N° 2303

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 10 octobre 2019.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES
SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2020 (n° 2272),

 

TOME VI

 

ÉCONOMIE

 

Commerce extÉrieur et diplomatie économique

PAR M. Buon TAN

Député

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Voir le numéro 2301.


 

 


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SOMMAIRE

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 Pages

introduction

Suivi des recommandations précédentes du rapporteur

Recommandations du rapporteur Pour l’exercice présent

Synthèse graphique de l’avis

Lexique des mots du budget et du commerce extérieur

I. Un solde extérieur stable dans une conjoncture menaçante

A. Un déficit extérieur stabilisé

1. Un déficit sur les marchandises en voie de légère amélioration ?

2. Un déficit sur les marchandises qui reste partiellement compensé par les services et les flux de revenus

B. Une attractivité en progrès

C. Cependant, Un contexte inquiétant

1. Des résultats obtenus bien que le différentiel de croissance ait cessé d’être défavorable à la France

2. Des perspectives économiques et commerciales globales de plus en plus sombres

a. De multiples facteurs de risques

b. Mais un impact déterminant des mesures commerciales unilatérales

i. Les mesures unilatérales des États-Unis

ii. Un impact que l’on commence à mesurer en Chine et aux États-Unis

iii. Quel impact sur les économies tierces ?

iv. Quel impact sur la France ?

v. L’impact des mesures consécutives au litige sur les subventions à Airbus

vi. Quels risques en cas d’extension de la guerre commerciale au secteur automobile ?

c. La question particulière du Brexit

3. Conclusion : quelles priorités pour le commerce extérieur français ?

II. Des réformes bien engagées

A. Les réformes annoncées

1. Un objectif très ambitieux : 200 000 entreprises exportatrices

2. La Stratégie du Gouvernement en matière de commerce extérieur

a. Une meilleure prise en compte des enjeux internationaux dans les politiques d’éducation et de formation

b. Un dispositif unifié et complet d’accompagnement des entreprises à l’international, Team France Export

c. Des dispositifs financiers plus larges et plus souples

d. L’attraction des investissements étrangers

B. la mise en place de Team France export

1. L’amont : le déploiement de Team France Export dans les territoires

2. L’aval : une offre de services labellisée à l’étranger, couverte par des opérateurs variés

3. Les nouveaux outils numériques

a. L’outil de gestion de la relation client

b. La plateforme des solutions

III. mais aussi des interrogations sur le projet de loi de finances

A. Les moyens affectés au commerce extérieur restent dispersés

B. Le modèle économique de Business France reste centré sur la substitution progressive des ressources propres aux crédits budgétaires

1. Les ressources propres sont désormais plus élevées que les subventions budgétaires

2. Le contrat d’objectifs et de moyens de l’opérateur prévoit la poursuite de cette évolution

3. Le projet de loi de finances pour 2020 s’inscrit dans la même orientation

C. Les interrogations sur les moyens gérés par la direction générale du Trésor

1. Des moyens toujours en baisse pour les services économiques dans les ambassades

2. Le renforcement des instruments financiers gérés par la direction générale du Trésor

a. Le FASEP

b. Les prêts du Trésor

D. La gestion des assurances export publiques : une réforme à poursuivre et élargir

1. Un mode de gestion qui permet un contrôle rigoureux de l’État sur la mise en œuvre des garanties publiques

a. La gestion administrative des décisions

b. La présentation budgétaire : le cantonnement de chacune des lignes

2. L’évolution des différentes procédures

a. L’assurance-crédit

i. Un dispositif qui reste concentré sur un petit nombre d’entreprises, de secteurs et de localisations

ii. Un dispositif qui rapporte en moyenne 800 millions d’euros par an au budget général

b. L’assurance prospection : un dispositif globalement relancé

c. Les autres procédures

3. Les réformes engagées : un bilan inégal

4. La nécessité de repenser plus en profondeur la gestion de l’assurance export publique

a. Conserver et développer un produit dédié aux plus petits exportateurs

b. S’interroger sur les modalités de gestion des procédures publiques d’assurance export

c. Tirer les conséquences du caractère durablement excédentaire de l’assurance-crédit

d. Mettre en cohérence notre politique d’assurance-crédit avec nos objectifs en matière de lutte contre le changement climatique et/ou de développement

e. Promouvoir l’utilisation internationale de l’euro à travers l’assurance export

TRAVAUX DE LA COMMISSION

annexe : Liste des personnes auditionnées par le rapporteur


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   introduction

Le déficit de notre commerce extérieur est stabilisé à un niveau légèrement inférieur à 60 milliards d’euros en 2018 comme en 2017, avec une légère amélioration sur les huit premiers mois de 2019 et un déficit ramené à moins de 54 milliards en glissement annuel. De plus, ce déficit sur les marchandises est en large part compensé, dans la balance des transactions courantes, par les excédents enregistrés sur certains échanges de services et de revenus, avec en particulier un solde des revenus des investissements directs qui a été positif de 43 milliards d’euros en 2018 : cette situation rend compte du degré élevé d’internationalisation de nos grandes entreprises. Globalement, le déficit de notre balance courante est donc stable aux environs de 15 milliards d’euros, soit seulement 0,6 % de notre produit intérieur brut (PIB). Enfin, notre attractivité pour les investissements étrangers progresse en comparaison de celle de nos grands partenaires européens, qui sont confrontés à des difficultés.

Ces résultats sont enregistrés alors même que la facture énergétique s’est creusée (les cours du pétrole ont augmenté) et que la croissance française, après plusieurs années où elle était en retard sur celle de nos principaux partenaires européens, est revenue à leur niveau depuis 2017. L’essor de notre commerce extérieur contribue à nouveau à notre croissance. Ces constats positifs conduisent à penser que nous commençons à toucher les dividendes des politiques de compétitivité engagées depuis plusieurs années, ainsi que de la prise de conscience qui amène nos entreprises à se tourner de plus en plus vers l’international.

Il n’y en a pas moins de lourds sujets d’inquiétude nés de la dégradation de la conjoncture mondiale, laquelle est de surcroît liée spécifiquement, ce qui n’était pas le cas pour les crises précédentes, à des enjeux commerciaux internationaux. Les mesures protectionnistes prises par les États-Unis à l’encontre de nombreux pays et surtout de la Chine, ainsi que les contre-mesures consécutives, commencent à avoir des effets très significatifs sur les flux de commerce et d’investissements. Pour le moment, la France ne semble pas en souffrir du point de vue macroéconomique ; bien au contraire, nos exportations vers les deux grands protagonistes, États-Unis et Chine, sont pour le début d’année 2019 sur une tendance de croissance à deux chiffres, peut-être en partie suite à la constitution de stocks par des importateurs inquiets des menaces de nouvelles taxes. En effet, nous pourrions être beaucoup plus directement impactés dans les mois qui viennent en raison en particulier des taxes appliquées par les États-Unis depuis le 18 octobre sur nos vins, certains fromages et les Airbus dans le cadre du vieux litige sur les subventions au secteur aéronautique. Ce sans compter les effets indirects de la dégradation générale du climat économique, ceux du futur Brexit (étant rappelé que le Royaume-Uni est notre troisième partenaire commercial – biens et services inclus – et nous fournit notre plus important excédent bilatéral), ceux des difficultés de nos partenaires allemands ou italiens…

Cet état de fait conduit à nous interroger sur les destinations susceptibles de rester « porteuses » pour notre commerce extérieur, en raison notamment d’une croissance dynamique : l’Europe centrale et orientale, l’Asie du Sud-Est et l’Afrique sont dans cette situation. Votre rapporteur souhaite que soit relancée la réflexion stratégique à moyen terme sur les géographies et les secteurs (en mettant en avant des « couples pays/secteur ») à prioriser dans le développement de notre commerce extérieur, cela en lien avec l’objectif de « verdissement » de nos échanges.

Pour ce qui concerne l’organisation de notre système d’accompagnement des exportateurs, la mise en place de Team France Export, le dispositif associant les différents opérateurs publics afin de proposer aux entreprises un parcours coordonné, complet et plus efficace, se déroule dans de bonnes conditions. Le financement des nouveaux outils numériques est désormais assuré, ce dont se félicite votre rapporteur, et leur déploiement a été remarquablement rapide.

Toutefois, sur le plan strictement budgétaire, il est à regretter que la visibilité du commerce extérieur reste limitée : les différentes lignes budgétaires qui contribuent à son soutien restent dispersées sur au moins six missions (au sens budgétaire), un compte de concours financiers et un compte de commerce.

L’agence Business France a signé avec ses tutelles un contrat d’objectifs et de moyens (COM) pour la période 2018-2022, ce qui lui apporte une visibilité quant à l’évolution de son financement public. Cependant, le modèle économique sous-jacent à cette évolution, consistant à substituer toujours plus la vente de prestations aux subventions, suscite toujours des interrogations. Par ailleurs, il est regrettable que les engagements du COM ne couvrent que la principale des subventions à l’agence (provenant de la mission Économie et inscrite sur le programme 134), mais pas celle, résiduelle, provenant du programme 112 de la mission Cohésion des territoires : cette dernière diminue de 17 % dans le présent projet de loi de finances !

S’agissant enfin de la gestion des assurances export publiques, votre rapporteur salue la relance de l’assurance prospection, traduite par une augmentation de 41 %, en 2018, des budgets de prospection couverts. Le financement de l’assurance prospection avait en effet été l’un des grands enjeux du débat budgétaire l’année dernière et votre rapporteur avait présenté un amendement en vue de l’augmenter.

Plusieurs questions restent cependant posées : quel produit concevoir pour financer la prospection internationale des plus petites entreprises, alors que l’assurance prospection dite « premiers pas » (A3P), qui leur était dédiée, a été mise en extinction ? Plus généralement, les modalités de la gestion des assurances export, partagée entre l’État et Bpifrance, et la récurrence depuis plus de vingt ans des excédents de l’assurance-crédit, qui sont en moyenne de 800 millions d’euros par an ces derniers temps, restent sujettes à débat, dans un contexte où nous nous engageons légitimement à réduire l’empreinte carbone de ce dispositif.


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Suivi des recommandations précédentes du rapporteur

À l’occasion de l’examen, à l’automne 2018, du projet de loi de finances pour 2019, votre rapporteur avait préconisé onze actions. L’encadré ci-dessous les rappelle et indique sommairement dans quelle mesure elles sont mises en œuvre.

RAPPEL ET SUIVI DES PRÉCONISATIONS DE VOTRE RAPPORTEUR EN 2018

 Améliorer la fiabilité de l’appareil statistique

1.  Poser le principe d’une comptabilisation dans les statistiques du commerce extérieur des « envois de valeur négligeable », tout en développant la lutte contre les fraudes auxquelles ils donnent lieu avec le développement du e-commerce.

Mise en œuvre : l’arsenal législatif évolue progressivement pour tenir compte du développement du e-commerce. En particulier, l’article 53 du présent projet de loi de finances prévoit qu’à compter de 2021, les sites d’e-commerce seront directement redevables de la TVA sur les produits expédiés à des particuliers en France par leur intermédiaire, avec un dispositif spécifique de guichet unique adapté aux biens de faible valeur (moins de 150 euros). Il n’y a pas en revanche de progrès sur la comptabilisaiion de ces envois « de valeur négligeable ».

 Financer les réformes en cours

2. Financer les nouveaux outils – système de gestion de la relation client, dit CRM, commun aux différents réseaux et « plateforme (internet) des solutions » – dont le déploiement est la condition de la mise en place réussie du « guichet unique » de l’accompagnement à l’international.

Mise en œuvre : le fonds de transformation de l’action publique (FTAP) a attribué en novembre 2018 une subvention de 6,3 millions d’euros à cette fin (voir corps du présent rapport).

3. Garantir le financement de la mission renforcée dévolue au réseau consulaire en matière d’internationalisation des entreprises par la réforme en cours ; à cette fin, inscrire clairement cette mission parmi celles qui resteront financées par l’impôt dans le prochain contrat d’objectifs et de performance entre État et réseau consulaire.

Mise en œuvre : la loi relative à la croissance et la transformation des entreprises, dite « loi PACTE », et le contrat d’objectifs et de performance (COP) entre l’État et CCI France signé le 15 avril 2019 répondent à cette demande (voir corps du présent rapport).

4. Préserver le financement de l’instrument de soutien financier dédié aux PME et le plus apprécié d’elles, l’assurance prospection, dans un contexte où :

– le nombre de bénéficiaires – environ 2 000 par an, A3P incluse – stagne en 2017 et début 2018 ;

– le dispositif alternatif du crédit d’impôt pour dépenses de prospection commerciale (CIPC) a été supprimé ;

– les crédits afférents à l’assurance prospection (financement budgétaire du déficit de la procédure) pourraient être insuffisants pour maintenir la mise en œuvre de la procédure durant toute l’année 2019.

De manière générale, le financement des réformes doit être garanti sur plusieurs années dans le cadre de plans pluriannuels de financement.

Mise en œuvre : suite notamment à la présentation d’un amendement de votre rapporteur, les moyens effectivement disponibles pour l’assurance prospection ont été augmentés. Un déficit plus important de la procédure a été accepté et ses modalités ont été revues. Cela a permis dès 2018 une augmentation de 41 % du montant annuel cumulé des budgets de prospection couverts (voir corps du présent rapport).

 Accélérer la réflexion sur l’organisation administrative

5. Au-delà de l’inscription de crédits suffisants pour assurer la continuité de l’assurance prospection, engager une réflexion d’ensemble sur les modalités de gestion des instruments financiers de soutien au commerce extérieur, notamment les « garanties publiques » (assurances export publiques). Les garanties publiques ne doivent pas être gérées dans une logique de maximisation des ressources budgétaires qu’en tire l’État, mais d’abord au regard des objectifs de la politique du commerce extérieur. Il convient donc de s’interroger sur :

– les missions des différents acteurs intervenant dans la gestion de ces instruments, direction générale du Trésor, Bpifrance et (plus marginalement) Natixis ;

– la pertinence de la présentation budgétaire (dans un compte de commerce) des flux financiers afférents aux garanties publiques, si cette présentation est avant tout utilisée comme un instrument de restrictions budgétaires ;

– les résultats des expériences étrangères, par exemple l’expérience italienne, dans lesquelles l’État s’est retiré de la gestion directe de ce genre de dispositifs, confiant un mandat global à un opérateur certes public, mais au fonctionnement proche de celui des banquiers ou assureurs commerciaux.

Mise en œuvre : pas de changement pour le moment des modalités de gestion des garanties publiques.

6. De même, s’agissant du pilotage d’ensemble de la politique du commerce extérieur, évoluer vers une organisation administrative où les responsabilités sont plus claires. Le modus vivendi trouvé en 2014, lorsque le ministère des affaires étrangères a obtenu une responsabilité « commerce extérieur » sans que lui soient rattachés les services économiques des ambassades ni l’opérateur Business France, n’a pas été modifié depuis lors. Pourtant, il n’avait pas vocation à être figé.

Mise en œuvre : non (pas de changement d’organisation administrative).

7. Désigner dans le Gouvernement un responsable formellement en charge du commerce extérieur, de préférence avec un rang de ministre ou ministre délégué (plutôt que secrétaire d’État).

Mise en œuvre : non (pas de changement dans la structure gouvernementale).

8. Corrélativement, améliorer la lisibilité budgétaire des politiques du commerce extérieur, en regroupant autant que possible les différentes lignes de crédits, actuellement dispersées, relatives à ces politiques sous une ombrelle commune. Pourquoi pas une mission (au sens budgétaire) Commerce extérieur ?

Mise en œuvre : non (maquette budgétaire inchangée dans le PLF 2020, voir corps du présent rapport).

 Innover en s’inspirant des meilleures expériences étrangères :

9. Apprendre à nos entreprises à jouer plus « collectif » à l’international, à « chasser en meute ». Les entreprises allemandes ou italiennes y parviennent effectivement, de même que nos entreprises mais seulement dans certains secteurs tels que l’aéronautique, où ce jeu collectif est porté par le Groupement des industries françaises aéronautiques et spatiales (GIFAS). Pour aller plus massivement dans cette direction, les pouvoirs publics pourraient développer l’enseignement des pratiques coopératives dans les grandes écoles, car c’est avant tout un enjeu culturel. Par ailleurs, certaines aides publiques pourraient être ciblées sur les réseaux d’entreprises, voire réservées à ces réseaux, comme cela se pratique en Italie.

Mise en œuvre : les observateurs considèrent que la culture du « jouer collectif » à l’international se diffuse progressivement dans le tissu économique français, avec par exemple la tendance au développement d’offres de consortiums d’entreprises pour des projets d’aménagement urbain et de transports collectifs. La structuration des secteurs à l’export, soutenue par les pouvoirs publics, progresse dans certains secteurs, tels que la santé et la ville durable.

10. Développer les « maisons de la France » : à travers des initiatives de regroupement géographique des acteurs français, publics et privés, dans des « maisons de la France » comme il en existe à Pékin ou l’organisation d’événements « français » comme les semaines de promotion des produits alimentaires qui existent dans certains pays ou le « French Month ». L’image internationale de la France est meilleure que nous ne le pensons souvent, comme le montrent les détournements qui en sont faits par des marques étrangères pour promouvoir des produits soi-disant français ou d’esprit français. Il faut s’appuyer sur cette image.

Mise en œuvre : le 28 août 2019, à la conférence des ambassadeurs, le Premier ministre a annoncé le lancement de la nouvelle architecture de la « marque France » à l’étranger. Il y a donc une volonté de relancer la visibilité économique internationale du pays. En revanche, le développement de lieux « français » ne paraît plus constituer une priorité.

11. Expérimenter les « Comptoirs de France » : avec un soutien budgétaire public, relancer l’effort de fédération des filières à l’export, en particulier dans le secteur agro-alimentaire. Les « Comptoirs de France » permettraient aux PME-TPE de disposer d’une offre groupée pour rencontrer les acheteurs internationaux, faciliter les démarches administratives et faire des envois groupés. Ce dispositif pourrait être renforcé par une contractualisation avec de grands distributeurs (en ligne ou en grandes surfaces) étrangers, qui prendraient, en contrepartie des financements publics, des engagements précis en volumes distribués ou en nombre de nouvelles marques françaises référencées. L’expérience de cette nature engagée en Italie donne apparemment de très bons résultats (15 euros de facturation pour un euro investi) ; cette pratique permet de reporter sur le distributeur les coûts de pénétration d’un nouveau marché.

Mise en œuvre : non.

 


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Recommandations du rapporteur Pour l’exercice présent

Au préalable, votre rapporteur souligne sa satisfaction de voir la réforme du dispositif d’accompagnement des exportateurs, Team France Export, se déployer dans de bonnes conditions. Les financements nécessaires, notamment pour la mise en place des nouveaux outils numériques, ont été obtenus, comme il avait été demandé.

            Mettre en place une politique du commerce extérieur plus lisible, plus « visible », plus stratégique et fondée sur des données plus fiables

Votre rapporteur reprend à cette fin plusieurs recommandations déjà présentées et non mises en œuvre.

 1  Poser le principe d’une comptabilisation dans les statistiques du commerce extérieur des « envois de valeur négligeable », tout en développant la lutte contre les fraudes auxquelles ils donnent lieu avec le développement du e-commerce.

 2  Désigner dans le Gouvernement un responsable formellement en charge du commerce extérieur, de préférence avec un rang de ministre ou ministre délégué (plutôt que secrétaire d’État), et en tirer les conséquences dans l’organisation administrative en lui rattachant les différents services et opérateurs relevant actuellement soit du ministère de l’Europe et des affaires étrangères (la direction de la diplomatie économique, Atout France…), soit de celui de l’économie et des finances (une partie des services du Trésor, Business France…).

 3  Corrélativement, améliorer la lisibilité budgétaire des politiques du commerce extérieur, en regroupant autant que possible les différentes lignes de crédits, actuellement dispersées, relatives à ces politiques sous une ombrelle commune.

Votre rapporteur met également en avant une recommandation nouvelle.

 4  Dans un contexte international inquiétant, relancer la réflexion stratégique, à trois/cinq ans, sur les géographies – par exemple l’Europe centrale et orientale, l’Asie du Sud-Est, l’Afrique – et les secteurs « porteurs » ; identifier des « couples pays/secteur » prometteurs.

            Dynamiser et « verdir » nos dispositifs de garanties publiques à l’export

Votre rapporteur se félicite de la relance de l’assurance prospection, concrétisée par l’augmentation de 41 % en 2018 des budgets de prospection couverts. Il salue également la démarche de prise en compte de notre empreinte carbone initiée par le Gouvernement, qui va se traduire dans un premier temps par l’exclusion des projets « charbon » de la couverture des garanties publiques. Toutefois, la réforme des garanties publiques doit être poursuivie et amplifiée, ce qui est l’objet des propositions qui suivent.

 5  Alors que le Gouvernement s’est fixé l’objectif d’atteindre 200 000 entreprises exportatrices et que le crédit d’impôt pour dépenses de prospection commerciale, autre dispositif destiné aux TPE-PME, a été supprimé, développer un produit de couverture des « petits » budgets de prospection commerciale pour prendre la suite de l’assurance prospection premiers pas (A3P), qui a été mise en extinction.

 6  Tirer les conséquences du caractère durablement excédentaire de l’assurance-crédit (en moyenne 800 millions d’euros par an) en mobilisant une fraction des excédents pour financer des actions ponctuelles, par exemple un fonds de garantie pour un produit complémentaire de l’assurance prospection et que gérerait Bpifrance et/ou des actions correspondant à nos objectifs en matière de lutte contre le changement climatique et de développement des pays les moins avancés (pour mémoire, l’Afrique subsaharienne ne bénéficie actuellement que de 6 % des montants couverts en assurance-crédit). La politique d’assurance-crédit doit être conforme à nos grands engagements internationaux.

 7  S’interroger sur la pertinence des modalités de gestion des garanties publiques et notamment les rôles actuellement dévolus respectivement à l’État et à Bpifrance, étant rappelé que de nombreux pays, dans une optique de souplesse et de réactivité, ont beaucoup plus largement délégué la gestion des dispositifs comparables à des opérateurs spécialisés.

 8  Dans le même esprit, promouvoir l’usage de l’euro dans notre commerce international en fixant des objectifs de progression de la part libellée en euros des contrats couverts par l’assurance-crédit.

            Valoriser l’« image de marque » de notre pays et s’appuyer sur elle

Votre rapporteur reprend pour partie plusieurs recommandations déjà présentées.

 9  Mettre enfin en place et promouvoir la « marque France » en tant que marque ombrelle déclinée dans les différentes marques et labels sectoriels déjà mis en place (French Healthcare, Vivapolis, French Tech, etc.).

 10  Continuer à développer la culture du « jeu collectif » à l’international pour nos entreprises. Pour ce faire, favoriser la structuration des filières en s’inspirant des premiers résultats obtenus dans certaines (santé, ville durable…), développer l’enseignement des pratiques coopératives dans les grandes écoles, envisager de réserver certaines aides publiques aux réseaux d’entreprises.

 11  Développer les « maisons de la France » et événements « français » (regroupements géographiques des acteurs français, publics et privés, comme la Maison de la France à Pékin, « mois français » et « semaines françaises »…), afin de s’appuyer sur notre image de marque internationale.

 12   Expérimenter les « Comptoirs de France » : il s’agirait d’aider les PME-TPE, en particulier dans le secteur agro-alimentaire, à présenter une offre groupée pour rencontrer les acheteurs internationaux, faciliter les démarches administratives et faire des envois groupés. Ce dispositif pourrait éventuellement être complété par une contractualisation avec de grands distributeurs (en ligne ou en grandes surfaces) étrangers, qui s’engageraient à diffuser un plus grand nombre de marques et produits français.


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Synthèse graphique de l’avis


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Lexique des mots du budget et du commerce extérieur

                 Action (au sens budgétaire) : subdivision d’un « programme » (voir ce mot infra).

                 Assurance change : dispositif d’assurance qui peut faire partie des garanties publiques (voir cette expression infra). Il assure l’exportateur contre la baisse éventuelle du cours de la devise de facturation d’un contrat dont la signature et l’entrée en vigueur sont incertaines : est garantie à l’entreprise la valeur en euros de l’offre qu’elle remet en devises, ce jusqu’au paiement du contrat.

                 Assurance-crédit : dispositif d’assurance qui peut faire partie des garanties publiques (voir cette expression infra), mais aussi être proposé dans un cadre purement privé. Il vise à couvrir les exportateurs contre le risque d’interruption de leur contrat et les banques contre le risque de non-remboursement des crédits à l’exportation octroyés à un acheteur étranger.

                 Assurance prospection : dispositif d’assurance appartenant aux garanties publiques (voir cette expression infra) qui permet de prendre en charge une partie des dépenses de prospection sur un marché étranger. Elle s’adresse aux entreprises ayant un chiffre d’affaires inférieur à 500 millions d’euros. Elle couvre, dans la limite de 65 % de leur montant, les frais de prospection commerciale sur un marché étranger ([1]) ; l’entreprise reçoit à ce titre des indemnités qu’elle rembourse, à l’issue d’une période de franchise, en partie ou en totalité selon le chiffre d’affaires généré sur le marché visé ([2]).

                 Assurance du risque exportateur : dispositif d’assurance appartenant aux garanties publiques (voir cette expression infra) qui recouvre en fait deux produits : la « garantie des cautions » assure les cautions émises par une banque, à la demande de l’acheteur étranger, dans le cadre d’un contrat à l’export (cautions de soumission, de bonne fin et de restitution d’acomptes) et exigées par l’acheteur ; la « garantie des préfinancements » couvre un prêt consenti par une banque pour financer le lancement d’un contrat à l’export (par exemple pour acheter des équipements ou des matières premières nécessaires à la réalisation de ce contrat).

                 Balance commerciale : la balance commerciale est un compte de la comptabilité nationale qui retrace la valeur des biens exportés et importés. Elle est traditionnellement fondée sur l’exploitation des données recueillies par la direction générale des douanes et droits indirects, avec certains correctifs pour tenir compte de biens qui ne font pas l’objet de déclarations douanières classiques (par ex. matériel militaire, or, avitaillement des navires, etc.), mais elle ne couvre pas les échanges de services. Elle couvre un « territoire douanier » différent du territoire national car correspondant à celui couvert par le droit douanier national (et européen) : il inclut Monaco et les départements d’outre-mer (DOM), mais pas, en revanche, les collectivités d’outre-mer dotées de l’autonomie fiscale et douanière comme la Polynésie française et la Nouvelle-Calédonie.

                 Balance des transactions courantes : la balance des transactions courantes mesure les transactions « courantes » entre les résidents et les non-résidents, c’est-à-dire entre les acteurs économiques (banques, entreprises, ménages, administrations publiques) qui exercent leur activité sur le territoire national et ceux qui exercent leur activité à l’étranger. Les transactions dites « courantes » se distinguent des opérations financières qui ont une contrepartie patrimoniale directe (investissements, endettement). Le solde du compte de transactions courantes reflète la capacité de l’économie nationale à équilibrer ses échanges avec le reste du monde : un déficit des transactions courantes se traduit par une dégradation de la position extérieure nette (solde des créances et des dettes vis-à-vis de l’étranger) et, en conséquence, par un accroissement de la dépendance financière vis-à-vis de l’étranger. Ces transactions courantes se subdivisent en quatre catégories : biens (retracés dans la balance commerciale : voir supra) ; services ; revenus (flux de revenus des investissements étrangers en France et réciproquement français à l’étranger, flux de revenus des salariés détachés ou frontaliers) ; transferts courants (notamment contributions françaises à l’Union européenne ou à des organisations internationales et flux en retour ou encore envois d’argent de travailleurs étrangers installés durablement).

                 Bpifrance (ou BPI pour Banque publique d’investissement) : établissement financier public créé en 2012 par la fusion d’institutions préexistantes, afin de financer les TPE, PME et ETI et de développer des secteurs stratégiques d’avenir. Bpifrance intervient en octroyant des crédits (généralement en cofinancement avec des banques commerciales) et des garanties ainsi qu’en investissant en fonds propres. Bpifrance gère depuis 2017 le régime des garanties publiques (voir cette expression infra).

                 Business France : établissement public mis en place en 2015 suite à la fusion d’institutions préexistantes. Ses missions sont de proposer des prestations (notamment des actions de prospection, d’accompagnement et d’accueil) pour développer les exportations des entreprises implantées en France, de favoriser l’investissement étranger en France et de mettre en œuvre la stratégie de promotion de l’image économique de la France.

                 Coface (Compagnie française d’assurances pour le commerce extérieur) : société privée (principal actionnaire : Natixis) qui propose notamment des services d’assurance-crédit (voir ce mot supra) à l’exportation et des services annexes (affacturage, recouvrement de créances, analyse de risques…). La Coface gérait aussi, jusqu’au 31 décembre 2016, le régime des garanties publiques (voir cette expression infra).

                 Compte de commerce (au sens budgétaire) : un compte de commerce est un compte particulier annexé au budget général de l’État pour retracer (en recettes et dépenses) des opérations à caractère industriel ou commercial (ventes de biens ou de services) effectuées par des services de l’État non dotés de la personnalité morale (ou pour le compte de l’État par d’autres entités).

                 Entreprise de taille intermédiaire (ETI) : par convention, entreprise qui a entre 250 et 5 000 salariés, et, soit un chiffre d’affaires n’excédant pas 1,5 milliard d’euros, soit un total de bilan n’excédant pas 2 milliards d’euros.

                 FAB ou « franco à bord » : terme généralement associé à la présentation de la balance commerciale. Il précise le prix auquel les biens échangés sont pris en compte dans celle-ci : le prix FAB est le prix d’un bien ou d’un service « à la frontière du pays » ; il comprend la valeur des biens ou des services au prix de base, des services de transport et de distribution jusqu'à la frontière. Pour les importations, on parle aussi de prix CAF  coût, assurance, fret ») : c’est le prix d’un bien à la frontière du pays importateur ou d’un service fourni à un résident avant acquittement de tous les impôts et droits sur les importations et paiement de toutes les marges commerciales et de transport dans le pays ; ce prix inclut donc les frais de transport et d’assurance nécessaires à l’acheminement du bien jusqu’à la frontière, frais qui doivent être déduits et retraités en « services » pour obtenir le prix FAB.

                 Garanties publiques : ensemble de dispositifs d’assurance destinés à faciliter les exportations. Ces dispositifs sont gérés par Bpifrance (anciennement la Coface : voir supra) pour le compte de l’État : ce dernier fixe les règles et directives d’engagement ; il prélève les excédents éventuels (situation actuelle) mais couvrirait aussi des pertes le cas échéant.

                 Investissement direct étranger, ou à l’étranger (IDE) : les investissements directs à l’étranger désignent les investissements par lesquels des entités résidentes d’une économie acquièrent ou ont acquis un « intérêt durable » dans une entité résidente d’une économie étrangère, soit en développant directement cette entité, soit en prenant une participation dans une entité existante. Par convention, on considère qu’il y a intérêt durable et donc investissement direct lorsqu’il y a détention d’au moins 10 % du capital ou des droits de vote.

                 Mission (au sens budgétaire) : subdivision des crédits du budget de l’État. Une mission peut être ministérielle ou interministérielle et il en existe au total une trentaine. Chaque mission fait l’objet d’un débat et d’un vote parlementaires spécifiques.

                 Part française : dans un projet international, mesure (ou évaluation) de la fraction de sa valeur ajoutée qui sera générée en France (suscitant des emplois en France). Certains dispositifs de soutien à nos entreprises comprennent une exigence de part française.

                 Petite et moyenne entreprise (PME) : par convention (définition européenne), entreprise employant moins de 250 personnes, et qui a un chiffre d’affaires annuel n’excédant pas 50 millions d’euros ou un total de bilan n’excédant pas 43 millions d’euros.

                 Prêt concessionnel : prêt accordé à des conditions plus favorables à l’emprunteur (taux d’intérêt, durée et/ou « période de grâce ») que ne le ferait une banque commerciale. Il relève donc des politiques d’aide au développement.

                 Programme (au sens budgétaire) : subdivision d’une « mission » (voir ce mot supra).

                 Service économique/ service économique régional (anciennement appelé « poste d’expansion économique ») : service rattaché à une ambassade française, mais couvrant souvent plusieurs pays, d’où son nom, qui est composé principalement d’agents de la direction générale du Trésor et est géré par celle-ci. Ses missions comprennent l’analyse et la veille économique, l’animation des relations économiques bilatérales et le soutien à nos entreprises dans certains cas (grands contrats).

                 Solde commercial : différence entre les importations et les exportations retracées dans la balance commerciale (voir cette expression supra).

                 Team France Export : dispositif de « guichet unique » pour l’accompagnement à l’export, en cours de mise en place, qui associe les différents opérateurs publics existants et certains prestataires privés conventionnés.

                 Très petite entreprise (TPE) : par convention, entreprise employant moins de 10 salariés et ayant un chiffre d’affaires ou un total de bilan inférieur à 2 millions d’euros.

                 Volontariat international en entreprise (VIE) : le volontariat international en entreprise permet aux entreprises françaises de confier à un jeune une mission professionnelle à l’étranger. Les bénéficiaires reçoivent une indemnité variable selon les pays, de 1 300 euros à 3 900 euros par mois, complétée par des défraiements annexes. Ce dispositif est géré par Business France (voir supra) et les régions prennent en charge une partie des frais.


—  1  —

I.   Un solde extérieur stable dans une conjoncture menaçante

SYNTHÈSE

Le déficit commercial français apparaît stabilisé, voire en léger recul d’après les derniers chiffres, qui le font ressortir à moins de 54 milliards d’euros en année glissante. Ce déficit sur les biens est en outre largement compensé par les flux de services et de revenus, de sorte que le solde courant n’est déficitaire que de 15 milliards d’euros. Cette stabilisation a été obtenue alors même que la croissance française est revenue à des niveaux proches de la moyenne européenne et que notre attractivité progresse.

Ces points positifs ne doivent pas occulter un contexte international très inquiétant, marqué par un très fort ralentissement du commerce international tandis que se développe la « guerre » commerciale sino-américaine. Si celle-ci n’a pas (encore) d’impact négatif visible sur notre économie, d’autres sujets d’inquiétude sont beaucoup plus immédiats, en particulier les taxes appliquées depuis le 18 octobre par les États-Unis sur les vins, fromages et avions français et le Brexit, qui affecte nos relations avec notre 3ème partenaire commercial.

A.   Un déficit extérieur stabilisé

1.   Un déficit sur les marchandises en voie de légère amélioration ?

Avec plus de quinze années de déficits récurrents, la situation du commerce extérieur français reste préoccupante.

Après avoir atteint un record en 2011, à plus de 74 milliards d’euros (en solde dit FAB/FAB : voir le lexique supra), le déficit de notre commerce extérieur de marchandises s’était réduit à 43 milliards en 2015, avant de se creuser à nouveau en 2016 et 2017. L’année 2018 a vu une quasi-stabilisation, ce solde passant de 57,8 milliards d’euros à 59,9 milliards.

ÉVOLUTION ANNUELLE DES ÉCHANGES COMMERCIAUX DE MARCHANDISES

(en milliards d’euros)

Source : direction générale des douanes et des droits indirects, Le chiffre du commerce extérieur – Année 2018.

Les derniers chiffres disponibles, prenant en compte le début de l’année en cours, font même état d’une légère amélioration, avec un déficit revenu à 53,7 milliards d’euros en année glissante septembre 2018-août 2019.

ÉVOLUTION DES SOLDES MENSUELS ET ANNÉE GLISSANTE
DU COMMERCE DE BIENS

Source : direction générale des douanes et des droits indirects, Le chiffre du commerce extérieur – analyse mensuelle – n°326 Août 2019.

Dans ce contexte de stabilisation, les prévisions de solde commercial (FAB/FAB) inscrites dans le présent projet de loi de finances ([3]), soit 56 milliards d’euros en 2019 et 56,3 milliards en 2020, peuvent être considérées comme raisonnables, même si les incertitudes sur le commerce mondial (voir infra) obligent à la prudence.

Dans la lignée de ce qui s’était passé en 2017, la légère dégradation du déficit en 2018 est due à la poursuite de la remontée des cours du pétrole, lesquels déterminent mécaniquement le déficit de notre balance énergétique. Le déficit énergétique s’est accru de 6,7 milliards d’euros en 2018, pour s’élever à 46 milliards d’euros. En revanche, le solde hors-énergie s’est amélioré de 4 milliards d’euros entre 2017 et 2018, grâce notamment à la bonne tenue des exportations, qui ont progressé de 3,8 % (après 4,5 % en 2017).

Certaines filières ont connu des progressions particulièrement fortes à l’export, en particulier les véhicules automobiles (+ 7,9 % à 35,5 milliards d’euros) et les produits de luxe (+ 6,3 % à 51,3 milliards d’euros). L’évolution a également été favorable, bien que moins forte, dans d’autres secteurs traditionnels d’excellence : chimie, parfums et cosmétiques (+ 3,1 % à 58,3 milliards d’euros), aéronautique (+ 2,7 % à 57,2  milliards), agro-alimentaire (+ 2 % à 62,4 milliards).

Le Rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances relève en conséquence que « l’année 2018 a marqué le retour à une contribution positive du commerce extérieur à la croissance après cinq années où il l’avait pénalisée. La contribution comptable du commerce extérieur à la croissance a atteint + 0,7 pt en 2018, son niveau le plus élevé depuis 2012 ».

2.   Un déficit sur les marchandises qui reste partiellement compensé par les services et les flux de revenus

Bien que moins élevés que les échanges de marchandises, ceux de services continuent également à progresser : les exportations françaises de services se sont élevées à 249 milliards d’euros en 2018, en croissance de 3,7 %, pour 226 milliards d’importations, en croissance de 2,3 %.

Le déficit de notre commerce de marchandises est traditionnellement compensé en partie par des excédents sur les services et les flux de revenus. Ces excédents sont dus notamment à trois lignes d’échanges :

– les services de voyages, c’est-à-dire le tourisme international. En 2018, notre pays a reçu 89,4 millions de visiteurs étrangers, soit 3 % de plus que l’année précédente, qui ont dépensé plus de 56 milliards d’euros sur son sol. Le solde touristique a atteint 14,9 milliards d’euros en 2018, en légère progression sur 2017 ;

– les rémunérations des travailleurs frontaliers (qui rapatrient leur salaire dans le pays où ils vivent), dont le solde est positif de 20,5 milliards d’euros, car près de 400 000 Français (ou personnes résidant en France) travaillent dans un pays limitrophe, alors que les effectifs dans l’autre sens sont beaucoup plus faibles ;

– les revenus des investissements directs. Le stock global d’investissements directs internationaux des entreprises françaises étant bien plus élevé que celui des entreprises étrangères en France (1 317 milliards d’euros contre 721 milliards fin 2018) et ces investissements à l’étranger étant plus rentables que ceux des étrangers en France, le solde sur ces flux de revenus a été positif de plus de 43 milliards d’euros en 2018.

D’autres lignes de transactions courantes sont, là-aussi traditionnellement, déficitaires, notamment :

– les revenus des investissements dits de portefeuille, dont le solde est déficitaire de 15,6 milliards d’euros en 2018, du fait de la large détention d’actifs financiers français par des non-résidents ;

– les contributions nettes aux organisations internationales et à l’Union européenne, le solde avec cette dernière étant négatif de 20,6 milliards d’euros en 2018 ;

– les envois de fonds à leur famille par les immigrés (10,5 milliards d’euros en 2018).

Globalement, toutefois, les différents flux de services, de revenus et de transferts internationaux atténuent le déficit sur les marchandises, conduisant à un déficit des transactions courantes qui est stable aux alentours de 15 milliards d’euros, soit 0,6 % du PIB, comme le détaille le tableau ci-après.

DU SOLDE DU COMMERCE DES MARCHANDISES AU SOLDE
DES TRANSACTIONS COURANTES, RÉSULTATS ET PRÉVISIONS

(en milliards d’euros)

Soldes

2017

2018

2019

2020

Solde des marchandises (douanes)

– 58

– 59,1

– 56

– 56,3

Solde des services

20,2

23,8

24,7

25,6

Solde des revenus primaires (*)

52,3

58

55,8

57,2

Solde des revenus secondaires (*)

– 43,7

– 47,7

– 49,2

– 50,6

Solde des transactions courantes

 16,4

 15,1

 14,9

 14,2

Rapporté au PIB

– 0,7 %

– 0,6 %

– 0,6 %

– 0,6 %

(*) Les revenus primaires sont les revenus directement liés à une activité de production, notamment les revenus du travail (salaires des frontaliers par exemple) et des investissements transnationaux ; les revenus secondaires ou transferts retracent les opérations de répartition non liées à la production telles que les flux financiers avec le budget européen, les intérêts de la dette publique versés à des non-résidents et les envois de fonds effectués par les travailleurs immigrés.

Source : Rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances pour 2020.

B.   Une attractivité en progrès

Le décompte des investissements étrangers posant un certain nombre de problèmes méthodologiques, les indicateurs de différentes sources donnent toujours des résultats différents. Il est cependant significatif d’observer que les différents baromètres disponibles font tous apparaître une très bonne tenue des investissements directs étrangers (IDE) en France en 2018 :

– Business France, dont l’accompagnement des investisseurs étrangers est l’une des missions, a décompté 1 323 projets d’IDE en 2018, après 1 298 en 2017 et 1 116 en 2016, projets qui correspondraient à plus de 30 000 emplois créés ou sauvegardés dans l’année ([4]) ;

– les derniers chiffres publiés par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) font état d’un flux d’IDE entrants en France qui aurait atteint 48 milliards d’euros en 2018 (contre 44 milliards en 2017), soit un niveau record, même si la France, en Europe (et malgré la perspective du Brexit), reste devancée largement par le Royaume-Uni en la matière ;

– comme le montre le graphique ci-après, l’attractivité française a, selon le baromètre annuel d’Ernst&Young, mieux résisté en 2018 que celle de ces deux grands partenaires et rivaux européens que sont le Royaume-Uni et l’Allemagne.

Source : EY, La France résiste aux chocs – Baromètre de l’attractivité – France – Juin 2019.

Le même document relève que la France a été en 2018, et de loin, le pays européen le plus attractif pour les projets étrangers en recherche et développement (R&D) étrangers, avec 144 projets (contre 74 au Royaume-Uni et 64 en Allemagne), et en matière de sites de production industrielle (avec 339 projets (contre 203 en Turquie et 152 en Allemagne).

Le principal bémol tient au recul des intentions futures d’investissements en France, dans un contexte national marqué par les conflits sociaux de 2018 et un contexte économique international qui s’assombrit (voir infra). La part des dirigeants d’entreprises déclarant envisager une future implantation ou extension de leurs activités en France recule ainsi, de 2018 à 2019, de 24 % à 19 %.

C.   Cependant, Un contexte inquiétant

1.   Des résultats obtenus bien que le différentiel de croissance ait cessé d’être défavorable à la France

Il est notable que la stabilisation de notre solde extérieur ait été obtenue alors même que notre pays connaît depuis 2017, pour la première fois depuis plusieurs années, une croissance économique proche du niveau moyen de celle de ses principaux partenaires européens : 1,7 % en France en 2018, pour 1,9 % dans l’ensemble de la zone euro, 1,5 % en Allemagne, 1,4 % au Royaume-Uni et 0,9 % en Italie ([5]).

En effet, de manière générale, les différentiels de croissance affectent les soldes extérieurs dans la mesure où, pour un pays donné, les importations sont souvent encouragées par une croissance élevée, tandis que, réciproquement, l’évolution de ses exportations dépend de la croissance de ses principaux partenaires commerciaux. Une réduction du différentiel de croissance négatif concernant la France par rapport à ses partenaires aurait donc pu entraîner, « toutes choses égales par ailleurs », un creusement des déficits.

En 2019 et 2020, le différentiel de croissance pourrait devenir favorable à la France, du moins par rapport à certains de nos principaux voisins européens, dans un contexte où un ralentissement économique est anticipé partout, mais devrait être moins violent chez nous que chez la plupart de nos partenaires. Ainsi le Rapport économique, social et financier annexé au présent projet de loi de finances fait-il état d’une croissance qui serait un peu plus élevée en France que dans l’ensemble de la zone euro et nettement plus dynamique qu’en Allemagne et Italie, ce pour 2019 comme pour 2020.

Comme le tableau ci-après en rend compte, la croissance française, évaluée à 1,3 % pour l’an prochain, serait du même ordre de grandeur que celle de la zone euro (1,2 %) et que celle des pays anglo-saxons (1,3 % de croissance anticipée au Royaume-Uni, 1,5 % aux États-Unis) ; elle serait plus élevée que celles de l’Allemagne (0,9 %) et de l’Italie (0,5 %).

PRÉVISIONS DE CROISSANCE POUR 2019 ET 2020
POUR LES PRINCIPALES ÉCONOMIES DÉVELOPPÉES

(croissance du PIB en %)

États

2019

2020

France

1,4

1,3

Zone euro

1,2

1,2

Dont Allemagne

0,6

0,9

Dont Italie

0

0,5

Dont Espagne

2,3

1,9

Royaume-Uni

1,2

1,3

États-Unis

2,4

1,5

Japon

1,2

0,6

Source : Rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances pour 2020.

La bonne tenue, jusqu’à présent, de la croissance et du solde extérieur de la France peuvent avoir une part conjoncturelle. S’agissant de la croissance, les récentes mesures pour le pouvoir d’achat ont un impact significatif. Mais c’est aussi sans doute le résultat des réformes structurelles (charges sociales, crédit impôt-recherche, fiscalité du capital, droit du travail…) engagées depuis plusieurs années. Il est à noter que le taux d’investissement moyen ([6]) des entreprises françaises, tel que mesuré par l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE), a atteint en 2018 un niveau qui ne s’était pas vu depuis… 1972. Depuis 2009, ce taux est passé de 21,6 % à 24,1 %. D’autres observateurs mettent enfin en avant le développement des compétences « export » des entreprises, qui est le fruit du déploiement de dispositifs publics tels que l’assurance prospection (voir infra), mais aussi de facteurs plus culturels ou plus généraux : l’accroissement de la diaspora d’expatriés français (les mieux placés pour connaître un marché étranger), le renouvellement des dirigeants des entreprises, avec notamment une plus grande attractivité des petites et moyennes entreprises (PME), ou du moins de certaines (les start-up), pour les jeunes diplômés, ou encore le lent développement des pratiques coopératives entre entreprises dans la conquête des marchés étrangers.

Cette bonne tenue ne doit pas occulter les risques économiques qui existent au niveau global.

2.   Des perspectives économiques et commerciales globales de plus en plus sombres

Nous l’avons vu, les dernières prévisions économiques sont pessimistes quant aux perspectives de croissance des principales économies à très court terme (fin 2019 et 2020), avec toutefois une note moins négative pour la France. Ces prévisions générales pessimistes sont reliées à un pessimisme encore plus grand quant à l’évolution du commerce international.

Le 1er octobre dernier, l’Organisation mondiale du commerce (OMC) a annoncé une révision drastique de ses prévisions sur l’évolution du volume mondial du commerce international de marchandises : celui-ci ne devrait croître que de 1,2 % pour l’année en cours (2019), alors qu’en avril, l’organisation escomptait encore une croissance de 2,6 % de ce volume. Les plus récents résultats disponibles sont même en deçà de ce taux de 1,2 % : au premier semestre de 2019, le commerce mondial a enregistré une hausse de seulement 0,6 % par rapport à la même période de l’année précédente. Pour 2020, l’OMC anticipe encore une croissance de 2,7 %, mais il est précisé que cette projection « dépend d’un retour à des relations commerciales plus normales » ([7]).

Cet euphémisme renvoie manifestement aux tensions commerciales croissantes alors qu’un pays, les États-Unis, multiplie depuis un peu plus d’un an les mesures commerciales unilatérales contraires au droit international. Au-delà des aléas politiques et selon certains observateurs, on pourrait assister dans les prochaines années à une certaine forme de « démondialisation », de retour à un commerce centré sur les espaces régionaux, cette évolution pouvant être accélérée par l’affrontement géopolitique entre les États-Unis et la Chine, mais correspondant aussi à l’état d’esprit des peuples, qui sont de plus en plus critiques vis-à-vis de la mondialisation et conscients de l’impact du commerce international sur les émissions de gaz à effet de serre (par le biais des transports).

a.   De multiples facteurs de risques

Les tensions commerciales ne sont bien sûr pas les seuls facteurs du ralentissement économique actuel. On doit citer aussi les craintes quant à une nouvelle crise financière, les risques de guerre des changes, le ralentissement intrinsèque de l’économie chinoise, qui tient à des causes internes tout autant qu’aux pressions externes, ainsi que les incertitudes économiques et politiques dans la plupart des grands pays européens :

– l’Allemagne est confrontée à une sérieuse remise en cause de son industrie phare, l’automobile, laquelle a dû surmonter la crise de confiance et les coûts consécutifs aux tricheries de Volkswagen, s’adapte aujourd’hui à un durcissement réglementaire sans précédent et s’interroge sur sa capacité à sortir de la motorisation thermique ;

– au-delà des enjeux inhérents au Brexit, sur lesquels nous reviendrons, la crise politique qui en résulte au Royaume-Uni met en cause le bon fonctionnement d’une des plus anciennes démocraties ;

– l’Italie dispose depuis peu d’une majorité gouvernementale plus « européenne », mais ses problèmes structurels, responsables d’une croissance durablement en berne, restent à traiter ;

– plusieurs élections générales consécutives n’ont pas permis à l’Espagne de dégager une majorité gouvernementale stable, tandis que l’unité du pays reste menacée par le séparatisme catalan.

Toutes ces incertitudes, tous ces risques, portent atteinte à la confiance des milieux économiques, découragent les investissements, font renoncer des entreprises à des projets de développement international.

b.   Mais un impact déterminant des mesures commerciales unilatérales

Les déterminants du ralentissement économique actuel ne sont donc pas seulement commerciaux. Mais ce qui caractérise la période actuelle, c’est que, pour la première fois depuis longtemps, les mesures commerciales ont un rôle déterminant dans la situation.

i.   Les mesures unilatérales des États-Unis

Depuis un an, les États-Unis ont relevé massivement et unilatéralement leurs droits de douane :

 sur les importations d’acier et d’aluminium, y compris celles en provenance de l’Union européenne depuis le 1er juin 2018 ;

 par phases successives, sur 250 milliards de dollars d’importations depuis la Chine.

Par ailleurs, ils se sont engagés dans une politique de sanctions ciblées contre l’entreprise Huawei, visant à l’écarter du marché américain et à interdire aux entreprises américaines de lui fournir des composants et logiciels.

La Chine a répliqué par des mesures tarifaires sur 110 milliards de dollars d’importations en provenance des États-Unis. L’accord partiel passé il y a quelques jours, le 11 octobre, entre les deux protagonistes a en quelque sorte gelé leur conflit (les États-Unis n’appliqueront pas à court terme la nouvelle augmentation – passage de 25 % à 30 % du taux – des droits de douane sur les produits chinois qui était prévue le 15 octobre), mais ne l’a pas réglé.

L’Union européenne et les autres grands pays touchés par la taxation de l’acier et de l’aluminium ont également adopté des contre-mesures.

Le front se déplace maintenant vers l’aéronautique, où les États-Unis se sont précipités pour mettre en œuvre les contre-mesures, à hauteur de 7,5 milliards de dollars, auxquelles ils ont été autorisés le 2 octobre dernier au terme du vieux litige porté devant l’OMC et relatif aux subventions octroyées à Airbus. Ce geste ne manquera pas de lancer une nouvelle guerre commerciale inutile, puisque l’Union européenne, quand à son tour elle se verra reconnaître dans quelques mois un droit à des contre-mesures comparables au titre du litige symétrique concernant le subventionnement de Boeing, n’aura d’autre choix que de taxer réciproquement de nombreux produits américains.

Enfin, dans quelques semaines, à la mi-novembre, expirera le délai de six mois laissé par l’administration américaine aux autorités européennes et japonaises pour négocier un arrangement qui éviterait l’établissement de taxes américaines rédhibitoires sur les exportations de voitures de l’Union européenne et du Japon.

ii.   Un impact que l’on commence à mesurer en Chine et aux États-Unis

Dans une étude tout récemment publiée ([8]), la direction générale du Trésor constate que « les tensions commerciales entre la Chine et les États-Unis se sont traduites par une réduction significative et rapide des échanges bilatéraux des biens surtaxés. Les importations chinoises de produits américains ayant fait l’objet de mesures tarifaires ont chuté tandis que les importations américaines de produits chinois frappés d’une hausse tarifaire ont également baissé mais de manière moins prononcée. Cette réduction des importations américaines en provenance de Chine semble avoir été accentuée par les importants achats préventifs (front loading) réalisés entre l’annonce des mesures et leur entrée en vigueur. »

Des analyses conduites par le Centre d’études prospectives et d’informations internationales (CEPII) confirment effectivement, après neutralisation des effets de saisonnalité et pour chaque catégorie de produits chinois surtaxés aux États-Unis, une baisse de 40 % à 60 % des flux au bout de six à douze mois. L’impact bilatéral est donc massif (même s’il a pu être artificiellement gonflé du fait de la constitution de stocks avant l’entrée en vigueur des nouvelles taxes).

Les effets sur les deux économies principalement concernées sont différents : selon la direction générale du Trésor, le déficit commercial américain n’a pas été réduit, mais on n’identifierait pas non plus d’impact négatif évident sur l’économie des États-Unis, hormis peut-être quelques effets inflationnistes. L’impact apparaît plus notable en Chine : les tensions commerciales y ont accéléré le ralentissement économique en cours en provoquant un choc de confiance.

iii.   Quel impact sur les économies tierces ?

L’analyse précitée de la direction générale du Trésor ne relève pour le moment pas d’impact massif de la guerre commerciale sino-américaine sur les économies tierces (avec des redirections de flux commerciaux), excepté dans certains secteurs bien identifiés (le soja et le coton en particulier, où des pays tels que le Brésil et l’Australie profitent du recul drastique des exportations américaines en Chine, surtaxées, pour y développer leurs ventes) ou pour quelques économies asiatiques qui se substituent à la Chine comme fournisseurs des États-Unis. C’est ainsi que les exportations coréennes, bangladaises, taïwanaises et surtout vietnamiennes vers les États-Unis sont en forte croissance ; celles du Vietnam, selon les douanes américaines, ont atteint sur les huit premiers mois de 2019 un total de 42,8 milliards de dollars, soit près de 11 milliards de plus que pendant la même période de 2018, ce qui représente 34 % d’augmentation.

Quant à l’affrontement entre les États-Unis et l’ensemble du monde (dont l’Union européenne) concernant l’acier et l’aluminium, son impact est tout de même limité par son caractère sectoriel. Les enjeux sont moindres. Dans les exportations de l’Union européenne vers les États-Unis, ces deux produits représentaient en 2017 6,5 milliards d’euros, soit 1,7 % du total de ces exportations.

iv.   Quel impact sur la France ?

S’agissant de notre pays, les données disponibles les plus récentes ne font pas apparaître de pertes de marchés aux États-Unis et en Chine qui résulteraient directement ou indirectement de l’affrontement commercial entre ces deux puissances – ou plus directement des mesures prises par les États-Unis contre certains produits européens.

Bien au contraire, le dynamisme de nos exportations vers ces deux marchés permet de penser que nous bénéficions peut-être un peu des perturbations des échanges sino-américains.

En effet, d’après les données des douanes ([9]) :

 les exportations françaises de marchandises vers les États-Unis se sont élevées à 28,6 milliards d’euros sur les huit premiers mois de l’année 2019, contre 24,8 milliards sur les mêmes mois de 2018, soit 15 % d’augmentation ;

 celles vers la Chine sur la même période de 2019 se sont élevées à 13,4 milliards d’euros, contre 12 milliards sur les mêmes mois en 2018, soit 11 % de progression. Certains retours font état d’une politique des autorités chinoises visant à favoriser les offres européennes plutôt qu’américaines, notamment dans les domaines technologiques, et d’une plus grande facilité, pour les entreprises et produits européens, pour que soient levés les obstacles administratifs et réglementaires auxquels ils peuvent se heurter (autorisations diverses, procédures de conformité…).

Dans le même temps, les importations françaises depuis ces deux pays ont augmenté nettement moins vite (6 % depuis les États-Unis et 3 % depuis la Chine) : nous ne sommes donc apparemment pas « ciblés » par des flux massifs de produits qui se reporteraient sur l’Europe en raison des taxes que s’imposent mutuellement les États-Unis et la Chine.

S’il n’y a donc pas vraiment d’impact macroéconomique négatif perceptible en France, pour le moment, de l’affrontement commercial sino-américain, il apparaît déjà que les stratégies d’internationalisation de certaines entreprises françaises, généralement grandes, sont perturbées : celles qui sont présentes à la fois aux États-Unis et en Chine envisagent éventuellement de se retirer de l’un des deux marchés ; celles qui intègrent dans leur chaîne de valeur des composants américains sont confrontées à l’obligation de respecter les embargos américains…

Plus globalement, cette situation développe un climat d’incertitude qui ne pousse pas à l’internationalisation.

De plus, pour en revenir au plan strictement commercial, les perspectives sont moins favorables pour l’avenir proche.

v.   L’impact des mesures consécutives au litige sur les subventions à Airbus

En effet, les contre-mesures décidées par les États-Unis dans le cadre du litige concernant les subventions à Airbus, tout juste entrées en application ce 18 octobre, sont susceptibles d’avoir des conséquences directes dommageables pour notre commerce extérieur. Pour la première fois, l’économie française est explicitement et massivement ciblée par les actions de guerre commerciale de l’administration américaine.

Les ventes d’avions aux États-Unis vont être l’objet d’une surtaxe de 10 %. Or, les échanges de produits aéronautiques constituent une part considérable du commerce franco-américain : sensiblement équilibrés (11,6 milliards d’euros d’exportations vers les États-Unis contre 10,5 milliards d’importations depuis ce pays sur l’année glissante septembre 2018-août 2019), ils représentent le quart du commerce bilatéral.

En outre, une taxe de 25 % est appliquée aux exportations françaises de vins et de la plupart des fromages et produits laitiers vers les États-Unis. Or, en 2018, les États-Unis ont importé pour 2,2 milliards de dollars de vins français, notre pays étant le premier fournisseur étranger sur ce marché, juste devant l’Italie. Il est à noter que la nouvelle taxe frappera aussi les vins espagnols, mais pas les vins italiens – premiers en quantité et seconds en valeur sur le marché américain – non plus bien sûr que ceux de nos concurrents non-européens (Australie, Nouvelle-Zélande, Chili…). En termes quantitatifs, ce sont 1,73 million d’hectolitres de vins français que les États-Unis ont importé en 2018, soit l’équivalent de près de 5 % de la récolte viticole globale de l’année précédente. Le potentiel de déstabilisation de la filière par la nouvelle taxation est donc réel, dès lors que sa durée d’application excéderait les quelques mois pour lesquels des stocks de précaution ont sans doute été constitués.

D'après des prévisions de l’assureur-crédit Euler-Hermès reprises dans la presse, les pertes annuelles de chiffres d’affaires sur les exportations de la France vers les États-Unis, consécutives à ces nouvelles taxes, pourraient être de l’ordre d’un milliard d’euros. Elles se concentreraient sur le secteur aéronautique (530 millions d’euros de manque à gagner), les vins (370 millions d’euros) et dans une moindre mesure les produits laitiers (50 millions d’euros).

Globalement, indépendamment de ces risques sectoriels, il est probable que l’économie française souffre moins que d’autres des tensions commerciales mondiales, voire d’une chute du commerce mondial qui en serait la conséquence, en raison de sa moindre dépendance aux exportations, de son moindre degré d’ouverture internationale. On peut rappeler que l’export (de marchandises), c’est 22 % du PIB en France, contre 35 % en moyenne dans la zone euro et 39 % en Allemagne.

vi.   Quels risques en cas d’extension de la guerre commerciale au secteur automobile ?

Il y a enfin le risque que l’administration américaine ne mette à exécution, d’ici quelques semaines, sa menace d’imposer une surtaxe de 25 % sur les importations de voitures, pour de soi-disant motifs de sécurité nationale.

Les exportations du secteur automobile pèsent d’un poids considérable dans le commerce entre l’Union européenne et les États-Unis : en 2018, d’après les statistiques d’Eurostat, l’Union a exporté pour 46,9 milliards d’euros de produits de l’automobile vers les États-Unis, ce qui correspondait à 11,6 % du total des exportations européennes vers ce pays. Le marché états-unien est déterminant pour l’industrie automobile européenne, puisqu’à lui seul il a représenté, en 2018, 23,8 % des exportations hors-Union européenne de cette industrie.

Mais le fait est que les échanges bilatéraux dans ce secteur sont très fortement déséquilibrés au bénéfice de l’Union européenne, qui vend (en valeur) cinq fois plus de produits de l’automobile aux États-Unis que ne le font ces derniers dans l’autre sens. En conséquence, le solde bilatéral sur ces produits, positif de 37,9 milliards d’euros au bénéfice de l’Union en 2018, a fourni durant cet exercice 27 % de l’excédent commercial global de l’Union dans ses échanges avec les États-Unis (soit 138,9 milliards d’euros).

Ce qui est vrai globalement pour l’Union l’est encore plus pour l’Allemagne. En 2018, ce pays a exporté pour 27,2 milliards d’euros d’automobiles et de pièces automobiles aux États-Unis, et importé dans l’autre sens pour seulement 5,2 milliards d’euros des mêmes produits. Le secteur automobile représente près du quart du total des exportations allemandes aux États-Unis.

En revanche, la France est peu concernée par ce type d’échanges avec les États-Unis. Sur l’année glissante septembre 2018-août 2019, nos exportations de véhicules et d’équipements automobiles vers les États-Unis sont inférieures à 0,6 milliard d’euros. Parmi les usines d’assemblage françaises, seules celles de Toyota à Onnaing et de Daimler (Smart) à Hambach expédient des véhicules (en nombre limité) outre-Atlantique.

Le CEPII a modélisé l’impact potentiel de l’éventuelle surtaxation des importations du secteur automobile par les États-Unis ([10]). D’après cette analyse, les ventes de voitures et de pièces automobiles japonaises aux États-Unis pourraient s’effondrer de plus de 70 %. Les pertes de marché européennes et notamment allemandes seraient un peu moins fortes, mais les exportations allemandes de véhicules vers les États-Unis baisseraient tout de même de 8,8 milliards de dollars (s’y ajoutant une baisse de 2 milliards de dollars des exportations de composants).

La France serait en revanche peu touchée directement, pour les raisons exposées supra, et pourrait notamment, selon le CEPII, compenser ses pertes modestes sur le marché états-unien des équipements par des exportations supplémentaires de composants vers le Canada et le Mexique (où se développeraient les chaînes de montage). Il convient toutefois d’observer qu’il existe un canal potentiel de transmission partielle à l’économie française d’une crise de débouchés de l’industrie automobile allemande : celle-ci utilise massivement des composants produits dans d’autres pays européens, dont la France. Nous exportons annuellement en Allemagne pour 3,6 milliards d’euros de ces composants.

c.   La question particulière du Brexit

Il est enfin nécessaire de rappeler ce que sont les enjeux du Brexit pour notre commerce extérieur, quelles que soient les modalités dans lesquelles il se déroulera finalement, pour autant qu’il ait lieu.

Dans son dernier rapport annuel sur la balance des paiements de la France ([11]), la Banque de France relève que le Royaume-Uni est le troisième partenaire commercial de la France, après l’Allemagne et les États-Unis. Les échanges de biens et services entre les deux pays se sont élevés à 114 milliards d’euros en 2018, soit 7,3 % du total du commerce international français. En particulier, le RoyaumeUni pèse pour 10,7 % dans le total des échanges français de services, en raison notamment de l’intensité des échanges de services financiers et assurantiels, mais aussi du niveau des dépenses touristiques des Britanniques en France et réciproquement des Français outre-Manche.

Ces échanges avec le Royaume-Uni sont fortement excédentaires en notre faveur, générant le plus élevé des excédents bilatéraux de la France : tous biens et services confondus, l’excédent avec le Royaume-Uni a atteint 13,2 milliards d’euros en 2018. Le maintien des flux commerciaux avec ce partenaire est donc très important pour les entreprises françaises et l’équilibre de notre commerce extérieur.

La Banque de France souligne en outre le niveau élevé des investissements croisés. Le stock d’investissements directs français au Royaume-Uni atteignait 129 milliards d’euros en 2018, pour 94 milliards d’investissements britanniques dans l’autre sens. Les échanges de revenus de ces investissements sont excédentaires pour la France et la Banque de France considère que l’on peut ajouter ce solde au solde commercial, dans la mesure où l’implantation directe de filiales à l’étranger est une forme d’alternative à l’export dans les stratégies d’internationalisation des entreprises. Avec ce calcul, l’excédent dans nos échanges avec le Royaume-Uni passerait à 16,7 milliards d’euros.

Le 8 octobre 2019, le Royaume-Uni a présenté le tarif douanier qu’il appliquerait en cas de « no-deal ». L’application de ce tarif aboutirait à ce qu’environ 10 % des exportations françaises outre-Manche soient frappées de droits de douane. Les produits potentiellement concernés sont divers : viandes de bœuf, poulet, mouton et produits laitiers pour les biens agricoles ; automobiles, produits textiles, aluminium et produits en céramique pour les biens industriels, etc. L’effet négatif d’un Brexit sans accord pourrait s’élever, pour notre pays, à 0,2 point de PIB à court-terme, en raison de ruptures temporaires des chaînes d’approvisionnement et, dans une moindre mesure, de l’apparition des barrières tarifaires susmentionnées. À plus long-terme, l’effet d’un Brexit sans accord pourrait s’élever à un demi-point de PIB.

Au-delà de ces réflexions macroéconomiques, il faut enfin souligner l’ampleur des impacts potentiels sur certaines filières, comme celles qui ont des chaînes de valeur largement intégrées entre les deux rives de la Manche
– l’automobile, l’aéronautique… –, ou encore la pêche, notamment si un no-deal entraînait une fermeture rapide des eaux britanniques à nos pêcheurs (le Royaume-Uni sortant alors immédiatement de la politique commune de la pêche et revendiquant sa souveraineté).

Ces enjeux sectoriels sont aussi des enjeux territoriaux, avec le risque de difficultés concentrées sur certains secteurs géographiques, notamment les ports de la Manche qui tout à la fois vivent de la pêche et des échanges humains et économiques avec la Grande-Bretagne, et seront en outre confrontés à la gestion potentiellement difficile du rétablissement de formalités douanières.

3.   Conclusion : quelles priorités pour le commerce extérieur français ?

Dans ce contexte international troublé, quelles pourraient être les priorités de redéploiement progressif de nos échanges, avec le soutien de l’appareil public d’aide à l’export et à l’internationalisation ?

La plupart de nos plus grands partenaires commerciaux sont menacés par différents facteurs de crise ou par la guerre commerciale engagée : l’Allemagne, l’Italie, le Royaume-Uni, les États-Unis, la Chine…

Mais d’autres espaces apparaissent relativement épargnés pour le moment par ces difficultés et connaissent depuis quelques années une croissance vive.

● Les pays d’Europe centrale et orientale sont en majorité membres de l’Union européenne ou candidats à l’adhésion. Cela signifie qu’ils appliquent les réglementations européennes et que leurs marchés sont donc en principe plus faciles à comprendre et pénétrer pour nos entreprises, notamment des PME, que ne l’est le « grand export ».

Par ailleurs, ces pays restent dans une phase de rattrapage des niveaux de  productivité et de vie de l’Europe de l’Ouest. Leurs taux de croissance sont donc structurellement plus élevés. Selon les données du Fonds monétaire international (FMI), la croissance annuelle moyenne de l’Europe dite « émergente » ([12]) durant la dernière décennie (2009-2018) a atteint un appréciable taux de 3,7 %.

Or, à la différence de l’Allemagne, la France reste souvent peu présente dans ces pays, qui offrent donc des opportunités.

● L’Asie du Sud-Est est un autre espace de forte croissance, pour le moment épargné par les nouvelles guerres commerciales (voire qui en profite en se substituant aux produits chinois sur le marché américain). Durant la décennie 2009-2018, la croissance annuelle moyenne des cinq principales économies ([13]) de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN), toujours selon les données du FMI, s’est élevée à 5 %.

En outre, des accords commerciaux ainsi que des accords sur l’investissement ont été signés récemment par l’Union européenne avec deux des pays les plus dynamiques de la zone, Singapour et le Vietnam, respectivement les 19 octobre 2018 et 30 juin 2019 ([14]).

L’Asie du Sud-Est représente donc certainement des opportunités de renforcement de la présence économique française, même si celle-ci est déjà significative et dynamique (en 2018, les échanges commerciaux entre la France et les pays de l’ASEAN ont représenté 33,5 milliards d’euros, soit une augmentation de 6,6 % par rapport à 2017).

● L’Afrique est devenue, globalement – les situations des pays étant très variables –, un continent de croissance économique, avec une croissance annuelle moyenne de 4,2 % sur la dernière décennie, pour l’Afrique subsaharienne, selon les mêmes données du FMI.

La présence économique française y a beaucoup reculé depuis vingt ans – nos parts de marché dans les importations globales du continent étant tombées de 11 % à 5,5 % de 2000 à 2017 –, notamment au profit de la Chine, dont les parts de marché sont passées dans le même temps de 3 % à près de 18 %.

Ce recul de nos parts de marché a été nettement plus rapide en Afrique que dans le reste du monde, comme le montre le graphique ci-après.

Le recul de nos positions concerne tout particulièrement l’Afrique francophone, où nos parts de marché sont tombées de plus de 25 % à moins de 15 %.

PARTS DE MARCHÉ FRANÇAISES DANS LES IMPORTATIONS : MONDE ET AFRIQUE

Source : Les publications économiques de Coface, Course aux parts de marché en Afrique : l’échappée française reprise par le peloton européen, juin 2018.

Le commerce franco-africain a même fortement diminué (de près de 30 %) en valeur absolue depuis un maximum atteint en 2011, ce dont rend compte le graphique ci-après. Cela est certes en partie la conséquence de la volatilité des cours des hydrocarbures que nous importons du continent africain. Mais nous voyons aussi que nos exportations stagnent en valeur depuis une dizaine d’années.

FRANCE – AFRIQUE : COMMERCE TOTAL DE MARCHANDISES

(en milliards de dollars)

Source : idem.

La Coface a publié une analyse ([15]) sur les potentialités commerciales françaises en Afrique, d’où les données présentées supra sont extraites. Elle s’y efforce de quantifier les gains commerciaux possibles, ce à partir d’un modèle dit de gravité qui mesure ce que devraient être « normalement » les échanges commerciaux entre deux pays en fonction de deux critères majeurs, leurs tailles économiques (PIB) respectives et leur éloignement géographique, et de critères secondaires tels que la proximité linguistique et celle des systèmes juridiques.

Ce calcul, certes théorique mais intéressant dans sa démarche, conduit à une conclusion selon laquelle, sur la base des chiffres de 2017, les exportations françaises en Afrique seraient globalement inférieures de 21 % à leur potentiel. Cet écart négatif par rapport au potentiel est particulièrement élevé dans un certain nombre de pays d’Afrique orientale ou australe où nous n’avons jamais été très présents : par exemple le Rwanda, l’Éthiopie, la Zambie et le Botswana. Mais il concerne aussi les pays du Maghreb : nos exportations sont inférieures de 29 % à leur potentiel théorique au Maroc et de 53 % en Algérie.

Ces différents constats devraient nous amener à réfléchir à notre présence économique sur ce continent avec lequel nous entretenons des liens humains, historiques et politiques aussi intenses. La piste de la complémentarité avec le grand acteur montant, la Chine, mériterait d’être explorée : nous ne sommes guère en mesure de rivaliser avec les projets « clé en main » – financement et main d’œuvre inclus – à bas coût que les Chinois proposent ; mais notre connaissance intime des pays africains, la présence humaine que nous y avons – et qu’ils ont en France –, les liens politiques que nous y conservons constituent des atouts considérables qui rendraient une coopération mutuellement profitable.

*

Ces quelques réflexions de votre rapporteur sur les géographies qui restent « porteuses » pour notre commerce extérieur dans un contexte général difficile ne constituent que des ébauches. Les administrations se sont engagées depuis plusieurs années dans une analyse des priorités sectorielles (avec les « familles » ou « filières » de l’export) et géographiques qui devraient être mises en avant. Ces travaux semblent parfois avoir conduit à une certaine dispersion, trop de priorités signifiant pas de priorité. Néanmoins, l’identification des « couples pays/secteur » les plus prometteurs pourrait utilement être relancée, afin de disposer d’une stratégie à trois/cinq ans que partageraient les différents acteurs publics du commerce extérieur (Team France Export).


—  1  —

II.   Des réformes bien engagées

SYNTHÈSE

Le Gouvernement a annoncé et met en œuvre des réformes profondes de nos dispositifs d’accompagnement et de financement des exportateurs. Plus ambitieuse que celles qui l’ont précédée, la réforme de l’accompagnement vise à établir un parcours coordonné complet pour les entreprises, assuré par Team France Export, qui regroupe les chambres de commerce et d’industrie, Business France, Bpifrance et des partenaires concessionnaires du service public sur certaines destinations internationales.

Cette réforme se déploie dans de bonnes conditions. En particulier, les nouveaux outils numériques nécessaires sont mis en place dans les meilleurs délais et leur financement a été débloqué, même si l’on attend encore le versement effectif de la subvention prévue. Onze régions métropolitaines sur treize ont contractualisé avec Team France Export et, à l’étranger, Business France s’est retiré totalement ou partiellement de neuf pays où le service public est désormais assuré par des prestataires, le plus souvent les chambres de commerce et d’industrie françaises locales.

A.   Les réformes annoncées

1.   Un objectif très ambitieux : 200 000 entreprises exportatrices

Le Gouvernement, partant du constat du nombre insuffisant d’entreprises exportatrices en France, a fixé un objectif : atteindre un nombre de 200 000, contre 125 000 aujourd’hui. C’est un objectif légitime, si l’on prend en considération les résultats de nos grands voisins européens : non seulement l’Allemagne compte environ 360 000 exportateurs, mais des économies plus petites que la nôtre, l’Italie et l’Espagne, en comptent respectivement plus de 220 000 et 160 000. Mais c’est aussi un objectif très ambitieux : alors même que le montant global des exportations françaises augmente régulièrement, le nombre d’exportateurs fluctue depuis deux décennies entre 116 000 (point bas en 2009 et 2011) et 132 000 (point haut en 2000).

Ce nombre a progressé de 2017 à 2018, passant sur l’année de 123 800 à 125 500. La progression se poursuit en année glissante juillet 2018-juin 2019, avec sur cette période 127 300 exportateurs. Cette progression est due à la présence à l’export d’un nombre accru d’entreprises de moins de vingt salariés, principalement dans le secteur du commerce. Ce constat conforte ceux faits supra sur la bonne tenue de nos exportations malgré un contexte international difficile.

2.   La Stratégie du Gouvernement en matière de commerce extérieur

Le 23 février 2018, le Premier ministre a présenté à Roubaix un ensemble de réformes qui constituent la « Stratégie du Gouvernement en matière de commerce extérieur ».

Ces décisions avaient été préparées par un rapport ([16]) remis par le directeur général de Business France, M. Christophe Lecourtier, et par la consultation publique organisée en janvier 2018 sur le Plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises (PACTE).

Les principaux éléments de ces réformes sont les suivants.

a.   Une meilleure prise en compte des enjeux internationaux dans les politiques d’éducation et de formation

Le plan du Gouvernement intègre un volet de mesures de formation aux langues et au commerce international, ce qui constitue une innovation dans le cadre d’un plan concernant le commerce extérieur.

Les décisions annoncées visent au premier chef l’amélioration du niveau scolaire en anglais. Il est prévu que l’État finance pour chaque étudiant, avant d’entrer en premier cycle universitaire ou à défaut avant la fin de ce premier cycle, une certification internationale en anglais. L’objectif est que tous les étudiants puissent attester d’un niveau B2 (au moins).

Le Gouvernement entend également développer la reconnaissance des compétences linguistiques des salariés dans le cadre de la formation continue, cela valant aussi d’ailleurs pour les compétences en français des salariés étrangers des entreprises françaises.

Il est également prévu un programme de formation à l’internationalisation qui serait spécifiquement élaboré pour répondre aux besoins propres des PME et bénéficierait notamment à leurs dirigeants.

b.   Un dispositif unifié et complet d’accompagnement des entreprises à l’international, Team France Export

L’objectif est de mettre enfin en place un véritable « guichet unique », regroupant les réseaux existants, pour l’accompagnement des entreprises à l’international, en reprenant les propositions présentées dans le rapport susmentionné de M. Lecourtier.

Les principaux éléments en sont les suivants.

Un « guichet unique » d’entrée dans le système d’accompagnement à l’international doit être identifié dans chaque région, sous l’autorité du conseil régional. Il s’adresse de manière différenciée aux non-exportateurs ou exportateurs occasionnels (pour les détecter et évaluer leur potentiel), aux exportateurs modestes (à installer à l’export), enfin aux start-up et PME à haut potentiel ou entreprises de taille intermédiaire (ETI), pour en faire des champions de leur domaine.

LA « PYRAMIDE DE L’EXPORT »

Source : Gouvernement (dossier de presse des annonces du 23 février 2018).

Ces guichets uniques, associant chambres de commerce et d’industrie, Bpifrance et personnels redéployés de Business France, sont en cours de déploiement (voir infra).

De la même façon, il ne devrait plus en principe y avoir sur chaque site étranger qu’un opérateur chargé de la mission de service public d’accompagnement des PME à l’export, qui ne sera plus nécessairement Business France, l’agence se retirant de certaines géographies.

Cette réorganisation est également en cours (voir infra).

Enfin, le guichet unique devrait mobiliser deux outils numériques :

– une « plateforme des solutions » destinée à répondre aux questions simples des entreprises, notamment celles qui ne se sont pas encore lancées à l’export, et les orienter vers les outils d’accompagnement et de soutien financier disponibles ;

– un dispositif de gestion de la relation client (CRM pour Customer Relationship Management) commun aux différents réseaux et opérateurs. L’enjeu est d’avoir en quelque sorte un « fichier clients » unique (constitué des entreprises entrant dans le système d’accompagnement), afin d’éviter les déperditions d’informations au cours du processus d’accompagnement (et les demandes répétées d’informations identiques aux entreprises).

c.   Des dispositifs financiers plus larges et plus souples

Les annonces du 23 février comprennent également plusieurs mesures d’élargissement et d’assouplissement des dispositifs de financement et d’assurance à l’export :

– des dispositions destinées à rendre plus attractive l’assurance prospection, principal dispositif d’assurance publique à l’export qui est dédié aux PME ;

– des assouplissements des exigences en matière de courant d’export depuis la France généré par les opérations couvertes par une garantie publique (création d’un « Pass’Export » permettent de vérifier le respect de l’exigence de part française sur le moyen terme, d’un instrument de couverture des projets stratégiques à l’international, d’une garantie des filiales à l’étranger) ;

– un élargissement à de nouvelles devises de la garantie publique de change ;

– des assouplissements spécifiques des garanties publiques concernant l’Afrique subsaharienne ;

– la création de financements export à moins de vingt-quatre mois (durée jusqu’à présent non couverte par les dispositifs publics car considérée comme relevant de l’offre commerciale des banques) ;

– le doublement de l’enveloppe annuelle des « prêts du Trésor ».

d.   L’attraction des investissements étrangers

La création d’une Team France Invest, sur le modèle de la Team France Export, a été annoncée au printemps 2018 pour rendre plus efficace la politique de détection et d’attraction des investisseurs étrangers potentiels en France.

B.   la mise en place de Team France export

Le nouveau dispositif Team France Export se met en place dans les délais prévus. L’ensemble des partenaires observent que chacun « joue le jeu » et sont globalement satisfaits.

Il est trop tôt pour évaluer globalement les progrès apportés par la réforme et le premier exercice de bilan aura lieu au cours de l’année 2020. Mais, d’après les premiers retours, Team France Export paraît à même de réaliser les objectifs poursuivis, à savoir :

– en accroissant et en professionnalisant le réseau d’accompagnement à l’export déployé dans les territoires, recruter un plus grand nombre d’entreprises exportatrices et simuler les exportateurs existants ;

– en faisant réellement travailler ensemble les différents réseaux, leur permettre de partager efficacement leurs compétences et connaissances (notamment le « fichier client ») ;

– proposer aux entreprises, grâce à cette synergie, un parcours coordonné et complet, de la préparation à l’export à l’implantation internationale.

1.   L’amont : le déploiement de Team France Export dans les territoires

La mise en place du dispositif Team France Export dans les territoires s’effectue concomitamment à la réforme des chambres de commerce et d’industrie (CCI), dont les dispositions législatives figurent dans la loi « PACTE » ([17]) et la loi de finances pour 2019. Cette réforme prévoit le renforcement de la tête de réseau consulaire, CCI France, la diminution du produit de la taxe pour frais de chambres (TFC) et sa centralisation à CCI France, et la distinction, d’une part d’une offre nationale de service proposée par toutes les CCI, d’autre part de services payants. Les missions financées par la TFC doivent donc être clairement identifiées. La « mission d’appui et de conseil pour le développement international des entreprises et l’exportation » est l’une d’entre elles (article L. 710-1 du code de commerce).

La loi renvoie à un contrat d’objectifs et de performance (COP) entre l’État et CCI France, lequel a été signé le 15 avril 2019. En matière d’internationalisation, il dispose que les CCI interviennent sur deux thématiques : « sensibiliser, informer, rencontrer et animer les entreprises sur les opportunités de l’international, pour faire naître des graines d’exportateurs, futurs prospects » et « qualifier, préparer et projeter les prospects pour en faire des exportateurs dans le cadre de l’offre Team France Export ».

Business France et CCI France ont signé en mai 2019 un accord qui cadre la mise en place de cette nouvelle co-activité (objectifs solidaires dans les contrats d’objectifs respectifs des opérateurs, gestion coordonnée des ressources humaines, unification de la gamme de services unifiée et des process…).

Le montant de TFC alloué à cette mission doit garantir sur la durée du COP le déploiement dans les CCI d’un nombre global de conseillers « international » intégré au dispositif Team France Export.

Ce sont aujourd’hui au moins 160 conseillers internationaux issus des CCI (le COP État-CCI France précité mentionne un effectif de 159 de ces conseillers, en ne couvrant que onze régions métropolitaines) et 40 issus de Business France (par redéploiement de personnels expatriés : voire infra) qui sont déployés dans les CCI pour Team France Export. Ils renforcent la quarantaine de chargés d’affaires de Business France présents dans les directions régionales de Bpifrance depuis plusieurs années. Ces personnels de Team France Export forment véritablement des équipes de « commerciaux » spécialisés sur une base sectorielle et chargés de gérer des portefeuilles d’entreprises : celles-ci doivent être régulièrement suivies et contactées.

Les régions sont les autres grands partenaires territoriaux de Team France Export, en apportant des financements importants, en particulier en étant les principaux financiers du programme du volontariat international en entreprise (VIE), dont le succès ne se dément pas (on est passé, de 2011 à 2018, de 7 000 à plus de 10 000 VIE en poste en fin d’année). En contrepartie de leurs apports, les régions déterminent leurs priorités pour la politique du commerce extérieur, priorités qui seront mises en œuvre par Team France Export : l’objectif est de mettre fin autant que possible aux doublons résultant, par exemple, du développement par certaines régions de bureaux d’aide aux exportateurs sur des sites étrangers.

Onze régions métropolitaines ont déjà contractualisé avec les autres acteurs de Team France Export (Business France, Bpifrance et les CCI régionales). La signature des deux dernières régions métropolitaines et de plusieurs régions d’outre-mer est attendue avant la fin de l’année.

La démarche de recrutement, puis qualification et enfin accompagnement des exportateurs est donc engagée. Elle doit permettre d’adresser sur les trois années à venir près de 40 000 entreprises ciblées pour leur potentiel à l’export. L’objectif est d’augmenter de 20 % cette base d’entreprises suivies.

2.   L’aval : une offre de services labellisée à l’étranger, couverte par des opérateurs variés

Afin de répondre aux exigences de la tutelle en matière de réduction de ses moyens budgétaires et de ses effectifs (voir infra), tout en redéployant des personnels en France dans les territoires, comme nous l’avons vu, Business France s’est engagé dans un mouvement de réduction de ses implantations internationales. Le contrat d’objectifs et de moyens (COM) 2018-2022 entre l’État et l’agence, sur lequel nous reviendrons, prévoit deux évolutions divergentes :

– la fermeture de 15 implantations de Business France à l’étranger ;

– cependant, un déploiement accru de Team France Export à l’étranger, avec l’objectif de passer de 65 pays couverts en 2019 à au moins 85 pays couverts en 2022 (Business France espère couvrir près de 100 pays).

Pour réaliser ses engagements de repli, Business France a fermé en 2018 ses bureaux de Cuba, Hongrie, Iran, Lituanie, Norvège, Philippines et Russie ainsi que ceux d’Atlanta aux États-Unis et de Vancouver au Canada. 2019 verra la fermeture des bureaux du Kazakhstan et du Liban, 2020 celle du bureau de Grèce. D’autres bureaux ont vu leurs équipes réduites.

Dans ce contexte de repli de Business France, l’élargissement du réseau de soutien à l’export à l’étranger, avec la présence de correspondants « Team France Export » en mesure de délivrer un socle de services prédéterminé, passe par le recours à de nouveaux partenaires.

Plusieurs options sont mises en œuvre :

● Dans six pays (Belgique, Hongrie, Maroc, Norvège, Philippines et Singapour), des concessions de service public ont été mises en place depuis le 1er janvier 2019 à l’issue d’une procédure transparente. Les contrats sont signés pour une durée maximale de cinq ans. Les concessionnaires retenus sont les chambres de commerce et d’industrie françaises à l’étranger (CCIFE) des six pays en cause, qui y sont devenues les correspondants uniques de Team France Export, chargés de délivrer les prestations du service public de soutien à l’export. Un premier bilan quantitatif après six mois d’activité (au 30 juin 2019) montre des résultats variables : en termes de nombre d’entreprises bénéficiaires de services, l’une des chambres concessionnaires a déjà dépassé son objectif annuel, six en ont réalisé entre le tiers et la moitié, une enfin seulement moins d’un septième.

 Au Japon et à Hong-Kong, Business France demeure le correspondant unique des entreprises, mais a réduit sa présence et s’appuie depuis début 2019 sur des prestataires privés pour certaines missions, dans le cadre de marchés publics de services d’une durée maximale de quatre ans, qui ont été remportés par les CCIFE locales.

● En Russie, d’où Business France s’est presque totalement retiré, le marché a été réparti en trois lots sectoriels (couvrant respectivement les secteurs agro-alimentaire, industriel et « art de vivre »-santé) attribués depuis le 1er juillet 2019 à la CCIFE et à deux prestataires privés.

● Dans une quarantaine de paysBusiness France ne dispose pas, ou plus, de bureau, une solution alternative est en cours de mise en œuvre : le référencement d’opérateurs privés. Il s’agit de sélectionner et labelliser, pour une durée de deux ans et avec le concours de nos ambassades, des opérateurs locaux qui pourront être recommandés par Team France Export pour fournir des services d’entrée sur le marché comparables à ceux assurés ailleurs par Business France (prestations d’« amorçage commercial »).

● Enfin, pour répondre aux demandes d’entreprises à la recherche de prestations dites d’« ancrage commercial » (qui ne sont pas couvertes de manière générale par Business France – il peut s’agir de conseil juridique et fiscal, d’aide aux démarches, de représentation commerciale, d’hébergement, etc.), se met en place un référencement d’opérateurs privés offrant ce type de services. Ce référencement sera déployé dans la cinquantaine de pays où Business France continuera à disposer d’un bureau.

Il est enfin à noter qu’en contrepartie de son retrait de certains pays, Business France se voit reconnaître comme « correspondant unique » de Team France Export dans ceux où il reste présent : les membres de Team France Export placés en amont (les chambres de commerce et d’industrie) sont désormais tenus d’adresser à Business France toutes les entreprises qui les sollicitent pour des prestations d’amorçage commercial, alors qu’auparavant ils les adressaient parfois aux CCIFE ou à des prestataires privés. Cette évolution est critiquée par des représentants de ces derniers.

Par ailleurs, Business France demeure chargé de la gestion des programmes nationaux tels que le programme France export (salons et missions collectives) et le volontariat international en entreprises.

3.   Les nouveaux outils numériques

a.   L’outil de gestion de la relation client

Business France déploie depuis le printemps 2019 un logiciel de gestion de bases de données et de suivi de la relation client (Customer Relation Management-CRM) partagé entre les acteurs de Team France Export, afin d’assurer un suivi coordonné des entreprises accompagnées tout au long de leur parcours à l’export.

Le CRM comportera à terme :

– une base de contacts (recensant les entreprises exportatrices françaises et les investisseurs étrangers potentiels) ;

– des fonctionnalités poussées de gestion de la relation client. Les conseillers Team France Export pourront s’appuyer sur une base documentaire en ligne, mais aussi recourir à l’expertise d’autres collaborateurs de Team France Export, identifiés dans un annuaire interne et consultables en direct via le CRM. Le dispositif permettra aussi la création d’un dossier commercial si les entreprises décident d’acheter des prestations, avec production automatisée de documents contractuels et association des fournisseurs des prestations (expert sectoriel, conseiller VIE…).

Le CRM représente un investissement estimé à 8,9 millions d’euros sur cinq ans. Business France, qui en assure le déploiement, doit apporter 3,6 millions d’euros sur ses fonds propres. Le complément doit provenir d’une subvention de en provenance du fonds de transformation de l’action publique (FTAP).

Le FTAP a effectivement attribué en novembre 2018 une subvention de 6,3 millions d’euros à Team France Export, dont 5,3 millions au titre du CRM, mais la signature formelle de la convention de subvention, donc a fortiori la mise à disposition des moyens, n’ont toujours pas eu lieu. Il est très important que cette convention puisse être signée avant la fin de l’exercice 2019, afin que Business France puisse comptabiliser formellement cette subvention avant la clôture de ses comptes.

Sur le plan technique, le nouvel outil a été lancé dans quatre régions pilotes en avril 2019 et le déploiement de sa première version sur l’ensemble du territoire sera terminé fin 2019. Les fonctionnalités du dispositif devraient être élargies à partir de 2020.

b.   La plateforme des solutions

La « plateforme des solutions » prend la forme d’un site internet. Elle est basée sur une architecture nationale unique mais déclinée dans chaque région. Elle s’adresse particulièrement aux entreprises non exportatrices qui pourraient le devenir (estimées à 250 000) et aux exportatrices irrégulières ou très peu exportatrices (estimées à 60 000).

Les contenus proposés sont les suivants :

– des éléments pédagogiques de base (sensibilisation et tutoriels sur les fondamentaux de l’export) ;

– des premiers conseils (pour une cinquantaine de secteurs stratégiques, des recommandations pour choisir ses marchés ciblés à l’export, assorties de fiches décrivant le marché) ;

– un agenda des événements export (missions, salons…) nationaux et régionaux ;

– des propositions d’actions/solutions regroupées sur une « place de marché des solutions » couvrant les différentes phases de la démarche d’export, avec renvoi selon les cas à Business France, aux autres opérateurs de Team France Export ou à des prestataires divers publics ou privés (et possibilité de mise en relation directe) ;

– des opportunités de marché détectées et signalées par divers réseaux ;

Le budget total relatif à la conception et au développement de l’outil représente pour Business France un investissement de 1,6 million d’euros sur la période 2018-2020, dont un million couvert par la subvention du FTAP mentionnée supra.

Après une phase de test dans deux régions au printemps 2019, la plateforme a été lancée dans l’ensemble des régions le 17 juin 2019. Elle sera progressivement enrichie en contenu et fonctionnalités.


—  1  —

III.   mais aussi des interrogations sur le projet de loi de finances

SYNTHÈSE

Le présent projet de loi de finances comprend des éléments de progrès, mais suscite encore des interrogations.

Le commerce extérieur continue à souffrir d’un manque de visibilité dans la maquette budgétaire : les lignes le concernant sont dispersées entre divers comptes et « programmes » ; il n’y a toujours pas de « budget du commerce extérieur ».

Un nouveau contrat d’objectifs et de moyens (COM) a été signé avec l’agence Business France et lui donne une prévisibilité sur ses moyens jusqu’en 2022, ce dont il faut se féliciter. Cependant, il est dommage que cette prévisibilité ne vaille que pour la principale des subventions à l’agence, celle figurant au programme 134, et pas pour celle inscrite au programme 112, laquelle est prévue en baisse de 17 % en 2020. Plus généralement, le modèle économique fondé sur la substitution progressive de ressources propres aux subventions budgétaires reste sujet à questionnement. Dans le même temps, les moyens disponibles pour les services économiques des ambassades, rattachés à la direction générale du Trésor, continuent à diminuer.

Pour ce qui est enfin des assurances export publiques, la relance budgétaire de l’assurance prospection, traduite dès 2018 par une augmentation de 41 % de l’activité, est un point très positif. Néanmoins, il reste nécessaire de réexaminer l’ensemble des dispositifs au regard de plusieurs préoccupations : l’efficacité de leurs modalités de gestion ; la prise en compte des actions de prospection des plus petits exportateurs ; le caractère récurrent et massif des excédents de l’assurance-crédit ; la nature des projets couverts par l’assurance-crédit, qui doit être compatible avec nos engagements internationaux (climat, environnement, développement…).

A.   Les moyens affectés au commerce extérieur restent dispersés

Avant de faire le point sur les moyens budgétaires que l’on peut considérer, à un degré ou un autre, comme dédiés au soutien du commerce extérieur et à la diplomatie économique, votre rapporteur souhaite revenir sur leur imputation budgétaire. Celle-ci n’a pas évolué depuis l’année dernière et continue à rendre compte de l’équilibre trouvé en 2014 entre le ministère des affaires étrangères et les ministères économiques et financiers.

De même qu’il n’y a pas de membre du Gouvernement formellement en charge du commerce extérieur, il n’existe toujours pas dans la nomenclature budgétaire de « budget du commerce extérieur » identifié. Les moyens restent dispersés entre plusieurs missions et programmes (au sens budgétaire).

Une nomenclature toujours dispersée

● La mission Économie

– La ligne budgétaire sans doute la plus identifiable et significative pour rendre compte de la politique du commerce extérieur s’inscrit toujours dans le programme 134 Développement des entreprises et régulations, qui fait partie de la mission Économie.

On y trouve notamment la plus grande part de la subvention à Business France et la rémunération de gestion versée à Bpifrance pour les garanties publiques.

– Le financement des services économiques de la direction générale du Trésor dans les ambassades est également inscrit sur la mission Économie, mais sur le programme 305 Stratégie économique et fiscale, dont il forme l’action n° 02.

● Les missions Cohésion des territoires et Agriculture

Pour des raisons « historiques », de petites fractions du financement étatique de Business France sont imputées sur les crédits du programme 112 Impulsion et coordination de la politique d’aménagement du territoire de la mission Cohésion des territoires et sur ceux du programme 149 Compétitivité et durabilité de l’agriculture, de l’agro-alimentaire, de la forêt, de la pêche et de l’aquaculture de la mission Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales.

Le présent projet de loi de finances maintient cette situation, ce qui complique la bonne exécution du contrat d’objectifs et de moyens de Business France.

● La mission Aide publique au développement

Sans entrer dans le débat sur les aides publiques « liées » ou « déliées » (avec un ciblage d’entreprises françaises dans les acteurs des projets financés), le fait est que certaines lignes de la mission Aide publique au développement sont clairement orientées « commerce extérieur ».

Il en est ainsi, sur le programme 110 Aide économique et financière au développement, du Fonds d’étude et d’aide au secteur privé (FASEP), géré par la direction générale du Trésor, qui permet de financer des études de faisabilité en amont de projets d’investissement, en favorisant les offres françaises.

● La mission Action extérieure de l’État

Sur le budget du ministère de l’Europe et des affaires étrangères, plus précisément le programme 185 Diplomatie culturelle et d’influence, la seule ligne identifiée rattachable à la diplomatie économique est la subvention à Atout France (opérateur de la promotion touristique internationale de la France).

On pourrait y rattacher la masse salariale de la direction de la diplomatie économique et une fraction de la masse salariale des ambassadeurs, puisqu’ils passeraient près de 40 % en moyenne de leur temps à faire de la « diplomatie économique ».

● Les comptes de prêt et de commerce et la mission Engagements financiers de l’État

L’effort de l’État pour le commerce extérieur et l’attractivité passe aussi par des instruments autres que les crédits budgétaires : prêts, avances, garanties. De tels instruments figurent nécessairement sur des comptabilités annexes de l’État, comptes de concours financiers ou de commerce.

– Les « prêts du Trésor », destinés à financer des projets dans les pays pauvres ou émergents, comportent une exigence de « part française » : une fraction de la valeur ajoutée du contrat financé doit être réalisée sur le territoire national. Ils contribuent donc clairement à la promotion de nos exportations.

Ils sont retracés sur le programme 851 Prêts à des États étrangers en vue de faciliter la vente de biens et de services concourant au développement du commerce extérieur de la France de la mission Prêts à des États étrangers.

– Le dispositif assurantiel des garanties publiques aux exportateurs est géré par Bpifrance pour le compte de l’État.

L’entreprise, on l’a dit, reçoit à ce titre une rémunération de gestion imputée sur le programme 134 de la mission Économie.

Cependant les produits et charges techniques de ces assurances sont directement retracés dans le budget de l’État, dans le cadre du compte de commerce Soutien financier au commerce extérieur.

Les excédents (bénéfices) récurrents sur certaines de ces assurances sont versés au budget de l’État, en recettes non fiscales.

Les déficits (pertes) constatés sur d’autres lignes sont couverts par des subventions budgétaires en provenance du programme 114 Appels en garantie de l’État de la mission Engagements financiers de l’État.

Votre rapporteur continue à plaider pour une plus grande lisibilité de la politique du commerce extérieur dans le budget de l’État. L’objectif pourrait être de regrouper le plus possible de lignes de crédits dans une « mission » dédiée au commerce extérieur.

B.   Le modèle économique de Business France reste centré sur la substitution progressive des ressources propres aux crédits budgétaires

Depuis plusieurs années, le financement de Business France repose de plus en plus sur ses ressources propres tirées de la facturation de prestations aux entreprises, et donc de moins en moins sur les subventions publiques ; le nouveau contrat d’objectifs et de moyens de l’opérateur, couvrant les exercices 2018 à 2022, entérine cette tendance, également traduite par le présent projet de loi de finances.

1.   Les ressources propres sont désormais plus élevées que les subventions budgétaires

Business France met gratuitement à disposition des entreprises certaines prestations, en particulier un socle d’informations de base de plus de 5 000 documents (brèves, fiches pays, fiches marchés, fiches secteurs, fiches pratiques, etc.).

Mais les prestations plus élaborées (stands dans des salons, missions de prospection, organisation de rencontres « B to B », etc.) sont payantes. Divers produits éditoriaux, notamment des études sur des couples secteurs/pays, sont vendus entre 50 et 200 euros. Les prestations d’accompagnement sont vendues sur la base d’un tarif jour/homme dont il est indiqué qu’il représenterait, pour les PME et les ETI, un « ticket modérateur » couvrant 30 % à 40 % du coût réel : ces prestations sont donc subventionnées. Enfin, des prestations sont vendues à prix de marché à des grandes entreprises.

Les ressources propres résultant de toutes ces ventes de services ont augmenté de 33,8 % entre 2015 (77,8 millions d’euros) et 2018 (104,1 millions d’euros). Sur la même période, le taux de couverture des charges de l’agence par ces ressources propres est passé de 45,9 % à 54,4 %.

Les éléments de comparaison internationale disponibles conduisent à penser que cette évolution place Business France dans une situation atypique par rapport aux agences homologues d’autres pays, qui sont en majorité beaucoup plus largement financées par le seul argent public (voir tableau ci-après).

MONTANTS DE SUBVENTION PUBLIQUE ET TAUX DE FINANCEMENT PRIVÉ (CHIFFRES 2016)

Pays

Agence(s)

Subventions de l’État
(millions d’euros)

Facturations aux entreprises
(millions d’euros)

Taux de financement privé
(en %)

Allemagne

AHK+GTAI+AUMA

128

282

69 *

France

Business France **

103

96

48

Suède

Business Sweden

36

34

46

Espagne

ICEX

88

23

22

Corée

KOTRA

256

65

22

Japon

JETRO

260

65

21

Italie

ITA-ICE

214

30

13

Royaume-Uni

DIT-ITI division

290

4,5

1,5

États-Unis

International Trade Adm.

n.c.

marginal

1

Canada

SCS Canada

122

Source : Rapport sur le financement public dont bénéficie Business France, déposé en application de l’article 141 de la loi  2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018.

(*) Le réseau des CCI allemandes à l’étranger (AHK) ne supportant pas les coûts du réseau des CCI en Allemagne (IHK) et intégrant dans sa facturation des activités liées au développement des entreprises étrangères sur le sol allemand, le taux de financement privé du dispositif allemand est mécaniquement gonflé.

(**) Données hors financement du volontariat international en entreprises (VIE), géré par Business France (qui verse leurs indemnités aux VIE) pour le compte des financeurs (entreprises et régions). Le total des ressources de l’agence a représenté 221 millions d’euros hors VIE en 2017, mais 469 millions VIE inclus.

Cette évolution suscite des critiques récurrentes chez les représentants des entreprises utilisatrices potentielles des services de Business France, qui les trouvent trop onéreux et parfois plus coûteux que des services fournis par des prestataires privés. Il s’agit de veiller à un équilibre : il est légitime que certains services aient un coût pour les entreprises, afin de décourager des comportements de « dilettante », mais le niveau de ce coût ne doit pas nuire à la diffusion des prestations parmi les PME et les ETI ayant réellement un potentiel et une volonté d’exporter.

Cette évolution est également un sujet de litige avec les opérateurs privés d’accompagnement à l’international, qui dénoncent une concurrence de Business France qui serait « déloyale » (puisque l’opérateur reste subventionné) et concernerait de plus en plus les prestations susceptibles d’être rémunérées (puisqu’il est poussé à développer ses ressources propres).

2.   Le contrat d’objectifs et de moyens de l’opérateur prévoit la poursuite de cette évolution

Business France a signé le 27 décembre 2018 un contrat d’objectifs et de moyens (COM) avec ses ministres de tutelle, couvrant la période 2018-2022.

Ce document prévoit la poursuite de la baisse des ressources publiques de Business France. Il y est notamment prévu que la principale ligne de celles-ci, la subvention inscrite sur le programme 134 de la mission Économie, passe de 2018 à 2022 de 95,12 millions d’euros à 85,12 millions (avant mise en réserve), soit une baisse de 2,5 millions par an.

L’adaptation de l’agence à cette réduction des subventions passe, comme nous l’avons vu, par deux moyens :

– le développement des ressources propres ;

– la réduction de sa présence en direct à l’étranger, dans le cadre du projet de Team France Export, avec la délégation de la mission de service public dans certains sites à d’autres opérateurs.

Dans ce contexte, les effectifs de l’agence, soit environ 1 500 personnes, sont en diminution. L’effectif global a diminué de 25 équivalents temps plein au cours de l’année 2018. Cet effort a été concentré sur le réseau international : les effectifs y ont diminué de 31 emplois (12 détachés et 19 emplois de droit local). Un plan de rupture conventionnelle collective concernant 33 personnes a été mis en œuvre pour des agents travaillant en France.

3.   Le projet de loi de finances pour 2020 s’inscrit dans la même orientation

Le projet de loi de finances pour 2020 prévoit une poursuite du mouvement de réduction des effectifs, avec une baisse de 20 unités du plafond d’emplois de l’opérateur.

Il prévoit aussi une réduction modérée de la principale subvention bénéficiant à Business France, celle inscrite sur le programme 134 de la mission Économie : son montant serait ramené de 92,8 millions d’euros en loi de finances pour 2019 à 90,1 millions d’euros en 2020 (– 2,8 %). Cette évolution est conforme aux engagements inscrits dans le COM 2018-2022.

Il est en revanche prévu une diminution beaucoup plus forte, en proportion, d’une autre subvention résiduelle : celle du ministère de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales (programme 112 de la mission Cohésion des territoires), liée historiquement au rôle d’aménagement du territoire reconnu aux investissements étrangers, que Business France est chargé de favoriser. Cette subvention passerait de 2019 à 2020 de 5,77 millions d’euros à 4,8 millions, soit 17 % de baisse. Votre rapporteur regrette que l’évolution de cette ligne n’ait pas été intégrée, au même titre que la subvention « principale » imputée sur le programme 134, à la programmation budgétaire inscrite au COM de Business France. Cette situation illustre la complexité inutile qui résulte du financement de l’opérateur par trois ministères différents !

Il faut en effet rappeler qu’un troisième ministère, donc un troisième programme budgétaire, contribue au financement de Business France : le ministère de l’agriculture et de l’alimentation, via le programme 149 Compétitivité et durabilité de l’agriculture, de l’agro-alimentaire, de la forêt, de la pêche et de l’aquaculture de la mission Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales. Cette subvention de 3,7 millions d’euros correspond au financement de la reprise par Business France, depuis 2017, d’une partie des activités précédemment exercées par la Sopexa ([18]) sur les salons agro-alimentaires internationaux et des personnels qui s’en occupent.

C.   Les interrogations sur les moyens gérés par la direction générale du Trésor

1.   Des moyens toujours en baisse pour les services économiques dans les ambassades

Les moyens dédiés au financement des services économiques régionaux et services économiques (SER et SE) à l’étranger, rattachés fonctionnellement aux ambassades, mais gérés administrativement par la direction générale du Trésor, continueront à se réduire en 2020, passant de 75,3 millions d’euros en loi de finances pour 2019 à 67,7 millions en 2020.

Les effectifs du réseau des SER et SE se sont fortement réduits ces dernières années (651 agents en 2014, 638 en 2017, 622 en 2018) et une vingtaine de postes devraient encore être supprimés pour respecter la trajectoire de masse salariale prévue pour 2018-2022.

2.   Le renforcement des instruments financiers gérés par la direction générale du Trésor

Parmi les outils financiers d’aide au développement mis en œuvre par la direction générale du Trésor, deux dispositifs ont clairement une dimension de diplomatie économique.

a.   Le FASEP

Le Fonds d’étude et d’aide au secteur privé (FASEP) permet de financer des études de faisabilité en amont de projets d’investissement. C’est un instrument d’aide au développement, mais aussi de soutien à nos entreprises en favorisant la préconisation de « solutions à la française ».

Le projet de loi de finances prévoit une augmentation significative de l’enveloppe disponible, qui passerait en autorisations d’engagement de 20 millions d’euros en 2019 à 25 millions d’euros en 2020. Cette évolution rend compte d’une volonté politique de développer certaines « lignes pays » (en direction de la Tunisie et des Territoires palestiniens) et de poursuivre en 2020 l’appel à projets sur les « solutions innovantes pour la ville durable en Afrique ».

b.   Les prêts du Trésor

Les prêts du Trésor visent à apporter un soutien aux exportateurs français ciblant les pays émergents, sous forme de prêts aux États en vue du financement de projets mis en œuvre par des entreprises françaises (une exigence de part française est posée). Ils peuvent être dits concessionnels, c’est-à-dire bonifiés, pour une trentaine de pays pauvres, ou non concessionnels dans une centaine d’autres pays.

Des moyens importants sont prévus pour cette politique : en autorisations d’engagement, il est proposé un milliard d’euros en 2020 comme en 2019, après 800 millions en 2018.

Des interrogations existent toutefois sur notre capacité à mobiliser effectivement ces montants.

D’une part, une fraction importante des enveloppes (500 millions d’euros en 2019, 400 millions en 2020) est réservée à une ligne particulière, le financement direct de projets en Iran. L’objectif est d’être en mesure de financer d’éventuels contrats dans ce pays dans un contexte de totale défaillance de notre système bancaire à le faire – les grandes banques françaises refusant, par crainte des mesures extraterritoriales des États-Unis, tout financement de projet en Iran même avant le retrait américain de l’accord sur le nucléaire le 8 mai 2018. Mais la mobilisation de ces moyens suppose qu’il y ait des projets à financer, ce qui n’est guère le cas actuellement : suite au rétablissement des sanctions extraterritoriales américaines, les échanges commerciaux de l’Union européenne avec l’Iran ont été divisés par quatre entre le premier semestre de l’année 2018 et le premier semestre de l’année 2019, ceux entre la France et l’Iran divisés par huit !

Plus généralement, s’agissant des dotations qui ne sont pas ciblées sur l’Iran, l’expérience des années précédentes montre que les engagements effectifs sont souvent très inférieurs aux enveloppes initialement prévues : 261 millions d’euros engagés en 2016 pour 372 millions de dotation initiale ; 197 millions d’euros engagés en 2017 pour 300 millions de dotation ; 179 millions d’euros engagés en 2018 pour 800 millions de dotation.

D.   La gestion des assurances export publiques : une réforme à poursuivre et élargir

Bpifrance a remplacé la Coface, début 2017, pour gérer pour le compte de l’État les régimes publics d’assurance des exportateurs, appelés aussi « garanties publiques ». Plusieurs produits sont proposés : l’assurance-crédit, l’assurance prospection, la garantie de change, la garantie du risque exportateur (voir la définition de ces termes dans le lexique au début du présent rapport).

1.   Un mode de gestion qui permet un contrôle rigoureux de l’État sur la mise en œuvre des garanties publiques

Bpifrance n’a pas la pleine responsabilité de la gestion des garanties publiques, mais apparaît plutôt comme un prestataire pour le compte de l’État, ce pour quoi l’institution reçoit du budget général une rémunération de gestion (51 millions d’euros prévus pour 2020, imputés sur le programme 134).

a.   La gestion administrative des décisions

En application de dispositions législatives anciennes (loi n° 49-874 du 5 juillet 1949), il existe une « commission des garanties et du crédit au commerce extérieur » réunissant des représentants de divers ministères et chargée de donner un avis sur les dossiers, la décision formelle appartenant ensuite au ministre de l’économie. La prise de décision est déléguée au gestionnaire Bpifrance pour la masse des « petits » dossiers, mais les principaux dossiers continuent à faire l’objet de ce traitement administratif, qui peut entraîner des délais de plusieurs mois.

b.   La présentation budgétaire : le cantonnement de chacune des lignes

Par ailleurs, les données financières des garanties publiques sont depuis 2017 directement retracées dans le budget de l’État, dans le cadre du compte de commerce « Soutien financier au commerce extérieur ».

L’existence de ce compte de commerce a le mérite de faire figurer dans les documents budgétaires les prévisions et les résultats de chacun des régimes de garanties publiques. C’est donc un outil de transparence.

Mais cet outil sert aussi aux gestionnaires du budget de l’État à contrôler strictement l’incidence budgétaire des différentes procédures. En effet, certaines d’entre elles sont durablement excédentaires, en particulier l’assurance-crédit, d’autres structurellement déficitaires, à commencer par l’assurance prospection. Dans ce contexte, le système du compte de commerce évite que les excédents de certaines procédures ne couvrent automatiquement les déficits des autres : les excédents sont versés au budget général de l’État, tandis que les déficits doivent être couverts par une subvention du budget général, en provenance du programme 114 Appels en garantie de l’État.

Le tableau ci-dessous permet de suivre l’évolution de l’exécution 2018 au projet de loi de finances pour 2020 des principales lignes de recettes et de charges figurant au compte de commerce.

ÉVOLUTION DES PRINCIPALES LIGNES DU COMPTE DE SOUTIEN FINANCIER
AU COMMERCE EXTÉRIEUR

(en millions d’euros)

 

LFI 2018

Exécution 2018

LFI 2019

PLF 2020

Assurance-crédit

Recettes

729,6

690,1

762,2

707

 Dont primes

430,6

275,8

407,2

345

 Dont récupérations

299

390,7

355

362

Dépenses

729,6

695,8

762,2

644

 Dont indemnisations

141,9

256,6

231

245

 Dont versements au budget

587,7

420

531,2

399

 

 

 

 

 

Assurance-prospection

Recettes

93

79,5

86,5

87,5

 Dont primes

7,7

5

3,6

9

 Dont récupérations

53,3

56,3

39,4

37

 Dont versements du budget

32

18,2

43,5

41,5

Dépenses (indemnisations)

121,4

87,8

84,5

146

 

 

 

 

 

Assurance-change

Recettes

24

17,6

9

24

Dépenses

24

7,8

9

24

 

 

 

 

 

Assurance du risque exportateur

Recettes

36,1

5,5

30,3

11

 Dont versements du budget

30

-

25

6

Dépenses (indemnisations)

5,5

1

9

5

 

 

 

 

 

Total des versements du budget

63

18,2

69,5

48,5

Total des versements au budget

598,4

433

539,7

410

Source : projets annuels de performances du compte de soutien financier au commerce extérieur et note d’exécution budgétaire 2018 de celui-ci (Cour des comptes).

Ce tableau permet notamment d’observer que coexistent sur le compte de commerce des lignes de versements au budget général (correspondant aux procédures excédentaires) et des lignes de versements du budget général (correspondant aux procédures déficitaires). Les versements au budget général l’emportent largement sur ceux du budget général (le compte de commerce rapporte au budget général) ; mais il n’y a pas de compensation entre les uns et les autres.

2.   L’évolution des différentes procédures

a.   L’assurance-crédit

i.   Un dispositif qui reste concentré sur un petit nombre d’entreprises, de secteurs et de localisations

L’assurance-crédit est le dispositif qui couvre les encours les plus importants, le contrat moyen représentant plusieurs dizaines de millions d’euros. Globalement, les nouveaux encours de contrats d’export couverts représentent entre 15 milliards et 20 milliards d’euros chaque année. Le stock d’encours en garantie représentait 65 milliards d’euros fin 2018 (celui de l’ensemble des autres procédures d’assurance export ne pesant que 2 milliards d’euros).

L’activité a baissé en assurance-crédit en 2018 par rapport à 2017 : – 23 % sur le montant global des nouveaux encours garantis, qui s’est élevé à 14,6 milliards d’euros, – 13 % sur le nombre d’entreprises bénéficiaires. Cette évolution n’est pas en soi inquiétante car cette activité est très fluctuante, en fonction des grands contrats passés ; sur les cinq dernières années, les montants nouveaux pris en garantie ont ainsi fluctué entre moins de 15 milliards d’euros et près de 22 milliards.

Ce qui caractérise l’assurance-crédit, c’est la concentration sur un petit nombre d’entreprises bénéficiaires (avec 150 à 200 affaires nouvelles prises en garantie par an) et quelques secteurs industriels : le matériel militaire (55 % du total des encours pris en couverture de 2014 à 2018), la construction navale (12 % de ce total), la construction aéronautique (10 % de ce total) et les travaux publics (7 %). Ces quatre secteurs représentent 85 % du montant total des contrats garantis entre 2014 et 2018. Cette situation s’explique notamment par le fait qu’il existe aussi une offre privée d’assurance-crédit : le dispositif public intervient seulement pour certains types de marchés, dont ceux pour lesquels il existe un risque politique spécifique.

Il est à noter que l’empreinte sectorielle de l’assurance-crédit publique devrait prochainement être interrogée dans le cadre d’un rapport demandé par le Parlement et des annonces du Gouvernement.

En effet, le projet de loi relatif à l’énergie et au climat, tel que voté définitivement et en attente de promulgation, prévoit la remise avant le 30 septembre 2019 d’un rapport sur l’impact environnemental des hydrocarbures consommés en France en fonction notamment de leur origine, du type de ressource et de leurs conditions d’extraction, de raffinage et de transport. Et il est précisé que « ce rapport propose des pistes de modulation des garanties octroyées par l’État en soutien aux exportations de biens et services utilisés à des fins de production d’énergie à partir de ressources fossiles en fonction de leur impact environnemental ».

Présentant le nouveau « Pacte productif » ce 15 octobre, le ministre Bruno Le Maire a déclaré : « Nous engagerons donc une revue globale précise des garanties du Trésor à l’exportation. Nous communiquerons les résultats de cette revue au premier trimestre 2020. Nous en tirerons les conséquences avec un objectif : réduire l’empreinte carbone des garanties du Trésor. Nous engageons déjà cette politique dans le PLF 2020 en interdisant toute garantie du trésor pour les projets charbon. »

L’analyse de la localisation des contrats d’assurance-crédit montre logiquement une forte concentration géographique, s’agissant des montants couverts, sur les zones où sont souvent conclus des « grands contrats », notamment dans le domaine de l’armement : le Proche-et-Moyen-Orient a représenté 42 % du montant total des contrats mis sous garantie de 2014 à 2018, l’Inde 13 % (en raison d’un très gros contrat…), l’Afrique (hors Égypte, prise en compte dans le Proche-Orient) seulement 8 % et l’Amérique latine 4 %.

RÉPARTITION GÉOGRAPHIQUE DES MONTANTS PRIS EN GARANTIE
EN ASSURANCE-CRÉDIT

(contrats couverts sur la période 2014-2018)

Source : exploitation de données de Bpifrance.

Cependant, si l’on raisonne non pas en montants de contrats mais en nombre d’opérations, le tableau est différent, l’Afrique étant le continent où le nombre de contrats couverts est le plus élevé (mais leur montant moyen est modeste).

ii.   Un dispositif qui rapporte en moyenne 800 millions d’euros par an au budget général

Depuis plus de deux décennies ([19]), l’assurance-crédit dégage des excédents ([20]) massifs et récurrents. Le graphique ci-après montre la continuité des résultats positifs depuis 1995, qui ont permis de ramener ce solde cumulé en positif dès 2005 et conduisent aujourd’hui à un cumul comptable de bénéfices qui approche les 20 milliards d’euros. Plus de vingt années de bénéfices depuis 1995 ont augmenté de près de 30 milliards d’euros le résultat cumulé ; le bénéfice annuel moyen sur cette période longue a donc été supérieur à un milliard d’euros.

RÉSULTAT ENREGISTRÉ PAR L’ASSURANCE-CREDIT EN CUMUL

Source : Bpifrance.

Par année, l’excédent technique s’est élevé à près de 1,7 milliard d’euros en 2016, 805 millions en 2017 et 597 millions en 2018. La loi de finances pour 2019 et le projet pour 2020 anticipent des montants de respectivement 531 millions et 462 millions d’euros. En moyenne, sur ces cinq exercices, on aurait donc environ 800 millions d’euros d’excédent annuel.

La récurrence des excédents a permis :

– des reversements conséquents au budget général de l’État en « recettes non fiscales » : 2,4 milliards d’euros en 2016 ; 327 millions en 2017 ; 433 millions en 2018 ; 683 millions (estimation révisée) et 396 millions prévus respectivement pour 2019 et 2020 ;

– malgré ces reversements réguliers, l’accumulation d’un fonds de roulement qui était de 4,1 milliards d’euros début 2017 quand il a été affecté au compte de commerce nouvellement créé pour retracer les garanties publiques en comptabilité budgétaire (voir supra).

Un autre dispositif assurantiel géré pour le compte de l’État, cette fois par Natixis, la procédure de stabilisation des taux d’intérêt sur prêts liés à des contrats export, est également bénéficiaire, permettant là-aussi des versements au budget général : 92 millions d’euros attendus pour 2019, puis 40 millions 2020.

b.   L’assurance prospection : un dispositif globalement relancé

L’assurance prospection (AP) est le dispositif spécifiquement dédié aux PME et ETI, puisqu’elle est réservée aux entreprises réalisant moins de 500 millions d’euros de chiffre d’affaires annuel.

Une version simplifiée en a été conçue pour les plus petites opérations de prospection internationale des PME pas ou peu exportatrices, l’assurance prospection premiers pas (A3P). L’A3P est réservée aux entreprises dont le chiffre d’affaires global est inférieur à 50 millions d’euros et le chiffre d’affaires à l’export inférieur à 200 000 euros ou à 10 % du chiffre global. Le budget couvert ne peut pas excéder 30 000 euros.

La gestion de l’AP génère un déficit structurel, pris en charge par l’État. En effet les primes initiales que versent les entreprises bénéficiaires sont minimes ; elles reçoivent ensuite des avances et indemnités couvrant leurs frais de prospection ; enfin leur remboursement de ces indemnités est soit partiel, soit total, mais n’en dépasse pas le montant en tout état de cause.

Ce déficit atteignait 83 millions d’euros en 2014. Des mesures de restriction ont alors été prises : plafonnement des frais de séjour dans le cadre des missions financées, plafonnement à 65 % de la quotité couverte des dépenses de prospection, suppression de bonifications et modalités diverses du dispositif…

En conséquence, le déficit de la procédure est revenu à 14 millions d’euros en 2016 et 21 millions en 2017. Mais cette évolution s’est faite aux dépens de la diffusion de l’assurance prospection : le nombre annuel d’entrants dans le dispositif, proche de 4 000 en 2013, a constamment diminué depuis lors, pour descendre sous 2 000 en 2018 (voir graphique ci-après).

NOMBRE DE BÉNÉFICIAIRES DE L’ASSURANCE-PROSPECTION (NOUVEAUX CONTRATS), Y COMPRIS LE PRODUIT A3P

Source : exploitation des questionnaires budgétaires et des rapports de Bpifrance Assurance Export.

De même, le montant des nouveaux budgets de prospection couverts s’est réduit régulièrement jusqu’en 2017. De 2014 à 2017, ce montant global est tombé de 271 millions d’euros à 169 millions, soit 38 % de baisse (voir graphique ci-après).

TOTALISATION ANNUELLE DES BUDGETS COUVERTS PAR LES NOUVELLES SOUSCRIPTIONS D’ASSURANCE PROSPECTION

(Total du dispositif et assurance prospection premiers pas-A3P)

(en millions d’euros)

Source : exploitation des notes d’exécution budgétaire 2017 et 2018 produites par la Cour des comptes sur le compte de commerce Soutien au commerce extérieur.

Le Gouvernement a lancé en octobre 2017 l’expérimentation, ensuite généralisée en mai 2018, d’un dispositif rénové d’assurance prospection « classique » (par opposition à l’A3P). La réforme a consisté à rétablir (cela avait existé dans le passé) un dispositif incitatif de versement immédiat aux entreprises, en début de contrat, d’une avance de trésorerie à hauteur de 50 % des dépenses prévisionnelles de prospection pour les deux à trois années de garantie. En contrepartie, les obligations de remboursement par les entreprises, en fin de contrat, des indemnités reçues ont été renforcées : un minimum de remboursement égal à 30 % de ces indemnités a été établi.

Cette réforme a permis une relance globale de l’assurance prospection : les budgets couverts sont passés, de 2017 à 2018, de 169 millions d’euros à 239 millions, soit 41 % d’augmentation (voir graphique ci-avant). Cette évolution conduit à un déficit accru de la procédure, qui a atteint 37 millions d’euros en 2018 et devrait être proche de 90 millions en 2019 ; ce montant sera couvert pour partie par la subvention budgétaire (41,5 millions prévus en 2020, étant rappelé que le déficit est couvert en année « n + 1 »), pour partie par un recyclage d’une fraction de l’excédent de l’assurance-crédit.

Pour 2020, le projet de loi de finances (compte de soutien financier au commerce extérieur) prévoit 146 millions d’euros de dépenses d’avances et indemnités sur budgets de prospection : cela représente une progression très importante par rapport aux résultats de 2018, puisque les dépenses d’indemnisation augmenteraient de 36 % (en deux ans). Le projet de loi de finances est donc bâti sur une prévision positive de diffusion de l’assurance prospection.

Seul bémol, si le nombre de bénéficiaires de l’assurance prospection « classique » a progressé de 17 % en 2018, pour s’élever à 1 342 entreprises (contre 1 150 en 2017), la mise en extinction (il était prévu dans un premier temps de la supprimer, mais elle continue finalement à être distribuée sur demande, sans faire l’objet d’aucune promotion) simultanée de l’A3P – qui correspond à des petits budgets mais à un grand nombre de bénéficiaires – a conduit à une poursuite de la baisse du nombre de bénéficiaires de l’AP prise globalement : comme le montre le graphique ci-avant, le nombre global de dossiers acceptés dans l’année, A3P incluse, est passé sous la barre des 2 000 en 2018.

c.   Les autres procédures

L’assurance-change a également connu en 2018 une augmentation du nombre de bénéficiaires (72 entreprises contre 58 en 2017) et des montants couverts par rapport à 2017 (+ 13 % à 703 millions d’euros).

L’octroi de garanties des cautions et des préfinancements, qui bénéficient à 96 % à des PME, a en revanche un peu diminué en 2018 par rapport à 2017, avec 535 dossiers acceptés représentant un montant global assuré de 685 millions d’euros.

3.   Les réformes engagées : un bilan inégal

Outre la réforme de l’assurance prospection présentée supra, plusieurs réformes ont été engagées durant les derniers mois pour développer de nouvelles offres répondant aux besoins des exportateurs.

Certains de ces nouveaux dispositifs viennent juste d’être mis en place et il est encore tôt pour en faire un bilan. C’est le cas par exemple de la création d’une garantie du risque économique pour les filiales étrangères d’entreprises françaises (risque de pertes en cas d’échec de l’implantation), d’une garantie des projets stratégiques permettant de soutenir des opérations jugées stratégiques pour l’économie française mais ne comportant pas une « part française » de valeur ajoutée interne suffisante pour bénéficier de l’assurance-crédit ([21]), ou encore de la généralisation de l’octroi de la stabilisation de taux d’intérêt aux PME et aux projets de moins de 100 millions d’euros.

D’autres innovations semblent ne pas répondre pleinement aux besoins des entreprises et rencontrent donc peu de succès : il en est ainsi du « Pass’Export », conçu comme un engagement de moyen terme avec une entreprise pour lui faciliter l’accès à l’assurance-crédit – seules trois entreprises ayant pour le moment adhéré au dispositif –, ou encore du mécanisme « Cap Francexport » visant à mieux couvrir les risques d’impayés à court terme dans des pays où il existerait une défaillance de l’offre privée dans ce domaine. Il apparaît nécessaire de revoir ces dispositifs afin de les adapter à la demande des entreprises.

4.   La nécessité de repenser plus en profondeur la gestion de l’assurance export publique

Votre rapporteur plaide enfin pour des réformes plus en profondeur, avec plusieurs priorités ou pistes de réflexion :

– la nécessité de conserver et développer un produit d’assurance export publique qui soit adapté au cas des plus petits exportateurs ;

– le questionnement sur les modalités de gestion des assurances export publiques ;

– la nécessité de tirer les conséquences du caractère durablement excédentaire de l’assurance-crédit ;

– la possibilité de favoriser le rôle international de l’euro à travers les instruments d’assurance export ;

– l’impératif de faire contribuer ce dispositif à l’objectif de réduction de notre empreinte carbone.

a.   Conserver et développer un produit dédié aux plus petits exportateurs

Il existait jusque récemment deux dispositifs de soutien financier dédiés à la couverture des dépenses de prospection commerciale internationale des entreprises de taille modeste :

– l’assurance prospection détaillée supra ;

– le crédit d’impôt pour dépenses de prospection commerciale, lequel permettait aux PME de déduire de leur impôt (sous des plafonds et sous réserve de recruter un cadre « export » ou un VIE) certaines dépenses de prospection internationale.

Ce crédit d’impôt, qui bénéficiait à un peu moins de 2 000 entreprises par an pour une dépense fiscale d’une vingtaine de millions d’euros, a été supprimé à partir du 1er janvier 2018 ([22]).

Par ailleurs, l’A3P a été mise en extinction. Ce dispositif présente sans doute des défauts : effets d’aubaine, voire détournements, problèmes de conformité à certaines obligations de contrôle… Mais sa suppression définitive, si elle est finalement actée, devrait obligatoirement s’accompagner de la conception d’un nouveau produit dédié à la diffusion de la culture de l’export dans le tissu des petites entreprises. Il n’est pas cohérent de se fixer l’objectif d’avoir 200 000 entreprises exportatrices et de supprimer dans le même temps les dispositifs les plus à même de favoriser la réalisation de cet objectif.

b.   S’interroger sur les modalités de gestion des procédures publiques d’assurance export

De nombreux pays disposant de régimes publics d’assurance export comparables au nôtre ont fait le choix d’en confier intégralement ou très largement la gestion à un opérateur spécialisé (un assureur public ou privé), qui est mis en responsabilité et prend les décisions sur les demandes de garantie, l’État se bornant à fixer (et contrôler) des objectifs de gestion et des plafonds d’engagement de sa garantie en dernier ressort. C’est par exemple ainsi que les choses fonctionnent en Italie, où votre rapporteur s’était rendu l’année dernière.

Le fonctionnement est très différent en France : Bpifrance assure la gestion courante, mais les décisions sur chaque dossier, du moins chaque dossier important, restent à la main de l’État.

Ce mode de fonctionnement est critiqué parce qu’il engendrerait des retards (dans la prise de décision) et des rigidités. Par exemple, certaines demandes de garantie sont bloquées ou retardées parce qu’elles entraîneraient un niveau d’engagement excessif sur un pays donné, alors qu’une entreprise d’assurance pourrait gérer ce problème par des procédés de réassurance ou de syndication. Par ailleurs, ce fonctionnement empêche de bénéficier à plein des synergies voulues lorsque la gestion des garanties publiques a été transférée de la Coface à Bpifrance, au motif que Bpifrance était par ailleurs le banquier public des PME, notamment à l’export : la gestion pour le compte et sous le contrôle strict de l’État oblige à conserver une « muraille de Chine » entre Bpifrance Assurance Export et les autres services de l’entreprise.

Dans l’autre sens, il est clair que la nature des grands contrats bénéficiant de l’assurance-crédit, qui touchent souvent, nous l’avons vu, à des domaines de souveraineté, justifie une implication très forte de l’État dans la gestion individuelle de certains au moins des dossiers. L’État a en outre l’avantage de pouvoir s’appuyer, pour l’évaluation des risques par pays, sur le réseau des agents des services économiques régionaux (et plus généralement le réseau diplomatique).

Votre rapporteur souhaite en tout état de cause qu’une vraie réflexion soit conduite rapidement sur les modalités de gestion des assurances publiques export. À défaut d’une « révolution » globale dans cette gestion, il considère que des formules innovantes méritent d’être étudiées, telles que la mise en place de produits complémentaires de l’assurance prospection (par exemple un prêt export à taux zéro pour les PME), produits dont la gestion serait confiée intégralement à Bpifrance Assurance Export, l’État constituant simplement un fonds de garantie.

c.   Tirer les conséquences du caractère durablement excédentaire de l’assurance-crédit

L’assurance-crédit dégage, nous l’avons dit, en moyenne 800 millions d’euros de bénéfice par an. Les pertes dues aux défaillances massives des années 1980-1990 (crise de la dette des pays en développement) ont été depuis longtemps compensées par ces bénéfices engrangés depuis deux décennies : le solde cumulé pluriannuel du dispositif est positif depuis 2005. Ces bénéfices alimentent le budget général de l’État : le commerce extérieur est une politique qui « rapporte » à l’État, car cette ressource annuelle est bien supérieure aux dépenses qu’il engage par ailleurs pour développer le commerce extérieur.

Votre rapporteur considère donc qu’il serait légitime qu’une fraction au moins de ces excédents soit affectée à des actions ponctuelles (la récurrence de ces excédents n’étant pas garantie) en faveur de notre développement commercial et de notre internationalisation.

d.   Mettre en cohérence notre politique d’assurance-crédit avec nos objectifs en matière de lutte contre le changement climatique et/ou de développement

Ces fonds supplémentaires devraient être affectés en tenant compte de nos objectifs politiques et diplomatiques, en particulier en matière d’environnement, de lutte contre le changement climatique et de développement.

Actuellement, l’Afrique subsaharienne ne bénéficie que de 6 % des encours de contrats couverts par l’assurance-crédit. Nos parts de marché y ont été divisées par deux en vingt ans. Les besoins de développement y sont considérables. Les projets en direction des pays les moins avancés devraient être favorisés.

Plus généralement les pays pauvres ou émergents ont des besoins considérables dans les technologies « propres » que nos entreprises peuvent proposer. La suppression des garanties publiques pour les projets « charbon » constitue un premier pas, mais des actions positives, incitatives, devraient aussi être envisagées. Elles pourraient être financées sur les excédents de l’assurance-crédit.

e.   Promouvoir l’utilisation internationale de l’euro à travers l’assurance export

Dernier point, nous sommes régulièrement amenés à regretter la continuité de l’utilisation du dollar dans les transactions internationales, avec ses conséquences bien documentées, en particulier la prétention des États-Unis de soumettre à leurs lois nationales toutes les transactions en dollars, au motif que les banques en assurent la compensation à New York, donc via le système financier états-unien.

Environ 50 % des importations et 60 % des exportations de la zone euro sont facturées en euros, plus de 30 % du commerce mondial l’est, ce n’est pas négligeable. Mais ces taux stagnent depuis dix ans au moins. Votre rapporteur recommande donc de mieux mobiliser nos assurances export pour favoriser l’usage de l’euro dans nos exportations : il s’agirait, sans en faire un instrument de contrainte pour les entreprises bénéficiaires, de se fixer des objectifs de progression de la part des contrats en euros dans ceux couverts en assurance-crédit.

 

 


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   TRAVAUX DE LA COMMISSION

Au cours de sa réunion du mercredi 23 octobre 2019, la commission examine les crédits de la mission Économie (commerce extérieur et diplomatie économique) du projet de loi de finances pour 2020 (M. Buon Tan, rapporteur pour avis).

Un débat a lieu après l’exposé du rapporteur.

Mme la présidente Marielle de Sarnez. De nombreuses avancées en matière de commerce extérieur résultent d’un certain nombre de propositions figurant dans le rapport d’information de Denis Masséglia et Pierre Cordier. Je suis heureuse de le rappeler.

M. Christophe Di Pompeo. J’interviendrai avec concision, car Buon Tan nous a présenté un bon rapport qui s’inscrit dans le prolongement de celui de l’année dernière, en sorte qu’il n’y a plus beaucoup à dire.

Nous vivons dans un monde qui bouge. En 2018, le déficit commercial des États-Unis a augmenté de 12,5 % et est concentré sur la Chine. De là découle une série de mesures américaines, dont les taxations sur l’acier et l’aluminium. Le commerce mondial est en évolution. Nous perdons nos repères. Hier encore, la Chine a demandé à l’Organisation mondiale du commerce (OMC) l’autorisation d’imposer des droits de douane sur 2,4 milliards de dollars de produits en provenance des États-Unis. Shanghai va organiser cette année le deuxième salon des importations. Il eût été inimaginable il y a dix ans que les Chinois veuillent importer des produits. Dans ma circonscription, des Asiatiques viennent acheter des bœufs. Nous assistons donc à un chamboulement du commerce international.

Nous avons toute notre place à prendre dans le nouveau commerce international, mais, pour cela, il nous faut des outils. Nous regroupons les différents outils existants dans Team France Export. C’est une bonne chose et il faut continuer. Je m’interroge toutefois à la lecture de certains chiffres figurant du rapport, notamment un tableau comparatif de ce que verse chaque pays aux organismes du type Business France, avec la part privée et la part publique. En France, on a toujours tendance à penser que plus un financement est privé et mieux c’est. Or, sur les 240 millions versés en Italie, seulement 13 % sont privés. Pour la France, la moitié des 200 millions versés proviennent du secteur privé. Quand une PME veut travailler avec Business France, on lui demande aussitôt de payer. Envoyer une palette de produits à Taïwan a déjà un coût, et payer en plus 2 000, 3 000 ou 4 000 euros à Business France pour faire de la promotion et chercher des clients représente un frein. Dans ce bouleversement mondial, avec ces changements qui se cumulent, ne devrait-on pas conduire une politique financière volontariste et cesser de vouloir faire du privé dans le public ? Nous sommes là pour promouvoir le commerce international. Tout le monde s’y retrouvera si le commerce international continue à augmenter.

M. Frédéric Petit. Vous le savez, je travaille beaucoup avec Buon Tan, puisque je suis rapporteur sur la diplomatie d’influence et que je considère que la diplomatie économique est de la diplomatie d’influence. Il se trouve également que j’ai travaillé à l’étranger, que je suis encore conseiller du commerce extérieur de la France et que je connais bien ces sujets.

Je ne suis pas d’accord avec l’orateur précédent. L’enjeu avec Team France Export, c’est la séparation entre ce qui relève du service public et ce qui n’en relève pas. La régionalisation est une bonne évolution. Je suis très attentif à sa mise en œuvre. Faire descendre des fonctionnaires de Bercy de la structure Business France dans une direction n’a aucun sens pour moi. Ils doivent le faire sous la responsabilité des conseils régionaux, responsables dans notre pays de l’accompagnement des PME. C’est là qu’il faut mettre des moyens publics. Business France est très compétent en matière d’organisation des volontaires internationaux en entreprise (VIE) et d’informatique.

Le travail réalisé par notre rapporteur sur l’assurance export est novateur et nécessaire. La solution dans ce domaine, c’est Bpifrance.

Je pose la question de la présence de Business France dans les pays étrangers. Il ne s’agit pas d’envoyer une palette à Taïwan…

M. Christophe Di Pompeo. C’est la réalité !

M. Frédéric Petit… mais de créer un marché. Une PME n’a pas besoin de faire appel à un service public pour envoyer une palette à Taïwan. Il lui faut juste un bon service logistique et un bon service commercial. J’ai envoyé partout des tuyaux en provenance d’Égypte parce que je disposais dans mon entreprise de moyens pour ce faire. Nous devons agir efficacement dans l’accompagnement au départ, dans le franchissement des barrières, comme le font les régions. J’en connais deux qui le font très bien.

Je présenterai un amendement au sujet de la présence de Business France dans les pays et sur la concurrence ainsi créée. Il y a des entreprises dont c’est le métier et des chambres de commerce et d’industrie qui le font. J’aimerais savoir comment les pays d’où Business France se retire ont été choisis et, d’ici un an, obtenir un tableau comparatif des résultats et des coûts entre les pays où a travaillé Business France et ceux où la chambre de commerce l’a fait, généralement très bien, sur des fonds associatifs. Il faut retirer des freins aux entreprises pour qu’elles exportent, mais il faut également reconnaître que le service public doit intervenir dans des domaines bien identifiés et pas dans des domaines où ce n’est pas son job.

M. Jean-Michel Clément. Monsieur le rapporteur, l’année 2018 n’a pas été une belle année pour le commerce extérieur français, puisque notre solde commercial s’est creusé à – 59 milliards d’euros, soit une baisse de 2 milliards d’euros par rapport à 2017. Certes, une embellie s’annonce pour 2019, avec un solde commercial qui passerait à 54 milliards d’euros en glissement annuel, mais cela ne doit pas pour autant nous laisser penser que tout va aller mieux dans le meilleur des mondes. Plus que jamais, nous devons rester vigilants et particulièrement actifs.

En effet, même si des politiques ont été mises en place pour inscrire le redressement de notre balance commerciale dans la durée, et nous nous en réjouissons, des signaux négatifs restent très prégnants autour de nous. Il en est ainsi du contexte international et européen incertain. Dans votre rapport, vous indiquez que de lourds sujets d’inquiétude sont nés de la dégradation de la conjoncture mondiale, notamment en raison d’enjeux commerciaux internationaux. Vous faites bien sûr allusion aux mesures protectionnistes prises par les États-Unis à l’encontre de nombreux pays, en particulier la Chine, ainsi qu’aux contre-mesures consécutives. Nous saluons la trêve qui a été récemment trouvée entre ces deux pays, mais nous ne sommes pas naïfs. Nous savons que ce n’est pas cela qui va apaiser le commerce international.  

Si, pour le moment, notre pays semble ne pas véritablement subir les effets de cet affrontement commercial sino-américain, d’autres menaces pèsent sur l’économie française. Vous le dites également dans votre rapport, nous n’avons pas de visibilité sur les conséquences des taxes appliquées par les États-Unis depuis le 18 octobre sur nos vins, certains fromages et Airbus.

Parallèlement, le contexte européen incertain lié au Brexit plonge nos entreprises dans un brouillard économique qui ne leur permet pas d’entr’apercevoir l’avenir de nos relations commerciales avec le Royaume-Uni, qui nous fournit notre plus important excédent bilatéral. Il faut aussi se poser la question de l’avenir de certains secteurs d’activité, comme celui de la pêche française. Un Brexit sans accord priverait nos pêcheurs d’une grande partie de leurs ressources, dans la mesure où un peu plus d’un tiers des quantités débarquées dans nos criées proviennent des eaux anglaises.

Nous devons aussi nous interroger sur la dégradation de la compétitivité de la filière agricole française, point fort du commerce extérieur.

Notre groupe est plus que dubitatif, vous le savez, sur la politique française agricole au regard des accords internationaux comme l’accord économique et commercial global avec le Canada dit « CETA » ou celui avec le Mercosur.

Si nous sommes en faveur d’une ouverture au monde, nous estimons que celle-ci ne doit pas se faire sans protection. Il y a des enjeux environnementaux et sanitaires qu’il est impératif de respecter ; il y a des modèles qu’il faut pérenniser. C’est le cas de notre modèle agricole qui ne peut être sacrifié sur l’autel de la mondialisation et d’un libre-échange sans limite qui fait fi de nos valeurs. Notre groupe attend donc un positionnement plus clair et plus ferme de la France pour la promotion de notre modèle agricole et de nos normes sociales et environnementales en matière de développement durable dans les accords bilatéraux et multilatéraux.

Pour terminer, je rappellerai l’enjeu que représente pour notre pays l’appui sur le formidable maillage de nos PME et PMI. Ce tissu économique qui irrigue nos territoires est un atout que nous devons valoriser et accompagner à l’international. Cela est d’autant plus important que nos PME et PMI restent tournées vers le marché français et peinent à faire valoir leurs atouts à l’étranger. C’est quand elles connaissent des difficultés qu’elles commencent à se poser des questions et qu’elles n’ont pas les moyens d’y parvenir.

Le Gouvernement s’était attelé au chantier de l’accompagnement à l’international et les opérations préconisées par son opérateur Business France allaient dans le bon sens. Je pense en particulier au dispositif Team France Export et au guichet unique proposé dans chaque région. Malheureusement les moyens ne sont pas toujours à la hauteur des défis à relever. Ainsi Business France voit-il ses ressources tomber à 90 millions en 2020.

Mes chers collègues, nos entreprises attendent plus que des ambitions, elles attendent des actes qui doivent trouver leur traduction dans le budget. Pour toutes ces raisons, notre groupe, dans un premier temps, s’abstiendra sur ces crédits.

Mme Nicole Le Peih. Monsieur le rapporteur, dans votre projet d’avis, vous saluez le verdissement de certains dispositifs de garantie publique à l’export. Vous mentionnez notamment l’exclusion des projets « charbon » de la couverture des garanties publiques, permettant la prise en compte de notre empreinte carbone – je rappelle que la France prévoit d’atteindre la neutralité carbone en 2050. Savez-vous si les émissions de carbone dues à l’export et nos efforts pour les réduire sont pris en compte dans le calcul de la neutralité carbone ? Par ailleurs, l’exclusion des projets « charbon » de ces garanties est le premier temps de la prise en compte de notre empreinte carbone. Savez-vous quelle en sera la suite et si d’autres subventions aux énergies fossiles vont diminuer ou disparaître ?

M. Denis Masséglia. Je souhaite d’abord féliciter mon collègue Buon Tan pour la qualité de ses travaux et les résultats qu’il a obtenus avec des budgets qui ont permis la mise en place des nouveaux outils numériques, plateforme et gestion de la relation client ou CRM (Customer Relationship Management). Nous le devons principalement à lui.

La mise en place de Team France Export dans les régions est une réussite, avec le guichet unique pour toutes les entreprises qui souhaitent se lancer à l’export. Il n’empêche qu’il reste actuellement aujourd’hui la zone blanche que sont les entreprises qui ne pensent pas naturellement à se tourner vers l’export. Je pense plutôt aux petites entreprises de nos territoires composées de cinq, dix ou vingt salariés et dotées d’un très grand savoir-faire qui leur permettrait d’avoir des marchés à l’export. Elles sont souvent dirigées par un patron qui s’occupe à la fois des relations humaines, de la comptabilité et de chercher des marchés, et qui n’a pas le temps de réfléchir ou de travailler sur une stratégie export.

C’est au personnel de Team France Export d’aller à la rencontre de ces entreprises. Sur mon territoire, dont j’ai fait le tour, nous n’avons que 0,5 équivalent temps plein (ETP) pour aller à la rencontre d’un territoire comptant plus de 10 000 entreprises. C’est une tâche gigantesque, voire impossible. Notre volonté d’arriver à 200 000 entreprises exportatrices à la fin du quinquennat risque de se heurter à cette problématique. Je proposerai un amendement en ce sens, la semaine prochaine. Comment pousser les petites entreprises qui ne pensent pas à l’exportation ?

Mme Liliana Tanguy. Monsieur le rapporteur, merci pour la qualité de votre avis. Je souhaite vous interroger sur la politique de verdissement de notre commerce extérieur.

La loi relative à la croissance et à la transformation des entreprises (PACTE) et le projet de loi de finances sont parvenus à initier des transformations d’envergure en direction de l’ensemble de l’environnement économique de nos petites et moyennes entreprises. L’allégement de la pression fiscale, le financement massif de l’innovation et de l’investissement, tout comme le soutien à l’export de nos entreprises, en sont des exemples.

Les fruits de ces transformations semblent d’ailleurs bien résister à la dégradation de la conjoncture mondiale et aux tensions sociales intérieures. Il importe de souligner que, pour la première fois depuis 2004, l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) qualifie la France de premier moteur de la croissance de la zone euro. Une dynamique est apparue, qui résulte de la stratégie économique et fiscale de la France pour soutenir une croissance durable et équilibrée. Nous devrions l’employer à encourager un verdissement de notre politique commerciale auprès de nos partenaires européens, comme nous l’avons fait lors de la ratification du CETA.

Je souhaite vous interroger sur votre appréciation de ce verdissement et sur l’évaluation d’une priorisation des géographies et des secteurs pour le développement de notre commerce extérieur, tel que vous le recommandez dans votre rapport.

M. Frédéric Petit. Nous venons d’entendre citer l’exemple concret de 0,5 ETP pour une circonscription. Mais, je suis désolé de le dire, l’accompagnement de ces entreprises n’est pas le rôle de l’État, mais celui de la région. Depuis la loi de régionalisation, cette compétence relève de la région. Le personnel de l’État n’a plus cette responsabilité, et c’est très bien. Si un patron continue à faire un peu tout, il doit aussi prendre ses responsabilités et, s’il veut s’orienter vers l’export, s’organiser pour ce faire. Il doit être accompagné non pas par un spécialiste de l’export mais par une aide à son entreprise à se réorganiser. L’accompagnement doit être proche, public, donc régional, parce que les régions s’adaptent.

Ce n’est pas à l’État de dire au patron ce qu’il doit faire. En revanche, mettre en place, ce qui est fait avec les VIE, un système permettant à une petite entreprise d’envoyer, à temps partagé, pour un an ou deux, un jeune ingénieur dans un pays pour tenter le coup relève de la compétence de l’État et est très bien fait. Disposer de la vraie plateforme qu’on attendait depuis longtemps, pour donner accès à tout ce à quoi les entreprises doivent avoir accès, c’est bien. Cela relève du consulaire et du régional. Il existe de nombreux services très peu chers, moins chers que Business France, qui le font très bien. Les entreprises savent où aller le chercher.

Mme la présidente Marielle de Sarnez. J’abonde dans votre sens. À la conférence des ambassadeurs, nous les avons invités à aller à la rencontre des acteurs économiques pour mettre en œuvre la décentralisation sous l’égide des régions. Cela va dans la très bonne direction.

M. Buon Tan, rapporteur. Frédéric Petit et Denis Masséglia ont abordé le même sujet. Le choix des pays d’où il se retire a été opéré par Business France en fonction de paramètres locaux comme les performances comparées de l’agence et de la chambre de commerce locale. Quand ni l’un ni l’autre ne fonctionnait, on a opté pour la labellisation d’acteurs privés recommandés par l’ambassade. Dans certains pays comme la Russie, des acteurs privés font le travail en lieu et place de Business France.

Un gros travail est demandé aux acteurs locaux. La volonté de décentraliser la démarche est réelle, l’idée étant que, dans un premier temps, les bureaux qui regroupent aujourd’hui les équipes de Business France et des chambres de commerce et d’industrie (CCI) mettent en place le système et intègrent le CRM. Dans un deuxième temps, ils ont pour objectif de recruter des entreprises qui n’ont pas pensé à exporter ou qui n’ont pas le temps de se pencher sur le sujet. Concernant les moyens, au moins 160 emplois sont prévus dans les CCI. S’il en faut davantage, nous adapterons les moyens pour que le travail soit fait sur le terrain. C’est pourquoi il faut augmenter légèrement le budget, car chaque euro investi rapporte beaucoup plus à l’économie locale et nationale.

Monsieur Clément, j’entends ce que vous dites au sujet du secteur agricole, mais il faut essayer de sortir des préjugés. Je reste convaincu que le CETA est un bon accord pour nos agriculteurs. La réaction des Canadiens qui se plaignent d’être perdants montre que nous sommes plutôt gagnants. Certaines rubriques posent problème. On ne peut être gagnant à 100 %, mais nous sommes très favorablement servis. Si l’accord avec le Mercosur n’est pas encore signé, c’est précisément en raison de désaccords sur de nombreux points. Par ailleurs, je ne crois pas que le CETA ait créé quelque risque sanitaire que ce soit. On a mis des barrières ou acté des éléments déjà existants. Le CETA n’a pas introduit de nouvelles faiblesses dans le système existant. Nous verrons ce qu’il en sera à l’usage, mais à mon sens, aujourd’hui, le CETA est plutôt positif. Je suis convaincu qu’en nous organisant mieux, nous pourrons en tirer profit.

Au-delà des recrutements par Business France ou les chambres de commerce locales, un important travail a été entrepris pour former les chefs d’entreprise à l’export, les inciter à apprendre l’anglais, les aguerrir aux méthodes d’exportation, mais il faut du temps pour obtenir des résultats.

Je soutiens le développement d’outils destinés à aider les petites ou très petites entreprises à exporter facilement. L’assurance prospection premiers pas (A3P) en est un, mais va être arrêtée. Il faut trouver des leviers faciles à actionner afin que les entreprises désireuses d’agir ne soient pas obligées de constituer plein de dossiers, de passer par différents interlocuteurs.

Madame Le Peih, la neutralité carbone s’analyse au niveau national. Pour le commerce international, un mécanisme d’inclusion carbone est prévu. L’idée est de mesurer l’impact carbone à l’entrée et à la sortie, en exportation mais aussi en importation. Mais cela ne peut être entrepris que si une majorité de pays le font en même temps.

Madame Tanguy, de fait, la France est devenue le premier moteur de croissance de l’Europe, non seulement parce que nous avons amélioré notre compétitivité, mais aussi parce que l’Allemagne et d’autre pays connaissent une période difficile. Nous avons le devoir de poursuivre notre démarche et de surveiller nos exportations, aujourd’hui principalement tournées vers l’Europe. Mais ce marché posant problème, il faut aller plus loin. C’est pourquoi je propose que nous nous tournions plus vers l’Europe centrale et orientale, l’Afrique ou l’Asie du Sud-Est, zones où les taux de croissance sont élevés et où nous sommes peu présents.

La commission examine l’amendement II-AE4 du rapporteur pour avis.

M. le rapporteur. Cet amendement vise à demander un rapport sur différents points concernant l’assurance export. Il s’agit d’inviter le Gouvernement à regarder cela de plus près, voire de pousser les services à proposer des changements.

M. Frédéric Petit. Je soutiens cet amendement. Comme je l’ai indiqué, je présenterai en séance un autre amendement qui vise à demander un rapport sur la comparaison des résultats et des coûts des implantations des différentes structures à l’étranger.

M. le rapporteur. Un premier point d’étape sur l’efficacité de la nouvelle organisation devrait être fait au printemps 2020. Des chiffres relatifs aux exportations nous serons fournis non pas par Business France mais pas les douanes.

M. Frédéric Petit. Ce rapport proposera une vision globale du résultat, mais les indicateurs de Business France ne correspondent pas à ces données brutes et nous n’aurons pas les coûts consolidés de chaque solution.

La commission adopte l’amendement.

Suivant l’avis favorable du rapporteur pour avis, la commission émet un avis favorable à l’adoption des crédits du commerce extérieur et de la diplomatie économique sur la mission Économie.

 


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  annexe : Liste des personnes auditionnées par le rapporteur

À Paris, par ordre chronologique :

                 Centre d’études prospectives et d’informations internationales (CEPII) : MM. Sébastien Jean, directeur, Lionel Fontagné, conseiller scientifique, et Houssein Guimbard, économiste ;

                 Comité national des conseillers du commerce extérieur de la France : M. Alain Bentéjac, président ;

                 Bpifrance : MM. Pedro Novo, directeur exécutif en charge de l’export, et Jean-Baptiste Marin-Lamellet, responsable des relations institutionnelles ;

                 Business France : MM. Christophe Lecourtier, directeur général, et Pascal Lecamp, directeur des relations parlementaires et de la coopération internationale ;

                 MEDEF International : Mmes Géraldine Lemblé, directrice générale adjointe, et Stéphanie Tison, directrice adjointe « international » ;

                 Opérateurs spécialistes du commerce international (OSCI) : M. Étienne Vauchez, président, et Mme Atanaska Guillaudeau, déléguée générale ;

                 Direction générale du Trésor (ministère de l’économie et des finances) : Mmes Claire Chérémétinski, cheffe du service des affaires bilatérales et de l’internationalisation des entreprises, et Muriel Lacoue-Labarthe, sous-directrice « politique commerciale, investissements et lutte contre la criminalité financière », et MM. Arnaud Guigné, chef du « bureau échanges extérieurs et risque-pays », Antonin Dumont, adjoint au chef du bureau « crédits-export et garanties à l’international », et Louis Toulorge, adjoint au chef du bureau « Business France et partenaires de l’exportation » ;

                 CCI France et CCI France International : MM. Renaud Bentégeat, président de CCI France International, Charles Maridor, délégué général de CCI France International, et Philippe Bagot, directeur de projet « Team France Export » à CCI France ;

                 Direction de la diplomatie économique (ministère de l’Europe et des affaires étrangères) : MM. Martin Juillard, directeur adjoint, et Jérôme Douaud, chargé de tutelle de Business France.


([1]) Déplacements dans la zone visée par le contrat, formations spécifiques, nouveaux recrutements dans le service export, fonctionnement d’un bureau commercial sur zone, participation à des salons, achat de publicités, d’études de marchés, de conseils juridiques, etc.

([2]) Le remboursement s’échelonne entre 30 % du montant des indemnités reçues (si le chiffre d’affaires généré ne dépasse pas 3 fois le total de ces indemnités) et 100 % (si ce chiffre d’affaires excède 10 fois ce total).

([3]) Rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances.

([4]) Business France, Bilan 2018 des investissements internationaux en France.

([5]) Données du Rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances pour 2020.

([6]) Soit le ratio de la formation brute de capital fixe (FBCF) sur la valeur ajoutée brute (VA).

([7]) OMC, communiqué PRESS/840, 1er octobre 2019.

([8]) Trésor-Éco n° 244 - Effets des premières tensions commerciales apparues entre la Chine et les États-Unis, 17 septembre 2019.

([9]) Séries statistiques du site Le chiffre du commerce extérieur.

([10]) Voir : La lettre du CEPII, L’arroseur arrosé : guerre commerciale et chaînes de valeur mondiales, n° 398, avril 2019.

([11]) Banque de France, Rapport annuel – La balance des paiements et la position extérieure de la France, 2018.

([12]) Dans les statistiques de la World Economic Outlook Database du FMI (livraison d’avril 2019), l’« Europe émergente » regroupe l’ensemble de pays suivants dont le développement reste en retrait de celui de l’Europe la plus riche : Albanie, Bosnie, Bulgarie, Croatie, Hongrie, Kosovo, Monténégro, Macédoine du Nord, Pologne, Roumanie, Serbie et Turquie.

([13]) Indonésie, Malaisie, Philippines, Thaïlande et Vietnam.

([14]) Des négociations commerciales ont également été engagées avec l’ASEAN en tant que bloc en 2007, la Malaisie en 2010, la Thaïlande en 2013, le Myanmar en 2015, les Philippines et l’Indonésie en 2016. Si la négociation globale avec l’ASEAN a été abandonnée et si celles avec certains pays, tels que la Malaisie et la Thaïlande, semblent gelées, d’autres restent actives.

([15]) Les publications économiques de Coface, Course aux parts de marché en Afrique : l’échappée française reprise par le peloton européen, juin 2018.

([16]Team France – Une ambition nouvelle pour l’équipe France à l’international – Propositions de transformation des politiques publiques de promotion des exportations et de l’attractivité de la France auprès des investisseurs étrangers.

([17]) Loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises.

([18]) Société pour l’expansion des ventes des produits agricoles et alimentaires.

([19]) Ces excédents font suite à des déficits importants dus aux défauts de paiement massifs des pays en développement surendettés dans les années 1980-1990.

([20]) Il s’agit des « résultats techniques » de la procédure, égaux à la différence entre d’une part les primes d’assurance payées par les entreprises, complétées par les récupérations effectuées sur des sinistres antérieurement indemnisés, d’autre part les indemnisations de l’année.                           

([21]) Ce dispositif a été institué par le décret n° 2018-1162 du 17 décembre 2018 relatif à l’octroi de la garantie de l’État pour des opérations de nature à contribuer au développement du commerce extérieur de la France ou présentant un intérêt stratégique pour l’économie française à l’étranger. Ce texte prévoit la possibilité de couvrir à concurrence de 80 % au plus des projets d’un montant d’au moins 10 millions d’euros.

([22]) Article 94 de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018.