N° 3398

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 7 octobre 2020.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DU DÉVELOPPEMENT DURABLE ET DE L’AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2021 (n° 3360)

TOME IX

COHÉSION DES TERRITOIRES

 

AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE

PAR M. Guillaume GAROT

Député

——

 

 

 Voir les numéros : 3360, 3399 (Tome III, annexe 9).


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SOMMAIRE

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Pages

INTRODUCTION

premiÈre partie : prÉsentation gÉnÉrale du programme 112 « impulsion et coordination de la politique d’amÉnagement du territoire »

I. LES NOMBREUX OUTILS DE CONTRACTUALISATION ÉTATCOLLECTIVITÉS TERRITORIALES

II. Vers une troisiÈme gÉnÉration de CONTRATS DE PLAN ÉTATRÉGION (CPER)

A. rappels sur les contrats de projets État-rÉgion 2007-2014

B. les contrats de plan État-rÉgion 2015-2020

C. la prÉparation des contrats 2021-2027 prend du retard

III. des programmes d’appui spÉcifiques pour accompagner des transformations territoriales

A. le rÉseau des maisons France services

B. les appuis au dÉveloppement des infrastructures et des usages du numÉrique

DeuxiÈme partie : Les PremiÈres actions de l’agence nationale de la cohÉsion des territoires (ANCT)

I. L’agence est dÉsormais opÉrationnelle

A. les moyens humains et financiers de l’agence pour sa premiÈre annÉe d’existence

1. Les personnels de l’agence

2. Une organisation déconcentrée

3. Qu’a fait l’ANCT en 2020 ?

4. Le budget 2020 de l’agence

B. Les contrats pluriannuels de partenariat prÉvus par la loi vont Être signÉs prochainement

1. La convention entre l’État, l’ANCT et l’Agence de transition écologique (ex-ADEME)

2. La convention pluriannuelle entre l’État, l’ANCT et la Caisse des dépôts et consignations

3. La convention entre l’État, l’ANCT et le Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement

4. La convention entre l’État, l’ANCT et l’Agence nationale de l’habitat

5. La convention entre l’État, l’ANCT et l’Agence nationale pour la rénovation urbaine

II. Que fera l’ANCT en 2021 ?

TroisiÈme partie : le programme « petites villes de demain »

I. prÉsentation gÉnÉrale du programme

II. le processus de sÉlection des villes

III. Une dÉmarche intÉressante, mais aux consÉquences incertaines

A. la Gouvernance et le calendrier

B. un plan de financement encore peu prÉcis

C. concrÈtement, que peuvent en attendre les villes bÉnÉficiaires ?

QuatriÈme partie : le programme 162 « interventions territoriales de l’État » et l’action « reconquÊte de la qualitÉ des cours d’eau en rÉgion pays de la loire »

I. Un programme budgÉtaire de nature particuliÈre

II. prÉsentation gÉnÉrale des actions du programme 162 pour l’annÉe 2021

A. quatre actions antÉrieures À 2020 se poursuivront en 2021

B. Deux actions ont ÉtÉ crÉÉes par la loi de finances pour 2020

C. une nouvelle action sera lancÉe en 2021

III. l’action « reconquÊte de la qualitÉ des cours d’eau en pays de la loire »

A. une situation de dÉpart trÈs dÉgradÉe

B. une dÉmarche multi-partenaires

1. Le contrat d’avenir (février 2019)

2. Le Plan pour la reconquête de la ressource en eau en Pays de la Loire (décembre 2019)

3. L’action du PITE et sa mise en œuvre

C. une nÉcessitÉ : dÉfinir des objectifs prÉcis et des critÈres de performance adÉquats

examen en commission

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES


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   INTRODUCTION

La mission « Cohésion des territoires » rassemble, depuis la loi de finances pour 2018, les programmes auparavant rattachés aux missions « Égalité des territoires et logement » et « Politique des territoires », et couvre ainsi l’ensemble des actions mises en œuvre par le ministère de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales (MCTRCT) en faveur du développement et de l’aménagement du territoire, du renouvellement urbain, de la solidarité entre les territoires, du logement, de l’hébergement et de l’habitat durable. Le projet de loi de finances pour 2021 prévoit de doter cette mission d’un montant total de 15,91 milliards d’euros en autorisations d’engagement (AE) et de 15,99 milliards d’euros en crédits de paiement (CP).

Ce budget est globalement en hausse par rapport aux montants attribués par la loi de finances pour 2020 (+ 5,57 % en AE et + 5,53 % pour les CP). Il convient toutefois de noter que le budget de ce ministère ne représente qu’une partie des crédits du budget de l’État relatifs à l’aménagement du territoire : au sein du budget de l’État, ce sont 29 programmes, rattachés à différentes missions et donc à plusieurs ministères, qui comportent des crédits pouvant être considérés comme une contribution de l’État à l’aménagement du territoire ([1]). De plus, la maquette budgétaire s’est enrichie cette année d’une nouvelle mission, la mission « Plan de relance », dont l’un des trois programmes est dédié à la réalisation d’objectifs de cohésion. La création de cette mission budgétaire ad hoc et temporaire a vocation à présenter l’ensemble des moyens du budget de l’État consacrés au plan de relance en 2021, mais nuit considérablement à la lisibilité de l’évolution des crédits des programmes de la mission « Cohésion des territoires ».

La mission « Cohésion des territoires » comporte six programmes. Le présent rapport porte, compte tenu des compétences de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, sur deux d’entre eux : le programme 112 « Impulsion et coordination de la politique d’aménagement du territoire » et le programme 162 « Interventions territoriales de l’État ». À eux deux, ces programmes représentent moins de 2 % des crédits de la mission demandés pour l’année 2021, mais ils permettent de financer ou de cofinancer une grande variété d’actions de l’État et des collectivités territoriales.

Votre rapporteur pour avis invite la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire à émettre un avis favorable sur ces deux programmes du projet de loi de finances pour 2021, tout en exprimant plusieurs réserves et mises en garde.

L’éparpillement, certes temporaire, des crédits entre deux missions budgétaires n’est pas heureux et pose la question de la pérennité des financements annoncés, pour 2021 uniquement, dans le plan de relance, notamment pour les programmes pilotés par l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT).

Cette agence est désormais opérationnelle mais est encore bien loin d’avoir « fait ses preuves » : il conviendra de se montrer vigilant et exigeant quand viendra le temps d’évaluer l’efficacité de son activité, d’autant que la création de cet opérateur, dont les préfets sont les délégués territoriaux, ne remédie aucunement à l’insuffisance des moyens des services déconcentrés de l’État.

Enfin, si la crise sanitaire et l’élaboration des plans de relance national et régionaux expliquent que l’élaboration des prochains contrats de plan État-région (CPER) ait pris du retard, il est souhaitable que le contenu et les ambitions de ces contrats soient très rapidement clarifiés et présentés.

 


   premiÈre partie :
prÉsentation gÉnÉrale du programme 112
« impulsion et coordination de la politique d’amÉnagement du territoire »

Le programme 112 de la mission « Cohésion des territoires » a pour objet la préparation et la mise en œuvre des décisions du Gouvernement en matière d’aménagement et de compétitivité des territoires. Il se caractérise par une forte dimension interministérielle dans les actions engagées. Il vise à concourir à la réalisation de deux objectifs : d’une part, renforcer l’attractivité économique et la compétitivité des territoires, et d’autre part, assurer la cohésion et l’équilibre des territoires et favoriser leur développement durable. Les programmes et interventions qu’il finance concernent donc à la fois l’attractivité des territoires, leur développement économique et l’accessibilité des services au public ; il est notamment l’outil budgétaire du développement du numérique. Ce programme était mis en œuvre, jusqu’en 2019, par le Commissariat général à l’égalité des territoires (CGET). Depuis le 1er janvier 2020, c’est l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) qui est désormais le principal opérateur de ce programme.

Le programme 112 comporte un outil budgétaire transversal, le Fonds national pour l’aménagement et le développement du territoire (FNADT). Créé par la loi du 4 février 1995, il a vocation à soutenir, en investissement comme en fonctionnement, les actions qui appuient les choix stratégiques de la politique d’aménagement du territoire et intervient en complément des fonds publics et privés mobilisés pour ces opérations. Il comporte deux sections : l’une, générale, pour des projets d’envergure issus de programmes nationaux d’État (inscrits au sein des contrats de plan État-région ou arrêtés par le comité interministériel pour l’aménagement et le développement du territoire) ou des demandes locales adressées par les préfets de région ; l’autre, locale, gérée de manière déconcentrée par les préfets, finançant certaines opérations des contrats de plan État-région (CPER) et des opérations non contractualisées.

Le projet de loi de finances pour 2021 prévoit, pour le programme 112, un montant d’environ 176 millions d’euros en autorisations d’engagement (- 32 millions d’euros par rapport à la loi de finances pour 2020, soit une baisse de 15 %) et d’environ 231 millions d’euros en crédits de paiement (- 13 millions d’euros, soit une baisse de 5 %). Ce programme apparaît donc, dans la mission « Cohésion des territoires », comme étant globalement et significativement en baisse, mais les crédits de la mission « Plan de relance » amènent en réalité à le faire croître de manière significative, puisque cette mission apporte 250 millions d’euros d’AE et 44,4 millions d’euros en CP aux actions du programme 112.

 


Les crÉdits du programme 112 (en euros ; hors fonds de concours)

Actions et sous actions

LFI 2019

LFI 2020

PLF 2021

Mission Cohésion des territoires

PLF 2021

Mission Cohésion des territoires + Mission Plan de relance

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

11. FNADT section locale

128 454 471

111 820 583

123 659 804

111 161 252

75 669 000

103 441 360

272 669 000

126 541 360

Contrats de plan État-région (CPER)

107 916 738

96 926 959

107 928 313

100 596 705

66 800 000

102 111 360

222 000 000

121 791 360

Contrats de convergence et de transformation

5 037 733

3 884 033

4 533 000

4 205 000

5 469 000

820 000

5 469 000

820 000

Pactes territoriaux

15 500 000

11 009 591

11 198 491

6 359 547

3 400 000

510 000

45 200 000

3 930 000

12. FNADT section générale

24 071 741

35 580 475

24 932 694

32 573 072

34 430 000

39 113 000

87 430 000

60 613 000

FNADT hors CPER

24 071 741

35 580 475

24 238 694

31 879 072

33 030 000

37 713 000

86 030 000

59 213 000

Réseau et partenaires (autres associations)

0

0

694 000

694 000

1 400 000

1 400 000

1 400 000

1 400 000

13. Soutien aux opérateurs

36 872 684

36 872 684

56 486 486

56 486 483

65 767 484

65 767 484

65 767 484

65 767 484

Fonctionnement, études, immobilier

25 662 562

25 662 562

0

0

0

0

0

0

Assistance technique et réseaux CGET

4 054 280

4 054 280

0

0

0

0

0

0

Réseau et partenaires (autres associations)

1 388 000

1 388 000

0

0

0

0

0

0

Business France

5 767 842

5 767 842

4 800 000

4 800 000

4 800 000

4 800 000

4 800 000

4 800 000

Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT)

 

 

51 686 483

51 686 483

60 967 484

60 967 484

60 967 484

60 967 484

14. PAT, pacte État métropoles et contrats de ruralité

10 000 000

56 540 437

3 000 000

43 925 508

0

22 500 000

0

22 500 000

Prime d’aménagement du territoire (PAT)

10 000 000

19 329 355

3 000 000

15 065 304

0

10 984 257

0

10 984 257

Pacte État métropoles

0

33 395 450

0

26 618 478

0

10 013 872

0

10 013 872

Contrats de ruralité

0

3 815 632

0

2 241 726

0

1 501 871

0

1 501 871

TOTAL

199 398 896

240 814 179

208 078 981

244 146 315

175 866 484

230 821 844

425 866 484

275 421 844

Source : réponses des services du ministère de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales (MCTRCT) au questionnaire budgétaire en application de l’article 49 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF).


— 1 —

Les principales variations entre 2020 et 2021 sont les suivantes :

– s’agissant de la section locale du FNADT (action 11), les AE demandées inscrites au programme 112 diminuent de 39 %, et les CP de 7 %. Ceci s’explique par le fait qu’une partie des crédits demandés pour 2021 pour la nouvelle génération de CPER actuellement en cours d’élaboration sont inscrits dans la mission budgétaire « Plan de relance ». Si l’on inclut dans ce volet du FNADT les crédits prévus dans la mission ad hoc, on observe au contraire une hausse massive des AE (+ 120 %) et une hausse non négligeable des CP (+ 14 %). Le plan de relance comporte en effet un soutien renforcé aux contrats de plan régionaux et interrégionaux et aux contrats de convergence et de transformation ; il comporte également le lancement d’un plan d’investissement spécifique, le plan de transformation et d’investissements pour la Corse (PTIC) ;

– s’agissant de la section générale du FNADT (action 12), le programme 112 annonce une hausse des AE comme des CP (de respectivement 38 % et 20 %), correspondant à des moyens supplémentaires consacrés au déploiement du programme France Services. À ces crédits du programme 112 vont venir s’ajouter, via la mission « Plan de relance », des enveloppes conséquentes pour financer le dispositif des Fabriques de territoires et les programmes portés par l’ANCT, notamment le programme Petites Villes de demain. Au total, l’action 12 se trouve ainsi dotée, pour 2021, de plus de 87 millions d’euros en AE et de plus de 60 millions d’euros en CP, mais qui sont principalement inscrits dans la mission « Plan de relance » ;

– l’action 13 « Soutien aux opérateurs » est désormais, depuis 2020, exclusivement consacrée aux moyens de deux opérateurs : l’ANCT et Business France. Les quelque 10 millions d’euros supplémentaires par rapport à 2020 sont destinés aux dépenses d’ingénierie de l’ANCT ;

– enfin, concernant l’action 14, il n’est plus prévu de crédits en AE pour 2021, puisque le dispositif de la prime d’aménagement du territoire (PAT) arrive à son terme. Les crédits en CP diminuent de 49 %, notamment du fait de la diminution des restes-à-payer au titre des contrats de ruralité et du pacte État métropoles.

Votre rapporteur pour avis ayant choisi de consacrer une attention particulière à la première année d’activité de l’ANCT et à l’un des programmes pilotés par celle-ci (deuxième et troisième parties du présent rapport), les principaux autres dispositifs financés par le programme 112 sont présentés ci-après.

I.   LES NOMBREUX OUTILS DE CONTRACTUALISATION ÉTATCOLLECTIVITÉS TERRITORIALES

Les crédits du programme 112 contribuent au financement de nombreux contrats pluriannuels conclus entre l’État et une ou plusieurs collectivités territoriales. Il s’agit en premier lieu des contrats de plan État-région (CPER) (voir le II) mais aussi, pour des montants moindres, des contrats de ruralité (qui arrivent à leur terme cette année), des contrats de réciprocité ville-campagne, des contrats de redynamisation des sites de défense (CRSD) dans les territoires affectés par des redéploiements militaires, des conventions du programme « Action cœur de ville », des conventions du pacte État métropoles, des contrats annuels entre l’État et les régions pour le financement des pôles de compétitivité… ainsi que, depuis 2019, des pactes territoriaux de développement ([2]) et des contrats de convergence et de transformation (CCT), ou encore des conventions « Territoires d’industrie ». S’y ajouteront en 2021 les conventions du nouveau programme « Petites villes de demain ».

Votre rapporteur pour avis relève que la multiplicité des dispositifs contractuels, chacun d’eux ayant une temporalité, des acteurs et des objectifs propres, est un facteur d’extraordinaire complexité.

II.   Vers une troisiÈme gÉnÉration de CONTRATS DE PLAN ÉTAT‑RÉGION (CPER)

A.   rappels sur les contrats de projets État-rÉgion 2007-2014

Les contrats de projets État-région 2007-2013, qui ont été prolongés d’un an, ont représenté un engagement global de 29,5 milliards d’euros après la révision à mi-parcours de 2011. L’État a contractualisé près de 12,76 milliards d’euros (hors subvention versée au Syndicat des transports d’Île-de-France) : 12,025 milliards d’euros pour les 26 CPER et 732,75 millions d’euros pour les contrats interrégionaux de fleuves et de massifs (CPIER). Les conseils régionaux ont contractualisé 15,5 milliards d’euros sur la période, dont 14,85 milliards d’euros pour les CPER et 635 millions pour les CPIER ([3]).

Le dispositif avait été prolongé jusqu’au 31 décembre 2014 afin que l’année de préparation de la deuxième génération de contrats ne soit pas une année « blanche » en termes d’investissement et qu’elle permette l’achèvement de certaines opérations en cours et l’amélioration du taux d’avancement global de la mise en œuvre des contrats. Le taux d’engagement a ainsi pu atteindre 85 % au 31 décembre 2014. Depuis cette date, il n’est plus possible d’engager de nouveaux crédits au titre des contrats de projets. Toutefois, des paiements sont encore nécessaires sur certains programmes.

Au 31 décembre 2019, 9,6 milliards d’euros de crédits de paiement de l’État ont été exécutés. 20 millions d’euros de crédits de paiement seront versés en 2020 au titre de ces CPER, et 17 millions d’euros après 2020. Au total, selon les informations communiquées à votre rapporteur pour avis, 86 % des AE de l’État prévues par les CPER 2007-2014 auront ainsi été couverts par des CP.

B.   les contrats de plan État-rÉgion 2015-2020

La préparation de la deuxième génération de contrats entre l’État et les régions a été lancée en août 2013, en métropole et en outre-mer. Pour les contrats avec les régions de métropole, six thématiques ont été définies : la mobilité ; l’enseignement supérieur, la recherche et l’innovation ; la transition écologique ; les filières d’avenir et l’usine du futur ; le numérique ; l’emploi. Ces contrats comportent également un volet territorial, obligatoire, destiné à prendre en compte la diversité des situations locales justifiant un effort de solidarité particulier. À ce volet sont rattachés des contrats infrarégionaux, notamment les contrats de ville et les contrats de redynamisation des centres-bourgs. Ont également été conclus douze contrats interrégionaux, dont le CPIER du bassin de la Loire (dans lequel le montant contractualisé par l’État s’élève à 111 millions d’euros). La nouvelle carte des régions, entrée en vigueur en 2016, n’a pas nécessité une révision généralisée des CPER ; seuls des avenants techniques ont été conclus, avec douze régions.

Les régions se sont engagées à hauteur de 15 milliards d’euros et l’État a contractualisé 13,6 milliards d’euros dans les CPER et CPIER du territoire métropolitain, dont plus de 7 milliards d’euros consacrés au volet « Mobilité multimodale » de ces contrats. Fin 2018, 6,5 milliards d’euros de crédits de l’État avaient été effectivement engagés, et 7,7 milliards d’euros d’AE fin 2019. Fin 2020, les AE effectivement engagées de l’État devraient atteindre 9,4 milliards d’euros.

Les crédits budgétaires de l’État consacrés à la mise en œuvre de ses engagements contractuels dans le cadre des CPER ne proviennent pas principalement de la mission « Cohésion des territoires » mais sont issus de neuf missions budgétaires différentes. 9,9 milliards sur les 13,6 milliards engagés par l’État proviennent de la mission « Écologie, développement et mobilités durables » (dont 7 milliards d’euros du programme 203 « Infrastructures et services de transport » et 1,38 milliard d’euros des agences de l’eau).

Dans les territoires ultramarins, les CPER 2015-2020 ont été clos de manière anticipée au 31 décembre 2018 pour laisser la place aux contrats de convergence et de transformation (CCT) couvrant la période 2019-2022, les engagements des CPER ayant été repris dans ces nouveaux contrats. Le suivi de la mise en œuvre des cinq CCT est assuré par le ministère des outre-mer. Il convient de noter que le CCT de la Guyane est exécuté depuis 2020 sur le programme 162 « Interventions territoriales de l’État » (voir Quatrième partie du présent rapport).

Selon les informations communiquées par les services du ministère de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, le volet mobilité des CPER 2015-2020 va être prolongé jusqu’en 2022, par le biais d’un avenant avec chaque conseil régional. Le Gouvernement considère que le plan de relance 2021-2022 va permettre d’accélérer la réalisation des projets d’infrastructures de transport inscrits dans les CPER.

À l’exception de ce volet « mobilité », la génération des CPER 2015-2020 n’appelle plus de nouveaux engagements à compter de l’année 2021. Les crédits du programme 112 consacrés à la mise en œuvre de ces contrats dans le présent projet de loi de finances ne sont donc que des crédits de paiement.

C.   la prÉparation des contrats 2021-2027 prend du retard

Le budget du programme 112 pour l’année 2021 comporte un montant de 50,8 millions d’euros en autorisations d’engagement pour le lancement des futurs CPER 2021-2027, 16 millions d’euros en AE pour les futurs CPIER, et 9 millions d’euros de crédits de paiement pour couvrir, le cas échéant, les premiers mandatements sur des opérations prévues par ces CPER et CPIER. Au total, les crédits affectés aux CPER, toutes générations confondues, représenteront en 2021 38 % des AE et 44 % des CP du programme 112, auxquels il faut ajouter les crédits rattachés à la mission « Plan de relance ».

Les contrats de plan État-région pour la période 2021-2027 n’ont pas encore été conclus. Le Gouvernement a annoncé que cette nouvelle génération de contrats serait élaborée selon une méthode différente, ascendante, partant des priorités définies par les régions, et avec un périmètre élargi à des thématiques qui ne figurent pas dans les CPER 2015-2020. L’État et les régions ont signé le 30 juillet 2020 un accord de méthode. Le projet annuel de performance de la mission « Cohésion des territoires » annexé au projet de loi de finances pour 2021 précise que « les thématiques contractualisées pourront varier d’une région à une autre ». Trois thématiques seront toutefois présentes dans tous les CPER : l’emploi ; la transition écologique ; l’enseignement supérieur, la recherche et l’innovation. Des thématiques nouvelles pourront désormais y être intégrées, comme l’agriculture, la santé, la mer et le littoral.

Mme Agnès Langevine, vice-présidente de la région Occitanie, auditionnée le 14 octobre dernier en tant que représentante de Régions de France par la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, a indiqué que dans le cadre de la démarche de « territorialisation » du plan de relance, un accord de partenariat entre l’État et les régions a été conclu le 28 septembre dernier, avec un volet financier visant à contribuer à sécuriser les ressources des régions et un volet relatif à la méthode pour définir les axes stratégiques qui seront intégrés dans les futurs CPER. Chaque région ayant élaboré son propre « plan de relance » pour faire face aux conséquences sociales et économiques de la crise sanitaire, le dispositif des CPER devra nécessairement intégrer ces plans, qui devraient être finalisés fin 2020. Elle a également indiqué que le calendrier de négociation des nouveaux CPER se trouve décalé d’un an en raison de la crise sanitaire, tout comme le calendrier de la prochaine programmation pluriannuelle au niveau européen.

Selon les informations recueillies par votre rapporteur pour avis auprès de l’association Régions de France, à ce jour les régions n’ont toujours pas connaissance des mandats de négociation qui seront délivrés aux préfets de région par le Gouvernement. Les services du ministère de la cohésion des territoires ont indiqué que ces mandats sont finalisés mais n’ont pas encore pu être communiqués, car les diagnostics et les priorités ont dû être actualisés en raison de la crise sanitaire et de ses conséquences. L’élaboration des prochains CPER, qui doivent en principe couvrir la période 2021-2027, est donc loin d’être achevée mais le Gouvernement prévoit qu’ils seront signés dans le courant de l’année 2021 pour permettre un ajustement de leur contenu après les élections régionales et pour respecter les délais relatifs aux différentes consultations qui doivent précéder leur signature.

Les CPER constituent un « cadrage » pluriannuel majeur pour l’ensemble des acteurs nationaux et locaux, jouent un rôle de « catalyseur des investissements » ([4]), donnent de la visibilité et formulent des ambitions partagées. Votre rapporteur pour avis regrette que Régions de France n’ait pas souhaité lui faire part des attentes des régions vis-à-vis de ces futurs contrats. Il note que les autres collectivités locales, notamment celles représentées par l’Association Petites Villes de France (APVF), sont également dans l’attente et souhaitent vivement être associées à l’élaboration de ces contrats, ce qui n’est pas – ou pas suffisamment – le cas à ce stade.

III.   des programmes d’appui spÉcifiques pour accompagner des transformations territoriales

Outre les dispositifs précités de contractualisation, le programme 112 contribue à l’action de l’État pour soutenir et accompagner des structures et des services propres à renforcer l’attractivité des territoires, en particulier dans le cadre de la démarche « France Services » et dans l’ensemble des actions tendant à favoriser le déploiement du numérique sur le territoire. On peut également citer les activités de l’opérateur Business France, dont la subvention pour charges de service public est versée dans le cadre du programme 112.

A.   le rÉseau des maisons France services

L’accessibilité des services pour la population est une dimension essentielle de l’aménagement du territoire, et correspond à un besoin très profond exprimé par les résidents des territoires ruraux mais aussi de certains territoires urbains. Les maisons France Services, qui ont succédé en 2020 aux maisons de services au public (MSAP) et auxquelles le programme 112 apporte la contribution financière de l’État, constituent un dispositif très important et devraient permettre une « montée en gamme » du dispositif antérieur.

L’activité des MSAP, et désormais des structures France Services, permet de renseigner en un seul lieu les usagers de plusieurs organismes administratifs pour les orienter vers la bonne structure et les aider à accomplir certaines démarches, notamment des démarches dématérialisées.

Le déploiement des MSAP a été lent : au 31 décembre 2014, seules 363 maisons étaient en service et labellisées. Sept opérateurs ([5]) ont alors signé un accord national créant le Fonds de soutien inter-opérateurs (FIO) et ont pris l’engagement de conclure des conventions locales de partenariat pour chaque MSAP (les sept opérateurs n’ayant, toutefois, pas l’obligation d’être présents dans toutes les MSAP). Par la suite, en 2015, l’État a décidé d’accélérer encore le déploiement des MSAP sur le territoire en concluant une convention distincte avec le groupe La Poste pour permettre l’installation de MSAP dans des bureaux de poste existants en déficit d’activité.

Le FIO a permis de doubler l’effort financier déjà engagé par l’État, en complément du financement apporté par les collectivités territoriales (qui constituent le principal financeur des MSAP non postales). Le nombre de MSAP a atteint 1 150 fin 2017 (dont 500 MSAP postales), puis 1 284 en août 2018, dont 85 % situées dans des communes de moins de 5 000 habitants, et 1 340 fin 2019. Mais la qualité n’était pas partout au rendez-vous, certaines structures avaient été créées sans analyse préalable des besoins réels du territoire et d’autres ne respectaient pas, en pratique, les exigences du cahier des charges de la labellisation.

Le 25 avril 2019, le Président de la République a annoncé la mise en place d’un réseau de maisons France Services. Par rapport aux MSAP, les maisons France Services doivent apporter une amélioration qualitative sur plusieurs points : le nombre d’opérateurs partenaires sera plus élevé, la formation des agents sera améliorée et renforcée, la collaboration sera plus étroite avec les collectivités locales, une évaluation préalable plus rigoureuse des besoins sera assurée, l’accompagnement des usagers ne se fera pas seulement sur de la réorientation mais comprendra un engagement de résolution des difficultés rencontrées, le maillage sera renforcé (il était prévu que 200 nouvelles structures soient ouvertes en 2020 et 100 en 2021) et accompagné d’un nouveau plan de financement. Outre les administrations de l’État (services déconcentrés des ministères de l’intérieur, de la justice et des comptes publics), les partenaires de ce réseau sont La Poste, Pôle Emploi, la CNAF, la CNAV, la CNAMTS, la MSA et l’Agirc-Arrco.

Au terme d’un processus de sélection des structures « labellisables », le Gouvernement a annoncé en novembre 2019 une liste de 460 structures capables d’obtenir le label « France Services » au 1er janvier 2020. En février 2020, 540 structures avaient obtenu ce label, et fin septembre 2020, ce sont 856 structures qui étaient labellisées. L’objectif annoncé par le Gouvernement est double : à l’horizon 2022, équiper chaque canton d’au moins une maison France Services et atteindre un réseau de 2 500 structures.

Chaque structure labellisée bénéficie d’une subvention forfaitaire de 30 000 euros par an, dont 15 000 euros via le FNADT du programme 112 du budget de l’État et 15 000 euros via le Fonds national France Services (FNFS). Le FNFS, qui a remplacé le FIO, est alimenté par des contributions de chacun des dix partenaires du dispositif.

En 2020, le FNADT porté par le programme 112 a contribué à hauteur de 18,5 millions d’euros au financement de ces structures (MSAP préexistantes et maisons labellisées France Services), et l’enveloppe de crédits prévue pour 2021 s’élève à 28,3 millions d’euros.

Votre rapporteur pour avis souscrit bien entendu à l’idée de renforcer la présence des services publics, mais souligne que plus de 860 cantons sont encore dépourvus de MSAP et de maisons France Services et que la performance globale du dispositif dépend très directement des progrès de la couverture numérique du territoire. Votre rapporteur pour avis ajoute enfin que la démarche France Services fait peser sur les collectivités locales une partie des financements de ces dispositifs, en leur demandant donc de compenser le désengagement de l’État et de ses opérateurs constaté au fil du temps.

B.   les appuis au dÉveloppement des infrastructures et des usages du numÉrique

Dans le domaine du numérique, le programme 112 inclut notamment le programme « Nouveaux lieux, nouveaux liens » qui vise à proposer, partout sur le territoire, de nouvelles activités et de nouveaux services regroupés dans des lieux entièrement équipés en numérique, en soutenant ceux qui créent ces lieux et portent ces activités. Dans ce cadre, un soutien à 300 Fabriques de territoire est prévu dans le projet de loi de finances pour 2021, dont 150 implantées dans les territoires ruraux et 150 dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville.

Les programmes France très haut débit (FTHD), Inclusion numérique et France Mobile se poursuivront, désormais pilotés par l’ANCT.

Il est à noter que la mission budgétaire « Plan de relance » annonce le lancement d’un plan d’action pour moderniser les infrastructures numériques de l’État, des territoires et des entreprises, notamment par le biais d’appels à projets, et un investissement exceptionnel en faveur de l’inclusion numérique. C’est dans cette mission qu’est inscrite une enveloppe de 490 millions d’euros en AE et 125 millions d’euros en CP pour 2021 consacrée au développement du numérique sur l’ensemble du territoire.


— 1 —

   DeuxiÈme partie :
Les PremiÈres actions de l’agence nationale de la cohÉsion des territoires (ANCT)

La loi n° 2019-753 du 22 juillet 2019 portant création d’une Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) prévoit la constitution d’un nouvel établissement public de l’État par fusion, au 1er janvier 2020, de trois organismes existants, de nature et de statut différents : une grande partie des services du Commissariat général à l’égalité des territoires (CGET), qui est une administration centrale ; l’Établissement public d’aménagement et de restructuration des espaces commerciaux et artisanaux (EPARECA) ; et deux des trois pôles de l’Agence du numérique.

La création de l’agence vise à répondre au souhait des élus locaux de disposer d’un accès plus simple aux services de l’État et aux différents opérateurs qui interviennent dans les territoires pour soutenir leurs projets. L’ANCT doit apporter une aide « sur mesure » à travers un appui en ingénierie par la mobilisation et la coordination des ressources de l’État et de ses opérateurs.

L’agence intervient à la fois dans le déploiement de programmes nationaux d’intervention (par exemple Action cœur de ville) et, selon les termes employés dans le projet annuel de performance de la mission « Cohésion des territoires » annexé au projet de loi de finances pour 2021, « en appui spécifique aux territoires en transition économique, écologique ou démographique » puisqu’elle « permet de fédérer les moyens de l’État et de ses opérateurs, de manière complémentaire aux outils développés par les collectivités ».

I.   L’agence est dÉsormais opÉrationnelle

A.   les moyens humains et financiers de l’agence pour sa premiÈre annÉe d’existence

1.   Les personnels de l’agence

Les effectifs de l’ANCT ont été constitués à partir des effectifs du CGET, de l’Agence du numérique (hors French Tech) et de l’EPARECA :

Les personnels de l’aNCT

en ETPT

Sous plafond

Hors plafond

Total effectifs

Transferts du CGET

Transferts vers la DGCL

265

- 30

 

265

- 30

Transferts de l’EPARECA

43

4

47

Transferts de l’Agence du numérique

28

 

28

Transferts de la Direction générale des finances publiques (agence comptable)

2

 

2

Transfert du ministère de la cohésion des territoires (support)

2

 

2

Transfert de l’Agence des services de paiement (ASP)

14

 

14

Schéma d'emploi

3

 

3

Total effectifs ANCT

327

4

331

En ce qui concerne les personnels du CGET, 30 équivalents temps plein travaillé (ETPT) demeurent affectés à la direction générale des collectivités territoriales (DGCL) qui a repris les fonctions d’administration centrale précédemment assurées par le CGET.

Les personnels des différentes structures ont été transférés à l’ANCT au 1er janvier 2020 en conservant leur statut. Les personnels issus de l’EPARECA sont des salariés de droit privé et les autres personnels sont constitués pour 60 % de contractuels de droit public et 30 % de fonctionnaires en position normale d’activité.

Au 1er janvier 2020, compte tenu de la vacance des postes du CGET liée à l’attente de la définition du nouvel organigramme et au départ de 30 personnes qui ont fait le choix de ne pas rejoindre l’ANCT ou qui sont parties pour d’autres raisons, 64 postes étaient vacants. L’agence a fortement recruté lors du premier semestre 2020, y compris pendant la période de confinement, et une quinzaine de postes restaient à pourvoir à fin août 2020.

Les représentants de l’agence auditionnés par votre rapporteur pour avis ont reconnu qu’il avait été difficile pour des personnels aussi divers, de statuts et de cultures administratives aussi variés, de « faire agence », mais que la plupart des postes sont désormais pourvus, et qu’aux 331 agents de l’ANCT s’ajoutent en pratique plusieurs dizaines d’agents mis à disposition par différentes administrations, ce qui porte l’effectif réel du personnel de l’agence à environ 370 personnes.

2.   Une organisation déconcentrée

Selon les dispositions prévues par la loi précitée du 22 juillet 2019, les préfets de département sont les délégués territoriaux de l’ANCT. Ils s’appuient sur les services de l’État dans le département et peuvent notamment nommer délégué territorial adjoint le directeur départemental des territoires ainsi que d’autres personnels de l’État en service dans ce département.

Les commissariats de massif (Alpes, Jura, Massif central, Pyrénées, Vosges) sont des relais territoriaux des missions et actions de l’agence en matière de développement et d’équilibre des territoires dans le cadre de la gouvernance spécifique prévue par la « loi Montagne », pour prendre en compte et accompagner la mise en œuvre de la politique de la montagne au niveau de chaque massif.

Le siège administratif de l’ANCT a été installé à Paris, au siège du CGET, mais l’agence dispose également d’équipes opérationnelles implantées sur le territoire à Lille, Lyon et Marseille pour la maîtrise d’ouvrage d’opérations immobilières et l’exploitation de centres commerciaux et artisanaux, afin de poursuivre et de développer l’activité qui était, avant sa création, celle de l’EPARECA.

Structure

Implantation

Effectifs

Commissariat de massif des Alpes

Grenoble, Gap, Chambéry

8

Commissariat de massif des Pyrénées

Toulouse

4

Commissariat de massif des Vosges

Épinal

4

Commissariat de massif du Jura

Besançon

3

Commissariat du Massif Central

Clermont-Ferrand

9

Équipes opérationnelles déconcentrées

Lille

35

Lyon

3

Marseille

1

3.   Qu’a fait l’ANCT en 2020 ?

Si l’agence a bien été juridiquement créée en janvier 2020, la fusion des personnels, l’élaboration de l’organigramme et celle de sa « feuille de route » et les négociations en vue de la signature des conventions pluriannuelles avec d’autres opérateurs ont nécessité plusieurs mois de travail. La « feuille de route » n’a pu être présentée au conseil d’administration que le 17 juin 2020. Les conventions pluriannuelles sont désormais finalisées (voir le B).

Trois thématiques prioritaires pour l’action de l’agence ont été définies : les ruralités, la politique de la ville, le numérique. Chacune des thématiques et politiques prioritaires se décline, dans l’organisation de l’activité de l’agence, en programmes, projets ou missions, qui font l’objet systématiquement d’une co‑construction avec les parties prenantes. Malgré la crise sanitaire et la période de confinement, les équipes de l’agence ont pu poursuivre le travail des trois organismes fusionnés et lancer des réflexions en vue de nouvelles actions.

les programmes et missions de l’anct

Thématique

Politique publique

Programmes, projets ou missions

Politique de la ville

Éducation

Programme Cités éducatives

Programme Réussite éducative

Mission Stages de troisième

Mission Décrochage scolaire

Lien social

Projet Lutte contre les discriminations

Projet Participation citoyenne

Projet Jeunesse, sports, culture, loisirs éducatifs

Grande équipe de la réussite républicaine

Emploi, développement économique

Projet PaQte (Pacte avec les quartiers pour toutes les entreprises)

Projet ESS

Soutien à la vie associative

Mission Soutien à la vie associative

Co-construction d’une ambition culturelle État-territoires

Projet de programme

Territoires et ruralités

Politique de la ruralité

Agenda rural

Lutte contre le réchauffement climatique, tourisme et ruralité

Projet de programme « montagne »

Revitalisation des centres des villes petites et moyennes

Programme Action cœur de ville

Programme Petites villes de demain

Amélioration de l’accès aux services publics

Programme France Services

Soutien à la réindustrialisation

Territoires d’industrie

Appui renforcé aux territoires fragiles

Pacte Ardennes

Plan pour la Creuse

Appui au développement touristique

Projet en cours en lien avec Atout France

Revitalisation des espaces commerciaux

Activités reprises de l’EPARECA

Appui à la réflexion prospective

Fabriques prospectives

Participation citoyenne, engagement citoyen, soutien à la concertation citoyenne et aux nouveaux modes de participation (ingénierie démocratique)

Projet de programme « Territoires engagés »

Projet en cours sur la concertation citoyenne

Santé

Projet de programme « Territoires de santé »

Animation de communautés professionnelles

Projet en cours « Académie des territoires »

Numérique

Renforcer l’accès au très haut débit (infrastructures)

Programme France Très Haut Débit (THD)

Réduire la fracture numérique

Programme Inclusion numérique

Encourager les tiers-lieux

Programme Nouveaux lieux, nouveaux liens

Améliorer la couverture mobile (infrastructures)

Programme France Mobile

Source : réponses des services du ministère de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales (MCTRCT) au questionnaire budgétaire en application de l’article 49 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF).

4.   Le budget 2020 de l’agence

Les recettes prévisionnelles pour l’exercice 2020 s’élèvent à 76,5 millions d’euros et se répartissent comme suit :

Budget 2020 de l’aNCT – recettes

Source : réponses des services du ministère de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales (MCTRCT) au questionnaire budgétaire en application de l’article 49 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF).

La subvention pour charges de service public de l’ANCT, d’un montant actualisé de 50,35 millions d’euros en AE et en CP en 2020, est versée par le programme 112 « Impulsion et coordination de la politique d’aménagement du territoire ».

Les autres financements de l’État sont également majoritairement apportés par le programme 112 (5,6 millions d’euros) et le programme 147 (700 000 euros) de la mission « Cohésion des territoires » pour la mise en œuvre d’actions spécifiques relatives aux programmes portés par l’ANCT (animation du réseau France Services, développement des sites « clés en main » dans le cadre de Territoires d’industrie) et la politique de la ville (animation du réseau politique de la ville), ou relatifs à des sujets spécifiques, liés aux reports de crédits de la gestion 2019, notamment le versement des fonds de concours européens reçus par le CGET avant la création de l’agence.

Les dépenses prévisionnelles de l’ANCT pour l’exercice 2020 s’élèvent à 74,6 millions d’euros et se répartissent comme suit :

Budget 2020 de l’ANCT – dépenses

Source : réponses des services du ministère de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales (MCTRCT) au questionnaire budgétaire en application de l’article 49 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF).

L’impact de la crise sanitaire se traduit essentiellement en dépenses par un retard de trois mois sur les chantiers, qui ont été interrompus pendant la période de confinement, avec un décalage des coûts d’investissement, une baisse de certaines dépenses directement impactées par le confinement telles que les frais de déplacement et l’évènementiel, et une augmentation des dépenses informatiques pour la mise en place des équipements nécessaires au télétravail.

En recettes, les subventions apportées par les collectivités et les partenaires sur les opérations commerciales ont été revues à la baisse compte tenu du retard des chantiers. Une partie des recettes de vente de centres commerciaux ont été reportées sur 2021 et l’agence a décidé d’accorder une remise sur les loyers des commerces qui ont eu l’obligation de fermer pendant le confinement. L’impact de cette remise sur les comptes de l’ANCT est de 180 000 euros. Les impacts de la crise sanitaire se traduisant au total par une baisse de 1 million d’euros du résultat.

La trésorerie de l’ANCT au 1er janvier 2020, reprise de l’EPARECA, était de 500 000 euros. La trésorerie prévisionnelle fin 2020 est de 2,4 millions d’euros.

B.   Les contrats pluriannuels de partenariat prÉvus par la loi vont Être signÉs prochainement

Une convention pluriannuelle doit être conclue entre l’État, l’ANCT et chacun des cinq partenaires suivants : l’Agence nationale pour la rénovation urbaine, l’Agence nationale de l’habitat, l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie – devenue l’Agence de la transition écologique , le Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement et la Caisse des dépôts et consignations. Selon les termes de la loi, ces cinq conventions auraient dû être signées au plus tard le 1er janvier 2020. Ces conventions n’ont pas encore été formellement signées mais ont été approuvées par le conseil d’administration de l’agence le 17 juin 2020.

Les cinq conventions tripartites présentent des dispositions communes, notamment :

– une durée de trois ans ;

– les modalités de communication sur les projets soutenus par l’ANCT ;

– des modalités de gouvernance « croisée » par la présence de représentants des opérateurs dans les instances de l’ANCT (comités locaux de cohésion territoriale réunis dans chaque département par le préfet, comité régional des financeurs, comité national de coordination). Réciproquement, des représentants des préfets de département seront invités dans les instances locales des opérateurs, par exemple les commissions régionales des aides de l’ADEME ;

– une obligation pour l’ANCT comme pour chaque partenaire de mettre à disposition de l’autre partie toutes les informations et données utiles à la mise en œuvre des conventions ;

– enfin, l’ANCT et chacun des opérateurs partenaires s’engagent à mettre en œuvre un suivi de la mise en œuvre des conventions, qui définissent les modalités de ce suivi.

Comme l’ont indiqué les personnes auditionnées, chaque partenariat comporte des modalités financières différentes, pour tenir compte de la nature propre à chaque opérateur partenaire.

Votre rapporteur pour avis salue la conclusion de ces cinq conventions pluriannuelles, dont la loi prévoit qu’elles seront transmises au Parlement. Toutefois il déplore que, comme cela était malheureusement prévisible compte tenu des déclarations du Gouvernement pendant les débats parlementaires sur la loi créant l’ANCT, les documents annexés au projet de loi de finances pour 2021 ne font état d’aucune augmentation des ressources budgétaires des opérateurs partenaires pour leur donner les moyens de mener la coopération avec l’ANCT en sus de leurs activités propres.

1.   La convention entre l’État, l’ANCT et l’Agence de transition écologique (ex-ADEME)

La convention pose quatre principaux objectifs communs : améliorer la prise en compte de la transition écologique dans les territoires ; élargir l’offre d’accompagnement en matière de transition écologique auprès des collectivités ; renforcer l’accompagnement des territoires fragilisés ; soutenir l’innovation. L’ANCT « mobilisera l’ADEME sur les territoires qu’elle définira comme prioritaires », mais les soutiens de l’ADEME restent prioritairement fléchés vers le niveau intercommunal. La contribution de l’ADEME aux actions de l’ANCT prendra quatre formes : des aides à la décision, des aides aux investissements, des aides au changement des comportements et des contrats d’objectifs pour les « trajectoires écologiques d’excellence ».

Les délégués territoriaux de l’ANCT identifieront les dossiers qui relèvent de la transition écologique et pourraient bénéficier d’un financement par l’ADEME. Le directeur régional de l’ADEME, après instruction technique, et en fonction des ressources humaines et financières disponibles, décidera (par délégation du président de l’ADEME) de l’attribution des aides sur ces dossiers.

La convention ne fixe pas d’enveloppe chiffrée de crédits mais dispose que l’ADEME devra affecter « une partie de ses crédits d’intervention (fonds chaleur, fonds économie circulaire et déchets, appui à l’ingénierie etc.) à des projets s’inscrivant dans le cadre de programmes d’intervention de l’ANCT (Action cœur de ville, Territoires d’industrie, contrat de cohésion territoriale etc.) ou à des collectivités ayant été identifiées par l’ANCT pour bénéficier d’un accompagnement sur-mesure. Cette cible, qui ne peut être inférieure à 20 % des crédits d’intervention de l’ADEME dédiés aux territoires, fait l’objet d’une réévaluation annuelle ». L’affectation des crédits de l’ADEME doit demeurer conforme au périmètre des missions de celle-ci.

2.   La convention pluriannuelle entre l’État, l’ANCT et la Caisse des dépôts et consignations

Avant la création de l’ANCT, la Caisse des dépôts et consignations-Banque des territoires (CDC-BDT) était déjà liée par des conventions avec, d’une part, le CGET, et d’autre part, l’EPARECA. Les dispositions du contrat antérieur avec le CGET sont intégrées dans la nouvelle convention. Le contrat avec l’EPARECA est arrivé à expiration fin 2019, mais une annexe à la nouvelle convention vient décrire les modalités de coopération entre la CDC-BDT et l’ANCT – en tant que successeur de l’EPARECA – pour la réalisation d’opérations d’investissement immobilier.

La convention dispose que « chacune des parties reste seule décisionnaire des moyens financiers, matériels et humains qu’elle entend affecter à l’exécution de la convention ». La Banque des territoires participe à la construction des programmes nationaux territorialisés ainsi qu’à leur mise en œuvre. La convention prévoit qu’elle doit « identifier et [mettre] en œuvre des enveloppes de crédits d’ingénierie et de financement de long terme », en citant les programmes dans lesquels la Banque des territoires est déjà partenaire (Action cœur de ville, France Services, la mise en place de « Hubs territoriaux » pour favoriser l’inclusion numérique, Territoires d’industrie et Petites villes de demain), avec les montants que la Banque s’est déjà engagée à y affecter, notamment :

– pour toute la durée du programme Action cœur de ville, 100 millions d’euros en ingénierie dédiée, 900 millions d’euros en investissement et 700 millions d’euros en prêts ;

– pour France Services, près de 30 millions d’euros sur une durée de trois ans, dont 3 millions d’euros pour permettre le déploiement de structures France Services itinérantes ;

– pour le programme Petites villes de demain, sur toute la durée du programme, 200 millions d’euros pour un soutien à l’ingénierie des collectivités, notamment pour un cofinancement des postes de chefs de projet et un financement à 100 % de l’assistance technique destinée aux territoires les plus en difficulté, 100 000 euros pour des sessions de formation à l’ingénierie de projet à destination des chefs de projet et, le cas échéant, des élus locaux, et 100 millions d’euros de fonds propres pour le financement de projets locaux.

En revanche, les participations futures de la Banque des territoires à de nouveaux programmes pilotés par l’ANCT ne font pas l’objet d’engagements chiffrés.

La Banque des territoires ne participera pas seulement à la mise en œuvre des programmes nationaux territorialisés, mais aussi à la deuxième catégorie d’activités de l’ANCT, l’accompagnement « sur mesure » de projets de collectivités locales qui n’entrent pas dans le champ des grands programmes. À ce titre, par exemple, la convention prévoit que la Banque des territoires va donner accès aux communes de moins de 20 000 habitants à son service existant de réponse aux questions juridiques et financières des collectivités. Toutes les interventions que la Banque des territoires proposait déjà aux collectivités locales, qu’il s’agisse de l’accompagnement méthodologique gratuit proposé par les 16 directions régionales, des cofinancements d’études, du financement à 100 % de prestations de conseil assurées par des cabinets de consultants ou des solutions de financement à long terme, sont mentionnées dans la convention comme susceptibles de venir s’inscrire dans la coopération entre l’ANCT et la Banque.

3.   La convention entre l’État, l’ANCT et le Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement

Dans le cadre de son activité générale, le CEREMA intervient en apportant son expertise aux services de l’État et à tous les échelons de collectivités locales. Accompagner les collectivités en amont de leurs projets et apporter une expertise pointue sur plusieurs thématiques est au cœur de son activité. Avant la création de l’ANCT, le CEREMA était déjà lié par convention au CGET, convention dont les dispositions sont intégrées dans la nouvelle convention le liant à l’ANCT.

Celle-ci pose un objectif-cible : l’accompagnement, par le CEREMA, d’environ 500 collectivités par an à la demande de l’ANCT à l’horizon 2022. Comme pour l’ADEME, l’ANCT mobilisera le CEREMA sur les territoires qu’elle considère comme prioritaires, en identifiant les projets de ces territoires pour lesquels elle souhaitera solliciter une intervention du CEREMA.

Le CEREMA participe d’ores et déjà à plusieurs programmes nationaux (les contrats de transition écologique, Action cœur de ville, Petites villes de demain, France mobilité…), notamment en proposant un appui au montage des appels à projets ou des appels à manifestation d’intérêt, des formations, des méthodologies et des référentiels techniques à destination des collectivités. La convention prévoit que le CEREMA contribue également à l’accompagnement « sur mesure » de projets par l’ANCT, pour aider à faire émerger des projets et pour « contribuer à lever des verrous techniques » dans ses domaines de compétence. Il est précisé par exemple que pour chaque projet, le CEREMA proposera dans un premier temps aux collectivités concernées « 3 à 5 jours maximum d’intervention qui ne seront pas facturés », au-delà desquels une intervention plus approfondie devra donner lieu à une convention de cofinancement entre la collectivité concernée, l’ANCT et le CEREMA.

La convention ANCT-CEREMA comporte plusieurs objectifs chiffrés prévisionnels : les financements consacrés par le CEREMA aux programmes nationaux territorialisés pilotés par l’ANCT seront d’au moins 1 million d’euros par an sur la période 2020-2022, et sa contribution à l’accompagnement des autres projets des collectivités dans le cadre de sa coopération avec l’ANCT pourra atteindre 7,5 millions d’euros en 2021 et 10 millions d’euros en 2022.

4.   La convention entre l’État, l’ANCT et l’Agence nationale de l’habitat

L’ANAH a pour mission de promouvoir et d’améliorer la qualité du parc privé de logements. À ce titre, elle est mobilisée sur plusieurs grands programmes pour améliorer l’habitat privé, au bénéfice des ménages les plus modestes. Elle intervient déjà aujourd’hui dans le cadre du programme Action cœur de ville et s’est engagée à intervenir dans le cadre de Petites villes de demain. La convention avec l’ANCT vient préciser les modalités de ces interventions de l’ANAH dans les deux programmes :

– sur la période 2018-2022, l’ANAH est engagée à hauteur de 1,2 milliard d’euros en faveur du programme Action cœur de ville : 200 millions d’euros pour l’aide à l’ingénierie et 1 milliard d’euros pour les aides aux travaux ;

– pour Petites villes de demain, l’ANAH contribuera en cofinançant les postes de chef de projet et d’OPAH-RU (opérations programmées d’amélioration de l’habitat et de renouvellement urbain).

Il est précisé que l’ANAH « organise et suit chaque année la priorisation, au profit des territoires d’intervention de l’ANCT, des enveloppes qu’elle alloue ».

La convention prévoit également la coopération avec l’ANCT dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV). Quant à l’accompagnement « sur mesure » de projets par l’ANCT en dehors des programmes nationaux, l’ANAH contribuera également en fournissant des expertises techniques et en finançant des prestations d’ingénierie dans le domaine de l’habitat privé.

5.   La convention entre l’État, l’ANCT et l’Agence nationale pour la rénovation urbaine

L’ANRU est chargée de verser des concours financiers aux collectivités locales et aux organismes publics ou privés qui contribuent à la réalisation de plusieurs programmes nationaux : le programme national de rénovation urbaine, le nouveau programme de renouvellement urbain et le programme national de requalification des quartiers anciens dégradés. L’ANRU ne peut pas intervenir sur tout le territoire français. Elle peut intervenir dans l’ensemble des quartiers inclus dans le champ des trois programmes nationaux précités et dans tous les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV). Mais tous ces quartiers relèvent des territoires prioritaires d’intervention de l’ANCT.

La convention prévoit que plusieurs types d’aides versées par l’ANRU viendront soutenir les projets « ANCT » : des aides à la décision (notamment par le financement d’études ou de prestations d’assistance à maîtrise d’ouvrage), des aides aux investissements, qui pourront notamment bénéficier aux opérations « EPARECA » de l’ANCT pour l’aménagement ou la restructuration d’espaces commerciaux ou artisanaux, la poursuite de la contribution de l’ANRU aux programmes nationaux comme Action cœur de ville, et des concours financiers à l’accompagnement « sur mesure » hors programmes nationaux. Toutefois la convention ne comporte pas de définition d’enveloppes chiffrées « fléchées » vers les projets « ANCT ».

II.   Que fera l’ANCT en 2021 ?

En 2021, l’ANCT disposera de 329 ETPT, donc de 2 ETPT de moins qu’en 2020 mais sans compter les agents mis à disposition par d’autres administrations, et d’une subvention pour charges de service public versée par le programme 112 de 60,97 millions d’euros en autorisations d’engagement comme en crédits de paiement (contre 54,5 millions d’euros en 2020). L’augmentation de cette dotation va permettre le doublement du montant des dépenses d’ingénierie de l’agence destinées à appuyer des projets « sur mesure » : ce montant passe de 10 millions d’euros en 2020 à 20 millions d’euros en 2021.

En 2021, l’ANCT poursuivra ses programmes, notamment en finançant 40 nouvelles cités éducatives, le déploiement des maisons France Services, l’accompagnement de 50 projets du programme Territoires d’industrie et le déploiement du programme Petites villes de demain (voir Troisième partie du présent rapport).

Votre rapporteur pour avis observe que, pendant cette première année d’existence, et malgré les contraintes liées à la crise sanitaire, l’ANCT est parvenue à se constituer, à poursuivre les actions engagées par les organismes auxquelles elle a succédé et à lancer des réflexions sur de futurs nouveaux programmes.

Pour autant, il constate qu’elle est encore loin d’avoir « fait ses preuves », qu’elle souffre encore d’un déficit de visibilité et que ses moyens financiers propres sont très faibles.

Quant à ses moyens humains, si la qualité des agents du CGET, de l’EPARECA et de l’Agence du numérique qui travaillent désormais pour l’ANCT doit être saluée, les préfectures de département se trouvent « en première ligne » pour recevoir les demandes des élus locaux puisque les préfets de département sont la « porte d’entrée » de l’agence, l’interlocuteur unique des acteurs des territoires. Or l’on sait combien les services de l’État dans les départements sont parfois sous-dotés.

L’attribution aux préfets d’une « casquette » supplémentaire sans accroître les moyens dont ils disposent conduit votre rapporteur pour avis à exprimer sa vigilance sur le lien et la fluidité opérationnelle de l’ANCT avec les territoires. Le programme Petites villes de demain, premier programme lancé depuis la création de l’ANCT, servira, à cet égard, de test.


— 1 —

   TroisiÈme partie :
le programme « petites villes de demain »

I.   prÉsentation gÉnÉrale du programme

Le programme Petites villes de demain, piloté par l’ANCT, est l’une des mesures phares de l’Agenda rural présenté par le Premier ministre le 20 septembre 2019. Il est dimensionné pour accompagner environ 1 000 collectivités (communes ou intercommunalités) dans la redynamisation de leur territoire.

Sur la période 2021-2026, ce sont près de 3 milliards d’euros qui seront mobilisés par cinq partenaires : l’État ([6]), la Banque des territoires, l’Agence nationale de l’habitat, l’Agence de la transition écologique (ex ADEME) et le Centre d’étude et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l’aménagement. Le programme associera aussi des partenaires non financeurs, par exemple les chambres consulaires, les parcs naturels, les établissements publics fonciers, l’Agence nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA), la Fédération nationale des agences d’urbanisme ou encore des associations comme l’Association des maires de France, l’Association des petites villes de France, Petites cités de caractère et le réseau associatif L’Outil en main.

Le 16 octobre 2019, Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, a adressé aux préfets un courrier relatif à l’élaboration du programme Petites villes de demain. Ce courrier indique que ce programme consiste, « en partant d’un projet global de revitalisation à la main de chaque collectivité bénéficiaire, [à] donner aux élus les moyens de concrétiser leurs projets et de conforter la fonction de pôle de centralité dynamique et attractif de ces petites villes, pour leurs habitants comme pour tout le territoire environnant ». Il s’agira donc d’une « offre d’accompagnement » autour de grands objectifs : le soutien à l’ingénierie, l’amélioration de l’habitat et du cadre de vie, le développement des services et des activités, la valorisation des qualités architecturales et patrimoniales, et l’implication des habitants dans les projets.

Le courrier précise que « l’offre de services (…) définie au niveau national a vocation à être enrichie et adaptée localement », que cette offre « s’inscrit dans le cadre des opérations de revitalisation du territoire » (ORT) et que le programme Petites villes de demain a vocation à figurer dans le volet territorial des CPER 2021-2027.

Les préfets ont ainsi été chargés d’établir un document présentant :

– les dispositifs existants et les acteurs déjà engagés sur la revitalisation des petites centralités, dont l’association dans le cadre du programme semble envisageable et opportune ;

– les besoins prioritaires et les thématiques sur lesquels l’appui de l’État est particulièrement attendu ;

– les collectivités qui présentent des caractéristiques de vulnérabilités particulières.

II.   le processus de sÉlection des villes

La sélection des communes et intercommunalités est opérée au niveau régional et départemental, par les préfets, et non au niveau national. Il appartient aux préfets de département, en tant que délégués territoriaux de l’ANCT, de définir les modalités et le calendrier de sélection et de recueillir les candidatures. La responsable du programme Petites villes de demain de l’ANCT a précisé à votre rapporteur pour avis que plusieurs petites communes appartenant à un même établissement public de coopération intercommunale (EPCI) pourront présenter une candidature groupée.

Dans le courrier précité de la ministre du 16 octobre 2019, des critères de sélection étaient déjà définis pour permettre à chaque préfet d’identifier les villes exerçant des fonctions de centralité qu’il leur paraît prioritaire d’accompagner dans leurs projets. Il était précisé que cette démarche d’identification doit comporter une concertation avec les collectivités locales, et que les villes sélectionnées devront présenter les caractéristiques suivantes :

– avoir moins de 20 000 habitants ;

– ne pas bénéficier du programme Action cœur de ville ;

– ne pas faire partie d’un grand pôle urbain (supérieur à 10 000 emplois) ;

– exercer des fonctions de centralité avérées, notamment en raison des équipements et services dont elles sont dotées ;

– et présenter des facteurs de fragilité, tant démographique qu’économique et sociale.

Comme l’ont souligné les représentants de l’ANCT auditionnés par votre rapporteur pour avis, plus de 35 % de la population française sont situés dans l’aire d’influence de petites centralités. Pour aider les préfets dans cette sélection, des travaux statistiques et d’analyse ont été menés par le CGET, l’INSEE et l’INRA pour identifier les communes de moins de 20 000 habitants exerçant des fonctions de centralité et présentant des fragilités particulières (mesurées par plusieurs indicateurs comme le taux annuel d’évolution de la population, le taux annuel d’évolution de l’emploi, le revenu médian ou un indicateur d’éloignement par rapport au pôle de centralité similaire le plus proche).

Dans un second courrier adressé aux préfets, en date du 30 juillet 2020, la ministre a précisé le nombre plafond de collectivités bénéficiaires par région. Elle a également invité les préfets à accorder une attention particulière, dans la sélection, aux villes « lauréates de l’expérimentation centres-bourgs ».

nombre maximal de collectivitÉs bÉnÉficiaires par rÉgion

Île-de-France

37

Centre-Val de Loire

50

Bourgogne Franche-Comté

66

Normandie

65

Hauts-de-France

61

Grand Est

85

Pays de la Loire

70

Bretagne

87

Nouvelle Aquitaine

127

Occitanie

120

Auvergne Rhône-Alpes

124

Provence-Alpes-Côte d'Azur

50

Corse

9

Guadeloupe

6

Guyane

2

Martinique

4

Mayotte

3

La Réunion

10

Source : ministère de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.

La liste des communes appelées à intégrer le programme sera rendue publique, région par région, d’ici la fin de l’année 2020. Les représentants de l’ANCT auditionnés ont indiqué que des méthodes de sélection différentes sont choisies selon les régions. Ainsi, en région Normandie, c’est par un appel à manifestation d’intérêt que le processus se poursuit, tandis qu’en Bourgogne Franche-Comté, en Pays de la Loire ou en Guyane, c’est une démarche « de gré à gré » qui est menée par les préfets. C’est la démarche de sélection de gré à gré qui a été choisie dans la majorité des régions.

III.   Une dÉmarche intÉressante, mais aux consÉquences incertaines

A.   la Gouvernance et le calendrier

Selon les informations communiquées à votre rapporteur pour avis par les représentants de l’ANCT et par le ministère de la cohésion des territoires, le démarrage du programme (signature des conventions d’adhésion, recrutement des chefs de projets et financement des premières opérations) sera effectif début 2021, même si plusieurs actions, notamment la création du « Club des Petites villes de demain », ont déjà été engagées à l’automne 2020. L’équipe dédiée au sein du personnel de l’ANCT est constituée depuis début octobre.

Un comité de pilotage national, présidé par la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, associera tous les ministères et partenaires et se réunira une à deux fois dans l’année. Dans chaque ville, un comité de pilotage local sera co-présidé par le maire et le préfet de département. Au niveau régional, le comité des financeurs réuni par le préfet de région va regrouper les partenaires (la Banque des territoires, le CEREMA, éventuellement le conseil régional…) et examiner les demandes de financement des actions, mais c’est le préfet de département qui demeurera l’interlocuteur unique des villes du programme.

Comme pour Action cœur de ville, le déploiement du programme Petites villes de demain comportera deux phases :

– une phase d’initialisation : la convention d’adhésion, approuvée par délibération du conseil municipal et de l’organe délibérant intercommunal, officialise l’engagement de la collectivité dans la définition de son projet de revitalisation, et prévoit un délai de dix-huit mois pour finaliser ce projet. Cette convention permet de bénéficier de premières mesures d’accompagnement : le recrutement d’un chef de projet au niveau communal ou intercommunal, le lancement des premières études d’assistance à maîtrise d’ouvrage, l’élaboration de l’ORT et les premières aides à l’investissement. La responsable du programme au sein de l’ANCT a souligné que les partenaires n’attendront donc pas que le projet de territoire soit « bouclé » avant d’engager les premières actions concrètes ;

– une phase de contractualisation : la convention d’adhésion est alors complétée par une convention-cadre qui détaille le projet défini par la collectivité et approuvé par l’État et le plan d’action pluriannuel correspondant. Cette convention constitue l’ORT du territoire concerné. Une annexe financière fixe les contributions annuelles respectives de chaque partenaire.

L’ANCT assurera une « mise en réseau » et une diffusion des retours d’expérience entre les collectivités concernées.

Les dix mesures-clés du programme Petites villes de demain

Petites villes de demain comprend à ce stade un « catalogue » de 60 mesures d’accompagnement, constituant l’offre de services de départ, à décliner et à compléter sur le territoire de chaque ville sélectionnée. Parmi ces services, l’ANCT identifie dix « mesures-clés » :

1. Le financement jusqu’à 75 % d’un poste de chef de projet pour accompagner la collectivité dans la définition et la conduite de son projet de territoire ;

2. Le financement de postes de « managers de centre-ville » (par une subvention de 40 000 euros pour deux ans) et d’un « diagnostic flash post-Covid » comprenant un plan d’action en faveur de la relance du commerce de centre-ville ;

3. Un accompagnement sur deux jours pour mener une co-construction sur des actions complexes (par exemple la reconversion d’un site en friche) ;

4. La prise en charge d’une partie du déficit d’opération pour les projets de reconversion de friches urbaines, commerciales et industrielles, pour réaménager des terrains déjà artificialisés ;

5. Le financement de 1 000 « îlots de fraîcheur » et d’espaces publics plus écologiques ;

6. La possibilité de bénéficier de réductions fiscales pour les travaux dans l’immobilier ancien (dispositif « Denormandie ») dans le cadre d’une ORT ;

7. La création de 800 structures France Services d’ici 2022 dans les communes du programme, avec 30 000 euros de subvention annuelle, des actions de formation et des aides à l’investissement ;

8. La création de 200 Fabriques du territoire, tiers-lieux regroupant des services liés au numérique (espaces de télétravail, ateliers partagés…) ;

9. Le déploiement de 500 Micro-folies, tiers-lieux numériques culturels financés jusqu’à 80 % par l’État ;

10 Les aides financières et l’accompagnement de la Fondation du Patrimoine pour accélérer la rénovation du patrimoine non classé.

B.   un plan de financement encore peu prÉcis

Inscrit par le Gouvernement dans le cadre du plan de relance, c’est dans la mission budgétaire ad hoc « Plan de relance » que ce programme est rattaché dans le projet de loi de finances pour 2021, et non pas au programme 112 de la mission « Cohésion des territoires ». Le projet annuel de performance de la mission « Plan de relance » fait mention de deux enveloppes dont une partie des crédits viendra contribuer au financement de Petites villes de demain :

– une enveloppe de 250 millions d’euros sur deux ans est promise à l’ANAH pour ses actions d’aide à la rénovation énergétique des logements privés menées dans le cadre des programmes nationaux Action cœur de ville, Initiative copropriétés et Petites villes de demain ;

– un montant de 20 millions d’euros en AE et de 5 millions d’euros en CP pour 2021 est affecté à l’ANCT, mais pour l’ensemble de ses programmes destinés aux territoires les plus fragiles et donc pas uniquement pour Petites villes de demain.

Selon les informations communiquées à votre rapporteur pour avis, l’ANCT pourra consacrer 7 millions d’euros, en partenariat avec la Banque des territoires et l’ANAH, au déploiement de chefs de projets dans environ 500 collectivités bénéficiaires du programme Petites villes de demain.

Il n’est évidemment pas possible à ce stade d’évaluer précisément les montants qui seront nécessaires pour financer la mise en œuvre de Petites villes de demain. La liste des bénéficiaires n’est pas encore établie, et chacune d’elles devra travailler sur son projet de territoire avant que l’on puisse estimer les besoins exacts de financement globaux et par commune. Toutefois, votre rapporteur pour avis aurait souhaité que les documents annexés au projet de loi de finances pour 2021 fassent clairement état des crédits que l’État est prêt à consacrer, dans son propre budget, au démarrage de ce programme en 2021-2022.

Les représentants de la Banque des territoires auditionnés par votre rapporteur pour avis ont présenté des actions engagées par la Banque dès cette année et qui sont extrêmement intéressantes pour les futures bénéficiaires de Petites villes de demain et pour les bénéficiaires d’Action cœur de ville, notamment des investissements de moyen terme de cet opérateur dans des opérations foncières et dans la revitalisation de plusieurs milliers de commerces, investissements que l’État s’est engagé à compléter, en raison de leur manque de rentabilité, par une subvention d’équilibre qui pourrait atteindre 20 millions d’euros en 2021 et 40 millions d’euros en 2022.

S’agissant spécifiquement de Petites villes de demain, la Banque des territoires a « sanctuarisé » pas moins de 200 millions d’euros dans ses fonds propres, notamment pour octroyer des subventions aux communes dont le projet de redynamisation est le moins avancé, afin de financer l’assistance technique nécessaire pour élaborer leurs projets. La Banque des territoires s’engage aussi à cofinancer des études thématiques sur des sujets comme la mobilité ou le vieillissement de la population. De plus elle financera à hauteur de 25 % les chefs de projets, ce qui est une innovation remarquable dans les interventions de cet opérateur, pour un total de 90 000 euros sur six ans. Toutes ces interventions spécialement prévues pour Petites villes de demain viendront s’ajouter à des opérations de la Banque des territoires plus « classiques » au profit des villes concernées, d’ailleurs déjà menées dans les territoires d’Action cœur de ville et dans le cadre de la politique de la ville, comme par exemple les prêts à trente ans pour financer des opérations dans le périmètre des ORT. Les représentants auditionnés ont souligné que ce type de prêts pourra être accordé à des projets sans montant « plancher », donc y compris à de « petits » projets.

Au total, la Banque des territoires va être le partenaire crucial du programme Petites villes de demain, compte tenu des montants qu’elle s’est engagée à apporter et de la variété des interventions qu’elle s’est engagée à mener.

C.   concrÈtement, que peuvent en attendre les villes bÉnÉficiaires ?

La sélection des bénéficiaires du programme Action cœur de ville avait fait beaucoup de « déçus » parmi les villes candidates. Celles d’entre elles qui comptent moins de 20 000 habitants vont probablement demander à adhérer au programme Petites villes de demain, mais il y aura donc certainement de nouveau des déceptions à l’issue de la sélection. Sur les quelque 34 900 communes françaises de moins de 20 000 habitants, le nombre de communes « petites centralités » et qui ne sont pas déjà incluses dans un dispositif national de soutien ou d’accompagnement dépasse nécessairement le nombre de 1 000 communes pour lequel le programme est actuellement dimensionné. Il y a d’ailleurs d’ores et déjà plus de 1 000 villes candidates. Votre rapporteur pour avis salue la déconcentration de la décision de sélection, qui est confiée aux préfets, mais met en garde sur la nécessité d’étayer solidement les choix qui seront faits dans chaque région.

D’autre part, votre rapporteur pour avis s’interroge sur l’intérêt que présentera concrètement l’obtention du « label » Petites villes de demain. Il semble a priori qu’au-delà des financements propres au programme et provenant des différents partenaires, intégrer ce programme ne donnera pas un accès plus facile aux dotations de droit commun. En revanche, l’ANCT promet que les différents partenariats permettront par exemple aux élus locaux d’être aidés pour passer des marchés publics et pour répondre aux appels à projets, pour valoriser leurs actions, pour mesurer l’impact de leur projet sur le territoire...

Il reste à souhaiter que ce programme donnera une véritable impulsion à la concrétisation des projets des collectivités (notamment en leur procurant l’ingénierie indispensable), par un « effet de levier » suffisamment important pour attirer des investisseurs privés, notamment grâce à la participation de la Banque des territoires et des autres opérateurs.

 


— 1 —

   QuatriÈme partie :
le programme 162 « interventions territoriales de l’État » et l’action « reconquÊte de la qualitÉ des cours d’eau en rÉgion pays de la loire »

I.   Un programme budgÉtaire de nature particuliÈre

Le programme 162 est un dispositif budgétaire atypique. La loi organique relative aux lois de finances (LOLF) a prévu un système vertical de gestion des crédits, dans lequel chaque programme est rattaché à un ministère et les crédits sont transférés vers des budgets opérationnels (BOP) déconcentrés. Ce système vertical peut entraîner, en pratique, des retards importants dans la conduite de grands programmes intégrés mobilisant plusieurs ministères ([7]) ou opérateurs de l’État et pouvant également nécessiter de conclure des partenariats avec d’autres acteurs ([8]) ou de solliciter des fonds européens.

Créé en 2006, le programme « Interventions territoriales de l’État » (PITE) a été conçu comme un outil financier permettant de regrouper, sur un programme unique, l’ensemble des crédits consacrés à quelques politiques territoriales interministérielles particulières. Le PITE ne crée pas de dépenses supplémentaires pour le budget de l’État : il permet la mutualisation de moyens consacrés aux actions qui le composent, celles-ci étant administrativement interministérielles mais géographiquement « ciblées » et d’une durée limitée.

Géré par les services du ministère de l’intérieur pour le compte du Premier ministre, ce programme traduit une volonté d’approche territorialisée pour des problématiques particulières. Les crédits fixés par la loi de finances, répartis en autant d’« enveloppes » que d’actions du programme, sont délégués aux préfets de région pour être dédiés à une intervention précise, ce qui assure leur sécurisation et permet concrètement à chaque préfet d’avoir un interlocuteur unique. Toutefois, aucune des actions du PITE n’est intégrée aux contrats de plan État-région des régions concernées.

À sa création, plusieurs actions budgétaires existantes y ont été regroupées, notamment le programme exceptionnel d’investissement (PEI) pour la Corse, lancé en 2002. Pendant ses deux premières années d’existence, le PITE a financé huit actions et clôturé cinq d’entre elles. De nouvelles actions ont ensuite été créées, toujours dans la même logique d’une approche interministérielle permettant une rapidité d’action et le financement, par une seule enveloppe, d’une multiplicité de mesures.

Le montant total des autorisations d’engagement demandées pour 2021 pour le programme 162 représente 41 millions d’euros et le montant des crédits de paiement prévus s’élève à 40,5 millions d’euros (hors fonds de concours). Une action est définitivement clôturée tandis qu’une nouvelle action est créée.

les crÉdits du programme 162 (en millions d’euros, hors fonds de concours)

Action

LFI 2019

LFI 2020

PLF 2021

AE

CP

AE

CP

AE

CP

02. Eau et agriculture en Bretagne

2,28

1,78

1,97

1,77

1,98

1,97

04. PEI Corse

27,32

17,83

16,77

17,78

16,77

17,78

06. Marais poitevin

0

1,59

0

1,45

 

 

08. Plan chlordécone

1,99

1,98

4,99

4,98

3,00

3,00

09. Plan Littoral 21

3,97

2,48

4,80

4,44

5,94

4,45

10. Fonds interministériel pour la transformation de la Guyane

 

 

16,79

7,43

11,97

11,37

11. Reconquête de la qualité des cours d’eau en Pays de la Loire

 

 

0,06

0,70

0,06

0,70

12. Service d’incendie et de secours à Wallis-et-Futuna

 

 

 

 

1,28

1,28

TOTAL

35,57

25,66

45,38

38,55

40,99

40,54

Source : projets annuels de performance de la mission « Cohésion des territoires » du projet de loi de finances pour 2020 et du projet de loi de finances pour 2021.

II.   prÉsentation gÉnÉrale des actions du programme 162 pour l’annÉe 2021

A.   quatre actions antÉrieures À 2020 se poursuivront en 2021

L’action 02 « Eau et agriculture en Bretagne » apporte une contribution de l’État à la poursuite des actions générales d’amélioration de la qualité de l’eau pour inciter les agriculteurs et les autres acteurs économiques de la région à supprimer les atteintes à l’environnement et à respecter les normes nationales et européennes. L’action a été créée notamment suite à la condamnation de la France en 2001 pour non-respect des règles européennes relatives aux nitrates. Depuis 2011, cette action contribue à réduire la prolifération des algues vertes par le financement de projets de territoire préventifs destinés à limiter les rejets d’azote et de phosphore dans le cadre du plan de lutte contre les algues vertes qui s’étend sur huit baies. L’impact du plan est clairement positif sur le terrain ; il fait actuellement l’objet d’évaluations, qui seront présentées en 2021.

La crise sanitaire a eu un impact très limité sur l’exécution de cette action en 2020. Les activités de contrôle ont été peu impactées. Seules les actions auprès des agriculteurs (animation collective ou conseil individuel) ont pu être réduites, sans effet net sur la dynamique du plan.

En 2021, viendra s’ajouter de nouveau aux crédits du programme 162 un montant de 5 millions d’euros en AE et en CP issus d’un transfert de gestion de crédits du ministère de l’agriculture et de l’alimentation.

L’action 04 « Programme exceptionnel d’investissement en faveur de la Corse » poursuit la dernière phase de mise en œuvre de ce PEI qui prévoit une mise à niveau des équipements publics en Corse afin de l’aider à surmonter les handicaps naturels que constituent son relief et son insularité et à résorber son déficit en équipements et en services collectifs. Le PEI a permis de rattraper une partie du retard de développement constaté en 2002 et d’améliorer concrètement la vie quotidienne grâce aux investissements réalisés dans les infrastructures de transport, d’eau, d’assainissement… La crise sanitaire pourrait entraîner un ralentissement de la consommation des crédits au second semestre 2020 en raison de l’arrêt des travaux au printemps et du retard pris dans le démarrage de certains chantiers. En 2021 devrait se poursuivre notamment le développement des réseaux d’eau agricole et du réseau « Fibre optique jusqu’au domicile ».

L’action 08 « Volet territorialisé du plan national d’action chlordécone pour la Martinique et la Guadeloupe » contribue à la mise en œuvre des « plans chlordécone » successifs qui visent à répondre à la problématique de la dispersion de ce pesticide, utilisé dans la culture des bananes, dans les milieux terrestres et aquatiques de la Martinique et de la Guadeloupe et de son impact sur la santé de la population de ces deux îles. Le troisième plan couvre la période 2014-2020 et le quatrième plan couvrira la période 2021-2027.

En 2020, une grande partie des actions du plan chlordécone a été interrompue en raison du confinement, notamment les actions d’accompagnement des professionnels (pêcheurs et agriculteurs) et des consommateurs, ainsi que la réalisation des prélèvements chez les exploitants agricoles pour les analyses de sol en vue d’établir une cartographie. En matière de surveillance des denrées alimentaires, les contrôles à l’abattoir ont été maintenus pendant la crise sanitaire, mais les autres plans de contrôle ont été suspendus. Toutefois, les informations communiquées à votre rapporteur pour avis font état d’une reprise des actions suspendues à la fin du premier semestre 2020.

Enfin, l’action 09 « Plan Littoral 21 » correspond à la contribution de l’État à la mise en œuvre du plan de développement du territoire littoral de la région Occitanie, basé sur une convention entre l’État, la région et la Caisse des dépôts, signée en 2017, pour adapter ce territoire à deux tendances lourdes : le réchauffement climatique et la croissance démographique. En 2020, la situation sanitaire et la période de mise en place des nouveaux exécutifs municipaux ont entraîné un ralentissement de la sélection des opérations à financer et de l’action des porteurs de projets. En 2021, outre la poursuite des actions déjà engagées, sont notamment prévus :

– dans le volet économique du plan, le lancement d’un troisième appel à projets « Avenir Littoral » ;

– dans le volet environnemental du plan, le développement des schémas locaux de lutte vectorielle contre les espèces nuisibles de moustiques.

B.   Deux actions ont ÉtÉ crÉÉes par la loi de finances pour 2020

L’action 10 « Fonds interministériel pour la transformation de la Guyane » porte la majorité des mesures inscrites, au titre de la participation de l’État, dans le contrat de convergence et de transformation (CCT) de la Guyane pour la période 2019-2022, signé en juillet 2019, qui vise à réduire les écarts de développement avec le territoire métropolitain. Les mesures prises dans le cadre de la crise sanitaire ont entraîné l’interruption ou le ralentissement de certains chantiers, des retards d’approvisionnement et une perturbation des procédures administratives.

L’année 2021 devrait voir se poursuivre les opérations de revitalisation du territoire, les actions d’ingénierie, la réhabilitation et l’extension des collèges et des lycées, la poursuite des travaux commencés en 2020 sur les infrastructures portuaires, routières et fluviales, ou encore la réalisation des opérations d’assainissement et d’alimentation en eau potable prévues par la convention passée par les services de l’État et l’Office français de la biodiversité.

L’action 11 « Reconquête de la qualité des cours d’eau en Pays de la Loire » a également été créée dans le PITE par la loi de finances pour 2020. Votre rapporteur pour avis a souhaité y consacrer une attention particulière (voir le III).

C.   une nouvelle action sera lancÉe en 2021

Une nouvelle action figure dans ce programme à partir de 2021 : l’action 12 « Service d’incendie et de secours à Wallis et Futuna ». L’État délègue de manière transitoire, par convention, sa compétence en matière de sécurité civile à la collectivité et, au sein du budget de celle-ci, un budget annexe sera créé pour gérer les crédits du service d’incendie et de secours. L’action 12 du PITE portera la subvention permettant le financement de ce budget annexe, en attendant la révision du statut de ce territoire, qui attribuera cette compétence à l’assemblée territoriale.

III.   l’action « reconquÊte de la qualitÉ des cours d’eau en pays de la loire »

A.   une situation de dÉpart trÈs dÉgradÉe

L’agence de l’eau Loire-Bretagne, qui surveille notamment l’évolution de la qualité des cours d’eau sur l’ensemble du bassin Loire-Bretagne, a constaté une dégradation globale de cette qualité entre 2006 et 2017, même s’il convient de noter de grandes disparités selon les territoires de ce vaste bassin (28 % du territoire français métropolitain) qui s’étend sur 36 départements, de la Haute-Loire au Finistère. Cette qualité est évaluée par son état écologique, c’est-à-dire en fonction de 4 indices relatifs à l’état biologique de l’eau ([9]) et de 21 paramètres relatifs à son état physico-chimique (oxygène, quantité de matières organiques, présence de phosphore, de nitrates, de micropolluants…).

Pourcentage de cours d'eau en Très bon état, en bon état, en état moyen, médiocre ou mauvais par période d'évaluation de l'état écologique (de 2006-2007 à 2015-2016-2017)

C’est principalement à l’amont du bassin et dans la moitié ouest de la Bretagne que l’on trouve les secteurs en bon ou très bon état. Inversement, la région médiane, avec une population parfois dense, une agriculture et une irrigation importantes et des étiages naturels faibles, présente un état nettement dégradé. Avec les mêmes caractéristiques, la situation est critique en Loire-aval et en Vendée. Elle est également critique sur l’axe Loire entre Saint-Étienne et Nevers. Le sous-bassin Maine-Loire-Océan ne comptait en 2017 que 13 % de cours d’eau en bon état écologique. C’est le secteur le plus dégradé du bassin Loire-Bretagne.

En région Pays de la Loire, seuls 11 % des cours d’eau étaient en bon état écologique en 2017 (contre 37 % en région Bretagne). La qualité des eaux est donc sérieusement dégradée, avec des conséquences importantes en matière environnementale, économique et de santé publique. Cette situation est principalement due aux prélèvements, à l’aménagement des cours d’eau et aux pollutions. Auditionné par votre rapporteur pour avis, le secrétaire général adjoint de la préfecture de région a souligné que l’une des difficultés majeures tient à la multiplicité des facteurs de dégradation de la qualité de l’eau, et à leur caractère diffus sur le territoire.

L’amélioration de la qualité de l’eau est donc l’un des enjeux prioritaires du schéma directeur 2016-2021 d’aménagement et de gestion des eaux (SDAGE) et du 11e programme pluriannuel de l’agence de l’eau Loire-Bretagne (2019-2024). L’élaboration du SDAGE, adopté par le comité de bassin et approuvé par le préfet coordonnateur en 2015, était un préalable à la définition d’une stratégie de reconquête de la qualité des eaux.

B.   une dÉmarche multi-partenaires

1.   Le contrat d’avenir (février 2019)

Le contrat d’avenir des Pays de la Loire signé par l’État et la région en février 2019 a défini 21 projets d’amélioration des mobilités, 2 projets d’accélération du déploiement du numérique, 8 projets de développement de « l’économie de la connaissance » et 6 projets de transition écologique, parmi lesquels le projet « Reconquérir la qualité des cours d’eau en Pays de la Loire ». Pour ce projet, le contrat fait état des engagements suivants :

– l’agence de l’eau « est susceptible, en fonction des projets déposés et dans le respect de son 11e programme, de consacrer un budget d’intervention de 400 millions d’euros sur la période 2019-2024 » ;

– la région et l’État vont élaborer un plan de reconquête de la qualité des cours d’eau en Pays de la Loire, avec l’ensemble des acteurs concernés ;

– l’État, à l’instar de ce qui a été fait pour la région Bretagne avec l’action n° 02 du programme 162, va créer en 2020 une action interministérielle dédiée à ce plan ;

– la région portera un projet « LIFE Eau » de 18 millions d’euros, auxquels s’ajouteront 4 millions d’euros apportés par l’État, pour faciliter les relations entre les acteurs, développer des projets de territoire et « amplifier le SDAGE » ;

– la région obtiendra le transfert de la compétence pour l’animation et la concertation dans le domaine de la gestion et de la protection de la ressource en eau et des milieux aquatiques tel que prévu par la loi NOTRe.

2.   Le Plan pour la reconquête de la ressource en eau en Pays de la Loire (décembre 2019)

Ce plan ([10]) a été présenté par l’État, le conseil régional et l’agence de l’eau. Il porte à la fois sur les aspects quantitatifs et sur les aspects qualitatifs de la ressource en eau. Le plan pose un diagnostic sur l’état des masses d’eau (cours d’eau, plans d’eau, eaux littorales, eaux souterraines), sur les principales pressions affectant leur état et sur les conséquences de la dégradation de la ressource en eau sur la santé, sur l’économie et sur la biodiversité. Les acteurs se mobilisent depuis longtemps, notamment au sein des commissions locales de l’eau des schémas d’aménagement et de gestion de l’eau (SAGE), mais sans que soit constatée une tendance à l’amélioration.

Le plan a pour objet de coordonner les moyens de la région et de l’État. Il prévoit notamment :

– la mise en place par l’État et la région d’un observatoire de l’eau à l’échelle régionale ;

– un plan de communication commun sur les enjeux de la qualité de l’eau à destination du grand public, des élus et des professionnels, pour lequel la région mobilisera 80 000 euros par an ;

– une « dynamique partenariale de formation » sur la prise en compte des enjeux de l’eau, notamment dans les formations initiales agricoles ;

– une amélioration de la gouvernance de l’eau pour mieux articuler les interventions des nombreux acteurs concernés ;

– une meilleure prise en compte des critères liés à la qualité de l’eau dans les appels à projets, ainsi que dans les soutiens que la région apporte à des entreprises ;

– un soutien à l’évolution des pratiques agricoles, notamment en déployant des mesures agroenvironnementales et climatiques (MAEC) sur de nouvelles surfaces dans la région ;

– le recours à un « outil de financement commun : le Contrat territorial Eau », pour que d’ici 2022 l’ensemble du territoire régional soit couvert par de tels contrats.

Le directeur de l’agence de l’eau, auditionné par votre rapporteur pour avis, a indiqué que dès 2020 une douzaine de contrats territoriaux uniques (CTU) ont pu être signés.

3.   L’action du PITE et sa mise en œuvre

Pour 2021, le programme 162 du budget de l’État prévoit 59 768 euros en autorisations d’engagement et 696 665 euros en crédits de paiement pour l’action 11 « Reconquête de la qualité des cours d’eau en Pays de la Loire », créée par la loi de finances pour 2020. Cette action comporte trois volets :

 accompagner les maîtres d’ouvrage porteurs de projets sur le terrain, via l’élaboration de contrats territoriaux liant les porteurs d’action et plusieurs financeurs (État, région, départements, agence de l’eau) ; c’est le volet « ingénierie » de l’action, pour lequel aucun crédit n’est inscrit dans le programme 162 mais des crédits seront mis à disposition par le ministère de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales fin 2020 via le FNADT (programme 112) ;

 accompagner les agriculteurs dans la transition agro-écologique de leurs exploitations : c’est à ce volet que sont affectés les crédits du PITE pour 2021, comme c’était également le cas en 2020. En 2020, la couverture du territoire régional par des MAEC est passée de 30 à 80 %, et une dotation de crédits de 3,2 millions d’euros du ministère de l’agriculture est venue s’ajouter aux crédits inscrits dans le PITE. En 2021, ce sont les mesures d’évolution des pratiques qui seront prioritaires ;

 renforcer les connaissances et le suivi : ce volet est assuré par l’agence de l’eau. Il s’agira, en 2021, de réaliser la préfiguration de l’observatoire régional de l’eau et de réaliser des études. Les moyens financiers de l’agence de l’eau ne sont pas mobilisés via le PITE mais dans le cadre de son 11e programme d’intervention pluriannuel.

L’action 11 ne mobilise pas de financements européens mais intervient en cofinancement des crédits du FEADER pour la mise en place des MAEC auxquelles peuvent souscrire les agriculteurs pour les accompagner dans le changement de leurs pratiques. Des crédits européens du programme LIFE devraient venir également compléter les financements nationaux et régionaux.

Les acteurs auditionnés par votre rapporteur pour avis lui ont signalé que les services de l’État et de la région travaillent à la constitution d’un groupement d’intérêt public (GIP) consacré à l’amélioration des connaissances et du suivi. Ils ont également indiqué que l’un des avantages de la mise en place d’une stratégie commune se substituant aux stratégies individuelles antérieures est la possibilité d’utiliser également les crédits de droit commun comme ceux de la « DSIL relance », à laquelle certains investissements des collectivités dans le domaine de l’eau peuvent être éligibles.

C.   une nÉcessitÉ : dÉfinir des objectifs prÉcis et des critÈres de performance adÉquats

Les objectifs de qualité et de quantité fixés dans le schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux 2016-2021 pour l’ensemble du bassin Loire-Bretagne comprennent notamment l’objectif d’un bon état écologique des eaux de surface pour 60 % pour les cours d’eau, 66 % pour les plans d’eau et 70 % pour les eaux côtières en 2021. Ils seront actualisés en vue de la mise à jour du SDAGE pour la période 2022-2027.

En revanche, aucun objectif chiffré sur la qualité de l’eau ne figure dans le contrat d’avenir, ni dans le plan de reconquête, ni, d’ailleurs, dans le PITE. Le 11e programme d’intervention de l’agence de l’eau fixe des objectifs stratégiques, notamment une amélioration de la qualité des masses d’eau vis-à-vis des polluants organiques, une réduction des émissions de micropolluants et une réduction de l’utilisation des phytosanitaires, mais sans définir de cibles précises à atteindre pour chaque indicateur de l’état écologique des cours d’eau.

Interrogé sur ce point par votre rapporteur pour avis, le directeur de l’agence de l’eau a reconnu que l’état écologique de l’eau est mesuré selon des critères scientifiques et objectifs mais que ces indicateurs sont nombreux et que la dégradation d’un seul indicateur suffit à présenter l’état d’une masse d’eau comme « dégradé ». Or, dans la région Pays de la Loire, la qualité de l’eau est dégradée au regard d’une quantité importante d’indicateurs, ce qui rend extrêmement difficile, voire impossible, de valoriser les progrès réalisés indicateur par indicateur tant que la situation reste présentée comme « globalement dégradée ». Par exemple, les actions déjà menées ont fait diminuer de manière très nette la présence de phosphore et d’ammonium, et la qualité physico-chimique de l’eau a été fortement améliorée. Mais l’état biologique des cours d’eau demeure insatisfaisant, notamment du fait des ruptures de continuité écologique, ce qui « masque » donc, dans les résultats globaux, les progrès réalisés dans l’état physico-chimique.

Votre rapporteur pour avis note que, sur le terrain, un certain découragement se fait sentir lorsque, malgré plusieurs années d’efforts, les résultats ne sont pas reconnus. Les acteurs auditionnés ont convenu qu’il faut mettre en place d’autres indicateurs, permettant de valoriser chaque année les actions et les progrès réalisés, sans pour autant abaisser le niveau de vigilance et d’exigence.

 


— 1 —

   examen en commission

Après l’audition de Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, et M. Joël Giraud, secrétaire d’État chargé de la ruralité, au cours de sa réunion du mardi 27 octobre 2020 ([11]), la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a examiné, le mardi 3 novembre 2020, pour avis, sur le rapport de M. Guillaume Garot, les crédits relatifs à l’aménagement du territoire de la mission « Cohésion des territoires ».

Mme la présidente Laurence Maillart-Méhaignerie. Nous poursuivons l’examen de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2021.

M. Guillaume Garot, rapporteur pour avis sur les crédits de la mission « Cohésion des territoires ». Je souhaite tout d’abord remercier les administrateurs pour leur travail. C’est une force pour notre Parlement que de pouvoir compter sur une fonction publique de ce niveau-là.

Je vais donc vous présenter les crédits de la partie de la mission « Cohésion des territoires » dont est saisie pour avis notre commission. Ils sont répartis entre deux programmes : le programme 112 « Impulsion et coordination de la politique d’aménagement du territoire » et le programme 162 « Interventions territoriales de l’État ».

Ces deux programmes ne couvrent qu’une petite partie de l’ensemble des crédits de la mission – 271 millions d’euros en crédits de paiement (CP) sur près de 16 milliards d’euros pour la mission dans sa globalité. Ils illustrent les lignes de force que le Gouvernement entend donner à l’ensemble de la mission, et quant à l’implication de l’État dans des actions très variées, et quant au partenariat avec les acteurs locaux et aux politiques de contractualisation.

Le programme 112, en baisse de 5 % par rapport à 2020, est doté de 231 millions d’euros en CP. Toutefois, il faut être honnête, les crédits de la mission « Plan de relance » apportent 44 millions d’euros supplémentaires à ses actions, ce qui représente une hausse globale significative.

Le programme 112 comporte deux grands types d’actions : d’abord, celles du Fonds national pour l’aménagement et le développement des territoires (FNADT), avec 360 millions d’euros en autorisations d’engagement (AE) et 186 millions d’euros en CP en comptant le plan de relance ; ensuite, le soutien aux opérateurs, fléché vers Business France mais, surtout, vers l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT), avec 60,9 millions d’euros. La principale nouveauté de ce programme, c’est donc l’ANCT, qui est également l’opérateur de ce dernier, et dont on fêtera bientôt la première année d’existence. J’ai choisi de m’arrêter un peu plus longuement sur les débuts de l’agence et sur la première action qu’elle pilotera, le programme « Petites villes de demain ».

Le programme 112 est notamment destiné à financer les contrats de plan État-région (CPER). Je voulais tout d’abord m’intéresser à la génération 2021-2027 mais leur élaboration a pris du retard en raison de l’épidémie de covid-19, ce qui est parfaitement compréhensible. La semaine dernière, la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, Mme Jacqueline Gourault, a confié à notre commission quelques éléments sur les grandes orientations des prochains CPER, qui mobiliseront plus de 20 milliards d’euros engagés par l’État, et autant par les régions.

J’ai eu beaucoup de mal à obtenir des réponses de la part de Régions de France, qui a refusé d’être auditionné, ce qui est une mauvaise manière faite au Parlement et ce qui n’est pas la meilleure façon de défendre l’intérêt de ces collectivités.

Le programme 162 « Interventions territoriales de l’État » (PITE) couvre une variété d’actions sur lesquelles l’État souhaite prendre la main dans des territoires spécifiques en regroupant les moyens habituellement répartis entre plusieurs ministères. Le programme est géré, pour le compte du Premier ministre, par le ministère de l’intérieur.

Pour 2021, le PITE compte sept actions : Eau et agriculture en Bretagne, Plan exceptionnel d’investissement en faveur de la Corse, Plan chlordécone, Plan Littoral 21, Fonds interministériel pour la transformation de la Guyane, Service d’incendie et de secours de Wallis et Futuna, Reconquête de la qualité des cours d’eau en Pays de la Loire.

Ces actions totalisent 41 millions d’euros en autorisations d’engagement et 40,5 millions en crédits de paiement.

Quels constats tirer de l’observation attentive de ces crédits de la mission « Cohésion des territoires » ?

Tout d’abord, ce budget est difficilement lisible.

En effet, aux crédits « classiques » s’ajoutent ceux du plan de relance, ce qui représente certes une masse financière importante mais ce qui est aussi un peu « sportif » pour le législateur qui doit contrôler les dépenses sans disposer de correspondances automatiques entre l’une et l’autre masses de crédits.

Ensuite, que se passera-t-il après 2021 et 2022 et la fin du plan de relance ? Que penser de la pérennité et de la durabilité de la hausse constatée ? C’est un vrai problème, non seulement pour le contrôle budgétaire, je l’ai dit – et ce n’est pas le plus grave – mais pour les opérateurs, pour les collectivités locales : qu’adviendra-t-il des actions qui ont été engagées ? Dans quelle mesure l’État les accompagnera-t-elles dans la durée, et à quelle hauteur ? Ce sont les questions que l’on se pose sur le terrain. Le législateur se doit donc de prendre date de manière à pouvoir contrôler précisément et strictement la variation des crédits dans les budgets à venir. J’espère que le Gouvernement pourra nous apporter des réponses et qu’il respectera ses engagements.

Je prends l’exemple de l’ANCT. Elle doit encore s’affirmer et souffre non seulement d’un déficit de visibilité mais de moyens financiers très limités et mal définis. Elle signera plusieurs conventions de partenariat avec des opérateurs tiers, notamment l’Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME), le Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (CEREMA), l’Agence nationale de l’habitat (ANAH) et l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU). Or, les documents annexés au PLF ne font état d’aucune augmentation spécifique des crédits budgétaires de ces partenaires pour abonder des opérations menées avec eux, ce qui soulève des questions quant à l’engagement effectif de ce bras armé que devrait être l’ANCT dans l’application des politiques et des actions de la mission « Cohésion des territoires ».

Par ailleurs, s’il est bon que les préfets soient les délégués territoriaux de l’ANCT – plus on est proche du terrain, plus on est efficace – eux non plus ne bénéficient pas de moyens supplémentaires. Ils devront donc mener des actions et mettre en œuvre des projets sans que, au moment où nous parlons, ils disposent de moyens humains supplémentaires pour se tenir aux côtés des collectivités locales, en particulier pour l’ingénierie de projets.

Enfin, je souhaite revenir sur deux actions auxquelles le rapport consacre une analyse plus poussée et qui me permettront de partager avec vous d’autres observations.

Les orientations du programme « Petites villes de demain » se veulent innovantes à travers une offre d’accompagnement « sur mesure » aux communes et intercommunalités éligibles à ce label.

Du point de vue comptable, le programme prévoit de mobiliser 3 milliards d’euros sur une période de six ans, de 2021 à 2026, à destination de 1 000 communes ou intercommunalités. C’est aux préfets qu’incombe le choix des communes éligibles ce qui, sur le papier, est une bonne chose : nous sommes en effet nombreux à demander une plus grande déconcentration de l’action de l’État. Néanmoins, il faudra se montrer très vigilants : tant mieux si les préfets ont une nouvelle responsabilité mais il conviendra de les accompagner car leurs choix devront être solidement étayés et ils devront pouvoir résister aux pressions locales ou aux conséquences d’éventuelles déceptions. Ils devront donc bénéficier de moyens humains supplémentaires pour que les décisions prises soient argumentées.

J’en termine par l’action « Reconquête de la qualité des cours d’eau en Pays de la Loire ». Incluse dans le contrat d’avenir signé en février 2019 avec la région Pays de la Loire, elle répond à une situation qui s’est largement dégradée, particulièrement en aval du bassin de la Loire et en Vendée : en 2017, seuls 13 % des cours d’eau de cette région étaient en bon état écologique.

Les actions menées en Bretagne ont permis d’obtenir de meilleurs résultats car le partenariat entre l’État et les opérateurs locaux a été efficace mais, dans la région Pays de la Loire, les acteurs locaux sont découragés. Face à une batterie d’indicateurs et de critères, nous avons du mal à valoriser les progrès réalisés. La qualité des eaux demeure insuffisante alors que des actions sont menées, que des efforts sont réalisés et qu’ils doivent être reconnus, ce que ne permettent pas les critères en vigueur. La mobilisation des différents acteurs est donc moins efficace ; or, dans ce domaine, elle doit être effective dans la durée. Je sais que cela est valable dans d’autres secteurs et pour d’autres enjeux partout en France.

Dans la période où nous sommes, la solidarité envers les territoires les plus vulnérables devra à l’évidence jouer, et c’est tout le sens du plan de relance. Le risque n’est pas pour 2021 mais pour la suite, pour la visibilité des projets, des orientations, des crédits. J’appelle donc votre attention sur la nécessité de mobiliser les acteurs dès aujourd’hui mais aussi pour demain, durablement.

Je suis favorable à l’adoption des crédits de cette mission car ils sont en augmentation, il faut le reconnaître, mais il faut rester très vigilant pour les raisons que j’ai exposées.

Mme Aude Luquet, rapporteure pour avis des crédits du programme 217 « Conduite et pilotage des politiques de l’écologie, du développement et de la mobilité durables ». Vous avez été destinataires de mon projet d’avis, je ne reviendrai donc ici que sur les éléments les plus importants de mon analyse des crédits du programme 217 « Conduite et pilotage des politiques de l’écologie, du développement et de la mobilité durables ».

Je salue l’augmentation globale des crédits de la mission « Écologie, développement et mobilité durables ». Notre pays est résolument engagé dans la transition écologique et la mise en œuvre d’un aménagement durable des territoires ; ce budget en traduit, cette année encore, la concrétisation. C’est d’autant plus le cas cette année que la mission « Plan de relance » porte également une ambition écologique très forte : la relance sera verte, avec plus de 30 milliards d’euros destinés à la transition écologique.

Concernant le programme 217, j’évoquerai mes satisfactions, mais également des points de vigilance. Je m’arrêterai ensuite sur les deux thèmes que j’ai souhaité approfondir : les moyens informatiques et les écoles d’ingénieurs inscrites au programme.

Le programme 217 est le programme support de la mise en œuvre des politiques publiques de trois ministères : le ministère de la transition écologique, le ministère de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales et le ministère de la mer.

À quelques exceptions près, il porte l’essentiel des effectifs de ces trois ministères, hors opérateurs. C’est très important, j’y reviendrai. Il assure également le financement des activités transverses – fonctions juridiques, moyens de fonctionnement et numériques, ou encore politique immobilière.

Il finance également trois autorités administratives indépendantes (AAI) : la Commission nationale du débat public (CNDP), l’Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires (ACNUSA) et la Commission de régulation de l’énergie (CRE). Mon avis dresse la situation de ces trois AAI, avec une inquiétude particulière pour la CNDP.

Enfin, le programme 217 assure une partie du financement de deux opérateurs – deux écoles d’ingénieurs –, sur lesquels je reviens longuement dans l’avis : l’École nationale des ponts et chaussées (ENPC), dans laquelle j’ai pu me rendre, et l’École nationale des travaux publics de l’État (ENTPE), que la situation sanitaire ne m’a pas permis de visiter mais dont j’ai pu auditionner à distance la direction, des chercheurs et des étudiants.

Je reviens sur un point essentiel : ce programme ne finance donc pas une politique en particulier, mais bien l’ensemble des moyens, notamment humains, nécessaires à la réalisation de toutes les politiques environnementales. En conséquence, les autres programmes, déjà présentés à notre commission ou qui vont l’être, relèvent du programme 217 pour leurs effectifs.

La diminution annuelle des crédits du programme 217 signifie donc que les effectifs des trois ministères, et donc ceux consacrés à la mise en œuvre de politiques publiques dont les moyens augmentent, baissent. En 2021, et pour la treizième année consécutive, le schéma d’emplois des effectifs du programme sera négatif, à –780 équivalents temps plein (ETP).

Il faut s’interroger sur l’effet du cumul de ces suppressions d’effectifs qui inquiète aussi bien les représentants syndicaux que le secrétariat général. Je vous proposerai tout à l’heure un amendement pour envoyer un signal au Gouvernement.

Je l’indique dans mon avis : il semble contradictoire de renforcer chaque année les exigences environnementales et les politiques publiques dans le champ du développement durable, tout en poursuivant de telles suppressions d’effectifs.

Cette évidence s’applique également à la Commission nationale du débat public (CNDP) : la participation citoyenne est partout mise en avant mais, en 2021, la CNDP risque de perdre un ETP, alors qu’elle a déjà de grandes difficultés à assurer ses missions. Là encore, je vous proposerai un amendement.

Toutefois, le ministère semble avoir largement pris conscience de ces difficultés : lors de son audition, la secrétaire générale du pôle ministériel m’a indiqué qu’une « revue des missions » serait engagée dès 2021 pour réfléchir à ce que devra être le ministère demain, aux métiers et politiques prioritaires, aux missions et aux compétences. Je salue cet élément de concertation positif ajouté à l’agenda social du ministère.

En outre, des efforts sont réalisés pour ne pas fragiliser outre mesure les politiques portées par le ministère et les suppressions d’effectifs ne se font pas à l’aveugle : les services de l’État au niveau départemental sont relativement préservés, même si je considère qu’ils devraient l’être encore davantage ; certaines politiques – la prévention des risques par exemple – également ; enfin, on s’efforce de préserver l’expertise, en maintenant le niveau des effectifs de catégorie A. Ces efforts sont positifs.

Hormis ce point d’attention, la gestion du pôle ministériel est exemplaire. Malgré l’impact de la crise, la prévision d’exécution 2020 est soutenable, les dépenses atypiques ayant été compensées par des minorations de dépenses. Je salue également une démarche de rationalisation de la dépense publique par des mesures d’organisation, ainsi que la maîtrise des dépenses de fonctionnement et des dépenses immobilières. Voilà des économies qui ne nuisent pas à la qualité de service !

J’en viens maintenant aux deux sujets que j’ai souhaité approfondir. D’abord, les moyens informatiques des trois ministères. Jusqu’en 2020, ils connaissaient globalement une progression annuelle, mais celle-ci demeurait souvent modeste et les agents étaient encore trop souvent dotés d’équipements ou de logiciels vétustes, lorsqu’ils en étaient équipés.

La crise du coronavirus a mis les ministères face à leurs insuffisances sur ce sujet. On nous l’a clairement indiqué : les investissements contraints des années précédentes ont eu un impact sur le taux d’équipement – limité – des agents. Je salue donc le déblocage immédiat de moyens pour équiper les agents : même si tous n’ont pas pu l’être à ce stade, 2,3 millions d’euros ont été mobilisés pour acheter et configurer des postes de travail, des téléphones portables, renforcer la sécurité des accès au réseau, adapter les outils de visioconférence, ou encore mettre à niveau les infrastructures de réseau.

Il faut aller encore plus loin afin que le télétravail monte en puissance de manière pérenne au sein des ministères. Un effort budgétaire conséquent est inscrit au projet de loi de finances pour 2021 en faveur des moyens informatiques ; il faut le soutenir et l’encourager. En outre, la réflexion avec les organisations syndicales sur l’environnement de travail numérique va se poursuivre, permettant, je l’espère, de lever les obstacles culturels au développement du télétravail.

Concernant les écoles – l’ENPC et l’ENTPE – je souhaite partager avec vous mon très grand enthousiasme, mais également quelques inquiétudes. Ces écoles sont fortement engagées dans le développement durable et l’aménagement du territoire : les chercheurs rencontrés et les installations visitées illustrent ce travail permanent pour réduire notre empreinte environnementale et préparer notre adaptation au réchauffement climatique. J’ai souhaité, à chaque fois, échanger avec des étudiants, conscients de leur rôle à venir sur ce sujet.

Mais je m’inquiète car les subventions pour charges de service public (SCSP) des deux écoles diminuent annuellement, tout comme leur plafond d’emplois. Il s’agit, naturellement, d’inciter les écoles à développer leurs ressources propres et à devenir moins dépendantes des subventions ministérielles. Cependant, le maintien d’un plafond d’emplois élevé est une condition sine qua none au développement de ressources propres : seul le recrutement de nouveaux chercheurs permettra en effet l’émergence et le développement de nouveaux partenariats. Je vous proposerai donc par amendement d’augmenter les SCSP des deux écoles du montant équivalent aux cinq ETP qu’il est prévu de supprimer pour 2021, en demandant ensuite au Gouvernement de relever d’autant le plafond d’emplois des deux opérateurs.

Mon principal point d’alerte concerne donc les effectifs. Il faudra absolument tenir compte de cette situation pour les prochains exercices budgétaires, sans quoi la capacité d’agir des ministères pourrait être fragilisée.

Il faut tout de même saluer les efforts faits pour cibler les baisses d’effectifs et maintenir la qualité de service des ministères, ainsi que l’annonce d’une « revue de missions » pour l’an prochain. Au global, la gestion est rigoureuse et rationnelle, et les crédits globaux de la mission témoignent, je le disais en introduction, d’une réelle ambition écologique.

J’émets donc un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Écologie, développement et mobilité durables ».

M. Hubert Wulfranc. Je ne reviendrai pas sur l’excellent rapport de M. Guillaume Garot, que nous avons commenté la semaine dernière avec mon collègue M. Gérard Leseul. Je partage totalement ses conclusions.

Je m’attarderai sur le rapport très éclairant de notre collègue Mme Aude Luquet. Si je voulais être taquin, je dirais que je m’en suis tenu aux têtes de chapitre. Ce n’est pas le cas ! Mais on pourrait résumer votre avis par la citation suivante : « un seul être vous manque et tout est dépeuplé ! ». En analysant les crédits relatifs à la masse salariale, et donc aux emplois du ministère, on constate que le Gouvernement continue de dépeupler ce ministère de ses femmes et de ses hommes, agents du service public, qui mettent concrètement en œuvre les politiques publiques environnementales, que ce soit directement ou de manière transversale, partout sur le territoire. On constate le même dépeuplement au sein des grands opérateurs de l’État : Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (CEREMA), Office national des forêts (ONF), Office français de la biodiversité (OFB), etc.

Cette politique d’abandon apporte un démenti cinglant aux promesses claironnées sur tous les tons : dans de telles conditions, comment les politiques publiques de transition écologique, de l’énergie, des transports peuvent-elles être opérationnelles sur l’ensemble du territoire ?

Deux cent quarante-six postes sont supprimés dans le secteur des transports, cent quatre-vingt-quinze dans le champ de l’amélioration de l’habitat, quatre-vingts dans celui de l’eau et de la biodiversité. Les amputations sont majeures en région et dans les départements.

Madame la rapporteure pour avis, votre rapport est une alarme, une alerte même, que vous avez bien voulu porter à notre connaissance.

M. Jacques Krabal. M. Guillaume Garot a fait un exposé brillant des programmes 112 et 162. Je salue son honnêteté intellectuelle : même si j’ai noté quelques divergences entre la présentation orale et le rapport écrit, la conclusion est la même. Nous pouvons toujours exprimer des réserves ou des mises en garde, mais nous ne pouvons pas passer sous silence l’augmentation des crédits, tellement rare qu’elle mérite d’être signalée.

Je m’arrêterai à ce qui nous semble source d’espoir : il faut que l’aménagement du territoire ne soit pas une vieille lune, ou la continuité du « déménagement du territoire ». Nous avons le sentiment que la transition doit s’accélérer et que l’Agence nationale de la cohésion des territoires doit être son bras armé. Aujourd’hui, plus que jamais, nous constatons que notre pays manque de cohésion, probablement suite aux lacunes de l’aménagement du territoire.

En outre, s’agissant du rôle des préfets, je souhaite que les parlementaires soient associés à la définition du programme « Petites villes de demain » – 1 000 communes devraient être accompagnées, dont 61 pour les Hauts-de-France.

Enfin, le réseau France Services progresse ; on ne peut donc pas dire qu’on abandonne les services publics dans les territoires ruraux ! Il s’agit simplement d’une nouvelle organisation.

Pour conclure, je partage votre avis, le plan de relance est un atout, avec la mise en place d’un budget vert à hauteur de 30 milliards d’euros. Je ne peux donc que nous inviter à émettre un avis favorable sur ces crédits.

Mme Nathalie Sarles. Je remercie Mme Aude Luquet pour son rapport. Le programme dont elle est la rapporteure pour avis est important puisqu’il concerne les agents notamment mobilisés en faveur du plan de relance, de la Convention citoyenne pour le climat et de la préparation de la présidence de la France à l’Union européenne. Comme vous, nous avons noté la trajectoire de diminution des effectifs, à l’œuvre depuis plusieurs années. Nous le regrettons et serons vigilants. Il serait bon qu’une évaluation soit effectuée, même si nous avons bien conscience que la rationalisation des dépenses est de rigueur dans le contexte actuel.

L’écologie, ce sont aussi les moyens donnés aux différents acteurs pour financer la transition : ils s’élèvent à 1,2 milliard d’euros dans le projet de loi de finances pour 2021, auxquels s’ajoutent les 30 milliards d’euros du plan de relance. Nous saluons cet effort.

Vous avez émis des réserves concernant les deux écoles d’ingénieurs, qui forment les cadres ministériels de demain. Il est important en effet que les crédits soient mobilisés.

Nous partageons vos interrogations concernant les moyens numériques, d’autant que les agents doivent à nouveau télétravailler et qu’ils ont donc besoin de moyens renforcés.

M. Jean-Marie Sermier. Je félicite nos deux rapporteurs pour avis, même si l’un paraît plus sportif que l’autre, les crédits semblant bien complexes à retrouver en détail !

On ne peut évidemment que se féliciter de l’augmentation des crédits alloués à l’aménagement du territoire, mais rappelons également que les crédits du plan de relance sont ponctuels et ne doivent donc pas être assimilés à des crédits de fonctionnement ou d’investissement « normaux ».

Ensuite, le rapport entre crédits de paiement et autorisations d’engagement du Fonds national d’aménagement et de développement du territoire (FNADT) est très déséquilibré : peu de crédits de paiement et beaucoup d’autorisations d’engagement. Je ne sais pas si nous pourrons tenir le rythme…

Je l’ai rappelé à la ministre il y a quelques jours, les parlementaires doivent absolument être associés à l’élaboration des contrats de plan État-région (CPER) 2021-2027. Or, dans le Jura, ils ne le sont toujours pas.

Nous avons déjà longuement débattu de l’ANCT au moment de sa création. Elle dispose d’un budget de 60,9 millions d’euros. Avez-vous une idée du nombre de ses agents ? Il me semblait qu’en consolidant toutes les structures qui composent cette nouvelle agence, on approchait mille personnes. Si vous faites un calcul rapide, ce budget risque donc de passer intégralement dans la masse salariale ! Quels sont aujourd’hui les moyens de l’ANCT, en dehors des capacités intellectuelles, importantes, de ses personnels ? Il faut qu’elle dispose de crédits de recherche et des moyens de réaliser des études.

Le programme 217 finance quasi intégralement la masse salariale de trois ministères puisqu’environ 92 % des crédits y sont affectés. Vous l’avez peu évoqué, mais il serait catastrophique que le plan de relance vienne aussi financer cette masse salariale ! Disposez-vous de données précises sur ce point ?

Vous évoquez une baisse de 780 ETP. Je rappelle qu’il faut ramener cette baisse au nombre de postes – 36 915. Soyons honnêtes, le groupe Les Républicains ne peut pas demander à l’État de réduire son train de vie et ne pas être favorable à cette légère baisse, qui représente 2 % des personnels, de même niveau que les exercices précédents (– 813 en 2019 et – 799 en 2020). Nous assumons donc la baisse car on ne peut à la fois plaider pour une diminution des impôts et une hausse des dépenses. Pour autant, les 321 transferts vers d’autres ministères sont-ils compris dans ces 780 ETP ?

Pour conclure, il est essentiel de préserver les emplois dans les territoires, notamment pour permettre une mutualisation avec les collectivités locales, ainsi que ceux relevant du domaine de l’eau, quitte à ce que leur nombre baisse.

M. Bruno Millienne. Merci aux rapporteurs pour avis pour leur travail. Merci pour votre honnêteté intellectuelle, désormais légendaire, monsieur le ministre. Tout en saluant l’effort réalisé dans ce budget en faveur du développement durable, puisque 30 milliards d’euros seront consacrés à la transition écologique, je m’inquiète notamment de la baisse des ressources humaines. Ce sont 780 postes supplémentaires qui seront supprimés dans les trois ministères en 2021, qui sera la treizième année consécutive de diminution des effectifs dédiés à cette mission, en contradiction avec l’ambition affichée par le Gouvernement en matière de transition écologique.

Le principe selon lequel il est possible de faire mieux avec moins ne doit pas être la seule boussole de nos choix budgétaires. Je n’aimerais pas que nous en venions au système de fonctionnement de l’Office national des forêts (ONF) ou de l’Office français de la biodiversité (OFB) ou à ce qui se passe dans les Yvelines, où le conseil départemental a dû conclure un partenariat avec une association de bénévoles, Éco‑garde, parce qu’il n’y avait personne le week-end pour surveiller et sécuriser nos espaces naturels. Voyons avec le Gouvernement comment limiter la casse pour cette année. Nous aimerions avoir plus de détails sur ces suppressions de postes, à commencer par leur localisation. Si l’on peut concevoir certaines optimisations au sein des ministères, on voit difficilement comment supprimer massivement des postes dans les territoires, alors qu’ils ont besoin d’effectifs.

M. Patrick Loiseau. Je vous remercie, monsieur Guillaume Garot, pour votre présentation de la mission, en particulier des deux programmes 112 et 162. L’objectif de cohésion et d’aménagement des territoires est transversal et interministériel. Comme vous le dites, le projet de loi de finances pour 2021 prévoit de doter cette mission d’un montant de 15,91 milliards d’euros en autorisations d’engagement et de 15,99 milliards d’euros en crédits de paiement. Ces crédits sont en légère augmentation, ce dont nous pouvons nous réjouir.

Vous faites toutefois état d’un certain nombre de points de vigilance, à commencer par le risque d’éparpillement des crédits entre cette mission et celle du plan de relance, alors que l’objectif est le même et que des actions peuvent être financées par l’une ou par l’autre. Il est important que la provenance et l’affectation des crédits soient lisibles et cohérentes. Savez‑vous comment cette répartition a été prévue ? Plus généralement, comment les crédits de la mission « Plan de relance » s’articulent‑ils avec ceux de la mission « Cohésion des territoires » ?

Concernant les dispositifs de contractualisation, vous alertez sur la complexité et sur la multiplicité des dispositifs avec des parties et des objectifs différents – contrats de ruralité, CPER ou programme « Action cœur de ville ». Ne pensez‑vous pas, au contraire, qu’un tel panorama et une telle diversité de dispositifs contractuels permettent de répondre à des besoins précis et identifiés pour les différentes collectivités, conformément au principe de différenciation selon les besoins de chaque territoire ?

M. Gérard Leseul. Le programme 217 n’est pas anodin, puisqu’il est le support d’une action interministérielle. Son champ est large et ses enjeux cruciaux. Des moyens ont été rapidement déployés pour outiller les agents en matériel informatique, afin de basculer massivement en télétravail, ce qui est une bonne chose et démontre une capacité d’adaptation à un moment où il fallait réagir vite. Cette transformation numérique du mode de travail devra être poursuivie. Si quelques points sont positifs, d’autres sont inquiétants. Le programme est une nouvelle fois marqué par une suppression d’effectifs au sein des ministères. Depuis 2018, 4 000 emplois ont été supprimés. J’ai bien compris que 321 ETP allaient être transférés. Néanmoins, à périmètre constant, une telle baisse d’effectifs, surtout dans la crise actuelle et face aux défis environnementaux qui se dressent devant nous, ne se justifie pas rationnellement. Par ailleurs, la présentation de la rapporteure pour avis laisse penser que l’ENPC et l’ENTPE, qui pourraient être encore plus au cœur de notre grande transition écologique, ne sont pas suffisamment soutenues.

Concernant la mission « Cohésion des territoires », il faut saluer la contribution financière non négligeable apportée pour développer les maisons France Services, largement inspirées par les maisons de services au public du précédent quinquennat. Leur offre a été élargie avec l’arrivée de neuf opérateurs. Elles ont également bénéficié d’une enveloppe de 30 000 euros par an, dont on peut regretter qu’elle n’ait pas augmenté. Leur nouveau cahier des charges implique d’inévitables contreparties locales – locaux, équipements, personnel. Les collectivités devront mettre la main à la poche. Si 856 structures ont été labellisées en septembre dernier, il n’en reste pas moins que 860 cantons sont encore totalement dépourvus de maisons France Services, alors que l’objectif était de tous les équiper à l’horizon de 2022.

Par ailleurs, s’agissant de la fracture numérique, avant de parler de 5G, il faudrait tout faire pour développer la 4G.

Enfin, pour ce qui est du programme « Petites villes de demain », dont nous avons beaucoup entendu parler, je rappellerai, à la suite du rapporteur pour avis, que la définition des conditions d’éligibilité relève du préfet, ce qui est une bonne chose, mais qu’il faut aussi faire attention à ce qu’elles soient souples dans leur application. J’ai ainsi fait part à Mme la ministre de l’existence de regrettables petits trous dans la raquette.

Mme Maina Sage. Nous sommes, comme nos collègues, ravis de la hausse des crédits mais inquiets en ce qui concerne la baisse des effectifs du programme 217. J’ai entendu, madame la rapporteure pour avis, que vous aviez déposé un amendement à ce sujet. Mais comment cette nouvelle baisse est‑elle justifiée, alors que nous sommes à la croisée des chemins et que l’écologie et la cohésion territoriale sont deux des priorités du plan de relance ? Cela me semble incohérent.

S’agissant de la mission « Cohésion des territoires », je partage les interrogations du rapporteur pour avis, qui s’inquiétait de la capacité à absorber les crédits supplémentaires. Avons‑nous les moyens humains et techniques pour les déployer ? Se pose d’ailleurs la question de la dépense réelle des crédits de 2020. Je souhaiterais également avoir plus d’informations sur le volet territorialisé du plan de relance. Vos enquêtes, monsieur le rapporteur pour avis, vous ont‑elles permis d’en savoir plus sur la territorialisation de ces crédits ?

Concernant les maisons France Services, de nouveaux partenariats sont‑ils envisagés pour enrichir l’offre ? Pour ce qui est du label « cités éducatives », comment favorisez‑vous l’accès des quartiers à ce dispositif et comment mieux y impliquer les comités territoriaux ? Enfin, dans le cadre du renouvellement urbain, comment mieux impliquer les habitants, qu’il s’agisse de leur consommation d’énergie ou d’autres pratiques qui ont un effet sur l’environnement ?

M. François-Michel Lambert. On nous a dit que ce projet de loi de finances faisait la part belle à l’écologie. Or, même si la dimension environnementale du budget 2021 constitue un progrès, nous sommes encore très loin du pas de géant annoncé à cor et à cri par la majorité. C’est particulièrement flagrant à la lumière des crédits du programme 217, qui diminuent encore une fois cette année. Cela se traduit par de nouvelles suppressions de postes au sein des ministères – même le groupe du Mouvement Démocrate et apparentés les a critiquées – et plus particulièrement de celui de l’écologie. Ce sont 1 579 ETP en deux ans qui auront disparu, au moment où nous devons affronter des catastrophes comme l’incendie de l’usine Lubrizol et des choix gouvernementaux à l’instar du maintien des néonicotinoïdes ou de la poursuite de l’utilisation du glyphosate, autrement dit des enjeux qui nécessitent des contrôles et des accompagnements humains. Nous ne répéterons jamais assez que l’ambition écologique ne doit pas se cantonner à de grandes directives et à des incantations ; elle a besoin de femmes et d’hommes pour veiller à sa bonne application sur le terrain.

À l’heure où nos concitoyens réclament davantage de démocratie directe, celle‑là même dont le Gouvernement a fait son mantra avec la Convention citoyenne pour le climat, il est essentiel de garantir à la Commission nationale du débat public (CNDP) des moyens suffisants pour mener à bien son activité de veille, en respect du principe constitutionnel de participation du public. Or, avec une baisse de ses crédits de fonctionnement et de sa masse salariale, il y a fort à parier qu’elle rencontrera des difficultés pour répondre à sa mission, ce qui est en totale contradiction avec les avancées démocratiques issues de l’ordonnance de 2016, que nous utilisons très peu au sein de la CNDP.

Par ailleurs, l’appel à la relocalisation d’activités stratégiques et les nouvelles formes de travail nous invitent à reconsidérer l’aménagement de notre territoire. Alors que ces dernières années ont été celles du « tout métropole », nous devons rééquilibrer notre pays avec tous nos territoires ruraux et intermédiaires, pour permettre aux Français de travailler là où ils veulent. Pour développer le télétravail, il faut aller beaucoup plus loin. Or il n’existe pas de politique publique pour accompagner son déploiement. Les hésitations de la ministre du travail, lors de la séance de questions au Gouvernement, étaient à cet égard révélatrices ! Le télétravail peut jouer un rôle majeur dans la maîtrise de la mobilité et participer, de ce fait, à réduire le réchauffement climatique.

Je salue l’augmentation des crédits dédiés à la politique de l’aménagement du territoire. L’ANCT bénéficie d’une légère augmentation. Son budget atteint ainsi les 60 millions d’euros, ce qui reste toutefois très loin des 150 à 200 millions d’euros préconisés dans le rapport « Ruralités : une ambition à partager ». Le déploiement des 2 000 maisons de services au public de nouvelle génération, soit des maisons France Services, d’ici à 2022 est un objectif ambitieux, d’autant qu’il s’accompagne d’une montée en gamme des services proposés. Toutefois, on peut s’interroger sur le périmètre retenu : le canton. N’aurait‑il pas mieux valu privilégier un maillage en adéquation avec les bassins de vie et les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), d’autant que les cantons sont des périmètres très fluctuants et politiques ?

Un regret enfin concernant le retard pris dans les négociations des CPER. Comme M. le rapporteur pour avis, je m’inquiète que les collectivités territoriales soient à ce stade encore trop peu associées à l’élaboration des contrats. Nous sommes trop dans la déconcentration et pas encore dans la décentralisation.

M. Loïc Prud’homme. L’aménagement du territoire ne relève pas d’un bricolage sur un coin de bureau. Or le plan de relance participe d’un tel bricolage : il n’est ni pérenne ni suffisant pour prétendre que l’aménagement du territoire est considéré comme il devrait l’être. Nous plaidons en faveur d’un État visionnaire et planificateur, accompagné dans cette tâche par des moyens humains, comme cela a été unanimement reconnu, ce qui est, soit dit en passant, assez croquignolesque de la part de ceux qui votent depuis trois ans leur baisse. Nous en avons besoin pour produire des analyses, pour s’assurer du respect de la trajectoire décidée ensemble et pour surveiller l’application de la loi sur le terrain.

Deux points, à ce sujet, doivent particulièrement retenir notre attention. Le premier concerne les installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE). Notre territoire compte 500 000 sites classés, pour 1 600 agents, dont l’industriel Yara, qui stocke notamment du nitrate d’ammonium, à l’origine de l’explosion du port de Beyrouth, ou Lactalis, dont les nombreux sites ne respectent pas la réglementation et polluent les eaux. Pour passer d’un contrôle aléatoire une fois tous les demi‑siècles ou tous les siècles à un contrôle tous les cinq ans, il faudrait au moins 7 000 postes supplémentaires, quand on en évoque cinquante. Pour justifier l’allégement de la réglementation, on nous oppose la lenteur d’instruction des dossiers. Mais des agents en plus, ce sont aussi des instructions de dossiers plus rapides pour les industriels qui souhaitent s’installer – et La France insoumise n’est bien évidemment pas contre leur installation. Au lieu de cela, le projet de loi d’accélération et de simplification de l’action publique (ASAP) déréglemente. Ainsi, il sera bientôt possible de faire démarrer des travaux avant même d’avoir obtenu les autorisations environnementales, ce qui n’est pas acceptable.

Le deuxième point concerne la ressource en eau. Nous avons besoin de surveiller drastiquement l’usage de cette ressource. Or, l’OFB, qui est notamment en charge de la police de l’eau, n’est pas doté de suffisamment d’agents pour faire respecter la réglementation actuelle, déjà assez peu restrictive, à mon sens. Il faut absolument renforcer ses moyens, tout comme ceux des agences de l’eau. Je plaide, en ce sens, pour une augmentation des redevances, afin d’alimenter le fonds de paiement pour services environnementaux que nous avions proposé avec Mme Frédérique Tuffnell. Nous devons absolument regarder cela de plus près. Enfin, la question des métabolites est un point aveugle de la législation sur l’eau. Ils ne sont pas assez recherchés, alors même que leur présence pose des problèmes sanitaires importants.

La lutte contre la fracture numérique représente un enjeu d’aménagement du territoire fondamental. On nous avait promis, il y a vingt ans, que la 4G couvrirait le territoire, alors que ce n’est toujours pas le cas. Une « start up nation » qui se veut moderne devrait pouvoir déployer la fibre partout, quand les postes, télégraphes et téléphones (PTT) l’ont fait dans les années quatre-vingt avec le téléphone filaire. Pourquoi la cinquième puissance du monde n’est‑elle pas capable de développer la fibre partout sur son territoire, afin de garantir cet accès vital aux réseaux numériques ? Toutes ces urgences doivent être prises en compte dans les budgets.

Mme Frédérique Tuffnell. Je me suis plus particulièrement intéressée aux actions 02 et 11 du programme 162, qui visent à améliorer la qualité de l’eau en incitant les agriculteurs et les autres acteurs économiques à supprimer les atteintes à l’environnement. Je pense que l’on gagnerait à se focaliser sur le suivi et l’évaluation.

Il ne faut pas oublier qu’une baisse des recettes fiscales des collectivités territoriales est attendue en 2020, en lien avec la crise de la covid. Je crains, par conséquent, que ce programme ne mobilise pas assez de crédits pour aider à la reconquête de la qualité des cours d’eau. Pour ces deux actions, les crédits sont pratiquement équivalents à ceux de 2020, sauf erreur de ma part. Pour ce qui est du programme dans son ensemble, les autorisations d’engagement s’élevaient à 45,38 millions d’euros dans le PLF pour 2020, et elles seront de 40,99 millions en 2021. Je ne vois donc pas d’augmentation…

L’eau, comme l’a dit M. Loïc Prud’homme, est au carrefour des politiques publiques menées en matière d’aménagement du territoire. Le plan de relance ne pourra pas être une réussite si on ne règle pas la question de l’eau, sur le plan de la qualité et sur celui de la quantité.

Mme Danielle Brulebois. Je félicite les rapporteurs pour avis pour la qualité de leur travail.

Vous avez évoqué une réduction des effectifs au sein des ministères et de deux grandes écoles nationales, l’ENPC et l’ENTPE. Il s’agit pourtant de métiers d’avenir, pour lesquels il faut recruter des jeunes. Existe-t-il une volonté de développer l’apprentissage ? Par ailleurs, où en est la parité ?

M. Gérard Leseul. Il faut traiter la fracture numérique comme une question prioritaire – sans doute avant de développer de nouvelles technologies, comme la 5G. De quelle manière l’enveloppe de 490 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 125 millions d’euros en crédits de paiement qui est prévue pour le développement du numérique en 2021 sera-t-elle consommée ?

Mme Aude Luquet, rapporteure pour avis. Je vais répondre d’une manière transversale aux questions portant sur la baisse des effectifs, le numérique, les moyens informatiques, les mutualisations et la prévention des risques.

S’agissant des effectifs, une baisse de 780 ETP est prévue. Les transferts ne sont pas inclus dans ce nombre, monsieur Jean-Marie Sermier.

Cela sera fait avec discernement : le taux d’effort n’est pas le même pour l’administration centrale, les services régionaux et les services départementaux. Pour ces derniers, la baisse des effectifs est moins importante : le taux d’effort est de 1,8 %, contre 2,3 % pour les services régionaux et 3,2 % pour l’administration centrale. L’objectif, selon les auditions que j’ai menées, est que l’échelon départemental reste l’échelon principal de l’État décentralisé. Par ailleurs, l’expertise des ministères sera préservée. Un schéma d’emplois positif est en effet prévu pour les catégories A.

S’agissant de la prévention des risques, aucun poste ne sera supprimé. Une réorganisation doit permettre de créer 50 postes d’inspecteurs des installations classées – vous l’avez relevé, monsieur Prud’homme, même si vous avez estimé qu’il en faudrait 7 000. Vous avez considéré par ailleurs que la législation était trop souple en la matière, mais c’est votre avis…

Je tiens à rappeler qu’une « revue des missions » sera menée – cela ressort de mes échanges avec la secrétaire générale du ministère – pour mettre en exergue les missions et les compétences prioritaires. On peut penser que ce travail, qui sera réalisé dans le cadre d’une concertation, permettra de mesurer l’impact des baisses successives des effectifs et de déterminer s’il faut poursuivre dans cette voie.

S’agissant des moyens informatiques, les crédits seront portés à 33 millions d’euros en autorisations d’engagement en 2021.

En ce qui concerne l’évolution des effectifs – je reviens un peu en arrière –, il est beaucoup question de réaliser des mutualisations et des rationalisations. Même si on peut regretter le nombre d’emplois supprimés, on peut imaginer, lorsqu’il y a une mutualisation – on sait que cela peut être le cas dans les collectivités ou dans certaines institutions –, que c’est pour assurer une optimisation. Certains postes peuvent être supprimés à bon escient, notamment lorsque les besoins se réduisent.

Le plan de relance n’aura aucun effet sur la masse salariale, monsieur Sermier.

Madame Nathalie Sarles, je partage votre vigilance quant à l’évaluation, mais aussi quant au numérique et au télétravail. Il faudra un cadre – je crois que le Gouvernement y travaille. Les syndicats sont assez inquiets. Il faut en particulier se pencher sur le droit à la déconnexion et faire en sorte qu’on puisse travailler dans les meilleures conditions possibles.

Comme l’a souligné M. François-Michel Lambert, la question de la mobilité se pose notamment : il s’agit d’imaginer un peu différemment notre manière de travailler et de nous déplacer. Par ailleurs, j’ai répondu aux questions portant sur la prévention des risques.

S’agissant des écoles que vous avez évoquées, madame Danielle Brulebois, il n’y a pas d’apprentis dans toutes les formations. Le souci de la parité est très fort : il me semble qu’il y a pratiquement 40 % de jeunes femmes dans chacune des deux écoles.

M. Guillaume Garot, rapporteur pour avis sur les crédits de la mission « Cohésion des territoires ». S’agissant des effectifs de l’ANCT, monsieur Jean-Marie Sermier, les éléments qui m’ont été transmis font état de 330 ETP et de quelques dizaines de mises à disposition en provenance d’autres administrations, soit un total de 370 postes. On est loin de ce qui avait été imaginé dans le cadre des premières épures.

En ce qui concerne les maisons France Services, vous avez complètement raison de souligner, monsieur Gérard Leseul, que 860 cantons ne sont toujours pas dotés de ces structures.

Elles correspondent à une belle idée, sur le papier. Néanmoins, réfléchissons un peu : l’État dit qu’il va mettre de l’argent sur la table, avec les opérateurs du service public, mais il demande aux collectivités locales de contribuer aussi, ce qui est un peu paradoxal. Elles sont ainsi appelées à participer à la réparation de politiques dont elles ont été les victimes. Nous sommes tous concernés, y compris ceux qui sont de ma sensibilité politique : c’est le résultat d’années et d’années de recul, de désengagement de l’État dans les territoires – il faut le reconnaître.

Il me paraît fondamental qu’il y ait une présence humaine – cela rejoint ce qu’a dit M. Gérard Leseul – pour accompagner tous ceux qui ont des difficultés avec le numérique. Ce n’est pas une question de génération. Les maisons France Services n’auront d’intérêt que si elles assurent un véritable accompagnement humain de la transition économique. C’est un enjeu social. L’intérêt majeur, pour ne pas dire le seul intérêt, des maisons France Services est de restaurer une présence humaine dans les territoires.

Pour ce qui est de la territorialisation du plan de relance, madame Maïna Sage, ce que j’ai compris est que ce sont les régions qui seront sollicitées. Elles auront à piloter, dans leur territoire, la mise en œuvre des grandes orientations. Il faudra regarder attentivement ce qu’il en est dans les contrats de plan État-région. Je ne peux pas vous en dire davantage pour le moment.

Vous avez tout à fait raison de dire, monsieur François-Michel Lambert, qu’il faut trouver un bon équilibre entre la déconcentration et la décentralisation : elles doivent aller de pair. C’est vrai pour les CPER mais aussi dans d’autres cadres. Il faut associer les élus : on ne peut pas laisser les préfets piloter tout seuls. Des concertations étroites doivent avoir lieu sur le terrain, et il ne faut pas oublier les parlementaires. Nous avons une connaissance fine de la réalité de nos territoires – M. Jean-Marie Sermier a insisté sur ce point.

Même si cela ne concerne pas les programmes dont je suis le rapporteur pour avis, je veux dire que rien ne sera possible, s’agissant du contrôle exercé par l’État, si des moyens humains ne sont pas déployés sur le terrain. M. Loïc Prud’homme a raison, même si on peut s’interroger sur le niveau auquel on doit placer le curseur. En ce qui concerne les risques industriels, nous avons besoin de renforcer, année après année, les effectifs d’inspecteurs. C’est un des enseignements des crises que nous avons connues, y compris récemment en Normandie. Il en est de même pour l’OFB et la police de l’eau.

Quant à l’action « Reconquête de la qualité des cours d’eau en Pays de la Loire », madame Frédérique Tuffnell, on m’a indiqué qu’il existe un projet – qui devrait bientôt être réalisé – de création d’un groupement d’intérêt public (GIP), afin d’assurer la collecte des données et suivre les actions menées. Les crédits concernés sont davantage issus de l’agence de l’eau que de l’État – il faut le dire en toute honnêteté.

En matière de numérique, M. Gérard Leseul a pointé un problème de lisibilité dans le PLF – c’est vrai. Les 490 millions d’euros de crédits qu’il a évoqués sont à cheval sur deux missions budgétaires : celles relatives à la cohésion des territoires et au plan de relance. Il faudrait éclaircir la question pour l’avenir, je le redis. Je souligne néanmoins, là encore pour être honnête, que 240 millions d’euros sont prévus dans le cadre du plan de relance pour la poursuite du déploiement de la fibre, ce qui permettra d’agir – mais il faudra obtenir des résultats le plus rapidement possible.

La commission en vient à l’examen des crédits.

Article 33 et état B : Crédits du budget général

La commission émet un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Cohésion des territoires ».

 


   LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

(Par ordre chronologique)

Caisse des dépôts et consignations – Banque des territoires

Mme Elisa Vall, directrice du département de l’appui aux territoires, direction du réseau de la Banque des Territoires

M. Philippe Blanchot, directeur des relations institutionnelles

Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT)

M. Xavier Giguet, directeur délégué Territoires et ruralités

Mme Juliette Auricoste, directrice du programme Petites villes de demain

Table ronde sur le thème de la reconquête de
la qualité des cours d'eau en Pays de la Loire

 Agence de l’eau Loire-Bretagne : M. Martin Gutton, directeur général

 Préfecture de région – Secrétariat général pour les affaires régionales (SGAR) : M. Arnaud Millemann, secrétaire général adjoint

 Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DREAL) des Pays de la Loire : M. Julien Custot, directeur adjoint

 Direction régionale de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt (DRAAF) des Pays de la Loire : Mme Céline Bouey, adjointe au chef de service Environnement, forêt, bois

Cabinet et services du ministère de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales

Mme Laetitia Cesari-Giordani, conseillère financière et budgétaire

Mme Lila Mahnane, conseillère parlementaire

M. Olivier Benoist, direction générale des collectivités locales

M. Bastien Mérot, direction générale des collectivités locales

Association des petites villes de France (APVF)

M. Nicolas Soret, vice-président

 


([1]) La liste des programmes figure dans le document de politique transversale « Aménagement du territoire » annexé au projet de loi de finances.

([2]) La catégorie des pactes de développement territorial regroupe onze contrats visant à répondre aux difficultés de certains territoires particulièrement fragiles. En fait partie notamment le contrat d’avenir Pays de la Loire.

([3]) Document de politique transversale « Aménagement du territoire » annexé au projet de loi de finances pour 2021.

([4]) Document de politique transversale « Aménagement du territoire » annexé au projet de loi de finances pour 2021.

([5]) Pôle emploi, la Caisse nationale d’allocations familiales (CNAF), la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS), la Caisse nationale d’assurance vieillesse (CNAV), la Caisse centrale de la mutualité sociale agricole (MSA), La Poste et GRDF.

([6]) Outre l’ANCT, pilote du programme, seront impliqués huit ministères : le ministère de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, le ministère de la transition écologique, le ministère de la culture, le ministère des outre-mer, le ministère de l’économie, des finances et de la relance, le ministère des solidarités et de la santé, le ministère de l’agriculture et de l’alimentation, le ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation et le ministère chargé du logement.

([7]) Pas moins de quinze ministères sont concernés par une ou plusieurs actions inscrites au programme 162.

([8]) Par exemple l’action « Eau et agriculture en Bretagne » inclut un partenariat conclu avec l’agence de l’eau Loire-Bretagne pour certaines activités de recherche, et le « plan littoral 21 » (action 09 du PITE) est une démarche partenariale portée par l’État, la région Occitanie et la Caisse des dépôts et consignations sur la base d’un accord-cadre.

([9]) L’évaluation de la qualité biologique de l’eau et des milieux aquatiques s’appuie sur des inventaires périodiques de la faune et de la flore présentes, qui analysent l’évolution de quatre indicateurs : les macro-invertébrés benthiques (larves d’insectes pour l’essentiel), les poissons, les diatomées (algues microscopiques) et les macrophytes (plantes aquatiques).

([10]) http://www.pays-de-la-loire.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/2020_plan_eau_vf.pdf  

([11])http://assnat.fr/pYshsz