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N° 3400

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 9 octobre 2020.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES
SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2021 (n° 3360)

TOME V

COHÉSION DES TERRITOIRES

VILLE

PAR M. Jean-Luc Lagleize

Député

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 Voir les numéros : 3360 et 3399 (Tome III, Annexe 9).

 

 


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SOMMAIRE

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Pages

introduction

PremiÈRE PARTIE : des crédits dynamiques qui permettent de traiter les problÉmatiques des quartiers

I. Les crÉdits du programme 147 poursuivent la hausse engagÉE EN 2018

A. L’ÉDUCATION et l’EMPLOI CONTINUENT d’ÊTRE FORTEMENT abondÉS

1. Les actions en faveur de l’éducation ont été nettement accrues à l’occasion de la crise sanitaire

2. L’emploi dans les quartiers est fortement accompagné dans un moment économiquement difficile

3. Le soutien aux associations est amplifié

4. Les autres actions engagées dans le cadre des contrats de ville sont poursuivies

B. la baisse de la dotation en faveur du renouvellement urbain est compensÉE par un engagement renouvelÉ du groupe action logement

1. La dotation de l’État en faveur du renouvellement urbain est en-deçà de la trajectoire annoncée

2. Le groupe Action Logement réaffirme son engagement

II. Les programmes de droit commun voient leurs moyens À destination des quartiers amplifiÉS

1. Dans l’éducation prioritaire, le dédoublement des classes est un succès

2. Les emplois francs sont en voie de généralisation

3. L’investissement dans la sécurité des quartiers se poursuit

seconde PARTIE : la recherche toujours RenouvelÉe des bons instruments de la mixitÉ SOCIALE

I. les instruments de la mixitÉ sociale peinent À rÉaliser entiÈrement leurs objectifs

A. la diversification rÉsidentielle a connu des succÈS certains mais limitÉS

1. La rénovation des formes urbaines est fondée sur un objectif de mixité sociale qui passe par le changement d’image du quartier

2. L’accession à la propriété, fortement encouragée dans les quartiers, est un levier privilégié de la diversification

3. Les critères d’attribution de logements sociaux constituent depuis 2017 l’approche privilégiée pour renforcer la mixité sociale

4. Une structure pleinement consacrée à la mixité sociale : l’association Foncière Logement

B. Le renouvellement urbain n’a pas suffisamment amÉliorÉ les services et Équipements publics

1. L’effort sur le bâti, notamment scolaire, aboutit à un meilleur cadre de vie qui peut permettre un changement d’image

2. Un paradoxe : des services du quotidien plus nombreux mais des services essentiels lacunaires

II. UNe approche transversale est aujourd’hui privilÉgiÉe mais la place des quartiers doit encore être interrogÉe

A. l’approche actuelle de la mixitÉ sociale est caractÉrisée par une volontÉ de transversalitÉ

1. Le contrat de ville est emblématique d’une approche multidimensionnelle de la mixité sociale

2. La mobilisation nationale en faveur des habitants des quartiers renforce l’attachement à cette approche multidimensionnelle

B. la place des quartiers continue d’Être ambiguË

1. Le quartier prioritaire, un « sas d’intégration » ?

2. L’importance de la mixité sociale en dehors des quartiers

3. Il est primordial de disposer de données fiables pour mener des politiques publiques mieux ciblées

Examen en commission

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNées

 


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introduction

Les populations des quartiers concernés par la politique de la ville ont traversé une année 2020 difficile. Le confinement de la population, en vigueur du 17 mars au 11 mai, y a été compliqué par des conditions matérielles pénibles, marquées pour de nombreux habitants par la promiscuité dans l’habitat, la discontinuité pédagogique suscitée par l’absence d’outils numériques appropriés, ou encore la difficulté de se rendre au travail dans de bonnes conditions. 

Dans ce contexte, les crédits du programme 147 « Politique de la ville », qui viennent en renfort des politiques de droit commun à destination de ces quartiers, ont été fortement mobilisés pendant l’année 2020. Votre Rapporteur souhaite saluer les mesures décidées dans l’urgence par le Gouvernement, qui ont montré l’étendue de son engagement en faveur des habitants.

Ainsi, dans le domaine éducatif, le déploiement des « quartiers d’été » et des « vacances apprenantes » a permis d’assurer un suivi éducatif pendant l’été et un rattrapage au moins partiel du retard pris à l’occasion du confinement. Le succès de ce dispositif a justifié sa poursuite à l’automne. L’État a également veillé, en coopération avec le monde associatif, à distribuer des matériels informatiques afin de permettre un suivi des cursus à distance et de lutter contre le décrochage scolaire.

L’emploi a continué d’être favorisé par la montée en charge du dispositif des « adultes relais », qui se poursuivra l’année prochaine, et par l’expérimentation des « cités de l’emploi », créées sur le modèle des « cités éducatives », dont les retombées positives ont également justifié la prolongation l’année prochaine.

Votre Rapporteur se réjouit que l’exercice 2021 verra, une nouvelle fois, la poursuite de cette dynamique positive. La mobilisation nationale en faveur des habitants des quartiers, décidée en 2018 par le Président de la République, s’était traduite dès 2019 par une augmentation de 20 % des crédits du programme 147. L’année 2020 a vu, par le biais de crédits ouverts en cours d’année dans les lois de finances rectificatives, une hausse nécessaire et significative des moyens. Avec une nouvelle hausse de 4 % au total pour ce programme, l’exercice 2021 s’inscrit dans la continuité de cet effort soutenu.

Dans la première partie du présent rapport, votre Rapporteur analyse les crédits du programme 147 « Politique de ville », qui regroupent plusieurs types d’actions. En grande partie, ce programme finance les contrats de ville, qui constituent l’outil partenarial privilégié pour un certain nombre d’actions à destination des 1 514 quartiers prioritaires de la politique de la ville. Ces crédits se voient fortement augmentés (+ 6 %) en 2021. Le programme participe également au financement, également en croissance, de l’Établissement public pour l’insertion dans l’emploi (action 02), dont votre Rapporteur souhaite signaler l’action précieuse. Enfin, le programme apporte le concours financier de l’État à l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU) au titre des programmes de renouvellement urbain.

Votre Rapporteur a ensuite souhaité s’intéresser à l’impact des actions menées au titre de la politique de la ville en termes de mixité sociale des quartiers prioritaires. La mixité sociale est l’un des objectifs fixés à cette politique dès sa naissance dans les années 1990, objectif confirmé avec les grandes actions de rénovation urbaine amorcées en 2003. Par la diversification de l’habitat, par l’amélioration des services publics, un effort est produit en vue d’attirer de nouvelles populations dans les quartiers. Des politiques plus récentes visent à assurer aux ménages les plus pauvres des places dans les logements sociaux en dehors des quartiers, afin d’y lutter contre la formation de poches de pauvreté. Une impulsion particulière est donnée à l’éducation et à la sécurité dans les quartiers prioritaires, sans toujours que les résultats soient à la hauteur des attentes et des exigences. Votre Rapporteur a souhaité examiner les différents instruments adoptés pour promouvoir la mixité sociale et évaluer leur impact.

Au terme de son analyse, votre Rapporteur émet un avis favorable à l’adoption des crédits du programme 147 de la mission « Cohésion des territoires ».

RÉpartition et Évolution des crÉdits de paiement du programme 147

(En millions d’euros)

Présentation par rapport à la loi de finances de l'année précédente (périmètre courant)

LFI 2020

PLF 2021

VARIATION

AE (M€)

AE (M€)

2020/21

Action 01 - Actions territorialisées et dispositifs spécifiques de la politique de la ville

417,6

444,6

+ 6 %

Action 02 - Revitalisation économique et emploi

32,9

36,8

+ 12 %

Action 03 - Stratégie, ressources et évaluation

18,9

18,9

0 %

Action 04 - Rénovation urbaine et amélioration du cadre de vie

0

15

 

TOTAL DU PROGRAMME

469,4

515,3

+ 10 %

Source : Projet annuel de performances pour 2021 de la mission « Cohésion des territoires », PLF pour 2021.

 


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   PremiÈRE PARTIE :
des crédits dynamiques qui permettent de traiter les problÉmatiques des quartiers

I.   Les crÉdits du programme 147 poursuivent la hausse engagÉE EN 2018

L’essentiel des crédits de la ville correspond à des enveloppes gérées au niveau déconcentré dans le cadre des 435 contrats de ville (cf. encadré p. 8), qui concernent tous les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) et 5,5 millions de personnes. Ils sont retracés à l’action n° 01 de ce programme, dévolue aux actions territorialisées et aux dispositifs spécifiques de la politique de la ville (cf. tableau p. 9). En 2018, ils ont permis de financer 21 040 projets et 27 310 actions, portés par 11 000 acteurs, qui ont bénéficié d’une subvention médiane de 4 500 euros. Depuis la forte augmentation des crédits enregistrée en 2019, liée au lancement des mesures de la mobilisation nationale en faveur des habitants des quartiers, les moyens actuels poursuivent la sanctuarisation des crédits consacrés à cette initiative.

Pour 2021, les crédits d’intervention sont en augmentation par rapport à la loi de finances initiale (LFI) pour 2020, afin d’assurer notamment :

  le déploiement de 80 nouvelles cités éducatives (+17 millions d’euros [M€]), en plus des 80 déjà labellisées ;

  l’ouverture de 1 514 postes supplémentaires d’adultes-relais, pour parvenir à un total de 6 514 adultes-relais.

Les autres mesures complémentaires obtenues au titre du PLF 2021 (absence de schéma d’emplois pour les délégués du préfet et augmentation de la subvention pour charges de service public de l’Établissement public d’insertion dans l’emploi) relèvent respectivement de hausses des dépenses de personnel et des dépenses de fonctionnement.

A.   L’ÉDUCATION et l’EMPLOI CONTINUENT d’ÊTRE FORTEMENT abondÉS

L’exercice 2020 a vu le déblocage de crédits supplémentaires au fur et à mesure des lois de finances rectificatives. Dans de nombreux cas, ces crédits augmentés sont conservés pour l’exercice à venir.

Le fonctionnement spécifique de la politique de la ville

Détail des actions du programme 147

Crédits de paiement en millions d'euros

PLF 2020

PLF 2021

TOTAL DES CRÉDITS P 147

498,4

515,3

A01 - Actions territorialisées et dispositifs spécifiques de la politique de la ville

417,6

445

Actions territorialisées des contrats de ville

334,6

351,6

1. Pilier « Cohésion sociale »

250,6

267,6

1.1 Éducation

125

142

· Programme de réussite éducative (PRE)

68,2

68,2

· Cités éducatives

31

48

· Autres programmes dont : stages de 3ème, soutien scolaire, « école ouverte », « vacances apprenantes », « cordées de la réussite », « parcours d'excellence », « plan mercredi », « devoirs faits », classes préparatoires intégrées

25,8

25,8

1.2 Santé et accès aux soins

10

10

1.3 Parentalité et droits sociaux

7,2

7,2

1.4 Culture et expression artistique

14,8

14,8

1.5 Lien social et participation citoyenne : soutien à la vie association ; postes Fonds de coopération de la jeunesse et de l’éducation populaire (FONJEP)

87,4

87,4

1.6 Prévention et lutte contre les discriminations

6,2

6,2

2. Pilier « Développement économique et emploi »

57,2

57,2

2.1 Emploi : programme « repérer et mobiliser les invisibles » ; soutien au parrainage ; formations « grande école du numérique » ; « écoles de la deuxième chance » (E2C)

49,3

49,3

2.2 Développement économique : pacte avec les quartiers pour toutes les entreprises (PAQTE) ; exonérations fiscales au titre du dispositif des zones franches urbaines – territoires entrepreneurs

7,9

7,9

3. Pilier « Cadre de vie et renouvellement urbain »

10,3

10,3

3.1 Volet « habitat et cadre de vie »

6,6

6,6

3.2 Volet « transport et mobilité »

3,4

3,4

3.3 Volet « tranquillité et sûreté publiques »

0,3

0,3

4. Pilotage, ingénierie des contrats de ville

16,5

16,5

4.1. Pilotage, ingénierie, ressources et évaluations : équipes projets de mise en œuvre des contrats de ville ; participation au programme « Urbact III » ; formation « valeurs de la République et laïcité »

14,4

14,4

4.2. Structures mutualisatrices

2,1

2,1

Dispositif des adultes-relais

83

93

1. Financement des postes d’adultes-relais

81,5

91,5

2. Financement plan de professionnalisation des adultes-relais

1,5

1,5

A02 – Revitalisation économique et emploi

36,9

36,8

· subvention pour charge de service public - Établissement public d'insertion dans l'emploi

28

32

· compensation des exonérations de charges au titre des zones franches urbaines

8,9

4,8

A03 – Stratégie, ressources et évaluation

18,9

18,9

· masse salariale (dont primes) des délégués des préfets

18,9

18,9

A04 – Rénovation urbaine et amélioration du cadre de vie

25

15

· subvention Agence nationale pour la rénovation urbaine

25

15

1.   Les actions en faveur de l’éducation ont été nettement accrues à l’occasion de la crise sanitaire

Dans un contexte marqué par une aggravation de la fracture numérique du fait de l’épidémie qui a frappé notre pays, le Gouvernement a pris la décision d’abonder fortement des programmes d’éducation spécifiques à destination des quartiers prioritaires de manière à faciliter la continuité éducative et à limiter le décrochage scolaire. De nombreuses familles ont été projetées dans une situation de cohabitation dans des appartements exigus et surpeuplés, avec des matériels informatiques partagés et parfois des difficultés à faire l’effort financier d’un abonnement au réseau numérique. Pour affronter ces graves difficultés, ce sont d’abord 17,5 M€ puis 86,5 M€ de crédits qui ont été ouverts dans les lois de finances rectificatives ([1]), pour un total de 104 M€, ce qui a permis de financer un certain nombre de dispositifs.

En premier lieu, le Gouvernement a mis en œuvre des dispositifs innovants, les « quartiers d’été » et les « vacances apprenantes ». La crise sanitaire que nous traversons, avec ses conséquences économiques et sociales, a fortement touché les habitants des quartiers prioritaires, et a exercé une influence dans le sens d’un accroissement des inégalités dans les territoires. Partout, les acteurs de terrain se sont mobilisés pour répondre aux nombreuses difficultés rencontrées, notamment pour l’organisation des vacances d’été. Alors que chaque année, trois millions d’enfants ne partent pas en vacances, le plan « quartiers d’été » a été lancé pour les familles déjà très marquées par le confinement. Détaillé dans une instruction du ministre chargé de la ville du 10 juin 2020, le dispositif a eu pour ambition de faire de cette période estivale, s’ouvrant dans un contexte exceptionnel, un temps utile et ludique pour les habitants des quartiers ne pouvant partir en vacances. Les « vacances apprenantes » ont constitué le premier volet du dispositif.

Ces dispositifs ont connu un franc succès et votre Rapporteur en salue vivement la prolongation en vue du reste de l’année 2020. Les « quartiers d’été » ont permis à plus de 500 000 jeunes de bénéficier d’actions spécifiques, telles que des tournois sportifs inter-quartiers, des projections de films en plein air, des visites culturelles, des initiations au vélo, ou encore des ateliers de secourisme et de prévention routière. D’après les auditions de votre Rapporteur, ces initiatives ont permis de limiter les tensions urbaines durant l’été. En effet, les pouvoirs publics ont pu encadrer des jeunes durant les vacances scolaires, leur donnant un cadre et des activités durant un période où de nombreux jeunes des quartiers sont laissés à eux-mêmes du fait de la fermeture des écoles. Ces opérations ont été un succès pour les autorités qui ont décidé, dès le 26 août 2020, de faire perdurer certains de ces dispositifs pour les vacances de la Toussaint, sous le nom « quartiers d’automne ».

Les séjours en « vacances apprenantes » s’adressent aux enfants et aux jeunes scolarisés (3 à 17 ans), en priorité à ceux qui habitent les quartiers et ceux dont les apprentissages ont le plus pâti du contexte sanitaire. Une attention particulière est donnée aux mineurs accompagnés par la protection de l’enfance. Ces séjours visent à permettre à une grande partie des jeunes issus des quartiers de partir en colonies de vacances intégrant une dimension pédagogique. Ces colonies de vacances, qui ont disposé d’un label délivré par l’État pour la période du 4 juillet au 31 août 2020, ont été organisées sur le territoire national pour une durée minimale de cinq jours ouvrés. Un appel à intérêt des collectivités territoriales qui souhaitent s’inscrire dans le dispositif a été lancé par les préfectures et les inspecteurs d’académies dans chaque département.

Le programme « école ouverte », qui se déroule dans le cadre de l’établissement scolaire et a pour objectif l’acquisition des compétences scolaires fondamentales, a été amplifié et diversifié. Ce dispositif a été renforcé dans le cadre de « vacances apprenantes » afin de permettre l'accueil au sein des écoles et des établissements des jeunes ne quittant pas leur lieu de résidence. Un programme équilibré a été proposé, associant le renforcement scolaire en matinée et les activités sportives et culturelles l’après-midi, ainsi que des mini-séjours et colonies de vacances. Plusieurs formes ont été déclinées : « l’été du pro », adaptation pour les lycées professionnels, et « l’école ouverte buissonnière », qui a permis de soutenir des séjours en zones rurales afin de découvrir un territoire et sensibiliser au développement durable. Cette dernière initiative s’est déployée selon deux modalités : de 2 à 7 jours sous forme itinérante (camp sous tente) ; de 5 à 14 jours dans des locaux mis à disposition par une collectivité (école et internat).

Un effort particulier est réalisé en ce qui concerne les cités éducatives, dont le nombre sera doublé en 2021. Les cités éducatives, mises en place à la rentrée 2019 et dont le développement a été soutenu pendant l’exercice 2020 par un abondement de 31 M€, visent à assurer la coordination entre les acteurs de l’éducation dans les quartiers le plus défavorisés dans des domaines aussi variés que l’enseignement, la petite enfance, la santé, l’action sociale ou encore l’activité des éducateurs. Le dispositif a pour objectif de remettre l’école au cœur de la cité afin d’améliorer les conditions concrètes de l’éducation et de garantir la continuité éducative. En 2020, chaque cité éducative a reçu 350 000 euros du programme 147, auxquels s’ajoutent les financements des collectivités partenaires (30 M€). Plus de 500 000 jeunes de 3 à 25 ans ont été concernés.

Les cités éducatives lancées avant le confinement ont vu leur efficacité reconnue et saluée par les personnes que votre Rapporteur a auditionnées. La coordination entre les différents acteurs de l’éducation que sont les familles, les établissements scolaires, les élus et les associations est au cœur du dispositif des cités éducatives. Elle a une forte valeur ajoutée, notamment dans les périodes difficiles comme celle que nous connaissons. Les personnes auditionnées soulignent notamment le succès de la gouvernance en « troïka », constituée du chef d’établissement, d’un représentant du préfet, et d’un représentant du maire. Bien que leur organisation soit très récente, les équipes pédagogiques et administratives ont été en mesure de tirer pleinement profit des avantages des cités éducatives pour suivre les élèves confinés (financement d’équipements informatiques, fourniture de livres de jeunesse, offre d’activité et de séjours).

Les autres actions éducatives financées par le programme 147 voient leurs moyens conservés ou augmentés : le programme de réussite éducative permet à plus de 85 000 élèves de bénéficier d’un suivi personnalisé par plus de 2 500 équipes de soutien pluridisciplinaire ; la plateforme « Mon stage de 3e » donne accès à 15 000 stages en entreprises et à 15 000 autres proposés par des administrations et agences, hôpitaux et établissements médico-sociaux. La politique de la ville continuera de financer de nombreux programmes touchant au soutien scolaire, à la lutte contre le décrochage, ou encore à la préparation aux concours de la fonction publique dans le cadre de classes préparatoires intégrées.

2.   L’emploi dans les quartiers est fortement accompagné dans un moment économiquement difficile

Le troisième pilier des contrats de ville porte sur le développement de l’activité économique et de l’emploi, qui bénéfice d’une enveloppe de 57,2 millions d’euros en 2021. Ces crédits viennent soutenir les initiatives des collectivités et des associations, là encore en sus des financements de droit commun. Ces crédits permettent le financement des écoles de la deuxième chance, des mesures destinées à l’insertion par l’activité économique ou encore d’encourager l’accès à des formations aux métiers du numérique. En complément, 36,7 M€, soit des crédits en hausse de 12 %, sont inscrits à l’action n° 02 « Revitalisation économique et emploi », afin de financer, hors contrats de ville, des actions complémentaires de revitalisation économique.

Le PLF pour 2021 poursuit l’effort amorcé en augmentant notamment les financements pour les adultes-relais de façon à ouvrir 1 514 nouveaux postes. Ce dispositif vise à favoriser les actions de médiation sociale dans la vie des quartiers. Il concerne l’ensemble des secteurs du quotidien (éducation, transport, tranquillité publique et prévention de la délinquance, culture, accès aux droits et soins, aux services publics, etc.) mais également le développement de la participation des habitants, en relation avec les centres sociaux. Il s’agit d’une solution d’insertion destinée à des personnes de moins de 30 ans résidant dans un QPV et sans emploi ou bénéficiant d’un contrat d’accompagnement dans l’emploi ou d’un contrat d’avenir. L’organisme employeur est une association dans 77 % des cas ou une collectivité territoriale dans 15 % et, une fois sur deux, il compte moins de dix salariés. L’allocation dont il bénéficie au titre de cette embauche est de 19 639,39 euros par an par emploi depuis le 1er juillet 2019.

L’effort en faveur des emplois-relais est ainsi à nouveau augmenté de 10 millions d’euros. Un contingent de 5 000 postes avait d’abord été ouvert sur l’ensemble du territoire. La mobilisation nationale en faveur des quartiers a prévu la création de 1 000 postes supplémentaires par an à compter de 2019. Le PLF y pourvoit en inscrivant 91,5 millions d’euros pour 2021 auxquels s’ajoute une enveloppe de 1,5 million d’euros dévolue au plan de professionnalisation des adultes-relais. Ce plan prend en charge la formation des intéressés pour l’exercice de leur fonction mais également la préparation de leur mobilité en fin de contrat.

Votre Rapporteur se réjouit également de l’augmentation, pour la deuxième année consécutive, des crédits de la subvention en faveur de l’Établissement public pour l’insertion dans l’emploi (EPIDE). Celui-ci voit sa subvention augmentée de 4 M€ en provenance de l’action n° 03 du programme 147, ainsi que de 6 M€ en provenance du programme 102, ce qui aboutit à une hausse de plus de 10 % de ses capacités de financement. Cet établissement, dont le nom officiel demeure l’Établissement public d’insertion de la défense et qui reste rattaché au ministère de la défense, admet des jeunes dans un encadrement de qualité pour les accompagner dans un projet professionnel. Les jeunes qui y sont admis y demeurent huit mois en moyenne, pendant lesquels ils construisent un projet d’insertion sur le marché de l’emploi. Confrontés à une variété de difficultés dont l’absence de ressources et le manque de repères, l’établissement leur apporte diverses formations : perfectionnement linguistique, appropriation des outils numériques, gestion d’un budget, éducation aux valeurs de la République.

Le modèle des centres de l’EPIDE doit continuer de bénéficier de soutiens pour être à même de croître et d’admettre plus de jeunes dans sa dynamique positive. L’établissement accueille actuellement 3 200 volontaires dans ses 19 centres territoriaux. 30 % des personnes accueillies sont en situation de précarité de logement, et toutes sont confrontées à des problèmes financiers. Il est possible, dans l’état actuel et avec des crédits en hausse, d’augmenter progressivement le nombre de jeunes accueillis sans porter atteinte à la qualité de la prestation fournie, et notamment au suivi individualisé dont ils font l’objet. La dynamique de l’établissement est positive : un vingtième centre est en cours d’ouverture à Alès-La Grand Combe (Gard), et d’autres ouvertures sont à l’étude. Selon les retours de l’EPIDE, 60 % des volontaires accueillis connaissent ensuite des sorties positives dans l’emploi ou en formation qualifiante. L’EPIDE constitue aux yeux de votre Rapporteur un exemple réussi d’une approche territorialisée de l’insertion, ses centres étant en lien étroit avec les prescripteurs et le tissu économique local, et il soutient vivement l’effort engagé par l’établissement afin de se faire mieux connaître de ses publics cibles.

Enfin, le Gouvernement a décidé lors de l’exercice 2020 le lancement de vingt « cités de l’emploi », conçues selon le même principe que les cités éducatives, et ayant vocation à mettre en relation tous les acteurs, public et privés, de l’insertion dans l’emploi de façon à favoriser une meilleure entrée dans l’emploi des populations de quartiers prioritaires. Huit de ces cités de l’emploi sont organisées au sein des quartiers d’été.

3.   Le soutien aux associations est amplifié

Votre Rapporteur salue le fonds d’urgence « quartiers solidaires », mobilisation exceptionnelle de 20 millions d’euros supplémentaires mis à la disposition des préfets pour les besoins du dernier trimestre 2020. Cette enveloppe fournit une marge de manœuvre aux acteurs de terrain pour parer aux éventualités d’une période de crise. Elle permettra de financer les associations de proximité œuvrant dans les quartiers prioritaires, qui sont en première ligne depuis le début de la crise sanitaire actuelle.

Les associations ont joué un rôle prééminent tout au long de la crise. Au travers d’actions de soutien scolaire, de distribution d’aide alimentaire, d’ateliers de confection de masques, les associations ont permis de faire vivre le lien social et la fraternité en pleine période de crise. Les associations ont à nouveau répondu présent cet été à l’occasion de l’opération « quartiers d’été » lancée par le Gouvernement.

De nombreux défis restent encore cependant à relever face à la crise sanitaire et économique en cette rentrée. Plus que jamais, les associations seront en première ligne pour amortir les effets de la crise et l’État doit être à leurs côtés pour que la relance soit solidaire. Dans cette optique, le fonds « quartiers solidaires » est destiné en priorité aux associations qui œuvrent dans les domaines cruciaux suivants :

Une priorité sera accordée aux actions en faveur des femmes, dans tous les domaines, et notamment celui de leur insertion professionnelle et de leur accès aux pratiques sportives, culturelles et de loisirs.

Votre Rapporteur appelle à ce que ces financements en faveur des associations de proximité soient pérennisés en 2021, à ce que les associations bénéficiaires s’engagent pleinement à promouvoir et à faire respecter les valeurs de la République, conformément aux volontés énoncées dans le discours prononcé le 2 octobre 2020 par le Président de la République aux Mureaux (Yvelines), et à ce que les parlementaires et les élus locaux soient consultés par les préfets dans l’octroi de ces fonds.

4.   Les autres actions engagées dans le cadre des contrats de ville sont poursuivies

Les crédits inscrits dans le PLF pour 2021 permettront de prolonger les actions soutenues en 2020.

Le développement de l’accès aux soins dans les quartiers prioritaires, qui revêt une importance particulière dans l’époque actuelle, sera poursuivi. La situation des quartiers prioritaires se caractérise par une difficulté à accéder à l’offre de soins et par une forme de renoncement aux soins, constaté chez de nombreux habitants. La politique de la ville peut, dans le cadre des contrats de ville, allouer des ressources complémentaires aux politiques de droit commun : le texte que nous examinons reconduit ainsi l’enveloppe de 10 M€ ouverte en 2019 et destinée à soutenir des investissements dans le domaine de la santé dans les quartiers. Cet effort s’inscrit dans le cadre de la mobilisation nationale pour les habitants des quartiers, qui prévoit le doublement du nombre de maisons et de centres de santé d’ici à 2022, ainsi que le renforcement des mesures de formation des professionnels et d’accompagnement des populations.

De nouveaux bus France Services permettent d’amplifier le développement de l’accès aux services publics dans les quartiers prioritaires. Développé par l’Agence nationale de la cohésion des territoires avec la Banque des territoires (groupe Caisse des dépôts et consignations), le label France Services vise à promouvoir les guichets uniques de services publics, qui soient aussi à l’échelle locale des lieux de vie et de culture. 856 maisons Frances Services, dont 73 sont situées dans les quartiers, sont déployées à ce jours sur le territoire. Les innovations se poursuivent : un appel à manifestation d’intérêt pour des maisons « itinérantes » en juin 2020 a permis de financer les trente premiers bus France Services à destination des quartiers prioritaires. Votre Rapporteur salue ce dispositif innovant qui permettra de garantir un égal accès au droit et au numérique à tous les habitants et appelle à son plus large déploiement en 2021.

En dehors de ces actions, l’action n° 01 du programme 147 reconduit les soutiens à de nombreuses autres mesures d’encouragement au lien social. Elles sont conçues et développées au niveau local par les associations ou encore les centres sociaux, et sont donc extrêmement variées : animations de quartier, accès aux savoirs de base, accès aux droits et aux services publics, actions en faveur de l’égalité femmes-hommes, ou encore sport et loisir. Ces soutiens complètent utilement les politiques de droit commun. Par exemple, à la suite de la mobilisation nationale, a été décidé un plan de développement des équipements sportifs dans 50 quartiers prioritaires et dans les outre-mer, bénéficiant d’une enveloppe de 9 millions d’euros provenant de l’Agence nationale du sport (ANS). Le fonds de participation des habitants (FPH) permet de financer des initiatives locales de participation citoyenne mais également l’animation des conseils citoyens instaurés dans le cadre des contrats de ville. La mobilisation nationale prévoit enfin que le nombre de jeunes issus des quartiers en service civique progressera de 50 % d’ici 2022 pour concerner à terme 25 000 personnes.

B.   la baisse de la dotation en faveur du renouvellement urbain est compensÉE par un engagement renouvelÉ du groupe action logement

1.   La dotation de l’État en faveur du renouvellement urbain est en-deçà de la trajectoire annoncée

En dépit d’un démarrage lent, le nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU) est en voie d’engagement. Ce programme vise en priorité les quartiers les plus en difficulté parmi les quartiers prioritaires, qu’ils aient été ou non concernés par les actions initiées antérieurement au titre du PNRU. Parmi les 1 514 quartiers prioritaires définis par deux décrets du 30 décembre 2014, 216 quartiers d’intérêt national et 264 quartiers d’intérêt régional ont été identifiés pour bénéficier du NPNRU. Avant le premier tour des élections municipales de mars 2020, 85 % des projets avaient été validés, et les fonds apportés par l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU) avaient abouti, avec les partenaires sollicités, à mettre plus de 33 milliards d’euros (Md€) en voie d’engagement.

La dotation de l’ANRU prévue dans le projet de loi actuel est en-deçà de la trajectoire annoncée pour l’engagement de l’État. L’État s’est engagé en 2017 à contribuer au NPNRU à hauteur de 1 milliard d’euros de subventions ([2]), dont 200 millions d’euros de crédits de paiement décaissés au cours de la législature actuelle. Cet engagement n’a pas été respecté l’an dernier, l’action n° 04 du programme 147 ne bénéficiant que de 25 millions d’euros de crédits de paiement dans le PLF pour 2020. La montée en charge du programme était alors annoncée pour les années 2020, 2021 et 2022. L’année dernière déjà, les acteurs s’étaient alarmés de cette dotation à 25 millions d’euros, là où l’État s’était au préalable engagé à apporter 35 millions. Le présent texte prévoit un abondement de l’ANRU à hauteur de 15 M€, ce qui constitue une nouvelle baisse par rapport à la trajectoire annoncée.

La baisse de la dotation n’affecte pas à court terme les capacités financières de l’ANRU, mais les acteurs auditionnés soulignent l’effet-signal négatif envoyé aux partenaires financiers de l’agence lorsque l’État ne répond pas à ses engagements. Les représentants de l’État se fondent sur l’excédent de trésorerie enregistré par l’agence pour mettre en avant l’opportunité d’un décalage de l’abondement de l’État, tout en insistant sur le fait que l’engagement total d’1 Md€ à horizon 2030 n’est pas fragilisé.

 

Engagements au financement de l’ANRU

au titre du NPNRU 2018-2031 (Md€)

Groupe Action Logement

8,8

Bailleurs sociaux :

   -Union sociale pour l’habitat

   -Caisse de garantie du logement locatif social

2,4

    2

   0,4

État

1

TOTAL

12,2

 

2.   Le groupe Action Logement réaffirme son engagement

Le doublement prévu des ressources de l’ANRU pour la conduite du NPNRU repose sur une participation plus élevée du groupe Action Logement et des bailleurs sociaux. À sa création, le NPNRU était doté d’une ressource de                 6 milliards d’euros d’équivalent-subvention sur la période 2014-2024. La loi de finances pour 2018 a organisé le doublement des crédits prévus. À cette fin, deux conventions ont été signées en 2018 par l’État, le 4 avril 2018 avec l’Union sociale de l’habitat, à hauteur de deux milliards d’euros, versés via la Caisse de garantie du logement locatif social, et le 11 juillet 2018, avec Action Logement, également à hauteur de 2 milliards d’euros.

La participation du groupe Action Logement au NPNRU est de 8,82 Md€, soit 72,17 % du total de la capacité de financement dont disposera l’ANRU, en prenant en compte les dispositions actées dans le cadre du plan d’investissement volontaire, qui prévoient que l’intégralité des économies réalisées dans le PNRU alimenteront les engagements du NPNRU. Cette disposition conduit à porter la capacité d’engagement totale de l’ANRU pour le NPNRU à 12,22 Md€. La participation d’Action Logement se décompose à hauteur de 3,30 Md€ de prêts qui sont versés directement par Action Logement Services aux bailleurs sociaux, et de 5,52 Md€ de subventions qui sont versés à l’ANRU.

Les incertitudes liées à l’avenir du groupe Action Logement, financeur majeur, font peser des craintes sur l’avenir des projets de renouvellement urbain. Les représentants de l’ANRU ont rapporté que, quand bien même les grandes lignes des engagements financiers seraient fixées, il demeurerait des hésitations sur la volumétrie finale des opérations. Ces hésitations résulteraient d’inconnues résultant pour les bailleurs sociaux du niveau de la réduction de loyer de solidarité, ou encore de clarifications attendues sur le statut du groupe Action Logement et de sa ressource, la participation des employeurs à l’effort de construction. Il convient de ce fait de stabiliser dans les meilleurs délais l’avenir de cette contribution et du groupe, de façon à améliorer la visibilité des acteurs.

II.   Les programmes de droit commun voient leurs moyens À destination des quartiers amplifiÉS

Les contrats de ville, comme l’ensemble de la politique de la ville, interviennent en complément des politiques dites « de droit commun ». Ces politiques de droit commun, qui dépendent budgétairement de leurs programmes respectifs, apportent souvent un soutien particulier aux quartiers prioritaires dans l’ensemble des domaines d’intervention de l’État et notamment l’éducation, la culture, le sport, ou encore la sécurité.

1.   Dans l’éducation prioritaire, le dédoublement des classes est un succès

Depuis 2017 et en réponse à l’impulsion donnée dans ce sens par le Président de la République, le Gouvernement met en œuvre le dédoublement des classes dans l’éducation prioritaire afin de combattre les difficultés scolaires. Le dispositif, intégralement mis en place en 2020 au sein de tous les réseaux d’éducation prioritaire (REP) et les réseaux d’éducation prioritaire renforcée (REP+), mobilise 10 700 équivalents temps plein (ETP) supplémentaires pour encadrer 300 000 élèves au sein des classes de CP et de CE1 des établissements concernés. Ce dédoublement vient renforcer l’effort fourni depuis 2013 par le biais de l’augmentation des effectifs enseignants. Les élèves scolarisés dans les lycées REP et REP+ avaient en effet bénéficié du déploiement du dispositif « plus de maîtres que de classes » (PDMQC) en CE1 à partir de la rentrée 2013 ([3]).

La totalité des classes de CP et de CE1 en éducation prioritaire (EP) connaissent un maximum de douze élèves à la rentrée 2020. L’extension du dédoublement à la grande section de maternelle en EP, déjà amorcé, s’amplifie à partir de la rentrée 2021. Concentrer les moyens sur les premières années de la scolarité obligatoire en divisant par deux les effectifs de ces classes favorise l’acquisition des fondamentaux et permet ainsi de lutter contre l’échec scolaire qui touche plus fortement les élèves socialement défavorisés. Le dédoublement correspond ainsi à une mesure de justice sociale qui concrétise le principe de donner plus à ceux qui en ont besoin dans les premières années de la scolarité obligatoire. En permettant aux enseignants d’individualiser les apprentissages et d’être au plus près des élèves pour les aider à surmonter leurs difficultés, la mesure vise à garantir à chaque élève l'acquisition des savoirs fondamentaux. De l’avis de toutes les personnes auditionnées, les premiers effets de cette mesure se font déjà sentir sur le niveau des élèves, et donc sur l’attractivité nouvelle des établissements.

L’effort financier sous-jacent à cette montée en puissance de l’éducation prioritaire est très important. Le ministère de l’éducation nationale a consacré 2,1 Md€ à l’éducation prioritaire en 2019, et on prévoit actuellement une allocation constante de crédits consacrés à l’éducation prioritaire pour la période 2020-2021. Du fait du dédoublement des classes, notamment en grande section de maternelle, et de la revalorisation des primes en réseaux d’éducation prioritaire renforcés (REP +), les crédits alloués aux primes augmentent de 28 M€ depuis 2020 et s’établissent à 386 M€.

L’effort se poursuit désormais en direction des classes maternelles. Dans cette optique, les classes de grande section de maternelle vont être dédoublées progressivement. Dès la rentrée 2020, cette mesure, qui a exigé à ce jour le recrutement de 400 équivalents temps plein (ETP) supplémentaires, bénéficie à 10 000 élèves. À terme, la mesure concernera 150 000 élèves grâce au recrutement de 6 000 ETP supplémentaires.

Les primes des enseignants dans l’éducation prioritaire sont revalorisées. L’expérience et la stabilité des équipes pédagogiques exerçant en éducation prioritaire sont des facteurs décisifs pour installer les pratiques pédagogiques les mieux adaptées aux élèves qui y sont scolarisés. L’indemnité pour les enseignants en REP+ était de 2 312 euros bruts en septembre 2015 à sa création. Le Président de la République avait pris l’engagement en 2018 de revaloriser de 3 000 euros nets le montant annuel de l’indemnité, et cet engagement est en voie d’être tenu. Après une première augmentation de 1 000 euros perçue en 2018-2019, les personnels exerçant en REP+ se sont vu octroyer 1 000 euros nets supplémentaires pour l’année 2019-2020 (4 646 euros bruts) et l’effort de revalorisation sera poursuivi après évaluation du dispositif. La dernière tranche (passage à 5 813 euros bruts) sera attribuée selon des critères à définir après évaluation du dispositif. Le différentiel creusé avec l’indemnité pour les enseignants en REP, restée à son montant initial de 2015 (1 734 euros bruts annuels), est aujourd’hui très important.

2.   Les emplois francs sont en voie de généralisation

En dépit d’une diminution constante ces dernières années, le taux de chômage enregistré dans les quartiers prioritaires reste près de trois fois plus élevé que la moyenne nationale (23,4 % en 2018). Deux adultes sur cinq en âge de travailler s’y trouvent à l’écart du marché de l’emploi. La situation est particulièrement grave pour les jeunes de moins de trente ans : leur taux de chômage s’élève en 2018 à 33 % contre 15 % pour les autres quartiers des aires urbaines environnantes. Près d’un jeune sur cinq est inactif sans pour suivre des études ou une formation (7,7 % des unités urbaines englobantes). De surcroît, à niveau de qualification comparable, leurs habitants occupent généralement un emploi moins qualifié que ceux du reste de leur agglomération. Cette situation justifie, au regard des besoins spécifiques des quartiers, un effort particulier, dans le cadre des politiques de droit commun, en faveur de l’emploi dans ces territoires.

À l’issue d’une expérimentation concluante, les emplois francs ont fait l’objet d’une généralisation. Le dispositif avait été expérimenté dans un nombre limité de territoires, d’abord au sein de 194 quartiers prioritaires en 2018 puis au sein de 740 quartiers prioritaires en 2019. À l’issue de cette période expérimentale, achevée en décembre 2019, le décret du 26 décembre 2019 a porté généralisation de la mesure à l’ensemble des quartiers prioritaires du territoire national, à l’exception de ceux situés en Polynésie française, pour une durée initiale d’un an à compter du 1er janvier 2020. Plusieurs modifications au dispositif sont introduites à cette occasion. Le décret étend notamment l’éligibilité de l’aide aux jeunes suivis par une mission locale résidant en QPV mais non-inscrits à Pôle emploi. Il autorise également le cumul de l’aide au titre d’un emploi franc avec des aides mobilisables dans le cadre d’un contrat de professionnalisation au titre d’un même salarié.

Les crédits décaissés ne correspondent pas encore aux objectifs, mais là où il a acquis une renommée suffisante, les effets positifs du dispositif sur l’insertion dans l’emploi sont d’ores et déjà identifiés. Le tableau suivant présente l’enveloppe inscrite en LFI pour ce dispositif, en 2018, 2019 et 2020, ainsi que les crédits consommés en 2018 et 2019. La mesure est imputée sur le programme 103 « Accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi ». L’écart entre les crédits prévus et consommés en 2019 tient à une montée en charge du dispositif plus lente qu’attendue (25 000 contrats éligibles attendus en LFI 2019).

 

Exercice

Crédits budgétés en LFI (en M€)

Crédits consommés (en M€)

AE

CP

AE

CP

2018

180,08

11,72

20,70

3,76

2019

217,42

51,22

27,80

23,22

2020

233,59

79,73

 

 

Le dispositif continue de pâtir d’un déficit de notoriété duquel résulte un moindre impact. La montée en charge ne s’est pas encore totalement produite dans les territoires nouvellement éligibles au dispositif, tandis qu’un phénomène d’apprentissage profite en revanche à ceux pour lesquels l’ancienneté du bénéfice de la mesure est plus grande, comme dans les régions Île-de-France, Hauts-de-France et Provence-Alpes-Côte d’Azur. Cependant, plus globalement, la crise liée à la Covid-19 ralentit la montée en charge du dispositif au niveau national, les secteurs d’activité employeurs d’emplois francs étant particulièrement touchés. Fin mai 2020, le flux hebdomadaire moyen de demandes transmises à Pôle emploi depuis l’entrée en confinement était en baisse de 53 % par rapport au flux hebdomadaire enregistré avant la période de confinement.

L’effort en faveur de l’emploi dans les quartiers repose aussi sur le plan d’investissement dans les compétences (PIC), duquel les habitants des quartiers sont des bénéficiaires particuliers. Dans le cadre de la mobilisation nationale pour les habitants des quartiers, le Gouvernement a annoncé en juillet 2018, entre cette date et 2022, le fléchage de deux milliards d’euros du plan vers le financement de parcours de formation qui doivent bénéficier à 150 000 jeunes sans qualification et à 150 000 chômeurs de longue durée résidant dans les quartiers prioritaires. De façon à être en capacité d’atteindre cet objectif, les habitants des quartiers prioritaires doivent représenter au moins 15 % en moyenne nationale des bénéficiaires des différentes déclinaisons du plan d’investissement.

Le dispositif « 100 % inclusion » concerne fortement les quartiers prioritaires. Dans le cadre du PIC, l’appel à projets « 100 % inclusion, la fabrique de la remobilisation », qui a pour objectif l’expérimentation de nouvelles solutions en matière d’accompagnement vers l’emploi, vise les publics qui en sont très éloignés et notamment les jeunes et demandeurs d’emploi peu ou pas qualifiés, résidant dans les quartiers prioritaires. Cet appel à projets est doté de 200 M€. Sur 195 dossiers reçus, 65 lauréats ont été retenus, qui auront deux à trois ans pour conduire leur expérimentation, en bénéficiant de l’accompagnement d’une équipe de facilitateurs au sein de la direction générale de l’emploi et de la formation professionnelle. Sur les 65 projets lauréats, 13 projets ciblent exclusivement des bénéficiaires résidant dans des quartiers de la politique de la ville.

3.   L’investissement dans la sécurité des quartiers se poursuit

Un effort important a également été consenti en matière de sécurité. La police de sécurité du quotidien, mise en place à partir de 2018, a permis de renforcer les conditions de sécurité par un renouvellement de l’engagement des policiers et des gendarmes sur la résolution des problèmes concrets de la population. Elle se traduit par une nouvelle doctrine d’emploi des forces de sécurité chargées de la prévention de la délinquance, dont les trois axes majeurs sont porteurs d’évolutions considérables. D’une part, la police doit être plus nombreuse et assurer une présence effective et visible sur la voie publique dans les quartiers visés. En deuxième lieu, les procédures de saisine des forces de l’ordre doivent être simplifiées et dématérialisées. Enfin, les partenariats sur le terrain sont à multiplier, de façon à mieux ancrer la police dans les territoires.

Les 60 quartiers de reconquête républicaine (QRR), dont tous recoupent des zones de quartier prioritaire, ont permis de mieux concentrer les territoires d’intervention prioritaire pour la police nationale. En lien avec les objectifs assignés à la police de sécurité du quotidien, les QRR impliquent en premier lieu une augmentation des personnels, entre 10 et 35 effectifs supplémentaires de police ou de gendarmerie étant affectés pour chaque quartier. Les vagues d’ouverture de postes se poursuivent depuis l’entrée en vigueur du dispositif : 326 postes de gardiens de la paix dans 15 quartiers en 2018, 280 postes dans 32 quartiers en 2019, 594 postes prévus dans 13 quartiers en 2020. En outre, chaque QRR se voit doté d’une cellule de lutte contre les trafics (CLT) adaptée à chaque territoire et chaque situation locale.  

De façon complémentaire, le Gouvernement a eu à cœur de réparer le climat de défiance qui s’est durablement installé dans certains quartiers, comme les événements des dernières semaines l’ont illustré, en menant un travail de fond sur les rapports police-population. Le dispositif des délégués à la cohésion police-population (DCPP), créé en 2008 dans le cadre du plan Espoir Banlieue et étendu en 2012 à toutes les zones de sécurité prioritaire, vise à mettre en place des relais entre la population, la police et les acteurs de terrain. Le dispositif est actuellement en cours d’extension à tous les quartiers de reconquête républicaine, comme l’illustre le passage de 151 à 217 DCPP depuis 2017.

D’après les bailleurs sociaux, il est urgent d’intervenir dans la sécurisation du quotidien des habitants des quartiers prioritaires. Les gestionnaires des offices HLM ont ainsi signalé à votre Rapporteur qu’ils devaient parfois recourir à des organismes de sécurité privée pour pallier le manque de policiers à même d’intervenir dans les quartiers. Les agents des gestionnaires d’immeubles sont régulièrement sujets à des agressions verbales, voire physiques, obligeant les bailleurs à les sécuriser. Votre Rapporteur affirme qu’il n’est pas acceptable que les habitants des quartiers prioritaires aient la charge de leur propre sécurité via leurs charges locatives, et appelle à un effort plus soutenu des pouvoirs publics en faveur de la sécurité de ces habitations.

 

 


—  1  —

   seconde PARTIE :
la recherche toujours RenouvelÉe des bons instruments de la mixitÉ SOCIALE

La mixité sociale constitue une des notions les plus souvent invoquées comme un objectif majeur de la politique sociale de la République, et notamment à l’égard des quartiers prioritaires. Elle est mentionnée dès l’article 1er de la loi du 13 juillet 1991 d’orientation pour la ville, premier texte majeur de la politique de la ville, qui explique ses objectifs de la façon suivante : « éviter ou faire disparaître les phénomènes de ségrégation » et « assurer dans chaque agglomération la coexistence des diverses catégories sociales ». Elle continue de former le pilier central des politiques de renouvellement urbain menées depuis la loi du 1er août 2003 d’orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine.

Dans les auditions que votre Rapporteur a menées, les acteurs entendus ont pourtant souligné à plusieurs reprises la difficulté de qualifier précisément autant le résultat attendu de ces politiques que les moyens pour l’atteindre. Dès lors, résulte de cette ambiguïté un réel souci à comprendre les leviers dont dispose la puissance publique pour favoriser cette mixité. C’est pourquoi votre Rapporteur a souhaité d’abord se concentrer sur les dispositifs concrets visant à diversifier la population d’un quartier, fondés le plus souvent sur le revenu des personnes.

I.   les instruments de la mixitÉ sociale peinent À rÉaliser entiÈrement leurs objectifs

A.   la diversification rÉsidentielle a connu des succÈS certains mais limitÉS

La diversification résidentielle constitue le premier levier d’action d’une politique qui vise la mixité sociale, puisqu’elle permet d’agir directement sur la constitution démographique d’un territoire. Comme la plupart des politiques dont le levier d’action principal est l’allocation de logements, elle se fonde exclusivement sur des critères économiques, avec comme principe le mélange des catégories de revenus différentes. De manière stable, la politique de diversification consiste à éviter les concentrations de demandeurs de logement social les plus fragiles dans les quartiers prioritaires, et inversement à appliquer les obligations issues de l’article 55 de la loi du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains, dites « obligations SRU », de manière à créer une offre de logement social accessible pour les ménages modestes, notamment dans les zones tendues, et à y encourager l’établissement de ménages très modestes.

1.   La rénovation des formes urbaines est fondée sur un objectif de mixité sociale qui passe par le changement d’image du quartier

À l’échelle des quartiers prioritaires, la politique de la ville et le renouvellement urbain ont comme objectif principal la diversification de l’habitat. Celle-ci passe notamment par les démolitions-reconstructions de logements sociaux et par les avantages accordés à la construction de logements privés dans les quartiers (cf. infra). À cet égard, le bilan du programme national de rénovation urbaine (PNRU) montre que le taux de logements sociaux au sein des quartiers en rénovation urbaine a diminué de 3,4 points de pourcentage en dix ans entre 2004 et 2014. Cette diminution s’explique, selon les analyses conduites par l’Observatoire national de la politique de la ville (ONPV), par la démolition d’environ 15 % du parc de logements sociaux, et par la construction d’environ 40 000 logements privés, qui doivent attirer des populations différentes.

Le nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU) a vocation, en favorisant la reconstruction hors site, à amplifier ces tendances. L’instrument principal pour y parvenir est l’obligation, inscrite dans le règlement général de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANCT), approuvé le 25 mai 2018 par son conseil d’administration, de reconstruire entièrement les logements sociaux démolis hors site et en dehors du quartier prioritaire, sauf dérogation. Cette nouvelle disposition doit engendrer une accélération et une amplification des projets en matière de mixité de l’habitat, en finançant davantage les démolitions et les reconstructions de logements sociaux en dehors des quartiers.

Les dérogations à cette règle concernent notamment certains quartiers prioritaires composés presque intégralement de copropriétés dégradées. Dans ces conditions, le remplacement d’habitations privées par des logements sociaux, mieux entretenus par les bailleurs qui en ont la charge, est à même, en faisant évoluer, parfois de façon radicale, l’image du quartier, de le redynamiser et d’y attirer de nouveaux publics.

Certains élus souhaiteraient que les quartiers prioritaires de la politique de la ville soient tous en position d’accueillir des investisseurs Pinel. Ce type d’habitations conventionnées permet de fournir des logements locatifs à des prix inférieurs au marché privé. Ces logements sont en effet caractérisés, soit par des prix maîtrisés, avec un niveau de loyer intermédiaire entre celui du parc social et celui du parc privé non conventionné, soit par un prix d’acquisition inférieur à celui du marché. Dans la période actuelle, la construction de logements locatifs intermédiaires peut jouer un rôle particulièrement important en ce qu’elle permet notamment aux jeunes ménages actifs, particulièrement touchés par la crise, de se loger dans les grandes villes. La généralisation du dispositif Pinel à tous les quartiers prioritaires pourrait donc être à même de participer à la diversification de l’habitat et à l’attraction de nouveaux investisseurs. Votre Rapporteur suggère un retour d’expérience, notamment des investisseurs, sur les quartiers ayant déjà bénéficié de ce dispositif.

Votre Rapporteur appelle les bailleurs sociaux à étudier les potentiels de surélévation de leur parc immobilier. Au-delà des avantages de ces opérations en termes de lutte contre l’étalement urbain et l’artificialisation des sols, elles peuvent permettre un renouveau architectural, à même, si les nouveaux logements construits sont de typologie différente du parc existant, d’accroître la mixité sociale. Elles permettent également d’autres actions concomitantes, comme le financement de travaux de rénovation énergétique ou l’encouragement de l’accession à la propriété.

Votre Rapporteur souhaite en effet voir davantage favorisées les nouvelles formes d’accession dans les quartiers. Ces formes innovantes, dont les baux réels solidaires, créées à l’occasion de la loi du 24 mars 2014 pour l'accès au logement et un urbanisme rénové (ALUR), sont un exemple intéressant, permettent d’amplifier le nombre de ménages qui entament une trajectoire vers l’accession, tout en valorisant le parc social d’une façon nouvelle. Ces baux constituent à ce titre un instrument privilégié de mixité sociale, car une offre en accession réelle solidaire dans les quartiers prioritaires est susceptible d’y attirer de nouveaux publics.

2.   L’accession à la propriété, fortement encouragée dans les quartiers, est un levier privilégié de la diversification

Le principal avantage actuellement accordé pour inciter à la construction de logements privés dans les quartiers est la réduction du taux de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) à 5,5 % pour les opérations d’accession à la propriété. Cet avantage, en réduisant les prix de vente des logements au bénéfice des acquéreurs, rend attractive la construction de logements privés dans les quartiers prioritaires et permet des parcours résidentiels positifs pour certains ménages. L’application, dès 2006, de la TVA à taux réduit dans l’ensemble des zones urbaines sensibles ayant bénéficié d’un projet de rénovation urbaine (dites « zones ANRU »), a permis le développement de nombreuses opérations de logements dans ces territoires et à leur périphérie immédiate.

L’extension du périmètre d’application de cette réduction fiscale à l’entièreté du territoire des quartiers prioritaires et à leurs environs, décidée dans le cadre de la loi du 21 février 2014 de programmation pour la ville et la cohésion urbaine, a permis d’intensifier la dynamique nationale engagée dans ce domaine depuis 2006. Ce taux réduit de TVA s’applique en effet depuis le 1er janvier 2015 dans les 1 514 quartiers de la politique de la ville, ainsi que dans une bande de 300 mètres à leur pourtour. Depuis 2018, une différentiation a été introduite en faveur des quartiers bénéficiant d’une convention de renouvellement urbain dans le cadre du NPNRU, au titre des projets d’intérêt national et régional. Pour ces quartiers, le taux réduit de TVA s’applique dans un périmètre de 500 mètres.

Certains acteurs présentent le taux réduit de TVA pour l’accession à la propriété comme n’étant pas suffisant pour attirer des investisseurs privés. Lorsque des investissements privés sont réalisés, ils sont régulièrement placés en frange des quartiers, là où leur potentiel de mélange populationnel est le plus faible. Certains acteurs pointent également les difficultés des investisseurs à trouver un nombre suffisant d’acquéreurs en vente en état futur d’achèvement (VEFA), étape nécessaire pour obtenir des garanties bancaires. Les acquéreurs demeurent souvent hésitants par rapport à leurs perspectives en matière de retour sur investissement lorsqu’il s’agit d’opérations dans ces espaces.

3.   Les critères d’attribution de logements sociaux constituent depuis 2017 l’approche privilégiée pour renforcer la mixité sociale

Les critères d’attribution sont utilisés de deux façons différentes pour promouvoir la mixité sociale, d’une part dans les quartiers prioritaires (taux obligatoire de ménages intermédiaires parmi les attributaires), et d’autre part en-dehors des quartiers (taux obligatoire de ménages fragiles, cf. infra).

La mixité au sein des quartiers prioritaires dépend de la mise en œuvre de la réforme des politiques d’attribution de logements sociaux. Ce mouvement, engagé depuis la loi du 21 février 2014 de programmation pour la ville et la cohésion urbaine et poursuivi par la loi du 27 janvier 2017 relative à l’égalité et à la citoyenneté, a abouti avec la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (ELAN). La loi relative à l’égalité et à la citoyenneté prévoit un pilotage intercommunal des attributions et la contractualisation des engagements de chaque acteur impliqué (bailleurs sociaux, collectivités territoriales, réservataires, État) en vue du respect du droit au logement et des équilibres territoriaux.

Le législateur a voulu augmenter la proportion de ménages aux ressources intermédiaires s’installant dans des quartiers prioritaires. L’article 70 de la loi relative à l’égalité et à la citoyenneté prévoit ainsi que 50 % des attributions de logements sociaux au sein des quartiers prioritaires sont réalisées au bénéfice des ménages appartenant aux trois quartiles supérieurs de revenus. Les dispositions de la loi ELAN, qui sont d’application immédiate, ont renforcé encore ce dispositif, en imposant l’impossibilité de moduler à la baisse ce taux obligatoire.

La mise en œuvre de cette réforme reste cependant inaboutie et des interrogations demeurent sur le taux adopté. Si elle doit permettre de renforcer le rééquilibrage territorial, la réforme est dépendante de l’adoption au niveau local des conventions intercommunales d’attributions (CIA) et d’une transformation des pratiques des acteurs, qui n’ont pas encore eu lieu. Du reste, l’évolution observée induit un questionnement sur le taux adopté : la part nationale moyenne des attributions en quartier prioritaire aux ménages des trois quartiles supérieurs est de 73,9 % en 2019 contre 76,6 % en 2018. Malgré cette légère baisse, l’objectif de 50 % d’attribution de logement aux trois derniers quartiles est donc largement atteint. Dans ce cadre, l’objectif pourrait paraître insuffisamment ambitieux et il serait intéressant d’étudier l’opportunité de le rehausser.

4.   Une structure pleinement consacrée à la mixité sociale : l’association Foncière Logement

La réussite d’un projet de rénovation urbaine suppose au sein du quartier une diversification des fonctions et de l’habitat qui incombe à une filiale du groupe Action Logement, l’association Foncière Logement (AFL). L’association a la charge de mettre en œuvre une partie des contreparties foncières dans le cadre des programmes de renouvellement urbain. Ces résidences sont la plupart du temps construites par des promoteurs dans le cadre de contrats de promotion immobilière ; les logements se caractérisent par leurs qualités architecturales et environnementales. Les logements ne sont pas conventionnés, leur loyer étant fixé librement en fonction du marché locatif local Elle réalise du logement locatif privé à prix maîtrisés, avec pour objectif d’amener des ménages salariés au cœur des quartiers prioritaires, afin d’y favoriser la mixité sociale.

L’association constitue une offre locative originale qui se distingue par ses caractéristiques et la qualité des logements produits, et doit permettre d’attirer des profils socioéconomiques avec des ressources plus élevées que la moyenne du quartier. Les logements sont gardés en patrimoine par l’association, de manière pérenne, pour porter une offre de logements locatifs attractive en appui à la politique de l’habitat des collectivités. À terme, le patrimoine immobilier ainsi constitué est transféré gratuitement aux régimes de retraite complémentaire des salariés du secteur privé (AGIRC et ARRCO).

Cependant, en dépit de la bonne volonté affichée et des moyens alloués, la conduite du PNRU a montré que la mixité sociale, selon les mots des représentants du groupe Action Logement, ne se décrète pas. Les conditions de réussite se préparent à toutes les phases du projet, et une focalisation est particulièrement importante à certains égards :

        la qualité du projet urbain qui sous-tend les logements produits et sa capacité à transformer le quartier en l’insérant mieux dans son environnement ;

        la programmation en logement doit, dès le départ, porter l’ambition de la mixité sociale dans toutes ses composantes : contreparties AFL, programmes d’accession sociale et programmes d’accession privée portés par des promoteurs

        une adaptation aux rythmes locaux : le lancement précoce de nouveaux programmes peut être voué à l’échec dans la commercialisation ;

        une qualité élevée des produits logements proposés en diversification, avec des superficies avantageuses et des prix attractifs ;

        une coordination particulièrement étroite avec les collectivités territoriales en charge de la conduite générale du projet.

À ce jour, l’association Foncière Logement a livré plus de 12 000 logements dans le cadre du programme national de rénovation urbaine, et continue de s’engager dans le cadre du nouveau programme national de renouvellement urbain. L’association et les entreprises sociales de l’habitat du groupe Action Logement ont livré 5 300 logements entre 2004 et 2014, et quelques 7 500 logements ont été livrés depuis 2015 ou sont en cours de livraison au titre du PNRU. 2 900 logements sont actuellement en phase d’études. 

B.   Le renouvellement urbain n’a pas suffisamment amÉliorÉ les services et Équipements publics

1.   L’effort sur le bâti, notamment scolaire, aboutit à un meilleur cadre de vie qui peut permettre un changement d’image

Dans le cadre du programme national de rénovation urbaine, un effort conséquent a été produit en vue d’améliorer la qualité des équipements publics. Cette amélioration est vue comme complémentaire de l’action de requalification mené sur le bâti à vocation d’habitat et sur l’aménagement des espaces urbains, le tout devant participer d’un renouvellement global du cadre de vie permettant une meilleure image du quartier.

Parmi les actions prises pour améliorer la qualité des équipements, l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU) a été amenée à centrer ses efforts sur l’école. Elle a considéré l’offre scolaire comme « un élément contribuant à l’attractivité du quartier et à la stratégie urbaine d’ensemble », selon les mots de l’agence. De ce fait, l’offre scolaire a été abordée sous l’angle de l’aménagement urbain, de l’offre immobilière et de la qualité du bâti, de façon à proposer un cadre de vie favorable aux apprentissages et au bien-être des élèves. La mixité sociale constitue un élément central de cette réflexion, dans le sens où la régénération de l’offre scolaire est supposée contribuer à l’attractivité exercée par le quartier sur des populations nouvelles et notamment plus aisées. L’ANRU souligne ainsi que « l’intervention sur l’offre scolaire et éducative constitue un levier pour l’attractivité du quartier, contribuant à la fois à la requalification de son cadre de vie, à la mixité sociale de sa fréquentation et à son changement d’image ». Ces opérations sur le bâti scolaire demeurent cependant des actions envisagées comme complémentaires, intervenant au cours de la mise en œuvre des projets de renouvellement urbain et à la faveur d’opérations de diversification de l’habitat.

L’approche de la mixité sociale en termes d’amélioration de la qualité du bâti scolaire a produit des résultats concrets. Un exemple concerne un projet de renouvellement urbain portant sur le secteur de la Vigne blanche aux Mureaux (78). Un équipement éducatif transversal, le pôle éducatif Molière, est créé, regroupant une école élémentaire et maternelle et un centre social. L’offre de services est élargie, avec une crèche, une ludothèque, un restaurant scolaire, des activités associatives. Le pôle a permis notamment d’élargir la fréquentation du quartier aux habitants d’autres secteurs de la commune en renouvelant son image.

2.   Un paradoxe : des services du quotidien plus nombreux mais des services essentiels lacunaires

Les quartiers prioritaires ne sont pas dépourvus de services du quotidien. En dépit d’une impression fréquente du contraire, selon l’Observatoire national de la politique de la ville ([4]), les habitants des quartiers prioritaires ont une meilleure accessibilité aux équipements et services du quotidien en moins de quinze minutes de marche que ceux des autres quartiers de leurs agglomérations. Sept familles d’équipements ont été étudiées dans le cadre de cette analyse : la santé, le sport, la culture, les commerces alimentaires non spécialisés, les boulangeries, les points de contact de La Poste ainsi que les points d’accueil du Défenseur des droits.

Cependant, les services essentiels assurés par l’État sont demeurés longtemps lacunaires dans certains quartiers. Ainsi, selon le rapport réalisé pour le comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques par les députés MM. François Cornut-Gentille et Rodrigue Kokouendo en mai 2018 ([5]), une analyse détaillée des effectifs des services de l’État dans certains territoires révèle une absence de stratégie de gestion des ressources humaines au regard des réalités des besoins de chaque territoire. Ainsi le tribunal d’instance d’Aubervilliers compte-t-il deux fois moins de magistrats que les tribunaux d’instance parisiens voisins aux ressorts comparables. De la même façon, en ce qui concerne la répartition des effectifs de la direction générale de la police nationale, la ville de Saint-Denis compte 1 policier pour 464 habitants, alors que le 18e arrondissement de Paris, moins criminogène, en compte 1 pour 315 habitants.

Le même rapport interroge également les services publics présents dans certains quartiers prioritaires du point de vue de leur qualité. Au-delà des considérations d’ordre quantitatif, le rapport questionne aussi la qualité des recrutements en Seine-Saint-Denis, qui se révèlent souvent être des fonctionnaires novices ou recrutés par voie de concours complémentaires, ne garantissant pas toujours le même niveau de formation et de compétences qu’ailleurs. D’autres carences sont relevées dans le cas de la police judiciaire, pourtant indispensable au démantèlement des trafics qui caractérisent les quartiers prioritaires.

Ces constats révélateurs appellent un rééquilibrage des capacités de l’État au profit des quartiers prioritaires. Celui-ci a été amorcé sous l’impulsion du Président de la République avec l’effort en faveur de l’éducation et de la sécurité dans les quartiers prioritaires. Ce n’est qu’au prix d’un effort considérable en matière de qualité de ces services de l’État que ces quartiers peuvent bénéficier, à terme, d’une image moins défavorable auprès des populations, qui permettrait à son tour d’y attirer des populations moins défavorisées ou d’y maintenir les personnes vivant une trajectoire d’ascension sociale.

II.   UNe approche transversale est aujourd’hui privilÉgiÉe mais la place des quartiers doit encore être interrogÉe

A.   l’approche actuelle de la mixitÉ sociale est caractÉrisée par une volontÉ de transversalitÉ

1.   Le contrat de ville est emblématique d’une approche multidimensionnelle de la mixité sociale

Au-delà de la politique du logement, les autres composantes de la politique de la ville contribuent fortement à l’amélioration de la mixité sociale au sein des quartiers. La focalisation du programme national de rénovation urbaine (PNRU) sur la diversification de l’habitat et du bâti a été vue, malgré les succès relatifs auxquels elle a abouti dans certains territoires, comme excessivement restreinte. Les acteurs auditionnés par votre Rapporteur ont été unanimes à souligner l’importance, en vue d’une politique réussie de mixité sociale, de combiner les approches afin d’attaquer le problème par une multiplicité de leviers.

Pour parvenir à attirer des populations aux profils diversifiés dans les quartiers, plusieurs facteurs doivent en effet être réunis. Les acteurs de la politique de la ville ont eu conscience de cette nécessité dès 2004, les efforts menés se situant dès l’origine dans une dynamique nettement transversale. Il apparaît néanmoins que ces acteurs avaient moins conscience que la diversification de l’habitat ne peut à elle seule porter les autres transformations. La conclusion s’est imposée au fil des années qu’il est nécessaire de mener simultanément des actions spécifiques à chaque vecteur de politique publique de façon à atteindre de façon concomitante les objectifs suivants, qui ne peuvent être isolés les uns des autres :

        une offre scolaire répondant aux besoins des familles, en termes de qualité du bâti, de programmation scolaire et d’ambiance de travail ;

        des équipements et commerces diversifiés et attractifs ;

        une gestion urbaine de proximité efficace ;

        et surtout, une sécurité quotidienne assurée.

Le contrat de ville est envisagé dès la loi de 2003 comme le support des actions permettant d’agir dans ces différents domaines, via notamment des dispositifs spécifiques et la mobilisation des politiques de droit commun. La question de la mixité scolaire constitue un enjeu fort dans de nombreux quartiers, y compris ceux ayant fait l’objet du PNRU. À ce titre, une attention particulière est portée au fait qu’un véritable projet scolaire soit mis en place dans le cadre d’un projet de renouvellement urbain.

Les enjeux de mixité renvoient également à la question de la mobilité dans et vers les quartiers. Concernant ce point, la politique de la ville agit également en faveur de l’amélioration de la desserte des quartiers mais aussi pour créer des espaces et des occasions de rencontre entre les habitants des quartiers prioritaires et ceux d’autres secteurs des agglomérations. La politique culturelle peut par exemple permettre un brassage de populations, via l’organisation de manifestations attractives dans les quartiers ou de sorties culturelles en dehors des quartiers à destination des habitants.

2.   La mobilisation nationale en faveur des habitants des quartiers renforce l’attachement à cette approche multidimensionnelle

La mobilisation nationale en faveur des habitants des quartiers, décidée par le Président de la République en 2018, prévoit plusieurs mesures à même de favoriser la mixité : le jumelage des institutions culturelles avec les quartiers, l’expérimentation des cités éducatives ou encore le développement de l’accès au permis de conduire. La mobilisation affiche l’objectif de renforcer la mobilité sociale par une action simultanée sur une diversité de leviers de politiques publiques :

        des impulsions nouvelles apportées dans les domaines sensibles de l’éducation prioritaire et de la sécurité ;

        la meilleure répartition de l’offre de logements sociaux, ainsi qu’une attribution mieux pilotée aux ménages ;

        l’amplification de l’effort en faveur de la mobilité des populations des quartiers prioritaires, en particulier au moyen de l’action sur les réseaux de transport, à l’image du réseau francilien Grand Paris Express ;

        une nouvelle impulsion apportée à la politique de renouvellement urbain, sans apport financier supplémentaire de l’État cependant, par le biais de la renégociation avec les partenaires, et notamment le groupe Action Logement.

En parallèle de ces ambitions renouvelées et conformément aux dispositions annoncées dans le cadre du pacte de Dijon avec les collectivités territoriales, l’État s’est engagé dans un effort de territorialisation des politiques de droit commun relevant au premier chef de sa compétence, à commencer par la sécurité et l’éducation, ce qui permet une meilleure appréhension au niveau local des enjeux de l’attractivité du territoire, qui constitue un levier privilégié de l’amélioration de la mixité sociale.

Aussi l’effort en faveur de l’éducation est-il salué comme contribuant fortement à la réputation des établissements, à l’attractivité des quartiers et donc à la mixité sociale. En premier lieu, le dédoublement des classes élémentaires de CP et de CE1, amorcé dès la rentrée 2017, décrit dans la première partie de ce rapport, s’est poursuivi dans les années qui ont suivi. La totalité des personnes que votre Rapporteur a auditionnées ont salué le succès de cette mesure et souligné son importance pour les populations des quartiers prioritaires et pour la réalisation d’une meilleure mixité. L’accompagnement financier et technique de l’État pour la réalisation des travaux nécessaires au dédoublement des classes, par le biais de la dotation politique de la ville (DPV) ou de la dotation de soutien à l’investissement local (DSIL), est fortement apprécié des collectivités.

Un effort important a également été consenti en matière de sécurité, qui constitue pour de nombreuses personnes auditionnées la condition préalable nécessaire à toute mixité sociale. La police de sécurité du quotidien (PSQ) joue un rôle dans le renforcement des conditions de sécurité et, partant, dans l’amélioration de la tranquillité publique. Des augmentations d’effectifs ont été mis en œuvre du fait de la PSQ ainsi que de la mise en place des soixante quartiers de reconquête républicaine (cf. effectifs précis dans la première partie du rapport). En parallèle, les délégués à la cohésion police-population contribuent à la reconstruction du lien entre les forces de police et la population, ce qui peut participer, dans les cas où cette initiative rencontre le succès, de l’ambiance de sécurité et de tranquillité.

B.   la place des quartiers continue d’Être ambiguË

1.   Le quartier prioritaire, un « sas d’intégration » ?

Votre Rapporteur a largement interrogé les personnes auditionnées quant au rôle que jouent les quartiers prioritaires dans le parcours social de leurs habitants. Certains évoquent « l’assignation à résidence », dénoncée également par le Président de la République, qui peut faire de ces quartiers des « ghettos » ou des « nasses » dont on ne sort pas. Ainsi notamment, d’après un rapport de l’Observatoire national de la politique de la ville (ONPV) réalisé en 2017, la mobilité des 19-35 ans en particulier est-elle plus faible dans les quartiers prioritaires, avec une moindre mobilité particulièrement prononcée (4 points de pourcentage) pour les 26-35 ans quand on compare leur mobilité avec celles des populations des unités urbaines environnantes ([6]). Ce phénomène a pu conduire certains sociologues à évoquer une « mobilité différée » pour les jeunes des quartiers ([7]), qui ne suivraient pas les mêmes parcours résidentiels que les habitants des autres territoires.

D’autres spécialistes préfèrent la notion du « sas d’intégration » pour décrire la place des quartiers prioritaires dans le parcours des personnes. L’étude de l’ONPV précédemment citée fait ainsi l’hypothèse que les quartiers prioritaires abritent les personnes en difficulté jusqu’à ce que leurs situations s’améliorent, moment auquel elles déménagent dans un autre quartier. Les ménages qui quittent les quartiers prioritaires se caractérisent en effet en général par une stabilité familiale et professionnelle supérieure à la moyenne dans ces quartiers. Inversement, les ménages qui arrivent sont majoritairement plus pauvres que ceux qui y vivent déjà et que les sortants. Ainsi, en se fondant sur les chiffres des allocations sociales, il est possible de conclure que les allocataires qui arrivent dans les quartiers sont plus précaires que ceux qui y vivent et ceux qui en sortent. En 2015, 31 % des entrants sont bénéficiaires du revenu de solidarité active, contre 25 % de la population stable et 27 % des sortants.

Votre Rapporteur appelle néanmoins à ne pas se satisfaire d’une fonction de « sas », qui est insatisfaisante pour les habitants des quartiers prioritaires. Les pouvoirs publics ne peuvent en effet pas se contenter d’un système qui contribue à l’appauvrissement continu de ces quartiers. Nous devons éviter la sédimentation des populations dans nos villes, qui peut aboutir à transformer certains quartiers en « ghettos de pauvres », tandis que d’autres deviennent symétriquement des « ghettos de riches ». L’objectif de la politique de la ville doit bien plutôt être celui de permettre aux habitants des quartiers prioritaires de s’y épanouir et de souhaiter y demeurer, sans quoi la volonté qui guide depuis plus de vingt ans les efforts engagés pour y renouveler le tissu urbain et y améliorer les services n’a pas de sens.

2.   L’importance de la mixité sociale en dehors des quartiers

Votre Rapporteur estime que la politique visant à favoriser la mixité sociale au sein des quartiers prioritaires doit absolument être accompagnée d’une action sur la mixité sociale sur le reste du territoire, menée notamment par le développement d’une offre sociale ambitieuse et par le développement de nouvelles solutions d’habitat permettant l’accession à la propriété de personnes modestes.

La politique de l’offre de logement vise à répondre, partout sur le territoire, à la demande de logements sociaux par deux leviers : l’augmentation du volume de l’offre d’une part, et le rééquilibrage territorial de cette offre d’autre part. À ce titre, les obligations fixées par l’article 55 de la loi du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains (SRU) ont contribué au premier levier, puisqu’on constate un doublement de la production de logements sociaux depuis 2001. Le bilan SRU 2014-2016 montre, avec près de 190 000 logements sociaux financés ou mis en service sur cette période, que la production est en hausse de 35 % par rapport à la période triennale précédente.

Le législateur a décidé, il y a deux ans, des dispositions visant à faciliter l’accès des ménages aux faibles revenus au logement en-dehors des quartiers prioritaires, de façon à éviter la formation de poches de pauvreté. L’article 70 de la loi relative à l'égalité et à la citoyenneté prévoit que 25 % des attributions de logements sociaux en dehors des quartiers prioritaires sont réalisées au bénéfice des ménages appartenant au premier quartile de revenus. Afin de faciliter encore l’attribution de logements sociaux aux ménages les plus modestes en prenant mieux en compte leur capacité financière, les dispositions de la loi ELAN ont ouvert en outre la possibilité aux bailleurs sociaux de mettre en place, à titre expérimental, et pour une durée de cinq ans, une politique de loyers dérogatoire leur permettant de fixer les loyers des nouveaux baux conclus avec les ménages les plus modestes, indépendamment du mode de financement d’origine des logements.

Les organismes de logement social soulignent cependant la difficulté de la mise en œuvre et de l’évaluation adéquates de cette mesure. Les statistiques qui permettent de piloter cet indicateur sont issues du système national d’enregistrement (SNE), au sein duquel aucun contrôle n’est effectué quant à la fiabilité des revenus déclarés par les demandeurs. L’exactitude des renseignements à disposition pose donc question De nombreux acteurs témoignent de la faible fiabilité des données individuelles, et par conséquent des niveaux de quartiles retenus, ce qui pose un enjeu considérable pour l’atteinte de l’objectif fixé par le législateur. Une autre difficulté concerne le champ de la mesure, qui ne s’applique qu’aux seuls organismes HLM, et non pas aux autorités réservataires (collectivités, préfets), qui disposent pourtant du droit de désigner un nombre important, parfois la majorité, des candidats à l’attribution d’un logement social.

En dépit de ces difficultés, l’évolution des statistiques d’attribution de logements sociaux valide partiellement les mesures adoptées. En moyenne nationale, le pourcentage d’attributions de logements sociaux aux demandeurs du premier quartile, hors QPV, est en hausse en 2019. Il atteint en effet 15,9 % de l’ensemble des attributions, tous quartiles confondus, hors quartiers, contre 14,2 % en 2018 et 16,5 % en 2017. Bien que l’objectif de 25 % d’attributions hors quartiers ne soit donc toujours pas atteint, la tendance à la hausse va dans le sens de l’objectif de mixité sociale.

Le Gouvernement a souhaité cibler encore davantage son objectif de mixité sociale en encourageant l’installation de ménages à faibles ressources dans les quartiers non prioritaires. Afin d’y développer l’offre de logement très social, les différents partenaires du Fonds national des aides à la pierre (FNAP) portent un objectif de financement annuel de 40 000 prêts locatifs aidés d’intégration (PLAI) en dehors des quartiers. Ces prêts permettent de financer, avec des taux d’intérêt plus bas que ceux qui s’appliquent aux prêts locatifs à usage social et aux prêts locatifs sociaux, des programmes de logements sociaux à destination de ménages très modestes.

Enfin, l’association Foncière Logement (AFL), dont les actions en faveur de la mixité dans les quartiers ont déjà été évoquées, a également pour rôle de promouvoir la mixité sociale sur le reste du territoire, notamment par la mise à disposition de logements à loyers conventionnés dans les communes concernées par les obligations SRU mais qui ne remplissent pas leurs obligations de logement social. Dans ces communes, l’AFL acquiert auprès des opérateurs publics et privés des logements qu’elle a vocation à louer dans le cadre d’un conventionnement avec l’État ouvrant droit au versement de l’aide personnalisée au logement (APL) pour le locataire. Elle est obligée d’accueillir des ménages en fonction de critères de ressources précis, selon la répartition suivante donnant lieu à des plafonds de loyers différents : au moins un tiers de ménages ayant des revenus inférieurs à 60 % du plafond d’un logement social en prêt locatif à usage social (PLUS) ; un tiers de ménages aux revenus compris entre 60 % et 100 % du plafond PLUS ; au maximum un tiers de ménages aux revenus compris entre 100 % et 130 % du plafond PLUS.

3.   Il est primordial de disposer de données fiables pour mener des politiques publiques mieux ciblées

Disposer de statistiques complètes et d’informations fiables sur les quartiers prioritaires constitue un préalable indispensable à la réalisation effective des politiques publiques afférant à ces quartiers. De fait, les auditions de votre Rapporteur ont permis de mettre à jour les difficultés qu’éprouvent les services de l’État pour assurer un suivi sur le long terme des populations des quartiers prioritaires qui permettent de tirer des enseignements suffisamment riches pour constituer des bases de travail. Les outils quantitatifs qui sont le pilier de tout travail de compréhension des problèmes manquent. Le Rapporteur appelle les administrations publiques et les autres acteurs, parmi lesquels les bailleurs sociaux, à mieux partager les informations en vue de permettre une meilleure appréhension des problématiques de ces quartiers.

Votre Rapporteur tient à saluer le travail réalisé par l’Observatoire national de la politique de la ville (ONPV), dont les moyens devraient être renforcés. Bien que l’ONPV, qui est organiquement et financièrement rattaché à la nouvelle Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT), produise des études pertinentes pour la mise en place de politiques publiques, études qui ont considérablement enrichi les travaux du Rapporteur et dont il souhaite saluer la qualité, les moyens qui lui sont alloués ne semblent pas suffisants pour appréhender intégralement les problématiques des quartiers prioritaires. Ces moyens semblent également avoir diminué depuis la fusion de l’Observatoire national des zones urbaines sensibles (ONZUS) et du comité d’évaluation et de suivi (CES) de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine. En dépit de ces évolutions défavorables, les travaux de cet observatoire, et notamment son rapport annuel, sont particulièrement éclairantes pour nos politiques publiques. Votre Rapporteur appelle à un renforcement des moyens humains et financiers de cette structure, ainsi qu’à une réflexion au sujet de son positionnement au sein de l’ANCT. Le Rapporteur estime que les délibérations parlementaires pourraient être enrichies à l’avenir par des travaux produits par un observatoire organiquement indépendant des administrations chargés de la mise en œuvre des politiques publiques.

 

 


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Examen en commission

Au cours de sa réunion du mercredi 21 octobre 2020, la commission des affaires économiques a examiné pour avis, sur les rapports de de Mme Stéphanie Do (Logement) et M. Jean-Luc Lagleize (Ville) et les crédits de la mission « Cohésion des territoires ».

M. Jean-Luc Lagleize, rapporteur pour avis. Les populations des quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) ont connu ces derniers mois, davantage encore que la plupart des Français, des circonstances hors du commun et particulièrement difficiles. La crise sanitaire a eu un impact démesuré sur les ménages les plus pauvres, le confinement s’avérant pénible dans les appartements exigus. Elle a souligné les inégalités socioéconomiques et la fracture numérique. Elle a aggravé le risque de décrochage scolaire – il est compliqué de suivre une scolarité à distance dans une pièce surpeuplée, lorsque l’ordinateur, quand il existe, doit être partagé et que l’on ne peut s’offrir un abonnement à internet.

Pour faire face à ces besoins exceptionnels, le Gouvernement a augmenté fortement les financements. Ces efforts sont poursuivis dans le PLF pour 2021 ; l’engagement total au titre du programme 147 progresse de 10 %.

Le Gouvernement a montré sa détermination à lutter contre le décrochage. Plus de 100 millions d’euros ont été débloqués en cours d’année dans les lois de finances rectificatives successives, au titre du programme 147, afin d’affronter les difficultés pédagogiques nées du confinement. Ainsi, des dizaines de milliers de tablettes ont été distribuées. Le plan « quartiers d’été », qui sera prolongé à l’automne, a permis d’assurer une continuité éducative pendant l’été. Avec les « vacances apprenantes », de très nombreux jeunes des quartiers sont partis dans des colonies de vacances intégrant une dimension pédagogique.

Le PLF prévoit aussi le doublement du nombre des cités éducatives. Cette initiative repose sur une meilleure coordination entre les acteurs de l’éducation dans l’enseignement, l’action sociale et la santé. Elle permet aux familles et aux associations de mieux dialoguer avec les administrations, les élus et les préfets.

Les quartiers prioritaires connaissent un taux de chômage proche de 25 %. La crise a aggravé la fragilité économique de leurs habitants, notamment les jeunes. Pour les soutenir, le Gouvernement organise la massification du dispositif des adultes-relais, dispositif de médiation sociale dans les quartiers, avec 10 millions supplémentaires, soit une hausse supérieure à 10 %.

Je me réjouis de l’augmentation de plus de 10 % du financement de l’Établissement pour l’insertion dans l’emploi (ÉPIDE), un modèle d’action d’insertion. Ses 19 centres locaux, bientôt 20, accueillent 3 200 jeunes issus de milieux défavorisés et souvent précaires, pour leur offrir un accompagnement personnalisé et un encadrement de qualité dans leur orientation professionnelle.

Je veux aussi souligner la mobilisation exceptionnelle de financements en faveur du milieu associatif. Un fonds d’urgence baptisé « quartiers solidaires » a été créé auprès des préfets et abondé de 20 millions d’euros pour accompagner les actions à mener d’ici la fin de l’année 2020.

Je dois rappeler que l’ensemble des mesures prises à l’échelle de l’État à destination des quartiers dépasse largement le périmètre du programme 147. Ainsi, le dédoublement des classes de CP et de CE1 en éducation prioritaire ne relève pas formellement du programme, mais contribue puissamment à ses objectifs. Les acteurs que j’ai auditionnés ont salué cette mesure, qui continue de monter en puissance, puisqu’elle est généralisée et que les classes de grande section de maternelle sont en voie de dédoublement.

De même, l’investissement dans la sécurité de ces quartiers se poursuit. Les soixante quartiers de reconquête républicaine créés depuis 2018 ont permis à la police nationale de renforcer son maillage. Mais un effort doit encore être fait pour rendre l’environnement plus sûr.

Dans la seconde partie de mon rapport, j’ai cherché à mesurer l’état de la mixité sociale dans les quartiers prioritaires. La mixité sociale est l’un des objectifs phares de la politique de la ville depuis les années 1990. La grande politique de rénovation urbaine des années 2000 avait vocation, par la réhabilitation de l’habitat et la transformation en profondeur des espaces publics, à recréer le tissu urbain, de manière à attirer de nouveaux publics. Bien que les personnes que j’ai auditionnées aient toujours partagé cet objectif, il existe encore un grand flou sur les façons d’y arriver.

Pendant longtemps, l’essentiel de l’effort a porté sur la diversification de l’habitat et des formes urbaines. Il s’agissait de détruire les barres anciennes et vétustes et de rebâtir de nouveaux logements, plus variés. L’association Foncière Logement, filiale du groupe Action Logement, a été créée par les partenaires sociaux dans les années 2000 avec pour objectif de construire des logements de qualité, à même d’attirer une population diversifiée. De même, l’accession à la propriété, fortement favorisée, visait à encourager l’installation de jeunes ménages stables.

La loi du 27 janvier 2017 relative à l’égalité et à la citoyenneté a renforcé cette approche en prévoyant que 50 % des logements sociaux seraient attribués aux ménages des quartiles intermédiaires et supérieur. La part nationale se situant autour de 74 %, l’objectif est nettement atteint.

Mais ces efforts n’ont pas entièrement abouti. Une approche plus transversale a été favorisée ces dernières années, notamment avec la mobilisation nationale en faveur des habitants des quartiers, décidée par le Président de la République en 2018. Aujourd’hui, nous tentons d’améliorer simultanément l’habitat, l’emploi, les équipements culturels, l’accès aux services public et surtout la sécurité. Tous ces facteurs doivent être réunis pour contribuer à une amélioration durable de l’image du quartier, afin que les nouveaux arrivants y restent et que la mixité s’instaure.

Il faut aussi nous défaire de l’idée que ces quartiers sont des sas dont les habitants veulent sortir à tout prix. Au contraire, tous les aspects de la vie doivent y être améliorés afin que les habitants s’y épanouissent. Nous devons éviter à tout prix de poursuivre la sédimentation des populations, qui transforme certains quartiers en ghettos de pauvres quand se forment ailleurs des ghettos de riches. C’est tout le sens de la politique de la ville.

J’émets un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Cohésion des territoires » pour ce qui concerne la politique de la ville.

M. Patrice Anato (LaREM). Rapporteur pour avis de ces crédits en 2019, j’avais étudié le rôle du sport dans le développement de ces quartiers, notamment dans la perspective de l’organisation des Jeux Olympiques et Paralympiques 2024.

La politique de la ville est l’une des priorités du quinquennat. Après le discours du Président de la République en novembre 2017 appelant à une mobilisation nationale, la Grande équipe de la réussite républicaine s’est constituée en juin 2019, preuve de l’engagement de l’ensemble des pouvoirs publics.

Je tiens à saluer l’augmentation des crédits alloués à la politique de la ville pour l’année 2021 en faveur de l’éducation, avec le lancement des 80 nouvelles cités éducatives, qui visent à accompagner chaque enfant dans son parcours, depuis la petite enfance jusqu’à l’insertion professionnelle. Ce programme a fait ses preuves et nous pouvons nous satisfaire de la labellisation de nouveaux territoires.

Nous pouvons aussi nous réjouir de la hausse des crédits alloués à l’ÉPIDE, dont il faut saluer l’action positive pour la construction du projet professionnel des jeunes. Les crédits supplémentaires permettront aussi de pérenniser les nouveaux postes d’adultes-relais, créés cet été suite à l’épidémie.

Je tiens à remercier du fond du cœur les habitants des quartiers pour la solidarité dont ils ont fait preuve lors de la période de confinement. Les associations ont été particulièrement sollicitées pour distribuer l’aide alimentaire, assurer la continuité éducative ou encore faciliter l’accès aux soins – un bel exemple de fraternité dont nous devrions tous nous inspirer – et de nombreux habitants ont continué de travailler en première ligne.

Le dispositif « quartiers solidaires » permettra de venir en aide aux associations. Je m’associe à la demande du Rapporteur pour avis : ces aides doivent être pérennisées en 2021. Ce serait une preuve de notre reconnaissance pour leur rôle prépondérant dans la vie des quartiers, alors qu’elles ont pu souffrir de la diminution des contrats aidés.

Monsieur le rapporteur pour avis, vous évoquez dans votre rapport le constat des députés MM. Rodrigue Kokouendo et François Cornut-Gentille sur les carences de l’État en Seine-Saint-Denis. Je souscris à votre propos concernant le rééquilibrage nécessaire des efforts de l’État au profit des quartiers prioritaires. Contre les discours qui tentent de diviser les territoires en faisant croire que trop de moyens sont consacrées à ces quartiers par rapport aux habitants d’une prétendue France périphérique, nous devons rappeler qu’il est indispensable d’amplifier les actions menées pour la politique de la ville. C’est ce que le Gouvernement a souhaité faire en Seine-Saint-Denis, en lançant il y a un an un plan de 23 mesures pour l’éducation, la santé, la justice et la sécurité, afin de tenter de rattraper ce qui n’avait pas été fait.

Le Président de la République l’a évoqué dans son discours du 2 octobre aux Mureaux, la République doit se montrer à la hauteur dans les quartiers : c’est par l’éducation, l’insertion et la mixité sociale que nous parviendrons à combattre l’islamisme radical qui se nourrit de l’exclusion sociale. Les habitants ne doivent pas être soumis aux pressions des salafistes, les écoles doivent être des sanctuaires. Nous devons délivrer un message d’espoir à nos concitoyens et prouver que la République souhaite inclure tous ses enfants, sans distinction. Cela passera également par la mixité sociale ; nous serons mobilisés pour participer à la future réforme de l’organisation en matière de logement social.

Le plan de relance doit être l’opportunité d’accompagner les habitants des quartiers prioritaires dans leur projet professionnel. La possibilité de cumuler les emplois francs avec les aides à l’embauche prévues par le plan « un jeune, une solution » permettra déjà de faire monter en charge ce dispositif indispensable. Le plan de relance constitue une occasion unique de lier la transition numérique avec la politique de la ville, en offrant de nouvelles opportunités à nos jeunes dans le domaine des nouvelles technologies.

Je salue au nom du groupe LaREM l’augmentation des crédits alloués à la politique de la ville, mais j’appelle à la poursuite des efforts afin de répondre aux attentes des habitants des quartiers prioritaires.

M. Fabien Di Filippo (LR). La politique de la ville conduite sous ce quinquennat est dans la droite ligne de celle menée par la majorité socialiste, lorsque M. Macron était ministre. On a jeté un voile pudique sur plusieurs phénomènes, mais les difficultés grandissent dans les territoires. La pauvreté, qui existait autrefois dans les pourtours urbains, gagne les territoires ruraux. La paupérisation progresse au fur et à mesure que les emplois disparaissent, que les agriculteurs perdent des revenus, que la population vieillit et que les jeunes partent pour faire leurs études. Une nouvelle population, des allocataires des minima sociaux, est apparue et avec elle, des problèmes inconnus jusqu’alors, liés à l’usage de stupéfiants.

Continuer de mettre l’accent sur la politique de la ville sans qu’il y ait de rééquilibrage avec les territoires ruraux ne manque pas de nous interpeller, surtout lorsque l’on compare les sommes versées depuis des années avec les résultats qui ont été obtenus !

Lorsque nous étions encore majoritaires, le ministre M. Jean-Louis Borloo avait agi pour dé-densifier certains quartiers, avec une vraie volonté urbanistique. Pour le coup, cette politique avait fonctionné et eu des effets sociaux. Mais hormis cette période, les difficultés se sont aggravées dans ces quartiers et des populations aux profils socio-ethniques identiques s’y sont concentrées.

Je constate aussi que les dispositifs marketing s’empilent, pour le plus grand plaisir des décideurs : « vacances apprenantes », « quartiers d’été », « quartiers d’automne » et pourquoi pas « quartiers d’hiver », mais s’il n’y a pas de neige pour que l’on puisse y faire du ski, qu’y fera-t-on ? En tout état de cause, ce saupoudrage de moyens cache mal le manque de volonté politique.

Oui, il y a des politiques à mener, pas spécifiquement dans les quartiers, mais auprès de notre jeunesse ! La sédentarité est un véritable fléau : dix fois plus d’enfants sont en surpoids, obèses ou diabétiques qu’il y a deux générations, leurs capacités physiques sont de 25 % inférieures. Et pourtant, les associations sportives sont laissées de côté. Voyez la disproportion entre les aides qui sont allouées au monde sportif – 16 millions de licenciés – et celles qui sont dévolues au monde de la culture ! Il est regrettable que les politiques en faveur du sport soient absentes, quand on sait que le sport permet d’activer des leviers éducatifs, voire de stimuler le développement intellectuel.

Mais pour sortir une population de la pauvreté, je l’ai dit et le répéterai à chaque fois, le travail demeure le seul levier. Augmenter les aides sociales – allocation de rentrée scolaire, chèques de confinement, aides aux allocataires du RSA –, c’est ajouter les milliards aux milliards sans que cela serve à quoi que ce soit. Le taux de chômage est de 25 % dans ces quartiers et on ne s’en sort pas !

M. David Corceiro (MoDem). La crise sanitaire risque de creuser les inégalités sociales, notamment dans les quartiers prioritaires. Depuis le confinement, le Gouvernement se mobilise en faveur de leurs habitants. La mobilisation nationale en faveur des habitants des quartiers a permis de répondre aux enjeux éducatifs, de santé, d’emploi et de lien social dans les quartiers prioritaires ; des crédits exceptionnels ont été débloqués pour financer l’achat de tablettes et lutter contre la fracture numérique. Lors de la crise, le Gouvernement a pu s’appuyer sur les actions menées par les collectivités et les associations pour renforcer la continuité éducative et répondre aux besoins de première nécessité. Les petites associations de proximité se sont révélées essentielles pour maintenir le lien social et valoriser la jeunesse.

Celle-ci est la principale victime de la crise sanitaire. Les 80 cités éducatives déjà labellisées ont démontré leur capacité à fédérer les acteurs autour de la réussite des enfants. Mises en place à la rentrée 2019, elles forment des écosystèmes innovants au service de l’égalité des chances. Leur développement a été soutenu pendant l’exercice 2020 par un abondement de 31 millions d’euros. Elles ont permis d’assurer la continuité pédagogique, en particulier dans le domaine numérique, l’essentiel étant de guider chaque enfant dans son parcours. J’en profite pour saluer le travail mené par les acteurs et la secrétaire d’État Mme Nathalie Élimas. 40 nouvelles cités éducative seront mises en place et financées à hauteur de 17 millions d’euros. D’autres actions éducatives financées au titre du programme 147 voient leurs crédits augmenter.

Dans le contexte économique actuel, beaucoup d’entreprises sont frileuses à l’idée d’embaucher de nouvelles personnes, notamment des jeunes. Le programme de réussite éducative permettra à plus de 85 000 élèves de bénéficier d’un suivi personnalisé et 30 000 stages seront proposés. Cet accompagnement est plus que nécessaire pour améliorer l’accès des jeunes au marché de l’emploi.

Enfin, la présence des services publics doit être renforcée dans les villes. Afin de garantir les mêmes droits aux habitants des quartiers prioritaires, la feuille de route du Gouvernement l’an dernier était de développer des maisons d’accès au service public dans les quartiers. Cette politique sera-t-elle financée en 2021 ?

Le groupe MoDem approuve que la politique de la ville soit axée sur les objectifs que sont la réussite éducative, le soutien aux familles monoparentales et la solidarité entre les générations.

M. Jean-Luc Lagleize, rapporteur pour avis. Monsieur Anato, vous avez rappelé l’augmentation des crédits en faveur des politiques publiques phare de ce programme, comme les cités éducative, l’ÉPIDE, les adultes-relais ou encore les quartiers solidaires. Comme vous, je salue le travail indispensable mené par les associations de proximité en cette période de crise, que ce soit pour le soutien scolaire, la distribution d’aide alimentaire ou encore la confection de masques. Les associations ont permis de faire vivre le lien social et la solidarité dans les quartiers, c’est pourquoi je demande dans ce rapport la pérennisation en 2021 des crédits exceptionnels de 20 millions d’euros, débloqués en cette fin d’année 2020.

Vous appelez à renforcer nos efforts en faveur de la reconquête républicaine en Seine‑Saint-Denis. Le Gouvernement a annoncé en octobre un plan d’action qui répond aux difficultés spécifiques rencontrées par le département. Il comporte 23 mesures pour accompagner la transformation du département dans cinq domaines, la fonction publique, la justice, l’éducation, la santé et surtout la sécurité. Il faudra encore attendre quelques années pour en évaluer les effets.

Monsieur Di Filippo, vous avez axé votre question sur la paupérisation dans la ruralité. Je veux pour ma part insister sur la progression de la pauvreté dans les quartiers. Ceux-ci ne doivent plus être considérés comme des sas. Car à chaque fois qu’une famille, dans une trajectoire ascensionnelle, en sort, elle est remplacée par une famille pauvre. Le système alimente la pauvreté et provoque le déclassement de ces zones.

Je pense aussi qu’il faut aider la ruralité, dans le cadre de l’aménagement du territoire, mais pas du programme 147. Vous avez questionné le dispositif « vacances apprenantes » : il faut savoir que ce sont les enfants des quartiers qui ont été le plus pénalisés par le confinement, qui se sont retrouvés dans la même pièce à partager le même ordinateur, quand il y en avait un et qu’il était connecté à internet. Cela a pu les placer en situation d’échec scolaire et de décrochage. Les « vacances apprenantes » et les « quartiers d’été » avaient pour objectif la prise en charge de 500 000 enfants. Enfin, 20 millions d’euros seront débloqués d’ici la fin de l’année pour les associations, notamment sportives.

Monsieur Corceiro, je salue aussi le travail, indispensable en ces temps de crise, mené par la secrétaire d’État, Mme Nathalie Élimas. Vous m’avez interrogé sur la présence des services publics dans nos villes : le programme France Services a pour vocation de labelliser et d’accompagner des espaces permettant l’accès aux droits et aux services publics. Parmi les 534 maisons France Services labellisées, 46 se trouvent dans des quartiers prioritaires. Certaines d’entre elles sont soutenues et financées par la banque des territoires.

Celle-ci a financé en outre trente bus France Services, spécialement affectés aux quartiers prioritaires, à la suite d’un appel à manifestation d’intérêt lancé cet été en partenariat avec l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT). Cet appel à manifestation d’intérêt ciblait 216 quartiers d’intérêt national, inscrits dans le Nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU), dont 47 quartiers de reconquête républicaine. Le dispositif consiste à financer, à hauteur de 60 000 euros, l’achat d’un véhicule utilitaire pouvant accueillir deux agents France Services. Nous devons poursuivre nos efforts pour développer l’accès aux services publics et garantir à tous les habitants un accès égal aux droits et aux démarches.

Le PLF pour 2021 s’inscrit dans un contexte exceptionnel ; la crise sanitaire bouleverse le fonctionnement de notre pays et de nos institutions et nécessite des mesures d’urgence très fortes. La hausse du budget en faveur de la politique de la ville et des quartiers prioritaires permettra d’amplifier nos actions en faveur de l’emploi, de l’éducation et du renouvellement urbain. Ce faisant, elle contribuera à l’accélération des transitions écologique, économique, sociale ou numérique. C’est dans les moments difficiles comme celui que nous traversons que l’action publique et collective se révèle la plus indispensable : le programme 147 le montre parfaitement. Ses meilleures actions sont celles qui mettent en scène une pluralité d’acteurs travaillant ensemble pour un même objectif.

Je souhaite saluer l’action de l’État, de ses partenaires, des agences, des bailleurs sociaux, des collectivités, des élus locaux et des associations, qui ont tous joué un rôle primordial pendant la crise et continuent de le tenir.

La commission émet un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Cohésion des territoires ».

 

 


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   LISTE DES PERSONNES AUDITIONNées

 

Direction générale des collectivités locales

M. Stanislas Bourron, directeur général

M. Olivier Benoist, sous-directeur de la cohésion et de l'aménagement du territoire

Cabinet de la secrétaire d’État auprès du ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports, chargée de l’éducation prioritaire

M. Mathieu Blugeon, directeur de cabinet

Mme Claire Tholance, directrice adjointe de cabinet

Cabinet de la ministre déléguée auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargée de la ville

M. Stéphane Grauvogel, directeur de cabinet

Agence nationale de la cohésion des territoires

M. François-Antoine Mariani, directeur général délégué « politique de la ville »

Observatoire national de la politique de la ville

M. Jean-François Cordet, président, préfet de région honoraire

Mme Helga Mondesir, responsable pôle analyse et diagnostics territoriaux

Agence nationale pour la rénovation urbaine

M. Nicolas Grivel, directeur général

M. Damien Ranger, directeur des relations publiques et de la communication

Établissement public pour l’insertion dans l’emploi

Mme Florence Gérard-Chalet, directrice générale

Action Logement Groupe

M. Bruno Arcadipane, président

M. Philippe Lengrand, vice-président

M. Bruno Arbouet, directeur général

Mme Marie-Noëlle Granjard, directrice stratégie services

Mme Valérie Jarry, directrice des relations institutionnelles

 

Banque des territoires (groupe Caisse des dépôts et consignations)

Mme Marianne Laurent, directrice des prêts

M. Philippe Blanchot, directeur des relations institutionnelles

Union sociale pour l’habitat *

M. Thierry Asselin, directeur politiques urbaines et sociales

Mme Francine Albert, conseillère pour les relations avec le Parlement

Association des maires ville et banlieue de France

M. Marc Goua, maire de Trélazé (49), membre du bureau

Association France urbaine

M. Emmanuel Heyraud, directeur cohésion sociale et développement urbain

M. Maxime Merlin, juriste

Mme Eloïse Foucault, responsable des relations institutionnelles

Association des communautés de France

M. Romain Briot, conseiller cohésion urbaine et européenne

Mme Montaine Blonsard, responsable des relations avec le Parlement

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le répertoire AGORA des représentants d’intérêts de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), qui vise à fournir une information aux citoyens sur les relations entre les représentants d’intérêts et les responsables publics lorsque sont prises des décisions publiques.

 

 


([1])  État B annexé à l’article 28 de la loi n° 2020-935 du 30 juillet 2020 de finances rectificative pour 2020.

([2]) Article 132 de la loi de finances pour 2018.

([3]) Circulaire n° 2012-201 du 18 décembre 2012 relative aux missions, et à l'organisation du service et accompagnement des maîtres

([4]) Observatoire national de la politique de la ville (Agence nationale de la cohésion des territoires), rapport annuel 2019, Bien vivre dans les quartiers prioritaires, p. 21.

([5]) François Cornut-Gentille et Rodrigue Kokouendo, Rapport d’information du comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques sur l’évaluation de l’action de l’État dans l’exercice de ses missions régaliennes en Seine-Saint-Denis, déposé le 31 mai 2018, pp. 23 et 28.

([6]) Observatoire national de la politique de la ville (Agence nationale de la cohésion des territoires), rapport annuel 2017, Mobilité résidentielle des habitants des quartiers prioritaires, p. 19.  

([7]) Louise Couvelaire, « Les banlieues : ‘nasses’ ou ‘sas’ ? », Le Monde, 3 août 2018.