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N° 2298

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 10 octobre 2019.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES
SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2020 (n° 2272)

TOME XII

OUTRE-MER

PAR M. Max MATHIASIN

Député

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 Voir les numéros : 2272 et 2301 (Tome III, annexe 31).


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SOMMAIRE

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 Pages

introduction

PREMIÈRE PARTIE Le budget de la mission « outre mer » reste globalement stable malgré des effets de périmètre et une exÉcution budgétaire à améliorer

I. Le budget de la mission reste globalement stable

A. une baisse apparente des crédits

B. qui sexplique par des effets de périmètre

II. une sous-consommation des crédits en voie de correction

A. une sous-consommation des crédits

B. en voie de correction

seconde partie les freins structurels à linsuffisante production agricole ultramarine expliquent en partie le recours aux importations ainsi quun régime daides spécifiques quil convient de pÉrenniser et moderniser pour rendre la vie moins chère

I. le manque structurel de compétitivité de lagriculture locale ultramarine nécessite un régime daides spécifiques

A. une production locale sous contraintes qui justifie le recours aux importations agricoles

1. Une production locale sous contraintes

2. Un solde commercial structurellement déficitaire du fait dun recours nécessaire aux importations agricoles

a. La structure des importations met en évidence un déficit de produits carnés et laitiers

b. Les produits dits de « dégagement » pourtant non similaires aux produits locaux sont un frein à la production locale

c. La structure des exportations met en évidence une spécialisation des filières

B. LA nécessitÉ dun régime daides spécifiques

1. Loctroi de mer, un dispositif spécifique de protection de la production locale

2. Les aides aux filières exportatrices telles que la banane, le sucre et le rhum

3. Laide au fret, réformée par la loi du 28 février 2017

4. Un régime de TVA spécifique à taux réduit

II. DES AIDES quil convient de pérenniser et de moderniser pour rendre la vie moins chÈre

A. le coût des importations renforce la vie chère

1. Le coût des importations lié aux frais dapproche renforce la vie chère

2. Les taxes, dont loctroi de mer, participent en partie du renchérissement de la vie chère

B. Pérenniser et moderniser les régimes daides spécifiques permettrAIenT de rendre la vie moins chère

1. Pérenniser le régime doctroi de mer en le modernisant pour rendre le coût de la vie moins cher

a. Exonérer les importations pour lesquelles il nexiste pas déquivalent dans la production locale

b. Simplifier la grille des taux doctroi de mer pour la rendre géographiquement plus cohérente

2. Mettre en place une TVA à 0 % sur certains produits de première nécessité

3. Développer davantage des filières de diversification par des aides spécifiques

4. Encourager lexportation de la production locale en développant des labels outre-mer par des aides spécifiques

examen en COMMISSION

liste des personnes auditionnÉes


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   introduction

La question de la vie chère est une préoccupation majeure dans les territoires ultramarins. Conséquence inéluctable de l’éloignement, de l’insularité et de l’étroitesse des marchés locaux qui ne permettent pas des économies d’échelle, elle ne saurait, pour autant, être une fatalité, comme l’ont démontré, ces deux dernières années, tant les Assises des outre-mer que le vote de la loi « EROM » ([1]), et plus récemment encore l’ambition affichée par la ministre des outre-mer, Mme Annick Girardin, avec la présentation de la « Trajectoire outre-mer 5.0 ».

Faire le choix de présenter un budget centré sur un développement économique durable, c’est assumer le choix de ne pas céder à la facilité qui consisterait à se résoudre à une inégalité persistante entre métropole et territoires ultramarins.

Transformer en atouts les apparentes faiblesses liées à l’éloignement, à l’insularité et à l’étroitesse des marchés est la gageure à laquelle répond donc le présent budget de la mission « Outre-mer ». Les crédits de la mission reflètent cette ambition en affichant un montant équivalent à celui voté en loi de finances pour 2019, à périmètre constant. Les transferts et changements de périmètre rationalisent la lisibilité de l’affectation des crédits sans pour autant entamer la cohérence de la présente mission qui traduit dans ses deux programmes ses priorités : « Emploi outre-mer » et « Conditions de vie outre-mer ».

Il est apparu naturel au rapporteur, dès lors, de consacrer l’essentiel de son propos à la question des importations agro-alimentaires, importations rendues nécessaires du fait d’une insuffisante production locale. Si les importations en tant que telles ne sont que l’un des déterminants de la vie chère, elles y contribuent, tant du fait des marges dues aux coûts d’approche (fret, manutention, octroi de mer) que de la tension concurrentielle qu’elles font peser sur les produits issus de la production locale, concurrence défavorable à son développement.

Dès lors, un régime d’aides spécifiques dont l’octroi de mer, s’avère nécessaire pour protéger et inciter au développement de la production locale. Critiqué du fait de son coût, pour votre rapporteur le régime de l’octroi de mer a fait montre d’une utilité certaine même s’il apparaît nécessaire de l’adapter pour une plus grande efficacité. Outre une conservation des régimes d’aides existants, votre rapporteur insiste sur la nécessité de créer des aides spécifiques pour préserver et développer une production locale encore fragile qui souffre d’un déficit de compétitivité, déficit renforcé en raison de la part des importations dans l’approvisionnement local. Pour votre rapporteur, la diversification et l’organisation des filières agricoles sont les moyens vers lesquels il faut tendre pour atteindre de nouveaux marchés, notamment en métropole et en Europe.


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   PREMIÈRE PARTIE
Le budget de la mission « outre mer » reste globalement stable malgré des effets de périmètre et une exÉcution budgétaire à améliorer

I.   Le budget de la mission reste globalement stable

Les crédits demandés pour la mission « Outre-mer », mission composée de deux programmes, le programme 138 « Emploi outre-mer » et le programme 123 « Conditions de vie outre-mer » sélèvent à 2,61 milliards deuros dans le cadre du projet de loi de finances (PLF) pour 2020, à comparer aux 2,61 milliards deuros votés en loi de finances pour 2019.

Si le budget de la mission « Outre-mer » apparaît donc comme étant globalement stable, hors mesure de périmètre et de variation de lACOSS (Agence centrale des organismes de sécurité sociale) si on le rapporte aux 2,61 milliards votés en loi de finances initiale pour 2019, il fait apparaître une légère baisse des crédits de paiement (- 0,7 %) alors que les autorisations dengagement affichent une progression de 2 %.

Néanmoins la baisse des crédits de paiement nest quapparente si lon tient compte à la fois des changements de périmètre et des transferts de crédits sur lexercice 2020. Par changements de périmètre et transferts de crédits il faut entendre le fait que lon compare le volume de crédits affecté aux projets ultramarins même sil ne figure pas tel quel dans la présente mission ; in fine cest le même volume de crédits qui est affecté au financement des priorités ultramarines.

Le budget de la mission « Outre-mer » affiche une ambition préservée qui se traduit par la mise en œuvre de la « Trajectoire outre-mer 5.0 » présentée par la ministre des outre-mer, Mme Annick Girardin, le 8 avril 2019 : zéro exclusion, zéro carbone, zéro déchet, zéro polluant agricole, et zéro vulnérabilité.

Centrée sur le développement économique en y incluant le développement durable, la mission « Outre-mer » a pour objectif premier daméliorer la vie quotidienne des ultramarins notamment en soutenant lemploi et le développement économique. Aussi les deux programmes de la mission mettent-ils laccent tant sur le soutien aux entreprises que sur le financement des politiques publiques en faveur du logement.

Structuré en quatre actions, le programme 138 « Emploi outre-mer » concentre dans laction 01 « Soutien aux entreprises », 92 % des crédits hors titre 2, cest-à-dire hors dépenses de personnel. Cette action concerne la compensation des exonérations des charges patronales pérennes, à la suite de la suppression programmée du CICE (crédit dimpôt pour la compétitivité et lemploi) telle quinitiée en 2018.

Sagissant du programme 123 « Conditions de vie outre-mer » structuré en huit actions, cest également laction 01 « Logement » qui concentre lessentiel des crédits destinés à financer les politiques publiques en faveur du logement.

A.   une baisse apparente des crédits…

En volume, les montants semblent identiques pour les autorisations d’engagement si l’on intègre les mesures de périmètre ainsi que le montant prévisionnel de l’ACOSS pour les exonérations de charges.

Toutefois, si l’on ne tient pas compte les mesures de périmètre, les autorisations d’engagement ne sont plus que d’un montant de 2,504 milliards d’euros affichant ainsi une baisse d’un peu plus de 100 millions d’euros.

Les crédits de paiement demandés pour l’exercice 2020 sont de 2,358 milliards d’euros comparés aux 2,524 millions d’euros votés en 2019. Si l’on prend en considération les mesures de périmètre : les crédits de paiement n’enregistrent qu’un repli de 0,7 %.

Au sein des deux programmes, une disparité est également présente en termes de crédits demandés.

Le programme 123 est le plus affecté par les mesures de périmètre, qui représentent un changement d’affectation d’environ 71 millions d’euros en autorisations d’engagement.

À l’inverse le programme 138 affiche une augmentation de 3,8 % en autorisations d’engagement et crédits de paiement. L’action 01, intitulée « Soutien aux entreprises », présente la hausse la plus importante, 6,9 %, qui repose sur le montant prévisionnel d’exonération des cotisations sociales patronales, prévu par l’ACOSS, et, initié en loi de finances pour 2019.

En fait, la baisse des crédits n’est qu’apparente. Comme le montre le tableau ci-dessous, à périmètre constant, les crédits votés en 2019 et ceux demandés en loi de finances initiale pour 2020 sont globalement identiques. Seuls les crédits de paiement présentent une faible variation qu’il faut mettre en miroir avec le taux d’exécution constaté sur l’exercice 2018 et l’exercice 2019 en cours.

 

 

 

 

 

 

 

présentation par programme et action des crédits de la mission outre-mer

Source : extrait du bleu budgétaire, mission « Outre-mer ».

B.   … qui s’explique par des effets de périmètre

Le budget de la mission « Outre-mer » comprend plusieurs mesures de périmètre qui expliquent la baisse apparente constatée en termes de crédits demandés. Seul le programme 123 se trouve affecté tant par ces mesures de périmètre que par les transferts.

Ce sont 7,6 millions deuros qui changent d’affectation au profit de la mission « Cohésion des territoires » qui dépend du ministère de l’intérieur et sont plus précisément intégrés dans le programme 162 « Interventions territoriales de l’État » :

– 0,2 million d’euros sont affectés au programme d’intervention territoriale de l’État (PITE) afin de réparer les conséquences de l’utilisation du chlordécone ;

– 7,4 millions d’euros sont intégrés au programme d’intervention territoriale pour la Guyane afin de réorganiser les services de l’État dans ce territoire.

90,5 millions deuros correspondant à la dotation globale dautonomie de la Polynésie sont également définitivement soustraits du budget relatif aux outre-mer, à la demande des élus Polynésiens, pour être affectés à un prélèvement sur recettes de l’État.

À l’inverse, le programme 123 bénéficie d’une mesure de transfert de crédits en faveur de la Guyane. Il sagit dune dotation de 127 millions deuros, tant en autorisations dengagement quen crédits de paiement.

Ainsi les crédits de la mission « Outre-mer » restent-ils globalement stables hors mesures de périmètre et hors montant des exonérations de charges prévues par l’ACOSS.

Il importe de souligner que les crédits demandés pour la loi de finances initiale pour 2020 mettent laccent sur lamélioration de la vie quotidienne des Ultramarins – la lutte contre la vie chère est au nombre de ces préoccupations – mais également sur le développement économique qui nécessite une amélioration de lingénierie tant des services de lÉtat que des collectivités territoriales : un effort budgétaire dans le projet de budget pour 2020 est fait en ce sens.

II.   une sous-consommation des crédits en voie de correction

A.   une sous-consommation des crédits…

Le défaut d’ingénierie tant dans les services de l’État que dans ceux des collectivités territoriales a mis en évidence le niveau significatif de sous‑consommation des crédits dans l’exercice 2018.

Cette sous-consommation concerne essentiellement le programme 123.

La sous-consommation ne vaut pas pour les autorisations d’engagement : l’enveloppe ayant été consommée à hauteur de 99,86 %. Il nen va pas de même pour les crédits de paiement dont la sous-consommation est de 70,46 millions deuros.

L’exercice 2019 met en évidence une possible sous-consommation malgré les mesures de correction mises en œuvre fin 2018.

Fin août 2019, le taux d’exécution du programme 123 était de 49,2 % en autorisations d’engagement, et de 39,1 % en crédits de paiement. Si, comparés à l’exercice précédent, ces chiffres semblent légèrement inférieurs, il faut néanmoins les rapporter à une enveloppe de crédits de 66 millions d’euros supplémentaires.

En outre les factures étant généralement fournies sur les trois derniers mois d’exercice budgétaire, il est trop tôt, pour se prononcer définitivement sur la question d’une sous‑exécution, l’exercice n’étant pas définitivement clos.

B.   … en voie de correction

Si cette sous-consommation n’affecte pas directement les territoires ultramarins dans la mesure où les projets ne sont pas remis en cause, il apparaît clairement que sa récurrence est due à une faiblesse d’ingénierie. Cette faiblesse a été partiellement corrigée dans l’exercice en cours et justifie l’affectation de crédits à destination des collectivités territoriales par le présent projet de loi de finances pour en corriger les effets tant en cours d’exercice que pour l’avenir. En effet, outre le financement de la mise en œuvre de deux plates-formes d’appui territorial à Mayotte et en Guyane, le programme 123 prévoit des crédits à hauteur de 13 millions deuros pour financer des missions dingénierie et détudes au profit des collectivités territoriales.

Ces mesures devraient permettre de corriger les effets de sous‑consommation des crédits pour les exercices budgétaires à venir, ce qui relativise d’autant la légère contraction observée sur les crédits demandés dans le présent projet de loi.


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   seconde partie
les freins structurels à l’insuffisante production agricole ultramarine expliquent en partie le recours aux importations ainsi qu’un régime d’aides spécifiques qu’il convient de pÉrenniser et moderniser pour rendre la vie moins chère

I.   le manque structurel de compétitivité de l’agriculture locale ultramarine nécessite un régime d’aides spécifiques

En propos liminaires, il convient de préciser que le terme d’agriculture ultramarine, utilisé dans le présent rapport, recouvre des situations diverses, chaque territoire ultramarin représentant une réalité spécifique.

Malgré la diversité des territoires, l’agriculture ultramarine a pour caractéristique, dans tous les outre-mer, une absence de compétitivité structurelle liée en partie à l’insularité et à l’éloignement qui justifie tant le recours aux importations agricoles qu’un régime d’aides spécifiques pour protéger la production locale.

A.   une production locale sous contraintes qui justifie le recours aux importations agricoles

Le taux de couverture, par la production locale, des besoins alimentaires des habitants est globalement insuffisant ce qui nécessite un recours aux importations. Ces importations se sont accrues depuis 2010 malgré les régimes d’aide mis en œuvre.

1.   Une production locale sous contraintes

Selon l’Office de développement de l’agriculture outre-mer, l’ODEADOM, la production agricole des départements doutre-mer sétablit à 3 millions de tonnes pour une valeur hors aides de 917 millions deuros.

Alors que, globalement la population saccroît, le taux de couverture par la production locale des besoins alimentaires des habitants est insuffisant. Si ce taux de couverture diffère selon les filières agricoles et les territoires, il ne permet pas, quel que soit le territoire ultramarin pris en compte, de couvrir lensemble des besoins alimentaires.

Certains secteurs connaissent des taux de couverture très bons, de lordre de 70 % pour les œufs, par exemple. Pour les fruits, des inégalités persistent : alors que la Guyane et Mayotte se distinguent par de très bons taux de couverture, entre 77 et 96 % selon les estimations, ces taux savèrent satisfaisants pour La Réunion, entre 36 et 63 %, mais plus faibles pour les Antilles : selon les variétés entre 14 et 34 % pour la Martinique, et entre 14 et 45 % pour la Guadeloupe.

Pour les légumes, ces taux sont également élevés pour la Guyane, entre 83 et 92 %, Mayotte, entre 77 et 91 %, et La Réunion, entre 50 et 70 %, mais restent trop faibles aux Antilles : entre 25 et 37 % pour la Martinique, et entre 40 et 55 % pour la Guadeloupe.

En revanche, les taux de couverture pour les productions animales restent faibles pour lensemble des territoires, excepté La Réunion, qui se distingue par des taux de couverture supérieurs pour la viande de volaille, entre 30 et 40 %, contre des taux inférieurs à 10 % dans les autres territoires ainsi que, dans une moindre mesure, pour les viandes de boucherie, entre 25 et 35 % à La Réunion contre des taux inférieurs à 20 % dans les autres territoires.

Outre linsularité, ce faible taux de couverture sexplique par des contraintes liées à léloignement et à létroitesse du marché local qui ne permettent pas aux producteurs de réaliser des économies déchelle. En outre, les coûts des intrants et des matériaux importés nécessaires à la production agricole ou agroalimentaire surenchérissent les prix de revient.

La production locale savère donc insuffisante et peu compétitive par rapport aux produits dimportations alimentaires.

Le tableau ci-dessous, extrait de l’avis n° 19-A-12 concernant le fonctionnement de la concurrence en Outre-mer, rendu, par l’Autorité de la concurrence, le 4 juillet dernier, montre que la production locale ne représente qu’une faible part de l’approvisionnement des grossistes et des distributeurs ultramarins, qui privilégient, le recours aux produits importés plus compétitifs malgré les coûts d’approche. Seuls 26 % des approvisionnements proviennent de la production locale dans les départements et régions doutre-mer.

part moyenne (en valeur) des importations dans les achats de marchandise

 

Import direct

(circuit court)

Import indirect

(circuit intégré + circuit long)

Local

Distributeur

45 %

29 %

26 %

Source : réponses au questionnaire, calculs ADLC

Pourcentage calculés sous forme de moyenne arithmétique du poids des différents canaux pour chaque distributeur interrogé.

Même si ce tableau a été réalisé avec des données portant sur un périmètre plus large que le seul secteur alimentaire, c’est-à-dire l’ensemble des achats des distributeurs, il met en évidence la concurrence que les produits agricoles importés jouent sur le niveau des prix et sur les perspectives de développement de la production locale.

2.   Un solde commercial structurellement déficitaire du fait d’un recours nécessaire aux importations agricoles

L’insuffisance de la production locale ne permet pas d’assurer l’autosuffisance alimentaire. Aussi le recours aux importations est-il nécessaire. Néanmoins, un rééquilibrage progressif du solde commercial structurellement déficitaire est possible grâce, notamment, à une politique volontariste.

Selon les données recueillies par l’ODEADOM ([2]), en 2018, le montant des importations de produits agricoles et agroalimentaires pour les cinq départements ultramarins sest élevé à un peu plus de 2 milliards deuros, alors que les exportations de ces mêmes types de produits représentaient un peu moins de 360 millions deuros.

Ainsi, le déficit commercial a été de 1,8 milliard deuros en 2018.

a.   La structure des importations met en évidence un déficit de produits carnés et laitiers

La structure des importations fait apparaître des besoins alimentaires en produits carnés, laitiers et « préparations alimentaires » pour les produits agro-alimentaires.

b.   Les produits dits de « dégagement » pourtant non similaires aux produits locaux sont un frein à la production locale

Parmi les importations une catégorie particulière de produits importés doit retenir lattention, celle des produits dits de « dégagement ». Par produits de dégagement on entend des produits carnés, surgelés, à bas coûts, dont la différentiation se fait par un prix de vente inférieur à celui qui serait pratiqué en métropole. Dans son avis précité ([3]), l’Autorité de la concurrence relève, que pour des pilons de poulet surgelés, on pouvait trouver, en 2017, « un prix moyen de 3,75 €/kg alors que la moyenne pondérée des prix nationaux était de 10,61 /kg, soit un prix inférieur de 65 %. ».

Tout en répondant à une demande, les produits de dégagement exercent une pression concurrentielle sur la production locale et constituent un frein au développement et à la structuration des filières.

Votre rapporteur considère que les produits de dégagement tout en répondant à une demande spécifique pourraient du fait de leur coût très inférieur entrer dans le champ de linterdiction légale de la vente à perte.

À tout le moins, il serait bon de sassurer que les conditions sanitaires et qualitatives de ces produits sont bien remplies avec un affichage précis sur la provenance, la composition, etc Des contrôles sanitaires renforcés seraient nécessaires.

c.   La structure des exportations met en évidence une spécialisation des filières

Quant aux exportations, elles sont essentiellement composées de produits destinés au marché métropolitain et européen, qu’il s’agisse des produits piscicoles, essentiellement en Guyane, de fruits, en particulier la banane, de boissons, de rhum et de sucre non transformé.

La structuration de l’agriculture ultramarine en filières s’avère donc nécessaire afin de développer l’exportation de produits locaux, développer la production locale et agrandir le marché pour faire baisser les prix avec des économies d’échelle.

B.   LA nécessitÉ d’un régime d’aides spécifiques

L’insuffisance de la production locale nécessite un régime d’aides spécifiques visant à la protéger de son manque de compétitivité intrinsèque.

De nombreuses aides existent, dont l’exonération des cotisations sociales, la défiscalisation des moyens de production, une TVA inférieure, voire une TVA à 0 % en Guyane et à Mayotte, mais le dispositif le plus emblématique pour protéger la production locale s’avère être l’octroi de mer.

1.   L’octroi de mer, un dispositif spécifique de protection de la production locale

Dispositif ancien, dont l’origine remonte à Colbert, loctroi de mer est une taxe sur les marchandises qui se décompose en deux taxes : loctroi de mer externe et loctroi de mer interne.

Loctroi de mer externe est perçu lors de l’importation de biens dans les cinq départements et régions d’outre-mer en fonction de la valeur en douane de la marchandise telle que définie par les articles 69 à 46 du code des douanes.

Loctroi de mer interne est perçu lors de la livraison de la production locale dans ces mêmes territoires.

Cette taxe poursuit deux objectifs contradictoires : un objectif historique, protéger la production locale de la concurrence des importations ; un objectif contemporain, assurer le financement des collectivités territoriales ultramarines, collectivités territoriales qui fixent les taux applicables. La fixation des taux est, en effet, de la compétence des conseils régionaux de Guadeloupe et de La Réunion, des assemblées de Guyane et de Martinique et du conseil départemental de Mayotte.

Ce dispositif est doublement encadré, au niveau communautaire par la décision du Conseil n° 940/2014/UE du 17 décembre 2014 modifiée par la décision du Conseil n° 2019/664 du 15 avril 2019, qui a entériné la reconduction d’un dispositif d’aide applicable jusqu’au 31 décembre 2020.

Ce dispositif d’aide permet d’appliquer des différences de taxation entre octroi de mer externe et octroi de mer interne, par chaque collectivité en faveur de la protection des productions locales sensibles. Il permet également de non assujettir à l’octroi de mer interne des entreprises dont le chiffre d’affaires est inférieur à 300 000 euros.

Cette réglementation communautaire a été transposée par la loi n° 2004‑639 du 2 juillet 2004 modifiée par la loi n° 2015-762 du 29 juin 2015 et la loi de finances rectificative pour 2016 et son décret d’application n° 2015-1077 du 26 août 2015 modifié.

2.   Les aides aux filières exportatrices telles que la banane, le sucre et le rhum

Selon les chiffres publiés par l’ODEADOM, en 2018, la filière canne‑sucre‑rhum représente 50 % de l’ensemble des soutiens publics à l’agriculture, c’est-à-dire 295 millions d’euros répartis entre La Réunion et les Antilles.

Quant au secteur de la banane, il représente environ 20 % des aides publiques, essentiellement en faveur des producteurs martiniquais et guadeloupéens.

Ces soutiens publics aux filières exportatrices viennent en majeure partie des programmes communautaires dont le POSEI (programme d’options spécifiques à l’éloignement et à l’insularité), à hauteur de 50 %, et de programmes de soutien national, à hauteur de 30 %.

Sans aides à l’export, ces secteurs, pourtant fortement productifs, ne seraient pas compétitifs. Outre une reconduction de ces aides, votre rapporteur préconise leur augmentation, notamment pour soutenir la filière sucre, aujourd’hui en difficulté, et surtout pour permettre le développement des filières de diversification.

3.   L’aide au fret, réformée par la loi du 28 février 2017

Instaurée par l’article 24 de la loi du 27 mai 2009 pour le développement des outre-mer, l’aide au fret vise à couvrir les surcoûts de transport de marchandises hors Nouvelle-Calédonie et Polynésie française.

Réformé par la loi du 27 février 2017 de programmation relative à l’égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique (loi dite EROM), le champ d’intervention de l’aide au fret a, notamment, été élargi tant aux produits importés des pays tiers des départements et collectivités ultramarines.

Il a également été élargi au retraitement des déchets ce qui pourrait ouvrir des débouchés en termes d’exportation aux déchets agricoles et permettre de rééquilibrer une balance commerciale structurellement déficitaire.

Cet élargissement du périmètre de l’aide, outre une meilleure intégration régionale, devrait permettre tant de soutenir le développement économique que faire baisser le coût des marchandises importées.

4.   Un régime de TVA spécifique à taux réduit

Outre une exonération temporaire de TVA en Guyane et à Mayotte, les départements d’outre-mer et les territoires d’outre-mer bénéficient d’une TVA à taux réduit sur les importations : un taux normal de 8,5 %, par comparaison au taux normal de 20 % existant en métropole, et un taux réduit de 2,1 %, contre des taux réduits de 5,5 % et 10 % en métropole.

La TVA qui frappe les importations est entièrement récupérable contrairement à l’octroi de mer qui renchérit leur coût de son montant.

Les exportations, quant à elles, ne sont pas assujetties à la TVA.

II.   DES AIDES qu’il convient de pérenniser et de moderniser pour rendre la vie moins chÈre

A.   le coût des importations renforce la vie chère

1.   Le coût des importations lié aux frais d’approche renforce la vie chère

Les importations agricoles sont rendues nécessaires par l’insuffisance de la production locale. Pour autant, elles participent du renforcement de la vie chère en raison des coûts dits d’approche liés à l’éloignement des territoires ultramarins.

Dans son avis n° 19-A-12 du 4 juillet 2019 concernant le fonctionnement de la concurrence en Outre-mer, l’Autorité de la concurrence a mis en évidence que les coûts d’approche, qui comprennent le transport maritime, l’octroi de mer, la manutention et les frais de dédouanement représentent 20 à 30 % du montant total des marchandises importées pour les territoires et régions doutre-mer.

Il convient de préciser, que ces montants sont non seulement plus élevés pour des territoires plus éloignés, comme la Polynésie française, mais également que la structure des coûts dapproche diffère selon les territoires, le fret maritime en composant la part la plus importante, comme l’a rappelé récemment l’Autorité polynésienne de la concurrence dans son avis relatif aux mécanismes d’importation et de distribution en Polynésie française ([4]).

Le tableau ci-dessous retrace la décomposition moyenne des coûts d’achat de marchandises importées pour les départements et régions doutre-mer.

Décomposition moyenne des coûts d’achat de marchandises importées

 

Distributeurs

(en %)

Grossistes

(en %)

Coûts achat importé

 72

 76

Frais dapproche :

 28

 24

Transport maritime

 8

 6

Octroi de mer

 12

 13

Autres frais dapproche

 8

 6

Coefficient dapproche

1,4

1,3

Source : Décomposition moyenne des coûts d’achats de marchandises importées- Avis de l’Autorité de la concurrence

Si le transport maritime ne représente quun surcoût de lordre de 8 %, le paiement au prix du container et non à la marchandise ad valorem fait croître de manière mécanique le coût des marchandises à faible valeur. Ainsi, le surcoût sera plus important pour le transport de produits frais que pour des produits à haute valeur ajoutée puisque le paiement ne se fait pas en fonction de la valeur de la marchandise. Si l’on agrège une partie des coûts d’approche autres, tels que la manutention, les services du port, etc…, le transport maritime représente en valeur un poste de dépense supérieur à 8 %, qui varie en fonction des territoires.

Néanmoins hors coûts agrégés, il apparaît que loctroi de mer représente le premier poste de dépense dans les coûts dapproche : 12 % sur un total de 28 % des coûts dapproche agrégés.

Toujours selon l’avis précité de l’Autorité de la concurrence, les coûts d’approche représentent 16 % du coût moyen total dun distributeur ce qui correspond à un coût supplémentaire de 19 %, coût qui se répercute sur le prix final payé par le consommateur et explique en partie les différences de coûts d’un produit acheté en métropole avec le même produit importé dans les territoires ultramarins.

2.   Les taxes, dont l’octroi de mer, participent en partie du renchérissement de la vie chère

L’octroi de mer a pour finalité de protéger la production locale de la concurrence en frappant davantage les importations que la production locale, ce qui rend les importations plus chères.

Or, du fait de son double objectif contradictoire, l’octroi de mer n’offre pas une taxation optimale, c’est-à-dire neutre pour le consommateur. En effet, ce double objectif contradictoire conduit mécaniquement les collectivités territoriales à augmenter leurs taux pour assurer une amélioration de leurs recettes fiscales rendant ainsi le prix des denrées plus onéreux.

En effet, les recettes de l’octroi de mer pour les collectivités territoriales sont substantielles.

rECETTEs de l’OCTROI DE MER 2018

 

Guadeloupe

Guyane

La Réunion

Martinique

Mayotte

Total

Octroi de mer (€)

200 631 363

145 660 032

332 600 400

197 952 157

69 415 917

946 259 869

Octroi de mer régional (€)

77 150 791

33 240 514

101 605 984

72 047 006

14 673 737

298 718 032

Total

277 782 154

178 900 546

434 206 384

269 999 163

84 089 654

1 244 977 901

Source : Questionnaire budgétaire. Recettes de l’octroi de mer pour 2018.

Par ailleurs, l’opacité des taux et leur forte amplitude, de 0 à 60 % contribuent à une mauvaise compréhension de la formation des prix sans que ces différentiels de taux soient clairement explicites pour le consommateur.

En outre, les différentiels de taux entre territoires géographiquement proches tels que la Guadeloupe ou la Martinique conduisent à des logiques de contournement qui sont également in fine défavorables au consommateur.

B.   Pérenniser et moderniser les régimes d’aides spécifiques permettrAIenT de rendre la vie moins chère

1.   Pérenniser le régime d’octroi de mer en le modernisant pour rendre le coût de la vie moins cher

Dans le rapport relatif à l’application du régime de taxation de l’octroi de mer que le Gouvernement a présenté à la Commission européenne en 2019 en vertu de l’article 3 de la décision du Conseil de l’Union européenne du 17 décembre 2014, il a été démontré que les effets favorables de loctroi de mer sur le développement économique des régions ultrapériphériques étaient avérés.

L’avis rendu par l’Autorité de la concurrence, qui s’appuie notamment sur un questionnaire envoyé aux producteurs locaux, ne conteste pas ce point : les producteurs ont rappelé que sans le régime de l’octroi de mer, notamment pour les petites productions, le développement de leur production aurait été affecté.

En effet, le différentiel de taxation permet également de protéger le développement et la pérennisation de filières de production locales.

C’est pourquoi, si votre rapporteur préconise de pérenniser le régime spécifique de loctroi de mer en ce quil permet de protéger la production locale, il propose également de lamender de manière à rendre la vie moins chère en faisant baisser le coût des importations pour certains produits alimentaires. Pour autant, le fait de revoir les taux d’octroi de mer, taux décidés par les collectivités territoriales, nécessiterait une concertation préalable avec les exécutifs locaux les plus à même de connaître la réalité économique, les besoins des productions locales et leurs propres besoins en termes de financement.

a.   Exonérer les importations pour lesquelles il n’existe pas d’équivalent dans la production locale

Conformément aux conclusions de l’Autorité de la concurrence, votre rapporteur préconise de réexaminer les taux doctroi de mer applicables aux produits importés pour lesquels il nexiste pas déquivalent dans la production locale et dont le développement naurait aucun intérêt concurrentiel.

Cela conduirait mécaniquement à faire baisser le prix de certains produits alimentaires sans que l’objectif de l’octroi de mer – protéger la production locale – ne soit affecté. Pour ces produits le taux pourrait être notamment de 0 %.

b.   Simplifier la grille des taux d’octroi de mer pour la rendre géographiquement plus cohérente

Conformément également aux recommandations de l’Autorité de la concurrence, votre rapporteur propose de simplifier la grille des taux applicable en concertation avec les collectivités territoriales et dengager un rapprochement des grilles de taux entre territoires géographiquement proches.

Une mesure consistant à supprimer loctroi de mer interne qui frappe la production locale na pas été retenue par votre rapporteur dans la mesure où la Commission européenne exige son maintien pour que le système puisse être validé dans son ensemble. Néanmoins, cette mesure mériterait d’être réexaminée notamment par la mission conjointe IGF-IGA qui travaille sur le régime de l’octroi de mer et devrait rendre prochainement ses travaux.

2.   Mettre en place une TVA à 0 % sur certains produits de première nécessité

La TVA est provisoirement non applicable en Guyane et à Mayotte.

Votre rapporteur propose que, pour les autres territoires ultramarins, une TVA à 0 % soit appliquée sur les produits alimentaires de première nécessité afin de rendre la vie moins chère.

Une liste de produits devrait être établie pour chaque territoire de manière à préciser – avec des critères pertinents – ce qu’il faut entendre par produits de première nécessité.

Votre rapporteur préconise également que les distributeurs soient encouragés à baisser leurs marges sur cette liste de produits limitativement définis, du fait de l’absence de TVA.

3.   Développer davantage des filières de diversification par des aides spécifiques

Si l’exonération des cotisations sociales patronales contribue à faire baisser le prix de la production locale, elle ne suffit pas à encourager le développement de filières spécifiques.

Votre rapporteur préconise détablir une aide spécifique, pour une durée limitée, afin dencourager davantage le développement des filières de diversification selon les territoires, de manière à limiter le poids des importations agricoles.

4.   Encourager l’exportation de la production locale en développant des labels outre-mer par des aides spécifiques

Afin de développer les exportations de produits autres que la banane, le sucre et le rhum, votre rapporteur préconise détablir une aide spécifique à la création de labels ultramarins portant sur des produits bruts ou transformés sur place tels que des jus frais ou des spécialités locales.

Une montée en gamme des produits issus de la production locale, identifiés comme tels, serait un moyen de répondre au déficit dexportations qui frappe les territoires ultramarins même si l’éligibilité à l’aide au fret des échanges inter-DOM est possible dans le présent projet de loi de finances.

 


—  1  —

   examen en COMMISSION

Au cours de sa réunion du mardi 23 octobre 2019, la commission des affaires économiques a examiné pour avis, sur le rapport de M. Max Mathiasin, les crédits de la mission « Outre-mer ».

M. Mickaël Nogal, président. Le budget de la mission « Outre-mer » préserve une ambition tournée vers la mise en œuvre de la stratégie 5.0 présentée par la ministre des outre‑mer, Mme Annick Girardin, le 8 avril 2019. Cette stratégie se décline en cinq priorités : zéro exclusion, zéro carbone, zéro déchet, zéro polluant agricole et zéro vulnérabilité.

Les crédits demandés pour la mission « Outre-mer » s’élèvent à 2,61 milliards d’euros dans le cadre du projet de loi de finances pour 2020, hors mesures de périmètre et transferts entre missions, soit des crédits équivalents à ceux votés dans le cadre du projet de loi de finances pour 2019. Dit autrement, les crédits affectés aux territoires ultramarins sont au même niveau que l’an dernier, même si la maquette budgétaire a été modifiée.

Notre rapporteur a souhaité privilégier comme approche thématique la question de la vie chère dans les territoires ultramarins, à travers le rôle que jouent les importations agricoles outre-mer.

J’aurai donc deux questions : quels sont les déterminants de la vie chère en outre‑mer ? Le développement de la production agricole locale peut-il, selon vous, être une réponse suffisante à la question de la vie chère ?

M. Max Mathiasin, rapporteur pour avis sur la mission « Outremer ». La question de la vie chère est une préoccupation majeure dans les territoires ultramarins, conséquence inéluctable de l’éloignement, de l’insularité et de l’étroitesse des marchés locaux qui ne permettent pas d’économies d’échelle. Elle ne saurait pourtant être considérée comme une fatalité, les Assises des outre-mer comme le vote de la loi de programmation relative à l’égalité réelle outre-mer (EROM) et, plus récemment, les ambitions affichées par la ministre des outre-mer, avec la présentation de la trajectoire 5.0 l’ont démontré. Faire le choix de présenter un budget centré sur un développement économique durable, c’est assumer celui de ne pas céder à la facilité, qui consisterait à se résoudre à une inégalité persistante entre la métropole et nos territoires ultramarins.

Transformer en atouts les apparentes faiblesses liées à l’éloignement, à l’insularité et à l’étroitesse des marchés est la gageure à laquelle répond le présent budget de la mission « Outre-mer ». Les crédits de la mission reflètent cette ambition, en affichant un montant équivalent à celui voté en loi de finances pour 2019, à périmètre constant, soit 2,61 milliards d’euros. Les transferts et changements de périmètre rationalisent la lisibilité de l’affectation des crédits sans pour autant entamer la cohérence de la présente mission, qui traduit ses priorités dans ses deux programmes : « Emploi outre-mer » et « Conditions de vie outre‑mer ».

Si le budget de la mission « Outre-mer » apparaît donc globalement stable, hors mesures de périmètre et prévisions de l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss), il fait néanmoins apparaître une légère baisse des crédits de paiement, qui diminuent de 0,7 %, alors que les autorisations d’engagement affichent une progression de 2 %. Néanmoins, la baisse des crédits de paiement n’est qu’apparente, si l’on tient compte à la fois des changements de périmètre et des transferts de crédits sur l’exercice 2020. Quant à la baisse des crédits de paiement, il faut également la relativiser au regard des difficultés de consommation des crédits révélées par l’exécution budgétaire en 2018 et par l’exercice en cours pour 2019.

Structuré en quatre actions, le programme 138 « Emploi outre-mer » concentre dans l’action n° 01 « Soutien aux entreprises » 92 % des crédits, hors titre 2, c’est-à-dire hors dépenses de personnel. Cette action contient les crédits de compensation des exonérations de charges patronales pérennes faisant suite à la suppression programmée du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) telle qu’initiée en 2018.

S’agissant du programme 123 « Conditions de vie outre-mer » structuré en huit actions, c’est également l’action n° 01 « Logement » qui concentre l’essentiel des crédits destinés à financer les politiques publiques en faveur du logement.

La mission « Outre-mer » connaît par ailleurs plusieurs changements de périmètre, qui expliquent la baisse apparente des crédits. Ainsi, 7,6 millions d’euros changent d’affectation au profit de la mission « Cohésion des territoires », qui dépend du ministère de l’intérieur ; ils sont plus précisément intégrés dans le programme 162 « Interventions territoriales de l’État », 0,2 million d’euros étant destinés aux mesures de réparation de l’utilisation du chlordécone, et 7,4 millions d’euros devant être consacrés à la réorganisation des services de l’État en Guyane.

90,5 millions d’euros correspondant à la dotation globale d’autonomie de la Polynésie sont également soustraits de la mission « Outre-mer », à la demande des élus polynésiens, pour être affectés à un prélèvement sur recettes de l’État.

À l’inverse, la mission bénéficie d’une mesure de transfert de crédits en faveur de la Guyane, à hauteur de 127 millions d’euros.

Le défaut d’ingénierie, tant dans les services de l’État que dans ceux des collectivités territoriales a conduit à un niveau significatif de sous-consommation des crédits de l’exercice 2018. Aussi le présent budget prévoit-il d’affecter 13 millions d’euros au financement des missions d’ingénierie et d’études au profit des collectivités territoriales.

Vous m’avez interrogé, Monsieur le président, sur les déterminants de la vie chère, en outre-mer. Cela rejoint le thème que j’ai retenu pour mon rapport, qui analyse le rôle que jouent les importations agro-alimentaires outre-mer dans le surenchérissement du coût de la vie, ce qui m’amène à répondre à votre seconde question : oui, le développement de la production locale peut être une réponse à la problématique de la vie chère outre-mer, mais cela nécessite certaines adaptations, notamment fiscales, que je préconise dans mon rapport.

Les importations agro-alimentaires, qui doivent pallier l’insuffisance de la production locale, augmentent le coût de la vie pour une triple raison : d’abord du fait du déficit commercial structurel qu’elles engendrent ; ensuite à cause de la tension concurrentielle qu’elles font peser sur les produits locaux, en particulier dans le cas d’importation de produits de dégagement ; enfin, parce qu’elles génèrent des coûts d’approche qui sont répercutés sur les prix.

En ce qui concerne le déficit commercial structurel, les chiffres parlent d’eux‑mêmes : selon l’Office de développement de l’économie agricole des départements d’outre-mer (ODEADOM), la production agricole des départements d’outre-mer s’établit à 3 millions de tonnes, pour une valeur – hors aides – de 917 millions d’euros. Les importations de produits agricoles et agro-alimentaires dans les départements et régions ultramarines s’élèvent à un peu plus de 2 milliards d’euros, contre 360 millions d’euros pour les exportations des produits de même type. En conséquence, le déficit commercial a été de 1,8 milliard d’euros en 2018, sachant que seuls 26 % de l’approvisionnement des distributeurs proviennent de la production locale dans les territoires concernés.

À cela s’ajoute la concurrence déloyale que subit la production locale du fait de l’importation de produits dits « de dégagement ». Ces produits, essentiellement carnés et surgelés, se caractérisent par leurs prix très bas, qui imposent aux producteurs locaux une insoutenable pression à la baisse. Pour votre rapporteur, les produits de dégagement, tout en répondant à une demande spécifique, pourraient, du fait de ces prix très bas, entrer dans le champ de l’interdiction légale de vente à perte.

Enfin, le coût des importations n’est pas non plus neutre. Dans son avis du 12 juillet dernier sur les règles de la concurrence en outre-mer, l’Autorité de la concurrence a mis en évidence le fait que les coûts d’approche qui comprennent le transport maritime, l’octroi de mer, la manutention et les frais de dédouanement représentent entre 20 et 30 % du montant total des marchandises importées pour les territoires et régions d’outre-mer. Il convient de préciser que ces montants sont non seulement plus élevés pour les territoires les plus éloignés, comme la Polynésie française, mais également que la structure des coûts d’approche diffère selon ces territoires, le fret maritime en composant néanmoins toujours la part la plus importante, comme l’a rappelé l’Autorité polynésienne, de la concurrence dans son récent rapport.

Les coûts d’approche représentent 16 % du coût moyen total d’un distributeur, ce qui correspond à un coût supplémentaire de 19 %, lequel se répercute sur le prix final payé par le consommateur et explique en partie la différence de prix entre un même produit acheté en métropole ou importé dans les territoires ultramarins.

L’octroi de mer représente le premier poste de dépense dans les coûts d’approche : 12 % sur un montant total de 28 % de coûts d’approche agrégés. Cette taxe poursuit deux objectifs contradictoires : d’une part, protéger la production locale de la concurrence des importations et, d’autre part, assurer le financement des collectivités territoriales ultramarines, qui fixent les taux applicables.

Votre rapporteur préconise de pérenniser un régime d’aides spécifiques dont l’octroi de mer, qui s’avère nécessaire pour protéger la production locale et inciter à son développement. Critiqué du fait de son coût, pour votre rapporteur le régime de l’octroi de mer a fait montre d’une utilité certaine même s’il apparaît nécessaire de l’adapter pour une plus grande efficacité. Nous recommandons de réexaminer les taux d’octroi de mer applicables aux produits importés pour lesquels il n’existe pas d’équivalent dans la production locale. Cela conduirait à faire mécaniquement baisser le prix de certains produits alimentaires, sans remettre en cause l’objectif consistant à protéger la production locale. Pour les produits sans équivalents locaux, le taux d’octroi de mer pourrait ainsi être ramené à zéro.

Nous proposons également de simplifier la grille des taux d’octroi de mer pour la rendre géographiquement plus cohérente. Pour autant, dans la mesure où ces taux sont fixés par les collectivités territoriales, une telle révision ne pourrait se faire sans concertation préalable avec les exécutifs locaux, qui sont les plus à même de connaître la réalité économique, les besoins locaux et leurs propres besoins en termes de financement.

Outre le maintien des régimes d’aides existants, votre rapporteur insiste sur la nécessité de créer des aides spécifiques pour préserver et développer une production locale encore fragile, qui souffre d’un déficit de compétitivité. La diversification et l’organisation des filières agricoles sont les voies qui permettront d’atteindre de nouveaux marchés, notamment en métropole et en Europe. Nous proposons ainsi que, pour les territoires ultramarins autres que la Guyane et Mayotte, une TVA de 0 % soit appliquée sur les produits alimentaires de première nécessité, afin de rendre la vie moins chère – une liste de ces produits devra être établie. Nous recommandons que les distributeurs soient encouragés à baisser leurs marges sur cette liste de produits limitativement définie.

Votre rapporteur préconise également d’établir une aide spécifique pour une durée limitée, afin d’encourager davantage le développement des filières de diversification selon les territoires.

Une autre proposition enfin consiste à créer une aide spécifique à la création de labels ultramarins portant sur des produits bruts ou transformés sur place. Une montée en gamme des produits issus de la production locale et identifiés comme tels serait un moyen de répondre au déficit d’exportations qui frappe les territoires ultramarins, même si le présent projet de loi de finances rend les échanges inter-DOM éligibles à l’aide au fret.

Renforcer le développement de la production agricole ultramarine est un moyen efficace de lutter contre la vie chère. Je voterai pour les crédits de la présente mission, eu égard à l’ambition qu’elle porte en termes de développement économique durable.

Mme Sophie Beaudouin-Hubiere. Au travers de ses deux programmes, « Emploi outre-mer » et « Conditions de vie outre-mer », cette mission budgétaire traduit parfaitement les priorités de l’État pour les outre-mer.

Cette année, l’accent a été mis sur l’accompagnement immédiat et concret de projets qui auront un impact direct sur les conditions de vie en outre-mer et, comme vous l’avez dit, Monsieur le rapporteur, les crédits sont stables par rapport à 2019 : ce budget s’inscrit donc en tous points dans la continuité de celui de l’an dernier.

Ses objectifs sont cohérents avec ceux du Livre bleu outre-mer, feuille de route du Gouvernement, qui engage chaque ministre pour le quinquennat dans les territoires ultramarins. Ils le sont également avec ceux de la trajectoire outre-mer 5.0, dont l’ambition est de tendre à terme vers le zéro carbone, zéro déchet, zéro vulnérabilité, zéro polluant agricole et zéro exclusion pour les territoires ultramarins, grâce à un conventionnement avec les collectivités concernées.

Pour le volet emploi, c’est-à-dire le programme 138, cela se traduit pour les entreprises les plus fragiles par une politique de réduction du coût du travail, à la suite de la disparition du crédit impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE), par une facilitation de l’accès au financement et par le développement d’une formation en mobilité pour améliorer l’insertion professionnelle et le recrutement.

En matière d’amélioration des conditions de vie des habitants et de cohésion sociale des territoires ultramarins, la mission « Outre-mer » se traduit, au travers du programme 123, par l’accompagnement des collectivités dans l’aménagement et le développement de leur territoire, le renforcement des moyens d’ingénierie, d’études et de maîtrise d’ouvrages financés par l’État, un programme d’investissement public tourné vers les équipements structurants, la hausse des moyens dévolus aux contrats de convergence, le recensement, enfin, des besoins en matière de logements sociaux et la poursuite des constructions.

Monsieur le rapporteur, je tiens à vous remercier d’avoir signalé la sous‑consommation des crédits : comment pourrions-nous tout mettre en œuvre pour que les collectivités s’emparent plus et mieux de tout ce qui leur est proposé ?

M. David Lorion. Les crédits de la mission « Outre-mer » pour 2020 sont en baisse par rapport à 2019, que ce soit pour les crédits de paiement, qui s’élèvent à 2,4 milliards d’euros au lieu de 2,5 milliards d’euros environ l’an dernier, soit une baisse de 6,45 %, ou pour les autorisations d’engagement, qui accusent une baisse de 3,9 %

La mission « Outre-mer » comporte deux programmes : le programme 138 « Emploi outre-mer », dont les crédits sont en diminution, et le programme 123 « Conditions de vie outre-mer », qui porte essentiellement sur le logement.

La mission a vocation à soutenir les programmes gouvernementaux en direction du développement économique et social et de l’amélioration des conditions de vie outre-mer, et les deux programmes visent donc à accompagner le développement ultramarin à travers des investissements et des dispositifs spécifiques permettant notamment de financer le secteur du logement, le déploiement d’équipements structurants, l’insertion économique et sociale des jeunes, très nombreux dans ces territoires, ainsi que la création d’emplois.

L’un des points saillants qu’il convient de mettre en exergue, c’est la disparition, en 2019 du CICE, transformé en exonérations de charges. Je rappelle qu’outre-mer, le taux du CICE était de 9 % et que la baisse des charges devait se faire jusqu’à due concurrence. Néanmoins, compte tenu des priorités économiques du Gouvernement, il se trouve que certaines entreprises ont vu leurs exonérations de charges renforcées, tandis qu’un bilan à mi‑année a montré que, pour la plupart des entreprises, cette transformation s’était soldée par un alourdissement des charges, donc une perte d’argent et des difficultés à maintenir l’emploi. La conséquence directe en est que le nombre de chômeurs a augmenté de deux points, pour atteindre 24 %, avec un taux de 50 % chez les jeunes.

En ce qui concerne le programme « Conditions de vie outre-mer », la signature, en 2015 d’un plan logement outre-mer s’est révélée une catastrophe puisqu’il n’y a jamais eu aussi peu de logements construits qu’en 2018. En début d’année, une conférence du logement en outre-mer a donc été lancée. Ses conclusions appellent au renforcement de l’engagement des opérateurs impliqués dans les différentes sociétés de logement en outre-mer, comme le Groupe Action Logement ou la Caisse des dépôts et consignations. Elles préconisent également le rétablissement de l’accession sociale à la propriété, qui avait été supprimée.

Dans un tel contexte, le Président de la République, actuellement en déplacement en outre-mer, doit faire face à une double difficulté : comment conduire une politique de convergence lorsque les disparités entre la Nation française et une partie de ses territoires sont aussi fortes tout en répondant aux spécificités territoriales des outre-mer par la mise en place de dispositifs d’accompagnements adaptés aux exigences locales ?

Mme Justine Benin. Si l’on tient compte de la modification des périmètres et de l’évolution de l’amortissement des exonérations votées l’année dernière, la mission « Outre-mer » reste stable cette année, avec un budget constant, à 2,5 milliards d’euros en autorisations d’engagement et 2,4 milliards en crédits de paiement. En 2020, le budget global consacré à l’outre-mer s’élèvera ainsi à 26,5 milliards d’euros en autorisation d’engagement et à 26 milliards en crédits de paiement.

Je tiens à saluer la hausse sensible du budget consacré à la transition écologique pour nos territoires, qui sont en première ligne face au réchauffement climatique, avec une augmentation de 130 millions d’euros, ou encore la hausse des crédits pour l’enseignement scolaire, qui gagne 110 millions d’euros.

Ce budget traduit surtout un engagement volontariste pour développer l’emploi local et de dynamiser l’activité économique, grâce, notamment, à la poursuite des exonérations pérennes de charges sur les salaires pour réduire le coût du travail, le renforcement des zones franches d’activité ou encore l’augmentation de l’aide au fret, véritable enjeu pour nos territoires insulaires, qui vont ainsi bénéficier d’une hausse de crédits de 24 millions d’euros pour l’aide au transport.

Concernant le programme 123, je tiens à saluer la concrétisation des engagements pris en faveur du logement. C’est un sujet essentiel pour nos territoires, et je me réjouis de voir que le travail des parlementaires a permis au Gouvernement de mesurer l’urgence de la situation sur ce dossier. Je salue tout d’abord le rétablissement de l’aide à l’accession sociale à la propriété, qui est un outil indispensable d’accompagnement des ménages les plus modestes pour acquérir un logement digne. En effet, c’était une erreur de la part du Gouvernement de l’avoir supprimée et je suis heureuse de voir que ce même Gouvernement, notre Gouvernement, a entendu les députés qui l’avaient alerté sur ce sujet.

Des signaux positifs sont également envoyés en matière de rénovation du parc social et de lutte contre l’habitat indigne dans les territoires ultramarins. Ces efforts doivent impérativement apporter des réponses aux familles qui sont aujourd’hui en grande souffrance.

Monsieur le rapporteur, au regard de la grande qualité et de l’exigence du rapport que vous avez présenté, j’aurais deux questions : la première concerne les capacités d’ingénierie et de déploiement des projets en outre-mer. Le Gouvernement met sur la table 13 millions d’euros pour améliorer la consommation des crédits sur le terrain afin que les projets se développent plus facilement : quel regard portez-vous sur cet accompagnement, et comment faire en sorte que l’intégralité des crédits que nous votons soient consommés jusqu’au dernier centime dans toutes les collectivités au service des besoins des populations ?

Ma seconde question concerne plus précisément le soutien aux filières agricoles locales et la lutte contre la vie chère en outre-mer : au-delà de l’accompagnement financier, les agriculteurs ont-ils eux aussi, selon vous, un besoin d’ingénierie et de conseil pour les accompagner dans la diversification de la production locale ?

M. Olivier Falorni. À la lecture de ce projet de loi de finances, plusieurs éléments ont suscité mon étonnement. Le premier sujet, c’est que, cette année tout comme l’année dernière, le décalage entre les autorisations d’engagement et les crédits de paiement de la mission « Outre-mer » se pérennise. Il en résulte une baisse regrettable des crédits de paiement de 100 millions d’euros par rapport à 2019 : ce sont autant de projets de routes, d’infrastructures ou de systèmes de télécommunications non réalisés. Cela serait dû notamment à des retards liés à un manque d’ingénierie chez les acteurs publics territoriaux et aux difficultés rencontrées par les collectivités territoriales pour apporter les cofinancements prévus. Alors que ces territoires souffrent d’un déficit chronique d’investissement, il est impératif de permettre l’utilisation pleine et complète des crédits à disposition des outre-mer. Celle-ci ne pourra avoir lieu qu’avec un renforcement de l’accompagnement des collectivités territoriales, notamment en ce qui concerne l’ingénierie. Malheureusement le manque de moyens attribués à l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT), que le groupe Libertés et Territoires n’avait pas manqué de relever au moment des débats précédant sa création, laisse craindre que cette situation ne se renouvelle en 2020.

Autre problème : à l’instar de la mission « Cohésion des territoires », la mission « Outre-mer » s’illustre par son manque d’ambition en matière de logement social. En 2019, la ligne budgétaire unique consacrait 226 millions d’euros à la construction ou à la rénovation des logements, montant qui ne permettait pas de tenir l’objectif fixé de dix mille logements rénovés ou construits par an dans les outre-mer. Pourtant, pour 2020, le Gouvernement a acté une nouvelle diminution, et 215 millions d’euros seulement seront consacrés à l’action « Logement ». Aussi ce budget nous fait-il craindre de nouvelles difficultés pour atteindre les objectifs fixés en matière d’accession au logement et d’éradication de l’insalubrité.

Enfin, au-delà des seuls crédits de cette mission, d’autres dispositions de ce projet de loi de finances nous laissent sceptiques : je pense en particulier à l’écotaxe sur les billets d’avion, qui sera mise en place à compter de l’année prochaine sur les vols au départ de la France, à l’exception de ceux à destination de la Corse et de l’outre-Mer.

En séance, le Gouvernement a souhaité préciser que le dispositif n’entrerait en vigueur qu’un mois après avoir reçu un avis de la Commission européenne le validant comme conforme au droit de l’Union européenne. Deux situations seront alors possibles : soit la Commission européenne délivre un avis non conforme et, dans ce cas, nos concitoyens corses et ultramarins devront-ils s’acquitter de cette taxe, alors qu’il n’existe aucune alternative de transport ? Soit l’avis de la Commission est conforme et, dans ce second cas, qu’a prévu le Gouvernement pour dédommager les Corses et les Ultramarins du surcoût de leurs billets dans l’intervalle de temps que l’Union européenne aura mis pour statuer ?

M. Sébastien Jumel. Dans l’euphorie du Grand débat, Emmanuel Macron avait tenté d’expliquer à une soixantaine de maires ultramarins réunis face à lui que le fait que la vie soit si chère outre-mer était dû à la sur-rémunération des fonctionnaires, sur-rémunération qu’il s’était par ailleurs engagé à ne pas remettre en cause. Cette explication était non seulement inepte mais stigmatisante, son seul effet étant de monter les populations les unes contre les autres.

Il avait également pris l’engagement de désigner un délégué interministériel à la concurrence, nommé spécialement pour les outre-mer, car le bon ordre public et économique suppose que l’Autorité de la concurrence démantèle les filières et sanctionne les monopoles. Que s’est-il passé depuis ? Peut-être sera-t-il interrogé sur le sujet pendant son actuel déplacement dans les territoires de l’océan Indien.

Pour ma part, je citerai les propos de Mme Huguette Bello, face à la ministre des outre-mer : « La vie chère, la vie très chère, est généralisée. Elle exige donc que les indispensables revalorisations du SMIC, des retraites et des allocations s’accompagnent à La Réunion d’actions structurelles sur les prix ». Dénonçant ensuite « les mono, duo, oligopoles, les ententes de fait et les intégrations verticales », elle avait également rappelé que « le fléau de la vie chère n’était pas référencé dans le livre de référence du quinquennat pour les outre-mer », à savoir le Livre bleu. C’est une lacune majeure qui témoigne du manque de volonté du Gouvernement de s’en prendre à ce fléau de la vie chère et de lutter contre la paupérisation de nos populations d’outre-mer. Nous y voyons un abandon de nos concitoyens ultramarins.

M. Jean-Pierre Vigier. On sait que, par rapport à la métropole, les produits alimentaires sont plus chers de 30 % en moyenne outre-mer, tandis que le revenu moyen y est inférieur de 30 %. Quels sont les dispositifs que l’État a inscrits dans le budget et qu’il compte mettre en œuvre pour réduire ce double écart ?

M. Daniel Fasquelle. Le revenu moyen en outre-mer est de 30 % inférieur à celui de la métropole, alors que les prix y sont de 7 à 12 % plus cher, taux qui peut être porté jusqu’à près de 40 % pour les denrées alimentaires. Or, malheureusement, les mesures prises dans ce projet de loi de finances ne vont pas permettre de réparer ces distorsions, puisque les crédits sont en baisse.

Je voulais avoir, cela étant, l’opinion du rapporteur sur l’avis que vient de rendre l’Autorité de la concurrence, au sujet notamment de l’octroi de mer, qui pénalise certains produits importés, y compris lorsqu’il n’existe pas d’équivalents locaux – l’idée étant au départ de taxer les produits importés pour favoriser la production locale. Ne pourrait-on pas repenser l’octroi de mer et améliorer l’efficacité de ce levier, qui permet de lutter contre la vie chère ?

M. Max Mathiasin, rapporteur pour avis. La lecture d’un budget peut conduire à des interprétations diverses mais, en réalité, à périmètre constant, les crédits alloués aux outre-mer n’ont pas diminué par rapport à l’année dernière.

Ceci posé, Mme Justine Benin, qui a salué ce budget et les efforts de l’État, m’a interrogé sur les capacités d’ingénierie outre-mer.

Lorsque l’État soutient les collectivités territoriales par des investissements – par exemple, en Guadeloupe, dans le domaine de l’eau – il doit également leur fournir un accompagnement, car elles n’ont souvent pas les capacités nécessaires pour développer leurs projets. C’est la raison pour laquelle 13 millions d’euros sont affectés cette année à l’ingénierie et aux études. Cela nous permettra, me semble-t-il, de progresser dans ce domaine.

Pour ce qui concerne plus particulièrement l’agriculture, un support en ingénierie est également nécessaire, mais il faut surtout des crédits supplémentaires pour soutenir la diversification agricole et aider les agriculteurs à sortir de la monoculture – banane ou canne à sucre – héritage de l’époque coloniale. L’essentiel des crédits et des aides ayant été, pendant des années, orienté vers ces cultures destinées à l’exportation, nous accusons un retard considérable en matière de cultures vivrières, notamment les fruits et légumes.

Augmenter les crédits consacrés à la diversification des cultures est donc nécessaire, tout particulièrement en Guadeloupe et en Martinique, du fait du chlordécone. Je rappelle qu’une commission d’enquête conduite par M. Serge Letchimy et Mme Justine Benin travaille actuellement pour savoir dans quelle mesure la responsabilité de l’État est engagée dans cette affaire, puisque le produit était encore utilisé outre-mer, alors que les États-Unis l’avaient interdit et qu’il n’était plus autorisé en France métropolitaine. La ministre des outre-mer, Mme Annick Girardin – et ce sera sans doute la position du Gouvernement – va dans le sens d’une reconnaissance de la responsabilité de l’État.

Pour en revenir aux filières agricoles, la diversification doit nous permettre, grâce à l’organisation des filières, d’accéder à des marchés beaucoup plus larges que le marché local ou métropolitain – je pense notamment au marché européen et à ses 500 millions d’habitants, qui représentent un potentiel que nous n’exploitons pas assez. Nous bénéficions pourtant de plusieurs atouts, qu’il s’agisse de nos capacités à développer l’agriculture biologique ou encore d’une variété de territoires situés dans différents océans et ouverts, donc, à de vastes marchés.

Pour ce qui concerne la vie chère et la sur-rémunération des fonctionnaires, les traitements sont en effet supérieurs outre-mer – de 40 % à la Guadeloupe et à la Martinique – dans la fonction publique d’État et dans la fonction publique territoriale. Il faut savoir qu’à l’origine, cette bonification n’était pas destinée aux ultramarins mais aux fonctionnaires métropolitains qui venaient travailler en outre-mer. Elle correspondait à deux primes : une prime de chaleur de 15 % et une prime d’éloignement de 25 %. Cela a abouti à créer une fonction publique à deux vitesses, avec des fonctionnaires locaux rémunérés selon la grille indiciaire normale de la fonction publique et des fonctionnaires métropolitains qui, pour les mêmes fonctions, touchaient 40 % de plus. L’une de nos revendications a donc été que cette bonification s’applique à tous les fonctionnaires d’État, puis à tous les fonctionnaires territoriaux travaillant outre-mer.

Ce différentiel n’est pas le seul à exister entre la métropole et les territoires ultramarins puisque, tandis que le seuil de pauvreté est de 1 000 euros dans l’Hexagone, il a été fixé à 597 euros en Guadeloupe.

Cela étant, je ne pense pas que c’est en stigmatisant les fonctionnaires métropolitains ou ultramarins qui sont employés dans nos territoires, comme l’a fait M. Macron, que l’on réglera le problème. La suppression de cette bonification aurait par ailleurs des résultats désastreux sur l’économie des outre-mer, car cela provoquerait une baisse du revenu global, donc une baisse de la demande et une baisse de la production.

Cela illustre fort bien les difficultés liées au fait que, lorsqu’en 1946, les anciennes colonies ont accédé à la départementalisation, cela s’est fait sans aucun ajustement ni aucune remise à niveau, si bien que depuis, malgré toutes les mesures qui ont été prises, de grandes disparités subsistent dans nos territoires par rapport à la métropole.

Si l’on prend le cas de l’illettrisme, il faut bien comprendre que, au moment où les colonies sont devenues des départements, le taux de scolarisation y était extrêmement faible et donc le taux d’illettrisme extrêmement élevé. Or le retard n’a jamais été rattrapé.

De même, il existait un décalage entre le SMIC métropolitain et celui qui était appliqué chez nous. Il a fallu réaliser des ajustements progressifs. Au moment de la départementalisation, nos territoires auraient dû bénéficier d’un plan de remise à niveau, ce qui n’a pas été fait.

Il faut donc à présent prendre des mesures de plus grande ampleur. Certes, un effort a été accompli, notamment grâce à Mme Girardin mais nous estimons, tout en ayant conscience de la raréfaction des ressources budgétaires, qu’il n’est pas suffisant. Le parti pris du développement, qui met l’accent sur la production locale et vise à mettre fin à une situation de bouleversement permanent, offre aux entreprises implantées dans ces territoires, pour la première fois depuis longtemps une certaine stabilité institutionnelle, favorable au travail. Mais il faut adopter des mesures plus ambitieuses, budgétairement parlant, pour permettre le véritable développement de ces pays.

Il convient d’agir non seulement en faveur du logement mais aussi – c’est fondamental – d’apporter un correctif à la lutte contre le chômage. Les jeunes ne cessent de partir. Le département et la région où je vis perdent 4 000 habitants par an, sur une population qui atteignait, encore récemment, 400 000 personnes. Avant, les jeunes partaient pour la métropole ; ils gagnent aujourd’hui l’Amérique du nord et ne reviennent pas. L’Amérique du nord cherche des cerveaux, des personnes formées en France. Pour notre part, nous n’avons pas produit l’effort nécessaire pour assurer un véritable développement de ces territoires.

La commission en vient à l’examen pour avis des crédits de la mission « Outremer ».

Article 38 et état B

La commission examine l’amendement II-CE78 du rapporteur pour avis.

M. Max Mathiasin, rapporteur pour avis. Il s’agit d’augmenter les crédits attribués à l’insertion économique des départements et des collectivités d’outre-mer dans leur environnement immédiat en augmentant l’aide au fret des produits importés des pays tiers et des départements et collectivités ultramarins à hauteur de 100 000 €. Nous devons continuer à diminuer les coûts d’approche, notamment la part du fret, évaluée à 8 % de ces derniers – si on considère le seul transport maritime – et à 15 % – si on prend en compte les frais de manutention et les autres frais.

M. Sébastien Jumel. Ma grand-mère aurait dit « c’est moins pire que si c’était mieux » : 100 000 euros sur un sujet de cette importance, compte tenu des enjeux de réduction des coûts d’octroi, c’est vraiment une goutte d’eau dans l’océan ! Ce n’est vraiment pas à la hauteur de l’enjeu ! Mieux vaut peu que rien, mais j’espère que vous n’allez pas vous satisfaire de ça.

M. David Lorion. L’aide au fret dont on parle ici ne concerne pas les marchandises de grande consommation, mais les produits qui vont être transformés localement. L’aide au fret est de 50 %, ce qui est important pour pérenniser l’industrie locale de la transformation. Dans les territoires ultramarins se sont en effet développés des imports substitution ; autrement dit, ces territoires importent des produits qu’ils vont transformer localement, ce qui développe l’emploi. Ce n’est donc pas une aide à l’acquisition de marchandises qu’on trouve dans les commerces, ce qui serait tout à fait malvenu, car cela concurrencerait une part de la production locale, mais une aide au fret de produits qui seront transformés.

Je voudrais préciser les contours d’une notion qui n’est peut-être pas bien comprise par tout le monde et dont il va être souvent question : l’octroi de mer. C’est une taxe qui s’applique à tous les produits qui traversent la mer et qui arrivent dans nos départements – La Réunion, la Guyane, la Martinique ou la Guadeloupe. Ses taux vont de 0 % à 60 %. Le taux de 0 % s’applique aux marchandises de consommation courante, tandis que celui de 60 % frappe des produits de luxe, tels des véhicules 4 x 4. L’octroi de mer est donc différencié en fonction de la valeur ou de l’intérêt du produit. Mais, depuis les années 1970, l’octroi de mer est aussi une autorisation européenne de différenciation du taux applicable à un produit importé et à un produit fabriqué localement, l’écart pouvant être de 10 %, 20 % ou 30 %. Il s’agit d’une dérogation au droit de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), qui évite à la production locale d’être concurrencée de manière frontale par des produits comportant le même code douanier qui arriveraient sur nos territoires. Le même nom est utilisé pour qualifier les deux systèmes fiscaux.

Dans les territoires d’outre-mer, la production locale permet de couvrir 50 à 60 % – cela peut aller jusqu’à 75 % ou 80 % – de la consommation en produits frais, ce qui n’est possible que grâce à la différence de taxation entre les produits importés et locaux. Il faut donc être très attentif à cette distinction. L’octroi de mer est d’abord une taxe, apparue au XVIe siècle, sur les produits importés, gage d’autonomie fiscale, qui sert à alimenter les caisses des collectivités communales et territoriales. Elle est également une autorisation européenne de différenciation des taux entre les marchandises importées et produites localement. En ayant à l’esprit cette distinction, il faut réfléchir à la taxe que l’on entend supprimer, car les conséquences ne sont évidemment pas du tout les mêmes.

Mme Sophie Beaudouin-Hubiere. Mon argumentaire vaudra pour cet amendement et les deux suivants. La République en Marche votera contre ces amendements car les crédits ont été affectés en fonction des besoins relevés pour chaque action. Les modifier ne nous paraît pas fondé.

M. Max Mathiasin, rapporteur pour avis. Le sentiment que nous avons, nous, ultramarins, lorsque nous parlons de la réalité de nos pays, c’est que vous faites preuve d’une rigidité extrême. M. Sébastien Jumel vient de relever la modicité des crédits que nous proposons de transférer d’un programme à un autre. Voilà que vous nous dites que vous avez calculé au centime près les besoins des outre-mer, que le Gouvernement a exactement évalué les crédits. Nous sommes vingt-sept députés ultramarins et, quoique appartenant à des groupes différents, il nous arrive souvent d’être d’accord sur le constat et les préconisations. Je voudrais donc savoir si vous avez consulté les parlementaires ultramarins de votre groupe et, si c’est le cas, je souhaiterais connaître leur point de vue. Ils m’ont fait part, en effet, de positions différentes.

Nous déplorons de devoir mener des combats désespérés, à chaque fois que l’on parle des outre-mer. Le Président de la République a déclaré le 8 juillet dernier, au ministère des outre-mer, devant plusieurs ministres : « Nous ne sommes pas en train de réussir aujourd’hui » et a ajouté qu’il faut avoir, sur chaque texte, le « réflexe ultramarin ». Nous sommes à l’origine de cette dernière expression et avons dû batailler à ce sujet pendant un an et demi – ce ne sont pas mes collègues d’outre-mer qui me démentiront. Nous avions en effet l’amère impression que vous ne compreniez pas, au sein de La République en Marche, ce que signifie « ultramarin », « territoires, « République »…

M. Sébastien Jumel. Vous pouvez parler au présent !

M. Max Mathiasin, rapporteur pour avis. … et que vous considériez que le territoire de la République – cette grande idée – se limitait à l’Hexagone. Nous continuons à ressentir ce désagréable sentiment.

Il m’est insupportable, aujourd’hui, de vous entendre pinailler, alors que nous essayons d’aider pas à pas l’outre-mer, dans le cadre d’un budget réduit. Nous nous efforçons d’accompagner le Gouvernement pour concrétiser cette volonté d’aider les entreprises, dans un contexte de retard extrême. Or, vous affirmez qu’après y avoir réfléchi, vous êtes absolument opposés à cet amendement, et que cette position vaudra pour les autres, sans que j’aie l’occasion de les présenter. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)

Mme Marie-Noëlle Battistel. Nous soutiendrons l’amendement de notre collègue et nous regrettons qu’il ait un avis défavorable. Dans la mesure où, comme M. Jumel l’a souligné, il porte sur des montants fort modestes, il me paraît extrêmement regrettable qu’on ne puisse pas accéder à cette demande. Par ailleurs, le budget doit évidemment être à l’équilibre, mais il paraît à ce point cadré que tous les amendements ne peuvent qu’être rejetés. À chaque fois qu’on demandera à transférer des crédits d’un programme à un autre, on recevra la même réponse.

M. Sébastien Jumel. On voit bien à quel point les marges de manœuvre du parlementaire pour bâtir le budget sont marginales – c’est « peanuts » – et combien les marcheurs sont méprisants lorsqu’il s’agit de redistribuer. (Exclamations sur les bancs du groupe LaREM) La colère du rapporteur pour avis constitue une réaction à un mépris de classe, à un mépris territorial, qui nie les réalités économiques et sociales des outre-mer. Alors que l’amendement ne porte que sur des miettes, qu’il est un signal envoyé pour obtenir du respect, on nous renvoie dans les cordes, comme l’ensemble des amendements, sans même vouloir les examiner ! La colère de notre collègue, je la partage !

M. Mickaël Nogal, président. Monsieur Jumel, je ne peux pas vous laisser dire cela.

M. Sébastien Jumel. Vous avez le droit de répondre à ma colère, mais j’ai le droit, de mon côté, de l’exprimer…

M. Mickaël Nogal, président. Monsieur Jumel, s’il vous plaît !

M. Sébastien Jumel. … en voyant avec quel mépris vous traitez le rapporteur pour avis et les outre-mer.

M. Mickaël Nogal, président. Il règne, dans cette commission, une ambiance de travail qui, je crois, convient à tout le monde, parce qu’on sait se parler. Je laisse le temps aux orateurs de développer leur propos – ce fut le cas, par exemple, pour M. Lorion il y a un instant –, ce qui permet d’avoir un véritable débat. Je souhaite que celui-ci se déroule dans de bonnes conditions, et je vous demande de me respecter autant que je vous respecte. Les propos que vous venez de tenir, Monsieur Jumel, sont à la limite de l’acceptable.

M. Sébastien Jumel. Je voudrais dire un mot puisque je suis mis en cause.

M. Mickaël Nogal, président. Le rapporteur pour avis répondra aux interventions. J’ai donné la parole à Mme Battistel, comme à vous, Monsieur Jumel, après l’intervention de M. le rapporteur pour avis. Je laisserai également s’exprimer ceux de nos collègues qui le souhaitent.

M. Sébastien Jumel. Monsieur le président, exprimer un avis, ce n’est pas manquer de respect. Exprimer de la colère, ce n’est pas manquer de respect.

M. Mickaël Nogal, président. On lira le compte rendu.

M. Sébastien Jumel. Vous pourrez le lire, j’ai dit que vous méprisez les outre-mer et que vous rejetez un amendement qui propose des miettes. J’assume l’ensemble des propos que j’ai tenus.

M. Jean-Baptiste Moreau. Monsieur le rapporteur pour avis, je ne prétendrai pas être un expert des outre-mer, mais je voudrais rappeler que le Président de la République a annoncé hier, à Mayotte, un investissement de plus de 1 milliard d’euros en faveur de ce département, au bénéfice des infrastructures – notamment l’aéroport –, de la santé, de l’éducation. Il se trouve aujourd’hui sur l’île de La Réunion, où il va rester plusieurs jours. On ne peut donc pas dire que notre majorité, que le Président de la République et le Gouvernement ne font rien pour les outre-mer. Le Président les prend hautement en considération : 1 milliard, ce ne sont pas des peccadilles ou une paille ! Il faut évidemment que la République soit présente dans les outre-mer, au même titre qu’elle l’est en métropole. Je ne suis pas sûr que l’amendement visant à transférer 100 000 euros apporte quoi que ce soit de plus. Des actions sont engagées en direction des outre‑mer ; des contrats sont en cours de négociation. Des annonces supplémentaires vont sans doute être faites dans les jours qui viennent. On ne peut donc pas dire que la majorité, le Gouvernement, le Président de la République n’ont aucune considération pour les outre-mer et ne font rien pour ces territoires. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)

M. Sébastien Jumel. Quand je me mets en colère, c’est que je le décide, et ce n’est jamais, pour moi, une marque de mépris. Je veux insister sur deux points. D’abord, qu’est-ce que c’est que cette République où il faut attendre la parole du Président pour que le Parlement prenne ses responsabilités ? C’est en effet ce qu’on nous explique : ne vous inquiétez pas, le Président est en voyage, il va faire des annonces, et vous allez voir ce que vous allez voir. Mais ne sommes-nous pas en train d’examiner la loi de finances ? Il appartient au Parlement, sur la base de l’expertise d’un rapporteur qui connaît le sujet, d’adopter des dispositions pour être au chevet des outre-mer. Ou alors, dites-nous : le Parlement ne sert à rien, le Président décide de tout, tout seul, et allez vous coucher !

Par ailleurs, lorsqu’on exprime quelque chose qui diffère du consensus mou que vous incarnez, on manquerait de respect. Non ! Mon groupe comprend des parlementaires ultramarins qui, au quotidien, sont au côté de populations qui souffrent. Mon rôle est de faire passer le message dans la salle de la commission, de soutenir un amendement qui n’est certes pas révolutionnaire mais tente d’apporter un début de réponse, de dire que, lorsqu’on rejette des amendements sans aucune précaution, c’est faire preuve de mépris à l’égard de ceux qui les défendent et, surtout, des personnes concernées par ces mesures. Voilà ce que j’ai dit, et je l’assume. J’espère que la sagesse l’emportera et conduira à adopter cet amendement.

M. David Lorion. Je veux faire comprendre à mes collègues qu’en réalité, l’amendement de M. Max Mathiasin ne vise pas à subventionner des produits de grande consommation mais des biens qui vont entrer dans une chaîne de transformation. Cela revient à soutenir l’emploi local, à faire en sorte que, localement, on puisse importer des produits moins chers pour baisser le prix des produits transformés localement et faire travailler des jeunes dans les entreprises de transformation. C’est un amendement qui ne conduit pas à dépenser de l’argent stérilement, mais à soutenir l’économie locale. Il faut bien importer des marchandises pour pouvoir les transformer localement et, plus on réduit le coût du fret sur l’importation, plus on soutient l’économie locale. Par conséquent, lorsque vous investirez 100 000 euros, vous démultiplierez le bénéfice localement, sur le plan de l’emploi et du coût de la marchandise.

M. Jacques Cattin. Pour répondre à M. Jean-Baptiste Moreau, 1 milliard d’euros, c’est bien, mais le transfert de crédits proposé de 100 000 euros est clairement identifié et représente, comme on l’a dit, une goutte d’eau. En tout cas, cela va dans le bon sens.

M. Fabien Di Filippo. Comme à mon habitude, je vais essayer de ramener la paix, la concorde et, sans doute, de nous faire revenir à un point d’équilibre dans cette commission. (Sourires.) L’honnêteté intellectuelle, dans ce débat, ne peut que nous conduire à voter cet amendement. Nos collègues parlent de mépris car vous avez balayé les amendements d’un revers de la main sans fournir d’explications. Mais l’argent ne vient pas de nulle part : quand le Président annonce – car il s’est pour l’heure contenté de l’annoncer – 1 milliard d’euros pour Mayotte, personne ne se demande d’où vient cette somme, ni si les générations futures devront le payer. En revanche, les 100 000 euros que l’amendement propose de transférer ne viennent pas de nulle part. Vous auriez pu nous expliquer que le fait de prélever ces crédits au sein de telle action et de tel programme engendrerait un réel problème politique, serait source de difficultés pour les ultramarins, et peut-être aurait-on fait la balance des deux. MM. David Lorion et Max Mathiasin ont montré, au moyen d’arguments très convaincants, ce que ces 100 000 euros peuvent apporter à l’économie et à l’emploi dans les territoires ultramarins. Si on se place du simple point de vue de l’honnêteté intellectuelle, je le répète, on ne peut que soutenir cet amendement. C’est notre travail de parlementaire de le faire en toute objectivité et indépendance vis-à-vis du Gouvernement et du Président de la République.

Mme Bénédicte Taurine. Je soutiens pleinement les propos de M. Sébastien Jumel. Si nous ne pouvons pas procéder ici à des ajustements de ce montant, alors qu’ils sont justifiés et argumentés, je ne vois pas ce que nous faisons là. Cela revient à nier le rôle du parlementaire. Il importe que l’on puisse discuter, que les amendements soient examinés avec soin et que, s’ils sont rejetés, on nous explique précisément pourquoi.

M. Jean-Pierre Vigier. Chers collègues de la majorité présidentielle, faites confiance à nos collègues ultramarins, au rapporteur pour avis, qui nous ont expliqué à quoi serviraient ces 100 000 euros – car on discute, depuis un quart d’heure, de 100 000 euros ! Pour une fois, n’écoutez pas ce qui vient d’en haut, mais plutôt la base, le terrain et nos collègues ultramarins.

La commission rejette l’amendement.

Elle en vient à l’amendement II-CE79 du rapporteur pour avis.

M. Max Mathiasin, rapporteur pour avis. Il ne me paraît pas utile de présenter l’amendement, Mme Beaudouin-Hubiere ayant affirmé que l’argumentaire du groupe La République en Marche valait pour les autres amendements. J’en déduis que leur vote sera le même sur tous les amendements. À quoi bon, dès lors, les présenter ? Je me contenterai de dire « défendu », et nous n’aurons qu’à voter.

M. Sébastien Jumel. Vous observez là les conséquences concrètes du mépris. Quand un parlementaire qui a travaillé sur un sujet, qui est convaincu par la cause qu’il défend, se sent méprisé, on aboutit à cela. Je ne suis pas sûr que cela corresponde à la République qu’on veut construire, en métropole comme en outre-mer. Je vous le dis avec beaucoup de calme, mais avec une solennité et une gravité non moins fortes : vous prenez une lourde responsabilité en méprisant ainsi les territoires ultramarins.

M. Mickaël Nogal, président. Deux parlementaires de La République en Marche se sont exprimés. Une position claire a été énoncée sur les trois amendements relatifs aux crédits dont nous sommes saisis. Il peut y avoir des désaccords, mais, encore une fois, on décide par le vote.

La commission rejette l’amendement.

Elle se saisit de l’amendement II-CE81 du rapporteur pour avis.

M. Max Mathiasin, rapporteur pour avis. Mêmes arguments que pour les deux précédents amendements, puisque vous avez déjà prononcé la sentence, en décidant que le même argumentaire valait pour les autres amendements. Il n’est donc pas nécessaire que je me fatigue. On peut passer au vote.

M. Mickaël Nogal, président. Le mot « sentence » ne me paraît pas tout à fait adapté. C’est le vote qui décide du sort d’un amendement, et non pas les déclarations des uns et des autres.

M. Jean-Luc Lagleize. Vous aurez remarqué que, bien que faisant partie d’un groupe appartenant à la majorité, je n’ai pas participé au vote. En effet, le débat ne correspond pas à ma conception du travail parlementaire. Il me semble qu’un député peut changer d’avis en cours de discussion. Nous ne recevons de mandat impératif de qui que ce soit. Sur chacun des amendements, on doit pouvoir parler, échanger, voire changer de point de vue. Si on me dit d’emblée que tous les amendements qui vont être présentés seront rejetés, j’en viens à nourrir quelques craintes quant au sort qui sera réservé à mes amendements cet après-midi, sur la mission « Cohésion des territoires ». Je ne souhaite donc pas participer au vote sur les amendements dans ce climat.

M. Olivier Falorni. Quelle image donnons-nous du Parlement, de l’Assemblée nationale ? Je suis consterné. Un de nos collègues nous dit : ne vous inquiétez pas, le Président de la République vient d’annoncer 1 milliard d’euros pour Mayotte, tandis qu’une collègue du même groupe affirme qu’un transfert de 100 000 euros mettrait en péril les équilibres définis. On croit rêver ! L’Assemblée nationale est effectivement devenue un Parlement croupion : cet exemple l’illustre malheureusement une fois de plus. Je voterai cet amendement, parce qu’il a été défendu clairement, de façon argumentée, par des collègues ultramarins qui connaissent le terrain et qui ne sont pas inconséquents.

M. Sébastien Jumel. Je veux tout d’abord saluer le courage de M. Jean‑Luc Lagleize, qui a raison de réfuter le concept de mandat impératif, puisque c’est contraire à la Constitution. Or, force est de constater qu’il s’applique au sein du groupe majoritaire.

Mme Marie Lebec. Parlez du fond !

M. Sébastien Jumel. Je vais parler du fond, Madame, si vous voulez bien ne pas m’interrompre. J’ai rappelé qu’il appartenait au Parlement, de par la Constitution, de bâtir la loi de finances, sur la proposition de l’exécutif. Le Parlement a le pouvoir de procéder à des ajustements budgétaires – sans nuire à l’équilibre d’ensemble, puisque chaque dépense nouvelle doit être gagée. Même cela, vous nous le refusez.

Sur le fond, puisque vous souhaitez qu’on en parle, ce que nous retiendrons de cette matinée « sentencielle », c’est votre refus de prendre en compte les problématiques des outre‑mer : la vie très chère généralisée, les inégalités sociales et territoriales qui vont avec, et le mépris territorial, le mépris de classe que cela représente.

Mme Marie Lebec. On peut débattre du fond aussi longtemps que le souhaite M. Max Mathiasin, mais on n’est pas obligé d’être d’accord. Des positions argumentées ont été exprimées des deux côtés. Mais, dans cette commission, à chaque fois que les membres de la majorité expriment une intention de vote, prennent une position politique, on les accuse d’être méprisants, d’exercer un mandat impératif, d’être des godillots : j’aimerais que cela cesse. Vous faites le choix d’une position : on la respecte mais on n’est pas obligé d’être d’accord avec l’opposition.

M. Sébastien Jumel. Et inversement !

Mme Marie Lebec. On ne vous impose rien, Monsieur Jumel ! Vous êtes totalement libre de votre vote, comme la majorité, exactement de la même façon. M. Mathiasin peut continuer à alimenter la discussion s’il le souhaite.

M. Max Mathiasin, rapporteur pour avis. Chers collègues de La République en Marche, lorsque j’interviens ici, c’est en ma qualité de parlementaire mais aussi de membre d’un groupe. Vous parlez de la « majorité » en vous référant à La République en Marche. Or, je suis membre d’un groupe, le MODEM, qui appartient à la majorité, et il va de soi que je présente ces amendements avec l’assentiment de mon groupe. Par conséquent, ne dites pas « la majorité » mais « la composante de la majorité que nous représentons », aussi écrasante soit-elle.

Vous donnez l’impression de considérer que vous formez la majorité à vous seuls et que vous pouvez prendre une décision comme vous le souhaitez, mais je vous rappelle que je fais partie d’un groupe parlementaire non négligeable, qui appartient à la majorité. À quel moment vous êtes-vous concertés avec le président de mon groupe au sujet des amendements que je présente ? Je ne sache pas que vous ayez accompli cette démarche avant d’annoncer, par un argumentaire valant pour tous les amendements, que vous les rejetteriez en bloc.

M. Mickaël Nogal, président. Monsieur le rapporteur pour avis, vous avez travaillé, rédigé un rapport, que les collègues ont salué. Nous avons écouté votre présentation liminaire, qui a été suivie d’un débat. Des positions différentes se sont exprimées, ce qui, par principe, est heureux. Chacun doit respecter l’avis de l’autre. On continuera à débattre, en examinant un autre amendement portant sur la mission « Outre-mer ». Chacun peut intervenir : la parole est libre.

Mme Sophie Beaudouin-Hubiere. Je comprends la frustration que vous pouvez ressentir, dans la mesure où vous avez travaillé sur des amendements que la majorité ou, en tout cas, le groupe La République en Marche souhaite repousser. Je le comprends d’autant mieux que ça m’est aussi arrivé. Il nous arrive à tous de travailler avec cœur sur des amendements et de les voir repoussés par les membres de notre propre groupe. Il reste que, contrairement à ce que j’ai entendu, nous avons travaillé et salué votre rapport, cher collègue – je pense d’ailleurs que les crédits de la mission « Outre-mer » ont satisfait, globalement, les ultramarins.

Plus généralement, nous étudions en profondeur tous les amendements. Je rappelle que, depuis le début de l’examen du budget, nous avons adopté des amendements qui, parfois, sont issus d’autres groupes que le nôtre, ce qui ne nous pose aucun problème. Il est fort possible que nous en adoptions d’autres d’ici à la fin de la journée. Il n’y aura jamais la moindre place pour le mépris, parce que nous respectons tout le monde, nous estimons toutes les opinions. Ce procès en mépris révèle lui-même un mépris incroyable, chers collègues.

M. Sébastien Jumel. J’assume tout ce que dit.  Nous aussi ! » sur les bancs du groupe La République en Marche.) J’ai subi hier, en ma qualité de rapporteur pour avis, la même condescendance et le même mépris à l’égard des amendements que j’avais déposés. (Exclamations sur les mêmes bancs.)

Je voudrais vous faire une suggestion, Monsieur le président, qui s’inscrit dans le cadre de l’évaluation de l’efficacité du travail parlementaire : au terme de l’examen de la loi de finances, voyons combien d’amendements d’origine parlementaire ont modifié substantiellement le budget. Je prends le pari que ce sera marginal. C’est pourquoi nous sommes fondés à dire que vous renoncez à exercer vos prérogatives, que vous êtes aux ordres, que vous dépendez d’annonces présidentielles, dans le mépris de la séparation des pouvoirs. C’est vrai pour le rapport que nous examinons aujourd’hui, relatif à des territoires ultramarins où l’urgence sociale est au rendez-vous, mais aussi d’un grand nombre de domaines.

Je vous invite à vous habituer à ce qu’en démocratie, l’opposition puisse s’opposer, critiquer, dénoncer vos positions. C’est cela, la démocratie ! Certes, c’est difficile à vivre. (Exclamations sur les bancs du groupe La République en Marche.) Et l’arrogance dont vous faites preuve… Il faut dégonfler un peu. Retrouvez un peu de modestie, allez sur le terrain, ça vous y aidera, et peut-être la sérénité sera-t-elle au rendez-vous de nos travaux.

M. Fabien Di Filippo. Cette séance de psychothérapie collective concernant les relations internes à la majorité est très intéressante (Sourires et exclamations) mais après ce qui s’est passé cette semaine, vous n’avez pas le droit de vous victimiser. N’oubliez pas qu’on a gagné un vote à la loyale, dans l’hémicycle, sur les crédits de l’Agence nationale du sport, pas plus tard qu’il y a deux jours. Le Gouvernement a fait procéder à un nouveau vote, à plus de trois heures du matin, pour nous priver indûment de cette victoire. Comprenez qu’après un épisode comme celui-là, des députés, y compris au sein de votre majorité, puissent éprouver de la frustration et avoir le sentiment que le débat est verrouillé, d’autant plus qu’il s’agissait d’amendements de la majorité.

Nous entrons dans la seconde moitié du mandat, et beaucoup de choses se sont passées, sur lesquelles il a fallu revenir. Ce que nous essayons de vous expliquer, c’est qu’aujourd’hui, nous n’acceptons plus que vous balayiez nos initiatives d’un revers de main, sans y opposer des arguments de fond d’un poids supérieur. Lundi soir, on avait remporté le vote, et vous avez attendu que chacun, pensant le sujet éclusé, soit rentré, à trois heures et demie du matin, pour organiser un nouveau vote en catimini et nous ravir cette victoire de fond. Aujourd’hui, nous n’acceptons plus, que ce soit dans l’hémicycle ou dans les commissions, que les dés puissent paraître pipés dans certains débats, les votes verrouillés. En l’occurrence, il est question des conditions de vie réelles dans les outre-mer, et vous n’opposez aucun argument de fond. Entendez cela, s’il vous plaît.

M. Mickaël Nogal, président. Je rappelle qu’à l’issue du vote sur les crédits de la mission « Outre-mer », nous examinerons les rapports de Mmes Marie-Noëlle Battistel et Barbara Bessot Ballot et qu’il nous faut donc avancer dans le débat.

M. Didier Martin. Nous aurons l’occasion, je pense, de revenir sur la crise existentielle de l’opposition, à l’occasion de l’examen d’autres amendements et d’autres missions. Aujourd’hui, ce qui est mis en cause, de façon injuste et, je dirais, déviante, c’est le soutien de la République aux territoires ultramarins par une opposition qui essaie de s’appuyer sur quelques miettes budgétaires. Un budget, ça se construit, ça s’élabore, c’est un ensemble sur lequel nous nous mettons d’accord et que nous pouvons bien sûr amender. C’est le budget dans sa globalité qu’il nous faut prendre en compte, sans tomber dans des pièges sur quelques éléments de détail. Les colères maîtrisées et feintes, les consternations ne présentent pas, à mes yeux, beaucoup d’importance au regard de la sérénité de la majorité, dans toutes ses composantes.

Je reviens sur le fond, à savoir l’outre-mer. Qu’on soit ou non ultra-marin, on est sensible – et sensibilisé – à la question ultramarine. J’ai moi-même effectué un déplacement sur le terrain, dans le domaine du tourisme, ce qui m’a permis de rencontrer les populations, les acteurs et les élus ultramarins. À travers l’économie – c’est bien de cela qu’il s’agit, avec le tourisme –, la question sociale, les enjeux sanitaires, les problèmes climatiques – et les sinistres qu’ils peuvent provoquer –, le sujet de l’immigration, la République répond présent par son Président, ses ministres et ses élus. Je ne vais pas tomber dans un piège à propos de quelques amendements qui, je le répète, sont des détails budgétaires. Après avoir entendu les arguments de la majorité, dans toutes ses composantes, je pense qu’on ne devrait pas perdre trop de temps sur ces questions de détails budgétaires. Il faut, tout en affirmant notre solidarité avec les territoires ultramarins, passer à autre chose.

M. Frédéric Descrozaille. J’apprécie, je le dis sans me montrer sarcastique, que la tension de notre débat retombe et je remercie ceux de nos collègues qui font des efforts pour le rendre plus apaisé.

Monsieur Jumel, l’amendement II-CE81 me semble être un prétexte. Vous saisissez n’importe quelle occasion pour nous rappeler que nous sommes des godillots. J’observe d’ailleurs que nos discussions se déroulent sur un autre ton lorsque nous nous croisons et que nous nous parlons entre quatre yeux : votre soudaine emphase comporte donc une bonne part de posture.

Je vous rappelle, ce qui va probablement vous agacer, que nous avons cette année battu tous les records en matière d’amendements. Or je regrette, depuis le début du quinquennat, le temps que nous passons à amender les textes. Je suis, je le dis humblement, bien incapable d’argumenter à propos de tous les sujets que nous abordons : le temps que nous consacrons à cette discussion devrait, plus raisonnablement, être employé à débattre de tous les points importants sur lesquels nous devons voter. Or ce n’est pas le cas.

Je déplore en outre que nous ne passions pas, comme vous venez aimablement de nous le rappeler, plus de temps sur le terrain, ne serait-ce que pour contrôler l’application des dispositions que nous votons. Vous nous rappelez en effet sans cesse que le Parlement est souverain, qu’il décide et qu’il vote. Or il est également en charge du contrôle et de l’évaluation de l’action publique.

S’agissant des sujets que je connais, et qui ne sont pas nombreux, la dimension budgétaire n’est pas la plus importante. La question la plus importante les concernant est en effet : qui exerce le pouvoir sur l’appareil d’État ? Or nous ne remplissons pas suffisamment notre rôle de contrôle et d’évaluation.

Je regrette par conséquent que nous passions un temps fou à nous écharper – que de palabres ! – à propos d’un amendement ou d’un autre, alors que nous pourrions mettre ce temps à profit précisément pour agir auprès de nos concitoyens, sur le terrain, afin de vérifier la façon dont les administrations exécutent la volonté du législateur.

M. Éric Bothorel. Mon intervention aura un peu la même tonalité que celle de mon collègue Frédéric Descrozaille : je regrette que le climat qui règne au sein de notre commission s’apparente à celui qui peut régner sur les plateaux de télévision où les chroniqueurs se saisissent de l’actualité du moment pour donner qui son avis, qui un qualificatif.

Souffrez que nous puissions être en désaccord avec l’idée de réaffecter des crédits aujourd’hui fléchés vers l’emploi outre-mer afin d’y améliorer les conditions de vie : il n’y a là ni mépris ni méconnaissance de la situation de l’outre-mer.

Quand la majorité adopte une position de groupe, cela vous déplaît : souffrez de découvrir qu’une majorité peut parvenir à un accord d’ensemble. Il lui arrive également d’être en désaccord : vous avez à ce propos convoqué, les uns et les autres, un certain nombre de faits d’actualité. Que je sache, il n’y a pas eu de vote godillot sur les chambres d’agriculture. Les débats, qui ont traversé la majorité, ont même permis d’adopter une disposition au-delà de nos propres rangs.

Monsieur Di Filippo, vous avez évoqué une récente seconde délibération : cela tombe bien, car une autre a également été demandée au même moment dans l’hémicycle sur un amendement que j’avais moi-même défendu. Souffrez de découvrir les règles de fonctionnement de notre Assemblée. (Exclamations sur les bancs du groupe LR.) À vous entendre, nous serions totalement déconnectés des réalités ! Celles-ci nous sont communes et nous ne faisons pas semblant de les découvrir à chaque fois qu’elles ne nous conviennent pas.

Il peut arriver que des amendements défendus par des membres de la majorité ne soient pas adoptés : cela ne donne lieu ensuite à aucun caprice ou à aucun épanchement particulier.

Monsieur Jumel, vous parlez de mépris : imaginez un peu la teneur de nos débats si je qualifiais vos interventions de puériles. Nous n’en sortirions pas ! Je n’ai donc pas envie de le dire….

M. Sébastien Jumel. Dans quel est état d’esprit sommes-nous lorsque nous appréhendons un sujet ? Moi, je ne suis pas un robot : je n’appréhende pas les sujets de manière théorique. Lorsque j’accomplis ici mon mandat de commissaire, j’ai en tête les discussions que j’ai dans mon groupe avec Mme Huguette Bello, M. Gabriel Serville, M. Jean-Philippe Nilor, M. Moetai Brotherson, et d’autres encore sur les conditions de vie extrêmement précaires et préoccupantes de nos concitoyens ultramarins. Je fais donc entrer dans cette salle leur colère : je ne sais pas faire autrement.

Par ailleurs, vous avez fait fi dans vos interventions de l’observation de notre collègue rapporteur : la majorité ne se résume pas au seul groupe La République en Marche ; elle est plurielle. Or vous faites comme si une des composantes de la majorité comptait pour rien dans l’approche des territoires ultramarins.

Enfin, nous considérons qu’une commission permanente a pour rôle d’amender la loi, de discuter et d’échanger des arguments. Ce qui a déclenché la colère, non pas de Sébastien Jumel, mais du rapporteur, c’est que vous avez rejeté d’un bloc ses amendements, après avoir souligné, d’ailleurs, la qualité extraordinaire de son travail. C’est à partir de ce travail qu’il a établi un diagnostic et déposé des amendements. Or vous avez repoussé ses amendements avant même qu’il les présente. Quelle gifle ! Quel mépris ! Mais peut-être est-ce puéril…

Vous n’êtes pas à l’aise avec cette situation. Il vous faudra l’expliquer à l’une des composantes de votre majorité, et, surtout, à nos concitoyens, notamment ultramarins.

M. Jean-Pierre Vigier. Pour moi, le constat est simple : le rapporteur, qui n’est pas du même bord politique que moi, connaît son sujet. Député de terrain, il nous présente des amendements : je l’écoute donc avec attention et je le suis, c’est-à-dire que je lui fais confiance. Je demande aux députés de la majorité présidentielle de faire de même et de voter en leur âme et conscience. Faisons tout simplement confiance aux élus de terrain qui connaissent l’outre-mer.

M. Max Mathiasin, rapporteur pour avis. Chers collègues du groupe La République en Marche, lorsque vous évoquez le budget des outre-mer ou mon amendement, vous parlez de détail. Les outre-mer regroupent pourtant onze territoires qui se partagent un budget de 2,61 milliards d’euros et qui comptent un retard de développement considérable. Pour vous, 100 000 euros c’est un détail. Pour nous, c’est énorme. Évitez donc d’employer le mot « détail » lorsque vous parlez de nous, c’est-à-dire de la République et des outre-mer. Nous ne sommes pas un détail de la République, et les 100 000 euros dont il est question aujourd’hui dans le cadre d’un budget ténu, et dans un contexte de raréfaction budgétaire et financière, ne constituent pas un détail.

J’ai travaillé sur mon rapport, des chefs d’entreprises ultramarins, parce qu’ils y croyaient, ont fait le déplacement et payé leur billet d’avion notamment depuis La Réunion, la Guadeloupe ou la Martinique afin d’être auditionnés. Que vont-ils penser lorsqu’ils verront comment nos propositions sont traitées, car ces amendements sont issus de leurs propositions ? On a fait un travail considérable sur 2 mois.

Je vous prie donc, chers collègues, lorsque vous parlez des outre-mer et de nos amendements, de ce que nous avons le droit de réclamer au Gouvernement et à la République, de ne pas employer le mot de « détail ». C’est insupportable !

La Commission rejette l’amendement.

M. Mickaël Nogal, président. Je demande au rapporteur pour avis de bien vouloir formuler un avis concernant les crédits de la mission « Outre-mer ».

M. Max Mathiasin, rapporteur pour avis. J’ai déjà indiqué, en répondant aux différentes questions, que j’étais favorable à l’adoption de ces crédits.

La Commission émet un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Outre-mer ».

Après l’article 76 :

La Commission examine un amendement II-CE77 du rapporteur pour avis.

M. Max Mathiasin, rapporteur pour avis. Il vise à insérer après l’article 76, l’article additionnel suivant :

« Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, à condition que la mission conjointe de l’inspection générale des finances et de l’inspection générale de l’administration sur l’octroi de mer ait rendu ses conclusions, le Gouvernement dépose un projet de rapport devant le Parlement sur les conditions de la formation des prix et de la vie chère dans les Outre-mer ».

Ce rapport nous donnera l’occasion de traiter précisément de la question de l’octroi de mer.

Mme Sophie Beaudouin-Hubiere. La lutte contre la vie chère, et la protection du consommateur ultramarin, est un objectif partagé par le Gouvernement et par la majorité. Cela suppose d’augmenter la fréquence des études sur les prix, les marges et les revenus.

Votre demande de rapport va cependant être satisfaite par la délégation aux outre‑mer de notre assemblée qui a lancé une mission d’information sur ce sujet. Elle va précisément remettre prochainement son rapport.

M. Max Mathiasin, rapporteur pour avis. Il y a une différence entre un rapport de la délégation aux outre-mer, qui n’est pas une commission permanente de l’Assemblée nationale, et un rapport du Gouvernement.

M. David Lorion. Chers collègues, vous n’appréhendez pas, selon moi, toute la difficulté de la situation. Outre-mer, la France ne compte pas que des intérêts : des Français à part entière vivent aussi sur ces territoires, mais dans des conditions qui seraient jugées inadmissibles et insupportables dans n’importe quelle autre région métropolitaine. Un rappel tout simple : l’île de La Réunion est devenue française avant le Nord-Pas-de-Calais, Nice ou la Savoie. La France ne s’arrête pas au continent européen : elle est aussi formée des outre‑mer.

Alors que dans un territoire d’outre-mer, le niveau de vie moyen est inférieur de 30 % à la moyenne nationale, les prix des marchandises alimentaires supérieurs de 36 % par rapport au niveau national, ceux des matériaux de construction de 40 %, et que le taux de chômage atteint 25 %, dont 50 % de jeunes, votre réponse consistant à dire qu’un tel rapport peut attendre et ne présente pas un réel intérêt, dépasse l’entendement pour un ultramarin.

Il n’y a pas deux catégories de Français : ceux d’outre-mer et ceux du continent. Compte tenu de la situation que je viens de décrire, vous auriez dû dès le départ produire un rapport portant sur l’écart entre le pouvoir d’achat, et donc le niveau de vie, des Français d’outre-mer et celui des Français vivant en métropole.

Lorsque le Président de la République annonce, en arrivant à Mayotte, le déblocage de 1,6 milliard d’euros, c’est sans doute qu’il a senti en atterrissant à l’aéroport de Dzaoudzi que l’avion freinait un peu trop vite : cette piste, trop courte, met effectivement en danger tous les Mahorais qui empruntent cet aéroport. Il a bien senti en visite dans les écoles de Mayotte, qu’il faut organiser des tours de classe pour permettre à tous les élèves d’aller à l’école de la République française. Il a bien senti que les Mahorais renoncent à se rendre dans le seul hôpital de l’île. Ils meurent même parfois en raison de la pénurie d’offre de santé. Telle est la situation à Mayotte !

Lorsque le chef de l’État annonce donc 1,6 milliard d’euros de crédits, dont le versement sera étalé sur plusieurs années et dont certains éléments avaient été prévus bien avant sa venue – vous vous doutez bien qu’ils ne tombent pas du ciel comme un cadeau du père Noël – c’est en raison d’un manque réel et crucial. Le Président ne vient pas simplement distribuer l’argent de la République française.

Je ne parle que de Mayotte, alors que je suis député de La Réunion, où le Président de la République est arrivé aujourd’hui et où une grève générale aura lieu jeudi 24 octobre. Depuis la crise des « gilets jaunes », aucune des promesses du Gouvernement n’a en effet été tenue.

Je n’évoque pas les prix : l’Observatoire des prix, des marges et des revenus (OPMR), qui a été mis en place par la loi, n’a à ce jour fait que des constats. Or, pour l’instant, rien n’a été fait en vue de réduire l’écart entre le coût de la vie et le salaire des ultramarins.

Alors, de grâce, votez l’amendement ! La production de ce rapport ne coûtera pas d’argent et permettra surtout à ceux qui ne la connaissent de prendre conscience de la réalité outre-mer.

M. Sébastien Jumel. Un tel témoignage tord le ventre d’un député de la République, quel que soit le banc sur lequel il siège. Ce constat d’inégalité sociale et territoriale paraît irréversible. Que de promesses non tenues ! On mesure aussi l’épaisseur historique de la situation, tout comme la profondeur de l’humiliation qu’elle recouvre pour les territoires ultramarins.

Cette demande de rapport est une piqûre de rappel. Il faut regarder avec lucidité l’étendue des retards à rattraper. Il est urgent d’établir ce rapport qui, pour le coup, ne coûterait pas un centime. Il constituerait pour ces territoires un outil supplémentaire leur permettant de pointer du doigt la gravité de la situation : des mesures de rattrapage doivent être immédiatement mises en œuvre.

Les promesses faites, y compris par le Président de la République, auxquelles je faisais référence tout à l’heure à propos des ententes et de l’organisation des prix maintenus abusivement à un niveau élevé au détriment du pouvoir d’achat des ultramarins, méritent d’être évaluées. Comment pourrions-nous ne pas répondre à cette demande ? Vous allez encore dire que j’exagère. Non, je n’exagère pas ! Allez donc à la rencontre du peuple d’outre-mer qui manque et qui souffre, mais qui est également fier de son histoire, de ses savoir-faire et de sa contribution à ce qui fait la richesse de la République. Dans ces cas‑là, on répond présent : c’est pourquoi je voterai cet amendement.

Mme Marie-Noëlle Battistel. Nous apportons, nous aussi, notre soutien à cet amendement. Nous pourrions d’ailleurs collectivement accéder à cette demande qui n’a effectivement pas d’incidence sur le plan budgétaire et qui permettra ensuite d’engager plus rapidement des mesures puisque nous disposerons ainsi d’arguments solides.

Nous nous honorerions à voter collectivement cet amendement qui ne mettra pas en péril l’équilibre du budget.

M. Didier Martin. J’entends ces paroles d’apaisement : tout ce qui contribue à établir la vérité ou à s’en approcher, à connaître les conditions de vie des hommes et des femmes habitant dans les territoires ultramarins ne peut être que positif.

Je rappelle également, puisqu’il a été question de Mayotte, que la République a décidé il y a peu de temps que cette île deviendrait un département français, avec toutes les prérogatives et tous les moyens qu’elle reconnaît à cet échelon de son organisation territoriale

Notre discussion s’inscrit dans une approche globale et respectueuse. Je ne voudrais pas d’ailleurs que mes propos aient été mal perçus, y compris par notre rapporteur : il est question de l’essentiel, du principal, c’est-à-dire des conditions de vie économique et sociale de nos territoires ultramarins. Lorsque j’ai parlé de détail, je ne parlais que de détails budgétaires.

Monsieur le rapporteur pour avis, après nos échanges, y compris dans votre département, vous connaissez mon attachement à rétablir l’équilibre, l’égalité et la solidarité au sein de la République dans l’ensemble de ses territoires, c’est-à-dire de la France hexagonale aux territoires ultramarins.

Mme Bénédicte Taurine. J’apporte mon soutien à la demande de notre rapporteur pour avis, dans la mesure où un rapport permet de mieux connaître le terrain et de mieux appréhender les différentes réalités. Il serait incompréhensible de ne pas voter cet amendement.

M. Frédéric Descrozaille. Monsieur Mathiasin, sans vouloir relancer le débat, je serais heureux de savoir ce que vous entendez exactement lorsque vous dites qu’un rapport du Gouvernement ou de la délégation aux outre-mer, ce n’est pas la même chose.

Personnellement, j’ai trouvé le rapport sur lequel je me suis le plus impliqué et qui avait été demandé au Gouvernement d’une indigence confondante. Je n’ai d’ailleurs pas compris à quoi servaient les rapports du Gouvernement au Parlement. Ce dernier n’a pas suffisamment d’initiatives. Je regrette à cet égard que la réforme constitutionnelle n’ait pas abouti à la création d’une autorité de compétences et d’expertise qui nous dispenserait de demander au Gouvernement la connaissance dont nous disposerions ainsi.

Je fais confiance à la délégation aux outre-mer pour dégager l’essentiel. Encore une fois, je ne vois pas bien ce que vous attendez du Gouvernement au travers de ce rapport, même si je comprends que sur le fond la question est absolument essentielle. Il me semble qu’il revient aux députés, à travers cette délégation, d’établir l’observation la plus fine et la plus juste possible et d’en dégager des recommandations.

M. Max Mathiasin, rapporteur pour avis. Loin de moi l’idée de déconsidérer la délégation aux outre-mer. Cependant, les affaires ultramarines ne doivent cependant pas y être cantonnées. Si je demande un rapport au Gouvernement, c’est essentiellement en vue d’offrir une ouverture plus grande à cette question de différence de niveau de vie qui ne doit pas uniquement être traitée entre ultramarins.

La Commission rejette l’amendement.

 


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   liste des personnes auditionnÉes

EURODOM

M. Benoît Lombrière, délégué général adjoint

Office de développement de léconomie agricole outre-mer (ODEADOM)

M. Hervé Deperrois, directeur

Mme Valérie Gourvennec, cheffe de service Production de Diversification

M  Sivasoubramani Balabascarane, chargé de mission de l’Observatoire

Comité national des pêches maritimes et des élevages marins (CNPMEM) *

M. Hubert Carré, directeur général

Mme Caroline Ton, chargée de mission

Conseil général de lalimentation, de lagriculture et des espaces ruraux

M. François Champanhet, chargé d’une mission sur les labels outre-mer

Union des ports de France

M. Jean-Pierre Chalus, directeur

Mme Mathilde Pollet, responsable des affaires économiques et européennes

M. Francis Amand, délégué interministériel à la concurrence dans les outremer

CMA-CGM

M. Jacques Gérault, conseiller institutionnel

M. Charles Feld, chargé de relations institutionnelles

Fédération des entreprises doutre-mer (FEDOM) *

M. Jean-Pierre Philibert, président

M. Laurent Renouf, directeur des affaires économiques

Autorité de la concurrence

M. Umberto Berkani, rapporteur général adjoint

M. Frédéric Fustier, rapporteur

M. Henry-Pierre Melone, rapporteur

Cabinet de la ministre des outre-mer

Mme Raphaëlle Seguin, conseillère en charge du budget, de l’investissement public, des relations avec les collectivités de la mer, de la pêche et des ports

M. Fabrice Thibier, chef de cabinet

Maersk

M. Claus Ellemann-Jensen, président de Maersk France SAS

M. Frédéric Normand, Regional Legal Counsel – Europe Legal Department

Groupe Bernard Hayot

M. Stéphane Hayot, directeur général

M. Bruno Fuster, directeur juridique

M. Christophe Bermont, directeur régional Antilles Carrefour

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

* Ces représentants dintérêts ont procédé à leur inscription sur le registre de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, sengageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de lAssemblée nationale.


([1]) Loi n° 2017-256 du 28 février 2017 de programmation relative à l’égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique

([2]) Les échanges de produits agricoles et agroalimentaires dans les départements d’outre-mer, Les Notes de l’Observatoire de l’économie agricole dans les DOM

([3]) Avis n° 19-A-12 du 4 juillet 2019 concernant le fonctionnement de la concurrence en Outre-mer

([4]) Avis n° 2019-A-02 du 19 septembre 2019 relatif aux mécanismes d’importation et de distribution en Polynésie française.