès au logement direct à des personnes souffrant de graves troubles psychiques, sera également étendu. Le Gouvernent prévoit ainsi l’ouverture de 12 nouveaux sites dans des villes moyennes et territoires ruraux d’ici la fin du quinquennat, portant ainsi à 2 000 le nombre de places ouvertes.

Enfin, l’année 2020 verra le renforcement des partenariats avec les collectivités volontaires et la réflexion souhaitée la Gouvernement sur la création d’un « service public de la rue au logement ».

Votre rapporteure se réjouit de ces développements qui témoignent d’un véritable engagement de la Nation en faveur des personnes en situation de précarité.

 

 


—  1  —

   EXAMEN EN COMMISSION

Au cours de sa réunion du mercredi 23 octobre 2019, la commission des affaires économiques a examiné pour avis, sur les rapports de Mme Stéphanie Do (Logement) et de M. Patrice Anato (Ville), les crédits de la mission « Cohésion des territoires ».

Mme la présidente Valéria Faure-Muntian. L’ordre du jour appelle l’examen de quatre avis budgétaires. Nous débuterons par les deux rapports ayant trait à la mission « Cohésion des territoires » : celui consacré au logement, présenté par Mme Stéphanie Do, puis celui consacré à la politique de la ville, présenté par M. Patrice Anato. Les rapporteurs disposent de dix minutes pour présenter leur avis, les orateurs de groupe de trois minutes et les autres intervenants d’une minute. Nous terminerons par l’examen des crédits du tourisme et de la recherche.

Concernant le logement, le projet de loi de finances (PLF) pour 2020 prévoit une forte diminution des besoins en financement au titre du programme « Aide à l’accès au logement », à hauteur de 1,4 milliard d’euros. Cette diminution s’explique notamment par la réduction de loyer de solidarité (RLS) appliquée dans le parc locatif social, ainsi que par la réforme du mode de calcul des aides personnalisées au logement (APL).

Les crédits du programme « Urbanisme, territoires et amélioration de l’habitat » sont quant à eux en forte hausse, de près d’un quart des crédits inscrits en 2019 ; ils avoisinent désormais les 350 millions d’euros en crédits de paiement (CP). Ils permettront notamment de lutter contre l’habitat indigne et participeront à la transformation du crédit d’impôt pour la transition énergique (CITE).

La rapporteure pour avis, Mme Stéphanie Do, a assorti ses analyses budgétaires de nombreuses propositions de nature à encourager la réhabilitation et la construction de logements. Elle s’est également intéressée aux moyens d’amélioration de l’accès au logement des personnes les plus fragiles. Enfin, deux ans avant son extinction, elle a analysé les conditions de suivi du dispositif « Pinel » d’encouragement à l’investissement locatif.

Madame la rapporteure, comment le parc locatif social s’est-il adapté à la RLS ? Quel regard portez-vous sur les retombées du dispositif Pinel ?

Mme Stéphanie Do, rapporteure pour avis. En 2019, le Gouvernement a poursuivi le chantier de transformation de la politique du logement engagé en 2018. Plusieurs réformes d’envergure ont été menées et seront poursuivies en 2020. Elles concernent avant tout les aides au logement, mais également ce que l’on appelle les aides à la pierre.

Concernant le programme « Aide à l’accès au logement », grâce à la RLS, à la mise en œuvre des APL en temps réel et à une contribution d’Action Logement au Fonds national d’aide au logement (FNAL), il sera possible de diminuer la dépense de l’État de 1,4 milliard d’euros par rapport à la loi de finance 2019 sans diminuer l’aide destinée au logement. Parmi ces mesures, deux grandes réformes permettent d’arriver à ce résultat.

Je commencerai par la RLS. Il s’agit d’un mécanisme désormais bien connu, visant à diminuer les loyers dans le secteur des habitations à loyer modéré (HLM) en compensation d’une baisse du niveau des APL. Son niveau évolue par paliers : en 2019, le montant de la RLS a ainsi été fixé à 890 millions d’euros ; il atteindra 1,3 milliard d’euros en 2020.

Nous avions beaucoup échangé au sujet de l’impact de la RLS lors de l’examen de la loi de finances pour 2019. Les acteurs du secteur avaient fait part d’une grande inquiétude et je m’étais engagée à suivre cette question avec beaucoup d’attention. D’après les chiffres dont j’ai eu connaissance et à la suite des auditions que j’ai menées, je note que la RLS a été mise en œuvre de façon très satisfaisante. Le volume des agréments est resté proche de son niveau historique atteint en 2017 : 107 000 agréments en 2018 contre 113 000 en 2017. La capacité d’autofinancement des organismes concernés est restée stable, avoisinant les 6 milliards d’euros. Je tiens à saluer les efforts collectifs de mise en œuvre de cette réforme. Ce succès est imputable en partie aux efforts d’organisation des organismes de logement social, engagés à la suite de la loi ELAN. Il est également le fruit des mesures d’accompagnement décidées par l’État, la Caisse des dépôts et consignations et Action Logement. Permettez-moi de citer quelques-unes de ces mesures : le lissage de l’impact de la RLS grâce à la cotisation payée par les bailleurs sociaux à la caisse de garantie du logement locatif social (CGLLS), la stabilisation du taux du livret A, l’allongement de la durée des prêts, les prêts de haut de bilan, les éco-prêts, le programme Tonus. Ces mesures, élaborées en concertation avec les bailleurs sociaux, ont permis de stabiliser leur capacité d’autofinancement malgré la baisse des loyers.

Le pacte signé entre l’État et ces acteurs le 24 avril 2019 a permis de s’accorder sur un niveau de RLS de 1,3 milliard d’euros en 2020 et sur la mise en place de mesures d’accompagnement supplémentaires. Dans mon rapport budgétaire pour avis de 2018, j’avais attiré l’attention sur la difficulté, pour les organismes sociaux, de mettre en œuvre une somme de 1,5 milliard d’euros de RLS. Je me réjouis donc qu’une concertation ait pu aboutir à la réduction de ce montant, assortie de mesures d’accompagnement renforcées. J’avais demandé l’élaboration d’un rapport d’évaluation de l’impact de la RLS sur l’autofinancement et les capacités d’investissement des organismes de logement social, dans la perspective d’une hausse du montant de ce dispositif. Ma demande avait été acceptée dans la loi des finances pour 2019 et ce rapport devait être remis avant le 1er septembre 2019.

La seconde réforme concerne la modernisation des APL. La mise en place d’un mode de calcul fondé sur les revenus contemporains du versement de l’aide doit permettre une diminution des dépenses de 1,2 milliard d’euros en 2020. Lors de l’examen du PLF 2019, nous avions adopté le principe d’une mise en œuvre de cette réforme à compter de l’été 2019. La complexité du chantier technique pour la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF) et pour la Mutualité sociale agricole (MSA) a conduit au report de cette réforme au mois de janvier 2020.

Cette réforme me semble logique et cohérente. Elle fait suite à la mise en œuvre du prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu et rendra le mode de calcul des APL plus proche du cycle économique. La croissance économique et le retour à l’emploi susciteront une diminution des dépenses plus rapide ; inversement, les personnes confrontées à des accidents de la vie seront prises en charge plus rapidement. Nous devrons suivre très attentivement les conditions de mise en œuvre de cette réforme au cours des tout premiers mois de l’année prochaine.

Les personnes auditionnées nous ont fait part de leur inquiétude concernant les étudiants devenant jeunes actifs ; le montant de leur aide sera adapté plus rapidement à leur situation réelle, et ce, sur douze mois glissants, ce qui permettra davantage de progressivité. J’ai personnellement tenu à alerter le Gouvernement à ce sujet ; il a bien pris en considération cette problématique. La prise en compte immédiate des variations de revenus est la bienvenue lorsque la situation des ménages se dégrade, en raison du chômage, de la maladie ou encore d’une baisse d’activité. Par ailleurs, cette réforme aura un impact positif pour les retraités récents, pour les primo demandeurs et pour les indépendants.

J’en viens maintenant à l’autre volet de la politique du logement, que l’on qualifie souvent d’ « aides à la pierre ». Les crédits correspondants, regroupés dans le programme « Urbanisme, territoires et amélioration de l’habitat », connaissent une augmentation importante, de plus de 20 %, qui s’explique pour l’essentiel par le versement d’une enveloppe de 60 millions d’euros au programme « Habiter mieux » de l’Agence nationale de l’habitat (ANAH), dans le cadre de la transformation du CITE en prime. Dans le prolongement de la loi de finances pour 2019, les crédits de ce programme financeront une série d’autres mesures mentionnées dans mon rapport, telles que la lutte contre l’habitat indigne ou les opérations de revitalisation des territoires, prévues dans le cadre de la loi ELAN.

Pour compléter ces mesures, j’ai souhaité, dans la partie thématique de mon rapport, formuler plusieurs propositions de nature à soutenir la rénovation et la construction, d’une part, et à améliorer l’accompagnement des plus fragiles, d’autre part.

Comme nombre de députés, je regrette l’extinction du prêt à taux zéro (PTZ) en zones dites détendues. Je défendrai à ce titre un amendement en commission des finances visant à maintenir ce dispositif.

À deux ans de son extinction, je propose en outre que nous nous intéressions aux modalités d’évaluation du dispositif d’encouragement à l’investissement locatif mis en place par notre collègue Sylvia Pinel. J’avais proposé un amendement sur ce sujet en 2017, qui a été adopté dans la loi de finances pour 2018. Je regrette que le rapport relatif à ce dispositif ne nous soit pas parvenu à ce jour. Je propose de ne pas prolonger ce dispositif au-delà de 2021 en l’absence d’une évaluation rigoureuse confirmant son efficacité sociale.

De nombreux acteurs s’inquiètent de la disparition des APL « accession », qui permettent à de nombreux ménages de sortir du dispositif des APL « location » et, ce faisant, de diminuer les dépenses de l’État concernant ce poste. Ce dispositif, peu coûteux pour l’État, s’ajuste aux variations de revenus des bénéficiaires ; il ne s’agit donc pas d’un engagement pour toute la durée du prêt. Par conséquent, je propose d’engager des discussions avec le Gouvernement pour le renouveler, éventuellement assorti d’aménagements visant à préciser sa vocation sociale.

Concernant l’accompagnement des plus fragiles, je formule des recommandations de nature réglementaire pour une meilleure mise en œuvre du droit au logement opposable (DALO), ainsi que pour la poursuite du plan quinquennal « Pour le logement d’abord ». Toujours au niveau réglementaire, je formule quelques propositions visant à fluidifier les conditions de pilotage de la politique du logement au niveau déconcentré. Autant de propositions au sujet desquelles nous pourrions continuer à échanger ensemble et avec le Gouvernement.

Pour conclure, je crois utile de saluer à nouveau l’état d’esprit constructif et optimiste qui anime les acteurs du logement. Un tel état d’esprit permettra la réussite des réformes en cours, en alliant responsabilité budgétaire et souci de protection des plus fragiles.

J’émets donc un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Cohésion des territoires » s’agissant du logement.

Mme la présidente Valéria Faure-Muntian. Nous allons maintenant entendre les orateurs des groupes.

M. Mickaël Nogal. Madame la rapporteure, je vous remercie pour votre travail. J’ai participé à plusieurs des auditions que vous avez menées et je me retrouve pleinement dans les préconisations et dans les constats formulés dans votre rapport.

Je tiens également à saluer la priorité du Gouvernement en matière de logement, qui a permis la signature d’accords historiques avec les partenaires de l’État tels qu’Action Logement. Cet accord a permis le lancement du plan d’investissement volontaire de 9 milliards d’euros, sans compter l’ensemble des mesures relatives aux différents publics ciblés par Action Logement.

Cette priorité a également permis l’instauration de la RLS, dont l’application n’a pas été facile pour les organismes de logement social. Ces derniers ont toutefois été accompagnés et de nombreuses mesures de compensation ont été mises en place. La réforme d’ampleur votée dans le cadre de la précédente loi de finance porte désormais ses fruits.

La réforme des APL pour les adapter en temps réel aux revenus des bénéficiaires constitue un autre chantier, qui sera mené en 2020. Il s’agit d’une réforme de bon sens et de justice sociale : les APL ne seront plus calculées en fonction des revenus perçus deux ans plus tôt, mais en fonction des revenus contemporains, selon le même principe que le prélèvement de l’impôt à la source. Cette réforme permettra de s’adapter au mieux à la situation de tous les Français dans l’ensemble des territoires : c’est une évolution heureuse.

Je partage votre avis quant à la pertinence du dispositif des APL « accession », qui mériterait d’être réinstauré. Il est en effet pertinent, non seulement compte tenu de la faible dépense qu’il engendre, mais aussi en raison des résultats très concrets qu’il produit. En outre, ce dispositif va dans le sens de la loi ELAN, qui encourage la vente de logements HLM. Enfin, le rétablissement des APL « accession » permettrait de faire des économies sur les APL « location ».

Le plan quinquennal « Pour le logement d’abord » me tient particulièrement à cœur : Toulouse a répondu à l’appel à manifestation d’intérêt relatif à l’intermédiation locative. Cet appel n’entre pas dans le cadre de la loi de finances, puisqu’il s’agit de subventions de l’ANAH, mais je souhaite qu’un travail soit mené sur l’encouragement à l’intermédiation locative. Actuellement, les propriétaires bailleurs bénéficient d’une prime de 1 000 euros à cet effet ; j’ai proposé dans mon rapport « Louer en confiance », remis au Premier ministre en juin 2019, de la doubler, voire de la tripler, afin de la rendre plus incitative.

S’agissant du PTZ, je suis favorable au retour de l’éligibilité des zones B2 et C, mais en ciblant plus particulièrement les opérations de revitalisation des territoires et le programme « Action Cœur de ville ».

Enfin, j’ai déposé un amendement auprès de la commission des finances afin de prolonger le dispositif Cosse « louer abordable » pour une durée de trois ans. Ce dispositif est très intéressant, mais n’a pu faire ses preuves en raison d’un manque de communication.

M. Thibault Bazin. Le budget 2020 prévoit une baisse de 1,4 milliard d’euros des aides au logement avec la réforme de la « contemporanéisation » des APL au 1er janvier 2020. Si l’on peut être favorable à l’adaptation des aides aux ressources actuelles des ménages, les modalités de cette réforme inquiètent légitimement les locataires et leurs bailleurs. Quelle visibilité les locataires auront-ils sur leur reste à charge si leurs ressources varient souvent en raison de l’alternance de périodes de chômage, d’intérim et de travail ? Cela ne risque-t-il pas de leur poser des problèmes de gestion budgétaire ? Comment le risque d’évolution des impayés est-il appréhendé pour qu’il n’ait pas d’impact sur les bailleurs ? Actuellement, alors que la mise à jour est annuelle, la remise en route des droits par les caisses d’allocations familiales (CAF) est longue. Avec une mise à jour tous les trois mois, comment les dysfonctionnements pourraient-ils être moins nombreux ?

Votre stratégie relative au logement ne me semble pas la bonne : en témoignent la baisse de la construction et la baisse de l’accès à la propriété constatées en 2018. Nous pouvons d’ailleurs nous étonner de l’absence d’un certain nombre de chiffres dans le bleu budgétaire, y compris concernant 2018 ; ainsi, si vous regardez les différentes pages d’estimation, en particulier la page 92, il est question d’un nombre non déterminé de bénéficiaires du crédit d’impôt PTZ ou d’autres réductions. Nos interrogations sont légitimes, compte tenu du recul de plus de dix mois dont nous disposons désormais.

Votre réforme est également injuste territorialement. Le budget 2020 traduit la fin totale de l’APL « accession », qui freinera les acquéreurs et ralentira d’autant les ventes de logements HLM, au sujet desquelles l’ambition du Gouvernement était pourtant élevée au travers de la loi ELAN. Le budget 2020 confirme la concentration injuste du PTZ dans les territoires dits tendus, tout comme pour le dispositif Pinel.

Quelles chances sont-elles données aux autres territoires représentant 95 % du pays ? Quelles chances sont-elles données aux candidats à l’accession à la propriété dans ces territoires ? Cette mission « Cohésion des territoires » porte finalement bien mal son nom. Le volet logement privé peine à se déployer dans les programmes « Action Cœur de ville », le dispositif « Denormandie ancien » ne suffit pas et la restriction du dispositif Pinel aux seules zones tendues se révèle pénalisante. Ne faudrait-il pas en étendre le bénéfice aux opérations de revitalisation des territoires (ORT) ?

Enfin, la suppression du CITE pour les classes moyennes supérieures mettra à mal la rénovation thermique. Quel sera l’impact, selon vos estimations, de cette suppression sur l’artisanat et le bâtiment dans nos territoires ?

M. Jean-Luc Lagleize. Je souhaite tout d’abord remercier Mme Stéphanie Do pour son travail de grande qualité.

L’examen de cette mission budgétaire se déroule à un moment charnière : la loi ELAN a été promulguée il y a tout juste un an ; nous allons être amenés à nous prononcer d’ici à quelques semaines sur le projet de loi relatif à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique ; enfin, l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) est sur le point de voir le jour – début 2020. Cette agence, produit de la fusion de plusieurs acteurs, devra mobiliser et projeter sur le terrain l’ingénierie nécessaire aux collectivités pour construire leurs projets. À ce stade, il apparaît que les relations entre l’ANCT et les deux opérateurs principaux en matière de politique de la ville et du logement, à savoir l’Agence nationale de la rénovation urbaine (ANRU) et l’ANAH, seront formalisées au travers de conventions. Concrètement, comment s’assurer que l’ANCT agira de manière complémentaire à ces deux opérateurs spécialisés ?

Je souhaite également vous présenter brièvement le contexte qui m’amènera à vous soumettre d’ici à quelques minutes plusieurs amendements. Ils résultent de la mission que m’a confiée le Premier ministre en avril dernier, afin de maîtriser les coûts du foncier dans les opérations de construction et lutter contre la spéculation foncière. Cette mission fait suite à des débats que nous avions pu avoir, il y a un an et demi, sur le projet de loi ELAN, qui visait à construire plus, mieux et moins cher, ainsi qu’à améliorer le cadre de vie. Finalement, cette loi n’a abordé qu’à la marge la question foncière, alors même que les prix du foncier ont augmenté de 71 % au cours des dix dernières années, contre 24 % seulement, si l’on peut dire, pour le prix de construction d’une maison. De même, le poids moyen du foncier dans le bilan d’une opération d’aménagement atteint 30 %, voire 40 % ou 50 % dans les zones les plus tendues.

Dans ce contexte, le Premier ministre m’a donc demandé d’identifier des moyens permettant de soutenir les collectivités locales et les élus dans la mise en œuvre de leur stratégie d’intervention foncière et de maîtrise des prix des terrains. Je remettrai mon rapport et mes préconisations dans les prochaines semaines à M. Julien Denormandie. Je vous le présenterai bien évidemment au sein de cette commission. Je souhaite malgré tout saisir l’occasion que représente le PLF 2020 pour commencer à présenter quelques-unes des propositions ; il y en aura d’autres portant sur d’autres dispositions de la deuxième partie de la loi de finances et certaines préconisations figureront également dans une proposition de loi examinée dans la « niche » du groupe MODEM à la fin du mois. S’il le souhaite, le Gouvernement se saisira du reste au moment qui lui semblera opportun.

Les amendements présentés aujourd’hui visent notamment à financer les observatoires du foncier, à numériser certains aspects de la politique du logement, à former les élus locaux et les administrations en matière de gestion du foncier, à renforcer les prérogatives des établissements publics fonciers, à encourager la surélévation des bâtiments, notamment pour récupérer des financements relatifs à la rénovation énergétique, ou encore à financer la dépollution des friches urbaines.

M. Jean-Louis Bricout. Madame la rapporteure, je vous remercie pour votre exposé.

Les budgets se suivent et se ressemblent : les plus modestes feront encore les frais des cadeaux consentis aux plus aisés. Tel est peut-être l’enseignement essentiel de cette mission budgétaire en matière d’accompagnement social pour le logement. Bien évidemment, nous condamnons cette nouvelle diminution drastique des crédits alloués aux aides au logement, s’élevant à près de 1,4 milliard d’euros tout de même. Il est regrettable que les économies attendues de l’actualisation du calcul des APL ne puissent, à budget constant, permettre le renforcement de ces APL, alors que celles-ci ont connu une diminution croissante depuis 2017.

En effet, le Gouvernement poursuit la sous-indexation de la réévaluation des crédits des APL, en fixant leur évolution à 0,3 % en 2020 comme en 2019. Il s’agit là d’une nouvelle atteinte au pouvoir d’achat des ménages les plus modestes, après la baisse de 5 euros du montant des APL en 2017 et le gel du barème en 2018. Par conséquent, le groupe Socialistes et apparenté défendra un amendement pour établir une indexation sur l’inflation effective ; il en défendra un autre visant à rétablir les APL « accession » telles qu’elles existaient dans la loi de finances pour 2018 : chacun s’accorde, année après année, sur le constat des conséquences catastrophiques de leur disparition sur la mobilité résidentielle et la production de logements neufs en zones détendues.

En matière de production de logements, les dispositions prises dans le cadre du programme « Urbanisme, territoires et amélioration de l’habitat » ne font en fin de compte que traduire les orientations données par la loi ELAN : provoquer un choc de l’offre dans les zones tendues, grâce à différentes dispositions et mesures d’accompagnement, permettant notamment de construire plus haut, de libérer du foncier ou de fiscalement inciter à construire toujours plus et moins cher, là où il y a peut-être déjà trop de monde. Vous ne faites en réalité qu’accompagner le phénomène de métropolisation et de concentration, sans même le contrarier. Le constat est pourtant clair : nos villes grossissent à l’extrême, sont surpeuplées et font le lit des fractures territoriales. Les métropoles se concurrencent entre elles, les banlieues étouffent et s’étendent indéfiniment, à l’exemple de ce que prévoit le projet du Grand Paris ; pendant ce temps, ce sont tous les territoires de la France profonde qui se dépeuplent.

La mission « Cohésion des territoires » devrait avoir pour objectif essentiel d’endiguer ce mouvement de concentration ; or il n’en est rien, elle le rend inéluctable. Ne devrions-nous pas changer de logiciel ? Certes, il nous faut répondre à l’urgence de celles et ceux qui sont en mal de logement, mais ne faudrait-il pas en même temps agir bien plus en amont ? N’est-il pas temps de créer les conditions permettant de fixer les populations dans nos campagnes, voire de les y attirer ? L’enjeu est avant tout économique, mais il y va également de l’attractivité des territoires. Bien sûr, des dispositifs existent : les pactes de développement, les contrats de ruralité, les territoires d’industrie. Mais sont-ils suffisants ? Pour moi, la réponse est non ; il manque le lien entre politique du logement et politique économique, qui permettrait un meilleur équilibre entre territoires. Le choc de l’offre en zones tendues retrouverait de la mesure et donnerait une nouvelle dynamique aux zones détendues.

Parallèlement à cette mission budgétaire, la priorité consisterait à engager des politiques d’incitation à la création d’emplois en zones détendues, en particulier en zones d’aides à finalité régionale (AFR) et de revitalisation rurale (ZRR). Les solutions à l’échelle de notre pays ne résident pas dans l’inexorable mouvement de métropolisation. À quand une politique à la hauteur des enjeux de la cohésion des territoires ?

Mme Sylvia Pinel. Je regrette que pour la troisième année consécutive, le projet de loi de finances persiste dans une logique purement comptable au détriment de l’accès au logement pour tous et de l’emploi dans le secteur du bâtiment. Entre la suppression des APL « accession », le rabot sur le PTZ et le dispositif d’investissement locatif élagué, ce PLF traduit une volonté manifeste de faire des économies sur la politique du logement.

Madame la rapporteure, vous estimez inopportun de prolonger le dispositif d’investissement locatif Pinel au-delà de 2021, au motif que ses conditions d’octroi sont insuffisamment contrôlées. À vous entendre, ce dispositif perdait sa vocation sociale. N’est-il pas contradictoire d’abandonner un dispositif qui a pourtant fait ses preuves au simple prétexte que l’exécutif n’a pas mis en place les outils de contrôle nécessaires ? N’est-ce pas seulement l’aveu d’un manque de volonté politique ? Je tiens à rappeler que l’objectif de ce dispositif était de relancer la construction ; il a été atteint. Si des effets pervers se manifestent, dotons-nous des moyens de l’encadrer ou de mieux circonscrire ses effets de bord.

M. Thibault Bazin. Elle a raison !

Mme Sylvia Pinel. Je vous invite d’ailleurs à vous intéresser aux effets d’aubaine que ne manquera pas de susciter le dispositif « Denormandie » en raison notamment de sa large ouverture dans des zones où le besoin locatif n’est pas avéré. Nous aurons l’occasion de reparler de cette évaluation.

La question du zonage est récurrente. Compte tenu de l’évolution démographique et de celle des territoires, sa réforme devrait être menée. En 2014, j’avais procédé à une révision du zonage ; toutefois, de nombreuses communes ont entre-temps connu des évolutions en matière d’équipements structurants, qui jouent sur la tension du marché, précisément prise en compte dans plusieurs de ces dispositifs.

Je ne reviendrai pas sur les propos de plusieurs de mes collègues concernant le PTZ, qui est inaccessible désormais à toute une partie du territoire. En outre, son évolution touche les ménages modestes et aura un impact sur les parcours résidentiels. De nombreux ménages ne seront pas solvabilisés et seront donc maintenus dans le parc social, alors que nous avons besoin de ces logements pour loger des personnes en plus grande précarité. Tout se tient ; or vous examinez les situations en ne prenant en compte qu’un seul aspect de la politique du logement. Vous travaillez point par point, alors qu’une vision globale est nécessaire. S’agissant de l’APL « accession », je souscris aux propos tenus par M. Thibault Bazin.

Enfin, concernant le logement social et la RLS, nous aurions gagné beaucoup de temps et nous aurions évité de nombreux impacts sur l’emploi, sur la croissance dans nos territoires et en particulier sur l’accès au logement des personnes les plus en difficulté, si depuis 2017 vous nous aviez un peu plus écoutés…

M. Éric Straumann. J’abonde dans le sens de ma collègue sur la question de la révision du zonage dans le cadre du dispositif Pinel. Dans mon département, Mulhouse en bénéficie alors que le marché ne connaît aucune tension ; en revanche, à Colmar, le marché est très tendu, en particulier concernant les petits logements ; du coup, dans la commune de sa banlieue dont j’étais le maire, il n’existe plus aucune offre. Il est très difficile pour les jeunes actifs de s’y installer, en raison de la disparition du dispositif Pinel. Ce sujet mérite d’être saisi à bras-le-corps, d’autant que son impact sur le budget de l’État est neutre.

Mme Stéphanie Do, rapporteure pour avis. Je ne reviendrai pas sur mes propos liminaires, afin de ne pas retarder les travaux de la commission.

Je partage les points de vue qui ont été exprimés au sujet du rétablissement de l’APL « accession », comme mon rapport et ma présentation en attestent. L’amendement que je défendrai tout à l’heure va d’ailleurs dans ce sens.

Comme l’année dernière, je réitère mon souhait de prolonger le PTZ en zones détendues jusqu’au 31 décembre 2021. C’est un enjeu de justice sociale, car ce dispositif bénéficie à des ménages exclus de fait des zones tendues où les prix sont trop élevés. J’ai déposé un amendement en ce sens à la commission des finances.

M. Thibault Bazin. La majorité le votera-t-elle ?

Mme Stéphanie Do, rapporteure pour avis. En l’absence d’évaluation du dispositif Pinel, il est difficile pour le Parlement de se prononcer sur cette dépense fiscale, qui avoisinera le milliard d’euros en 2020. La Cour des comptes a formulé des recommandations à ce sujet. Nous devons réfléchir à l’étape suivante ; nous pourrons tirer d’utiles conclusions de l’expérimentation relative au zonage en cours en Bretagne.

Le mode de calcul des APL est effectué sur douze mois glissants. Par ailleurs, le secteur de la construction ne montre pas de fléchissement cette année. Les acteurs du secteur du bâtiment que j’ai auditionnés ont exprimé leur satisfaction à cet égard.

M. Richard Lioger. De plus en plus d’économistes expliquent qu’une bulle spéculative est en train de se créer en France. Alors que les taux d’intérêt sont au plus bas, il est temps de revenir à un marché qui ne soit pas ainsi « sponsorisé » : même si l’État peut retrouver de l’argent au travers de la TVA et de la construction, je reste inquiet du lobbying intense des promoteurs et des constructeurs : ils n’ont de cesse de nous expliquer que sans les aides importantes de l’État, ils auraient des difficultés à construire. C’est devenu une drogue dont il va falloir les sevrer progressivement.

M. Thibault Bazin. Nous avons évoqué les dépenses fiscales liées au logement, mais n’oublions pas les recettes : à chaque fois que l’on construit un logement, l’État touche de la TVA relative aux constructions, et c’est autant d’activité en plus, deux emplois en moyenne, avec les cotisations sociales à la clé. Une approche analytique ne peut être que globale.

Quant à la bulle spéculative, cela regarde les investisseurs ; les APL « accession » visent à aider les locataires du parc social à en sortir en accédant à la propriété, souvent par le biais de prix remisés. Un bailleur m’expliquait ce matin encore que six candidats avaient vu leur dossier refusé depuis le début de l’année, car ils ne parviennent pas à être solvables. L’APL « accession » et le PTZ n’ont pas vocation à favoriser la spéculation, mais bien à solvabiliser des ménages. Par ailleurs, la dépense fiscale concernant l’APL « accession » est ridicule, comparativement au nombre de logements qui n’ont pas été construits depuis deux ans. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : moins de 400 000 logements ont été produits en France et le nombre de PTZ est désormais inférieur à 100 000.

Mme Sylvia Pinel. J’invite chacun des intervenants à la mesure : les convictions des uns et des autres ne reposent pas sur leurs rencontres avec des lobbies. Nous sommes nombreux ici à détenir une expérience dans le domaine du logement, ce qui nous permet d’avoir une vision sur les différentes politiques en la matière.

M. Thibault Bazin a évoqué les recettes fiscales : on se plaît à rappeler – mais c’est la logique de Bercy – que les dépenses en matière de politique du logement atteignent 40 milliards d’euros, mais en oubliant systématiquement les recettes, de l’ordre de 70 milliards…

L’APL « accession » et le PTZ visent en effet à rendre solvables des ménages modestes, afin de fluidifier les parcours résidentiels. Quant au dispositif Pinel, il avait pour objectif de créer du logement intermédiaire dans des territoires tendus. En effet, certaines catégories, notamment modestes, y rencontrent des difficultés : elles ne peuvent se loger dans le parc public, car leur plafond de revenus est trop élevé, mais elles ne peuvent pas non plus accéder au parc locatif privé en raison de la cherté des loyers. C’est pourquoi la question du zonage est cruciale. Depuis la révision de 2014, certains territoires ont beaucoup évolué ; les plafonds et le ciblage devraient sans doute y être revus.

Mme la présidente Valéria Faure-Muntian. Je vous rappelle qu’outre les quatorze amendements concernant ce rapport, nous avons encore trois rapports à examiner. Je vous demande donc de respecter le temps de parole qui vous est imparti.

M. Jean-Luc Lagleize. N’enterrons pas trop vite le dispositif Pinel, qui rend beaucoup de services et permet de loger de nombreux concitoyens. Il est probablement possible de l’améliorer, afin notamment d’atténuer la concentration de ce type de logements dans certains quartiers et d’encadrer son impact en matière d’inflation sur les prix. Je vous présenterai d’ici à une quinzaine de jours une proposition de loi visant à étendre ce dispositif et à améliorer la possibilité de défiscalisation pour les grands logements : on n’en construit quasiment plus.

Mme la présidente Valéria Faure-Muntian. Nous en venons à l’examen des crédits du programme 147 « Politique de la ville », dont M. Patrice Anato est, pour la première année, le rapporteur pour avis.

Les crédits de la politique de la ville pour la période 2019-2020 sont globalement stables, avec un niveau de crédits de paiement (CP) avoisinant les 500 millions d’euros. Ils financent essentiellement des actions décentralisées, au travers des contrats de ville qui lient l’État aux collectivités territoriales comptant des quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV). Ces actions, souvent associatives, touchent au quotidien des habitants des 1 500 QPV : actions éducatives et sociales, accès aux soins, accompagnement vers l’emploi, sécurité et tranquillité, etc.

Au-delà des crédits du programme, la politique de la ville concerne directement plusieurs programmes d’envergure conduits par le Gouvernement, tels que les emplois francs, le dédoublement des classes de CP et de CE1, ou encore le dispositif des quartiers de reconquête républicaine.

Dans son rapport, notre collègue a consacré des développements spécifiques à la question du sport dans les quartiers. Il a en particulier étudié les occasions offertes par l’organisation des jeux Olympiques et Paralympiques pour y dynamiser l’emploi.

Monsieur le rapporteur, comment s’assurer du succès du dispositif des emplois francs, dont la généralisation est prévue l’année prochaine ? Comment pouvons-nous mieux associer les quartiers prioritaires de la politique de la ville à l’organisation des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 ?

M. Patrice Anato, rapporteur pour avis. Permettez-moi tout d’abord de vous remercier à nouveau de m’avoir désigné rapporteur des crédits de la politique de la ville pour 2020, d’autant que je suis élu de la Seine-Saint-Denis, département symbolique en la matière.

Ces crédits, retracés dans le programme 147 « Politique de la ville » de la mission « Cohésion des territoires », financent principalement les contrats de ville et secondairement des mesures de revitalisation économique et de renouvellement urbain. La dotation pour 2020 de ce programme est stable : elle passe de 509 millions d’euros dans la loi de finances pour 2019 à 498 millions d’euros. La très légère baisse s’explique essentiellement par des raisons techniques.

La ressource est conforme aux besoins identifiés à la suite du pacte de Dijon signé le 16 juillet 2018. Elle contribuera positivement à la mise en œuvre de la feuille de route du Gouvernement pour la politique de la ville.

Par nature, les ressources dévolues aux contrats de ville sont consommées de façon décentralisée. À titre d’illustration, en 2018 plus de 21 000 projets défendus par plus de 11 000 acteurs, bien souvent associatifs, ont ainsi été soutenus par les crédits que nous examinons aujourd’hui. En 2020, ces crédits seront en légère croissance, passant de 415 à 416 millions d’euros. Si les mesures de soutien à la cohésion sociale et à l’éducation représentent 70 % de l’enveloppe, je constate avec satisfaction que celles en faveur du développement économique et de l’emploi croissent légèrement, pour dépasser 57 millions d’euros. Je me réjouis à cette occasion du chantier de simplification administrative engagé par le Gouvernement en faveur des associations.

Parmi les mesures emblématiques de ce PLF, je note avec satisfaction le doublement des postes de coordonnateurs associatifs dans les QPV, dits postes FONJEP, qui passeront l’année prochaine à plus de 1 500. Je note également la reconduction d’une enveloppe de 15 millions d’euros visant à soutenir les grandes associations structurantes, le financement des programmes de réussite éducative et de cités éducatives et le financement de 1 000 postes supplémentaires d’adultes relais.

Néanmoins, je tiens à souligner que la politique de la ville dépasse largement le seul périmètre budgétaire du programme « Politique de la ville ». De nombreux programmes dits « de droit commun » ciblent directement les QPV ou comportent un volet spécifiquement conçu en leur faveur. Tel est le cas du programme de dédoublement des classes de CP et de CE1, salué unanimement, tant lors de mon déplacement à Soissons que dans le cadre de mes échanges avec le conseil représentatif des Français d’outre-mer (CREFOM), ou encore, le domaine de la sécurité, dans des quartiers de reconquête républicaine. En relève également le dispositif des emplois francs, au sujet duquel il convient de s’arrêter à la veille de sa généralisation. Ce programme a été lancé en 2018 dans 194 QPV ; en 2019, il a été étendu à 740 QPV, soit près d’un quartier sur deux. Il prend la forme d’une aide à l’embauche pouvant atteindre 5 000 euros, soit 15 000 euros en trois ans, pour toute entreprise ou association recrutant une personne issue d’un QPV et inscrite à Pôle emploi. Il est vrai que le bilan à ce jour n’est pas à la hauteur de nos espérances, puisque seuls 9 000 emplois francs ont été signés, pour un objectif de 20 000 attendus fin 2019. Cependant, le nombre moyen de demandes a doublé depuis cet été ; en outre, la généralisation du dispositif aux 1 500 QPV lui offrira une plus grande visibilité et permettra de conduire des actions de communication d’envergure nationale.

Pour compléter ce panorama budgétaire, j’ai souhaité échanger avec les personnes auditionnées sur la place du sport dans le développement des quartiers, notamment en matière économique. Nous connaissons le constat, déjà présenté par Mme Annaïg Le Meur, du manque d’infrastructures et d’offres sportives dans ces quartiers. C’est tout le paradoxe, alors même que les QPV peuvent s’enorgueillir d’avoir vu naître un grand nombre de champions. J’ai relevé et salué un certain nombre d’initiatives, souvent associatives, encourageant l’insertion à travers la pratique du sport – la notion de « coaching » donne, semble-t-il, des résultats très positifs.

Je me suis également intéressé aux retombées possibles des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 pour nos quartiers, notamment en Île-de-France. Le comité d’organisation des Jeux évalue à 150 000 le nombre d’emplois suscités par la préparation et le déroulement de cet événement. Conformément à la notion d’héritage des Jeux, je crois indispensable que les habitants de nos quartiers puissent se saisir de cette occasion de contribuer à l’accueil et à l’organisation de cet événement. Ils pourront ainsi exprimer la fierté de tous nos territoires et mettre en avant les talents qui y demeurent. Nous devons nous organiser pour que l’expérience qu’ils auront acquise dans ces emplois, mais aussi en tant que bénévoles, soit valorisée et puisse s’inscrire dans un parcours de long terme. L’année 2020 doit permettre de faire progresser cet ambitieux chantier.

Tel est le panorama que je souhaitais vous exposer à l’occasion de ce projet de loi de finances. La politique de la ville se trouve dans une phase dynamique et nous pouvons espérer des avancées très positives au cours de l’année prochaine.

J’émets donc un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Cohésion des territoires » pour ce qui concerne la politique de la ville.

Mme la présidente Valéria Faure-Muntian. Nous allons maintenant entendre les orateurs des groupes.

Mme Annaïg Le Meur. La pédagogie est l’art de la répétition et je suis en accord avec les propos de M. le rapporteur.

Nous sommes réunis pour examiner les crédits alloués au programme 147 « Politique de la ville », qui servent à financer les actions dans les QPV, quartiers souvent considérés comme des réservoirs de talents et d’énergie, mais dans lesquels deux habitants sur cinq sont pourtant durablement éloignés de l’emploi. L’an dernier, en tant que rapporteure, j’avais eu l’occasion de défendre ces crédits, dans la droite ligne du discours de Roubaix du Président de la République.

La politique de la ville bénéficie d’une feuille de route claire et de crédits en hausse de 20 % par rapport au précédent budget. Cette année, une enveloppe budgétaire pratiquement stable fixe son cadre : la poursuite des actions entreprises depuis deux ans et la continuité dans l’intervention de l’État, qui doivent nous permettre de garantir, pour tous, les mêmes chances de trouver sa place dans la société, où que l’on vive.

Cependant, ces actions ne doivent pas nous faire oublier l’importance du droit commun dans les politiques publiques dont bénéficient les QPV. Je retiens notamment le doublement du budget de l’ANRU, acté il y a deux ans, le dédoublement des classes scolaires CP-CE1 ou la prochaine généralisation des emplois francs.

Je rappelle que les 1 500 QPV connaissent plus de difficultés que les autres : le chômage y touche 25 % de la population et les services publics, particulièrement ceux de la santé, y sont moins présents. De plus, ainsi que je le mentionnais l’année dernière, les QPV manquent drastiquement d’équipements sportifs, alors que la demande des jeunes est très forte. À titre personnel, je me réjouis d’ailleurs que, depuis le début de l’année, les contrats de ville doivent systématiquement intégrer un volet relatif à l’inclusion par le sport, un vecteur d’émancipation et de transmission des valeurs et des savoirs vivants.

La mise en place des cités éducatives et le soutien à la recherche par nos jeunes de stages et de services civiques sont des mesures importantes. Les inégalités peuvent commencer dès le plus jeune âge, et il faut les combattre le plus tôt possible. C’est aussi le sens d’une autre mesure saluée par tous, les classes de douze élèves en CP et CE1, mesure qui concerne au premier chef les QPV. Il faut également noter le doublement des postes FONJEP et la création de 1 000 postes adultes-relais pour effectuer de la médiation sociale.

J’ai lu avec attention les chiffres relatifs à la poursuite de l’expérimentation des emplois francs : il y a eu 9 000 créations d’emplois en juillet 2019. Le dispositif est globalement monté en puissance par rapport à l’année dernière, mais il reste insuffisant pour atteindre les objectifs fixés. Je salue la généralisation de cette mesure dans l’ensemble du territoire, qui est prévue pour l’année prochaine. Cela permettra de gagner en visibilité et en efficacité, et j’espère que cela conduira à réduire la barrière invisible à laquelle se heurtent les habitants des QPV en matière de recherche d’emploi.

C’est sur cette note d’espoir que je tiens à saluer, au nom du groupe La République en Marche, le budget 2020 pour la politique de la ville : ce ne sera ni le grand soir, ni un recul, mais une incarnation de la continuité de nos engagements en faveur des plus modestes.

M. Thibault Bazin. Ce budget de la politique de la ville me semble incomplet. Si l’on veut réussir à rétablir l’égalité républicaine et l’ordre républicain dans nos quartiers, il faut une approche cohérente pour toutes les politiques publiques qui concernent la sécurité, le cadre de vie et la tranquillité. Un véritable problème se pose en la matière. Je pense en particulier à la question du zonage : celui de la politique de la ville ne correspond pas à celui de la politique éducative – on peut être un QPV mais ne pas faire partie des réseaux d’éducation prioritaire REP ou des REP + et ne pas bénéficier des dispositifs de dédoublement des classes et d’accès aux stages.

Par ailleurs, on veut de la mixité dans ces quartiers, mais force est de constater que le logement privé ne s’y développe pas. C’est une vraie difficulté qu’il faut regarder en face : il faut trouver des pistes d’action. Pourquoi n’y a-t-il pas de parcours d’accession à la propriété dans ces quartiers ? Doit-on adopter un plan spécifique – en matière d’APL « accession », de PTZ, et peut-être même de Pinel – pour créer une véritable dynamique et arriver à une diversité entre le locatif aidé, le locatif privé et l’accession à la propriété ?

Le nerf de la guerre, si on veut qu’il y ait un avenir dans ces territoires, est l’emploi. Il est évident que les emplois francs, qui constituaient pourtant un dispositif intéressant, ne sont pas à la hauteur des objectifs fixés. Vous faites même le choix, contrairement à ce qu’a suggéré la mission « Agenda rural », de ne pas étendre les emplois francs aux territoires ruraux en souffrance, qui sont les grands oubliés : ils ont également besoin d’un accompagnement et de moyens.

M. Jean-Luc Lagleize. Vous avez souligné, Monsieur le rapporteur pour avis, que l’examen du programme 147 « Politique de la ville » est particulièrement important puisqu’il nous permet de faire un point d’étape un an après la présentation de la feuille de route pour la politique de la ville, qui était attendue de longue date par l’ensemble des parties prenantes. Nos villes et nos quartiers connaissent, en effet, des réalités de plus en plus difficiles. La feuille de route était claire : il faut soutenir les quartiers prioritaires de la politique de la ville, garantir l’égalité des droits pour leurs habitants, favoriser l’émancipation par l’éducation et par l’emploi, et soutenir les solidarités locales en luttant contre toutes les discriminations.

Mme Le Meur nous a expliqué dans son rapport de l’année dernière comment ces engagements se concrétisaient à travers deux mesures symboliques : le renforcement de l’encadrement au sein des maternelles, dans une soixantaine de grands quartiers sans mixité sociale, et la création de cités éducatives sur le modèle d’une expérience menée à Grigny dans le cadre du programme de réussite éducative. Un an plus tard, quel regard portez-vous sur l’état d’avancement de ces programmes et leurs résultats ? Par ailleurs, comment les autres mesures prévues par la feuille de route se concrétisent-elles dans le projet de budget pour 2020 ? Quels sont les choix budgétaires faits pour soutenir les quartiers prioritaires ?

Je constate, à la lecture de votre rapport, que le soutien aux actions de cohésion sociale constituera encore la priorité principale en 2020. Comment les fonds ont-ils été utilisés l’année dernière ? Leur affectation sera-t-elle différente ?

J’évoquerai pour finir la question du renforcement de la présence des services publics. Afin de garantir les mêmes droits aux habitants des quartiers prioritaires de la ville, la feuille de route du Gouvernement entend développer les maisons de services au public (MSAP) dans ces quartiers. L’année dernière, cette ambition, dont le principe a notre soutien, se heurtait à une absence de financement adéquat. Qu’en sera‑t‑il l’année prochaine ? De nouveaux fonds ont-ils été décidés pour soutenir le développement des MSAP ? Quelle sera, en outre, l’articulation entre les maisons « France services » dont le Gouvernement a annoncé la création dans l’ensemble du territoire et les MSAP prévues dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville ?

M. Jean-Louis Bricout. Le groupe Socialistes et apparentés n’a pas de commentaires particuliers à faire sur les crédits de la politique de la ville en tant que tels. Les moyens prévus sont globalement stables : ils sont loin de témoigner d’une véritable ambition face aux problèmes de mixité sociale et de ghettoïsation qui peuvent se poser, y compris dans les zones rurales en souffrance.

Nous avons, en revanche, des interrogations en ce qui concerne les crédits dévolus à la rénovation urbaine dans le cadre du Nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU). De nombreuses collectivités ont formulé des demandes de démarrage anticipé de travaux ou d’engagements opérationnels pour leurs projets. Les crédits de paiement prévus pour 2020 pourraient donc être insuffisants.

S’agissant des emplois francs, le dispositif que nous avons adopté sous la précédente législature a connu la même fortune que l’expérimentation, lancée en 2017, sur laquelle vous revenez dans votre rapport. Nous avons soutenu la relance des emplois francs, dont nous étions à l’origine, mais force est de constater que les mêmes causes produisent les mêmes effets : l’objectif de 40 000 emplois francs paraît difficilement atteignable. Ne faudrait-il pas plutôt relancer le dispositif des « zones franches urbaines – territoires entrepreneurs », à l’instar de ce que nous avions fait en 2012 puis en 2015 ? Quels autres dispositifs sociaux et fiscaux pourrait-on utiliser pour favoriser l’emploi dans les QPV ?

Votre rapport met en avant, à juste titre, le retard paradoxal de ces quartiers en matière d’équipements sportifs. C’est notamment vrai à propos des piscines, alors que la part des enfants sachant nager est particulièrement faible dans ces territoires. La confiance que vous placez dans le futur héritage des jeux Olympiques nous paraît en décalage avec la réalité des territoires : les élus locaux assistent plutôt à un assèchement des moyens au profit des équipements et des infrastructures prévus dans le cadre des Jeux.

Au-delà de cette question, je voudrais souligner le sous-équipement chronique des territoires de banlieue en termes d’équipements et de services publics. L’État y ferme, comme dans certains territoires ruraux, des trésoreries, des centres de caisses primaires d’assurance maladie, des bureaux de poste et tant d’autres services. Dans ces territoires, les taux d’encadrement de Pôle emploi sont parfois inférieurs de 25 % aux taux nationaux alors que le chômage est très élevé. En fait, l’État poursuit son recul massif dans les territoires relevant de la politique de la ville et cache la réalité derrière les crédits alloués à cette politique.

Selon l’article 1er de la loi dite « Lamy », adoptée en 2014, « la politique de la ville est une politique de cohésion urbaine et de solidarité, nationale et locale, envers les quartiers défavorisés et leurs habitants. Elle est conduite par l’État, les collectivités territoriales et leurs groupements dans l’objectif commun d’assurer l’égalité entre les territoires, de réduire les écarts de développement entre les quartiers défavorisés et leurs unités urbaines et d’améliorer les conditions de vie de leurs habitants. » Pensez-vous que cette loi est respectée ?

Mme Sylvia Pinel. Je voudrais remercier le rapporteur pour sa présentation du programme 147. Nous connaissons tous les problèmes importants des QPV en termes de pauvreté, de ghettoïsation et de faiblesse en équipements et en services publics. Votre rapport met en avant un certain nombre de points sur lesquels nous pouvons être d’accord, comme le dispositif adultes-relais. Nous n’avons pas davantage d’opposition à la généralisation des emplois francs, mais nous savons tous que ce dispositif est marqué par des freins et des blocages. Pourquoi est-ce le cas, et que faudrait-il faire, selon vous, pour le rendre beaucoup plus efficace ? Je suppose que vous avez regardé la situation de près et que vous avez des propositions à faire.

On peut regretter la baisse de 2 % du budget prévu pour la politique de la ville par rapport à 2019. Les actions menées en matière de revitalisation économique et d’emploi sont particulièrement importantes dans les quartiers prioritaires. Je regrette notamment la baisse de la subvention allouée à l’Établissement pour l’insertion dans l’emploi (EPIDE), qui a fait ses preuves. C’est un outil qui a permis d’avoir des résultats.

En ce qui concerne l’action « Stratégie, ressources et évaluation », les crédits de fonctionnement spécifiques à la politique de la ville et les fameux transferts à l’ANCT, je vais répéter ce que j’ai déjà dit lors des débats sur la proposition de loi créant cette agence. On n’intègre pas un certain nombre d’agences qui sont au plus près des acteurs, comme l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU), qui joue un rôle essentiel. On va l’associer, mais on ne l’intègre pas dans le nouveau dispositif, alors que nous avons vraiment besoin d’opérateurs dans ces quartiers en matière de logement – je rejoins les propos de M. Thibault Bazin – mais aussi d’équipements publics structurants et de services publics.

Je voudrais aussi alerter le rapporteur et, au-delà, le Gouvernement, sur le risque que l’on prend avec la multiplication des abondements venant d’Action Logement, principal financeur de la politique de rénovation urbaine. Dans le cadre de ce projet de budget, le Gouvernement propose un abondement, par principe dans le cadre d’une contractualisation, en faveur du Fonds national d’aide au logement (FNAL), au risque d’éloigner peu à peu Action Logement de son cœur de métier : la construction de logements sociaux et les quartiers prioritaires de la politique de la ville.

M. Patrice Anato, rapporteur pour avis. Je vous remercie pour vos interventions et vos questions.

M. Bazin a dénoncé un budget incomplet, qui ne prendrait pas en compte la globalité du sujet, et a regretté que tous les QPV ne bénéficient pas d’un accompagnement dans le cadre des REP et des REP +.

M. Thibault Bazin. Je regrette l’incohérence des zonages.

M. Patrice Anato, rapporteur pour avis. Vous savez très bien que, depuis 2010, 99 % des REP et des REP + sont en QPV.

M. Thibault Bazin. Mais 99 % des QPV ne sont pas en REP +…

M. Patrice Anato, rapporteur pour avis. Vous avez également évoqué les territoires ruraux. J’ai fait un déplacement à Soissons dans le cadre de mes travaux préparatoires : cette ville est entourée de territoires ruraux, mais le dispositif des emplois francs y est très dynamique. Les acteurs municipaux et sociaux sont assez actifs dans ce domaine. Il s’agit de faire connaître le dispositif, de le présenter aux acteurs concernés. Il ressort de mes entretiens à la mairie et à Pôle emploi que les contrats « emplois francs » qui ont été signés sont très satisfaisants.

Le programme de réussite éducative, Monsieur Lagleize, permet aujourd’hui à plus de 85 000 élèves de bénéficier d’un suivi personnalisé, grâce à plus de 2 500 équipes de soutien pluridisciplinaires. Les cités éducatives visent à assurer la coordination entre les acteurs de l’éducation dans les quartiers les plus défavorisés. L’action sociale et l’activité des éducateurs sont naturellement prises en compte dans le projet de budget pour 2020.

Les crédits consacrés aux actions de cohésion sociale s’élèveront à 250,6 millions d’euros sur un total de 416,2 millions pour les dépenses d’intervention. La proportion restera stable.

M. Bricout a évoqué les emplois francs créés lors de la précédente législature. Le dispositif fonctionne beaucoup mieux. Les conditions ont été élargies : il n’y a plus de limite d’âge et on a supprimé l’obligation, pour les entreprises, de s’installer dans les quartiers, afin que les demandeurs d’emploi puissent en sortir. Les entreprises peuvent désormais être implantées un peu partout en France du moment que le lieu de résidence des demandeurs d’emploi est un QPV. Cela permet de toucher davantage de personnes. Par rapport à la première expérimentation réalisée dans ce domaine, on a multiplié par dix le nombre de contrats signés en un mois. Par ailleurs, nous sommes persuadés que le dispositif aura davantage de visibilité dès lors qu’il sera généralisé, d’autant que le nombre de QPV concernés va passer de 194 à 740 à partir de 2020.

S’agissant des freins et des blocages, Madame Pinel, j’ajoute à ce que je viens de dire que nous allons faire plus de communication et que l’extension du dispositif permettra de lui donner davantage d’écho. Il faut continuer à travailler sur le terrain. J’organise des réunions publiques dans mon département avec la chambre de commerce et d’industrie, Pôle emploi et les associations : nous réunissons des jeunes pour les informer de l’existence de ce dispositif et il y a des contacts, à l’issue de la réunion, avec les entrepreneurs présents. C’est aussi l’implication des élus sur le terrain qui permettra au dispositif d’être de plus en plus connu.

J’espère avoir répondu à toutes les interrogations.

M. Thibault Bazin. Vous avez dit, en inversant ma question, que tous les établissements REP sont dans des QPV. Mais il existe des établissements dont une majorité d’élèves habitent dans un QPV mais qui ne sont pas pour autant classés REP ou REP +. Il faut donc se poser la question de la cohérence des zonages suivis par nos politiques publiques – en matière de politique de la ville comme en matière éducative, économique et de sécurité. Il faudra aligner ces différents dispositifs pour arriver à être efficace.

Par ailleurs, vous n’avez pas répondu à ma question relative à la mixité en matière de logement. C’est un véritable défi. Je ne suis pas sûr qu’on ait forcément toutes les réponses : il faut travailler sur ce sujet. Si l’on n’offre pas de la mixité dans le cadre de parcours résidentiels au sein des quartiers, on risque de rater leur déghettoïsation.

M. Patrice Anato, rapporteur pour avis. Je suis tout à fait d’accord avec l’idée d’une mise en cohérence, mais peut-être pas avec celle d’un alignement systématique : les réalités peuvent être différentes selon les quartiers. Il faut regarder la question de près, afin d’intégrer progressivement dans le dispositif que vous évoquez tous les quartiers qui nécessitent de l’être.

La commission aborde ensuite les crédits de la mission « Cohésion des territoires ».

Article 38 et État B

La commission examine l’amendement II-CE47 de M. Jean-Louis Bricout.

Mme Marie-Noëlle Battistel. L’amendement II-CE47 vise à geler la baisse des APL prévue dans le cadre de la réduction du loyer de solidarité (RLS), à hauteur de 1,3 milliard d’euros, et à orienter les crédits correspondants vers la transition énergétique dans le parc de logements sociaux.

Selon le Fonds d’épargne de la Caisse des dépôts et consignations, la France compte 4,6 millions de logements sociaux, dont 980 000 sont énergivores, autrement dit classés E, F et G dans leur diagnostic de performance énergétique. 370 000 sont des « passoires énergétiques », classés F ou G – j’ai présenté ce matin un rapport pour avis qui portait plus particulièrement sur ce sujet.

Nous avons adopté le projet de loi relatif à l’énergie et au climat, qui renforce les objectifs à suivre en matière de transition énergétique et prévoit notamment la neutralité carbone pour le parc de logements à l’horizon 2050. C’est un engagement majeur puisque le logement représente 25 % de la consommation énergétique nationale.

Afin d’accompagner les bailleurs sociaux, dont les capacités financières ont été fortement contraintes par l’application de la RLS depuis 2018, nous proposons que les travaux de rénovation énergétique réalisés par ces acteurs soient déduits du montant de la RLS qu’ils doivent appliquer.

Le coût de cet amendement est facialement de 1,3 milliard d’euros, mais il sera en réalité pondéré par le fait que la RLS ne sera pas « amortie » à 100 % par un montant équivalent de travaux et qu’il y aura de substantielles recettes fiscales supplémentaires grâce à ces travaux. Le coût sera bien inférieur à 1,3 milliard d’euros.

Mme Stéphanie Do, rapporteure pour avis. Votre amendement vise à prélever 1,3 milliard d’euros sur les crédits relatifs à l’hébergement, au parcours vers le logement et à l’insertion des personnes vulnérables pour les orienter vers la transition énergétique dans le parc social, afin que les travaux réalisés en la matière soient déduits de la RLS consentie par les bailleurs sociaux.

J’émets un avis défavorable à cet amendement d’appel. Le dispositif de la RLS est désormais stabilisé : son niveau a fait l’objet d’une concertation avec les acteurs du logement social, et je crois qu’il faut s’y tenir. Par ailleurs, le coût de la RLS est largement compensé par des mesures d’accompagnement que je décris dans mon rapport et qui ont été saluées par les bailleurs. Enfin, des dispositifs spécifiques existent déjà pour accompagner la rénovation énergétique des logements sociaux – une ligne budgétaire de 600 millions d’euros est notamment prévue pour les éco-prêts.

Mme Marie-Noëlle Battistel. Il n’a échappé à personne que les règles de la recevabilité financière nous obligent à proposer des ponctions sur d’autres programmes… Nous souhaitons évidemment que le Gouvernement lève le gage afin de ne pas pénaliser le programme 177.

La commission rejette l’amendement.

Elle est ensuite saisie de l’amendement II-CE64 de Mme Marie-Noëlle Battistel.

Mme Marie-Noëlle Battistel. La performance énergétique du parc social est bien meilleure que celle du parc privé, mais la fragilisation du modèle financier des bailleurs sociaux, notamment en raison de la hausse de la réduction des loyers de solidarité, pourrait réduire leur capacité à investir dans la rénovation de leur parc. Il est indispensable de poursuivre et d’amplifier l’action de ces acteurs en matière de rénovation énergétique. C’est pourquoi nous proposons qu’une partie de l’économie réalisée par l’État grâce à la « contemporanéisation » des APL, estimée à 1,2 milliard d’euros, soit utilisée pour la rénovation énergétique du parc social.

Comme il n’est pas possible d’affecter le résultat d’une économie de dépenses pour augmenter d’autres crédits, l’amendement II-CE64 tend à réaliser une ponction sur le programme 147, en attendant que le Gouvernement lève le gage, afin d’augmenter les crédits du Fonds national des aides à la pierre (FNAP), qui est notamment chargé de contribuer au financement des opérations d’amélioration du parc de logements locatifs sociaux appartenant aux organismes d’habitations à loyer modéré (HLM), aux sociétés d’économie mixte (SEM) et aux organismes bénéficiant de l’agrément relatif à la maîtrise d’ouvrage. Ce serait une mesure très incitative pour les bailleurs.

Mme Stéphanie Do, rapporteure pour avis. Cet amendement s’apparente au précédent, bien que son impact budgétaire soit plus modeste. Pour les mêmes raisons que tout à l’heure, j’émets un avis défavorable.

M. Thibault Bazin. C’est un appel qui est lancé. Le fait que vous ne l’entendiez pas, alors qu’il est légitime, me préoccupe. Vous n’avez pas répondu à la question qui se pose pour les bailleurs sociaux du fait de la « contemporanéisation » des APL. Il y a un risque de manque de solvabilité des ménages : ils ne connaîtront pas vraiment leur loyer puisque l’APL va varier, ce qui entraînera une augmentation des impayés et un problème de trésorerie pour les bailleurs, déjà mis à mal : les réformes structurelles que vous avez engagées ont réduit leurs capacités d’investissement.

L’amendement qui nous est proposé permettrait de créer un cercle vertueux : on aiderait, à travers les travaux énergétiques, à réduire les charges des ménages et à améliorer le confort thermique. Ce serait donc une logique « gagnant-gagnant ». Le cercle dans lequel vous vous inscrivez est, au contraire, « perdant-perdant » : il y a moins d’investissement et les charges ne baissent pas – le coût de l’énergie augmente, au contraire, pour les particuliers. Il faut s’attaquer au cœur du problème en rétablissant une capacité d’investissement en faveur de la rénovation thermique dans les logements aidés.

M. Jean-Louis Bricout. Je suis d’accord avec ce qui vient d’être dit. La baisse des APL réduit le reste à vivre pour les familles, et il serait bon d’investir dans des travaux portant sur la performance énergétique des logements. Les passoires thermiques sont un vrai problème. Par ailleurs, les investissements réalisés dans ce domaine ont une importance pour l’économie locale, et cela permettrait de redonner un peu de pouvoir d’achat à des gens à qui vous allez en faire perdre avec la réforme des APL.

Mme Stéphanie Do, rapporteure pour avis. Le versement en temps réel ne signifie pas une baisse des APL, mais seulement une adaptation de leur montant à la situation de l’allocataire.

M. Thibault Bazin. Je ne voudrais pas être vulgaire, mais il ne faut pas prendre les Français pour…

M. Jean-Baptiste Moreau. Pour des canards sauvages ! (Sourires).

M. Thibault Bazin. Ce budget sera en baisse de 1,4 milliard d’euros, et les APL versées aux Français seront réduites d’autant. Vous diminuez, par ailleurs, les capacités d’investissement des bailleurs pour réaliser des logements nouveaux mais également réhabiliter le parc existant, sans parler des problèmes de trésorerie. Les plans d’investissement sont revus à la baisse : il suffit d’aller voir les conseils d’administration des bailleurs, notamment ceux des HLM. Les plans de rénovation des logements se réduisent, et la précarité énergétique va se poursuivre. Vous faites de grandes déclarations sur l’écologie et, « en même temps », vous diminuez les capacités de réponse à la précarité énergétique.

M. Richard Lioger. N’allons pas refaire le débat sur la loi « ELAN ». On est passé de l’aide à la personne à l’aide à la pierre : il en résulte, je vous l’accorde, une transition qui est un peu difficile. Plutôt que de verser de l’argent à des locataires qui paient ensuite leur logement social, on donne directement aux bailleurs sociaux. On ne peut pas dire que la capacité financière de ces derniers se réduit : c’est même le contraire. Grâce à Action Logement et à la Caisse des dépôts et consignations, les bailleurs sociaux vont retrouver des marges de manœuvre – et cela commence déjà à être le cas –, notamment s’ils ont une vraie politique de regroupement au sein de sociétés anonymes de coordination (SAC). Il y a effectivement un trou d’air, mais il est circonstanciel : le fait de passer d’un modèle à un autre nécessite une adaptation. Je fais confiance aux bailleurs sociaux. J’ai participé à leur congrès en septembre dernier : je pense qu’ils ont compris et qu’on est sur la bonne voie.

M. Grégory Besson-Moreau. Tout à fait.

La commission rejette l’amendement.

Elle aborde ensuite l’amendement II-CE43 de M. Jean-Louis Bricout.

M. Jean-Louis Bricout. L’amendement II-CE43 vise à majorer de 83,8 millions d’euros les crédits alloués aux APL afin de suivre le niveau de l’inflation, ce qui signifie une hausse de 1 %, alors que le PLF pour 2020 prévoit seulement 0,3 % de plus. Ce que propose le Gouvernement se traduirait, en moyenne, par une perte de 12,70 euros par an pour les bénéficiaires des APL, en plus de la réduction de 5 euros par mois décidée pendant l’été 2017, de la non-indexation des APL sur l’inflation au 1er octobre dernier et de la réévaluation forfaitaire de 0,3 % déjà appliquée en 2019. Notre amendement permettra tout simplement de préserver le pouvoir d’achat des ménages les moins favorisés.

Mme Stéphanie Do, rapporteure pour avis. La revalorisation de 0,3 % de certaines prestations sociales prévue par l’article 67 du projet de loi de finances ne concerne pas seulement les APL, et elle fait partie d’une stratégie globale pour maîtriser la hausse des dépenses publiques tout en préservant les ressources destinées aux ménages les plus modestes. Il faut aborder cette question dans une perspective d’ensemble. J’émets donc un avis défavorable.

M. Jean-Louis Bricout. Je trouve que c’est dommage. Des cadeaux ont été faits dès 2017 dans le cadre de la flat tax, le prélèvement forfaitaire unique, ce qui a conduit à l’adoption de mesures d’économies, notamment en ce qui concerne les APL et les contrats aidés, et à la mise en place de recettes nouvelles, puis à l’explosion que nous avons connue avec le mouvement des gilets jaunes. Vous avez l’occasion d’apporter une réponse, peut-être d’une façon globale, puisque vous avez souligné que cette mesure concerne aussi d’autres prestations. Une indexation sur l’inflation permettrait tout simplement de préserver le pouvoir d’achat. Vous allez le réduire pour des gens qui sont dans la nécessité.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite, en discussion commune, les amendements II-CE84 de la rapporteure pour avis et II-CE42 de M. Jean-Louis Bricout.

Mme Stéphanie Do, rapporteure pour avis. Mon amendement II-CE84 vise à émettre une alerte sur les conséquences de la suppression totale des APL « accession », qui est prévue pour 2020. Certains des acteurs que j’ai auditionnés m’ont fait part de leur étonnement : ce dispositif, peu coûteux, permet à des ménages modestes de sortir du parc social en acquérant leur propre logement, ce qui laisse des places libres et accroît la mobilité que nous appelons de nos vœux au sein de ce parc. Par ailleurs, les APL « accession » sont limitées dans le temps, et elles s’ajustent à la situation de leurs bénéficiaires. Elles favorisent aussi la réalisation du programme de vente de logements sociaux à leurs occupants. À cet égard, on sait qu’un logement vendu permet de produire au moins deux logements nouveaux.

Le coût de ce dispositif est limité : un montant de 50 millions d’euros était anticipé en 2018 pour le logement ancien. Le bilan pourrait même être positif sur le plan budgétaire : il faut tenir compte des ménages qui ne reçoivent plus les APL locatives. Le montant moyen des APL « accession » est de 150 euros par mois, contre 260 euros pour les APL locatives. Si l’on suppose que les nouveaux bénéficiaires des APL « accession » percevaient auparavant les APL locatives, il y a d’un côté une moindre dépense, qui s’élève à 93 millions d’euros par an pour 30 000 accessions à la propriété au cas où on reviendrait au système antérieur et, de l’autre côté, une dépense de 50 millions d’euros pour financer les APL « accession », dont j’ai déjà dit qu’elles ne sont versées que pour un temps limité. Cela représente donc une économie nette. Je précise que ces chiffres sont fondés sur le coût moyen des APL.

Si les bénéficiaires sont majoritairement d’anciens bénéficiaires des APL locatives, l’effet sur le budget de l’État est positif. À cela s’ajoutent des impacts sociaux bénéfiques pour les ménages qui voudraient sortir du parc HLM dans les zones tendues et un effet d’entraînement favorable à la revitalisation des zones rurales ou des villes moyennes.

Plusieurs solutions sont envisageables pour contenir le budget consacré à ce dispositif. On peut, par exemple, réserver les APL « accession » aux ménages qui bénéficiaient déjà des APL locatives.

Mon amendement tend à affecter 50 millions d’euros à l’aide à l’accès au logement dans le cadre de l’APL « accession ».

M. Jean-Louis Bricout. Notre amendement II-CE42 vient d’être parfaitement présenté. La majorité pourrait faire preuve d’un peu d’humilité : c’est elle qui a supprimé les APL « accession ». Vous étiez d’ailleurs plutôt d’accord avec nous, Madame la rapporteure, lorsque nous disions qu’il ne fallait pas le faire. Nous demandons également le rétablissement de ce dispositif, mais votre amendement est placé avant le nôtre. C’est le premier qui dit qui y est, comme on dit…

Nous avons tout intérêt à rétablir ce dispositif pour des raisons qui sont économiques et sociales, notamment si on veut développer les ventes de HLM, mais aussi financières – les APL « accession » coûtent en moyenne 155 euros par mois, contre 260 euros pour les APL locatives, et il faudrait également prendre en compte les recettes supplémentaires au titre de la TVA.

M. Thibault Bazin. Je soutiens cet amendement. Je remarque, Madame la rapporteure pour avis, que vous êtes beaucoup plus prolixe quand vous défendez vos amendements que lorsque vous vous opposez aux nôtres…

Pour reprendre ce que disait Aimé Jacquet à Robert Pirès, il va falloir muscler votre jeu (Sourires) : vous avez tenu les mêmes propos l’année dernière, mais vous avez pratiqué le retrait en en séance… J’espère que ce ne sera pas le cas cette année. Il faut y aller, vraiment.

Ce dispositif met en jeu des sommes minimes à l’échelle du budget de l’État, mais il crée un effet de levier qui permet d’assurer une véritable égalité des chances dans le cadre de parcours résidentiels.

Mme Marie-Noëlle Battistel. Si l’amendement de la rapporteure pour avis était adopté, j’imagine que le nôtre tomberait. Ces amendements ne sont pas identiques par le seul fait qu’ils ne sont pas gagés exactement de la même façon. Nous avons déposé notre amendement il y a quelques jours mais Mme Do, qui a la chance de pouvoir déposer ses amendements à la dernière minute, présente son texte avant le nôtre. Je trouve qu’elle devrait, au titre des bonnes pratiques, relier notre amendement au sien pour qu’il soit également adopté.

M. Thibault Bazin. La rapporteure pour avis pourrait aussi retirer son amendement au profit du vôtre.

Mme Valéria Faure-Muntian, présidente. En cas de discussion commune, les amendements du rapporteur viennent toujours en premier : c’est la règle.

M. Jean-Luc Lagleize. Le groupe MODEM votera en faveur de ce qui nous est proposé. Nous avions déposé le même amendement l’année dernière, et nous avions regretté que les APL « accession » soient supprimées. Ce dispositif a toutes les vertus que la rapporteure pour avis a indiquées.

Mme Sylvia Pinel. Le groupe Libertés et Territoires votera dans le même sens. Je fais partie de celles et ceux qui se sont toujours opposés à la suppression des APL « accession », et pas seulement depuis le début de cette législature. Cette idée avait pu naître, pour des raisons d’économies budgétaires, lorsque j’étais aux responsabilités. Je m’y étais fortement opposée, sachant qu’environ 35 000 personnes devenaient propriétaires chaque année grâce à ce dispositif, pour un coût assez modeste en ce qui concerne les finances publiques. Je suis ravie de voir que certains arguments qui avaient été rejetés les années précédentes sont repris aujourd’hui. La rapporteure pour avis a souligné que l’APL « accession » coûte moins cher que l’APL pour les locataires, ce qui est vrai. Nous l’avions dit les années précédentes, mais cela n’avait malheureusement pas été entendu.

Mme Stéphanie Do, rapporteure pour avis. Comme l’a rappelé M. Bazin, je défends ardemment les APL « accession » depuis 2017, et on va essayer de passer cette année.

Nos amendements diffèrent, Madame Battistel, dans la mesure où le mien propose de prélever des crédits sur le programme 147, « Politique de la ville », et le vôtre sur le programme 135, « Urbanisme, territoires et amélioration de l’habitat ».

M. Mickaël Nogal. Est-il techniquement possible de lier ces deux amendements ? La seule différence est le gage, et je crois qu’il y a un consensus sur le rétablissement des APL « accession ».

Mme Valéria Faure-Muntian, présidente. L’amendement de la rapporteure pour avis peut être cosigné, mais on ne peut pas « lier » les amendements.

Mme Sylvia Pinel. Ce que nous dit la rapporteure pour avis à propos des gages, depuis le début, n’est pas très sérieux : nous savons tous qu’il faut gager les amendements pour passer le filtre de la recevabilité et que, si les amendements sont adoptés, le Gouvernement lève le gage en séance. Un peu de bonne volonté de votre part serait bienvenue, Madame Do.

Mme Valéria Faure-Muntian, présidente. Il y a une difficulté sur le plan légistique : on ne peut pas adopter ces amendements en même temps, car ils n’ont pas le même gage.

Mme Marie-Noëlle Battistel. Notre amendement est déposé depuis plusieurs jours, Madame la rapporteure pour avis : il aurait quand même été très facile de gager le vôtre de la même façon – le gage n’est qu’une sorte d’artifice. Les amendements auraient ainsi été identiques et on aurait pu les adopter ensemble. Je n’ose pas imaginer que la différence de gage est volontaire… En tout cas, il serait bien que l’on trouve une solution. C’est un sujet sur lequel nous travaillons depuis longtemps, et il serait un peu dommage que ce ne soit pas reconnu.

Mme Valéria Faure-Muntian, présidente. Vous aurez la possibilité de redéposer votre amendement en commission des finances, puisque nous ne sommes saisis que pour avis, même si cela compte. Ces deux amendements pourront ainsi être adoptés en même temps.

M. Thibault Bazin. Ce n’est pas possible, car la commission des finances se réunit demain : il aurait fallu déposer l’amendement plus tôt.

Mme Valéria Faure-Muntian, présidente. Dans ce cas, l’amendement pourra être redéposé en séance.

M. Jean-Louis Bricout. Mme la rapporteure pour avis pourrait retirer son amendement au profit du nôtre, tout simplement – et cosigner notre amendement.

M. Mickaël Nogal. Il y a des rapporteurs de la majorité et d’autres de l’opposition. Notre rapporteure va défendre la position de la commission des affaires économiques, et je ne doute pas qu’elle rappelle demain, devant la commission des finances, qu’il y a un consensus autour de l’amendement qui va être adopté par notre commission. Je ne suis pas certain qu’il soit utile de pousser plus loin la discussion. Nous avons pris la parole, les uns et les autres, pour dire que nous sommes d’accord pour rétablir les APL « accession ». C’est la position qui sera défendue par notre rapporteure pour avis, au-delà des clivages qui peuvent exister. Ne peut-on pas cosigner l’amendement de Mme Do, puisqu’elle est notre rapporteure pour avis, et adopter tous ensemble cet amendement ?

Mme Valéria Faure-Muntian, présidente. Je rappelle, en outre, que tous les amendements que nous adoptons deviennent, devant la commission des finances, qui est saisie au fond, des amendements de notre commission : il n’y a plus de noms particuliers sur les amendements. Il est dommage d’avoir un tel débat alors que la commission est unanime sur cette question.

M. Fabien Di Filippo. Il ne faudrait pas qu’il y ait une deuxième délibération à 3 heures 30 du matin (Sourires).

Les deux amendements ne sont pas identiques : l’argent doit venir de quelque part – et cette majorité va être celle qui fait passer la dette de la France au-delà de 100 % du PIB. Ces deux amendements ont une approche différente, et on ne peut pas présumer que le Gouvernement lèvera le gage. S’il faut choisir, je préfère retirer des crédits à la politique de la ville, déjà très richement dotée, compte tenu de ses résultats, plutôt qu’à celle de l’amélioration de l’habitat. Je suis plutôt favorable, à titre personnel, à l’amendement de la rapporteure pour avis.

Mme Marie-Noëlle Battistel. Cette affaire paraît totalement technique : nous sommes tous d’accord sur le fond, ce qui est déjà une belle avancée, que l’on peut saluer. Mais il y a aussi la question de la reconnaissance de ceux qui travaillent sur ce sujet depuis un certain nombre d’années – et ils ne se résument pas à Mme Do. Nous avons déposé notre amendement le 16 octobre, et la rapporteure pour avis a déposé le sien le 22 octobre. Elle pouvait le gager exactement de la même façon que le nôtre : elle savait pertinemment quelle serait l’issue si les amendements n’étaient pas identiques. Je trouve qu’il faudrait faire un geste permettant d’adopter un amendement collectif, ou bien retenir le nôtre.

Mme Stéphanie Do, rapporteure pour avis. Je voudrais juste préciser que je dépose rigoureusement le même amendement depuis 2017 : je n’ai rien changé.

La commission adopte l’amendement II-CE84.

En conséquence, l’amendement II-CE42 tombe.

La commission examine ensuite l’amendement II-CE45 de M. Jean-Louis Bricout.

M. Jean-Louis Bricout. L’amendement II-CE45 vise à favoriser la construction dans les zones tendues en permettant aux communes de bénéficier d’une aide allant de 1 500 à 2 000 euros par logement si un effort de construction supérieur à 1 % du parc existant est réalisé. Cela aidera à créer les équipements publics et les infrastructures nécessaires à l’accueil de nouveaux habitants. Cet amendement permettra aussi d’améliorer, ou d’apaiser, les relations entre le Gouvernement et les maires au moment où l’on retire à ces derniers la taxe d’habitation.

Mme Stéphanie Do, rapporteure pour avis. Cet amendement vise à rétablir l’aide aux maires bâtisseurs, supprimée par le Gouvernement parce qu’elle défavorisait certains territoires. Celui-ci a toutefois mis en place des outils efficaces d’encouragement à la construction, notamment en faveur du parc social. Les dispositifs de droit commun s’appliquent pour accompagner les municipalités ; si de nouvelles mesures devaient être décidées, elles ne pourraient être que le fruit d’une concertation postérieure aux prochaines élections municipales… Avis défavorable.

Mme Sylvia Pinel. Je soutiendrai cet amendement visant à rétablir le dispositif d’aide aux maires bâtisseurs que j’avais créé. Contrairement à ce que vient de dire Mme la rapporteure pour avis, tous les maires qui en bénéficiaient avant 2017 en étaient très satisfaits. L’accueil de nouvelles populations à la suite d’un effort de construction induit des dépenses de construction d’équipements publics : ce dispositif était donc incitatif dans les communes en tension. De plus, la charge pour les finances publiques n’est pas énorme. Enfin, cela permettrait de retisser des liens de confiance avec les élus locaux.

M. Thibault Bazin. Dans mon département, la commune de Saint-Max, en zone très tendue, n’a pratiquement pas de foncier. Le maire bâtisseur, encouragé par ce dispositif, consacre beaucoup d’énergie à la recomposition de chaque friche, au détriment d’autres projets. Alors qu’elles peuvent être sanctionnées si elles n’atteignent pas tel taux de logement social, les communes ont besoin de mécanismes accompagnateurs pour financer les études et travailler sur le foncier, qui reste le nerf de la guerre pour créer des logements et répondre ainsi aux besoins de nos compatriotes.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle examine l’amendement IICE46 de M. Jean-Louis Bricout.

M. Jean-Louis Bricout. L’objet de cet amendement est d’augmenter les aides à la pierre pour retrouver le niveau de 2018, avec 38,8 millions d’euros supplémentaires.

Mme Stéphanie Do, rapporteure pour avis. Le présent amendement vise à rétablir la contribution de l’État au financement du Fonds national des aides à la pierre (FNAP). La cotisation de l’État a en effet fortement diminué, et sera nulle en 2020. Toutefois, les ressources du FNAP correspondent aux besoins effectivement consommés. Il disposera en 2020 d’une contribution de 350 millions d’euros d’Action Logement, de 75 millions d’euros provenant des bailleurs sociaux et de 25 millions d’euros au titre de la majoration prévue par la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbain (SRU). La diminution des crédits budgétaires a été compensée par la taxe sur les plus-values des ventes de logements sociaux instaurée lors de la loi de finances pour 2018. Enfin, l’État ne se désengage pas du FNAP, cinq des quinze membres du conseil d’administration étant ses représentants ; de plus, les services du ministère de la cohésion des territoires en assurent le secrétariat. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Elle se saisit ensuite de l’amendement IICE44 de M. Jean-Louis Bricout.

Mme Marie-Noëlle Battistel. Le présent amendement a pour objet de renforcer de 10 millions d’euros les moyens dévolus à l’Agence nationale de l’habitat (ANAH) afin de lui permettre de verser des subventions aux bailleurs sociaux pour cofinancer les travaux au bénéfice des personnes en situation de handicap. Ce coup de pouce est nécessaire en raison du retard pris dans l’adaptation des logements.

Mme Stéphanie Do, rapporteure pour avis. Le budget de l’ANAH consacré à l’autonomie a été multiplié par deux en 2019 afin d’atteindre un objectif de financement de 30 000 logements adaptés. Son programme « Habiter facile » est spécifiquement destiné au cofinancement des travaux d’adaptation des logements aux personnes en situation de handicap.

Par ailleurs, le groupe Action Logement mobilise 1 milliard d’euros pour adapter les salles d’eau au vieillissement, avec un objectif de transformation de 200 000 douches sur les territoires. Ces aides sont ouvertes aux salariés se retrouvant en situation de perte d’autonomie. Votre amendement me semble donc satisfait. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle en vient à l’examen de l’amendement IICE73 de M. Jean-Luc Lagleize.

M. Jean-Luc Lagleize. Les friches urbaines, qu’elles soient industrielles ou commerciales, représentent du foncier disponible mais plutôt cher et compliqué à réhabiliter. De ce fait, dans les zones tendues, on artificialise du sol pour construire un peu plus loin, sans se préoccuper des friches urbaines, pourtant extrêmement intéressantes.

Ainsi, une friche de cinquante-cinq hectares située en plein centre de Toulouse, entre deux stations de métro, est à l’abandon depuis vingt ans, le ministère des armées ne la vendant pas. En dépit d’un premier projet de protocole signé entre Mme Cosse et le maire de l’époque, cette friche n’est toujours pas la propriété de Toulouse Métropole en raison de l’existence d’une pollution. Toutes les friches connaissent ce problème : neuf fois sur dix, les projets de cession capotent en raison du coût financier de la dépollution, généralement à la charge du vendeur.

J’ai donc proposé au ministère, dans le rapport que je lui remettrai officiellement dans une semaine, de créer un fonds national de contribution à la dépollution, qui pourrait cofinancer à hauteur de 30 % ou 50 % les dépollutions des friches.

Mme Stéphanie Do, rapporteure pour avis. Vote amendement me donne l’occasion de saluer le travail que vous conduisez à la demande du Premier ministre. Vous déposez une série d’amendements visant à traduire dans le projet de loi de finances certaines des propositions que vous formulerez prochainement. Dans leur ensemble, il s’agit de mesures intéressantes. J’observe cependant que vous n’avez pas encore remis votre rapport au Premier ministre ; nous n’avons donc pas pu prendre connaissance de l’ensemble des mesures qu’il préconise.

Le présent amendement vise à financer la création d’un fonds national pour la dépollution des friches industrielles. En l’état, je demande le retrait de cet amendement pour plusieurs raisons : l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie conduit déjà des actions d’accompagnement à la dépollution de friches ; il revient fondamentalement aux responsables de la pollution de prendre en charge les frais de dépollution, ou bien, dans certaines conditions et si les parties s’accordent, à l’aménageur de se substituer au vendeur ; enfin, notre commission mettra en place, bientôt, une mission d’information, commune avec la commission du développement durable, sur la revitalisation des friches industrielles et sera certainement amenée à aborder de façon générale le sujet de la dépollution des friches. Je propose d’attendre ses conclusions. Demande de retrait.

M. Mickaël Nogal. J’ai pris connaissance d’une partie du travail réalisé par notre collègue Lagleize : je tiens à le saluer car ses propositions étaient très attendues. La question du foncier avait été un peu mise de côté lors de l’examen de la loi ELAN. J’ai donc hâte que M. Lagleize présente son rapport devant la commission car ses préconisations sont pertinentes. Certaines doivent être retranscrites dans le projet de loi de finances, raison pour laquelle je voterai pour ses amendements ; j’invite mes collègues à faire de même. Les autres mesures, certaines d’ordre réglementaire, seront traitées dans un second temps.

Mme Sylvia Pinel. Je veux saluer le travail de notre collègue, Jean-Luc Lagleize, qui mène une mission sur un sujet éminemment complexe. Si nous avions toutes les solutions, ces sujets auraient été traités depuis bien longtemps !

Je veux dire l’intérêt que je vois à son amendement : la question de la dépollution des friches, notamment en cœur de ville, est essentielle. Il est important de ne pas laisser passer l’occasion de ce débat budgétaire et d’adopter des mesures opérationnelles et efficaces : ne nous privons pas des outils évoqués par notre collègue !

À ce sujet, je souhaite savoir comment ce fonds s’articulerait avec les missions de l’Établissement public national d’aménagement et de restructuration des espaces commerciaux et artisanaux (ÉPARECA). Les friches commerciales peuvent elles aussi être polluées, par la présence d’amiante dans les toits des bâtiments commerciaux, par exemple. Comment avez‑vous imaginé l’articulation avec d’autres outils tels que les établissements publics fonciers (EPF) ? Cet aspect devrait être pris en compte car cela a des conséquences budgétaires pour les EPF.

Mme Marie-Noëlle Battistel. Je veux à mon tour soutenir cet amendement et saluer le travail de notre collègue. Je lui conseille fortement de ne pas suivre la demande de retrait de la rapporteure afin que nous puissions voter son amendement ! Même si le rapport n’a pas encore été rendu, la commission peut prendre position et être force de proposition. Puisque nous sommes majoritairement d’accord, ne nous privons pas de cette opportunité de faire avancer ce sujet éminemment complexe.

M. Jean-Luc Lagleize. Je voudrais présenter mes excuses à Mme la rapporteure : il eût été effectivement logique que je remette le rapport d’abord au Premier ministre, puis à la commission des affaires économiques. Nous aurions ensuite pu en tirer un certain nombre de projets de loi classiques, puis inscrire des mesures nouvelles dans le projet de loi de finances – et nous serions arrivés en 2021… Je suis confus d’avoir pris trois semaines de vacances cet été, ce qui m’a empêché de remettre mon rapport au mois de septembre. Je vais donc le remettre dans une semaine !

Parmi les quarante-cinq mesures de ce rapport, certaines sont d’ordre budgétaire, d’autres sont moins abouties. Concernant la loi Pinel, je propose des ajustements pour la rendre plus efficace et plus pérenne. D’autres éléments feront l’objet d’une proposition de loi qui sera examinée dans le cadre de la niche parlementaire du groupe MODEM, le 28 novembre ; le rapport sera alors largement connu. Nous devons aussi tenir compte du calendrier législatif. Même si tout n’est pas présenté dans l’ordre, nous avançons dans la bonne direction.

Mme Stéphanie Do, rapporteure pour avis. Monsieur Lagleize, à la suite de vos explications, j’émets finalement un avis favorable à votre amendement.

La commission adopte l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement IICE72 de M. Jean-Luc Lagleize.

M. Jean-Luc Lagleize. Il faut éviter de gâcher du foncier et d’artificialiser les sols autour de nos communes. Dans les zones tendues, il y a beaucoup de fonciers disponibles, que l’on ne voit pas parce qu’il est aérien : il s’agit du foncier sur les toits des immeubles. Une grande majorité des immeubles est construite en dessous du seuil de constructibilité du plan local d’urbanisme (PLU). Il est donc possible de surélever les immeubles d’un, deux ou trois étages, si les fondations le permettent. C’est ce foncier disponible et quasiment gratuit – pas tout à fait, parce qu’il faut céder des droits à construire – que je propose au moins de recenser ; pour ce faire, il faut lancer des appels à manifestation d’intérêt.

Si un bailleur social a besoin de construire, il construira sur un terrain nu parce que c’est plus simple : il ne cherchera pas à surélever ses immeubles. Cela lui permettrait pourtant de vendre les appartements ainsi construits, de créer de la mixité sociale et de récupérer de l’argent sans avoir besoin d’emprunter pour faire de la rénovation énergétique. Il en va de même dans les copropriétés. Le présent amendement a donc pour objet de lancer des appels à manifestation d’intérêt auprès des trois types de propriétaires que sont les copropriétés, les sociétés foncières et les bailleurs sociaux.

Mme Stéphanie Do, rapporteure pour avis. Avis favorable.

M. Thibault Bazin. Cet amendement est très intéressant. J’ai passé dix ans à rechercher des friches pour densifier davantage. Mais ce n’est pas sans poser problème, notamment pour les locaux commerciaux, les supérettes ou les stations-service de plain-pied, au-dessus desquels nous pourrions construire. L’obtention du permis de construire pose en effet problème, certaines règles, environnementales et techniques, avec des mixités d’usages, se conjuguant parfois mal. Il faut donc imaginer des permis de construire à tiroirs, y compris dans le temps si l’activité commerciale doit se poursuivre ou déménager. Cela suppose également une adaptation du code de l’urbanisme. Il serait peut-être intéressant, d’ici à la séance, de mener une réflexion de fond sur les blocages observés lorsque l’on essaye de monter des projets.

M. Jean-Luc Lagleize. Cette dernière proposition n’entrant pas dans le champ de la loi de finances, je ne l’ai pas présentée ici mais nous y avons effectivement pensé. Cela étant, ce n’est pas parce que l’on repère du foncier aérien que celui-ci sera obligatoirement constructible : des études devront être menées. L’appel à manifestation d’intérêt porte également sur le cofinancement des études par les copropriétés, les bailleurs sociaux et les sociétés immobilières qui le voudront bien.

M. Mickaël Nogal. Lors de l’examen de la loi ELAN, un consensus avait été trouvé sur un bonus de constructibilité de 30 % en cas de transformation de bureaux en logements, afin de rendre attractives ces opérations qui sont techniquement très compliquées. Les premiers verrous vont sauter : je salue donc votre proposition. Nous voterons pour cet amendement.

La commission adopte l’amendement.

Elle se saisit ensuite de l’amendement II-CE67 de M. Jean-Luc Lagleize.

M. Jean-Luc Lagleize. L’augmentation souvent délirante des prix du foncier s’explique aussi par l’opacité totale des transactions. L’absence d’information concernant les prix et les besoins en foncier rend le marché peu fluide. Nous proposons donc de créer, dans toutes les zones tendues, des observatoires du foncier chargés de recenser systématiquement les prix. Ils viendront en appui des maires pour déterminer les zones où des améliorations sont nécessaires, établir des prix cibles, définir les zones où il faudra préempter. Lille et Nantes disposent déjà d’observatoires de ce genre, mais d’autres communes n’ont aucune culture du foncier, ou bien développent de très gros programmes sans la moindre organisation. Les communes en zones tendues disposeraient d’une année pour indiquer comment elles entendent procéder, par exemple via une agence d’urbanisme ou un EPF. Il s’agit d’un simple appel à manifestation d’intérêt : le but est qu’elles s’organisent localement, sans que l’État leur impose quoi que ce soit.

Mme Stéphanie Do, rapporteure pour avis. Avis très favorable.

La commission adopte l’amendement.

Puis elle examine l’amendement II-CE71 de M. Jean-Luc Lagleize.

M. Jean-Luc Lagleize. Le présent amendement vise à développer ces outils formidables que sont les établissements publics fonciers (EPF), qu’ils soient d’État ou locaux. L’objectif est de faire en sorte que, dans toutes les zones tendues, il existe au moins un établissement public foncier local ou un établissement public foncier d’État. Les EPF sont utilisés par les collectivités locales pour acheter des terrains ; nous proposons qu’ils exercent également des compétences complémentaires, comme la mise en place d’une politique foncière et de préemption.

Mme Stéphanie Do, rapporteure pour avis. Je vous invite à poursuivre les discussions avec le Gouvernement. En l’état, je souhaite le retrait de cet amendement.

M. Thibault Bazin. Je ne comprends pas toujours la position de Mme la rapporteure ; j’imagine qu’elle apportera des réponses plus précises en séance. Pour ma part, je m’interroge surtout sur le montant : avec 1 million d’euros, on ne pourra pas traiter beaucoup de friches ! Cela pose un vrai problème de trésorerie aux EPF.

M. Jean-Luc Lagleize. Comme la commission ne fait qu’émettre un avis, je vais répondre au souhait de Mme la rapporteure.

L’amendement IICE71 est retiré.

La commission examine ensuite l’amendement IICE68 de M. Jean-Luc Lagleize.

M. Jean-Luc Lagleize. Il existe aujourd’hui soixante-dix-neuf bases de données contenant des informations partielles sur le foncier. Or il est extrêmement compliqué de connecter toutes ces données pour obtenir une information complète. Nous proposons donc de mettre en place une mission de préfiguration pour harmoniser l’information et créer une base de données au niveau national. Cette mesure n’a pas encore été présentée au Gouvernement – je le précise pour que Mme la rapporteure se sente parfaitement à l’aise ! (Sourires.)

Mme Stéphanie Do, rapporteure pour avis. J’émets le même avis que pour l’amendement précédent : demande de retrait.

M. Jean-Luc Lagleize. Ma réponse sera donc la même.

L’amendement IICE68 est retiré.

La commission en vient à l’examen de l’amendement IICE70 de M. Jean-Luc Lagleize.

M. Jean-Luc Lagleize. Dans ma pratique d’élu local, j’ai pu me rendre compte que nombre de mes confrères – maires, vice-présidents de métropole, présidents de commission d’aménagement foncier – n’avaient pas une vraie culture du foncier. Il existe un véritable besoin de formation et d’appropriation de ces outils par ces élus. Ceux-ci ne peuvent s’appuyer uniquement sur leurs services techniques, lesquels sortent parapluie, ceintures et bretelles en leur conseillant systématiquement de passer par des enchères publiques, qui multiplient par trois le prix des terrains. Il s’agit donc de proposer des formations à l’ensemble des élus gérant l’urbanisme, l’habitat et le foncier. Ces formations doivent se faire au niveau national, afin que cette culture infuse.

Mme Stéphanie Do, rapporteure pour avis. Il s’agit là d’une proposition très intéressante : je vous invite à poursuivre les discussions avec le Gouvernement d’ici la séance. En effet, en l’état, des dispositifs budgétaires et réglementaires existent, et cela ne justifie pas d’amendement au projet de loi de finances.

Mme Anne-Laurence Petel. Des groupes de travail travaillent actuellement sur la lutte contre l’artificialisation des sols, notamment dans le cadre de l’objectif « zéro artificialisation nette ». La formation des élus est aussi au cœur de cette réflexion : je suis donc tout à fait favorable au développement d’une culture non seulement du foncier, mais aussi de l’aménagement, afin que ce sujet soit abordé par les élus comme un enjeu d’aménagement du territoire, et non seulement sous l’angle financier.

Je souligne également la nécessité d’accoutumer les élus à la séquence « éviter, réduire, compenser », qui n’est pas vraiment connue par les adjoints à l’urbanisme. Cela est nécessaire si l’on veut éviter de consommer du foncier. Cet aspect de la pédagogie est très important : nous devrions travailler ensemble à la définition des formations destinées aux élus.

M. Jean-Luc Lagleize. C’est exactement dans ce sens que j’ai rédigé l’amendement. J’ai été glacé d’effroi en entendant un adjoint à l’urbanisme d’une très grande métropole de France, lors de son audition, dire qu’il n’avait aucune politique foncière : c’est à la suite de cela que nous avons décidé qu’il fallait faire quelque chose. Nous avons rencontré des gens qui avaient une vision pour le foncier de leur territoire, tandis que d’autres n’en avaient pas : c’est extrêmement disparate. Nous devons donc travailler ensemble sur ce sujet. L’objectif de cet amendement était de vous sensibiliser à cette question.

L’amendement IICE70 est retiré.

Suivant l’avis favorable des rapporteurs, la commission émet un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Cohésion des territoires ».

Après l’article 75

La commission examine l’amendement IICE74 de M. Mickaël Nogal.

M. Mickaël Nogal. La loi ELAN avait permis aux offices publics de l’habitat (OPH) d’émettre des titres participatifs. Cette nouvelle possibilité est particulièrement adaptée aux OPH, qui ne peuvent recourir à des capitaux privés en raison de leur statut d’établissement public, contrairement aux organismes d’habitations à loyer modéré, lesquels disposent d’actionnaires.

Cet amendement a pour objet de permettre aux collectivités territoriales et à leurs groupements compétents en matière d’habitat de souscrire à des titres participatifs émis par les offices publics de l’habitat. Pour leur ouvrir cette possibilité, il est nécessaire d’introduire une dérogation à l’obligation de dépôt de leurs fonds au Trésor : tel est l’objet de cet article additionnel.

Mme Stéphanie Do, rapporteure pour avis. Monsieur Nogal, vous avez parfaitement défendu votre amendement : avis favorable.

La commission adopte l’amendement.

 

 

 

 


—  1  —

   LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉes

Action Logement

M. Bruno Arcadipane, président

M. Jean-Baptiste Dolci, vice-président

M. Bruno Arbouet, directeur général

Mme Valérie Jarry, directrice des relations institutionnelles

Agence nationale de contrôle du logement social (ANCOLS)

M. Pascal Martin-Gousset, directeur général

Caisse de garantie du logement locatif social (CGLLS)

M. Denis Burckel, directeur général

M. Philippe Hourez, secrétaire général

Cour des comptes

M. Philippe Hayez, président de section

M. Denis Berthomier, conseiller maître, responsable du secteur Logement, Ville, Territoires

M. Philippe-Pierre Cabourdin, conseiller maître, rapporteur général de l’enquête sur les dépenses fiscales en faveur du logement

Mme Clothilde Fretin-Brunet, rapporteure extérieure, rapporteure de la NEB Cohésion de territoires

Union sociale pour l’habitat (USH) *

Mme Marianne Louis, directrice générale

M. Christophe Canu, direction des études économiques et financières

Mme Francine Albert, conseillère pour les relations avec le Parlement

Confédération Nationale du Logement (CNL)

Mme Jocelyne Herbinski, secrétaire confédérale en charge du pôle Habitat

M. Nicolas Lemoine, chargé de mission

Fédération des entreprises publiques locales

M. Pierre de la Ronde, responsable du département logement et développement économique

M. Serge Contat, directeur général de la RIVP


Fédération française du bâtiment (FFB)

M. Jacques Chanut, président

M. Loïc Chapeaux, directeur des affaires économiques

M. Benoît Vanstavel, directeur des relations institutionnelles

Fondation Abbé Pierre

M. Manuel Domergue, directeur des études

Direction générale de l’énergie et du climat (DGEC)

M. Laurent Michel, directeur général de l’énergie et du climat

Fonds d’épargne de la Caisse des dépôts et consignations (CDC)

Mme Marie Ordas-Monot, responsable des partenariats, référente experte logement à la direction des prêts de la Banque des Territoires

Mme Giulia Carré, chargée de relations institutionnelles

M. Adil Taoufik, conseiller relations institutionnelles

Caisse nationale des allocations familiales (CNAF)

Mme Isabelle Sancerni, présidente du conseil d’administration

M. Vincent Mazauric, directeur général

M. Frédéric Marinacce, directeur général délégué, chargé des politiques familiales et sociales

Mme Patricia Chantin, responsable des relations parlementaires

Délégation interministérielle pour l’hébergement et l’accès au logement (DIHAL)

M. Sylvain Mathieu, délégué interministériel pour l’hébergement et l’accès au logement

Mme Marie Rombaldi, adjointe du délégué interministériel, directrice du pôle hébergement logements

Direction générale de l’aménagement, du logement et de la nature (DGALN) du Ministère de la cohésion des territoires – Direction de l’habitat, de l’urbanisme et des paysages (DHUP)

M. François Adam, directeur de l’habitat, de l’urbanisme et des paysages

M. Benoit Ameye, adjoint à la sous-directrice FE

M. Louis de Franclieu, chef de bureau FE2

M. Arnaud Mathieu, adjoint à la sous-directrice FE

Mme Cécilia Berthaud, sous-directrice FE

M. Olivier Morzelle, sous-directeur des Politiques de l’Habitat

Fédération des promoteurs immobiliers (FPI) *

Mme Alexandra Francois-Cuxac, présidente

M. Laurent Tirot, vice-président

M. Alexis Rouque, délégué général

Mme Anne Peyricot, directrice de cabinet et des relations institutionnelles

Ministère de l’action et des comptes publics  Direction du budget   bureau Logement

M. Pascal Lefèvre, chef de bureau du logement de la ville et des territoires

Mme Alicia Saoudi, adjoint au chef du bureau logement de la ville et des territoires

M. Colin Thomas, adjoint au chef du bureau logement de la ville et des territoires

Agence nationale de l’habitat (ANAH)

M. Grégoire Frèrejacques, directeur général adjoint

M. Martin Lagane, directeur du Pôle communication, coordination et relations institutionnelles

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le registre de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale.

 


([1]) Et, pour des raisons techniques, au mois de juillet pour ceux relevant de la Mutualité sociale agricole (MSA)