N° 2306

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 10 octobre 2019

AVIS

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L’ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE SUR LE PROJET DE LOI (n° 2272)
de finances pour 2020

TOME I

ADMINISTRATION GÉNÉRALE ET TERRITORIALE DE L’ÉTAT

ADMINISTRATION TERRITORIALE DE L’ETAT
CONDUITE ET PILOTAGE DES POLITIQUES DE L’INTÉRIEUR

VIE POLITIQUE, CULTUELLE ET ASSOCIATIVE

PAR M. Jean-Louis Masson

Député

——

 

 

 

 Voir le numéro : 2272 – III - 3

 


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1

 

 

En application de l’article 49 de la loi organique n° 2001‑692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF), les réponses au questionnaire budgétaire devaient parvenir au rapporteur pour avis au plus tard le 10 octobre 2019 pour le présent projet de loi de finances.

À cette date, 79 % des réponses étaient parvenues à votre rapporteur pour avis.

 


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SOMMAIRE

___

Pages

avant-Propos............................................... 7

Première partie : les crédits pour 2020 de la mission « administration générale et territoriale de l’État »

I. Le programme « Administration territoriale de l’État »

II. Le programme « Conduite et pilotage des politiques de l’intérieur »

III. Le programme « Vie politique, cultuelle et associative »

Seconde partie : lever les difficultés concrètes liées au financement des candidats et des partis politiques

I. Un cadre juridique encourageant le recours à diverses sources de financement

A. Le financement des partis politiques

1. Le financement privé

2. Le financement public

3. Des financements concentrés sur quelques formations

B. Le financement des campagnes électorales

1. Le financement privé

2. Le financement public

a. Le remboursement de la campagne officielle

b. Le remboursement forfaitaire des dépenses de campagne du candidat

3. Des pratiques variant fortement selon les élections

II. lever les obstacles au financement, un défi démocratique

A. des insuffisances dans le droit au compte bancaire

B. Les difficultés du recours à lemprunt

1. Le crédit bancaire

2. Le prêt des personnes physiques

C. La clarification des règles en vigueur

examen en commission

Annexe n° 1 : répartition des recettes

des formations politiques

Annexe n° 2 : instruction des comptes

des partis politiques par la CNCCFP en 2017

Personnes entendues

 


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1

 

 

MESDAMES, MESSIEURS,

La mission « Administration générale et territoriale de l’État » poursuit trois principaux objectifs : garantir l’exercice des droits des citoyens dans le domaine des libertés publiques, assurer la présence et la continuité de l’État sur l’ensemble du territoire de la République et mettre en œuvre, au plan local, les politiques publiques nationales.

Elle regroupe, à cette fin, les crédits dédiés aux administrations déconcentrées du ministère de l’Intérieur, à ses fonctions supports, ainsi qu’aux subventions et aides publiques dont il assure la gestion, soit 4 milliards d’euros d’autorisations d’engagement et de crédits de paiement pour 2020, en hausse de 18 % par rapport à l’exercice précédent. Ces crédits sont alloués à 59 % au programme « Administration territoriale de l’État », 35 % au programme « Conduite et pilotage des politiques de l’Intérieur » et 6 % au programme « Vie politique, cultuelle et associative ».

La hausse de crédits prévue par le projet de loi de finances pour 2020 tient principalement à deux réformes :

– la création d’une direction du numérique (DNUM) et la poursuite d’investissements en matière de systèmes d’information et de communication ;

– la mise en place, au cours de l’année 2020, des secrétariats généraux communs aux préfectures et aux directions déconcentrées interministérielles, qui entraînent le transfert au ministère de l’Intérieur de 1 803 équivalents temps plein (ETP) relevant actuellement d’autres ministères.

Cette dernière réforme s’inscrit dans la poursuite des objectifs fixés par le programme « Action publique 2022 » ([1]). Votre rapporteur souligne, à ce titre, que la réorganisation des services et la mutualisation de certaines fonctions, en cours depuis plusieurs années, ne doivent pas se faire au détriment de la présence de l’État sur l’ensemble du territoire. De même, la dématérialisation croissante des procédures peut accroître l’éloignement de l’administration de ses usagers et l’incapacité pour ces derniers d’être accompagnés dans leurs démarches et de faire valoir effectivement leurs droits. Une évaluation des effets de ce programme sur l’action publique au niveau local devra donc être conduite dans les années à venir.

À la suite de la présentation des crédits budgétaires de la mission, votre rapporteur pour avis a choisi de s’intéresser aux difficultés de financement que peuvent rencontrer les candidats et les partis politiques.

En effet, si le cadre juridique actuel offre des garanties importantes, notamment au travers des financements publics existants, des difficultés récurrentes continuent d’émailler l’organisation des élections et peuvent affecter le fonctionnement régulier des partis. Lors des dernières élections européennes, ce constat s’est d’ailleurs à nouveau vérifié. Le premier rapport au Parlement du médiateur du crédit aux candidats et aux partis politiques, M. Jean‑Raphaël Alventosa, permet à ce titre d’identifier certains écueils et d’envisager des évolutions juridiques ou de pratiques en vue des prochaines échéances électorales.


Première partie : les crédits pour 2020 de la mission « administration générale et territoriale de l’État »

l’Évolution des autorisations d’engagement

(en millions d’euros)

Programme

Exécution
2018

LFI
2019

PLF
2020

Variation
2020/2019

Administration territoriale de l’État (354)

1 726,9*

2 308

2 459

+ 6,6 %

Vie politique, cultuelle et associative (232)

171,4

206,7

242,2

+ 17,2 %

Conduite et pilotage des politiques de l’intérieur (216)

858,1

921

1 351

+ 46,7 %

Total mission

2 756,4

3 435,3

4 052,7

+ 18 %

* Crédits en exécution de l’ancien programme n° 307 « Administration territoriale » remplacé dans le PLF 2020 par le nouveau programme n° 354 « Administration territoriale de l’État » au périmètre plus large.

l’Évolution des crédits de paiement

(en millions d’euros)

Programme

Exécution
2018

LFI
2019

PLF
2020

Variation
2020/2019

Administration territoriale de l’État (354)

1 718,8*

2 193

2 328

+ 6,1 %

Vie politique, cultuelle et associative (232)

175,5

206,3

237

+ 14,9 %

Conduite et pilotage des politiques de l’intérieur (216)

927,3

973,7

1 412,2

+ 45 %

Total mission

2 821,6

3 373,4

3 977,1

+ 18 %

I.   Le programme « Administration territoriale de l’État »

Le périmètre du programme n° 354 « Administration territoriale de l’État », qui regroupe la majeure partie des crédits de la mission, découle de la fusion, à compter du 1er janvier 2020, de deux programmes :

– le programme n° 307 « Administration territoriale » qui recouvrait les moyens consacrés aux préfectures et aux sous-préfectures, en baisse constante au cours des dernières années ;

– le programme n° 333 « Moyens mutualisés des administrations déconcentrées » qui regroupait les crédits de fonctionnement des directions départementales interministérielles (DDI), des directions et délégations régionales placées sous l’autorité des préfets de région, des secrétaires généraux pour les affaires régionales (SGAR) ainsi que les emplois déconcentrés gérés par le ministère de l’Intérieur.

Cette fusion, décidée par une circulaire du 24 juillet 2018 ([2]), doit permettre de renforcer les mutualisations au sein des services déconcentrés au travers de trois objectifs principaux :

– la simplification des circuits de gestion aux niveaux régional et départemental ;

– la création de secrétariats généraux communs, nouvelles structures interministérielles, dans chaque département d’ici au 30 juin 2020 ;

– la poursuite du « Plan Préfecture Nouvelle Génération » (PPNG) qui vise notamment à resserrer les missions des préfectures sur quatre priorités, à savoir la sécurité et l’ordre public, le contrôle de légalité et le contrôle budgétaire des collectivités locales, la lutte contre la fraude et la coordination territoriale de la mise en œuvre des politiques publiques.

Cette réforme s’est accompagnée d’un plan de requalification des emplois qui doit s’achever en 2020.

Évolution des crédits du programme 354

 

Autorisations d’engagement (AE)

Crédits de paiement (CP)

Demandées pour 2020

Variation 2020/2019 en %

Demandés pour 2020

Variation 2020/2019 en %

Programme 354

2 459 536 032

+ 6,6

2 327 881 626

+ 6,1

Action 1 : Coordination de la sécurité des personnes et des biens

162 667 945

- 6

162 667 945

- 6

Action 2 : Réglementation générale, garantie de l'identité et de la nationalité et délivrance des titres

554 587 922

- 16,4

554 587 922

- 16,4

Action 3 : Contrôle de légalité et conseil aux collectivités territoriales

121 494 989

- 20,8

121 494 989

- 20,8

Action 4 : Pilotage territorial des politiques gouvernementales

577 231 082

- 17,1

577 231 082

- 17,1

Action 5 : Fonctionnement courant de l'administration territoriale

605 917 040

+ 93

605 134 661

+ 93

Action 6 : Dépenses immobilières de l'administration territoriale

437 637 054

+ 42,1

306 765 027

+ 58,5

Source : Projet annuel de performance annexé au projet de loi de finances pour 2020.

Votre rapporteur rappelle que les efforts budgétaires demandés aux administrations déconcentrées doivent être compatibles avec les objectifs qui leur sont assignés, à savoir, notamment, répondre à de nouvelles priorités nationales, par exemple en termes de gestion de risque, intégrer de nouvelles technologies (au travers du déploiement d’outils numériques) et assurer leurs missions auprès des collectivités territoriales et des usagers des services publics.

À ce titre, si la mutualisation des moyens et la création de secrétariats généraux communs aux différentes administrations dans chaque département doivent permettre, selon le Gouvernement, de recentrer les agents sur « leur cœur de métier », les réformes engagées ont un effet sur l’accomplissement de leurs missions. À titre d’exemple, alors que plusieurs travaux parlementaires ont rappelé les difficultés rencontrées par les préfectures pour assurer le contrôle de légalité des actes des collectivités territoriales, les crédits affectés à cette action diminuent de nouveau cette année (– 21 %) ([3]). Votre rapporteur souligne, dans ce contexte, que la mise en œuvre d’une procédure de « rescrit » préfectoral à l’usage des collectivités territoriales pour leur permettre d’apprécier les effets d’une disposition juridique, prévue par l’article 20 du projet de loi relatif à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique, actuellement en cours d’examen par le Parlement, se heurtera à la question des moyens dont disposent les préfectures.

Par ailleurs, deux types de dépenses peuvent être présentés succinctement. En premier lieu, les dépenses de personnel évoluent du fait de deux principaux mouvements :

– la poursuite d’une baisse des effectifs du ministère (– 661 ETPT ([4])), concernant principalement des agents de catégorie C et des personnels techniques « en raison, notamment du déploiement, pour la dernière année en 2020, du plan de repyramidage des agents des préfectures dans le cadre du PPNG » ;

– le transfert de 1 778 ETPT résultant notamment de la mise en œuvre des secrétariats généraux communs et du transfert des emplois dédiés à la médecine de prévention au programme 216 « Conduite et pilotage des politiques de l’Intérieur ».

Au total, les crédits dédiés aux dépenses de personnels sont portés de 2,2 milliards d’euros en 2019 à 2,56 milliards en 2020 (+ 16%). Cette hausse est cependant liée à des transferts de personnels et ne doit pas masquer la baisse continue des agents du ministère à effectifs constants.

En second lieu, d’importants projets informatiques s’inscrivent dans un calendrier pluriannuel de dépenses, à savoir :

– le dispositif COMEDEC de dématérialisation sécurisée des actes d’état‑civil qui doit permettre d’une part d’assurer leur transmission directe entre les communes et les préfectures et, d’autre part, de lutter contre la contrefaçon et la falsification de ces actes (4 millions d’euros pour 2020, sur un coût total estimé à 25 millions d’euros depuis son lancement en 2014) ([5]) ;

– l’amélioration des conditions de délivrance des titres (carte d’identité, passeport, permis de conduire et certificat d’immatriculation) dans le cadre du PPNG, dont le financement repose depuis 2019 sur les dépenses courantes de l’Agence nationale des titres sécurisés (ANTS).

Cette agence se voit également confier la maîtrise d’œuvre de l’application ALICEM qui permet, à titre expérimental à ce stade, à tout citoyen majeur de créer, sur son portable, une identité numérique sécurisée pour accéder à des services publics en ligne requérant un niveau élevé d’identification. ([6])

Ces deux types de dépenses traduisent à la fois le souhait de professionnaliser la fonction publique déconcentrée et d’accélérer la dématérialisation des procédures. Si ces réformes emportent des effets positifs en termes d’efficacité et de gestion des deniers publics, votre rapporteur souligne qu’elles doivent s’accompagner d’une réflexion sur le maintien d’un accueil physique de qualité pour certains usagers et d’une présence de l’État sur l’ensemble du territoire.

II.   Le programme « Conduite et pilotage des politiques de l’intérieur »

Ce programme regroupe les crédits dédiés aux fonctions de pilotage du ministère de l’Intérieur (état-major, activités d’expertise et de contrôle), à ses fonctions support, au règlement des affaires juridiques et contentieuses ainsi qu’au fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD).

Évolution des crédits du programme 216

 

Autorisations d’engagement (AE)

Crédits de paiement (CP)

Demandées pour 2020

Variation 2020/2019 en %

Demandés pour 2020

Variation 2020/2019 en %

Programme 216

1 351 003 657

+ 46,7

1 412 198 976

+ 45

Action 1 : État-major et services centraux

647 271 709

+ 65,3

647 496 990

+ 65,6

Action 3 : Système d'information et de communication

308 262 116

+ 211,4

289 251 381

+ 230

Action 4 : Action sociale et formation

39 605 394

- 1,5

39 605 394

- 1,5

Action 5 : Affaires immobilières

38 448 863

- 47

118 429 636

- 13,6

Action 6 : Affaires juridiques et contentieuses

79 500 000

-0,6

79 500 000

-0,6

Action 8 : Immigration, asile et intégration

41 385 501

+ 0,8

41 385 501

+ 0,8

Action 9 : Sécurité et éducation routières

127 231 205

+ 0,7

127 231 205

+ 0,7

Action 10 : Fonds interministériel de prévention de la délinquance

69 298 869

- 1,6

69 298 869

– 1,6

Source : Projet annuel de performance annexé au projet de loi de finances pour 2020.

Les dépenses prévues pour 2020 appellent les observations suivantes :

– les crédits de personnel connaîtraient une augmentation de 240 millions d’euros, liée principalement au transfert de 4 356 ETPT, contribuant à augmenter le plafond d’emplois du programme de 7 416 ETPT à 11 775. Ce transfert concernerait principalement des personnels en provenance des programmes 176 « Police nationale » et 152 « Gendarmerie nationale » (en vue du rattachement des secrétariats généraux régionaux du ministère de l’Intérieur au périmètre du secrétariat général du ministère) ;

– les crédits liés aux systèmes d’information et de communication augmenteraient de 200 millions d’euros du fait de la création de la direction du numérique (DNUM) en charge de piloter l’ensemble des crédits ministériels dédiés à ces systèmes ;

– les dépenses liées au projet « Réseau Radio du futur », annoncé par le Président de la République lors de son discours aux forces de sécurité intérieure le 18 octobre 2017, représenteraient 21 millions d’euros en crédits de paiement pour 2020 et 126 millions d’euros en cumulé au terme de son déploiement, l’objectif étant de parvenir à la mise en œuvre de ce réseau en 2024 pour sécuriser les Jeux Olympiques de Paris ;

– les dépenses de contentieux confirment l’effort consenti pour corriger une situation de sous-budgétisation persistante. Comme en 2019, près de 80 millions d’euros sont prévus sur l’action « Affaires juridiques et contentieuses ».

III.   Le programme « Vie politique, cultuelle et associative »

L’évolution des crédits de ce programme est corrélée au calendrier électoral de 2020. La tenue des élections municipales en mars, de la deuxième consultation pour l’accession de la Nouvelle-Calédonie à la pleine souveraineté à la fin de l’été, puis des élections sénatoriales en septembre entraîne la hausse des crédits de 35,5 millions d’euros en autorisations d’engagement (+ 19 %) et de 30,7 millions d’euros en crédits de paiement (+ 17 %) par rapport à 2019.

Évolution des crédits du programme 232

 

Autorisations d’engagement (AE)

Crédits de paiement (CP)

Demandées pour 2020

Variation 2020/2019 en %

Demandés pour 2020

Variation 2020/2019 en %

Programme 232

242 179 401

+ 17,2

237 005 715

+ 14,9

Action 1 : Financement des partis

68 731 422

+ 0,1

68 731 422

+ 0,1

Action 2 : Organisation des élections

153 826 921

+ 19,5

155 741 921

+ 22,4

Action 3 : Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP)

16 864 021

+ 164,2

9 755 335

+ 30,4

Action 4 : Cultes

2 757 037

0

2 777 037

0

Action 5 : Vie associative

0

- 100

0

- 100

Source : Projet annuel de performance annexé au projet de loi de finances pour 2020.

L’action « Organisation des élections » constitue ainsi le poste de dépense le plus important en 2020 avec 155,7 millions d’euros de crédits de paiement, dont 132,5 millions d’euros au titre des seules municipales.

Les crédits consacrés à l’aide publique aux partis et groupements politiques demeureraient stables : l’action « Financement des partis » bénéficierait en 2020 de 68,7 millions d’euros, soit le même montant que celui ouvert dans chaque loi de finances initiale depuis 2014.

En application de l’article 9 de la loi n° 88-227 du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique, un parti politique peut bénéficier de la première fraction de l’aide publique si, lors du plus récent renouvellement de l’Assemblée nationale, il a présenté des candidats ayant obtenu chacun au moins 1 % des suffrages exprimés dans au moins 50 circonscriptions ou s’il a présenté des candidats uniquement outre-mer (collectivités territoriales relevant des articles 73 ou 74 de la Constitution ou Nouvelle-Calédonie) ayant chacun obtenu au moins 1 % des suffrages exprimés. Une seconde fraction de l’aide publique est attribuée aux partis bénéficiaires de la première fraction, proportionnellement au nombre de membres du Parlement qui ont déclaré au bureau de leur assemblée, au cours du mois de novembre de l’année précédente, y être inscrits ou s’y rattacher ([7]).

Le tableau présenté ci-après récapitule les montants perçus au titre de 2019 par les différents partis politiques, en précisant l’impact des modulations financières liées à la règle de la parité.

LEs aides publiques aux partis politiques en 2019

(en euros)

I. Partis et groupements politiques ayant présenté des candidats dans au moins 50 circonscriptions (métropole)

Première fraction

Seconde fraction

TOTAL

Modulation financière liée à la parité (a)

EN MARCHE !

10 088 375,57

12 286 482,4

22 374 857,97

0

FRONT NATIONAL (devenu RASSEMBLEMENT NATIONAL)

4 875 868,83

296 954,26

5 172 823,09

0

LES RÉPUBLICAINS

3 918 643,81

9 019 985,57

12 938 629,38

1 785 711,10

LA FRANCE INSOUMISE

3 746 611,74

705 266,36

4 451 878,10

252 210,94

PARTI SOCIALISTE

2 615 246,37

3 489 212,52

6 104 458,89

0

MOUVEMENT DÉMOCRATE

1 837 948,85

2 041 560,52

3 879 509,37

0

EUROPE ÉCOLOGIE LES VERTS

1 268 707,89

148 477,13

1 417 185,02

0

UNION DES DÉMOCRATES, RADICAUX ET LIBÉRAUX

1 041 551,95

3 377 854,68

4 419 406,63

0

PARTI COMMUNISTE FRANÇAIS

1 040 135,23

1 076 459,18

2 116 594,41

0

DEBOUT LA FRANCE

392 563,57

222 715,69

615 279,26

13 232,48

RÉGIONS ET PEUPLES SOLIDAIRES

275 206,06

222 715,69

497 921,75

0

PARTI RADICAL DE GAUCHE

260 549,98

445 431,39

705 981,37

0

LUTTE OUVRIÈRE

260 494,57

0

260 494,57

0

LA FRANCE QUI OSE

113 761,53

0

113 761,53

34 255,33

ALLIANCE ÉCOLOGISTE INDÉPENDANTE

105 790,53

0

105 790,53

54 560,24

PARTI ANIMALISTE

67 124,10

0

67 124,10

37 291,16

Parlementaires non rattachés/non déclarés

0

259 835

259 835

0

Sous total I

31 908 580,58

33 592 950,39

65 501 530,97

2 177 261,25

II. – Parti et groupements politiques ayant présenté des candidats exclusivement outre-mer

Première fraction

Seconde fraction

TOTAL

Modulation financière liée à la parité (a)

TAPURA HUIRAATIRA

53 956,38

148477,13

202 433,51

0

TAHOERAA HUIRAATIRA

35 683,42

0

35 683,42

0

TAVINI HUIRAATIRA NO TE AO MAOHI - FRONT DE LIBÉRATION DE POLYNÉSIE

29 021,28

37 119,28

66 140,56

0

MOUVEMENT INDÉPENDANTISTE MARTINIQUAIS

14 396,68

0

14 396,68

0

PARTI COMMUNISTE RÉUNIONNAIS

8 851,17

0

8 851,17

0

LES RÉPUBLICAINS ENSEMBLE DANS LA FRANCE

7 905,05

0

7 905,05

0

MOUVEMENT POPULAIRE CALÉDONIEN

7 255,72

0

7 255,72

0

RÉZISTANS ÉGALITÉ 974

6 471,95

0

6 471,95

0

RASSEMBLEMENT POUR LA CALÉDONIE DANS LA RÉPUBLIQUE (devenu LE RASSEMBLEMENT LES REPUBLICAINS)

6 429,31

74 238,56

80 667,87

0

ARCHIPEL DEMAIN

1 982,41

37119,28

39 101,69

0

CAP SUR L'AVENIR

1 982,41

37119,28

39 101,69

0

VIVRE LA RÉUNION

1 441,31

0

1 441,31

0

CALÉDONIE ENSEMBLE

0

111357,85

111 357,85

27 453,71

PARTI PROGRESSISTE MARTINIQUAIS (PPM)

0

296 954,26

296 954,26

30 713,46

PROGRÈS 974

0

0

0

15 967,52

TAU HOTURAU - non éligible en 2019

0

0

0

-2,51

LA FRANCE EN MOUVEMENT - non éligible en 2019

-2,97

0

-2,97

0

GROUPEMENT FRANCE RÉUNION - non éligible en 2019

-12,12

0

-12,12

0

Sous-total II

175 362

742385,64

917 747,64

74 132,18

Total (I+II)

32 083 942,58

34335336,03

66 419 278,61

2 251 393,43

(a)   Montant qui aurait été perçu en plus par les partis politiques s’ils avaient pleinement respecté les exigences légales en matière de parité entre les femmes et les hommes lors des élections législatives de juin 2017.

Source : décret n° 2019-111 du 19 février 2019 pris pour l’application des articles 9 et 9-1 de la loi n° 88-227 du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique.

Par ailleurs, en application de la loi du 15 septembre 2017, un médiateur du crédit aux candidats et aux partis politiques a été institué, dont la rémunération et les dépenses de fonctionnement représentent 60 750 euros. Son premier rapport au Parlement a été remis le 30 septembre dernier. La partie thématique du présent avis présentera ses travaux dans le cadre de l’examen des conditions de financement des candidats et des partis politiques.

Les autres dépenses du programme « Vie politique, cultuelle et associative » comprennent :

– les crédits liés au fonctionnement de la CNCCFP, soit 9,7 millions d’euros de crédits de paiement contre 7,5 millions d’euros en 2019 et un plafond d’emplois porté à 58 équivalents temps plein travaillés (ETPT) au lieu de 51 en 2019. Cette augmentation des moyens de la CNCCFP tient à la poursuite des travaux de dématérialisation des comptes de campagne, initiés en 2018, pour une mise en œuvre complète à horizon 2022, au contrôle des comptes de campagne des candidats aux municipales qui seront instruits entre mai et novembre 2020, ainsi qu’à des dépenses immobilières ;

– les crédits relatifs aux cultes, soit 2,8 millions d’euros de crédits, correspondant à 2,1 millions d’euros d’intervention (dont 800 000 euros seront consacrés au financement de diplômes d’université de formation civique et civile et de recherche en islamologie) et à 700 000 euros de dépenses immobilières directes.

Votre rapporteur souligne que les crédits de l’action « vie associative » destinés au financement du répertoire national des associations (RNA) sont désormais pris en charge par le programme 216 à la suite de la création de la direction du numérique qui en assurera la gestion.

 


   Seconde partie : lever les difficultés concrètes liées au financement des candidats et des partis politiques

Les règles encadrant le financement des campagnes électorales et des partis politiques ont été progressivement enrichies par le législateur au cours des trente dernières années de manière, d’une part, à favoriser le concours de candidats ou de partis représentant différentes sensibilités politiques à l’expression du suffrage, et d’autre part, à assurer la transparence de leurs opérations financières dans un souci de probité des acteurs politiques.

Depuis la loi n° 88-227 du 11 mars 1988 relative à la transparence de la vie politique, les majorités successives ont fondé ce cadre juridique sur les principes suivants :

– les partis et les candidats bénéficient d’un financement public important qui leur permet de s’engager dans le débat démocratique, tout en garantissant leur indépendance. Depuis la loi du 6 juin 2000 ([8]), le montant de l’aide financière apportée aux partis peut être diminué en cas de non-respect de l’obligation de parité entre les candidats présentés aux élections ;

– en contrepartie, le financement des partis et des candidats par des personnes morales est interdit quelle qu’en soit la forme – don, prêt, garantie de prêt ou aide matérielle – à l’exception des partis politiques nationaux et des établissements de crédit ayant leur siège social dans un État membre de l’Union européenne ou partie à l’accord sur l’Espace économique européen. Les personnes physiques souhaitant faire un don à un candidat ou un parti doivent être de nationalité française ou résider en France de manière à éviter toute ingérence étrangère ([9]) ;

– le bénéfice du financement public nest pas adossé à lappartenance à un parti et permet la présentation de candidats « sans étiquette ». Les règles encadrant le financement des candidats, prévues par le code électoral, sont par conséquent distinctes de celles relatives au financement des partis, contenues dans la loi du 11 mars 1988 précitée ;

– les dépenses pouvant être engagées pour une élection sont plafonnées pour éviter toute surenchère matérielle ;

– la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) assure un contrôle approfondi du respect des règles encadrant le financement des candidats et des partis. Ce contrôle a été renforcé par la création de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) en 2013. Par ailleurs, tout manquement peut entraîner des sanctions prononcées par le juge de l’élection ou le juge pénal ;

– enfin, la diversification des sources de financement est encouragée, notamment dans le cadre des campagnes électorales, à la fois par des évolutions législatives permettant par exemple de recourir davantage à des procédés de collecte dématérialisés, et par de nouvelles formes de participation citoyenne (à l’instar des campagnes de prêts de particuliers). La création dun médiateur du crédit aux candidats et aux partis politiques dont la mission est d’améliorer les conditions d’accès au crédit bancaire, sous réserve que ces derniers présentent les garanties nécessaires, participe également au souhait de lever les obstacles aux différentes formes de financement dont peuvent bénéficier les acteurs politiques.

Les grandes évolutions législatives des trente dernières années

Le cadre juridique actuel résulte d’un consensus politique exprimé dans le cadre de lois adoptées par les majorités successives en vue de garantir la probité de la vie politique, l’indépendance des partis et des candidats et la participation des différentes sensibilités politiques au débat démocratique. Les évolutions législatives les plus notables peuvent être succinctement rappelées :

– la loi du 11 mars 1988 précitée donne un statut aux partis politiques et autorise leur financement public sous réserve qu’ils présentent des comptes annuels. Le financement public est réparti en deux fractions reposant sur les résultats des formations politiques aux élections législatives et du nombre de parlementaires qui leur sont rattachés au sein de l’Assemblée nationale et du Sénat. Les dépenses sont plafonnées pour les élections législatives et présidentielle et, en plus du remboursement de la campagne officielle, un remboursement forfaitaire des dépenses de campagne électorale est prévu ;

– la loi n° 90-55 du 15 janvier 1990 relative à la limitation des dépenses électorales et à la clarification du financement des activités politiques institue la CNCCFP et étend à toutes les campagnes électorales le principe d’un plafonnement des dépenses pouvant être engagées. Par ailleurs, le financement public des partis non représentés au Parlement est conditionné à la présentation de candidats dans un nombre minimum de circonscriptions et aux résultats obtenus. Les financements des personnes morales sont plafonnés ;

– la loi n° 95-65 du 19 janvier 1995 relative au financement de la vie politique exclut les personnes morales du financement des partis politiques et des campagnes électorales, à l’exception des partis et des établissements de crédit. En contrepartie, le remboursement forfaitaire des campagnes électorales est porté à 50 % des dépenses engagées et une incitation fiscale aux dons de personnes physiques est mise en place ;

– la loi du 6 juin 2000 précitée introduit l’obligation d’assurer la parité entre les candidats présentés aux élections par les partis politiques (dans la limite d’un écart de 2 %), sous peine d’une sanction financière portant sur la première fraction du financement public des partis. En cas de dépassement de cet écart, le montant attribué était initialement diminué de 75 % de cet écart rapporté au nombre total des candidats. La loi du 4 août 2014 a doublé ce pourcentage pour atteindre désormais 150 % ;

– la loi n° 2003-327 du 11 avril 2003 relative à l’élection des conseillers régionaux et des représentants au Parlement européen ainsi qu’à l’aide publique aux partis politiques réserve le bénéfice du financement public aux seuls partis ayant obtenu au moins 1 % des suffrages exprimés dans au moins cinquante circonscriptions aux élections législatives ;

– la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique crée la HATVP et rend obligatoires des déclarations de patrimoine et d’intérêts pour les candidats et les élus ;

– les lois organique n° 2017-1338 et ordinaire n° 2017-1339 du 15 septembre 2017 pour la confiance dans la vie politique interdisent les prêts et garanties de prêts par des personnes morales aux partis et aux candidats à une élection. Un médiateur du crédit aux candidats et aux partis politiques est institué.

Pour mémoire, deux propositions de loi ordinaire et organique visant à clarifier diverses dispositions du droit électoral, actuellement en cours d’examen par le Parlement, ouvrent la possibilité pour les candidats et les partis politiques de recourir à des plateformes de service de paiement en ligne pour recueillir les dons de personnes physiques, par exception au principe d’unicité de compte du candidat. Elles emportent également un certain nombre de simplifications relatives aux obligations comptables des candidats.

Votre rapporteur, comme la plupart des acteurs institutionnels et politiques, considère que les règles encadrant le financement de la vie politique ont permis de bâtir un système qui « fonctionne » en ce qu’il permet de garantir la vitalité de notre démocratie au travers de candidatures nombreuses et de l’expression de toutes les sensibilités dans un cadre républicain. Le plafonnement des dépenses électorales et l’exclusion des personnes morales de ce financement permettent également d’assurer que le débat didée prime sur une surenchère matérielle, qui caractérise les campagnes électorales d’autres grandes démocraties.

Toutefois, les nombreuses modifications législatives qui se sont succédées ont pu conduire à amoindrir la cohérence et la clarté des règles applicables. Votre rapporteur ne peut, dans ce contexte, que se féliciter du travail accompli par la CNCCFP et les pouvoirs publics pour accompagner les candidats et les partis dans leurs démarches, tout en les encourageant à accroître leurs efforts en ce sens. En effet, les candidats peuvent rencontrer des difficultés concrètes pour respecter les obligations qui leur sont faites ou bénéficier des garanties prévues par la loi. La remise au Parlement du premier rapport du médiateur du crédit, M. Jean-Raphaël Alventosa, constitue, en ce sens, une invitation à poursuivre la clarification et la simplification du cadre juridique en vigueur. ([10])

I.   Un cadre juridique encourageant le recours à diverses sources de financement

A.   Le financement des partis politiques

Le financement des partis politiques a pour objet d’assurer leur fonctionnement régulier et de permettre leur libre administration, tout en leur garantissant les moyens de mener à bien la mission constitutionnelle qui leur est confiée de concourir à l’expression du suffrage, conformément à l’article 4 de la Constitution. Ce financement repose sur des ressources privées et publiques.

Pour rappel, un parti politique est défini, au sens de la loi du 11 mars 1988, comme une personne morale de droit privé qui s’est assigné un but politique et qui remplit la double condition :

– d’être éligible à laide publique ou d’avoir désigné un mandataire pour recueillir l’ensemble de ses ressources (personne physique ou association de financement) ;

– de déposer ses comptes certifiés par un ou deux commissaires aux comptes ([11]) auprès de la CNCCFP.

Les partis politiques sont donc définis au regard des règles de financement auxquelles ils s’astreignent : le contrôle du respect de ces règles et la transparence de leurs ressources sont la condition de leur reconnaissance juridique et de l’accès au financement public. Au titre de l’exercice 2017, 523 formations politiques étaient ainsi tenues de déposer leurs comptes auprès de la CNCCFP, parmi lesquelles 35 étaient éligibles à l’aide publique au titre des élections législatives. 23 % d’entre elles n’ont pas respecté cette obligation dont, en grande majorité, des partis en sommeil ou sans activité n’ayant jamais procédé aux formalités de dissolution ou à leur publicité. ([12])

1.   Le financement privé

Si le financement militant est traditionnellement considéré comme modeste en France, contrairement à d’autres pays, les formes qu’il revêt et les moyens d’en assurer la collecte se sont diversifiés au cours des dernières années. Sa part reste ainsi importante dans les recettes totales dont disposent les partis (68 % en moyenne des recettes des seize formations ayant perçu plus de 1,5 million d’euros de recettes en 2017). ([13])

 Ce financement comprend :

– les cotisations des adhérents au parti (9 % en moyenne des recettes de ces mêmes formations) et les contributions des élus (12 %) ;

– les dons de personnes physiques dans la limite de 7 500 euros par donateur et de 15 000 euros par foyer fiscal ([14]), ouvrant droit à une réduction d’impôt de 66 % du montant versé, conformément à l’article 200 du code général des impôts (17 % des recettes) ;

– les prêts ou les garanties de prêts (notamment d’autres partis ([15])), les revenus découlant de l’activité économique du parti, les legs, etc. (30 % des recettes).

2.   Le financement public

Depuis 2013, le montant des crédits d’aide publique aux partis politiques, prévus au programme 232 « Vie politique, cultuelle et associative » de la mission « Administration générale et territoriale de l’État », s’établit à 68,7 millions d’euros.

Comme précédemment rappelé, ce montant est divisé en deux fractions égales réparties par décret en fonction :

– pour la première fraction, des résultats obtenus aux élections législatives par les partis ayant obtenu au moins 1 % des suffrages exprimés dans au moins cinquante circonscriptions ([16]). Depuis la loi du 6 juin 2000 précitée, ce montant est réduit pour les partis ne respectant pas l’objectif de parité des candidatures, soit dont l’écart entre le nombre de candidats de chaque sexe dépasse 2 % du nombre total de ces candidats. Le montant d’aide publique est alors diminué d’un pourcentage égal à 150 % de cet écart ([17]) ;

– pour la seconde fraction, du nombre de parlementaires rattachés aux groupes politiques représentés au Parlement et bénéficiaires de la première fraction.

Au titre de l’exercice 2017, l’aide publique a ainsi atteint un montant total de 63,9 millions d’euros (après retenue pour manquement aux obligations de parité), dont 29,6 millions d’euros au titre de la première fraction et 34,3 millions d’euros au titre de la seconde. Ce financement public a représenté en moyenne 32 % des recettes des 16 formations ayant perçu des recettes supérieures à 1,5 million d’euros en 2017.

3.   Des financements concentrés sur quelques formations

Les ressources privées et publiques dont bénéficient les partis politiques sont très concentrées, puisque 87 % de leur total (soit 183,1 millions d’euros sur 209,2 millions d’euros) reviennent aux 16 formations politiques précitées.

Par ailleurs, si neuf d’entre elles n’ont pas perçu de financement public en 2017, trois ont bénéficié de ressources provenant d’autres formations percevant ce financement. À titre d’exemple, selon l’avis de la CNCCFP précité, « la quasi-totalité des charges de lUnion des radicaux, centristes, indépendants et démocrates correspond à des aides financières versées à dautres formations politiques. » Il en va de même du parti « Jeanne » dont l’objet est de financer des candidats du Rassemblement national.

À ce titre, deux avancées législatives récentes sont à souligner :

– l’article 7 de la loi organique n° 2016-506 du 25 avril 2016 de modernisation des règles applicables à l’élection présidentielle prévoit que le compte de campagne de chaque candidat devra désormais comporter en annexe une présentation détaillée des dépenses exposées par chacune des formations politiques en sa faveur. Des pièces comptables et des justificatifs pourront être demandés par la CNCCFP dans le cadre de ses contrôles ;

– l’article 25 de la loi du 15 septembre 2017 pour la confiance dans la vie politique rend obligatoire à compter de l’exercice 2018 la publication par les partis, en annexe de leur compte, des « flux financiers avec les candidats tenus détablir un compte de campagne ».

La capacité d’analyse par la CNCCFP des financements entre partis ou en faveur de candidats devrait en être renforcée, d’autant que ces réformes s’accompagneront de la mise en œuvre d’un nouveau règlement comptable applicable à compter de 2018 qui « enrichira considérablement le contenu de l’annexe aux comptes des partis politiques ». ([18])

Recettes et dépenses des partis politiques au titre de 2017

 

2012

2013

2014

2015

2016

2017

Recettes totales (en M€)

228,4

199,6

190,7

196,6

209,9

209,2

Dépenses totales (en M€)

282,4

192,9

193,1

191,3

185,6

222,5

Moyenne des dépenses (en €)

963 965

488 460

603 347

583 260

528 690

557 520

Médiane des dépenses (en €)

18 346

13 116

24 385

17 991

19 144

15 932

Répartition des recettes des principales formations politiques au titre de l’exercice 2017

Formations dont les produits sont supérieurs à 1,5 M€

Total des recettes

Cotisations des adhérents

Contributions des élus

Dons de personnes physiques

Financement public 2017

Autres recettes

Moyenne en M€

183,1

16,4

21,6

31

58,7

55,5

Moyenne en %

100

9

12

17

32

30

Source : Avis relatif à la publication générale des comptes des partis et groupements politiques au titre de l’exercice 2017.

Votre rapporteur souligne la nécessité d’assurer la transparence sur les flux financiers entre les formations politiques et les candidats pour permettre aux donateurs comme aux adhérents de connaître l’usage des fonds récoltés, mais également à la CNCCFP de remplir sa mission de contrôle.

Par ailleurs, ces données illustrent l’importance des financements privés dont bénéficient les partis et la diversité de leur provenance. Elles témoignent également d’un engagement politique qui reste fort parmi les citoyens (26 % des recettes proviennent des cotisations des adhérents et des dons de personnes physiques) et qui continue de se structurer au regard de l’offre politique que représentent les partis. Dans ce contexte, les financements publics apportent à ces derniers une garantie de stabilité, favorable à l’expression de cet engagement politique.

B.   Le financement des campagnes électorales

Le financement des campagnes électorales est contraint par la durée limitée de ces dernières et confronte les candidats et les partis à la nécessité de mobiliser rapidement des recettes.

1.   Le financement privé

Le financement privé des candidats à une élection repose sur les mêmes ressources que celles précédemment mentionnées pour les partis, sous les réserves suivantes :

– le montant des dons des personnes physiques est plafonné à 4 600 euros par élection ;

– les partis politiques participent plus ou moins au financement des campagnes en fonction du type d’élection et de l’implantation du candidat ;

– l’apport personnel des candidats est souvent important au sein de ce financement, qu’il ait été financé par emprunt bancaire ou non.

2.   Le financement public

a.   Le remboursement de la campagne officielle

Les dépenses de la campagne officielle liées au matériel de propagande et de vote (affiches, professions de foi, bulletins de vote) sont remboursables dans les conditions fixées par arrêté du ministère de l’Intérieur à condition que le candidat ait obtenu au moins 5 % des suffrages exprimés. Ces dépenses n’apparaissent pas dans le compte de campagne et peuvent être réglées soit par le candidat, soit par le parti, soit par subrogation directe à l’imprimeur.

Selon le premier rapport du médiateur du crédit aux candidats et aux partis politiques, « au moins la moitié des 34 listes déposées pour les européennes nauraient pas fait imprimer leurs bulletins de vote faute de budget, nétant pas sûres du tout datteindre les seuils de remboursement par lÉtat de ces frais ».

Il souligne, en conséquence, que « les dotations publiques ne suffisent pas toujours, notamment pour les partis défaits aux dernières élections présidentielles/législatives, compte tenu du système de répartition retenu par la loi, qui donne une forte prime aux gagnants. Elles sont également inopérantes pour les petits partis, ou les nouveaux mouvements. »

Toutefois, les candidats ayant obtenu moins de 5 % des suffrages sont autorisés, en application d’une décision de la cour d’appel de Paris du 7 novembre 2006, à faire figurer leurs frais de propagande officielle dans leur compte de campagne de manière à en permettre le financement par les recettes collectées, notamment sous la forme de dons.

La prise en charge de l’impression des bulletins de vote par l’État pour l’ensemble des candidats à une élection pourrait lever cette difficulté, sans représenter une charge importante. En effet, l’absence de bulletins dans les bureaux de vote n’est guère acceptable pour les candidats, ni compréhensible pour les citoyens comme l’ont illustré les débats autour de l’organisation des élections européennes.

b.   Le remboursement forfaitaire des dépenses de campagne du candidat

Si leurs comptes sont approuvés, avec ou sans réformation, par la CNCCFP, les candidats ayant obtenu au moins 5 % des suffrages exprimés au premier tour du scrutin bénéficient d’un remboursement forfaitaire de 47,5 % du plafond de dépenses fixé pour l’élection concernée, sans que ce remboursement ne puisse toutefois excéder le montant des dépenses réglées sur leur apport personnel pour prévenir toute forme d’enrichissement personnel.

À titre d’exemple, lors des élections législatives de 2017, le montant moyen des recettes et des dépenses des 4 589 candidats était respectivement de 17 162 euros et 16 296 euros. Ces dépenses ont donné lieu à un remboursement forfaitaire moyen équivalent de la part de l’État (soit 16 507 euros).

Si ce mécanisme d’aide publique permet aux candidats d’engager leur campagne dans des conditions satisfaisantes, le médiateur du crédit souligne toutefois que le remboursement peut intervenir tardivement, du fait de la computation des délais de deux mois pour déposer leur compte auprès de la CNCCFP, de six mois pour permettre à cette dernière d’apprécier sa régularité et d’un mois pour les services de l’Intérieur pour effectuer le paiement. Toutefois, les décisions de remboursement intervenant sur toute cette période, une large part de candidats est remboursée avant ce délai de neuf mois.

Votre rapporteur considère donc que les règles en vigueur sont satisfaisantes, mais qu’il convient que les pouvoirs publics agissent dans les meilleurs délais pour ne pas mettre les candidats en difficulté financière.

3.   Des pratiques variant fortement selon les élections

Chaque élection présente des caractéristiques propres en matière de financement. À titre d’exemple, à l’occasion des dernières élections municipales de 2014, les recettes déclarées par les candidats ayant obtenu au moins 5 % des suffrages exprimés se sont élevées à 102,12 millions d’euros (soit 24 793 euros par candidat) sur un total de recettes tous candidats confondus de 102,41 millions d’euros. Les recettes sont donc très concentrées sur les candidats qui sont en position d’atteindre le seuil de 5 %. Pour ces derniers, l’apport personnel constitue leur principale source de financement (70 %), les versements personnels et le recours à l’emprunt bancaire en composant la majeure partie.

Répartition des ressources des candidats aux élections municipales de 2014

L’apport personnel constitue également la première ressource des candidats aux élections législatives (70 % de leurs recettes), aux élections régionales (74 %), aux élections départementales (84 %) et aux élections sénatoriales (86 %) ([19]). Cette ressource est, par contre, moins importante pour les présidentielles (58 %), notamment du fait d’un financement plus conséquent des candidats par les partis.

Aux élections présidentielles de 2017, les onze candidats en lice ont ainsi récolté 75 millions d’euros, dont un tiers provenait directement des partis politiques.

Répartition des ressources des candidats
à l’élection présidentielle de 2017

Répartition des recettes par type d’élection

(En %)

 

 

Municipales 2014

Départementales 2015

Régionales 2016

Présidentielles 2017

Législatives 2017

Sénatoriales 2018

Dons de personnes physiques

 

21

10

12

6

17

7,5

Apport personnel

Versements personnels des candidats

33

42

10

2

30

54

Emprunts bancaires

21

12

35

35

22

17

Emprunts partis

12

28

27

21

12

12

Emprunts personnes physiques

2

2

1

nd

5

0,5

Frais financiers

0,5

nd

0,5

nd

0,5

nd

Menues dépenses

nd

nd

0,1

nd

0,5

0,5

Total apport personnel

69

84

74

58

70

86

Apport des partis*

 

8

3

14

33

10

8

Concours en nature

 

2

3

2

3

3

7

* Versements, dépenses payées directement, concours en nature.

Source : Assemblée nationale sur la base des rapports d’activité de la CNCCFP.

Si les règles encadrant le financement des partis et des campagnes électorales permettent à la fois de recourir à diverses sources de financement privées, tout en assurant une aide publique importante, ce constat satisfaisant ne doit pas occulter les difficultés concrètes que peuvent rencontrer les candidats et les partis pour assurer leur financement.

II.   lever les obstacles au financement, un défi démocratique

Ces obstacles peuvent être de natures différentes : à titre d’exemple, dans son premier rapport, le médiateur du crédit souligne les difficultés que rencontrent certains partis et candidats, parfois bien installés dans le paysage politique, pour l’ouverture d’un compte bancaire et l’obtention d’un crédit. De même, notre Assemblée, et notamment la commission des Lois ont entrepris, à plusieurs reprises, de clarifier le cadre juridique en vigueur et d’améliorer les conditions de contrôle des obligations faites aux partis et aux candidats.

A.   des insuffisances dans le droit au compte bancaire

Le compte de campagne est un document que chaque candidat ou candidat tête de liste soumis au plafonnement des dépenses électorales est tenu d’établir s’il a obtenu au moins 1 % des suffrages exprimés ou s’il a bénéficié de dons de personnes physiques, conformément à l’article L. 52-12 du code électoral. Ce compte retrace « selon leur origine, lensemble des recettes perçues et, selon leur nature, lensemble des dépenses engagées ou effectuées en vue de lélection, hors celles de la campagne officielle, par [le candidat] ou pour son compte, au cours de la période mentionnée à larticle L. 52-4 [soit la période au cours de laquelle se déroule la campagne] ».

Si le mandataire d’un candidat doit donc demander l’ouverture d’un compte auprès d’un établissement et la mise à disposition de moyens de paiement dès le début de la campagne, les banques sont libres d’entrer en relation commerciale avec ce dernier et peuvent refuser cette ouverture sans justification.

Or, comme le souligne le médiateur du crédit, « les banques nont pas dintérêt financier à ouvrir de tels comptes, dont les durées sont courtes (seulement 6 mois), le coût de gestion élevé, la procédure fastidieuse (il faut vérifier lapplication de la réglementation anti-blanchiment et PPE)  Au final, les banques privilégient assez normalement les ʺ vieux et bons clients ʺ… ». Si les principales formations politiques disposent déjà d’un compte bancaire leur permettant de financer des campagnes, certains candidats peuvent se trouver en difficulté en cas de refus alors que le droit au compte bancaire est garanti depuis la loi n° 2011-412 du 14 avril 2011 portant simplification de dispositions du code électoral et relative à la transparence financière de la vie politique.

Les cas de refus de compte bancaire représenteraient ainsi 10 % des demandes d’ouverture de compte en moyenne ([20]). À titre d’exemple, lors des dernières élections européennes, 8 listes sur 34 ont rencontré des difficultés importantes, portant le taux de refus ou d’entrave au fonctionnement effectif du compte à 23 %. Le médiateur considère, à juste titre selon votre rapporteur, que « le bilan est à peine acceptable ».

Plusieurs situations dommageables pour les candidats ont ainsi été constatées : l’ouverture du compte d’un parti « bien installé » est ainsi intervenue au lendemain de l’élection, obligeant ce dernier à assurer directement le règlement des fournisseurs en lieu et place du candidat tête de liste. Cette pratique n’est pas sans risque puisqu’elle nécessite par la suite une régulation de ces opérations, avec un risque de réformation accru de la CNCCFP. De même, certaines banques ont demandé des informations excessives portant sur l’ensemble des candidats de la liste alors que seul le candidat tête de liste et son mandataire sont responsables du compte bancaire. D’autres établissements ont fait remonter toutes les demandes d’ouverture de comptes à leur siège, ce qui a pu engendrer des délais excessivement longs pour une démarche d’ordinaire rapide. Enfin, le délai entre l’ouverture du compte et la possibilité effective d’y recourir, notamment par la délivrance de moyens de paiement, a pu également être trop tardif pour assurer le bon déroulement de la campagne.

Le médiateur rapporte ainsi que, pour l’une des listes concernées par ces difficultés, « malgré de nombreux échanges avec les responsables de lagence, la banque intéressée navait toujours pas procédé à lencaissement du chèque dapport (immédiat, en principe) de la tête de liste, fin avril, soit six semaines après la remise dudit chèque. Cette liste finira par pouvoir ouvrir un compte, dans une autre banque, un mois avant la fin de la campagne, trop tard pour pouvoir développer une propagande efficace, selon elle ». Il en conclut que ce manquement constitue « une entrave sérieuse au bon fonctionnement du compte bancaire. »

En outre-mer, certains candidats se présentant à Mayotte ont dû ouvrir des comptes dans des agences situées à la Réunion.

Le droit au compte bancaire

Introduit par l’article 13 de la loi du 19 avril 2011 et précisé par l’article 27 de la loi du 15 septembre 2017, le droit au compte prévoit, conformément à l’article L. 52-6-1 du code électoral, que :

– tout mandataire a droit à l’ouverture d’un compte de dépôt dans l’établissement de crédit de son choix ainsi qu’à la mise à disposition des moyens de paiement et services bancaires nécessaires à son fonctionnement ;

– l’établissement de crédit qui a refusé l’ouverture d’un compte remet systématiquement, gratuitement et sans délai au demandeur une attestation de refus d’ouverture de compte et l’informe qu’il peut demander à la Banque de France de lui désigner un établissement de crédit pour lui ouvrir un compte ([21]) ;

– saisie par le mandataire, la Banque de France (BdF) désigne un établissement de crédit situé dans la circonscription dans laquelle se déroule l’élection ou à proximité d’un autre lieu de son choix, dans un délai d’un jour ouvré à compter de la réception de la demande du mandataire et des pièces requises ;

– le contrôle du respect de ce droit est assuré par l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR).

Votre rapporteur souligne la nécessité pour le médiateur du crédit, la BdF et l’ACPR d’accroître leur vigilance pour assurer le respect effectif de ce droit essentiel à la conduite d’une campagne électorale. Plusieurs recommandations peuvent être formulées à ce titre :

– sensibiliser le réseau bancaire, et notamment les agences locales, sur le droit au compte et l’importance de rendre leur décision dans les meilleurs délais de manière à permettre au candidat concerné par un éventuel refus de se tourner vers un autre établissement ou de saisir les voies de recours qui lui sont offertes ;

– améliorer l’information des candidats sur la procédure d’ouverture de compte et les moyens à leur disposition en cas de difficulté.

À ce titre, le travail de pédagogie mis en œuvre par la CNCCFP ainsi que, plus récemment, par le médiateur du crédit par la publication de notes dédiées, participe de la bonne information des acteurs bancaires, comme des acteurs politiques.

B.   Les difficultés du recours à l’emprunt

Une campagne électorale représente des dépenses qui peuvent être importantes, selon les élections, malgré les plafonds de dépenses en vigueur. Par ailleurs, les candidats qui ne sont pas soutenus par un parti ou qui bénéficient d’un faible financement de leur parti peuvent se trouver en difficulté pour mobiliser un apport personnel suffisant.

Dans ce cadre, le recours au crédit bancaire, sous réserve de garanties suffisantes, ou au prêt de personnes physiques est l’une des conditions du financement de la campagne.

1.   Le crédit bancaire

Le recours au crédit bancaire diffère fortement selon les élections : il est plus important pour les élections présidentielles et les élections régionales que pour les autres élections.

Recours à l’emprunt bancaire par type d’élection

(en M€)

 

Municipales 2014

Départementales 2015

Régionales 2015

Présidentielles 2017

Législatives 2017

Sénatoriales 2018

Emprunts bancaires

21

12

35

35

22

17

Source : Assemblée nationale sur la base des rapports d’activité de la CNCCFP.

Par exemple, l’emprunt bancaire a représenté 52 % de l’apport personnel des candidats aux régionales en 2010 et 35 % en 2015 (l’écart constaté s’expliquant par un apport des partis à leur candidat en hausse de 16 % lors de cette dernière échéance).

Structure de l’apport personnel des candidats lors des deux derniers scrutins régionaux

Source : Rapport d’activité de la CNCCFP au titre de l’exercice 2016.

Au-delà de ces différences de pratiques tenant à la nature même de l’élection concernée, le recours au crédit bancaire, s’il est possible, n’est pas un moyen toujours adapté pour financer une campagne électorale du fait des garanties demandées par les banques et des délais de traitement des dossiers qui peuvent être rédhibitoires pour les candidats :

– les banques sont tenues de réaliser des contrôles renforcés dans le cadre de la quatrième directive européenne sur la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme qui a élargi la définition des personnes politiquement exposées (PPE). Le code monétaire et financier, qui dresse la liste des personnes concernées, cite notamment les « membres de lorgane dirigeant dun parti ou dun groupement politique ». ([22]) Ces contrôles ne doivent toutefois pas conduire à entraver l’accès au crédit bancaire ; 

– les obligations des candidats et le contrôle du respect des règles encadrant le financement de la vie politique ont été renforcés et les cas dinvalidation de comptes en cas de manquement constituent un risque pris en considération par les banques. Certains rejets de compte très médiatisés ont pu accentuer le risque ressenti par les établissements bancaires. Or, à titre d’exemple, à l’occasion des dernières législatives, seuls 2 % des comptes ont été rejetés ;

– la récente recomposition du paysage politique en a affaibli la lisibilité pour les établissements bancaires qui demandent des assurances sur les résultats des élections à venir (appartenance à un groupe politique bien établi, sondages, etc.) ;

– en conséquence, les banques demandent de plus en plus de garanties aux candidats ([23]), ce qui peut être en contradiction avec l’anticipation qui leur est par ailleurs demandée pour déposer leur dossier de prêt ([24]).

Il ressort de l’analyse du médiateur du crédit que, pour l’accès des candidats au crédit bancaire, il n’y a pas de « verrou de principe », sous condition de réunir les garanties nécessaires dans des délais parfois réduits et que des avancées ont déjà été réalisées par les principaux réseaux bancaires pour limiter les délais imposés aux candidats et faciliter les échanges. Pour le prêt aux partis politiques, « deux à trois groupes, au moins, ont adopté une position de ʺ neutralité négative ʺ en refusant d’accorder des financements aux partis ». Le médiateur conclut, par ailleurs, que « pour l’ensemble des banques – ouvertes ou non au financement politique – les circuits internes de décision rendent complexes les démarches à effectuer par les acteurs de la vie politique. »

Par conséquent, alors que le financement des campagnes électorales et des partis politiques présente peu de risques du fait d’une aide publique importante et de la possibilité de mobiliser l’épargne des adhérents et des sympathisants en cas de difficulté financière, la perception du risque reste forte pour les établissements bancaires et les délais d’obtention d’un crédit souvent incompatibles avec la conduite d’une campagne électorale dans de bonnes conditions.

À titre d’exemple, dans le cadre des élections européennes, seules 8 listes sur 34 ont demandé un crédit et, parmi ces dernières, 4 d’entre elles se sont vues opposer un refus (dont 3 ayant obtenu plus de 3 % des suffrages exprimés et bénéficiant, à ce titre, du financement public – à savoir le Rassemblement National, Génération.s et Debout la France). Toutefois, ces refus ont pu tenir à des manquements au dossier ou à des garanties insuffisantes.

Bilan des demandes de crédits et des médiations lors des élections européennes

Selon le rapport du médiateur du crédit, parmi les 8 listes ayant demandé un crédit bancaire :

– quatre partis d’opposition ont vu leur demande acceptée – Les Républicains, le Parti socialiste, La France Insoumise, et Europe Écologie-les Verts – ces deux derniers partis pour des montants inférieurs au crédit demandé (LFI a ainsi obtenu un crédit bancaire à hauteur de 40 % du crédit demandé et EELV à hauteur de 60 %) ;

– quatre autres ont vu leur demande refusée, dont le Rassemblement national pour lequel une médiation a été engagée. Comme l’indique le médiateur, « le RN souffre de ne pas ʺcocherʺ toutes les cases de la recevabilité, alors même que ses sondages sont excellents et qu’il n’est pas, a priori, sans garantie : le critère de conformité, fondé ou non sur des difficultés, relatées trop fréquemment par les médias, avec la justice, sur quelques affaires ; une santé financière du parti trop fragile (et pas de garanties immobilières comme d’autres partis) ; un souci avec les notions de notoriété, d’image ou de réputation, qui, même si elles ne sont pas explicites, lui nuisent encore, et ne font pas l’unanimité chez tous les déposants des banques. »

Au final, s’il n’y a pas de défaillance du système bancaire pour répondre au besoin de crédit des candidats, les critères retenus pour autoriser ces crédits, dont certains peuvent être subjectifs et peu explicites, ainsi que les délais de traitement des dossiers et de transfert des fonds ne permettent pas à tous les partis et candidats d’en bénéficier de la même façon selon leur appartenance politique, leur apport personnel et leur santé financière. Votre rapporteur souligne toutefois qu’il peut difficilement en aller autrement dans le cadre d’un service privé reposant sur une relation contractuelle. Par ailleurs, l’obligation de solvabilité des candidats et de conformité des dossiers à la règlementation en vigueur s’imposerait également dans le cadre d’une Banque de la démocratie, dont la création ne résoudrait pas les difficultés d’accès au crédit bancaire.

À nouveau, votre rapporteur souligne l’importance des réseaux d’agences locales et de leur sensibilisation aux enjeux liés au financement de la vie politique. Une méconnaissance des délais qui s’imposent aux candidats, des formes que prend l’aide publique, s’accompagnant sans doute d’une surévaluation du risque et du peu d’appétence pour un marché peu rentable mais engageant en termes d’image, complique aujourd’hui les relations entre les élus et les établissements bancaires. La médiation, mise en œuvre depuis un an, doit ainsi se poursuivre pour répondre à ces difficultés.

2.   Le prêt des personnes physiques

En complément ou en substitut au crédit bancaire, le recours au prêt de personnes physiques semble se développer, bien qu’il occupe encore une part modeste dans le financement des partis et des candidats.

Recours à l’emprunt auprès de personnes physiques par type d’élection

(en M€)

 

Municipales 2014

Départementales 2015

Régionales 2016

Présidentielles 2017

Législatives 2017

Sénatoriales 2018

Emprunts personnes physiques

2

2

1

na

5

0,5

Source : Assemblée nationale sur la base des rapports d’activité de la CNCCFP.

À ce titre, les articles 25 et 26 de la loi du 15 septembre 2017 ont introduit respectivement un nouvel article 11-3-1 à la loi du 11 mars 1988 et un nouvel article L. 52‑7‑1 au code électoral pour rappeler que ces prêts ne peuvent pas être consentis à titre habituel, que leur durée est limitée à cinq ans et que leur montant est plafonné ([25]). Par ailleurs, le candidat ou le parti doit indiquer au prêteur les caractéristiques du prêt (taux d’intérêt, montant total, durée, modalités et conditions de remboursement) et la CNCCFP doit être informée annuellement de l’état de son remboursement.

L’article L. 52-8 du code électoral, dans sa rédaction résultant de la loi du 15 septembre 2017, interdit, quant à lui, aux personnes morales, à l’exception des partis et groupements politiques ainsi que des établissements de crédit ou sociétés de financement ([26]), « de consentir des prêts à un candidat ou dapporter leur garantie aux prêts octroyés aux partis et groupements politiques. » Cette rédaction est précisée par les propositions de loi de clarification du droit électoral, en cours dexamen par le Parlement, de manière à interdire expressément les garanties de prêt aux candidats par des personnes morales, comme le prévoit déjà larticle 11-4 de la loi du 11 mars 1988 pour les partis politiques.

Comme le souligne le médiateur du crédit et selon les premières données disponibles, lors des dernières élections européennes, plusieurs partis ont eu recours à des campagnes d’emprunt auprès de leurs adhérents ou sympathisants :

– La France Insoumise aurait réalisé une collecte de l’ordre de 2 millions d’euros en deux semaines (montant minimum des prêts de 400 euros, sans intérêt et remboursables sous douze mois) ;

– le Rassemblement National aurait récolté 4,5 millions d’euros (prêt minimum de 1 000 euros à un taux de 5 %) ;

– Debout la France aurait effectué une collecte de 1,2 million d’euros (selon une estimation faite à la mi-avril 2019) ;

– Europe-écologie-les Verts aurait récolté 400 000 euros (auprès d’environ 250 prêteurs) ;

– l’Union des démocrates et Indépendants aurait collecté plusieurs milliers d’euros.

Ces campagnes témoignent d’une capacité des partis et des candidats à mobiliser des sources de financement très diversifiées sur de courtes périodes de temps, en complément de ressources plus traditionnelles. Elles mettent également en lumière l’effort que représente pour ces derniers la mobilisation de recettes suffisantes pour mener campagne dans des conditions satisfaisantes. Le développement d’outils numériques de collecte devrait ainsi être encouragé pour faciliter ces opérations et permettre aux citoyens qui souhaitent soutenir un parti ou un candidat de disposer de procédures simplifiées. La possibilité de recourir à des plateformes de paiement en ligne (de type paypal), ouverte par les propositions de loi précédemment mentionnées, participe à cette évolution. Elle nécessitera toutefois de renforcer les contrôles sur l’identité des donateurs et des prêteurs pour s’assurer du respect des règles en vigueur en la matière.

C.   La clarification des règles en vigueur

Comme souligné précédemment, le droit en vigueur découle de la juxtaposition de nombreuses réformes qui, depuis une trentaine d’années, ont complété ou modifié les règles et les modalités du financement de la vie politique. Ces évolutions législatives sont justifiées en ce qu’elles ont traduit de nouvelles attentes des citoyens en termes de transparence et de probité des élus, mais également de nouveaux besoins des candidats et des partis, notamment pour financer les campagnes électorales.

Toutefois, l’application concrète de règles souvent complexes et changeantes au gré des textes législatifs et règlementaires continue de poser des difficultés aux candidats et aux partis. Si la CNCCFP actualise chaque année un guide du candidat et du mandataire ([27]) et s’efforce de répondre aux demandes qui lui sont adressées sur les règles applicables et les conditions de leur contrôle, tout comme s’y est employé le médiateur du crédit au cours de la dernière année, des progrès demeurent possibles. La mise à disposition d’une information claire et exhaustive sur un site dédié aux candidats et aux élus serait une première étape.

Votre rapporteur reprend, enfin, à son compte le vœu formulé par la CNCCFP en conclusion de ses trois derniers rapports d’activité en faveur du réexamen du cadre juridique actuel « intégrant les textes non codifiés et tenant compte des acquis de la jurisprudence, afin de disposer d’un corpus de règles unique et accessible à tous. » ([28])

 


— 1 —

1

   examen en commission

Lors de sa première réunion du jeudi 24 octobre, la Commission auditionne M. Christophe Castaner, ministre de l’Intérieur, sur les crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l’État » (M. Jean-Louis Masson, rapporteur pour avis).

Lien vidéo :

http://videos.assemblee-nationale.fr/video.8307829_5db150f5492f6.commission-des-lois--m-christophe-castaner-ministre-de-l-interieur--missions-administration-gene-24-octobre-2019

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Nous examinons aujourd’hui les missions budgétaires qui relèvent du ministère de l’Intérieur, à savoir, pour ce qui concerne la commission des Lois, les missions « Administration générale et territoriale de l’État », « Sécurités » et « Immigration, asile et intégration ».

Nous commencerons par l’examen de la mission « Administration générale et territoriale de l’État ».

M. Christophe Castaner, ministre de l’Intérieur. Le budget de la mission « Administration générale et territoriale de l’État » (AGTE) pour 2020 démontre une volonté forte de modernisation du ministère de l’Intérieur, que ce soit au niveau de son administration centrale ou au niveau territorial, conformément au souhait du Premier ministre de réorganiser l’administration déconcentrée de l’État autour des pôles préfectoraux. C’est un choix qui diverge de celui fait ces dernières années, notamment lorsque Bernard Cazeneuve était ministre de l’Intérieur, où avait été privilégiée la montée en puissance de la régionalisation.

Le ministère de l’Intérieur a en effet cette particularité de ne compter que 5 % de ses effectifs en administration centrale, les 95 % restant étant sur les territoires, au plus près des Français. C’est une force pour notre ministère, j’en suis convaincu, en particulier dans ce moment où nos concitoyens manifestent une attente très grande en matière de présence de l’État à leurs côtés. Notre réseau de préfectures et de sous-préfectures nous permet de garantir cet ancrage territorial et cette écoute ; il est donc nécessaire de le préserver mais aussi de le moderniser afin de renforcer son efficacité. Mais que les choses soient claires : quand je parle de modernisation, je ne parle pas de fermeture, ni e diminution de la présence de l’État mais, au contraire, d’ouverture.

L’année 2020 sera ainsi particulièrement importante pour la mission AGTE, puisqu’elle verra plusieurs réformes d’envergure pour le ministère. La première est la création du programme 354, fusion des programmes 307 et 333, qui traduit une avancée importante pour la réforme de l’administration territoriale de l’État, avec la création de secrétariats généraux communs de l’État en préfecture, ainsi que la création, au sein du secrétariat général, de la DNUM, la direction du numérique, une direction unique sur laquelle je reviendrai, et du SAILMI, le service de l’achat, de l’innovation et de la logistique du ministère de l’Intérieur, qui répond, là encore, à la volonté de mettre en place un pilotage central pour rendre plus efficiente notre politique d’achats.

Le nouveau programme 354 « Administration territoriale de l’État » est donc issu de la fusion des programmes « Administration territoriale », qui comportait les moyens des préfectures, et « Moyens mutualisés des administrations déconcentrées », qui portait les crédits de fonctionnement, hors titre II (T2), des directions départementales interministérielles ainsi que les effectifs des secrétariats généraux pour les affaires régionales (SGAR), gérés par les services du Premier ministre.

La création de ce nouveau programme vise à renforcer l’efficacité du fonctionnement des services déconcentrés, par la mutualisation des moyens et par le développement de la modularité des organisations. Elle vise à obtenir des gains de performance dans le service rendu et à renforcer la capacité d’action de l’administration de l’État au niveau départemental, pour que le préfet, dans la plénitude de ses fonctions, soit celui qui puisse répondre aux questions des élus locaux ou des grandes associations, sans être obligé de les renvoyer vers d’autres interlocuteurs.

L’idée d’un référent unique, dans les départements, sur l’ensemble des sujets qui relèvent de l’État représente certes une responsabilité supplémentaire pour les préfets, mais c’est un renforcement indispensable de leur rôle dans l’animation interministérielle.

Le programme 354 comporte l,8 milliard de crédits, dont l,25 milliard de T2 (dépenses de personnel) et 551 millions de crédits hors T2. À périmètre constant, les budgets sont stables, puisque les crédits T2 sont en augmentation de 1,1 % et ceux hors T2 de 1,2 %. Ce sont ainsi 586 millions supplémentaires qui vont être gérés par le ministère de l’Intérieur, dont 214 millions en T2 et 373 millions hors T2. Le choix du Premier ministre de nous confier la gestion de ce nouveau programme et de ces crédits supplémentaires démontre la confiance qu’il accorde au ministère de l’Intérieur.

La création des secrétariats généraux communs en préfecture d’ici juin 2020 vient compléter cette concentration des crédits dans un même programme, en mutualisant les moyens dédiés aux fonctions support – achats, logistique, immobilier, informatiques… – des directions départementales interministérielles et des préfectures.

Ce sont 5 543 agents qui composeront ces secrétariats généraux communs, dont 3 740 en provenance des préfectures et 1 803 issus d’autres ministères, à savoir : 1 149 agents du ministère de la Transition écologique et solidaire (MTES), 368 agents du ministère de l’Agriculture et de l’alimentation, 246 agents du ministère de la Santé et des solidarités et 40 agents des ministères économiques et financiers.

Je précise que, dans les consignes que nous avons données sous l’autorité du Premier ministre pour la création et la montée en puissance de ces secrétariats généraux, il y a la volonté de faire en sorte que toutes les administrations puissent se retrouver dans ces postes, et que l’administration préfectorale ne considère pas qu’ils doivent lui revenir et que c’est à elle de les assumer seule. Il est essentiel qu’en l’occurrence le ministère de l’Intérieur témoigne de sa capacité d’ouverture sur les autres ministères et qu’il sache élargir le vivier de ceux à qui seront confiés ces postes et les responsabilités qui vont avec. Pour le dire autrement, ces mutualisations doivent être gagnantes pour tout le monde, et il ne s’agit en aucun cas de transférer des agents qui ne seraient pas volontaires et dont l’engagement pourrait être mis en question.

Ces mutualisations doivent nous permettre de réaliser des gains d’efficience, mais la réforme doit surtout permettre aux préfets de piloter plus finement et plus efficacement les moyens des administrations déconcentrées de l’État. J’insiste sur ce point, car c’est une petite révolution par rapport aux pratiques antérieures que de réaffirmer l’importance de l’État déconcentré, incarné par les préfets, au niveau départemental.

La réforme de l’administration territoriale de l’État comporte également un volet important de réorganisation des services départementaux de l’État, afin de répondre aux attentes de nos concitoyens, celle notamment de bénéficier de services publics de proximité.

Les préfets doivent proposer leur choix d’organisation dans les prochains jours, afin d’adapter au mieux cette nouvelle organisation aux particularités des territoires, mais d’ores et déjà deux orientations majeures sont connues : d’une part, la création d’un service public de l’insertion, qui regroupera les compétences pour accompagner les personnes en difficulté, de l’hébergement d’urgence à l’insertion par l’activité économique, grâce notamment à la fusion des directions départementales de la cohésion sociale (DDCS) et des unités départementales des directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (UD DIRECCTE) ; d’autre part, le transfert des missions sport, jeunesse et vie associative des anciennes DDCS aux rectorats, pour notamment préparer la mise en œuvre du Service national universel, qui sera assurée par le ministère de l’éducation nationale.

J’ajoute que j’ai demandé à ce que cent sous-préfectures puissent être labellisées « maisons France services ». En effet, trop souvent, les sous-préfectures sont fermées au public, et les citoyens ont de moins en moins d’occasions de s’y rendre, comme ils le faisaient, par exemple, il y a quelques années, pour obtenir une carte grise. Or, certains départements disposent d’une sous-préfecture mais manquent de relais de services publics. Convaincu que les sous-préfectures doivent gagner en ouverture vers nos concitoyens, j’ai donc souhaité y installer ces maisons France services, avec l’idée, non seulement d’améliorer le service rendu à nos concitoyens mais aussi de permettre au ministère de l’Intérieur d’être pleinement investi dans cette politique importante pour le Président de la République, grâce à un réseau au contact, à l’écoute et au service des usagers.

Enfin, l’effort porté sur les services des étrangers en préfecture sera poursuivi pour faire face à l’augmentation de la demande d’asile. Pour rappel, ce sont 211 équivalents temps plein (ETP) qui ont été créés depuis 2017, effort à mettre en perspective avec le schéma d’emploi global marqué par une baisse de 600 ETP sur la même période.

Une politique salariale pour favoriser l’attractivité de ces services a également été mise en œuvre. Ces renforts sont complétés par des mois vacataires chaque année – pour 2019, ce sont 1 650 mois vacataires qui ont ainsi été engagés. Cette politique a permis de contenir les délais de rendez-vous en guichet unique et participe à la réduction du délai de traitement global de la demande d’asile. C’est une priorité du Gouvernement et un des piliers de notre politique migratoire, sachant que, parallèlement à la montée des emplois dédiés à la gestion des demandes d’asile, nous assumons la baisse des effectifs au sein de tous les autres services préfectoraux.

Je poursuis ma présentation avec le programme 216 « Conduite et pilotage des politiques de l’intérieur » (CPPI), qui va également connaître des réformes d’ampleur, lesquelles se traduisent dans l’évolution des crédits.

Si à périmètre constant, les crédits baissent de 19,1 millions – soit une diminution de 1,6 % –, en revanche, à périmètre courant, ils augmentent de 45 % – soit 340 millions. Je pourrais donc vous faire croire à une dynamique extrêmement positive, mais j’ai la franchise de vous dire que tel n’est pas le cas.

Ces crédits sont issus des autres programmes du ministère, du fait de la création de la DNUM et du transfert des personnels des secrétariats généraux pour l’administration du ministère de l’Intérieur (SGAMI) du programme 176 « Police nationale ». À signaler également le transfert de 220 personnels civils de la gendarmerie du programme 152 vers le programme CPPI dans le cadre de la création du SAILMI, cette direction centrale de l’achat que nous mettons en place. Le programme CPPI concerne ainsi désormais 11 774 agents, contre 7 416 auparavant.

L’année 2020 sera ainsi celle de l’application concrète de deux mesures importantes du plan de transformation du ministère, la création de la DNUM et du SAILMI. Il s’agit d’idées anciennes mais dont la mise en œuvre s’avérait délicate, dans la mesure où elles exigeaient de retirer certaines prérogatives à des directions centrales importantes – Direction générale de la police nationale (DGPN), Direction générale de la gendarmerie nationale (DGGN), Direction générale des étrangers en France (DGEF) – pour les centraliser et mieux coordonner des initiatives qui s’avéraient parfois concurrentes – je pense en particulier à certains programmes numériques de la police ou de la gendarmerie, incompatibles entre eux. L’exercice était donc difficile, mais il était indispensable et a fini par être accepté par l’ensemble des directions.

La DNUM et le SAILMI doivent donc permettre au secrétaire général de mieux piloter des fonctions importantes pour le ministère, de rationaliser leur gestion mais également de dégager des synergies positives et d’améliorer ainsi leur efficacité au service des différentes directions du ministère.

Les choses doivent être claires : nous pouvons et nous devons faire des économies, notamment en matière de politique d’achat, grâce à la création du SAILMI, mais ce n’est pas l’unique objectif. L’objectif est de mieux acheter et de mieux coordonner nos politiques d’achat, de même qu’il s’agit avec la DNUM de faire les meilleurs choix numériques pour notre ministère. Certes nous réduirons les coûts de gestion, les coûts de personnels et surtout les coûts liés à l’éclatement et aux redondances – neuf directions distinctes travaillent actuellement côte à côte –, mais nous allons surtout atteindre la taille critique pour offrir des services mutualisés à la communauté interministérielle. Cette rationalisation dans l’organisation, des prestations numériques et des systèmes d’information va nous permettre d’améliorer la qualité et l’efficacité du service.

Pour cela, cette nouvelle direction, rattachée au secrétariat général, centralisera une partie des budgets du Service des technologies et des systèmes d’information de la sécurité intérieure (STSI2), de la direction des systèmes d’information et de communication (DSIC), de la préfecture de police et de la DGEF. Elle aura la charge de piloter des réformes importantes pour le ministère, notamment le projet « Réseau radio du futur », destiné aux forces de sécurité et doté de 20 millions, la procédure pénale numérique, dotée de 5,5 millions d’euros de crédits et le projet de numéro unique pour les secours, le 112. Pour la DGEF enfin, la refonte totale du système d’information européen est budgétée à hauteur de 9 millions.

Quelques précisions supplémentaires enfin sur le SAILMI, le service achats : grâce aux innovations, en matière logistique notamment, et à la mutualisation des commandes, notre objectif est de réaliser dès 2020 66 millions d’économies.

J’ajoute que 69,7 millions seront consacrés en 2020 au Fonds interministériel pour la prévention de la délinquance et de la radicalisation (FIPDR), soit un montant stable par rapport à 2019.

J’en termine avec le programme 232 « Vie politique, cultuelle et associative ». L’actualité sera l’organisation des élections municipales. Ce sont 237 millions qui sont prévus – soit une augmentation de 15 %, équivalant à 30,7 millions. En termes de ressources humaines, 20,8 millions de crédits – 15,3 millions au titre de l’organisation des élections, et 5 millions pour la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) – financeront les 58 ETP du programme.

S’agissant des dépenses de fonctionnement et d’investissement, 216,2 millions sont prévus, dont notamment 140,5 millions d’euros au titre de l’organisation des élections, pour financer la propagande, et 68,7 millions d’euros pour le financement public des partis politiques.

Les élections municipales vont permettre d’améliorer encore le répertoire électoral unique, mis en service pour la première fois avec succès l’année dernière, à l’occasion des élections européennes. Les quelques dysfonctionnements, mineurs à l’échelle du nombre de votants ayant bien été identifiés, ils ont pu être corrigés.

Enfin, le médiateur du crédit aux candidats et aux partis politiques poursuivra sa mission et sera renforcé de deux agents cette année, car le nombre de candidats n’est bien sûr pas le même qu’aux élections européennes.

S’agissant de la partie cultuelle – il s’agit, je le rappelle de dépenses de personnel et d’entretien des bâtiments cultuels appartenant à l’État en Alsace et Moselle –, 2,8 millions d’euros ont été programmés.

Comme vous pouvez le constater, le ministère de l’Intérieur est un ministère dynamique, toujours à la recherche de l’organisation optimale afin de renforcer l’efficacité de son action. De plus, notre réseau déconcentré nous permet d’assurer une présence de l’État partout sur le territoire et de répondre en cela aux attentes et aux besoins de nos concitoyens.

M. Jean-Louis Masson, rapporteur pour avis (« Administration générale et territoriale de l’État »). La mission « Administration générale et territoriale de l’État » constitue le cadre budgétaire dont le ministère de l’Intérieur dispose pour poursuivre trois principaux objectifs : garantir l’exercice des droits des citoyens ; assurer la présence et la continuité de l’État ; mettre en œuvre des politiques publiques sur l’ensemble du territoire.

Cette mission regroupe ainsi les crédits dédiés aux administrations déconcentrées du ministère de l’Intérieur, à ses fonctions supports, ainsi qu’aux subventions publiques dont il assure la gestion.

Au total, ce sont près de 4 milliards d’autorisations d’engagement et de crédits de paiement budgétés pour 2020, en hausse de 18 % par rapport à l’exercice précédent.

Je souhaite souligner, à ce titre, que nous sommes nombreux, dans cette assemblée mais surtout dans les territoires, à nous interroger sur la pertinence de la réorganisation des services de l’État au cours de ces dernières années. Si des réformes devaient être conduites car certaines administrations étaient surdimensionnées ou parce qu’il y avait des doublons évidents, la succession, année après année, des suppressions physiques de services publics dans nos territoires donne – à tort ? – le sentiment d’un abandon que ne règle pas la mise en place de sites internet.

J’insiste, monsieur le ministre, sur le fait que le programme « Action publique 2022 » ne doit pas se faire au détriment de la présence de l’État sur l’ensemble du territoire. De même, la dématérialisation croissante des procédures peut accroître chez ses usagers le sentiment de l’éloignement de l’administration.

Au bout du compte, c’est la capacité de chacun de nos concitoyens à faire valoir ses droits qui est en question, et je ne souhaite pas que cela aggrave le sentiment d’une citoyenneté à deux vitesses, l’une dans les villes, bénéficiant de services accessibles, l’autre dans les zones périurbaines ou rurales, ne disposant que d’un guichet unique à plusieurs dizaines de kilomètres. J’espère donc, monsieur le ministre, que vous saurez nous apporter des précisions sur les réformes en cours, et notamment sur ce qui est fait pour maintenir l’accès de l’ensemble des Français aux services de l’État.

Pour la partie thématique de mon rapport, j’ai choisi cette année de m’intéresser aux difficultés de financement que peuvent rencontrer les candidats et les partis politiques. En effet, si le cadre juridique actuel offre des garanties importantes, notamment au travers des financements publics existants, les difficultés persistent, même lorsque l’on appartient à un parti bien établi. Lors des dernières élections européennes, ce constat s’est d’ailleurs vérifié, comme en témoigne le premier rapport au Parlement du médiateur du crédit aux candidats et aux partis politiques, M. Jean-Raphaël Alventosa – je rappelle que, dans le cadre de la loi pour la confiance dans la vie politique, nous avions autorisé la création, par ordonnance, d’une banque pour la démocratie, chère à M. François Bayrou, mais qu’en juillet 2018 la garde des Sceaux a confirmé l’abandon de ce projet, remplacé par la mise en place d’un médiateur du crédit, nommé par décret du 3 août 2018.

Je prendrai deux exemples pour illustrer les difficultés rencontrées. En premier lieu, le droit au compte, qui est pourtant garanti par la loi, ne serait pas respecté dans 10 % des cas en moyenne, voire 23 % pour les élections européennes. Les agences sont réticentes, prennent des précautions démesurées, alors que c’est un droit fondamental des candidats, puisque le code électoral prévoit la création d’un compte de campagne. Le candidat doit alors saisir la Banque de France, qui désigne un établissement bancaire, lequel le renvoie au siège, le tout pouvant prendre des semaines, ce qui rompt l’égalité des candidats devant l’élection.

En second lieu, l’accès au crédit bancaire n’est pas satisfaisant : s’il n’y a pas de défaillance généralisée des banques, certains grands réseaux refusent désormais de prêter à tous les candidats, quel que soit leur parti et quel que soit leur dossier, par souci de neutralité ; d’autres ont des procédures particulièrement longues, qui peuvent avoir pour objectif de s’assurer notamment des chances réelles du candidat, en repoussant la date de la décision. Enfin, il y a surtout un problème de culture : les spécificités du financement électoral et des campagnes ne sont pas assez connues et, il faut l’admettre, les banques n’ont pas beaucoup à gagner à nous financer, car les dépenses de campagne sont en général peu élevées du fait des plafonds en vigueur.

C’est pourtant un véritable enjeu démocratique, qui ne sera pas nécessairement résolu par la création d’une banque de la démocratie, mais par la promotion de bonnes pratiques et la possibilité de saisir le médiateur du crédit bien plus tôt. M. Alventosa a commencé ce travail de fond lors des élections européennes, et je ne peux que souhaiter que sa mission se poursuive au cours des prochaines années, pour que nous disposions d’un diagnostic précis, pour chaque élection, des difficultés rencontrées par les candidats.

Sans revenir sur mon interrogation de fond au sujet de la manière dont les services de l’État sont restructurés sur nos territoires, je souhaiterais à présent, monsieur le ministre, vous poser quelques questions ayant trait au financement des candidats et des partis politiques.

Vous avez été, comme nous, destinataire du rapport du médiateur du crédit. Pourriez-vous nous indiquer quelles sont les préconisations qui pourraient être mises en œuvre en vue des élections municipales pour supprimer certains des écueils constatés lors des élections européennes et éviter que les candidats rencontrent des difficultés pour ouvrir des comptes ?

L’information à destination des candidats et des partis est aujourd’hui dispersée, notamment entre le site de la CNCCFP et celui du ministère, voire, bientôt, celui du médiateur du crédit, qui nous a fait part de son intention d’en ouvrir un. Une mesure à prendre rapidement pourrait être la réalisation d’un site internet consacré au financement de la vie politique, comprenant une page dédiée au médiateur du crédit. Cette mesure, qui me semble de bon sens et assez urgente au regard des difficultés constatées par le médiateur, pourrait­elle être mise en œuvre avant les élections municipales ?

À plus long terme, le médiateur propose de réformer le mode de calcul de l’aide publique aux partis, qui représente 68 millions chaque année, financés sur les crédits de la mission AGTE. Il s’agirait notamment de faire en sorte que la distribution de la première fraction de cette aide publique soit mieux répartie entre les partis. Je rappelle que le financement des partis politiques comporte deux volets financiers, le premier assis sur les résultats électoraux du premier tour des élections législatives, le second conditionné par le nombre de députés obtenu par chaque formation politique. En ce qui concerne le premier volet, le quinquennat et l’inversion du calendrier électoral favorisent le parti majoritaire, lequel ne peut que se satisfaire d’une telle situation. Ne doit-on pas envisager de revoir le système, de façon à limiter les à-coups en cas d’alternance. Qu’en pensez­ vous ?

Enfin, dans le cadre d’une récente proposition de loi de clarification du droit électoral, en cours d’examen au Parlement, nous avons adopté une disposition permettant de recueillir des fonds sur des plateformes de paiement de type Paypal. Pouvez-vous nous indiquer comment il pourrait être procédé à l’authentification des personnes donatrices, de manière à s’assurer qu’elles ne sont ni des personnes morales, ni des personnes non résidentes en France ou établies hors de l’Union européenne, ce qui est formellement interdit ?

Mme Hélène Zannier. La mission AGTE comporte trois programmes qui vous ont déjà été présentés, à savoir les programmes 354 « Administration territoriale de l’État », 232 « Vie politique, culturelle et associative » et 216 « Conduite et pilotage des politiques de l’intérieur ».

Sur un plan strictement financier, la mission apparaît correctement dotée, puisqu’elle enregistre en 2020 une hausse de ses crédits de 18 % par rapport à 2019. Cette comparaison n’est toutefois pas très significative, puisque le programme 354 est en réalité un nouveau programme, issu de la fusion entre deux programmes existants. Cela rend les comparaisons entre 2020 et 2019 en partie vaines.

Par ailleurs, la variation des crédits de cette mission est très largement due à des raisons conjoncturelles. La hausse s’explique ainsi par la création au sein du ministère de l’intérieur de la DNUM, destinée à piloter les crédits consacrés aux systèmes d’information et de communication.

Cette hausse des crédits s’explique également par le coût à venir de l’organisation des élections municipales et sénatoriales, qui vont avoir lieu en 2020, auxquelles il faut également ajouter la nouvelle consultation sur l’accession de la Nouvelle-Calédonie à la pleine souveraineté.

En ce qui concerne le contenu de la mission, cette dernière peut apparaître un peu technique pour le grand public. Elle contient toutefois des éléments importants qui intéressent directement les usagers du service public. Elle porte en effet en grande partie sur l’organisation de la présence de l’État sur le territoire au travers du réseau des préfectures de département et de région. À ce titre, la mission accompagne les réformes en cours. Ces transformations sont destinées à limiter les coûts de fonctionnement, tout en recentrant les préfectures sur leur cœur de métier, c’est-à-dire la protection de l’ordre public, le contrôle de légalité et le contrôle budgétaires des collectivités territoriales, ainsi que la coordination des politiques publiques au niveau local.

Concrètement, cela passe notamment par la création de secrétariats généraux communs au sein des préfectures, en application du plan « Action publique 2022 ». Ces secrétariats généraux communs permettent de simplifier l’organisation, tout en réalisant des économies, par la mutualisation de certains services entre ministères. Cela passe également par la mise en œuvre du plan Préfectures nouvelle génération, qui organise la dématérialisation d’un certain nombre de procédures, comme la demande de carte nationale d’identité ou de passeport.

Afin, tout à la fois, de simplifier l’organisation administrative et d’améliorer le service rendu à l’usager, la réorganisation de l’action administrative se poursuit ; c’est un point sur lequel il faut saluer l’action du Gouvernement. Il y a donc lieu ici de souligner les efforts engagés par le ministère pour sa transformation et sa modernisation. Il faut toutefois également attirer l’attention sur un certain nombre de points de vigilance.

La dématérialisation a ses avantages en matière d’économies et de gain de temps, mais elle risque également de fragiliser l’accès au service public de certains de nos concitoyens, pour lesquels l’accès à internet n’est pas une évidence. Il faut faire attention à ce que la « fracture numérique » ne devienne pas un obstacle.

Enfin, il est possible de relever que les crédits alloués au contrôle de légalité et au conseil des collectivités territoriales sont en baisse, ce qui est paradoxal, car les objectifs de performances que se donne le ministère en la matière sont, quant à eux, en hausse. Si les orientations prises par le Gouvernement sont louables, il conviendra d’être attentif dans les années à venir aux conditions de la mise en œuvre de ces politiques.

Enfin, la prévision des crédits nécessaires à l’organisation des différentes consultations électorales prévues en 2020 n’appelle pas de remarque particulière. Le budget de la CNCCFP est d’ailleurs également revu à la hausse, en prévision de ces évènements. C’est une évolution logique.

Pour ces différentes raisons, le groupe La République en Marche votera les crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l’État ».

M. Guillaume Larrivé. J’ai, sur ces crédits, un point d’accord et un point d’interrogation. J’approuve entièrement le fait que vous engagiez une redépartementalisation des services de l’État et que reveniez sur la régionalisation antérieure, qui a parfois eu pour effet d’affaiblir le rôle coordonnateur et directeur des préfets de département. Il est intelligent de commencer par ces secrétariats généraux départementaux, mais il me semble qu’il faudrait poursuivre cet effort dans le champ sanitaire. Je suis en effet frappé du peu de pouvoirs qu’ont les préfets en matière de politique sanitaire et de l’hyper-concentration de ces pouvoirs dans les mains des directeurs généraux des agences régionales de santé, technocrates dont la capacité de dialogue avec les élus territoriaux est assez faible, ce qui ne permet pas de conduire sur le terrain de véritables politiques de santé publique.

Mon point d’interrogation porte sur les cultes. Vous avez tout à l’heure, monsieur le ministre, indiqué de manière très allusive que les crédits relatifs aux cultes concernaient la rémunération des ministres du culte et l’entretien des bâtiments en Alsace-Moselle, mais qu’en est-il de votre politique des cultes sur l’ensemble du territoire national ? Que faites-vous par rapport à l’Islam en France, ou à l’Islam de France ? Poursuivez-vous les actions engagées précédemment en matière de formation des ministres du culte musulman, non pas évidemment sur les questions cultuelles mais sur les enjeux civiques, culturels et civilisationnels qui s’y rattachent ? Existe-t-il sur ce point des accords de coopération avec des pays étrangers ? Plus globalement, quelle est la politique des cultes que conduit aujourd’hui le ministre de l’Intérieur, pas seulement en Alsace-Moselle, mais aussi dans les Alpes-de-Haute-Provence, dans l’Yonne ou en Eure-et-Loir ?

M. Philippe Latombe. Au-delà des développements du rapporteur sur le financement de la vie politique, au sujet duquel vous connaissez la sensibilité du groupe MoDem, nous saluons un budget stable et responsable, clairement marqué par une recherche de l’efficacité et de la qualité du service rendu.

Le programme 132 « Vie politique, culturelle et associative » est en hausse cette année, dans la perspective, principalement, des élections municipales et sénatoriales, mais également du deuxième référendum en Nouvelle-Calédonie.

Pour les deux autres programmes de la mission AGTE, 2020 peut être un tournant, avec l’achèvement du plan Préfectures nouvelle génération, qui a permis de recentrer les préfectures sur leurs quatre missions principales : la sécurité et l’ordre public, le contrôle de légalité et le contrôle budgétaire des collectivités locales, la lutte contre la fraude et la coordination territoriale de la mise en œuvre des politiques publiques.

On note que la logique de rationalisation de la mission AGTE se concrétise notamment par la fusion de deux programmes, « Administration territoriale » et « Moyens mutualisés des administrations déconcentrées », décidée en 2018 et mise en œuvre en 2020. Cette fusion est logique et permettra de réaliser des gains d’efficacité, en mutualisant les moyens de fonctionnement des préfectures et des directions départementales interministérielles (DDI).

De la même manière, la réforme de la politique d’achat du ministère de l’Intérieur, avec la création du service de l’achat, de l’innovation et de la logistique du ministère de l’Intérieur, le SAILMI, devrait offrir une meilleure qualité de service et des processus beaucoup plus en phase avec les pratiques actuelles, en privilégiant notamment le travail en mode projet.

L’année 2020 est également importante puisque sera créée au 1er janvier une direction du numérique, la DNUM ; celle-ci concrétise l’aboutissement d’un des quatre objectifs du plan de transformation numérique du ministère de l’Intérieur. Elle aura, dans les années à venir, des chantiers importants à piloter, avec notamment la mise en place d’un dossier pénal numérique, projet que nous avons pu évoquer avec la garde des Sceaux, il y a quelques jours.

Enfin, je souhaite conclure sur une alerte récente de la Cour des comptes, dans le cadre de sa note d’exécution budgétaire sur la mission AGTE, au sujet de la sous-budgétisation des crédits de contentieux. Vous avez entrepris d’améliorer la prévision et le pilotage de ces dépenses à travers un programme que vous aviez intitulé « Optimiser la fonction juridique du ministère ». Pourriez-vous nous le détailler un peu plus précisément et nous indiquer si les premiers résultats que vous avez constaté sont positifs ?

Mme George PauLangevin. Nous avons quelques interrogations sur ce budget, s’agissant en particulier des suites du plan Préfectures nouvelle génération. Nous avons bien compris qu’il s’agissait de recentrer les préfectures sur leurs missions essentielles, mais il est très problématique pour les usagers de ne plus pouvoir désormais s’adresser à leurs guichets pour obtenir une carte grise ou une carte d’identité.

Le Défenseur des droits vous a expressément enjoint, en 2018, de proposer aux usagers des solutions alternatives à la dématérialisation de ces procédures. Or nous ne voyons pas trace, dans ce budget, de crédits affectés à la mise en place de ces alternatives.

S’agissant des étrangers, c’est encore pire, puisque l’administration ne parvient pas à leur fixer de rendez-vous dans les délais nécessaires au renouvellement de leurs titres de séjour et que beaucoup se retrouvent dès lors en situation irrégulière.

Enfin, en matière de prévention de la radicalisation, nous ne voyons pas non plus quels sont les moyens dégagés pour mettre sur pied la structure de prévention auprès des jeunes dont il avait été question.

M. Ugo Bernalicis. En réalité, on continue à supprimer des effectifs, même si on regroupe ceux des directions régionales de l’environnement, de l’aménagement et du logement et d’autres directions interministérielles dans les nouveaux secrétariats généraux communs. C’est contradictoire avec votre objectif, que je considère par ailleurs comme une bonne nouvelle, de redépartementaliser la politique du ministère de l’Intérieur. Vous le faites parce que c’était une demande très forte des gilets jaunes d’avoir des services de l’État de proximité.

Il est regrettable d’avoir fermé, par le passé, les portes des sous-préfectures, chassé le public de ces lieux puis d’en avoir changé le nom pour en faire des Maisons France Service qui accueilleront de nouveau du public avec des personnels issus d’autres administrations, d’autres structures parapubliques, voire dans certains cas privées. Il faut écouter davantage les élus du peuple, c’est-à-dire les députés ou les élus des élus que sont les sénateurs, qui alertent depuis des années sur le besoin de services publics de proximité. Il est d’autant plus nécessaire qu’il y ait des serviteurs de l’État dans ces structures de l’État qui accueillent du public au regard du business qui s’est développé en Seine-Saint-Denis sur des sujets comme celui des titres de séjour, juste pour avoir un rendez-vous en préfecture, problème sur lequel mon collègue Alexis Corbière vous a interpellé à plusieurs reprises et continuera de le faire. Comment a-t-on pu en arriver là ?

S’agissant des effectifs, si la priorité est donnée dans les préfectures aux bureaux d’immigration, tout n’est pas réglé dans les autres services. On peut se satisfaire des réformes précédentes menées dans le cadre du plan Préfectures nouvelle génération, mais globalement ce n’est pas un grand succès, et tout n’est pas encore résolu pour les professionnels en ce qui concerne la délivrance des cartes grises.

Quant au service des achats, de l’innovation et de la logistique, dont l’acronyme SALMI ne correspond à rien mais on y est habitué dans l’administration… le fait de centraliser et fusionner permet-il de faire des économies ? Et sur quoi ? Et de quelle manière ? Pour acheter moins cher ? C’est comme cela qu’avec le service de l’achat, des équipements et de la logistique de la sécurité intérieure (SAELSI) on a créé d’énormes frustrations et difficultés entre la police et la gendarmerie, ne serait-ce que pour des pièces détachées automobiles et motos. En centralisant encore davantage, vous voulez nous faire croire que le service sera mieux rendu pour les fonctions métier qui en ont besoin. Je ne crois pas que ce sera le cas, car l’objectif n’est pas de mieux acheter mais de faire des économies. C’est la même chose avec les secrétariats généraux communs : il ne s’agit pas de mieux coordonner mais de faire des économies d’échelle. Assumez cette politique, allez jusqu’au bout de votre logique, mais sachez qu’au bout de cette logique administrative de réorganisation il y a beaucoup de difficultés, de frustrations et une perte de sens de certains métiers qui finissent par être industrialisés.

Enfin, je pensais que le service des technologies et des systèmes d’information de la sécurité intérieure, le ST(SI)2, pilotait tout ce qui concerne le numérique, mais ce n’est pas le cas puisqu’il faut créer une direction du numérique. Je voudrais vous faire une suggestion : un marché public a été passé pour une nouvelle version du logiciel des ressources humaines du ministère de l’écologie, RenoiRH, et un autre pour le logiciel du ministère de l’Intérieur, DIALOGUE, qui va devenir DIALOGUE 2. Il y a donc deux marchés avec Access pour faire évoluer des logiciels qui ont vocation à fonctionner en commun puisque les secrétariats généraux vont être mutualisés. Ne pourrait-on pas cesser de faire des réformes juste pour un effet d’affichage, et planifier ? Vous verrez qu’à la fin cela aura sans doute plus de sens pour les agents et que cela permettra peut-être même de réaliser des économies qui pourront être redéployées au sein du ministère.

M. Paul Molac. Monsieur le ministre, j’ai bien entendu votre volonté de muscler un peu les préfectures, en particulier les préfectures de département. Il est vrai que nous avons souvent des demandes très locales qui ne nécessitent pas forcément de remonter à Paris, loin s’en faut. Il faudrait que les préfets de département ou de région qui travaillent quand même largement ensemble – il ne faut pas croire qu’il y a des barrières entre les préfectures – puissent donner un avis ou prendre des décisions – cela ne semble ni disruptif, ni contraire à l’égalité. Bien évidemment, il faut éviter que les préfets prennent la place des élus, ce qui arrive parfois. J’en veux pour preuve la façon dont certains établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) ont été formés : ils relevaient davantage de la vision du préfet, voire du président de département, que de l’ensemble des élus. Il faut éviter d’aller trop vite, avoir tout simplement une vision globale et demander clairement aux élus locaux.

Dans le projet de loi relatif à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique, vous proposez que les collectivités locales puissent saisir directement le préfet pour contrôler la légalité de leurs actes. Avez-vous prévu les sommes nécessaires ? Je pose cette question parce que les crédits de l’action 03 « Contrôle de la légalité et conseil aux collectivités territoriales » baissent de 20 %. Je ne vois pas comment on pourra améliorer le conseil aux collectivités locales si les crédits diminuent.

J’appelle votre attention sur la dématérialisation, en particulier du service aux étrangers parce qu’il y a là une thrombose. Par exemple, le service de Nantes est particulièrement bloqué et beaucoup de gens se retrouvent momentanément sans permis de séjour – quand je parle des étrangers, ce sont souvent chez nous tout simplement des Britanniques. Aussi conviendrait-il de muscler ces services pour éviter des délais de six mois minimum.

S’agissant des élections, il y aura effectivement trois scrutins en 2020 : les élections municipales, les élections sénatoriales et le référendum en Nouvelle-Calédonie. Aussi est-il normal d’inscrire des crédits. Je note une stabilité, mais en réalité une baisse tendancielle, en ce qui concerne les aides aux partis politiques, puisque les crédits s’élèvent à 68,7 millions, contre 80 millions en 2000.

Le rapporteur pour avis a parlé de la médiation du crédit. La proposition d’aide aux petites listes et la prise en charge automatique des dépenses de propagande me paraissent être une bonne idée. Certes, il s’agit d’une somme de 50 à 60 millions, mais cela permettrait d’ouvrir largement l’offre, et ces dépenses restent en dessous de ce que l’Allemagne ou la Suède consacrent à leurs élections.

M. Guillaume Vuilletet. Monsieur le ministre, je vous poserai deux questions.

La première concerne les conditions d’accueil en préfecture en lien avec la politique migratoire. Il suffit d’entrer dans nos préfectures pour constater que les services d’accueil sont très largement saturés. Où en sommes-nous dans le renforcement des effectifs et dans l’aménagement des locaux ? C’est un enjeu fort en matière de respect des personnes qui arrivent sur le territoire, ainsi bien entendu que d’accueil des autres citoyens.

Ma seconde question porte sur les élections. Quel est votre sentiment sur ce serpent de mer qu’est l’éventuelle digitalisation des campagnes officielles ? Cela peut paraître très sympathique car on pense que c’est bon pour l’environnement, mais les derniers chiffres montrent que ce n’est pas toujours le cas et que le numérique a lui aussi une empreinte carbone considérable. C’est un problème démocratique : comment garantir l’égalité des citoyens devant l’accès à l’ensemble des documents ? C’est aussi un problème de protection des données : comment faire en sorte que personne ne puisse savoir vers quelle propagande se tournent les citoyens ? C’est enfin une question sociale puisque nous ne sommes pas tous égaux et que la fracture numérique existe encore dans notre pays.

Mme Nicole Dubré-Chirat. Le ministère de l’Intérieur a pour mission de garantir l’exercice des droits des citoyens dans le domaine des élections, de la vie associative et de la liberté religieuse. Les crédits nécessaires à l’exercice de ces missions sont portés par le programme 232 « Vie politique, cultuelle et associative ». En ce qui concerne les élections, le ministère de l’Intérieur est tenu de garantir aux électeurs l’égalité et le secret de leur vote, de permettre à tout citoyen respectant les critères d’éligibilité de se présenter aux élections et de mener sa campagne électorale dans le respect du principe d’égalité de traitement des candidats. Le respect de ces principes à valeur constitutionnelle guide toutes les étapes de l’organisation matérielle des élections, de la prise des candidatures par la préfecture à l’envoi de la propagande électorale aux électeurs et à la tenue des bureaux de vote.

L’évolution des crédits inscrits dans le programme 232 est corrélée au calendrier électoral. Les élections des représentants au Parlement européen et les élections provinciales en Nouvelle-Calédonie se sont déroulées en 2019. En 2020 auront lieu les élections municipales et sénatoriales et la deuxième consultation en Nouvelle-Calédonie sur l’accession à la pleine souveraineté et des élections municipales, dont le nombre de candidats, ainsi que les modalités d’organisation, nécessitent une augmentation des crédits de 19 % en AE et 17 % en CP par rapport à l’année 2019. Pouvez-vous nous en dire plus sur l’organisation et le financement de ces élections, en complément des réponses aux questions de mes collègues Masson et Molac ?

M. Olivier Marleix. Je crois savoir que le Gouvernement a laissé passer un amendement, lors de la première lecture au Sénat du projet de loi relatif à l’engagement dans la vie locale, sur le nuançage des candidats aux élections municipales. Si on ne nuance plus du tout les candidats dans les communes de moins de 3 500 habitants, le vote de 20 millions de Français sera passé sous silence lors des prochaines élections municipales – je comprends bien que ce ne sont peut-être, a priori, pas ceux qui sont les plus favorables à la République en Marche. Il y a là une petite inquiétude sur une envie de dissimulation, d’arrangement… de la présentation des résultats de ces élections municipales. Comment comptez-vous traiter les chiffres des prochaines élections municipales ?

Le Président de la République, dans un discours sur le corps préfectoral, après la crise des gilets jaunes, avait demandé que le corps préfectoral soit davantage à l’image des Français. Lorsque je vous ai interrogé à ce sujet, en tant que rapporteur sur l’exécution de la loi de finances pour 2018, vous m’avez répondu : recrutement, diversification de l’origine professionnelle, etc. Je pense que le Président de la République parlait d’origines sociales différentes, notamment de nommer demain des préfets issus de familles vivant de l’autre côté de Méditerranée dans lesquels pourraient s’identifier des jeunes de nos quartiers. Or force est de constater que le corps préfectoral n’incarne pas actuellement une grande diversité. Je lis régulièrement dans le bulletin quotidien les nominations de préfets et j’attends toujours des gestes forts en la matière. Cela fait-il partie de vos projets ?

M. Stéphane Peu. La place des services publics dans les territoires ainsi que le rôle et l’autorité de l’État font partie des revendications qui ont été exprimées lors des événements de ces derniers mois. Aussi, je m’interroge sur la proposition qui consiste à installer dans certaines sous-préfectures des maisons France Service. Cela risque de créer de la confusion et ne pas aller dans le sens d’un renforcement du rôle et de l’autorité de l’État sur l’ensemble du territoire.

Quant à la politique de dématérialisation, qu’il s’agisse des permis de conduire, des cartes de résidents pour les étrangers, etc. elle fait apparaître de très graves dérives qui entravent fortement l’autorité de l’État – je vous ai déjà adressé une question écrite sur le sujet. Sachez que des usagers m’envoient des photographies que je transmets à mon tour très régulièrement par courrier au préfet de Seine-Saint-Denis montrant des boutiques qui, pour 150 euros – c’est un prix plancher – font gagner vingt jours d’attente pour un rendez-vous au service du permis de conduire ou pour une carte de résident. Il y a là un système de corruption, un trafic lucratif autour de la dématérialisation, du manque de personnel et de l’embouteillage dans les services de l’État. Qu’en est-il de l’autorité de l’État quand vous voyez dans les rues d’une ville – et cela n’existe pas que dans mon département – des boutiques qui vous permettent, moyennant finances, d’obtenir plus rapidement un rendez-vous auprès des services de l’État ?

Mme Hélène Zannier. Ma question, à laquelle s’associe ma collègue Naïma Moutchou, porte également sur l’action de l’Agence nationale des titres sécurisés (ANTS).

Comme j’ai eu l’occasion de le dire lors de mon intervention précédente, l’un des aspects importants de la modernisation des préfectures est la dématérialisation des procédures de délivrance d’un certain nombre de documents. Cette dématérialisation repose sur l’un des opérateurs principaux du programme, à savoir l’ANTS.

Les premières années de mise en œuvre de ces procédures ont révélé effectivement des difficultés et des délais de délivrance des titres parfois très longs, et nous avons tous d’ailleurs été sollicités dans nos permanences par des particuliers. Il faut souligner que ces délais ont ensuite été grandement réduits en 2019 et que les objectifs de performance de la mission promettent des délais encore plus courts en 2020.

Quels sont les objectifs du ministère en matière de délivrance des titres sécurisés et comment compte-t-on s’y prendre pour les atteindre en 2020 ?

Je voudrais évoquer rapidement le dispositif Alicem, la future application numérique permettant la reconnaissance faciale qui relève elle aussi de l’ANTS. Le lancement prochain de l’application semble avoir défrayé la chronique. Les réactions suscitées pourraient-elles conduire à une remise en cause ou à une évolution de ce programme ? Le cas échéant, quelles seraient les conséquences sur les crédits mobilisés pour la création de cette application ?

M. Christophe Castaner, ministre de l’Intérieur. Monsieur Masson, je partage avec vous ce sentiment d’abandon, parfois exagéré d’ailleurs, parce que quand on regarde quels sont les services publics d’État qui ont reculé ces dix dernières années dans nos circonscriptions, en réalité on constate qu’il y en a moins que la perception qu’on en a. Mais la perception est essentielle et on doit réaffirmer la place de l’État dans son volet de protection. Les gens ne veulent pas des services publics pour avoir des services publics, ils veulent la protection que garantit l’État au travers de toutes ses formes. C’est pour cela que l’affirmation du fait départemental au niveau de l’État doit permettre de renforcer ce sujet-là.

Plusieurs d’entre vous m’ont interrogé sur les maisons France Service. Il ne faut pas penser une seconde que l’amélioration des services rendus aux usagers entraînera la fermeture ou l’abandon des sous-préfectures. L’État est présent dans les maisons France Service et complète sa capacité d’offre de services avec d’autres opérateurs. Lorsque les sous-préfectures joueront ce rôle-là, elles ne verront que leurs capacités à se renforcer. Mais il faut, en parallèle, instaurer des standards de qualité du service et garantir des référentiels de qualité des prestations. Plutôt que de décider, depuis la place Beauvau, quelles sont les cent sous-préfectures où il faut ouvrir une maison France Service, j’ai demandé aux préfets de nous faire remonter, avant la fin de ce mois, des propositions sur lesquelles ils sentent une dynamique. Notre objectif n’est pas de se substituer, mais de compléter le réseau existant – il ne s’agit surtout pas d’être en concurrence –, ainsi que de compléter les autres propositions qui peuvent émaner des collectivités locales.

Mon objectif est effectivement qu’il y ait cent maisons France Service dans des préfectures – nous avons reçu soixante-deux propositions. Mais je ne veux pas en faire un casus belli, un objet de fâcherie avec les préfets en demandant qu’il y en ait cent d’ici à la fin de l’année. Je veux un partage politique, que la sous-préfecture considère que c’est une façon d’évoluer.

M. Jean-Louis Masson et d’autres intervenants ont parlé des risques liés à la dématérialisation. La dématérialisation est un outil, mais ce n’est pas le seul. Là aussi, il faut renforcer le maillage territorial. Il y a actuellement 325 points numériques dans des préfectures ou des sous-préfectures. C’est aussi une façon de répondre à la rupture numérique qui existe, à la fois sur l’accessibilité de son domicile et sur la compréhension. C’est pourquoi un accompagnement est indispensable, ce que font déjà beaucoup de collectivités locales.

Plusieurs d’entre vous ont également évoqué la question du financement de la vie politique et du droit aux comptes. Il faut avoir en tête que nous avons connu 23 % de refus d’ouverture de comptes aux élections européennes. Mais comme il y avait de nombreuses listes, certaines n’avaient pas la structure politique des autres, ce qui a fait l’objet de quelques hésitations. Je sais que deux grandes listes, représentées à l’Assemblée nationale, qui ont connu dans un premier temps des difficultés de financement, ont finalement trouvé des solutions. C’est aussi le rôle du médiateur du crédit de faire le lien pour permettre ce financement-là.

S’agissant de l’accès au crédit, je rappelle que le compte n’est pas obligatoire pour les communes de moins de 9 000 habitants. Il n’y a donc pas non plus de remboursement de compte de campagne. Monsieur Molac, vous avez parlé des petites listes, mais je ne sais pas s’il s’agissait des petites listes en référence au parti politique auquel elles s’adossent ou aux petites listes dans les petites communes. C’est une réflexion législative que vous pouvez avoir, mais nous n’envisageons pas de rendre obligatoire le compte de campagne pour les candidatures dans les communes de moins de 9 000 habitants et donc de prévoir, dans leur cas également, le remboursement pour les frais de campagne. Celui qui a été réélu à deux reprises maire de Forcalquier, une commune qui compte 5 000 habitants, peut le regretter, mais il n’empêche que c’est aussi une liberté. Cela permet la candidature de personnes qui n’ont pas à passer par le biais des contraintes que l’on connaît quand on doit déposer le compte de campagne.

Je ne crois pas qu’il faille créer un nouveau site internet, mais s’appuyer sur le site internet du médiateur sur l’accessibilité au crédit. Je vous indique, monsieur Masson, que nous avons prévu les crédits nécessaires pour que le médiateur du crédit puisse effectivement être le site de référence sur la question du financement des campagnes électorales.

J’en viens à la question très concrète du paiement par PayPal qui est une attente de nombreux partis politiques. À l’heure où je vous parle, nous ne pouvons pas être certains d’avoir la traçabilité nécessaire à son intégration dans les comptes de campagne. L’année dernière, nous avons eu une démarche très pragmatique en appliquant la jurisprudence anticipée de la Commission nationale des comptes de campagne sur les dons d’Européens. Certains partis politiques ont dû rembourser les sommes versées. Pour le moment, nous avons le sentiment que PayPal ne nous permet pas de travailler sur ce sujet. Il n’empêche qu’il ne faut pas fermer la porte et qu’un petit groupe de travail a été créé avec les équipes du ministre Bruno Le Maire pour réfléchir à la manière d’intégrer ces nouveaux moyens de gestion dans le quotidien des Français.

Vous m’avez interrogé sur le dispositif des aides publiques dans le financement des partis politiques. Ces aides, dont le calcul se fait en deux tranches, en fonction des résultats des élections législatives pour la première tranche, sont stables depuis 1988. Elles permettent, à mon sens, de concilier l’objectif de pluralisme politique et des critères objectifs de répartition. Le Gouvernement ne souhaite pas les revoir. Mais le Parlement est libre de le faire s’il le souhaite. Je ne remets pas en cause les suggestions qu’a pu faire le médiateur du crédit, mais elles ne sont pas la doctrine du Gouvernement.

Mme Zannier m’a interrogé sur les limites de la dématérialisation, préoccupation que je partage. C’est pourquoi il faut que nous puissions y répondre. S’agissant du caractère opérationnel ou non d’Alicem, vous soulignez, à juste titre, qu’un débat a lieu, qui a eu comme conséquence de l’assimiler à une technologie de reconnaissance faciale. Je vous précise qu’un recours a été formé devant le Conseil d’État contre le décret qui a autorisé l’application d’Alicem. Je crois qu’il faut raison garder, ces sujets faisant l’objet d’une hyper-réactivité très nationale. On a pensé pendant longtemps que le minitel était un outil formidable. La preuve, c’est qu’on l’a inventé et qu’on a pris du retard sur internet, retard qu’on a pu ensuite rattraper. Il faut que ces nouveaux outils fassent l’objet de toutes les garanties, la première d’entre elles étant la non-utilisation de fausses identités pour celui qui fait une demande de carte nationale d’identité, par exemple. Il faut avoir en tête que la reconnaissance faciale le permet. Nous attendons la décision du Conseil d’État avec une certaine sérénité car nous savons qu’il va analyser les inquiétudes qui se sont manifestées dans le débat public ces derniers jours.

La Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) a déjà eu à se prononcer puisque nous l’avons sollicitée avant de lancer le dispositif, en précisant que les données doivent être « adéquates, pertinentes et limitées à ce qui est nécessaire au regard des finalités pour lesquelles elles sont traitées ». Elle a émis une réserve sur l’absence d’alternative à la reconnaissance faciale mais pas du tout sur le principe de son utilisation. Je précise qu’aucune donnée de reconnaissance faciale ne sera stockée par le ministère de l’intérieur. Le cadre juridique est donc rigoureux. Nous attendons évidemment la décision du Conseil d’État et la prochaine ouverture publique des possibilités offertes par cette application sur laquelle il nous faut réfléchir avec Cédric O, qui a lancé quelques pistes, quelques réflexions sur la participation d’une association de citoyens qui permette de faire diminuer le niveau d’inquiétude. Je considère que ces inquiétudes sont légitimes sur de tels sujets, et il faut veiller à donner toutes les garanties à nos concitoyens et éviter toute mauvaise interprétation. Mais faisons en sorte que les premiers cris d’orfraie qui sont poussés sur tous les sujets ne bloquent pas des avancées significatives.

Madame Pau-Langevin, oui les dysfonctionnements de l’ANTS ont été massifs. Mais je ne voudrais pas que vous nous en fassiez le reproche. Nous n’avons pas décidé assez brutalement la dématérialisation des titres sans inscrire les moyens en face. Il faut vraiment s’interroger sur la manière d’avancer, mais encore faut-il savoir que nous étions dans une situation anormale et qu’il a fallu mettre des moyens pour avoir une démarche d’accompagnement des usagers. C’est le prototype même de la décision politique : on partait d’une vraie bonne idée, mais sans les moyens, ce qui a abouti à une situation très compliquée.

Aujourd’hui, 80 % des demandes adressées par courriel sont traitées en moins de vingt-quatre heures, ce qui constitue une vraie amélioration du service ainsi qu’une amélioration par rapport au service papier que nous connaissions précédemment.

Nous avons lancé des enquêtes de satisfaction auprès des usagers permettant de constater les progrès. À la fin de l’année 2018, 70 % des usagers se sont déclarés satisfaits ou très satisfaits des démarches en ligne proposées. En 2020, la refonte du site internet de l’Agence, le développement d’une application mobile pour faciliter la vente et l’achat de véhicules, par exemple, seront mis à l’étude pour améliorer encore l’orientation des usagers de cet opérateur du ministère de l’Intérieur. Je précise que d’ici à la fin de l’année, nous aurons triplé les effectifs de l’ANTS, pour les porter à 200 personnes.

Globalement, et je le dis en saluant le travail qui a été fait au regard de la pression qu’elle a connue, l’ANTS a réalisé un effort important de correction des bugs, d’amélioration continue de téléprocédures, et de diversification des canaux d’accompagnement – portail web, ligne téléphonique dédiée pour les professionnels et les particuliers, formulaire web, compte Twitter, tenue d’un « chat » sur Facebook pour répondre à ces questions. À cela s’ajoute une information systématique des usagers par SMS sur l’avancement de leurs démarches en ligne, un taux de réponse aux appels téléphoniques de 80 % pour les cartes grises et les permis de conduire, et le traitement des courriels en vingt-quatre heures dans 80 % des cas. C’est un bon pourcentage, mais il y a encore une marge de progrès pour atteindre les 100 % qui sont absolument indispensables.

Certains d’entre vous ont évoqué la question des permis de conduire étrangers pour laquelle la situation est loin d’être normale. Il y a quelques jours, j’ai pris un certain nombre de décisions avec les services du ministère de l’Intérieur et nous devons changer en profondeur la façon dont nous appréhendons ce dossier. Je ne peux pas aujourd’hui faire état d’améliorations parce qu’elles ne sont pas constatées et que des dysfonctionnements perdurent.

Concernant les titres de séjour, les effectifs ont été renforcés de 270 ETP depuis 2017. 15 % des personnels des préfectures sont affectés à ce service, pourcentage bien plus élevé dans certains départements. Nous allons également déployer d’autres outils numériques, comme le projet Administration numérique pour les étrangers en France (ANEF) pour mieux exploiter les possibilités offertes par le numérique, avec des garanties d’accessibilité, de sécurité et de confidentialité qui sont absolument nécessaires.

Plusieurs députés, dont M. Peu, ont parlé de cette anomalie qui existe dans certains départements où des gens font commerce des rendez-vous numériques. C’est un pur scandale. Nous avons lancé une mission d’appui à la préfecture pour paramétrer différemment nos dispositifs.

Si j’étais parlementaire, je m’intéresserais à ces plateformes qui se positionnent comme des interfaces, entre services publics et privés. Je prendrai l’exemple d’une billetterie pour un concert. On dit souvent : c’est formidable, tel concert s’est vendu en une heure quinze. En réalité, c’est du « pipeau » : des opérateurs achètent des places à 90 euros pour les revendre immédiatement plus cher. Essayez de taper sur votre clavier « concert de Christophe Castaner » et vous verrez…

M. Ugo Bernalicis. Je ne suis pas sûr que j’aurai envie d’y aller…

Mme Hélène Zannier. Nous, on viendra !

M. Christophe Castaner, ministre de l’Intérieur. Ce que je voulais dire par là, c’est qu’il est anormal que de tels algorithmes existent, qui privent de ressources ceux qui ont besoin d’un rendez-vous rapide ou qui souhaitent assister à un spectacle.

Monsieur Larrivé, je ne commenterai pas l’approche de la gestion du sanitaire et le dialogue fécond avec les ARS – j’utiliserai un joker en tant qu’élu local. Il est important que les préfets, dans cette fonction d’interface des élus en particulier, puissent conforter leur rôle de lien avec les ARS. Je sais que des consignes ont été données en ce sens par la ministre Agnès Buzyn.

Vous m’avez interrogé sur la question des cultes. En la matière, nous sommes face à un paradoxe sur lequel il faudra bien s’interroger un jour puisque l’État et les collectivités locales n’ont pas le droit de financer un culte, tandis qu’un pays étranger peut le faire. Cela mérite d’ouvrir un débat, sans trahir l’esprit de la loi de 1905. Comme ce budget ne porte que sur la politique des cultes en Alsace et en Moselle, il est faible alors que le budget des cultes en France est bien plus élevé. Nous intervenons aussi, et je crois que c’était le sens de votre question, sur les diplômes d’université de formation civile et civique, autrement dit la partie républicaine de la formation qui s’applique à tous les cultes, ainsi qu’à la formation complémentaire cultuelle que vont connaître les imams par exemple. Le ministère de l’Intérieur a choisi, depuis 2008, de monter progressivement en puissance sur ces sujets et à la fin de cette année nous financerons vingt-deux diplômes universitaires – un vingt-troisième est déjà dans les tuyaux pour l’année prochaine – pour un montant qui n’est pas extrêmement élevé.

J’en viens plus précisément à la question de la formation et des accords avec les gouvernements étrangers. Il y a actuellement 300 imams et 300 psalmodieurs qui viennent principalement de trois pays : le Maroc, l’Algérie et la Turquie. En la matière, on est face à quelques anomalies : celle de l’intervention des pays étrangers – on peut s’interroger sur le financement et la mise à disposition d’imams – et de la langue dans laquelle on professe. Je ne parle pas là de la langue du texte puisqu’il ne s’agit pas d’imposer une traduction à un texte en langue arabe, mais de l’ensemble des interventions de celui qui professe qui devraient se faire en Français. Or les gens qui sont formés dans des pays étrangers n’ont pas nécessairement la maîtrise de la langue, ce qui représente une vraie difficulté. Nous avons engagé des discussions avec ces trois pays. Elles sont bien avancées avec le Maroc, avec l’objectif de mettre un terme progressivement à la mise à disposition. Le Maroc a mis en place des outils pour que la formation ait lieu en Français et que l’on puisse ainsi contrôler le système. C’est plus difficile avec l’Algérie pour des raisons de politique interne à ce pays, et plus difficile encore actuellement avec la Turquie pour laquelle ce sujet n’avance pas. Nous avons la volonté de faire en sorte qu’à une échéance à définir ceux qui professent en France ne soient pas mis à disposition par des pays étrangers et qu’ils soient obligés de professer en Français. C’est une mesure de bon sens que nous devrions partager.

Vous avez abordé, comme Mme Pau-Langevin, la lutte contre la radicalisation. Cette mission est confiée au secrétaire général du comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation, qui est rattaché à Matignon et non au ministère de l’Intérieur. Aujourd’hui, la mobilisation contre la radicalisation se joue au niveau interministériel, l’essentiel est notre capacité à travailler dans les quartiers concernés par le développement de l’islamisme avec l’ensemble des acteurs : éducation nationale, sports, culture, ainsi que les collectivités locales qui ont un rôle important à jouer. Une approche budgétaire centrée sur le ministère de l’Intérieur serait orientée vers le seul aspect sécuritaire de la question – le combat contre le terrorisme – qui est bien plus vaste.

Monsieur Latombe, je suis à l’aise pour vous répondre à propos des dépenses de contentieux, car les choix ont été faits par mon prédécesseur, Gérard Collomb. Lors de la prise de fonctions de ce Gouvernement, il a été décidé de remettre à niveau le budget consacré à ces dépenses, qui est ainsi passé de 46 à 80 millions. Il y a toujours une part de risque à anticiper sur des décisions de justice inconnues, mais les 80 millions prévus permettent de faire face aux besoins tels que nous les appréhendons aujourd’hui, et nous n’avons pas eu besoin de décrets d’avance ou de dispositions en loi de finances rectificative sur ce poste budgétaire.

Pour les années à venir, nous savons que la responsabilité de l’État est souvent recherchée pour les préjudices nés de troubles à l’ordre public, comme nous en avons connu en 2019. Les conséquences de ces contentieux éventuels se feront sentir en 2021, par le jeu des assurances. Évidemment, nous ferons face à nos obligations.

Paul Molac a mentionné les difficultés du site de Nantes à gérer les échanges de permis de conduire étrangers. La situation n’est pas satisfaisante, j’ai décidé de porter les effectifs à quatre-vingts équivalents temps plein, le double des prévisions initiales. Nous devons mener un travail de simplification pour avancer plus rapidement. En ce qui concerne les petites listes, je crois avoir répondu.

Guillaume Vuilletet a abordé un sujet récurrent : le maintien de la propagande électorale sur papier. Nous devrons un jour mener une étude sérieuse pour connaître le taux de lecture et le taux d’adhésion à la propagande sur papier, nous pouvons tous faire des estimations au doigt mouillé sur le fondement de nos expériences d’élus locaux, mais je pense que nous serions surpris. Elle n’en demeure pas moins un objet politique majeur, et je ne veux surtout pas en annoncer la dématérialisation obligatoire, car aucune décision n’a été prise à cet égard. Mais cette option devrait être plus largement offerte à nos concitoyens, et le répertoire unique électoral pourra nous y aider. Nous devons travailler sur plusieurs pistes, mais la dématérialisation obligatoire de la procédure n’en fait pas partie. J’ai siégé pendant cinq ans au sein de la commission des finances, et tous les ans, le sujet revenait, poussé par certains, tandis que les autres parlementaires protestaient vigoureusement. Il faut néanmoins nous interroger, la société évolue et le système actuel d’envoi de la propagande sur papier connaît des difficultés. Ces difficultés ne sont pas une raison pour le supprimer, mais elles sont toujours cause de contentieux lors des élections locales ou régionales, on accuse l’exécutif en place d’avoir manigancé avec la Poste ou les agents des préfectures pour que la distribution se passe mal. Nous savons tous que c’est faux, mais nous devons tout de même nous interroger à ce sujet.

Mme Dubre-Chirat, je pense vous avoir répondu s’agissant des budgets d’organisation des élections.

Certains d’entre vous ont évoqué la consultation en Nouvelle-Calédonie, dont je n’ai pas parlé dans mon propos liminaire. Elle est importante pour la Nouvelle-Calédonie, pour que le débat démocratique continue à bien y fonctionner. Le Premier ministre a présidé une réunion pendant plus de quinze heures, il y a une dizaine de jours, avec l’ensemble des acteurs. Le calendrier est suivi, il n’entrera pas en conflit avec les élections municipales, et il faut saluer la volonté de tous les acteurs d’avancer positivement sur ces sujets.

Monsieur Marleix, vous m’avez interrogé sur le nuançage. N’y voyez pas de volonté politique du Gouvernement, j’ai été interpellé au Sénat à ce sujet par un sénateur indépendant et le sénateur Maurey, de l’Union centriste, a fait adopter un amendement au projet de loi défendu par Sébastien Lecornu pour que cette mesure s’applique aux communes de moins de 3 500 habitants, tandis que je proposais 9 000.

Je reste ouvert à la discussion avec les parlementaires à ce sujet, nous savons tous que de nombreux candidats ne souhaitent pas entrer dans les cases « divers droite » ou « divers gauche », surtout quand l’étiquette du maire s’impose à toute la liste, ce qui ne correspond pas, bien souvent, à la réalité ; on le constate même dans de grandes villes.

Le nuançage est intéressant pour juger des grandes évolutions politiques sur trente, quarante ou cinquante ans, mais si l’on s’en sert pour interpréter politiquement les résultats, il produit des erreurs. Par exemple, le Parti socialiste a connu une violente défaite lors des élections municipales de 2001, mais elle avait été estompée par les succès à Paris, Lyon – et à Forcalquier ! – et le PS n’en a pas tiré les leçons.

Le ministère de l’Intérieur n’a pas l’intention de « dénuancer » pour masquer quoi que ce soit, je suis partisan d’échanger avec les responsables de chaque groupe qui suivent ces questions de près avant de prendre une décision, bien que l’amendement du sénateur Maurey figure maintenant dans le texte du projet de loi. Si nous sentons que cette question crée des tensions, nous adapterons le système. Une disposition législative n’est pas nécessaire, il s’agit d’une simple décision du ministère de l’Intérieur, et il est d’ailleurs anormal qu’un amendement ait été adopté à ce sujet.

La diversité dans le corps préfectoral est un problème de vivier. Nous devons aujourd’hui nous en préoccuper au niveau des sous-préfets, pour déterminer ceux qui pourront devenir préfets dans quelques années. Nous notons une réelle évolution positive ces dernières années, et la population a besoin de se reconnaître dans les représentants de l’État.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Merci monsieur le ministre.

La Commission examine, pour avis, les crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l’État ».

Article 38 et État B : Crédits du budget général

La Commission examine l’amendement II-CL58 de M. Ugo Bernalicis.

M. Ugo Bernalicis. Nous avons essayé d’évaluer le manque de personnel causé par les différentes réformes aux jolis sigles : RGPP, MAP, AP 2022… Sans ces réformes, combien y aurait-il de fonctionnaires supplémentaires, et quel en serait le coût pour cette mission ?

Nous pensons qu’il est nécessaire de recréer des emplois dans les administrations d’État au sein de la mission « Administration générale et territoriale de l’État ». Il est hypocrite d’appeler à rouvrir les préfectures et les sous-préfectures et faire des maisons France services, ou de dénoncer comme un scandale l’ouverture d’un marché pour la dématérialisation en préfecture de Seine-Saint-Denis, car si nous avions le nombre d’agents suffisant pour l’accueil dans les préfectures et les sous-préfectures et pour assurer l’autorité de l’État, nous ne serions pas en train de pleurnicher.

Je suis favorable à un « réarmement » de l’administration générale et territoriale de l’État, en recrutant des fonctionnaires dans les préfectures et les sous-préfectures où ce ne sont pas les missions qui manquent. Par ailleurs, en prenant en compte l’inflation et la hausse de la population, les baisses d’effectifs coûtent cher car elles diminuent de manière drastique le nombre de fonctionnaires par habitant.

M. Jean-Louis Masson, rapporteur pour avis. Je comprends l’argument, et j’ai d’ailleurs affirmé mon souhait d’un équilibre entre la réforme de l’État et le maintien d’un service de qualité sur l’ensemble du territoire.

Cela étant, le Gouvernement a lancé plusieurs réformes – action publique 2022, plan préfectures nouvelle génération – et prépare un projet de loi qui sera débattu après les élections municipales, appelé 3D pour « Déconcentration, décentralisation, différenciation ».

Ne faisons pas obstacle à la volonté du Gouvernement d’appliquer ses réformes et attendons les débats sur le projet de loi 3D. Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Monsieur le rapporteur, quel est votre avis sur les crédits ?

M. Jean-Louis Masson, rapporteur pour avis. Vous l’aurez compris à mon rapport, cet avis est défavorable.

Contrairement à l’avis de M. Jean-Louis Masson, rapporteur pour avis, la Commission émet un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Administration générale territoriale de l’État » pour 2020.

Avant l’article 73

La Commission examine l’amendement II-CL51 de M. Ugo Bernalicis.

M. Ugo Bernalicis. Nous demandons au Gouvernement de remettre un rapport sur les risques de démantèlement de l’État suite à la mise en place de plateformes spécialisées pour mutualiser certaines compétences, par préfecture. Nous avons évoqué le traitement des demandes de titres, et le business qui va avec. C’est une privatisation de l’accès au droit, dont les effets sont catastrophiques. Il faut écouter le bilan du défenseur des droits et les nombreuses sollicitations, alarmantes, de nos concitoyens. Le groupe La France insoumise plaide pour un État suffisamment fort pour faire respecter l’accès au droit, qui est fondamental.

M. Jean-Louis Masson, rapporteur pour avis. Vous demandez un rapport au Gouvernement sur l’application du plan préfectures nouvelle génération, et ses effets sur le personnel. Je n’y suis pas favorable, car il me semble curieux de demander au Gouvernement d’évaluer ses propres politiques. Il serait plus pertinent de faire cette évaluation dans le cadre d’une mission d’information, suite à l’adoption du projet de loi 3D.

M. Ugo Bernalicis. Nous pouvons toujours créer des missions… Nous souhaitons surtout interpeller nos collègues de la commission des Lois, car des études ont déjà été produites sur la dématérialisation, peut-être qu’il existe des rapports d’inspection dont nous n’avons pas connaissance, notamment concernant l’incroyable raté de la dématérialisation des cartes grises, qui n’est toujours pas réglé. Je vous invite à vous rendre à Charleville-Mézières, vous constaterez qu’il est fait appel à un service privé de plateformes téléphoniques pour compléter l’action de l’État dans un domaine éminemment régalien : la distribution de titres. Ce n’est pas satisfaisant, il faut arrêter de démanteler l’État de cette manière.

M. Jean-Louis Masson, rapporteur pour avis. Je vous comprends, ce sont les motifs qui m’ont amené à voter contre les crédits de la mission, mais je maintiens mon avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

 

 

 


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   Annexe n° 1 : répartition des recettes

   des formations politiques

Source : avis relatif à la publication générale des comptes des partis et groupements politiques au titre de l’exercice 2017.


   Annexe n° 2 : instruction des comptes

   des partis politiques par la CNCCFP en 2017

Source : Vingtième rapport d’activité de la CNCCFP sur l’exercice 2018, 15 avril 2019.


   Personnes entendues

   Mme Pascale Pin, cheffe du bureau des élections et des études politiques à la direction de la modernisation et l’action territoriale

   M. François Logerot, président

   Mme Sylvie Calvès, secrétaire générale

   Mme Marie-Anne Barbat-Layani, directrice générale

   M. Nicolas Bodilis-Reguer, directeur des relations institutionnelles

   M. Maxime Durier, chargé des relations institutionnelles

 

 


([1]) Issu de la circulaire du 26 septembre 2017 et déclinant les objectifs du Gouvernement pour transformer l’action publique.

([2]) Circulaire du 24 juillet 2018 relative à la déconcentration et à l’organisation des administrations centrales.

([3]) Avis budgétaire n° 278, tome I, au projet de loi de finances pour 2018 présenté par M. Olivier Marleix http://www.assemblee-nationale.fr/15/budget/plf2018/a0278-tI.asp

([4]) Pour rappel, les équivalents temps plein (ETP) permettent de prendre en compte la quotité de travail de chaque agent par rapport à un temps plein, tandis que les équivalents temps plein travaillé annuels (ETPT) permettent également de prendre en compte la durée de travail de ces agents sur l’année civile.

([5])  Jusqu’en 2016 les dépenses liées à ce dispositif n’étaient toutefois pas identifiées au sein d’autres dépenses.

([6]) Décret n° 2019-452 du 13 mai 2019 autorisant la création d’un moyen d’identification électronique dénommé « Authentification en ligne certifiée sur mobile ».

([7]) La loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique a interdit à un parlementaire élu en métropole ou dans une circonscription à l’étranger de se rattacher, pour l’attribution de la seconde fraction, à un parti ayant présenté des candidats uniquement outre-mer. Il est ainsi mis fin aux détournements du mécanisme de financement, qui consistaient à majorer artificiellement la seconde fraction perçue par des partis ultra marins, avant de la reverser à d’autres partis non éligibles au financement public.

([8]) Loi n° 2000-493 du 6 juin 2000 tendant à favoriser l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives.

([9]) Pour rappel, les articles L. 52-8 du code électoral et 11-4 de la loi du 11 mars 1988 prévoient linterdiction du financement des candidats et des partis par un État étranger ou dune personne morale de droit étranger. Le Conseil d’État, dans son avis du 6 mai 2019 sur les modalités d’intervention des partis politiques européens dans le cadre des élections des représentants au Parlement européen en France, a toutefois introduit une exception à ce principe en considérant que « les partis politiques européens peuvent participer, y compris financièrement, à la campagne en vue de lélection des représentants au Parlement européen en France, seuls ou conjointement avec des partis nationaux. » https://www.conseil-etat.fr/ressources/avis-aux-pouvoirs-publics/derniers-avis-publies/avis-sur-les-modalites-d-intervention-des-partis-politiques-europeens-dans-le-cadre-des-elections-des-representants-au-parlement-europeen-en-france

([10]) Rapport du médiateur du crédit aux candidats et aux partis politiques sur la campagne des élections européennes du 26 mai 2019, remis le 30 septembre 2019 au Parlement, conformément à l’article 28 de la loi du 15 septembre 2017 précitée.

([11]) Les comptes doivent être certifiés par un commissaire aux comptes si les ressources annuelles du parti ne dépassent pas 230 000 euros et deux commissaires si ces ressources sont supérieures.

([12]) Si un parti ne souhaite plus être soumis aux dispositions de la loi du 11 mars 1988, il lui appartient de mettre fin aux fonctions de son mandataire ou de décider de sa dissolution, et d’en informer la Commission. L’annexe n° 2 au présent avis présente les principaux chiffres relatifs à l’instruction des comptes des formations politiques par la CNCCFP.

([13]) Avis de la CNCCFP relatif à la publication générale des comptes des partis et groupements politiques au titre de l’exercice 2017, 11 janvier 2019. Ces formations politiques sont : le Parti socialiste, Les Républicains, le Parti communiste français, le Rassemblement National, La République En Marche, Europe écologie-les Verts, Jeanne, Union des démocrates et indépendants, Lutte ouvrière, l’Union des radicaux, centristes, indépendants et démocrates, Force Républicaine, le Parti de gauche, La France Insoumise, le Parti radical de gauche, l’Union populaire et le Mouvement démocrate. https://www.legifrance.gouv.fr/jo_pdf.do?id=JORFTEXT000037972463

([14]) Et non plus par parti depuis la loi du 11 octobre 2013 précitée, de manière à mettre un terme à la multiplication des micro-partis dont l’objet était de contourner ce plafond.

([15]) Un parti qui ne respecterait pas ses obligations légales en matière comptable et financière ne peut participer au financement d’une campagne électorale ou d’un autre parti.

([16]) Les partis n’ayant présenté des candidats qu’en outre-mer sont éligibles à l’aide publique à la seule condition d’avoir obtenu au moins 1 % des suffrages exprimés.

([17]) Cette diminution n’est pas applicable aux partis politiques n’ayant présenté des candidats qu’en outre-mer, lorsque l’écart entre le nombre de candidats de chaque sexe n’est pas supérieur à 1.

([18]) Avis de la CNCCFP précité. Ce nouveau règlement découle de l’obligation, introduite par la loi du 15 septembre 2017, pour les partis de tenir une comptabilité conforme aux règles établies par l’Autorité des normes comptables. Cette dernière a adopté, à cette fin, le règlement n° 2018-03 du 12 octobre 2018 relatif aux comptes d’ensemble des partis ou groupements politiques qui s’applique aux exercices ouverts à compter du 1er janvier 2018.

([19]) Ces pourcentages sont ceux constatés par la CNCCFP à l’occasion de la dernière élection organisée.

([20]) Ce pourcentage présenté dans le rapport du médiateur du crédit est proposé « à partir de quelques informations, d’après une documentation non totalement vérifiée contradictoirement, et selon les déclarations des partis. » Ce premier travail d’objectivation, qu’il convient de saluer, devra donc être poursuivi au cours des prochaines années.

([21]) À défaut de réponse de l’établissement de crédit dans un délai de quinze jours à compter de la demande d’ouverture de ce compte, la demande est réputée refusée.

([22]) D’autres organes effectuent également des contrôles, à l’instar de Tracfin, du Parquet national financier, de l’Agence française anti-corruption (AFA) et de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP).

([23]) Selon le médiateur du crédit, sept garanties peuvent être recensées, toutes les banques n’ayant pas les mêmes exigences : le respect des formes et un rendez-vous physique en agence, la présentation de plusieurs sondages, la solvabilité du candidat, une marge sur le seuil de remboursement anticipé par l’État pour prendre en compte une éventuelle réformation du compte de campagne par la CNCCFP, la qualité du bilan du parti, l’absence de risque de non-conformité du dossier du candidat au regard de la règlementation bancaire en vigueur et la conformité d’image et de réputation.

([24]) Alors que les candidats sont incités à déposer le plus tôt possible leur dossier de prêt les banques donneraient leur accord le plus tard possible pour s’assurer du score obtenu par le candidat et limiter les risques de non remboursement.

([25]) La durée du prêt est de cinq au plus si le taux n’est pas encadré et de 24 mois si le taux est entre zéro et le taux légal. Le montant des prêts accordés avec un taux inférieur au taux légal est limité à 15 000 euros, réduit à 9 200 euros en cas de campagne référendaire.

([26]) Sous réserve que leur siège social soit situé dans un État membre de l’Union européenne ou partie à l’accord sur l’Espace économique européen.

([27]) http://www.cnccfp.fr/index.php?art=734

([28]) Rapport d’activité pour l’exercice 2018.