—  1  —

N° 3398

______

ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 7 octobre 2020.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DU DÉVELOPPEMENT DURABLE ET DE L’AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2021 (n° 3360)

TOME X

RECHERCHE ET
ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR

RECHERCHE DANS LES DOMAINES DU DÉVELOPPEMENT DURABLE, DE LA GESTION DES MILIEUX ET DES RESSOURCES

PAR M. Vincent DESCOEUR

Député

——

 

 Voir les numéros : 3360, 3399 (Tome III, annexe 33).


—  1  —

SOMMAIRE

___

Pages

INTRODUCTION

première partie : analyse budgétaire

I. SI L’ON S’EN TIENT à la mission « recherche et enseignement supérieur », LE projet de BUDGET pour 2021 Prévoit UNE REVALORISATION GLOBALE QUI CACHE néanmoins DES DISPARITés

A. DES programmes budgétaires différemment traités sans ciblage environnemental particulier

1. Le programme 172 est largement renforcé en lien avec une anticipation de la trajectoire prévue dans le projet de loi de programmation de la recherche

2. Un programme 190 stable, témoignant d’une prise de conscience relativement faible

3. Une diminution des crédits du programme 193 en lien avec l’actualisation de la dette française à l’Agence spatiale européenne

B. CERTAINS OPérateurs SONT DURABLEMENT fragilisés par la crise

1. Un impact global sur les organismes de recherche

2. Des impacts plus spécifiques sur les établissements publics à caractère industriel et commercial (EPIC)

II. DES crédits portés par la mission « plan de relance » financeront également différentes politiques de recherche dans le domaine du développement durable

A. Des ouvertures de crédits POUR LA RECHERCHE DANS LA MISSION « PLAN DE RELANCE »

B. UNE REMARQUE SUR LA LISIBILITé ET LE CARACTère conjoncturel de ces crédits

DEUXième partie : DES PRISES DE CONSCIENCE QUI PARAISSENT DIFFérenciées selon les domaines de recherche

I. LA RECHERCHE DANS LA PRévention des zoonoses : malgré une très grande réactivité au moment de la crise, UN regrettable manque de coordination et d’ambition sur le sujet

A. Pour réagir à l’urgence DE LA CRISE DU CORONAVIRUS, l’ensemble des acteurs DE LA RECHERCHE FRANçaise a été mobilisé très rapidement

1. Le lien entre les atteintes à l’environnement et la pandémie, très rapidement caractérisé, doit faire prendre conscience de la nécessité vitale d’une recherche accrue sur le sujet

2. Face à l’urgence, la recherche française a été au rendez-vous

B. à plus long terme, l’ABSENCE DE VISION D’ENSEMBLE ET DE STRATégie globale INQUIète

1. Une absence globale de suivi et de moyens fléchés

2. L’exemple de la maladie de Lyme est symbolique de cette absence de moyens

II. L’AMÉLIORATION DES PERFORMANCES ENVIRONNEMENTALES DE L’AÉRONAUTIQUE CIVILE : UNE STRATÉGIE CLAIRE AFFICHÉE et des moyens largement renforcÉs MÊME SI L’ENJEU DU MOYEN TERME SE POSE

A. le développement de « l’avion vert » devient CLAIREMENT une priorité ET VOIT SES MOYENS DÉDIÉS AUGMENTER

1. Le Gouvernement fait désormais de l’amélioration des performances environnementales de l’aéronautique civile une priorité

2. Les industriels, satisfaits, se mettent en ordre de marche

B. Néanmoins, IL CONVIENT DE RENFORCER LA LISIBILITé DU DISPOSITIF BUDGéTAIRE ET LA VISIBILITé de moyen terme pour les industriels

1. Là encore, la lisibilité du dispositif n’est pas optimale

2. Le soutien à la recherche dans l’amélioration des performances environnementales du secteur aérien ne peut s’arrêter après le plan de relance

EXAMEN EN COMMISSION

LISTE des personnes auditioNnées


—  1  —

   INTRODUCTION

Rechercher aujourd’hui, c’est pouvoir agir demain. Notre effort de recherche actuel constitue donc notre capacité d’action future. Cette évidence universelle et intemporelle se rappelle chaque jour à nous alors que nous affrontons une pandémie mondiale qui n’est rien d’autre qu’une zoonose.

Sans caricaturer en affirmant qu’une recherche plus forte et plus soutenue aurait permis de l’éviter, il est en revanche clair que cette crise doit permettre une prise de conscience de l’importance d’anticiper davantage. Son lien avec les atteintes à l’environnement, clairement caractérisé, montre combien il est indispensable d’améliorer notre connaissance des phénomènes à l’œuvre afin de les comprendre et de les anticiper pour mieux y répondre ou s’y adapter.

Comme pour tous les exercices budgétaires et dans tous les domaines, l’examen des crédits affectés à la mission « Recherche et enseignement supérieur » (MIRES) dans le projet de loi de finances (PLF) pour 2021 permet d’évaluer le rapport entre la parole et les actes.

Au sein de celle-ci, trois programmes sont particulièrement concernés par les problématiques environnementales : le 172 « Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires », le 190 « Recherche dans les domaines de l’énergie du développement et de la mobilité durables » et le 193 « Recherche spatiale ».

Les crédits demandés cumulés pour ces trois programmes atteignent 10,88 milliards d’euros en autorisations d’engagement (AE) et 10,56 milliards d’euros en crédits de paiement (CP) ([1]) dans le cadre du PLF 2021, à comparer aux 10,77 milliards d’euros en AE et 10,72 milliards d’euros en CP votés en loi de finances initiale (LFI) pour 2020 ([2]).

La comparaison de ces montants globaux n’apporte cependant pas grand-chose en soi. En effet, seule une analyse un peu plus poussée de chacun de ces programmes conduit à saluer un effort budgétaire conséquent pour la recherche pluridisciplinaire – notamment en lien avec l’anticipation de la future loi de programmation de la recherche ([3]) –  tout en laissant paraître une relative stagnation des crédits consacrés à la recherche dans les domaines du développement durable, de la gestion des milieux et des ressources.

Certes, le plan de relance constitue un deuxième effort important dans le domaine de la recherche et touche notamment des enjeux de développement durable. Il s’agit toutefois d’une action par essence conjoncturelle et dont l’absence de pérennité peut nuire à la réalisation concrète de certains projets annoncés. Par ailleurs, cette dispersion des crédits dessert leur indispensable lisibilité pour l’autorisation parlementaire et laisse apparaître des efforts en trompe-l’œil.

Le même constat en demi-teinte s’impose sur les deux sujets que votre rapporteur pour avis a souhaité analyser plus en détail. Il s’agissait d’étudier les moyens consacrés, d’une part, à la recherche dans la prévention des zoonoses avec une focale sur la maladie de Lyme et, d’autre part, à la recherche dans l’amélioration des performances environnementales de l’aéronautique civile.

Avant toute chose, sur ces deux sujets comme sur bien d’autres, votre rapporteur pour avis tient à souligner la grande qualité des opérateurs de recherche français dont il a pu constater, à l’occasion de leur audition, l’engagement et le mérite.

Toutefois, des limites apparaissent sur les deux sujets :

– concernant la recherche sur les zoonoses, l’effort budgétaire apparaît trop faible, a fortiori sur la maladie de Lyme. L’absence de coordination et de lisibilité des projets portés renforce par ailleurs cette insuffisance caractérisée ;

– si un effort budgétaire conséquent est en revanche entamé du côté de ce que l’on appelle couramment le développement de « l’avion vert », il constitue en réalité un rattrapage louable et substantiel sur le court terme mais qui ne suffira pas s’il n’est pas poursuivi à moyen terme.

*

*     *

Malgré les efforts consentis, sur lesquels votre rapporteur pour avis revient dans la première partie de cet avis, ces crédits ne témoignent pas d’une ambition suffisante en matière de développement durable. La faiblesse relative du financement public de la recherche sur les zoonoses témoigne particulièrement de ce manque d’anticipation dans un contexte qui devrait pourtant y inciter. Pour toutes ces raisons et pour exhorter à un meilleur ciblage sur la recherche environnementale, votre rapporteur pour avis émet un avis défavorable à l’adoption des crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur ».


—  1  —

   première partie : analyse budgétaire

Dans l’analyse budgétaire des crédits consacrés à la recherche dans le domaine du développement durable, l’honnêteté intellectuelle et politique doit conduire à distinguer les crédits portés par la mission « Recherche et enseignement supérieur » (MIRES) de ceux portés par la mission « Plan de relance ».

Si la saisine pour avis porte en effet sur les programmes 172, 190 et 193 de la MIRES, la singularité de ce projet de loi de finances (PLF) pour 2021 est que de nombreuses politiques publiques se voient également abondées par la mission « Plan de relance ». La recherche n’y fait pas exception et il faut en avoir conscience.

Pour autant, outre la critique que l’on peut faire à ce procédé sur le plan de la lisibilité ([4]), il est clair que l’avis à rendre, et surtout la réalité structurelle des efforts budgétaires, ne reposent que sur les crédits portés par la MIRES, la mission « Plan de relance » constituant un effet de conjoncture temporaire ([5]). C’est ainsi qu’il convient d’insister particulièrement sur les évolutions des crédits demandés pour les programmes 172, 190 et 193 de la MIRES (I) mais qu’il faut également évoquer brièvement l’effort porté par le plan de relance (II).

I.   SI L’ON S’EN TIENT à la mission « recherche et enseignement supérieur », LE projet de BUDGET pour 2021 Prévoit UNE REVALORISATION GLOBALE QUI CACHE néanmoins DES DISPARITés

A.   DES programmes budgétaires différemment traités sans ciblage environnemental particulier

1.   Le programme 172 est largement renforcé en lien avec une anticipation de la trajectoire prévue dans le projet de loi de programmation de la recherche

Le programme 172 « Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires » est le programme pilote de la recherche publique française. Son poids financier augmente très significativement puisque les crédits demandés pour 2021 s’élèvent à 7,32 milliards d’euros en AE (soit une progression de 5,10 % par rapport aux crédits ouverts en 2020) et à 7,16 milliards d’euros en CP (soit une progression de 3,20 %).

Cette progression des crédits de 355,29 millions d’euros en AE et 222 millions d’euros en CP est, pour une large partie ([6]), la déclinaison des mesures relevant de l’anticipation des engagements pris dans le cadre du projet de loi de programmation de la recherche ([7]).

Toutes les actions du programme sont en augmentation, témoignant d’un effort global et équilibré qui conjugue progression des moyens de fonctionnement et de pilotage, consolidation des capacités de financement des infrastructures de recherche nationales et internationales, renforcement de l’enveloppe destinée au financement de la recherche par appels à projets et soutien aux organismes de recherche.

Votre rapporteur pour avis n’estime pas utile, dans le cadre d’un travail centré sur les politiques de développement durable, de détailler toutes les actions du programme 172. Il tient toutefois à revenir sur trois évolutions importantes, toujours largement corrélées aux évolutions prévues par le projet de loi de programmation de la recherche :

– le financement de la recherche par appels à projets est conforté par une augmentation des moyens dédiés à l’Agence nationale de la recherche (ANR). L’action 2 du programme, qui porte sa subvention pour charges de service public (SCSP) au titre de ses dépenses de fonctionnement et surtout les crédits d’intervention au titre des appels à projets qu’elle organise, augmente de 158 millions d’euros en AE et de 34 millions d’euros en CP, soit une progression respective de 20,66 % et 4,74 %. Ainsi, en s’arrêtant uniquement sur les crédits inscrits dans la MIRES ([8]), la dotation 2021 de l’ANR portée par le programme 172 serait de 924,7 millions d’euros en AE et 773,03 millions d’euros en CP. Ce soutien budgétaire conséquent pourrait permettre de relever le taux de succès ([9]) à l’appel à projets générique (AAPG) de l’ANR à 23 % en 2021 contre environ 16 ou 17 % actuellement. Même s’il est difficile d’isoler la part de ces moyens consacrés à la recherche sur la thématique environnementale, qui intéresse particulièrement notre commission, les représentants de l’ANR ont affirmé à votre rapporteur pour avis lors de leur audition que les thématiques directement liées au développement durable et à la santé environnementale représentaient un financement global de 135 millions d’euros en 2019 (66,9 millions d’euros pour financer des projets visant le développement durable, la gestion des milieux et des ressources et la santé environnementale et 68,2 millions d’euros pour des projets visant la transition énergétique et les ressources minérales) ;

– le soutien aux organismes de recherche est également renforcé, ces derniers voyant leurs moyens augmenter de 120 millions d’euros ([10]) pour couvrir les mesures dédiées à l’attractivité de l’emploi scientifique et à de nouveaux recrutements ;

– les capacités de financement à destination des infrastructures de recherche internationales et nationales augmentent quant à elles de 49,70 millions d’euros en AE et 38,57 millions d’euros en CP ([11]).

Votre rapporteur pour avis tient également à s’arrêter spécifiquement sur les deux actions du programme 172 qui réunissent les thématiques suivies par le présent avis et intéressent tout particulièrement la Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire :

– l’action 17 « Recherches scientifiques et technologiques dans le domaine de l’énergie » connaît une augmentation puisque les crédits demandés sont de 815,62 millions d’euros en AE et 815,70 millions d’euros en CP, soit une progression de respectivement 6,90 % et 5,31 % par rapport aux crédits ouverts en LFI 2020 ;

– l’action 18 « Recherches scientifiques et technologiques dans le domaine de l’environnement » progresse également mais dans une moindre mesure, les crédits demandés pour 2021 étant de 1,14 milliard d’euros en AE et CP, soit une hausse de 1,06 % par rapport à la loi de finances initiale 2020.

Il convient toutefois de noter que les hausses inscrites sur ces actions correspondent principalement aux variations de financement prévues sur les organisations scientifiques internationales (OSI) et les très grandes infrastructures de recherche (TGIR). Ces hausses comprennent aussi les mesures évoquées ci‑dessus de traduction du projet de loi de programmation pluriannuelle de la recherche. Il est ainsi très difficile d’affirmer que ces hausses se traduiront par une recherche scientifique plus dynamique dans les domaines de l’environnement et de l’énergie.

2.   Un programme 190 stable, témoignant d’une prise de conscience relativement faible

Le programme 190 « Recherche dans les domaines de l’énergie, du développement et de la mobilité durables » est le programme le plus au cœur des missions de la Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire. La ministre concernée est d’ailleurs celle de la transition écologique et le responsable de programme le Commissaire général au développement durable.

Il constitue le fer de lance de la recherche dans les domaines de l’atténuation et de l’adaptation au changement climatique. C’est ainsi qu’il participe, selon la présentation stratégique du projet annuel de performances, de l’éclairage et de l’amélioration des politiques sectorielles orientées vers le développement durable : amélioration énergétique des bâtiments ; harmonisation des outils de planification en matière d’urbanisme et de gestion des territoires ; transports plus respectueux de l’environnement et répondant aux besoins en mobilité ; réduction des consommations d’énergie et de leur contenu en carbone ; développement des énergies renouvelables ; préservation de la biodiversité ; maîtrise des risques ; traitement des déchets ; enjeux de ville durable ; santé-environnement.

Aucune trajectoire pour le programme 190 n’est prévue par le projet de loi de programmation pluriannuelle de la recherche, contrairement aux deux autres programmes qui relèvent de cet avis. Loin de votre rapporteur pour avis l’idée d’en faire une polémique, les services du ministère de la transition écologique ayant bien indiqué lors de leur audition qu’il a été acté en interministériel que les organismes et les personnels des établissements d’enseignement supérieur et de recherche qui ne relèvent pas du MESRI bénéficieraient des mêmes dispositions.

Néanmoins, votre rapporteur pour avis invite notre commission à être vigilante à ce que l’absence de définition de trajectoire pour le programme 190 ne conduise pas celui-ci à devenir une variable d’ajustement de la MIRES. Cela serait naturellement éminemment problématique au regard de l’importance, de l’urgence et de l’actualité des enjeux de la recherche dans l’atténuation et l’adaptation au changement climatique.

Or, cette crainte n’est pas sans fondement. Ainsi, pour ce qui concerne les crédits demandés pour le programme 190 dans le cadre du PLF 2021, ils s’élèvent à 1,92 milliard d’euros en AE et 1,76 milliard d’euros en CP, soit une hausse de 7,32 % pour ce qui concerne les AE et une baisse de 0,19 % en CP par rapport aux crédits votés en loi de finances initiale 2020.

Toutefois, cette progression des crédits demandés pour ce programme est en trompe-l’œil, ce que permettent de repérer deux éléments :

– premièrement, la progression du programme 190 en AE est quasi exclusivement portée par l’action 14 « Recherche et développement dans le domaine de l’aéronautique civile », participant de la recherche dans l’amélioration de la performance environnementale de l’aviation ([12]). Cette progression est en réalité un trompe-l’œil puisqu’il s’agit de l’ouverture de 270 millions d’euros en AE qui ont vocation à être dépensés sur deux ans (2021 et 2022) à hauteur de 135 millions d’euros annuels, ce qui est le montant habituel depuis 2018 et qui correspond à une stagnation ([13]) ;

– surtout, compte tenu de l’ouverture de crédits intervenue sur cette même action lors du troisième collectif budgétaire ([14]), l’évolution réelle du programme 190 entre le budget 2020 (loi de finances initiale 2020 et loi de finances rectificative 3) et les crédits demandés pour 2021 correspond à une baisse, présentée dans le tableau ci-dessous.

COMPARAISON DES CRédits ouverts sur le programme 190 en 2020 (LFI puis lfr) et de ceux inscrits dans le plf 2021 (en euros)

 

Crédits ouverts LFI 2020

Crédits supplémentaires
ouverts LFR 3

Total des crédits ouverts en 2020 (LFI + LFR)

Crédits demandés dans le cadre du PLF 2021

AE

1 786 320 726

165 000 000

1 951 320 726

1 917 072 544

CP

1 761 730 045

85 000 000

1 846 730 045

1 758 371 121

Source : projet annuel de performance, annexe au PLF 2021.

Ainsi, alors que l’environnement devrait être un sujet de recherche d’autant plus fondamental en raison de la crise actuelle, force est de constater que l’évolution de ce programme 190 témoigne du contraire. Par ailleurs, cette stagnation du programme 190 n’est pas sans lien avec des difficultés rencontrées par des opérateurs inscrits sur ce programme, sur lesquelles votre rapporteur pour avis revient infra.

3.   Une diminution des crédits du programme 193 en lien avec l’actualisation de la dette française à l’Agence spatiale européenne

Le programme 193 « Recherche spatiale » porte la contribution de l’État français au financement des programmes et systèmes spatiaux dans un cadre largement européen.

Ce programme intéresse tout particulièrement les enjeux environnementaux puisque le spatial constitue un apport majeur pour l’étude et le suivi du changement climatique à travers l’observation de la Terre, de l’environnement et du climat qu’il permet. La place de la France dans le secteur spatial est ainsi indispensable au moins sur ce sujet, vingt-six des cinquante variables climatiques essentielles ([15]) ayant besoin d’observations spatiales pour être pertinentes.

Exemples d’apports du programme 193 à la recherche dans le domaine du développement durable

– L’action 2 du programme 193, « Développement de la technologie spatiale au service de l’observation de la Terre », contribue notamment au financement de deux programmes en coopération bilatérale, l’un sur la mesure du dioxyde de carbone avec le Royaume‑Uni (Microcarb), l’autre sur la mesure du méthane avec l’Allemagne (Merlin). Cette action finance également le programme « Copernicus » de surveillance mondiale pour l’environnement et la sécurité, mené par l’Agence spatiale européenne (ESA) et l’Union européenne. Ce programme a été récemment renforcé par la réunion au niveau ministériel du conseil de l’ESA qui s’est tenue à Séville les 27 et 28 novembre 2019, ce qui permettra le développement des prototypes des six futures missions Sentinel ([16]).

– L’action 7 finance la contribution française aux programmes développés par l’organisation européenne pour l’exploitation des satellites météorologiques (Eumetsat), qui développe une flotte de satellites météorologiques européens en orbite géostationnaire (Meteostat) et en orbite polaire (Metop et EPS).

– Par ailleurs, le financement du Centre national des études spatiales (CNES) peut être globalement considéré comme un investissement dans les domaines du développement durable tant ce dernier a pris, depuis le One Planet summit, le rôle de chef de file des agences spatiales sur cette thématique avec la proposition de développement d’un Space Climate Observatory visant à diffuser et utiliser les données spatiales au profit de l’environnement. Plus largement, une partie importante de l’action du CNES est tournée vers cet enjeu, notamment avec les projets évoqués ci-dessus.

Le programme 193 finance le Centre national d’études spatiales (CNES) mais surtout, pour une large partie, la participation de la France aux organisations scientifiques internationales (OSI) dans le domaine spatial. Ainsi, 70 % des crédits demandés dans le cadre du PLF 2021 financent les contributions françaises à l’Agence spatiale européenne (ESA) et à l’Organisation européenne de satellites météorologiques (EUMETSAT).

Les crédits demandés pour 2021 s’établissent à 1,64 milliard d’euros environ en AE et CP, ce qui représente une diminution de 19,08 % par rapport aux crédits ouverts en LFI pour 2020.

Cette diminution n’est toutefois pas critiquable selon votre rapporteur pour avis, pour plusieurs raisons :

– elle traduit notamment que la dette de financement neutralisée de l’ESA sera soldée à la fin de l’année 2020, conformément aux engagements de la France, maintes fois évoqués par les précédents rapporteurs pour avis sur ces crédits ([17]). La contribution française à l’ESA en 2021 sera ainsi d’environ 1,08 milliard d’euros (en diminution par rapport à la contribution de 2020, y compris hors dette), ce qui couvre les engagements sur les programmes en cours et ceux décidés lors de la dernière conférence ministérielle de novembre 2019 ;

– le financement du CNES augmente malgré une difficulté de lecture liée à des modifications dans les circuits de financement. Une part du financement tendanciel du CNES étant portée par la mission « Plan de relance » (voir infra), il conviendra d’être vigilant sur la pérennité de ceux-ci une fois cette mission disparue ;

– la contribution totale de la France aux programmes de satellites météorologiques développés par EUMETSAT augmente pour atteindre 71,81 millions d’euros contre 68,50 millions d’euros en LFI 2020, ce qui est une bonne nouvelle en termes de développement durable. Le programme 193 en porte la part principale de 69,01 millions d’euros, à laquelle il faut ajouter 2,80 millions d’euros pris en charge par Météo-France via le programme 159.

Si l’on ne prend pas en compte une mesure de transfert concernant la subvention pour charges de service public (SCSP) du CNES, la trajectoire du programme 193 retraitée du remboursement de la dette de l’ESA est bel et bien conforme à l’anticipation du projet de loi de programmation pluriannuelle de la recherche.

B.   CERTAINS OPérateurs SONT DURABLEMENT fragilisés par la crise

1.   Un impact global sur les organismes de recherche

Il convient tout d’abord de noter que la crise de la covid-19 a fortement et durablement affecté les organismes de recherche français. En gestion 2020, l’impact lié à la crise sanitaire entraîne d’ailleurs une demande de dégel de 69 millions d’euros.

Selon la direction générale de la recherche et de l’innovation (DGRI), l’impact financier global de la crise sur les opérateurs de recherche français se traduit notamment par un surcoût lié à la prolongation des contrats de recherche (doctorants et CDD) de l’ordre de 33 millions d’euros sur la période 2020-2022, dont 16 millions d’euros en 2021. Les prolongations de contrats CIFRE ([18]) représenteraient quant à elles 3,5 millions d’euros supplémentaires.

Selon des chiffres communiqués par la DGRI – qui invite toutefois à les prendre avec prudence à ce stade – les évaluations produites en septembre représentent pour les opérateurs de recherche une perte nette de 94 millions d’euros sur la période 2020-2022 avec un impact principalement attendu en 2021 qui présente le risque, si aucun dégel n’intervient en gestion, d’annuler les améliorations portées en lien avec la future loi de programmation pluriannuelle de la recherche.

2.   Des impacts plus spécifiques sur les établissements publics à caractère industriel et commercial (EPIC)

À la suite de cette crise, les organismes de recherche, notamment les EPIC ([19]) où le poids des ressources externes est très significatif, sont particulièrement touchés et voient leur budget fortement impacté par une perte de recettes due au ralentissement de l’activité.

Le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) anticipe par exemple des pertes d’exploitation liées à la période d’arrêt des activités d’environ 75 millions d’euros. Ces pertes sont certes partiellement compensées à court terme par la sous-exécution des dépenses d’investissement mais celles-ci seront toutefois à financer les années suivantes.

Une inquiétude particulière pour le CEA, signalée lors de l’audition de ses représentants, repose d’ailleurs sur « la mise à zéro » de sa SCSP au titre de la recherche duale, classiquement portée par le programme 191 « Recherche duale (civile et militaire) » de la MIRES, et transférée cette année dans la mission « Plan de relance ». Le CEA s’inquiète de la pérennité d’un tel financement alors qu’il est désormais porté par une mission qui a vocation à être temporaire et qu’il était en réduction depuis plusieurs années. Votre rapporteur pour avis partage cette inquiétude et ne comprend pas la logique de ce transfert temporaire qui s’ajoute aux difficultés de lisibilité sur lesquelles il revient infra.

Votre rapporteur pour avis tient toutefois à s’arrêter plus spécifiquement sur la situation de l’IFP Énergies nouvelles (IFPEN) qui l’inquiète plus particulièrement. L’audition de son président a permis de mettre en avant les difficultés connues par cet organisme, déjà présentées lors de précédents avis budgétaires ([20]). La SCSP de l’IFPEN est passée de 169 millions d’euros en 2010 à 120,5 millions d’euros en 2020, soit une diminution de près de 30 % en dix ans. Par ailleurs, depuis 2019, l’intégralité de sa subvention publique est réservée à ses travaux sur le développement de la mobilité durable et les nouvelles technologies de l’énergie (NTE). Afin de poursuivre ses indispensables recherches dans le domaine du pétrole (qui visent notamment à rendre l’exploitation pétrolière la plus « propre » possible) mais également afin d’orienter davantage de crédits que le montant de la SCSP à la recherche dans les NTE et la mobilité durable, l’établissement suit une politique de développement de ses ressources propres ([21]) qui représentent aujourd’hui plus de la moitié du financement de son budget.

Depuis plusieurs années, la baisse continue de sa dotation fragilise sa trésorerie. L’établissement parvenait jusqu’alors à atténuer ces difficultés par une gestion exemplaire en matière de frais de fonctionnement et de dépenses de personnel. Aujourd’hui, les difficultés se cumulent et les marges de manœuvre sont réduites. Avec la crise actuelle et le ralentissement économique qu’elle a induit, les ressources propres de l’établissement se tarissent et la situation est désormais critique. La trésorerie de l’IFPEN devrait ainsi passer de 31,7 millions d’euros début 2020 à 24,5 millions d’euros en clôture de l’exercice ([22]).

Pourtant, le montant de sa SCSP est prévu stagnant pour 2021. Dans ce contexte, le soutien apporté par l’État est pourtant déterminant. Il y aurait une forme de contradiction à ne pas aider un établissement qui fait davantage que ce qu’on lui demande en matière de transition écologique. Votre rapporteur pour avis appelle donc à soutenir l’établissement par une hausse de sa SCSP en 2021 et surtout à accélérer les négociations du contrat d’objectifs et de moyens (COM), actuellement en discussion, en s’engageant sur un soutien plus important de l’IFPEN en contrepartie d’une nouvelle accélération de sa réorientation vers les énergies nouvelles, déjà largement engagée.

Cette situation accroît la crainte de votre rapporteur pour avis devant l’analyse des crédits portés par les programmes 172, 190 et 193 : si le budget 2021 renforce globalement le financement public de la recherche, notamment au travers du programme 172, il ne sera pas suffisant à terme pour compenser les effets de la crise et ne repose pas sur un engagement spécifique de la recherche en matière d’environnement. La situation de l’IFPEN renforce votre rapporteur pour avis dans son sentiment d’une transformation regrettable, mais hélas vraisemblable, du programme 190 en variable d’ajustement d’affichages politiques de soutien à la recherche.

II.   DES crédits portés par la mission « plan de relance » financeront également différentes politiques de recherche dans le domaine du développement durable

A.   Des ouvertures de crédits POUR LA RECHERCHE DANS LA MISSION « PLAN DE RELANCE »

Différentes ouvertures de crédits dans la nouvelle mission budgétaire « Plan de relance » concernent le financement de projets spécifiques dans le secteur de la recherche, témoignant de la prise en compte de celui-ci par le Gouvernement dans la relance de l’économie.

Dans le cadre du nouveau programme 362 « Écologie », l’action 8 « Énergies et technologies vertes » prévoit notamment :

– des crédits pour financer un soutien au développement de la filière hydrogène vert à hauteur de 2 milliards d’euros en AE et 205 millions d’euros en CP pour 2021, qui comprend naturellement un soutien à la recherche et à l’innovation dans ce domaine (ces crédits seront complétés par les apports du PIA 4 qui mobilisera d’ailleurs des financements sur des stratégies d’investissements prioritaires pour la transition écologique) ;

– l’ouverture de 100 millions d’euros en AE et 70 millions d’euros en CP en 2021 de soutien à la recherche et au développement dans la filière nucléaire (soutien au développement du multi-recyclage du combustible dans des réacteurs à eau pressurisé (REP), création et rénovation de deux installations d’expérimentation du CEA, aide à la recherche et développement (R&D) sur des solutions innovantes de gestion des déchets radioactifs) ;

– l’ouverture de 930 millions d’euros en AE en 2021 et 2022 pour financer la recherche dans le domaine de l’aéronautique civile, complétant les 270 millions d’euros d’AE portés par le programme 190 de la MIRES en 2021 et 2022 et les 300 millions d’euros d’AE de 2020, pour atteindre au total 1,5 milliard d’euros.

Le programme 363 « Compétitivité » porte quant à lui une action 2 « Souveraineté technologique et résilience » qui comprend :

– une enveloppe de 300 millions d’euros en AE et 128 millions d’euros en CP destinée à favoriser la préservation de l’emploi en R&D avec un principe de passerelle entre les secteurs public et privé ([23]) ;

– un volet spatial à hauteur de 365 millions d’euros en AE et 200 millions d’euros en CP qui serviront partiellement à soutenir la recherche et l’innovation dans ce domaine ;

– 150 millions d’euros en AE et en CP dès 2021 pour financer la recherche duale comprenant 22 millions d’euros de SCSP pour le CEA et 38 millions d’euros de SCSP, ainsi que 90 millions d’euros de dotation en fonds propres, pour le CNES. Votre rapporteur pour avis s’arrête ici sur la démonstration d’un affichage purement politique et qui suscite l’interrogation quant à sa pertinence et son utilité : si l’on regarde uniquement la mission « Plan de relance », on peut avoir l’impression que le CEA et le CNES se voient dotés de respectivement 22 millions et 128 millions d’euros supplémentaires pour 2021. Or, il s’agit en réalité de mesures de transfert, les SCSP (et pour le CNES, également la dotation en fonds propres) du programme 191 portées par la MIRES pour la recherche duale étant de 0 pour 2021.

Enfin, le programme 364 « Cohésion » comprend une action 5 « Recherche » qui vise une accélération de la montée en charge des actions portées par l’ANR à hauteur de 428 millions d’euros en AE et 286 millions d’euros en CP.

Sans que la liste ici faite soit exhaustive, votre rapporteur pour avis se satisfait pleinement de cette prise en compte de la recherche dans le cadre du plan de relance. Toutefois, il est pour le moins interpellé par la très grande difficulté de lisibilité, celle-ci étant sacrifiée au profit d’un affichage politique.

B.   UNE REMARQUE SUR LA LISIBILITé ET LE CARACTère conjoncturel de ces crédits

Votre rapporteur pour avis souhaite souligner la grande difficulté pour comprendre les mécanismes de répartition des crédits de la relance entre la MIRES et la mission « Plan de relance ». Des crédits tendanciels, c’est-à-dire « habituels », sont inscrits dans la mission « Plan de relance » comme, par exemple, le financement de la recherche duale pour le CEA ou le CNES (voir supra), ce qui pose un réel problème. Inversement, les 1,5 milliard d’euros annoncés pour le secteur de l’aéronautique dans le cadre du plan de relance comprennent les 300 millions d’euros inscrits dans le programme 190 en 2020 et les 270 millions inscrits dans ce même programme en 2021 (pour 2021 et 2022), la mission « Plan de relance » ne portant que 930 millions d’euros.

Ces croisements sont vecteurs d’une grande complexité. C’est ainsi que votre rapporteur pour avis regrette que la bonne information des parlementaires ait été partiellement sacrifiée sur l’autel d’un affichage politique, malgré une volonté inverse exprimée dans la présentation stratégique de la mission « Plan de relance ». Le vote du budget de l’État n’est pourtant pas censé constituer une tribune de communication mais l’alpha et l’oméga du travail législatif et de contrôle du Parlement.

Par ailleurs, malgré un effort incontestable, il convient de rappeler que les crédits budgétaires portés par la mission « Plan de relance » sont éminemment conjoncturels et temporaires. Quelle aurait alors été la situation de la recherche française sans la crise de la covid-19 ? Surtout, quelle sera la situation de la recherche française demain, quand des économies budgétaires deviendront indispensables et que le Gouvernement pourra alors considérer que ce domaine a été largement « servi » ?

 


—  1  —

   DEUXième partie : DES PRISES DE CONSCIENCE QUI PARAISSENT DIFFérenciées selon les domaines de recherche

D’une manière générale, le budget 2021 est présenté comme un acte supplémentaire de la prise de conscience écologique gouvernementale. Dans bien des domaines, cet affichage se heurte à la réalité des faits qui, a minima, permet de le nuancer.

La recherche n’y fait pas exception. En effet, si la première partie de ce rapport a permis de mettre en exergue un effort budgétaire notable sur le programme 172, le défaut de fléchage environnemental précis de celui-ci et l’absence de revalorisation du programme 190 empêchent de qualifier d’« écologique » cet effort sur les crédits de la recherche.

Votre rapporteur pour avis a choisi de s’intéresser plus particulièrement à deux champs de recherche spécifiques dans le domaine de l’environnement : la prévention des zoonoses et l’amélioration des performances environnementales de l’aéronautique civile.

Pour ce qui concerne la recherche sur les zoonoses (I), votre rapporteur pour avis est pour le moins surpris de l’écart qui existe entre l’actualité criante du sujet et la faiblesse des moyens consacrés à la recherche dans ce domaine. Bien sûr, l’actualité immédiate ne doit pas toujours dicter le calendrier de la recherche, dont l’activité est naturellement orientée sur le long terme. Néanmoins, la crise du coronavirus a eu au moins le mérite de démontrer un certain retard dans la connaissance de ces phénomènes, pourtant appelés presque mécaniquement à se multiplier. Aux insuffisances de moyens s’ajoutent d’ailleurs une très grande illisibilité et un manque de coordination de ceux-ci.

Du côté de l’amélioration de la performance environnementale du secteur aérien (II), en revanche, les moyens sont là et votre rapporteur pour avis tient à le saluer. Toutefois, une très large partie étant contenue dans une mission budgétaire par essence temporaire, il apparaît nécessaire de s’assurer que le soutien public dans ce secteur se poursuivra suffisamment longtemps pour que les projets puissent se concrétiser.

I.   LA RECHERCHE DANS LA PRévention des zoonoses : malgré une très grande réactivité au moment de la crise, UN regrettable manque de coordination et d’ambition sur le sujet

A.   Pour réagir à l’urgence DE LA CRISE DU CORONAVIRUS, l’ensemble des acteurs DE LA RECHERCHE FRANçaise a été mobilisé très rapidement

1.   Le lien entre les atteintes à l’environnement et la pandémie, très rapidement caractérisé, doit faire prendre conscience de la nécessité vitale d’une recherche accrue sur le sujet

Définition d’une zoonose

Les zoonoses sont des maladies infectieuses ou parasitaires des animaux vertébrés domestiques ou sauvages, transmissibles à l’homme et inversement. Tous les types d’agents pathogènes peuvent les provoquer : virus, bactéries, parasites. L'importance sanitaire des zoonoses ne cesse de croître : 75 % des maladies infectieuses émergentes de l’homme sont des zoonoses.

Le terme zoonoses regroupe en réalité des maladies distinctes. Certaines affections touchent le système digestif (salmonellose, campylobactériose, etc.), d’autres le système respiratoire (grippe aviaire, syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS), covid-19, etc.), le foie (virus de l’hépatite E), le système nerveux (rage), ou encore plusieurs organes à la fois.

Les zoonoses se transmettent à l’homme par des contacts directs avec les animaux (par exemple dans le cas de la rage ou encore de la grippe aviaire) ou bien par l’intermédiaire de l’environnement (par les eaux ou les sols) ou d’aliments contaminés par l’animal et ses déjections (par exemple salmonelles, toxoplasme, ou encore vers parasite). Ces pathogènes peuvent ensuite se transmettre d’un individu infecté à un autre.

Plusieurs types d’activités professionnelles sont particulièrement concernés : élevages, commerces d’animaux (animaux d’élevage ou de compagnie), parcs zoologiques, abattoirs, travaux en forêt (bûcherons, gardes forestiers), équarrissage, métiers de l’environnement (collecte et traitement des eaux usées et des déchets, entretien des berges, des rivières et des canaux, douanes, taxidermie, etc.).

De nombreuses causes induisent l’émergence et la propagation des zoonoses, dont beaucoup sont en lien avec des atteintes à l’environnement : la croissance des populations humaine et animale, l’urbanisation, l'empiétement des activités humaines sur la faune sauvage et ses habitats (par exemple par le biais de la déforestation) et l’augmentation de la promiscuité entre les animaux et l’homme (par le biais de l’élevage intensif, par exemple).

Il existe également des changements de facteurs favorisant cette propagation comme le climat ou l’utilisation des terres, l’augmentation du nombre de voyages et la mondialisation, l’adaptation des microbes à de nouvelles espèces animales, la résistance des agents pathogènes aux antibiotiques ou leur échappement aux vaccins, ou encore les ruptures dans les infrastructures de santé.

Ce lien très clair entre les atteintes au développement durable et l’émergence et surtout la propagation des zoonoses, déjà présenté à la Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire lors d’une audition réalisée au cœur de la crise de la covid-19 ([24]), a été largement confirmé par tous les chercheurs interrogés sur la question.

Des données et des études transmises, à la suite de leur audition, par le Centre national de la recherche scientifique (CNRS) et par l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (INRAE) permettent d’éclairer le sujet. Le lien entre la perte de biodiversité et l’émergence de maladies infectieuses est en effet de plus en plus caractérisé et la pandémie de covid-19 a largement contribué à la réflexion et à la connaissance de ce sujet ([25]).

L’atteinte à la biodiversité est en effet directement responsable de la propagation de certaines épidémies. Pour l’expliquer, il faut prendre en compte le fait que plus la biodiversité animale est importante, plus la multiplicité des microbes susceptibles d’infecter l’être humain l’est également. Cependant, dans les écosystèmes diversifiés, les microbes circulent très peu en raison d’une régulation systémique et d’un effet de dilution de ces microbes qui n’infectent ainsi seulement que très peu d’espèces animales. L’homme a alors peu de chance d’être mis en contact avec un microbe qui infecte une espèce animale quand celle-ci est régulée au sein d’un écosystème complexe. Mais lorsque ces équilibres sont détruits, les microbes quittent leurs hôtes naturels et sont véhiculés plus largement par les premiers humains ou animaux domestiques avec lesquels ils entrent alors en contact. L’INRAE a notamment mis en avant l’exemple de l’épidémie mortelle induite par le virus Nipah en Malaisie à la fin des années 1990. La destruction des forêts avait alors entraîné le déplacement de chauves-souris vers des fermes et des installations humaines. Celles-ci sont ainsi entrées en contact avec des cochons domestiques qui ont été sensibles au virus qu’elles portaient et l’ont par suite transmis à l’être humain, lui-même hôte particulièrement sensible.

Sans que l’on ne sache précisément les causes de l’émergence de la pandémie mondiale actuelle, il apparaît que la réduction des habitats naturels des espèces sauvages et le commerce d’animaux sauvages ont pu provoquer la mise en contact entre des êtres humains et des animaux infectés.

Ainsi, la pandémie de covid-19 doit amener à orienter davantage la recherche en matière d’environnement pour deux raisons cumulatives :

– la recherche peut aider à limiter l’impact des activités humaines sur l’environnement et ainsi s’attaquer aux causes structurelles de l’émergence de ces zoonoses ;

– elle doit également permettre de développer des outils de diagnostic, de surveillance, d’évaluation et d’atténuation des risques, mais également le cas échéant de soins, afin de s’attaquer aux zoonoses elles-mêmes.

2.   Face à l’urgence, la recherche française a été au rendez-vous

Dès le début de la crise du coronavirus, la recherche française s’est mise en ordre de bataille, bien consciente du rôle qu’elle avait à jouer. Le 19 mars 2020, la ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation, Mme Frédérique Vidal, a annoncé la mise en place d’un fonds d’urgence pour financer dans un temps très court des actions de recherche liées à la crise sanitaire. Celui-ci a été doté de 50 millions d’euros par un dégel partiel de la réserve de précaution ([26]) du programme 172.

À ce stade, selon la DGRI, la consommation de ce fonds d’urgence en termes d’engagement est de 41,3 millions d’euros avec une prévision d’engagement à 49,6 millions d’euros d’ici la fin de l’année 2020.

Actions principales financées par le fonds d’urgence du MESRI

– une contribution de 1,75 million d’euros pour participer au fonctionnement du consortium REACTing ([27]), conduit par l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM), et au préfinancement de ses projets ;

– une contribution aux appels à projets « flash » de l’ANR (à hauteur de 8 millions d’euros sur les 20 millions d’euros mobilisés environ) et aux appels à projets « recherche‑action covid-19 » (6 millions d’euros actuellement) ;

– une contribution au financement de travaux de recherche relatifs aux vaccins (voir encadré infra) ;

– le financement de deux projets menés par l’INSERM de description et de compréhension de l’épidémie et de ses conséquences sanitaires et sociales (4,2 millions d’euros à ce stade) ;

– le financement de projets de court terme sur lesquels le Comité analyse recherche et expertise (CARE) ([28]) a rendu un avis positif (à ce stade 1,7 million d’euros pour 18 projets sélectionnés). Par exemple, 500 000 euros ont été versés à un projet détectant la charge virale dans les eaux usées d’un bassin de population ;

– en lien avec le projet évoqué ci-dessus, le MESRI a annoncé financer à hauteur de 3 millions d’euros une contribution visant à étendre le suivi en temps réel aux eaux usées de tout le territoire afin de développer un réseau de surveillance plus large ;

– un financement pour la « prime exceptionnelle covid » dans les organismes de recherche nationaux (4 millions d’euros) ;

– une contribution française de 1 million d’euros à l’appel EDTCP (« European and Developing countries Clinical Trials Partnership ») lancé le 3 avril 2020 ;

– le cofinancement de l’appel à projets « Covid-19 Sud » de l’Agence nationale de recherche sur le sida et les hépatites virales (ANRS) (1,2 million d’euros) ;

– le cofinancement de 1 million d’euros de l’appel à projets de la Région Grand Est nommé « Résilience Grand Est » (1 million d’euros supplémentaires provenant de la région) ainsi que le même mécanisme avec la région Hauts de France.

– le financement de projets du CNRS et de l’INRAE liés à la crise sanitaire (modélisation des épidémies, suivi social de la population française, chaîne rapide pour la mise au point de nouveaux antiviraux pour le CNRS, zoonoses pour l’INRAE) (2,9 millions d’euros à ce stade, pour 3,2 millions d’euros prévus in fine).

Source : Réponses écrites de la DGRI à votre rapporteur pour avis.

Au-delà de ces 50 millions d’euros spécifiquement dédiés, les organismes de recherche ont également affirmé, lors de leur audition, s’être mis en ordre de bataille en interne en redéployant partiellement leurs recherches. Votre rapporteur pour avis salue ces efforts.

Même si cela ne relève pas de cet avis budgétaire, il convient de noter qu’aux moyens déployés par le MESRI et les organismes de recherche s’ajoutent également les programmes de recherche clinique sur la covid-19 financés par le ministère des solidarités et de la santé sur son fonds d’urgence et le cofinancement avec le MESRI des projets de séroprévalence ([29]) de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) et de la plateforme vaccinale COVIREIVAC (voir encadré infra).

Concernant la recherche sur le vaccin justement, il est possible de faire un rapide état des lieux grâce aux informations transmises par la DGRI lors de son audition.

Où en sommes-nous du développement d’un vaccin en France ?
Le point fait à votre rapporteur pour avis par la DGRI

1. Candidat vaccin de l’Institut Pasteur

Le projet de vaccin développé par M. Frédéric Tangy à l’Institut Pasteur se place, selon la DGRI, parmi les projets vaccinaux les plus avancés à l’échelle internationale. Son développement n’a pas bénéficié d’une aide publique sur contrat de recherche, mais de financements propres de l’Institut Pasteur et d’un financement du CEPI (« Coalition for Epidemic Preparedness Innovations », Coalition pour les innovations en matière de préparation aux épidémies). Ce projet est entré en phase d’essai clinique en juillet en France (phase I ([30])). Une licence entre l’Institut Pasteur et l’entreprise Thémis/MSD et un protocole d’accord entre l’Institut Pasteur, Thémis/MSD et le CEPI ont été signés pour la conduite des essais de phases II et III et la production du vaccin à grande échelle. Cet accord garantit la mise à disposition du vaccin pour la France et l’Europe et la production de 20 millions de doses de vaccin en France si celui-ci est efficace.

2. Candidats vaccins académiques de seconde génération

Un groupe de travail de REACTing a été établi pour animer scientifiquement les projets de recherche amont sur les vaccins anti-SARS-CoV2 (vaccins de seconde génération). Le recensement effectué a permis d’identifier 26 projets à ce stade. Sur ces 26 projets, 16 ont donné lieu à des auditions et le CARE a proposé le financement de 3 projets à fort potentiel :

– vectorisation d’un antigène ARN ([31]) avec des nanoparticules du CEA-Leti (Laboratoire d’électronique et de technologie de l’information) ;

– vaccin nasal Bordetella Pertussis ([32]) recombinant de l’Institut Pasteur de Lille,

– vaccin visant les cellules dendritiques du Vaccine reseach institute (VRI).

Comme indiqué supra, chaque projet a été financé par le MESRI sur le fonds d’urgence à hauteur de 1 million d’euros pour la mise en œuvre de la partie préclinique. Le projet du VRI a de plus bénéficié d’un financement de 2,5 millions d’euros sur le fonds d’urgence pour initier auprès de l’entreprise Lonza le contrat d’achat du premier lot clinique nécessaire à la mise en œuvre des essais chez l’homme.

On trouve par ailleurs :

– le projet d’Osivax : le premier projet de la start-up Osivax a été retenu pour financement par BPI France dans le cadre de l’appel à projets PSPC (projets structurants pour la compétitivité) covid-19 pour un budget de 15,3 millions d’euros sur trois ans, mais aussi de l’appel à projets européen EIC Accelerator (accélérateur de soutien pour les petites et moyennes entreprises) pour un candidat vaccin pan-coronavirus construit sur le modèle du vaccin pan-grippal développé par la compagnie. Ce projet est à un stade très en amont et les essais cliniques ne démarreront que dans un an.

– le projet d’OSE Therapeutics : cette entreprise de biotechnologie française vient de publier des résultats précliniques sur un vaccin recombinant basé sur des antigéniques protéiques recombinants et optimisés et de déposer une candidature à l’appel à projets PSPC covid-19 de BPI France.

– le projet de Valneva : la société française Valneva développe également un projet de vaccin. Elle dispose de deux sites avec des laboratoires à haut niveau de sécurité pour la production du virus à Nantes et Vienne et pourrait en ouvrir un troisième en Ecosse. Les études précliniques seraient réalisées en interne et potentiellement avec l’infrastructure IDMIT (« Infectious Disease Models and Innovative Therapies ») du CEA pour la partie sur les primates non humains. L’essai de phase I pourrait être réalisé à partir de décembre 2020. La production reposerait d’abord sur la plateforme de production du vaccin IXIARO, contre l’encephalite japonaise, localisée en Ecosse, mais pourrait être élargie à d’autres sites de Valneva, en particulier en Suède (site de production du vaccin contre le choléra).

3. Plateforme d’essais vaccinaux COVIREIVAC

Le MESRI est également engagé dans la mise à l’échelle du réseau I-REIVAC ([33]) pour pouvoir accueillir plusieurs grands essais de phase III sur le territoire national.

Cette plateforme financée par le MESRI (3 millions d’euros) et le ministère des solidarités et de la santé (4 millions d’euros) sous l’égide de l’INSERM pourra accueillir plusieurs essais de phase I, II et III. Elle impliquera 25 centres d’investigation clinique (CIC) localisés dans des centres hospitaliers répartis dans toute la France.

Pour lancer rapidement les essais, il faut pouvoir anticiper le recrutement de sujets sains. Une campagne large de recrutement de volontaires sains, ciblant les populations qui seront visées par les essais, vient tout juste d’être lancée grâce à un site internet dédié. Un budget de 1,5 million d’euros supplémentaires est prévu sur le fonds d’urgence pour financer des essais vaccinaux académiques visant à comparer les réponses immunitaires induites par différents vaccins dans des populations à risques ciblées. Les contacts avec les industriels ont commencé.

Source : Réponses au questionnaire de la DGRI.

Alors, bien sûr, votre rapporteur pour avis salue cet engagement des organismes et cette mobilisation de financements supplémentaires, dont il faut néanmoins signaler qu’ils ont été récupérés sur la réserve de précaution. Par ailleurs – ce n’est pas le sujet ici et il est impossible de faire état dans cet avis de tout ce qui a été présenté lors des auditions – de nombreux autres projets de recherche ou d’analyse ont été lancés dans la lutte spécifique contre le covid-19 sous l’impulsion des différents organismes de recherche, au premier rang desquels l’INSERM, dont la réactivité et le pilotage dans le cadre de cette crise, décrite par son président‑directeur général lors de son audition, ont particulièrement impressionné votre rapporteur pour avis.

Il est clair que l’émergence du coronavirus a créé un « effet flash » sur la recherche en matière de santé environnementale en général et de zoonoses en particulier. Pour autant, au-delà de cet effet positif immédiat et centré – et c’est bien normal à ce stade – sur la covid-19, se pose la question du caractère robuste de cette recherche sur le long terme.

B.   à plus long terme, l’ABSENCE DE VISION D’ENSEMBLE ET DE STRATégie globale INQUIète

1.   Une absence globale de suivi et de moyens fléchés

Il serait faux de dire qu’aucun travail de recherche n’est mené sur les zoonoses en France en dehors de ceux lancés dans le cadre de la pandémie de covid‑19. Tous les organismes de recherche auditionnés ainsi que l’ANR ont pu présenter à votre rapporteur pour avis leurs actions :

 l’INSERM agit notamment à travers le consortium REACTing qui intervient sur toutes les émergences infectieuses, notamment zoonotiques. Son budget annuel est toutefois assez faible (500 000 euros) et, s’il peut être augmenté en période de crise, comme cela a été le cas grâce au fonds d’urgence évoqué ci‑dessus, la question pressante est celle de la pérennité des financements en période d’inter-crise, pourtant indispensable à une recherche au long cours et donc efficace ;

– l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) mène des programmes de recherche et développe des outils de diagnostic visant à permettre la détection et la surveillance des pathogènes zoonotiques, certains de ses laboratoires détenant un mandat de référence spécialement pour une zoonose. L’agence assure d’ailleurs la coordination du programme conjoint européen « One Health », évoqué dans un encadré infra.

– l’INRAE travaille particulièrement sur ces sujets en lien avec ses recherches sur les animaux (« protéger les animaux pour protéger l’humain »). Le ministère de la transition écologique a d’ailleurs signé en septembre 2020 un accord-cadre avec l’INRAE dans lequel le sujet « One Health » a été identifié comme un des neuf domaines d’intérêt partagé au niveau de l’activité de l’établissement ;

– au CNRS, une trentaine d’équipes travaillent sur des zoonoses afin d’analyser l’évolution des pathogènes chez l’hôte animal, les mécanismes d’entrée de ces pathogènes dans les cellules, les interactions entre l’hôte et le pathogène, la réponse immunitaire et le développement de vaccins. En 2011, un laboratoire spécifique dédié aux zoonoses parasitaires a d’ailleurs été créé sous l’impulsion du CNRS, le LabEx (laboratoire d’excellence) ParaFrap « Alliance française contre les maladies parasitaires » ;

– l’ANR a indiqué qu’elle avait financé, entre 2015 et 2020, pour 3,2 millions d’euros de projets sur la prévention des zoonoses, ce qui apparaît naturellement faible.

« One Health »

Née au cours des années 2000, l’approche « One Health, une seule santé » constate que la santé humaine est étroitement dépendante de la santé des animaux et de l’environnement et que les contaminants affectant la santé humaine, la santé animale et l’environnement (notamment par l’alimentation) sont intimement liés.

C’est dans ce contexte qu’a été créé le Programme conjoint européen (European Joint Program, EJP) « One Health ». Il contribue à renforcer les collaborations entre 39 instituts de recherche issus de 19 pays européens, dont 18 sont membres de l'UE.

Depuis la création du programme au 1er janvier 2018 et pour cinq ans, l’ANSES assure sa coordination. En France, les partenaires de l’EJP « One Health » sont l’ANSES, l’INRAE, l’Institut Pasteur et Santé publique France.

L’EJP a pour objectif l’harmonisation des méthodologies et des bases de données permettant l’acquisition de connaissances nouvelles, la prévention, la détection et le contrôle de maladies dans les domaines des zoonoses alimentaires, de l’antibiorésistance et des menaces zoonotiques émergentes.

L’EJP est construit selon un principe du cofinancement entre les instituts participants et l’Union européenne (« Horizon 2020 », programme européen de financement de la recherche et de l’innovation). Son budget global de 90 millions d’euros est financé par la Commission européenne et les États membres.

Tous les acteurs auditionnés ont toutefois insisté sur une absence totale de suivi spécifique des moyens consacrés aux travaux de recherche relatifs aux zoonoses. La DGRI a ainsi indiqué à votre rapporteur pour avis que « les budgets spécifiques consacrés aux zoonoses ne sont pas chiffrés », tout comme le Commissariat général au développement durable (CGDD) qui a affirmé ne pas disposer « d’un suivi spécifique sur le financement des travaux de recherche relatifs aux zoonoses ».

Sans incriminer les personnes auditionnées, votre rapporteur pour avis s’inquiète et critique fermement cette absence de suivi thématique. Certes, la recherche est pluridisciplinaire et fait appel à de multiples organismes ou établissements de recherche simultanément, mais cela ne devrait pas empêcher de connaître le niveau de l’effort français de recherche dans un sujet aussi primordial et émergent. À ce stade, il est ainsi extrêmement difficile d’évaluer cet effort ou même de cibler un opérateur « chef de file » en particulier. C’est évidemment très regrettable et fortement handicapant au moment où il s’agit de réorienter et renforcer la recherche dans ce domaine. Bien sûr, le lancement de davantage de projets de recherche en lien avec ce sujet est toujours possible mais sans connaître le point de départ et sans avoir un interlocuteur dédié, comment véritablement enclencher et surtout évaluer un tel renforcement ?

Votre rapporteur pour avis s’inquiète de ce manque de lisibilité qui traduit également l’absence d’une stratégie globale sur le sujet. Au regard de l’urgence sur laquelle beaucoup insistent depuis plusieurs années et que la crise actuelle a mis sur le devant de la scène, il apparaît nécessaire de renforcer les moyens et la coordination des travaux de recherche sur le sujet des zoonoses.

Si une priorité sur les questions concernant la covid-19 dans l’appel à projets générique de l’ANR est envisagée pour 2021, ce qu’il faut saluer si cela venait à être concrétisé, il conviendrait de faire de même pour la question plus large de la recherche sur les zoonoses. De ce point de vue, la mise en avant du nécessaire soutien aux problématiques liées aux pandémies dans le plan d’action pour 2021 de l’ANR peut constituer un premier pas.

Sur l’enjeu de la coordination, votre rapporteur pour avis est tout particulièrement intéressé par un projet que l’INSERM lui a présenté lors de son audition : la création d'une nouvelle agence qui regrouperait l'actuelle Agence nationale de recherche sur le sida et les hépatites virales (ANRS) et la cellule REACTing. Cela permettrait de disposer d’un interlocuteur unique chargé de coordonner toute la recherche sur les maladies infectieuses émergentes. Cette nouvelle agence pourrait ainsi suivre et coordonner l’ensemble des problématiques liées aux zoonoses, mais également agir immédiatement comme chef de file en cas de survenance épidémique, dans le cadre d’une approche intégrative autour du concept « One Health ». Cela a conduit l’INSERM à solliciter le doublement du budget actuel de l’ANRS (42,5 millions d’euros) pour couvrir les besoins sur le nouveau périmètre des maladies épidémiques émergentes. À ce stade, les documents budgétaires à la disposition des parlementaires ne laissent pas paraître une augmentation du budget pour ce faire, ce que votre rapporteur pour avis trouve très regrettable.

2.   L’exemple de la maladie de Lyme est symbolique de cette absence de moyens

La maladie de Lyme est l’exemple typique d’une zoonose dont la propagation se renforce : autrefois limitée à des professionnels travaillant en forêt, elle est désormais beaucoup plus étendue. La borréliose de Lyme connaît en effet une recrudescence en France depuis 2014 et qui semble s’accélérer. C’est ainsi qu’en 2018, le nombre de nouveaux cas diagnostiqués en France a dépassé les 67 000 ([34]) (contre environ 45 000 en 2017).

La maladie de Lyme

La borréliose de Lyme ou maladie de Lyme est une maladie infectieuse due à une bactérie du complexe Borrelia burgdorferi sensu lato transmise à l’être humain par morsure d’une tique infectée.

Les tiques sont des acariens prenant leur repas sanguin sur des animaux ; l’être humain est un hôte accidentel. Toutes les tiques ne sont pas porteuses de la bactérie Borrelia. Le pourcentage de tiques infectées en France varie de 0 à 20 % selon les régions et les saisons. Même infectée, une tique ne transmet pas forcément la bactérie. Et même si la bactérie est transmise, la personne piquée ne développe pas forcément la maladie. Plusieurs infections peuvent être transmises par les tiques en France en dehors de la borréliose de Lyme, comme l’encéphalite à tique.

Dans le cadre de l’enquête Baromètre Santé (Santé publique France, 2016), 35 % de la population métropolitaine déclarait n’avoir jamais entendu parler de la borréliose de Lyme. Par ailleurs, un quart de la population déclarait avoir déjà été piqué par une tique.

Pour autant, la maladie reste difficile à diagnostiquer. En effet, celle-ci peut évoluer en deux phases : réactions initiales, localisées ou disséminées, ou bien réactions tardives (après plus d’un an d’évolution). Quelques jours après la piqûre de tique, en cas d’infection, un érythème migrant (halo rouge caractéristique sur la peau) apparaît autour du point de piqûre et s’étend de façon circulaire. À ce stade, un traitement antibiotique permet d’enrayer la maladie. En l’absence de traitement, la maladie peut provoquer des atteintes cutanées, musculaires, neurologiques et articulaires pouvant être très invalidantes. Un traitement antibiotique existe, efficace s’il est administré rapidement, d’où l’importance d’un diagnostic rapide après une piqûre de tique.

Votre rapporteur pour avis, co-président du groupe d’études « Maladie de Lyme » à l’Assemblée nationale, est très engagé sur ce sujet. Il a ainsi souhaité s’intéresser à la recherche publique sur la maladie de Lyme, souvent plus largement contenue dans des travaux de recherche sur les « maladies vectorielles à tique (MVT) ».

L’INRAE est très actif dans la recherche sur les MVT qui implique six sites au total et des infrastructures dédiées comme un insectarium et un élevage de tiques. L’ANSES est également particulièrement mobilisée sur ce sujet, notamment à travers son rôle de tutelle d’une unité mixte de recherche : « BIPAR ». Elle a contribué à la rédaction du plan Lyme ([35]) et participe actuellement à son comité de pilotage. Ces deux organismes étudient à la fois les tiques et les agents pathogènes qu’elles transmettent afin de les identifier, de les caractériser et de lutter contre leurs effets nocifs.

Le CNRS et l’INSERM participent également plus ponctuellement à des travaux de recherche sur le sujet. L’INSERM mène notamment depuis 2017 des travaux retraçant l’histoire de la maladie et le vécu des patients (« Quali explo PIQTIQ »).

Il existe enfin des initiatives comme le projet participatif « CiTIQUE » qui, depuis 2017, vise à accumuler les informations sur la répartition géographique des piqûres de tiques et des pathogènes qu’elles transportent. Ces données doivent permettre de mieux évaluer les risques auxquels les citoyens et les animaux domestiques ou d’élevage sont exposés.

D’autres initiatives ont vocation non seulement à améliorer la prévention mais aussi le diagnostic des maladies vectorielles à tiques, comme le projet « OHTICKS » mené par l’INRAE et l’Institut Pasteur qui a mis en place une cohorte de suivi de personnes piquées par une tique et présentant différents symptômes.

Sans faire un état des lieux complets, votre rapporteur pour avis a ainsi pu avoir la confirmation, avec satisfaction, que des projets de recherche sont menés sur le sujet.

Toutefois, une analyse plus précise de l’organisation de la recherche et du niveau de financement dédié permet de démontrer une très grande insuffisance. Revenant sur les indications données par le comité de pilotage du plan de lutte contre les maladies vectorielles à tique, les organismes de recherche impliqués ont, pour la plupart, insisté sur le caractère disparate et hétérogène des projets, l’absence de ligne directrice et la faiblesse des financements. De ce point de vue, les projets en cours, recensés au 1er janvier 2020, s’élèvent à environ 6,1 millions d’euros répartis sur 45 projets. En dynamique, l’ANR a indiqué à votre rapporteur pour avis que 16 projets ont été financés par l’ANR depuis 2005, dont 4 depuis 2015 avec des budgets cumulés respectifs de 5,2 et 1,5 millions d’euros. Au-delà de la complexité, notamment induite par le croisement de ces chiffres, il est légitime et évident de constater que non seulement le montant global des projets financés est beaucoup trop faible mais qu’il se répartit majoritairement sur des projets de faible ampleur.

Ce montant de financement n’est pas seulement critiquable de par son faible niveau mais également en ce qu’il contredit les données opposées par la ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation à votre rapporteur pour avis au moment de l’examen du projet de loi de programmation de la recherche, où celle-ci avait indiqué un montant bien supérieur de 15 millions d’euros ([36]). Interrogés par votre rapporteur pour avis, les services de la DGRI lui ont indiqué que cette somme correspond à un calcul théorique des coûts complets (avec ajout des coûts de structure des laboratoires et des salaires des personnels permanents, par exemple) des projets financés par l’ANR entre 2005 et 2018 sur ce sujet. Votre rapporteur pour avis ne considère pas cette manière d’appréhender le financement de la recherche comme significative.

Ainsi, face à cette situation, votre rapporteur pour avis réitère ses demandes portées par amendement lors de l’examen du projet de loi de programmation de la recherche à l’Assemblée nationale : la création d’une agence spécifique chargée de coordonner la recherche sur les maladies vectorielles à tiques ([37]) et la mise en place d’un nouveau programme prioritaire de recherche (PPR) ([38]) sur les zoonoses et les maladies vectorielles à tiques ([39]).

Cette initiative est d’ailleurs notamment soutenue par l’INRAE qui a indiqué que « la définition d’un PPR centré sur la thématique de la maladie de Lyme permettrait un pilotage des initiatives des différents acteurs sur le sujet, qui peuvent apparaître dispersées et une identification des moyens consacrés » ([40]). Cela paraît indispensable alors qu’aucune amélioration spécifique du financement de cette recherche ne semble être envisagée de l’aveu général et que, comme l’a plus spécifiquement indiqué l’INSERM lors de son audition, la France a une opportunité d’être un élément moteur dans la recherche sur cette thématique car « elle possède une force de recherche, de surveillance et de base de données importante ». L’ANSES a également souligné un « besoin d’accentuer l’effort de financement de la recherche sur les tiques et les maladies à tiques, […] un effort nécessaire en termes d’harmonisation des pratiques de collecte de tiques, de détection et de caractérisation de leurs agents pathogènes ».

Il y a d’autant plus urgence que le réchauffement climatique étant un facteur favorisant le nombre de tiques, cette maladie est appelée à encore se développer davantage, ce qui devrait inciter à accélérer la recherche ([41]). Sur tous ces sujets, le manque d’anticipation est ainsi manifeste.

II.   L’AMÉLIORATION DES PERFORMANCES ENVIRONNEMENTALES DE L’AÉRONAUTIQUE CIVILE : UNE STRATÉGIE CLAIRE AFFICHÉE et des moyens largement renforcÉs MÊME SI L’ENJEU DU MOYEN TERME SE POSE

A.   le développement de « l’avion vert » devient CLAIREMENT une priorité ET VOIT SES MOYENS DÉDIÉS AUGMENTER

1.   Le Gouvernement fait désormais de l’amélioration des performances environnementales de l’aéronautique civile une priorité

L’impact environnemental du transport aérien n’est évidemment pas négligeable et nuit à la réputation de ce secteur d’activité porteur de croissance et de ce mode de transport indispensable au bon aménagement du territoire.

L’impact environnemental préoccupant du transport aérien

Au-delà de la crise sanitaire de la covid-19, l’aéronautique civile fait face à son impact sur le réchauffement climatique, sur l’effondrement de la biodiversité et la raréfaction des ressources naturelles, mais se voit aussi être l’une des premières victimes des conditions climatiques de plus en plus extrêmes.

En 2016, un rapport de l'Organisation internationale de l'aviation civile ([42]) (OACI, ICAO en anglais) a démontré que l'industrie aéronautique doit se préparer à affronter des perspectives de raréfaction et de renchérissement du kérosène d’origine fossile, mais surtout de graves dérèglements climatiques : la perturbation des températures mondiales aura une incidence sur la capacité de l'avion à voler (givrage, tempêtes de poussière, vagues de chaleur empêchant le décollage, etc.), tandis que l'élévation du niveau de la mer affectera les aéroports (25 % des aéroports les plus fréquentés de la planète sont situés sous les dix mètres au-dessus du niveau de la mer).

La part du secteur aéronautique dans les émissions mondiales de CO2 est de 2 à 3 % ([43]).

Sur les cinq dernières années, le trafic mondial a augmenté en moyenne de 6,8 % par an. Pour sa part, le trafic français a crû de 4,1 % par an sur la même période. Le fret constitue une part importante du transport aérien, mais sa croissance est plus faible que celle du trafic passager ([44]).

Pour un calcul agrégé, l'empreinte carbone d'un voyage en avion dépend de nombreux facteurs, dont la capacité de l'avion et son taux de remplissage. Si l'on considère le taux d'émission de CO2 par passager au kilomètre, l'avion est de loin le moyen de transport le plus polluant (285 g/km/passager de CO2 émis pour l’avion, contre 104 pour la voiture, 68 pour le bus et 14 pour le train, selon l’Agence européenne pour l’environnement) ([45]).

Face à ces constats, le choix doit être celui d’une amélioration résolue de la performance environnementale de l’aéronautique plutôt que celui de la critique voire du boycott.

En 2018 et 2019 ([46]), le soutien public à la recherche pour l’amélioration des performances environnementales de l’aéronautique civile, inscrit à l’action 14 du programme 190 de la MIRES et piloté par la direction générale de l’aviation civile (DGAC), s’élevait à 135 millions d’euros annuels ce qui, de l’aveu de tous les acteurs auditionnés sur cette question, était un montant très faible, surtout au regard des investissements de nos voisins européens.

À l’occasion du plan aéronautique annoncé le 9 juin 2020, le Gouvernement a indiqué vouloir renforcer le soutien à l’amélioration des performances environnementales de la filière et la commercialisation d’un futur aéronef zéro émission afin de décarboner l’aéronautique civile.

Pour cela, il est prévu de mobiliser 1,5 milliard d’euros d’aides publiques réparties sur trois années selon le détail suivant :

– en 2020, 300 millions d’euros en AE mobilisés sur l’action 14 du programme 190, puisqu’aux 135 millions d’euros d’AE ouverts en LFI 2020 se sont ajoutés 165 millions d’euros inscrits en loi de finances rectificative 3 ;

– en 2021 et 2022, 270 millions d’euros inscrits dès 2021 sur le programme 190, ce qui correspond à un maintien à 135 millions d’euros annuels sur ce programme ;

– en 2021 et 2022, 930 millions d’euros d’AE inscrits dans la mission « Plan de relance ».

Le respect du droit européen imposant que les subventions publiques ne dépassent pas 50 % du financement total d’un projet, l’effort financier privé sera au moins égal à celui de l’État. Selon les acteurs auditionnés, il est même probable que celui-ci soit supérieur. Pour Airbus, qui a annoncé récemment prévoir d’aboutir à un avion à hydrogène, neutre en carbone, en 2035, s’ajouteront les efforts financiers de nos partenaires européens.

2.   Les industriels, satisfaits, se mettent en ordre de marche

Il convient d’abord de noter que le plan de relance aéronautique a été préparé dans une démarche partenariale et que les aspects concernant la recherche ont été conçus en lien direct avec le Conseil pour la recherche aéronautique civile (CORAC), qui fédère depuis 2008 les acteurs de la filière aéronautique et du transport aérien français pour coordonner l’effort de recherche de ce secteur.

Des représentants de ce conseil étaient présents lors des auditions du Groupement des industries françaises d’aéronautiques (GIFAS) et du groupe Airbus organisées par votre rapporteur pour avis. Ces derniers ont unanimement salué un effort considérable de l’État qui va permettre une accélération de la décarbonation du secteur selon deux axes principaux, très bien présentés par les représentants d’Airbus et de Safran auditionnés : l’optimisation de l’énergie utilisée et le développement d’autres typologies de carburants que le kérosène.

Les technologies retenues par les industriels pour les aéronefs moyen-courrier

Selon les industriels, « la future génération d’avion court-moyen-courrier à l’horizon 2030-2035 reposera sur une propulsion thermique ultra-optimisée ». Dans ce cadre, plutôt que de développer la R&D de manière séquentielle (d'abord l'avion ultra-sobre, ensuite l'avion à hydrogène), les industriels – et notamment Safran et Airbus – vont se concentrer sur le développement d’un d’avion commercial à haute efficacité énergétique, se basant sur un tronc commun de moteurs à combustion. Celui-ci pourra fonctionner avec 100 % de carburants dits « durables » (carburant de synthèse, biocarburants durables ou encore hydrogène décarboné) et devra permettre un gain de consommation de 20 % par rapport à la génération précédente.

Pour ce faire, deux options complémentaires sont à l’étude :

– la première, d’ores et déjà accessible, se base sur le déploiement des carburants alternatifs durables. Elle repose sur la nécessité de constituer des infrastructures et suppose l’établissement d’un marché (ce qui nécessiterait, pour les industriels interrogés, des incitations). Cette option a l’avantage de s’appliquer y compris aux vols de longue distance ;

– la seconde, plus en rupture et limitée aux courts et moyens courriers, revient à exploiter la combustion d’hydrogène. L’« avion vert » pourrait ainsi, à terme, être un modèle propulsé à l’hydrogène décarboné. À ce titre, le Gouvernement prévoit de soutenir le projet « Hyperion », qui permettra de réaliser une évaluation préalable des risques d’un système propulsif à hydrogène, en associant les compétences de l’industrie aéronautique et de l’industrie spatiale (Safran/Ariane Group).

Lors de son audition par votre rapporteur pour avis, la DGAC est revenue plus largement sur les différentes innovations que va notamment permettre le plan de soutien, par des bonds technologiques dans toute la filière, résumés dans l’infographie infra :

– pour le moyen-courrier, le successeur de l’A320 selon les deux directions d’effort complémentaires évoquées ci-dessus : l’ultra-sobriété énergétique (gain de 30 % de consommation de carburant et capacité de 100 % de biocarburants) et le passage à l’hydrogène comme énergie primaire ;

– un nouvel appareil régional, soit ultra-sobre et hybride électrique, soit ultra-sobre et alimenté à l’hydrogène, qui entrerait en service vers 2030 ;

– un successeur de l’Écureuil, l’hélicoptère léger d’Airbus Helicopters, ultra-sobre sur le plan énergétique (baisse de 40 % de la consommation), capable d’hybridation électrique dans un premier temps, et fonctionnant à l’hydrogène dans un second temps ;

– de nouveaux appareils d’affaires, avec une capacité de 100 % de biocarburants et, à plus long terme, alimentés au moins partiellement à l’hydrogène ;

– l’optimisation des opérations aériennes et aéroportuaires (trajectoires des avions et gestion du trafic aérien) selon de nouveaux critères environnementaux dont les premiers ajouts, applicables à la flotte en service, pourraient être déployés avant 2025.

PROGRAMMATION DES INNOVATIONS TECHNOLOGIQUES
DE LA FILIère Aéronautique

C:\Users\ngirault\AppData\Local\Microsoft\Windows\INetCache\Content.Outlook\4WU5T6S2\image avion.png

Source : Direction générale de l’aviation civile (DGAC).

Face à tous ces projets qui paraissent concrets et réalisables à l’écoute des acteurs du secteur, votre rapporteur pour avis salue l’engagement de l’État et celui des industriels. Le développement de « l’avion vert », comme cet objectif est souvent un peu rapidement appelé, ne constitue plus une utopie mais paraît désormais à portée de main. Cependant, toutes les conditions ne sont pas encore remplies.

B.   Néanmoins, IL CONVIENT DE RENFORCER LA LISIBILITé DU DISPOSITIF BUDGéTAIRE ET LA VISIBILITé de moyen terme pour les industriels

1.   Là encore, la lisibilité du dispositif n’est pas optimale

Cette première limite est de moindre importance que la seconde car elle n’entame pas la potentielle réalisation, mais elle compte néanmoins. Comme déjà indiqué supra, votre rapporteur pour avis considère que la dilution des moyens entre différents programmes budgétaires pose problème pour la lisibilité démocratique de l’utilisation de l’argent public.

Au-delà de ce principe, cette dispersion des moyens portés par le plan de relance entre le programme 190 et la mission « Plan de relance » ne paraît pas poser de difficulté quant à la réalisation concrète des projets. La DGAC, en lien avec le CORAC, restera en effet pilote de la mise en œuvre des aides publiques ; elle a indiqué à votre rapporteur pour avis avoir demandé que les crédits portés sur ce sujet par la mission « Plan de relance » soient délégués en gestion sur le programme 190 afin d’assurer une unicité de la mise en œuvre contractuelle et financière du volet concernant la recherche du plan de relance de l’aéronautique.

Toutefois, votre rapporteur pour avis tient tout de même à souligner que ces difficultés de lecture peuvent laisser passer des éléments de langage contraires aux réalités. En effet, l’effort porté par le plan de relance de l’aéronautique n’est pas en lui-même de 1,5 milliard d’euros mais seulement de 1,1 milliard d’euros environ : 405 millions d’euros auraient de toute façon été inscrits au programme 190 sur trois ans.

2.   Le soutien à la recherche dans l’amélioration des performances environnementales du secteur aérien ne peut s’arrêter après le plan de relance

Il est évident que l’effort budgétaire actuellement présenté par le Gouvernement, s’il permet une accélération des projets, ne suffira pas. La question de l’après plan de relance, donc de l’après 2022, est clairement posée par les industriels.

En effet, les plans élaborés par ces derniers pour parvenir aux améliorations présentées supra ne le sont pas sur une période de trois ans à partir de 2020, mais bel et bien de quinze ans. Les industriels attendent bien évidemment de l’État un soutien supplémentaire sur le moyen terme et non exclusivement sur le court terme, comme l’ont indiqué lors de leurs auditions Airbus et le GIFAS. Un retour, dès le PLF pour 2023, à un soutien public de seulement 135 millions d’euros annuels obérerait toute possibilité d’atteindre les objectifs.

Trois phases peuvent en effet être isolées dans la mise en œuvre de projets de recherche de cette ampleur :

– une phase technologique qui concerne la recherche proprement dite, c’est-à-dire les études et le choix des matériaux ou encore du mode d’énergie utilisé, les grands choix technologiques devant être actés en 2025 ;

– une phase de pré-industrialisation qui permet de modéliser et d’estimer les nécessités industrielles pour la mise en œuvre du projet, phase qui sera lancée à partir de 2021 et complétée vers 2028 ;

– une phase d’industrialisation qui correspond au lancement du développement, atteinte à la fin de la décennie pour une entrée en service autour de 2035.

Un soutien public de cette ampleur, jusqu’à la fin de la phase technologique, paraît ainsi indispensable à votre rapporteur pour avis.

 


—  1  —

   EXAMEN EN COMMISSION

La commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a examiné, le mercredi 21 octobre 2020 matin, pour avis, sur le rapport de M. Vincent Descoeur, les crédits relatifs à la recherche dans les domaines du développement durable, de la gestion des milieux et des ressources de la mission « Recherche et enseignement supérieur ».

Mme la présidente Laurence Maillart-Méhaignerie. Je souhaite rendre hommage, au nom de notre commission, à M. Samuel Paty, professeur d’histoire‑géographie, assassiné le 16 octobre 2020 à Conflans-Sainte-Honorine pour avoir montré des caricatures et enseigné ce qu’était la liberté d’expression en France. C’est notre République qui a été touchée en plein cœur. Les enseignants sont le premier maillon de la chaîne de transmission des valeurs de la République. Ce drame nous rappelle qu’il faut plus que jamais soutenir les enseignants et l’ensemble de la communauté éducative dans ce travail de transmission et qu’il nous faut plus que jamais nous mobiliser toutes et tous dans ce combat pour la laïcité, la tolérance, le vivre-ensemble, contre l’obscurantisme et le fondamentalisme.

Nous en venons maintenant à nos travaux, avec l’examen, pour avis, des crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur ».

M. Vincent Descœur, rapporteur pour avis. Il me revient en tant que rapporteur pour avis d’effectuer une présentation synthétique des crédits consacrés à la recherche dans les domaines du développement durable, de la gestion des milieux et des ressources, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2021 (PLF 2021).

Il est inutile de rappeler devant cette commission que la recherche n’est pas un domaine comme les autres. Certains peuvent être tentés de la renvoyer au long terme, mais la crise sanitaire que nous vivons illustre combien les efforts de recherche que nous effectuons aujourd'hui conditionnent notre capacité à répondre aux crises de demain.

Les rapporteurs pour avis se succéderont et invoqueront, en particulier devant cette commission, la prise de conscience que doit constituer l’actuelle pandémie. Ils auront raison. Cette prise de conscience est d’autant plus urgente s’agissant de la recherche, dont les effets se feront sentir sur un temps long et dont les résultats peuvent contribuer à éviter ou à atténuer de futures crises.

Dans le cadre de ce travail, j’ai voulu, en sus de l’analyse budgétaire, m’intéresser tout particulièrement à deux sujets : d’une part, la recherche dans la prévention des zoonoses, et plus particulièrement de la maladie de Lyme ; d’autre part, l’amélioration des performances environnementales de l’aéronautique civile, avec notamment pour objectif le développement de ce que l’on appelle couramment « l’avion vert ».

Globalement, l’analyse est pour le moins mitigée. Je souhaite vous faire part de satisfactions, mais aussi – je le regrette – de nombreuses réserves. Je reviendrai d’abord sur les crédits accordés aux trois programmes de la mission « Recherche et enseignement supérieur » que couvre cet avis.

Le programme 172 « Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires » est le programme pilote de la recherche française. Il est largement revalorisé dans le cadre du projet de loi de programmation pluriannuelle de la recherche, ce qui mérite d’être salué. Une grande partie de ces nouveaux moyens sert le projet de montée en puissance de l’Agence nationale de la recherche (ANR), ce qui est une très bonne nouvelle mais introduit un enjeu de fléchage des crédits afin de s’assurer qu’une part conséquente de ceux-ci soit consacrée aux enjeux de développement durable.

Une analyse plus poussée du reste du programme permet toutefois de constater que la hausse des crédits bénéficie essentiellement au renforcement de capacités de financement des infrastructures de recherche et se traduit par une augmentation des dotations aux organismes de recherche – augmentation qui est principalement destinée à couvrir le coût des mesures salariales prévues par le projet de loi de programmation pluriannuelle de la recherche.

C’est ainsi, pour ce qui nous intéresse, que les progressions de crédits des actions 17 « Recherches scientifiques et technologiques dans le domaine de l’énergie » et 18 « Recherches scientifiques et technologiques dans le domaine de l’environnement » correspondent principalement aux variations que je viens d’évoquer. Il est donc difficile d’affirmer que ces augmentations de moyens se traduiront par une recherche scientifique plus dynamique dans les domaines de l’environnement et de l’énergie.

Bien plus critiquable est l’évolution prévue pour le programme 190 « Recherche dans les domaines de l’énergie, du développement et de la mobilité durables » – programme qui est, plus que les autres, au cœur des travaux de notre commission. Si le programme peut paraître revalorisé à première vue, cette progression est malheureusement en trompe-l’œil. Elle est en effet le résultat de l’ouverture de 270 millions d’euros d’autorisations d’engagement pour financer la recherche dans le domaine de l’aéronautique civile. Cette dotation en autorisations d’engagement, mobilisable sur deux ans, ne fait en réalité aucune différence avec la dotation habituelle de 135 millions d’euros annuels. Par ailleurs, cette dotation relève en réalité du plan de relance. Si l’on compare les crédits demandés dans le cadre du PLF 2021 à ceux ouverts en 2020, par la loi de finances initiale et par la loi de finances rectificative 3, nous constatons que ceux-ci évoluent à la baisse, tant en autorisations d’engagement qu’en crédits de paiement.

Il se pose par ailleurs la question de la lisibilité, ou plutôt de la difficulté de lecture des crédits cette année, en raison de la mission spécifique « Plan de relance ». Cette mission porte des crédits tendanciels, habituels – ce qui est absolument incompréhensible, voire insincère. À l’inverse, des crédits présentés comme des crédits de relance sont portés par d’autres programmes.

Si l’on fait abstraction de ces difficultés, je tiens toutefois à alerter notre commission sur le fait que ce programme 190 pourrait devenir une variable d’ajustement de la hausse consentie pour les autres programmes.

Enfin, le programme 193, « Recherche spatiale », sur lequel je me suis moins arrêté, voit ses crédits diminuer, mais pour une bonne raison, puisque conformément à ses engagements, la France aura soldé sa dette de financement de l’Agence spatiale européenne à la fin de l’année 2020, ce qui permet de diminuer les crédits de ce programme tout en revalorisant le financement du Centre national d’études spatiales (CNES).

Je souhaite évoquer rapidement la situation des opérateurs de recherche confrontés à la crise du coronavirus. D’une manière générale, la direction générale de la recherche et de l’innovation (DGRI) estime que la perte nette pour ces opérateurs s’élèvera à 94 millions d’euros pour la période 2020-2022, avec un très fort impact attendu en 2021. Il pourrait s’agir d’une « bombe à retardement ». En effet, cet impact pourrait venir annuler les améliorations portées par la future loi de programmation pluriannuelle de la recherche si rien n’est fait en termes de gestion. Nous devrons y être attentifs.

Par ailleurs, comme vous avez pu le lire dans l’avis, j’insiste plus particulièrement sur la situation des établissements dont la part des ressources propres dans le budget global est importante, pour la bonne raison qu’ils sont touchés par la baisse d’activité de leurs partenaires privés. À ce titre, la situation de l’IFP Énergies nouvelles (IFPEN) est critique. Je vous proposerai, par amendement, d’accompagner cet établissement.

J’en viens aux deux sujets sur lesquels j’ai souhaité plus particulièrement m’arrêter. S’agissant de la recherche dans la prévention des zoonoses, il convient en premier lieu de saluer la très grande réactivité aussi bien des autorités que des organismes de recherche, dès le début de la crise du coronavirus. En effet, un fonds d’urgence de 50 millions d’euros, financé par un dégel partiel de la réserve de précaution du programme 172, a été débloqué pour mettre en place des actions de recherche en réponse à cette crise sanitaire.

Toutefois, au-delà de cet « effet flash », tous les acteurs auditionnés ont insisté sur l’insuffisance notoire du suivi spécifique des moyens consacrés aux travaux de recherche relatifs aux zoonoses. Ainsi, il est impossible d’évaluer le niveau d’effort de recherche de notre pays sur ce sujet primordial. Ce manque de suivi et de lisibilité traduit, plus largement, une absence de stratégie globale sur le sujet.

L’exemple de la maladie de Lyme est très symbolique de cette absence de moyens et de suivi. Presque tous les organismes de recherche sont capables de citer des travaux sur le sujet et témoignent d’un engagement que nous savons sincère, mais le caractère disparate et hétérogène des projets apparaît clairement, tout comme l’absence de ligne directrice et la faiblesse des financements. Pourtant, l’enjeu est d’importance et le lien avec le réchauffement climatique manifeste, le nombre de morsures de tiques ne cessant d’augmenter, tout comme le nombre de malades recensés.

Je défends donc une hausse des crédits dédiés à cette recherche et un renforcement du suivi et de la coordination. Je soumettrai tout à l’heure à la commission deux amendements qui proposent d’augmenter les crédits de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) : le premier vise à lui donner les moyens spécifiques de financer la recherche sur la maladie de Lyme ; le second à accompagner son projet d’agence chargée de coordonner l’ensemble de la recherche sur les maladies infectieuses émergentes – projet soutenu par le ministère, mais qui à ce stade n’est pas financé par le PLF.

En ce qui concerne la recherche pour le développement d’un « avion vert », je tiens à saluer la stratégie affichée par le Gouvernement, qui dote la recherche aéronautique de moyens nouveaux en annonçant l’octroi de 1,5 milliard d’euros sur trois ans, même si cet affichage intègre des crédits tendanciels et que le réel effort supplémentaire avoisine 1,1 milliard d’euros.

À mes yeux, cet effort budgétaire relève en grande partie d’un rattrapage au regard de l’écart constaté entre les enjeux auxquels la filière fait face depuis des années sur cette question et la faiblesse des financements qui lui étaient jusqu’alors consacrés.

Je tiens également à vous faire partager mes craintes concernant la durabilité de ce soutien à la recherche et, partant, la visibilité pour les industriels. En effet, le soutien à cette filière ne peut pas et ne doit pas s’arrêter au lendemain du plan de relance. Le respect du calendrier affiché pour disposer d’un avion à « zéro émission » à horizon 2030 en dépend. La question de l’après-plan de relance, donc de l’après-2022, est clairement posée par les industriels. Pour tenir ces objectifs, le Gouvernement doit donc donner des garanties de soutien à moyen terme.

Malgré les efforts que j’ai soulignés, ces crédits dévolus à la recherche dans le domaine du développement durable ne témoignent pas d’une ambition suffisante. La faiblesse du financement public de la recherche sur les zoonoses ainsi que l’absence de coordination et de suivi témoignent du fait que les leçons de la crise n’ont pas été tirées. Pour ces raisons, mais également pour appeler à une prise de conscience, j’émets un avis défavorable à l’adoption des crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur ».

M. Jean-Luc Fugit. Dans leur globalité, les crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur » traduisent un fort réinvestissement dans la recherche. Entre 2020 et 2021, les crédits alloués à la recherche – hors plan de relance et hors PIA 4 (Programme d’investissements d’avenir) – progressent de 400 millions d’euros. Cette somme marque aussi une anticipation de l’application de la future loi de programmation de la recherche, récemment adoptée en première lecture à l’Assemblée nationale.

Le programme 172 « Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires » voit ses crédits progresser fortement. Nous nous réjouissons de cet acte de soutien budgétaire car ce programme est un instrument primordial dans le pilotage de notre système de recherche et d’innovation. La lecture du rapport de notre collègue M. Vincent Descoeur nous apprend qu’il n’est pas facile de mesurer avec précision les évolutions du soutien budgétaire aux recherches sur la thématique environnementale, même si je note avec satisfaction, par exemple, que l’action « Recherche dans le domaine de l’énergie » voit ses crédits augmenter de plus de 6 %.

Le programme 190 constitue un levier important de mise en œuvre de la transition écologique et énergétique. Il poursuit plusieurs objectifs visant à développer l’excellence de nos instituts de recherche. Ces crédits sont maintenus en 2021, mais nous devons être exigeants sur les ambitions réelles de ce programme.

S’agissant du programme 193 sur la recherche spatiale, les ajustements proposés sont cohérents avec l’engagement pris en novembre dernier, lors de la conférence européenne sur l’avenir de l’écosystème spatial européen. Notre commission doit être vigilante et s’opposer à toute baisse supplémentaire des crédits de ce programme, car le développement des applications satellitaires est de plus en plus nécessaire pour comprendre les évolutions climatiques, mesurer avec rigueur les émissions de CO2 dans chaque pays, accompagner nos agriculteurs vers la réduction de l’utilisation de produits phytosanitaires, ou encore optimiser la régulation de la mobilité ferroviaire et accompagner l’arrivée de véhicules autonomes.

Je voudrais évoquer enfin le cas d’IFP Énergies nouvelles, dont notre rapporteur pour avis a rappelé la fragilité de la situation financière. Je partage cette analyse et pense utile de soutenir l’amendement qu’il propose pour renforcer les crédits de cet institut.

M. Jean-Marie Sermier. Notre groupe est particulièrement sensible aux émissions de gaz à effet de serre et à la capacité que nous aurons de les réduire. Deux philosophies existent : soit nous entrons dans la décroissance, suivant un certain nombre de nos concitoyens, ce qui entraîne une baisse de la qualité de vie et de nos moyens, parce que nous ne croyons pas au progrès technique ; soit – et c’est la solution que nous préconisons – nous sommes dans une croissance « décarbonée », qui permet un maintien de notre niveau de vie.

Pour cela, il faut que la recherche avance ; il faut même mettre un effort significatif sur la recherche. J’entends bien que quelques millions d’euros supplémentaires sont proposés, mais nous ne sommes pas au niveau pour pouvoir assurer demain la qualité de vie des générations qui nous suivent. L’aéronautique civile a été citée. Vous savez qu’il existe des recherches absolument fondamentales sur ce que l’on appelle « l’avion vert », et notamment sur les biocarburants pouvant être utilisés dans les moteurs. Les motoristes mènent des recherches sur la qualité des moteurs. J’ai eu l’occasion de rencontrer les ouvriers de General Electric (GE) à Belfort en début de semaine. Ils attendent des crédits pour avancer plus fortement. Sur les tarmacs, il est possible que tous les roulants soient véhiculés par hydrogène. Tout cela contribue à baisser de façon significative le coût du CO2 dans le transport aéronautique.

De même, dans l’énergie, nous avons besoin de recherches sur le « petit nucléaire », très souvent délaissé, qui permettraient de disposer d’une alternative. L’avenir s’inscrit dès maintenant, à condition que nous soyons capables d’assurer la recherche de nouvelles technologies. C’est pour cela que nous donnerons un signe au Gouvernement en demandant plus de recherches pour un meilleur avenir.

Mme Aude Luquet. Cette citation d’Alexandre Dumas fils sera le fil conducteur de mon intervention : « Voir c’est savoir, et savoir c’est prévoir. » Nous partageons tous le même constat : notre planète est en souffrance. Nous en connaissons la cause principale : l’activité humaine. Vous avez d’ailleurs raison, monsieur le rapporteur pour avis, lorsque vous évoquez les zoonoses qui seraient une manifestation de la nature face à la pression de l’homme sur son environnement. Nous avons fait collectivement le choix de nous engager sur la voie de la transition écologique. La recherche en est un pilier fondamental car c’est elle qui nous permet non seulement de savoir, mais aussi de prévoir.

Ce sont des femmes et des hommes qui font vivre la recherche ; mais ce sont aussi des moyens financiers qui la nourrissent. Elle représente 2,2 % de notre produit intérieur brut (PIB), ce qui nous positionne à la treizième place pour la part allouée aux dépenses intérieures brutes en recherche et développement (R&D). C’est honorable, mais nous pouvons faire mieux. C’est l’ambition de la programmation pluriannuelle de la recherche, que nous avons récemment votée en première lecture, et celle du plan de relance dévoilé par le Gouvernement.

Deux mots doivent guider notre action : ambition et anticipation. Tout au long de votre rapport, vous mettez en avant, monsieur le rapporteur pour avis, la nécessité d’améliorer la lisibilité des financements de la recherche, et surtout de dessiner une vision sur le long terme, car la recherche demande des moyens pérennes. Je ne peux que partager cette volonté de travailler sur une trajectoire qui trace clairement la route que nous souhaitons emprunter.

En tant que rapporteure pour avis sur les crédits du programme 217 « Conduite et pilotage des politiques de l’écologie, du développement et de la mobilité durables », je suis allée à la rencontre des équipes dirigeantes et enseignantes, ainsi que des étudiants de l’École nationale des ponts et chaussées (ENPC) et de l’École nationale des travaux publics de l’État (ENTPE). J’ai pu y constater la passion et le foisonnement des bonnes volontés qui nourrissent l’excellence de la recherche française, mais j’ai aussi pu mesurer les difficultés financières face à une subvention pour charges de service public (SCSP) qui diminue chaque année au profit des ressources propres. Dans votre rapport, vous prenez pour exemple les établissements publics à caractère industriel et commercial (EPIC). C’est exactement la même chose pour ces deux écoles qui craignent de perdre non seulement de la SCSP mais aussi des ressources propres du fait de la crise que nous vivons, les entreprises réduisant leur participation. Plus que jamais, il nous faut renforcer le soutien à la recherche et s’assurer du maintien des financements.

Mme Chantal Jourdan. Au nom de mon groupe Socialistes et apparentés (SOC), je souhaite réagir sur l’économie générale des fonds alloués à ces programmes. Entre 2020 et 2021, nous constatons une baisse de 160 millions d’euros en crédits de paiement, ce qui n’est pas négligeable. Il est vrai que des fonds sont prévus dans le cadre du plan de relance, mais le signal envoyé à notre recherche est décevant lorsque les budgets diminuent. Nous sommes tous d’accord pour souligner l’importance centrale de la recherche afin d’affronter le défi climatique et préparer les énergies, les technologies et les techniques de demain. Mais d’autres États se sont déjà positionnés sur des secteurs de cette transition, ce qui fait courir à notre pays le risque d’une dépendance vis-à-vis de l’extérieur.

Le programme 172 « Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires », affiche une hausse globale, mais comme le rapporteur pour avis l’indique lui‑même, il est très difficile d’affirmer que ces hausses se traduiront par une recherche scientifique plus dynamique dans les domaines de l’environnement et de l’énergie, du fait même de la nature organisationnelle de la répartition des fonds.

Le programme 190 « Recherches dans les domaines de l’énergie, du développement et de la mobilité durables » illustre également ce manque d’ambition, puisque les crédits de paiement baissent très légèrement. Cela envoie un message négatif à la recherche, alors que notre rapporteur pour avis qualifie ce programme de « fer de lance » de la recherche dans les domaines de l’atténuation et de l’adaptation aux changements climatiques. Nous avons donc de réelles craintes sur l’ambition affichée qui devrait être actée maintenant.

Enfin, nous tenons à souligner les risques qui pèsent sur les différents opérateurs, et notamment l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES), dont les crédits de fonctionnement restent identiques pour la part qui concerne ce programme. Nous avons pourtant évoqué le travail de fond que produit cette agence, notamment quand nous avons débattu de la réautorisation des néonicotinoïdes. Comme l’a signalé notre rapporteur pour avis, l’ANSES devrait connaître un net recul de ses ressources sous l’effet de la crise sanitaire et de la contraction des recettes fiscales affectées. En résumé, les crédits ne nous semblent pas à la hauteur des besoins et des ambitions affichées.

M. Paul-André Colombani. Je voudrais formuler tout d’abord quelques remarques sur notre système de recherche et sur le projet de loi de programmation pluriannuelle de la recherche. Force est de constater que l’effort de recherche est largement insuffisant. Avec 2,16 % du PIB consacrés à la recherche, la France est loin d’atteindre l’objectif de 3 % qui a été fixé au niveau communautaire. Si le groupe Libertés et Territoires (LT) salue l’effort budgétaire annoncé dans le projet de loi de programmation pluriannuelle de la recherche, il regrette néanmoins que la montée en charge soit insuffisante et surtout étalée sur trois quinquennats. Nous craignons également que l’effort de revalorisation des carrières soit insuffisant pour aligner la rémunération des chercheurs français avec celle de leurs homologues européens.

Enfin, le choix de privilégier le financement par appels à projets ne nous semble pas compatible avec l’objectif que nous devrions viser, à savoir l’investissement dans des temps longs et déconnecté des agendas politiques.

Concernant plus spécifiquement la recherche dans le domaine du développement durable, de la gestion des milieux et des ressources, les principaux crédits se trouvent dans le programme 190. Le Gouvernement affiche sa volonté de prioriser la transition environnementale dans son plan de relance. Je m’étonne cependant que les crédits alloués à la recherche en la matière restent stables. Je m’étonne également qu’une grande partie de ce programme soit allouée à la recherche dans le domaine de l’énergie nucléaire, qui joue certes un rôle important dans la neutralité carbone, mais qui n’est pas une énergie renouvelable.

J’en viens enfin au financement de l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (INRAE). Alors que nous avions longuement débattu à l’occasion du projet de loi relatif aux conditions de la mise sur le marché de certains produits phytosanitaires et de la nécessité d’accompagner la recherche alternative aux néonicotinoïdes, et plus globalement aux pesticides, il est inquiétant que cette priorité ne se traduise pas dans les crédits de cette mission.

M. Guy Bricout. La crise que nous traversons est directement liée – et c’est d’ailleurs ce que vous rappelez au début de votre rapport, cher collègue et rapporteur pour avis – aux atteintes à notre biodiversité qui ont multiplié les zoonoses. D’ailleurs, les chercheurs nous alertent depuis de nombreuses années sur les liens étroits entre crise environnementale et crise sanitaire.

Nous ne pouvons que nous féliciter de certains points particulièrement positifs de ce budget : l’accent mis sur le développement, pendant la prochaine décennie, de « l’avion vert » ; la part accordée dans le PLF 2021 à la prévention des risques, autre domaine particulièrement sensible ces dernières années ; l’augmentation du budget de l’ANR ; la large part accordée à la filière hydrogène ; et la place accordée à la recherche en matière de mobilité durable et d’amélioration des performances énergétiques de nos bâtiments. Néanmoins, nous devons rester particulièrement prudents par rapport à ce budget et vigilants sur certains points. Tout d’abord, ce budget souffre d’un manque de lisibilité en raison de transferts vers le plan de relance. Ce plan de relance, prévu pour deux ans, ne permet pas de se projeter suffisamment ni d’instaurer une politique de long terme pourtant indispensable. Quid de l’après-2022 ? J’aurais voulu parler des néonicotinoïdes, mais cela a été fait.

Au vu de ces catastrophes climatiques, sanitaires et sociales qui se multiplient, nous devons à nos concitoyens l’information la plus complète et la plus accessible, car quand ils sont inondés d’informations, ils ont du mal à faire la part des choses. L’heure est donc plus que jamais à apporter à nos établissements de recherche des financements à la hauteur des enjeux.

M. Vincent Descœur, rapporteur pour avis. J’ai bien noté avec satisfaction l’augmentation des moyens de l’ANR, dont je précise dans le rapport que l’objectif affiché est d’augmenter le taux de succès à 23 %, contre 16 % actuellement. Ceci dit, force est de constater – et je le regrette – que c’est le programme 190, celui qui est au cœur des missions de notre commission, qui est le parent pauvre de ce projet de loi de finances. La baisse des crédits de paiement a été évoquée. Si l’on compare les crédits proposés pour 2021 à ceux réellement ouverts en 2020 (loi de finances initiale et loi de finances rectificative 3), ce sont les crédits de paiement mais aussi les autorisations d’engagement qui s’affichent à la baisse. C’est d’ailleurs l’un des points de fragilité identifiés par le rapport.

Je remercie M. Jean-Luc Fugit de son soutien visant à remédier à la situation de l’IFPEN, ancien Institut français du pétrole ouvert aujourd'hui aux énergies nouvelles. Cet organisme est confronté à une diminution des recettes extérieures, des partenariats privés, et se trouve de ce fait dans une situation critique, avec une trésorerie qui se dégrade. L’amendement que je propose vise justement à lui redonner des moyens à la hauteur de cette dégradation.

M  Jean-Marie Sermier a rappelé l’intérêt d’une croissance « décarbonée ». Le passage sur le projet de développement d’un avion « zéro émission » éclaire parfaitement cette priorité, le développement des biocarburants constituant un vrai sujet. Nous avons pu mesurer le vrai engagement de la filière, qu’il s’agisse du Conseil pour la recherche aéronautique civile (CORAC) qui fédère les acteurs, mais aussi des industriels que nous avons auditionnés, en l’occurrence Airbus et Safran. Il existe une vraie volonté d’aboutir, un optimisme sur la capacité à aller vers cette aviation « décarbonée ». Le montant de 1,5 milliard d’euros qui s’accompagne de crédits privés émanant des industriels et s’élevant à un montant au moins équivalent, est essentiellement libéré par le plan de relance. La question de l’après-2022 se posera donc très clairement.

Mme Aude Luquet a évoqué à juste titre les zoonoses. La question qui se pose, je le rappelle, est celle de la lisibilité, et de fait, d’une trajectoire bien établie, étant rappelé que c’est le programme 190 qui pâtit le plus puisqu’aucune trajectoire arrêtée ne lui correspond.

Le sujet des subventions pour charges de service public a également été évoqué. J’ai parlé des EPIC, et Mme Aude Luquet a mentionné deux écoles, où les mêmes causes produisent les mêmes effets, c'est-à-dire que la diminution des crédits provenant de partenaires privés pose la question de la capacité à augmenter ces subventions pour passer le temps de la crise. Cela s’inscrit tout à fait dans l’esprit des remarques que je faisais.

M. Paul-André Colombani a évoqué les limites des appels à projets. La question des limites ne se poserait pas si une lisibilité était bien affichée dans un certain nombre de domaines. C’est un point que j’ai noté dans mon rapport : lorsque l’on augmente les crédits de l’ANR – et je le redis de manière très objective et appuyée : c’est une bonne nouvelle –, la question qui se pose à notre commission est de savoir quelle part sera dévolue au développement durable. Si ces objectifs étaient affichés clairement, nous pourrions espérer que l’augmentation des crédits de l’ANR profite à la problématique qui nous intéresse le plus.

Parmi les satisfecit dont il a pris note dans ce budget, M. Guy Bricout a relevé la question de l’hydrogène. Je l’ai abordée dans mon rapport mais pas dans mon propos. L’hydrogène vert est bénéficiaire de crédits de recherche dans le plan de relance (2 milliards d’euros), ce qui pose la question des moyens qui seront dégagés demain pour accompagner durablement cette recherche. L’IFPEN, dont la situation critique a été pointée du doigt, est très engagé dans ces recherches – d’où l’amendement qui sera proposé à l’issue de cet échange.

Mme Danielle Brulebois. Vous avez parlé, monsieur le rapporteur pour avis, de partenariats privés. Quelles sont leurs relations avec le crédit d’impôt recherche (CIR), en particulier dans le secteur aéronautique ? Vous avez parlé de « l’avion vert ». Il y a aussi l’avion solaire, l’avion à hydrogène. Pouvez-vous nous dire quelles entreprises sont concernées par ces partenariats privés ?

Mme Nathalie Porte. Dans votre rapport, l’enjeu que constitue la recherche sur les zoonoses et les maladies transmises par les animaux est bien identifié. Depuis longtemps, de la rage à la maladie de Lyme en passant par l’échinococcose, les animaux peuvent transmettre à l’homme des maladies parfois très graves. Il y a donc un sujet pour approfondir nos connaissances en la matière, afin de mieux appréhender ces maladies. Plusieurs dizaines de conseils départementaux, via leurs laboratoires publics, forment une entente de lutte contre les zoonoses. Le siège en est basé en Meurthe-et-Moselle, et cette entente prend la forme d’un syndicat mixte qui finance de la recherche et vulgarise à travers les départements adhérents des connaissances sur les maladies que nous avons citées. Je m’étonne que ce rapport n’en fasse pas mention. Il y aurait sans doute des synergies à trouver sur ce sujet entre l’État et les départements.

M. Alain Perea. Ces dernières semaines, et même avant, nous avons été très impactés par des textes concernant la condition animale. Or, nous savons que la question de la condition animale est souvent traversée par beaucoup d’émotion et, à mon sens, abordée avec insuffisamment de rationalité. Le rapporteur d’une proposition de loi que je ne citerai pas a mis en avant de nombreuses études qui prétendaient avancer sur la question du bien-être animal. Existe-t-il des crédits pour travailler sur ce sujet dans la recherche, puisque des mesures fortes ont été prises, notamment par le ministère ?

M. Emmanuel Maquet. Ce sont les pays les plus riches qui parviennent le mieux à protéger leur environnement, car ils sont les seuls à pouvoir développer des technologies de pointe permettant d’optimiser l’énergie. Votre rapport, à travers l’exemple de « l’avion vert », confirme qu’il vaut mieux faire confiance à la recherche technologique pour relever les défis environnementaux, plutôt qu’à l’écologie punitive à base de fiscalité et d’anathèmes. Moyennant un investissement important de l’État, il sera bientôt possible de diminuer drastiquement l’empreinte carbone du trafic aérien, sans forcément diminuer son volume. Vous précisez toutefois que l’investissement public n’est pas à la hauteur de nos attentes. La question est donc la suivante : qu’en est-il de l’investissement privé ? Va-t-il augmenter grâce à la baisse des impôts de production des entreprises ?

M. Jean-Marc Zulesi. Nous y reviendrons dans le cadre de l’étude des amendements, mais je ne pense pas qu’il soit pertinent de prendre l’argent dans la recherche spatiale pour la mettre dans les recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires. Ces dernières sont essentielles à notre nation, il faut certainement leur attribuer des moyens supplémentaires, mais ne les prenons pas à la recherche spatiale. Dans votre excellent rapport, vous mettez en avant un certain nombre de propositions sur « l’avion vert », mais vous mettez aussi en avant un élément essentiel sur la lisibilité des dispositifs budgétaires et leur lisibilité à moyen terme pour les industriels. Pouvez-vous faire connaître vos propositions permettant d’atteindre une meilleure lisibilité à moyen et long termes ?

Mme Valérie Beauvais. Dans le chapitre intitulé « Certains opérateurs sont durablement fragilisés par la crise » (p. 11), vous notez, monsieur le rapporteur pour avis, un impact global sur les organismes de recherche. Avec la crise actuelle liée à la covid-19 persistent des surcoûts, notamment pour le financement des contrats doctoraux. Le Gouvernement avait décidé la prolongation des contrats des docteurs pour préparer leur thèse et il avait assuré le financement de cette prolongation. Or, à ce jour, il n’existe aucune garantie pour ce financement complémentaire. Ces docteurs en formation sont donc légitimement inquiets pour leur situation actuelle. Savez-vous quelle réponse le Gouvernement pourrait leur apporter ?

M. Jean-Luc Fugit. S’agissant de la recherche dans la prévention des zoonoses, votre état des lieux est clair et précis. Vous soulignez l’absence de suivi spécifique, notamment des moyens consacrés aux travaux de recherche – sujet émergent, comme vous l’avez dit. Nous parlons ici du concept de « One Health », que je préfère pour ma part appeler « santé unique ». Quelle coordination proposeriez-vous ? Sur la base de votre analyse précise, quelles propositions fortes, à mettre en œuvre à court terme, pourriez-vous formuler ? Nous voyons bien que le sujet est émergent et qu’il est peut-être mal coordonné. Que pouvons-nous faire rapidement pour atteindre une meilleure coordination des travaux de recherche ?

M. Jean-Yves Bony. La borréliose de Lyme est une maladie peu connue du grand public. Ne pensez-vous pas, monsieur le rapporteur pour avis, qu’il serait important de consacrer des crédits à une meilleure information, voire à une campagne nationale ? Cela permettrait une meilleure prévention et une meilleure prise en charge de cette maladie.

M. Martial Saddier. L’accélération et la violence des événements naturels à la suite de l’évolution du climat ne font plus débat. Nous en avons malheureusement eu de nombreux exemples dernièrement. Je pense notamment aux crues côtières, aux incendies de forêt, aux événements dits « méditerranéens », ou encore aux laves torrentielles dans les pays de montagne. Pensez-vous, monsieur le rapporteur pour avis, que ce budget donne les moyens à la recherche pour essayer d’anticiper au mieux ces risques naturels demain ?

M. Vincent Descœur, rapporteur pour avis. Le crédit d’impôt recherche n’est pas mentionné dans mon rapport car il ne relève pas de la mission « Recherche et enseignement supérieur ». Il s’agit d’une dépense fiscale. Mme Danielle Brulebois a toutefois bien fait de l’évoquer, puisque les entreprises industrielles peuvent en bénéficier, et que les entreprises aéronautiques, qui produiront demain cet avion « décarboné », peuvent évidemment y prétendre, en sus des autres crédits. J’ai noté dans mon rapport la possibilité de bénéficier de financements du PIA. Vous posiez la question des entreprises intéressées. Nous avons auditionné Airbus et Safran. En réalité, le CORAC fédérant tous les acteurs de la filière, toutes les entreprises sont associées à cet objectif d’un avion « décarboné ».

Mme Nathalie Porte a évoqué des travaux de recherche menés par des laboratoires départementaux. Ce point n’est pas apparu dans l’étude que nous avons essayé de mener, mais il illustre bien le souci de coordination de ces travaux. Sur la question très précise des zoonoses, nous avons pointé une faiblesse des crédits, mais surtout une désorganisation complète. S’agissant des crédits consacrés à la borréliose, plusieurs collègues avaient déposé des amendements, à l’occasion des PLF antérieurs ou du projet de loi de programmation pluriannuelle de la recherche. À ces demandes de crédits supplémentaires que nous formulons, il nous est répondu que 15 millions d’euros pourraient être consacrés à cette recherche. Nous nous sommes adressés à ceux qui sont censés la conduire, et les chiffres contrastent singulièrement avec ces 15 millions d’euros puisqu’à cette heure, nous avons recensé 6,1 millions d’euros correspondant à 45 projets engagés. La somme est donc moindre, et le chiffre de 45 projets laisse penser qu’il existe des projets de faible ampleur. L’ANR elle-même a identifié 16 projets qui auraient été financés par des appels d’offres, dont seulement 4 depuis 2015, pour 1,5 million d’euros seulement pour ce qui concerne ces derniers. À la question de savoir s’il faut des crédits plus importants, la réponse est oui. C’est ce que je propose au travers d’un amendement. Il faut bien entendu assurer une information du public, puisque cette borréliose, la maladie de Lyme, a une incidence très forte : 67 000 cas ont été diagnostiqués en 2018, contre 45 000 l’année précédente, ce qui correspond quasiment à une augmentation de plus de 50 %. Le lien avec le changement climatique est d’ailleurs évident.

M. Jean-Marc Zulesi a remarqué judicieusement qu’il ne fallait pas affecter les crédits de la recherche spatiale, ce qui était une référence aux amendements que je propose. C’est tout simplement la contrainte des amendements de crédits. Nous nous devons de compenser, par la baisse des crédits d’un programme, les augmentations des crédits d’un autre dans les amendements, sauf à ce qu’ils soient irrecevables et ne puissent pas être abordés en commission. L’idée était d’aller chercher ces crédits sur la recherche spatiale, mais pas de la dépouiller. Si j’en avais l’autorité et le pouvoir, je demanderais bien évidemment des crédits supplémentaires.

Plusieurs personnes se sont interrogées sur « l’avion vert ». La fin du rapport explicite de façon assez claire le calendrier validé par le CORAC et les industriels. Nous sommes entrés dans une phase de recherches technologiques, c'est-à-dire d’études sur les matériaux et le mode d’énergie utilisé. Cela devrait nous amener jusqu’en 2025 ; c’est pourquoi je m’interrogeais sur l’après-2022. Les personnes auditionnées nous ont clairement dit que l’effort de 1,5 milliard d’euros est l’effort justement dimensionné et qu’il faudrait donc le reconduire pour respecter le calendrier. Je vous rappelle qu’avant que cet effort soit validé, nous étions sur une ligne sectorielle de 135 millions d’euros, qui est devenue 300 millions d’euros en 2020 avec les 165 millions ajoutés par la loi de finances rectificative 3 au titre du plan de relance. Pour 2021 et 2022, deux fois 135 millions sont prévus. Il y a là une ambiguïté puisque cet argent provient du plan de relance mais vient couvrir une ligne habituellement abondée. En résumé, une somme de 1,5 milliard d’euros sur deux ans est nécessaire pour tenir le calendrier. Les industriels nourrissent des attentes fortes sur un effort soutenu jusqu’en 2025. En parallèle débutera la phase de pré-industrialisation, c'est-à-dire de modélisation, qui devrait commencer en 2021 pour s’achever en 2028, après quoi viendra l’industrialisation, qui nous permettra d’espérer la mise en service d’un avion « décarboné » à horizon 2035.

La question du bien-être animal, qui déchaîne les passions, pourrait également s’appuyer sur des travaux de recherche. Je suis au regret de dire que je n’ai pas identifié de crédits spécifiques. L’INRAE travaille sur la santé animale. Ma réponse ne signifie pas qu’il n’existe aucune recherche sur la question, mais je n’en ai pas identifié. Je tâcherai d’y voir plus clair sur ce sujet. Je souscris à l’idée qu’une recherche sur la question permettrait l’objectivité des débats.

S’agissant de l’investissement privé, la crainte est qu’il n’augmente pas. Autant nous avons pu mesurer l’engagement des industriels dans l’aéronautique, autant sur de nombreux sujets et de nombreux organismes, la contribution – c'està-dire les partenariats développés avec les entreprises privées – évolue sérieusement à la baisse dans la période. C’est ce qui explique la nécessité pour cette commission et pour l’Assemblée nationale de se montrer très vigilantes car s’il n’y a pas d’efforts en gestion s’agissant des subventions pour charges de service public, un certain nombre d’organismes, à l’instar de l’IFPEN, pourraient se retrouver en difficulté.

Mme Valérie Beauvais a évoqué la volonté de prolonger les contrats doctoraux. Il n’existe pas de prise en charge spécifique en face de cette annonce. Le dégel de réserves pourrait être une solution. Ce terme apparaît à plusieurs reprises dans le rapport. Un certain nombre de crédits sont gelés dès lors que le projet de loi de finances est adopté. C’est ce dégel qui a permis de mobiliser les 50 millions d’euros pour un fonds d’urgence sur la covid-19.

Le projet « One Health », qui fédère un certain nombre d’acteurs, a été mentionné par M. Jean-Luc Fugit. Je pense que la coordination des travaux de recherche sur les zoonoses pourrait être confiée à l’INSERM, d’autant plus que cet institut porte le projet de fédérer l’Agence nationale de recherche sur le sida et les hépatites virales (ANRS) et le consortium REACTing afin de constituer une agence unique. D’après ce que nous ont déclaré nos interlocuteurs, l’État soutient cette proposition. Cette dernière est assortie d’une demande de financement de 42,5 millions d’euros, qui n’apparaît pas dans le projet de loi de finances, ce qui laisse penser que le projet est en panne. Cela explique l’amendement que je propose, dont le coût est assez élevé puisqu’il s’agirait de donner les moyens à l’INSERM de conduire ce projet. Comme je l’ai dit tout à l’heure, nous comptons 45 projets pour 6 millions d’euros sur la maladie de Lyme, et nous constatons que les interlocuteurs s’ignorent. Il est donc nécessaire de remettre cela en ordre de bataille.

M. Martial Saddier a évoqué la question des moyens consacrés à la recherche pour anticiper les risques naturels. Le programme 193, qui concerne la recherche spatiale, comporte des crédits dans ce domaine, puisque la recherche météorologique s’appuie sur les systèmes satellitaires.

Mme la présidente Laurence Maillart-Méhaignerie. Je prends note des besoins que nous aurions de données objectivées sur le bien-être animal. Il faut peut‑être que nous y travaillions au sein de notre commission, ainsi qu’au sein de la commission des affaires économiques.

 

La commission en vient à l’examen des amendements.

Article 33 et état B : Crédits du budget général

La commission examine l’amendement II-CD21 du rapporteur pour avis.

M. Vincent Descœur, rapporteur pour avis. Cet amendement vise à donner à l’INSERM les moyens nécessaires pour mener à bien des travaux de recherche fondamentale et appliquée sur la maladie de Lyme. Le recensement des projets contraste avec les assurances que l’on nous donne, puisque 6 millions d’euros sont recensés pour 45 projets – non pas pour une année, mais pour toute la durée de vie de ces projets. Cela illustre l’insuffisance des crédits disponibles. C’est pourquoi je propose de doter l’INSERM de 10 millions d’euros pour bénéficier de moyens spécifiques. Je prends ces crédits sur la recherche spatiale, mais sans mauvaise intention.

M. Jean-Marie Sermier. C’est un amendement de bon sens. Dans tous les groupes politiques, nous sentons qu’il existe un vrai problème autour de la maladie de Lyme et un besoin de recherches complémentaires. Au-delà de tout ce qui peut nous différencier – et qui est bien normal dans une démocratie – cet amendement devrait permettre de trouver une solution. Un montant de 10 millions d’euros est important dans un budget aujourd'hui à l’équilibre. Si un amendement doit être pris en compte, c’est bien celui-ci, car il est d’intérêt général envers la population. Nous vivons une crise sanitaire extrêmement importante. Retenir cet amendement donnerait un signe en faveur de la recherche en médecine.

Mme Danielle Brulebois. La maladie de Lyme est un sujet important. Je pense que la prévention porte ses fruits. Différentes associations et le milieu de la médecine effectuent un travail important sur les zoonoses. Dans le département du Jura, par exemple, nous constatons un recul grâce à la sensibilisation et à la prévention. Les traitements progressent également beaucoup. La population est sensibilisée, les traitements se mettent en place rapidement, et des progrès s’observent.

En revanche, au moment où l’on parle de relance, où le secteur de l’aéronautique et leurs sous-traitants sont très touchés et inquiets, et qu’un petit espoir naît avec cet « avion vert », l’avion à hydrogène ou l’avion solaire, en particulier chez Airbus et Safran, je pense que ce n’est pas du tout le moment de baisser les crédits.

M. Jean-Luc Fugit. L’exercice qui nous est demandé est très difficile, car il existe en quelque sorte une concurrence entre les différents programmes. Nous ne pouvons pas ne pas souscrire aux propos de M. Jean-Marie Sermier ou à ceux de M. le rapporteur pour avis sur les recherches médicales. Ce qui me gêne dans cet amendement, c’est le message qu’il adresse à la recherche spatiale. Il en ira de même en ce qui concerne l’amendement II-CD23, alors que je serai favorable au II-CD22.

Entre les amendements II-CD23 et II-CD21, nous avons 42 millions puis 10 millions d’euros de moins pour la recherche spatiale. Or, la recherche spatiale est extrêmement importante s’agissant de l’environnement. L’avion « vert » n’est pas le plus important. Aujourd'hui, tous les pays affirment qu’il faut réduire les émissions de CO2. Savez-vous si nous mesurons ces émissions ? Aujourd'hui, nous ne faisons que de la modélisation, parce que nous ne disposons pas de mesures satellitaires précises. Je vous invite à regarder les travaux réalisés par l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) l’année dernière sur la recherche spatiale. Nous avons fait un point avec l’ensemble des chercheurs et les industriels qui travaillent sur ces sujets. Des satellites sont en train d’être mis au point. Ce travail, qui devrait aboutir fin 2021-début 2022, devrait permettre de mesurer année par année les émissions réelles de CO2 anthropique de chaque pays. Nous pourrons alors voir les trajectoires et vérifier que chaque pays atteint ses objectifs.

Par ailleurs, nous sommes tous convaincus qu’il faut accompagner nos agriculteurs dans la transition agro-écologique. Je suis d’accord pour dire qu’il faut les accompagner et non les punir et les montrer du doigt. Cette agriculture de précision a besoin de recherches spatiales pour progresser. Sur les questions environnementales, j’affirme qu’une partie de l’avenir sur terre se joue dans l’espace. Beaucoup de choses se jouent dans l’espace. L’application quotidienne des recherches spatiales est extrêmement importante. Un téléphone portable, par exemple, se connecte en moyenne à 40 satellites par jour. Déshabiller les crédits de la recherche spatiale constitue un signal extrêmement mauvais, même si par ailleurs je comprends les intentions de M. le rapporteur pour avis. Personnellement, j’appelle à ne pas voter les amendements II-CD21 et II-CD23. En revanche, je vous invite à voter en faveur de l’amendement II-CD22 sur les crédits dédiés à l’IFPEN.

M. Vincent Descœur, rapporteur pour avis. La difficulté est toujours de trouver les crédits. Quand on pose la question au ministère des solidarités et de la santé, il répond que c’est le ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation qui s’en charge. C’est un jeu de chaises musicales qui se met en place. Telle est la contrainte de l’exercice. Encore une fois, il s’agit d’une nécessaire compensation. Nous pouvons nous libérer de cette inquiétude pour la recherche spatiale dès lors que vous aurez obtenu de la ministre 10 millions d’euros de crédits supplémentaires, qui mettront un terme à cet échange. Si je veux évoquer des crédits pour la maladie de Lyme, je suis contraint de les trouver quelque part. Je ne peux pas les trouver en intégralité dans le même programme, sinon j’aurais « emprunté » 10 millions d’euros à l’ANR. En ce qui concerne le programme 190, qui porte sur le développement durable, les crédits sont à la baisse. Prendre des crédits sur ce programme ne reviendrait pas à le « déshabiller » mais à le désintégrer. Le seul programme qui autorisait un amendement est celui-ci.

La question n’est pas de choisir entre la maladie de Lyme et l’aérospatiale. Vous avez vu dans mon rapport que 70 % des crédits pour l’aérospatiale financent des projets de recherche européens et sont donc intouchables. La seule action possible serait éventuellement de jouer sur la subvention pour charges de service public du CNES, qui augmente cette année. Nous devons réorienter le débat. La question n’est pas de savoir où trouver les crédits, mais de savoir si nous allons enfin décider de placer des crédits sur la maladie de Lyme.

Par ailleurs, j’ai vu circuler des amendements de même nature qui devraient être discutés lors de la séance publique. Ils sont soutenus par des collègues de la majorité et d’autres groupes, qui appartiennent au groupe d’études sur la maladie de Lyme. Il y a donc là un vrai sujet. Même si le Gouvernement venait à y être défavorable, il serait dommage que notre Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire se focalise sur la question de la nécessaire compensation des crédits et ne porte pas dans l’hémicycle la question de l’ajout de crédits supplémentaires pour la recherche sur la maladie de Lyme. J’entends cette discussion technique, mais nous arriverons en séance publique en disant que la Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire ne juge pas utile de mettre 10 millions d’euros sur la maladie de Lyme. La lecture sera complètement faussée. Si mon amendement est adopté, il restera du temps pour résoudre la question de la provenance des 10 millions d’euros. C’est une question de volonté politique.

Mme Souad Zitouni. Où en sommes-nous exactement par rapport à cette maladie ? Qu’en est-il du diagnostic ? Le nombre de cas augmente-t-il beaucoup chaque année ?

M. Vincent Descoeur, rapporteur pour avis. Je vous invite à rejoindre le groupe d’études, qui effectue une mise à jour régulière de ses travaux. La prévalence de la maladie explose : 67 000 cas ont été recensés en 2018, contre 45 000 en 2017. Ces données proviennent du Réseau Sentinelles et sont validées par l’INSERM. Cela représente une augmentation de plus de 50 %. Les morsures de tiques augmentent de manière exponentielle, ce qui est très lié à l’objet de notre commission, au dérèglement climatique, et en l’occurrence au réchauffement. Les tiques sont présentes dans de nombreux endroits et désormais actives durant une plus grande période de l’année. Et elles ne se limitent plus aux zones forestières – les personnes travaillant dans les bois étaient les plus exposées – puisque plus de 50 % des cas de morsures peuvent intervenir autour de la piscine, lorsqu’on est assis dans une chaise longue.

Pourquoi des recherches sont-elles nécessaires ? Des organismes sont déjà engagés. L’INRAE mène un gros travail sur l’éthologie de la tique. Plusieurs espèces existent, ainsi que plusieurs contaminants. Il existe aussi de vraies difficultés sur la question du diagnostic, ainsi qu’un débat scientifique sur la question du traitement. Les malades, ou ceux qui pensent l’être, se retrouvent dans une errance et dans un parcours tout sauf balisé, avec beaucoup de cas désespérés. Il ne s’agit pas de se mêler du débat scientifique. La communauté scientifique est divisée ; nous sommes témoins d’une guerre des chapelles et nous avons le droit de demander qu’elle s’arrête. Il me semble qu’au moment où l’on évoque les crédits consacrés à la recherche pour le développement durable, c’est notre devoir de nous demander si nous allons enfin placer des crédits sur ce sujet. Sinon, nous allons revenir vers les associations de malades en leur disant que le budget de la recherche est d’environ 6 millions d’euros sur quinze ans et qu’elles doivent s’estimer heureuses. Je ne tiendrai pas ce discours.

Mme la présidente Laurence Maillart-Méhaignerie. Nous connaissons votre investissement sur la maladie de Lyme. Dans nos circonscriptions, nous sommes sollicités au sujet des personnes atteintes de cette maladie. C’est pourquoi je proposerai au Bureau de notre commission d’avancer sur le sujet, en lançant une instance de travail que vous pourriez animer. Vous pourriez ainsi partager les informations sur lesquelles vous travaillez dans ce groupe d’études, et avancer très concrètement sur le sujet, car ce qui pose problème n’est pas tant l’objectif proposé dans cet amendement mais ces 10 millions d’euros qui seraient retirés ailleurs. Le Bureau discutera de cette proposition.

M. Vincent Descoeur, rapporteur pour avis. Je vous remercie de cette réponse à une demande que nous avions formulée, qu’avait relayée M. Jean-Marie Sermier, et qui porte sur la constitution d’une mission d’information. Ce terme serait le bienvenu. L’idéal serait que cette mission d’information soit commune avec la Commission des affaires sociales. Notre commission pourrait traiter de l’inquiétude des effets du dérèglement climatique sur cette prolifération de tiques, de morsures et de risques potentiels, tandis que la Commission des affaires sociales pourrait aborder la question de la santé. Je suis très satisfait de l’information que vous me donnez. J’espère que nous pourrons aboutir. Au-delà du débat sur la compensation des crédits – que je comprends – cela serait aussi la meilleure manière de poser la question des moyens.

Mme la présidente Laurence Maillart-Méhaignerie. Nous pourrions poser la question des moyens, mais aussi de la prévention. Nous pourrions établir un diagnostic, un état des lieux, un état de l’art. Je vais proposer au Bureau de s’emparer du sujet et de l’inscrire parmi nos travaux de l’année 2021.

M. Vincent Descoeur, rapporteur pour avis. S’agissant de l’amélioration de la situation, un travail important a été mené en matière de prévention, mais force est de constater que le nombre de personnes susceptibles d’avoir contracté la maladie explose tout de même. Un syndrome persistant fait encore l’objet d’un débat, et il reste un nombre important de personnes en errance thérapeutique.

M. Guy Bricout. Je voudrais souligner que l’un de nos collègues, qui ne s’en cache pas, est atteint de cette maladie. Il s’agit de M. Christian Hutin, député du Nord. Il pourrait nous être d’un grand secours, puisqu’il est médecin.

La commission rejette l’amendement II-CD21.

Elle en vient à l’amendement II-CD22 du rapporteur pour avis.

M. Vincent Descoeur, rapporteur pour avis. S’agissant de l’amendement précédent, j’ai compris que l’esprit était adopté mais que la compensation des crédits posait problème.

L’amendement II-CD22 traite d’un sujet pointé du doigt par plusieurs collègues, à savoir la possibilité de doter l’IFPEN, qui se trouve dans une situation critique, de moyens complémentaires à hauteur de 7 millions d’euros, via l’augmentation de sa subvention pour charges de service public. En effet, les recettes en provenance du secteur privé diminuent, ce dont pâtit la trésorerie de l’établissement puisqu’elle devrait passer de 31,7 millions d’euros au début de l’année 2020 à 24,5 millions d’euros à la fin de l’exercice. Une baisse a déjà été observée lors de l’exercice précédent, ce qui avait été pointé du doigt par les rapporteurs pour avis des années antérieures. Il est donc proposé de conforter cet établissement. Il faudra le faire quoi qu’il arrive, même si ce n’est pas par le biais de cet amendement, sauf à s’interroger sur sa survie et sa place dans le concert des organismes de recherche.

La commission adopte l’amendement II-CD22.

Elle en vient à l’amendement II-CD23 du rapporteur pour avis.

M. Vincent Descoeur, rapporteur pour avis. L’amendement II-CD23 va lui aussi poser la question de la diminution parallèle des crédits du programme 193, mais à une hauteur supérieure puisqu’il porte sur une somme de 42,5 millions d’euros. J’en fais donc un amendement d’appel. Cet amendement répond à la question posée sur la coordination des travaux.

L’INSERM soutient la création, par fusion de deux agences (l’ANRS et REACTing), d’une nouvelle agence unique, avec des moyens plus conséquents, consacrée à la problématique des zoonoses et des maladies infectieuses émergentes. À titre personnel, j’avais déposé une proposition de loi un peu sur le même principe pour que l’on ait enfin une agence nationale sur ces questions – j’avais parlé plutôt des maladies vectorielles à tiques – car la démonstration a été faite que ces agences servent grandement la recherche. Les travaux de l’ANRS sur le VIH ont été « dopés » et significativement couronnés de succès dès lors que les moyens ont été concentrés dans une même agence.

Cet amendement reprend un engagement de l’État, puisque ce projet porté par l’INSERM semblait avoir obtenu le soutien de l’État. Étant donné que je n’ai pas trouvé trace des 42,5 millions d’euros de crédits qui permettraient de le réaliser, je vous propose cet amendement.

M. Yannick Haury. La recherche spatiale est aujourd'hui un domaine essentiel qui regroupe plusieurs disciplines, dans des sujets qui nous intéressent particulièrement, c'est-à-dire les sujets liés à l’environnement et au climat. Notre connaissance des grands paramètres concernant l’air, les océans et la surface terrestre est liée à la recherche spatiale. J’entends ces préoccupations dans l’absolu, mais elles ne peuvent pas s’entendre quand elles se font aux dépens de la recherche spatiale, qui est essentielle.

La commission rejette l’amendement II-CD23.

Mme la présidente Laurence Maillart-Méhaignerie. Nous partageons l’objectif, mais la diminution des crédits du programme 193 pour compenser pose évidemment problème.

*

*     *

La commission a émis un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur », M. Vincent Descoeur, rapporteur pour avis, exprimant un avis défavorable.


—  1  —

   LISTE des personnes auditioNnées

(par ordre chronologique)

 

Centre national de la recherche scientifique (CNRS)

M. Antoine Petit, président-directeur général

M. Thomas Borel, chargé des affaires publiques

Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (INRAE)

M. Philippe Mauguin, président-directeur général

Mme Muriel Vayssier-Taussat, cheffe du département Santé animale

M. Marc Gauchée, conseiller du président pour les relations parlementaires et institutionnelles

Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES)

M. Roger Genet, directeur général

M. Gilles Salvat, directeur général délégué, pôle Recherche et référence

Mme Agathe Denéchère, directrice générale adjointe, pôle Affaires générales

Mme Sarah Aubertie, chargée des relations institutionnelles

Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM)

M. Gilles Bloch, président-directeur général

M. Yazdan Yazdanpanah directeur de l'institut thématique « Immunologie, inflammation, infectiologie et microbiologie » (I3M) de l'INSERM

Mme Laurianne Cruzol, directrice des affaires financières

Mme Anne-Sophie Etzol, chargée des relations institutionnelles

Groupement des industries françaises aéronautiques et spatiales (GIFAS)

Mme Anne Bondiou Clergerie, directrice Recherche et développement (R&D), environnement et espace

M. Bruno Stoufflet, membre du comité de pilotage du Conseil pour la recherche aéronautique civile (CORAC) et directeur R&D de Dassault Aviation

M. Jérôme Jean, directeur des affaires publiques

 

IFP Énergies nouvelles (IFPEN)

M. Pierre-Franck Chevet, président

M. Eric Lafargue, directeur général adjoint

Direction générale de l’aviation civile (DGAC), ministère de la transition écologique

M. Damien Cazé, directeur général de l’aviation civile

M. Marc Borel, directeur du transport aérien

M. Pierre Moschetti, sous-directeur de la construction aéronautique à la direction du transport aérien

Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA)

Mme Marie-Astrid Ravon-Berenguer, directrice financière et des programmes

M. Jean-Pierre Vigouroux, chargé des affaires publiques

Ministère de la transition écologique

M. Thierry Courtine, chef du service de la recherche et de l’innovation au Commissariat général au développement durable (CGDD)

Mme Dominique Berthon, cheffe du bureau du budget, des affaires financières et des marchés au CGDD

M. Philippe Geiger, adjoint à la directrice de l’énergie à la direction générale de l’énergie et du climat (DGEC)

M. Aurélien Louis, sous-directeur de l’industrie nucléaire à la DGEC

M. Pierre Moschetti, sous-directeur de la construction aéronautique à la direction générale de l’aviation civile (DGAC)

Direction générale de la recherche et de l’innovation (DGRI), ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation

M. Bernard Larrouturou, directeur général de la recherche et de l’innovation

M. Damien Rousset, adjoint au chef de service de la performance, du financement et de la contractualisation avec les organismes de recherche

M. Maurice Caraboni, chef du département de la gestion et du pilotage budgétaire des programmes

Mme Anne Paoletti, cheffe du département Biologie et santé


Agence nationale de la recherche (ANR)

M. Yves Fort, directeur des opérations scientifiques

M. Frédéric Monot, responsable du département scientifique « Environnement, écosystèmes, ressources biologiques » (EERB)

M. Pascal Bain, responsable-adjoint du département scientifique « Sciences physiques, ingénierie, chimie, énergie » (SPICE)

AIRBUS

M. Marc Hamy, vice-président Corporate Affairs

M. Bruno Darbout, vice-président Systems strategy and Programs

Mme Annick Perrimond du Breuil, directrice des relations avec le Parlement

SAFRAN

M. Stéphane Cueille, directeur Recherche et technologie (R&T) et innovation

M. Fabien Menant, directeur des affaires institutionnelles

 


([1]) Sauf mention contraire, les montants des crédits indiqués le sont toujours hors fonds de concours et attributions de produits.

([2]) Projet annuel de performance, annexe au PLF 2021.

([3]) Projet de loi de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030 et portant diverses dispositions relatives à la recherche et à l’enseignement supérieur, adopté par l’Assemblée nationale le 23 septembre 2020 et déposé le 24 septembre 2020 au Sénat.

([4]) Voir sur ce sujet le B du II de cette première partie.

([5]) Ce possible trompe-l’œil est d’autant plus grand qu’il y a, sur la mission « Plan de relance », un objectif affiché de concentration de l’essentiel des engagements sur l’année 2021 et donc une ouverture de la quasi-intégralité des AE prévues dès ce PLF 2021.

([6]) Selon les réponses écrites de la direction générale de la recherche et de l’innovation (DGRI) du ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation à votre rapporteur pour avis, les mesures du projet de loi de programmation de la recherche expliquent une hausse de 309 millions d’euros en AE et 224 millions d’euros en CP, corrigées des mesures de transfert et de périmètre (diminution de 3 millions d’euros).

([7]) Projet de loi de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030 et portant diverses dispositions relatives à la recherche et à l’enseignement supérieur, adopté par l’Assemblée nationale le 23 septembre 2020 et déposé le 24 septembre 2020 au Sénat.

([8]) En effet, le budget de l’ANR est également abondé par d’autres programmes et il convient de noter que la progression des moyens à sa disposition pour l’année 2021 est renforcée par des dotations prévues dans la mission « Plan de relance ». Voir sur ce sujet le II de cette première partie.

([9]) Le taux de succès correspond au taux de sélection des projets.

([10]) Montant communiqué à votre rapporteur pour avis par la DGRI dans ses réponses écrites.

([11]) Montant communiqué à votre rapporteur pour avis par la DGRI dans ses réponses écrites.

([12]) Voir sur ce sujet le II de la deuxième partie de cet avis.

([13]) En effet, d’après les réponses données par la direction générale de l’aviation civile (DGAC) à votre rapporteur pour avis, les crédits correspondants à la hausse des moyens de recherche dans le domaine de l’aéronautique civile restent au même niveau en 2021 et 2022 sur le programme 190, les nouveaux crédits étant portés par la mission « Plan de relance ». Voir sur ce sujet le II de la deuxième partie.

([14]) Loi n° 2020-935 du 30 juillet 2020 de finances rectificative pour 2020.

([15]) Variables climatiques nécessaires au travail du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) identifiées par le programme international GCOS (Global climate observing system).

([16]) Les satellites Sentinel sont une famille de satellites d’observation de la Terre.

([17]) Avis n° 1285 de M. Gérard Menuel présenté au nom de la Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire sur le projet de loi de finances pour 2019 ; avis n° 2292 de Mme Elsa Faucillon sur le projet de loi de finances pour 2020.

([18]) Les conventions industrielles de formation par la recherche (CIFRE) correspondent à une aide financière accordée à une entreprise pour recruter un jeune doctorant à qui elle confie un travail de recherche qui fera l’objet d’une thèse. Un laboratoire public encadre le doctorant durant cette période.

([19]) Cette situation ne concerne toutefois pas uniquement les EPIC, votre rapporteur pour avis ayant été sensibilisé à des problématiques similaires du côté de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) dont les recettes devraient connaître un net recul sous l’effet de la crise sanitaire et de la contraction des recettes fiscales affectées. L’agence connaîtra ainsi un solde budgétaire déficitaire en 2020 et un solde de trésorerie qui, tout en restant soutenable, sera toutefois marqué par cette situation.

([20]) Avis n° 1285 de M. Gérard Menuel présenté au nom de la Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire sur le projet de loi de finances pour 2019 ; avis n° 2292 de Mme Elsa Faucillon sur le projet de loi de finances pour 2020.

([21]) Le renforcement de ses ressources propres s’opère par le biais de dépôts de brevets dans les hydrocarbures, notamment à travers sa filière Axens.

([22]) Estimation produite par l’IFPEN en juin 2020 pour toute l’année 2020.

([23]) Cette mesure prévoit la possibilité d’accueillir temporairement dans des laboratoires publics certains salariés en R&D d’entreprises mais également des jeunes diplômés ou docteurs dont les embauches pourraient sinon être retardées ou annulées du fait de la crise.

([24]) Audition de Mme Gwenaëlle Vourc’h, directrice de recherche de l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (INRAE) et directrice adjointe de l’unité mixte de recherche « Épidémiologie des maladies animales et zoonotiques », et de M. Philippe Grancolas, directeur de recherche au Centre national de la recherche scientifique (CNRS) et directeur de l’unité mixte de recherche « Institut de systématique, évolution, biodiversité » devant la Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, le jeudi 14 mai 2020.

([25]) Pour un travail sur la corrélation entre la perte de biodiversité et l’émergence des maladies infectieuses voir Emerging diseases, livestock expansion and biodiversity loss are positively related at global scale, Serge Morand, Biological Conservation, août 2020 ; pour une présentation des facteurs à l’origine des émergences épidémiques, voir la présentation Relations entre l’émergence de maladies infectieuses et les perturbations environnementales par Gwénaelle Vourc’h dans le cadre d’une conférence organisée par l’Institut du développement durable et des relations internationales (IDDRI) : https://www.iddri.org/sites/default/files/Vourc'h.pdf ; l’article de Jean-François Guéguan sur le lien entre biodiversité et maladies émergentes et les causes de l’émergence du covid-19 : https://www.inrae.fr/actualites/proteger-biodiversite-prevenir-nouvelles-maladies-infectieuses-emergentes ; ainsi qu’un entretien accordé par Jean-François Guégan au journal Le Monde en avril 2020 : https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/04/17/jean-francois-guegan-en-supprimant-les-forets-primaires-nous-sommes-en-train-de-debusquer-des-monstres_6036871_3232.html

([26]) Prévu par l’article 51 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), ce mécanisme consiste à rendre indisponible une fraction des crédits ouverts en LFI dès le début de la gestion.

([27]) « REsearch and ACTion targeting emerging infectious diseases », consortium multidisciplinaire qui rassemble les groupes de recherche français d’excellence sur les maladies infectieuses émergentes, notamment zoonotiques.

([28]) Mis en place le 24 mars 2020 par le Président de la République et présidé́ par le prix Nobel de médecine Mme Françoise Barré-Sinoussi, ce comité́, composé de douze chercheurs et médecins, est chargé d’apporter une expertise scientifique rapide aux sollicitations des membres du Gouvernement, par le biais d’avis. Une partie des membres a été proposée par les directions de grands organismes de recherche parmi lesquels l’INSERM, le CNRS, l’INRAE, etc.

([29]) Études permettant d’estimer la proportion de personnes ayant été en contact avec le virus.

([30]) Les essais cliniques sur l’homme comprennent trois phases : la phase I permet d’étudier la tolérance et la production des anticorps en fonction des doses administrées ; la phase II, sur une cohorte plus large, permet d’étudier la tolérance avec la formulation finale du vaccin dans la population à laquelle cette vaccination sera recommandée ; la phase III permet d’étudier l’efficacité et la tolérance vaccinales sur plusieurs milliers de personnes. Après la mise sur le marché du vaccin, des études sont réalisées permettant de vérifier que l’innocuité et l’efficacité du vaccin sont assurées ; on parle parfois de « phase IV ».

([31]) L’acide ribonucléique messager (ARN) est une copie d’une portion de l’ADN correspondant à un ou plusieurs gènes. Les vaccins ARN se distinguent des vaccins à ADN.

([32]) Agent de la coqueluche.

([33]) « Innovative clinical research network in vaccinology », réseau national d’investigation clinique en vaccinologie qui rassemble des chercheurs et œuvre pour la promotion de la recherche clinique en vaccinologie en France mais également au niveau européen.

([34]) Chiffres de Santé Publique France et du réseau Sentinelles.

([35]) Mis en place en septembre 2016, le plan national de lutte contre la maladie de Lyme et les autres maladies vectorielles transmises par la tique s’organise autour de cinq axes afin de favoriser la sensibilisation à cette maladie et la lutte contre ses effets : améliorer la surveillance vectorielle dans une démarche « One Health » ; renforcer la surveillance et la prévention des MVT ; améliorer et uniformiser la prise en charge des personnes malades ; améliorer les tests diagnostiques disponibles et mobiliser la recherche sur les MVT. Le comité de pilotage de ce plan se réunit régulièrement pour faire le point sur l’avancement des travaux et identifier les nouvelles actions à mettre en place.

([36]) Examen du projet de loi de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030, deuxième séance publique du 21 septembre 2020, examen des amendements 48 et 49.

([37]) Amendement n° 48 au projet de loi de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030.

([38]) Les programmes prioritaires de recherche (PPR) visent à mobiliser toutes les ressources et compétences de la recherche française autour de grands défis sociétaux, avec des financements dédiés. On peut citer par exemple le PPR « Make our planet great again » ou celui sur l’antibiorésistance.

([39]) Amendement n° 49 au projet de loi de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030.

([40]) Réponses écrites transmises au rapporteur pour avis après l’audition.

([41]) « Ticking Bomb » : The impact of climate change on the incidence of Lyme disease, étude de chercheurs de l’université de Carnegie Mellon et du Mayo Clinic College of Medicine and Science, Canadian journal of infectious diseases and medical microbiology : les chercheurs ont étudié le lien entre l’évolution du climat et la diffusion de la maladie de Lyme dans 15 États américains. Ils ont pu conclure que la hausse des températures de 2 °C dans les décennies à venir devrait augmenter le nombre de cas de 20 % aux États-Unis.

([42]) A sustainable future on board, rapport environnemental de l’Organisation internationale de l’aviation civile (OACI), 2016.

([43]) Environ 2,8 % en 2019 selon l’Agence internationale de l’énergie (AIE).

([44]) Industry statistics – Fact sheet, Association internationale du transport aérien (IATA), juin 2019.

([45]) Focusing on environmental pressures from long-distance transport, rapport de l’Agence européenne de l’environnement (EEE), 2014.

([46]) 2018 est une date importante pour le soutien public à la recherche dans ce domaine puisqu’il s’agit d’un moment où le budget de soutien de la DGAC a été rehaussé à hauteur de 135 millions d’euros et inscrit dans le Grand Plan d’investissement (GPI) de l’État, offrant ainsi une sanctuarisation des crédits pour toute la durée de ce plan et une visibilité à la filière jusqu’en 2022. Auparavant, les montants contenus dans le programme 190 étaient assez faibles (70 millions d’euros en 2015, 63 millions d’euros en 2016) en raison de l’existence, en parallèle, de l’action aéronautique du PIA 1 et du PIA 2. En revanche, l’année 2017 a pu être présentée par le ministère de la transition écologique comme une « année blanche » en termes de soutien à la recherche aéronautique en raison du cumul d’un budget porté par le programme 190 ramené à 0 en lien avec des mesures de redressement de l’exécution budgétaire 2017 et de l’absence de soutien à l’aéronautique porté par le PIA 3.