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N° 3400

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 9 octobre 2020.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES
SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2021 (n° 3360)

TOME I

PREMIÈRE PARTIE

PAR Mme Anne-France BRUNET

Députée

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 Voir le numéro : 3360.


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SOMMAIRE

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Pages

Introduction

I. LE DROIT EXISTANT

A. La cotisation sur la valeur ajoutÉe des entreprises (CVAE)

1. Principe et caractéristiques de la CVAE

2. Répartition du produit de la CVAE

B. Le plafonnement de la contribution Économique territoriale en fonction de la valeur ajoutÉe (PVA)

C. La taxe additionnelle À la cotisation sur la valeur ajoutÉe des entreprises (TACVAE)

II. LA RÉFORME PROPOSÉE

A. Objectif, mÉthode et ambition de larticle 3 du PLF 2021

1. Un objectif : une baisse forte et rapide des impôts de production

2. Une méthode : la concertation avec les collectivités territoriales

3. Un engagement : la compensation intégrale par lÉtat de la baisse de la CVAE pour les collectivités territoriales en 2021

B. DÉtail des Évolutions proposÉes au sein de larticle 3 du PLF 2021

1. La suppression de la part régionale de la CVAE et la mise en place dun mécanisme compensatoire à destination des régions.

2. La modification consécutive de la fraction du produit de la CVAE attribuée aux autres collectivités territoriales

3. Ladaptation des différents taux de la CVAE pour tenir compte de la suppression de la part régionale

4. Une multiplication par un facteur deux du taux de la TACVAE pour maintenir un niveau de recettes identique pour la taxe pour frais de chambres de commerce et dindustrie (TCCI)

5. Un plafonnement de la CET qui évolue de 3 % à 2 % et sapplique dès 2021

III. Position de votre Rapporteure

TRAVAUX de la commission

liste des ACTEURS auditionnÉs OU CONSULTÉS

1. Auditions

2. Consultations


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   Introduction

La commission des affaires économiques s’est saisie pour avis de l’article 3 de la première partie du projet de loi de finances pour 2021.

Cet article, qui prévoit une baisse de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) à hauteur de la part affectée aux régions et l’ajustement du taux du plafonnement de la contribution économique territoriale (CET) en fonction de la valeur ajoutée, est l’une des principales mesures du volet compétitivité du « plan de relance » annoncé par le Gouvernement. Elle concourt en effet à hauteur de 7,2 milliards d’euros à la baisse de la fiscalité de production de 10 milliards d’euros, envisagée initialement dans le cadre du Pacte productif ([1]) et finalement mise en œuvre dans le cadre du plan de relance.

Contrainte fiscale forte et dynamique ([2]) sur nos entreprises, en particulier dans les secteurs de la manufacture et du commerce, la CVAE est, en même temps, une ressource essentielle pour les collectivités territoriales. Elle représentait, en effet, en 2019, 5,7 milliards d’euros pour le bloc communal, 3,8 milliards d’euros pour les départements et enfin 9,5 milliards d’euros pour les régions ([3]). Dès lors, la nécessaire réduction des impôts de production, à travers la suppression de la part régionale de la CVAE, ne peut raisonnablement s’envisager sans une compensation des pertes pour les régions, ces dernières ayant, en outre, un rôle majeur à jouer dans le cadre de la relance.

Votre Rapporteure se félicite du chemin choisi par le Gouvernement, qui lui semble approprié : la baisse de moitié de la CVAE, estimée à 7,2 milliards d’euros, fera en effet l’objet d’une compensation intégrale pour les collectivités territoriales en 2021 via l’attribution d’une fraction de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), avant qu’un mécanisme plus pérenne soit mis en œuvre en 2022, dans la droite ligne de l’accord de partenariat signé par l’État et les régions à la fin du mois de septembre dernier.

Votre Rapporteure considère donc que l’article 3 du présent projet de loi de finances constitue un jalon solide dans la réduction des impôts de production en France, qui sont actuellement plus élevés (77 milliards d’euros en 2018) que chez nos voisins européens (3,2 % du PIB en France contre 1,6 % du PIB en moyenne au sein de l’UE et surtout 5,8 % de la valeur ajoutée des entreprises, contre 0,7 % en Allemagne, par exemple). Elle se déclare favorable à son adoption en l’état.

I.   LE DROIT EXISTANT

A.   La cotisation sur la valeur ajoutÉe des entreprises (CVAE)

1.   Principe et caractéristiques de la CVAE

La cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) est un impôt local institué par l’article 2 de la loi n° 2009-1673 du 30 décembre 2009 de finances pour 2010. Elle est définie aux articles 1586 ter et suivants du code général des impôts (CGI). Avec la cotisation foncière des entreprises (CFE), créée par la même loi, elle forme la contribution économique territoriale (CET), définie à larticle 14470 du code général des impôts (CGI), et qui est venue remplacer au 1er janvier 2010 la taxe professionnelle (TP).

L’assiette de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) est constituée par lensemble des entreprises, personnes physiques ou morales ([4]), dont le chiffre daffaires est supérieur à 152 500 € hors taxe sur la période de référence (exercice clos de 12 mois). Pour être redevable de la CVAE, l’entreprise doit exercer l’activité au 1er janvier de lannée dimposition.

On dénombrait en 2018 environ 1,18 million dentreprises assujetties à la CVAE, 530 000 entreprises ayant une CVAE non nulle, et 289 000 redevables étant assujettis à la cotisation maximum.

La base d’imposition de la CVAE correspond à la valeur ajoutée fiscale des entreprises, qui doit être distinguée de la valeur ajoutée comptable. Les modalités de calcul du chiffre d’affaires et de la valeur ajoutée retenues pour établir le niveau de CVAE, sont précisées à larticle 1586 sexies du CGI. Cette valeur ajoutée fait l’objet d’un plafonnement, prévu au même article, qui correspond à 80 % pour les entreprises dont le chiffre d’affaires est inférieur ou égal à 7,6 millions d’euros et à 85 % pour celles dont le chiffre d’affaires est supérieur à ce seuil.

Le montant de la CVAE correspond en principe à lapplication dun taux théorique de 1,5 % à la valeur ajoutée de lentreprise concernée. Un dégrèvement est néanmoins prévu à larticle 1586 quater. Il est égal « à la différence entre le montant de cette cotisation et l’application à la valeur ajoutée mentionnée au 1 du II de larticle 1586 ter d’un taux calculé en fonction du niveau de chiffre d’affaires de l’entreprise concernée ».

Le tableau suivant résume les cinq taux qui peuvent sappliquer à la valeur ajoutée dune entreprise, dans le cadre de ce dégrèvement, en fonction de son niveau de chiffre daffaires.

Tableau rÉcapitulatif des taux appliquÉs pour le dÉgrÈvement de cvae

Chiffre daffaires (CA € HT)

Taux effectif dimposition

< 500 000

0%

500 000 ≤ CA ≤ 3 000 000

0,5 % x (CA – 500 000) / 2 500 000

3 000 000 < CA ≤ 10 000 000

0,5 % + 0,9 % x  (CA - 3 000 000) / 7 000 000

10 000 000 < CA ≤ 50 000 000

1,4 % + 0,1 % x (CA - 10 000 000)/40 000 000

CA > 50 000 000

1,5 %

Source : Code général des impôts.

Du fait de ce barème, seules les entreprises dont le chiffre d’affaires est supérieur à 500 000 euros sont redevables de la CVAE. En outre, un dégrèvement supplémentaire de 1000 euros sapplique pour toutes les entreprises redevables dont le chiffre daffaires est inférieur à 2 millions deuros (article 1586 quater du CGI).

La CVAE, qui, au final, est due par les entreprises dont le chiffre d’affaires est supérieur à 500 000 euros et dont la valeur ajoutée n’est pas intégralement exonérée, ne peut néanmoins pas être inférieure à 250 euros (article 1586 septies du CGI).

Les exonérations de plein droit de la CFE (pour les exploitants agricoles, par exemple) sappliquent de plein droit à la CVAE. Les exonérations partielles de CFE s’appliquent également à la CVAE, qu’elles procèdent soit de la délibération des collectivités locales, soit de l’absence de délibération contraire de ces dernières (article 1586 nonies du CGI).

Le versement de la CVAE intervient, pour les entreprises dont la CVAE de l’année précédant celle de l’imposition est supérieure à 3000 euros, sous la forme de deux acomptes le 15 juin et le 15 septembre (50 % à chaque fois). En 2018, 156 000 entreprises ont été redevables dacomptes de la CVAE 2018 (donc pour un montant supérieur à 3000 euros), soit 34 % des redevables. Le montant cumulé de CVAE sur ces redevables soumis aux acomptes était de 13,9 milliards deuros, soit 89 % de la CVAE encaissée en 2018.

2.   Répartition du produit de la CVAE

La CVAE est un impôt national réparti entre les collectivités territoriales, selon les règles prévues aux articles 1379, 1586 et 1599 bis du code général des impôts, issus de larticle 89 de la loi de finances du 29 décembre 2015 pour lannée 2016.

Une fraction égale à 26,5 % du produit de la CVAE est attribuée aux communes et à leurs établissements publics de coopération intercommunale (EPCI). Elle représentait 5,7 milliards d’euros en 2019 ;

Une fraction égale à 23,5 % du produit de la CVAE est attribuée aux départements. Elle représentait 3,8 milliards d’euros en 2019 ;

Une fraction égale à 50 % du produit de la CVAE est attribuée aux régions, et représentait 9,5 milliards d’euros en 2019.

La CVAE est reversée aux collectivités selon une logique de caisse, par douzième. La CVAE due au titre de l’année N est ainsi reversée aux collectivités en année N + 1. Le solde de CVAE acquitté en N + 1 et le produit du dégrèvement barémique payé par l’État est reversé aux collectivités en année N + 2.

B.   Le plafonnement de la contribution Économique territoriale en fonction de la valeur ajoutÉe (PVA)

Ce plafonnement a été instauré pour la première fois en 1979, pour la taxe professionnelle, avec, pour objectif principal, de faire en sorte que la capacité contributive des entreprises soit appréciée de façon adaptée. Il était initialement fixé à 8 %.

Après de multiples évolutions, ce plafonnement, dans sa forme actuelle prévue à larticle 1647 B sexies du CGI, porte sur la contribution économique territoriale, avec une valeur correspondant à 3 % de la valeur ajoutée de lentreprise. Les entreprises dont la CVAE est supérieure à cette valeur peuvent donc demander à bénéficier d’un dégrèvement correspondant à la différence entre le montant total de CFE et de CVAE dont elles sont redevables et le montant de ce plafond appliqué à leur valeur ajoutée.

Le niveau de 3 % est issu de la loi de finances pour lannée 2010, qui a supprimé la taxe professionnelle et créé la contribution économique territoriale.

C.   La taxe additionnelle À la cotisation sur la valeur ajoutÉe des entreprises (TACVAE)

La taxe additionnelle à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (TACVAE) est l’une des deux composantes de la taxe pour frais de chambres de commerce et d’industrie (TCCI), avec la taxe additionnelle à la cotisation foncière des entreprises (TACFE). Elle est définie à larticle 1600 du CGI.

Le taux de cette taxe est de 1,73 % depuis la loi de finances pour lannée 2020. Son produit est affecté à CCI France.

II.   LA RÉFORME PROPOSÉE

A.   Objectif, mÉthode et ambition de l’article 3 du PLF 2021

1.   Un objectif : une baisse forte et rapide des impôts de production

Les impôts de production, c’est-à-dire l’ensemble des prélèvements pesant sur les facteurs de production utilisés par les entreprises pour créer des biens et proposer des services, peuvent en effet être distorsifs pour l’activité économique. Ils affectent en effet le processus productif des entreprises, les conduisant bien souvent à opérer des choix moins efficaces. La note du Conseil d’analyse économique rédigée par MM. Philippe Martin et Alain Trannoy les qualifie d’ « impôts contre la productivité », puisqu’ils contraignent les entreprises à faire des choix différents de l’optimum au sein du processus de production et d’ « impôts contre la compétitivité », puisqu’ils conduisent nos entreprises à se tourner vers le marché étranger pour se fournir en biens intermédiaires à meilleur prix.

Le projet de loi de finances pour l’année 2021 concrétise l’ambition, envisagée dans le cadre du Pacte productif et mise en œuvre dans le cadre du plan de relance, dune baisse des impôts de production de 10 milliards deuros par an, via trois mesures que sont :

– la réduction de 50 % de la CVAE (suppression de la part régionale) ;

– l’abaissement du taux de plafonnement de la CET en fonction de la valeur ajoutée (PVA) ;

– la réduction de moitié des impôts fonciers des établissements industriels.

Cette politique est indispensable pour réduire la spécificité française en matière de fiscalité de production. La France se singularise en effet, en Europe, par son nombre important dimpôts pesant directement sur les facteurs productifs. On en dénombre cinq, pour un total de 77 milliards deuros, soit 3,2 % du PIB français (contre 1,6 % du PIB en moyenne au sein de lUE) et 5,8 % de la valeur ajoutée des entreprises (contre 0,7 % en Allemagne). La CVAE est le premier d’entre eux en volume de prélèvement (14,3 milliards d’euros en 2018) devançant la taxe sur le foncier bâti (12,9 milliards d’euros), le versement transport (7,8 milliards d’euros), la cotisation foncière des entreprises (6,7 milliards d’euros) et enfin la contribution sociale de solidarité des sociétés ou C3S (3,8 milliards d’euros).

La baisse proposée dans le cadre de larticle 3 du projet de loi de finances de la CVAE est de 50 %, soit un coût de 7,2 milliards deuros pour lÉtat pour lannée 2021. Les effets d’éviction de cette mesure pour les entreprises sont neutralisés par l’abaissement du plafonnement de la CET en fonction de la valeur ajoutée (PVA) de 3 % à 2 %.

Les deux tableaux suivants présentent les différents bénéficiaires de cette mesure, par secteur dactivité, puis par taille, selon les estimations fournies par le ministère de l’économie, des finances et de la relance.

Ventilation des gagnants de la réforme à la CVAE par secteurs dactivité

 

Secteurs dactivité

Nombre dentreprises gagnantes

Montant du gain CVAE pour les entreprises (en M€)

 

A - AGRICULTURE, SYLVICULTURE ET PÊCHE

5 652

13

 

B - INDUSTRIES EXTRACTIVES

897

15

 

C - INDUSTRIE MANUFACTURIÈRE

53 673

1 543

 

D - PRODUCTION ET DISTRIBUTION DÉLECTRICITÉ, DE GAZ, DE VAPEUR ET DAIR CONDITIONNÉ

3 030

264

 

E - PRODUCTION ET DISTRIBUTION DEAU ; ASSAINISSEMENT, GESTION DES DÉCHETS ET DÉPOLLUTION

2 860

76

 

F CONSTRUCTION

72 530

373

 

G - COMMERCE ; RÉPARATION DAUTOMOBILES ET DE MOTOCYCLES

155 913

1 328

 

H - TRANSPORTS ET ENTREPOSAGE

18 703

526

 

I - HÉBERGEMENT ET RESTAURATION

36 735

143

 

J - INFORMATION ET COMMUNICATION

15 652

586

 

K - ACTIVITÉS FINANCIÈRES ET DASSURANCE

22 397

827

 

L - ACTIVITÉS IMMOBILIÈRES

20 694

133

 

M - ACTIVITÉS SPÉCIALISÉES, SCIENTIFIQUES ET TECHNIQUES

52 111

578

 

N - ACTIVITÉS DE SERVICES ADMINISTRATIFS ET DE SOUTIEN

24 502

502

 

O - ADMINISTRATION PUBLIQUE

179

9

 

P ENSEIGNEMENT

4 123

27

 

Q - SANTÉ HUMAINE ET ACTION SOCIALE

21 364

171

 

R - ARTS, SPECTACLES ET ACTIVITÉS RÉCRÉATIVES

4 969

54

 

S - AUTRES ACTIVITÉS DE SERVICES

5 473

30

 

X - ACTIVITÉS DIVERSES

37

1

 

Z - NON DÉTERMINÉ

8 938

74

 

TOTAL

530 432

7 272

 Source : Ministère de léconomie, des finances et de la relance

 

Ventilation des gagnants de la réforme à la CVAE par taille dentreprises

 

Type

Nombre dentreprises gagnantes

Montant du gain CVAE pour les entreprises (en M€)

Non défini

8 919

74

TPE

293 827

151

PME

218 548

2 298

ETI

8 858

2 991

GE

280

1 759

 

530 432

7 272

Source : Ministère de l’économie, des finances et de la relance

Cette mesure fera donc beaucoup de gagnants, en particulier dans le domaine de lindustrie manufacturière, avec un gain de CVAE de 1,5 milliard d’euros, et du commerce et de la réparation dautomobiles et de motocycles, avec 1,3 milliard d’euros de gain. Au total, 530 000 entreprises vont bénéficier dun gain CVAE de 7,2 milliards deuros, dont près de 2,5 milliards deuros pour les TPE-PME (très petites et moyennes entreprises) et 2,9 milliards deuros pour les ETI (entreprises de taille intermédiaire).

2.   Une méthode : la concertation avec les collectivités territoriales

Les collectivités territoriales, en tant que destinataires du produit de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) ont été pleinement associées à ce projet de réduction des impôts de production.

Elles se trouvent en effet dans une situation paradoxale : les entreprises de leurs territoires souffrent de ce niveau élevé de fiscalité de production, en particulier pour les collectivités dont le tissu économique est orienté vers les secteurs de l’industrie manufacturière, (21 % de la CVAE 2018 due), et du commerce ou de la réparation d’automobile et de cycles (18 % de la CVAE 2018 due). En même temps, ces collectivités territoriales sont bénéficiaires des ressources de cet impôt, dont elles ont besoin pour financer lexercice de leurs compétences.

Un travail de concertation a donc été entrepris, aboutissant à la signature le 30 juillet 2020 dun accord de méthode entre lÉtat et les régions à lhôtel de Matignon, ces dernières étant les principales concernées par les évolutions envisagées.

Dans ce cadre, quatre engagements ont été formalisés entre lÉtat et les régions, à savoir :

– la poursuite de leur mobilisation commune au service de la relance des secteurs économiques les plus touchés par l’épidémie de la Covid-19 ;

– la définition de priorités stratégiques à inscrire dans les contrats de plan État-régions (CPER) pour construire « le monde d’après » ;

– la mise en œuvre d’une approche territorialisée de la relance ;

– la nécessité de mobiliser davantage de moyens pour la relance.

3.   Un engagement : la compensation intégrale par l’État de la baisse de la CVAE pour les collectivités territoriales en 2021

Le 28 septembre dernier, un accord de partenariat est venu conclure ces échanges. Il comprend notamment lengagement de lÉtat de compenser de façon intégrale la baisse de la CVAE prévue en 2021, en échange, notamment, d’investissements régionaux massifs dans le plan de relance, de la mise en place d’un mécanisme renforçant la résilience des budgets régionaux face aux chocs de conjoncture et de la révision du système de péréquation inter-régional.

B.   DÉtail des Évolutions proposÉes au sein de l’article 3 du PLF 2021

1.   La suppression de la part régionale de la CVAE et la mise en place d’un mécanisme compensatoire à destination des régions.

L’article 3 du projet de loi de finances pour l’année 2021 prévoit dabroger le 3° de larticle 1599 bis du CGI, qui affectait une fraction égale à 50 % de la CVAE aux régions.

Afin d’assurer la compensation intégrale prévue dans le cadre de l’accord passé entre l’État et les régions, il est prévu, au IV de ce même article, pour l’année 2021, lattribution dune fraction du produit net de la taxe sur la valeur ajoutée, dont le montant est égal « au produit de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises perçu en 2020 en application du 3° de l’article 1599 bis du CGI dans sa rédaction antérieure à la présente loi », à destination de lensemble des collectivités percevant précédemment la part régionale de 50 %, c’est‑à‑dire les régions, la collectivité de Corse, les collectivités territoriales de Martinique et de Guyane et le Département de Mayotte.

Pour 2022, un mécanisme nouveau est mis en place, la fraction de TVA affectée aux collectivités locales étant calculée à partir du rapport entre le produit de la CVAE 2020, au numérateur, et le produit de la taxe sur la valeur ajoutée encaissé en 2021 au dénominateur.

Les auditions conduites par votre Rapporteure indiquent que les principes fixés au sein de larticle 3 sur ce sujet ne suscitent pas dopposition auprès des collectivités territoriales.

2.   La modification consécutive de la fraction du produit de la CVAE attribuée aux autres collectivités territoriales

L’article 3 du projet de loi de finances pour l’année 2021 fait évoluer logiquement les fractions de la CVAE attribuées, d’une part, aux communes et à leurs établissements de coopération intercommunale (EPCI) et aux départements d’autre part.

La modification de larticle 1379 du CGI porte la fraction de la CVAE attribuée aux communes de 26,5 % à 53 %.

La modification de larticle 1586 du CGI, quant à elle, accroît la fraction de la CVAE attribuée aux départements de 23,5 % à 47 %.

Ces deux évolutions, qui visent à tenir compte de la suppression de la part régionale et donc de la baisse de 50 % de la CVAE, n’appellent pas de remarque particulière de votre Rapporteure, ni des associations représentatives des collectivités, qui ont été sollicitées en ce sens.

3.   L’adaptation des différents taux de la CVAE pour tenir compte de la suppression de la part régionale

La réduction de moitié de la CVAE se traduit aussi par une évolution des articles 1586 ter et quater du CGI dans le sens de la division par un facteur deux :

– de son taux théorique, qui passe de 1,5 % à 0,75 % (I.C de l’article) ;

– de l’ensemble des taux relatifs au calcul du dégrèvement (I.D, a-d) ;

– du dégrèvement complémentaire, qui passe de 1 000 euros à 500 euros (I.D.2°) ;

– du plancher du dégrèvement, qui passe de 250 euros à 125 euros (I.F).

4.   Une multiplication par un facteur deux du taux de la TACVAE pour maintenir un niveau de recettes identique pour la taxe pour frais de chambres de commerce et d’industrie (TCCI)

L’article 3 du projet de loi de finances pour l’année 2021 fait évoluer larticle 1600 du CGI en faveur d’une multiplication par deux du taux de la TACVAE (de 1,73 à 3,46 %) afin de conserver des ressources identiques.

5.   Un plafonnement de la CET qui évolue de 3 % à 2 % et s’applique dès 2021

Ledit article 3 modifie larticle 1647 B sexies en faveur d’une évolution du taux de plafonnement de CET en fonction de la valeur ajoutée de 3 % à 2 %, afin d’annuler l’effet d’éviction consécutif à la baisse des taux de la CVAE. La réduction de la CVAE réduisait en effet mécaniquement le montant du dégrèvement accordé aux entreprises concernées, ce qui aurait constitué un problème pour notre industrie manufacturière (51 % du dégrèvement de CFE 2018).

L’évaluation préalable de cette mesure indique que le nombre dentreprises bénéficiant dun dégrèvement du PVA devrait augmenter pour atteindre 68 000, contre 45 000 avant la réforme.


III.   Position de votre Rapporteure

La suppression de la part régionale de la CVAE proposée par l’article 3 du projet de loi de finances pour 2021 s’inscrit dans la droite ligne des recommandations du Conseil danalyse économique et des engagements du Gouvernement en matière de baisse de la fiscalité sur les entreprises.

La CVAE est un impôt de production qui présente des effets distorsifs et peut produire un effet de taxation en cascade. On entend par là le fait que « l’entreprise A » qui acquitte la CVAE, tend à répercuter cet impôt, au moins partiellement, sur ses clients, dont « l’entreprise B », qui a pourtant besoin de se fournir en biens intermédiaires pour produire. Cette entreprise B acquittera donc non seulement cet impôt, mais devra aussi supporter l’augmentation de ses coûts de production induite par l’augmentation de prix des étapes de production précédentes. Dès lors, plus l’entreprise B se situe en aval de la chaîne de valeur, plus elle subira les augmentations des étapes en amont.

Il existe, en outre, une grande hétérogénéité des CVAE acquittées par les entreprises en fonction de leur chiffre daffaires. Comme le rappelle le Conseil d’analyse économique dans sa note de 2019 sur les impôts de production, sur l’ensemble des entreprises redevables de la CVAE et appartenant au 9e décile de valeur ajoutée, un quart se retrouve avec un taux inférieur à 0,7 % et un autre quart avec un taux supérieur à 1,4 %. Cette hétérogénéité résulte du mode de calcul complexe de cet impôt.

Larticle 3 du projet de loi de finances propose donc de supprimer la part régionale de la CVAE, en affectant aux régions une fraction de la taxe sur la valeur ajoutée, d’une part, et en abaissant l’ensemble des taux de la CVAE par un facteur deux, d’autre part.

Dans sa rédaction actuelle, votre Rapporteure considère que le dispositif est profitable à lensemble des parties.

Les entreprises bénéficieront en effet de la division par deux des taux de la CVAE et de la baisse du plafonnement de la CET. Cette mesure fera beaucoup de gagnants, en particulier dans le domaine de l’industrie manufacturière, avec un gain de CVAE de 1,5 milliard d’euros, et dans les domaines du commerce et de la réparation d’automobiles et de motocycles, avec 1,3 milliard d’euros de gain. Au total, 530 000 entreprises vont bénéficier d’un gain de CVAE de 7,2 milliards d’euros, dont près de 2,5 milliards d’euros pour les TPE-PME et 2,9 milliards d’euros pour les ETI.

Dans le même temps, les collectivités verront leurs ressources intégralement compensées pour 2021. Cet engagement pris par le Gouvernement a été formalisé au sein d’un accord de partenariat avec les régions et traduit dans le dispositif de l’article 3 du présent PLF. Les régions auront donc la capacité de soutenir la relance territoriale, qui est indispensable pour la reprise. En outre, le dynamisme de la ressource TVA apparaît favorable aux collectivités dans la longue durée.

Enfin, collectivement, cette mesure nous permet de continuer à avancer dans la direction d’une baisse des impôts pesant sur les entreprises, conformément à l’engagement pris par le Président de la République en 2017.

Pour ces différentes raisons, votre Rapporteure donne donc un avis favorable à ladoption par la commission des affaires économiques de larticle 3 du PLF 2021.


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TRAVAUX de la commission

Au cours de sa réunion du lundi 5 octobre 2020, la commission des affaires économiques a procédé à lexamen pour avis de la première partie du projet de loi de finances pour 2021 (n° 3360) (Mme Anne-France Brunet, rapporteure pour avis).

M. Mickaël Nogal, président. Nous entamons le marathon budgétaire.

Depuis plusieurs années, la commission des affaires économiques a choisi de se saisir pour avis de certaines dispositions de la première partie du projet de loi de finances entrant dans son champ de compétences.

Cette année, au titre du projet de loi de finances pour 2021, notre commission a fait le choix de porter son attention sur les dispositions se rattachant directement au plan de relance annoncé par le Gouvernement. Plus précisément, elle s’est saisie pour avis de l’article 3, relatif à la baisse de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises à hauteur de la part affectée aux régions et à l’ajustement du taux du plafonnement de la contribution économique territoriale en fonction de la valeur ajoutée.

Nous avons souvent évoqué la baisse des impôts de production au cours des derniers mois. Nous y avons même consacré une table ronde le 9 octobre 2019, en présence notamment de M. Philippe Martin, président délégué du Conseil d’analyse économique. Cette mesure est demandée par les entreprises et préconisée par de nombreux économistes. Il importe donc que nous puissions en discuter.

Les délais accordés pour ce faire sont néanmoins très réduits puisque le projet de loi de finances a été déposé lundi dernier. Notre collègue Anne-France Brunet a accepté de relever le défi et de rédiger un rapport budgétaire en quelques jours. Cela explique pourquoi l’état d’avancement des travaux ne vous a pas été transmis.

Le plan de relance, dont le montant s’élève à 100 milliards d’euros, présente bien d’autres aspects que la réduction des impôts de production. C’est pourquoi Mme Anne-France Brunet a également été nommée rapporteure pour avis de la nouvelle mission budgétaire « Plan de relance », qui comporte trois programmes : « Écologie », « Compétitivité » et « Cohésion ». Notre collègue aura donc l’occasion, le 13 octobre, de présenter devant notre commission une vision plus globale du plan de relance, avant d’inaugurer le cycle de présentation des quatorze avis budgétaires de la commission des affaires économiques.

S’agissant de la présente réunion, nous n’aurons pas d’amendements à examiner : les 42 amendements déposés – 41 par notre collègue Dino Cinieri et 1 par moi-même – portent sur des articles qui sont hors du champ de notre saisine pour avis. Déclarés irrecevables, ils pourront être déposés auprès de la commission des finances. Le mien est relatif au financement des chambres de commerce et d’industrie (CCI) ; je le présenterai dans ce cadre, avec le soutien de plusieurs membres de cette commission.

Mme Anne-France Brunet, rapporteure pour avis. Notre commission s’est saisie pour avis sur l’article 3 de la première partie du projet de loi de finances pour 2021, qui prévoit dans le cadre du plan de relance, une diminution de la fiscalité de production de 10 milliards d’euros dès l’année prochaine. Plus précisément, il prévoit une baisse de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises à hauteur de la part affectée aux régions, et une évolution à la baisse du taux de plafonnement de la contribution économique territoriale, afin de maximiser le nombre d’entreprises bénéficiant de cette diminution d’impôt.

Avant d’en venir au fond de l’article et de débattre avec vous de l’enjeu que constitue la réduction des impôts de production dans notre pays, j’aimerais dire un mot du contexte général dans lequel s’inscrit le projet de loi de finances pour 2021.

Notre pays a connu une crise inédite, provoquée par l’épidémie de covid-19. Ses conséquences économiques continueront à se faire sentir au cours des prochains mois. Face à ce défi, le Gouvernement et la majorité ont réagi rapidement, en proposant des dispositifs de soutien aux entreprises visant à les accompagner pendant la crise. Le plan de relance, dont le montant, inédit, s’élève à 100 milliards d’euros, doit permettre de soutenir l’activité tandis que notre économie traverse un trou d’air, qui a provoqué une chute du produit intérieur brut (PIB) estimée à 5,8 % au premier trimestre 2020 et à 13,8 % au deuxième trimestre.

L’amélioration récente des perspectives de croissance pour la France, dont le PIB devrait connaître, pour l’année 2020, une diminution globale désormais estimée à 8,7 % – contre une prévision initiale de la Banque de France de 10,3 % –, est un premier signe de reprise, qui doit être amplifié. Tel est tout l’objet des mesures proposées au sein du présent projet de loi de finances, parmi lesquelles la diminution de la fiscalité de production, qui pèse sur nos entreprises, notamment dans les secteurs de l’industrie et du commerce.

Considérons la fiscalité de production en France. Les impôts de production, soit les prélèvements pesant sur les facteurs de production utilisés par les entreprises pour créer des biens et proposer des services, peuvent avoir un effet de distorsion sur l’activité économique, car ils affectent leur processus productif, et amènent donc les entreprises à opérer bien souvent des choix réduisant leur efficacité.

Une note du Conseil d’analyse économique rédigée par MM. Philippe Martin et Alain Trannoy les qualifie d’« impôts contre la productivité », car ils contraignent les entreprises à faire des choix distincts de l’optimum au sein du processus de production, et d’« impôts contre la compétitivité », car ils conduisent nos entreprises à se tourner vers le marché étranger pour se fournir en biens intermédiaires à meilleur prix.

En France, les impôts de production représentaient 77 milliards d’euros en 2018, soit 3,2 % du PIB, contre 1,6 % en moyenne au sein de l’Union européenne, et 5,8 % de la valeur ajoutée des entreprises, contre 0,7 % chez nos voisins allemands. Cet ensemble est dynamique : de 2007 à 2016, il a évolué plus vite que le PIB. Le produit de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises – CVAE –, en 2018, s’élevait à 14,5 milliards d’euros, ce qui en fait le premier impôt de production.

Dans un contexte de crise économique, qui rend nécessaire la relance de l’activité par le soutien aux entreprises, la réduction des impôts de production est une priorité légitime. Par ailleurs, elle est fortement demandée par les acteurs économiques. Votre rapporteure est convaincue que l’article 3 du projet de loi de finances pour 2021, qui prévoit une diminution de la cotisation de la CVAE à hauteur de 7,2 milliards d’euros, peut y contribuer.

Penchons-nous à présent sur le détail de l’article 3. La cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises est l’une des deux composantes de la contribution économique territoriale – CET –, en complément de la cotisation foncière des entreprises – CFE. Elle a été créée en 2010, à l’occasion de la suppression de la taxe professionnelle. L’objectif était alors – déjà ! – d’améliorer la compétitivité de nos entreprises, en supprimant un impôt ayant pour effet de renchérir le coût d’usage du capital, donc de limiter les investissements.

L’assiette de la CVAE inclut les entreprises dont le chiffre d’affaires est supérieur à 152 500 euros hors taxes. En pratique, en raison du système de dégrèvement qui lui est associé, seules les entreprises dont le chiffre d’affaires est supérieur à 500 000 euros en sont redevables. Le taux de la CVAE, appliqué à la valeur ajoutée fiscale de l’entreprise, est progressif et fixé à l’échelle nationale ; il est compris entre 0 et 1,5 %.

En 2019, la CVAE payée par les entreprises représentait 14,5 milliards d’euros, son produit total, dégrèvements compris, étant de 18,9 milliards. Cet impôt frappe surtout le secteur de l’industrie manufacturière – 21 % de la CVAE due en 2018 – et celui du commerce – 18 % de la CVAE due en 2018. Il faut bien constater que l’impératif de relocalisation industrielle dans nos territoires impose une réduction de cet impôt.

Son produit est destiné aux collectivités locales, à hauteur de 26,5 % pour le bloc communal – 5,7 milliards d’euros en 2019 –, de 23,5 % pour les départements – 3,8 milliards d’euros en 2019 – et de 50 % pour les régions – 9,5 milliards d’euros en 2019. La suppression de la part régionale de la CVAE mise en œuvre par le Gouvernement s’inscrit dans la droite ligne des recommandations du Conseil d’analyse économique.

Cet impôt peut produire un effet de taxation en cascade. L’entreprise A, qui l’acquitte, peut en répercuter le coût, au moins partiellement, sur l’entreprise B, sa cliente. Or celle-ci doit acheter des biens intermédiaires. Elle acquittera donc cet impôt, tout en subissant l’augmentation de ses coûts de production induite par l’augmentation des prix décidée lors des précédentes étapes de production. Plus l’entreprise B se situe en aval de la chaîne de valeur, plus elle subit les augmentations de prix décidées en amont.

Par ailleurs, le montant de la CVAE acquittée par les entreprises présente une grande hétérogénéité en fonction du chiffre d’affaires. Comme le rappelle le Conseil d’analyse économique dans sa note sur les entreprises redevables de la CVAE appartenant au neuvième décile de valeur ajoutée, 25 % d’entre elles sont imposées à un taux inférieur à 0,7 %, et 25 % d’entre elles sont imposées à un taux supérieur à 1,4 %. Cette hétérogénéité résulte du mode de calcul complexe de cet impôt.

L’article 3 du projet de loi de finances vise à supprimer la part régionale de la CVAE, en affectant aux régions une fraction de la taxe sur la valeur ajoutée, d’une part, et en divisant les taux de la CVAE d’un facteur deux, d’autre part.

Votre rapporteure considère que ces dispositions, telles qu’elles sont rédigées, sont profitables à toutes les parties. Les entreprises bénéficieront de la division par deux des taux de la CVAE et de la diminution du taux de plafonnement de la CET.

Cette mesure fera de nombreux gagnants, notamment dans le secteur de l’industrie manufacturière, où le gain de CVAE est estimé à 1,5 milliard d’euros, et dans celui du commerce et de la réparation d’automobiles et de motocycles, où le gain est estimé à 1,3 milliard d’euros. Au total, 530 000 entreprises bénéficieront d’un gain de CVAE, pour un montant total de 7,2 milliards d’euros, dont près de 2,5 milliards d’euros pour les TPE-PME et 2,9 milliards d’euros pour les ETI.

Quant aux collectivités territoriales, leurs pertes de ressources pour 2021 seront intégralement compensées. Cet engagement a été pris par le Gouvernement, formalisé au sein d’un accord de partenariat entre le Gouvernement et Régions de France, et intégré dans l’article 3 du présent projet de loi de finances. Les régions auront donc la capacité de soutenir la relance territoriale, qui est indispensable pour la reprise. En outre, le dynamisme de la ressource fiscale issue de la TVA semble leur être favorable dans la durée.

Enfin, cette mesure nous permet, collectivement, de poursuivre la politique de diminution des impôts pesant sur les entreprises, conformément à l’engagement pris par le Président de la République en 2017.

Votre rapporteure émet donc, au nom de la commission des affaires économiques, un avis favorable à l’adoption de l’article 3 du projet de loi de finances pour 2021.

M. Mickaël Nogal, président. La parole est aux représentants des groupes.

M. David Corceiro (MoDem). Le double choc – sanitaire et économique – que nous vivons depuis le mois de mars est sans précédent. Nous pouvons saluer le Gouvernement, qui a pris, depuis six mois, de nombreuses mesures visant à aider notre tissu économique et social à tenir. Nous constatons quotidiennement que les dispositions mises en œuvre depuis quelques mois ont permis à notre économie de s’adapter et de passer le cap. Depuis le mois de mars, les salariés indépendants ont été soutenus, et les outils pour accompagner les entreprises ont été renforcés.

Bien entendu, les difficultés demeurent nombreuses. Il reste tant à faire ! Notre priorité doit être de produire davantage en France et de réindustrialiser notre pays. Il y va de notre souveraineté économique, de notre capacité à absorber les futurs chocs et de l’emploi des Français. À cet égard, nous pouvons saluer le plan de relance présenté au mois de septembre par le Gouvernement.

Le projet de loi de finances vise à le soutenir. Il doit relancer l’économie tout en préparant le pays aux défis de demain. Doté d’un budget de 100 milliards d’euros, il s’articule autour de trois priorités : l’écologie, la cohésion sociale et la compétitivité.

L’article 3 du projet de loi de finances pour 2021, sur lequel notre commission est saisie pour avis, s’inscrit dans cette troisième priorité. La diminution des impôts pesant sur la production, mesure phare du plan de relance, est attendue depuis plusieurs années par nos entreprises, qui sont la colonne vertébrale de notre économie. Conformément à ce qui a été annoncé au début du mois de septembre, les entreprises bénéficieront, à partir de 2021, d’une réduction de 10 milliards d’euros de la taxation pesant sur la production, grâce notamment à la diminution de la CVAE et à l’ajustement du plafonnement de la CFE.

On ne peut que se réjouir de cette diminution des impôts de production. Sur ce point, la France se distingue de ses voisins européens. Ces impôts pèsent sur la compétitivité des entreprises françaises, par comparaison avec celle de leurs concurrents, et sur l’attractivité du territoire, car les décisions d’implantation, notamment celles des entreprises industrielles, en tiennent compte.

Plus généralement, le groupe MoDem et Démocrates apparentés salue, au sein du présent projet de loi de finances, la stabilité des crédits engagés pour l’agriculture. Ils permettront de continuer à travailler au soutien des revenus des agriculteurs et à la transformation de l’agriculture en agroécologie. Ce sujet est particulièrement important ; nous allons d’ailleurs en débattre tout à l’heure en séance publique, à l’occasion de l’examen du projet de loi relatif aux néonicotinoïdes.

J’émettrai toutefois une réserve, à laquelle j’associe mes collègues du groupe MoDem et apparentés, au sujet de la diminution de la dotation attribuée aux chambres de commerce et d’industrie. Notre groupe estime qu’il est nécessaire de transformer en profondeur le réseau des CCI, pour lui rendre du sens et en refaire un outil de politique publique sur lequel l’État puisse prendre appui. La diminution de leurs ressources, engagée depuis plusieurs années, est une chance à saisir pour recréer une nouvelle dynamique.

En sus de leur traditionnelle mission de service public, les CCI remplissent des missions d’accompagnement et de conseil, destinées aux secteurs commercial et industriel, ainsi qu’aux particuliers et aux collectivités territoriales, ce qui appelle rémunération. La diversification de leur mode de financement devrait contribuer à les rapprocher davantage des entreprises et des territoires.

Toutefois, si la diminution de leur dotation au cours des derniers exercices pouvait être justifiée, nous considérons qu’il faut y renoncer cette année. En effet, les CCI ont réellement engagé leur mutation, et obtenu de véritables résultats, s’agissant notamment de la réduction des frais de structures et du développement de ressources propres. En outre, elles ont agi utilement pendant le confinement, et joueront un rôle important lorsqu’il faudra susciter des projets d’entreprise dans le cadre du plan de relance.

M. Rémi Delatte (LR). Il est un peu difficile d’émettre un avis circonstancié sur l’article 3 du présent projet de loi de finances, compte tenu du peu de temps dont nous avons disposé pour ce faire. De telles conditions de travail ne sont confortables pour personne.

Toute diminution des impôts pesant sur les entreprises, notamment des impôts de production, est une bonne nouvelle. Le groupe Les Républicains y souscrit pleinement. Celle-ci avait été annoncée, dans le cadre de la campagne présidentielle, par le candidat Emmanuel Macron. Cette annonce est donc suivie d’effet, et renforcée par le plan de relance dont nous avons eu l’occasion de dire tout l’intérêt que nous lui portons. Nous saluons notamment la réactivité du Gouvernement et l’ampleur du plan.

Un point ne laisse pas de nous intriguer, les uns et les autres : en présence de ces multiples réformes de la fiscalité, nous aimerions y voir plus clair. Il faut une vue d’ensemble, permettant de voir où l’on va, de façon globale. Ainsi, les impôts locaux font eux aussi l’objet d’une réforme. On perçoit bien une volonté générale d’agir, mais on ne voit pas bien où l’on va. Il faut clarifier tout cela, dans le cadre d’une perspective d’ensemble.

Enfin, je souscris à l’argument de notre collègue du groupe MoDem au sujet des CCI, auxquelles nous envoyons un mauvais signal. Lors des précédents débats budgétaires, nous avons eu du mal à faire revenir le Gouvernement sur ses décisions. Les CCI subissent une nouvelle attaque, à l’heure où leur réseau territorial s’avère toujours plus nécessaire, car il assure un rôle tout à fait essentiel auprès des entreprises.

Mme Anne-Brunet, rapporteure pour avis. J’aimerais apporter quelques précisions à nos collègues, que je remercie de leurs interventions.

Nous n’avons connu la teneur de l’article 3 qu’en début de semaine dernière, ce qui m’a contrainte à mener tambour battant les auditions des représentants de Régions de France, de l’Association des maires de France – AMF –, des membres des cabinets de plusieurs ministres, notamment du cabinet de Mme Jacqueline Gourault, de la direction du budget, de la CCI France et de la confédération des petites et moyennes entreprises.

S’agissant des CCI, les dispositions prévues m’ont également inspiré des interrogations. La CCI de ma région m’a contactée à ce sujet, et il est vrai que ce sujet suscite des inquiétudes. La diminution de 100 millions d’euros du montant de taxes affecté aux CCI découle de l’article 24, non de l’article 3. C’est dans ce cadre qu’il faut en débattre. L’article 3, quant à lui, tient compte des CCI, en prévoyant la multiplication par deux du taux de la taxe additionnelle à la CVAE, qui passe de 1,73 % à 3,46 %, pour que les CCI ne subissent pas les conséquences des dispositions relatives à la CVAE.

La commission émet un avis favorable à ladoption de larticle 3 du projet de loi de finances pour 2021.


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   liste des ACTEURS auditionnÉs OU CONSULTÉS

1.   Auditions

Cabinet de Madame Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales

– Mme Lila Mahnane, conseillère parlementaire

– M. Sébastien Simoes, chef du bureau de la fiscalité locale

Direction du budget

– M. Arnaud Wieber, chef du bureau des collectivités locales

– M. Jalal Froug, spécialiste fiscalité, bureau des collectivités locales

Régions de France

– M. Jules Nyssen, délégué général 

2.   Consultations

Confédération des PME (CPME)

CCI France


([1]) À la suite du rapport rédigé en juin 2018 par Yves Dubief et Jaques Le Pape sur ce sujet et de la note du Conseil d’analyse économique sur les impôts de production.

([2]) Les impôts de production des entreprises ont augmenté en France de + 19,9% entre 2007 et 2016 alors que le PIB progressait en valeur sur la même période de + 14,2% seulement.

([3]) Le produit brut de la CVAE (18,9 milliards d’euros) fait l’objet de dégrèvements. L’impôt effectivement supporté par les entreprises est plus faible (14,3 milliards d’euros en 2018).

([4]) Les sociétés non dotées de la personnalité morale et les fiduciaires pour leur activité exercée en vertu d’un contrat de fiducie qui exercent une activité dans les conditions fixées aux articles 1447 et 1447 bis y sont également assujetties (article 1586 ter du code général des impôts)