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N° 3400

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 9 octobre 2020.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES
SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2021 (n° 3360)

TOME III

AGRICULTURE, ALIMENTATION, FORÊT ET AFFAIRES RURALES

AGRICULTURE ET ALIMENTATION

PAR M. Jean-Bernard Sempastous

Député

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 Voir les numéros : 3360 et 3399 (Tome III, Annexe 4).

 


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SOMMAIRE

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Pages

Introduction

I. Présentation des crédits de la mission « agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales »

A. le programme 149 « compétitivité et durabilité de l’agriculture, de l’agroalimentaire, de la forÊt, de la pêche et de l’aquaculture »

1. L’action n° 21 « Adaptation des filières à l’évolution des marchés »

2. L’action n° 22 « Gestion des crises et des aléas de la production agricole »

3. L’action n° 23 « Appui au renouvellement et à la modernisation des structures agricoles »

4. L’action n° 24 « Gestion équilibrée et durable des territoires »

5. L’action n° 25 « Protection sociale »

6. L’action n° 26 « Gestion durable de la forêt et développement de la filière bois »

7. L’action n° 27 « Moyens de mise en œuvre des politiques publiques et gestion des interventions »

8. L’action n° 28 « Gestion durable des pêches et de l’aquaculture »

B. le programme 206 : « sécurité et qualité sanitaires de l’alimentation »

C. le programme 215 « conduite et pilotage des politiques de l’agriculture »

D. le compte d’affectation spéciale « développement agricole et rural » (CASDAR)

II. ANALYSE THÉMATIQUE : L’agriculture urbaine

A. Les petits pas d’une réponse à des enjeux multiples

1. Une fonction nourricière

2. Une fonction environnementale, sociale et pédagogique

3. Des initiatives localisées, partagées entre porteurs de projets et collectivités territoriales

B. Une nouvelle forme d’agriculture qui doit trouver sa place dans le paysage agricole français

1. Décloisonner

2. Sécuriser

3. Accompagner financièrement

EXAMEN EN COMMISSION

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

 


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   Introduction

Dans le projet de loi de finances pour 2021, le Gouvernement affiche la constance de sa volonté de soutenir les mesures favorables à une agriculture durable économiquement et respectueuse de l’environnement en accompagnant la transformation des entreprises agricoles et agro-alimentaires, tout en contenant les dépenses liées aux contrôles et aux moyens de l’administration.

La mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » voit ses crédits diminuer pour l’exercice 2021, atteignant 2,96 milliards d’euros en autorisations d’engagement (AE), soit une baisse de 1,19 % par rapport à 2020, et 2,9 milliards d’euros en crédits de paiement (CP), soit une hausse de 1,07 %.

L’année de crise que constitue l’année 2020 avec la pandémie de Covid-19 ne modifie pas les grandes lignes budgétaires de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales ». Pour autant, le monde agricole a été affecté par les modifications des habitudes alimentaires des Français et de l’approvisionnement de la grande distribution, en lien avec la période de confinement. La perte de pouvoir d’achat de nombreux ménages aura également indéniablement des conséquences, même si toutes ne sont pas encore quantifiables. 

Pour ces raisons, le Gouvernement a présenté un ambitieux plan de relance qui sera discuté dans le cadre du présent projet de loi de finances pour 2021. Il comprend un volet agricole (l’action n° 05 « Transition agricole ») de plus d’1,1 milliard d’euros d’autorisations d’engagement dont l’ambition est « d’accélérer la transformation industrielle, sanitaire et écologique de l’agriculture et de l’alimentation ». Les dépenses fiscales associées s’élèvent à 30 millions d’euros.

Sans compter le maintien des crédits de la politique agricole commune, les soutiens au monde agricole sont ambitieux et diversifiés pour l’année à venir. Ils accéléreront la transition agro-écologique et durable en cours depuis plusieurs années en prenant en compte les nécessités d’adaptation de l’agriculture et de la forêt au changement climatique tout en donnant aux agriculteurs et à leurs filières les moyens de consolider l’enjeu émergent d’indépendance et de souveraineté alimentaire française.

Par ailleurs, la crise a mis en exergue les enjeux de continuité de l’approvisionnement alimentaire et la volonté des Français – confinés mais consommateurs - de se rapprocher des producteurs agricoles par la vente directe. Ce contexte, corrélé au phénomène ancien de raréfaction du foncier agricole, conduit votre Rapporteur à s’intéresser à l’agriculture urbaine professionnelle, outil indispensable des villes de demain dans le contexte du changement climatique.

Votre Rapporteur soutient l’action du Gouvernement en donnant un avis favorable à l’adoption des crédits des programmes 149 « Compétitivité et durabilité de l’agriculture, de l’agroalimentaire, de la forêt, de la pêche et de l’aquaculture », 206 « Sécurité et qualité sanitaires de l’alimentation » et 215 « Conduite et pilotage des politiques de l’agriculture ».

 


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I.   Présentation des crédits de la mission « agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales »

Le plafond des crédits alloués à la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » s’élève à 2,96 milliards d’euros en AE (- 1,19 %) et 2,97 milliards en CP (+ 1,07 %).

À périmètre de mission identique par rapport à la n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020, les crédits sont en diminution. Celle-ci est le fait de la baisse des crédits de la mission 149 qui couvre 58 % des crédits de la mission, non compensée par les hausses des crédits des missions 206 et 215.

Crédits nationaux en faveur de l’agriculture pour 2021

(En euros)

Numéro de programme et intitulé

AE

CP

149

Compétitivité et durabilité de l’agriculture, de l’agroalimentaire, de la forêt, de la pêche et de l’aquaculture

1 726 294 101

1 744 639 349

206

Sécurité et qualité sanitaires de l’alimentation

599 364 904

598 173 954

215

Conduite et pilotage des politiques de l’agriculture

633 883 945

630 548 647

TOTAL Mission agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales

2 959 542 950

2 973 361 950

142

Enseignement supérieur et recherche agricoles

363 044 998

363 907 719

143

Enseignement technique agricole

1 484 010 482

1 484 010 482

775 & 776

Compte d’affectation spéciale développement agricole et rural

126 000 000

126 000 000

TOTAL

4 932 598 430

4 947 280 151

 


A.   le programme 149 « compétitivité et durabilité de l’agriculture, de l’agroalimentaire, de la forÊt, de la pêche et de l’aquaculture »

Crédits du programme 146
« compétitivité et durabilité de l’agriculture, de l’agroalimentaire,
de la forêt, de la pêche et de l’aquaculture »

(En euros)

Numéro et intitulé
du programme et de l’action

AE

CP

Ouvertes en LFI
2020

Demandées pour
2021

Ouverts en LFI
2020

Demandés pour
2021

149

Compétitivité et durabilité
de l’agriculture, de
l’agroalimentaire, de la
forêt, de la pêche et de
l’aquaculture

1 813 459 963

1 726 294 101

1 755 475 363

1 744 639 349

Variation

- 4,8 %

- 0,6 %

1

Adaptation des filières à
l’évolution des marchés

217 772 500

218 281 512

217 772 500

218 281 512

2

Gestion des crises et des aléas
de la production agricole

5 374 381

5 374 381

5 374 381

5 374 381

3

Appui au renouvellement
et à la modernisation
des exploitations agricoles

127 313 208

115 553 718

166 803 310

138 322 857

4

Gestion équilibrée et durable
des territoires

571 927 929

454 716 928

464 093 247

447 936 928

5

Protection sociale

117 387 865

127 387 865

117 387 865

127 387 865

6

Gestion durable de la forêt
et développement de la
filière bois

241 067 948

249 470 876

246 418 359

251 817 416

7

Moyens de mise en œuvre des
politiques publiques et gestion
des interventions

487 052 310

504 944 999

487 052 310

504 944 999

8

Pêche et aquaculture

50 563 822

50 563 822

50 573 391

50 573 391

Ce programme, inchangé dans sa structure par rapport à la loi de finances pour 2020 précitée, est le programme pilier du ministère et est placé sous la responsabilité de la direction générale de la performance économique et environnementale des entreprises (DGPE). Il soutient financièrement les filières relevant du domaine du ministère de l’agriculture et de l’alimentation. Il intervient en synergie avec les fonds européens pour favoriser la compétitivité des exploitations et des entreprises.

Après une hausse de 8,8 % en AE l’an dernier, le projet de loi de finances pour 2021 diminue les AE de ce programme de 4,8 %. Dans les deux cas, ces évolutions significatives sont liées au triplement des crédits accordés aux mesures agroenvironnementales et climatiques (MAEC).

1.   L’action n° 21 « Adaptation des filières à l’évolution des marchés »

Cette action contribue à l’adéquation des productions agricoles aux demandes du marché. Ainsi, elle valorise la qualité des produits, promeut la modernisation des filières tout en soutenant les entreprises agroalimentaires dans la commercialisation des produits sur le sol national et à l’international. Elle représente 12,6 % du budget du programme, en hausse de 0,2 % en AE comme en CP (+ 500 000 €) par rapport à 2020.

Cette hausse correspond principalement à la sous-action liée au fonds pour les industries agroalimentaires dont les crédits sont en augmentation afin de financer un programme d’accompagnement de petites et moyennes entreprises (PME).

Le soutien à la filière canne à sucre est stable depuis plusieurs années (124,4 millions d’euros).

Il en va de même pour le fonds Avenir Bio – 8 millions d’euros – (financé par l’Agence Bio), dans la logique du plan Ambition Bio 2022 et de son objectif d’atteindre 15 % de la surface agricole utile (SAU) convertie en agriculture biologique d’ici 2022 ([1]). À noter que le budget de ce fonds a doublé depuis 2018.

2.   L’action n° 22 « Gestion des crises et des aléas de la production agricole »

Cette action soutient les producteurs en difficulté. Elle ne représente que 0,3 % du budget du programme, avec 5,3 millions d’euros consacrés à cette action en AE et en CP. Elle se décompose en deux fonds : l’aide en faveur du redressement des exploitations en difficulté (AGRIDIFF) et le fonds d’allègement des charges (FAC). La dotation de ces fonds est pour une année supplémentaire stable par rapport à la loi de finances pour 2020 précitée, représentant respectivement 3,5 millions d’euros et 1,8 million d’euros, en AE comme en CP.

3.   L’action n° 23 « Appui au renouvellement et à la modernisation des structures agricoles »

Cette action représente 6,7 % du budget du programme en AE, et 9 % en CP, avec respectivement 115 millions d’euros en AE, en baisse de 9,2 %, et 138 millions d’euros en CP, en baisse de 17,1 %.

La dotation aux jeunes agriculteurs (DJA) est stable en AE (37 millions d’euros) mais en baisse en CP (54 millions d’euros soit - 8,4 %) en CP. Les montants engagés sont stables après avoir été rehaussés en 2017. La baisse des CP correspond, pour partie, au financement des restes à payer au titre des prêts bonifiés, supprimés en 2017.

L’indemnité viagère de départ et le complément de retraite des chefs d’exploitation expatriés est en baisse de 9 % en AE et CP, soit 16,5 millions d’euros.

L’aide à la modernisation des exploitations dans le cadre des subventions à l’investissement du plan de compétitivité et d’adaptation des exploitations agricoles (PCAE) est également en baisse de 10,7 millions d’euros en AE et de 22,9 millions d’euros en CP. C’est un poste de dépenses qui a été largement abondé les années précédentes dans le cadre du Grand plan d’investissement.

À noter la revalorisation de 600 000 euros des stages à l’installation (dispositif abondé à hauteur de 2,5 millions d’euros en AE et CP), qui contribuent à répondre à l’enjeu du renouvellement des générations.

4.   L’action n° 24 « Gestion équilibrée et durable des territoires »

Cette action, qui a pour objectif d’accroître la durabilité et l’attractivité des territoires ruraux, représente 455 millions d’euros en AE, soit 26,3 % du budget du programme, et 448 millions d’euros en CP. Le budget alloué à ce programme est ainsi en baisse de 19,8 % en AE et de 3,5 % en CP. Pour mémoire, les AE avaient augmenté de 43,33 % en AE dans la loi de finances pour 2020 précitée par rapport à la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019.

Cette diminution s’explique quasiment exclusivement par la baisse du budget des MAEC et des aides à l’agriculture biologique, passés de 231 millions d’euros en 2020 à 123 millions pour 2021 en AE soit une baisse de 46,8 % et de 128 millions d’euros en 2020 à 116 millions d’euros pour 2021 en CP. Cette baisse suit une augmentation historique entre la loi de finances pour 2019 et la loi de finances pour 2020 précitées de + 266,52 % en AE expliquée par le renouvellement des contrats souscrits en 2015 (aide accordée en contrepartie d’un engagement agro‑environnemental).

Sans renoncer au soutien des agriculteurs engagés dans une démarche biologique et vertueuse pour l’environnement, le Gouvernement réduit la masse des crédits sachant que ceux-ci sont cofinancés par le Fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER) à hauteur de 75 %, d’une part, et par les collectivités territoriales et les agences de l’eau, d’autre part.

Les mesures en faveur des actions environnementales et du pastoralisme connaissent également une baisse de leur budget de 32,2 % en AE et en CP, s’élevant à 24,72 millions d’euros. Elles financent, majoritairement, la protection des producteurs face aux grands prédateurs et le soutien à l’animation des groupements d’intérêt économique et environnemental (GIEE).

Enfin, le budget des indemnités compensatoires de handicaps naturels (ICHN) est en baisse par rapport à la loi de finances pour 2020 précitée, pour un montant de de 277 millions d’euros en AE et en CP contre 284,2 millions d’euros l’an dernier soit une baisse de 2,5 %. Les ICHN permettent le maintien des exploitations agricoles dans les zones naturellement défavorisées, en compensant les surcoûts subis du fait de la situation de l’exploitation. La révision de la carte des zones défavorisées simples conduit à une diminution du nombre de bénéficiaires de ces aides à partir de 2021.

5.   L’action n° 25 « Protection sociale »

Cette action soutient le secteur agricole par des exonérations de cotisations sociales. Elle représente 7,4 % du budget du programme, avec une dotation de 127 millions d’euros en AE et en CP. Ce budget est en hausse de 10 millions d’euros par rapport à la loi de finances pour 2020 précitée.

L’exonération concerne principalement les charges patronales pour l’emploi de travailleurs occasionnels et de demandeurs d’emploi (TO-DE), dans la limite de 119 jours par an. La loi n° 2018-1203 du 22 décembre 2018 de financement de la sécurité sociale pour 2019 prévoit la fin de ce dispositif au 1er janvier 2021. Mais le Gouvernement a annoncé que ce dispositif serait prolongé d’une durée de deux ans jusqu’au 1er janvier 2023.

Ainsi, la dotation des exonérations de charges sociales sert à financer le dispositif transitoire mis en place. Ce dernier prévoit d’aligner le champ des cotisations exonérées sur celui des allègements généraux et de modifier le plateau d’exonération (1,2 à 1,6 SMIC contre 1,15 à 1,5 SMIC auparavant).

Cette action correspond à une compensation des moindres recettes perçues par la Caisse centrale de la mutualité sociale agricole (CCMSA) et par l’Unedic.

6.   L’action n° 26 « Gestion durable de la forêt et développement de la filière bois »

Cette action représente 14,5 % du budget du programme en AE soit respectivement 249 millions d’euros. En CP, les crédits s’élèvent à 251 millions d’euros. Ainsi, sa dotation augmente, par rapport à la loi de finances pour 2020 précitée, de 3,5 % en AE et de 2,2 % en CP.

L’action n° 26 sert à financer le programme national de la forêt et du bois (PNFB) à hauteur de 25,4 millions d’euros en AE et 22,8 millions d’euros en CP en hausse pour financer les mesures contre les scolytes (insectes coléoptères).

Les crédits consacrés au Centre national de la propriété forestières (CNPF), ceux servant à la restauration des terrains de montagne et ceux finançant les missions d’intérêt général confiées à l’Office national des forêts sont en légère hausse. Ces augmentations sont permises par l’extinction des AE correspondant aux aides aux propriétaires victimes de la tempête Klaus de 2009. Ce plan est maintenant achevé (8 millions d’euros y étaient encore engagés dans la loi de finances pour 2020 précitée) et seuls demeurent 2,8 millions d’euros de CP pour le projet de loi de finances pour 2021 engagés les années précédentes.

7.   L’action n° 27 « Moyens de mise en œuvre des politiques publiques et gestion des interventions »

Avec un budget de 504 millions d’euros (AE et CP) dans le cadre du projet de loi de finances pour 2021, cette action subit une hausse de sa dotation de 3,6 % par rapport à 2020. Elle représente 29,3 % du budget du programme.

Elle comprend les moyens de fonctionnement des opérateurs en charge de la mise en œuvre des politiques, nationales et communautaires en faveur des entreprises agroalimentaires et agricoles. Elle comporte également des provisions pour aléas qui couvrent majoritairement les potentiels refus d’apurement communautaire, mais également d’éventuelles aides pour faire face à des crises climatiques ou économiques au niveau communautaire. Ces crédits passent de 174,8 millions d’euros pour le projet de loi de finances pour 2020 à 190 millions d’euros pour 2021.

À noter que la subvention pour charges de service public de l’Institut national de l’origine et de la qualité (INAO) est en baisse de 30 % en AE et CP (17 millions d’euros) après avoir augmenté de 44 % l’année précédente pour budgéter les droits perçus sur les productions sous signes officiels d’identification de l’origine et de la qualité.

8.   L’action n° 28 « Gestion durable des pêches et de l’aquaculture »

S’inscrivant dans les objectifs généraux de la politique commune de la pêche (PCP), cette action représente 2,9 % du budget du programme. Les crédits sont stables par rapport à la loi de finances pour 2020 précitée, à 50,5 millions d’euros en AE et CP.

B.   le programme 206 : « sécurité et qualité sanitaires de l’alimentation »

Le programme 206 « Sécurité et qualité sanitaires de l’alimentation » correspond à trois objectifs : favoriser le changement de pratiques afin de préserver la santé publique et l’environnement ; évaluer, prévenir et réduire les risques sanitaires à tous les stades de la production ; s’assurer de la réactivité et de l’efficience du système de contrôle sanitaire. Il est placé sous la responsabilité de la direction générale de l’alimentation (DGAL).


crédits du programme 206 « sécurité et qualité sanitaires de l’alimentation »

(En euros)

Numéro et intitulé
du programme et de l’action

AE

CP

Ouvertes en LFI
2020

Demandées pour
2021

Ouverts en LFI
2020

Demandés pour
2021

206

Sécurité et qualité sanitaires de l’alimentation

568 866 824

599 364 904

568 358 158

598 173 954

Variation

+ 5,4 %

+ 5,2 %

1

Prévention et gestion des risques inhérents à la production végétale

36 102 179

36 096 951

35 869 409

35 863 091

2

Lutte contre les maladies animales et protection des animaux

105 292 356

113 715 691

104 775 438

112 745 273

3

Prévention et gestion des risques sanitaires liés aux denrées alimentaires

20 686 701

22 800 635

20 876 223

22 762 463

4

Actions transversales

80 513 974

81 096 575

80 565 474

81 148 075

5

Élimination des cadavres et des sous-produits animaux

4 000 000

4 000 000

4 000 000

4 000 000

6

Mise en œuvre de la politique de sécurité et de qualité sanitaire de l’alimentation

318 261 114

337 144 552

318 261 114

337 144 552

8

Qualité de l’alimentation et offre alimentaire

4 010 500

4 510 500

4 010 500

4 510 500

Ce programme dispose d’un budget de 599,3 millions d’euros en AE et de 598,1 millions d’euros en CP, en hausse de 30 millions d’euros en AE et CP par rapport à la loi de finances pour 2020 précitée. Il couvre environ 20 % du budget de la mission.

Son augmentation d’un peu plus de 5 % s’explique principalement par :

– l’action n° 02 « Prévention et gestion des risques inhérents à la production végétale », auparavant intitulée « Lutte contre les maladies animales et protection des animaux », (+ 8 % en AE) avec une augmentation des crédits affectés à la gestion des maladies animales en lien avec la tuberculose bovine qui comptait encore 86 foyers en 2020 (indemnisation des éleveurs propriétaires des animaux abattus, honoraires des vétérinaires, frais d’analyses des laboratoires). L’activité d’identification et de traçabilité des animaux vivants connait également une évolution positive de sa dotation avec la refonte de la base de données nationale de l’identification (BDNI), qui deviendra le système informatique national d’enregistrement des mouvements des animaux (SINEMA), non sans un coût budgétaire. La dématérialisation des passeports bovins et l’identification des espèces actuellement sans passeport nécessitera également des adaptations tout comme la création des bases de données avicole, bovine et des exploitations, et la mise en œuvre d’un système informatique d’échange de données entre les vétérinaires et la direction générale de l’alimentation ;

– l’action  03 « Sécurité sanitaire de l’alimentation », en hausse de 2 millions d’euros en AE et CP (+ 10 %) assure la protection sanitaire des consommateurs par des contrôles officiels des conditions sanitaires de production, d’importation et de commercialisation des aliments d’origine animale. Pour l’année 2021, les crédits sont légèrement augmentés pour se rapprocher de la réalité des dépenses constatées les années précédentes et, ponctuellement, pour intervenir sur le nombre croissant de foyers de salmonelles constatés sur le territoire ainsi que pour poursuivre la surveillance des polluants potentiellement présents chez les animaux à la suite de l’incendie de l’usine Lubrizol, survenu le 26 septembre 2019. L’activité d’appui à la gestion des risques sanitaires liés aux aliments sera en 2021 complétée par les besoins de financement d’une étude de l’ANSES dénommée « EAT 3 » pour « étude de l’alimentation totale » qui consiste à prélever des aliments régulièrement consommés par la population, à les préparer et à les analyser pour rechercher un certain nombre de substances toxiques et de nutriments ;

– l’action  06 « Mise en œuvre de la politique de sécurité et de qualité sanitaires de l’alimentation » (+ 6 % en AE et CP), qui constitue 56,3 % des crédits du programme recouvre essentiellement les crédits de personnel des services chargés de la mise en œuvre de cette politique dans les directions régionales de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt et dans les directions départementales en charge de la protection des populations ;

– l’action n° 08 « Qualité de l’alimentation et offre alimentaire », en hausse de 500 000 euros est mise en œuvre de façon opérationnelle par le programme national pour l’alimentation (PNA). Ces crédits supplémentaires serviront au lancement d’une plateforme internet permettant la centralisation statistique des données sur les produits durables et de qualité en restauration collective, en lien avec l’article 24 de la loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous dite « EGALIM » qui rend obligatoire une majorité de produits de qualité en restauration collective publique à compter au plus tard le 1er janvier 2022.

Les crédits de l’action n° 01 « Santé, qualité et protection des végétaux » sont stables dans le projet de loi de finances pour 2021. Ceux-ci avaient été revalorisés d’un peu plus de 20 % dans la loi de finances pour 2020 précitée en lien avec les missions déléguées aux fédérations régionales de lutte contre les organismes nuisibles aux végétaux (FREDON). Les crédits de l’action n° 04 « Actions transversales » et de l’action n° 05 « Élimination des cadavres et des sous-produits animaux » sont également stables pour 2021.

Depuis l’exercice 2020, ce programme est affecté par les provisions relatives aux potentielles externalités négatives induites par le Brexit : 320 équivalents temps plein supplémentaires ont été votés dans la loi de finances pour 2020 précitée afin d’assurer le renforcement des contrôles sanitaires aux frontières.

C.   le programme 215 « conduite et pilotage des politiques de l’agriculture »

Le programme 215 « Conduite et pilotage des politiques de l’agriculture » est un programme d’appui consacré au pilotage et à la mise en œuvre déconcentrée des politiques portées par le ministère de l’agriculture et de l’alimentation. Il porte également les moyens en personnel et en fonctionnement de l’administration centrale. Ses crédits – en augmentation dans le projet de loi de finances pour 2021 – s’élèvent à 633 millions d’euros en AE et 630 millions d’euros en CP pour 2021, soit environ 21 % des sommes allouées à la totalité de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales ».

Il comporte trois objectifs : sécuriser et simplifier l’accès des usagers au droit, aux données et aux procédures du ministère ; optimiser l’efficience de la gestion des ressources humaines et mettre en œuvre les actions ministérielles dans des conditions optimales de coût et de qualité des services.

crédits du programme 215 « Conduite et pilotage des politiques de l’agriculture »

 (En euros)

Numéro et intitulé
du programme et de l’action

AE

CP

Ouvertes en LFI
2020

Demandées pour
2021

Ouverts en LFI
2020

Demandés pour
2021

215

Conduite et pilotage des politiques de l’agriculture

612 918 443

633 883 945

617 987 943

630 548 647

Variation

+ 3,4 %

+ 2 %

1

Moyens de l’administration centrale

195 349 012

199 604 358

200 785 052

205 533 268

2

Évaluation de l’impact des politiques publiques et information économique

23 656 091

23 817 204

23 670 370

23 817 204

3

Moyens des directions régionales de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt et directions départementales des territoires (et de la mer)

326 393 955

322 787 096

326 398 113

322 791 294

4

Moyens communs

67 519 385

87 675 287

67 134 408

78 406 881

L’action  01 « Moyens de l’administration centrale » qui représente 31,5 % du budget du programme voit son budget croître de 3,1 millions d’euros en AE et de 3,6 millions d’euros en CP. Ceci s’explique majoritairement par une augmentation de la sous-action « Gestion immobilière » qui devra prendre en charge des loyers dans le parc privé pour plusieurs centaines d’agents contraints de changer de locaux du fait de la nécessaire baisse de densité d’occupation des locaux en lien avec la crise de la Covid-19. Par ailleurs, environ 200 agents quitteront leurs bureaux de Vaugirard du fait des fortes nuisances induites par les travaux des bâtiments voisins de la Mutualité.

Les crédits de l’action  02 « Évaluation de l’impact des politiques publiques et information économique » sont à peu près stables. Ils couvrent notamment le financement du recensement agricole 2020, qui se poursuivra en 2021.

L’action n° 03 « Moyen des directions régionales de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt, des directions de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt et directions départementales des territoires (et de la mer) » (50,9 % des crédits du programme) est pilotée par le secrétariat général du ministère et couvre des actions sanitaires et sociales, la formation continue des agents, la gestion immobilière des collectivités ultra-marines et d’autres moyens divers. Cette action accuse une baisse de 1 % en AE et CP.

Les crédits de l’action n° 04 « Moyens communs » augmentent significativement (+ 30 % en AE et + 17 % en CP) en raison du projet « Maisons‑Alfort » de relocalisation des opérateurs du ministère actuellement sur le site de l’Arborial. Les crédits informatiques sont également en augmentation dans le cadre du Plan de transformation numérique ministériel.

D.   le compte d’affectation spéciale « développement agricole et rural » (CASDAR)

La recette de la taxe sur le chiffre d’affaires des exploitants agricoles affectée au compte d’affectation spéciale « Développement agricole et rural » (CASDAR) est estimée à 126 millions d’euros, en baisse de 10 millions d’euros par rapport à la loi de finances pour 2020 précitée. Ce montant correspond au plafond de la recette de la taxe fixé depuis plusieurs années à 136 millions d’euros diminués d’un peu plus de  7 %. La recette étant entièrement affectée, les crédits du CASDAR sont estimatifs, le montant des engagements est ajusté tout au long de l’année à due concurrence des recettes réellement encaissées mais la baisse du plafond des crédits est actée.

D’après les Chambres d’agriculture de France, il semblerait pourtant que pour 2021, la prévision de recette de la taxe sur le chiffre d’affaires des exploitations agricoles, qui alimente ce compte, soit supérieure à 136 millions d’euros. Votre Rapporteur considère que le projet de plafonnement en 2021 des possibilités d’engagement et de paiement à 126 millions d’euros ne permettrait pas de mettre en œuvre l’ensemble des crédits disponibles en 2021, à un moment où l’agriculture en a énormément besoin.

Les deux programmes qui composent ce compte d’affectation spéciale sont le compte « Développement et transfert en agriculture » (775) et le compte « Recherche appliquée et innovation en agriculture » (776). La diminution des montants alloués à ces deux programmes pour l’année 2021 est également répartie.

● Le compte « Développement et transfert en agriculture » (775) est doté de 60 millions d’euros de crédits.

Ce compte a pour objectif l’orientation des structures chargées du conseil des agriculteurs (chambres d’agriculture, organismes nationaux à vocation agricole et rural) vers le développement et la diffusion de systèmes de production innovants et performants – les systèmes agro-écologiques. Ce sont surtout les innovations diffusées par les instituts techniques agricoles qui sont ici concernées, sachant qu’il est attendu que les améliorations techniques mènent à de meilleurs performances économiques et environnementales.

● Le compte « Recherche appliquée et innovation en agriculture » (776) est doté de 66 millions d’euros de crédits.

Il contribue à renforcer les liens entre recherche et innovation dans une logique de performance complète.

La loi organique n° 2001-692 du 1 août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) ne permet pas à un parlementaire d’abonder un compte d’affectation spéciale. Cette prérogative est réservée au Gouvernement.

Pour cette raison, votre Rapporteur vous propose de créer un nouveau programme « Recherche et développement en agriculture » (doté d’une seule action du même nom) qui partagerait les missions du CASDAR afin d’y abonder 10 millions d’euros de crédits issus du programme 215 « Conduite et pilotage des politiques de l’agriculture » (action n°1 : « Moyens de l’administration centrale »).

En conséquence, les recettes estimatives du CASDAR pourraient in fine être majorées du même montant.

 


—  1  —

II.   ANALYSE THÉMATIQUE : L’agriculture urbaine

L’agriculture urbaine a l’image d’un phénomène de mode pour jeunes urbains. Nombre de porteurs de projets répondent à cette caractéristique et pourtant l’agriculture urbaine est une des solutions aux maux dont souffrent nos villes. Cet a priori est relevé dès l’introduction du rapport du Conseil économique, social et environnemental sur le sujet ([2]) : « L’agriculture urbaine est une affaire sérieuse ! ».

L’ADEME définit l’agriculture urbaine comme « tout acte maîtrisant le cycle végétal ou animal dans un but de production alimentaire ayant lieu en zone urbaine » ([3]). Elle s’inscrit dans un mouvement plus général de végétalisation des villes.

Le phénomène est ancien : les jardins ouvriers de la révolution industrielle devenus jardins partagés et les ceintures maraichères ont longtemps contribué à nourrir les villes. Selon l’atelier parisien d’urbanisme (APUR), en 1845, on comptait 1 800 jardiniers maraîchers autour de Paris. Aujourd’hui la chambre d’agriculture d’Île-de-France ne recense plus que 91 exploitations agricoles en petite couronne, sur une surface totale de 1 897 hectares dont 12 % seulement sont consacrés au maraîchage.

Dès lors que les activités agricoles sont localisées dans le périmètre urbain, elles peuvent être considérées comme de l’agriculture urbaine. L’agriculture urbaine investit des sites délaissés par l’activité urbaine (friches, y compris polluées) ou inexploités (toits, sols, murs, sous-sols etc.). Les bailleurs sociaux, la SNCF et les collectivités territoriales se mobilisent pour valoriser le foncier. Cette agriculture peut être productive, même sur des petites surfaces.

A.   Les petits pas d’une réponse à des enjeux multiples

1.   Une fonction nourricière

L’article L. 311-1 du code rural et de la pêche maritime définit l’activité agricole ainsi : « sont réputées agricoles toutes les activités correspondant à la maîtrise et à l’exploitation d’un cycle biologique de caractère végétal ou animal et constituant une ou plusieurs étapes nécessaires au déroulement de ce cycle ainsi que les activités exercées par un exploitant agricole qui sont dans le prolongement de l’acte de production ou qui ont pour support l’exploitation ».

Les agriculteurs urbains se considèrent bien comme des agriculteurs. Ces personnes ont pourtant des profils très divers et s’installent sous des statuts différents : entreprises agricoles rattachées à la chambre d’agriculture ou entreprises de commerce rattachées à la chambre de commerce et d’industrie. On trouve également des associations et des grands groupes qui diversifient leurs activités.

L’agriculture urbaine est capable de produire des produits agricoles :

– sur les toits : en pleine terre ou dans des bacs de terre, sur des technosols reconstitués à partir de matières diverses, en aquaponie ([4]) ou en hydroponie ([5]), sous serre ou en plein air ;

– sur les murs : souvent en production maraichère ;

– en milieu fermé, pour des productions adaptées à l’obscurité (champignons, endives) ou avec de la lumière artificielle en ayant recours à des procédés high-tech.

Selon M. Pascal Mayol, membre du CESE auditionné par votre Rapporteur, 200 m2 de maraichage fournissent les fruits et légumes nécessaires à l’alimentation de six personnes sur une année.

Votre Rapporteur regrette qu’il n’existe pas de statistiques nationales sur les volumes produits par l’agriculture urbaine. Seule l’association française d’agriculture urbaine professionnelle (AFAUP) recense 600 sites exploités sur une surface de 80 hectares. L’association ambitionne de cartographier l’ensemble des sites d’agriculture urbaine en France et d’évaluer ses impacts notamment en termes de services rendus.

2.   Une fonction environnementale, sociale et pédagogique

L’enjeu du réchauffement climatique et celui de la densification des villes constituent des défis pour les métropoles. Ainsi l’agriculture urbaine permet à une petite échelle de rendre la ville plus vivable et plus résiliente :

– elle contribue à la régulation thermique des villes par le rafraichissement et la lutte contre les îlots de chaleur ;

– elle réhabilite des sols pollués par des projets hors sol ou de dépollution des sols ;

– elle reconstitue de la biodiversité, d’autant que ces projets se passent de produits phytopharmaceutiques ;

– elle lutte contre la pollution atmosphérique (en captant directement le CO2 et en limitant le transport des denrées) et contre la pollution sonore par la végétalisation ;

– elle contribue à une régulation et à une gestion raisonnée de l’eau. Selon M. Pascal Mayol, un toit productif permet la rétention de 50 à 80 % de l’eau de pluie.

L’agriculture urbaine développe aussi une fonction sociale et pédagogique. L’activité agricole n’est pas toujours la principale source de revenus du projet. Des partenariats avec des écoles, des associations d’insertion ajoutent de la valeur non marchande aux projets. L’agriculture urbaine crée aussi du lien social lorsque les habitants y participent.

3.   Des initiatives localisées, partagées entre porteurs de projets et collectivités territoriales

Les porteurs de projets sont évidemment moteurs dans leur propre installation et n’ont pas toujours pu compter sur le soutien des organisations professionnelles agricoles et des chambres d’agriculture. L’AFAUP forme les porteurs de projet et les aide à trouver du foncier.

Il ressort des auditions menées par votre Rapporteur qu’il n’existe que peu de de soutiens à l’agriculture urbaine au niveau national mais qu’elle est toujours le fait d’initiatives locales à plus ou moins grande échelle : ainsi la réhabilitation d’une friche industrielle dans la communauté urbaine de Bordeaux ou – à plus grande échelle – la politique menée par la Ville de Paris depuis 2016.

Dans l’agglomération bordelaise les projets se multiplient, désormais avec le soutien des chambres d’agriculture. À Lormont, l’Agence nationale de rénovation urbaine (voir infra) soutient un projet d’agriculture urbaine avec une légumerie et de l’agriculture hors sol, sans traitements phytosanitaires et avec peu d’eau. Entendu par votre Rapporteur, M. Édouard Wautier développe une ferme aquaponique (légumes et poissons à la fois) à Lormont sur une friche industrielle mise à disposition par Bordeaux Métropole.

En 2014 la Ville de Paris se fixait comme objectif de végétaliser 100 hectares de toitures et de murs, dont 30 hectares seraient consacrés à l’agriculture urbaine. Aujourd’hui, grâce notamment aux trois appels à projets lancés par la ville depuis 2016 et à quelques initiatives privées, plus de cinquante sites sont installés et autant sont en cours d’installation.

Les appels à projets « Parisculteurs » consistent en l’identification et la mobilisation de sites, sur du foncier de la Ville de Paris ou de ses partenaires, pour les mettre à disposition de projets agricoles. Lorsqu’il s’agit de foncier public parisien, les « parisculteurs » bénéficient d’une convention d’occupation du domaine public pour un loyer de 10€/50m2 et par mois.

Le cycle d’un appel à projets « Parisculteurs » comprend la recherche de sites propices à l’accueil de projets agricoles, leur sélection, l’organisation d’une mise en concurrence permettant de retenir une structure en capacité́ de mettre en œuvre un projet pertinent, réaliste et adapté au site, l’accompagnement à la préparation de l’installation et l’assistance au projet une fois celui-ci installé.

Outre cette mise en relation, la mairie de Paris communique autour des projets et contribue à former les porteurs de projets (autour de workshops) afin que des initiatives purement privées se développent en marge des appels à projets.

On compte ainsi dans Paris des cultures de légumes, de safran et d’autres fleurs, de micro-pousses, de houblon et des ruches ([6]).

A Paris, des surfaces sont cultivées en pleine terre (vignes, jardins partagés, ferme de 50 hectares dans le bois de Vincennes), d’autres projets investissent toits et sous‑sols. Des éco-pâturages (entretien des espaces verts par des animaux herbivores) ont également été installés.

Le plan local d’urbanisme de Paris de 2016 favorise le développement de projets d’agriculture urbaine : la végétalisation des toits est obligatoire à partir de 100 m2 d’emprise et, au-dessus de 500 m2, l’étude de la faisabilité de la mise en place d’un projet d’agriculture urbaine doit être étudiée.  Il autorise notamment, en zone urbaine générale (UG) uniquement, les serres de production agricoles à dépasser des limites de hauteur applicables aux autres constructions, à la condition qu’elles s’insèrent harmonieusement dans le bâti.

Dans la même perspective, l’École du Breuil, école « historique » de la mairie de Paris qui forme depuis 1867 ses jardiniers, forme désormais particuliers, professionnels et étudiants à l’agriculture urbaine.

Les collectivités territoriales jouent un vrai rôle dans l’accompagnement des projets : recherche de foncier, adaptation du bâti existant, dépollution de sites, aides juridiques à l’installation pour l’obtention d’autorisations, mise en réseau.

B.   Une nouvelle forme d’agriculture qui doit trouver sa place dans le paysage agricole français

L’AFAUP a mené en 2019 une enquête juridique sur ces nouveaux agriculteurs et a distingué « les producteurs » pour lesquels l’agriculture est la principale source de revenus ; les « multis » qui, en plus de l’activité agricole développent d’autres activités commerciales (transformation, restauration, ateliers et visites pédagogiques) ; les « animateurs » pour lesquels l’activité agricole est un prétexte à l’animation d’autres activités (accueil de publics en difficulté, entretien d’espaces verts par des moutons, réalisation d’évènements etc.) et « les inventeurs » qui investissent dans la recherche et le développement avec une démarche d’innovation.

La diversité des profils montre qu’il ne faut pas opposer agriculture rurale et agriculture urbaine.

1.   Décloisonner

Il ressort des discussions avec les chambres d’agriculture et les Jeunes agriculteurs, que cette agriculture encore marginale bouscule les modèles d’installation et d’accompagnement des porteurs de projets.

M. Vincent Bougès, président des Jeunes agriculteurs de la Gironde, auditionné par votre Rapporteur a mis un bémol au développement de ce type d’agriculture. Cette agriculture répond à des attentes sociétales mais à l’issue du parcours d’installation de cinq ans, les résultats sont parfois mitigés. Il faut selon lui être vigilants sur la formation des porteurs de projets afin qu’elle soit axée sur un parcours de production.

L’Assemblée permanente des chambres d’agriculture semble, quant à elle, avoir pris la mesure du développement de l’agriculture urbaine : l’ambition du réseau est de prendre le leadership de l’accompagnement et du développement de ces projets afin d’aboutir à une agriculture urbaine rentable et efficiente. Son plan de travail distingue trois actions : « accompagner ces nouvelles formes d’agriculture avec agilité », « développer le conseil technico-économique » et « défricher le terrain de l’agriculture urbaine ». Dans le cadre de leur contribution au plan de relance, les chambres d’agriculture s’engagent à porter 35 projets d’agriculture urbaine en cinq ans.

2.   Sécuriser

L’un des nombreux freins au développement de l’agriculture urbaine concerne les difficultés d’accès aux sites pour les porteurs de projets. La pérennité de ces projets dépend de la disponibilité des sites et de la sécurisation juridique de leur occupation.

L’enquête de l’AFAUP précitée montre que 40 % des enquêtés sont propriétaires fonciers ou bénéficiaires d’un bail rural. Pourtant, d’après maître Antoine de Lombardon auditionné par votre Rapporteur, avocat conseil de l’AFAUP, la protection du bail rural est invalidée lorsqu’on se trouve en zone urbaine, ce qui prête à débat.

La majorité des agriculteurs urbains ne bénéficie pas d’un bail rural. Ils contractent souvent des conventions d’occupation précaire ou des prêts à usage. Toutes les figures contractuelles sont mobilisées. Dans le cadre d’un bail, sa durée est importante au regard des investissements consacrés au projet : études de faisabilité, transformations coûteuses du bâti existant liées à l’approvisionnement en eau, à la qualité du sol, aux conditions de sécurité et d’accès du public etc.

Pour les notaires réunis en congrès en mai 2018, les dispositions impératives du statut du fermage sont un frein au développement de l’agriculture en ville. Ils recommandaient alors que le statut du fermage ne s’applique pas aux « conventions portant sur un immeuble situé en zone urbaine d’un document d’urbanisme ».

Pour l’AFAUP, deux nouveaux types de baux sont nécessaires, sans modifier les contours du bail rural auquel tous les agriculteurs sont attachés : un bail spécifique à l’activité agricole sur ou dans le bâti et un bail spécifique à l’activité agricole sur le domaine public.

Des initiatives parlementaires ont existé sur ce sujet, ainsi la proposition de loi de M. Christophe Castaner relative aux aires urbaines de production agricole déposée à l’Assemblée nationale, sous la précédente législature, le 9 novembre 2016 (n° 4200) créait un nouveau contrat conclu sur les aires urbaines de production agricole beaucoup plus souple et moins contraignant que le statut du fermage tout en délimitant des espaces à la périphérie des zones urbaines pour développer ces activités.

À noter également que l’enquête précitée montre que 25 % des répondants ne sont pas affiliés à la Mutualité sociale agricole (MSA) car les conditions d’affiliation reposent sur l’activité minimale d’assujettissement (AMA). Cette AMA s’apprécie au regard de la surface mise en valeur, du temps de travail nécessaire à l’exploitation ou du revenu tiré de l’ensemble des activités de la personne.

3.   Accompagner financièrement

Des aides locales ou régionales existent mais rares sont les agriculteurs urbains à bénéficier de mesures de soutien financier national ou d’aides de la politique agricole commune. Les aides les plus fréquentes relèvent de l’accès au foncier.

Pour encourager le développement de l’agriculture urbaine dans les quartiers concernés par le Nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU), l’ANRU a lancé en février dernier l’appel à projets « Quartiers fertiles ». Doté de 21 millions d’euros pour accompagner financièrement une première vague de projets en termes d’ingénierie, d’investissement et de personnel, l’appel à projets « Quartiers fertiles » a également vocation à accompagner techniquement les porteurs de projets en s’appuyant sur un large réseau de partenaires publics et privés.

Par ailleurs, le plan de relance du Gouvernement mis en œuvre dans le présent projet de loi de finances pour 2021 comprend une action n° 05 « Transition agricole » qui intègre, parmi les transferts aux collectivités territoriales, une sous‑action d’accélération de la transition agro-écologique. Elle comprend elle-même 30 millions d’euros en AE et 15 millions d’euros en CP de crédits pour favoriser le développement de jardins partagés.

Selon le programme annuel de performances de la mission, « cette mesure vise à encourager le développement de l’agriculture urbaine, des jardins urbains ou partagés, avec comme objectif de multiplier par cinq le nombre de jardins partagés sur le territoire en particulier en zone péri-urbaine et urbaine. Seront financées en 2021 et 2022 des dépenses d’investissement permettant d’étendre ce type de surface et d’améliorer les structures existantes par l’installation de nouveaux matériels. Dans les quartiers concernés par le Nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU), les crédits seront gérés par l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU) ».

*

*     *

Nul doute que l’agriculture urbaine pourra apporter des réponses non anecdotiques à la problématique de l’artificialisation des sols et au renouvellement des générations en agriculture.

Chère à votre Rapporteur, la question de l’accès du foncier n’est pas épuisée et, le moment venu, une future loi foncière devra également s’intéresser aux nouvelles formes de l’agriculture sans mettre en péril l’agriculture traditionnelle.

 

 


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   EXAMEN EN COMMISSION

La commission a examiné pour avis, pendant sa réunion du mercredi 14 octobre 2020, sur le rapport de M. Jean-Bernard Sempastous, les crédits de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales ».

M. Jean-Bernard Sempastous, rapporteur pour avis. Il y a un an, au salon international de l’agriculture, le Président de la République rappelait : « Nous avons un devoir de protection vis-à-vis de toutes celles et ceux qui nous nourrissent. C’est aujourd’hui leur engagement qui garantit notre souveraineté alimentaire ». Nous avons encore pu le mesurer lors de la crise sanitaire qui a contraint notre pays à se réorganiser entièrement.

Dans ce temps suspendu, notre agriculture, déjà fragile, a été particulièrement affectée, mais elle a su aussi s’adapter pour permettre aux consommateurs de se fournir directement dans les fermes, pour faire face au manque de main-d’œuvre saisonnière, pour s’ajuster à la reconfiguration du marché. Il faut saluer l’entraide intelligente des acteurs du monde agricole face à la crise. Les chambres d’agriculture, les syndicats, les abattoirs et les transformateurs, les filières, les associations, les commerces de proximité, les services de l’État, les agriculteurs, tous se sont mobilisés et soutenus. C’est un bel exemple de solidarité à la française. J’observe également l’intérêt prononcé des citoyens pour les produits locaux, qui est un signe de leur attachement à leur territoire, mais aussi de leur souci de bien-être en privilégiant les circuits courts.

Nous vivons un moment unique pour relancer notre agriculture et remédier à certains de ses handicaps.

Protéger nos agriculteurs, c’est un objectif que nous partageons tous ici et qui est au cœur de notre engagement depuis 2017. Cette année, nous pouvons nous féliciter d’avancées notables : le maintien à hauteur de 62,4 milliards d’euros du budget de la politique agricole commune (PAC), pour lequel notre ministre s’est battu ; l’affectation de 1,2 milliard d’euros au volet « Transition agricole » du plan de relance pour renforcer la souveraineté alimentaire, accélérer la transition agroécologique et adapter l’agriculture et la forêt au changement climatique.

Cette année, avec 2,9 milliards d’euros en AE et en CP, la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » du projet de loi de finances (PLF) pour 2021 affiche sa constance au service d’une agriculture durable économiquement et respectueuse de l’environnement. Il se caractérise par trois objectifs : soutenir le revenu des agriculteurs et la transformation de l’agriculture vers l’agroécologie, y compris grâce aux contreparties nationales aux aides de la PAC ; assurer la sécurité de nos aliments par le maintien de niveaux élevés de surveillance, de prévention et de notre capacité à gérer efficacement les crises ; préparer l’avenir par l’innovation et la formation de nos jeunes.

Le programme 149 « Compétitivité et durabilité de l’agriculture, de l’agroalimentaire, de la forêt, de la pêche et de l’aquaculture » soutient financièrement les filières. Il intervient en synergie avec les fonds européens pour favoriser la compétitivité des exploitations et des entreprises. Après une hausse de 8,8 % l’an dernier, les AE de ce programme diminuent de 4,8 % en 2021. Cela est lié au triplement des crédits accordés aux mesures agroenvironnementales et climatiques (MAEC), qui demeurent à un niveau élevé.

Quelques évolutions notables sont à noter.

Les crédits du fonds pour les industries agroalimentaires sont en augmentation, afin de financer un programme d’accompagnement de petites et moyennes entreprises (PME).

Le fonds Avenir Bio est stable, à 8 millions d’euros ; l’objectif est d’atteindre 15 % de la surface convertie en agriculture biologique d’ici à 2022. Le budget de ce fonds a doublé depuis 2018.

Le montant alloué aux stages à l’installation est revalorisé de 600 000 euros pour inciter au renouvellement des générations.

Le budget de l’action n° 25 « Protection sociale » est en hausse de 10 millions d’euros, grâce à l’exonération des charges patronales pour l’emploi de travailleurs occasionnels et de demandeurs d’emploi (TO-DE), prolongée jusqu’au 1er janvier 2023.

L’action n° 26 « Gestion durable de la forêt et développement de la filière bois », affectée au financement du programme national la forêt et du bois, du Centre national de la propriété forestière, de la restauration des terrains de montagne et des missions d’intérêt général confiées à l’Office national des forêts, est en hausse de 3,5 % en AE et de 2,2 % en CP.

L’action n° 27 « Moyens de mise en œuvre des politiques publiques et gestion des interventions » augmente de 3,6 % pour la mise en œuvre des politiques nationales et communautaires en faveur des entreprises agroalimentaires et agricoles, la provision pour aléas qui couvre majoritairement les potentiels refus d’apurement communautaire, et les aides éventuelles pour faire face à des crises climatiques ou économiques au niveau communautaire.

Le programme 206 « Sécurité et qualité sanitaires de l’alimentation », en hausse de 30 millions d’euros, affiche 599,3 millions d’euros en AE et 598,1 millions d’euros en CP. Cette augmentation de 5 % porte sur les crédits affectés à la gestion des maladies animales, en lien avec la tuberculose bovine, et à la refonte de la base de données nationale de l’identification pour une meilleure traçabilité des animaux vivants ; les contrôles officiels des conditions sanitaires de production, d’importation et de commercialisation des aliments d’origine animale bénéficient d’une augmentation de 2 millions d’euros en réponse aux besoins constatés sur le terrain ; 500 000 euros sont affectés au lancement d’une plateforme internet destinée à la centralisation statistique des données sur les produits durables et de qualité en restauration collective, nécessaire pour satisfaire aux obligations introduites par la loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous  (ÉGALIM).

Le programme 215 « Conduite et pilotage des politiques de l’agriculture », consacré à la mise en œuvre déconcentrée des politiques soutenues par le ministère et aux moyens de fonctionnement de l’administration centrale, est en hausse.

Le compte d’affectation spéciale « Développement agricole et rural » (CASDAR) est alimenté par le produit de la taxe sur le chiffre d’affaires des exploitants agricoles. En l’état actuel, le montant des engagements est ajusté tout au long de l’année à due concurrence des recettes réellement encaissées. Mais la baisse du plafond des crédits s’établit à 126 millions d’euros, contre 136 millions d’euros l’an dernier. À l’heure où l’innovation et la technique doivent être encouragées pour favoriser de meilleures performances économiques et environnementales, je propose de rehausser le plafond des recettes estimatives du CASDAR afin qu’un éventuel dépassement de ces 126 millions d’euros, comme estimé par les chambres d’agriculture, ne constitue pas un frein. Je vous proposerai un amendement sur ce sujet.

Le développement et la demande croissante d’une agriculture de proximité, notamment pendant la crise – drive à la ferme, marchés, associations pour le maintien d’une agriculture paysanne (AMAP) –, m’ont poussé à étudier le phénomène de l’agriculture urbaine, qui prend de l’ampleur dans les villes. Effet de mode ou projets prometteurs ? Élu d’une circonscription rurale, je pense que ces projets sont aussi bien transposables dans des petites villes. Du reste, la ville tendant à s’étaler, cette forme de production n’a-t-elle pas une vocation naturelle à suivre demain le même mouvement ?

L’agriculture urbaine est définie par l’Agence de la transition écologique (ADEME) comme « tout acte maîtrisant le cycle végétal ou animal dans un but de production alimentaire ayant lieu en zone urbaine ». Elle peut s’établir sur des surfaces bien différentes – friches, sols, toits, murs, sous-sol – et être soutenue par des acteurs aussi divers que des bailleurs sociaux, la SNCF, des municipalités, etc. C’est un phénomène qui remonte au XIXe siècle ; en 1845, on comptait 1 800 maraîchers autour de Paris. L’Association française d’agriculture urbaine professionnelle recense 600 sites exploités sur une surface de 80 hectares répartis en micro-sites. On manque de données au niveau national.

L’agriculture urbaine est intéressante en ce qu’elle exacerbe les multifonctionnalités de l’agriculture. Sa fonction nourricière est réelle. Les productions peuvent être très diverses : maraîchage sur les murs, en milieu fermé pour les champignons ou les endives, sur les toits pour les ruches, les légumes et les fruits.

Sa fonction environnementale est forte. Des études ont montré les effets de ce type d’agriculture sur la régulation thermique des villes. Elle contribue à la réhabilitation des sols pollués par des projets hors-sol ou de dépollution des sols, à la reconstruction de la biodiversité, à la lutte contre la pollution atmosphérique et contre la pollution sonore par la végétalisation, à une gestion améliorée de l’eau par la rétention de l’eau de pluie, et au recyclage des déchets.

Elle peut être aussi un facteur de cohésion sociale. Dans des quartiers délaissés, l’activité d’agriculture urbaine permet de reconnecter les habitants entre eux, de proposer des chantiers d’insertion, d’attirer des nouveaux publics et de favoriser le mélange des générations et des classes sociales.

Elle aide à la reconnexion des gens avec la nature et répond à un besoin social de verdissement, à la végétalisation et l’embellissement urbain. Elle constitue une solution pour réhabiliter des friches urbaines et leur redonner un usage.

De surcroît, elle a aussi une fonction pédagogique. Grâce à l’établissement de partenariats avec les écoles, elle favorise l’éveil des jeunes aux techniques agricoles.

L’agriculture urbaine est inégalement répartie dans les territoires, car elle dépend des initiatives prises au niveau local par les agglomérations, les collectivités, les chambres d’agriculture, l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU), la Caisse des dépôts et consignations (CDC). Les collectivités territoriales jouent un vrai rôle dans l’accompagnement des projets, notamment lorsqu’elles maîtrisent du foncier et qu’elles acceptent de devenir le support de cette activité.

Les porteurs de projets dans cette agriculture d’un nouveau type ont besoin d’être soutenus sur trois aspects : l’accession aux sites ; l’adaptation juridique à l’activité agricole exercée en cœur de ville, notamment au regard du bail et de la flexibilité du droit ; la clarification et la généralisation des aides. Dans le plan de relance, 30 millions d’euros sont affectés en AE et 15 millions d’euros en CP pour favoriser le développement de jardins partagés.

Nous découvrons sans cesse des caractéristiques nouvelles de l’agriculture, profondément utiles à l’environnement. Le développement des pratiques agro-écologiques et les budgets qui lui sont alloués capitalisent sur ces atouts. L’agriculture a de l’avenir, partout au bénéfice de tous – l’agriculture urbaine en est un exemple éloquent. Il faut croire en son potentiel, en l’accompagnant vers l’amélioration de ses pratiques et en lui donnant tous les outils pour un avenir jeune, innovant, ambitieux. Les défis sont nombreux, du changement climatique aux menaces des espèces invasives qui nous imposent parfois de faire des choix difficiles alors que nous devons modifier nos pratiques pour lutter contre les dégâts qu’elles occasionnent.

Plus modeste que celui de l’an dernier, qui avait connu une hausse significative, le PLF 2021 s’inscrit pourtant dans la continuité des efforts de la majorité pour accompagner notre agriculture, l’aider à faire face aux imprévus, mais aussi prendre le tournant d’une production toujours plus vertueuse et adaptée aux nouvelles demandes des consommateurs. Ce budget est aussi marqué par sa parfaite adéquation avec les autres soutiens financiers européens et le plan de relance.

M. Stéphane Travert (LaREM). L’examen des crédits de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » nous donne l’occasion de rendre hommage aux agriculteurs, aux filières qui ont tenu le choc durant la première vague épidémique et le confinement, permettant aux Françaises et aux Français de se nourrir avec des produits sains et durables. Ces femmes et ces hommes sont essentiels à la nation ; ils ont tenu debout dans la difficulté et l’épreuve, manifestant leur engagement à chaque instant.

Notre agriculture est à un tournant en ce qu’elle est le centre d’une transformation profonde à la fois d’une filière économique et d’une forme d’organisation de notre société et de nos territoires, de nos choix d’alimentation, parfois de choix de crise, voire d’après-crise. Il nous faut construire pour aujourd’hui et demain ce changement profond, construire ensemble les transitions en évitant les débats manichéens, en remettant du sens, de la nuance, de la réflexion et du temps.

Nous abordons l’année 2021 avec conviction et vigilance, du fait de la situation, mais aussi avec confiance parce que nous connaissons celles et ceux qui font l’agriculture. C’est la troisième année de l’application de la loi ÉGALIM et de ses véritables bienfaits sur notre agriculture et notre alimentation. Le budget 2021 tient les engagements de l’ensemble du Gouvernement, du ministre de l’agriculture et de l’alimentation dans l’objectif d’une transition agro-écologique qui prévoit ainsi 494 millions d’euros d’AE et 510 millions d’euros de CP au titre des contreparties nationales de mesures inscrites dans la PAC. Le budget pour 2021 maintient également la compétitivité de nos filières agricoles et agroalimentaires en conservant les avantages du TO-DE (travailleurs occasionnels demandeurs d'emploi), la dotation aux jeunes agriculteurs qui est en hausse depuis l’année dernière, les indemnités compensatoires des handicaps naturels (ICHN) si nécessaires dans bon nombre de nos territoires, enfin les budgets destinés aux chambres d’agriculture pour construire les projets des territoires ruraux, des décisions justes pour réaffirmer notre solidarité avec la ferme France.

C’est aussi un budget de soutien qui prépare l’avenir par l’innovation et la formation de nos jeunes. Ainsi, les crédits alloués à l’enseignement agricole augmentent de 14 millions d’euros afin de promouvoir et rénover l’enseignement technique pour mieux coller à notre ambition commune d’une transition agro-écologique rapide. Je veux, là aussi, rendre hommage à toute la communauté éducative de l’enseignement agricole.

Le budget pour 2021 se situe dans la parfaite lignée ambitieuse des lois de finances de 2018, 2019, 2020. Sa principale caractéristique est d’être un budget qui tient, qui maintient et qui soutient. Puisqu’il est cohérent avec nos objectifs et ceux définis par le Président de la République, le groupe La République en Marche le votera.

M. Nicolas Turquois (MoDem). Nous sommes tous d’accord sur la résilience dont a fait preuve la chaîne alimentaire française tout au long de la crise sanitaire et de la période de confinement. Les efforts et le courage de l’ensemble des acteurs de l’amont à l’aval doivent être salués ; ils ont permis aux Français de redécouvrir le rôle majeur que jouent les agriculteurs dans la production d’une alimentation saine, locale et diversifiée.

Ce qui a marché, c’est la proximité des productions et la polyvalence des outils de transformation. Ce qui a moins bien marché, c’est l’hyper spécialisation des unités de transformation qui ne permet pas de passer d’une production massive destinée à l’export à une production en direction des grandes surfaces de proximité. Le ministère de l’agriculture doit en tirer les enseignements. Ce budget doit permettre de valoriser les atouts de nos territoires à travers une agriculture de proximité, notamment les circuits courts. Il faut aussi insister sur l’instauration d’outils de transformation de taille adaptée, répartis sur tout le territoire.

Toutefois, nous ne pourrons atteindre la souveraineté alimentaire qu’en envoyant des signaux positifs à nos filières. Notre agriculture subit, à l’échelle européenne et internationale, des écarts de coûts de production liés notamment au coût de la main-d’œuvre, particulièrement dans les cultures spécialisées en fruits et légumes. Non seulement elle souffre de difficultés pour recruter la main-d’œuvre saisonnière, mais elle doit user de pédagogie pour faire accepter aux consommateurs les prix plus élevés des produits français par rapport à ceux d’importation. Sur ces produits-là, nous sommes très loin de l’autosuffisance, et c’est un enjeu majeur en matière de politique agricole. C’est la raison pour laquelle nous ne pouvons que nous réjouir de la reconduction du dispositif TO-DE pour l’année 2021. La prorogation de cette exonération apparaît essentielle pour les secteurs employeurs de main-d’œuvre saisonnière où le coût du travail est un enjeu important de compétitivité. Il serait bon d’envisager la pérennisation de ce dispositif plutôt que de l’évoquer chaque année : pour se développer, une filière a besoin de visibilité.

Un autre sujet tient particulièrement à cœur du groupe MoDem: le soutien à la filière bois. Durant l’examen du projet de loi d’accélération et de simplification de l’action publique, nous nous sommes très fortement investis dans la lutte contre l’extrême morcellement de la propriété forestière. Nous avons obtenu que soit pérennisée l’expérimentation permettant aux gestionnaires forestiers d’accéder au cadastre numérique pour identifier facilement les propriétaires et leur proposer une gestion commune. Cette lutte passe également par des dispositifs fiscaux incitatifs. Pourriez-vous nous détailler, Monsieur le rapporteur pour avis, les crédits alloués au Fonds stratégique de la forêt et du bois ? Il est indispensable que ce fonds continue d’être largement abondé, car il permet d’accompagner le développement de la filière. Pourriez-vous également nous détailler les choix qui ont été retenus quant au dispositif d’encouragement fiscal à l’investissement en forêt, dit DEFI forêt ? Cette mesure qui cible les contribuables réalisant des investissements forestiers, particulièrement simple dans sa mise en œuvre, a été prolongée jusqu’au 31 décembre 2020. Quel dispositif la remplacera ?

Enfin, nous savons bien que la politique agricole de la France et l’action du ministère sont très liées à la réforme de la PAC. Depuis le début de la législature, j’appelle de mes vœux la constitution d’un groupe transversal de parlementaires pour suivre l’évolution des négociations. Des sujets importants sont en effet sur la table. Nous devons saisir cette opportunité pour faire avancer des demandes importantes, aussi bien pour la pérennité économique de notre agriculture que pour sa transformation écologique. À cet égard, j’ai rappelé ici même, il y a quelques jours, qu’il convenait de saisir des opportunités réglementaires pour réhabiliter la haie bocagère à laquelle je crois beaucoup pour la diversité dans nos campagnes. Quel est votre avis sur la future PAC ?

M. Thierry Benoit (UDI-I). J’annonce d’emblée que je voterai, au nom du groupe UDI et indépendants, les crédits de cette mission, non sans avoir appelé l’attention sur quelques sujets qui me tiennent à cœur.

Tout d’abord, je vous encourage à poursuivre la trajectoire engagée lors des États généraux de l’alimentation sous la houlette de notre collègue Stéphane Travert, avec en ligne de mire l’amélioration du revenu de nos agriculteurs, par un meilleur partage de la richesse créée par l’ensemble des acteurs. Lors de la discussion dans l’hémicycle, nous avions obtenu, contre le retrait d’un amendement que j’avais déposé avec M. Grégory Besson-Moreau et d’autres députés, l’engagement du ministre M. Didier Guillaume que des moyens humains seraient attribués au médiateur des relations commerciales agricoles. Qu’en est-il ?

S’agissant, ensuite, de la transition écologique, il faut à tout prix que les quelques millions d’euros supplémentaires annoncés par le ministre de l’agriculture en matière de recherche pour mettre fin à l’usage des néonicotinoïdes en France se traduisent concrètement dans le budget. Je n’oublie pas non plus l’annonce du Président de la République de la fin du glyphosate en 2021. Cette année-là, un plan stratégique de réduction drastique de l’usage du glyphosate devra entrer en application, en ayant en tête malgré tout son utilisation notamment dans l’agriculture de conservation des sols.

La France est l’un des pays européens les plus en avance en matière de sécurité sanitaire alimentaire, de prophylaxie et de prévention dans les troupeaux. Le travail effectué par les groupements de défense sanitaire doit faire l’objet d’une attention particulière du ministère de l’agriculture, parce que la prophylaxie dans les élevages est très précieuse à l’heure où l’élevage intensif est encore très présent dans notre pays.

En matière d’installation, il faut former les futurs agriculteurs à l’agroécologie.

Le plan protéique doit naturellement être français, mais l’autosuffisance en protéines d’origine végétale est une stratégie qui doit être développée au niveau européen.

Quant à la question de l’intensification d’un plan forêt, elle doit se déployer à l’échelon national mais aussi européen parce que la qualité de l’air ne s’arrête pas aux frontières du pays.

S’agissant du TO-DE, la perspective de 2023 est intéressante et montre que le Gouvernement a pris en considération la stabilité que requiert cette thématique de l’agriculture.

Nous aurons l’occasion d’aborder bien d’autres sujets dans l’hémicycle, comme celui des chambres d’agriculture.

M. Olivier Falorni (LT). Les crédits que nous examinons aujourd’hui ne constituent qu’une petite partie des moyens alloués à notre politique agricole – la majorité échappe à notre contrôle puisqu’ils sont déterminés au niveau européen par le budget de la PAC. Nous sommes soulagés que les pays membres soient enfin parvenus à un accord sur le prochain cadre financier, et que la France ait limité la baisse du budget consacré à l’agriculture. Néanmoins, je ne perds pas de vue que le maintien du budget en valeur faciale n’est que de façade, puisqu’il risque de se traduire concrètement par une baisse des moyens totaux sous l’effet de l’inflation. Celle-ci pourrait avoir des conséquences graves pour nos agriculteurs qui souffrent déjà de rémunérations insuffisantes, d’autant que les aides du premier pilier, qui constituent un filet de sécurité du revenu des exploitants agricoles, diminueront de 1 milliard d’euros, passant de 52 à 51 milliards.

Les crédits de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » bénéficient d’une légère hausse, mais celle-ci ne permet pas de compenser la baisse importante de 10 % subie en 2019. In fine, le budget reste loin de son niveau de 2018, et il est, à nos yeux, insuffisant pour en dresser les priorités du secteur.

En particulier, la mission n’est pas à la hauteur s’agissant de l’accompagnement à la transition écologique. À l’heure où nos agriculteurs font face à des exigences de qualité, de respect de la biodiversité, de réduction de leur impact environnemental, il est nécessaire de leur apporter un réel soutien. De même, les crédits alloués à la recherche appliquée et l’innovation en agriculture, je l’ai dit lors de l’examen de la mission « Recherche et enseignement supérieur », nous semblent amplement insuffisants, notamment au regard de la nécessité de réduire notre dépendance aux pesticides.

Ce budget comporte deux points positifs qui constituent une amélioration par rapport au budget que nous avons précédemment discuté. Le premier est la reconduction jusqu’en 2022 de l’exonération de charges patronales pour les saisonniers agricoles, plébiscitée par les filières recourant massivement au travail saisonnier, comme la viticulture, l’horticulture, les fruits et légumes. Cette exonération devait s’achever au 1er janvier 2021 et, au vu des difficultés de cette filière, la reconduction nous semble de bon sens.

Deuxième point positif, nous nous réjouissons qu’il n’y ait pas de nouvelle tentative de réintroduire pour 2021 de changements dans le plafond de la taxe additionnelle sur le foncier non bâti affectée au réseau des chambres d’agriculture.

Reste le regret, comme l’année dernière, que la loi ÉGALIM, dont l’ambition était de rééquilibrer les relations commerciales entre agriculteurs, distributeurs et industriels, reste à ce jour sans effet. Les quatre grandes centrales d’achat continuent d’imposer leurs conditions et contournent largement les dispositifs en vigueur, la valeur ajoutée est toujours aussi mal partagée et la variable d’ajustement des prix reste trop souvent le producteur lui-même.

Néanmoins, compte tenu des éléments que j’ai soulignés précédemment, nous voterons les crédits de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales ».

M. Antoine Herth (Agir ens). Au nom du groupe Agir ensemble, je salue le travail effectué par notre rapporteur pour avis et indique d’emblée que nous voterons les crédits du ministère de l’agriculture et de l’alimentation.

Dans ce budget, deux programmes sont très importants. Le programme 149 « Compétitivité et durabilité de l’agriculture, de l’agroalimentaire, de la forêt, de la pêche et de l’aquaculture » concerne le back office des divers métiers liés à l’agriculture et à l’alimentation. Je note que les crédits affectés aux mesures agroenvironnementales et climatiques (MAEC) et à l’agriculture biologique sont en baisse. J’aimerais connaître le point de vue du rapporteur pour avis sur ce sujet, de même que sur la baisse des crédits concernant la pêche.

En revanche, je salue l’augmentation des crédits alloués à la forêt qui sont, pour une grande partie, consacrés à accompagner le changement climatique. Il faut probablement les mettre en perspective avec les investissements qui seront faits dans le cadre du plan de relance.

La reconduction du dispositif TO-DE est une bonne nouvelle. On peut effectivement imaginer de prolonger, voire de pérenniser cet outil indispensable dans un contexte de concurrence intra-européenne, sur lequel je reviendrai tout à l’heure.

Avec le programme 206 « Sécurité et qualité sanitaires de l’alimentation », on est dans le front office. C’est la politique la plus visible qui s’adresse directement aux consommateurs. C’est aussi celle où l’on retrouve généralement les polémiques et les amalgames. En matière de sécurité sanitaire des animaux, par exemple, des efforts importants sont faits en matière d’identification, mais, dans l’opinion publique, on entend plus souvent parler de maltraitance que de bien-être animal. Le programme couvre aussi la difficile question des pesticides, avec la sortie du glyphosate et la dérogation à l’interdiction des néonicotinoïdes pour lutter contre la jaunisse de la betterave. À cet égard, j’aurai quelques questions à poser au ministre, en séance publique, sur cette politique extrêmement importante.

Monsieur le rapporteur pour avis, je soutiendrai l’amendement que vous avez souhaité déposer pour conforter la ligne budgétaire du CASDAR. J’indique toutefois qu’une mission d’information parlementaire a été lancée sur le financement des chambres d’agriculture. Ses conclusions nous donneront peut-être une perspective de plus long terme sur ce sujet.

M. Stéphane Travert a parlé de budget de crise, voire de post-crise. J’ajouterai une troisième catégorie, celle de pré-crise puisque nous savons maintenant que le Brexit laissera des traces dans le paysage économique français, même si nous ignorons comment. En tout cas, l’agriculture ne sera pas épargnée. Je rappelle simplement qu’il faudra porter une attention particulière à la filière laitière et à celle de la volaille, qui sont en première ligne.

Par ailleurs, la question de la rémunération des agriculteurs posée dans la loi ÉGALIM reste à préciser.

Enfin, j’attends des précisions en qui concerne la PAC quant aux outils qui permettront de valoriser l’effort des agriculteurs en matière de séquestration du carbone.

M. Cédric Villani (EDS). Beaucoup de choses ont été dites avec lesquelles je suis d’accord. Aussi, je me contenterai de faire trois remarques.

D’abord, on voit bien le lien qu’il y a entre la mission précédente et celle que nous sommes en train d’examiner, dans la mesure où nous devons accompagner l’ensemble des acteurs dans une transition agro-écologique, pour lesquels la bonne échelle doit être européenne. La semaine dernière, le directeur général de Danone, M. Faber, a évoqué devant nous les travaux de l’Institut de développement durable et des relations internationales (IDDRI), think tank qui propose un scénario de transition sur dix ans à l’échelle de l’Europe, Ten years for agriculture, avec une diminution drastique des pesticides, la généralisation de bonnes pratiques à la fois pour l’agriculture et pour l’élevage. On a le sentiment que ce domaine mériterait une impulsion encore bien plus grande, à l’échelle nationale mais aussi européenne, dans le cadre de la révision de la politique agricole commune.

Ensuite, la crise du Covid-19 a mis en lumière la question des circuits courts et de notre rapport à ces circuits. Dans ma circonscription, par exemple, sur le plateau de Saclay, grande région d’agriculture et d’innovation, on a observé, pendant la crise, un quasi-doublement de la demande dans les circuits courts. En revanche, une fois la crise passée, la demande a chuté, un comportement de prudence a prévalu et certains exploitants se sont retrouvés en grande difficulté. Cela montre qu’il y a des enjeux de recherche par rapport à la production, par rapport aux modèles économiques et au comportement des consommateurs et de la société. Tous ces sujets de recherche méritent une forte interface entre monde agricole et monde universitaire et innovation. Là encore, sur le plateau de Saclay, j’ai pu voir la création de petits outils bien trop modestes par rapport à l’enjeu. Toutefois, c’est typiquement le genre de choses que l’on a envie de développer en France, grand pays de recherche et d’agriculture.

Enfin, l’agriculture urbaine non seulement a un intérêt pour la santé et le développement des circuits courts, mais elle est aussi un facteur de reconstruction des liens sociaux, comme on a pu le constater à Detroit ou à Pittsburgh, aux États-Unis, anciennes grandes villes industrielles qui se sont écroulées avant de connaître une renaissance grâce, entre autres, à l’agriculture urbaine. Or ces actions se heurtent dans le même temps à certaines difficultés ou limitations. Ainsi, on voit bien que dans un territoire aussi dense que la région parisienne, elle ne pourra jamais satisfaire qu’une toute petite fraction des besoins. En outre, les degrés d’engagement sont très variables : certaines personnes vont être très actives, alors que d’autres examineront le mouvement avec perplexité, voire comme une gêne. Il y aurait une enquête de type sociologique ou urbanistique à mener en parallèle. Qu’en pensez-vous ?

M. Yves Daniel. Si je tiens à saluer l’accroissement des moyens accordés aux jeunes agriculteurs, j’aimerais savoir quels outils d’aide à l’installation sont prévus.

Le premier levier susceptible de favoriser l’installation de jeunes agriculteurs et le renouvellement des générations de professionnels, c’est la garantie qu’ils pourront vivre décemment de leur métier. Or il reste un travail important à accomplir pour réussir l’application de la loi ÉGALIM et atteindre cet objectif fondamental qui est d’assurer un revenu aux agriculteurs dans les différentes filières.

Par ailleurs, il n’y aura pas de renouvellement des générations si les exploitations restent inaccessibles du fait de leurs dimensions industrielles et de l’importance des capitaux à engager pour les reprendre. Il faut, au contraire, des exploitations à taille humaine, compatibles avec l’agroécologie et la transition écologique.

Je voterai néanmoins, comme le reste du groupe LaREM, en faveur de l’adoption des crédits de la mission.

M. Jean-Bernard Sempastous, rapporteur pour avis. Monsieur Turquois, je partage votre engagement en faveur des circuits courts et d’outils d’une taille adaptée aux territoires. Les difficultés de main-d’œuvre sont une réalité ; par le passé, il n’était déjà pas simple de trouver la main-d’œuvre nécessaire pour faire les récoltes, mais depuis le confinement, c’est encore pire, car les gens ont peur de se retrouver au contact d’autres personnes. C’est notamment le cas pour la récolte du haricot tarbais dans ma circonscription.

Pour ce qui concerne la filière bois, l’action n° 26 représente 14,5 % du budget du programme 149, à raison de 249 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 251 millions d’euros en crédits de paiement, soit une hausse de respectivement 3,5 % et 2,2 %. Cette action sert à financer le programme national de la forêt et du bois à hauteur de 25,4 millions d’euros en AE et 22,8 millions d’euros en CP, en hausse afin de financer les mesures contre les scolytes, insectes xylophages de l’ordre des coléoptères. Quant aux crédits consacrés au Centre national de la propriété forestière, ceux servant à la restauration des terrains de montagne et ceux finançant les missions d’intérêt général confiées à l’Office national des forêts sont, comme je l’ai dit tout à l’heure, en légère hausse. Le DEFI forêt est un dispositif fiscal qui n’entre pas dans le champ de cette mission – on vous transmettra les informations à ce sujet ultérieurement.

S’agissant de la réforme de la PAC, j’ai pris bonne note de ce que vous aviez dit ; le cadre financier a été validé et l’enveloppe sera maintenue à 62,4 milliards d’euros, à l’issue d’un travail de longue haleine mené par le ministre et nos collègues députés européens.

J’ai pris bonne note aussi de votre remarque, Monsieur Benoit, concernant les moyens humains attribués au médiateur des relations commerciales agricoles ; je me souviens fort bien de cet amendement et de la discussion à laquelle il avait donné lieu, mais je n’ai aucun élément nouveau à vous apporter à ce sujet. Je me renseignerai auprès du ministère et vous ferai transmettre les informations.

Je vous donne acte, Monsieur Falorni, de ce que les crédits que nous examinons aujourd’hui ne représentent qu’une petite partie du budget de la politique agricole et qu’ils sont en légère hausse. Vous avez raison, l’accompagnement de la transition écologique et la recherche appliquée, dont nous avons parlé tout à l’heure avec M. Cédric Villani, sont des sujets extrêmement importants. Si leurs crédits restent stables, je me permets toutefois de vous faire noter qu’il est prévu, dans le plan de relance, 134 millions d’euros pour la transition écologique, sans compter tout ce qui concerne l’agroéquipement.

Les crédits affectés aux mesures agroenvironnementales et climatiques ayant augmenté l’an dernier de 260 %, il est logique qu’ils soient stabilisés cette année, Monsieur Herth. Je précise que les opérations se font pour une durée de cinq ans. Pour ce qui concerne la reconduction du TO-DE, il serait en effet souhaitable que le dispositif ne soit pas remis en question chaque année. Le budget du programme 206, « Sécurité et qualité sanitaires de l’alimentation », est en hausse de 5 %, soit 30 millions d’euros. C’est une politique qui bénéficie d’une grande visibilité et à laquelle le monde extra-agricole est particulièrement attentif : il convient par conséquent d’y consacrer des moyens suffisants.

Merci, cher Cédric Villani, d’avoir évoqué l’agriculture urbaine, sujet sur lequel j’ai beaucoup travaillé. J’ai procédé à des auditions en visioconférence à Paris et à Bordeaux, faute de pouvoir me déplacer en France. Vous avez raison : c’est une question qui, loin d’être marginale, est très intéressante, notamment du point de vue sociologique. Ce sont deux mondes qui se rencontrent. Je l’ai vu notamment à Bordeaux, avec, d’un côté, la chambre d’agriculture, de l’autre, des porteurs de projets, qui, pour beaucoup, qui ne viennent pas du monde agricole mais qui ont de brillantes idées et font bouger les choses ; même si les projets en question ne peuvent pas, sauf exception, être étendus au monde rural, ils jouent le rôle de catalyseurs. Ce sont des gens passionnants, motivés, souvent jeunes, que je vous engage à rencontrer, si vous en avez la possibilité ; ils ont un niveau d’études parfois assez élevé et font, en choisissant cette profession, un choix de vie, apportant de la vitalité dans les lieux où ils s’installent. Le petit focus que j’ai fait a été très apprécié par eux, notamment parce que cela leur a permis de se rencontrer et de prendre contact avec les sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural (SAFER) en vue d’obtenir des financements ; certains en ont même profité pour organiser des tables rondes et des journées d’étude. C’est très positif.

Le monde agricole a besoin de tous les acteurs, Monsieur Daniel. On sait les difficultés que rencontrent aujourd’hui les jeunes pour s’installer, et il importe d’utiliser tous les outils disponibles pour les y aider. Les chambres d’agriculture ne ménagent pas leurs efforts, mais il reste des freins ; nous avons à cœur de les lever, grâce à des moyens financiers, mais aussi par un accompagnement général, de la formation et en agissant sur le foncier.

M. le président Roland Lescure. Je rappelle que nous avions organisé une fort intéressante table ronde sur l’agriculture urbaine, au salon international de l’agriculture, l’an passé. Dans ce domaine – M. Villani y a fait allusion – des expériences très intéressantes sont menées dans ma circonscription.

La commission en vient à l’examen des amendements.

 

Article 33 et état B

 

La commission est saisie de l’amendement II-CE2 du rapporteur pour avis.

M. Jean-Bernard Sempastous, rapporteur pour avis. Le compte d’affectation spéciale développement agricole et rural finance l’orientation des structures chargées du conseil des agriculteurs vers le développement et la diffusion de systèmes de production innovants et performants, et permet de renforcer les liens entre recherche et innovation dans une logique de performance agro-écologique. Le présent amendement vise à l’abonder de 10 millions d’euros, afin de revenir à l’enveloppe de l’année dernière, soit 136 millions d’euros.

Je précise que mon opinion sera peut-être amenée à évoluer au fil de la discussion budgétaire, car la diminution relative de l’enveloppe attribuée au CASDAR est à rapporter aux crédits mobilisés par l’État en matière de recherche, en particulier dans le cadre du plan de relance. Ainsi le ministère de l’agriculture et de l’alimentation a-t-il décidé de renforcer les moyens qu’il consacre à la recherche et à l’innovation, par l’intermédiaire du plan national de recherche et innovation pour trouver des solutions alternatives aux néonicotinoïdes opérationnelles contre la jaunisse de la betterave sucrière, à hauteur de 5 millions d’euros. La stratégie nationale sur les protéines végétales, dotée de 100 millions d’euros, comporte un volet important consacré à l’innovation. Quant au quatrième programme d’investissements d’avenir, qui mobilisera 11 milliards d’euros d’ici à 2022, il contribuera à plusieurs titres aux activités des organismes de recherche, d’innovation et de transfert dans le secteur agroalimentaire.

Il s’agit en quelque sorte d’un amendement d’appel.

M. Stéphane Travert. Le Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux (CGAAER) a engagé, le 13 février 2020, une évaluation des actions financées par le CASDAR et des scénarios d’évolution possibles. Il devait en présenter les conclusions en avril 2020, mais la crise sanitaire a interrompu ses travaux. Nous devrions néanmoins disposer d’informations complémentaires d’ici à la fin de l’année. C’est pourquoi le groupe LaREM appelle à voter contre cet amendement – même s’il en comprend l’intention, qui est tout à fait louable.

La commission rejette l’amendement.

Suivant l’avis du rapporteur pour avis, elle donne un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales ».

 

 

 


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   LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

– M. Pascal Mayol, co-auteur du rapport du Conseil économique, social et environnemental (CESE) sur l’agriculture urbaine

Direction des Espaces verts et de l’Environnement de la Ville de Paris (DEVE)

– Mme Carine Bernède, directrice des espaces verts et de l’environnement

– M. David Lacroix, chef du service des techniques et du végétal et de l’agriculture urbaine

Association française d’agriculture urbaine professionnelle (AFAUP)

– Mme Anouck Barcat, présidente

– M. Antoine de Lombardon, avocat référent de l’association

– M. Guillaume Dekoninck, administrateur

– Mme Anne-Cécile Daniel, coordinatrice

– M. Édouard Wautier, co-fondateur des Nouvelles Fermes

Cabinet du ministre de l’agriculture et de l’alimentation

– M. Nicolas Cherel, conseiller budgétaire

Table ronde réunissant :

– Les représentants de l’association française d’agriculture urbaine professionnelle (AFAUP)

– Mme Stéphanie de Los Angeles, juriste consultante au CRIDON

Chambre d’agriculture de la Gironde

– M. Jean-Louis Dubourg, président

SAFER Nouvelle Aquitaine

– M. Philippe Tuzelet, directeur général

– M. Michel Lachat, chef du service départemental pour la Gironde

Jeunes agriculteurs de la Gironde

– M. Vincent Bougès, président

 

 


([1]) Objectif inscrit à l’article 45 de la loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, modifiant l’article L. 1 du code rural et de la pêche maritime.

([2]) « L’agriculture urbaine : un outil déterminant pour des villes durables » Pascal Mayol et Etienne Gangneron, Conseil économique, social et environnemental, juin 2019

([3]) ADEME (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie), Villatte Magali, 2017. L’Agriculture urbaine, quels enjeux de durabilité ?

([4]) Système qui unit culture de plantes et élevage de poissons

([5]) Culture hors sol

([6]) https://www.parisculteurs.paris/