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N° 3398

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 7 octobre 2020.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DU DÉVELOPPEMENT DURABLE ET DE L’AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2021 (n° 3360)

TOME II

ÉCOLOGIE, DÉVELOPPEMENT ET MOBILITÉ DURABLES

PROTECTION DE L’ENVIRONNEMENT
ET PRÉVENTION DES RISQUES

PAR M. Paul-André COLOMBANI

Député

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 Voir les numéros : 3360, 3399 (Tome III, annexe 16).


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SOMMAIRE

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Pages

Introduction

I. une hausse apparente des crédits du programme 181 due en réalité À un changement de périmètre

A. À périmètre constant, la baisse des crédits consacrés à la prévention des risques

B. Le programme 181 est doté de deux nouvelles actions en 2021

1. L’intégration du fonds de prévention des risques naturels majeurs dans le programme 181

2. Le regroupement des crédits de l’INERIS au sein d’une action unique

C. Un programme largement consacrÉ À la prévention des risques

1. La prévention des risques est au cœur du programme 181

a. La prévention des risques technologiques, industriels et des pollutions (actions  1 et n° 13)

i. La prévention des risques technologiques et des pollutions (action n° 1)

ii. Le financement de l’INERIS (action n° 13)

b. Le contrôle de la sûreté nucléaire et de la radioprotection (action n° 9)

c. La prévention des risques naturels et hydrauliques (actions n° 10 et n° 14)

d. La prévention des risques liés aux anciens sites miniers (action n° 11)

2. Le financement de l’Agence de la transition écologique (action n° 12)

II. réduire la vulnérabilité face aux inondations

A. LEs inondations, un phénomène naturel de plus en plus fréquent et intense

1. Les inondations constituent le premier risque naturel en France

2. Un phénomène amené à s’accroître

B. Un large éventail de dispositifs de prévision, de PRévention et d’alerte

1. Une déclinaison territoriale des outils de prévention

a. Les territoires à risque important d’inondation

b. Les plans de prévention des risques d’inondation

c. Les programmes d’action pour la prévention des inondations

d. La gestion des milieux aquatiques et de la prévention des inondations

2. Des instruments de prévision des inondations gérés par l’État

C. Renforcer les mesures actuelles de prévention et de gestion du risque d’inondation

1. Améliorer la connaissance de l’ensemble des acteurs

a. La connaissance des acteurs chargés de la prévention et de la gestion du risque d’inondation

b. L’information et la sensibilisation du grand public

2. Mieux prendre en compte le risque d’inondation dans l’aménagement du territoire et l’urbanisme

a. L’aménagement des cours d’eau

b. Les dégâts provoqués par l’artificialisation des sols

c. Mieux reconstruire après une inondation

EXAMEN EN COMMISSION

LISTE des personnes auditioNnées


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   Introduction

Le programme 181 est consacré à la prévention de nombreux risques, qu’ils soient naturels, technologiques, industriels, nucléaires ou miniers. Il apporte également un soutien à l’économie circulaire et au développement des énergies renouvelables, à travers le financement de l’Agence pour la transition écologique (ex-ADEME).

Si peu d’accidents industriels majeurs sont à déplorer sur le territoire, l’incendie survenu au sein de l’entreprise Lubrizol en septembre 2019 nous rappelle que le risque n’est pas nul.

Le changement climatique tend par ailleurs à accroître la fréquence et l’intensité des risques naturels, alors que la densification des populations sur les littoraux ou dans des zones potentiellement exposées à des aléas augmente les coûts humains et économiques des catastrophes naturelles. Les récentes inondations provoquées par la tempête Alex, qui ont affecté le sud-est de la France, en témoignent.

Enfin, les progrès de la technologie s’accompagnent de l’apparition de risques nouveaux, comme l’illustrent les débats autour des organismes génétiquement modifiés, des nanotechnologies ou, plus récemment, des effets du réseau 5G sur la santé.

Le programme 181, de par la diversité des formes de risques qu’il entend identifier, prévoir et prévenir, est donc à la fois ambitieux et essentiel.

Ce programme est doté de 1 032,7 millions d’euros en autorisations d’engagement (AE) et de 992,6 millions d’euros en crédits de paiement (CP) dans le présent projet de loi de finances (PLF) pour 2021.

Pour la première fois, les crédits consacrés à la prévention des risques dépassent le milliard d’euros en AE, mais cette évolution à la hausse s’explique par un effet de structure lié à l’intégration du fonds Barnier dans le budget général de l’État, au sein du programme 181.

Après un commentaire de l’évolution des crédits du programme, le présent rapport s’intéresse cette année plus particulièrement aux dispositifs permettant de limiter les risques d’inondation.


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I.   une hausse apparente des crédits du programme 181 due en réalité À un changement de périmètre

A.   À périmètre constant, la baisse des crédits consacrés à la prévention des risques

● Le tableau ci-dessous présente l’évolution des crédits du programme 181 par action, entre la loi de finances initiale (LFI) pour 2020 et le projet de loi de finances (PLF) pour 2021.

Évolution des crédits du programme 181 par action

(en euros)

Actions

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

LFI 2020

PLF 2021

Évolution (en %)

LFI 2020

PLF 2021

Évolution (en %)

Action 01 – Prévention des risques technologique et des pollutions

95 359 927

61 512 815

- 35,49 %

90 538 430

63 451 026

- 29,92 %

Action 09 – Contrôle de la sûreté nucléaire et de la radioprotection

60 769 325

109 146 698

79,61 %

65 769 325

67 146 698

2,09 %

dont titre 2

48 121 569

49 412 485

2,68 %

48 121 569

49 412 485

2,68 %

Action 10 – Prévention des risques naturels et hydrauliques

37 242 842

35 851 611

- 3,74 %

37 242 843

35 851 611

- 3,74 %

Action 11 – Gestion de l’après-mine et travaux de sécurité, indemnisations et expropriations sur les sites

38 777 130

39 777 130

2,58 %

38 777 130

39 777 130

2,58 %

Action 12 – Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie

588 833 800

551 590 604

- 6,32 %

588 833 800

551 590 604

- 6,32 %

Action 13 – Institut national de l’environnement industriel et des risques (INERIS)

 

29 824 608

 

 

29 824 608

 

Action 14 – Fonds de prévention des risques naturels majeurs (FPRNM)

 

205 000 000

 

 

205 000 000

 

Total (hors titre 2)

772 861 455

983 290 981

27,23 %

773 039 959

943 229 192

22,02 %

Total (hors titre 2) et hors FPRNM

772 861 455

778 290 981

0,70 %

773 039 959

738 229 192

- 4,50 %

Total hors FPRNM

820 983 024

827 703 466

0,82 %

821 161 528

787 641 677

- 4,08 %

Total toutes actions et tous titres

820 983 024

1 032 703 466

25,79 %

821 161 528

992 641 677

20,88 %

Source : Ministère de la transition écologique – Direction générale de la prévention des risques

Les crédits du programme 181 connaissent une forte hausse entre la LFI 2020 et le PLF 2021. Ils passent ainsi de 821 millions d’euros à 1 032,7 millions d’euros en AE (+ 25,8 %) et de 821,2 millions d’euros à 992,6 millions d’euros en CP (+ 20,9 %).

Toutefois, cette augmentation résulte d’un changement de périmètre lié à l’intégration au sein du programme 181 des crédits du fonds de prévention des risques naturels majeurs (FPRNM), dit « fonds Barnier », d’un montant de 205 millions d’euros.

À périmètre constant, les crédits du programme 181 hors titre 2 connaissent une relative stabilité en AE (+ 0,70 %) et une baisse importante en CP (- 4,50 %).

● L’évolution des crédits par titre de dépense met en lumière une très forte augmentation des dépenses du titre 5 (dépenses d’investissement), qui bondissent de 481 % en AE et de 611 % en CP, et du titre 6 (dépenses d’intervention), en hausse de 291 % en AE et de 321 % en CP, comme le montre le tableau suivant.

Évolution des crédits du programme 181 par titre

Titres

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

LFI 2020

PLF 2021

Évolution

LFI 2020

PLF 2021

Évolution

Titre 2

48 121 569

49 412 458

2,68 %

48 121 569

49 412 458

2,68 %

Titre 3

718 867 390

762 200 651

6,03 %

723 867 391

720 600 651

- 0,45 %

Titre 5

5 236 034

30 436 034

481,28 %

5 236 034

37 236 034

611,15 %

Titre 6

48 758 031

190 654 296

291,02 %

43 936 534

185 392 507

321,96 %

Total P181-T2

772 861 455

983 290 981

27,23 %

773 039 959

943 229 192

22,02 %

Total P181

820 983 024

1 032 703 439

25,79 %

821 161 528

992 641 650

20,88 %

Source : Ministère de la transition écologique – Direction générale de la prévention des risques

Là encore, cette hausse significative s’explique par la budgétisation des crédits du fonds Barnier à compter du PLF 2021.

L’évolution majeure du titre 5 est liée au fait que PLF 2021 prévoit 25 millions d’euros en AE et 32 millions d’euros en CP pour des acquisitions amiables, des expropriations ou relogements portés par l’État, ou encore des études et travaux sur les digues.

Le titre 6 évolue également favorablement sous l’effet de la budgétisation du fonds Barnier. En effet, 74 % des crédits du fonds sont des crédits d’intervention, majoritairement versés aux collectivités territoriales.

Enfin, les crédits du titre 3 connaissent une légère baisse dans le PLF 2021, de l’ordre de 0,45 % par rapport à la LFI 2020. Ces crédits sont majoritairement composés de subventions pour charges de service public (SCSP) portées par le programme, notamment celle versée à l’Agence pour la transition écologique (ex‑ADEME). La part des SCSP au sein du programme reste toutefois prépondérante, même si elle ne représente désormais plus que 64 % des crédits, contre 81 % en LFI 2020.

B.   Le programme 181 est doté de deux nouvelles actions en 2021

1.   L’intégration du fonds de prévention des risques naturels majeurs dans le programme 181

● Mis en place par la loi du 2 février 1995 relative au renforcement de la protection de l’environnement, le fonds de prévention des risques naturels majeurs (FPRNM), dit « fonds Barnier », finance une large série de mesures concourant à la prévention des risques naturels majeurs.

– Le fonds apporte des aides financières aux collectivités territoriales afin de leur permettre de réduire leur vulnérabilité face aux risques. Ces aides, qui représentent la majorité des crédits du fonds, peuvent financer des études, des travaux et des équipements sur les territoires dotés de plans de prévention des risques naturels (PPRN). Elles permettent notamment le financement des programmes d’action de prévention des inondations (PAPI), des opérations contractualisées dans le cadre des contrats de plan Étatrégion (CPER) et d’une partie du plan séisme Antilles (PSA). Concernant les particuliers et les petites entreprises, le FPRNM peut venir en soutien à des mesures de réduction de la vulnérabilité du bâti.

– Le fonds permet également l’acquisition de biens de particuliers sinistrés ou exposés au risque, à l’amiable ou par expropriation, sans prise en compte du risque dans la valeur des biens.

– Le fonds finance enfin des mesures au bénéfice de l’État, en particulier les études et les travaux de mise en conformité des digues domaniales de protection contre les crues et les submersions marines, ainsi que les dépenses liées à l’élaboration des PPRN, à l’information préventive et à la mise en œuvre de la directive inondation.

● Le FPRNM est actuellement financé par un prélèvement obligatoire de 12 % sur la prime payée par les assurés au titre de la garantie contre les catastrophes naturelles, représentant elle-même une « surprime » de 12 % ou 6 % au coût de l’assurance selon qu’il s’agit d’un contrat habitation ou automobile. Tous les particuliers disposant d’une assurance multirisques habitation ou automobile participent donc au financement du fonds, à raison de 1,44 % ou de 0,72 % de leurs frais d’assurance. Le montant annuel prélevé via les compagnies d’assurance est de l’ordre de 220 millions d’euros en 2019.

La loi de finances pour 2018 a plafonné à 131,5 millions d’euros par an ([1]) l’affectation au FPRNM du prélèvement sur cette prime additionnelle, la différence étant versée au budget général de l’État. Or, les dépenses du fonds sont en augmentation constante (158 millions d’euros en 2014, 174 millions d’euros en 2018).

Outre le produit du prélèvement, les ressources du FPRNM comprennent les intérêts des fonds placés, les bénéfices sur réalisation de valeurs, les avances de l’État ainsi que les sommes reversées en cas de remboursement d’une expropriation. Le niveau de trésorerie du fonds permet aujourd’hui des délégations supérieures aux recettes. Ainsi, en 2019, le montant des délégations s’est élevé à 202,5 millions d’euros et la trésorerie s’établissait à 170,8 millions d’euros en fin d’année. Les prévisions de dépenses pour 2020 sont évaluées à 224,1 millions d’euros.

 En 2016, la Cour des comptes a constaté que « le FPRNM est devenu la principale source de financement de la politique de prévention des risques naturels sans aucune stratégie autre que la volonté de reporter sur le FPRNM une partie de la charge financière des actions de l’État » ([2]) et a en conséquence critiqué sa débudgétisation. La Cour a observé que la Caisse centrale de réassurance, chargée de la gestion comptable et financière du fonds, « ne fait qu’exécuter les instructions des ministères » et que le circuit suivi par les crédits est « inutilement complexe ».

Prenant en compte ces critiques récurrentes, l’article 25 du PLF pour 2021 prévoit d’intégrer le FPRNM dans le budget général de l’État, au sein du programme 181. Le Gouvernement a fait valoir que l’intégration des dépenses du fonds dans le budget donnera enfin une lisibilité aux dépenses effectives du fonds puisque celles-ci seront retracées de manière complète dans le programme annuel de performances du programme, annexé à chaque PLF. Cette évolution doit permettre au Parlement de se prononcer sur les dépenses effectuées par le fonds, alors que dans la situation actuelle l’autorisation parlementaire porte uniquement sur le niveau de recettes qui lui est affecté. Le prélèvement sur les cotisations d’assurance n’est ni supprimé, ni modifié, mais son produit ira désormais intégralement au budget de l’État.

Les crédits affectés au FPRNM, regroupés au sein d’une nouvelle action n° 14 du programme 181, sont portés à 205 millions d’euros soit une augmentation de 56 % par rapport à 2020. Le rapporteur pour avis tient toutefois à préciser que les dépenses totales du fonds s’élevaient déjà à plus de 200 millions d’euros par an les années précédentes.

Auditionnée par le rapporteur pour avis, la direction générale de la prévention des risques (DGPR) a indiqué que les conditions d’emploi du fonds demeureront inchangées et que son intégration au sein du programme 181 sera menée en garantissant aux parties prenantes (notamment les collectivités territoriales) le respect des engagements financiers de l’État déjà pris antérieurement par le biais de la création, dans la comptabilité de l’État, d’autorisations d’engagement additionnelles.

Si la budgétisation du fonds améliore incontestablement la lisibilité de ses dépenses, celles-ci ont par nature un caractère fluctuant d’une année sur l’autre, d’abord parce que les catastrophes naturelles ne surviennent pas selon un rythme prévisible et régulier, mais aussi parce que les projets des collectivités varient selon les années. La DGPR a néanmoins tenu à rassurer le rapporteur pour avis en indiquant que des reports de crédits seraient effectués d’une année sur l’autre afin de permettre une fluctuation des financements octroyés par le fonds.

2.   Le regroupement des crédits de l’INERIS au sein d’une action unique

Créé par le décret n° 90-1089 du 7 décembre 1990, l’Institut national de l’environnement industriel et des risques (INERIS) est un établissement public à caractère industriel et commercial placé sous la tutelle du ministre chargé de l’environnement. Il a pour mission la maîtrise des risques industriels et environnementaux, hors nucléaire et radioprotection. Ses activités de recherche, d’appui aux politiques publiques et ses prestations de soutien aux entreprises contribuent à évaluer et prévenir les risques que les activités économiques font peser sur l’environnement, la santé, la sécurité des personnes et des biens.

Dans les précédentes lois de finances, l’INERIS contribuait à la réalisation de deux des actions du programme 181 :

– l’action n° 1 « Prévention des risques technologiques et des pollutions », notamment pour la prévention des risques et des pollutions générées par les installations classées, la prévention des risques du sol et du sous-sol, l’évaluation des substances et produits chimiques et la surveillance de la qualité de l’air ;

– l’action n° 10 « Prévention des risques naturels et hydrauliques », dans les domaines de la prévention des risques de mouvements de terrain et de la prévision des inondations et des risques liés aux ouvrages hydrauliques.

À compter de 2021, il est créé au sein du programme 181 une nouvelle action n° 13 qui porte la subvention pour charges de service public (SCSP) de l’INERIS, auparavant répartie entre les actions n° 1 et n° 10.

Cette évolution de la nomenclature du programme contribuera à améliorer la lisibilité des crédits consacrés à l’INERIS.

C.   Un programme largement consacrÉ À la prévention des risques

1.   La prévention des risques est au cœur du programme 181

a.   La prévention des risques technologiques, industriels et des pollutions (actions n° 1 et n° 13)

i.   La prévention des risques technologiques et des pollutions (action n° 1)

La prévention des risques technologiques et des pollutions comprend un nombre étendu de mesures, parmi lesquelles :

– la mise en œuvre des dispositifs de contrôle destinés à prévenir des accidents ou des émissions diffuses, liés notamment aux installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE), aux explosifs ou au transport de matières dangereuses ;

– la réforme du cadre réglementaire ayant pour objectif la simplification des procédures, comme l’autorisation environnementale unique ou la révision de la nomenclature des IPCE ;

– la mise en œuvre des plans de prévention des risques technologiques (PPRT) ;

– l’élaboration du quatrième Plan national santé environnement (PNSE) pour la période 2020-2024.

Sont également abordées les questions liées aux risques émergents, tels que les champs électromagnétiques, les nanotechnologies ou, plus récemment, la technologie 5G.

Au titre de l’action n° 1, le présent projet de loi prévoit 61,51 millions d’euros en AE et 63,45 millions d’euros en CP, soit une diminution de respectivement 35,5 % et 29,9 % par rapport à la LFI 2020.

Cette forte diminution des crédits est en réalité due au fait que la subvention pour charges de service public de l’INERIS, jusqu’à présent partagée entre les actions n° 1 et n° 10, a été regroupée au sein d’une nouvelle action n° 13 du programme.

L’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES)

L’action n° 1 du programme 181 finance l’ANSES à travers une subvention pour charges de service public d’un montant prévisionnel de 8,96 millions d’euros en 2021.

La subvention pour charges de service public vise notamment à soutenir l’ANSES dans la mise en œuvre de son expertise scientifique sur l’ensemble des sujets de santé environnementale, dont certaines actions relèvent du troisième plan national santé environnement (air intérieur, nanomatériaux, radiofréquences, amiante, perturbateurs endocriniens, bruit, OGM). À ce titre, l’agence apporte son expertise sur les règlements européens REACH et CLP, évalue les demandes d’autorisations de mise sur le marché de produits biocides et, dans le cadre de la deuxième stratégie nationale sur les perturbateurs endocriniens, publie une liste des perturbateurs endocriniens avérés, présumés et suspectés. De plus, l’ANSES organise annuellement l’appel à projets radiofréquences dans le cadre du programme national de recherche en environnement-santé-travail, qui sert à financer des projets de recherche sur cette thématique.

Auditionnée par le rapporteur pour avis, l’ANSES a indiqué que la baisse de son financement, partagé entre cinq programmes différents (206, 204, 111, 181 et 190), était susceptible de compromettre la mise en œuvre de ses missions. Une vigilance particulière doit être portée sur les moyens déployés en matière de recherche. Le doublement du taux de sélection attendu pour les programmes conduits par l’Agence nationale de la recherche pose la question de la capacité à maintenir une politique de recherche soutenue sur la santé environnementale et la santé au travail. Cette situation pose aussi la question de la sécurisation du financement de grandes études sur les habitudes alimentaires (EAT3 et EAT Antilles, dont la mise en œuvre est essentielle dans le cadre du plan chlordécone) et sur l’exposition aux pesticides des riverains.

L’accroissement continu des missions de l’ANSES appelle une réflexion sur l’adaptation et la sanctuarisation de ses moyens, notamment au regard de l’importance actuelle des enjeux de sécurité sanitaire.

ii.   Le financement de l’INERIS (action n° 13)

L’action n° 13 porte, à compter de 2021, la subvention pour charges de service public de l’INERIS, qui était répartie entre les actions n° 1 et n° 10 dans les précédentes lois de finances (voir supra).

À budget constant, les 29,82 millions d’euros prévus en AE et CP au titre de cette nouvelle action ne constituent donc pas une dépense nouvelle.

Ces crédits intègrent néanmoins une mesure de périmètre de 2 millions d’euros qui rehausse d’autant la SCSP par rapport à la LFI 2020 afin de couvrir le financement de la taxe sur les salaires, l’administration fiscale ayant déclaré fin 2019 que l’établissement était désormais redevable de cette taxe.

Si le financement public de l’INERIS au titre du programme 181 reste stable, la crise sanitaire a eu des conséquences importantes sur son budget, marqué par une chute des recettes provenant de prestations aux entreprises. Auditionné par le rapporteur pour avis, le directeur général de l’institut estime l’impact financier de la covid‑19 à 3,6 millions d’euros (5 millions d’euros de recettes en moins et 1,4 million d’euros de dépenses en moins). Cette évolution s’explique à la fois par un arrêt de la plupart des activités expérimentales, pour des raisons de sécurité notamment, et par la limitation des déplacements en France et à l’étranger, qui ont affecté les activités de conseil aux industriels et de recherche dans le cadre de projets européens. À moyen terme, une baisse des activités de conseil aux industriels est à craindre en raison de la dégradation de la situation financière des entreprises, même si l’INERIS ne constate pas à ce jour de fléchissement important de son carnet de commandes.

Pour son directeur général, la contrainte la plus forte qui s’exerce sur l’INERIS reste toutefois la baisse du plafond d’emplois qui s’établit tous les ans à onze équivalents temps plein travaillés (ETPT) depuis 2013, auxquels s’ajoutent des redéploiements ponctuels d’effectifs au profit de la biodiversité (qui se sont matérialisés par une baisse supplémentaire de deux ETPT en 2020 et en 2021). Cette contrainte du plafond d’emplois s’applique aussi bien aux activités d’appui technique et de recherche publiques de l’institut qu’à ses activités commerciales. Cela conduit l’INERIS à refuser de fournir des prestations de service aux industriels français par manque d’effectif, y compris pour des prestations s’appuyant sur des moyens expérimentaux uniques en France (par exemple dans le domaine de la sécurité des stockages électrochimiques et de la production, de l’utilisation et du stockage de l’hydrogène).

Le rapporteur pour avis estime que la baisse continue des effectifs pourrait ne pas être sans conséquences en termes de perte de compétence et donc de niveau d’expertise. L’incendie de l’usine de Lubrizol en septembre 2019 et, plus récemment, l’explosion d’une usine à Beyrouth en août 2020 ont montré le rôle central joué par l’INERIS dans la connaissance des risques industriels.

 

Les risques liés au nitrate d’ammonium

Le 4 août dernier, la ville de Beyrouth a été frappée par l’explosion d’un stock de 2 750 tonnes d’ammonitrates, faisant de nombreuses victimes (170 morts, 6 500 blessés et 300 000 personnes déplacées). Cet accident a ravivé des inquiétudes relatives au nitrate d’ammonium, près de vingt ans après l’accident survenu dans l’usine AZF de Toulouse en 2001, où l’explosion d’un stock d’ammonitrates a entraîné la mort de 31 personnes et fait 2 200 blessés.

Le nitrate d’ammonium est un composé chimique surtout utilisé comme ingrédient d’engrais azotés simples (principalement les ammonitrates) ou composés. C’est aussi un agent explosif puissant. Les principaux risques associés, qui varient selon la teneur de la molécule dans la composition des engrais, sont la décomposition en présence d’un point chaud provoquant des dégagements de gaz très toxiques et la détonation. Pour les substances respectant les règles européennes et françaises, la détonation est improbable. Elle peut toutefois survenir en cas de contact avec des composants incompatibles ou combustibles, ou à la suite d’un impact très violent (projectile, onde de choc).

La prévention des risques associés aux substances contenant du nitrate d’ammonium a été renforcée depuis l’accident d’AZF, notamment par la directive Seveso III. Sont ainsi requis l’obtention d’une autorisation de mise sur le marché délivrée par l’ANSES et le respect de la réglementation relative aux installations classées pour la protection de l’environnement. Selon la nature de la substance contenant du nitrate d’ammonium et sa teneur, les seuils de quantité impliquant une autorisation ou un régime Seveso seuil bas ou haut varient. Compte tenu du régime applicable, les mesures de précaution seront plus ou moins importantes (réalisation d’une étude de danger permettant d’identifier les scénarii d’accidents, voire d’un plan de prévention des risques technologiques en cas de stockage important). Les conditions de stockage des engrais à base de nitrate d’ammonium sont précisées par un arrêté de 2010 ([3]) imposant des consignes de sécurité renforcées notamment pour éviter tout départ de feu, un nettoyage des installations approprié, une connaissance des produits particulièrement dangereux avec un étiquetage adapté et un enregistrement de suivi en continu des engrais.

Toutefois, le rapport adopté par l’Assemblée nationale à la suite de l’accident de Lubrizol ([4]) montre une régression quantitative des inspections des installations classées et met en avant des lacunes dans la politique de prévention des risques industriels. Par ailleurs, comme dans le cas de l’usine Lubrizol, la proximité d’autres installations doit être prise en compte.

L’INERIS, qui participe de manière exceptionnelle à un projet d’un an visant à apporter aux autorités libanaises une expertise et un appui technique en matière de réglementation des installations industrielles, estime que la catastrophe survenue à Beyrouth ne pourrait pas avoir lieu en France. Les dangers afférents au nitrate d’ammonium n’en demeurent pas moins un point de vigilance.

 

b.   Le contrôle de la sûreté nucléaire et de la radioprotection (action n° 9)

Créée par la loi du 13 juin 2006 relative à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire, l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) est une autorité administrative indépendante chargée de contrôler la sûreté nucléaire et la radioprotection.

L’action n° 9 porte les effectifs et les crédits de personnel de l’ASN ainsi que les dépenses de fonctionnement, d’investissement et d’intervention engagées au titre de la réalisation des cinq missions fondamentales de l’autorité : la réglementation, la délivrance des décisions individuelles, le contrôle des installations nucléaires, l’information du public et l’assistance au Gouvernement en cas de situation d’urgence.

Les moyens budgétaires de l’ASN prévus au titre de l’action n° 9 s’élèvent à 109,15 millions d’euros en AE et à 67,15 millions d’euros en CP. L’écart entre AE et CP s’explique par une dotation supplémentaire destinée à faire face aux besoins de financement d’un nouveau bail pour le siège des services centraux de l’ASN. Si l’on exclut cette dotation, les crédits de l’action sont en hausse de 2,09 % dans le PLF 2021 par rapport à la LFI 2020.

La faible lisibilité du budget consacré à la sûreté nucléaire

Le système français de contrôle de la sûreté nucléaire et de la radioprotection a la particularité de reposer sur deux entités distinctes : l’ASN, à laquelle appartient le pouvoir de régulation, et l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) qui fournit une expertise et met à disposition de l’ASN une partie de ses personnels.

Pour l’ASN, la contribution de plusieurs programmes budgétaires et l’organisation duale décrite ci-dessus rendent peu lisible le coût global de cette politique et complexifient ses modalités de gestion. Pour y remédier, l’autorité propose depuis plusieurs années la création d’un programme budgétaire unique. Le rapporteur pour avis estime toutefois que l’existence de programmes distincts permet de bien séparer les missions d’expertise de celles de régulation.

Afin de rendre les modalités de financement du dispositif de sûreté nucléaire et de radioprotection plus lisibles, il propose la création d’un « jaune budgétaire », annexé au projet de loi de finances. Ce document regrouperait l’ensemble des financements publics qu’il est prévu de consacrer à la sûreté nucléaire et à la radioprotection, avec une présentation, en coûts complets, des budgets prévisionnels de l’ASN et de l’IRSN.

Lors de son audition par le rapporteur pour avis, l’ASN a indiqué avoir besoin d’effectifs supplémentaires pour mener à bien ses missions à court et moyen termes. Pour les années 2021 à 2023, l’estimation est ainsi de l’ordre de huit équivalents temps plein (ETP) supplémentaires, en raison notamment de l’accroissement de la charge de travail de l’ASN résultant de difficultés en matière de construction et d’exploitation des installations nucléaires. Cette estimation tient également compte du lancement du projet « Nuward » de petit réacteur modulaire (SMR), réaffirmé dans le cadre du plan de relance du 3 septembre 2020. À plus long terme, les besoins estimés dépendront de décisions comme la construction de six réacteurs de type EPR 2 ou la prolongation des installations nécessaires au recyclage du combustible.

D’une manière plus générale, le rapporteur pour avis tient à rappeler que le domaine du nucléaire est confronté à des défis majeurs, liés tant à la sûreté des nouvelles installations qu’au démantèlement ou aux grands travaux de maintenance. En effet, les installations nucléaires se différencient des installations Seveso par ce que l’ASN qualifie d’« effets d’échelle » : les conséquences d’un accident nucléaire peuvent concerner des centaines de millions de personnes. De même, la durée de vie des déchets radioactifs issus de l’exploitation nucléaire se chiffre en centaines de milliers d’années. Ces effets d’échelle posent des questions de sûreté, de confiance dans le contrôle et d’éthique, mais aussi d’information du public. Ainsi, si l’on prend comme référence le périmètre de mise en place des plans particuliers d’intervention (PPI) qui a été récemment étendu de dix à vingt kilomètres autour des installations nucléaires, le nombre total des personnes concernées par l’information régulière sur les risques nucléaires et sur la conduite à tenir en cas d’accident dépasse trois millions, le nombre de communes impliquées 1 500 et le nombre d’établissements scolaires 2 800. Dans ce contexte, un renforcement des effectifs de l’ASN paraît tout à fait justifié.

c.   La prévention des risques naturels et hydrauliques (actions n° 10 et n° 14)

La politique de prévention des risques naturels et hydrauliques vise à préparer les territoires et leurs habitants à faire face aux aléas naturels inévitables, afin de réduire leur vulnérabilité et d’améliorer leur résilience, c’est-à-dire de limiter les dommages sur les populations, les activités, les biens et l’environnement.

Cette politique s’articule autour de plusieurs leviers d’actions complémentaires : l’amélioration de la connaissance des risques, la prévention des crues et des inondations grâce à des dispositifs comme Vigicrues et Vigicrues flash, l’information du public et le développement de la culture du risque, l’élaboration de plans de prévention des risques naturels (PPRN) et la promotion auprès des collectivités territoriales d’actions de réduction des risques, notamment à travers la mise en place de cadres d’intervention adaptés (plan séisme Antilles, programme d’action de prévention des inondations). Le renforcement de la sécurité des ouvrages hydrauliques fait également partie de la politique de prévention des risques naturels.

Cette stratégie se décline à l’ensemble des risques naturels susceptibles de survenir sur le territoire : inondations, submersions marines, mouvements de terrain, avalanches, feux de forêt, séismes, éruptions volcaniques, cyclones et tempêtes.

Deux actions du programme 181 contribuent à la politique de prévention des risques naturels et hydrauliques :

– l’action n° 14 « Fonds de prévention des risques naturels majeurs » qui regroupe désormais les crédits du fonds Barnier, doté de 205 millions d’euros en AE et en CP dans le PLF 2021 (cf. supra) ;

– l’action n° 10 « Prévention des risques naturels et hydrauliques » qui est davantage ciblée sur la connaissance, la surveillance, l’information du public, la sécurité des ouvrages hydrauliques ainsi que la préparation à la gestion de crise que le fonds Barnier. Le présent projet de loi prévoit 35,85 millions d’euros en AE et en CP au titre de cette action, soit une diminution de 3,74 % par rapport à la LFI 2020.

d.   La prévention des risques liés aux anciens sites miniers (action n° 11)

L’action n° 11 « Gestion de l’après-mine et travaux de mise en sécurité, indemnisation et expropriations sur les sites » a pour but d’assurer la sécurité des personnes et des biens et la protection de l’environnement après la disparition des exploitants miniers. Dans le cadre de son action, basée sur le triptyque « anticipation, prévention et traitement », l’État s’appuie notamment sur :

– GEODERIS, groupement d’intérêt public créé par le bureau des recherches géologiques et minières (BRGM) et l’Institut national de l’environnement industriel et des risques (INERIS) pour évaluer les risques présentés par les anciennes exploitations minières ;

– le département de prévention et de sécurité minière (DPSM), département dédié créé au sein du BRGM, pour maintenir les installations de sécurité et procéder à des travaux de mise en sécurité.

Au titre de l’action n° 11, le PLF 2021 a prévu une dotation de 39,78 millions d’euros en AE et en CP, en hausse d’un million d’euros par rapport à la LFI 2020.

Cette augmentation concerne la subvention pour charges de service public versée au département de prévention et de sécurité minière du BRGM. Les anciennes concessions dites « perpétuelles » sont arrivées à échéance fin 2018 et entraîneront, à l’issue des procédures de travaux, le transfert à l’État et donc au DPSM d’installations hydrauliques de sécurité et de surveillance en contrepartie d’une soulte versée par l’ancien exploitant. Les soultes étant reversées au budget général de l’État et non au DPSM, il est nécessaire d’augmenter d’un million d’euros la subvention du DPSM en 2021.

2.   Le financement de l’Agence de la transition écologique (action n° 12)

L’Agence de la transition écologique (ex-ADEME) joue un rôle à part dans le programme 181 puisque la prévention des risques ne constitue pas sa première mission. Acteur essentiel de la transition énergétique et écologique, l’agence soutient le développement des énergies renouvelables et des économies d’énergie, notamment par l’intermédiaire du fonds chaleur, et celui de l’économie circulaire grâce au fonds économie circulaire.

La loi du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire a conforté plusieurs actions engagées par l’agence, qui est amenée à apporter un soutien croissant aux collectivités territoriales (extension des consignes de tri des emballages, harmonisation des modalités de tri des déchets, gestion des déchets organiques…), aux acteurs économiques (travaux sur l’indice de réparabilité et de durabilité des produits, analyse de leur stratégie en matière d’usage du plastique…) et aux consommateurs (affichage environnemental, campagne sur l’allongement de la durée de vie des produits…).

La loi précitée a également confié à l’agence une nouvelle mission dédiée au suivi des filières de responsabilité élargie du producteur (REP). À cette fin, une direction dédiée, localisée à Angers, a été créée le 1er août 2020 et sera dotée dès la fin de l’année de vingt-sept ETP pour renforcer le suivi, pour le compte de l’État, de l’ensemble des filières REP existantes ou en cours de création.

L’agence s’est en outre vue confier la gestion de plusieurs dispositifs exceptionnels mis en place dans le cadre du plan de relance. Celui-ci prévoit des aides à la décarbonation de l’industrie française ainsi que le renforcement du soutien à l’hydrogène faible en carbone pour accompagner le développement de la production et de la distribution d’hydrogène et celui des véhicules à hydrogène. L’agence se verra également confier la gestion d’un fonds de recyclage des friches, ainsi que des aides au tourisme durable et à l’accélération de la transition écologique des artisans et commerçants.

L’agence dispose de moyens importants pour mettre en œuvre l’ensemble de ses missions.

Au titre de l’action n° 12, la dotation budgétaire pour charges de service public dont bénéficie l’agence s’élève dans le présent projet de loi de finances à 551,6 millions d’euros en AE et en CP, soit une diminution de 6,32 % par rapport à la LFI 2020.

Ce niveau de subvention s’inscrit dans le cadre de la trajectoire 2020-2023 de la loi de programmation des finances publiques. Compte tenu de la trésorerie de l’agence, la baisse de la SCSP est compatible à la fois avec le paiement des restes à payer issus de ses engagements antérieurs, avec le maintien à un niveau soutenu de son action au travers de ses différents dispositifs d’intervention existants et avec le déploiement de nouvelles actions. L’agence prévoit en outre une nette augmentation de ses recettes propres en 2021, la redevance des filières REP devant notamment rapporter 10,3 millions d’euros, contre 2,3 millions d’euros prévus en 2020.

Par ailleurs, près de 1,8 milliard d’euros sont affectés à l’agence pour la période 2020-2022 dans le cadre du plan de relance. Plus précisément, cette subvention spécifique s’élève à 116 millions d’euros en 2020, 823 millions d’euros en 2021 et 827 millions d’euros en 2022.

L’augmentation des crédits affectés à l’ADEME est donc considérable. Toutefois, afin de mener à bien les nombreuses missions qui lui sont confiées, les moyens financiers doivent s’accompagner de moyens humains supplémentaires. Les différents projets dont l’agence a la charge doivent en effet être portés et construits sur le terrain, puis, lorsqu’ils sont mis en place, faire l’objet d’un suivi. Afin de permettre à l’agence de disposer des effectifs nécessaires pour mettre en œuvre le plan de relance, il est envisagé de recruter 93 ETP en intérim, selon les informations communiquées au rapporteur pour avis. Toutefois le coût unitaire d’un emploi en intérim est plus élevé qu’un contrat à durée déterminée (CDD) et la durée de la mission des salariés intérimaires est limitée à dix-huit mois, alors que le plan de relance doit s’étaler sur une période de deux ans.

Alors que les modalités contractuelles d’embauche des effectifs mobilisés par le plan de relance ne sont à l’heure actuelle pas encore finalisées, le rapporteur pour avis souhaite insister sur la nécessité pour l’agence de disposer de moyens humains complémentaires pour pouvoir mener à bien ses missions.

 


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II.   réduire la vulnérabilité face aux inondations

Les crues qui ont frappé les Alpes maritimes au début du mois d’octobre 2020 nous rappellent, si besoin était, l’exposition de notre pays aux inondations, qui touchent particulièrement les régions méridionales. Alors que ce phénomène est amené à s’accroître dans les prochaines années, les mesures actuelles de prévention et de gestion du risque d’inondation doivent être renforcées.

A.   LEs inondations, un phénomène naturel de plus en plus fréquent et intense

1.   Les inondations constituent le premier risque naturel en France

En France, le risque d’inondation est le premier risque naturel par l’importance des dommages qu’il provoque, le nombre de communes concernées, l’étendue des zones inondables et les populations résidant dans ces zones. 17,1 millions d’habitants se trouvent ainsi dans des zones inondables par débordement de cours d’eau et 1,4 million d’habitants sont exposés aux submersions marines. 792 communes ont été reconnues en état de catastrophe naturelle au titre des inondations en 2015.

Si l’ensemble du territoire français est vulnérable, qu’il s’agisse des zones urbaines ou rurales, de plaine, de relief ou littorales, les inondations touchent plus fréquemment le bassin méditerranéen et la Corse.

Le dernier bilan de la tempête Alex qui a touché le département des Alpes‑Maritimes est particulièrement lourd : au moins sept personnes ont perdu la vie et neuf sont portées disparues, une centaine de maisons sont endommagées voire complètement détruites, des ponts et des routes ont été emportés, notamment dans la vallée de la Vésubie, de la Tinée et de la Roya. L’intensité des précipitations est exceptionnelle. Le cumul de pluies a en effet atteint 500,2 millimètres à Saint‑Martin-Vésubie le 2 octobre dernier, ce qui constitue un record absolu non seulement pour la station, mais également à l’échelle du département. D’après Mme Véronique Ducrocq, chercheuse à Météo-France, si l’on remonte dans l’histoire, seuls deux épisodes donnant lieu à plus de 500 millimètres de pluie ont été enregistrés au cours des trente dernières années : 687 millimètres de pluie sont tombés à Anduze dans le Gard les 8 et 9 septembre 2002, entraînant vingt-deux morts, et 622 millimètres à Lézignan dans l’Aude les 12 et 13 novembre 1999, causant trente-cinq victimes.

Quelques semaines avant la tempête Alex, le Gard et l’Hérault ont également été touchés par de violentes pluies. 600 millimètres d’eau se sont ainsi abattus en moins de six heures sur quelques communes situées au pied du Mont‑Aigoual. Le débit du Gardon est monté jusqu’à 1 800 m3 par seconde, soit l’équivalent de dix fois le débit de la Seine à Paris.

En juin dernier, la Corse a également fait face à des précipitations d’une rare intensité. À Ajaccio, les relevés de Météo-France ont fait état d’un cumul de 163 millimètres de pluie sur le bassin versant de la Madonuccia en seulement deux heures, un niveau bien supérieur à une occurrence centennale (84 millimètres en trois heures).

Au-delà des coûts humains et environnementaux, les inondations ont également des conséquences économiques importantes. Ainsi, une étude réalisée par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) en 2014 a montré l’impact économique considérable que pourrait avoir une crue majeure en région Ile-de-France. Celle-ci toucherait directement ou indirectement près de cinq millions d’habitants et de nombreuses entreprises. Les dommages d’une telle catastrophe ont été estimés à hauteur de 3 à 30 milliards d’euros pour les seuls dommages directs selon les scenarii d’inondation, assortis d’une réduction significative du produit intérieur brut (PIB) qui atteindrait sur cinq ans de 1,5 à 58,5 milliards d’euros, soit de 0,1 à 3 % en cumulé. Les inondations de mai‑juin 2016 dans le centre de la France et l’Ile-de-France ont conduit à des dommages sur les biens assurés d’un montant supérieur au milliard d’euros ([5]).

2.   Un phénomène amené à s’accroître

Autrefois exceptionnels, les épisodes de fortes pluies, liés à des remontées d’air chaud et humide de la Méditerranée, risquent de devenir à la fois de plus en plus fréquents, intenses et imprévisibles avec le réchauffement de la planète.

En effet, d’après Météo-France, l’analyse des événements pluvieux méditerranéens extrêmes des dernières décennies met en évidence une intensification des fortes précipitations (+ 22 % sur le maximum annuel des cumuls quotidiens des précipitations entre 1961 et 2015) et une augmentation de la fréquence des épisodes méditerranéens les plus forts, en particulier ceux dépassant le seuil de 200 millimètres en vingt-quatre heures. Les analyses d’extrêmes appliquées aux projections climatiques régionales semblent également indiquer une augmentation de l’intensité des précipitations sur toute la partie nord du bassin méditerranéen.

Le Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD), dans un rapport publié en mai 2019, note également que la fréquence d’occurrence et l’intensité des épisodes méditerranéens de pluies intenses semblent aller croissantes, allant de pair avec le réchauffement climatique et l’augmentation des températures en fin d’été et à l’automne ([6]).

La sinistralité, évaluée en nombre de reconnaissances de catastrophe naturelle ou en montant des sinistres indemnisés par an, a quant à elle été très irrégulière d’une année sur l’autre lors des trente-cinq dernières années. D’ici 2050, en revanche, la Caisse centrale de réassurance (CCR) prévoit une augmentation de 50 % du coût des dommages, en raison de l’augmentation des risques et de leur concentration dans les zones les plus exposées.

B.   Un large éventail de dispositifs de prévision, de PRévention et d’alerte

1.   Une déclinaison territoriale des outils de prévention

a.   Les territoires à risque important d’inondation

À l’échelle nationale, la stratégie nationale de gestion des risques d’inondation (SNGRI) élaborée par l’État en 2014 définit trois objectifs prioritaires : augmenter la sécurité des populations exposées ; stabiliser à court terme, et réduire à moyen terme, le coût des dommages liés à l’inondation ; raccourcir fortement le délai de retour à la normale des territoires sinistrés.

À l’échelle de chaque bassin hydrographique, une évaluation préliminaire des risques d’inondation (EPRI) est approuvée par le préfet coordonnateur de bassin et réévaluée tous les six ans. Cette évaluation repose sur les inondations passées et le risque actuel. Elle permet de faire un état des lieux de l’exposition au risque d’inondation en prenant en compte différents facteurs comme la santé humaine, l’environnement, l’économie ou le patrimoine.

Sur la base de cette évaluation préliminaire et de la stratégie nationale, 124 territoires à risque important d’inondation (TRI) ont été identifiés sur le territoire national par les préfets coordonnateurs de bassin. Les cartes des surfaces inondables et des risques d’inondation sont mises à jour tous les six ans.

Carte des territoires à risque important d’inondation

https://www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/styles/standard/public/20190906_Carto_TRI_2ecycle_diapo.png?itok=4V3jZosd

Carte établie par les services du ministère de la transition écologique (DGPR / SNRH / BRIL) le 7 août 2019.

À l’échelle de chaque bassin ou groupement de bassins, l’autorité administrative arrête un plan de gestion des risques d’inondation (PGRI) pour les territoires comportant un risque d’inondation important. Ce plan fixe des objectifs de gestion des risques permettant d’atteindre ceux figurant dans la stratégie nationale, ainsi que des mesures relatives à la gestion équilibrée de la ressource en eau, la surveillance et la prévision des inondations, la réduction des impacts en cas d’inondation, l’éducation et la conscience du risque. Le plan est mis à jour tous les six ans.

Les objectifs du PGRI sont déclinés au sein de stratégies locales de gestion des risques d’inondation (SLGRI) pour les territoires à risque d’inondation important.

b.   Les plans de prévention des risques d’inondation

À l’échelle locale, les plans de prévention des risques d’inondation (PPRI) sont adoptés par les préfets de département en collaboration avec les collectivités territoriales et en concertation avec la population. Le PPRI, qui constitue une déclinaison du plan de prévention des risques naturels (PPRN), vaut servitude d’utilité publique et est annexé aux documents d’urbanisme.

Les PPRI visent à réduire l’exposition aux risques d’inondation et la vulnérabilité des biens et des personnes, en s’appuyant notamment sur l’aléa le plus important déjà survenu. Pour ce faire, ils ont pour objectif d’interdire les implantations humaines dans les zones les plus dangereuses, de préserver les capacités d’écoulement et d’expansion des crues pour ne pas aggraver les risques dans les zones situées en amont et en aval, de sauvegarder l’équilibre des milieux dépendant des petites crues et la qualité des paysages.

Selon les données fournies par la DGPR au rapporteur pour avis, au 31 décembre 2019, 11 999 communes sont couvertes par un PPRN approuvé. 1 653 communes disposent d’un PPRN prescrit ([7]). 65 % des communes couvertes par un PPRN approuvé le sont pour l’aléa inondation. Sur les 5 321 communes situées dans le périmètre d’un territoire à risque important d’inondation, 2 958 sont couvertes par un PPRI approuvé et 404 sont concernées par un PPRI prescrit. S’agissant des PPR littoraux, au 31 décembre 2019, 140 communes sont concernées par un PPR littoral prescrit et 370 par un PPR littoral approuvé ou appliqué par anticipation.

c.   Les programmes d’action pour la prévention des inondations

En complément des PPRI, les collectivités territoriales peuvent, dans une démarche volontaire, adopter des programmes d’action pour la prévention des inondations (PAPI). Les PAPI visent à développer une stratégie globale de prévention des inondations, sur la durée, à partir d’un diagnostic territorial.

Ce dispositif créé en 2002 bénéficie d’un troisième cahier des charges (PAPI 3) établi en 2017 qui définit les objectifs et critères d’éligibilité. Par une dynamique de contractualisation entre les collectivités territoriales et l’État, sont adoptées une stratégie intégrée de réduction de la vulnérabilité du territoire et des actions pour atteindre ces objectifs. La complémentarité des PAPI avec les PPRI concerne principalement les axes d’information et de culture du risque, de développement des mesures de protection dans les territoires exposés et d’intégration du risque dans l’aménagement. Les projets acceptés bénéficient d’une labellisation PAPI.

Le dispositif est caractérisé par un certain succès, 194 projets de PAPI et PAPI d’intention ont été labellisés fin juillet 2020. Plus de 12 600 communes sont ainsi concernées, ainsi que plus de 45 % des personnes (7,8 millions) exposées au risque de crue en France et 71 % des personnes (1 million) exposées aux risques de submersion marine. Ces projets, une fois mis en œuvre, représenteront plus de 2,2 milliards d’euros consacrés à la prévention des inondations, dont environ 916 millions d’euros provenant de l’État (soit environ 40 % du montant total) via le fonds de prévention des risques naturels majeurs (FPRNM).

D’après le rapport d’évaluation des PAPI de la mission inter-inspections menée par le CGEDD et l’inspection générale de l’administration (IGA) en octobre 2019, ce dispositif, s’il rencontre un indéniable succès, suscite également de nombreuses critiques sur sa complexité et ses délais d’instruction et de mise en œuvre ([8]) .

Face à l’enjeu d’une mise en œuvre plus rapide des travaux envisagés par les PAPI, le Gouvernement s’est engagé en février dernier lors d’un conseil de défense écologique à raccourcir la durée d’élaboration des PAPI et à accélérer leur mise en œuvre.

d.   La gestion des milieux aquatiques et de la prévention des inondations

Les intercommunalités (métropoles, communautés urbaines, communautés d’agglomération, communautés de communes) sont également concernées par la prévention des inondations au titre de leur compétence de gestion des milieux aquatiques et de la prévention des inondations (GEMAPI).

Cette compétence, attribuée depuis 2018 aux intercommunalités, favorise une continuité dans la gestion de l’eau et la prévention des inondations, tout en tenant compte des problématiques liées à l’aménagement du territoire et l’urbanisme. Elle concerne en particulier l’aménagement des bassins-versants, l’entretien et l’aménagement des cours d’eau, canaux, lacs et plans d’eau, ainsi que la protection et la restauration des zones humides qui permettent de réduire la violence des crues.

Les services de l’État ont indiqué au rapporteur pour avis que l’accompagnement des collectivités territoriales dans la mise en œuvre de cette nouvelle compétence reste une priorité forte, notamment pour la déclaration des systèmes d’endiguement. Le rapporteur pour avis estime néanmoins que cet accompagnement reste insuffisant. Plusieurs maires et techniciens de petites intercommunalités ont en effet exprimé leur désarroi face à la mise en œuvre d’une compétence très technique et génératrice de responsabilités potentiellement lourdes en l’absence de tout moyen financier et technique.

Un exemple de déclinaison territoriale des outils de prévention : la commune d’Ajaccio

Confrontée à des inondations de plus en plus fréquentes, la Corse a progressivement mis en place des outils de prévention des inondations.

– À l’échelle du bassin de Corse, un plan de gestion des risques d’inondation pour 2016-2021 a été adopté.

– Les 118 communes identifiées comme soumises à un risque important d’inondation dans les années 1990 en Corse sont désormais toutes couvertes par un plan de prévention des risques d’inondation (PPRI). Des révisions sont en cours afin d’affiner la connaissance des secteurs inondables et d’adapter les mesures de prévention.

– Un atlas des zones inondables et des secteurs potentiellement inondables a été développé afin de répertorier les risques locaux et de cibler les zones où les informations relatives aux risques d’inondation doivent être affinées.

– Une stratégie locale de gestion du risque inondation du territoire d’Ajaccio, classé zone à risque très élevé d’inondation, a été approuvée par le Préfet de Corse le 15 décembre 2017 et a conduit à l’élaboration d’un plan d’actions.

– Trois PPRI sont également approuvés sur la commune d’Ajaccio : le PPRI de la Gravona (de 1999, révisé en 2002), celui de Prunelli (de 1999) et celui de San Remedio - Arbitrone - Cannes - Salines (de 2011, en cours de révision).

2.   Des instruments de prévision des inondations gérés par l’État

La prévision, la surveillance et l’alerte relative aux inondations relèvent de l’État via le système Vigicrues. Il fait intervenir des météorologues de Météo‑France et des hydrologues du service de prévisions des crues et du service central d’hydrométéorologie et d’appui à la prévision des inondations (SCHAPI) qui collectent et analysent les données météorologiques et hydrologiques locales. Un bulletin d’information local et national et la carte de vigilance crues associée sont diffusés au moins deux fois par jour, voire plus fréquemment si nécessaire.

Des outils ont par ailleurs été développés pour anticiper plus spécifiquement les crues rapides, comme l’APIC (avertissement pluies intenses à l’échelle des communes) et Vigicrues Flash.

En cas d’alerte déclenchée par le préfet, les maires concernés informent la population et font intervenir les services de secours.

Plusieurs chantiers sont en cours afin de renouveler, sécuriser et adapter le réseau hydrométrique ainsi que les modèles d’analyse des données disponibles. Les services de l’État bénéficient de l’action d’opérateurs tels que Météo-France, l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (INRAE), le Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (CEREMA) ou le service hydrographique et océanographique de la Marine (SHOM).

C.   Renforcer les mesures actuelles de prévention et de gestion du risque d’inondation

1.   Améliorer la connaissance de l’ensemble des acteurs

a.   La connaissance des acteurs chargés de la prévention et de la gestion du risque d’inondation

De nombreux dispositifs permettent aux services de l’État, aux élus locaux et aux acteurs de terrain de disposer d’informations sur les risques correspondant à leur territoire.

Afin d’améliorer la connaissance, le ministère de la transition écologique, la Caisse centrale de réassurance (CCR) et la mission des sociétés d’assurances pour la connaissance et la prévention des risques naturels (MRN) ont fondé l’Observatoire national des risques naturels (ONRN) en 2012, à la suite de la tempête Xynthia. Les travaux de recherche, menés notamment par Météo-France, doivent permettre d’améliorer la précision des bases de données et la cartographie des surfaces inondables.

La connaissance du risque d’inondation progresse également au niveau local grâce à la déclinaison de dispositifs nationaux. Ainsi, la direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DREAL) de Corse a indiqué au rapporteur pour avis avoir lancé le dispositif Vigicrues le 8 octobre dernier. Elle a également précisé que les élus locaux de Corse et l’ensemble des services concernés par la gestion du risque d’inondation pourront s’abonner prochainement à des dispositifs d’alerte qui permettront d’anticiper les risques d’inondation et de crues et d’accompagner au mieux les cellules de crise.

Si ces informations sont indispensables, elles doivent impérativement être complétées par une connaissance pratique du risque d’inondation. Comme l’a indiqué le secrétaire général de la Préfecture de Corse au rapporteur pour avis, il est nécessaire d’effectuer des exercices fréquents et audacieux de manière à développer les capacités d’adaptation des acteurs locaux et à améliorer la connaissance des équipes chargées de la gestion du risque d’inondation.

L’importance des exercices pratiques est également soulignée par le CGEDD dans un rapport de mai 2019 consacré au retour d’expérience des inondations ayant lieu du 14 au 17 octobre 2018 dans l’Aude. Les auteurs du rapport notent ainsi que « même si la capacité des services interministériels de défense et protection civiles (SIDPC) à organiser fréquemment des exercices reste, par nature, limitée, cette mission ne doit pas être négligée, ces exercices apportant des enseignements déterminants en cas de crises. Ils permettent notamment de vérifier l’efficacité du circuit d’alerte et de la mise en place du centre opérationnel départemental » ([9]). Or, l’entraînement collectif au risque d’inondation est jugé insuffisant : au cours des cinq années précédant les inondations de 2018, le SIDPC de la préfecture de l’Aude a organisé trente exercices intégrant des partenaires et acteurs locaux, départementaux, régionaux, zonaux ou nationaux. Toutefois, près de 80 % de ces exercices se sont concentrés sur les risques technologiques et sociétaux, les risques naturels ne représentant que 20 % des exercices programmés, soit six exercices sur les cinq dernières années, dont deux seulement sur le risque d’inondation. Ces deux exercices « cadres », sans déclinaison sur le terrain, concernaient pour l’un exclusivement l’Éducation nationale (évacuation d’établissements scolaires) et pour l’autre les acteurs départementaux de secours et de sécurité publique. Peu d’exercices sont donc consacrés réellement au risque d’inondation.

Le rapporteur pour avis partage les conclusions du CGEDD et estime que, dans le département de l’Aude comme dans l’ensemble des départements où le risque d’inondation est majeur, les exercices menés par la préfecture doivent s’orienter prioritairement vers ce risque et porter notamment sur les questions de communication et d’articulation entre services.

b.   L’information et la sensibilisation du grand public

Si la connaissance du risque d’inondation est utile aux experts et aux acteurs publics afin de mettre en place des politiques de prévention adaptées, il convient également de mieux sensibiliser les populations exposées à ce risque.

De nombreuses informations sont accessibles au public. Plusieurs documents portant sur la connaissance des risques majeurs et leurs conséquences pour les personnes, les biens et l’environnement sont ainsi consultables dans les mairies et relayés sur internet. Par ailleurs, le site internet « www.géorisques.gouv.fr » met à disposition l’état des risques majeurs pour chaque commune de France. Un moteur de recherche permet même de connaître les risques correspondant à chaque habitation. Les sites « www.vigicrues.gouv.fr » et « vigilance.meteofrance.com » permettent également de suivre l’évolution des phénomènes météorologiques et donc d’anticiper les orages, les tempêtes et les crues.

Les campagnes de prévention « pluie inondation » du ministère de la transition écologique permettent de faire connaître les comportements qui sauvent. L’État réalise également chaque année depuis 2016 une campagne spécifique d’information sur les crues cévenoles, particulièrement meurtrières. Par ailleurs, à l’occasion de la journée internationale pour la prévention des catastrophes naturelles le 13 octobre, le ministère de la transition écologique organise désormais une journée nationale dédiée à la prévention des inondations.

Malgré ces dispositifs, de nombreux acteurs déplorent un manque de « culture du risque ». Le CGEDD, dans son rapport précité, note que la sensibilisation collective « n’imprime pas ». Ainsi, malgré la diffusion d’affiches sur les huit bons comportements à tenir lors d’une inondation, plusieurs décès survenus dans l’Aude lors des inondations d’octobre 2018 sont liés à des erreurs de comportement (refus de quitter le domicile même après injonction de la police municipale, décisions individuelles de forcer la fermeture de routes inondées, notamment). De toute évidence, tous les enseignements n’ont pas été tirés des crues meurtrières qu’avait déjà connues le département en 1999.

C’est pourquoi le rapporteur pour avis considère que l’information des citoyens passe par l’entretien de la mémoire des événements passés. Depuis 2003, la pose et l’entretien de repères de crues normalisés matérialisant les laisses de crues pour les débordements de cours d’eau ainsi que les laisses de mer pour les plus fortes submersions marines, pour conserver la mémoire des crues passées, sont obligatoires dans toutes les communes soumises au risque d’inondation.

Le CGEDD recommande par ailleurs dans son rapport précité que des réserves citoyennes de sécurité civile soient constituées et mobilisées en faveur de la prévention des inondations, sur le modèle des comités communaux feux de forêts (CCFF) qui existent déjà en matière de prévention des incendies. Ces citoyens, formés et dotés de moyens adaptés, pourraient participer à la sensibilisation de leurs concitoyens, mais aussi à la surveillance du risque d’inondation, en complément et sous l’autorité des maires.

2.   Mieux prendre en compte le risque d’inondation dans l’aménagement du territoire et l’urbanisme

Les inondations sont aggravées depuis des décennies par l’aménagement du territoire. L’imperméabilisation des sols due à l’urbanisation, à la suppression des haies, à l’augmentation des surfaces des parcelles cultivées ou de la chenalisation des cours d’eau, accélère le transfert de l’eau depuis l’amont vers l’aval. La concentration des populations et des activités économiques dans des zones rendues ainsi vulnérables augmente encore davantage le risque lié aux inondations.

C’est pourquoi il est nécessaire de mieux prendre en compte ce risque dans l’aménagement du territoire en évitant d’augmenter les enjeux dans les zones à risques et en diminuant la vulnérabilité des zones déjà urbanisées.

a.   L’aménagement des cours d’eau

L’entretien régulier des cours d’eau est essentiel pour garantir la libre circulation des eaux. Il est à distinguer des travaux sur les cours d’eau, qui correspondent à des interventions plus lourdes et peuvent avoir des impacts sur le milieu.

L’entretien régulier des cours d’eau non domaniaux incombe aux riverains. Il consiste en des actions d’élagage et de recépage de la végétation des rives, de fauche et de taille des végétaux dans le lit du cours d’eau, d’enlèvement des embâcles, ou encore de déplacement de petits atterrissements de sédiments.

Bien que les opérations d’entretien sont indispensables et obligatoires, un défaut d’entretien est couramment observé selon l’Office français de la biodiversité, dont les agents sont chargés de la police de l’eau ([10]). L’accumulation de bois morts forme des barrages naturels, appelés embâcles, qui lorsqu’ils viennent à céder, notamment lors de crues torrentielles, peuvent entraîner des vagues d’eau en aval. Le nettoyage des cours d’eau joue dès lors un rôle essentiel dans la limitation des effets des inondations.

Les collectivités territoriales peuvent se substituer aux riverains et se constituer en syndicat de bassin versant (sous forme d’établissement public territorial de bassin ou d’établissement public d’aménagement et de gestion des eaux). Ainsi, la communauté d’agglomération du pays ajaccien (CAPA) a mis en œuvre un plan pluriannuel de restauration et d’entretien de la basse vallée de la Gravona. Après deux années de travaux, la gestion des embâcles, principalement des bois morts et des déchets anthropiques, permet désormais un meilleur écoulement des eaux et diminue ainsi le risque de débordement.

La concertation est particulièrement essentielle pour garantir une cohérence d’intervention à l’échelle du cours d’eau. Il est important que l’incidence des aménagements soit évaluée le plus en amont possible pour éviter de reporter les inondations sur l’autre rive ou en aval.

Des travaux de grande ampleur visent par ailleurs à réduire le risque d’inondation. Lors de son audition, la DGPR a ainsi mentionné la création d’une dizaine de casiers de rétention dans la Bassée pour diminuer, en pompant les eaux de la Seine, la hauteur des futures inondations en aval de Bray-sur-Seine, jusqu’à Paris. Selon les modélisations de l’établissement public territorial de bassin « Seine Grands Lacs », le casier pilote, qui correspond à un espace non habité de 360 hectares endigué entre Gravon et Châtenay-sur-Seine, aurait permis lors de la crue de janvier 2018 de faire baisser le niveau de la Seine de dix centimètres à Montereau et Saint-Mammès et de huit centimètres à Paris. Si les dix casiers avaient été en place à cette date, en stockant cinquante-cinq millions de mètres cubes, la Seine serait montée de dix-huit centimètres de moins à Montereau et de trente centimètres de moins à Saint-Mammès et Paris.

b.   Les dégâts provoqués par l’artificialisation des sols

L’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (INRAE) met en évidence l’artificialisation croissante des sols, en indiquant dans un rapport de décembre 2017 consacré à ce sujet que « l’emprise des villes est croissante, elles ont tendance à s’étaler, une partie des activités urbaines se dispersant dans les campagnes environnantes formant ainsi des espaces périurbains au sein desquels les sols artificialisés s’étendent. Près de la moitié des surfaces artificialisées entre 2006 et 2014 l’ont été pour de l’habitat, qui couvre en 2014 plus de 40 % des sols artificialisés. Le foncier économique (entreprises, entrepôts, commerces) couvre 30 % des surfaces artificialisées et entraîne une augmentation des surfaces imperméabilisées plus rapide que celle des usages résidentiels. Il en est de même des surfaces artificialisées dédiées aux infrastructures de transport qui représentent également 30 % des surfaces artificialisées françaises » ([11]). Entre 2006 et 2014, la France a ainsi perdu 490 000 hectares de terres agricoles, surfaces qui absorbaient les eaux de pluies et ne peuvent plus le faire. Ce phénomène concerne principalement les abords des petites villes et des villages et se poursuit à un rythme de 55 000 hectares artificialisés chaque année.

L’artificialisation croissante des sols est d’autant plus problématique qu’elle peut avoir des conséquences dramatiques pour les habitants de nombreux quartiers qui se retrouvent confrontés à un risque accru d’inondation. Ainsi, à Ajaccio, l’urbanisation non maîtrisée des hauteurs de la ville s’est traduite par une plus grande vulnérabilité des quartiers situés en contrebas. Les graves inondations de décembre 2019 et de juin 2020 ont montré les limites de la politique d’expansion urbaine de la commune. La qualité de la conception, de la réalisation et de l’entretien des travaux menés dans le cadre du projet de rénovation urbaine doit être questionnée. En effet, le redimensionnement du réseau hydraulique, la création de bassins de rétention d’eau pluviale du Finesello et le réaménagement des exutoires des Salines n’ont pas permis d’éviter les terribles inondations qui ont ravagé plusieurs quartiers de la ville.

Quand l’urbanisation accroît le risque d’inondation : l’exemple de la ville d’Ajaccio

Dans le secteur de la Madonuccia, le plan local d’urbanisme (PLU) de 2013 prévoyait près de 200 hectares constructibles sur les 422 hectares du bassin versant. Dans ce cadre, des permis de construire ont été délivrés, notamment pour le futur hôpital d’Ajaccio, une promotion de 794 logements sur Bodiccione et une promotion de 929 logements sur le Stiletto. Ces projets, plus ou moins avancés, ont indéniablement joué un rôle dans les graves inondations qu’a connues la ville en décembre 2019 et en juin 2020.

Ces autorisations de construire imposent certes des préconisations en matière de stockage des eaux pluviales. Conformément au règlement hydraulique de la ville, il est demandé une rétention de 500 m3 par hectare imperméabilisé avec un rejet dans le réseau public limité à 25 litres par seconde et par hectare – des prescriptions qui paraissent aujourd’hui insuffisantes.

Le PLU 2019 a certes permis de réduire la surface constructible sur le territoire en supprimant notamment des zones à urbaniser (AU) et en transformant des zones urbaines (UC) en zone 2AU, c’est-à-dire en zones en principe inconstructibles et dont l’urbanisation est soumise à une révision du PLU. Sur le bassin versant de la Madonuccia, ce sont sept hectares en moins de zones constructibles ou à urbaniser.

Une démarche de modification du PLU 2019 est également en cours afin de réviser le règlement hydraulique et de renforcer les prescriptions afin de diminuer les rejets sur les voies publiques. Si elle va dans le bon sens, la révision du PLU intervient tardivement et ne saurait suffire, à elle seule, à prévenir de futures inondations.

Dans ce contexte, le rapporteur pour avis souhaite que le CGEDD puisse être saisi afin de procéder à l’évaluation de la régularité, de la qualité et de l’efficacité des dispositifs de prévention des inondations en vigueur à Ajaccio, en particulier dans le quartier des Salines. Le service d’inspection du ministère de la transition écologique pourrait notamment évaluer la prise en compte effective des enjeux environnementaux par le projet de rénovation urbaine précité. Le rapporteur pour avis tient à préciser que le CGEDD est tout à fait compétent pour mener une telle mission, comme il l’a déjà fait à la suite des inondations d’octobre 2018 dans l’Aude, qui ont donné lieu à un rapport publié dès mai 2019. Il a également d’ores et déjà été saisi à la suite des inondations provoquées par la tempête Alex. Le rapporteur pour avis souhaiterait donc que la Corse puisse elle aussi bénéficier d’une expertise du CGEDD.

c.   Mieux reconstruire après une inondation

La période suivant une catastrophe climatique est souvent marquée par le souhait commun d’un retour à l’état qui préexistait avant la catastrophe, amenant une reconstruction à l’identique. Cette période doit cependant constituer une opportunité pour réaménager le territoire sinistré afin de réduire sa vulnérabilité vis‑à-vis d’un nouvel événement. Une telle approche, qualifiée parfois d’« approche BBB » (Build back better) vise à réduire la vulnérabilité des habitations et à renforcer leur résilience à l’occasion de futures catastrophes climatiques.

C’est la politique qui semble prévaloir dans les communes touchées au début du mois d’octobre 2020 par la tempête Alex. Si la mobilisation du fonds Barnier permettra une prise en charge jusqu’à 80 % des frais de reconstruction, le Président de la République a indiqué que « certaines maisons détruites dans le lit de la rivière, ces maisons qui aujourd’hui ont disparu dans certaines vallées ne pourront pas être reconstruites à l’identique » ([12]). Des habitations épargnées par la crue mais situées trop près de la rivière devront également être évacuées. Enfin, des travaux d’aménagement devront être effectués « de manière résiliente et durable, en limitant l’artificialisation des sols, en préservant les espaces naturels, pour prévenir » les inondations dans les années à venir.

Le rapporteur pour avis est favorable à la mise en place d’un dispositif expérimental, dérogatoire au code de l’environnement, permettant de renforcer les démarches de réduction de la vulnérabilité du bâti existant après une inondation. La période post-catastrophe, pendant laquelle la « conscience du risque » est particulièrement forte, apparaît propice à la réalisation de travaux d’adaptation du bâti. Une expérimentation permettrait de tester différentes hypothèses (élargissement des critères d’éligibilité au fonds Barnier, renforcement de l’accompagnement des bénéficiaires, simplification des procédures d’instruction et des délais, etc.) permettant de mieux reconstruire après une inondation.


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   EXAMEN EN COMMISSION

Après l’audition de Mme Barbara Pompili, ministre de la transition écologique et de M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué chargé des transports au cours de sa réunion du mercredi 21 octobre 2020 après-midi ([13]), la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a examiné, le mercredi 21 octobre 2020 après-midi, pour avis, sur le rapport de M. Paul-André Colombani, les crédits du programme « Protection de l’environnement et prévention des risques » de la mission « Écologie, développement et mobilités durables ».

M. Paul-André Colombani, rapporteur pour avis (« Prévention des risques »). En 2021, pour la première fois, les crédits consacrés à la prévention des risques frisent le milliard d’euros, puisque le programme 181 est doté de 1 032,7 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 992,6 millions d’euros en crédits de paiement. Il s’agit donc, à première vue, d’une forte augmentation des crédits par rapport à l’année dernière – de l’ordre de 26 % en AE et de 21 % en CP. En réalité, cette hausse apparente résulte d’un changement de périmètre, avec l’intégration au budget général de l’État des crédits du fonds de prévention des risques naturels majeurs (FPRNM), dit « fonds Barnier », au sein du programme 181, pour un montant de 205 millions d’euros. À périmètre constant, les crédits du programme 181, hors titre 2, connaissent une relative stabilité en AE – qui augmentent de 0,70 % – et une baisse importante en CP – qui diminuent de 4,50 %.

Le champ du programme 181 est particulièrement large, puisqu’il couvre la prévention de nombreux risques : naturels, technologiques, industriels, nucléaires et miniers. Tous ces risques sont surveillés et gérés par la direction générale de la prévention des risques (DGPR). Le programme 181 apporte également, depuis 2018, un soutien à l’économie circulaire et au développement des énergies renouvelables, à travers le financement de l’ADEME, désormais dénommée Agence de la transition écologique.

Ce programme, par la diversité des risques qu’il entend identifier, prévoir et prévenir, est ambitieux et essentiel. Si l’on déplore généralement peu d’accidents industriels graves en France, les risques n’en demeurent pas moins présents, comme l’a illustré le grave accident survenu au sein de l’entreprise Lubrizol de Rouen en septembre 2019. En août dernier, l’explosion d’une usine dans le port de Beyrouth nous a rappelé les dangers liés au nitrate d’ammonium, qui était déjà à l’origine de l’explosion de l’usine AZF à Toulouse, en septembre 2001.

Le risque nucléaire reste également d’actualité. S’il semble avoir été, jusqu’à présent, raisonnablement maîtrisé, il pourrait être aggravé par le changement climatique, qui est susceptible de provoquer des catastrophes naturelles plus fréquentes et plus violentes que par le passé. Si la protection des centrales a été renforcée depuis l’inondation de la centrale du Blayais en décembre 1999, le risque demeure non nul. Le réchauffement climatique affecte également le fonctionnement des centrales. Cette année, la France a mis en route ses centrales à charbon bien plus tôt que d’habitude, parce que quatre réacteurs nucléaires sur dix étaient à l’arrêt fin septembre, du fait d’opérations de maintenance décalées en raison du confinement, mais aussi de la sécheresse, qui complique le refroidissement des installations. Il convient donc de rester vigilant.

Les risques naturels pourraient devenir plus fréquents et plus sévères en raison du dérèglement climatique et de la concentration des populations sur les littoraux ou dans des zones potentiellement exposées à des aléas, les terribles inondations provoquées par la tempête Alex en témoignent. Les tempêtes et les cyclones, qui touchent particulièrement les territoires d’outre-mer, paraissent également occasionner toujours plus de dégâts. Les incendies de forêt, quant à eux, ne se limitent plus au sud-est de la France ni à la période estivale. Ils frappent désormais tout le territoire, et pas seulement en été. Des milliers d’hectares ont ainsi brûlé, en février dernier, dans le massif de Bavella, situé dans ma circonscription.

Le champ d’action de la direction générale de la prévention des risques, déjà très vaste, doit désormais intégrer une réflexion sur des risques nouveaux accompagnant les progrès de la technologie et soulevant débats – perturbateurs endocriniens, nanotechnologies, effets du réseau 5G sur la santé et l’environnement.

Les actions de prévention et de gestion des risques menées dans le cadre du programme 181 couvrent donc un large périmètre et sont d’une importance cruciale en ce qu’elles concernent directement notre sécurité et notre santé. Dans ce contexte, la préservation a minima des crédits du programme est essentielle. Je salue l’effort budgétaire consenti pour la prévention des risques naturels, et en particulier des inondations, à travers l’augmentation des crédits du fonds Barnier.

Plusieurs établissements publics et opérateurs de l’État m’ont fait part de leurs inquiétudes concernant la baisse de leurs financements ou de leurs emplois.

L’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES), tout d’abord, connaît une forte baisse de son financement, partagé entre cinq programmes différents. Cette évolution est susceptible de compromettre la réalisation de ses missions, alors que celles-ci sont toujours plus nombreuses, notamment en matière de sécurité sanitaire.

L’Institut national de l’environnement industriel et des risques (INERIS), ensuite, qui joue un rôle central dans la connaissance des risques industriels, doit faire face à la baisse continue de son plafond d’emplois, qui pourrait ne pas être sans conséquences, à terme, sur son niveau de compétence et d’expertise.

L’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) a également indiqué avoir besoin d’effectifs supplémentaires pour mener à bien ses missions à court et moyen termes. L’agence fait face à un accroissement de sa charge de travail, qui résulte notamment de difficultés en matière de construction et d’exploitation des installations nucléaires.

L’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) connaît une baisse tendancielle, depuis une dizaine d’années, du budget consacré à la recherche, qui diminue de 1 % chaque année, ce qui constitue une évolution préoccupante à long terme.

Enfin, bien que sa mission ne concerne pas la prévention des risques, je voudrais dire un mot de l’ADEME, qui se trouve dans une situation particulière. Elle dispose d’un budget élevé, puisqu’elle bénéficie, dans le cadre du plan de relance, de 1,8 milliard d’euros pour la période 2020-2022. Toutefois, ces moyens financiers doivent s’accompagner de moyens humains supplémentaires afin de pouvoir mener à bien les nombreuses missions qui lui sont confiées. Or l’agence est soumise à un effet de ciseaux, car les emplois en intérim, d’une durée de dix-huit mois, ne seront pas forcément adaptés à la gestion des projets issus du plan de relance, qui doit s’étaler sur deux ans.

Le thème qui a retenu plus particulièrement mon attention cette année est la gestion du risque d’inondation. En France, il s’agit du premier risque naturel par l’importance des dommages qu’il provoque, le nombre de communes et les habitations concernées ; 17,1 millions de personnes habitent dans des zones inondables. Si l’ensemble du territoire français est vulnérable, les inondations touchent plus fréquemment le bassin méditerranéen et la Corse. Quelques semaines avant la tempête Alex, qui a frappé le département des Alpes‑Maritimes au début du mois, le Gard et l’Hérault ont été touchés par de violentes pluies. En décembre dernier, puis à nouveau en juin, la Corse a également subi des précipitations d’une rare intensité, en particulier dans la région d’Ajaccio.

Il existe un large éventail de dispositifs de prévision, de prévention et d’alerte, tels que les plans de prévention des risques d’inondation (PPRI) ou les programmes d’action pour la prévention des inondations (PAPI). Ces dispositifs sont détaillés dans le rapport. J’insisterai plus particulièrement sur deux points qui, selon moi, permettraient de réduire à l’avenir les effets des inondations.

Le premier est l’amélioration de la connaissance de l’ensemble des acteurs et le développement d’une culture du risque, encore trop faible en France. Deux dispositifs permettent aux services de l’État, aux élus locaux et aux acteurs de terrain de disposer d’informations sur les risques correspondant à leur territoire : Vigicrues et Vigicrues flash. Cependant, ces informations indispensables doivent impérativement être complétées par une connaissance pratique du risque d’inondation. Il est essentiel d’effectuer des exercices fréquents et audacieux, de manière à développer les capacités d’adaptation des acteurs locaux. Les exercices, organisés par les préfectures, doivent s’orienter davantage vers ce risque et porter notamment sur la communication et l’articulation entre les services.

Il convient également de mieux sensibiliser les populations exposées au risque d’inondation. Malgré les informations disponibles en mairie ou sur internet, les campagnes de prévention pluie-inondation, ou encore l’institution d’une journée nationale dédiée à la prévention des inondations, le 13 octobre, de nombreux acteurs déplorent un manque de culture du risque. L’information des citoyens passe aussi par l’entretien de la mémoire des événements, en particulier par la pose de repères de crues normalisés.

Le deuxième point sur lequel je souhaite insister concerne la prise en compte du risque d’inondation dans l’aménagement du territoire et l’urbanisme. Les inondations sont aggravées par l’artificialisation des sols, depuis des décennies. Entre 2006 et 2014, la France a perdu 490 000 hectares de terres agricoles, qui absorbaient les eaux de pluies et ne peuvent plus le faire. L’artificialisation des sols peut avoir des conséquences dramatiques pour les habitants de nombreux quartiers qui se trouvent confrontés à un risque accru d’inondation. Ainsi, à Ajaccio, les graves inondations de décembre 2019 et de juin 2020 ont montré les limites de la politique d’expansion urbaine de la commune. Il est aujourd’hui admis que l’urbanisation non maîtrisée sur ses hauteurs a accru la fréquence et la gravité des inondations.

D’une manière générale, les plans locaux d’urbanisme doivent mieux prendre en compte les risques d’inondation. À cet égard, je souhaiterais que le Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD) soit saisi afin de procéder à l’évaluation de la régularité, de la qualité et de l’efficacité des dispositifs de prévention des inondations en vigueur à Ajaccio. Son expertise a déjà été sollicitée dans les Alpes-Maritimes.

Enfin, la période qui suit une catastrophe climatique est souvent marquée par le souhait d’un retour à l’état préexistant, ce qui se traduit par des reconstructions à l’identique. Or cette période doit, au contraire, constituer une opportunité pour réaménager le territoire sinistré afin de réduire sa vulnérabilité à une nouvelle catastrophe climatique. Il est essentiel de mieux reconstruire après une inondation.

M. Patrice Perrot, rapporteur pour avis (« Paysages, eau et biodiversité »). J’interviens ici en tant que rapporteur de deux des neuf programmes de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » : le programme 113 « Paysages, eau et biodiversité » et le programme 159 « Expertise, information géographique et météorologie ».

Le programme 113 est le programme support des politiques des paysages, de l’eau et de la biodiversité. Il bénéficie de 230,5 millions d’euros en CP et en AE dans le projet de loi de finances pour 2021, contre 202,2 millions d’euros en CP et 195,8 millions d’euros en AE dans la loi de finances initiale 2020. Cela représente une augmentation bienvenue des crédits de 14 %, soit 30 millions d’euros supplémentaires qui vont profiter à l’OFB, aux parcs nationaux, à l’ONF et à d’autres opérateurs.

Je salue le plus que doublement de la dotation des parcs nationaux dans le PLF 2021, passant de 2,1 à 4,5 millions d’euros, notamment pour aider les parcs à entretenir leur parc immobilier, qui devient vétuste. Je me réjouis également que la contribution du ministère de la transition écologique au fonctionnement de l’Office national des forêts connaisse une forte progression, puisqu’elle passe de 5 à 12 millions d’euros. Cette dotation de 7 millions d’euros supplémentaires permettra notamment de financer les réserves biologiques et les espaces de protection forte, conformément à l’objectif fixé par le Président de la République de porter de 20 % à 30 % la partie du territoire placée en espaces naturels protégés, dont un tiers en protection forte.

Évidemment, cela ne suffira pas à résoudre l’ensemble des difficultés de l’ONF, dont la dette grandit et dont les ressources ne couvrent plus les besoins, notamment en raison de la chute des prix du bois – notamment liée à la crise sanitaire. Mais cela relève d’une réforme globale, sur laquelle notre collègue Anne-Laure Cattelot a récemment fait des propositions.

L’OFB bénéficiera également de 10 millions d’euros de crédits budgétaires supplémentaires. Le prélèvement du même niveau effectué l’an passé sur son fonds de roulement ne se renouvellera donc pas. En revanche, l’opérateur doit perdre 20 équivalents temps plein (ETP) en 2021, alors que ses effectifs avaient été intégralement préservés lors de sa création au début de cette année. L’OFB nous alerte sur le fait qu’il se voit confier un nombre croissant de missions, alors que ses effectifs stagnent, voire décroissent.

Notons également que le plan de relance alloue 300 millions d’euros aux réseaux d’eau et à la modernisation des stations d’assainissement – y compris en outre-mer –, 135 millions d’euros à des opérations de restauration écologique et 60 millions d’euros aux espaces protégés qui concernent directement l’OFB.

L’OFB percevra environ 85 millions d’euros supplémentaires en 2021, qui ne se retrouvent pas dans les crédits du programme 113, dont 45 millions d’euros destinés aux réseaux d’eau en outre-mer – où l’opérateur joue le rôle d’agence de l’eau –, 19 millions d’euros destinés aux aires protégées, afin de financer des projets de protection des aires naturelles, 20 millions d’euros consacrés aux projets de restauration écologique et 3 millions d’euros pour le plan haies, afin de planter 7 000 kilomètres de haies, en complément de la gestion durable de 90 000 kilomètres de haies existantes. Enfin, 10 millions d’euros seront consacrés, comme en 2019 et en 2020, à la poursuite des objectifs du plan biodiversité.

Globalement, les crédits des politiques publiques en faveur de la biodiversité sont renforcés, ce qui est encourageant. Il faudra cependant veiller à ce que les effectifs des opérateurs qui permettent le déploiement de ces politiques publiques sur le territoire ne soient pas trop affaiblis.

Le programme 159 « Expertise, information géographique et météorologie » finance les subventions pour charges de service public de trois opérateurs : Météo France, l’Institut national de l’information géographique et forestière (IGN) et le CEREMA. Il comprend également l’ensemble des moyens de fonctionnement du Commissariat général au développement durable (CGDD).

Le programme est doté de 480 millions d’euros en AE et en CP dans le présent projet, contre 506 millions d’euros en AE et en CP dans la LFI 2020, soit une diminution de 5,4 %. Cette baisse des crédits s’explique essentiellement par un changement de périmètre, puisque la dotation de 19,9 millions d’euros en AE et en CP en faveur de l’économie sociale et solidaire (ESS) a été transférée vers le programme 305 « Stratégie économique et fiscale », piloté par Bercy. En dehors de cela, les crédits demeurent à peu près stables, exception faite d’une diminution de 5 millions d’euros des crédits attribués au CEREMA.

On remarque cependant que les effectifs de tous les opérateurs connaissent des évolutions à la baisse assez marquées : moins 87 ETP pour le CEREMA, moins 36 ETP pour l’IGN, moins 95 ETP pour Météo France. J’ai vu que des amendements avaient été déposés pour limiter ou inverser les réductions d’effectifs.

Ma préoccupation principale concerne le CEREMA, dont les effectifs seront passés de plus de 4 000 ETP en 2010 à moins de 2 500 en 2021. L’établissement a lancé, en juillet 2020, un important projet de transformation, Cérem’Avenir, qui prévoit de renforcer la compétence de l’établissement pour la mise en œuvre des politiques publiques d’aménagement et de développement durable des territoires et met l’accent sur la modernisation des infrastructures existantes. Ce sont des compétences précieuses, notamment pour aider les petites collectivités. Dans le cadre de la convention qu’il a récemment signée avec l’Agence nationale de cohésion des territoires (ANCT), le CEREMA apportera un soutien en ingénierie publique aux petites collectivités, à titre gratuit pendant les cinq premiers jours, comme le faisaient autrefois les directions départementales de l’équipement.

Afin d’appuyer l’action de l’opérateur, j’ai déposé deux amendements visant à limiter la baisse des effectifs, en la ramenant de moins 87 ETP à moins 37, ainsi qu’à stabiliser sa dotation budgétaire à son niveau de 2020, en annulant la baisse prévue de 5 millions d’euros de la subvention pour charges de service public.

Il serait également souhaitable, à terme, de modifier le statut du CEREMA pour en faire un établissement public sui generis, à la fois national et local, ce qui lui éviterait de devoir systématiquement passer par une procédure d’appel d’offres lorsqu’il veut aider les collectivités.

Les plans de transformation en cours des autres opérateurs, comme l’IGN et Météo France, doivent être menés à leur terme. L’IGN ne devrait toutefois plus avoir à connaître à l’avenir de réduction de postes, sauf à devoir abandonner plusieurs missions stratégiques. Notons cependant qu’en 2021, il bénéficiera de 22 millions d’euros de crédits supplémentaires, dans le cadre du plan de relance, pour le développement de la technologie de télédétection par laser (Lidar) haute densité. Cela facilitera le suivi du secteur forestier, l’élaboration et le suivi des documents de gestion sylvicole, la dématérialisation des procédures administratives forestières et environnementales ou encore le suivi de la reconstitution des peuplements et de l’état sanitaire des forêts.

Quant à Météo France, les interrogations portent essentiellement sur les investissements qui devront être conduits dans les années à venir pour moderniser les équipements et lancer la prochaine génération de supercalculateur. L’opérateur fait état d’un besoin d’investissements de 18,8 millions d’euros en 2023 et de 9,7 millions d’euros en 2024, qu’il nous faut anticiper.

Il est cependant essentiel que la redevance versée par la direction générale de l’aviation civile à Météo France pour la surveillance des conditions météorologiques du trafic aérien, à hauteur de 85,55 millions d’euros, soit reconduite à l’identique en 2021, car cette dotation est fondamentale pour le fonctionnement de l’opérateur.

M. Gérard Leseul. L’accident de Lubrizol a particulièrement marqué les habitants de la métropole de Rouen, ma circonscription, et bien au-delà. Le risque industriel est une réalité dans notre pays. Les rapports se sont multipliés pour tirer la sonnette d’alarme sur le manque de moyens et les failles de notre système de contrôle des sites industriels ; il y a eu plusieurs effets d’annonce : le système d’alerte « cell broadcast », le bureau d’études accidents plutôt qu’une autorité de sûreté, bref, rien de bien nouveau. Il faudrait surtout accroître les moyens pour renforcer les contrôles et rassurer les 2,5 millions de Français qui vivent aux alentours des sites industriels. L’une des mesures annoncées par le Gouvernement est l’augmentation de 50 % des inspections des sites : en valeur absolue, l’objectif est de passer de 18 000 à 27 000 inspections par an. Comment peut-on les effectuer avec une augmentation de cinquante postes d’inspecteur ? Le groupe Socialistes et apparentés défend le relèvement des crédits alloués à la prévention des risques.

Mme Chantal Jourdan. Tous les constats révèlent, l’un après l’autre, la rapidité de la dégradation de nos milieux de vie. Le groupe Socialistes et apparentés salue l’augmentation de 28,5 millions d’euros, en CP, du programme 113 « Paysages, eau et biodiversité ». Cela étant, plusieurs points sont à revoir, à commencer par la baisse des effectifs de l’ONF et de l’OFB. Les moyens humains sont primordiaux pour remplir des missions environnementales, écologiques et sociales et appliquer les nouveaux modèles de développement que nous appelons de nos vœux.

Mme Sophie Panonacle. Comme vous l’avez dit, monsieur Colombani, le changement climatique tend à accroître la fréquence et l’intensité des risques naturels. J’ai travaillé, en 2018, sur une proposition de loi relative au recul du trait de côte et à ses conséquences sur l’adaptation des territoires littoraux. Ces travaux législatifs ont été arrêtés au motif que le fonds Barnier excluait l’érosion côtière de son champ d’intervention. Ce fonds permet pourtant l’acquisition de biens de particuliers sinistrés exposés au risque, à l’amiable ou par expropriation. Les crédits affectés au fonds de prévention des risques naturels majeurs seront désormais regroupés au sein de la nouvelle action 14 du programme 181. La totalité des prélèvements effectués sur la prime « catastrophes naturelles » des contrats d’assurance multirisques habitation et automobile souscrits par les particuliers abonderont donc le fonds Barnier, qui verra sa dotation augmenter de plus de 73 millions. Pensez-vous que nous pourrions rouvrir le débat, en considérant que le phénomène d’érosion côtière, même s’il est prévisible, revêt le caractère d’une catastrophe naturelle ?

M. Paul-André Colombani, rapporteur pour avis. L’INERIS nous a alertés sur le fait que, ses effectifs diminuant, le nombre de missions d’inspection se réduisait, passant de 25 000 à 18 000 par an. Le Gouvernement s’est engagé à créer cinquante postes d’inspecteur, trente la première année et vingt l’année suivante, mais cela aura pour contrepartie la suppression de trente emplois administratifs, ce qui nous amène à formuler une réserve majeure.

Votre idée me paraît bonne, madame Panonacle, mais le fonds Barnier change de destination cette année et est intégré au budget de l’État. Des esprits critiques y verront une forme de recentralisation. Je me demande, pour ma part, si cela n’intervient pas trop tôt. On peut craindre que le fonds Barnier soit dénaturé, à terme, en se voyant assigner de nouvelles missions. Il faudra avoir ce débat. Les catastrophes naturelles n’étant pas appelées à diminuer, je n’ai pas de crainte quant au financement du fonds.

M. Patrice Perrot, rapporteur pour avis. L’ONF pourra recruter dix équivalents temps plein, au titre de l’augmentation des effectifs hors plafond. Les effectifs de l’opérateur sont gérés par le ministère de l’agriculture et de l’alimentation, et non par le ministère de la transition écologique et solidaire. Son budget connaît une progression relativement élevée – d’un montant de 7 millions d’euros. Je vous invite, madame Jourdan, à redéposer votre amendement tendant à accroître les effectifs vers la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales ».

Article 33 et état B

La commission est saisie de l’amendement II-CD45 de M. Patrice Perrot.

M. Patrice Perrot, rapporteur pour avis. Cet amendement a pour objet d’abonder le budget du CEREMA de 5 millions d’euros. Lors des auditions, l’opérateur nous a indiqué qu’il affrontait des difficultés budgétaires qui le contraindraient à faire des choix dans ses missions. Le CEREMA évolue, notamment au travers du partenariat qu’il est en train de nouer avec l’ANCT. Il s’efforce de répondre aux besoins des territoires, notamment des plus petits d’entre eux, des collectivités les plus excentrées, qui ont un fort besoin d’ingénierie – nous sommes tous d’accord sur ce point, je pense. Or l’établissement subit une forte baisse de ses effectifs. Dans la présente période, il serait terrible qu’il ne puisse pas offrir un vrai service public de proximité.

La commission adopte l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement II-CD34 de Mme Chantal Jourdan.

Mme Chantal Jourdan. Il s’agit de renforcer les moyens humains et financiers de l’ONF pour lui permettre de combler son déficit et de réaliser l’ensemble de ses missions.

M. Patrice Perrot, rapporteur pour avis. L’ONF connaît un problème d’équilibre financier, chacun en a conscience. Toutefois, comme je vous l’ai indiqué tout à l’heure, la subvention pour charges de service public n’est pas directement rattachée à la mission « Écologie, développement et mobilité durables » mais à la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales ». Mieux vaudrait redéposer votre amendement sur cette mission.

Le ministère de la transition écologique et solidaire verse une dotation complémentaire à l’ONF, qui a été relevée de 5 à 12 millions. La majoration de 7 millions n’est pas anodine, qui permettra notamment de financer les réserves biologiques et les espaces de protection forte, conformément à l’objectif fixé par le Président de la République.

Cela étant, l’opérateur est conscient qu’il doit poursuivre sa réforme. Lors de son audition, il ne nous a pas tant alertés sur la question budgétaire que sur l’évolution de son modèle économique. Il a manifesté la volonté de conserver l’intégralité de ses activités, et souhaité que ses missions d’intérêt général soient distinguées de l’ensemble.

Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement II-CD35 de Mme Chantal Jourdan.

M. Gérard Leseul. L’amendement vise à renforcer les moyens dévolus à l’OFB en créant un nouveau programme, intitulé « Fonds de soutien à l’Office français de la biodiversité », doté de 10 millions d’euros. Puisque nous ne pouvons, malheureusement, faire autrement que de le gager, nous proposons de prélever les crédits sur l’action 04 « Gestion économique et sociale de l’après-mines » du programme 174 « Énergie climat et après‑mines ».

M. Patrice Perrot, rapporteur pour avis. Comme vous, nous sommes très attachés aux moyens de l’OFB, qui est une vitrine de l’action publique en matière de biodiversité. Je crois donc nécessaire de clarifier les évolutions budgétaires qui le concernent.

D’abord, le budget 2021 prévoit une augmentation de la subvention pour charges de service public, qui passe de 41 à 51 millions d’euros. Cela rend la situation plus claire, alors que l’opérateur avait subi, l’année dernière, un prélèvement de 10 millions d’euros sur son fonds de roulement. L’évolution est donc positive. Ensuite, l’OFB bénéficiera en 2021 de 85 millions supplémentaires au titre du plan de relance. Cet abondement considérable confortera l’ensemble de ses opérations.

Néanmoins, il est vrai que l’opérateur connaîtra une diminution de ses effectifs de 20 ETP, qui sera partiellement compensée par l’augmentation de 10 ETP des emplois hors plafond. Si cette situation est encore supportable cette année, il faudra veiller à ce que ses effectifs soient préservés à l’avenir : la réduction potentielle de 40 ETP prévue pour 2022 pourrait le mettre en grande difficulté. Toutefois, dans la mesure où le niveau des crédits pour 2021 est satisfaisant, je vous demande de retirer l’amendement. À défaut, l’avis serait défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement II-CD28 de M. Guillaume Garot.

M. Paul-André Colombani, rapporteur pour avis. De l’aveu même de ses dirigeants, l’ADEME ne manque pas de moyens. Elle a été largement bénéficiaire du plan de relance, ce qui justifie une demande de retrait de l’amendement.

En revanche, il y aurait un sujet concernant la bonne manière de dépenser les moyens. Je maintiens que de ne prévoir des emplois intérimaires que pour une durée de dix‑huit mois risque de faire perdre au plan de relance une partie de son efficacité. Il aurait probablement fallu procéder à des embauches et en faire profiter les territoires.

L’amendement est retiré.

Article 38 : Plafonds des emplois des opérateurs de l’État

La commission examine, en discussion commune, les amendements II-CD47 de M. Patrice Perrot et II-CD39 de M. Sylvain Templier.

M. Patrice Perrot, rapporteur pour avis. L’amendement II-CD47 vise à transférer 60 ETP de la Société du Grand Paris à raison de 50 ETP vers le CEREMA et de 10 ETP vers les parcs naturels nationaux. La SGP a connu un renforcement très notable de ses effectifs au cours des dernières années, qui se prolongera en 2021 avec 250 ETP supplémentaires. Cette réaffectation est d’importance compte tenu des missions majeures du CEREMA et du rôle qu’il assumera dans le cadre de l’accompagnement du plan de relance.

L’investissement voulu par le Gouvernement en matière de transition écologique, grâce au plan de relance, ne doit pas s’accompagner d’un recul des fonctions de contrôle et d’expertise du CEREMA. L’établissement doit veiller à préserver sa capacité de développer des outils de référence sur ces sujets, à renforcer le contact avec les territoires, à affirmer sa contribution aux programmes nationaux, à assurer des formations, à animer des retours d’expérience de terrain, à capitaliser les expériences et à diffuser les savoirs et les bonnes pratiques à travers l’ensemble du territoire, au plus près de nos collectivités. En outre, ses activités de recherche et ses partenariats nécessitent également du personnel qualifié. Pour toutes ces raisons, la pression continue sur les effectifs constitue le point de faiblesse de l’établissement public. Pour que le CEREMA continue de jouer pleinement son rôle dans le contexte de forte pression que l’on connaît, et compte tenu de l’enjeu climatique, il faut impérativement que nous poussions pour maintenir ses moyens et ses effectifs.

Les parcs naturels nationaux doivent connaître un doublement de leurs dotations dans le PLF 2021, à 4,5 millions d’euros, mais ils ont perdu entre 15 % et 20 % de leurs effectifs depuis dix ans. Si le PLF met un terme à cette chute en prévoyant 1 ETP supplémentaire, cet effort pourrait être conforté. En ce sens, l’amendement reprend les dispositions de l’amendement II-CD39 de Sylvain Templier, les 10 ETP supplémentaires étant prélevés sur la Société du Grand Paris.

M. Sylvain Templier. L’amendement II-CD39 vise à maintenir des moyens humains dans les parcs nationaux, dont les effectifs ont drastiquement baissé en dix ans. Par exemple, en 2012, la création du parc national des calanques s’est faite à moyens constants. Il n’est pas possible de faire de même avec le parc national des forêts, qui fêtera, le 6 novembre, sa première année, et qui couvre, en partie, ma circonscription de Haute-Marne. Le schéma d’emploi de ce onzième parc national prévoit dix emplois pour 2021. Cela ne saurait se faire en prélevant un emploi à chacun des autres parcs, car cela contraindrait les agents à se replier sur leurs compétences de base, à savoir la protection en cœur de parc, au détriment des actions de développement durable qu’ils mènent avec les collectivités locales.

Les parcs nationaux contribuent au développement local en conférant à leur territoire une forte visibilité : 1 euro investi par les établissements génère localement jusqu’à 14 euros de retombées locales. Ils participent aussi à la transition et à la préservation de la biodiversité sur l’ensemble de leur aire d’adhésion.

Puisqu’il faut gager l’amendement, nous proposons de prélever les 10 ETP sur la Société du Grand Paris. Celle-ci a vu ses effectifs augmenter considérablement au cours des derniers exercices budgétaires : 200 emplois supplémentaires dans le PLF 2019, 155 dans le PLF 2020, à nouveau 290 dans le PLF 2021. Les 10 ETP que nous demandons représentent moins de 2 % de ses effectifs. Cet effort ne remettrait pas en cause la capacité de la SGP d’atteindre ses objectifs, alors que les 10 ETP constituent une absolue nécessité pour les parcs nationaux et la concrétisation des engagements de la France et du Président de la République pour la préservation de la biodiversité.

M. Patrice Perrot, rapporteur pour avis. Je demande le retrait de l’amendement II‑CD39 au bénéfice de l’amendement II-CD47.

M. Paul-André Colombani, rapporteur pour avis. Les membres du groupe Libertés et territoires soutiennent cette initiative en faveur des parcs naturels nationaux. Cela tient particulièrement à cœur à Jeanine Dubié, nouvelle présidente de l’Association nationale des élus de la montagne (ANEM).

M. Sylvain Templier. La ministre Pompili ayant demandé à chacun d’accomplir un effort et annoncé qu’elle ne soutiendrait pas l’accroissement des effectifs du CEREMA, je maintiens mon amendement. La réduction de 60 ETP des effectifs de la Société du Grand Paris pourrait ne pas être jugée acceptable, tandis que ma proposition ne vise à les diminuer que de 10 ETP. J’ai également déposé cet amendement en commission des finances.

M. Patrice Perrot, rapporteur pour avis. Il faut avoir conscience que c’est soit l’un soit l’autre. Nous avons opté pour un prélèvement de 60 ETP, à répartir. L’amendement, je le rappelle, intègre les 10 ETP destinés aux parcs nationaux. Je ne suis pas sûr qu’en segmentant notre action, on conserve le même niveau d’efficacité.

La commission adopte l’amendement II-CD47.

En conséquence, l’amendement II-CD39 tombe.

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*     *

Lors de sa réunion du mercredi 4 novembre 2020 matin, la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a émis un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Écologie, développement et mobilité durables ».

 


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   LISTE des personnes auditioNnées

(par ordre chronologique)

Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES)

M. Roger Genet, directeur général

Mme Agathe Denéchère, directrice générale adjointe, pôle affaires générales

Mme Sarah Aubertie, chargée des relations institutionnelles

Direction générale de la prévention des risques (DGPR)

M. Cédric Bourillet, directeur général

M. Patrick Soulé, adjoint au directeur général

Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN)

M. Jean-Christophe Niel, directeur général

M. Patrice Bueso, directeur de la stratégie

Mme Emmanuelle Mur, responsable des relations institutionnelles

Autorité de sûreté nucléaire (ASN)

M. Bernard Doroszczuk, président

M. Olivier Gupta, directeur général

M. Daniel Delalande, directeur général adjoint

Agence de la transition écologique (ex-ADEME)

M. Arnaud Leroy, président

M. Fabrice Boissier, directeur général délégué

Table ronde sur le risque d’inondation en Corse

M. Alain Charrier, secrétaire général de la Préfecture

M. Laurent Marcangeli, maire d’Ajaccio

Mme Patricia Bruchet, directrice régionale adjointe de la direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DREAL)

 

Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD)

M. Michel Segard, membre du CGEDD

Institut national de l’environnement industriel et des risques (INERIS)

M. Raymond Cointe, directeur général

M. Clément Lenoble, chargé de missions auprès du directeur général

 


([1]) Une fois les frais de gestion prélevés.

([2]) Référé de la Cour des comptes 2016-3768 du 5 décembre 2016.

([3]) Arrêté du 13 avril 2010 modifié relatif à la prévention des risques présentés par les stockages d'engrais solides à base de nitrate d'ammonium soumis à autorisation au titre de la rubrique 4702 et les stockages de produits soumis à autorisation au titre de la rubrique 4703

([4]) http://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/rapports/inceindu/l15b2689_rapport-information#

([5]) https://www.oecd-ilibrary.org/docserver/9789264207929-fr.pdf?expires=1602664699&id=id&accname=ocid49014282&checksum=D8616C439588B20433B07005C09B3A8E

([6]) https://www.vie-publique.fr/sites/default/files/rapport/pdf/194000786.pdf

([7]) Un PPR prescrit correspond à la première phase de l’élaboration de ce document. Les zones soumises aux phénomènes sont connues mais les zones de risques ne sont pas encore parfaitement délimitées. Un PPR approuvé correspond au document achevé ; il comporte la délimitation des zones à risques qui font l’objet d’une réglementation. Le PPR peut être appliqué par anticipation dans certaines situations, c’est-à-dire avant l’enquête publique, la consultation des conseils municipaux et son approbation définitive, afin d’éviter toute nouvelle implantation dangereuse.

([8]) https://www.vie-publique.fr/sites/default/files/rapport/pdf/273401.pdf  

([9]) file:///C:/Users/sthomas/AppData/Local/Temp/18105rp-retex-inondation-aude.pdf  

([10]) https://professionnels.ofb.fr/sites/default/files/Fiche2_crsdeau-fosse.pdf  

([11]) https://www.inrae.fr/sites/default/files/pdf/artificialisation-des-sols-rapport-en-francais-1.pdf  

([12]) https://www.leparisien.fr/economie/tempete-alex-macron-promet-jusqu-a-un-milliard-d-euros-pour-la-reconstruction-07-10-2020-8398863.php

([13]) http://assnat.fr/FeQWQm