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N° 3398

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 7 octobre 2020.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DU DÉVELOPPEMENT DURABLE ET DE L’AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2021 (n° 3360)

TOME VIII

ÉCOLOGIE, DÉVELOPPEMENT ET MOBILITÉ DURABLES

 

AFFAIRES MARITIMES

PAR Mme Sophie PANONACLE

Députée

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 Voir les numéros : 3360, 3399 (Tome III, annexe 17).


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SOMMAIRE

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Pages

introduction

premiÈre partie : une situation budgétaire stable

I. le programme 205

A. L’action 1 « Sécurité et sûreté maritimes »

B. L’action 2 « Gens de mer et enseignement maritime »

C. L’action 3 « Flotte de commerce »

D. L’action 4 « Action interministérielle de la mer »

E. L’action 5 « Soutien au programme »

II. L’action 43 DU programme 203

deuxiÈme PARTIE : la santÉ économique de la marine de commerce

I. le pavillon français, un pavillon attractif grâce à un efficace dispositif de soutien ?

A. Un nombre de navires sous pavillon français qui a augmenté en 2020

B. Un dispositif de soutien à la flotte de commerce QUI PERMET D’AMÉLIORER L’ATTRACTIVITÉ DU PAVILLON FRANÇAIS

II. un secteur affectÉ inégalement par la crise du coronavirus

A. Un transport de marchandises qui a tenu bon

B. Une situation difficile pour le secteur du transport de passagers et la croisière

C. Une crise du secteur « oil and gas » aux racines plus profondes

troisiÈme partie : la décarbonation du secteur maritime

I. un enjeu environnemental mondial

II. une palette de solutions aux effets et à la complexité variables

III. La mise en place d’un dispositif de suramortissement pour favoriser la dÉcarbonation du secteur maritime

quatriÈme partie : la formation maritime

I. les lycées professionnels maritimes

II. L’École nationale supérieure maritime

Examen en commission

LISTE des personnes auditioNnées

liste des Contributions écrites reçues


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   introduction

Le monde maritime a été durement affecté par la crise du coronavirus qui a éclaté l’an dernier. Les témoignages recueillis au printemps dernier par votre rapporteure pour avis, dans le cadre de la préparation du rapport Happy Blue Days : pour une économie maritime compétitive et décarbonée qu’elle a envoyé au Président de la République et remis à l’ensemble des ministres concernés en juin dernier, sont à ce sujet éloquents. La crise risque d’avoir des effets d’autant plus importants que la France est une nation maritime de premier rang. En effet, notre pays, qui dispose du deuxième domaine maritime mondial, est l’héritier d’un long passé maritime. La qualité de la formation de ses marins est reconnue dans le monde entier et les savoir-faire développés par les entreprises d’armement maritime permettent à certains groupes d’être des leaders mondiaux. Dans ce cadre, les politiques financées par le programme 205 de la mission « Écologie, développement et mobilité durables », qui visent à rendre plus cohérente l’action régulatrice de l’État en ce qui concerne le navire, le marin et la mer, ont toute leur importance pour le soutien du secteur maritime dans cette période difficile.

Le projet de loi de finances pour 2021 prévoit une légère baisse des autorisations d’engagement (AE) et des crédits de paiement (CP) du programme 205 : les autorisations d’engagement passent de près de 160 millions d’euros en 2020 à 155 millions d’euros en 2021, et les crédits de paiement de 161 millions d’euros à 159 millions d’euros ([1]). Votre rapporteure pour avis est satisfaite de cette relative stabilité mais tient à rappeler que le budget des affaires maritimes est calculé au plus juste et qu’il doit être préservé dans la durée.

On ne peut prétendre traiter de ce budget sans se préoccuper des ports. En effet, ils constituent l’interface entre le tissu économique national et les voies d’échanges internationales et ont à ce titre joué un rôle essentiel dans le maintien de l’approvisionnement de la France en marchandises au printemps dernier. Les crédits relatifs aux ports relèvent de l’action 43 du programme 203. Les autorisations d’engagement et les crédits de paiement de cette action restent stables par rapport à 2020 et représentent environ 100 millions d’euros ([2]), ce qui est nécessaire pour poursuivre l’effort consenti depuis deux ans sur les crédits de dragage, indispensables au bon fonctionnement des ports.

Enfin, votre rapporteure pour avis tient à souligner la nécessité qu’il y a à accompagner la « relance bleue » qu’elle appelle de ses vœux par des mesures fiscales et sociales, qui ne relèvent pas des programmes 205 et 203 mais qui peuvent être prises dans le cadre de la loi de finances et de la loi de financement de la sécurité sociale.

À cet égard, votre rapporteure pour avis se réjouit de la création en juillet dernier du ministère de la mer, dont elle espère qu’il sera doté des moyens appropriés pour mettre en œuvre les différentes mesures permettant au secteur maritime de traverser la crise tout en posant les bases d’une relance dynamique qui prennent en compte les exigences de développement durable voire fassent de cet impératif un moteur, notamment pour le développement de modes de propulsion plus respectueux de l’environnement, comme la propulsion au GNL (gaz naturel liquéfié) ou la propulsion vélique.


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   premiÈre partie : une situation budgétaire stable

I.   le programme 205

Le programme 205 permet de financer des actions relatives à la politique de sécurité et de sûreté maritimes civiles (actions 1 et 4), la régulation sociale de l’emploi maritime (formation, hygiène, santé, conditions de travail), qui est au cœur de l’action préventive en matière de sécurité maritime (action 2), le soutien à la qualité et au développement du pavillon français (action 3) ou encore la participation à la protection de l’environnement marin et littoral (action 4). Le montant des autorisations d’engagement étant pratiquement identique à celui des crédits de paiement, du fait de la nature des dépenses financées, le présent paragraphe traitera essentiellement de l’évolution des crédits de paiement pour chacune des actions du programme.

A.   L’action 1 « Sécurité et sûreté maritimes »

Les crédits de paiement de l’action 1 – qui représentent un peu plus de 20 % des crédits alloués aux affaires maritimes – baissent légèrement par rapport à 2020, passant de 33,1 millions d’euros à 32,7 millions d’euros ([3]).

Votre rapporteure pour avis tient à insister sur l’importance du budget de l’action 1 pour la sécurité et la sûreté maritimes, notions qui peuvent parfois être mal distinguées mais qui sont cruciales. La sécurité maritime recouvre la sécurité des personnes et la prévention de la pollution, qui présentent plusieurs aspects indissociables : la sécurité des navires (qui concerne les navires, leur équipage et, le cas échéant, leurs passagers), la sécurité de la navigation et la facilitation du trafic maritime. La sûreté maritime désigne la prévention et la lutte contre tous les actes illicites (terrorisme, malveillance) perpétrés contre le navire, son équipage, ses passagers ou les installations portuaires. Le budget de l’action 1 permet à la France d’exercer trois types de missions :

– en tant qu’État du pavillon, elle doit garantir le respect des normes internationales requises à bord des navires battant pavillon français ;

– en tant qu’État du port, elle doit contrôler les navires de commerce étrangers faisant escale dans ses ports ;

– en tant qu’État côtier, elle doit assurer l’organisation et la coordination de la recherche et du sauvetage maritimes le long des côtes françaises ainsi que la sécurisation des routes et des accès portuaires (par le balisage maritime, la surveillance de la circulation maritime dans les zones de séparation de trafic et l’information des capitaines, patrons et skippers sur l’environnement et la situation nautique).

L’action 1 rassemble les crédits d’investissement et de fonctionnement d’une partie des services spécialisés qui permettent d’assurer ces missions. Un peu plus de 40 % des crédits sont accordés à l’armement des phares et balises. Ce service à compétence nationale, dépendant de la direction des affaires maritimes, est chargé de la mise en œuvre ([4]) et de la mise à disposition de moyens nautiques adaptés aux besoins des directions interrégionales de la mer (en métropole) et des directions de la mer (en outre-mer) pour l’exercice de leurs attributions relatives à la signalisation maritime et à la diffusion de l’information nautique afférente. Ce poste budgétaire recevra 13,3 millions d’euros en 2021. Ces crédits permettent notamment de financer le fonctionnement et le maintien en conditions opérationnelles des établissements de signalisation maritime, le fonctionnement et l’entretien des navires permettant d’intervenir sur ces établissements, la formation des agents ou encore des opérations de rénovation d’édifices vétustes et des travaux de génie civil. Par ailleurs, la poursuite du plan de modernisation des affaires maritimes permettra de finaliser le renouvellement des balises répondeuses radar installées sur le littoral (ce qui permet aux navires de visualiser la position des balises sur leur écran radar), la poursuite du déploiement d’un système d’identification automatique des aides à la navigation les plus sensibles et la finalisation du déploiement des émetteurs/récepteurs de signal DGPS, programme de positionnement GPS amélioré qui permettra aux navires de disposer d’une meilleure fiabilité du calcul de leur position. Enfin, les crédits de la mission « Plan de relance » contribueront à financer la poursuite du renouvellement de la flotte. L’action 6 de cette mission comprend 25 millions d’euros destinés au renouvellement de la flotte de contrôle ou de balisage de l’État.

Près de 33 % des crédits de l’action 1 (soit 10,7 millions d’euros) sont consacrés au financement de la Société nationale de sauvetage en mer (SNSM). Cette somme a fortement augmenté depuis 2015 (où elle représentait un peu moins de 3,2 millions d’euros) pour faire face aux besoins de financement de la SNSM, nécessités notamment par le développement de la formation et le renouvellement des moyens nautiques. Bien connue du monde maritime, la SNSM est une société trop peu connue du grand public. C’est pourquoi votre rapporteure pour avis tient à rappeler ici le rôle crucial de la SNSM pour la sécurité maritime française et à saluer le travail formidable accompli sur tout le littoral par ses bénévoles. Association reconnue d’utilité publique au titre de la loi de 1901 et agréée en qualité d’organisme de secours et de sauvetage en mer (par un arrêté du 21 juin 2006), la SNSM assure plus de 50 % des opérations de sauvetage en mer qui nécessitent des moyens nautiques. Dans la majorité des cas, il s’agit de porter secours à des navires de plaisance. Si la SNSM exerce son activité dans le cadre du sauvetage en mer sous la coordination des centres régionaux opérationnels de surveillance et de sauvetage (CROSS), elle intervient également dans le cadre de la police spéciale de la baignade qui est confiée aux maires des communes littorales dans une bande de 300 mètres à compter de la limite des eaux et qui implique de mettre en place des postes de plage saisonniers. C’est la SNSM qui fournit le plus grand nombre de sauveteurs de plages (qui peuvent aussi être recrutés parmi les sapeurs-pompiers et les policiers) : en 2018, 1 382 nageurs‑sauveteurs étaient employés sur 264 postes de secours rattachés à 148 communes littorales.

21 % des crédits de l’action 1 servent à financer les dépenses de fonctionnement et d’investissement des CROSS et des MRCC (Maritime Rescue Coordination Centers) de Polynésie française et de Nouvelle-Calédonie ([5]). Ces unités sont chargées de la coordination de la recherche et du sauvetage des personnes en détresse en mer, de la surveillance de la navigation maritime, de la diffusion des renseignements de sécurité maritime, de la surveillance des pollutions marines, de la veille des alertes de sûreté des navires et de la surveillance des pêches maritimes. En 2021, plus de 6,5 millions d’euros de crédits de paiement seront affectés à ce poste budgétaire. Ils permettront notamment de poursuivre le renouvellement du matériel de radiocommunication.

5 % des crédits de l’action 1 (1,7 million d’euros) sont alloués aux CSN (centres de sécurité des navires). Ceux-ci sont chargés d’inspecter les navires de commerce, les navires de pêche et les navires de plaisance à utilisation commerciale et de contrôler leur conformité à la réglementation en vigueur (essentiellement sur le plan technique). Les crédits qui leur sont alloués servent notamment à financer des dépenses en matière d’immobilier, des dépenses d’analyses en laboratoire ou encore les frais de mission des agents.

Enfin, 0,15 % des crédits de l’action 1 (soit 0,05 million d’euros) sert à financer le bureau d’enquêtes sur les événements de mer (BEA mer), service à compétence nationale placé auprès de l’Inspecteur général des affaires maritimes. Il a pour principale mission de rechercher et de déterminer les causes techniques des accidents, afin d’en tirer les enseignements pour l’amélioration de la sécurité maritime.

B.   L’action 2 « Gens de mer et enseignement maritime »

Les crédits de paiement de l’action 2 représentent 16,7 % du budget des affaires maritimes, soit 26,7 millions d’euros, et sont en légère diminution par rapport au projet de loi de finances pour 2020 (dans lequel ils représentaient 26,9 millions d’euros).

La plus grande partie de l’action 2 (24,7 millions d’euros) contribue au financement de la formation maritime. Une grande part de cette enveloppe est consacrée à l’ENSM (École nationale supérieure maritime) qui bénéficie d’une subvention pour charges de service public de 18,25 millions d’euros, destinée essentiellement au financement de la masse salariale.

Une subvention de 5,5 millions d’euros est versée aux lycées professionnels maritimes et aux établissements offrant une formation maritime secondaire agréée en l’absence de lycées professionnels maritimes. De plus, 0,9 million d’euros sont consacrés au financement des aides aux élèves boursiers de l’enseignement maritime secondaire.

C.   L’action 3 « Flotte de commerce »

Les crédits de paiement de l’action 3 représentent près de 50 % du budget des affaires maritimes, soit 79,5 millions d’euros, somme en légère baisse par rapport à 2020 (81,1 millions d’euros). La plus grande partie des crédits (71,7 millions d’euros) sert à financer la compensation à l’ENIM (Établissement national des invalides de la marine, en charge des prestations maladie, accidents du travail et vieillesse), à l’ACOSS (Agence centrale des organismes de sécurité sociale, qui verse les prestations sociales familiales) et à Pôle Emploi des allégements de cotisations patronales qui correspondent au dispositif dit du « netwage ». Ce dispositif permet de soutenir l’emploi maritime et de renforcer la compétitivité économique des entreprises de transport ou de services maritimes soumises à une importante concurrence internationale.

Les crédits de paiement de l’action 3 qui ne concernent pas la compensation du dispositif du « netwage » servent à financer le remboursement par l’État à la Compagnie générale maritime et financière (CGMF) des charges spécifiques de retraite et d’accident du travail des personnels sédentaires de l’ancienne Compagnie générale maritime (CGM).

Votre rapporteure pour avis regrette que l’action 3 soit incluse dans le programme 205 alors qu’elle devrait relever du programme 197 « Régimes sociaux et de retraite ». En effet, il serait plus logique et plus clair de rattacher les compensations versées par l’État à l’ENIM, à l’ACOSS et à Pôle Emploi au programme qui retrace les subventions versées à l’ENIM pour financer le régime de retraite et de sécurité sociale des marins. En outre, l’action 3, qui représente la moitié des crédits du programme 205, correspond à des dépenses contraintes dont l’augmentation est un signe de bonne santé du secteur maritime. Dans ce cas, si le total des crédits budgétaires alloués au programme 205 n’augmente pas, ce sont les crédits alloués aux actions 1, 2, 4 et 5 qui doivent diminuer, crédits qui concernent les moyens de contrôle des règles de sécurité et de sûreté maritimes et l’enseignement maritime. Votre rapporteure pour avis demande donc que la maquette budgétaire évolue d’ici à l’an prochain pour mettre fin à cette situation illogique.

D.   L’action 4 « Action interministérielle de la mer »

Le budget de l’action 4 représente 8,3 % du budget des affaires maritimes et les crédits de paiement correspondants s’élèveront à 13,2 millions d’euros en 2021 ([6]), en légère baisse par rapport à 2020 où ils étaient de 13,7 millions d’euros.

Ce budget finance des services et actions essentiels pour la préservation de l’environnement marin et la sécurité maritime. En effet, 83 % des crédits de paiement de l’action 4 (près de 11 millions d’euros) seront affectés au dispositif de contrôle et de surveillance (DCS) qui participe à l’exercice des missions de police en mer, missions qui vont de la police de la navigation maritime à la police des pêches maritimes. 11,4 % des crédits (1,5 million d’euros) contribuent au financement du dispositif POLMAR-terre et notamment au renouvellement des matériels, ou encore à l’entretien des sites de stockage de ces matériels.

E.   L’action 5 « Soutien au programme »

L’action 5, qui représente 4,6 % des crédits du programme 205, regroupe le budget relatif au fonctionnement courant de l’administration centrale et des services déconcentrés. Ces crédits représentent 7,4 millions d’euros ([7]) et sont en légère augmentation par rapport à 2020, où ils représentaient 6,1 millions d’euros.

II.   L’action 43 DU programme 203

Si la plus grande partie du programme 203 n’entre pas dans le périmètre du présent avis car ce programme est surtout consacré aux infrastructures ferroviaires, routières et aéroportuaires, il convient toutefois d’évoquer ici les crédits de l’action 43, qui représentent 2,7 % des crédits du programme, et dont la plus grande partie est consacrée aux infrastructures portuaires.

L’essentiel des crédits de paiement de cette action (92,7 millions d’euros sur un total de 99,9 millions) sert à financer l’entretien des accès et des ouvrages d’accès des grands ports maritimes. Ces crédits, qui ont augmenté de 29 millions d’euros en 2019, sont depuis maintenus à un niveau stable, ce dont votre rapporteure pour avis se réjouit car cela permet de répondre au sous-financement chronique des opérations de dragage des grands ports maritimes sur lequel les rapporteurs pour avis successifs du budget des affaires maritimes pour la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire n’avaient cessé d’alerter le Gouvernement.


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   deuxiÈme PARTIE : la santÉ économique de la marine de commerce

I.   le pavillon français, un pavillon attractif grâce à un efficace dispositif de soutien ?

A.   Un nombre de navires sous pavillon français qui a augmenté en 2020

Au 1er janvier 2020, la flotte française comptait 428 navires de plus de 100 UMS (Universal Measurement System) et se situait au 29e rang mondial. Sur ces 428 navires, on compte 186 navires de transport et 242 navires de services maritimes.

Parmi les 186 navires de transport, 43 appartiennent à la flotte pétrolière et gazière, chiffre qui a considérablement diminué par rapport à 2010 où l’on comptait 70 navires. 67 navires sont des navires de charge, dont 30 des porte-conteneurs. Le nombre de porte-conteneurs a augmenté depuis 2010 au détriment des vraquiers et des cargos. La flotte de transport de passagers compte 76 navires : 46 transbordeurs, 19 navires à passagers et 11 paquebots. Parmi les 242 navires de services maritimes, on compte 38 navires spécialisés (tels que des câbliers), 63 navires offshore et 141 navires portuaires et côtiers.

En 2020, on compte 193 navires immatriculés au premier registre (61 navires de transport et 132 navires de services maritimes), 182 navires immatriculés au registre international français (87 navires de transport et 95 navires de services maritimes) et 53 navires immatriculés à des registres d’outre-mer (38 navires de transport et 15 navires de services maritimes). Entre 2019 et 2020, le nombre de navires immatriculés au premier registre a augmenté de dix unités, le nombre de navires immatriculés au registre international français, de huit unités et le nombre de navires immatriculés à des registres d’outre-mer a augmenté de trois unités ([8]).

En 2019, les armements français ont employé ([9]) 14 028 marins au commerce ([10]) affiliés à l'ENIM (hors plaisance professionnelle et portuaire). Ce nombre est stable (il était de 13 988 en 2011). Parmi ces marins, 10 081 étaient embarqués sur les navires immatriculés au premier registre, 2 912 sur des navires immatriculés au RIF (registre international français), 642 sur des navires immatriculés à des registres d’outre-mer et 453 sur des navires sous pavillon étranger.

Au premier semestre 2020, il y avait près de 10 000 marins français embarqués sur les navires de commerce de plus de 100 UMS. Ces marins sont majoritairement embarqués sur des navires immatriculés au premier registre, affectés pour l’essentiel au trafic transmanche ou à la desserte de la Corse. En effet, les marins français embarqués sur des navires immatriculés au RIF sont essentiellement des officiers car, sur les navires immatriculés au RIF, la majeure partie de l’équipage est d’origine extra-communautaire. Par contre, les navires immatriculés au premier registre emploient non seulement des officiers mais un grand nombre de personnels d’exploitation français. D’ailleurs, on constate que plus de la moitié des marins français (5 743) sont embarqués sur des navires rouliers à passagers tandis qu’on en trouve seulement 888 sur des navires offshore, 638 sur des porte-conteneurs, 532 sur des remorqueurs, 500 sur des navires de transport de pétrole ou de gaz, 413 sur des câbliers, 420 sur des navires de croisière et 271 sur des navires de recherche ([11]).

B.   Un dispositif de soutien à la flotte de commerce QUI PERMET D’AMÉLIORER L’ATTRACTIVITÉ DU PAVILLON FRANÇAIS

Le pavillon français est devenu plus compétitif par rapport à ses concurrents européens et il est désormais plus attractif pour les armateurs grâce à un dispositif de soutien à la flotte de commerce efficace qui combine une série de dispositions, principalement d’ordre budgétaire, fiscal et social. Elles permettent à la flotte sous pavillon français de compenser ses surcoûts d’exploitation, généralement liés aux règles de protection sociale plus favorables, vis-à-vis de pavillons tiers.

Parmi les mesures fiscales, il faut en premier lieu évoquer la « taxe au tonnage » prévue par l’article 209-0 B du code général des impôts. Elle permet aux armateurs de navires de commerce de voir leur impôt calculé de façon forfaitaire, non sur la base de leur bénéfice, mais en fonction du tonnage net exploité sous pavillon communautaire. De ce fait, les impôts ne sont plus soumis aux fluctuations fréquentes et importantes des cours du fret et des résultats concomitants, ce qui apporte une certaine prévisibilité. La dépense fiscale au titre de ce dispositif était estimée à 20 millions d’euros pour 2019 ([12]).

L’attractivité du pavillon français est également renforcée par l’existence du RIF, qui a été créé par loi n° 2005-412 du 3 mai 2005 pour renforcer la compétitivité des armements français et soutenir l’emploi maritime. L’immatriculation au RIF était à l’origine réservée aux navires de commerce au long cours ou au cabotage international (à l’exception des navires transporteurs de passagers assurant des lignes régulières intracommunautaires ou des lignes régulières internationales) et aux grands navires de plaisance professionnelle. L’immatriculation au RIF permet de bénéficier d’une série d’avantages que n’offre pas l’immatriculation au premier registre comme l’exonération du droit annuel de francisation et de navigation ou encore l’exonération de TVA et de droits de douane pour certains biens. De plus, le c du 2 du I de l’article 81 A du code général des impôts prévoit que les marins embarqués plus de 183 jours à bord d’un navire immatriculé au RIF sont exonérés d’impôt sur le revenu. Selon les informations communiquées à votre rapporteure pour avis, le coût de cette mesure est estimé à environ 5 millions d’euros par an. Enfin, en application de l’article L. 5612-3 du code des transports, les navires immatriculés au RIF peuvent employer jusqu’à 65 % de marins qui ne sont pas des ressortissants communautaires. Ce pourcentage passe à 75 % s’ils ne bénéficient pas ou plus du dispositif d’aide fiscale attribué au titre de leur acquisition. Ces navigants peuvent être recrutés par l’intermédiaire d’une entreprise de travail maritime (dite société de « manning ») installée à l’étranger, agréée par l’État où elle est établie. Les règles applicables à ces marins en matière de droit social et de droit du travail sont plus souples que celles applicables aux marins français.

La loi n° 2016-816 du 20 juin 2016 pour l’économie bleue a assoupli le dispositif sur deux points. Tout d’abord, le respect de l’obligation d’employer un pourcentage minimal de ressortissants d’un État membre de l’Union européenne peut désormais être apprécié à l’échelle de l’ensemble de la flotte de l’armateur immatriculée au RIF et non à celle du seul navire, ce qui permet de limiter les « dépavillonnements » dans un secteur fortement concurrentiel. Par ailleurs, elle réduit de 24 mètres à 15 mètres de longueur le seuil d’immatriculation des navires de plaisance professionnels et permet à certains navires de pêche d’être immatriculés au RIF. Si cela n’a finalement été le cas d’aucun navire de pêche, 37 yachts de longueur inférieure à 24 mètres sont désormais immatriculés au RIF. Il n’y a pas de statistiques précises concernant le nombre d’emplois rattachés à ces navires, mais il peut être évalué à deux ou trois marins par navire, soit une centaine d’emplois ([13]).

Enfin, la loi n° 2019-1428 du 24 décembre 2019 d’orientation des mobilités a assoupli la règle relative aux obligations de connaissance de la langue française pour le capitaine et son suppléant : elle prévoit que lorsqu’un nouveau navire d’un armateur passe sous pavillon français et augmente la flotte sous pavillon français de cet armateur, ce navire peut n’avoir à bord qu’une personne répondant aux conditions de connaissances de la langue française fixées par la loi (le capitaine, son suppléant ou le chef mécanicien). Cette évolution a contribué à augmenter le nombre de navires sous pavillon français. Par exemple, suite au Brexit, la CMA-CGM a fait passer sous pavillon français plusieurs porte-conteneurs auparavant sous pavillon britannique.

Enfin, les armateurs peuvent bénéficier d’un dispositif d’exonérations de cotisations sociales patronales étendu dit « netwage » qui est issu d’un élargissement du champ des exonérations de cotisations sociales prévu par la loi n° 2016-816 du 20 juin 2016 pour l’économie bleue, qui a été consolidé par la loi n° 2018-1203 du 22 décembre 2018 de financement de la sécurité sociale pour 2019. L’article L. 5553-11 du code des transports prévoit que les entreprises d’armement maritime sont exonérées de cotisations sociales ainsi que de la contribution à l’allocation d’assurance contre le risque de privation d’emploi pour les équipages et les gens de mer affiliés à l’ENIM qui sont embarqués à bord des navires de commerce répondant à l’ensemble des conditions suivantes :

– ils sont dirigés et contrôlés à partir d’un établissement stable situé sur le territoire français ;

– ils battent pavillon français ou ils battent pavillon d’un autre État membre de l’Union européenne, d’un État partie à l’accord sur l’Espace économique européen ou de la Confédération suisse ;

– ils sont affectés à des activités de transport ou à des activités de services maritimes soumises aux orientations de l’Union européenne sur les aides d’État au transport maritime, soumises à titre principal à une concurrence internationale.

En 2019, l’exonération de cotisations sociales patronales a concerné 8 993 marins. Cette année-là, l’action 3 du programme 205 a compensé à hauteur de 73,84 millions d’euros le manque créé par ces exonérations pour l’ENIM (qui perçoit les cotisations « vieillesse » et « maladie »), l’ACOSS (qui perçoit les cotisations « famille ») et Pôle emploi (pour la contribution à l’allocation d’assurance contre le risque de privation d’emploi) ([14]).

Cette mesure a contribué à l’augmentation du nombre de navires sous pavillon français. Entre 2019 et 2020, le nombre de navires sous pavillon français de plus de 100 UMS a augmenté de 21 unités. C’est la première augmentation après des années de baisse continue du nombre de navires sous pavillon français (qui était passé de 426 en 2011 à 407 en 2019). Parmi les entrées dans la flotte de transports, qui concernent quatorze unités, on compte notamment deux pétroliers, un gazier, un porte-conteneurs, un navire de croisière et plusieurs transbordeurs. Parmi les entrées dans la flotte de services maritimes, qui concernent douze unités, on compte notamment un baliseur, une drague, cinq remorqueurs et cinq navires offshore.

Enfin le dispositif prévu par l’article L. 631-1 du code de l’énergie permet de soutenir spécifiquement la flotte pétrolière française. Ce dispositif est souvent appelé « loi de 1992 » car il a été créé par la loi n° 92-1443 du 31 décembre 1992 portant réforme du régime pétrolier qui prévoyait que les sociétés de raffinage devaient disposer d’une capacité de transport de pétrole brut, en affrètement ou en propriété, proportionnelle aux importations de pétrole brut destiné au raffinage et à la mise à la consommation sur le marché de la métropole. Il a été réformé par la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte (qui a élargi l’assiette au-delà du pétrole brut à l’ensemble des produits pétroliers et des livraisons de carburants aériens) puis par la loi n° 2016-816 du 20 juin 2016 pour l’économie bleue (qui vise à garantir une part de marché aux petits navires de moins de 20 000 tonnes de port en lourd). Cette mesure a permis d’arrêter l’érosion de la flotte pétrolière française impactée à partir du début des années 2000 par la réduction des importations de pétrole brut due à la baisse des activités de raffinage en France et l’existence de surcapacités au niveau mondial dans le secteur du transport de produits raffinés. En 2020, la France compte 36 navires pétroliers et environ 350 emplois de marins liés au transport de pétrole. Par ailleurs, ce dispositif permet de garantir une capacité de transport diversifiée grâce au maintien de segments de flotte variés (onze transporteurs de brut et vingt-cinq transports de produits raffinés de tailles différentes) nécessaires à la variété des approvisionnements. D’ailleurs, la capacité de la flotte de produits raffinés a augmenté récemment grâce à l’entrée dans la flotte française de deux navires de l’armement Socatra.

Les auditions menées par votre rapporteure pour avis ont par ailleurs souligné l’importance d’élargir le dispositif de la loi de 1992, notamment afin de doter la France d’une véritable flotte stratégique sur le gaz, pour éviter de perdre plusieurs armements gaziers.

Plus généralement, le transport maritime doit permettre à la France de garantir en tout temps son indépendance en matière d’approvisionnements stratégiques. La crise économique et sanitaire de la covid-19 corrobore cette nécessité.

II.   un secteur affectÉ inégalement par la crise du coronavirus

Contrairement à d’autres secteurs du transport tels que l’aérien, le transport maritime a poursuivi une activité plus ou moins normale pendant la crise du printemps dernier. Toutefois, la santé économique du transport maritime demeure extrêmement contrastée selon les filières, certaines connaissant une situation très préoccupante.

La crise sanitaire a également fait émerger plusieurs problématiques susceptibles de fragiliser l’attractivité et la compétitivité du pavillon français. Les questions de dumping social intra-communautaire et l’allongement du temps d’embarquement des marins font particulièrement l’objet de vives inquiétudes.

A.   Un transport de marchandises qui a tenu bon

En ce qui concerne le vrac liquide, la baisse des prix du pétrole a entraîné un phénomène de forte hausse des taux de fret journaliers des pétroliers bruts qui ont servi de stockage flottant car les capacités terrestres étaient saturées. De ce fait, les résultats financiers des armateurs pétroliers étaient largement positifs au premier trimestre. Par contre, la demande de pétrole s’étant effondrée et les stocks étant remplis, le transport des hydrocarbures pourrait être en difficulté dans l’avenir.

En ce qui concerne le vrac sec, les plus gros navires, souvent destinés aux minerais, ont vu leurs taux de fret s’effondrer sur les premiers mois de 2020 en raison de la baisse de la demande chinoise en charbon et minerais de fer. Cependant, la demande étant par la suite repartie en Chine et les mines australiennes ayant poursuivi leur activité, l’activité des plus gros navires a été relancée au printemps. Le taux de fret des vraquiers plus petits s’est quant à lui maintenu sur la période, voire a augmenté du fait de la forte dynamique des exportations et des importations de produits agricoles.

Si l’activité sur le segment des porte-conteneurs a été affectée par la chute de l’offre en Chine puis par celle de la demande occidentale, les opérations se sont globalement maintenues à l’échelle planétaire et les taux de fret sont restés stables. L’agilité opérationnelle de la plupart des compagnies leur a permis de maintenir des taux de fret élevés et de réaliser des performances financières très correctes sur le début de l’année 2020.

B.   Une situation difficile pour le secteur du transport de passagers et la croisière

En ce qui concerne les ferries, l’arrêt du trafic de passagers durant les premiers mois de l’année 2020, puis la reprise limitée des trafics, a mis les compagnies en grande difficulté, dans la mesure où l’activité de fret qu’elles mènent en parallèle (et qui s’est maintenue même si on a constaté une baisse de 20 % du transport de camions pendant le premier confinement) n’a pas permis de maintenir un équilibre économique. En effet, les coûts de fonctionnement des lignes n’ont pas bougé alors que les recettes ont fortement baissé.

Les dessertes transmanche ont été fortement impactées par le fait que le Royaume-Uni a maintenu une quatorzaine à l’arrivée jusqu’au 15 juillet et l’a rétablie à compter du 15 août. Cette situation a mis en grande difficulté la compagnie Brittany Ferries qui compte 12 navires et exploite 12 lignes régulières pour le fret et les passagers, dont les lignes Caen/Portsmouth, Cherbourg/Poole, Cherbourg/Portsmouth, Saint-Malo/Portsmouth, Le Havre/Portsmouth, Roscoff/Plymouth (elle dessert également l’Espagne à partir de l’Angleterre et l’Irlande à partir de la France). La perte de chiffre d’affaires de Brittany Ferries est estimée à 260 millions d’euros, ce qui est particulièrement conséquent car son chiffre d’affaires était de 469 millions d’euros en 2019. La compagnie est d’autant plus en difficulté qu’elle avait engagé un important programme d’investissements avant la crise. Brittany Ferries a contracté un prêt garanti par l’État de 130 millions d’euros. Ce dispositif permet à une entreprise dont la trésorerie est fortement menacée à cause de l'épidémie de coronavirus d’obtenir la garantie de l’État pour le prêt qu’elle demande à une banque.

La situation est différente pour les dessertes en Méditerranée, qui sont assurées par Corsica Linea, la Méridionale et Corsica Ferries. En effet, outre le fait qu’elles peuvent s’appuyer sur une clientèle régulière, les compagnies desservant la Corse ont connu une hausse de leur activité pendant la saison estivale. Par contre, les liaisons vers le Maghreb ont été affectées par la fermeture des frontières algériennes et les restrictions mises en place en Tunisie. Ce problème n’a concerné que Corsica Linea, compagnie qui compte huit navires, dont deux assurent des dessertes vers Alger et Tunis. Toutefois, les cinq autres navires opèrent entre Marseille et la Corse et Corsica Linea est la bénéficiaire de la délégation de service public de la collectivité de Corse, ce qui a été un facteur de stabilité.

Le secteur de la croisière a été le segment le plus durement touché car les paquebots ont été mis à l’arrêt total dans le monde entier. Quelques croisières ont pu reprendre en Europe, avec peu de passagers à bord. Dans le contexte sanitaire, qui a conduit à ce que des paquebots aient des difficultés à trouver un port de débarquement pour leurs passagers, l’attractivité des croisières risque de rester faible. Par contre, il semble que les petits paquebots de la compagnie du Ponant, qui sont positionnés sur une croisière haut de gamme, aient pu alors bénéficier d’un avantage par rapport aux autres croisiéristes (dont les navires accueillent beaucoup plus de passagers) car ils ont pu reprendre partiellement leurs activités depuis juillet.

L’interruption des activités de transport de passagers et de croisière a également affecté la filière du pilotage maritime. L’ensemble des stations de pilotage ont connu une perte de chiffre d’affaires très importante, notamment dans les outre-mer.

C.   Une crise du secteur « oil and gas » aux racines plus profondes

La situation du secteur « oil and gas » est quant à elle spécifique. En effet, l’exploitation des plateformes pétrolières et gazières offshore a continué pendant la crise, ce qui a impliqué un recours aux services maritimes habituels. Mais le secteur « oil and gas » est frappé depuis plusieurs années par une crise aux racines plus profondes. En effet, après avoir connu une période de forte croissance de 2000 à 2010, la situation du secteur s’est assez brutalement retournée : depuis 2010, il souffre fortement du recul des investissements des grands groupes pétroliers dans ce domaine. Peu de nouvelles installations pétrolières ont en effet vu le jour ces dernières années en raison de la faiblesse des prix du pétrole au regard des coûts d’extraction élevés (souvent supérieurs à 80 dollars le baril). De plus, la surcapacité du secteur offshore a conduit à exercer une pression importante à la baisse sur les taux de fret.

La flotte offshore française s’est donc fortement réduite. Après son apogée en 2011 à 179 navires (toutes tailles confondues) elle a commencé à décliner régulièrement les années suivantes. Toutefois, le nombre de navires de plus de 100 UMS est resté stable, autour d’une cinquantaine, et ce sont les navires d’une jauge inférieure qui ont quitté le pavillon français et ont en général été vendus ou démolis. On n’en compte plus que 68 en 2020.

Cette situation s’est exacerbée et accélérée ces derniers mois en raison de la pandémie qui a fortement freiné la demande alors que l’offre restait abondante du fait de l’absence d’un accord clair sur le prix du baril au sein cartel des producteurs de pétrole. Par ailleurs, si les principaux pays producteurs ont convenu au printemps 2020 de réduire leurs extractions de près de 10 millions de barils par jour, le prix du baril reste à environ 40 dollars. De plus, les clients, qui ont été frappés par la crise, prévoient de nouvelles coupes dans leurs investissements qui vont avoir un effet sur les services à l’offshore pétrolier et gazier.

Dans ce contexte, le groupe français Bourbon risque de peiner à se redresser. Ce groupe, numéro 1 mondial de l’offshore, avait déjà connu une forte chute de son chiffre d’affaires ces dernières années. Le taux d’utilisation de sa flotte restait bas (aux environs de 50 %) et sa dette, qui avait déjà fait l’objet d’un réaménagement en 2017 pour en allonger la maturité, avait dû être à nouveau renégociée en 2018. La société avait été mise en redressement judiciaire et reprise par la Société phocéenne de participations (constituée de ses anciens créanciers). La situation est encore compliquée par le fait que le groupe exerce essentiellement en Afrique, en Asie et Amérique latine et que ses opérations sont très impactées par les difficultés de relèves d’équipage.


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   troisiÈme partie : la décarbonation du secteur maritime

I.   un enjeu environnemental mondial

Selon l’étude de l’Organisation maritime internationale (OMI) sur les gaz à effet de serre publiée en 2014, les émissions de CO2 imputables à l’ensemble des transports maritimes représentaient environ 938 millions de tonnes en 2012, dont la plus grande partie (796 millions de tonnes) provenait des transports maritimes internationaux, qui représentaient environ 2,2 % des émissions mondiales de CO2. Les principaux émetteurs de CO2 étaient les porte-conteneurs (205 millions de tonnes), les vraquiers (166 millions de tonnes) et les pétroliers (124 millions de tonnes) ([15]).

En effet les émissions de CO2 sont corrélées à la consommation de combustible par les navires et la plupart des navires de commerce utilisent le moteur diesel comme propulsion principale (le diesel est également utilisé pour les groupes électrogènes auxiliaires). Si cette technologie est attractive parce qu’elle est simple à entretenir, fiable, robuste et économe en combustible, elle est fortement émettrice de CO2, de particules fines, d’oxydes d’azote (NOx), d’oxydes de soufre (SOx) et de composés organiques volatiles. Le CO2 est un gaz à effet de serre, identifié comme la principale cause du réchauffement climatique global sur le long terme. Les NOx et les SOx ont un impact environnemental important car ils peuvent entraîner des pluies acides, aux effets nocifs avérés sur la flore et les sols. Une problématique spécifique est liée aux carburants employés par les grands navires de commerce (tankers, ferries, vraquiers). En effet, ceux-ci utilisent comme carburant du fioul lourd, qui a une très forte teneur en soufre.

De ce fait, des mesures ont été prises au niveau international pour réduire les émissions polluantes des navires. L’adoption, le 26 septembre 1997, de l’annexe VI ([16]) de la Convention internationale pour la prévention de la pollution par les navires (dite « Convention MARPOL ») du 2 novembre 1973 ([17]), élaborée dans le cadre de l’Organisation maritime internationale (OMI), traduit la prise de conscience de la question des pollutions atmosphériques causées par les navires. Elle fixe un calendrier de réduction des émissions de SOx et de NOx, avec d’une part des objectifs de réduction appliqués au niveau mondial, et, d’autre part, la possibilité pour les États parties à la convention de demander la mise en place de zones de contrôle des émissions (dites « ECA » ([18])) plus contraignantes, dédiées aux émissions de SOx (« SECA ») ou de NOx (« NECA) ». En dehors des SECA, la limite pour les émissions de soufre, qui était de 3,5 % depuis le 1er janvier 2012, est passée à 0,5 % au niveau mondial à partir du 1er janvier 2020. Dans les SECA, la limite, qui était de 1 % depuis le 1er juillet 2010, est passée à 0,1 % à partir du 1er janvier 2015. En Europe, les zones SECA sont situées dans la mer Baltique et dans la mer du Nord (cette zone englobe aussi la Manche). Le calendrier de limitation des émissions de NOx se fonde quant à lui sur trois niveaux d’émissions de référence auxquels doivent se conformer les navires en fonction de l’année de l’installation de leur moteur (en effet, les émissions de NOx dépendent de la motorisation installée et non de la qualité du carburant). Plus la construction du navire est récente, plus les limitations sont rigoureuses. Par ailleurs, des zones NECA vont être mises en place en mer Baltique et en mer du Nord à partir de 2021.

En avril 2018, l’OMI a adopté une stratégie pour éliminer les émissions de CO2 des navires. Cette stratégie fixe deux objectifs intermédiaires. Le premier est de réduire les émissions de CO2 par activité de transport d’au moins 40 % d’ici 2030 et de 70 % d’ici 2050 (en prenant l’année 2008 comme année de référence). Le second objectif est de réduire le volume total des émissions annuelles de gaz à effet de serre d’au moins 50 % en 2050 par rapport à 2008. La France soutient pleinement cette dynamique. Ainsi, lors de l’examen de la loi d’orientation des mobilités au Parlement en 2019, l’Assemblée nationale a adopté un amendement devenu l’article 147 de la loi qui prévoit que la France doit défendre au niveau de l’Organisation maritime internationale une stratégie ambitieuse de réduction des émissions de gaz à effet de serre et des polluants atmosphériques en navigation internationale. Cet article prévoit également que l’État doit engager une concertation avec l’ensemble des parties prenantes pour définir une stratégie pour accélérer la transition vers une propulsion neutre en carbone à l’horizon 2050 pour l’ensemble des flottes de commerce, de transport de passagers, de pêche et de plaisance sous pavillon national. Dans ce contexte, la décarbonation du transport maritime français est un impératif. Pour l’atteindre, plusieurs pistes peuvent être suivies simultanément mais toutes les solutions n’ont pas les mêmes effets.

II.   une palette de solutions aux effets et à la complexité variables

Plusieurs solutions existent pour favoriser la décarbonation du secteur maritime. La première est la réduction de la vitesse des navires. Il s’agit d’un outil extrêmement efficace pour réduire les émissions de CO2 car la consommation de carburant augmente par rapport à la vitesse du navire selon une fonction cubique. Dans ces conditions, une réduction de 10 % de la vitesse d’un navire conduit à une réduction de 20 % de la consommation de carburant ([19]). D’ailleurs, suite à la crise économique de 2007, la vitesse des navires a été réduite pour des raisons d’économies, ce qui a entraîné une baisse de la consommation journalière de combustible d’environ 27 % et les émissions de CO2 des vraquiers, des porte-conteneurs et des pétroliers ont diminué. En ce qui concerne les pétroliers, on a constaté que les émissions de CO2 avaient baissé de 20 % entre 2007 et 2012 ([20]). La réduction de la vitesse des navires ne nécessite aucune modification technique et donc aucun investissement coûteux et peut donc être mise en place aisément par l’ensemble des navires. Cette mesure n’aurait qu’un effet limité sur le coût des produits transportés ([21]), d’autant que le coût du transport maritime ne représente qu’une faible part du coût de transport des produits.

La décarbonation du secteur maritime passe aussi par le développement des raccordements électriques à quai. En effet, l’électricité peut être utilisée sur les navires pour des usages dits « auxiliaires », comme l’éclairage, la climatisation ou le fonctionnement des cuisines sur les grands paquebots. Pour cela, les navires utilisent généralement des générateurs auxiliaires qui, quand les navires sont à quai, produisent une pollution sur leur lieu d’accostage. Le port de Marseille mène une politique ambitieuse en la matière : il est le premier port français à proposer un branchement à quai destiné à des navires de commerce (comme ceux des compagnies de ferries La Méridionale et Corsica Linea). Le Grand port maritime de Bordeaux est aussi l’un des pionniers en France, avec l’électrification des passerelles des bateaux de rivière, des postes d’attente des navires du port de commerce ou encore des postes servant à la réparation navale.

Il est également possible d’installer sur un navire déjà en service des « scrubbers », tours de lavage dans lesquelles les fumées d’échappement des moteurs passent pour être purifiées, soit par lavage à l’eau de mer soit par lavage à d’eau douce avec un réactif basique. En France, des scrubbers ont notamment été installés sur des ferries de la compagnie Brittany Ferries ou de la compagnie Corsica Linea. Les scrubbers permettent de réduire les émissions de SOx mais pas celles de gaz à effet de serre ni celles de NOx (toutefois l’installation sur le scrubber d’une sorte de pot catalytique appelé « selective catalytic reduction » permet de traiter les NOx). Par ailleurs, dans le cas de scrubbers à boucle ouverte, l’eau de lavage est rejetée à la mer, ce qui peut générer des pollutions et les armateurs se tournent désormais vers d’autres solutions, notamment la recherche de modes de propulsion alternatifs.

En effet, la décarbonation du transport maritime passe également par l’évolution des modes de propulsion. Toutefois, toutes les technologies ne sont pas encore au même niveau de développement et n’ont pas la même efficacité.

L’une de technologies les plus connues aujourd’hui est la propulsion au GNL. L’usage du GNL en substitution des carburants à base de pétrole supprime les émissions de soufre et les émissions de particules, réduit drastiquement les émissions d’oxydes d’azote et diminue de près d’un quart les émissions de dioxyde de carbone. De ce fait, un certain nombre d’armateurs y ont déjà recours, notamment pour naviguer dans les zones SECA et NECA. Aujourd’hui, environ 300 navires dans le monde fonctionnent au GNL. En ce qui concerne le pavillon français, le passage au GNL s’amorce. Par exemple, la CMA-CGM a commandé des porte-conteneurs propulsés au GNL et plusieurs compagnies de ferries prévoient un passage partiel au GNL : Corsica Linea a commandé en 2019 un ferry propulsé au GNL, Corsica ferries a prévu de convertir quatre navires à propulsion mixte GNL-méthanol à l’horizon 2024 et Brittany Ferries a prévu de mettre en service trois navires propulsés au GNL (toutefois, les projets de Brittany Ferries sont actuellement suspendus). Le futur paquebot « Commandant Charcot » de la compagnie de croisière Ponant doit lui aussi être propulsé au GNL. Dans le domaine des services maritimes, une drague, le Samuel de Champlain, a déjà été convertie avec succès au GNL.

À côté du GNL se développe une propulsion électrique ou hybride. Le choix entre le tout électrique et l’hybride peut découler de plusieurs facteurs : puissance nécessaire du navire, distance et type de navigation, activité commerciale, nombre d’escales… Par rapport aux combustibles fossiles, les systèmes de propulsion électrique suppriment les émissions de CO2, de SOx et de NOx, réduisent les coûts de carburant et d’entretien, et protègent mieux le milieu aquatique en éliminant le bruit du moteur et ses vibrations. Toutefois, l’un des principaux inconvénients de la propulsion électrique réside dans le fait que le stockage de l’électricité repose sur l’usage de batteries qui sont lourdes, encombrantes et ne permettent de disposer que d’une puissance et d’une autonomie limitées. De ce fait, la propulsion électrique ne peut être utilisée que par des navires de taille réduite ou qui effectuent des navigations courtes (navires de services portuaires ou petits transbordeurs).

Le développement de la propulsion à l’hydrogène est quant à lui bien moins avancé. En France, seule une quinzaine de projets maritimes et fluviaux ont été lancés. On peut notamment citer le projet « Green Harbour » à Sète qui vise la mise en serve d’une barge multi-services, le projet HYLIAS à Vannes qui concerne un bateau à passagers à propulsion hydrogène permettant de naviguer sur le golfe du Morbihan ou encore le projet HYNOVAR à Toulon qui prévoit la création d’une navette maritime à hydrogène.

Enfin, ces dernières années ont été marquées par le développement de la propulsion vélique et l’utilisation du vent, ressource renouvelable présente sur toutes les mers du globe, comme puissance propulsive pour réduire les émissions polluantes et les bruits sous-marins. Entièrement décarbonées et immédiatement disponibles, les technologies véliques sont relativement maîtrisées mais peinent à émerger faute de visibilité et d’un soutien suffisant. Si leur coût est relativement élevé, certains projets, notamment à propulsion auxiliaire, proposent des prix de transport, des délais et une vitesse de navire identiques aux navires conventionnels à moteurs. La filière de la propulsion par le vent constitue ainsi un potentiel pour la France d’occuper une position de leader dans la réduction de l’impact environnemental du shipping. De réelles opportunités sont en train de se concrétiser, avec le soutien d’acteurs industriels majeurs. C’est le cas par exemple du projet de navire Canopée, un navire roulier à voile de 121 mètres de long pour 23 mètres de large qui sera construit par Jifmar Offshore Service, VPLP design et Zéphyr & Borée, pour le compte de Ariane Group et destiné au transport des différents éléments de sa fusée Ariane 6, de l’Europe jusqu’au centre spatial de Kourou en Guyane. Le projet de « voilier cargo » proposé par TOWT, solution alternative aux porte-conteneurs conventionnels, est soutenu par le groupe Cémoi pour transporter un cacao entièrement décarboné dès 2022. Au-delà de ces exemples, la filière vélique française se distingue par la diversité de projets et de technologies associées. Si certains armateurs optent pour des voiles rigides, d’autres sont intéressés par l’installation d’un kite (aile de cerf-volant).

III.   La mise en place d’un dispositif de suramortissement pour favoriser la dÉcarbonation du secteur maritime

L’article 56 de la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019 a mis en place un mécanisme de suramortissement destiné à favoriser la décarbonation du transport maritime. Ce dispositif a été ajusté par l’article 48 de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020, notamment pour être rendu compatible avec le droit européen. Le principal problème soulevé par la Commission européenne à laquelle le dispositif avait été notifié était que l’assiette retenue était la totalité du coût du navire en cas de construction neuve, ce qui était excessif car l’aide ne devait porter que sur le surcoût relatif au caractère écologiquement vertueux du navire.

Le dispositif de suramortissement est codifié à l’article 39 decies C du code général des impôts. Celui-ci prévoit que les entreprises soumises à l’impôt sur les sociétés ou à l’impôt sur le revenu selon un régime réel d’imposition peuvent déduire de leur résultat imposable une somme égale à une partie des coûts supplémentaires immobilisés (hors frais financiers) directement liés à l’installation d'équipements, acquis à l’état neuf, permettant l’utilisation de certaines énergies propulsives « vertes » comme énergie propulsive principale. Le taux de déduction est de :

– 125 % des coûts supplémentaires immobilisés quand la propulsion principale est une propulsion décarbonée (comme l’hydrogène, la propulsion par le vent…) ou que l’énergie décarbonée est utilisée pour produire l’énergie électrique destinée à la propulsion principale ;

– 105 % des coûts supplémentaires immobilisés quand la propulsion principale est une propulsion au GNL ou que le GNL est utilisé pour produire l’énergie électrique destinée à la propulsion principale.

L’article 39 decies C du code général des impôts prévoit également une déduction de 85 % des coûts supplémentaires immobilisés (hors frais financiers) directement liés à l’installation de scrubbers acquis à l’état neuf. Il prévoit également une déduction de 20 % de la valeur d’origine (hors frais financiers) des biens acquis à l’état neuf s’ils sont destinés :

– à permettre l’alimentation électrique durant l’escale par le réseau terrestre ou au moyen de moteurs auxiliaires utilisant le gaz naturel liquéfié ou une énergie décarbonée ;

– à compléter la propulsion principale du navire ou du bateau par une propulsion décarbonée,

L’ensemble de ces dispositions s’applique non seulement en cas d’achat des navires, bateaux et équipements mais aussi en cas de recours aux dispositifs du crédit-bail ou de la location avec option d'achat. Le dispositif prend fin au 31 décembre 2022. Il est applicable aux bateaux de transport de marchandises ou de passagers naviguant dans les eaux intérieures ainsi qu’aux navires de commerce battant pavillon d'un des États membres de l'Union européenne ou d'un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen. Toutefois, pour que ces navires soient éligibles, leurs escales dans les ports français doivent représenter chaque année plus de 30 % du nombre d’escales ou leur durée de navigation dans la zone économique exclusive française doit représenter plus de 30 % du temps de navigation.

Ce dispositif de suramortissement peine encore à trouver une application dans le contexte actuel marqué par la crise sanitaire, qui ne peut que ralentir les projets. Par ailleurs, votre rapporteure pour avis considère qu’il ne fournit pas un soutien suffisant à la propulsion vélique, ce qui l’a conduite à déposer une série d’amendements sur le projet de loi de finances pour le renforcer.


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   quatriÈme partie : la formation maritime

I.   les lycées professionnels maritimes

La formation maritime repose tout d’abord sur un réseau de 12 lycées professionnels maritimes (LPM) qui offrent une formation variée allant du CAP au BTS en passant par le baccalauréat professionnel. Trois types d’enseignement sont dispensés : les cours théoriques, les cours pratiques et les stages embarqués sur des navires. Ces stages dits « STCW » ([22]) conduisent à la délivrance des certificats et brevets obligatoires pour exercer des fonctions à tous les niveaux hiérarchiques à bord d’un navire. La formation prépare aux métiers de la navigation dans les filières du commerce, de la pêche et de la plaisance, mais aussi aux métiers des cultures marines (conchyliculture, algoculture, aquaculture maritime).

Les 12 lycées professionnels maritimes, situés sur l’ensemble du littoral en métropole, scolarisaient à la rentrée scolaire 2019-2020 un peu plus de 1 850 élèves, dont 133 élèves de BTS.

répartition des effectifs des 12 LPM à la rentrée 2019-2020

 

Nombre d’élèves secondaire

Nombre d’élèves
BTS

Total

Boulogne-sur-Mer

92

24

116

Fécamp

121

21

142

Cherbourg

122

-

122

Saint-Malo

180

22

202

Paimpol

120

-

120

Le Guilvinec

124

23

147

Etel

172

-

172

Nantes

116

-

116

La Rochelle

196

20

216

Ciboure

97

-

97

Sète

237

23

260

Bastia

147

-

147

Total tous lycées

1 724

133

1 857

Source : direction des affaires maritimes – ministère de la mer.

Dans les zones dépourvues de LPM, des centres agréés dispensent une formation maritime. Il s’agit de notamment des cinq centres situés outre-mer (Mayotte, La Réunion, Polynésie française, Guadeloupe, Martinique), qui préparent essentiellement aux métiers de la pêche et à quelques métiers du transport maritime ([23]).

Pour l’année 2019-2020, on comptait 511 agents titulaires et contractuels affectés dans les lycées professionnels maritimes, ce qui correspond à 475,9 ETP (équivalents temps plein) répartis comme suit :

– enseignement : 300,5 ETP ;

– éducation et vie scolaire : 106,6 ETP ;

– administration : 68,8 ETP.

Deux réformes principales ont été mises en œuvre ces dernières années : en 2009, la durée du baccalauréat professionnel a été réduite de quatre à trois ans et des classes de BTS maritimes ont été ouvertes dans les lycées professionnels maritimes à partir de 2014. Par exemple, le BTSM « pêche et gestion de l’environnement marin » forme des marins techniciens dans les domaines particuliers de la pêche et de la gestion de l’environnement marin et permet d’acquérir également des compétences en matière de conduite et gestion des entreprises maritimes, de surveillance et de préservation du milieu marin et de gestion de la ressource, qui permettent de devenir patron artisan pêcheur ou encore dirigeant d’une entreprise commerciale maritime. Le BTSM « maintenance des systèmes électro-navals » forme quant à lui des techniciens embarqués chargés de l’exploitation, de l’entretien et du dépannage des systèmes électroniques, des systèmes informatiques et des réseaux de transmission de données d’un navire.

En 2019, le taux d’actifs maritimes constaté parmi les anciens élèves des lycées professionnels maritimes est de 60 %. Le dispositif a montré sa capacité à s’adapter aux enjeux de formation, de cadrage pédagogique porté par le ministère de l’Éducation nationale et aux demandes du marché de l’emploi. La taille du réseau, son ancrage territorial, son dynamisme et sa capacité à s’adapter sont des atouts en termes de métier et de cohérence avec le système de l’Éducation nationale, garant de la reconnaissance des formations. La réforme des référentiels de formation initiale, publiés en juillet 2019, a permis de mettre les diplômes de l’enseignement maritime en cohérence avec les normes internationales et avec les standards de l’éducation nationale afin d’offrir aux élèves des parcours individualisés selon leurs capacités et leurs intérêts.

Toutefois, malgré des salaires élevés, des débouchés professionnels assurés et les efforts visant à améliorer les conditions de travail sur les navires, les formations dans le secteur de la pêche peinent à attirer des jeunes. Ce sont seulement entre 25 et 35 % des élèves des lycées maritimes qui se destinent à la pêche et ces effectifs sont en forte baisse depuis de nombreuses années ([24]). Cette situation est problématique sur le plan pédagogique car la baisse des effectifs en formation peut mettre en danger certains centres et faire disparaître une « culture de formation » quand on en arrive à avoir moins de dix élèves dans une classe. La situation pose d’autant plus problème que 60 % des marins pêcheurs quittent la profession dans les cinq ans qui suivent leur entrée dans la filière ([25]). Cependant, la plupart d’entre eux se reconvertissent dans la filière du transport maritime ou dans des professions para-maritimes à terre (logistique, mareyage…).

Par ailleurs, l’apprentissage reste peu développé. Il concerne moins de 1 % des effectifs des lycées professionnels maritimes et seuls cinq lycées professionnels sur douze offrent une formation en apprentissage. L’apprentissage concerne le CAP matelot (LPM de Boulogne-sur-Mer et de Sète), le baccalauréat professionnel cultures marines (LPM de Cherbourg), le baccalauréat professionnel conduite et gestion des entreprises maritimes (LPM du Guilvinec) et le BTS aquaculture (LPM de Sète et de Saint-Malo). Le faible développement de l’apprentissage est notamment dû à la difficulté de trouver des personnes dans les entreprises qui souhaitent s’investir dans le rôle de maître d’apprentissage. Par ailleurs, embaucher un apprenti sur un navire exige de respecter une procédure administrative de dérogation à l’interdiction de travail de nuit et de dérogation à la durée légale hebdomadaire du travail et, si l’apprenti est mineur, il faut également demander à l’inspection du travail une dérogation pour travail sur machines dangereuses.

Enfin, la féminisation des métiers de la mer reste un enjeu important de la formation maritime. Alors que le Centre européen de formation continue maritime (CEFCM) ne compte que 2 à 3 % de femmes parmi ses effectifs, les carrières longues de navigantes restent largement minoritaires parmi les femmes diplômées de l’École nationale supérieure maritime (ENSM). La question de l’attractivité des métiers de la mer pour le public féminin, à commencer par les formations, est donc un défi majeur à relever pour les années à venir.

II.   L’École nationale supérieure maritime

L’École nationale supérieure maritime (ENSM) a été créée en 2010 à partir du regroupement des quatre écoles nationales de la marine marchande qui existaient auparavant à Nantes, au Havre, à Saint-Malo et à Marseille. L’ENSM dispense des formations supérieures scientifiques, techniques et générales, et notamment des formations d’officiers de la marine marchande et d’ingénieurs dans les domaines de l’économie maritime et portuaire, de la navigation maritime et fluviale, des transports, de l’industrie, des pêches maritimes et des cultures marines, de l’environnement et du développement durable.

L’ENSM assure notamment les formations d’officier chef de quart « passerelle » international ([26]) et d’officier chef de quart machine ([27]) – qui sont des formations en trois ans – ainsi qu’une formation d’ingénieur de niveau bac+5. Cette dernière formation est composée d’un tronc commun de trois ans puis d’une spécialisation de deux ans dans l’une des trois options suivantes : Navigant, Eco-gestion du navire et Déploiement et maintenance des systèmes offshore. L’option « Navigant » mène au diplôme d’études supérieures de la marine marchande (DESMM) et à la délivrance d’un titre d’ingénieur. Il prépare à l’exercice des plus hautes fonctions à bord des navires de commerce : les responsabilités de capitaine et celles de chef mécanicien (qui est le responsable des services techniques du navire).

En 2019, l’école comptait 1 117 élèves en formation initiale (379 au Havre, 380 à Marseille, 196 à Saint-Malo et 162 à Nantes). Le nombre d’emplois autorisé était fixé à 234 ETP sous plafond et 16 ETP hors plafond. L’enseignement délivré par le personnel est un enseignement professionnel, très pratique qui repose en grande partie sur des mises en situation et l’ENSM fait donc appel non seulement à des enseignants venant de l’Éducation nationale pour les matières générales (comme par exemple les mathématiques) mais aussi à des enseignants « maritimes » qui peuvent être d’anciens navigants recrutés comme professeurs dans le cadre d’une seconde carrière ou encore des professionnels en activité qui interviennent sous forme de vacations, comme c’est le cas des pilotes du Havre qui interviennent sur le simulateur de passerelle.

Le dispositif de formation, notamment celui des officiers de la marine marchande, qui repose sur la polyvalence (pont-machine), assure un niveau élevé de compétence des élèves. Les qualités des officiers formés par l’ENSM (compétences managériales, sens des responsabilités, autonomie, aptitude à la mobilité) sont reconnues par les employeurs. Par ailleurs, la délivrance du titre d’ingénieur constitue un atout important pour les diplômés, dans un contexte où les navires de la marine marchande deviennent plus complexes. D’ailleurs, en 2019, le taux d’actifs maritimes constaté parmi les anciens élèves de l’ENSM trois ans après l’obtention de leur diplôme de formation initiale était de 85 % ([28]).

La qualité de l’enseignement maritime est reconnue par les armements, mais également par l’ensemble des employeurs des activités maritimes ou para-maritimes qui recrutent des navigants dans la seconde partie de leur carrière. Toutefois, la formation délivrée par l’ENSM suscite des critiques de la part de certains armateurs qui jugent que l’évolution de l’école conduit à en faire une école d’ingénieurs comme les autres et que la polyvalence favorise un départ rapide vers l’industrie. Cette situation nécessiterait de favoriser le développement de formations monovalentes.

L’ENSM a annoncé rejoindre Parcoursup à compter de 2021. La notoriété de l’école demeure faible en dehors du monde maritime et le concours semble n’être connu que des seuls initiés, la majorité des candidats provenant de régions littorales ou de familles liées aux métiers de la mer ([29]). Parcoursup doit permettre à l’école d’attirer davantage de candidats ; cette évolution semble d’autant plus nécessaire que les armateurs auditionnés par votre rapporteure pour avis ont indiqué qu’ils souhaitaient recruter des contingents plus importants d’officiers français dans les années à venir.

Toutefois, l’ENSM risque d’avoir des difficultés à s’adapter à cette demande. En effet, selon les informations communiquées par l’école à votre rapporteure pour avis, accueillir trente étudiants de plus par an nécessite de disposer de quatre ETP de plus par an par rapport à la situation actuelle. Cette situation implique soit d’augmenter le plafond d’emplois, soit d’augmenter la masse salariale pour recruter des vacataires. La tâche est d’autant plus ardue que la rémunération proposée aux enseignants par l’ENSM est peu attractive. Par ailleurs, il est nécessaire que les élèves puissent trouver des embarquements pendant leur scolarité. Votre rapporteure pour avis souhaite donc qu’un dialogue constructif puisse s’établir entre les armateurs, l’ENSM et la direction des affaires maritimes pour que la demande accrue d’officiers puisse être satisfaite dans des conditions qui permettent à l’ENSM d’augmenter son offre d’enseignement et son rayonnement scientifique et aux élèves de disposer d’une formation de qualité et de débouchés stables. À ce titre, votre rapporteure pour avis juge que la mise en place à partir de la rentrée 2022 d’une section apprentissage dans les filières « ingénieur-navigant » et « ingénieur-génie maritime » prévue par l’ENSM constitue déjà un premier jalon sur ce chemin.

Au-delà de l’aspect purement quantitatif de la demande, la formation maritime doit pouvoir faire face à la transformation des métiers, notamment liée au numérique et à la transition écologique. Les technologies de décarbonation des navires exigent, par exemple, des compétences supplémentaires. Si la polyvalence est une richesse et permet une grande adaptabilité des marins français, un recentrage des formations maritimes sur l’évolution des métiers, par la spécialisation et le renforcement des compétences dans le cadre de formations monovalentes aurait un impact positif sur le niveau général de formation et l’adaptation à de nouveaux marchés. La mise en place de formations courtes et continues constituerait également une autre solution envisageable. Aussi, l’internationalisation des métiers, y compris maritimes, impose la maîtrise de l’anglais dans le cadre professionnel et une plus grande ouverture des formations sur l’Europe et le monde.

Enfin, les personnes auditionnées par votre rapporteure pour avis se sont généralement accordées sur la nécessité de fluidifier l’offre de formation en renforçant, notamment le recours aux passerelles (entre la marine marchande et la Marine nationale, les professions sédentaires, mais également entre l’ENSM et les lycées professionnels maritimes). Le renforcement du lien public/privé par des partenariats entreprises/écoles pourrait également contribuer à répondre aux besoins du secteur en matière de formation et de recrutement.

 


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   Examen en commission

Après l’audition de Mme Barbara Pompili, ministre de la transition écologique et de M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué chargé des transports au cours de sa réunion du mercredi 21 octobre 2020 après-midi ([30]), la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a examiné, le mercredi 4 novembre 2020 matin, pour avis, sur le rapport de Mme Sophie Panonacle, les crédits du programme « Affaires maritimes » de la mission « Écologie, développement et mobilité durables ».

Mme la présidente Laurence Maillart-Méhaignerie. Mes chers collègues, nous achevons l’examen pour avis de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2021 par les crédits consacrés aux affaires maritimes et aux transports terrestres et fluviaux.

Mme Sophie Panonacle, rapporteure pour avis sur les crédits des affaires maritimes. Le budget des affaires maritimes restera stable en 2021, ce dont je me réjouis. Les autorisations d’engagement (AE) du programme 205 baissent légèrement pour passer de près de 160 millions d’euros en 2020 à 155 millions d’euros en 2021. Les crédits de paiement (CP) passent de 161 millions à 159 millions d’euros.

Les crédits relatifs aux ports relevant de l’action 43 du programme 203 restent également stables par rapport à 2020 et représentent environ 100 millions d’euros. Je m’en réjouis, car le dragage des grands ports maritimes a été notoirement sous‑financé jusqu’en 2018.

Par contre, le budget des affaires maritimes est calculé au plus juste. Je pense qu’il doit être préservé dans la durée, car le monde maritime a été durement affecté par la crise du coronavirus. J’ai pu le constater en préparant le rapport « Happy Blue Days, pour une économie maritime compétitive et décarbonée », que j’ai communiqué au Président de la République et remis à l’ensemble des ministres concernés. Or les politiques financées par le programme 205 ont toute leur importance pour soutenir le secteur maritime dans cette période difficile, car elles permettent de rendre plus cohérente l’action régulatrice de l’État en ce qui concerne le navire, le marin et la mer.

Près de 50 % du budget des affaires maritimes sont consacrés à la compensation d’exonérations de cotisations sociales patronales. Je tiens ici à rappeler toute l’importance du « netwage », instauré par la loi du 20 juin 2016 pour l’économie bleue. Cette mesure contribue puissamment au dynamisme et à l’attractivité du pavillon français. D’ailleurs, après des années de baisse, le nombre de navires sous pavillon français de plus de 100 UMS a augmenté de vingt et une unités entre 2019 et 2020.

Toutefois, l’ensemble du secteur maritime ne va pas bien, et ces mesures sont plus que nécessaires. Ainsi, lorsque la crise sanitaire a éclaté, si le secteur du transport de marchandises a plus ou moins tenu bon, le transport de passagers s’est effondré. Les ferries qui assurent la liaison transmanche et les navires de croisière sont les plus affectés. Par ailleurs, la flotte offshore subit une crise aux racines plus profondes, liée notamment à la baisse du prix du baril. Face à cette situation difficile, les acteurs des filières logistiques françaises ont su s’associer pour réfléchir ensemble à l’avenir du transport français. Je salue tout particulièrement la signature de la charte d’engagement des acteurs des chaînes logistiques françaises, le 7 octobre dernier. Il s’agit d’un véritable engagement collectif pour la relance économique de nos ports et la reconnaissance de leur importance stratégique.

Les effets de la crise sanitaire sur les activités maritimes ne concernent pas seulement le volet économique. Tous les travailleurs de la mer ont été affectés. Si nombre d’entre eux ont pu bénéficier des mesures de soutien du Gouvernement, d’autres ont pu maintenir leur activité pour répondre aux besoins essentiels de la population. Un temps d’adaptation a été nécessaire, mais tout a été fait pour que les marins puissent travailler dans les meilleures conditions et dans le respect des consignes sanitaires. Je salue leur dévouement sans faille pour continuer à nourrir les Français et acheminer les marchandises de première nécessité. En plus d’un accompagnement économique, une relance sociale du transport maritime apparaît essentielle. Ces deux volets permettront de renforcer l’attractivité du pavillon français et de garantir à la France son indépendance en tout temps en matière d’approvisionnement stratégique.

Je regrette que l’action 03 soit intégrée dans le programme 205, et non dans le programme 197 relatif aux régimes de retraite et de sécurité sociale des marins. Je pense que le Gouvernement doit faire évoluer la maquette budgétaire, à l’origine d’une situation illogique. L’action 03 correspond à des dépenses contraintes dont l’augmentation est un signe de bonne santé du secteur maritime. Dans ce cas, si le total des crédits budgétaires alloués au programme 205 n’augmente pas, ce sont les crédits alloués aux autres actions qui doivent diminuer. Or ils concernent les moyens de contrôle des règles de sécurité et de sûreté maritimes et l’enseignement maritime.

Près de 17 % des crédits des affaires maritimes contribuent au financement de la formation maritime, notamment des lycées professionnels maritimes et de l’École nationale supérieure maritime (ENSM).

Le dispositif des lycées professionnels maritimes a montré sa capacité à s’adapter aux enjeux de formation et de cadrage pédagogique défendus par le ministère de l’Éducation nationale et aux demandes du marché de l’emploi. La taille du réseau, son ancrage territorial, son dynamisme et sa capacité à s’adapter sont des atouts en termes de métier et de cohérence avec le système de l’Éducation nationale, garant de la reconnaissance des formations.

En ce qui concerne l’ENSM, la qualité des officiers qu’elle forme est largement reconnue par les employeurs. Toutefois, sa notoriété semble faible en dehors du monde maritime. Cette situation va probablement évoluer, car l’ENSM va rejoindre Parcoursup, ce qui doit lui permettre d’attirer davantage de candidats. Cette évolution semble d’autant plus nécessaire que les armateurs que j’ai auditionnés souhaitent recruter des contingents plus importants d’officiers français dans les années à venir.

La féminisation des métiers de la mer reste un enjeu important de la formation maritime. Les carrières longues de navigantes sont largement minoritaires en ce qui concerne les femmes diplômées de l’ENSM. Le renforcement de l’attractivité des métiers de la mer pour le public féminin, à commencer par les formations, est un défi à relever. La formation maritime doit également pouvoir faire face à la transformation des métiers, notamment liée au numérique et à la transition écologique. Les technologies de décarbonation des navires exigent, par exemple, des compétences supplémentaires. Il nous faut donner les moyens aux établissements de formation maritime de s’adapter à de nouveaux marchés et d’accélérer leur ouverture sur l’Europe et sur le monde. Des formations plus fluides, favorisant notamment le recours aux passerelles, et le renforcement du lien public‑privé par des partenariats entreprise‑école pourraient également contribuer à répondre aux besoins de recrutement du secteur maritime.

L’amélioration et l’adaptation des formations sont une première étape. Elles doivent s’accompagner d’efforts supplémentaires pour améliorer l’attractivité des métiers de la mer partout dans notre territoire. Il s’agit notamment de poursuivre les efforts engagés depuis dix ans pour faire entrer la mer dans les collèges, les lycées et les classes préparatoires ; de diffuser l’envie de mer dans les terres et pas seulement sur le littoral, car les emplois du secteur maritime ne sont pas réservés à ses seuls habitants – je vous encourage d’ailleurs à sensibiliser les jeunes de votre circonscription.

Par ailleurs, 20 % des crédits du programme budgétaire 205 « Affaires maritimes » servent à financer l’action de l’État dans les domaines de la sécurité et de la sûreté maritimes et de la lutte contre la pollution. Ils servent notamment à financer les centres régionaux opérationnels de surveillance et de sauvetage, les centres de sécurité des navires ou encore le dispositif de contrôle et de surveillance qui participe à l’exercice des missions de police en mer. Ils permettent également d’apporter un soutien à la Société nationale de sauvetage en mer (SNSM), qui a notamment besoin de renouveler ses moyens nautiques. Je salue ici le travail formidable accompli sur tout le littoral par ses bénévoles, un travail méconnu du grand public mais essentiel pour la sécurité maritime. C’est pourquoi la SNSM a besoin de notre indéfectible soutien, et nous devons donner à ses bénévoles les moyens qui leur sont indispensables pour remplir leur mission dans les meilleures conditions de sécurité.

Avant de conclure, je voudrais dire un mot de sujets qui ne relèvent pas à proprement parler du budget des affaires maritimes mais concernent le soutien fiscal à la marine marchande. Le programme 205 est loin d’être l’unique pilier de la politique française en faveur de la marine marchande, qui combine une série de dispositions, principalement d’ordre budgétaire, fiscal et social. Parmi celles-ci figure le dispositif de suramortissement prévu par l’article 39 decies C du code général des impôts, que nous avons créé en 2019 et qui a été un signal fort pour encourager les armateurs à s’engager dans la décarbonation des navires et de leurs activités.

En soutenant la palette des solutions émergentes – vélique, gaz naturel liquéfié (GNL), scrubbers, navires électriques et hybrides, hydrogène ou encore électricité à quai –, ce dispositif contribue à concrétiser notre ambition en matière de verdissement du transport maritime. Nos objectifs sont clairs et s’accordent avec ceux qui ont été fixés par l’Organisation maritime internationale (OMI) en 2018 : réduire les émissions de CO2 du transport maritime d’au moins 40 % d’ici à 2030 et de 70 % d’ici à 2050 ; réduire le volume total des émissions annuelles de gaz à effet de serre d’au moins 50 % en 2050, par rapport à 2008. À nous de nous engager encore davantage aux côtés de ces projets innovants.

Face à la crise sanitaire que nous traversons, le cap est de tracer une nouvelle voie, qui préserve nos océans et accélère la transition écologique de l’économie de la mer. En l’état, le suramortissement peine encore à trouver une application concrète et ne permet pas d’inciter les acteurs du transport maritime à se tourner vers les solutions les plus décarbonées. Cela est particulièrement vrai pour la propulsion par le vent, immédiatement disponible et entièrement décarbonée, qui inspire de nombreux projets d’avenir sans bénéficier d’un soutien suffisant. Aussi ai‑je déposé plusieurs amendements visant à améliorer ce dispositif, en allongeant notamment son échéance.

En tant que rapporteure pour avis, j’ai l’intime conviction qu’en soutenant un volet économique compétitif et décarboné, nous apporterons la meilleure réponse pour l’avenir. Les futurs investissements de l’État devront permettre l’émergence d’un modèle économique plus résilient, plus protecteur et plus souverain.

Permettez‑moi d’insister sur le fait que la transition écologique ne doit pas simplement être la trame de fond de notre démarche, mais en être le moteur. Cette association entre écologie et économie est à notre porte ; il nous appartient d’en soutenir l’émergence. Pour cela, nous pouvons engager un accompagnement réglementaire. Le plan de relance de 100 milliards d’euros déployé par le Gouvernement constitue une première étape ; le projet de loi de finances en est une autre. Nous devons regarder plus loin et faire, sur le temps long, de l’économie bleue le levier de l’excellence économique et environnementale de notre pays.

Eu égard aux éléments que je viens d’exposer, j’émets un avis favorable à l’adoption des crédits du programme 205.

M. Damien Pichereau, rapporteur pour avis sur les crédits des transports terrestres et fluviaux. La crise sanitaire liée à l’épidémie de covid-19 a démontré, une fois de plus, l’importance et la qualité des infrastructures et services de transport et de logistique. Souvenons-nous des trains médicalisés qui ont permis de transporter des malades entre régions, notamment pour rejoindre les hôpitaux de ma région, le Centre‑Val de Loire. Souvenons-nous également de la gestion pertinente et de l’exécution rapide des normes sanitaires dans les transports en commun par les autorités organisatrices de la mobilité (AOM).

Je souhaite, dans ce propos liminaire, saluer et remercier le dévouement des femmes et des hommes qui, pendant le dernier confinement comme pendant celui en cours, permettent de maintenir l’activité nécessaire à l’ensemble de nos concitoyens. Je souhaite, par ailleurs, saluer l’action des agents du ministère, qui mettent en œuvre la politique des transports, ainsi que les différents opérateurs du programme 203 – l’Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF), Voies navigables de France (VNF), la Société du Grand Paris et l’Établissement public de sécurité ferroviaire.

Si l’ensemble des acteurs de la mobilité s’est massivement investi durant la crise sanitaire, les conséquences de cette dernière sont néanmoins sans précédent. C’est pourquoi les crédits consacrés aux infrastructures et services de transport font l’objet d’une attention particulière en ce qui concerne leur impact écologique. Responsables de près de 30 % des émissions de gaz à effet de serre en France, les transports doivent être redéfinis selon un modèle écologique et durable, afin d’élaborer une nouvelle stratégie de déploiement ou de transformation des infrastructures et services de transport de demain.

C’est justement ce vers quoi le plan de relance est majoritairement tourné. Ainsi, la transition écologique en représente le tiers, soit un investissement sans précédent de 30 milliards d’euros, autrement dit plus que l’intégralité du plan de relance de 2008, dont un soutien massif au transport ferroviaire – 4,7 milliards d’euros pour les lignes du quotidien, les trains de nuit et le fret –, aux transports du quotidien et au vélo – 1,2 milliard d’euros.

Plus précisément, le programme 203 « Infrastructures et services de transport » prévoit en 2021 3,9 milliards d’euros en autorisations d’engagement et 3,7 milliards d’euros en crédits de paiement. Il s’agit d’une forte hausse par rapport à 2020, d’environ 800 millions d’euros en AE et de 550 millions en CP, principalement sur les actions 44 « Transports collectifs » et 45 « Transports combinés ». C’est un point très positif. Certes, une partie de cette hausse résulte d’une extension du périmètre du programme 203. Néanmoins, même à périmètre constant, le budget des transports est en hausse de 249 millions d’euros et ce, sans tenir compte des crédits du plan de relance et de la recapitalisation de la SNCF.

Premier point que je souhaite évoquer, les recettes de l’AFITF sont en baisse par rapport aux prévisions, du fait de l’épidémie de covid-19. Cela résulte de l’absence de recettes provenant de la taxe de solidarité sur les billets d’avion, mais aussi de la baisse des recettes provenant des concessionnaires d’autoroute – taxe d’aménagement du territoire (TAT) et redevance domaniale –, de l’ordre de 20 %, ainsi que de la baisse, de l’ordre de 50 %, des recettes provenant des amendes radars, du fait de la chute du trafic annuel.

Alors que nous sommes dans l’attente d’un rapport du Gouvernement sur la question, la baisse totale des recettes de l’AFITF pour 2020 est estimée entre 400 et 450 millions d’euros. Elle a été partiellement compensée par un versement de 250 millions d’euros dans le cadre de la troisième loi de finances rectificative. D’autres ressources devront également lui être octroyées dans le cadre du quatrième projet de loi de finances rectificative, pour l’instant estimées entre 110 et 120 millions d’euros. Je m’inquiète toutefois des ressources prévisionnelles pour 2021, dans le contexte actuel de reconfinement. En particulier, il nous faudra être vigilants quant au produit des amendes radars – l’AFITF étant le dernier bénéficiaire de son affectation – et à la contribution du secteur aérien, alors même que la reprise s’annonce plutôt faible.

Cette année, des crédits pour les transports terrestres sont inscrits dans le plan de relance national de notre économie. Au sein d’un programme dédié à l’écologie, l’action 07 « Infrastructures et mobilités vertes » regroupe près de 20 % des crédits du programme – 3,6 milliards d’euros en AE et 1,3 milliard d’euros en CP. Ces crédits seront consacrés à un soutien sans précédent au secteur ferroviaire, à une accélération des investissements en faveur de la mobilité du quotidien, avec une priorité donnée aux transports en commun, à l’extension du plan vélo, à l’aide à l’acquisition de véhicules propres, aux infrastructures de transport ou encore au verdissement du parc automobile de l’État.

Outre les crédits ouverts au sein de ce programme, le Gouvernement a également prévu de consacrer 600 millions d’euros au financement exceptionnel de la relance de l’achat de véhicules propres dès 2020 et 4,1 milliards d’euros à une recapitalisation de la SNCF, qui permettra d’apporter un soutien financier à SNCF Réseau.

Si je présente, dans mon avis, les crédits octroyés aux transports dans le contexte du plan de relance, j’ai cependant fait le choix de me consacrer plus spécifiquement aux crédits relatifs au transport de marchandises, dans l’optique du verdissement du fret et de l’incitation au report modal, notamment vers le ferroviaire. C’est un enjeu majeur pour faire face à l’urgence environnementale. Je vais vous présenter brièvement les différents dispositifs d’aide et de soutien au transport de marchandises, que le projet de loi de finances renforce, en cohérence avec les objectifs ambitieux inscrits dans la loi d’orientation des mobilités (LOM).

Parmi les émissions de gaz à effet de serre liées à la circulation routière, 44 % proviennent des poids lourds et des véhicules utilitaires légers (VUL). C’est donc une nécessité d’aider les professionnels du secteur dans le verdissement de leurs flottes. Je ne referai pas ici l’historique du renforcement du suramortissement dont bénéficient les transporteurs pour l’achat de véhicules plus propres ; le Gouvernement, notre commission et notre majorité ont été moteurs sur cette question. Néanmoins, cette aide risque d’être moins efficace, car l’avantage fiscal qu’elle procure est récupéré progressivement par les entreprises, alors que ces dernières font face à des difficultés de trésorerie. Il faudra donc être vigilant sur ce point, quitte à envisager sa transformation temporaire en crédit d’impôt.

Par ailleurs, certains véhicules utilisés par les transporteurs peuvent bénéficier de la prime à la conversion et du bonus. Ce dernier a bénéficié à plus de 7 000 VUL en 2019, pour 44 millions d’euros, tandis que la prime a été attribuée à plus de 10 000 VUL, pour un total de 22 millions d’euros.

Lors des annonces du Gouvernement au printemps dernier concernant la relance de la filière automobile, le champ de la prime a été élargi : son montant a été augmenté et elle a été étendue au retrofit. Sur ce dernier point, j’appelle votre attention sur les difficultés que connaissent les entreprises pour homologuer les véhicules. Il me semble nécessaire de réfléchir au plus vite à un plan spécifique pour accélérer les homologations et la vente de ces véhicules. Nous avons les moyens de créer une filière française du retrofit leader en Europe. Soyons au rendez-vous !

Le Gouvernement a annoncé la création de primes à la conversion en faveur de véhicules lourds électriques ou fonctionnant à l’hydrogène. Je m’en réjouis fortement, mais je pense qu’il serait pertinent d’inclure dans ce dispositif tous les véhicules utilisant une énergie alternative au pétrole, comme le bioGNV. J’espère que le Gouvernement suivra cette recommandation.

Comme je l’indiquais tout à l’heure, le Gouvernement a également mis en place des mesures permettant aux transporteurs routiers de marchandises de faire face à la crise sanitaire, qui les a fortement impactés : mesures d’aides transversales ; trimestrialisation du remboursement partiel de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) ; report du paiement de la taxe à l’essieu, dont le présent projet de loi de finances refond, à compter de 2022, les modalités de recouvrement. Cet impôt sera désormais annuel, et non plus semestriel, et payé à terme échu, ce qui entraînera un gain de trésorerie pour les entreprises de plus de 170 millions d’euros.

S’agissant du fret ferroviaire, sa part modale a été divisée par deux ces vingt dernières années, passant de 16 % à 8 %. Cela résulte de décennies de sous‑investissements et des retards pris depuis les années 2000 dans la régénération du réseau. Ici encore, les mesures du Gouvernement sont salutaires pour le transport ferroviaire et donc pour le fret : rachat de la dette de la SNCF – 25 milliards d’euros ont été rachetés en 2020, 10 milliards supplémentaires le seront en 2022 ; recapitalisation de la SNCF à hauteur de 4,1 milliards d’euros, au bénéfice de SNCF Réseau ; transferts de l’État à SNCF Réseau pour la gestion de l’infrastructure, notamment la compensation fret pour les péages ; fonds de concours de l’AFITF dédiés au réseau capillaire fret ; mesures du plan de relance, avec 650 millions d’euros pour les infrastructures ferroviaires, notamment les plateformes multimodales de fret. Dans le plan de relance, ce sont 250 millions d’euros qui iront au fret, auxquels s’ajouteront 175 millions d’euros pour les voies d’eau et 175 millions d’euros pour le verdissement des ports.

Enfin, le Gouvernement renforce les aides octroyées aux opérateurs de transport ferroviaire et combiné : 20 millions d’euros supplémentaires pour l’aide au transbordement, qui passe de 27 à 47 millions d’euros ; prise en charge des péages pour les entreprises à hauteur de 50 %, après une année de gratuité en 2020 ; aide au wagon isolé, pour 70 millions. Cela représente donc une hausse de 170 millions d’euros des crédits consacrés au fret au sein du programme 203, hors crédits du plan de relance.

Pour conclure, les crédits que je vous présente aujourd’hui démontrent la puissance du soutien du Gouvernement à la transition écologique. Que ce soit en donnant une priorité aux transports ferroviaires, à la mobilité du quotidien ou aux transports de marchandises, ces crédits sont au service du développement durable et de la transformation nécessaire de notre mobilité et de notre économie. C’est donc tout naturellement que j’émets un avis favorable à l’adoption des crédits du programme 203, et a fortiori à celle des crédits de la mission.

Mme Danielle Brulebois. Vos travaux de qualité, madame la rapporteure pour avis, au‑delà de leur technicité, nous transmettent votre passion pour la mer, ce trésor inestimable, doté d’atouts en matière de patrimoine naturel, de ressources et de croissance économique. Avec plus de 5 000 kilomètres de côtes, la France est présente dans tous les océans et dispose du deuxième espace maritime mondial. Comme vous l’avez réaffirmé lors du colloque national sur l’emploi maritime, au mois d’octobre, l’économie bleue est un pan important de notre économie, puisqu’elle représente plus de 14 % du produit intérieur brut (PIB). Elle ambitionne de passer de 400 000 emplois à 1 million à l’horizon de 2030. Pour la soutenir, le programme 205 dispose de crédits stables, avec 159,4 millions d’euros en autorisations d’engagement et 155,2 millions d’euros en crédits de paiement, répartis en cinq actions.

Le pavillon français est attractif grâce à un soutien important de l’État, en particulier par le biais de mesures fiscales. Les savoir‑faire maritimes français sont réputés ; les formations de qualité – l’ENSM va rejoindre Parcoursup ; le nombre de navires a augmenté en 2020. Cependant, la crise sanitaire n’a pas épargné le secteur. Si le transport de marchandises a bien tenu, le transport des passagers et le secteur des croisières connaissent une situation difficile.

Vous avez souligné les défis à venir, qui sont importants et mondiaux, la nécessaire transition écologique, avec la décarbonation. Où en est le projet innovant sur les nouveaux modes de propulsion, comme l’hydrogène ? Depuis 1991, il n’y avait plus de ministre de la mer ; depuis juillet, la ministre Mme Annick Girardin est au travail pour trouver un juste équilibre entre écologie et économie. Dans un secteur mondialisé, où la concurrence est féroce, en particulier entre nos ports et les ports européens qui cherchent à améliorer leur trafic avec les mégaports asiatiques, et alors que 90 % des échanges de la mondialisation se font par la mer, vous appelez l’attention sur les ports français. À l’heure des nouvelles routes de la soie, la relance bleue que vous appelez de vos vœux nécessite un véritable plan de relance dédié aux ports français. Comment ce plan va‑t‑il accélérer notre stratégie maritime ?

M. Vincent Thiébaut. Avec 30 % de participation aux émissions de gaz à effet de serre, le transport a un fort impact sur l’environnement. Aussi est‑il nécessaire d’être ambitieux. Le programme 203 se décline autour de quatre axes : maintenir et améliorer l’état des réseaux de transport existants ; optimiser les systèmes de transport et développer de nouveaux modes de mobilité en associant de nouvelles technologies ; soutenir les activités de transport ; renforcer le contrôle des règles économiques, sociales et environnementales. Ce programme est en augmentation de plus de 17 %. Sur la partie des transports routiers, les crédits restent stables.

Je me réjouis des investissements réalisés dans le ferroviaire, à hauteur de 2,5 milliards d’euros en autorisations d’engagement et de 2,4 milliards d’euros en crédits de paiement, auxquels il faut ajouter les 4,7 milliards d’euros du plan de relance. Ainsi, 2,3 milliards d’euros sont destinés à la régénération du réseau ; 300 millions en faveur des petites lignes ; 100 millions pour les trains de nuit, sur lesquels nous sommes nombreux à demander un fort investissement ; 50 millions afin d’améliorer l’accessibilité dans les gares et la sécurité des passages à niveau. Je me réjouis également de la forte augmentation des autorisations d’engagement et des crédits de paiement à destination du fret et du transport combiné, les AE augmentant de plus de 2 000 % et les CP de plus de 1 300 %. N’oublions pas non plus l’augmentation des crédits des transports collectifs.

Toutefois, je suis, moi aussi, très vigilant quant à l’évolution de ces crédits, dans le contexte de la crise sanitaire.

Mme Valérie Beauvais. Au groupe Les Républicains, nous regrettons la diminution des crédits du programme « Affaires maritimes », dans un contexte où le monde maritime a été durement touché par la crise sanitaire. Alors que la France possède toujours le deuxième domaine maritime mondial, l’engagement du Gouvernement en faveur des affaires maritimes est bien trop limité. Les mers et les océans sont pourtant au cœur des enjeux environnementaux.

Nous déplorons aussi l’insuffisance de la lutte contre les pollutions maritimes et l’absence de vision et de moyens pour tendre vers un verdissement des navires. En 2020, les crédits alloués au programme 205 étaient en hausse de près de 3 % ; en 2021, ils connaîtront une baisse de 1 %, affectant principalement l’action 04 « Action interministérielle de la mer » – en diminution de près de 4 % –, qui prend en compte notamment la protection de l’environnement.

De même, les crédits alloués au transport maritime sont insuffisants, malgré la volonté affichée par le Gouvernement de soutenir ce secteur : l’action « Flotte de commerce », bien que représentant la moitié des crédits de paiement du programme, est en baisse par rapport à 2020.

Lors des assises de l’économie de la mer des 21 et 22 novembre 2017, le Premier ministre de l’époque avait réaffirmé la volonté de la France de développer sa politique maritime. Or les crédits alloués ne permettent pas le sursaut budgétaire nécessaire pour mettre en œuvre l’ambition affichée par l’État dans ce domaine. À l’heure où l’on parle de relance verte, nous voulons, quant à nous, souligner la nécessité d’une relance bleue – ce ne sont pas nos collègues des départements et territoires d’outre-mer et des départements du littoral qui nous contrediront.

Dans votre avis, monsieur Damien Pichereau, vous indiquez que la France fait partie des pionniers dans l’établissement d’un budget vert. Si nous souscrivons, bien évidemment, à cet engagement budgétaire en faveur de l’écologie, nous tenons à relever que, sans les moyens budgétaires issus du plan de relance, le volontarisme du Gouvernement en matière de développement durable et de mobilité aurait été bien moindre, et même, très certainement, revu à la baisse.

Vous évoquez vos inquiétudes concernant les estimations des recettes de l’AFITF pour 2021, mais aussi leur baisse dès cette année, que vous estimez entre 400 et 450 millions d’euros, en dépit des 250 millions affectés à l’agence dans le cadre du plan de relance. Pouvez-vous nous indiquer à quelle hauteur vous estimez les besoins de financement de l’AFITF, si l’on considère que la crise sanitaire va se prolonger ?

S’agissant du développement des petites lignes du réseau capillaire, nous relevons que les 650 millions d’euros consacrés au secteur ferroviaire représentent une enveloppe bien modeste au regard des 4,1 milliards d’euros qui seront affectés à une recapitalisation de la SNCF. Certes, celle-ci est nécessaire, mais la modernisation et la réouverture de petites lignes ainsi que le développement de l’intermodalité autour d’elles sont tout aussi importants. C’est en développant ses activités et donc ses offres de services que la SNCF sera en mesure de dégager des bénéfices et de renforcer son capital.

L’avis met en évidence les difficultés auxquelles se heurte le développement du fret ferroviaire, avec la forte concurrence du transport routier, les contraintes de disponibilité ou encore la qualité des sillons. Les moyens budgétaires déployés pour répondre à ces enjeux, en revanche, ne sont pas ou peu mis en évidence : pourriez-vous nous apporter quelques précisions ?

S’agissant du bonus-malus, nous nous félicitons que les entreprises et les artisans bénéficient enfin de l’aide à l’acquisition de véhicules propres, à l’achat et à la location. Nous déplorons toutefois le dévoiement des aides qui accompagnent l’acquisition de véhicules hybrides rechargeables. Ces derniers sont peu ou pas rechargés ; leurs utilisateurs s’en servent comme de véhicules thermiques. Le dispositif crée donc des effets d’aubaine. Nous espérons des ajustements du bonus-malus sur ce point.

M. Bruno Millienne. Je m’exprime au nom de mon collègue M. Jimmy Pahun, qui n’a pu être présent en raison des mesures sanitaires.

Comme vous, madame la rapporteure pour avis, le groupe MoDem et Démocrates apparentés se félicite de la stabilité des crédits du programme « Affaires maritimes ». Comme vous, nous sommes attentifs à la sanctuarisation de ce budget d’ores et déjà calculé au plus juste.

Vous faites de la décarbonation du transport maritime un axe majeur de votre rapport. Vous soulignez l’importante et récente transformation du transport maritime, en citant en exemple, avec raison, le GNL, tout en soulignant qu’il faut aller plus loin et plus vite. À la lecture du dernier rapport remis à l’OMI, qui fait état de trajectoires pessimistes, on ne peut qu’être d’accord avec vous : le GNL ne sera pas suffisant pour réduire sensiblement les émissions de ce secteur. Les solutions alternatives existent ; il faut les soutenir et les développer. L’énergie vélique, en particulier, est une pièce indispensable du mix énergétique que nous appelons de nos vœux. Du reste, elle est immédiatement disponible. Nous sommes en mesure de la fournir grâce à l’excellence de notre industrie navale, de nos ingénieurs et architectes, de nos entrepreneurs et innovateurs. Le plan de relance doit servir à financer le développement du transport de demain.

Mme Aude Luquet. Dans le domaine des déplacements, nous devons faire face à deux grands défis : lutter contre les déserts de mobilité et réduire l’impact négatif des déplacements sur l’environnement. En adoptant le projet de loi d’orientation des mobilités, nous avons voulu nous donner les moyens de relever ces défis au travers de plusieurs actions : l’amélioration des transports du quotidien, l’offre d’une solution de transport à chacun ou encore l’accélération de la transition vers des véhicules et des déplacements plus vertueux. Ces actions s’intègrent dans le programme 203.

Le groupe MoDem et Démocrates apparentés défend la transition écologique par la promotion d’un mix énergétique. Si le développement du véhicule électrique occupe une place centrale, nous ne saurions tout miser sur lui ; il faut soutenir d’autres solutions alternatives. Nous devons démocratiser davantage le bioGNV, par exemple. Nos constructeurs ont déjà les capacités et le savoir-faire pour produire ce type de véhicule, qui permet une transition accessible et immédiate pour nos concitoyens, en plus d’offrir de nouvelles sources de revenus aux agriculteurs et aux territoires grâce à la méthanisation. Qu’attendons-nous pour développer cette solution ? Il en est de même pour l’hydrogène, qui est une énergie d’avenir. Quelles sont nos ambitions en la matière et les moyens à notre disposition ?

S’agissant de la multimodalité, nous partageons vos attentes et les ambitions du Gouvernement pour faire enfin décoller un secteur qui peine à s’imposer. Des files de camions traversent la France du Nord au Sud et d’Est en Ouest, alors que des solutions alternatives plus vertueuses existent. Ce n’est pas soutenable ! Le fret ferroviaire doit se développer, en France et au-delà de nos frontières. L’Europe l’a bien compris, d’ailleurs, en en faisant des transports l’une de ses quatre grandes priorités.

Enfin, nous devons faire en sorte de rendre accessibles l’ensemble de nos transports. Pour les personnes à mobilité réduite, se déplacer s’apparente bien trop souvent à un parcours du combattant. Mettons-nous suffisamment de moyens pour répondre à cette difficulté ?

M. Gérard Leseul. Le secteur des transports a été touché de plein fouet par la crise sanitaire de la covid-19, qui a gelé une grande partie des mouvements de personnes et de biens.

De la politique de transport dépendent aussi bien la sécurité du déplacement des Françaises et des Français que la compétitivité de notre économie, mais aussi notre capacité à respecter les engagements pris dans le cadre de l’accord de Paris. À cet égard, au vu des émissions du secteur des transports, il est urgent de décarboner nos moyens de déplacement et de les réguler pour limiter le réchauffement climatique.

Les recettes de l’AFITF proviennent notamment de la TICPE, des amendes forfaitaires des radars automatiques, de la TAT et de la taxe de solidarité sur les billets d’avion. En raison de la crise sanitaire, avec le confinement puis le reconfinement, ces recettes connaîtront malheureusement, cette année, une baisse significative. Le président de l’AFITF lui-même a exprimé des doutes sérieux quant à la pérennité des financements de l’agence. Il s’est étonné, notamment, de voir le Gouvernement tabler sur une augmentation des recettes issues des amendes forfaitaires des radars automatiques.

La mission centrale exercée par l’AFITF exige du sérieux et des financements garantis dans la durée. Dans le cadre de l’examen de la LOM, en septembre 2019, le groupe Socialistes et apparentés avait déjà émis de sérieuses réserves, pointant le manque de moyens pour tenir les objectifs affichés. Nous y sommes, malheureusement. La crise sanitaire étant également passée par là, il est urgent de structurer de manière durable les ressources de l’agence. À défaut, c’est tout l’édifice et le financement des infrastructures qui risquent d’être remis en cause, ce qui aurait pour conséquence de freiner le développement des petites lignes, des trains de nuit et du fret ferroviaire, mais aussi celui du transport fluvial et du vélo comme solutions alternatives à des mobilités plus polluantes. L’instabilité financière que connaît la principale agence chargée des transports va poser de réelles difficultés dans un futur proche.

S’agissant du transport fluvial, l’effort financier annoncé dans le plan de relance se trouve matérialisé par l’inscription de crédits supplémentaires dans le projet de loi de finances. C’est un motif de satisfaction. En revanche, nous déplorons deux incohérences, d’ailleurs signalées par les acteurs de la filière. D’une part, l’effort est provisoire, alors qu’il concerne un domaine industriel qui doit nécessairement s’inscrire dans un temps long. D’autre part, il y a une contradiction à demander d’approuver un budget à la hausse tout en validant une réduction d’effectifs de quasiment 100 équivalents temps plein (ETP), et ce pour la troisième année consécutive, ce qui oblige Voies navigables de France à se réorganiser avant même que le réseau ait réellement été modernisé.

Les budgets alloués à l’établissement sont insuffisants. Certes, la trajectoire fixée par la loi d’orientation des mobilités a été dépassée, le budget d’investissement passant de 180 millions à 220 millions d’euros. Nous pourrions nous en satisfaire à première vue, mais, selon l’audit réalisé par Mensia conseil et repris par le Conseil d’orientation des infrastructures, il faut 141 millions d’euros par an pendant dix ans ne serait-ce que pour maintenir la fonction hydraulique, 244 millions pour un scénario minimal de régénération des infrastructures dans la continuité des niveaux de service actuels, et 307 millions pour un scénario un peu plus volontariste. Autrement dit, les budgets proposés sont faibles et ne permettront pas d’éviter les défaillances du réseau, ni même d’assurer la pérennité du réseau à grand débit.

Mme Maina Sage. Ayant eu souvent l’occasion d’échanger avec notre collègue Mme Sophie Panonacle, je connais son engagement sur les questions maritimes.

S’agissant des transports terrestres, le groupe Agir ensemble se félicite du budget déployé pour développer les mobilités vertes et le transport ferroviaire, notamment pour le fret.

Nous souhaiterions avoir des précisions concernant le plan hydrogène : comment, dans le cadre de ce budget, peut-il d’ores et déjà être mis en œuvre concrètement, notamment pour les véhicules lourds, qui sont les plus polluants ?

En ce qui concerne les transports maritimes, nous sommes aussi très inquiets des conséquences de la crise de la covid-19. Nous sommes un peu déçus également, car les crédits sont tout juste stabilisés. Est-ce dû à une modification du périmètre, à la suite de la création d’un ministère dédié ?

Nous sommes effectivement le deuxième espace maritime mondial, et nous le devons à 97 % aux outre-mer. La question est de savoir ce que nous voulons en faire. Comment ces territoires peuvent-ils être pleinement acteurs de la stratégie maritime ? Ce sont des territoires d’innovation. Mme la rapporteure pour avis a parlé du développement des transports à propulsion vélique ; des initiatives en ce sens existent au niveau local, notamment en Polynésie, mais je n’ai pas le sentiment qu’elles sont toujours coordonnées avec le mouvement national qui encourage ces innovations.

Nous défendrons, lors de l’examen des articles non rattachés, un amendement concernant les croisières. Il s’agira d’assouplir les conditions d’accès aux aides à l’investissement. Je souhaite vous sensibiliser à la question pour avoir votre plein soutien. Le secteur du tourisme est un moteur économique majeur pour nos territoires d’outre-mer, notamment à travers les croisières.

Le Conseil national de la mer et des littoraux (CNML) a publié, la semaine dernière, un avis invitant à promouvoir des stratégies spécifiques pour la gestion des espaces maritimes. Je suis convaincue qu’il faut adopter une vision intégrant plus fortement les dimensions terrestre et maritime. La formation des acteurs de la mer devrait comporter un volet environnemental plus développé. Ils doivent être sensibilisés en particulier aux questions liées à la biodiversité, et pas seulement en mer, mais aussi à tout ce qui relève de la gestion du littoral. Comment se met en place cette cohérence terre-mer en matière de transport ?

M. François-Michel Lambert. Ces rapports montrent que l’on continue à s’enfermer dans une approche technologique, alors que les transports, qu’ils soient terrestres, aériens ou maritimes, relèvent avant tout d’un système organisationnel. C’est une très grave erreur et cela nous met dans l’incapacité de comprendre ce qu’est la logistique, mais aussi, plus généralement, ce que sont les déplacements. En ciblant les investissements sur des réponses technologiques, on persiste dans cette erreur.

Un déplacement de voyageurs ou de marchandises résulte de la nécessité d’aller d’un point A à un point B. Or jamais la question de l’éloignement constant et diffus des points d’origine et de destination n’est posée comme étant le fait générateur des déplacements. On passe donc à côté des réponses qui doivent être mises en œuvre. S’agissant, par exemple, du déplacement des voyageurs, on ne pose jamais comme préalable le fait que la croissance démographique continue à déstabiliser l’aménagement du territoire : à raison de 200 000 personnes supplémentaires chaque année se déplaçant chacune en moyenne trois fois par jour, on aboutit à 3 millions de déplacements quotidiens en plus au bout de cinq ans. Nous aurions donc aimé une réflexion sur le rééquilibrage de l’aménagement du territoire tenant compte de ce facteur. Il importe de favoriser le télétravail ou encore de s’appuyer sur les travaux du professeur Carlos Moreno sur la ville du quart d’heure : en faisant en sorte que les gens trouvent tout ce dont ils ont besoin à moins d’un quart d’heure de chez eux, on réduit les déplacements et donc les besoins de mobilité.

Il n’y a aucune réflexion non plus concernant les déplacements de marchandises, l’origine et la destination des produits qui affectent les flux en France. Je regrette ainsi que l’initiative chinoise dite « Belt and Road » ne soit pas du tout prise en compte. Il s’agit en réalité d’une stratégie d’encerclement qui permet à la Chine de contrôler les flux mondiaux, notamment en prenant pied à Tanger, en Italie et en République tchèque. Quelle est la réponse de la France à cette stratégie ?

S’agissant du fret ferroviaire, on fantasme sur son retour pour contrer la place prépondérante de la route dans le transport de marchandises – 85 % de part modale. Va-t-on donc continuer à faire croire que l’on peut retourner au tout-ferroviaire, comme à l’époque de La Bête humaine, alors que la France n’a plus de mines et que son industrie lourde a fortement décru, ce qui veut dire que les points d’origine et de destination permettant le transport ferroviaire n’existent plus, contrairement à ce que l’on observe en Allemagne ? Nous n’avons pas construit des bâtiments logistiques en arrière-port comme l’ont fait Anvers, Rotterdam ou Hambourg. De ce fait, les flux sont très dispersés ; nous ne sommes pas en mesure de créer des effets de masse entre les ports et les entrepôts. C’est pourtant le sens du rapport remis en juillet 2016 à monsieur le Premier ministre Manuel Valls, par lequel, avec sept autres députés et sénateurs, nous avions invité à repenser l’aménagement du territoire pour renforcer nos ports.

J’aurais aimé qu’on se penche aussi sur les performances logistiques de nos TPE‑PME, car celles-ci sont toujours en retard : la France est treizième au niveau mondial et huitième en Europe, très loin des autres pays. Le taux de chargement des camions est très bas, ce qui représente un gaspillage énorme. Mieux les remplir, c’est diminuer leur nombre.

Je finirai tout de même par les points positifs de l’action du Gouvernement, preuve de ma volonté de construire ensemble les réponses en matière de mobilité.

La création d’un ministère de la mer permettra de mieux défendre les enjeux politiques qui y sont liés. Je regrette la baisse des crédits du programme 205, mais préfère saluer le renforcement de la sécurité, à travers l’augmentation des crédits de la SNSM.

Je salue la mobilisation de 650 millions d’euros pour la rénovation des canaux et voies navigables et les investissements stratégiques dans les ports.

En ce qui concerne les transports terrestres et fluviaux, la volonté de flécher 250 millions d’euros est un minimum pour construire un véritable écosystème ferroviaire.

M. Hubert Wulfranc. Il est délicat d’appréhender les engagements de la mission pour l’année 2021 sans les situer dans le contexte exceptionnel de la séquence que vit notre pays, mais aussi des enjeux en matière de services et d’infrastructures de mobilité – enjeux dont traite parallèlement la mission « Plan de relance », mais selon un calendrier différent.

S’agissant des infrastructures routières, la reconduction pure et simple de l’enveloppe financière de 2020 n’est pas de nature, selon nous, à restaurer la qualité du réseau capillaire de nos voiries, notamment celui des communes et départements. Aucun effort supplémentaire n’est prévu dans le cadre du plan de relance, contrairement à ce que nous proposions. C’est d’autant plus contradictoire que, comme vous le dites vous-mêmes, ces voiries du quotidien sont appelées à être retravaillées afin d’accueillir convenablement des mobilités alternatives, plus douces, ce qui suppose pour les collectivités territoriales, en particulier les communes, d’engager des investissements majeurs.

C’est un angle mort de la politique d’infrastructures. En revanche, l’angle ouvert au privé est encore élargi par le décret du 14 août dernier qui autorise la cession au privé des sections de routes nationales caractérisées comme autoroutes. Ce décret confirme définitivement nos craintes, exprimées à plusieurs reprises, d’un désengagement de l’État : on se dirige vers une mise en concession pérennisée au profit des majors des autoroutes.

Concernant le réseau ferré, vous maintenez la trajectoire du contrat opérationnel entre l’État et SNCF Réseau. Le seul effort supplémentaire est apporté par le plan de relance. Cette augmentation est bienvenue, évidemment, mais elle n’est pas pérenne. Or, en la matière, les investissements doivent être envisagés sur le long terme – il en va de même, d’ailleurs, pour la reprise de la dette. Nous continuons, pour notre part, à revendiquer un budget de programmation ferroviaire à horizon multidécennal, qui sanctuarise des recettes dédiées, et ce, bien évidemment, dans un cadre structurel qui se détourne de la mise en concurrence du trafic ferroviaire pour les passagers et réinscrive la SNCF comme une entité unifiée.

Vous mettez en exergue le verdissement des infrastructures portuaires. Dont acte. Mais nous soutenons qu’en matière d’équipements de report modal, vous n’êtes pas au rendez-vous. Il faudrait effectuer un saut qualitatif majeur, notamment pour favoriser la multimodalité des plateformes portuaires.

En ce qui concerne les relations entre l’État et ses opérateurs dans le domaine des transports, on observe une diminution de 246 postes. Le Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (CEREMA) est toujours dans le rouge.

M. Lionel Causse. Le Gouvernement a l’intention de remettre en circulation des trains de nuit à l’horizon 2022, ce qui est une excellente chose. Quel est le calendrier prévu pour la définition des lignes qui seront retenues ? Les moyens seront-ils suffisants ? Je tiens à vous alerter quant au fait que la ligne Tarbes-Toulouse ne répondra pas aux besoins de la région Nouvelle-Aquitaine. Il faut rétablir la ligne Hendaye-Dax-Bordeaux-Paris. L’agglomération d’Hendaye compte plus de 400 000 habitants ; nous avons vraiment besoin de cette ligne.

M. Jean-Marie Sermier. D’habitude, je vous parle plutôt d’avenir et de projection sur le long terme. À cet égard, 800 millions d’euros supplémentaires sont consacrés aux investissements de long terme, ce qui nous va bien.

Mais, cette fois, c’est pour le très court terme que je suis très inquiet. La fréquentation de la SNCF s’effondre : certaines lignes affichent un taux de remplissage de 15 %, l’offre des TGV a diminué de 70 %. La SNCF a annoncé qu’elle rembourserait les billets jusqu’au 4 janvier, ce qui représente un manque à gagner important. C’est tout un modèle économique qui est en train de s’écrouler. Les mesures prévues sont-elles suffisantes pour que notre fleuron national du ferroviaire réussisse à passer la crise sanitaire ?

Mme Frédérique Tuffnell. Vous relevez que la part du fret maritime est restée stable sur l’année qui vient de s’écouler, mais l’augmentation du trafic maritime prévisible restera-t-elle conforme au scénario antérieur ?

En ce qui concerne la décarbonation du secteur maritime, tant attendue, vous pointez plusieurs solutions, notamment la réduction de 10 % de la vitesse des navires, qui entraînerait une réduction de 20 % de la consommation de fioul lourd. C’est parfait, mais cela diminuera-t-il également le bruit dans les océans, dont les conséquences sont désastreuses pour les mammifères marins, déjà victimes de captures accidentelles ? Est-ce là un objectif que vous partagez ?

Par ailleurs, il faut soutenir le développement de la propulsion vélique. La France pourrait-elle devenir leader dans ce domaine ? Cela permettrait-il de soutenir le secteur des croisières, particulièrement touché par la crise ?

M. Jean-Luc Fugit. S’agissant du verdissement des flottes de véhicules, pour le transport collectif ou celui de marchandises, nous avions décidé, dans le cadre de la LOM, de ne pas privilégier telle ou telle technologie, les seules ennemies étant les énergies fossiles. Nous n’avons pas à choisir entre l’électricité, l’hydrogène ou le biogaz, et il faut encore moins opposer ces énergies entre elles. Dans le contexte actuel, y a-t-il des freins au verdissement des flottes qui nous empêcheraient d’atteindre les objectifs fixés, en particulier en matière de biogaz ?

M. Jean-Marc Zulesi. En tant qu’administrateur de l’AFITF, je m’interroge sur la pérennité des ressources de cette agence. Le confinement n’a pas aidé à les maintenir, dans la mesure où elles dépendent notamment du produit de la TICPE et des amendes forfaitaires radars. Ses ressources se sont raréfiées. Ne faut-il pas en prévoir de nouvelles à long terme ?

Par ailleurs, je souhaite alerter le Gouvernement, puisque je suis à l’origine de cette demande dans le cadre de la troisième loi de finances rectificative pour 2020, que nous attendons toujours le rapport évaluant les pertes de recettes de l’AFITF qu’il est censé remettre au Parlement, en vue de la préparation du projet de loi de finances pour 2021.

Mme Sophie Panonacle, rapporteure pour avis. On ne peut effectivement que se réjouir de la création d’un ministère de la mer. Nous travaillons étroitement avec la ministre. Pour l’heure, ce ministère partage son périmètre avec d’autres et a peu de compétences propres ; on peut espérer que cet état de fait évolue à moyen ou à long terme.

Le verdissement des navires dépend du mécanisme de suramortissement fiscal, pas du programme 205. La stabilité des crédits est sans rapport avec le ministère de la mer, car il s’agit de dépenses fiscales. Une moitié des crédits du programme 205 finance les dépenses contraintes du « netwage », l’autre moitié est consacrée au financement de l’enseignement maritime et des organismes en charge de la sécurité maritime. En résumé, une grande part du soutien de l’État au secteur maritime ne provient pas des crédits du programme 205. En revanche, dans le cadre du plan de relance, 200 millions d’euros ont été fléchés vers le verdissement des ports. Il s’agit de renforcer leur compétitivité tout en accomplissant une démarche exemplaire en matière de protection de l’environnement.

De façon générale, la transition écologique doit être le fil conducteur du développement économique du secteur maritime. Nous ne travaillons pas à trouver une solution unique au problème mais à faire évoluer le mix énergétique.

Le GNL est utilisé depuis plusieurs années ; il fait l’objet d’investissements de la part de grandes compagnies, telles que CMA-CG qui vient de prendre livraison du porte-conteneurs Champs Élysées. Toutefois, le GNL ne décarbone pas totalement le transport maritime et constitue une solution transitoire. La propulsion électrique et hybride, quant à elle, convient à de petits navires – on ne peut pas encore traverser l’océan Atlantique sur un navire électrique. La propulsion à hydrogène fait l’objet de recherches dont l’application est, là encore, limitée à quelques projets en matière de transport maritime et fluvial.

Je défends ardemment la propulsion vélique, dont la France est un leader mondial. De nombreux projets sont en cours de développement, qu’il faut absolument soutenir. Les démonstrateurs ne sont pas encore à l’eau, mais j’espère qu’une prorogation du suramortissement fiscal sera adoptée et permettra à ces jeunes entreprises de se développer. Ainsi, les équipes du projet Zéphyr & Borée travaillent sur un bateau à propulsion vélique qui transportera le lanceur Ariane 6. Le développement du vélique n’est pas pure théorie, il est alimenté par des projets très concrets. Citons également le voilier-cargo de la société TOWT, qui acheminera aux États-Unis des produits de marques françaises du secteur du luxe, ce qui sera assez emblématique.

Le développement de la stratégie nationale portuaire est bien avancé. Le plan de relance confirmera la possibilité de verdissement des ports, notamment grâce à l’électrification des quais. L’installation de bornes de quai permet de réduire la pollution de l’atmosphère. Le port de Marseille, où la pollution des gros navires est une nuisance pour les riverains, est souvent cité en exemple. Le développement de bornes de quai est très important pour Marseille, Bordeaux et les autres grands ports.

Il est vrai que nous sommes la deuxième zone économique exclusive (ZEE) mondiale grâce à nos outre-mer. Il s’agit de ne pas passer à côté, en veillant à y consacrer des investissements importants. J’ai organisé, il y a quelques semaines, un colloque national sur l’emploi maritime, où les outre-mer étaient représentés, notamment Mayotte, la Guadeloupe et Saint-Martin. De toute évidence, l’enseignement maritime dispensé dans l’hexagone doit être adapté aux réalités des territoires ultramarins ; quant à l’adaptation des métiers, elle doit être effectuée en lien étroit avec la transition écologique. Nous travaillons à développer l’enseignement de ces matières dans les lycées maritimes ou, pour les territoires ultramarins qui n’en ont pas, dans les lycées généraux.

La nécessité d’adopter une vision intégrée terre-mer est une évidence. On ne peut pas adopter deux approches distinctes de la terre et de la mer, entre lesquelles le littoral fait le lien. Nous menons ce travail dans le cadre du CNML, au sein duquel nous nous retrouvons régulièrement. La ministre de la mer est favorable à cette approche.

Le secteur des croisières est un sujet très sensible. En raison de la crise sanitaire, son modèle économique s’est effondré. On a pu parier sur des bateaux de taille plus restreinte, embarquant un nombre réduit de passagers, tels ceux de la Compagnie du Ponant. Toutefois, cette société n’a pas été épargnée par la crise que nous traversons : l’un de ses navires a récemment été immobilisé à quai en raison de plusieurs cas de coronavirus détectés à bord ; les passagers ont finalement pu débarquer. Il faut réinventer le modèle de la croisière. Comment ? Je n’ai pas la réponse à cette question. En tout état de cause, tant que la crise est là, il faut soutenir autant que faire se peut les armateurs concernés, dont l’activité est tombée à zéro.

En conclusion, je rappelle que la France fait preuve d’un engagement fort au sein de l’OMI ainsi qu’au niveau de l’Europe – mentionnons notamment le rapport récemment publié par la députée européenne Mme Karima Delli. Toutefois, cet engagement public ne peut se passer de celui des professionnels du secteur maritime, sur le modèle du partenariat public-privé. Je ne suis pas inquiète à ce sujet : les professionnels du secteur maritime sont engagés depuis longtemps dans le développement de l’économie, mais aussi dans la transition écologique. Nous travaillerons ensemble au développement de cette filière stratégique pour notre pays.

M. Damien Pichereau, rapporteur pour avis. Nous avons effectivement un devoir de vigilance au regard du verdissement des flottes comme des ressources financières de l’AFITF. Ce sont les engagements que nous avons pris dans le cadre de la LOM et nous avons l’obligation de les tenir.

L’AFITF a fait l’objet de nombreuses questions. Tout d’abord, on se demande, comme l’a fait son président en audition, si cette agence n’est pas victime d’une malédiction : chaque recette qui lui est affectée est victime d’un accident ! Après l’échec de l’écotaxe il y a quelques années, la taxe dite « Chirac », dont une part du produit lui revient, subit l’effondrement du trafic aérien. Néanmoins, l’année 2020 n’inspire aucune inquiétude, même en tenant compte des conséquences du reconfinement. Les projets ont été menés à leur terme et les financements sont assurés. Les besoins de financements complémentaires pour 2020 s’élèvent, pour l’heure, à 120 millions d’euros, qui pourraient être inscrits dans le quatrième projet de loi de finances rectificative pour 2020. Attendons de disposer du rapport évoqué par M. Jean-Marc Zulesi pour en avoir une vue complète. Nous avons interrogé la direction générale des infrastructures, des transports et de la mer et le Gouvernement sur sa parution, qui théoriquement ne devrait plus tarder. Nous avons hâte de le recevoir pour travailler sereinement à l’avenir de l’AFITF.

Il est clair, en tout cas, que nous devons engager une réflexion à ce sujet. Nous l’avons remise à plus tard lors de l’examen du projet de loi d’orientation des mobilités, mais il faudra bien, tôt ou tard, que nous nous posions la question de la pérennisation de l’AFITF. Cette agence fonctionne plutôt bien. Certains en ont regretté les frais de fonctionnement ; je tiens à dire, de façon très transparente, qu’ils s’élèvent à 700 000 euros par an, sur un budget de 3,9 milliards, soit 0,02 % du total, ce qui est très faible. Il faut doter cette agence de recettes pérennisées, au lieu de la servir en dernier du reliquat de recettes affectées.

Nous nous sommes, nous aussi, interrogés sur la hausse de 44 % du produit des amendes forfaitaires radars prévue par le Gouvernement. Nous avons questionné le ministre délégué aux transports et le ministère de l’intérieur. En début d’année, de nombreux radars étaient encore endommagés ; à présent, le parc de radars a été rétabli dans son état de fonctionnement classique. Ainsi s’explique cette hausse. Toutefois, nous demeurerons vigilants sur ce point, car ce chiffre me semble optimiste.

Les crédits consacrés au fret sont en hausse de 170 millions d’euros au sein du programme 203. En outre, le plan de relance prévoit des crédits attribués en priorité aux autoroutes ferroviaires et aux plateformes multimodales, afin d’améliorer la flexibilité et la rapidité en matière de fret ferroviaire. Un autre point n’est pas négligeable : la désoptimisation des travaux. Les opérateurs de fret ferroviaire font circuler la plupart de leurs trains la nuit, dont SNCF Réseau profite aussi pour effectuer ses travaux. Le trafic de fret s’en trouve considérablement entravé. L’alliance 4F (Fret ferroviaire français du futur) a formulé une proposition, qui devrait être retenue, visant à instaurer un système de désoptimisation : au lieu de fermer une ligne toute une nuit, l’opérateur travaillant pour SNCF Réseau la bloquera pour deux ou trois heures, ce qui permettra aux trains de circuler. De ce fait, la part modale du transport ferroviaire devrait pouvoir augmenter de 8 % à 16 % – tel est du moins l’objectif que nous espérons atteindre.

Quant aux aides à l’acquisition de véhicules hybrides rechargeables, les critères d’éligibilité sont fixés par voie réglementaire et les crédits afférents sont inscrits dans le programme 174, dont le rapporteur pour avis est M. Christophe Arend. Il est exact que le risque d’effet d’aubaine est assez élevé, notamment pour les véhicules puissants et généralement assez lourds. C’est une transition. Peut-être faut-il se demander pourquoi les conducteurs concernés ne rechargent pas leurs véhicules : est-ce volontaire ou par manque d’infrastructures de recharge ? Un plan ambitieux visant à déployer 100 000 bornes de recharge a été annoncé il y a quelques semaines, ce qui pourrait répondre en partie à la question. J’ai abordé le sujet avec plusieurs usagers : le rôle des infrastructures de recharge est essentiel, même pour les véhicules hybrides rechargeables.

Je suis tout à fait d’accord qu’il faut développer l’usage du bioGNV. Cette énergie de transition fonctionne très bien. En outre, elle est produite localement, dans nos territoires, dès à présent et non dans vingt ou trente ans. Quant à la faire adopter par nos constructeurs de véhicules légers, nous ne pouvons pas les obliger, par une politique interventionniste, à produire des véhicules au bioGNV. Ils font le choix, que l’on peut juger critiquable, de ne pas en produire ; peut-être pourrions-nous les auditionner pour aborder le sujet avec eux. Dans un rapport dont il est le co-auteur, intitulé L’agriculture face au défi de la production d’énergie, notre collègue M. Jean-Luc Fugit aborde cette question. Ce rapport a été salué par les acteurs concernés ainsi que par le Gouvernement. Nous y trouverons sans doute des propositions pour développer le bioGNV encore davantage et pour accroître le nombre de bornes d’avitaillement. J’espère que M. Jean-Luc Fugit le présentera sous peu.

Le plan de déploiement de l’hydrogène ne relève pas du programme 203. Pour vous répondre, la stratégie nationale pour le développement de l’hydrogène décarboné en France prévoit d’investir 7 milliards d’euros d’ici à 2030, dont 2 dès à présent, dans le cadre du plan de relance, en suivant trois priorités : décarboner la production d’hydrogène ; développer la propulsion à l’hydrogène en premier lieu pour les mobilités lourdes, ce qui permettra de hâter la décarbonation et le passage à l’hydrogène ; construire une filière française de l’hydrogène. Plusieurs régions sont passées aux actes, notamment pour développer le train à hydrogène, auquel je crois énormément – j’aurais d’ailleurs aimé que ma région des Pays de la Loire en fasse partie. Des discussions sont en cours à ce sujet ; les constructeurs de poids lourds développent des modèles.

Les véhicules à hydrogène sont éligibles au bonus écologique. Je ne conteste pas cette disposition, mais j’estime que les véhicules au bioGNV devraient l’être aussi. Quoi qu’il en soit, nous avons plusieurs atouts pour développer rapidement l’usage de l’hydrogène, notamment un financement de la recherche et développement sur les usages de demain. Un aspect du sujet me semble essentiel : le temps de recharge des véhicules à l’hydrogène. Plusieurs start-up françaises développent des batteries à recharge rapide. Le temps d’un chauffeur de poids lourd est précieux ; il ne peut pas se permettre d’attendre dix minutes. Ce travail, mené notamment par l’Automobile club de l’Ouest (ACO), créateur et organisateur des 24 heures du Mans, permettra de diviser le temps de recharge par trois.

La trajectoire budgétaire en matière de transport fluvial est effectivement plutôt satisfaisante, davantage même que ce que nous avons prévu dans le cadre de la LOM, ce qui est une bonne chose. Est-ce suffisant ? Les infrastructures et le budget ne sont pas seuls en cause, certains aspects relèvent des collectivités locales. Si l’on veut développer le transport fluvial, il faut disposer de plateformes logistiques adaptées et situées aux bons endroits. Or, à l’heure actuelle, les quais des centres-villes sont souvent perçus comme des lieux touristiques plutôt qu’économiques. J’ai évoqué cette question essentielle avec plusieurs élus locaux, notamment le président des Hauts-de-France. Les quais de nos fleuves doivent participer à optimiser la logistique du transport fluvial et pas uniquement le développement touristique.

Le transport se définit certes par une origine et une destination, mais entre les deux, il y a un vecteur, qui prend la forme d’infrastructures et de services. C’est ce dont nous débattons ce matin avec le programme 203 « Infrastructures et services de transport ». Sans vecteur, il n’y a pas de transport, aussi les observations de M. François-Michel Lambert sur le télétravail et l’aménagement du territoire me semblent-elles assez peu à propos ce matin. Que des réflexions sur l’aménagement du territoire soient nécessaires par ailleurs, c’est probable. Peut-être fallait-il en parler hier, lors de l’examen des crédits consacrés à l’aménagement du territoire.

Les infrastructures routières permettent de désenclaver nos territoires ruraux. Mon avis budgétaire sur le projet de loi de finances pour 2019 fait état des investissements considérables qui ont été réalisés au début du quinquennat dans ce domaine. Cette année, la trajectoire budgétaire des crédits concernés est stable, mais à un niveau élevé. En outre, le plan de relance prévoit 450 millions d’euros pour le désenclavement de nos territoires par la transformation des infrastructures routières, ventilés comme suit : 250 millions d’euros pour l’accélération des projets inscrits dans les contrats de plan État-région (CPER) ; 100 millions d’euros pour les ouvrages d’art de l’État et des collectivités locales, afin d’éviter un accident tel que celui survenu à Gênes ; 100 millions d’euros pour l’installation, sur nos axes routiers, de voies réservées au covoiturage ainsi qu’aux bus, et de voies cyclables.

Quant au décret de cession de certaines routes nationales caractérisées comme autoroutes, il reconduit des dispositions en vigueur, au sein d’un périmètre légèrement élargi, conformément à la LOM. Il ne s’agit pas de céder des routes nationales entières aux sociétés concessionnaires d’autoroute, tant s’en faut. Il s’agit, par exemple, de leur attribuer l’entretien d’une section de 100 mètres reliant un rond-point à une barrière de péage, qu’elles acceptent de prendre en charge. Il s’agit d’une mesure de bon sens.

La volonté de relancer le train de nuit est très ferme et mérite d’être saluée. Ce sujet a donné lieu à de longs débats en commission, lors de l’examen du projet de loi d’orientation des mobilités. Un engagement de 100 millions d’euros est annoncé, pour un travail sur deux axes : la remise en circulation des trains de nuit sur deux lignes où ils ont été arrêtés en 2017 – Paris-Nice à la fin de l’année 2021 et Paris-Tarbes en 2022 ; la remise en service du matériel de nuit, qui est pour l’heure au garage, et l’adaptation des infrastructures, notamment les gares. Les soixante et onze voitures qui n’ont pas circulé depuis 2017 doivent être modernisées, du point de vue de leur confort et de leur adéquation avec les lignes.

Plus précisément, le train de nuit Paris-Hendaye devrait emprunter la ligne Paris‑Tarbes, via Toulouse. Néanmoins, le Gouvernement, à travers la voix du ministre délégué aux transports M. Jean-Baptiste Djebbari, a demandé à la SNCF de mener une réflexion sur son tracé exact. J’ignore si le passage par Toulouse sera maintenu ou si ce train passera par Bordeaux et Dax. Ce que je sais, c’est que son tracé exact n’est pas encore défini, qui dépend sans doute de la demande. La SNCF travaille à l’évaluer. Pour l’heure, il serait envisagé d’ouvrir une liaison Paris-Tarbes, prolongée jusqu’à Hendaye en haute saison, mais la réflexion est toujours en cours. Je vous invite, monsieur Lionel Causse, à vous rapprocher de la SNCF, ce qui vous permettra également d’obtenir des précisions sur le calendrier et les modalités de l’ouverture de cette ligne.

Je partage les inquiétudes au sujet de la diminution du trafic TGV, notamment de sa répartition entre le TGV InOui et le TGV Ouigo, dont les usages sont bien distincts. Le premier supporte l’essentiel de la diminution du trafic ; le succès du second se confirme. Le changement de modèle économique est incontestable. Le développement du télétravail a des conséquences mitigées sur le nombre d’usagers réguliers du TGV. Quelles que soient les inquiétudes, l’État ne lâchera pas la SNCF, qui est une grande entreprise. J’ai beau être favorable à l’ouverture à la concurrence, j’estime que nous devons continuer à l’aider, ce que nous faisons avec la recapitalisation de 4,1 milliards d’euros, les 650 millions d’euros du plan de relance et les crédits du programme 203.

Le contexte actuel pourrait ralentir le verdissement des flottes des transporteurs de marchandises. Le mécanisme du suramortissement fiscal fonctionnait plutôt bien ; les entreprises commençaient à y recourir. Le problème, dans un contexte de fiscalité négative, est que le suramortissement devient inopérant. C’est pourquoi j’ai proposé de réfléchir à sa transformation en crédit d’impôt.

Je me réjouis que 100 millions d’euros soient consacrés à l’extension du bonus écologique et des aides à l’acquisition aux véhicules lourds propres. Je considère néanmoins que nous devons envisager notre neutralité technologique sous forme de mix énergétique. La propulsion électrique et la propulsion à l’hydrogène ne sont pas la panacée. En outre, elles en sont davantage au stade de l’expérimentation que du déploiement – on compte peu de camions électriques et de camions propulsés à l’hydrogène. J’estime que le Gouvernement doit faire porter une partie de l’effort sur les camions au bioGNV, dont le développement est encore insuffisant et doit être accéléré. Les 100 millions d’euros doivent aussi servir à cela.

Enfin, le retrofit des véhicules lourds se développe, notamment celui des bus, dont les moteurs diesel peuvent être remplacés assez rapidement par des moteurs électriques. La plupart des entreprises de ce secteur sont des start-up, ce qui pose problème dans le contexte de crise que nous connaissons. Nous devons être au rendez-vous. Nous finançons beaucoup les start-up dans le domaine du logiciel (software), mais nous avons plus de mal à financer les start-up œuvrant dans le domaine du matériel (hardware). Il faut leur donner un coup de pouce si nous voulons bâtir une filière susceptible d’être leader en Europe.

Mme Sophie Panonacle, rapporteure pour avis. Je reprends brièvement la parole pour évoquer un point de contact entre nos deux rapports : la charte d’engagement des acteurs des chaînes logistiques françaises, qui vient d’être signée. Les acteurs des chaînes logistiques et des filières maritime, portuaire, fluviale et ferroviaire françaises se sont engagés à répondre au trafic de marchandises, dans un souci permanent d’excellence opérationnelle et de compétitivité, et à mettre en place un outil de transparence sur leurs performances. Cette charte permet de mettre les acteurs en cohérence. Je vous engage à en prendre connaissance, chers collègues.

La commission émet un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Écologie, développement et mobilité durables ».


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   LISTE des personnes auditioNnées

(par ordre chronologique)

Table ronde sur la propulsion vélique

– Neoline

M. Jean Zanuttini, directeur général

– Zéphyr & Borée

M. Amaury Bolvin, co-fondateur

M. Nils Joyeux, CEO et co-fondateur

– Airseas

Mme Stéphanie Lesage, directrice des affaires juridiques et institutionnelles

– TOWT - Transport à la voile

M. Grégoire Théry, responsable affaires publiques et développement

– Computed Wing Sail

M. Julien Morel, président

– Association Wind-Ship (APTMD-IWSA)

M. Florent Violain, président

Armateurs de France

M. Jean-Emmanuel Sauvée, président d’Armateurs de France et président du conseil de surveillance de la compagnie du Ponant

M. Jean-Marc Lacave, délégué général d’Armateurs de France

M. Jean-Marc Roué, président de Brittany Ferries

M. Philippe Louis-Dreyfus, président du groupe Louis Dreyfus Armateurs

M. Jacques Gérault, conseiller institutionnel de CMA-CGM

Ministère de la mer - Direction des affaires maritimes

M. Thierry Coquil, directeur des affaires maritimes

M. Jean-Philippe Quitot, chef de la mission flotte de commerce

M. Nicolas Singellos, chef du bureau de la formation et de l’emploi maritimes de la sous-direction des gens de mer

Plateforme GNL carburant marin et fluvial

M. Thierry Chapuis, directeur général de l’association française du gaz (AFGaz)

M. Alain Giacosa, directeur de la plateforme GNL

CFDT marins

M. Thierry Le Guevel, secrétaire général UFM-FGTE

Mme Delphine de Franco, secrétaire générale adjointe UFM-CFDT

Cluster Maritime Français

M. Frédéric Moncany de Saint-Aignan, président

CFE-CGC MARINE

M. Pierre Maupoint de Vandeul, président du Syndicat CFE-CGC des personnels navigants

M. Jean-Emmanuel Crepin, président du Syndicat CFE-CGC des personnels sédentaires des compagnies de navigation

CGT Officiers et Marins

M. Pierrick Samson, secrétaire général de la Fédération nationale des syndicats maritimes FNSM CGT.

Jean-Philippe Chateil, secrétaire général de la Fédération des officiers de marine marchande UGICT CGT

Force ouvrière

M. Etienne Castillo, secrétaire fédéral en charge du transport maritime et portuaire

Fédération française des pilotes maritimes (FFPM)

M. Jean-Philippe Casanova, président

La Touline

M. Cédric Boissaye, président

M. Armel Le Strat, administrateur

M. Ganor Ginat, administrateur

Mme Anne Le Page, directrice

Service social maritime

M. Rémi Pain, directeur général

Mme Claude Rembaux, responsable régionale de la façade Sud

Mme Véronique Archange, travailleuse sociale

M. Matthias Guérin, travailleur social

Mme Danièle Guidon, travailleuse sociale

École nationale supérieure maritime (ENSM)

Mme Caroline Grégoire, directrice générale

M. Pierres-Yves le Corre, directeur général des services

M. Yann Vachias, directeur général adjoint

Centre européen de formation continue maritime (CEFCM)

M. Alain Pomes, directeur


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   liste des Contributions écrites reçues

 

Établissement national des invalides de la marine

 

Marine nationale


([1])  Hors fonds de concours et affectations de produits.

([2])  Hors fonds de concours et affectations de produits.

([3]) Hors fonds de concours et affectations de produits, qui devraient représenter 3 millions d’euros en 2021.

([4]) Recrutement et gestion des équipages, acquisition et maintenance des navires.

([5]) À Papeete et à Nouméa, les missions des CROSS sont exercées par les MRCC (Maritime Rescue Coordination Center) créés au sein des états-majors des forces armées de Polynésie française et de Nouvelle-Calédonie.

([6]) Hors fonds de concours et affectations de produits.

([7]) Hors fonds de concours et affectations de produits.

([8]) Source : direction des affaires maritimes – ministère de la mer.

([9]) Marins ayant embarqué au moins un jour au cours de l’année.

([10]) Marins employés au long cours, au cabotage et à la navigation côtière hors portuaire et hors plaisance professionnelle, sur les navires de tous tonnages sous pavillon français et divers pavillons étrangers.

([11]) Source : direction des affaires maritimes – ministère de la mer.

([12]) « Bleu budgétaire du programme 205 », p. 19.

([13]) Source : direction des affaires maritimes – ministère de la mer.

([14]) Source : Direction des affaires maritimes - ministère de la mer.

([15]) Organisation maritime internationale, Troisième étude sur les gaz à effet de serre - Résumé analytique, 2014, p. 1, p. 7 et p. 20.

([16]) Cette annexe est entrée en vigueur le 19 mai 2005.

([17]) Convention internationale pour la prévention de la pollution par les navires adoptée le 2 novembre 1973 à l’OMI dans le cadre de l’OMI (révisée en 1978 et 1997) et entrée en vigueur le 2 octobre 1983.

([18]) Emission Control Areas.

([19]) Organisation maritime internationale, Investigation of appropriate control measures (abatement technologies) to reduce black carbon emissions from international shipping, 2015, p. 7.

([20]) Organisation maritime internationale, Troisième étude sur les gaz à effet de serre - Résumé analytique, 2014, p. 12 et p. 14.

([21]) Jasper Faber, Thomas Huigen, Dagmar Nelissen, Regulating speed : a short-term measure to reduce maritime GHG emissions, CE Delft, 18 octobre 2017, disponible sur : https://cedelft.eu/en/publications/2024/regulating-speed-a-short-term-measure-to-reduce-maritime-ghg-emissions

([22]) La convention STCW (convention internationale sur les normes de formation des gens de mer, de délivrance des brevets et de veille) du 7 juillet 1978 traite des normes de formation des marins et de la délivrance de leurs brevets.

([23]) Il convient d’ajouter à ces centres trois écoles agréées situées en métropole qui perçoivent une subvention de l’État : l’école des pêches d’Île d’Yeu, l’école des formations maritimes du Littoral Vendéen des Sables d’Olonne et le lycée Bourcefranc, en Charente maritime.

([24]) FranceAgrimer, Prospective filière française de la pêche maritime, tome 1 : Représentation du système et scénarios, 21 mai 2018, p. 38.

([25]) Source : direction des affaires maritimes – ministère de la mer.

([26]) Cette formation forme à l’exercice des fonctions de lieutenant « pont ».

([27]) Cette formation permet d’exercer à la direction du service « machine », sur des navires de puissance inférieure à 8 000 kW et peut être poursuivie par une formation de chef mécanicien illimité.

([28]) Source : direction des affaires maritimes – ministère de la mer.

([29]) Cour des comptes, Rapport public 2018, t. 1, p. 356.

([30]) http://assnat.fr/FeQWQm