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N° 2298

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 10 octobre 2019.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES
SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2020 (n° 2272)

TOME XI

INVESTISSEMENTS DAVENIR

 

PAR Mme Typhanie degois

Députée

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 Voir les numéros : 2272 et 2301 (Tome III, annexe 15).

 

 


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  SOMMAIRE

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Pages

introduction

PREMIèRE PARTIE : ANALYSE BUDGéTAIRE

I. Présentation générale des crédits de la mission

A. La mission « Investissements davenir » dans le projet de loi de finances pour 2020

B. Le programme 422 : « Valorisation de la recherche »

C. Le programme 423 : « Accélération de la modernisation des entreprises »

II. PRéSENTATION DU SECRéTARIAT GÉNÉRAL POUR Linvestissement ET DES OPéRATEURS DU PIA

A. LE Sécretariat général pour linvestissement

B. Les opérateurs du pia

SECONDE PARTIE : ANALYSE THÉMATIQUE

I. LE PROGRAMME DINVESTISSEMENTS DAVENIR : Des résultats positifs, des dispositifs perfectibles

A. Le PIA, un programme original et dynamique qui a su évoluer tout en conservant son ambition originelle

1. Un programme dinvestissement né en 2009 à la suite des préconisations du rapport « Juppé-Rocard »

a. Les programmes dinvestissements davenir (PIA 1, 2 et 3)

b. Le PIA 3 marque une inflexion en faveur dune logique amont-aval

2. Un effort inédit en faveur de linvestissement, amené à se poursuivre dans le temps

3. Des caractéristiques uniques qui sont à lorigine de son succès

4. Une première évaluation globalement favorable réalisée par le comité Maystadt en 2016

5. Une évaluation est en cours de finalisation au sein du comité de surveillance du PIA

B. LES CONSéQUENCES du pia sur linnovation apparaissent FAVORABLEs et font lobjet de retours positifs de la part des acteurs CONCERNéS

1. Le PIA présente des retours financiers intéressants et exerce un effet de levier notable sur linvestissement privé

2. Les modalités de soutien du PIA aux entreprises apparaissent adaptées aux demandes des différents acteurs économiques

a. Une diversité doutils pour répondre à des besoins différents

b. Un soutien à linnovation avéré destiné avant tout aux TPE/PME

3. La dynamique du PIA a permis de rapprocher le monde académique de la recherche et le secteur industriel

C. DES points damélioration EXISTEnt ET DOIvenT êTRE PRIS EN COMPTE POUR CONTINUER DADAPTER LE PIA AUX BESOINS DES ACTEURS ÉCONOMIQUES

1. Dix ans après la mise en œuvre du premier PIA, on observe un foisonnement dactions et de structures qui nuit à la visibilité densemble du dispositif

2. Les délais et le suivi des projets dans le cadre du PIA apparaissent perfectibles

3. Le soutien à linnovation apparaît encore insuffisant lors de la phase daccélération et dindustrialisation des projets

a. Le financement des différentes phases du cycle de linnovation est facilité par lexistence dun certain nombre doutils dédiés

b. Un premier bilan fait apparaître des progrès importants permis, notamment, par les outils du PIA

c. Des difficultés persistent au stade de laccélération et de lindustrialisation

II. Le programme dinvestissements davenir « en PRATIQUE »

A. PIA et Énergie : des actions ambitieuses portÉes essentiellement par lademe et lANR

1. LAgence de lenvironnement et de la maîtrise de lénergie (ADEME) et lAgence nationale de la recherche (ANR) sont les deux principaux opérateurs chargés de soutenir linnovation énergétique dans le cadre du PIA

2. Bilan du soutien financier du PIA aux énergies renouvelables

3. Zoom sur deux actions emblématiques du PIA en matière dinnovation énergétique

a. Les démonstrateurs dans le domaine de lénergie (ADEME)

b. Les instituts pour la transition énergétique (ANR)

B. PIA ET RECHERCHE dalternatives aux expÉrimentations animales : UN RETARD IMPORTANT QUI DOIT ÊTRE COMBLé

1. La France a pris un retard préoccupant en matière de soutien aux recherches de méthodes alternatives aux expérimentations animales

2. Ce retard apparaît préjudiciable au regard des opportunités scientifiques et économiques offertes par ce secteur.

3. Le programme dinvestissements davenir pourrait être davantage orienté vers la recherche de méthodes substitutives afin de réduire le retard français dans ce domaine

examen en commission

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNées


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   introduction

Afin de relever les défis majeurs du XXIème siècle, la France a le devoir de soutenir la recherche et les acteurs économiques dans les chantiers innovants qu’ils entreprennent. C’est le sens du programme d’investissements d’avenir, qui fêtera ses 10 ans l’année prochaine.

Outil original et inédit de soutien aux secteurs clefs de l’économie française, le PIA s’est déployé en trois vagues (2010, 2014, 2017) pour renforcer le potentiel de croissance de long terme de la France.

À l’occasion de cet anniversaire, il apparaît nécessaire de dresser un premier bilan de ses réalisations d’ensemble. En effet, le PIA a connu au cours de cette période des évolutions dans sa gouvernance et sa philosophie. Le PIA 3 incarne à ce titre une certaine rupture, en adressant de façon nouvelle la question de la valorisation économique de la recherche. En dépit de ces changements, votre rapporteure constate qu’il a su conserver son ambition originelle : apporter un concours utile aux projets d’excellence pour stimuler l’innovation française.

Cet exercice d’évaluation peut s’avérer complexe en première intention au regard du nombre d’actions désormais labellisées PIA (plus d’une centaine) et de la nature même de ce programme. Guidé par le principe d’excellence, garantie de qualité de sélection et de bon usage de l’argent public, le programme d’investissements d’avenir apporte en effet un soutien financier additionnel à travers un nombre important de dispositifs destinés notamment à combler les failles de marché présentes en matière de financement de l’innovation en France. L’évaluation de la lisibilité de l’ensemble de ses actions, de la qualité du suivi des projets réalisé par les opérateurs et enfin de son réel effet de levier sur l’investissement privé apparaît indispensable, alors que de premières réflexions sur la mise en œuvre d’un PIA 4 commencent à se faire jour.

Au sein du présent avis budgétaire, votre rapporteure entend donc fournir de premiers éléments d’évaluation de l’efficacité globale du PIA. Sans prétendre à l’exhaustivité, cet avis propose de poser de premiers jalons sur ce sujet, avant la publication à la fin de l’année de l’évaluation réalisée par le comité de surveillance des investissements d’avenir pour les PIA 1 et 2.

À travers son travail d’auditions, votre rapporteure souhaite attirer l’attention des pouvoirs publics d’une part sur les retours de la mise en œuvre du PIA, en partant des acteurs directement concernés par ses dispositifs, et d’autre part sur les deux thématiques clefs que sont l’énergie et la recherche d’alternatives aux expérimentations animales. Le choix de ces dernières répond autant au souhait d’illustrer de façon concrète les enjeux du PIA qu’à la volonté de pointer des secteurs d’avenir qui ont vocation à faire l’objet d’un soutien renforcé.

Votre rapporteure remercie chaleureusement l’ensemble des organismes et personnes ayant participé aux auditions. La qualité des réponses apportées par les opérateurs et le secrétariat général pour l’investissement ont en effet permis de faire ressortir les nombreux succès obtenus par le programme d’investissement d’avenir, mais aussi ses limites et de dessiner des pistes d’amélioration.

*

*     *

Votre rapporteure émet un avis favorable à ladoption des crédits de la mission « Investissements davenir ».

 


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   PREMIèRE PARTIE : ANALYSE BUDGéTAIRE

I.   Présentation générale des crédits de la mission

A.   La mission « Investissements d’avenir » dans le projet de loi de finances pour 2020

La mission « Investissements d’avenir » concerne l’engagement des crédits du troisième programme d’investissements d’avenir (PIA 3). Doté de 10 milliards d’euros (Md€), le PIA 3 fait l’objet d’une procédure budgétaire adaptée à sa nature extrabudgétaire et pluriannuelle, dans la lignée des PIA 1 et 2. En effet, l’intégralité de son enveloppe a été engagée dans la loi de finances pour 2017, sous la forme d’autorisations d’engagement (AE).

Le projet annuel de performances (PAP) annexé au projet de loi de finances pour 2017, précisait toutefois le rythme pluriannuel selon lequel ces crédits feront l’objet de décaissements (déclinaison des autorisations d’engagement en crédits de paiement). À l’origine, la conversion des AE en CP devait intervenir sur un rythme stable de 2 Md€ par an jusqu’en 2022.

En réalité, comme pour les deux précédents PIA, les décaissements présentés en lois de finances sont relativement fictifs : ils traduisent simplement le transfert de crédits budgétaires vers les opérateurs du PIA, qui les utilisent à mesure que les appels d’offres portent leurs fruits et que les porteurs de projets retenus ont effectivement besoin des financements.

La gouvernance budgétaire du PIA 3 est toutefois un peu différente de celle qui a prévalu pour les PIA 1 et 2.

Les crédits de ces deux programmes ont été entièrement engagés et versés aux opérateurs dans les lois de finances initiales pour 2010 et pour 2014 ([1]), au sein de programmes préexistants ou ad hoc, AE et CP confondus. Comme les décaissements effectifs interviennent sur un rythme pluriannuel, il s’agissait d’une dérogation au principe d’annualité budgétaire qui impose que les crédits de paiement (CP) votés pour une année budgétaire soient effectivement dépensés cette année-là. En ce qui concerne le PIA 3, il bénéficie d’une mission et de programmes spécifiques et stables dans le temps. Les crédits de paiement sont désormais votés chaque année (même si leur dépense effective reste pluriannuelle), ce qui permet d’améliorer la transparence sur leur déploiement.

Le PAP annexé au projet de loi de finances pour 2017 avait sensiblement modifié la trajectoire financière initialement prévue en 2017 (2 Md€ par an), avec un ralentissement notable des CP. Ainsi, en 2018 et 2019, 1,08 et 1,05 Md€ ont été transférés aux opérateurs du PIA au lieu des 2 Md€ initialement prévus.

Le PAP annexé au projet de loi de finances pour 2020 traduit une volonté daccélération des décaissements des crédits de paiement (cf. tableau infra). La dynamique des crédits de paiements sera en effet particulièrement forte en 2020 avec près de 2 milliards deuros de CP. Elle est supérieure aux prévisions de CP prévues dans le cadre du PLF 2019 (2,1 milliards deuros au lieu de 1,8 milliard deuros). Lécart est encore plus important si lon compare les prévisions de CP décaissés en 2021 au sein du présent projet de loi de finances (1,9 milliard deuros contre 1,4 milliard deuros en PLF 2019).

Globalement, le niveau des CP décaissés se stabilisera autour de 2 milliards deuros pour les deux prochaines années, ce qui correspond au « régime de croisière » du PIA, avant de redescendre à 1,6 milliard deuros à partir de 2023 et au-delà.

Cette accélération se traduit logiquement au niveau de la progression des CP de lensemble des actions portées dans le cadre des programmes 421, 422 et 423, avec une variation moyenne de lordre de 107 % par rapport aux crédits de paiement ouverts en 2019.

PIA 3 – Trajectoire initialement prévue (PLF 2017)

(en millions d’euros)

Mission « Investissements davenir »

AE 2017

CP 2017

CP 2018

CP 2019

CP 2020

CP 2021

CP 2022

Programme 421 « Soutiens des progrès de lenseignement supérieur et de la recherche »

2 900

0

465

515

475

285

1 160

Programme 422

« Valorisation de la recherche »

3 000

0

585

635

675

665

440

Programme 423 « Accélération de la modernisation des entreprises »

4 100

0

950

850

850

1 050

400

TOTAL

10 000

0

2 000

2 000

2 000

2 000

2 000

Source : PLF 2017

 

 

 

 

 

 

 

PIA 3 – Trajectoire actualisée (PLF 2020)

(en millions d’euros)

Mission Investissement davenir

AE 2017

CP 2018

CP 2019

CP 2020

CP 2021

CP 2022

CP 2023 et au-delà

Programme 421 « Soutien des progrès de lenseignement supérieur et de la recherche

2 900

142,5

212,5

435

490

420

1 200

Programme 422 « Valorisation de la recherche »

3 000

227

433

620,3

734

1 035,7

200

Programme 423 « Accélération de la modernisation des entreprises »

4 100

710

404

1 120

690

656

270

TOTAL

10 000

1 079,5

1 049,5

2 175,3

1 914

2 111,7

1 670

Source : PLF 2020

B.   Le programme 422 : « Valorisation de la recherche »

Ce programme est doté depuis 2017 de 3 milliards d’euros en autorisations d’engagement, qui sont progressivement décaissés à partir de 2018, année pour laquelle 227 millions d’euros de crédits de paiement ont été votés. En 2019, l’accélération des décaissements a commencé, avec une inscription de 433 millions d’euros en CP.

L’année 2020 marque la deuxième phase de cette accélération, avec l’inscription de 620 millions d’euros (CP), montant légèrement inférieur à la prévision de 2019 (655 millions d’euros). Les prévisions de CP en 2021 et 2022 sont en forte croissance par rapport aux données du PLF 2019, avec 734 millions pour 2021 (contre 605 millions prévus en 2019) et 1 milliard d’euros en 2022.

Le diagnostic qui a conduit à la création de ce programme est celui d’un succès des PIA 1 et 2 en matière de valorisation économique de la recherche, à la fois en termes de structuration des relations entre monde de la recherche et développement économique et en termes de soutien financier à des projets innovants. L’objectif du programme 422 est donc d’être un continuum efficace des initiatives passées : poursuivre et intensifier les efforts déjà réalisés tout en veillant à la lisibilité, à la simplicité et à l’efficacité des systèmes de valorisation déjà mis en place.

La maquette budgétaire n’a pas évolué depuis l’année dernière. Les cinq actions soutenues dans le cadre de ce programme sont les suivantes.

L’action n° 1 s’intitule « Intégration des SATT, incubateurs et accélérateurs ». Elle regroupe en effet les différents véhicules de maturation technologique et comporte deux volets. Son premier volet est doté de 50 millions d’euros de subventions destinés au financement et à l’accompagnement des start‑ups à haute intensité technologique, que l’on appelle également deep tech. L’appel à projet sur cette action a été lancé en juin 2019. Son second volet est doté de 100 millions d’euros de fonds propres et s’inscrit dans le prolongement de l’action « French Tech Accélération » du PIA 2. Sur ce dernier fonds, à la fin décembre 2018, 16 investissements dans des projets ont été réalisés, et 4 projets supplémentaires ont été choisis dans les 6 premiers mois de 2019.

Les crédits de cette action ont connu une très forte augmentation, de près de 530 % entre les lois de finances 2019 et 2020, pour atteindre 63 millions d’euros de crédits de paiement en 2020 (contre 10 millions d’euros l’année dernière). Cela traduit le démarrage de cette action. La convention relative à cette action avait été en effet adoptée en fin d’année 2018, ce qui explique le faible besoin en CP au titre de l’année 2019.

L’action n° 2 correspond au Fonds national post-maturation « Frontier venture », géré elle aussi par Bpifrance. Elle est dotée de 500 millions d’euros en crédits de fonctionnement, transitant par le compte d’affectation spéciale « Participations financières de l’État ». Cette action correspond au Fonds « French Tech Seed », fonds d’investissement direct de post maturation créé en 2018 et géré par Bpifrance. Son objectif est de soutenir les deep tech de moins de 3 ans en phase de post maturation. Il est doté de 150 millions d’euros en CP pour l’année 2020.

L’action n° 3 « Démonstrateurs et territoires de grande ambition » (275 M€) comprend plusieurs volets :

– un volet « Territoires d’innovation », ciblant des projets précis pour une expérimentation à grande échelle sur un territoire défini. 24 lauréats ont été sélectionnés pour un montant de 150 millions d’euros en 2019, autour de thématiques telles que la redynamisation industrielle, la transition numérique ou encore l’adaptation des compétences ;

– un volet « Démonstrateurs » qui concerne plus spécifiquement la transition énergétique et écologique, dans le cadre de l’objectif de neutralité carbone à horizon 2050 (infra) ;

– un volet « Nucléaire de demain », visant à terminer la construction du réacteur de 4e génération Jules Horowitz (RJH).

Un soutien en fonds propres est également porté par le véhicule ADEME investissements, pour accompagner les mises en œuvre commerciales dans le cadre des infrastructures énergétiques.

Cette action est la seule action à voir ses crédits diminuer au sein du programme 422. Cette baisse est uniquement liée à la chronique de décaissement du projet RJH, qui a été actualisée dans le cadre du comité de l’énergie atomique de juin 2019.

L’action n° 4 « Nouveaux écosystèmes d’innovation » finance les instituts hospitalo-universitaires (IHU) et les sociétés d’accélération du transfert de technologies (SATT) et promeut leur regroupement. Elle est dotée de 25 millions d’euros de crédits de paiement au sein du présent projet de loi de finances.

L’action n° 5 « Accélération du développement des écosystèmes d’innovation performants » vise à renforcer la commercialisation des recherches. Elle est dotée de 107 millions d’euros en crédits de paiement pour 2020. Elle soutient les SATT et le numérique (dont Nano 2017) et comprend un volet « Transport et mobilité durable ».

Dans le détail, les niveaux de variation des CP relatifs aux actions de ce programme sont les suivants :

Niveau de variation des crédits de paiements
au sein du programme 422

(en euros)

Action

CP ouverts en LFI 2019

CP demandés en LFI 2020

Variation 2019/2020 (en %)

Intégration des SATT, incubateurs et accélérateurs

10 000 000

63 000 000

+ 530

Fonds national postmaturation « Frontier Venture »

0

150 000 000

 

Démonstrateurs et des territoires dinnovation de grande ambition

330 000 000

275 000 000

16,67

Nouveaux écosystèmes dinnovation

15 000 000

25 000 000

+ 66,67

Accélération décosystèmes dinnovation performants

78 000 000

107 325 000

+ 37,60

TOTAL

433 000 000

620 325 000

+ 43,26

Source : PLF 2020

C.   Le programme 423 : « Accélération de la modernisation des entreprises »

Le programme 423 est doté de 4,1 milliards d’euros d’autorisations d’engagement, ce qui en fait le principal programme de la mission. En 2020, 1,1 milliard d’euros en crédits de paiement devraient être votés, ce qui représente une augmentation forte par rapport au niveau de 2019 (404 millions d’euros). C’est en 2020 que le rythme de décaissement devrait être le plus soutenu, puisque le rythme de décaissement ralentira en 2021 (690 millions d’euros de CP) et en 2022 (656 millions d’euros de CP).

Selon le projet annuel de performances de la mission, les priorités stratégiques poursuivies par les PIA 1 et 2, comme la transition énergétique ou la santé, restent soutenues par ces actions du PIA 3, mais des projets issus de secteurs comme les industries culturelles, le tourisme ou la construction auront vocation à être davantage soutenus dans le cadre du PIA 3.

Ce programme traduit surtout la volonté de l’État de renforcer ses interventions en fonds propres, comme investisseur de marché, au travers de fonds d’investissements ou de fonds de fonds. Le succès du premier Fonds national d’amorçage ou des premiers fonds de fonds a conduit le PIA 3 à poursuivre la dotation de ces interventions, et à en créer de nouveaux, comme le fonds Frontier Venture (programme 422), le fonds à l’internationalisation des PME ou encore le fonds qui sera issu de l’action « Grands défis », lorsque celle-ci sera opérationnelle. Dans ce dernier cas, l’État pourrait être conduit à investir d’importants tickets (montant d’un investissement) dans de jeunes entreprises technologiques pour financer leur croissance sur le territoire français.

Neuf actions, identiques à celles de l’année dernière, sont prévues pour décliner ce programme :

– le soutien à l’innovation collaborative (100 M€ de CP en 2020, contre 84 M€ de CP en 2019), qui correspond au soutien des projets de recherche et développement structurants des pôles de compétitivité (PIA 1 et 2). Au 2ème semestre 2019, 12 projets PSPC avaient été sélectionnés pour un montant d’aide autorisée de 115 M€, montant pour lequel 113 M€ ont été contractualisés entre l’opérateur et les bénéficiaires, et 24 M€ déjà versés ;

– l’accompagnement et la transformation des filières (250 M€, contre 240 M€ en 2019). Cette action finance en subventions et en avances remboursables des projets de mutualisation d’outils communs au sein de filières (volet régionalisé du PIA), des programmes d’accompagnement des PME/TPE, et enfin une intervention en fonds propres abondant la Société de Projets industriels (fonds SPI) ;

– l’industrie du futur (premiers décaissements de 50 M€ en crédits de paiement 2020), crédits redéployés en faveur de Nano 2022 (programme 422) ;

– l’adaptation et la qualification de la main-d’œuvre (30 M€, contre 25 M€ en 2019), qui correspond aux « French Tech tickets » ;

– le concours d’innovation (90 M€, contre 55 M€ en 2019) ;

– le Fonds national d’amorçage n° 2 (250 M€ alors que sans CP en 2019). Le FNA 2 a vocation à renforcer les fonds d’investissement intervenant à l’amorçage afin d’améliorer le financement en fonds propres des start-up, notamment celles qui se créent dans les secteurs technologiques prioritaires de la santé, du numérique et des écotechnologies ;

– le Fonds à l’internationalisation des PME (100 M€ alors que sans CP en 2019, déjà abondé en 2018) ;

– le Fonds de fonds « Multicap Croissance » n° 2 (sans CP en 2019, déjà abondé 2018) ;

– les Grands défis (premiers décaissements de 250 M€ en 2020). Cette action est dotée au total de 700 M€, financements destinés aux entreprises technologiques françaises. Elle se décompose entre une intervention en fonds propres directe (projet de levée de fonds « Global Tech ») à hauteur de 500 millions d’euros à terme, et un réabondement du Fonds Mutlicap croissance 2 (MC3) à hauteur de 200 M€.

Dans le détail, les niveaux de variation des CP relatifs aux actions de ce programme sont les suivants :

niveau d’évolution des crédits de paiement au sein du programme 423

(en euros)

Action

CP ouverts en LFI 2019

CP demandés en LFI 2020

Variation 2019/2020

(en %)

Soutien à linnovation collaborative

84 000 000

100 000 000

+ 19,05

Accompagnement et transformation des filières

240 000 000

250 000 000

+ 4,17

Industrie du futur

0

50 000 000

 

Adaptation et qualification de la main-dœuvre

25 000 000

30 000 000

 + 20

Concours dinnovation

55 000 000

90 000 000

+ 63,64

Fonds national damorçage n° 2

0

250 000 000

 

Fonds à linternationalisation des PME

0

100 000 000

 

Fonds de fonds « Multicap Croissance » n° 2

0

0

 

Grands défis

0

250 000 000

 

TOTAL

404 000 000

1 120 000 000

+ 177,23

Source : PLF 2020

II.   PRéSENTATION DU SECRéTARIAT GÉNÉRAL POUR L’investissement ET DES OPéRATEURS DU PIA

A.   LE Sécretariat général pour l’investissement

Le Secrétariat général pour l’investissement (SGPI) a succédé au Commissariat général pour l’investissement (CGI) depuis début 2018. Dans la continuité des actions entreprises par le CGI, le SGPI poursuit son rôle de garant de la cohérence des politiques d’investissements de l’État et de son pilotage interministériel. Mais ces missions se sont élargies avec le lancement opérationnel de nouveaux outils d’investissement et d’appui à l’innovation.

Le SGPI, structure resserrée d’une trentaine d’équivalents temps-plein (ETP), est responsable du suivi du Grand plan d’investissement (GPI) lancé en 2018 et de la mise en œuvre du Programme d’investissements d’avenir (PIA), dont le 3e volet est à présent pleinement déployé.

Il contribue à l’évaluation du premier volet du PIA demandée par le Premier ministre au Comité de surveillance des investissements d’avenir. Ce dernier, composé de huit parlementaires, huit personnalités qualifiées et d’un président de région, devrait rendre un premier rapport d’évaluation des PIA 1 et 2 à la fin de l’année 2019.

Il assure également l’évaluation socio-économique des grands projets d’investissement public. Le SGPI tient, dans cette optique de contrôle et de suivi, un inventaire des projets d’un montant supérieur à 20 millions d’euros (M€), et diligente une contre-expertise de l’évaluation pour les projets d’un montant supérieur à 100 M€. L’enjeu est d’éclairer le décideur public sur la pertinence des projets d’investissements proposés par les ministères. Ainsi, ces contre-expertises permettent au SGPI de rendre un avis destiné au Premier ministre, avant qu’il n’arbitre définitivement le lancement des projets. Mais, au-delà, l’objectif est de professionnaliser la gestion du flux de projets par les ministères. Cela est particulièrement indispensable dans un contexte de volonté gouvernementale forte d’investissements publics.

Au total, 63 projets d’investissement ont été évalués socio‑économiquement depuis la LPFP de 2012 qui institue l’obligation d’évaluation socio-économique des grands projets d’investissement.

Cette fonction d’évaluation s’accompagne d’un renforcement de la capacité du SGPI à réorienter les fonds au sein du GPI, confortant son statut d’investisseur en chef de l’État. Il formule ainsi ses propositions de réallocation de crédits (au moins 3 % de ceux du GPI) au Premier ministre sur la base des propositions transmises par les comités de pilotage.

Enfin, le SGPI coordonne le plan d’investissement européen (« Plan Juncker ») et prend une part active au fonds pour l’innovation et l’industrie (FII), en siégeant au Conseil de l’innovation et en assurant le co-secrétariat du fonds.

En 2018, les missions et responsabilités résultant de la mise en œuvre du GPI ont été complètement intégrées au sein du SGPI qui a maintenu un niveau stable de dépenses : la masse salariale du SGPI a représenté 3 903 697 (contre 4 153 952 € en 2017), y compris le compte d’affectation spéciale (CAS) pensions, et son budget de fonctionnement 345 500 € (contre 398 439 € en 2017). Ses crédits sont imputés sur le programme 129 « Coordination du travail gouvernemental » de la mission « Direction de l’action du Gouvernement ».

B.   Les opérateurs du pia

Alors qu’on en dénombrait une douzaine dans le cadre des PIA 1 et 2, il ne subsiste que quatre opérateurs principaux dans le cadre du PIA 3 ([2]). Le SGPI encadre leurs opérations. Votre rapporteure a auditionné ces cinq organismes.

La Caisse des dépôts et consignations (CDC) est l’opérateur de 25 actions des PIA 1 et 2, ce qui représente une enveloppe totale de 8,275 Md€ dont 4 milliards d’euros de crédits maastrichtiens (subventions, dotations décennales).

Bpifrance est l’opérateur de 29 actions des PIA 1, 2 et 3, essentiellement tournées vers le soutien aux entreprises, ce qui représente une enveloppe totale de 10,5 Md€, dont 4,8 Md€ de crédits maastrichtiens (subventions, avances remboursables, dotations en fonds de garantie).

L’Agence nationale de la recherche (ANR) est l’opérateur de 26 actions des PIA 1, 2 et 3, tournées vers l’enseignement et la recherche, ce qui représente une enveloppe totale de 26,2 Md€, dont 7,6 Md€ de crédits maastrichtiens (subventions, avances remboursables, dotations décennales) et 18,3 Md€ de dotations non consommables qui génèrent des intérêts.

L’ADEME est l’opérateur de 11 actions des PIA 1, 2 et 3, essentiellement tournées vers la transition écologique et énergétique, ce qui représente une enveloppe totale de 3,9 Md€, dont 2,8 Md€ de crédits maastrichtiens (subventions, avances remboursables).

Les conventions entre l’État et les opérateurs chargés de la mise en œuvre du PIA décrivent la gouvernance retenue pour chacune des actions, en particulier le rôle des comités de pilotage (qui sont toujours interministériels), des opérateurs et du SGPI.


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   SECONDE PARTIE : ANALYSE THÉMATIQUE

I.   LE PROGRAMME D’INVESTISSEMENTS D’AVENIR : Des résultats positifs, des dispositifs perfectibles

A.   Le PIA, un programme original et dynamique qui a su évoluer tout en conservant son ambition originelle

1.   Un programme d’investissement né en 2009 à la suite des préconisations du rapport « Juppé-Rocard »

a.   Les programmes d’investissements d’avenir (PIA 1, 2 et 3)

Le programme d’investissements d’avenir (PIA) est issu des préconisations du rapport « Juppé-Rocard » (Investir pour lavenir, novembre 2009) qui plaidait en faveur d’investissements importants afin de renforcer l’innovation en France. Sa naissance s’inscrit dans le contexte de la crise économique et financière de 2008, qui a renforcé la nécessité, pour les pouvoirs publics, de disposer d’un outil de relance et d’investissement capable de soutenir les secteurs d’avenir.

Le programme d’investissements d’avenir a été mis en œuvre selon les trois vagues suivantes :

– le PIA 1 (2010), doté de 35 milliards d’euros répartis en fonction de 5 thématiques dont l’enseignement supérieur et la formation (11 milliards d’euros), la recherche (8 milliards d’euros) ou encore le soutien aux filières industrielles et PME (6,5 milliards d’euros) ;

– le PIA 2 (2014) doté de 12 milliards d’euros répartis selon une logique sectorielle similaire (8 thématiques) ;

– le PIA 3 (2017), au format plus resserré, doté de 10 milliards d’euros, intégré dans les crédits du Grand plan d’investissement (axe 3), autour des thématiques de l’enseignement supérieur et de la recherche (2,9 Mds €), de la valorisation de la recherche (3 Mds €) et de l’innovation et développement des entreprises (4,1 Mds €).

b.   Le PIA 3 marque une inflexion en faveur d’une logique amont-aval

Les deux premiers PIA ont été construits autour de priorités stratégiques, dans des secteurs clefs de l’économie française (industrie, numérique, transport, énergie, santé).

Financé à partir de 2018, le PIA 3 n’est pas structuré par secteur, mais de lamont (lenseignement et la recherche) vers laval (linnovation et le développement des entreprises) autour de deux vecteurs de transformation de notre économie et de notre société : la transition vers le monde numérique et l’impératif du développement durable.

Le PIA 3 fait une large place à lenseignement, à la recherche et à la valorisation de la recherche, avec un total de crédits de 6,2 Md€ sur les 10 Md€ et l’utilisation pour l’enseignement supérieur de dotations décennales – des versements réguliers sur 10 ans –, en remplacement des dotations non consommables.

Il consacre également 4 Md€ aux investissements en fonds propres. Il s’agit de valoriser économiquement l’effort exceptionnel consenti pour la recherche et l’innovation dans les deux précédents programmes, et de mieux partager les risques et les chances des projets avec les entreprises.

2.   Un effort inédit en faveur de l’investissement, amené à se poursuivre dans le temps

Ces différentes vagues d’investissement constituent un effort exceptionnel inédit : depuis sa création, le PIA a financé au total plus de 6 200 projets pour un montant de 46 Md€.

Au deuxième trimestre 2019, le bilan des engagements et décaissements des trois PIA se compose de :

– 46,1 Md€ d’engagements, dont 28,1 Md€ de dotations consommables et 17,9 Md€ de dotations non-consommables ;

– 23 Md€ de décaissements, dont 3,2 Md€ d’intérêts sur dotations non‑consommables ;

– 47,3 Md € de cofinancements, dont 1,5 Md€ de cofinancements issus du PIA 3.

Cet effort est porté, en pratique, par les 4 opérateurs du programme dinvestissement davenir à savoir l’Agence nationale de la recherche (26,2 milliards d’euros), Bpifrance (10,4 milliards d’euros), la Caisse des dépôts et consignations (8,3 milliards d’euros) et l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (3,9 milliards d’euros). L’ensemble des opérateurs secondaires du programme d’investissement d’avenir (CEA, CNES, ANDRA, ANAH, ANRU, ONERA, ASP, FAM) gèrent pour leur part une enveloppe totale de 8 milliards d’euros.

Les crédits portés par ces opérateurs dans le cadre du PIA sont de plusieurs natures. On distingue de façon classique :

– les crédits PIA non maastrichtiens (11,4 milliards d’euros), qui comprennent les fonds propres (9 milliards d’euros) et les prêts (2,2 milliards d’euros) ;

– les crédits PIA maastrichtiens (27 milliards d’euros), qui regroupent les dotations en fonds de garantie (736 millions d’euros), avances remboursables (4,8 milliards d’euros), subventions (19 milliards d’euros) et dotations décennales (2 milliards d’euros) ;

– les dotations non consommables (18,2 milliards d’euros), qui constituent enfin une dernière catégorie très spécifique, puisqu’elles sont réservées à l’action de l’ANR dans le cadre du PIA.

3.   Des caractéristiques uniques qui sont à l’origine de son succès

Le programme d’investissement d’avenir se caractérise par plusieurs éléments d’originalité qui font sa spécificité.

En premier lieu, une gestion budgétaire spécifique au PIA a été instaurée de façon à préserver sa vocation pluriannuelle de long terme.

Pour les PIA 1 et 2, l’ensemble des crédits budgétaires a été voté en autorisations d’engagement (AE) et en crédits de paiement (CP) sur des programmes éphémères au sein de plusieurs missions, principalement « Enseignement supérieur et Recherche » et « Économie et finances », et versé aux opérateurs du PIA dès la première année.

Le PIA 3 a fait l’objet pour sa part d’une budgétisation sur une mission budgétaire pérenne « Investissements d’avenir », créée par la loi de finances pour 2017, et dotée de 10 Md€ d’AE en LFI. Contrairement aux PIA 1 et 2, les autorisations d’engagements inscrites ne correspondent pas aux crédits de paiements inscrits dans un budget donné. Les crédits de paiements destinés à couvrir les AE sont ouverts pour être versés sur les comptes au Trésor des 4 opérateurs du PIA 3 (Caisse des dépôts et consignations, Bpifrance, Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, Agence nationale de la recherche).

En second lieu, le programme d’investissements d’avenir porte une vision transformatrice de l’action publique. L’évaluation y tient une part majeure, à la fois dans le processus initial de sélection des projets concernés, et ensuite dans leur suivi afin de vérifier la justification de leur financement au regard de leur état d’avancement. En ce sens, le programme d’investissements d’avenir a diffusé, depuis 10 ans une véritable culture de l’évaluation au sein des politiques publiques françaises. Au surplus, son pilotage souple et interministériel constitue un autre élément d’originalité qui a été repris dans le cadre du déploiement du Grand plan d’investissement pour la période 2018-2022.

4.   Une première évaluation globalement favorable réalisée par le comité Maystadt en 2016

Une première évaluation « à mi-parcours » du PIA a été réalisée en 2016, à la demande du commissaire général à l’investissement, Jean Pisani-Ferry. Afin de garantir l’impartialité de l’analyse, cette évaluation a été confiée à Philippe Maystadt, homme politique belge ayant présidé pendant 12 années la Banque européenne d’investissement.

L’évaluation du PIA par le comité Maystadt a donné des résultats positifs. Elle a conclu que les principes cardinaux de ce programme avaient été globalement respectés. Près de 3 ans après cette évaluation, votre rapporteure estime que ses conclusions demeurent d’actualité, comme l’ont confirmé les chercheurs chargés de cette évaluation d’une part, et les auditions menées dans le cadre de cet avis budgétaire d’autre part.

Le principe d’excellence, qui est au cœur de la dimension évaluative et évolutive du PIA, continue ainsi d’être mis en œuvre avec efficacité. Cela  conduit notamment à des taux de sélection des projets qui peuvent apparaître faibles dans certains cas (15 % par exemple pour les concours d’innovation), mais qui sont indispensables pour assurer la qualité des projets soutenus.

Deux autres points étaient apparus positifs lors de cette évaluation « à mi parcours » et n’ont pas fait l’objet de changements particuliers :

–  l’indépendance dans la sélection des projets, qui s’explique par la définition de critères clairs et le recours à des jurys internationaux, qui a permis, au-delà du respect du principe d’excellence, de bénéficier de l’expertise internationale présente sur un domaine de compétences donné ;

–  la dimension transformatrice du PIA, qui signifie, in concreto, que les pratiques de l’évaluation des investissements se sont renforcées, comme en témoigne le rôle du Secrétariat général pour l’investissement dans ce domaine. En somme, le PIA a participé à la modernisation de l’action publique « à la française ».

Sur les points négatifs abordés par le comité Maystadt, en revanche, des évolutions positives doivent être relevées :

–  les critiques relatives au poids excessif de la territorialité du PIA ont été entendues (infra) ;

–  en matière de valorisation de la recherche, les structures qui peinaient à trouver leur place ont fait l’objet d’évolutions significatives (infra) ;

–  enfin, le décaissement des crédits relatifs à la transition écologique, qui apparaissait trop faible en 2016, a progressé.

Au global, votre rapporteure estime que la dynamique d’évaluation des projets et des pratiques institutionnelles mise en œuvre, notamment par les opérateurs, a permis à ce programme de conserver son dynamisme originel.

Dans le cadre des présentes auditions, un seul point négatif est apparu en continuité avec le rapport Maystadt. Il s’agit des critiques relatives aux avances remboursables. Elles sont en effet toujours perçues comme difficilement compatibles avec une incitation à soutenir des innovations risquées sur le long terme, en particulier dans le secteur de l’énergie. Un effort de réflexion sur ce sujet apparaît donc souhaitable.

5.   Une évaluation est en cours de finalisation au sein du comité de surveillance du PIA

Le développement d’une culture de l’évaluation, y compris ex-ante, continue d’être une réalité comme en témoignent les travaux du comité de surveillance des investissements d’avenir présidé par Madame Patricia Barbizet.

À la demande du Premier ministre, ce comité a engagé fin 2018 une évaluation des PIA 1 et 2. Un Conseil scientifique de 12 personnes a été nommé, présidé par Pierre-Yves Geoffard, et une mission d’assistance de l’Inspection générale des finances (IGF) a été chargée d’accompagner ce processus.

Le plan d’évaluation est articulé autour de six axes, parmi lesquels l’analyse des objectifs du PIA et de ses impacts transversaux et territoriaux, et enfin de sa gouvernance. Une comparaison internationale sera également réalisée dans ce cadre (OCDE).

Concernant le PIA 3, un comité de surveillance est dédié à son évaluation.

B.   LES CONSéQUENCES du pia sur l’innovation apparaissent FAVORABLEs et font l’objet de retours positifs de la part des acteurs CONCERNéS

1.   Le PIA présente des retours financiers intéressants et exerce un effet de levier notable sur l’investissement privé

Les Programmes d’investissements d’avenir (PIA) ont été conçus dans une logique de recherche systématique de retours envers l’État. Ces retours prennent des formes diverses répondant aux spécificités des actions et secteurs soutenus : retombées d’ordre socio-économique dans le domaine de l’enseignement supérieur et de la recherche, valorisation de la propriété intellectuelle ou retours strictement financiers pour le secteur aval (redevances sur chiffre d’affaires, avances remboursables avec intéressement, produits de cession d’actifs, dividendes etc.). Le PIA soutenant majoritairement des projets pluriannuels de recherche et développement, le cycle de retours a donc récemment débuté et s’intensifie progressivement depuis 2018.

Le SGPI présente chaque année les retours financiers des PIA déclarés par les opérateurs pour chacune des actions concernées. Au 30 juin 2019, les retours réalisés à fin 2018 s’établissent au total à 209,4 M€, et devraient doubler pour l’exercice 2019. Le retour sur investissement prévisionnel total des PIA 1 et 2 pour l’État pourrait représenter jusqu’à 6,7 Md€ ([3]) selon les données du secrétariat général pour l’investissement.

En prenant en compte des hypothèses raisonnables de sinistralité pour les avances remboursables et de performance des fonds d’investissements pour les trois PIA, l’estimation de retours financiers totaux (y compris fonds d’investissements) serait de l’ordre de 11 à 12 Md€ sur la période 2017-2033.

L’effet de levier du PIA peut également être déduit en observant les données liées au cofinancement des projets. Au 30 juin 2019, les cofinancements des projets financés dans le cadre de la mise en œuvre des PIA 1 et 2 représentent un montant de 45,8 Md€. Ce montant, déclaré lors de la contractualisation par les bénéficiaires d’un financement PIA, est à comparer aux 42,0 Md€ contractualisés à cette même date, ce qui entraîne un effet de levier de 1,09, supérieur à l’objectif global de 1.

La ventilation de ces cofinancements par nature de co-financeurs est la suivante :

ÉTAT DES co-financements dans le cadre du PIA (2019)

Nature de cofinancement

Montant (en M€)

Public

9 571

Opérateur

3 902

Privé

32 346

TOTAL

45 819

Source : SGPI

2.   Les modalités de soutien du PIA aux entreprises apparaissent adaptées aux demandes des différents acteurs économiques

a.   Une diversité d’outils pour répondre à des besoins différents

La diversité des outils du PIA est un atout afin de disposer de dispositifs de financement adaptés aux besoins des entreprises. En fonction du niveau de risque concerné et de la capacité subséquente du secteur privé à financer ou non le risque propre à l’innovation, plusieurs modalités d’interventions du PIA existent en direction des entreprises :

– les actions de soutien à linnovation, qui concernent d’abord les PME et ETI rencontrant des difficultés à faire financer leurs investissements par le secteur bancaire du fait d’un niveau de risque élevé. Ces aides interviennent du stade de la faisabilité (preuve de concept non encore établie), à celui du démonstrateur (échelle industrielle). Certaines sont réservées aux PME (le concours d’innovation du PIA 3 par exemple).

– les prêts qui soutiennent le renouvellement de l’offre des entreprises et leurs positions sur les marchés émergents. Ils ciblent des domaines extrêmement variés, de la numérisation des entreprises à la transition écologique en passant par les technologies du futur ;

– les fonds propres, qui permettent de pallier la carence de business angels en France (faille de marché en matière de financement des projets innovants) en offrant des solutions de capital-investissement aux acteurs économiques, majoritairement destinés aux PME/ETI.

Par ailleurs, les critères de sélection des projets varient en fonction de l’outil concerné :

– pour les aides à linnovation, la sélection dépend de la nature technique de l’innovation, du marché potentiel concerné, de l’entreprise portant le projet et des potentielles retombées économiques sur le territoire national ;

– pour les prêts, la sélection dépend surtout de la solvabilité de l’entreprise et de la conformité du projet à l’objectif du prêt ;

– pour les fonds propres, les opérateurs du PIA agissent comme investisseurs avisés, ce qui donne une importance plus forte au retour sur investissement.

Les étapes du cycle de vie d’un projet soutenu par le PIA

  1. La phase de pré-dépôt : le porteur de projet identifie l’appel à projet, dont le cahier des charges a été approuvé par arrêt du Premier ministre auquel il souhaite postuler et prend contact avec l’opérateur chargé de l’action concernée. L’opérateur vérifie alors l’adéquation du projet avec l’appel précité et accompagne le porteur.
  2. La phase dinstruction du projet : au cours de cette période et après une notification d’avis favorable du Comité de pilotage pour la présélection du projet, le modèle technico-économique du projet est approfondi par l’opérateur et un ou plusieurs experts externes et indépendants. Les bénéficiaires du PIA sont sélectionnés par le Comité de pilotage de l’action sur proposition de l’opérateur. Le Premier ministre valide cette sélection de projets après avis du SGPI. L’avis favorable se traduit par une décision de financement du Premier ministre (ces crédits correspondants sont « engagés » dans le reporting trimestriel relatif aux PIA)
  3. La phase dinvestissement : dans un délai de 3 mois, le bénéficiaire finalise la convention bilatérale avec l’opérateur, sous peine de caducité de la décision du Premier ministre. Les contrats avec les porteurs de projets fixent la nature des dépenses soutenues, les modalités de financement, les jalons dans le déroulement des projets, les objectifs de performance du produit ou service développé, les livrables attendus et les caractéristiques des retours financiers. L’avancement du projet fait l’objet d’une réunion annuelle avec l’opérateur qui s’assure (avec l’appui des ministères le cas échéant) de la conformité des réalisations aux engagements pris contractuellement, de l’atteinte des jalons techniques définis et des perspectives de commercialisation. Les versements s’effectuent en plusieurs tranches au cours de la vie du projet et sont conditionnés à l’avis favorable de l’opérateur (et du Copil le cas échéant) rendu à l’issue des étapes clés intermédiaires. Une fois les développements menés à bien, une réunion de clôture permet constater le succès (ou l’échec) technique du projet et de régulariser l’aide définitive du projet. Le montant d’aide indiqué dans la décision du Premier ministre constitue en effet un plafond exprimé en % des dépenses effectivement engagées. Si le projet a finalement été moins coûteux qu’initialement prévu, la quote-part d’aide associée est « désengagée » et devient disponible pour le financement de nouveaux projets d’innovation 
  4. La phase de déploiement commercial : le remboursement de la part d’avances remboursables, incluant les intérêts, se fait généralement en deux tranches : la première (à un taux réduit) doit être représentative du succès technique de l’opération (se matérialisant par la constatation du premier euro de chiffre d’affaires directement issu du projet financé) et le solde (à un taux supérieur et proportionnel au risque pris par l’État) traduit son succès commercial. Le second seuil de déclenchement est exprimé en cumul de chiffre d’affaires. Pendant cette phase de commercialisation, le bénéficiaire déclare annuellement à l’opérateur le chiffre d’affaires réalisé, étant entendu que les conventions intègrent systématiquement une clause d’audit que l’opérateur peut activer s’il a un doute sur la sincérité des données transmises

Source : SGPI


b.   Un soutien à l’innovation avéré destiné avant tout aux TPE/PME

Le PIA a permis de soutenir l’innovation en stimulant l’investissement au sein des grands groupes, mais aussi des TPE/PME, structures qui rencontrent le plus de difficulté de financement.

La typologie d’un lauréat est renseignée par l’opérateur lors de la contractualisation du projet soutenu par le Programme d’investissements d’avenir. Au 31 mai 2018, les décaissements PIA se répartissent par taille d’entreprises comme l’indique le tableau suivant.

Répartition des crédits PIA en fonction de la taille des entreprises

(en unités)

Décaissements en M

Nombre de projets

Crédits maastrichtiens

Crédits non maastrichtiens

Total

%

TPE/PME

4 201

1 405

2 723

4 128

54

ETI

417

593

385

977

13

Grandes entreprises

913

2 397

85

2 482

33

TOTAL

5 531

4 394

3 193

7 587

100

Source : SGPI

Crédits maastrichtiens : subventions, avances remboursables, fonds de garantie, intérêts DNC

Crédits non maastrichtiens : prêts, fonds propres

Près de 54 % des 7,6 Md€ décaissés directement en faveur des entreprises ont bénéficié aux TPE et PME. Les grands groupes arrivent en seconde position en récupérant 33 % des crédits décaissés.

On peut néanmoins s’interroger sur le faible pourcentage dETI (13 %), comparativement aux grands groupes, qui ont bénéficié d’un tiers du soutien total PIA sur l’ensemble de la période. Lors de ses auditions, certains acteurs ont indiqué à votre apporteuree que les ETI n’étaient pas nécessairement incitées à candidater au PIA en raison des plafonnements de certaines aides.

Recommandation 1

Votre rapporteure recommande d’approfondir l’analyse des effets de seuils relatifs aux aides du PIA afin de renforcer l’attrait de ces outils pour les établissements de taille intermédiaire (ETI).

3.   La dynamique du PIA a permis de rapprocher le monde académique de la recherche et le secteur industriel

La dynamique du PIA a également permis de rapprocher la recherche de l’industrialisation en insistant sur sa valorisation et en mutualisant des compétences au sein de structures ad hoc. En matière d’innovation, le pari audacieux fait par le PIA, à savoir créer des structures nouvelles au sein de l’écosystème plutôt que de s’appuyer sur l’existant, s’est avéré gagnant.

Les acteurs nouveaux tels que les sociétés d’accélération du transfert de technologies (SATT), les instituts de recherche technologique (IRT) ou encore les instituts pour la transition énergétique (ITE) font désormais l’objet d’une bonne visibilité, et leurs résultats apparaissent globalement satisfaisants comme le relèvent à la fois les acteurs que votre rapporteure a rencontrés et le dernier rapport de la Cour des comptes sur les « outils du PIA » en date de 2018. Les SATT ont ainsi permis de consacrer des crédits PIA à la maturation des projets sans céder à la tentation de les réorienter vers de la R&D classique. L’évaluation du PIA 1 dans ce cadre devrait fournir des éléments précis sur l’impact socio-économique des SATT. Les auditions menées font apparaître que dans l’ensemble, les entreprises clientes des SATT semblent voir leur performance économique s’améliorer significativement.

Source : SGPI

Ces bons résultats ne doivent pas cacher les disparités importantes qui peuvent exister en termes de dynamisme entre les différentes structures évoquées ci-dessus. Certaines instituts de recherche technologique ont en effet des résultats en demi-teinte, de même que d’autres structures originales, comme France Brevet, qui manquent de plus, pour cette dernière, de visibilité.

Néanmoins, la logique évaluative du PIA, qui soutient l’excellence, a permis de maintenir un niveau d’exigence élevé, qui a conduit l’État a fermé plusieurs ITE qui n’étaient pas parvenus à trouver les relais industriels nécessaires pour ancrer dans la durée une stratégie de R&D dans leurs domaines d’excellence. En ce qui concerne les SATT, certaines réformes sont également intervenues lorsque des difficultés sont apparues. À titre d’exemple, tirant profit des critiques de la Cour des comptes sur la territorialisation parfois excessive des SATT, la SATT Grand Centre a été divisée en 4 expérimentations de taille plus modeste. Enfin, les consortiums de valorisation thématique (CVT), qui n’avaient pas réussi à trouver leur place au sein de l’écosystème de l’innovation, ont été supprimés, à l’exception des CVT Allenvi et SHS.

Au global, ces acteurs ont permis de spécialiser la valorisation de la recherche autour de compétences spécifiques à ce domaine. En effet, comme l’ont relevé à plusieurs reprises les acteurs auditionnés, les chercheurs qui mettent au point des concepts innovants ne disposent pas nécessairement du temps et des compétences pour engager une phase de valorisation économique de leurs résultats. Ce sujet est d’ailleurs culturellement peu présent au sein de leur formation initiale. En ce sens, la possibilité de disposer d’acteurs spécialisés dans cette valorisation, qui résulte en particulier du statut de société par actions simplifiée (SAS) des SATT (qui leur permet de recruter des managers et professionnels du secteur), a favorisé le développement d’une expertise technique au service de ces deux mondes.

C.   DES points d’amélioration EXISTEnt ET DOIvenT êTRE PRIS EN COMPTE POUR CONTINUER D’ADAPTER LE PIA AUX BESOINS DES ACTEURS ÉCONOMIQUES

1.   Dix ans après la mise en œuvre du premier PIA, on observe un foisonnement d’actions et de structures qui nuit à la visibilité d’ensemble du dispositif

Le nombre d’actions soutenues dans le cadre du programme d’investissement a fortement augmenté avec la mise en œuvre des PIA 1, 2 et 3. Dans le rapport Juppé-Rocard, 17 actions étaient prévues, alors que leur nombre actuel dépasse la centaine. Cette multiplication des actions et notamment des outils financiers, si elle apparaît légitime pour combler certaines failles de marché spécifique, peut faire craindre à terme un manque de visibilité pour les acteurs économiques.

Deux éléments viennent néanmoins nuancer ce constat :

– la forte appétence du PIA pour l’évaluation des actions concernées et leur modification le cas échéant ;

– les actions de promotion entreprises par les différents opérateurs du PIA pour faire connaître leurs dispositifs.

Cet effort de communication doit être poursuivi et son efficacité évaluée, afin de disposer d’éléments de connaissance plus précis sur la maîtrise par les acteurs économiques des outils offerts par les pouvoirs publics pour soutenir le développement de leur R&D. Une réflexion sur le regroupement d’actions ayant une visée proche pourrait être utilement engagée dans cette optique.

2.   Les délais et le suivi des projets dans le cadre du PIA apparaissent perfectibles

Lors de ses auditions, votre rapporteure a pu observer, de façon globale, que dans leurs principes, les outils du PIA étaient largement approuvés par les acteurs des différentes filières. C’est le cas par exemple dans le domaine de la transition énergétique, où l’on dispose de retours qualitatifs de la part des acteurs concernés par les outils du PIA. Dans une enquête menée sur plus de 300 projets pour l’ADEME, il apparaît que plus de 80 % des répondants sont satisfaits des échanges techniques avec l’opérateur ADEME et du suivi opéré dans le cadre de la convention.

En pratique, les acteurs économiques rencontrent également encore parfois des difficultés en termes de délais pour mener leurs projets à bien sur le moyen terme. Les délais d’engagement et de contractualisation, qui ont été élevés aux débuts du PIA (en particulier sur la période 2010-2012 à cause des procédures de mise en place des premiers PIA) font encore l’objet de critiques en dépit des efforts consentis sur ce sujet sous l’impulsion du SGPI (suivi renforcé, allégement de la taille des dossiers).

Les modalités d’accès au guichet des opérateurs du PIA font également l’objet de critiques, notamment en ce qui concerne les réorientations. La clarté des informations proposées et la coordination des opérateurs en amont doivent permettre une meilleure compréhension des périmètres pris en charge par chacun, afin d’éviter des réorientations parfois tardives faisant perdre un temps important à des petites structures.

Dans le cadre du suivi des projets, les entreprises affirment n’être parfois pas suffisamment associées au processus d’évaluation annuelle qui revêt pourtant pour elles une importance cruciale puisqu’il détermine la poursuite des financements.

Enfin, les délais de versement du solde, dans le cadre de financements critiques, doivent également être réduits autant que possible. Les ruptures de paiement intervenues à la fin de l’année 2018 sur certains projets portés dans le domaine énergétique ont été perçues comme fortement préjudiciables pour la soutenabilité des projets concernés.

Face à ce constat, votre rapporteure recommande de renforcer les pratiques d’évaluation de la satisfaction telles que menées chez les différents opérateurs pour améliorer la qualité du suivi des opérateurs dans ce cadre. Les modalités d’évaluation des projets pourraient également être revues ou mieux expliquées, puisqu’elles sont perçues par certains acteurs comme très chronophages et handicapantes pour soutenir les projets dans la durée. Il apparaît donc nécessaire d’améliorer la visibilité pluriannuelle des projets afin de sécuriser les porteurs de projets.

3.   Le soutien à l’innovation apparaît encore insuffisant lors de la phase d’accélération et d’industrialisation des projets

a.   Le financement des différentes phases du cycle de l’innovation est facilité par l’existence d’un certain nombre d’outils dédiés

L’ensemble des opérateurs soutient, sur des thématiques différentes l’investissement dans des projets innovants en France. Néanmoins, un des quatre opérateurs du PIA, Bpifrance, s’est spécialisé dans cette fonction, en ciblant notamment les failles de marché en termes de financement de l’innovation de rupture pour les entreprises.

En 2018, Bpifrance a accordé près de 700 millions d’euros d’aides à l’innovation (4 604 entreprises), 442 millions d’euros de prêts Innovation et enfin 328 millions d’investissement en fonds propre. Ces aides ont contribué à faire croître le nombre de start-ups en France (environ 10 000 actuellement) et progresser le taux d’innovation des entreprises françaises (56 % toutes tailles confondues, supérieur à la moyenne européenne de 49 %). Sur la période 2005‑2016, l’action de Bpifrance est systémique, avec près de 23 000 entreprises soutenues par 7,5 milliards d’euros de financement.

Bpifrance soutient par son action la phase de pré-maturation des projets. Dans le cadre du PIA 3 (action n° 6 du programme 423), le Fonds national d’amorçage, doté à ce jour de 250 millions d’euros de crédits de paiement, permet de financer les acteurs concernés. En 2018, ce fonds a d’ailleurs réalisé son premier investissement, en direction du PSL Innovation Fund, fonds deeptech dédié aux opérations de transfert technologique et d’amorçage.

La phase de post-maturation fait également l’objet d’un soutien PIA 3. C’est le cas en particulier du Fonds national d’amorçage n° 2, du Fonds French Tech Seed, doté de la même façon (action n° 2 du programme 422) et du Fonds de fonds Multicap croissance doté de 400 millions d’euros (MC3, action n° 8 du programme 423).

Enfin, le fonds d’investissement pour des sociétés industrielles (SPI) doté de 800 millions d’euros, doit permettre de renforcer l’industrialisation des projets de recherche.

b.   Un premier bilan fait apparaître des progrès importants permis, notamment, par les outils du PIA

Depuis plusieurs années, des progrès importants ont été réalisés afin de permettre aux entreprises, notamment aux start-ups, d’accéder plus facilement au financement de leurs projets innovants.

Les premiers résultats sur ce sujet apparaissent très positifs. Au premier semestre 2019, les start-ups françaises ont levé près de 2,8 milliards d’euros, selon le baromètre de capital-risque d’Ernst and Young, ce qui représente une augmentation de 43 % par rapport au dernier semestre 2018 et de 16 % par rapport au nombre d’opérations sur la même période (387 contre 343). Le ticket moyen est ainsi passé de 5,8 millions d’euros à 7,2 millions d’euros sur cette période. Le nombre de levée de 20 millions d’euros a dans le même temps fortement augmenté depuis 2015, de même que celui des méga-levées (5 en France, mais avec des montants moins importants qu’en Allemagne, 675 millions d’euros contre 1,13 milliard pour le premier semestre). L’ambition française doit être, à terme, de se rapprocher du premier acteur européen sur ce sujet, le Royaume-Uni, qui a levé au premier semestre dernier plus de 5 milliards d’euros.

L’impact de l’action de Bpifrance en matière de soutien au cycle de l’innovation dans son ensemble a été évalué favorablement dans le cadre d’une étude réalisée par Roland Berger pour la période 2005-2016. Ses principales conclusions sont les suivantes :

– le soutien total de Bpifrance à l’innovation atteint 1,3 milliard d’euros et possède un impact fort puisque les deux tiers des initiatives n’auraient pas vu le jour sans cette action. Sur la période 2005-2016, le financement de l’innovation par Bpifrance a permis de créer environ 60 000 emplois et généré 20 milliards d’euros de chiffre d’affaires additionnel ;

– 20% des innovations soutenues par Bpifrance peuvent être qualifiées d’innovation de rupture. La part des projets remplissant les critères de la deep tech est aujourd’hui d’environ 7 % ;

– l’intervention de Bpifrance permet de multiplier en moyenne par 2,7 les montants investis sur les projets d’innovation et de 1,75 les dépenses de recherche et développement consenties dans ce cadre. Selon l’étude, il n’y a pas d’effet d’aubaine dans ce domaine ;

– 80% des entreprises ayant obtenu des prêts bancaires et plus de 70 % des start-ups ayant levé des fonds estiment que le soutien de Bpifrance a favorisé ces opérations.

c.   Des difficultés persistent au stade de l’accélération et de l’industrialisation

En dépit de l’existence de ces outils, de nombreux acteurs économiques ont indiqué à votre rapporteure avoir rencontré des difficultés importantes pour lever des fonds au stade de l’industrialisation. L’existence de cet obstacle fait consensus, aussi bien sur le terrain pour les start-ups innovantes qui se retrouvent obligées d’aller chercher des financements américains, en raison de la taille plus limitée des tickets en France, que dans les récents rapports rendus sur le sujet (en 2017 sur « les aides à l’innovation » et en 2019 au sujet du financement « de la 4e révolution industrielle »). Il s’agit de la fameuse « vallée de la mort » citée par de nombreux acteurs et dont l’écosystème entrepreneurial français n’est pas encore complètement sorti, en dépit des progrès réalisés ces dernières années.

Cette question doit être traitée de façon prioritaire puisqu’il s’agit d’un enjeu de compétitivité et de souveraineté technologique pour la France. En effet, dans de nombreux cas, les technologies découvertes grâce à la recherche française et aux dispositifs de soutien à l’innovation nationaux font l’objet d’une valorisation in fine étrangère, conduisant à un rachat des entreprises prometteuses par des fonds étrangers.

Recommandation générale

Votre rapporteure recommande de renforcer l’évaluation qualitative des différents outils de financement du PIA soutenant l’innovation pour s’assurer de leur bon calibrage et de leur accessibilité pour les entreprises.

Cette démarche doit s’inscrire dans le cadre plus large d’une politique de soutien au financement des deep tech, déjà entreprise sous l’égide du Conseil de l’innovation, avec la mise en œuvre, à titre d’exemple, du Fonds pour l’innovation et l’industrie et les annonces récentes du Président de la République relatives à la levée de 5 milliards d’euros d’investissement institutionnel pour faire émerger 25 licornes d’ici 2025.

II.   Le programme d’investissements d’avenir « en PRATIQUE »

Les premiers éléments d’évaluation du PIA, issus de l’expérience des acteurs concernés, montrent des résultats positifs sur les indicateurs de l’économie nationale. Comme nous l’avons vu précédemment, ils sont corroborés par une appétence des acteurs économiques pour les dispositifs mis en œuvre dans ce cadre. Néanmoins, au-delà de l’évaluation générale théorique des effets du PIA sur le soutien à l’investissement, il apparaît indispensable d’incarner les succès et les difficultés de ce programme de façon concrète.

Votre rapporteure vous propose donc dans cette optique d’étudier successivement les résultats obtenus par le PIA dans deux domaines clefs : le soutien à l’innovation énergétique, d’une part, et à l’innovation médicale, d’autre part.

A.   PIA et Énergie : des actions ambitieuses portÉes essentiellement par l’ademe et l’ANR

1.   L’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME) et l’Agence nationale de la recherche (ANR) sont les deux principaux opérateurs chargés de soutenir l’innovation énergétique dans le cadre du PIA

Le soutien aux projets relatifs à la transition énergétique et écologique est une composante importante des programmes d’investissement d’avenir. Il s’agit en effet à la fois d’une problématique importante pour les économies contemporaines, qui doivent réduire leurs émissions de gaz à effet de serre pour tenir leurs engagements internationaux, et d’un enjeu de compétitivité entre les pays, au regard du fort potentiel économique de certains secteurs.

Au deuxième semestre 2019, les fonds PIA destinés soutenir des projets destinés à la transition énergétique et écologique (TEE) sont répartis dans les tableaux ci-dessous par opérateur, et par action.

Soutien financier du pia À la transition écologique et ÉNERGÉtique

(en millions d’euros)

Opérateur

Enveloppe PIA

Part TEE

(en %)

Enveloppe TEE

Ademe

3 900

71

2 788

ANR

26 200

5

1 239

BPI

10 400

0

0

CDC

8 300

15

1 235

CEA, ANDRA, ANAH, ANRU, FAM

8 000

24

1 945

Total

 

 

7 207

Source : SGPI

Au total, 18 actions du PIA sont liées aux enjeux de l’énergie et du développement durable.

Les plus importantes sont les Démonstrateurs et territoires d’innovation de grande ambition (plus d’un milliards d’euros d’enveloppe), les instituts pour la transition énergétique (enveloppe de 871 millions d’euros d’enveloppe) ou encore les actions menées par le CEA (réacteur Jules Horowitz notamment, 248 millions d’euros d’enveloppe).

Le décaissement de cette enveloppe est progressif et en phase intermédiaire comme le donnent à voir les chiffres fournis par le SGPI. Au deuxième trimestre 2019, sur les 7,2 milliards d’euros d’enveloppe, 5 milliards d’euros ont été engagés, 4,3 milliards d’euros ont été contractualisés et 2,7 milliards d’euros ont effectivement fait l’objet d’un décaissement stricto sensu.

L’ADEME est l’acteur le plus important dans ce domaine, puisqu’elle possède à la fois l’enveloppe la plus élevée sur ces questions (2,8 milliards d’euros) et une proportion d’actions financées relatives à la TEE largement supérieure aux autres opérateurs (71 %). Son action couvre plus de 22 thématiques dans ce domaine. Au total, 832 projets ont été menés depuis les débuts du PIA. Ses principales actions relatives à la TEE sont les Démonstrateurs (1,7 milliard d’euros) et les Concours d’innovation (136 millions d’euros).

L’ANR joue également un rôle important pour soutenir la transition énergétique et écologique avec une enveloppe de 1,2 milliard d’euros, dont 350 millions d’euros ont été engagés depuis le lancement du PIA sur les questions énergétiques. La principale action en termes de financement IA est celle des « Instituts pour la Transition Énergétique » (ITE, ex-IEED), qui représentent environ 80 % de ce montant d’engagement. Les LABEX (10 %) et les EQUIPEX (5 %) inscrivent également leur action en faveur de la transition énergétique. Enfin, 4 instituts de recherche technologie mènent des projets en lien avec l’énergie (Saint Exupéry, Nanoelec, SysemX et Railenium).

La Caisse des dépôts et consignations soutient, pour sa part, la TEE à des niveaux de crédits proches de ceux de l’ANR (1,2 milliard d’euros). Elle agit en ce sens principalement à travers l’action « Ville de demain » (PIA 1) dont l’énergie constitue un des axes, et l’action « Démonstrateurs et territoires d’innovation de grande ambition » (PIA 3) qui comprend également un axe énergie. La Caisse des dépôts et consignations participe enfin à la gouvernance des instituts pour la transition énergétique et à l’action « Projets territoriaux Intégrés » (PIA 2) en faveur de la construction d’équipements de méthanisation mutualisés.

Enfin, Bpifrance est un acteur secondaire en matière de soutien à la transition énergétique et écologique. Son action est en effet d’abord dirigée vers l’innovation dans les entreprises. Dans ce cadre, 24 M€ d’aides ont été dirigés vers l’énergie (nucléaire, hydrogène, EnR, stockage, efficacité énergétique…) pour les programmes PIA nationaux et régionaux opérés par Bpifrance.

2.   Bilan du soutien financier du PIA aux énergies renouvelables

Le rapport de la Cour des comptes de 2018, intitulé Le soutien aux énergies renouvelables permet de faire utilement le point sur ce sujet.

Il existe en effet de nombreux dispositifs de soutien à l’innovation dans ce domaine, comme le rappelle le schéma suivant.

Hors crédits du PIA, les budgets de recherche, d’une valeur totale de 79 millions d’euros en 2015, valorisent d’abord l’énergie solaire (56 M€), puis l’éolien (6,6 M€) et la géothermie (4,4 M€).

En ce qui concerne les crédits des PIA 1 et 2, on peut estimer qu’entre fin 2010 et mi-2017, 1,1 Md€ a été engagé sur les projets d’EnR, soit une moyenne annuelle d’environ 163 M€. Les EnR électriques se voient attribuer 80 % de cette somme soit 900 M€, dont 395 M€ sur l’éolien y compris éolien offshore.

Au total, le soutien aux ENR dans le cadre du PIA correspond à 15% des crédits dédiés au développement durable pour les PIA 1 et 2.

PIA et énergies renouvelables

Le projet Provence Grand Large (éolien flottant)

Le projet Provence Grand Large est lun des lauréats d’un appel à projets porté par l’ADEME dans le cadre du PIA et consacré à la réalisation de fermes pilotes d’éoliennes flottantes.

Il consiste en linstallation de trois éoliennes sur la zone dite de « Faraman », à 17 km au large de la plage Napoléon située sur la commune de Port-Saint-Louis-du-Rhône. Son objectif est de démontrer la viabilité de l’éolien flottant et d’acquérir un retour d’expérience environnemental global sur cette technologie.

Le projet Sabella D10 (hydrolien)

Lauréat de l’appel à manifestation d’intérêts (AMI) « Démonstrateurs d’énergies marines » de l’ADEME, ce projet a conduit à l’immersion d’une hydrolienne en Bretagne. Posée sur le fond marin à 55 mètres de profondeur, la « D10 » (référence à son diamètre) est devenue la première hydrolienne à injecter des électrons d’origine marine sur le réseau français à partir de novembre 2015.

Eyegrid (solaire photovoltaïque)

Le projet Eyegrid est porté par Steadsyun, société de services de prévision de la production ou de la ressource solaire.

Son objectif est de faciliter l’intégration du solaire photovoltaïque dans les réseaux de distribution et d’améliorer l’autoconsommation, en permettant un suivi en temps réel et à moindre coût de la production, pour optimiser le pilotage du réseau ou des bâtiments.

Grâce à un réseau de caméras, le projet EYEGRID travaille au Bourget-du-Lac pour permettre un suivi en temps réel et à moindre coût du réseau de distribution électrique.

Source : ADEME

3.   Zoom sur deux actions emblématiques du PIA en matière d’innovation énergétique

a.   Les démonstrateurs dans le domaine de l’énergie (ADEME)

L’action « démonstrateurs », dotée d’une enveloppe de 300 millions d’euros au titre du PIA 3 (et d’une enveloppe de 1 727 M€ au titre des PIA 1 et 2), repose sur un dispositif d’appels à projets (AAP) permettant d’apporter un soutien financier (subventions, avances remboursables) à des projets de R&D et de démonstration sur des thématiques d’avenir.

De 2018 à mi-2019, cette action était constituée de 8 appels à projets :

i. Bâtiments et îlots à haute performance environnementale ;

ii. Agriculture et industries agro-alimentaires éco-efficientes ;

iii. Économie circulaire et valorisation des déchets ;

iv. Énergies Renouvelables ;

v. Industrie Éco-efficiente ;

vi. Matériaux et chimie biosourcés, biocarburants avancés ;

vii. Mobilisation de la biomasse et production de nouvelles ressources ;

viii. Réseaux énergétiques optimisés.

Sur la période allant de 2018 à mi-2019, l’action PIA Démonstrateurs de la transition écologique et énergétique a engagé 94,70 M€ en soutien à 25 projets.

En juillet 2019, un ajustement du dispositif a été mis en œuvre sur la base du retour d’expériences des appels à projets (AAP) précédents et avec l’objectif de simplifier et d’améliorer l’attractivité globale du dispositif.

Les 8 AAP thématiques jusqu’alors en vigueur ont été remplacés par 3 AAP dits « génériques » qui seront actualisés chaque année et qui ont vocation à être couplés au lancement d’un certain nombre d’AAP plus ciblés, dits AAP « flash », répondant sur une période plus courte à des enjeux particuliers, faisant souvent écho aux priorités et à l’actualité du gouvernement.

À ce stade, deux appels à projets flashs ont été publiés :

– un appel à projets visant à décarboner l’usage industriel de l’hydrogène, construit dans la dynamique du « Plan Hulot » sur l’hydrogène de mi 2018 ;

– un appel à projets visant à décarboner les usages ponctuels d’électricité hors réseau avec un prisme fort sur les Jeux Olympiques de Paris 2024.

Au total, 25 projets ont été financés sur ces AAP en 2018 et début 2019 pour un montant de près de 95 M€. Le coût total du projet déposé doit être de 2 millions d’euros minimum.

Ce soutien, sous forme d’aide d’État, est complété par un soutien en fonds propres réalisé par l’ADEME, via son véhicule spécifique « ADEME Investissements » (PIA 3, 400 millions d’euros).

Source : ADEME

En matière dénergies renouvelables, depuis 2011, plus de 200 projets ont été déposés, et 66 avaient été soutenus à la fin de lannée 2018, pour un montant daide de 291 millions deuros.

S’agissant de la transition écologique, le dernier bilan disponible est celui réalisé par l’Ademe pour les années 2010 à 2017. Il donne les résultats suivants, déclinés par bénéficiaires, thématiques, et outils de financement dans le schéma ci-après :

– 1 387 partenaires dont 622 PME / TPE ;

– 745 projets lauréats dont 322 dans les projets « concours innovation (iPME) ;

– un effet de levier de 1,9.

SOUTIEN DE l’ADEME a la transition écologique par L’ADEME (PIA)

Source : ADEME

Exemples de projets soutenus dans le cadre du PIA

Le développement de nouvelles générations de batteries Lithium-Ion (Li-ion)

Dans le cadre de l’AAP « Réseaux énergétiques optimisés », le projet IDOLES, porté par SAFT (TOTAL) et Nawa Technologies ainsi que le CNRS, le CEA et l’INERIS, a été retenu pour financement. Il vise à développer 3 nouvelles générations successives de batteries Lithium-Ion (Li-ion) qui auront des applications industrielles ciblées telles que la mobilité électrique (eBus, chariots élévateurs et à long terme le véhicule léger) et l’intégration de la production renouvelable. Ce projet pourrait constituer une première étape vers une filière européenne de fabrication en grande série de batteries Li-ion et permettre à SAFT de se positionner comme un acteur mondial compétitif sur les marchés du stockage pour la mobilité et les systèmes électriques.

Le développement de matériaux thermoplastiques pour pales et capots de nacelle

Le projet EFFIWIND, qui bénéficie d’une aide de 3,6 millions d’euros, vise à mettre en œuvre des composites à base de polymères thermoplastiques acryliques pour la fabrication de pièces de grandes dimensions. Ces innovations devraient permettre une diminution de poids et de coûts de fabrication, et des possibilités de recyclage.

Source : ADEME

b.   Les instituts pour la transition énergétique (ANR)

Les instituts pour la transition énergétique (ITE) sont des plates-formes interdisciplinaires dans le domaine des énergies décarbonées, rassemblant les compétences de l’industrie et de la recherche publique dans une logique de co‑investissement public-privé et de collaboration étroite entre tous les acteurs. Leur objectif est de renforcer les écosystèmes constitués par les pôles de compétitivité. Ils constituent la principale action des investissements d’avenir dans le domaine de l’énergie.

Deux appels à projets en 2010 et 2011 ont conduit à sélectionner 12 instituts d’excellence sur les énergies décarbonées (IEED) renommés ITE en 2016.

Néanmoins, il n’y a plus aujourd’hui que 8 ITE agissant comme tel : trois ont été arrêtés dans les années suivant leur conventionnement, faute d’avoir rempli les obligations nécessaires pour leur continuation, deux autres n’ont tout simplement pas été conventionnés.

Le tableau suivant donne à voir la diversité des thématiques abordées par les différents ITE.

Source : ANR

Cette action a fait l’objet d’une évaluation détaillée en 2018. Les ITE ont ainsi permis la production de plus de 650 communications scientifiques. L’effet de levier moyen apparaît relativement important, puisqu’il est évalué à 1,8.

Une dynamique de rapprochement entre les IRT et les ITE s’est enclenchée à deux niveaux :

– sur le plan de la gestion des programmes IRT et ITE au sein du PIA, le rapprochement est effectif des équipes SGPI et ANR et un échange d’informations très régulier est en place. Le premier comité de pilotage commun s’est tenu en juin 2019. Il a été décidé une harmonisation des processus financiers appliqués par l’opérateur ANR. Ceci se manifeste notamment par la constitution d’un règlement financier commun aux IRT et aux ITE pour la période 2020-2025 ;

– sur le plan opérationnel, les IRT et les ITE se rapprochent au sein de l’association FIT (French Institutes of Technology), ce qui implique une évolution en cours de la gouvernance de l’association. Un séminaire de rapprochement IRT ITE a eu lieu en janvier 2019. Il a permis de créer une bonne dynamique de groupe. Le 8 octobre s’est tenu, à Lille, le premier forum conjoint aux IRT et aux ITE.

Exemples d’instituts pour la transition énergétique (ITE)

Un ITE travaillant sur lénergie solaire : linstitut photovoltaïque dÎle de France

L’institut photovoltaïque d’Île-de-France a pour objectif de devenir un centre de recherche et d’industrialisation de technologies photovoltaïques de niveau international, regroupant des acteurs industriels et académiques.

Ses partenaires fondateurs sont les suivants :

– pour les acteurs académiques : l’Ecole Polytechnique et le CNRS ;

– pour les industriels : EDF, TOTAL, Air Liquide, Horiba Jobin Yvon et Riber.

Cet institut pour la transition énergétique a deux objectifs :

– viser la rupture technologique sur les technologies photvoltaïques du futur et proposer une plate-forme technique de très haute qualité permettant de se positionner dans le marché mondial du photvoltaïque;

– former les personnels dont les industries photovoltaïque ont besoin.

Ses programmes de recherche se concentrent sur l’amélioration de la performance des industries photovoltaïques notamment en développant de nouveaux matériaux et en travaillant sur les phénomènes de vieillissement des infrastructures.

Un ITE travaillant sur lélectricité : le cas du SuperGrid Institute de Villeurbanne

Créé en 2014, l’ITE SuperGrid travaille à développer les technologies des futurs réseaux de transport à l’énergie électrique intelligents (smart grids).

Son objectif est de devenir le leader européen des technologies des supergrids.

En 2018, il a été classé en tête des PME françaises par l’INPI en ce qui concerne le nombre de brevets déposés (16). La période 2018-2020 devrait lui permettre de vendre ses premières solutions techniques à ses actionnaires.

En termes de stratégie, cet ITE s’est positionné sur les générations futures du HVDC (courant continu haute tension) pour se différencier de la concurrence asiatique.

B.   PIA ET RECHERCHE d’alternatives aux expÉrimentations animales : UN RETARD IMPORTANT QUI DOIT ÊTRE COMBLé

En dépit du soutien important apporté par le PIA à l’innovation dans le domaine de la santé (7 milliards d’euros au total), certains secteurs de la recherche, pourtant porteurs d’opportunités économiques, apparaissent ignorés par les pouvoirs publics.

C’est le cas des recherches d’alternatives aux expérimentations animales, qui rassemblent l’ensemble des méthodes visant à réduire (Reduce) ou remplacer (Replace) l’usage des animaux dans les expériences scientifiques et à améliorer les conditions de leur utilisation (Refine). Malgré l’apparition de nouvelles technologies prometteuses, qu’il s’agisse de la création d’organoïdes, de la bioluminescence ou de l’intelligence artificielle, ce champ apparaît insuffisamment investi par les actions du programme d’investissement d’avenir, au risque de faire perdurer une « anomalie française » dans ce domaine.

Le soutien du PIA au secteur de la santé

Le soutien total à l’innovation dans le secteur de la santé par le PIA est estimé à environ 7 milliards d’euros et se décompose de la façon suivante :

– 26 équipements d’excellence (Equipex) et 46 laboratoires d’excellence (Labex) effectuent des travaux dans le secteur de la santé (460 millions d’euros investis) ;

– 23 infrastructures de recherche en santé et biologique font de même (500 millions d’euros investis) en travaillant notamment sur la grande cohorte nationale « Constances » ;

– 7 instituts hospitalo-universitaires (IHU) reconnus mondialement effectuent également des recherches dans ce domaine (400 millions d’euros investis) ;

– 39 projets de recherche hospitalo-universitaire sont financés pour environ 300 millions d’euros et plus de 160 millions d’euros dans le cadre des projets structurants pour la compétitivité (PSPC) ;

– 1 concours d’innovation « i-Nov » aide de jeunes et petites entreprises notamment sur la thématique de la chirurgie du futur. Chaque année, cette aide concerne 5 à 10 entreprises, pour des montants de 600 000 à 5 millions d’euros ;

Enfin un soutien des fonds de fonds gérés par Bpifrance pour renforcer le capital-risque des entreprises de santé existe (Fonds national d’amorçage, FABS, fonds Multicap croissance).

Source : SGPI

1.   La France a pris un retard préoccupant en matière de soutien aux recherches de méthodes alternatives aux expérimentations animales

Les recherches d’alternatives aux expérimentations animales font l’objet d’une dynamique forte de soutien à la recherche en Europe tandis que la France semble rester à l’écart de cette source d’innovation et d’opportunités économiques.

L’ECVAM, centre européen pour la recherche d’alternatives aux expérimentations animales, est ainsi doté de près de 50 millions d’euros finançant le travail d’une cinquantaine de chercheurs sur ces sujets. Le Royaume-Uni, l’Allemagne et le Danemark possèdent également leurs propres centres de recherche 3R avec des dotations relativement importantes et des ambitions fortes. À titre d’exemple, les Pays-Bas se sont ainsi fixés comme objectif de mettre fin à l’utilisation d’animaux dans le cadre de leurs recherches scientifiques d’ici 2025.

En comparaison, la France souffre d’un retard notable dans ce domaine. L’écosystème de la recherche d’alternatives aux expérimentations animales en France se singularise par une absence de labellisation efficace des recherches concernées. Tout au long de ses auditions sur ce sujet, votre rapporteure a pu observer les difficultés des acteurs de la recherche publique à faire un état des lieux des recherches menées en France actuellement sur ce sujet. Ces obstacles ne tenaient pas seulement au périmètre discuté du champ des alternatives aux expérimentations animales, mais également à une identification insuffisante de ces projets, qui témoigne d’un intérêt moindre porté sur ces thématiques de recherche. La faible lisibilité des recherches menées sur ce sujet tient aussi à l’éclatement des acteurs concernés.

Le paysage de la recherche d’alternatives aux expérimentations animales en France apparaît fortement éclaté

Des projets de recherche d’alternatives aux expérimentations animales sont ainsi portés par l’INSERM, le CNRS (Centre national de la recherche scientifique), l’INRA, le CEA (Centre de l’énergie atomique et des énergies alternatives), l’INERIS (Institut national de l’environnement et des risques industriels), l’INRS (Institut National de Recherche et de Sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles), l’ANSM (Agence nationale de la sécurité du médicament et des produits de santé), l’ANSES (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail).

La plateforme française FRANCOPA, lancée en 2007 à l’initiative du ministère chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche, de l’INERIS et de l’AFSSAPS (ANSES désormais), qui rassemble les acteurs publics et privés concernés par ces sujets, a réussi à sensibiliser davantage les acteurs publics à ces questions, tout en conservant un modèle spécifique (un groupement d’intérêt scientifique) qui marque une intégration plus réduite des enjeux économiques des méthodes alternatives aux expérimentations animales.

Source : FRANCOPA

2.   Ce retard apparaît préjudiciable au regard des opportunités scientifiques et économiques offertes par ce secteur.

Les méthodes alternatives aux expérimentations animales présentent d’abord des avantages en matière de recherche scientifique stricto sensu en apportant d’une part la possibilité de tester certaines molécules qui ne fonctionnaient pas sur les modèles animaux classiques, et d’avoir, d’autre part, un taux de prédictibilité meilleur que ceux-ci. C’est le cas par exemple de l’utilisation des cellules en matière de toxicologie, dont le taux de prédictibilité des effets toxiques d’une molécule peut parfois être plus fort que dans un modèle animal classique (55-80 % contre 60 à 70 %). Les gains pour la recherche médicale proviennent autant de la plus grande fiabilité des résultats, que du temps gagné grâce au traitement de données en haut débit.

Quelques exemples de techniques alternatives prometteuses

Les méthodes les plus innovantes et dynamiques dans ce domaine sont les suivantes :

 la création dorganoïdes (mini-cerveaux, parois intestinales, parois respiratoires, mini-foie etc.) formés à partir de cellules-souches. Cette technique fait l’objet d’un essor remarquable dans le domaine de la recherche appliquée. Les travaux relatifs aux organes sur puce en sont relativement proches et devraient y être associés.

 Limagerie médicale en bioluminescence, qui repose sur la détection de la lumière émise lors de la catalyse par l’enzyme luciférase de son substrat luciférine, ou de l’imagerie par résonance magnétique nucléaire (IRM).

 Lintelligence artificielle, qui laisse entrevoir, par le traitement par algorithme des données de santé, un niveau croissant de prédictibilité des maladies et une meilleure identification de leurs symptômes.

Source : FRANCOPA

Les méthodes alternatives présentent également un fort potentiel économique. Elles favorisent également une logique d’efficience économique dans l’usage des modèles animaux au sein du processus de recherche par les laboratoires publics et les acteurs industriels.

Le gain économique provient d’abord de la réduction du coût d’utilisation des animaux dans le processus de recherche. Le remplacement des tests animaux par des analyses chimiques pour vérifier l’absence de toxines planctoniques dans les huîtres en est un exemple. Par ailleurs, le recours croissant aux nouveaux outils de criblage (screening) par les industriels permettrait une réduction des coûts de développement de leurs produits, grâce à une meilleure sélection en amont du processus de développement des molécules efficaces. De façon plus générale, le gain économique pour les entreprises est avéré, de l’aveu de l’ensemble des acteurs, tout en étant difficile à évaluer quantitativement, puisque variable en fonction des secteurs et des méthodes concernées.

Les recherches d’alternatives aux expérimentations animales présentent enfin un intérêt économique fort et constituent à ce titre un enjeu de compétitivité internationale pour la recherche française. L’écosystème des entreprises et start-ups qui mettent à disposition ces nouvelles méthodes, regroupé notamment au sein de l’Association française des sociétés de services et d’innovation pour les sciences de la vie, comprend plus de 260 sociétés et représente 910 millions d’euros de chiffre d’affaires. Le marché des technologies non animales (NTAs en anglais) a d’ailleurs fait l’objet d’une estimation en 2015 dans une étude économique à destination du gouvernement britannique intitulée Innovate UK. Le marché mondial des essais cellulaires en matière de recherche médicamenteuse (sécurité et toxicité) est ainsi estimé à plus de 20 milliards de $ en 2016 dont 2,2 milliards pour les cellules pluripotentes induites (permettant la création d’organoïdes).

Votre rapporteure a pu observer que l’ensemble des acteurs économiques concernés étaient favorables à un soutien plus avancé de l’État, notamment à travers le PIA, pour dynamiser ce champ de recherche.

3.   Le programme d’investissements d’avenir pourrait être davantage orienté vers la recherche de méthodes substitutives afin de réduire le retard français dans ce domaine

Le Programme d’investissements d’avenir n’apporte pas de soutien à ces recherches dans le cadre de ses différentes actions, en dépit du potentiel d’innovation et des opportunités économiques que ces technologies comportent.

L’audition des différents opérateurs du PIA a en effet confirmé à la fois la difficulté d’identifier des projets soutenus directement en ce sens (absence de labellisation) et la faiblesse de ce soutien.

L’Agence nationale de la recherche (ANR), principal opérateur du PIA en matière de recherche fondamentale a ainsi indiqué que stricto sensu, aucun projet de recherche d’alternatives à l’expérimentation animale n’est abordé au sein des projets du PIA. Le soutien apporté est essentiellement indirect, puisque certaines techniques et modèles de projets PIA pourraient faire l’objet d’un usage dans un second temps, dans le cadre de cette recherche. C’est le cas par exemple du développement de biomatériels et de nanostructures, qui pourraient aboutir à terme à de nouvelles méthodes d’ingénierie tissulaire (organs-on-a-chip).

En définitive, seuls 2 projets soutenus par le PIA font mention dans leur intitulé de description de ce type de méthodes. Il s’agit de i-Lite (8,5 millions d’euros de financement porté par l’APHP), dont l’objet est la création d’un foie artificiel et de linfrastructure FranceBioImaging (FBI, 26 M€ de financement, portée par le CNRS) qui met au point de la modélisation par imagerie.

Ce faible soutien manifeste un manque de volonté politique puisque sur les 17 000 projets ANR financés par l’Agence (y compris hors PIA), seuls 5 projets ont un lien avec les alternatives aux expérimentations animales.

Les autres opérateurs du PIA n’apportent qu’un soutien résiduel et secondaire aux recherches sur cette thématique.

Votre rapporteure a acquis la certitude, au cours de son travail d’audition que le PIA, en raison de ses spécificités relatives au respect des principes d’excellence et d’additionnalité, pourrait contribuer à réduire ce retard en étant réorienté vers le soutien aux recherches d’alternatives aux expérimentations animales.

Dans ce cadre, pour poursuivre la réflexion sur ce sujet, votre rapporteure formule les recommandations suivantes :

Recommandation 1

Créer un véritable centre de recherche dalternatives aux expérimentations animales, afin de reconnaître la valeur académique et économique des techniques développées dans le cadre de ces recherches. Ce centre pourrait prendre, par exemple, la forme d’un EQUIPEX, bénéficiant dès lors de financements PIA.

 

Recommandation 2

Intégrer les méthodes alternatives aux expérimentations animales dans le cadre des concours dinnovation portés par le PIA. Cette mesure aurait la vertu de dynamiser l’écosystème de biotechs qui travaillent déjà sur ces sujets mais manquent parfois d’opportunités pour investir davantage sur notre territoire.

 

Recommandation 3

Labelliser de façon plus efficiente les recherches liées aux « alternatives aux expérimentations animales ». Votre rapporteure a pu observer au cours de ses auditions combien l’absence d’identification de ces recherches est préjudiciable pour identifier les pépites de demain. Il s’agit également de conférer une valeur académique reconnue à un secteur qui fait parfois l’objet d’une certaine réticence.

 

Recommandation 4

Mettre à jour les chiffres des financements destinés aux recherches dalternatives aux expérimentations animales. La France est l’un des seuls pays à ne pas avoir actualisé les données chiffrées qu’elle fournit à la Commission européenne sur ce sujet depuis 2014 (article 47 de la directive 2010/63/UE).

 


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   examen en commission

Au cours de sa réunion du mardi 22 octobre 2019, la commission des affaires économiques a examiné pour avis, sur le rapport de Mme Typhanie Degois, les crédits de la mission « Investissements davenir ».

Mme Valéria Faure-Muntian, présidente. L’examen des crédits de la mission « Investissements d’avenir » nous permet d’évoquer une nouvelle fois ce sujet majeur pour l’avenir de notre pays, après l’audition, au mois de septembre dernier, de M. Guillaume Boudy, secrétaire général pour l’investissement.

La mission « Investissements d’avenir » regroupe l’ensemble des crédits du troisième programme d’investissements d’avenir (PIA 3) au sein de trois programmes : le programme 421 « Soutien des progrès de l’enseignement et de la recherche », le programme 422 « Valorisation de la recherche » et enfin le programme 423 « Accélération de la modernisation des entreprises ». Néanmoins, pour des raisons de périmètre, la commission des affaires économiques n’est saisie que sur les programmes 422 et 423.

L’objectif principal de cette mission est de stimuler l’investissement et l’innovation, grâce à un effet de levier sur les dépenses du secteur privé. Plus globalement, la mission « Investissements d’avenir » occupe une place particulière au sein du projet de loi de finances. Il existe deux raisons à cela. La première tient à la nécessité d’investir dans les secteurs d’avenir pour préparer la France aux enjeux de demain. Le financement des investissements d’avenir s’inscrit en effet dans une logique de longue durée, comme le montrent les trois vagues qui le composent, c’est-à-dire les PIA 1, 2 et 3.

La seconde raison est que les crédits du PIA font l’objet d’une procédure budgétaire spécifique. Des autorisations d’engagement à hauteur de 10 milliards d’euros ont été votées au moment de la création de cette mission budgétaire en 2017. Les décaissements de crédits de paiement ont commencé depuis deux ans, à travers les actions des quatre opérateurs du PIA que sont la Caisse des dépôts et consignations, Bpifrance, l’Agence nationale de la recherche (ANR) et l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME).

En un mot, pour 2020, l’évolution budgétaire de la mission « Investissements d’avenir » est significative. Son budget augmente très fortement : plus de 2 milliards d’euros ont ainsi été inscrits dans le présent projet de loi de finances, ce qui constitue un doublement par rapport à 2019. Cette montée en puissance touche l’ensemble des trois programmes que je viens d’évoquer.

Mme Typhanie Degois, rapporteure pour avis, va nous éclairer sur ce sujet, en particulier en ce qui concerne l’évaluation du PIA, qui est au cœur de son présent avis.

Madame la rapporteure, le PIA est un programme extrêmement vaste, en raison de son ambition initiale, qui est de soutenir l’ensemble des secteurs d’avenir. En pratique, comment se déroule le cycle de vie d’un projet soutenu par le PIA ? Les acteurs rencontrent‑ils des difficultés pour prendre connaissance des appels à projets ou pour obtenir des réponses de la part des opérateurs ?

Par ailleurs, concernant les méthodes alternatives aux expérimentations animales, vous évoquez des différences dans le soutien à la recherche entre la France et les autres pays. Pourriez-vous nous en dire plus ?

Mme Typhanie Degois, rapporteure pour avis. Afin de relever les défis majeurs du XXIe siècle, la France a le devoir de soutenir la recherche et les acteurs économiques dans les chantiers innovants qu’ils entreprennent. C’est le sens du programme d’investissements d’avenir, qui fêtera ses dix ans l’année prochaine.

À cette occasion, il apparaît nécessaire de dresser un premier bilan de ses réalisations : c’est pourquoi il a été choisi d’examiner cet avis budgétaire sous l’angle de l’évaluation du PIA. Depuis 2010, le programme a été doté de 57 milliards d’euros. De tels investissements méritent une évaluation complémentaire de celle du comité de surveillance des investissements d’avenir, qui rendra sous peu un travail exhaustif.

Pour ma part, je me concentrerai sur les crédits du PIA 3, c’est-à-dire 10 milliards d’euros inscrits en autorisations d’engagement en 2017. Les premiers décaissements sont intervenus en 2018 et devraient se poursuivre au-delà de 2022. Ce travail a été l’occasion d’auditionner les acteurs incontournables du PIA, c’est‑à-dire le secrétariat général pour l’investissement, les quatre opérateurs mais aussi les bénéficiaires – entreprises, universitaires, chercheurs.

Avant de revenir sur ces éléments, du point de vue de l’évolution des crédits budgétaires de la mission « Investissements d’avenir », l’année 2020 sera marquée par une accélération forte des décaissements pour les programmes 422 et 423, qui portent sur la valorisation de la recherche et le soutien à la modernisation des entreprises. En effet, au total, les crédits du PIA 3 atteindront en 2020 plus de 2 milliards d’euros, contre 1 milliard l’année précédente. Si ce chiffre global peut cacher des disparités entre les actions, il n’en demeure pas moins que la dynamique est indiscutable et relativement homogène. De fait, seule l’action relative aux démonstrateurs et territoires d’innovation de grande ambition, au sein du programme 422, connaît une diminution budgétaire.

Le PIA fait l’objet d’avis favorables quant à ses effets. Depuis sa création, il a financé plus de 6 200 projets pour un montant de 46 milliards d’euros. L’ensemble des actions menées ont permis d’améliorer significativement la situation des entreprises technologiques. Depuis dix ans, le nombre de start-up en France n’a cessé de croître : elles sont aujourd’hui 10 000. Le taux d’innovation des entreprises, toutes tailles confondues, a suivi la même dynamique, avec une valeur de 56 %, ce qui est supérieur à la moyenne européenne.

De l’avis des acteurs auditionnés, les outils – aides à l’innovation, prêts – sont adaptés. Nous constatons que les appels à projets sont calibrés pour les PME, puisque 54 % des fonds décaissés l’ont été à destination des TPE et des PME. Un bémol sera toutefois apporté pour les entreprises de taille intermédiaire (ETI) qui, en raison de plafonnement de certaines aides, ne sont pas incitées à candidater au PIA. Cette problématique fait l’objet d’une recommandation dans le rapport.

Enfin, le PIA a été bénéfique pour l’économie française. Des données rassemblées par le Secrétariat général pour l’investissement le démontrent. Le programme d’investissements d’avenir a en effet produit des retours sur investissements positifs pour l’État, à hauteur de 209,4 millions d’euros pour 2018 ; ils devraient doubler pour l’exercice 2019. Le PIA a également un effet de levier significatif sur l’investissement privé, qui est de 1,09 avec 45,8 milliards d’euros de cofinancement pour les PIA 1 et 2.

Les outils du PIA ont donné satisfaction dans la majorité des cas ; lorsque les résultats n’étaient pas présents, il y a eu des modifications, voire des suppressions. Ainsi, les instituts pour la transition énergétique (ITE) ont facilité l’affirmation d’une ambition d’excellence dans le domaine de l’énergie. Toutefois, l’État a décidé de fermer quatre ITE qui n’étaient pas parvenus à trouver les relais industriels nécessaires. Ces bons résultats sont confirmés par les acteurs auditionnés, qui ont, dans leur majorité, salué l’utilité des outils mis en œuvre par le PIA.

Les retours d’expérience ont toutefois permis de mettre en lumière des points à améliorer. Premièrement, les acteurs économiques ont encore du mal à identifier le bon opérateur du PIA lorsque les périmètres d’intervention de deux d’entre eux se chevauchent. La réorientation vers le bon guichet provoque parfois des pertes de temps dans l’avancement des projets.

Deuxièmement, les avances remboursables, qui sont un moyen de soutien à un projet innovant, peuvent dans certains cas ne pas correspondre à l’esprit même de l’innovation, qui induit du risque. Pour des projets d’envergure, comme ceux menés par EDF ou le CEA (Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies renouvelables), le risque est tel que si le projet ne marche pas, ils ne pourront tout simplement pas rembourser.

Troisièmement, le processus d’évaluation régulière, s’il a ses vertus, présente aussi des contraintes. De nombreux acteurs sont ainsi longuement revenus, lors des auditions, sur les conséquences négatives du gel des financements le temps de l’évaluation annuelle et sur le manque de prévisibilité pluriannuelle de leur financement. Certains ont même évoqué des problèmes de trésorerie liés au versement en retard du solde prévu, ce qui a pu paralyser l’avancement de projets importants. Enfin, le financement des entreprises en phase d’accélération reste problématique, comme le démontre d’ailleurs le récent rapport de M. Philippe Tibi sur le financement des entreprises technologiques françaises. Nous sommes encore trop dans le schéma d’innover en France, de financer aux États-Unis et de produire en Asie. Il est indispensable que le PIA accompagne les projets au-delà du démonstrateur, au risque, sinon, que la technologie soit finalement détenue à l’étranger. Nous recommandons de renforcer l’évaluation qualitative des outils de financement du PIA afin de nous assurer de leur bon calibrage et de leur accessibilité aux porteurs de projets.

Dans sa partie thématique, le rapport illustre de manière pratique le rôle du PIA dans deux secteurs stratégiques : l’énergie et la santé. Alors que le PIA est un succès dans le soutien à l’innovation énergétique, nous avons constaté des lacunes dans le domaine de la santé, plus particulièrement les méthodes substitutives à l’expérimentation animale.

Le secteur de l’énergie fait l’objet d’un soutien fort, dix-huit actions du PIA étant liées aux enjeux de l’énergie et du développement durable. Les plus importantes concernent les démonstrateurs et territoires d’innovation de grande ambition, les instituts de transition énergétique ou encore des actions menées par le CEA. Au total, près de 7 milliards d’euros sont consacrés aux projets innovants dans l’énergie.

Ce soutien concerne à la fois l’énergie nucléaire et les énergies renouvelables. Il s’agit de projets très concrets et utiles, comme le déploiement d’éoliennes flottantes par EDF, ou encore le développement de nouvelles générations de batteries lithium-ion, comme à l’INES (Institut national de l’énergie solaire) en Savoie, avec pour ambition de créer une véritable filière européenne dans ce domaine.

Au total, en matière d’énergies renouvelables, plus de 200 projets ont été déposés depuis 2011, 66 ont été soutenus pour un montant d’aides de 291 millions d’euros. Il apparaît néanmoins souhaitable que le soutien du PIA aux énergies renouvelables se renforce dans les prochaines années, afin d’inciter les entreprises françaises à innover dans ces secteurs d’avenir hautement compétitifs.

Concernant l’innovation dans la santé, le rapport constate l’existence d’un vivier dynamique d’entreprises et de projets se substituant aux expérimentations animales. En dépit des avantages importants que revêtent ces techniques, tant sur le plan académique qu’économique, elles ne font pas aujourd’hui l’objet de soutiens directs en France. Elles présentent pourtant un potentiel économique fort puisque ces méthodes mobilisent des technologies de pointe, comme la création d’organes à partir de cellules souches – la création d’un cœur artificiel aux États‑Unis a été récemment médiatisée –, l’utilisation de la bioluminescence ou encore le traitement de données de recherche grâce à l’intelligence artificielle. Ces nouvelles méthodes, qui assurent davantage de compétitivité et une meilleure prévisibilité aux entreprises et laboratoires, reçoivent l’adhésion des acteurs.

Dans ce domaine, la France accuse un retard important par rapport à d’autres pays : le Royaume-Uni, le Danemark, l’Allemagne ou encore les États‑Unis se sont déjà dotés de structures de recherche sur le sujet. Ils ont en effet compris que les méthodes alternatives aux expérimentations animales peuvent apporter des gains en matière d’efficacité scientifique et des opportunités économiques. Face à cette inertie, le programme d’investissements d’avenir doit jouer un rôle important pour soutenir les projets du secteur de la santé en France. C’est pourquoi le rapport fait quatre recommandations en ce sens, rejoignant en cela le travail réalisé il y a peu par l’OPECST (Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques), notamment la création d’un centre de recherche sur les méthodes substitutives prenant la forme d’un « equipex » – équipement d’excellence.

Mme Christine Hennion. La mission « Investissements d’avenir » concerne l’engagement des crédits du troisième programme d’investissements d’avenir, dit PIA 3. Doté de 10 milliards d’euros, il vise à soutenir l’innovation et le développement des entreprises par un soutien à l’enseignement supérieur et à la recherche.

Le PIA 3 propose un certain nombre de ruptures par rapport aux deux précédents programmes. Intégré dans le Grand plan d’investissement, qui s’élève à 57 milliards d’euros pour le quinquennat, le PIA 3 inscrit ses actions au-delà du cadre budgétaire habituel. Les autorisations d’engagement ont été ouvertes en 2017 mais les crédits de paiement sont autorisés annuellement au sein de la présente mission. Ces crédits de paiement sont, pour l’année 2020, en augmentation d’environ 1 milliard d’euros par rapport à 2019.

Enfin, la gouvernance a évolué : au Commissariat général à l’investissement (CGI) a succédé le Secrétariat général pour l’investissement (SGPI). Ce changement a permis de mettre l’accent sur l’évaluation des investissements publics, de prendre en charge le déploiement en France du plan Juncker et de resserrer la coordination des opérateurs, qui passent de douze à quatre : l’ADEME, l’ANR, la Caisse des dépôts et consignations et Bpifrance.

À l’heure de l’évaluation globale des PIA, je souhaite remercier Mme la rapporteure pour avis d’avoir choisi d’insister sur des exemples concrets des bénéfices du PIA, comme l’énergie ou encore la santé. Comme exprimé dans le rapport, le PIA présente des retours financiers intéressants, notamment dans le domaine de l’enseignement supérieur et de la recherche, et génère des effets de levier, comme l’attestent les données liées au cofinancement des projets.

Néanmoins, des pistes d’améliorations peuvent être trouvées en matière de lisibilité des actions et des outils, en particulier pour les opérateurs de petite taille de type ETI, de suivi et de délais des projets, et enfin en phase d’industrialisation et d’accélération des projets.

Dans la continuité de ces pistes, j’ai deux interrogations concernant les actions entreprises par les institutions européennes : tout d’abord, comment améliorer l’accès des acteurs et opérateurs aux aides européennes développées en matière de recherche, et comment celles-ci se conjuguent-elles avec les actions du PIA et du Grand plan d’investissement ? Ensuite, comment est prise en considération l’innovation de rupture dans les PIA, sachant que ce type d’innovation nécessite un investissement conséquent, particulièrement pour les petites structures ? De même, comment s’articule la gouvernance avec le Conseil européen de l’innovation qui sera mis en place ?

Mme Typhanie Degois, rapporteure pour avis. Je me suis rendu compte, Madame la présidente, que je n’avais pas répondu à votre question concernant la visibilité et les étapes. Un projet comporte d’abord une phase de pré‑dépôt : le Gouvernement définit des besoins et en fait part au SGPI, lequel rédige un cahier des charges. Ensuite, un conseil de surveillance réunit les ministères compétents et le SGPI pour calibrer l’appel à projets. Puis, l’un des quatre acteurs – ADEME, ANR, Bpifrance et la Caisse des dépôts et consignations –, selon leur champ de compétence, aura un rôle de porteur de l’appel à projets et aura la responsabilité de sa visibilité. Ensuite, les quatre opérateurs ont un devoir d’accompagnement et d’écoute : les entreprises en sont assez satisfaites, d’autant que les opérateurs s’engagent à répondre sous un mois. De plus, l’opérateur est également chargé de l’évaluation. Cela repose donc sur une relation très étroite entre l’entreprise et les opérateurs avec, à chaque fois, une personne affectée au projet.

Pour répondre à Mme Hennion, la nouveauté réside dans le fait que le PIA fait désormais partie du Grand plan d’investissement. Le Secrétariat général pour l’investissement est chargé du pilotage ; ce sont deux choses distinctes mais complémentaires.

Le PIA, depuis 2010, a permis d’inciter les entreprises à répondre à des appels à projets. Concernant le plan Juncker et Europe Horizon 2020, les entreprises étaient en quelque sorte entraînées à déposer leur candidature. Pour les projets européens, beaucoup de candidats s’organisent en consortium, obligeant les entreprises à chercher des partenaires ; cela peut être chronophage car cela nécessite beaucoup de réunions. À l’inverse, dans le cadre du PIA, chaque entreprise peut répondre à un appel à projets. Mais les montants en jeu et les besoins ne sont pas les mêmes : les deux sont donc complémentaires.

Concernant l’innovation de rupture, l’action n° 1 « Intégration des SATT, incubateurs et accélérateurs » du programme 422 prévoit 50 millions d’euros pour la deep tech, tandis qu’un fonds French tech seed, doté de 150 millions d’euros pour 2020 et géré par Bpifrance, y est également consacré. Le Conseil européen de l’innovation, prévu pour 2021, soutiendra les innovations de rupture. Il y a donc complémentarité entre les dispositifs.

Pour conclure, le PIA 3 a atteint son rythme de croisière avec une enveloppe de 2 milliards d’euros en crédits de paiements en 2020. Cela aidera réellement les entreprises à innover. J’émets donc un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission.

Suivant lavis favorable de la rapporteure, la commission donne un avis favorable à ladoption des crédits de la mission « Investissements davenir ».


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   LISTE DES PERSONNES AUDITIONNées

Agence nationale pour la recherche (ANR)

M. Arnaud Torres, directeur des grands programmes d’investissements de l’État

France Innovation

M. Elie Znaty, directeur scientifique de la SRC Bertin Technologies et administrateur de l’ASRC et de France Innovation

M. Jean-Christophe Lourme, président de la SRC Valotec et administrateur de l’ASRC et de France Innovatio

M. Jérôme Billé, délégué général de l’ASRC et de France Innovation

ADEME

M. Régis Le Bars, responsable de programmes

M. Valentin Devriès, directeur adjoint Entreprises et transitions industrielles

France Stratégie

M. Mohamed Harfi, docteur en économie, expert référent en charge des questions d’enseignement supérieur, de recherche et d’innovation

M. Rémi Lallement, chef de projet du département Économie de France Stratégie

INSERM

Dr Brigitte Rault, Pôle Infrastructures-Organismes modèles et ressources, Référente BEA Inserm

Mme Sandrine Ayuso, Pôle Partenariats et Politique de site

Mme Anne-Sophie Etzol, chargé des relations institutionnelles

M. Serge Picaud, directeur de recherche

Ministère de lÉconomie et des Finances – Direction générale des entreprises (DGE)

M. Alain Schmitt, chef du service de la compétitivité, de l’innovation et du développement des entreprises et adjoint au directeur général de la direction générale des entreprises

M. Christophe Strobel, adjoint au chef du bureau de l’innovation et de la propriété industrielle (sous-direction de l’innovation et de l’entrepreneuriat)

LEEM *

M. Thomas Borel, directeur des affaires scientifiques

Mme Flore de Pradel de Lamaze, responsable RSE

M. Thierry Decelle, vétérinaire en chef, responsable de la protection animale, Sanofi

M. Laurent Gainza, directeur des affaires publiques

Mme Fanny de Belot, responsable des affaires publiques

CEA *

Mme Marie-Astrid Ravon-Berenguer, directrice financière et des programmes

M. Jean-Pierre Vigouroux, chargé des relations avec le Parlement

Bpifrance *

Mme Sophie Rémont, directrice de l’expertise au sein de Bpifrance

M. Jean-Baptiste Marin Lamellet, responsable des relations institutionnelles

Francopa

Mme Francelyne Marano, professeur émérite université Paris Diderot, présidente du GIS FRANCOPA

M. Philippe Hubert, directeur du GIS FRANCOPA

Caisse des dépôts et consignations (CDC)

M. Nicolas Chung, directeur de la Mission Mandats et Investissements d’Avenir de la Banque des Territoires

M. Adil Taoufik, conseiller relations institutionnelles

Syndicat des énergies renouvelables (SER) *

M. Jean-Louis Bal, président

M. Alexandre Roesch, délégué général

Mme Delphine Lequatre, responsable du service juridique

M. Alexandre de Montesquiou, directeur associé, consultant

Secrétariat général pour linvestissement, service du Premier ministre

M. Guillaume Boudy, secrétaire général à l’investissement

M. Olivier Morin, directeur financier

EDF *

M. Jean-Paul Chabard, directeur scientifique de la Recherche et Développement

Mme Véronique Loy, directrice adjointe des affaires publiques

ALTERTOX

Dr François Busquet, directeur

OPECST

Mathilde Lecompte, conseillère scientifique

* Ces représentants dintérêts ont procédé à leur inscription sur le registre de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, sengageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de lAssemblée nationale.


([1]) Loi n° 2010-237 du 9 mars 2010 de finances rectificative pour 2010 (PIA 1) et loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 de finances pour 2014 (PIA 2)

([2]) Parmi les opérateurs des PIA 1 et 2 non retenus pour le PIA 3 figurent l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs, l’Agence nationale de l'habitat, l’Agence nationale pour la rénovation urbaine, l’Agence de services et de paiement, le Centre national d'études spatiales, le Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives, l’Office national d'études et de recherches aérospatiales ou encore FranceAgriMer.

([3]) Hors fonds d’investissement pour la partie prévisionnelle.