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N° 3400

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 9 octobre 2020.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES
SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2021 (n°3360)

TOME IV

COHÉSION DES TERRITOIRES

LOGEMENT

PAR Mme Stéphanie Do

Députée

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 Voir les numéros : 3360 et 3399 (Tome III, Annexe 8).

 


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SOMMAIRE

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Pages

introduction

PREMIÈRE PARTIE : LeS CRÉdits prÉvus tÉmoignent d’un engagement renouvelÉ en faveur du logement

I. LE PROGRAMME 109 « AIDE À L’ACCÈS AU LOGEMENT »

A. LES AIDES PERSONNELLES AU LOGEMENT, FORTEMENT MOBILISÉES, SERONT CONTEMPORANÉISÉES début 2021

1. Les APL sont fortement mobilisées pour soutenir les locataires dans une période difficile

2. La réforme du versement contemporain des allocations, plusieurs fois décalée, est techniquement aboutie

B. L’accompagnement des locataires est particuliÈrement nÉcessaire À l’occasion de la crise sanitaire

1. Les associations départementales pour l’information sur le logement ont été très actives lors de la crise

2. Le dispositif Visale connaît un certain dynamisme qui ne pèse pas sur le budget de l’État

II. LE PRogramme 135 « urbanisme, territoires et amÉlioration de l’habitat »

A. L’effort considÉrable en faveur de la rÉnovation thermique est rÉparti sur diffÉrents programmes

1. Le plan de relance comporte un volet conséquent consacré à l’amélioration de l’efficacité énergétique des logements

2. L’Agence nationale de l’habitat se confirme comme l’acteur de référence en matière de transition énergétique du bâti

B. Les dÉpenses fiscales prolongÉes pour soutenir le secteur du logement

1. Une concertation est engagée sur l’avenir du dispositif Pinel

2. Le prêt à taux zéro sera prorogé

3. Il faut aller plus loin dans l’accession sociale à la propriété

III. le programme 177 « HÉbergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnÉrables »

A. L’HÉBERGEMENT d’URGENCE EST FORTEMENT MOBILISÉ

1. Des efforts importants ont été consentis pour héberger les populations vulnérables pendant la crise

2. Le PLF pour 2021 poursuit l’effort considérable constaté en 2020

B. le PLAN LOGEMENT D’ABORD A FAIT SES PREUVES

1. Le confinement a illustré le bien-fondé de la politique du Logement d’abord

2. L’augmentation de l’effort en faveur du Logement d’abord se poursuit

3. Un effort est nécessaire sur la gestion des demandes de logement

SECONDE PARTIE : LA CRISE ACTUELLE EXIGE UN EFFORT PARTICULIER AU SOUTIEN du secteur du logement

I. la rÉnovation ÉnergÉtique constitue un LEVIER DE SOUTIEN IMPORTANT pour le secteur

A. le gouvernement porte une impulsion historique en faveur de la rÉnovation ÉnergÉtique DU LOGEMENT

1. Les aides à la rénovation du parc privé sont amplifiées et diversifiées

2. Il faut étendre les dispositifs « Coup de pouce », qui constituent des instruments privilégiés dans le soutien à la rénovation énergétique

3. La rénovation énergétique du parc social et des bâtiments publics doit être poursuivie

B. LES ACTEURS DE LA RÉNOVATION ÉNERGÉTIQUE SONT SATISFAITS DES MESURES prévues

1. Le plan de relance va alimenter les carnets de commandes et limiter les dépenses énergétiques

2. Néanmoins, quelques inquiétudes subsistent chez les acteurs rencontrés

C. des problÉmatiques majeures demeurent en matiÈre de contrÔle de la qualitÉ des travaux

1. Renforcer l’exemplarité des obligés et la lutte contre la fraude

2. Améliorer le contrôle après livraison des travaux

II. Le Soutien du btp se situe au cœur des prÉoccupations des acteurs PUBLICS DU LOGEMENT

A. la crise a illustrÉ l’importance des opÉrateurs

1. Toutes les filières du bâtiment ont été fortement affectées par la crise

2. Le soutien des opérateurs est décisif pour le logement

3. Un effort indispensable en faveur du logement locatif intermédiaire

B. l’action des bailleurs SOCIAUX EST un levier majeur pour la viabilité Économique du bâtiment

1. Les tendances initiées par la loi ELAN, sur le point d’aboutir, n’écartent pas toutes les inquiétudes sur les bailleurs sociaux

2. Une relance réussie du BTP exige des bailleurs sociaux forts et résilients

III. L’avenir du groupe action logement suscite des inquiÉtudes qui doivent Être apaisÉes

A. Le groupe Action Logement sous le feu de critiques

1. Les objets des critiques à l’encontre du groupe vont des modalités de sa gouvernance à sa gestion financière

2. Le groupe, issu d’une réforme encore récente, fait des efforts considérables dans son action

B. la participation des employeurs à la construction reste un moteur indispensable du secteur du bâtiment

1. Les prélèvements exceptionnels portent atteinte à la stabilité du secteur et aux ressources de la construction

2. Les dysfonctionnements identifiés peuvent être corrigés et ne justifient pas une remise en cause de la participation des employeurs à la construction

examen en commission

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNées

 


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   introduction

Dans un contexte difficile pour l’économie du secteur du bâtiment, fortement marqué par la crise sanitaire et économique en cours, les efforts consentis par l’État en faveur du logement sont notables.

Dans la première partie de son avis, votre Rapporteure examine les crédits des programmes 109, 135 et 177 de la mission interministérielle « Cohésion des territoires ».

Les crédits du programme 109 « Aide à l’accès au logement » connaissent une évolution considérable à la faveur de l’effort entrepris, au titre de la crise sanitaire, sur les allocations personnelles au logement (APL). Avec 12,48 milliards d’euros (Md€) en autorisations d’engagement (AE) et en crédits de paiement (CP), le programme enregistre une nette progression par rapport aux 12,04 Md€ de la loi de finances initiale (LFI) de l’an dernier (+ 3,63 %).

Les crédits du programme 135 « Urbanisme, territoires et amélioration de l’habitat » connaissent une évolution stable, la forte variation apparente (de 346 à 528 M€ en CP, soit une progression de +52,50 %) correspondant essentiellement à des changements de périmètre. L’impulsion apportée par le projet de loi de finances à la rénovation thermique des bâtiments ne repose en effet que partiellement sur la mobilisation des crédits de ce programme.

Les crédits du programme 177 « Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables » ne cessent d’augmenter, poursuivant en cela la trajectoire engagée ces dernières années. Leur évolution cette année est de + 10,49 % par rapport aux crédits ouverts en LFI l’an dernier, ce qui reflète en premier lieu la continuation de l’effort en faveur des capacités d’hébergement d’urgence engagé en réponse à la crise sanitaire en cours et à la vulnérabilité accrue des personnes sans abri.

Dans la seconde partie de son rapport, la Rapporteure souhaite insister sur l’importance de soutenir le logement par des politiques volontaristes, en saluant notamment l’effort mené, à l’occasion du plan de relance annoncé par le Gouvernement, sur le front de la rénovation énergétique des logements.

Elle rappelle cependant que la rénovation énergétique ne répondra pas, à elle seule, au fort besoin de logements qui continue de caractériser la situation de notre pays, besoin que nous a rappelé notamment le confinement. Dans ce cadre, il lui paraît essentiel de bien accompagner le secteur du logement social, qui voit aujourd’hui l’aboutissement d’un processus de réforme entamé il y a deux ans.

Les bailleurs sociaux, désormais plus résilients, doivent être en mesure de soutenir activement l’effort de construction, effort d’autant plus nécessaire que l’offre privée se tarit avec la crise. De plus, votre Rapporteure entend rester vigilante sur la construction de logements sociaux, qui risque d’être ralentie par la crise afin de ne pas aggraver la situation du parc social.

Cet effort doit reposer notamment sur la participation des employeurs à l’effort de construction, qui reste un pilier indispensable de la politique de construction de notre pays, et qu’il ne saurait être question de faire évoluer sans mettre sérieusement en péril une filière déjà atteinte. Dans cette optique, votre Rapporteure insiste sur la nécessité absolue d’associer l’ensemble des parties prenantes aux décisions à venir quant aux évolutions éventuelles de la gouvernance et du mode de fonctionnement du groupe Action Logement.

Au terme de son analyse, votre Rapporteure émet un avis favorable à l’adoption des crédits des programmes 109, 135 et 177 de la mission « Cohésion des territoires ».

 

Numéro et intitulé du programme et de l’action

LFI 2020

PLF 2021

Évolution 2020/2021

(CP en M€)

(CP en M€)

(en %)

109 – Aide à l’accès au logement

12 039

12 476

+ 3,63

01 – Aides personnelles

12 028

12 467

+ 3,65

02 – Information relative au logement et accompagnement des publics en difficulté

8,4

8,4

0

03 – Sécurisation des risques locatifs

2,1

1

– 52,38

135 – Urbanisme, territoires et amélioration de l’habitat

346,5

528,4

+ 52,50

01 – Construction locative et amélioration du parc

14

19

+ 35,71

02 – Soutien à l’accession à la propriété

4,1

4,1

+ 1,23

03 – Lutte contre l’habitat indigne

20,5

19,2

– 6,23

04 – Réglementation, politique technique et qualité de la construction

227,6

218,4

– 4,02

05 – Soutien

21,9

25,2

+ 15,20

07 – Urbanisme et aménagement

58,5

242,5

+ 314,31

177 – Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables

1 991

2 200

+ 10,49

11 – Prévention de l'exclusion

50

52

+ 3,97

12 – Hébergement et logement adapté

1 932

2 139

+ 10,70

14 – Conduite et animation des politiques de l'hébergement et de l'inclusion sociale

9,1

9,1

0

Source: Projet annuel de performances pour 2021 de la mission « Cohésion des territoires », PLF pour 2021.

 

 

 

 


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   PREMIÈRE PARTIE :
LeS CRÉdits prÉvus tÉmoignent d’un engagement renouvelÉ en faveur du logement

I.   LE PROGRAMME 109 « AIDE À L’ACCÈS AU LOGEMENT »

A.   LES AIDES PERSONNELLES AU LOGEMENT, FORTEMENT MOBILISÉES, SERONT CONTEMPORANÉISÉES début 2021

1.   Les APL sont fortement mobilisées pour soutenir les locataires dans une période difficile

Au cours de l’exercice très particulier qui se clôt, les acteurs publics ont agi en faveur des locataires subissant une baisse de leurs revenus. Au-delà de la prorogation de la trêve hivernale décidée dès le mois de mars et reconduite au mois de mai jusqu’au 11 juillet, des mesures ont été prises pour éviter la multiplication de procédures en impayé de loyer. Parmi celles-ci, la Caisse nationale des allocations familiales a développé une stratégie de garantie du maintien pour les allocataires des droits aux aides personnelles au logement (APL), en reportant les échéances potentiellement génératrices de suspension des droits aux aides.

La Caisse nationale des allocations familiales a renforcé sa lutte contre la fraude aux APL qui est le fait des marchands de sommeil. Cette lutte, d’autant plus indispensable en période de crise, s’insère dans le cadre de la lutte contre l’habitat indigne. Elle vise à faire en sorte que les sommes que verse la Caisse au titre des APL ne soit pas détournées au profit de fraudeurs peu scrupuleux, qui se fondent sur ces aides pour financer l’achat d’un bien en état dégradé. Ainsi, la Caisse va mettre en place, à plusieurs points du territoire, des brigades de contrôleurs capables d’intervenir sur des fraudes organisées au-delà même des limites d’un département. Ce combat contre les marchands de sommeil est essentiel car leurs escroqueries ont pour conséquence une grave atteinte aux bien-être des locataires bénéficiaires des APL et, par extension, à l’équilibre social.

Pour toutes ces raisons, le montant global des APL, dépense de guichet, augmente fortement, et l’État participe pour un tiers au financement de cette augmentation. La dotation de l’action n° 01 « Aides personnelles » du programme 109, qui concentre 99,9 % des crédits du programme, augmente de près de 440 M€ dans le présent projet de loi par rapport à la LFI 2020, pour s’établir à 12,48 Md€ afin de répondre au besoin additionnel de financement suscité par les mesures prises (à noter que, sur cette augmentation de 440 M€, 47 M€ correspondent à la compensation du changement de fléchage de la taxe spéciale d’équipement et ne participent donc pas de la hausse de dotation des APL). Cette somme reste inférieure au 13,43 Md€ programmés en LFI 2019. Par ailleurs, l’article 43 du PLF prévoit un prélèvement d’1 Md€ sur la trésorerie d’Action Logement pour abonder le Fonds national d’aide au logement (FNAL), principal financeur des APL.

Votre Rapporteure estime que la trajectoire de la réduction de loyer de solidarité (RLS) est conforme aux engagements pris par le Gouvernement. Dans le cadre déterminé par la convention conclue entre le Gouvernement et les acteurs du logement social en avril 2019, le PLF pour 2021 voit le blocage à 1,3 Md€ du montant de la RLS, de façon à en modérer les effets financiers néfastes pour les bailleurs sociaux. Comme en 2020, le présent projet loi de finances prévoit en son article 48 la suspension pour 2021 de l’indexation sur les prix à la consommation des plafonds de ressources mensuelles ouvrant droit à la RLS. Cette désindexation aboutit à une réduction du nombre de bénéficiaires de la RLS et à une moindre pression sur les finances des organismes HLM. Votre Rapporteure est optimiste quant à l’avancée de la mise en place de la RLS et salue les efforts consentis dans ce cadre par les organismes de logements sociaux.

2.   La réforme du versement contemporain des allocations, plusieurs fois décalée, est techniquement aboutie

Après les reports intervenus en juillet 2019, janvier 2020 et avril 2020, la réforme du versement contemporain des aides personnelles au logement (APL) entrera en vigueur au 1er janvier 2021. Les problèmes techniques qui avaient donné lieu à un premier report de sa mise en œuvre avaient déjà été résolus au 1er avril 2020, moment auquel la réforme a été repoussée in extremis par le Gouvernement. La Caisse nationale des allocations familiales affirme que ce nouveau délai était dû à la nécessité d’accompagner la mise en œuvre de la réforme aux guichets, fermés à l’occasion du confinement. D’autres acteurs auditionnés ont salué une marque de la prudence du Gouvernement, soucieux de ne pas voir des ménages affectés par une baisse de revenus à un moment économiquement difficile. La CNAF a du reste souligné l’opportunité d’une réforme en janvier 2021, ce mois correspondant au moment habituel de la redéfinition des aides perçues.

En pratique, rien ne s’oppose à une entrée en vigueur de cette réforme en janvier 2021. Auditionnés par votre Rapporteure, les représentants de la Caisse ont déclaré la réforme opérationnellement prête, notamment du point de vue des systèmes d’information. À cet effet, la Caisse a fait de la formation de son personnel en vue de l’application de cette nouvelle réforme un axe prioritaire de son action en interne. Son objectif est de tendre vers une pédagogie accrue afin que les personnels des caisses d’allocations familiales (CAF) soient en mesure de répondre aux inquiétudes du public concerné par la réforme. Ces inquiétudes sont légitimes, car les aides concernent les populations les plus exposées, mais elles sont objectivement infondées, tant cette mesure constitue un acte de justice sociale qui permet une meilleure réactivité de l’aide par rapport aux évolutions économiques concrètes.

La Rapporteure a cependant tenu à souligner l’importance de ne pas affecter à la baisse les revenus des ménages dans une période de crise économique. Les personnes auditionnées n’ont pas soumis de chiffres précis sur l’impact des évolutions financières qui affecteraient les allocataires. Selon les estimations fournies, on peut néanmoins prévoir que, comme chaque année, certains allocataires verront les aides qu’ils perçoivent baisser (1,5 million d’allocataires) et d’autres les verront augmenter (800 000 allocataires), et ce dans les mêmes proportions qu’avant la réforme.

Cependant, la grande majorité des allocataires ne devrait pas sentir les effets de la mesure, leurs revenus étant stables. Comme il a été souligné à de multiples reprises, la réforme se fait à droit constant, et tous les dispositifs d’accompagnement des bénéficiaires changeant de revenus sont conservés. C’est le cas notamment de l’abattement de 30 % sur le calcul des revenus, pris en compte pour la détermination du niveau d’aide perçue, lorsqu’un allocataire passe du chômage à l’activité. Cependant, la réforme aurait pu entraîner pour 130 000 allocataires un phénomène injuste, à savoir une baisse des revenus concomitante à une baisse de l’abattement. Pour ces allocataires, il a été décidé que leurs droits de décembre 2020 seront conservés. Cette solution de continuité montre encore l’engagement des acteurs à protéger les allocataires d’éventuelles baisses de revenus.

B.   L’accompagnement des locataires est particuliÈrement nÉcessaire À l’occasion de la crise sanitaire

1.   Les associations départementales pour l’information sur le logement ont été très actives lors de la crise

La crise sanitaire a mis l’accent sur l’importance de la fonction d’information et d’accompagnement des locataires. Ces derniers ont notamment été confrontés parfois à des situations difficiles, tout particulièrement la perte totale ou partielle de revenu. Plusieurs études ont montré les baisses de ressources subies par un nombre important de ménages du fait des retombées économiques de la crise sanitaire, comme la baisse imputable au passage à l’activité partielle ou celle résultant de l’infléchissement de l’activité intérimaire. Ces baisses de ressources sont intervenues alors que la part des dépenses consacrées au logement dans le budget des ménages, située à une moyenne historiquement élevée de 26 %, pouvant dépasser les 40 % chez les ménages à revenus modestes, n’a pas diminué. Cette situation a amené dans le parc social à des actions nombreuses de soutien des locataires par les bailleurs.

Les agences départementales d’information sur le logement (ADIL) ont joué un rôle important d’information et d’accompagnement des publics en difficulté. C’est l’action n° 02 du programme 109 qui finance le réseau des ADIL et l’Agence nationale d’information sur le logement (ANIL). L’accompagnement des ADIL a été particulièrement soutenu envers les locataires en difficulté de paiement, afin de leur présenter les différentes aides financières existantes. L’ANIL a relevé dans ses enquêtes auprès du réseau que ses agences départementales ont été particulièrement sollicitées en Île-de-France et dans les Bouches-du-Rhône. Les publics demandeurs étaient surtout constitués d’étudiants, de demandeurs d’emploi, et plus généralement de salariés du secteur privé. La hausse a été la plus élevée en avril, lorsque le nombre de consultations était deux fois supérieur à la moyenne au niveau national ([1]).

L’ANIL a également veillé à ce que les capacités du numéro vert « SOS Loyers impayés » soient à la hauteur. Cette plateforme, qui constitue le principal service de contact pour l’accompagnement, le conseil et la prévention en cas de risques d'expulsion liés aux situations d'impayés de loyers, s'adresse aussi bien aux bailleurs qu’aux locataires. Elle a vu une augmentation très considérable du nombre d’appels reçus pendant le confinement. L’Union sociale pour l'habitat a pour sa part enregistré plus de 150 millions d’euros de retard de paiement de loyers supplémentaires en février 2020 par rapport au mois de février 2019. Les auditionnés ont cependant souligné que de nombreux ménages qui payent leur loyer en liquide, ce qui concerne notamment 7 % de ceux du parc social, n’ont pas pu procéder au règlement pendant le confinement du fait la fermeture d’un certain nombre de bureaux de poste ([2]).

Votre Rapporteure souhaite attirer l’attention des pouvoirs publics sur la problématique croissante des impayés de loyer. En dépit de la régularisation d’une partie des impayés induits par le confinement, la situation demeure inquiétante : 100 millions d’euros de retards de paiement des loyers sont encore à déplorer et le montant des impayés continue d’augmenter progressivement. Cette situation a permis de mettre le doigt sur le phénomène global et systémique d’augmentation des impayés dans notre pays, qui exige une vigilance renforcée. Il est nécessaire de chercher activement une solution à ce phénomène et d’encourager les bailleurs à développer une politique accrue d’accompagnement des locataires dès les premiers retards de paiement de loyers.

2.   Le dispositif Visale connaît un certain dynamisme qui ne pèse pas sur le budget de l’État

Les crédits de la garantie des risques locatifs (GRL) en voie d’extinction sont stables. La GRL, destinée à faciliter l’accès au logement des locataires potentiels qui auraient des difficultés à présenter une personne physique caution, est fondée sur la souscription par le bailleur d’un contrat d’assurance garantissant le risque d’impayés de loyer et les dégradations locatives. Historiquement cofinancée par la participation des employeurs à la construction et l’État, la GRL a été transformée en 2016 en un dispositif de soutien, appelé « Visale », à la main exclusive du groupe Action Logement.

Le dispositif Visale fait l’objet d’efforts particuliers par le groupe Action Logement pour assurer une meilleure connaissance et une distribution plus large. Le groupe a mis en œuvre des efforts notables pour améliorer la visibilité de son offre en augmentant sa communication. Cet instrument de cautionnement a fait l’objet d’une campagne publicitaire soutenue en juin, juillet et septembre 2020, à la radio et à la télévision. La campagne ciblait en particulier les bailleurs, dont certains restent à ce jour sceptiques quant à la fiabilité de ce dispositif. Une progression d’entre six et dix points de la notoriété du dispositif auprès du public est mesurée à l’occasion de sondages réalisés. En effet, depuis le début du dispositif en 2016, plus de 310 000 ménages ont été logés grâce à Visale (dont 130 000 sur l’année 2019) sur plus de 760 000 demandes de visas certifiés. Avec une hausse des contrats souscrits de 19 % sur les huit premiers mois de l’année 2020 par rapport à la même période en 2019, Visale a continué, malgré la crise sanitaire, d’accompagner les bénéficiaires et particulièrement les bénéficiaires de moins de 30 ans (+ 39 % par rapport à 2019).

Au vu des bienfaits de ce dispositif, votre Rapporteure propose d’élargir les critères d’éligibilité à la garantie Visale. Elle souhaite que le bénéfice de cette garantie ne soit plus réservé aux locataires dont le loyer représente au maximum 50 % de leurs ressources pour les ménages entrant dans un logement locatif privé en intermédiation locative et les salariés du secteur privé âgés de plus de trente ans entrant dans un logement dans les six mois de leur prise de fonction. L’objectif est d’étendre le périmètre de ce dispositif aux locataires dans des situations plus précaires dont les loyers représentent plus de 50 % de leurs ressources. De la même façon, en ce qui concerne les étudiants, il est souhaitable que la garantie Visale leur soit accessible au-delà d’un loyer supérieur à 800 euros en Île-de-France et supérieur à 600 euros dans le reste de le France. En effet, et notamment dans les zones tendues où le prix du marché immobilier est particulièrement excessif, il serait préférable que les étudiants puissent bénéficier de la garantie Visale sans pour autant exiger de ceux-ci un salaire supérieur à 1 600 euros pour l’Île-de-France et de 1 200 euros pour le reste de la France, ce qui correspond à un temps plein et ne permet pas de poursuivre sereinement ses études. Votre Rapporteure estime que la jouissance de cette garantie ne doit pas se faire au détriment d’une scolarité apaisée.  

II.   LE PRogramme 135 « urbanisme, territoires et amÉlioration de l’habitat »

Ce programme connaît une progression forte qui résulte essentiellement de changements de périmètre. L’évolution globale de l’enveloppe, qui est de + 53 % (passage de 345 M€ en LFI 2020 à 528 M€ en PLF 2021), correspond à des changements de périmètre et ne reflète pas de nouvelles actions ou de nouveaux abondements.

 

A.   L’effort considÉrable en faveur de la rÉnovation thermique est rÉparti sur diffÉrents programmes

1.   Le plan de relance comporte un volet conséquent consacré à l’amélioration de l’efficacité énergétique des logements

La dépense d’État en faveur des actions de rénovation thermique, sur laquelle votre Rapporteure revient plus longuement dans la seconde partie de ce rapport, repose sur plusieurs leviers inscrits en loi de finances, dont plusieurs sont confortés à l’occasion de la présente loi :

À ces dispositions pérennes s’ajoutent les dispositions exceptionnelles, qui ont vocation à durer deux ans, de la mission « Plan de relance » :

2.   L’Agence nationale de l’habitat se confirme comme l’acteur de référence en matière de transition énergétique du bâti

L’agence a su bien s’adapter aux nouvelles missions qu’elle a reçues en 2020. L’exercice en cours a vu la mise en œuvre de la PTE pour les ménages appartenant aux quatre premiers déciles de revenus. Le plafond d’emplois de l’agence avait été augmenté de 34 emplois équivalents temps plein (ETP) dans la LFI pour 2020, de façon à lui permettre de faire face à cette nouvelle mission. Le portail électronique de dépôt de demandes a ouvert au 1er janvier 2020, et l’instruction des demandes a commencé au 1er avril 2020. L’agence s’est rapidement adaptée, et le délai moyen de traitement d’une demande est à présent de quinze jours, ce qui correspond aux cibles fixées et lui a permis de traiter son 100 000ème dossier au mois de septembre.

La structure des aides mais également la capacité des pouvoirs publics à traiter les demandes est au cœur des préoccupations des professionnels. Ils expliquent que le grand nombre d’aides existantes au niveau national, qui ont chacune leurs caractéristiques propres en termes de critères d’attribution et de modalités de demande, en plus des aides locales, rendent difficiles les parcours de la rénovation énergétique. Les petites entreprises et les artisans éprouvent de ce fait de vrais problèmes à accompagner efficacement leurs clients dans leurs demandes d’aides. À ce titre, votre Rapporteure souligne l’intérêt des guichets uniques ouverts par certaines collectivités pour faciliter les demandes d’aides des particuliers et des entreprises. Les acteurs ont également exprimé des craintes quant à la capacité des services de l’ANAH à être en mesure de répondre efficacement à toutes les demandes résultant des modifications prévues.

Ces craintes sont légitimes, tant l’augmentation de l’offre en termes de rénovation énergétique peut engendrer des charges pour d’autres opérateurs. La Rapporteure a en effet appris au cours de ses auditions que l’Agence nationale d’information sur le logement (ANIL) et son réseau d’associations départementales d’information sur le logement (ADIL) sont venus au renfort de l’ANAH dans le traitement des demandes concernant les travaux de rénovation énergétique. L’ANIL, dont la mission est le conseil et l’accompagnement des publics en difficulté sur les questions de logement, se voit donc exposée à des problématiques de surcharge de ses capacités de traitement des appels. Cette situation nuit à l’efficacité de sa mission, pénalisant des publics fragiles qui ne peut plus accéder à un conseiller téléphonique dans les questions relatives aux impayés ou à l’indécence du logement, particulièrement fréquentes dans la conjoncture actuelle.

Le flux des sollicitations adressées au réseau ANIL/ADIL a nettement augmenté. En 2019, ce sont ainsi 86 000 consultations supplémentaires relatives aux travaux de rénovation énergétique que le réseau ANIL/ADIL a dû assurer, qui se sont ajoutées aux 880 000 consultations assurées annuellement par le réseau sur les questions liées à des thématiques du logement (conseils relatifs à la location, à l’accession à la propriété ou encore pour l’amélioration de logements, etc.). Pour l’année 2020, le nombre de consultations sur la rénovation énergétique a presque doublé, passant à 160 000 demandes, ce qui représente près de 18 % du total des consultations. Sur le terrain, cette surcharge s’est traduite par exemple par 80 appels supplémentaires par jour dans l’ADIL du Pas-de-Calais dès le premier jour de lancement de la prime de transition énergétique.

Il est donc manifeste, aux yeux de votre Rapporteure, que le réseau ANIL/ADIL est un acteur incontournable de l’accompagnement à la rénovation énergétique. Sans l’intervention de ses agences pour accompagner la mise en œuvre des dispositifs destinés à la rénovation énergétique, une partie des citoyens se trouverait démunie face à la lourdeur des procédures à mettre en œuvre. En effet, c’est une réalité qui est ressortie de toutes les auditions : sans accompagnement, et en particulier en direction d’un public novice et non expert en travaux de rénovation, la complexité des mécanismes d’aides tend à décourager la population cible de ces dispositifs.

Votre Rapporteure propose donc une augmentation des moyens à la disposition du réseau ANIL/ADIL. Il faut donner au réseau les moyens d’actions nécessaires, notamment en termes d’effectifs, pour être à même de répondre dans de bonnes conditions à la hausse des demandes suscitée par la hausse de l’offre. Ainsi, il pourra également continuer à privilégier, sur son cœur de métier, le logement, un parcours d’informations cohérentes. Cette mission est essentielle pour l’État, gage de la bonne appropriation par les acteurs des mesures qu’il met en place et donc de leur bonne application. Votre Rapporteure propose, par voie d’amendement, d’augmenter de 10 % le budget de l’action 02 du programme 109, ce qui correspond à un montant de 10 millions d’euros supplémentaires.

Les moyens de l’ANAH sont augmentés de manière à pouvoir gérer l’accélération recherchée par le Gouvernement en 2021. Votre Rapporteure a tenu à s’assurer que la nouvelle accélération de la prime de transition énergétique qui aurait lieu en janvier 2021 serait à la portée de l’agence. Le triple élargissement de la prime devrait en effet voir une nette augmentation du nombre de demandes à traiter. C’est pour mettre l’agence en capacité d’absorber ce flux augmenté de demandes que le plafond d’emplois de l’agence est à nouveau relevé de 29 ETP dans le PLF que nous examinons, pour atteindre 174 ETP. Une partie de la
pré–instruction des demandes devrait également être externalisée auprès de la société Docaposte, qui travaille déjà avec d’autres administrations, notamment sur la mise en œuvre du droit au logement opposable.

B.   Les dÉpenses fiscales prolongÉes pour soutenir le secteur du logement

1.   Une concertation est engagée sur l’avenir du dispositif Pinel

La prorogation du dispositif Pinel, nécessaire pour préserver l’économie du secteur, doit aboutir à une meilleure atteinte des objectifs de maîtrise des loyers. Les diverses critiques qui ont été exprimées à l’encontre du dispositif ont suscité la prudence du Gouvernement concernant sa reconduction, qui devait prendre fin au 31 décembre 2021. Une concertation a été ouverte en vue de sa prorogation, qui est justifiée par la volonté de ne pas porter atteinte à un secteur du bâtiment déjà fortement affecté. L’enjeu, aux yeux de la Rapporteure, doit dès lors être d’optimiser le dispositif, notamment par la baisse des plafonds de loyers, qui sont souvent égaux, voire supérieurs dans certaines zones, aux loyers du marché. La restriction introduite par le législateur l’an dernier, qui tendait à limiter, à partir de 2021, le bénéfice de la réduction d’impôt aux investissements réalisés dans les habitats collectifs, gagnerait également, selon la direction de la législation fiscale, à être clarifiée.

Dans le but de soutenir le secteur du bâtiment, votre Rapporteure propose un prolongement du dispositif Pinel jusqu’en 2024. En effet, si le plan de relance fait la part belle à la thématique du logement, c’est essentiellement la rénovation énergétique qui est mise à l’honneur. Or, la seule rénovation énergétique ne permettra pas d’apporter une réponse satisfaisante au besoin de logements pour les publics modestes, besoin estimé à 1 million d’unités supplémentaires par rapport au parc existant. Ainsi, pour compléter l’insuffisance du plan de relance sur cette question, il semble opportun de prolonger le dispositif afin de ne pas nuire à l’effort collectif d’investissement consenti par l’ensemble des contribuables qui en bénéficient. Cette sécurisation de l’investissement est nécessaire pour envoyer un signal fort de confiance envers cette catégorie de la population qui participe, dans une proportion non négligeable, à la relance économique du pays. Une prolongation jusqu’en 2024 semble donc raisonnable pour contrebalancer les effets néfastes de la crise et permettre un retour sur investissement. Il est primordial de défendre ce dispositif à l’heure où la France a besoin de dynamiser sa production et pour faire face à une période prévisible de moindre performance du secteur.

Après 2024, votre Rapporteure estime nécessaire de planifier une sortie progressive du dispositif afin d’éviter les effets de rupture. Dans le même esprit d’amortissement des effets de la crise actuelle et de relance de la confiance des acteurs économiques, il paraît également préférable d’envisager une sortie du dispositif qui soit lissée sur plusieurs années, afin de sécuriser les investisseurs particuliers qui pourraient s’effrayer d’un arrêt brutal du dispositif. Aussi votre Rapporteure consacrera-t-elle un amendement à la prorogation jusqu’en 2024 du dispositif Pinel.

2.   Le prêt à taux zéro sera prorogé

Le prêt à taux zéro (PTZ) est un dispositif fortement plébiscité qui constitue un levier privilégié permettant à des ménages aux revenus modestes et intermédiaires de bénéficier d’un prêt à taux nul pour favoriser leur accession à la propriété. C’est un outil particulièrement adapté à une situation économique difficile et qui doit servir à permettre aux ménages de continuer à accéder à la propriété. Il permet de limiter le taux d’effort de ces ménages, dans un contexte de croissance des prix du foncier et de la construction. Il s’agit en outre d’un outil très apprécié, qui a poursuivi une hausse de 17,7 % au premier trimestre 2019 par rapport aux PTZ délivrés en 2018.

Votre Rapporteure, qui a constamment plaidé en ce sens, se réjouit de la prolongation du PTZ au bénéfice des zones B2 et C. Lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2020, elle avait déjà défendu la prolongation du prêt à taux zéro en zones B2 et C jusqu’en décembre 2021, car, à sons sens, il s’agissait d’une question de justice sociale, étant donné que ce dispositif bénéficie à des ménages qui sont de fait exclus des zones tendues où les prix sont trop élevés. Le PTZ est en effet un dispositif à caractère social, octroyé sur conditions de ressources. Sa suppression dans certains territoires touche donc une population modeste résidant en zones rurales ou périurbaines. Il s’agit bien souvent de jeunes ménages qui souhaitent faire bâtir leur propre logement, une population qui doit pourtant être prioritairement accompagnée dans l’accès au logement. En outre, ces mesures de zonage visaient à limiter les risques d’artificialisation des sols. Si cet objectif est digne d’intérêt, il semble davantage relever du droit de la construction, de l’urbanisme ou de la fiscalité que d’une restriction des possibilités d’emprunt. En l’état, la suppression du PTZ en zones dites « détendues » ne fait que diminuer la solvabilité des ménages, ce qui les incite à rechercher un foncier moins cher, en s’éloignant encore plus des zones d’habitation, ce qui contredit in fine l’objectif de lutte contre l’artificialisation. Ainsi, votre Rapporteure se réjouit de la prolongation de ce mécanisme au bénéfice des zones B2 et C.

Par ailleurs, toujours dans l’optique d’améliorer ce dispositif et de renforcer ses effets positifs, une concertation a été ouverte sur les paramètres et le zonage du dispositif en vue de sa prorogation. Cette concertation vise notamment à le rendre plus efficace en passant à une prise en compte contemporaine des revenus (les revenus actuellement considérés sont ceux de l’année n – 2). Il faut aussi s’interroger sur la réservation du PTZ ancien aux zones détendues. La restriction du PTZ neuf aux zones tendues avait été abandonnée, et il semble de même que l’impossibilité du PTZ ancien dans les zones tendues ne soit pas cohérente avec les finalités du dispositif.

Au-delà de ces zones, votre Rapporteure plaide en faveur du prolongement de l’entièreté de ce dispositif pour toutes les zones sans date fixe, car le prêt à taux zéro constitue à ses yeux le principal dispositif de financement de l’accession sociale à la propriété. En effet, il semble aux yeux de la Rapporteure que la suppression du dispositif après décembre 2021 fait peser un risque élevé sur la solvabilité des ménages, à qui les banques accordent moins facilement des prêts du fait de la crise. De plus, le Crédit foncier de France estime que le recours au PTZ peut augmenter d’environ 15 % la capacité d’investissement des familles, permettant ainsi à des couples primo-accédants de boucler leur dossier de financement. C’est un garant rassurant pour les banques qui attendent bien souvent la validation d’un dossier de PTZ pour accorder un prêt immobilier. Il convient donc de maintenir, au-delà du 31 décembre 2021, l’accès à ce financement pour les accédants à la propriété des territoires ruraux ou des villes moyennes, ce qui participera également à la redynamisation et à la revitalisation de ces centres-villes et centres-bourgs.

3.   Il faut aller plus loin dans l’accession sociale à la propriété

Votre Rapporteure se réjouit de la prolongation par le Gouvernement de ces dispositifs fiscaux très bénéfiques aux ménages, et notamment aux plus modestes. Cependant, elle émet un point de vigilance sur la nécessité d’en faire davantage pour soutenir les ménages dans une période économique marquée par des difficultés inédites qui pèsent sur leur pouvoir d’achat, et notamment sur leurs capacités d’accéder à la propriété.

Dans ce cadre, votre Rapporteure continue de penser que la suppression de l’APL Accession était à contre-courant de la dynamique forte impulsée par le Gouvernement en faveur du logement. La stratégie du Gouvernement et les objectifs de la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (ELAN), loi pour laquelle votre Rapporteure a présidé le groupe de travail interparlementaire pendant un an, se sont inscrits dans une dynamique d’accroissement de la mobilité dans le parc social. La création d’un opérateur national de vente, confié au groupe Action Logement, en charge de favoriser l’accession sociale, est un exemple emblématique de cette politique.

C’est pourquoi votre Rapporteure proposera, une nouvelle fois, un amendement en vue de rétablir le dispositif de l’APL Accession en métropole et en outre-mer. Votre Rapporteure avait déjà appelé sans succès au maintien de cette aide dans le cadre de ses rapports pour avis pour 2018, 2019 et 2020. Elle proposera, à nouveau, de rétablir ce dispositif dans le cadre du projet de loi finances pour 2021 pour un montant évalué à 50 millions d’euros. Ce dispositif est fortement redistributif, comme l’a souligné la Cour des comptes, qui a proposé en 2016 son élargissement en relevant le plafond de ressources. Il est, de plus, peu coûteux pour les finances publiques. Il permet à des ménages modestes de sortir du parc social tout en acquérant leur propre logement, ce qui laisse une place libre dans le logement social qu’ils occupaient. Il encourage également la vente de logements sociaux à leur locataire, ce qui contribue à la marge d’investissement des bailleurs sociaux.

III.   le programme 177 « HÉbergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnÉrables »

A.   L’HÉBERGEMENT d’URGENCE EST FORTEMENT MOBILISÉ

1.   Des efforts importants ont été consentis pour héberger les populations vulnérables pendant la crise

L’hébergement d’urgence a été fortement sollicité à l’occasion de la crise sanitaire et un effort conséquent a été consenti en faveur des personnes en situation d’exclusion. Votre Rapporteure souhaite saluer l’action conjointe infatigable des services des ministères sociaux, du ministère chargé du logement et des associations qui ont cherché à offrir des solutions d’hébergement à un grand nombre de sans-abri. L’effort d’hébergement d’urgence à destination des sans-abri a été nettement amplifié, avec 30 000 places nouvelles mobilisées pendant le confinement, avec une capacité potentielle de 40 000 places. À la suite du confinement, ce sont 14 000 places d’hébergement à destination des sans-abris qui sont en train d’être pérennisées, ce dont votre Rapporteure se réjouit.

Les pouvoirs publics ont fortement mobilisé les professionnels de l’hôtellerie dans l’effort consenti en faveur des sans-abri. La négociation avec les hôtels et notamment le groupe Accor et l’Union des métiers et des industries de l’hôtellerie a été amorcée dès le 17 mars, et la mobilisation des hôtels a permis de fortement soulager les services du 115, qui ont connu une baisse de 80 % du nombre d’appels. Les tarifs négociés par les pouvoirs publics ont été généralement avantageux, tout en admettant un renchérissement des prix du fait de la nécessité de mettre à disposition des chambres individuelles.

La diminution du nombre de personnes à la rue pendant le confinement a permis un meilleur ciblage des personnes qui y sont restées, qui étaient pour la plupart des personnes en très grande marginalité rarement à la portée des services. Des appels à manifestation d’intérêt pour l’hébergement de ces personnes ont été lancés, sur les exemples de ce qui a pu se faire à Toulouse ou à Strasbourg. Le délégué interministériel à l’hébergement et à l’accès au logement a souligné la différence qualitative de l’hébergement proposé pendant le confinement par rapport à ses modalités habituelles. Il s’agissait en effet non d’un hébergement à la journée mais de séjours prévus dès l’entrée pour être de longue durée, ce qui a été un facteur important de la réussite du dispositif et peut être une piste pour la lutte contre l’exclusion.

En dépit de problématiques d’accueil liées aux contraintes fortes de la période, la bonne concertation a permis de dégager des succès importants. Les centres d’hébergement d’urgence ont connu une baisse de leurs capacités du fait des obligations de la distanciation. Certains cas d’absentéisme du personnel ont également pu mettre à mal leurs capacités d’accueil, justifiant le recours au recrutement d’intérimaires dans l’urgence. Les acteurs s’accordent à voir dans la coordination pendant le confinement un modèle de bon fonctionnement des relations entre le monde associatif et le ministère chargé du logement et une clef des succès enregistrés en dépit des difficultés. Les acteurs ont également mis à profit la situation et ses contraintes pour améliorer leurs méthodes d’accompagnement des populations à distance. Sans que la dématérialisation ne soit ni possible ? ni souhaitable en ce domaine, il est possible d’enrichir le suivi des personnes par le contact téléphonique.

2.   Le PLF pour 2021 poursuit l’effort considérable constaté en 2020

L’effort financier en faveur des dispositifs d’hébergement d’urgence a été fortement augmenté au fil de l’année 2020, avec 200 M€ débloqués dans le troisième projet de loi de finances rectificative. Cette augmentation ainsi que les mesures précédemment décrites ont notamment permis de passer d’une prévision de 33 % pour le taux de réponses positives du service intégré de l’accueil et de l’orientation (SIAO) aux demandeurs d’hébergement dans le projet annuel de performance (PAP) de 2020 à une prévision actualisée de près de 47 % aujourd’hui. En revanche, on constate une baisse des prévisions pour les personnes accédant à partir du SIAO ou d’un centre d’hébergement et de réinsertion sociale (CHRS) à un logement adapté ou autonome, ce qui peut s’expliquer par l’annulation de nombreuses commissions d’attribution de logement social du fait du confinement.

Deux autres vecteurs d’effort d’hébergement ont eu des incidences fortes sur le budget. En même temps, un dispositif de 97 centres d’hébergement spécialisés (CHS), représentant une capacité d’accueil de 3 600 personnes dans 80 départements, a été mis en place par la direction générale de la cohésion sociale avec pour mission d’accueillir les personnes sans domicile atteintes du covid-19 mais ne nécessitant pas une hospitalisation. En outre, afin de venir en aide aux personnes éprouvant des difficultés financières pendant le confinement, une distribution de « chèques services » de 7 euros à 65 000 bénéficiaires a été faite à partir du 1er avril, avec une deuxième distribution à 90 000 bénéficiaires à la fin du mois (pour un total proche de 5 millions de chèques distribués fin avril).

L’effort en capacités d’hébergement d’urgence sera poursuivi l’année prochaine, ce qui explique la hausse des crédits du programme. La demande de crédits inscrite dans le PLF que nous examinons est de 2 174 M€, ce qui représente une variation de 209 M€ (+ 10,64 %) par rapport aux crédits inscrits dans la LFI 2020. Parmi ces crédits supplémentaires, 125 M€ ont vocation à financer les 14 000 places supplémentaires qui sont pérennisées, ce qui représente une hausse des capacités d’hébergement de près de 10 %. Le Gouvernement s’est engagé à ce qu’il n’y ait, même après la fin de la crise, ni expulsion ni fermeture de places d’hébergement sans solution de relogement préalable. Votre Rapporteure sera vigilante quant la poursuite de ces efforts, et notamment des actions menées afin de repérer et venir en aide aux sans-abri. Il est indispensable de consolider les premiers niveaux de réponses apportées aux personnes en situation d’exclusion dans une logique de repérage et d’orientation le plus en amont possible.

L’augmentation des crédits de l’hébergement d’urgence ne saurait compenser un moindre soutien à l’accès au logement. Néanmoins, votre Rapporteure tient à rappeler qu’en dépit de l’évidente nécessité d’apporter des solutions pour les situations d’urgence afin de remédier aux problématiques les plus graves, la solution pour aider les personnes sans logement réside avant tout dans le logement durable et non dans des solutions d’urgence qui n’ont vocation qu’à résoudre des situations temporaires et donc éphémères. Ainsi, votre Rapporteure se réjouit de l’augmentation des crédits concernant le programme 177. Cependant, les crédits accordés au programme 177 ne doivent pas se faire au détriment du programme 109 abondant l’aide à l’accès au logement qui a subi des réductions budgétaires lors des précédents exercices. C’est en ce sens d’ailleurs que votre Rapporteure, a tenu a appelé à nouveau au rétablissement de l’APL Accession, instrument essentiel pour l’accès au logement car il permet concrètement aux citoyens les plus démunis d’accéder à un logement durable, contrairement aux solutions d’urgence qui ne permettent pas de pérenniser des situations saines.

B.   le PLAN LOGEMENT D’ABORD A FAIT SES PREUVES

1.   Le confinement a illustré le bien-fondé de la politique du Logement d’abord

À mi-parcours, la politique du Logement d’abord paraît comme un succès. Présenté le 11 septembre 2017 par le Président de la République, le plan quinquennal pour le Logement d’abord et la lutte contre le sans-abrisme (2018-2022) proposait une réforme structurelle de l’accès au logement pour les personnes sans-domicile. Cette politique répondait au double constat d’un sans-abrisme persistant et d’une saturation toujours croissante des dispositifs d’hébergement d’urgence dans les territoires. Selon la DIHAL, on peut estimer à mi-parcours que les années 2018 et 2019 auraient vu la sortie de 150 000 personnes de la rue ou de l’hébergement, vers le logement, résultats historiquement élevés par rapport à ceux qui ont été obtenus dans ce domaine depuis les années 1960.

La crise sanitaire a validé la pertinence du Logement d’abord. Le comité de scientifiques réuni en application de l’article L. 3131-19 du code de la santé publique, présidé par le professeur Delfraissy, a insisté dans un avis du 2 avril 2020 sur l’importance de la politique du « Logement d’abord » menée par le Gouvernement depuis 2017 ([3]). Les acteurs auditionnés par votre Rapporteure ont également souligné que la crise avait encore illustré le bien-fondé de cette politique, le logement ayant montré, notamment à l’occasion du confinement décidé en mars, sa supériorité dans les conditions de sécurité sanitaire. Ainsi, aucun cas de covid-19 ou d’incident n’a été enregistré dans les dispositifs « Chez soi d’abord », ce qui n’a pas été le cas dans les structures d’hébergement collectif.

2.   L’augmentation de l’effort en faveur du Logement d’abord se poursuit

L’effort de création de nouvelles places de logement et d’amélioration des conditions d’accueil et d’orientation se poursuit. L’augmentation des crédits de ce dispositif a permis dès 2020 l’ouverture de 7000 places de logement nouvelles. En 2021, ce sont encore 7000 places de logement qui seront ouvertes, dont 1000 places à destination des femmes victimes de violences. Un effort spécifique portera également sur la veille sociale et l’accompagnement, avec 150 ETP supplémentaires dans les SIAO et un renfort de 12 M€ pour l’accueil de jour. Au total, le Logement d’abord se trouve renforcé de 65 M€, dont 31 M€ à destination des pensions de famille et des mesures nouvelles y compris un deuxième appel à manifestation d’intérêt pour l’intermédiation locative.

La gouvernance du plan va être amenée à évoluer. De façon à améliorer encore la gestion du Logement d’abord, un regroupement des services centraux qui ont vocation à traiter de l’hébergement sous la tutelle de la délégation interministérielle à l’hébergement et à l’accès au logement est évoqué. Le Fonds national d’accès vers et dans le logement pourrait également être placé sous la tutelle de cette délégation.

3.   Un effort est nécessaire sur la gestion des demandes de logement

Il reste possible de faire bien mieux en matière de mise en œuvre du droit au logement. Toujours dans cette optique d’augmenter les efforts en faveur du Logement d’abord et afin d’améliorer l’accompagnement des publics fragiles, votre Rapporteure, comme dans son précédent rapport, estime qu’il serait souhaitable d’accorder une priorité pour les logements sociaux aux personnes ayant bénéficié d’une reconnaissance d’un droit au logement opposable (DALO). En ce sens, elle suggère, comme l’année passée, une concertation entre les opérateurs concernés ainsi qu’une évolution des pratiques afin de rendre plus effectif le droit au logement. 

L’organisation des services de gestion de l’offre et de la demande de logements au niveau département n’est pas satisfaisante. Votre Rapporteure souhaite que, d’une manière plus globale, une réflexion soit engagée sur l’organisation des services déconcentrés qui gèrent les demandes de logements, notamment sociaux, et la nécessité d’unifier au niveau des départements les services en charge des demandes de logements et les services en charge des offres de logements, par exemple au titre de la délivrance des autorisations. En effet, actuellement, deux services différents doivent les gérer : les directions départementales des territoires (DDT) ou directions départementales des territoires et de la mer (DDTM) pour l’offre, et les directions départementales de la cohésion sociale (DDCS) pour la demande, ce qui entraîne plusieurs difficultés. Ainsi, la montée en puissance de la coproduction avec les acteurs locaux a pour effet l’obligation de doublonner les démarches avec ces services, certains aspects concernant l’offre et d’autres la demande, comme c’est le cas par exemple pour les démarches concernant les contrats d’utilité sociale avec les bailleurs, les plans départementaux d’action pour le logement et l’hébergement des personnes défavorisées (PDALHPD) ou encore les accords collectifs.

Votre Rapporteure propose donc, cette année encore, que ces services départementaux soient fusionnés au sein d’un seul service disposant de toutes les informations en interne et qui pourrait gérer plus efficacement le zonage fin des aides, dont le traitement dépend à la fois de l’offre et de la demande. Les cas de gestion sous-optimale ne se limitent en effet pas aux cas précédemment cités. De la même façon, la gestion de l’habitat indigne est assurée du côté de l’offre pour prescrire les travaux d’office mais aussi du côté de la demande pour accompagner les occupants à reloger. Cela nécessite des allers/retours d’informations et des interactions entre les deux directions. Du reste, les DDCS sont souvent très surchargées et peinent à remplir leur mission, notamment en ce qui concerne la gestion du DALO. Parfois, elles sont contraintes de déléguer la gestion de leur contingent de logements aux bailleurs. De ce fait, le contrôle des obligations de logement des différents acteurs, notamment en ce qui concerne le DALO, se résume à un contrôle ex post. Cette situation n’est pas satisfaisante et la Rapporteure souhaite, en proposant cette évolution, attirer l’attention de ses collègues sur ce problème persistant.

 

 

 


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   SECONDE PARTIE :
LA CRISE ACTUELLE EXIGE UN EFFORT PARTICULIER AU SOUTIEN du secteur du logement

I.   la rÉnovation ÉnergÉtique constitue un LEVIER DE SOUTIEN IMPORTANT pour le secteur

A.   le gouvernement porte une impulsion historique en faveur de la rÉnovation ÉnergÉtique DU LOGEMENT

1.   Les aides à la rénovation du parc privé sont amplifiées et diversifiées

Dans un contexte marqué par une attention accrue portée à ces enjeux et dans le cadre du volet consacré à l’écologie dans le plan de relance du Gouvernement, les aides à la rénovation énergétique du parc privé seront renforcées et élargies. Le bâtiment comptant pour 25 % de l’émission de gaz à effet de serre au niveau national, l’impératif écologique qui préside au plan de relance est un facteur important de la politique en faveur de la rénovation énergétique. Mais celle-ci a aussi comme atout de diminuer les charges que paient les locataires et de contribuer par là à une baisse de la part des dépenses consacrées au logement dans le budget du logement, part qui n’a cessé d’augmenter depuis les années 1970.

Le PLF que nous examinons se fonde sur un changement de modèle de financement des travaux de rénovation énergétique déjà prévu l’an passé. Dès le PLF pour 2020 adopté l’an dernier par le Parlement, il était prévu de faire aboutir lors de l’exercice 2021 la transformation du crédit d’impôt pour la transition énergétique (CITE), qui devait être remplacée par la prime de transition énergétique (PTE) appelée « MaPrimeRénov’ ». Cette prime, contemporaine de la réalisation des travaux et distribuée par l’Agence nationale de l’habitat (ANAH), a l’avantage par rapport au crédit d’impôt de ne pas nécessiter une avance de trésorerie aussi conséquente de la part des ménages pour amorcer la réalisation du projet. Cette réforme, entamée dans le projet de loi de finances pour 2020, avait déjà vocation à être étendue de manière à remplacer complètement le CITE.

Cependant, le plan de relance a constitué une occasion de revoir à la hausse les objectifs assignés à cette réforme, et une dotation supérieure d’un milliard d’euros par an pendant deux ans par rapport à la trajectoire initialement prévue permettra de financer un triple élargissement de la prime. La PTE sera élargie à de nouveaux types de bénéficiaires, par trois leviers :

        Alors qu’elle était limitée aux foyers modestes, le projet de loi de finances pour l’année 2021 prévoit de l’élargir à tous les foyers, quels que soient leurs revenus. Les ménages des déciles de revenus 9 et 10, qui devaient subir une extinction compensée du CITE, auront accès à la PTE à un taux de prise en charge réduit. Les plafonds de prise en charge de taux, qui s’appliquent au montant total des travaux, sont prévus de la manière suivante :

 

Catégorie socioéconomique

Plafond de prise en charge du geste

Ménages très modestes (déciles 1-2)

90 %

Ménages modestes (déciles 3-4)

75 %

Ménages intermédiaires (déciles 5-8)

60 %

Ménages aisés (décile 9-10)

40 %

        L’aide pourra désormais être demandée par les copropriétés agissant au nom de tous les propriétaires.

        En outre, les propriétaires bailleurs seront également éligibles à la prime afin de favoriser la rénovation du parc locatif privé.

L’élargissement de la prime vise également à faire évoluer la manière dont les particuliers entreprennent les travaux de rénovation énergétique. De nombreuses études ont en effet montré que les travaux réalisés « par étapes » ne constituent pas toujours un moyen optimal pour faire progresser l’efficacité énergétique du logement. C’est pourquoi le Gouvernement a souhaité apporter une impulsion à l’approche globale, qui permet de pratiquer un certain nombre de gestes de rénovation énergétique de façon simultanée, la globalité des gestes concourant ainsi à réduire de manière significative les émissions du logement. Les études tendent à prouver une meilleure efficacité de cette pratique, notamment vis-à-vis de la rénovation par geste où les travaux sont espacés dans le temps.

Un effort important doit être consenti en vue d’optimiser le pilotage et l’organisation de ces travaux. Comme mentionné dans la première partie de cet avis, les moyens de l’Agence nationale de l’habitat ont été augmentés de façon à faire face au surplus de demande qui résultera de l’expansion de la prime. Dans l’intention d’aider les particuliers à s’orienter dans des démarches qui sont complexes et pour lesquels les dispositifs d’aide se cumulent, l’agence développe un dispositif d’aide à la maîtrise d’ouvrage. D’autres acteurs, à l’image du Plan Bâtiment durable, de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie avec son service Faire, ou des membres du Réseau Bâtiment durable, multiplient les démarches pour aider les particuliers à s’orienter tout au long du parcours de la rénovation énergétique, et la Rapporteure souhaite souligner l’importance de cet accompagnement.

2.   Il faut étendre les dispositifs « Coup de pouce », qui constituent des instruments privilégiés dans le soutien à la rénovation énergétique

Afin de renforcer encore davantage la rénovation du parc privé, votre Rapporteure souhaite proroger certains des dispositifs « Coup de pouce » et déposera des amendements en ce sens, afin de compléter les dispositions de rénovation du parc privé déjà prévues dans le projet de loi de finances que nous examinons. En effet, la crise sanitaire actuelle a fortement touché le secteur du bâtiment et, a fortiori, celui de la rénovation énergétique. Étant donné son rôle primordial dans notre politique énergétique et l’impératif d’encadrer la reprise économique du pays face à l’incertitude du marché, il apparaît opportun d’augmenter encore les délais de ces mécanismes « Coup de pouce », afin d’inciter les consommateurs à engager des travaux. L’engagement de ces travaux aura pour conséquence une relance de l’activité économique des artisans et des fournisseurs d’énergie, tout en s’inscrivant dans une transition écologique essentielle sur le long terme. De plus, ces dispositifs ont fait leurs preuves et ont permis d’accompagner de nombreux propriétaires et bailleurs privés, dont les logements ne nécessitent pas de travaux lourds, pour rénover leurs biens. En effet, cette rénovation dite « par geste » a l’avantage de convaincre des propriétaires qui seraient réticents à s’engager dans une rénovation globale plus longue et coûteuse à se lancer tout de même dans des travaux de rénovation énergétique pour une partie de leur logement.

Enfin, nous ne sommes pas à l’abri d’un retour de la crise sanitaire qui pourrait avoir de nouveau des impacts sur l’avenir de certains chantiers. De ce fait, ces dispositifs vertueux des « Coup de pouce » ne pourront peut-être pas être exploités à leur juste valeur en 2020-2021 au vu de la période d’incertitude que nous traversons, ce qui explique le souhait de votre Rapporteure de proroger leurs délais d’existence. Ce sont plus précisément les « Coup de pouce » suivants qui seraient concernés par une prolongation :

3.   La rénovation énergétique du parc social et des bâtiments publics doit être poursuivie

La rénovation énergétique est une politique autant sociale qu’écologique. Les bâtiments sont la deuxième source de dépense en énergie de notre pays. Il est donc impératif, dans la lignée des mesures écologiques de la seconde partie de la mandature, de lutter contre le réchauffement climatique en faisant baisser la consommation en énergie de nos bâtiments. C’est tout le sens de l’engagement de la majorité en faveur de la rénovation énergétique. Cependant, votre Rapporteure tient à insister sur le fait que nous ne devons pas voir la rénovation énergétique, et surtout thermique, uniquement comme un procédé écologique. Massifier la rénovation énergétique est également une mesure hautement sociale. D’après une étude menée par le service des statistiques du ministère de la transition écologique, notre pays compte 4,8 millions de « passoires thermiques « sur 29 millions de résidences principales.

La rénovation énergétique est l’occasion de réhabiliter massivement le parc de logements des ménages aux ressources modestes, sans laisser capter les aides par les ménages les plus aisés. Ce sont 4,8 millions de logements qui abritent des ménages dont la précarité est renforcée, mais la santé est également mise en danger. Ces logements mal isolés sont pour la plupart trop humides et trop froids. Ils augmentent les risques de maladies chroniques, comme l’asthme, pour leurs habitants. De plus, cela fait drastiquement augmenter les factures de leurs habitants qui font au mieux pour se chauffer. Il est donc important d’émettre un point de vigilance : la massification de la rénovation énergétique doit en priorité concerner ceux qui en ont le plus besoin. Il faut éviter que les aides publiques ne soient happées par les ménages les plus aisés et qu’on oublie les plus pauvres. Votre Rapporteure tient donc à mettre en garde sur des sujets comme le repérage des situations, l’accompagnement des ménages et les modalités d’attribution des aides de rénovation énergétique. Il est indispensable que celles-ci aident les foyers les plus modestes en priorité.

Pour ce qui concerne en particulier le parc social, bien qu’il soit globalement en meilleur état que le parc privé, il comporte néanmoins toujours de nombreux logements peu efficaces du point de vue énergétique. D’après les auditions de votre Rapporteure, plus de 330 000 logements sociaux sont des « passoires thermiques » qui nécessitent une rénovation ([4]), ce qui représente quelques 8 % du parc social. Le plan de relance mobilise 500 M€ qui seront décaissés sur 2021 et 2022 avec l’objectif de rénover 40 000 logements sociaux. Le Gouvernement compte sur l’implication des bailleurs pour amplifier le processus de rénovation du parc social.

Il s’agit non seulement de rénover, mais également de favoriser la réhabilitation lourde des logements. La réhabilitation lourde conduit à une modification en profondeur des habitations, leur donnant une qualité proche du neuf. L’intérêt est d’atteindre les critères les plus élevés en matière de performance énergétique, mais également de confort, et d’adapter les logements aux nouveaux usages. Les réhabilitations peuvent notamment transformer des logements T4/T5 en T2/T3 pour les adapter à une nouvelle population. La réhabilitation conduit également à l’adaptation des logements aux personnes âgées, particulièrement nombreuses dans le parc social, ou à mobilité réduite.

Le plan de relance comprend également des mesures visant à massifier les solutions industrielles dans la rénovation. Il s’agit de standardiser et de préfabriquer les composants en usine avant leur pose. L’un des avantages principaux de cette centralisation de la production de matériaux est dans sa mise en œuvre. En effet, cette technique de production permet de réduire le temps de travaux et évite le relogement des locataires, ce qui résout une problématique importante pour les ménages qui sont souvent très réticents à déménager ponctuellement le temps des travaux. De plus, ces systèmes diminuent radicalement toutes les difficultés liées aux conditions de travail en extérieur et soulagent donc en partie la pénibilité du travail artisanal. Enfin, cette méthode de construction des composants a pour qualité d’améliorer la performance des travaux de rénovation énergétique, puisqu’elle permet la vérification dans un même lieu de toute la chaîne des travaux entraînant ainsi une auto-vérification plus précise et pointue. Parmi les crédits alloués à la rénovation du parc social, 40 M€ seront alloués à cette démarche par des appels à projets sur la période 2021-2022. Le Gouvernement envisage de s’appuyer sur l’opération pilote « EnergieSprong ». L’objectif est d’atteindre les 10 000 logements rénovés grâce à l’industrialisation des procédés.

Au-delà des seuls logements, les bâtiments publics nécessitent également d’être rénovés. La mission « Plan de relance » contient à cet effet 3,7 Md€ en AE et 1,6 Md€ pour 2021 à destination de la rénovation thermique des bâtiments publics. Les établissements d’enseignement supérieur et de recherche bénéficient d’ores et déjà d’un appel à projets dans ce sens. Les bâtiments de l’État et de ses autres opérateurs bénéficient aussi d’un appel à projets qui a déjà été lancé. Pour ce qui concerne les bâtiments des collectivités territoriales, les préfets disposeront d’une enveloppe budgétaire pour les soutenir dans leurs projets de rénovation. Une attention particulière sera accordée aux bâtiments situés dans les quartiers relevant de la politique de la ville. Dans les outre-mer, une plus grande résilience aux fortes températures sera recherchée par les pouvoirs publics.

Les aides financées par le plan de relance devront être octroyées pour des projets dont la réalisation peut être rapide, pour maximiser son action contracyclique. Il s’agit en effet de soutenir rapidement le tissu local des artisans des bâtiments et travaux publics. Ainsi, l’ensemble des marchés publics devront être notifiés avant le 31 décembre 2021. L’isolation des bâtiments, la décarbonation des équipements énergétiques mais également l’accessibilité des bâtiments publics seront les bénéfices recherchés par les travaux de rénovation.

B.   LES ACTEURS DE LA RÉNOVATION ÉNERGÉTIQUE SONT SATISFAITS DES MESURES prévues

1.   Le plan de relance va alimenter les carnets de commandes et limiter les dépenses énergétiques

Bien qu’ils aient largement salué les dispositions adoptées par le Gouvernement, les acteurs de la rénovation audtionnés par votre Rapporteure ont fait part de leurs inquiétudes pour l’avenir. Les mesures prises par le Gouvernement durant la crise sanitaire ont soutenu la trésorerie des entreprises du bâtiment, ce qui leur a permis de reprendre largement leur activité à la fin du confinement. Néanmoins, l’inquiétude est particulièrement vive pour l’année 2021 : le nombre de permis de construire accordés a diminué en 2020, baisse qui se fera sentir en 2021. Cette inquiétude se traduit par un comportement de thésaurisation ; la Confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment rapporte ainsi que la plupart des artisans ont préféré mettre les sommes des prêts garantis par l’État en réserve plutôt que de les investir.

L’élargissement des bénéficiaires et des types de travaux couverts par la PTE permet d’assurer le maintien de l’activité des entreprises du bâtiment. La relance des travaux de rénovation énergétique doit permettre de compenser, au moins partiellement, la diminution du nombre de chantiers pour des logements neufs. Certains acteurs soulignent également l’intérêt d’un élargissement de la prime aux résidences secondaires, souvent vétustes car peu habitées et dont les propriétaires ne disposent pas forcément des moyens pour les rénover.

Votre Rapporteure appelle à l’exigence tant du point de vue social que du point de vue environnemental. Si les études tendent à prouver une plus grande efficacité des opérations de rénovation globale, il ne faut pas pour autant délaisser les opérations par geste. Tous les ménages n’ont pas forcément la capacité financière de rénover intégralement leur logement en une fois. De plus, se pose la question de la vacance des logements durant des travaux de rénovation globale. Il faut donc poursuivre les aides aux gestes, tout en veillant à la performance des gestes aidés. Parallèlement, la Rapporteure souhaite attirer l’attention sur la question du coût en carbone des opérations – certaines opérations subventionnées peuvent concourir à la baisse de la facture énergétique, mais pas nécessairement à la réduction de l’émission des gaz à effet de serre.

Votre Rapporteure considère que la massification industrielle de la rénovation énergétique, à laquelle le Gouvernement accorde des crédits dans son plan de relance, est une voie à explorer pour augmenter la célérité de la rénovation du parc de logements. Cette démarche présente l’intérêt de limiter la durée des travaux. Ainsi, les occupants ne sont pas forcément contraints de quitter leur logement, ou alors sur une durée plus courte. Une plus grande partie des chantiers s’effectue en intérieur, en usine, limitant les impacts de la météo sur le déroulement des chantiers. Par ailleurs, l’industrialisation de la rénovation énergétique fait intervenir de nouveaux métiers comme ceux liés au numérique. L’attractivité des métiers du bâtiment auprès des jeunes en recherche de formation pourrait donc en être améliorée.

2.   Néanmoins, quelques inquiétudes subsistent chez les acteurs rencontrés

Les acteurs auditionnés par la Rapporteure ont pointé certains objectifs qui ne sont pas, selon eux, en accord avec les moyens accordés ou avec la réalité du terrain. Ainsi, les représentants de l’Union sociale de l’habitat considèrent que les objectifs affichés ne sont pas en cohérence avec les moyens alloués. Ils estiment à 1,2 Md€ les crédits nécessaires pour atteindre le volume souhaité de 40 000 réhabilitations, là où le plan de relance ne prévoit que 500 M€. En outre, le Gouvernement présente les réhabilitations lourdes comme un moyen de lutter contre la vacance des logements vétustes et ainsi de lutter contre l’étalement urbain. Les bailleurs expliquent que leur taux de vacance est très bas et ne serait pas affecté par les mesures gouvernementales. Les réhabilitations ne sont pas conçues pour lutter contre la vacance de leur parc, mais pour améliorer le confort de leurs locataires.

Votre Rapporteure tient de plus à alerter sur la nécessité d’un équilibre budgétaire entre la rénovation et la construction. Certains acteurs du bâtiment ont notamment souligné le fait que la rénovation à elle seule ne suffirait ni à pérenniser leur activité, ni à répondre aux besoins de logements en France. Aussi, votre Rapporteure insiste sur le fait qu’il faut stimuler la production de logements en France dans un sens plus social et durable.

C.   des problÉmatiques majeures demeurent en matiÈre de contrÔle de la qualitÉ des travaux

1.   Renforcer l’exemplarité des obligés et la lutte contre la fraude

La Rapporteure souligne les difficultés liées, dans le secteur de la rénovation énergétique, à des comportements malhonnêtes des entreprises. Les personnes auditionnées se sont réjouies de l’adoption par le Parlement de la loi du 24 juillet 2020 visant à encadrer le démarchage téléphonique et à lutter contre les appels frauduleux qui permettra de limiter les dégâts du démarchage téléphonique dans le domaine de la rénovation énergétique.

La qualification « reconnu garant de l’environnement » (RGE) connaît des difficultés réelles à être un gage de qualité. Les acteurs auditionnés sont unanimes pour reconnaître que certaines entreprises qualifiées ne sont pas performantes, tandis que d’autres n’ont pas la qualification mais font un très bon travail. Le label a la faiblesse d’être axé sur les métiers de la mise en œuvre (charpenterie, plomberie, menuiserie, etc.), alors même que les travaux impliquent toute une chaîne de professionnels, de la conception à la fourniture des matériaux en passant par la fabrication et par les métiers juridiques. Les acteurs soulignent qu’on ne peut accroître unilatéralement les exigences pour les métiers de la mise en œuvre sans en faire de même pour les autres métiers de la chaîne.

Les actions de contrôle révèlent une très haute fréquence des comportements malhonnêtes. Afin d’enquêter sur ces problématiques, la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), que votre Rapporteure a auditionnée, a contrôlé, en 2019, 469 établissements : entreprises du bâtiment, prestataires, démarcheurs, sous‑traitants et artisans. Sur l’ensemble du panel contrôlé, 56 % des entreprises étaient en « anomalie » tandis que, parmi celles-ci, 69 % disposaient du label RGE ([5]). Ces chiffres interrogent quand on connaît les montants de crédits d’impôt et donc l’argent public en jeu. Il apparaît essentiel d’adopter des mesures drastiques, en s’attaquant directement aux rapports qui relient les entreprises fautives aux donneurs d’ordres, qui sont les fournisseurs d’énergie.

Votre Rapporteure estime qu’il est essentiel d’assainir ce milieu et de rediriger les flux financiers vers des entreprises vertueuses, et c’est dans ce sens qu’elle déposera un amendement interdisant aux obligés de travailler avec des sous‑traitants fautifs, et un autre amendement augmentant le taux des pénalités pour les donneurs d’ordres ne respectant pas leurs obligations concernant les certificats d’économies d’énergie (CEE). En outre, votre Rapporteure estime qu’en cas de nouveau manquement à une obligation d’économie d’énergie, il convient d’augmenter le pouvoir de dissuasion des sanctions pécuniaires en augmentant de 6 à 8 % du chiffre d’affaires hors taxes du dernier exercice clos la pénalité conséquente pour les sociétés contrevenantes. Il est nécessaire d’envoyer des signaux de fermeté et de mise en garde aussi bien en direction des sous-traitants que des donneurs d’ordre, et ce d’autant plus en cette période. Un amendement sera déposé en ce sens.

La transparence de ces sanctions est un levier essentiel d’incitation à l’adoption de pratiques de bonne gouvernance par les grandes sociétés. Il apparaît donc important que la mise en demeure éventuelle des fournisseurs d’énergie en cas de non-respect de leur obligation d’économie d’énergie, à la suite de manquements, soit rendue systématiquement publique. Votre Rapporteure déposera donc un amendement en ce sens. En effet, les particuliers doivent pouvoir choisir en toute connaissance de cause les donneurs d’ordres contrôlant le processus, l’honnêteté de leurs pratiques nous paraissant un élément essentiel face aux nombreux abus constatés et au démarchage, souvent agressif, des entreprises du bâtiment sous-traitantes liées à la rénovation énergétique.

2.   Améliorer le contrôle après livraison des travaux

Votre Rapporteure préconise la mise en place d’un référentiel de contrôle visant à améliorer les contrôles et les rendre plus efficaces. Il aurait vocation également à mieux accompagner les professionnels du bâtiment afin qu’ils appréhendent plus aisément les attentes de l’administration. Le décret du 3 juin permet aux organismes qualificateurs de pouvoir faire des contrôles sur une base aléatoire, notamment pour les domaines les plus critiques ([6]). Ce décret permet également de sanctionner les entreprises concernées en leur retirant le label.

De nouveaux moyens doivent être mobilisés de façon à intensifier les actions de lutte anti-fraude en commençant par le contrôle des travaux a posteriori. Votre Rapporteure se réjouit des nouveaux moyens dont dispose la DGCCRF pour assurer l’effectivité de ses sanctions, tels que la saisie pénale qui permet de saisir des biens des entreprises ou des dirigeants. Certaines décisions de justice peuvent, d’après les acteurs auditionnés, être dissuasives, notamment les montants d’amende et les peines, exceptionnelles, de prison ferme. Dans le même ordre d’idée, votre Rapporteure a proposé un amendement qui permet d’abonder à hauteur de 25 millions d’euros le programme 174 « Energie, climat et après-mines » afin de recruter 15 équivalents temps plein supplémentaires qui auront la charge de renforcer le contrôle sur site des travaux de rénovation. L’objectif de ces recrutements est de renforcer le contrôle a posteriori des travaux réalisés.

II.   Le Soutien du btp se situe au cœur des prÉoccupations des acteurs PUBLICS DU LOGEMENT

A.   la crise a illustrÉ l’importance des opÉrateurs

1.   Toutes les filières du bâtiment ont été fortement affectées par la crise

La filière du bâtiment et des travaux publics s'est trouvée, en dépit de sa réactivité, face à une crise majeure provoquée par l’arrêt presque complet des opérations de construction. Dès le lendemain de l’annonce de l’entrée en vigueur du confinement, deux vecteurs majeurs de crise sont apparus : la mise à l’arrêt des chantiers du fait de l’impossibilité d’y assurer la sécurité sanitaire des travailleurs, et la cessation de l’instruction des autorisations d’urbanisme par les services publics compétents. Du 16 mars au 6 avril, l’activité de construction a connu une baisse de 90 %, tandis que 95 % des chantiers ont été arrêtés. Les acteurs auditionnés se sont réjouis de la réactivité avec laquelle la filière, par l’adoption du guide de préconisations de sécurité sanitaire de l’Organisme professionnel de prévention du bâtiment et des travaux publics (OPP-BTP), a su s’adapter aux contraintes exigées par les circonstances. Les personnes auditionnées ont notamment souligné l’absence de tout cluster de contamination dans la filière.

Votre Rapporteure s’est inquiétée des surcoûts engendrés pour les professionnels par les nouvelles exigences sanitaires issues de la crise, dont l’ampleur continue de donner lieu à des estimations divergentes, situées globalement entre 7 et 15 % du chiffre d’affaires. La marge moyenne des entreprises de la construction se situant autour de 1,5 à 2 %, ces surcoûts grèvent en toute hypothèse la rentabilité des opérations. Davantage que l’achat d’équipements de protection individuels, les professionnels insistent sur les coûts en temps de travail engendrés par l’adoption de protocoles contraignants en matière de désinfection des outils entre deux usages ou d’occupation seule d’une salle ou d’un instrument, ce qui exige parfois de créer de nouvelles manières de faire.

Les pertes sont élevées pour les acteurs du bâtiment. La Fédération française du bâtiment estime une perte de 18 % de chiffre d’affaires sur l’année. C’est en particulier la construction de logements « Pinel «, qui représente 30 000 logements par an, qui s’est fortement ralentie, phénomène observé par la Caisse des dépôts et consignations. Ce phénomène s’explique par le profil socioéconomique des investisseurs Pinel, majoritairement issus des professions indépendantes qui ont été frappées par la crise sanitaire. Votre Rapporteure rappelle que les professionnels du bâtiment sont parmi les plus affectés par la crise. L’enquête EpiCov publiée le 9 octobre montre que les artisans et salariés du bâtiment constituent la population la plus touchée par une dégradation financière suscitée par l’épidémie, à 44 % de répondants ([7]).

2.   Le soutien des opérateurs est décisif pour le logement

Les opérateurs publics ont été très rapidement mobilisés en faveur du soutien aux filières du BTP. Dès le 25 mars 2020, in’li, filiale du groupe Action Logement (voir plus loin) et CDC Habitat, filiale de la Caisse des dépôts et consignations, ont annoncé des plans de soutien à l’économie de la promotion immobilière. CDC Habitat a ainsi annoncé la reprise en vente en l’état futur d’achèvement (VEFA) de 40 000 nouveaux logements, avec un lancement dans la foulée des appels à projets. Au 1er septembre, 88 000 logements avaient été proposés par les promoteurs, demandeurs du dispositif, sur lesquels CDC Habitat en avait retenu 33 000. Selon les personnes auditionnées, les réservations enregistrées en logements abordables contractualisés et en logements locatifs intermédiaires ont équivalu sur quatre mois à une année de commercialisation de logements Pinel. Le rôle d’impulsion joué par CDC Habitat est notable car, pour 4,5 Md€ de fonds propres investis, 4 Md€ proviennent de fonds d’investissement associés à ces projets.

Le groupe Caisse des dépôts et consignations participe à l’effort de relance en consacrant une part importante des investissements au logement. Au-delà des actions, très importantes pour l’économie de la promotion immobilière, menées par sa filiale CDC Habitat, le groupe s’est également engagé comme un acteur clef de la relance du BTP à l’occasion du plan de relance auquel il participe à hauteur de 26 Md€. La Caisse s’est engagée à utiliser 80 % de ces fonds sur les deux prochaines années, et à en consacrer une part de 11,1 Md€ au logement.

3.   Un effort indispensable en faveur du logement locatif intermédiaire

Les acteurs auditionnés, tout en se réjouissant de l’impulsion apportée aux actions de rénovation énergétique, ont considéré qu’il existe un véritable danger pour l’avenir du logement si la production de logements neufs n’est pas davantage accompagnée dans cette période.

La construction de logements locatifs intermédiaires est essentielle en période de crise afin de favoriser la création d’un parc au niveau de loyers maîtrisés situés entre ceux du parc social et ceux du marché. Notre objectif doit être le plus possible d’accélérer la construction dans les zones tendues. Cette nécessité est d’autant plus impérieuse en cette période de crise. En développant des logements à prix maîtrisés caractérisés soit par un niveau de loyers intermédiaire entre ceux du parc social et ceux du reste du parc privé, soit par un prix d’acquisition inférieur à celui du marché, nous participons à la survie et à la bonne santé à la fois du secteur du bâtiment et de l’accès au logement de nos concitoyens. La construction de logements locatifs intermédiaires est essentielle puisqu’elle permet notamment aux jeunes ménages actifs, particulièrement touchés pendant la crise, de se loger dans les grandes villes sans se ruiner.

Dans le sens de la stimulation de la production de logements, votre Rapporteure propose de faciliter le lancement des projets de construction de logements locatifs intermédiaires en réduisant les délais excessifs qui les caractérisent. Sans engendrer de coût supplémentaire pour les finances publiques, il est possible d’accélérer les projets de construction en supprimant l’obligation d’une délivrance d’agrément pour faire bénéficier le propriétaire ou le gestionnaire de logements locatifs dit intermédiaire d’un taux réduit de la TVA à 10 % pour les livraisons de logements locatifs neufs intermédiaires. Cette mesure d’aménagement devrait être mise en place au moins jusqu’au 31 mars 2021 afin de contrer les effets délétères de la crise sur la dynamique de la construction. Un amendement sera déposé en ce sens, tandis qu’un autre amendement porte le même aménagement sur le long terme.

Votre Rapporteure estime qu’un délai d’agrément excessif est contre-productif en cette période de crise et dessert ces objectifs de politique publique. Cet agrément fiscal a un délai moyen d’obtention de sept mois, ce qui, étant donné les contraintes imposées aux constructeurs, qu’elles soient techniques ou liées au mode de financement des opérations, est très handicapant. Cette année, à titre d’exemple, cette obligation d’agrément aura nettement retardé la mise en chantier de 10 000 logements intermédiaires par CDC Habitat.

Ce délai contribue à diminuer le parc des logements intermédiaires. Il n’est pas rare que le logement intermédiaire serve, pour les promoteurs immobiliers engagés dans l’opération, d’investissement de substitution lorsque des logements construits dans le cadre du dispositif Pinel échouent pour cause de non-location du bien. Les promoteurs transforment alors ces logements Pinel en logements locatifs intermédiaires, le loyer étant le même pour les usagers finaux. En l’état, le délai d’agrément existant pousse les promoteurs à faire le choix de transformer des logements Pinel en logements privés, ce qui est contraire à notre politique publique du logement.

Votre Rapporteure estime que les caractéristiques du logement intermédiaire en font un levier idéal pour la stimulation de la production de logements neufs en cette période. Le logement intermédiaire nécessite 40 % de dépenses fiscales en moins qu’un logement Pinel, ou qu’un logement social. De ce fait, il est évident qu’il est beaucoup plus économique pour les finances publiques d’encourager la construction des logements intermédiaires. Enfin, il est indubitable qu’un logement intermédiaire est bien souvent plus écologique qu’un logement Pinel. Sur ce point, par exemple, CDC Habitat, acteur institutionnel agréé pouvant construire des logements intermédiaires, est réputée pour son exigence concernant la certification énergétique demandée.

B.   l’action des bailleurs SOCIAUX EST un levier majeur pour la viabilité Économique du bâtiment

1.   Les tendances initiées par la loi ELAN, sur le point d’aboutir, n’écartent pas toutes les inquiétudes sur les bailleurs sociaux

La réforme du secteur du logement social, voulue par le législateur il y a deux ans, est sur le point d’aboutir. Cette dynamique de regroupement des organismes HLM, impulsée par les dispositions du titre II de la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, fixait un « seuil d’autonomie » de 12 000 logements pour un organisme de logement social. Les regroupements en vue d’atteindre le seuil devaient être finalisés au 1er janvier 2021. Les bailleurs sociaux, l’Agence nationale de contrôle du logement social (ANCOLS) et les services du ministère chargé du logement estiment à présent, en‑dehors de quelques cas isolés, que cette réforme a largement abouti.

Bien que le regroupement ait dans l’ensemble renforcé les organismes, quelques vulnérabilités financières interrogent sur leur capacité à être des acteurs de la relance. En ce qui concerne notamment les effets de la réduction de loyer de solidarité (RLS), on peut estimer à 600 M€ la baisse de ressources après compensation du fait de la clause de revoyure et des prêts allongés par la Caisse des dépôts et consignations. Cette baisse se traduit par une diminution de 150 M€ des dépenses d’entretien du parc, ce qui est en soi source d’inquiétudes pour l’état de vétusté du parc si cette baisse devait être amenée à se pérenniser. 

La baisse des ventes de logements sociaux induit des risques financiers pour les organismes HLM. L’Union sociale pour l’habitat (USH) considère que le reste de la baisse est épongé par une baisse de l’autofinancement de 450 M€, cette baisse étant elle-même justifiée par l’idée, présente au départ de la réforme, que les bailleurs sociaux doivent dégager des fonds propres par les cessions de logements. Or, les ménages ayant subi une baisse de leur budget et exprimant des inquiétudes sur leur avenir qui les poussent à reporter les décisions d’investissement, on mesure une baisse des ventes aux locataires de l’ordre de 25 à 40 %.

Votre Rapporteure tient à mettre en avant le rôle de l’opérateur national de vente (ONV) du groupe Action Logement, dont la mission consiste à faciliter les cessions de logements sociaux par les organismes HLM en intervenant comme intermédiaire en capacité d’assurer le portage foncier. Dans le contexte actuel, l’ONV peut jouer un rôle central afin de permettre aux organismes de continuer à percevoir le produit des cessions, le portage avant revente étant réalisé par l’ONV dans un contexte de délais allongés.

2.   Une relance réussie du BTP exige des bailleurs sociaux forts et résilients

Bien que votre Rapporteure se réjouisse de l’élan donné par le Gouvernement à la rénovation énergétique dans son plan de relance, elle souhaite faire valoir l’importance de la construction pour la santé de l’écosystème du logement. À cet égard, les bailleurs sont les acteurs naturels d’une relance du secteur. De ce point de vue, elle déplore que le plan de relance ne contienne aucune disposition permettant une véritable relance de la construction du logement social. Les bailleurs sociaux se sont déclarés prêts et fortement mobilisés pour impulser des commandes importantes et de qualité élevée.

Votre Rapporteure estime que les organismes HLM ont, dans la continuité de leur action pendant la crise sanitaire, un rôle crucial à jouer dans le soutien et la relance du bâtiment. Le mouvement HLM a fait valoir à de nombreuses reprises l’importance des organismes de logement social pour le BTP, qui sont des donneurs d’ordres majeurs. La période actuelle est d’ores et déjà caractérisée par le reflux de la commande privée dû à des moins marges de manœuvre financière et à une aversion au risque plus élevée en période critique. Les bailleurs sociaux ont, du fait de leur financements publics, vocation à exercer en période de crise une action contracyclique bénéfique en maintenant ou en amplifiant leurs commandes sans exercer pour autant un effet d’éviction mais un effet de substitution à la commande privée défaillante.

Votre Rapporteure entend donc rester vigilante sur la construction de logements sociaux, qui peut constituer un levier majeur de la relance. Le parc social locatif, déjà en tension, ne doit pas être le parent pauvre de la construction.

III.   L’avenir du groupe action logement suscite des inquiÉtudes qui doivent Être apaisÉes

A.   Le groupe Action Logement sous le feu de critiques

1.   Les objets des critiques à l’encontre du groupe vont des modalités de sa gouvernance à sa gestion financière

La gouvernance du groupe Action Logement est sévèrement critiquée, notamment s’agissant des rapports entre la structure faîtière Action Logement Groupe et ses deux filiales majeures Action Logement Services et Action Logement Immobilier. Dans deux rapports réalisés dans le cadre de ses missions de contrôle quinquennal des institutions qui relèvent de son champ et transmis à votre Rapporteure ([8]), l’Agence nationale de contrôle du logement social (ANCOLS) émet plusieurs critiques sur le fonctionnement du conseil d’administration d’ALG. Celui‑ci, qui repose sur une gestion paritaire par les organisations d’employeurs et de salariés, serait le théâtre de plusieurs dysfonctionnements qui nuisent à la qualité de ses travaux et à la bonne prise de décision. À titre d’exemple, l’agence relève que, de manière récurrente, les documents préparatoires ne sont pas transmis dans les délais statutaires, ce qui peut affecter l’information des participants et, partant, leur capacité à prendre une décision éclairée.

Dans un rapport concomitant diligenté sur demande du Premier ministre, l’Inspection générale des finances fait également état d’irrégularités systémiques dans l’organisation du travail et d’autres inefficacités qui affectent la chaîne des responsabilités au sein du groupe, pourtant déterminée par des dispositions de nature législative. Là où le conseil d’administration a pour fonction de contrôler les filiales et de piloter le groupe, il s’avère, selon l’agence, que les réunions du conseil ne consistent parfois qu’à enregistrer des décisions actées par les filiales. L’agence témoigne également de défaillances quant à l’approbation des rémunérations des dirigeants.

Faute de décret d’application du Gouvernement, les volontés du législateur concernant l’articulation des structures n’ont pas été appliquées. Votre Rapporteure note que le groupe a lui-même fait état des difficultés de gouvernance qu’engendre sa structure multicéphale. Les dispositions de l’article 102 de la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (ELAN) avaient vocation, en organisant un cumul des mandats des membres des conseils d’administration des structures principales, à permettre une meilleure articulation des structures. Cependant, le Gouvernement tarde fortement à prendre le décret d’application autorisant le changement de statuts intervenu à ALG qui permettrait d’avaliser cette décision du législateur. Votre Rapporteure déplore ce manque de célérité, qui contribue à l’enlisement de la situation.

2.   Le groupe, issu d’une réforme encore récente, fait des efforts considérables dans son action

Le groupe Action Logement a mené pendant la crise des actions importantes pour la survie économique du secteur du logement. À l’occasion de la crise sanitaire, le groupe s’est engagé comme un acteur important du soutien des filières du BTP en annonçant dès la fin du mois de mars 2020, par le biais de sa filiale in’li, un programme d’achat de 10 000 logements intermédiaires avant la fin de l’année 2020. Ce programme doit contribuer à l’accélération du projet de production de 80 000 nouveaux logements intermédiaires. Pour soutenir la reprise d’activité du secteur, in’li s’est engagé à acquérir des stocks achevés ou en cours de travaux ou encore à sécuriser des opérations d’achat en bloc en cours de montage, tant en logements intermédiaires qu’en logements libres à loyers maîtrisés.

Par ailleurs, Action Logement mène une action de prêt qui permet de répondre aux besoins spécifiques des bailleurs sociaux qui y font appel en complément du des offres du Fonds d’épargne de la Caisse des dépôts et consignations. Les prêts accordés dans ce contexte sont de long terme, à un taux bonifié (taux du livret A – 2,25 % avec un plancher à 0,25 %, ce qui est plus bas que le taux du livret A + 0,60 % accordé par la CDC sur un prêt locatif à usage social), souvent sans garantie. Le différentiel de taux permet de baisser le prix de revient global des opérations et dès lors de trouver un équilibre financier sinon impossible. Votre Rapporteure considère comme précieux le modèle économique d’Action Logement, qui, reposant sur la participation des employeurs, permet de diversifier les solutions de financement par rapport à la Caisse contrainte par l’indexation au livret A et aux banques commerciales obligées d’assurer une rentabilité. L’accès aux taux favorables d’Action Logement permet aux bailleurs sociaux de maîtriser les loyers dans leur parc. Action Logement a même enrichi son action en faveur des organismes HLM, en bonifiant les prêts de haut de bilan accordés en 2016 et 2018 par la Caisse des dépôts et consignations, illustrant ainsi une nouvelle fois la complémentarité et la coopération entre ces deux institutions.

B.   la participation des employeurs à la construction reste un moteur indispensable du secteur du bâtiment

1.   Les prélèvements exceptionnels portent atteinte à la stabilité du secteur et aux ressources de la construction

Les prélèvements opérés au moment des projets de lois de finances successifs diminuent les montants alloués en France à l’effort de construction, à une période où le besoin de logement reste considérable. Pour la deuxième année consécutive, le législateur se retrouve dans la position de devoir valider un prélèvement exceptionnel sur la trésorerie d’Action Logement. L’année dernière, ce prélèvement, prévu à l’article 250 de la loi de Finances pour 2020, concernait 500 M€. Cette année, un prélèvement de 1 Md€ s’ajoute à un nouveau fléchage de 300 M€. Cette façon de procéder semble privilégier des solutions de court terme qui ne contribuent qu’à instaurer un climat délétère au sein du groupe, qui se voit visé par des prédations croissantes. Par ailleurs, la Rapporteure fait remarquer que ces prélèvements, qui sont fléchés vers le Fonds national d’aide au logement et y compensent de moindres dotations de la part du budget de l’État, représentent une baisse de l’investissement net dans le logement. De l’existence d’exemples historiques de cette politique ne peut en être déduite sa justesse.

Les prélèvements ainsi opérés portent également atteinte à la visibilité financière du groupe et, dès lors, à la viabilité des programmes auxquels il participe. Votre Rapporteure rappelle à ce titre qu’Action Logement est le principal financeur du programme national de rénovation urbaine (PNRU), du nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU) et un financeur majeur du programme Action Cœur de ville. Les acteurs du renouvellement urbain, dont les actions sont partenariales, sont particulièrement inquiets d’une remise en cause des capacités de construction de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU), financée à 80 % par Action Logement.

Votre Rapporteure met à ce sujet en garde contre la baisse des financements de l’ANRU, portée à l’action 04 du programme 147, qui semble être à contre-courant de la politique générale du Gouvernement. La rénovation urbaine est un enjeu majeur de notre solidarité nationale, et ce d’autant plus dans une période de crise marquée par le confinement de populations fragiles dans des espaces urbains encore trop souvent insalubres. Quoique le Gouvernement ait décidé à l’intention des quartiers prioritaires un ensemble de politiques ambitieuses qui montre son engagement à y améliorer la qualité de la vie, la baisse des crédits dévolus aux actions de renouvellement urbain pourrait, par un effet-signal négatif auprès de ses partenaires, mettre en doute son engagement sur ce sujet. C’est la raison pour laquelle votre Rapporteure a proposé, par amendement, d’abonder cette action de 10 millions d’euros supplémentaires.

Les mesures prises par l’État vis-à-vis du groupe ne sont pas claires et ont été peu expliquées aux parlementaires. Ceux-ci sont en droit de s’interroger sur la raison qui fait que l’État tarde à mettre en application les dispositions de la loi ELAN mentionnées plus haut. Par ailleurs, les réunions du conseil d’administration d’Action Logement Groupe ont été bloquées à de nombreuses reprises, notamment le 16 avril et le 11 mai, à la demande de l’État, ce qui a eu pour effet d’empêcher le groupe de procéder aux dépenses proposées. Enfin, les révélations dans la presse, concernant d’une part le contenu des divers rapports réalisés au sujet de la gestion du groupe, qui n’ont pas été publiés ni remis aux parlementaires, et d’autre part les prélèvements financiers à venir sur sa trésorerie, ont contribué à alimenter une crainte existentielle au niveau du groupe.

En ce qui concerne l’opportunité d’une nouvelle réforme, votre Rapporteure considère qu’un rythme excessif de réformes pourrait nuire à la stabilité du secteur. La dernière réforme d’Action Logement ayant eu lieu en 2016, elle reste récente. Les acteurs du secteur se plaignant souvent de l’instabilité normative qui le caractérise, il n’est pas opportun de réfléchir à nouveau, à si peu de temps d’intervalle, à une nouvelle réforme. Par ailleurs, les acteurs auditionnés considèrent qu’il est encore nécessaire de laisser le temps à la structure actuelle d’arriver à maturité.

Néanmoins, si une nouvelle réforme devait voir le jour, votre Rapporteure estime qu’elle ne pourrait être acceptée par les parlementaires et le groupe Action Logement qu’à la seule condition qu’une co-construction et un dialogue vertueux soient organisés avec le Gouvernement, permettant aux évolutions de se dérouler de manière sereine et concertée.

2.   Les dysfonctionnements identifiés peuvent être corrigés et ne justifient pas une remise en cause de la participation des employeurs à la construction

La participation des employeurs à l’effort de construction (PEEC) sert à financer une partie très conséquente de l’effort annuel de construction consenti chaque année en France. Les ressources d’Action Logement s’élèvent à 3,4 Md€ de recettes annuelles nettes, constituées de 1,7 Md€ de participation des employeurs à l’effort de construction et de 1,7 Md€ de remboursements de prêts consentis. Son patrimoine total s’élève à 84 Md€, dont la majorité est constituée de son parc de 1 032 499 logements, dont 966 127 logements sociaux et 66 372 logements intermédiaires. Ce parc est géré par l’intermédiaire de 51 entreprises sociales pour l’habitat, dont 3F Habitat, Espacil Habitat, Promologis, Seqens. Rappelons que par son intervention directe en 2019, le groupe a représenté plus de 20 000 logements livrés (avec des efforts en vue de porter ce résultat à 30 000 en 2021), 30 000 logements mis en chantier, 42 000 logements programmés avec agréments obtenus, 25 000 logements mis en réhabilitation et 2 500 logements en accession à la propriété.

Votre Rapporteure considère que la participation des employeurs à la construction demeure à ce jour un pilier indispensable de la politique de construction de notre pays. Les ressources issues de cette contribution paritaire sont rendues particulièrement nécessaires en temps de crise, lorsque l’offre privée recule. La participation des employeurs à la construction a déjà connu une réduction nette de son assiette depuis quelques années. Traditionnellement le « 1 % logement », dont le taux a été réduit en 1991 à 0,45 %, était assis sur la masse salariale des entreprises de plus de 10 salariés. Cette jauge a d’abord été portée à 20 puis à 50 salariés à l’occasion de la loi ELAN. Il ne paraît pas opportun de réduire à nouveau les ressources disponibles pour la construction.

Votre Rapporteure soutient les initiatives qui pourraient être portées par la ministre chargée du logement en faveur d’évolutions ciblées dans la gouvernance du groupe Action Logement et d’une préservation de la participation des employeurs à l’effort de construction (PEEC), ressource indispensable de tous les acteurs de l’économie du logement, et que le contexte actuel rend particulièrement précieuse. Elle insiste sur la nécessité absolue d’associer l’ensemble des parties prenantes aux décisions quant aux évolutions de la gouvernance et du mode de fonctionnement du groupe Action Logement.


 

   examen en commission

Au cours de sa réunion du mercredi 21 octobre 2020, la commission des affaires économiques a examiné pour avis, sur les rapports de de Mme Stéphanie Do (Logement) et M. Jean-Luc Lagleize (Ville) et les crédits de la mission « Cohésion des territoires ».

Mme Stéphanie Do, rapporteure pour avis. Je tiens, tout d’abord, à remercier le président Roland Lescure et les parlementaires pour leur confiance renouvelée à mon égard. Je remercie également les acteurs du logement qui ont répondu présent pour la quatrième année consécutive.

Le plan de relance et le projet de loi de finances pour 2021 tirent les leçons de la période éprouvante que nous traversons. Je salue la mobilisation du Gouvernement sur le volet du logement. Ces crédits sont à la hauteur des enjeux qui attendent le secteur du bâtiment, l’un des plus affectés par la crise de la Covid-19.

Les mesures correspondent également à la volonté du Gouvernement de lutter plus efficacement contre le mal-logement, qui concerne malheureusement une partie encore trop importante de la population. En effet, cet habitat, dans lequel tous se sont retrouvés confinés, représente encore trop souvent pour des milliers de personnes vulnérables un environnement insalubre aux effets délétères, aussi bien socialement que du point de vue de la santé publique.

Des améliorations sont certes possibles, et j’ai déposé des amendements en ce sens, tant les enjeux sont considérables face aux défis posés par le réchauffement climatique et la transition énergétique, sans oublier les difficultés conjoncturelles du secteur du bâtiment. Mais ce budget témoigne, in fine, de notre capacité à affronter l’avenir avec détermination et à optimiser notre politique au mieux des attentes des Français. Pour toutes ces raisons, je salue les efforts très importants consentis dans cette loi de finances en faveur du logement.

Les crédits du programme 109 « Aide à l’accès au logement », d’abord, enregistrent une progression de 3,65 % par rapport à l’an dernier. La hausse de la contribution de l’État aux aides personnelles au logement (APL) sera de 439 millions d’euros. Le Gouvernement s’engage de cette façon à un accompagnement soutenu des personnes modestes dans cette période difficile. Rappelons enfin qu’au cours de la crise sanitaire, l’État et la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF) ont mené une politique volontariste de maintien des droits aux APL.

Deux chantiers retiennent particulièrement mon attention, comme chaque année. La mise en œuvre, au 1er janvier 2021, du versement contemporain des APL permettra une meilleure adéquation de l’aide aux besoins des allocataires. Il a été considéré, à juste titre, que faire intervenir une réforme techniquement lourde pouvait être disruptif dans une période déjà difficile. Cette réforme est techniquement prête et la CNAF a fourni un effort considérable pour adapter ses systèmes d’information. Les bailleurs sociaux ont également eu le temps nécessaire pour prendre leurs dispositions. Il n’en demeure pas moins qu’aucune baisse des revenus des ménages ne pourra être tolérée dans une période de crise économique, point sur lequel je resterai vigilante.

La trajectoire de la réduction de loyer de solidarité (RLS) est conforme aux engagements pris par le Gouvernement. C’est une réforme importante pour les organismes de logements sociaux. Comme convenu, le montant de la RLS sera bloqué à 1,3 milliard d’euros en 2021, de façon à en modérer les effets dans cette période particulière.

Saluons, enfin, le renforcement par la CNAF de son action de lutte contre la fraude aux aides au logement, qui est le fait de marchands de sommeil sans scrupule. La lutte contre ces agissements constitue désormais une priorité pour la CNAF.

Les crédits du programme 135 « Urbanisme, territoires et amélioration de l’habitat » connaissent une forte progression, qui s’explique principalement par des changements de périmètre. L’adaptation de ce programme aux réalités du terrain montre que l’État, en mettant la priorité sur la rénovation énergétique des logements, entend résorber les disparités dans les conditions de logement des ménages et soutenir le secteur du logement.

La prorogation du dispositif « Pinel », qui est rattaché à ce programme, doit contribuer à la maîtrise des loyers. En effet, si le plan relance fait la part belle à la thématique du logement, c’est essentiellement la rénovation énergétique qui est mise à l’honneur. Or la seule rénovation énergétique ne permettra pas d’apporter une réponse satisfaisante au besoin de logements pour les publics modestes. C’est pourquoi je plaide pour une prorogation jusqu’en 2024 du dispositif Pinel, afin d’envoyer un signal de confiance et de permettre une relance pérenne des investissements, et donc du marché.

Concernant le prêt à taux zéro (PTZ), je défends sa prolongation depuis le début de mon mandat car c’est un dispositif très populaire, qui agit en faveur de l’accession à la propriété des ménages modestes. Son extension aux zones B2 et C, que nous avons adoptée l’année dernière, a été un bon signal pour les ménages situés en dehors des zones tendues. Cependant, sa suppression après décembre 2021 pèse sur la solvabilité des ménages, à qui les banques accordent moins facilement des prêts quand ils ne sont pas adossés au PTZ. C’est pourquoi je propose la prolongation de l’entièreté de ce dispositif, pour toutes les zones, sans date fixe.

Par ailleurs, je demande, comme les années précédentes, le rétablissement de l’APL accession en métropole et en outre-mer. Cette aide était une réponse efficace à l’objectif gouvernemental de développement de la vente de logements sociaux. En outre, sa suppression n’aurait engendré, selon diverses estimations de la CNAF, qu’entre 18 et 70 millions d’euros d’économie, soit une très faible part des dépenses du logement. Cette suppression n’a donc pas eu l’impact budgétaire souhaité, alors même qu’elle affecte de manière significative les foyers modestes. En tout état de cause, l’APL accession demeure un levier performant qui permet à 35 000 ménages par an d’accéder à la propriété, et son rétablissement paraît particulièrement justifié dans cette période tourmentée.

Les crédits du programme 177 « Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables » ne cessent d’augmenter depuis plusieurs années, signe d’une mobilisation ininterrompue des pouvoirs publics sur ces sujets. Cette année marque la pérennisation de nombreuses places d’hébergement et la création de nouvelles places de logement dans le cadre du plan Logement d’abord. Ce plan, qui arrive à mi-parcours, a largement fait ses preuves et, comme en 2020, 7 000 nouvelles places de logements seront ouvertes en 2021, dont 1 000 places à destination des femmes victimes de violences.

La seconde partie de mon rapport porte sur l’importance du soutien au secteur du logement comme vecteur de la relance. L’effort mené sur le front de la rénovation énergétique des logements du privé contribuera à améliorer la qualité de l’habitat. Le Gouvernement a décidé, dans son plan de relance, d’initier un mouvement, inédit par son ampleur, en faveur de la rénovation énergétique des logements. Ce soutien est absolument vital pour l’économie du bâtiment et du logement.

Concernant la réforme du soutien à la rénovation énergétique dans le parc privé, le plan de relance est une occasion de revoir à la hausse les objectifs assignés. Une dotation d’un milliard d’euros par an pendant deux ans par rapport à la trajectoire initialement prévue permettra de financer un triple élargissement de la prime de transition énergétique appelée « MaPrimeRénov’ ». Ainsi, tous les foyers y seront désormais éligibles sans condition de ressources, les copropriétés pourront bénéficier de la prime ainsi que les propriétaires bailleurs, et la prime financera les travaux de rénovation globale, en plus des financements par « geste » existants. Ce triple élargissement constitue une occasion historique de donner un coup d’accélérateur déterminant à la transition énergétique. C’est pourquoi j’ai également déposé un certain nombre d’amendements visant à proroger le dispositif « Coup de pouce ». En effet, les opérations par « geste », plus accessibles pour les ménages modestes, ne doivent pas être délaissées au profit de l’approche globale, et c’est la synergie des deux approches qui sera la plus efficace.

Cette impulsion contribuera à relancer le secteur du logement, qui a été fortement ébranlé. Je tiens cependant à alerter sur le fait que la rénovation énergétique à elle seule ne suffira ni à pérenniser l’activité du secteur, ni à répondre au fort besoin en logements, bien qu’elle constitue également une mesure hautement sociale, au-delà de son seul aspect écologique.

Il convient donc, en complément de ces mesures, de continuer à encourager la construction de logements sociaux et intermédiaires. Malheureusement, la réalisation de ces programmes est caractérisée, à l’heure actuelle, par des délais excessifs de traitement des dossiers d’agrément, raison pour laquelle j’ai proposé l’aménagement et l’assouplissement de cette procédure.

Pour se relever, le secteur doit également mieux lutter contre la fraude, aux côtés des pouvoirs publics. Je plaide donc, à travers mes amendements, pour l’adoption de plusieurs mesures afin, d’une part, de lutter contre les comportements frauduleux de la part des entreprises de rénovation énergétique et, d’autre part, d’envoyer des signaux de fermeté et de mise en garde aussi bien en direction des fraudeurs que des donneurs d’ordre, l’objectif étant d’assainir ce milieu et de rediriger les flux financiers vers des entreprises vertueuses.

Par ailleurs, je consacre une réflexion à l’avenir du groupe Action Logement, actuellement sous le feu des critiques. Après beaucoup de rumeurs, le PLF opère un prélèvement de 1,3 milliard d’euros sur sa trésorerie, au profit, partiellement, du Fonds national d’aide au logement. Nous ne devons pas nous habituer à des prélèvements exceptionnels opérés dans l’urgence. Il faut clarifier l’avenir du groupe Action Logement et de sa ressource, la participation des employeurs à l’effort de construction (PEEC), afin d’optimiser son rôle fondamental d’impulsion et de moteur pour toute l’économie de ce secteur. Si une nouvelle réforme devait voir le jour, elle ne pourrait être acceptée par les parlementaires et le groupe que dans le cadre d’une coconstruction et d’un dialogue vertueux entre les élus du peuple et le Gouvernement.

Pour conclure, je souhaite insister sur la bonne volonté et l’esprit collectif qui ont animé les acteurs du logement pendant la crise sanitaire. C’est avec cette mentalité que nous pouvons espérer sortir de la crise par le haut, avec une filière sereine et renforcée.

J’émets un avis favorable à l’adoption des crédits des programmes 109, 135 et 177 de la mission « Cohésion des territoires ».

M. Richard Lioger (LaREM). Le budget 2020 met l’accent sur les programmes ayant un impact direct sur la vie quotidienne des Français et visant à redynamiser les centres-villes, les quartiers prioritaires, les territoires ruraux, industriels ou enclavés. Je vous rappelle, pour mémoire, le plan national Action Cœur de ville, l’Agenda rural, le plan France Très Haut débit, le programme national Territoires d’industrie, le label Cités éducatives, tous ces programmes qui ont été engagés depuis trois ans. Le budget vise aussi à financer les nouveaux espaces France Services, qui répondent aux besoins de services publics de proximité. Ces programmes sont exécutés, depuis le 1er janvier 2020, par l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT), désormais guichet unique.

Le logement reste une priorité du Gouvernement. L’accent est mis sur l’accroissement de la mobilité au sein du parc avec la création de nouvelles modalités de location, comme le bail mobilité, et le développement de la garantie Visale, dispositif très efficace et qui suscite toujours autant l’adhésion. La contemporanéité des APL avec l’ouverture du droit et le calcul de la prestation sur la base du revenu actuel, et non plus sur celui de l’année n - 1, sera applicable au 1er janvier 2021.

Le Gouvernement entend également maintenir le rythme de production de logements sociaux grâce à l’application du pacte d’investissement conclu avec les bailleurs sociaux, Action Logement et la Caisse des dépôts et consignations, au retour de la TVA à 5,5 % pour le logement financé par le prêt locatif aidé d’intégration (PLAI) et à l’acquisition-amélioration de logements financée par le prêt locatif à usage social (PLUS).

La politique du logement continuera aussi de participer à la stratégie de transition énergétique. L’amélioration de la situation des plus précaires est vraiment un axe fort de ce budget. En 2020, le montant des financements du Grand plan d’investissement mobilisés par l’Agence nationale de l’habitat (ANAH) a connu une hausse de 60 millions d’euros. Nous avions déjà doublé le budget de l’ANAH en 2019. Le budget consacré à la politique de la ville est continué, comme s’y est engagé le Gouvernement, avec une stabilisation de la mise en œuvre du programme national de rénovation urbaine (PNRU).

Le programme 177, deuxième budget de la mission « Cohésion des territoires », dispose d’un budget conséquent. Ce programme a pour finalité de permettre l’accès au logement tout en garantissant une réponse aux situations d’urgence. Il est la traduction budgétaire de la stratégie Logement d’abord. Le pilotage du programme est confié à la direction générale de la cohésion sociale, qui s’appuie sur le comité interministériel de lutte contre l’exclusion.

Le programme 109 « Aide à l’accès au logement » représente la grande majorité du budget de la mission. Il est constitué à 99 % des aides personnelles au logement. Ce programme a subi ces dernières années diverses réformes structurelles. La première s’est traduite par la création en loi de finances 2018 de la réduction du loyer de solidarité. Il est à noter que cette baisse des APL n’a pas eu comme conséquence une hausse des loyers restant à charge au locataire. La RLS s’est stabilisée à 1,3 milliard d’euros, conformément aux engagements pris par le Gouvernement dans le cadre du pacte d’investissement. La deuxième réforme concerne la contemporanéité des ressources, initialement prévue en 2019, qui entrera en vigueur en janvier 2021.

Le programme 135 développe l’offre de logements répondant aux besoins de chacun et protégeant les plus fragiles, avec le Fonds national des aides à la pierre et l’objectif national de production de logements très sociaux ; cette aide accompagne essentiellement les collectivités locales. Il soutient également la construction et l’amélioration de l’habitat par des dispositifs fiscaux adaptés – Pinel, Louer abordable, Denormandie ancien –, il réhabilite le parc de logements privés, il soutient la transition environnementale et il assure un développement équilibré des territoires.

Enfin, le programme 112 concourt à la réalisation de trois objectifs : accompagner les grandes transformations territoriales au travers de programmes d’appuis spécifiques, donner aux collectivités davantage de capacités à agir et faire aboutir leurs projets en mettant à disposition de l’ANCT des moyens très importants.

M. Thibault Bazin (LR). Quel est le bilan en matière de logement depuis trois ans ? Notre pays est tombé, avant même la crise sanitaire, sous la barre des 400 000 logements par an. Les dispositifs annoncés en grande pompe peinent à se concrétiser, à l’instar des opérations de revitalisation du territoire, des logements dans les cœurs de ville ou encore du Denormandie dans l’ancien.

Vous connaissez l’adage : « Quand le bâtiment va, tout va ». Une crise du logement couve ; le choc d’offre n’a pas eu lieu. D’un côté, la réforme brutale des APL au début du quinquennat a mis un frein aux investissements des bailleurs sociaux, et les menaces pesant sur Action Logement renforcent l’instabilité et la peur pour l’avenir de ce secteur. D’un autre côté, les mesures réduisant les aides à l’accession à la propriété – PTZ, APL accession, Pinel – ont limité la demande de logement. Le problème de la solvabilité de la demande s’accentuera dans les prochains mois, avec une hausse du risque sur les crédits immobiliers et une conjoncture inquiétante pour l’emploi. Les nouvelles prises de commande se font rares. La conséquence se fera ressentir sur l’activité, et donc l’emploi, dans les prochains mois si la relance n’est pas efficace.

Il y a une dimension psychologique majeure dans l’immobilier. La pierre doit être mieux considérée fiscalement, socialement et économiquement. Le discours doit changer et l’investissement dans la pierre doit être valorisé. Le plan de relance sera réussi pour la construction si les Français en sont les acteurs. Pour cela, il faut des ambitions clairement affichées et l’accession à la propriété doit en être une : être propriétaire, ce n’est pas un gros mot. Un élargissement réel du PTZ serait souhaitable, non seulement aux classes moyennes, mais aussi à l’ensemble du territoire. Un rétablissement de l’APL accession faciliterait aussi le parcours résidentiel. Il ne faut pas opposer le neuf à l’ancien, l’accession à l’investissement : c’est une dynamique vertueuse, qui permet une réelle mixité d’occupation et de morphologie du bâti, tout en créant une émulation dans la production de meilleurs logements, avec de belles opérations offrant de la densité, y compris avec des maisons individuelles.

L’État doit surtout appréhender la nouvelle demande de nos concitoyens à la suite du confinement : ils veulent de l’espace. La demande de logements à haute qualité d’usage, avec des espaces extérieurs privatifs, doit être davantage prise en compte. Le développement du télétravail engendre un besoin d’espaces prévus à cet effet. Il faut revenir à des densités raisonnées et surtout permettre à tous les territoires de se développer. Pour cela, un État davantage aménageur du territoire permettrait de diminuer les tensions du marché, par exemple sur les maisons individuelles. Un meilleur soutien à l’accession à la propriété rendrait à terme les Français moins dépendants des aides de l’État. L’APL accession en est l’illustration : la charge représentée par le versement des APL disparaît dans le temps, et leurs bénéficiaires bénéficient à la retraite d’un logement dont ils sont propriétaires.

Nous devons nous assurer que la relance sera efficace : il y a encore du travail, et nous attendons toujours les amendements du Gouvernement.

M. Jean-Luc Lagleize (MoDem). La crise sanitaire a fortement ralenti le rythme des constructions et des rénovations, avec des conséquences délétères pour le cadre de vie de nos concitoyens, pour les parties prenantes du secteur et pour l’aménagement de notre territoire. Le logement est une politique publique à la croisée de l’économie, du développement durable et de la cohésion sociale. Cette crise est d’autant plus grave qu’elle est venue s’ajouter à une longue période de disette pour le secteur du bâtiment et de la construction, avec un gel des projets en cours dans de nombreuses métropoles, en raison notamment de la campagne pour les élections municipales. Dans ce contexte, il apparaît essentiel de relancer ce secteur dans les meilleurs délais, sans quoi à une crise sanitaire, économique et sociale s’ajoutera une crise globale du logement dans les mois et années à venir.

Pour ce faire, il faut agir sur trois volets : le premier est celui de la rénovation énergétique des bâtiments. La conjoncture actuelle doit nous encourager à nous saisir véritablement de ce serpent de mer de nos politiques publiques afin d’engager une rénovation massive des bâtiments sur tout le territoire. N’oublions pas que ce secteur représente 45 % de la consommation énergétique nationale et peut constituer une manne importante d’emplois, de croissance et d’innovation en tous genres.

Par ailleurs, afin qu’il soit véritablement efficace, le chantier de la rénovation doit s’inscrire dans un cadre plus large de transition environnementale et numérique du secteur du bâtiment et de la construction, et de dématérialisation des procédures d’urbanisme. Le plan France Relance prévoit des moyens importants en faveur de la rénovation énergétique des bâtiments privés, publics et tertiaires, notamment à travers le dispositif « MaPrimeRénov’ ». Mais au-delà de ces moyens additionnels, nous devons impérativement améliorer la lisibilité et l’accessibilité des nombreux dispositifs qui existent déjà.

Le deuxième volet est celui de la sobriété foncière. L’objectif « zéro artificialisation nette » ne doit pas constituer une entrave à la relance de la construction, mais nous pousser à changer de paradigme et à promouvoir un urbanisme circulaire pour des villes plus durables et plus désirables. À ce titre, deux mesures permettront aux collectivités de faire émerger ce type de projets vertueux. Tout d’abord, la création d’un fonds de 300 millions d’euros pour financer des opérations de recyclage des friches urbaines et industrielles dans le cadre de projets d’aménagement urbain de revitalisation des centres-villes et de relocalisation d’activités. Ensuite, la création d’un dispositif, financé à hauteur de 350 millions d’euros sur deux ans, pour aider les collectivités locales à construire plus dense en versant une prime au maire qui accorde des permis de construire permettant de limiter l’artificialisation et l’étalement urbain. Avec ces deux mesures, que je défends de longue date, il s’agit de soutenir la construction de logements et le développement d’équipements publics et autres aménités urbaines, en utilisant de manière optimale les surfaces disponibles. Celles-ci seront également accompagnées d’adaptations de la taxe d’aménagement en faveur de la sobriété foncière et de la lutte contre l’artificialisation des sols, comme l’exonération pour certaines places de stationnement ou l’élargissement à certaines actions de renouvellement urbain ou de renaturation.

Le troisième volet enfin n’est pas des moindres, puisqu’il s’agit de la réforme de nos dépenses fiscales. Ce volet est en vérité une conséquence des deux premières priorités puisque, même s’il nous faut encore transformer, simplifier et accélérer l’acte de construire, la relance du secteur du logement ne sera possible que si nous mettons en cohérence nos dispositifs fiscaux avec nos objectifs. Or certaines aides fiscales ne sont pas tout à fait cohérentes avec nos objectifs de sobriété foncière, de rénovation et de maîtrise des prix – je l’avais souligné l’année dernière dans mon rapport au Premier ministre sur la maîtrise des coûts du foncier dans les opérations de construction. Les zonages liés à notre politique du logement sont insuffisamment pertinents et trop éloignés des réalités du territoire. La fiscalité encourage la rétention du foncier et certains dispositifs contribuent parfois au renchérissement du prix de logement de nos concitoyens. Il devient donc urgent de mettre l’ensemble de ces sujets sur la table et d’ouvrir la nécessaire réforme de la fiscalité du logement.

Mme Marie-Noëlle Battistel (Soc). On peut saluer les enveloppes prévues en parallèle dans le plan de relance et dans cette loi de finances pour la rénovation thermique des bâtiments publics, la rénovation énergétique et la réhabilitation plus lourde des logements sociaux. Mais si le plan de relance mobilise 1,75 milliard d’euros sur deux ans pour accélérer le traitement des passoires thermiques, il reste quand même très largement insuffisant. En effet, l’addition des enveloppes annuelles du programme 174 et du plan de relance revient seulement à se rapprocher, sans le rejoindre pour autant, du niveau de la dépense du crédit d’impôt pour la transition énergétique (CITE) en 2018. Une rénovation coûte en moyenne 38 000 euros : avec un niveau de subvention limité à 30 %, cet abondement ne permettra de rénover que 153 500 habitations, ce qui est certes mieux qu’auparavant, mais reste quand même très éloigné des 500 000 rénovations visées par le Gouvernement, et encore davantage des 750 000 rénovation qui seraient nécessaires pour respecter les cibles fixées par la loi du 8 novembre 2019 relative à l’énergie et au climat.

Enfin, je voudrais vous faire part de mon inquiétude sur la capacité de l’Agence nationale de l’habitat (ANAH) à gérer les nombreuses demandes que vise le Gouvernement, en particulier pour les 9,7 millions de logements collectifs du parc privé. Sur les sept derniers mois de 2020, malgré le renforcement de ses moyens, l’agence n’aura réussi à traiter que 75 000 dossiers sur les 100 000 déposés. L’écart entre les deux est énorme : il faudrait donc également conforter les moyens attribués à l’ANAH.

M. Jean-Bernard Sempastous. Comme vous le savez, Mme Jacqueline Gourault et M. Joël Giraud ont récemment lancé le programme « Petites villes de demain » pour revitaliser les villes de moins de 20 000 habitants. Dans la ligne droite du plan « Action Cœur de ville », qui concernait des villes plus grandes et dont je salue l’efficacité pour améliorer les conditions de vie des habitants, ce programme cousu main comportera des mesures liées au logement.

Madame la rapporteure, pouvez-vous préciser quelle place sera donnée à la transformation du parc de logements et à la rénovation du logement ancien dans ce programme et, plus particulièrement, dans les villes de 20 000 habitants ? Cela peut contribuer à éviter l’artificialisation de nos campagnes.

Mme Stéphanie Do, rapporteure pour avis. Je pense que vous devriez poser votre question à mon collègue M. Jean-Luc Lagleize, qui présentera tout à l’heure son rapport sur la politique de la ville.

La commission en vient à l’examen, pour avis, des crédits.

Article 33 et état B

La commission est saisie de l’amendement II-CE53 de Mme Jacqueline Maquet.

Mme Jacqueline Maquet. Le présent amendement propose de réaffecter 10 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement à l’action 12 « Hébergement et logement adapté » du programme 177. Il a pour objectif de renforcer les crédits de cette action, en particulier ceux destinés au financement des associations, notamment des dispositifs de la veille sociale, afin de leur permettre d’assurer l’effectivité du droit à la domiciliation des personnes sans abri ou en situation de mal-logement.

Le Gouvernement a présenté, dans le cadre du plan « France Relance », des mesures de soutien aux personnes précaires. Cependant, près de 140 000 personnes sans domicile, 25 000 hébergées à l’hôtel et 90 000 vivant dans des habitations de fortune peinent à accéder à une adresse, cette situation aggravant ainsi leur précarité. La domiciliation administrative des personnes sans domicile stable est pourtant un droit essentiel, dont la mise en œuvre conditionne l’exercice effectif de l’ensemble de leurs droits. Sans adresse, ces personnes ne peuvent pas accéder aux prestations sociales, exercer leur droit de vote, engager les démarches administratives nécessaires à leur insertion sociale et professionnelle, et ont souvent des difficultés pour scolariser leurs enfants.

Mme Stéphanie Do, rapporteure pour avis. Madame la députée, je connais votre engagement de longue date pour le droit à la domiciliation des personnes sans abri ou en situation de mal logement. Vous avez raison, l’absence de domiciliation administrative concerne de nombreuses personnes vulnérables et sans abri et les affecte dans toutes les procédures.

Depuis l’adoption de la loi du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové (ALUR), les départements ont l’obligation d’établir un schéma départemental de la domiciliation des personnes sans domicile stable (SDDPSDS). Ce schéma, adopté à ce jour dans 90 départements, crée un dynamisme local en réunissant les administrations, les organismes de protection sociale et les organismes domiciliaires pour veiller à la bonne prise en charge des besoins des demandeurs. Au niveau national, la direction générale de la cohésion sociale organise, depuis 2019, la journée nationale de la domiciliation des personnes sans domicile stable. La mobilisation du Gouvernement est donc déjà forte sur ce sujet.

Par ailleurs, le PLF prévoit déjà une augmentation supérieure à 200 millions d’euros pour le programme 177, ce qui équivaut à une hausse des financements supérieure à 10 %. Le PLF prévoit notamment 430 millions d’euros pour le logement adapté, en hausse de 18 % par rapport à l’année dernière. Votre demande a donc été satisfaite par le Gouvernement. Je ne suis pas sûre qu’il soit pertinent de renforcer cette augmentation déjà extrêmement forte des moyens accordés.

De plus, si la nécessité d’apporter des solutions aux situations d’urgence afin de remédier aux problématiques les plus graves paraît évidente, la solution pour aider les personnes sans logement réside avant tout dans le logement durable et non dans des solutions d’urgence, qui n’ont vocation qu’à résoudre des situations temporaires. J’inclurai cependant l’année prochaine, dans mon avis, une évaluation des efforts engagés en la matière depuis le début de la législature. Je vous demande de retirer votre amendement ; à défaut, l’avis sera défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Elle en vient à l’examen de l’amendement II-CE48 de M. Thibault Bazin.

M. Thibault Bazin. Cet amendement est certes coûteux pour les finances de l’État, mais je prends sur le programme « Urbanisme, territoires et amélioration de l’habitat » pour abonder l’aide à l’accès au logement. Je ne souhaite pas réduire les crédits consacrés à l’urbanisme, mais c’est le jeu budgétaire : on n’a pas le droit de prendre ailleurs, sinon je vous aurais parlé de l’aide médicale d’État ou d’autres programmes encore dans lesquels on pourrait faire des économies.

La quotité du PTZ a été réduite de moitié par rapport à 2017 dans plus de 90 % du territoire français. Alors qu’il était possible d’obtenir un PTZ sur 40 % de la valeur d’un bien, on ne peut plus désormais en financer que 20 %. Cela a désolvabilisé un certain nombre de ménages des classes moyennes, qui ne peuvent plus accéder à la propriété depuis votre décision funeste du début de mandat.

Le présent amendement a donc pour objet de prolonger le PTZ pour les logements neufs vendus en zones détendues. Son impact budgétaire serait compensé par l’activité ainsi générée et les recettes fiscales supplémentaires que percevraient l’État et les collectivités locales.

Mme Stéphanie Do, rapporteure pour avis. Monsieur le député Bazin, je reconnais votre expertise en matière de logement. Vous proposez de prolonger le PTZ pour les logements neufs en zones détendues B2 et C, à condition que ces logements se trouvent dans des communes situées dans une zone géographique se caractérisant par un déséquilibre entre l’offre et la demande de logements.

Étant moi-même favorable au maintien du PTZ, j’ai déposé, comme les années précédentes, un amendement allant dans ce sens à la commission des finances. Ce dispositif d’aide à l’accession, le plus connu des Français, sert un objectif louable et nécessaire. Dans un contexte de difficultés économiques, il est plus important que jamais de soutenir la capacité des jeunes ménages à accéder à la propriété. Le PTZ est un dispositif social octroyé sous conditions de ressources. Sa suppression en zone détendue ne fait que diminuer la solvabilité des ménages et les contraint à chercher un foncier moins cher en s’éloignant des zones d’habitation.

Je partage tout à fait votre objectif, qui est de préserver le PTZ dans les zones où il est justifié. Cependant, l’abondement des crédits que vous proposez dans votre dispositif ne correspond pas à l’objectif recherché. Je vous invite à retirer votre amendement et, comme je l’ai fait avec mes amendements, à le redéposer en commission des finances sur les articles consacrés au PTZ. Je serai ravie de vous retrouver en commission des finances !

M. Thibault Bazin. Mme la rapporteure me donne rendez-vous vendredi matin en commission des finances : j’y serai ! Toutefois, le Gouvernement reste sourd à nos appels dans ce combat que nous menons depuis trois ans. On ne peut pas, à chaque fois, nous demander de retirer nos amendements en nous promettant que l’on va y travailler. Pourriez-vous à ce propos demander à la nouvelle ministre chargée du logement où l’on en est de l’étude sur les zonages ? Si elle pouvait nous la transmettre, cela intéresserait tous nos territoires.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine l’amendement II-CE49 de M. Thibault Bazin.

M. Thibault Bazin. Le présent amendement a pour objet de maintenir le PTZ pour les logements situés en zones B2 et C dont l’achat sera financé par un prêt social location-accession (PSLA), et pour lesquels la levée d’option interviendra après le 31 décembre 2020. Sur tout le territoire, les locataires-accédants pourront ainsi financer l’acquisition de leur logement avec un PTZ jusqu’au 31 décembre 2022. Vous venez de rejeter un amendement à 75 millions d’euros ; en l’occurrence, c’est beaucoup plus ciblé puisque cela porte sur 10 millions. Il est important de pouvoir aller dans cette direction.

Mme Stéphanie Do, rapporteure pour avis. Je ferai la même réponse que pour l’amendement précédent.

La commission rejette l’amendement.

La commission examine, en discussion commune, les amendements II-CE60 de la rapporteure pour avis et II-CE47 de M. Thibault Bazin.

Mme Stéphanie Do, rapporteure pour avis. La loi de finances pour 2020 n’a pas rétabli l’APL accession, alors que mon amendement avait été adopté par cette commission et que plusieurs de nos collègues soutenaient ma position. Les amendements visant le rétablissement de cette aide ont été rejetés en séance publique. Intimement persuadée de son utilité et de sa pertinence, je réitère cette demande.

Le dispositif d’aide aux travaux des propriétaires modestes dans les départements d’Outre-mer, créé en 2019 dans le programme 135, ne compense que partiellement la restriction du champ d’application des APL accession décidée par la loi de finances pour 2018. En effet, cette aide visant à lutter contre l’habitat indigne a certes permis de compenser certains effets de l’extinction de l’APL accession, mais seulement outre-mer.

Cette aide, ciblée sur les ménages les plus modestes, est pourtant une réponse efficace à l’objectif gouvernemental de développement de la vente de logements sociaux. Elle permet, en cohérence avec la stratégie du Gouvernement et les objectifs de la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (ELAN), d’accroître la mobilité dans le parc social et de faciliter la vente de logements HLM à leurs locataires. Il semble nécessaire de rétablir l’intégralité du dispositif des APL accession, tel qu’il existait jusqu’au 1er janvier 2018.

L’argument d’économie budgétaire qui a justifié la suppression des APL accession permettant l’acquisition dans l’immobilier neuf ainsi que dans les zones 1 et 2 CAF est inopérant. En effet, dans une publication électronique de la direction des statistiques, des études et de la recherche, la CNAF souligne que l’impact de « la suppression des aides au logement concernant l’accession pour les prêts signés à compter du 1er février 2018 […] est plus limité : 18 millions d’euros en 2018 ». Rappelons que le Gouvernement tablait sur une économie de 50 millions en 2018 et de 70 millions en 2019.

La suppression de cette aide, qui bénéficiait à environ 35 000 foyers par an, est un non-sens. Non seulement l’APL accession, dont l’efficacité était bien réelle, ne représentait en 2017 que 2 % du budget consacré au logement, mais sa suppression entraîne un coût supplémentaire pour l’État. En effet, le coût de l’APL doit être mis en balance avec le coût de la non-accession : d’un côté des dépenses fiscales et aides directes aux personnes pendant une quinzaine d’années pour l’accession ; de l’autre des allocations logement bien plus élevées et quasiment à vie ainsi que l’immobilisation du parc social pour l’aide locative.

Les acteurs du secteur que j’ai auditionnés se prononcent majoritairement en faveur du rétablissement de cette aide. Quel meilleur gage d’efficacité pour une disposition que ce consensus ?

M. Thibault Bazin. Comme vous venez de le dire, Madame la rapporteure pour avis, l’économie devait être de 50 millions, elle n’aura été que de 18 millions. En cohérence, je propose de consacrer 18 millions au rétablissement de l’APL accession, en la ciblant sur les quartiers dont les habitants peuvent se sentir assignés à résidence et n’ont aucune chance d’accéder à la propriété. Il est important de pouvoir accéder à cet ascenseur social que constitue l’APL accession.

Je ne saurais donc que trop vous conseiller de retirer votre amendement au profit du mien, puisque nous aurons plus de chance de convaincre le Gouvernement avec une dépense limitée à 18 millions. Ce n’est rien rapporté au budget de l’État ! Libérez-vous du Gouvernement, madame la rapporteure pour avis. Adoptons cet amendement, nous verrons bien si le Gouvernement nous suit en séance ou pas. Lorsque cela semble juste, nous pouvons nous autoriser à corriger la copie du ministère.

Mme Stéphanie Do, rapporteure pour avis. Votre amendement rétablit l’APL accession, mais seulement dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville, visés par une opération au titre du nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU).

Le coût de l’APL accession a été diversement évalué, entre 18 et 70 millions d’euros. La contribution de l’État au Fonds national d’aide au logement (FNAL) pour les APL accession s’élève à 12,4 millions, ce qui représente entre 0,1 et 0,5 % de l’effort sur les APL. Par ailleurs, et comme l’a souligné à plusieurs reprises la Cour des comptes, ce dispositif est redistributif et bénéficie surtout aux jeunes ménages peu aisés.

Je vous invite à retirer votre amendement au profit du mien.

La commission rejette successivement les amendements.

Puis elle examine l’amendement II-CE51 de M. Thibault Bazin.

M. Thibault Bazin. Il s’agirait de rouvrir la zone B2 au bénéfice de la réduction d’impôt Pinel, dans des conditions expérimentales.

Mme Stéphanie Do, rapporteure pour avis. Je vous fais la même réponse, monsieur Bazin, en vous donnant rendez-vous en commission des finances.

M. Thibault Bazin. On parle du Pinel, cela n’a rien à voir avec le PTZ ou l’APL accession ! Mais j’ai compris, et j’attendrai vendredi.

La commission rejette l’amendement.

Elle en vient à l’amendement II-CE50 de M. Thibault Bazin.

M. Thibault Bazin. Je propose d’ouvrir l’accès au dispositif Pinel dans le cadre des opérations de revitalisation des territoires (ORT) et du plan « Action Cœur de ville », afin de stimuler l’investissement locatif privé.

Mme Stéphanie Do, rapporteure pour avis. Même réponse, nous en parlerons en commission des finances.

M. Thibault Bazin. Madame la rapporteure, nous allons nous faire balayer en commission des finances ! Je trouve dommage que nous ne puissions pas mener un combat commun pour renforcer la cohésion des territoires dans le budget de l’État !

La commission rejette l’amendement.

La commission émet un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Cohésion des territoires ».

 


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   LISTE DES PERSONNES AUDITIONNées

Direction générale de l’aménagement, du logement et de la nature

M. François Adam, directeur de l’habitat, de l’urbanisme et des paysages

M. Emmanuel Rousselot, sous-directeur de l’économie et du financement du logement

Direction générale de l’énergie et du climat

M. Laurent Michel, directeur général

Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes

Mme Virginie Beaumenier, directrice générale

Mme Miyako Guy, cheffe du bureau de l’immobilier, du bâtiment et des travaux publics

Direction générale des finances publiques

M. Christophe Pourreau, directeur de la législation fiscale

Délégation interministérielle pour l’hébergement et l’accès au logement

M. Sylvain Mathieu, délégué interministériel

Cabinet de la ministre déléguée auprès de la ministre de la transition écologique, chargée du logement

M. Louis de Franclieu, conseiller budgétaire

M. Pierre Manenti, conseiller parlementaire

Caisse nationale des allocations familiales

Mme Isabelle Sancerni, présidente du conseil d’administration

M. Vincent Mazauric, directeur général

M. Jérome Lepage, adjoint du directeur des prestations légales et sociales

Mme Patricia Chantin, responsable des relations parlementaires

Agence nationale de contrôle du logement social

M. Akim Taïrou, directeur général par intérim

Agence nationale de l’habitat

M. Grégoire Frèrejacques, directeur général adjoint

Agence nationale d’information sur le logement

Mme Roselyne Conan, directrice générale

M. Louis Merle, responsable du pôle juridique

Action Logement Groupe

M. Bruno Arcadipane, président

M. Philippe Lengrand, vice-président

M. Bruno Arbouet, directeur général

Mme Valérie Jarry, directrice des relations institutionnelles

Caisse des dépôts et consignations

M. Pierre Laurent, responsable du département développement

M. Hakim Lahlou, responsable de la coordination et du suivi des objectifs stratégiques

M. Philippe Blanchot, directeur des relations institutionnelles

CDC Habitat (groupe Caisse des dépôts et consignations)

M. Vincent Mahé, secrétaire général

M. Thierry Laget, directeur général adjoint du groupe CDC, en charge du développement et du réseau CDC Habitat partenaires

Mme Anne Frémont, directrice des relations institutionnelles

Union sociale pour l’habitat *

M. Dominique Hoorens, directeur des études économiques et financières

Mme Francine Albert, conseillère pour les relations avec le Parlement

Fondation Abbé Pierre

M. Manuel Domergue, directeur des études

Mme Noria Derdek, chargée d’études

Confédération nationale du logement

M. Eddie Jacquemart, président national

Mme Jocelyne Herbinski, secrétaire confédérale en charge du pôle Habitat

M. Thomas Porte, attaché du président

Confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment *

M. Jean-Claude Rancurel, président de l’Union nationale couverture plomberie, membre du conseil d’administration

Mme Florence Aubert, chargée de mission au pôle économique

M. Dominique Proux, directeur des relations institutionnelles et européennes

Fédération française du bâtiment *

M. Olivier Salleron, président

M. Loïc Chapeaux, directeur des affaires économiques

M. Benoît Vanstavel, directeur des relations institutionnelles

Fédération des promoteurs immobiliers *

M. Alexis Rouque, délégué général

Mme Anne Peyricot, directrice de cabinet et des relations institutionnelles

Union française de l’électricité *

M. Matthias Lafont, directeur économie, mobilité et bâtiment

M. Rudy Cluzel, responsable des relations institutionnelles

Qualibat

M. Éric Jost, directeur général

Réseau Bâtiment durable

Mme Marie Soriya Ao, déléguée générale

Effy

M. Frédéric Utzmann, président

GeoPLC

M. Christophe Février, fondateur et actionnaire investisseur

M. Alexandre Fourment, directeur des affaires réglementaires

Mme Marina Offel de Villaucourt, responsable des affaires publiques

 

 

* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le registre de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale.

 

 


([1]) Observations issues du Baromètre de la consultation des ADIL publié par l’ANIL le 7 juin 2020.

([2])  La Banque postale est le seul réseau bancaire qui procède à ces règlements. En dépit des mesures mises en place lors du confinement par le groupe La Poste pour permettre l’ouverture de certains bureaux de poste et continuer des distributions de courriers, un certain nombre de bureaux sont demeurés fermés pendant plusieurs semaines.

([3])  Conseil scientifique COVID-19, avis du 2 avril 2020, page 11.

([4])  Les « passoires thermiques » sont les logements classifiés F ou G selon l’échelle des diagnostics de performance énergétique.

([5])  Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, Rapport d’activités au titre de l’année 2019, juillet 2020, p. 40.

([6])  Décret n° 2020-674 du 3 juin 2020 modifiant le décret n° 2014-812 du 16 juillet 2014 pris pour l'application du second alinéa du 2 de l'article 200 quater du code général des impôts et du dernier alinéa du 2 du I de l'article 244 quater U du code général des impôts.

([7])  L’enquête EpiCov est menée depuis le mois d’avril 2020 par l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM), l’Agence nationale de santé publique, l’Institut national de la statistique et des études économiques, et la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques. L’enquête Sapris, également de l’INSERM, a montré de son côté que les ouvriers du bâtiment, dont 20 % vivent dans un logement surpeuplé (moins de 18m² par personne), sont moins protégés du fait du confinement.

([8])  Agence nationale de contrôle du logement social, Rapport de contrôle n° 2017-091 d’Action Logement Groupe Association, février 2020, et Rapport de contrôle n° 2017-092 d’Action Logement Services SASU, février 2020. Les contrôles qui ont donné lieu à ces rapports ont été effectués du 24 janvier 2018 au 10 janvier 2019.