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N° 3400

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 9 octobre 2020.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES
SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2021 (n° 3360)

TOME VII

ÉCOLOGIE, DÉVELOPPEMENT ET MOBILITÉ DURABLES

ÉNERGIE

PAR Mme Marie-Noëlle BATTISTEL

Députée

——

 

 

 

 

Voir les numéros : 3360 et 3399 (tome III, Annexe 18).


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SOMMAIRE

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Pages

introduction

premiÈre partie : analyse des crÉdits

I. Le programme 174 « ÉNERGIE, climat et aprÈs-mines »

1. Politique de l’énergie

2. Accompagnement de la transition énergétique

a. L’extension de l’usage du chèque énergie

b. MaPrimeRénov’ : à peine un rattrapage

c. Des mesures nécessaires pour lutter contre les fraudes

3. Aides à l’acquisition de véhicules propres

4. Après-mines

5. Lutte contre le changement climatique et pour la qualité de l’air

II. Un programme 345 « SERVICE PUBLIC DE L’ÉNERGIE » Élargi et recentrÉ

III. Le Compte d’affectation spÉciale « Financement des aides aux collectivitÉs pour l’Électrification rurale » (programmes 793 et 794)

SECONDE partie : L’ARENH, ses limites et sa suite

I. Les avantages et les limites de l’ARENH

A. Les raisons d’Être et le fonctionnement du dispositif

B. Les effets sur le marchÉ

1. L’ouverture du marché aux fournisseurs alternatifs et la préservation des besoins des entreprises électro-intensives

2. La modération des prix pour les consommateurs… jusqu’à un certain point

a. L’ARENH a permis de partager le bénéfice du prix amorti du parc nucléaire

b. Mais l’impact positif de l’ARENH est limité par son plafonnement

3. L’absence d’effet significatif sur le développement des énergies renouvelables

C. Les impacts sur EDF

1. Un prix insuffisant pour la préservation de l’outil de production

2. La critique du caractère asymétrique et optionnel de l’ARENH

II. Quelle suite donner À l’ARENH ?

A. Le nouveau dispositif envisagÉ

1. Est-il encore nécessaire ?

2. Le cadre imposé par la Commission européenne

3. Le système proposé

a. La « financiarisation » de l’électricité nucléaire française

b. Un périmètre élargi

c. Un corridor défini par un prix-plancher et un prix-plafond

d. Un prix de référence très discuté

e. La disparition du caractère optionnel

B. La gestion de la transition

1. Augmenter le plafond ?

2. Pas sans augmenter le prix

EXAMEN EN COMMISSION

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉes


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   introduction

Le plan de relance du Gouvernement promet d’importants investissements dans la politique énergétique, au sens large, de notre pays sur les deux à trois ans à venir : 6,3 milliards d’euros pour la rénovation thermique des bâtiments publics et privés, 1,28 milliard pour les dispositifs de la prime à la conversion et du bonus écologique, pour accélérer le renouvellement du parc automobile, 2 milliards d’euros pour le développement de la filière hydrogène vert... Et pourtant, si ces efforts financiers sont réels, ils sont à relativiser et restent décevants quand on considère l’évolution des programmes budgétaires pérennes consacrés à cette même politique.

Seuls les nouveaux chantiers de l’hydrogène et les aides à l’achat de véhicules moins polluants bénéficieront de vrais renforts financiers. Au mieux les dotations des autres dispositifs – comme le soutien au développement des énergies renouvelables – suivront la progression prévue par la programmation pluriannuelle de l’énergie ; mais certaines s’inscriront en retrait des dépenses engagées il y a encore deux ans, telle MaPrimeRénov’ dont la hausse affichée des crédits, même couplés à ceux du plan de relance, cache un recul par rapport aux dépenses de l’ancien crédit d’impôt de la transition énergétique (CITE).

Au-delà de ces effets en trompe-l’œil, ce projet de budget s’avère surtout très insuffisant au regard des enjeux – et de l’urgence – de la transition énergétique de notre pays. Il est loin, notamment, de permettre l’électrification rapide du parc automobile ou la chasse efficace aux « passoires thermiques » du parc privé comme l’avait promis le Président de la République.

Au terme de son analyse, votre Rapporteure émet donc un avis défavorable à l’adoption des crédits de la mission « Écologie » pour ce qui concerne l’énergie, estimant qu’ils sont décevants.

Votre Rapporteure a par ailleurs consacré ses travaux thématiques au dispositif d’accès régulé à l’énergie nucléaire historique (ARENH). En effet, s’il n’a pas d’impact sur le budget de l’État, ce dispositif constitue néanmoins un outil de politique publique essentiel, à la fois instrument de la régulation du marché de l’électricité en France et référence pour l’établissement des tarifs régulés de vente d’électricité.

Mis en place en 2011, l’ARENH arrivera à son échéance en 2025 ; mais, victime de son succès, il montre déjà ses limites. Aussi l’État français travaille‑t-il à préparer sa suite. Votre Rapporteure s’est attachée à en analyser le fonctionnement et les défauts pour mieux évaluer le mécanisme proposé par le Gouvernement pour lui succéder.

 


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   premiÈre partie :
analyse des crÉdits

  Le présent avis porte sur les programmes 174 et 345 de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » et sur les programmes 793 et 794 du compte d’affectation spéciale « Financement des aides aux collectivités pour l’électrification rurale », qui concentrent les crédits durablement consacrés à la politique énergétique ([1]).

  Comme prévu ([2]), le compte d’affectation spéciale « Transition énergétique » est supprimé à compter du 1er janvier 2021 : la compensation du déficit de contribution au service public d’électricité (CSPE), qui était versée à EDF via son programme 765, a fini d’être soldée cette année ; et les actions de son programme 764 seront intégrées au programme 174, pour quelques-unes d’entre elles, et au programme 345, pour la majorité.

  Enfin, une action de ce dernier programme rejoint le programme 174 pour recentrer le programme 345 sur le règlement des seules charges de service public de l’énergie.

I.   Le programme 174 « ÉNERGIE, climat et aprÈs-mines »

Facialement, les autorisations d’engagement (AE) du programme 174 progresseraient de 66 millions d’euros en 2021 par rapport à 2020 et ses crédits de paiement (CP) de 68 millions d’euros.

Mais si l’on considère les changements de périmètre évoqués ci-dessus, les évolutions réelles seraient une augmentation des AE de 31 millions d’euros mais un recul des CP de 63 millions d’euros.

Évolution des CrÉdits du programme 174

(En millions d’euros)

Actions

AE

LFI (1) 2020

AE

PLF 2021

CP

LFI 2020

CP

PLF 2021

Variation des CP

01. Politique de l’énergie

44,5

79,5

14,5

89,5

- 38,3 % (2)

Prog. 345 : Médiateur de l’énergie

5

5

Prog. 345 : Fermeture de la centrale de Fessenheim

0

77

Prog. 345 : Contentieux

9

9

Prog. 764 : développement des interconnexions

1,4

20,3

Prog. 764 : études et consultations du public relatives aux énergies renouvelables

19,2

19,2

02. Accompagnement transition énergétique

1 271,9

1 593,7

1 212,1

1 495,8

+ 23,4 %

03. Aides à l’acquisition de véhicules propres

797

507

797

507

- 36,4 %

04. Gestion économique et sociale de l’après-mines

339,9

315,9

339,9

315,9

- 7 %

05. Lutte contre le changement climatique et pour la qualité de l’air

33,9

56,7

33,9

57

+ 68,3 %

06. Soutien

1,5

1,5

1,5

1,5

0

Total

2 488,6 (3)

2 554,2

2 398,8 (3)

2 466,8

+ 2,8 %

(1) Loi de finances initiale

(2) Le taux de variation est calculé en tenant compte des dotations 2020 des actions intégrées au programme à partir de 2021. (3) Les montants indiqués ne tiennent pas compte des dotations 2020 des actions intégrées.

Sources : projets annuels de performances 2020 et 2021

1.   Politique de l’énergie

L’importante hausse des crédits consacrés à la politique de l’énergie n’est qu’apparente. Elle s’explique par l’intégration de plusieurs actions et sous-actions du programme 345 (cf. ci-après) et de l’ancien programme 764. Quand on considère le nouveau périmètre, les autorisations d’engagement (AE) ne progresseront que de 0,4 million d’euros entre 2020 et 2021 et les crédits de paiement (CP) reculeront même de 55,5 millions d’euros entre les deux exercices.

Pour sa part, l’Agence nationale de gestion des déchets radioactifs verra sa dotation régresser de 2,7 à 2,63 millions d’euros.

La subvention du médiateur de l’énergie augmentera de 5 à 5,5 millions d’euros ; mais les frais des contentieux fiscaux liés à la contribution au service public de l’énergie (CSPE) antérieure seront ramenés de 9 à 5 millions d’euros.

Les crédits du fonds d’interconnexion entre la France et l’Irlande ([3]) seront reconduits au niveau légèrement supérieur de 21 millions d’euros (sur une somme qui devra atteindre un total de 42,7 millions d’euros). Projet déclaré d’intérêt commun européen, il n’est toutefois pas encore en phase de travaux.

L’essentiel des crédits sont consacrés aux études techniques, juridiques et financières relatives au développement des énergies renouvelables et aux éventuels frais de contentieux en résultant, pour 35,2 millions d’euros. S’y ajoutent aussi les frais des débats publics liés aux projets d’éoliens en mer (0,18 million d’euros).

Quant aux dépenses d’accompagnement de la fermeture des centrales à charbon et de la centrale nucléaire de Fessenheim, sont budgétés :

– 7 millions d’euros en AE et 17 millions d’euros en CP pour la revitalisation des territoires (via un fonds d’amorçage et un fonds charbon) ;

– et 2,3 millions d’euros en AE et CP pour l’accompagnement social des salariés des centrales à charbon dont l’emploi est supprimé.

La forte baisse des CP porte en très grande partie sur ces lignes.

2.   Accompagnement de la transition énergétique

Cette action regroupe le dispositif du chèque énergie et la prime qui remplace le crédit d’impôt transition énergétique (CITE) depuis cette année.

a.   L’extension de l’usage du chèque énergie

Créé par la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte ([4]), le chèque énergie est le principal outil d’aide aux ménages en situation de précarité énergétique. Délivré sur des critères de revenus, il remplace les tarifs sociaux de l’électricité et du gaz depuis le 1er janvier 2018.

Il est en effet d’un accès plus aisé dans la mesure où il est envoyé automatiquement aux bénéficiaires ayant rempli leurs obligations fiscales et ceux-ci peuvent ensuite l’utiliser comme n’importe quel moyen de paiement auprès de leur fournisseur d’énergie ou d’un artisan « reconnu garant de l’environnement » (RGE) dans le cas de travaux d’efficacité énergétique.

Mais son emploi n’a réellement progressé que depuis que les locataires de logement sociaux et les résidents de logements-foyers dont les systèmes de chauffage et d’eau chaude sont collectifs peuvent aussi l’utiliser pour payer leur quittance. Parti d’une proportion de 78,4 % en 2018, son taux d’utilisation devrait atteindre 87 % en 2020 (sur 5,5 millions de ménages qui le reçoivent en 2020).

Partageant le même objectif de renforcer l’emploi du chèque énergie, votre Rapporteure soutient l’extension de cet usage aux résidents d’établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (répondant aux conditions de revenus), extension que pourrait autoriser le projet de loi d’accélération et de simplification de l’action publique, en cours d’examen.

De manière cohérente, les AE prévues pour ce dispositif devraient croître de 839,7 millions d’euros à 853,6 millions d’euros (+ 14 millions). Les CP reculeraient cependant de 779,9 à 755,8 millions d’euros (- 25 millions), conséquence probable d’un moindre usage les précédents exercices.

b.   MaPrimeRénov’ : à peine un rattrapage

Pour mémoire, le crédit d’impôt transition énergétique (CITE) a été profondément transformé par la loi de finances pour 2020 : il n’est plus déterminé en fonction du prix des travaux mais des économies d’énergie réalisées ; il est par ailleurs progressivement transformé en prime (dite MaPrimeRénov’), forfaitisée mais dont le montant varie en fonction des revenus, qui est versée par l’Agence nationale de l’habitat (ANAH) au moment des travaux. Le nouveau dispositif présente ainsi la double qualité d’être plus simple et d’éviter aux ménages de faire l’avance des montants couverts par l’aide.

Concrètement, cette prime s’adressait en 2020 aux seuls ménages des déciles de revenu 1 à 4 (bonifiée par l’aide « Habiter Mieux sérénité » de l’ANAH) ; les ménages des déciles 9 et 10 étaient immédiatement exclus des deux dispositifs ; et les ménages des déciles 5 à 8 continuaient à bénéficier du CITE avant de basculer dans le nouveau régime.

C’est précisément l’accès des ménages des déciles 5 à 8 au nouveau dispositif qui explique le quasi doublement des dotations consacrées au financement de la prime en 2021, qui passeront de 390 millions d’euros à 740 millions d’euros.

Les 390 millions d’euros encore prévus en 2021 au titre du CITE correspondent aux 911 000 ménages ayant déclaré des travaux de transition énergétique éligibles en 2019.

Votre Rapporteure s’étonne que le supplément de crédits inscrit au programme 174 (+ 350 millions d’euros) soit inférieur à la dépense fiscale prévue en 2020 pour les ménages aux revenus intermédiaires (400 millions d’euros) alors que le Gouvernement espère un développement des travaux.

Mais le fait est qu’en parallèle, le plan de relance mobilisera 1,75 milliard d’euros sur deux ans pour accélérer le traitement des « passoires thermiques » (logements ayant une étiquette énergie F ou G) ([5]) :

– en élargissant le dispositif de MaPrimeRénov à tous les propriétaires, occupants et bailleurs ;

– en créant une prime pour les copropriétés ;

– en l’ouvrant aux ménages aux revenus des déciles 9 et 10 ;

– et en révisant les forfaits afin de favoriser les rénovations globales les plus ambitieuses.

Le montant de l’aide reste forfaitaire mais continue de varier en fonction des revenus des bénéficiaires et des gains écologiques permis par les travaux. Enfin, ces nouvelles conditions sont applicables aux devis signés à compter du 1er octobre 2020.

Votre Rapporteure approuve cet élargissement et les efforts budgétaires associés, qui sont nécessaires à la massification des rénovations énergétiques. Elle observe cependant que l’addition des enveloppes annuelles du programme 174 et du plan de relance revient seulement à se rapprocher (sans le rejoindre) du niveau de la dépense de CITE en 2018 (près de 2 milliards d’euros). Le dispositif est plus accessible ; mais ses ambitions ne sont pas plus grandes.

En outre, si on considère qu’une rénovation complète et performante a un coût moyen de 38 000 euros, même avec un niveau de subvention limité à 30 %, le 1,75 milliard d’euros du plan de relance ne permettront de financer que 153 500 rénovations. Ce qui est mieux qu’auparavant mais reste très éloigné des 500 000 rénovations par an visées par le Gouvernement et encore plus des 750 000 nécessaires pour respecter les cibles fixées dans la loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l’énergie et au climat dite loi « Énergie-climat » (à savoir la disparition des passoires thermiques en 10 ans et la neutralité carbone en 2050).

Votre Rapporteure salue toutefois les enveloppes prévues en parallèle par le plan de relance pour la rénovation thermique des bâtiments publics (3,7 milliards d’euros en AE, dont 1,6 milliard en CP dès 2021) et la rénovation énergétique et la réhabilitation lourde des logements sociaux (500 millions d’euros en AE) et même les 95 millions d’euros en AE pour la rénovation énergétique des PME/TPE.

Elle s’inquiète enfin des capacités de l’ANAH à gérer les nombreuses demandes que vise le Gouvernement (en particulier, les 9,7 millions de logements collectifs du parc privé). Sur les sept premiers mois de 2020, malgré le renforcement de ses moyens, l’agence n’aura réussi à traiter que 75 000 dossiers sur les 100 000 déposés. L’écart entre les deux échelles est colossal.

c.   Des mesures nécessaires pour lutter contre les fraudes

Lors des auditions, différents acteurs ont souligné une forte proportion de fraudes dans la réalisation des travaux de performance énergétique ouvrant droit à prime ou crédit d’impôt de l’État. Votre Rapporteure a interrogé les services de l’État sur les mesures prises pour lutter contre ces phénomènes. Elles sont en effet indispensables à l’efficacité de ces aides comme à la bonne gestion des ressources publiques.

Ces contrôles interviennent à différents niveaux :

– S’agissant des particuliers, l’approche est d’abord préventive et informative. Ils peuvent se rapprocher d’un espace FAIRE pour être conseillés, de manière indépendante, sur les travaux qu’ils pourraient réaliser. Une campagne de communication grand public a également été lancée pour informer les consommateurs sur les bons réflexes à adopter en cas de démarchage par téléphone ou à domicile, avant de se lancer dans des travaux, en cas de financement des travaux par un prêt et en cas de travaux ne s’étant pas déroulés comme prévu.

Le cas échéant, les consommateurs et tiers sont invités à faire part de leurs réclamations en matière de rénovation énergétique via le formulaire disponible à l’adresse www.faire.gouv.fr/iframe/reclamation. Et la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) a mis en ligne une plateforme appelée SignalConso pour leur permettre de signaler leurs difficultés.

– S’agissant des professionnels, le Gouvernement a décidé, avec la filière, de renforcer le label RGE (« reconnu garant de l’environnement »), qui conditionne l’accès aux aides nationales à la rénovation énergétique. Il est détenu par 57 000 entreprises sur l’ensemble du territoire. Après une concertation lancée en avril 2019 avec l’ensemble des acteurs, le premier volet de la réforme est entré en vigueur le 1er septembre 2020 : il prévoit une sélection aléatoire des chantiers audités, des moyens de sanction élargis pour les organismes de qualification, la possibilité de déclencher des contrôles supplémentaires pour les entreprises RGE identifiées comme « à risque », une formation complémentaire obligatoire après un audit non conforme ([6]).

Le deuxième volet de la réforme entrera en vigueur le 1er janvier 2021 avec l’évolution de la nomenclature, la définition de domaines critiques et le renforcement des audits associés, le déclenchement d’audits supplémentaires après le constat d’une non-conformité majeure, etc.

– De manière plus indirecte, le renforcement des contrôles du dispositif des certificats d’économies d’énergie (CEE) délivrés aux vendeurs d’énergie et autres acteurs éligibles (ANAH, bailleurs sociaux, tiers financeurs...) en contrepartie des économies d’énergie qu’ils ont permis de réaliser au profit des consommateurs finals participe également à ces démarches de lutte contre les pratiques frauduleuses ou abusives. Ils permettent en effet de vérifier que les actions d’économies d’énergie ne sont pas surévaluées, affectées par des malfaçons, voire non réalisées.

La loi Énergie-climat de novembre 2019 a introduit une obligation de réaliser des contrôles par tiers, y compris sur le site des travaux, pour les demandeurs de CEE, sur des actions et dans des proportions définies par voie réglementaire.

Par exemple, pour les opérations relevant des chartes « Coup de Pouce », 5 à 10 % les isolations de combles et de planchers bas étaient contrôlées sur site par un organisme accrédité. Les opérations portant sur des surfaces supérieures à 500 m2 le sont toutes désormais depuis le 1er septembre 2020 ; et cette obligation sera étendue à l’isolation des murs au 1er janvier 2021. Ce sont ainsi près de 600 contrôles qui ont été lancés par le Pôle national CEE depuis 2015 et ont conduit à prononcer 72 sanctions, pour un total de plus de 16 millions d’euros. De même, des CEE non conformes ont été retirés par les demandeurs de CEE de leurs dossiers, ou directement rejetés par l’administration à la suite de ses contrôles. Au total plus de 75 millions d’euros de « CEE » ont été retirés du dispositif, et devront être remplacés par les obligés sous la forme de CEE conformes.

De son côté, la direction générale de l’énergie et du climat avait contractualisé, pour 1 million d’euros en 2019, avec plusieurs bureaux d’inspection accrédités afin de réaliser des visites sur sites de plus de 3 000 opérations (chez les particuliers et les entreprises). Une nouvelle procédure de mise en concurrence a été lancée avec une enveloppe de 2,5 millions d’euros.

La loi Énergie-climat a également permis d’adapter et accélérer les procédures de contrôle et de faciliter les échanges d’informations entre services concernés et avec les organismes de qualification RGE afin d’améliorer le contrôle des entreprises qualifiées. Un transfert régulier des listes de chantiers effectués par chaque artisan qualifié RGE et déposés dans le cadre du dispositif CEE et des demandes MaPrimeRénov’, notamment, est en cours de mise en place. Ces échanges sont cruciaux car les entreprises de travaux qui perdent leur qualification RGE ne peuvent plus intervenir pour les travaux imposant cette qualification, quel que soit le dispositif d’aide. C’est la manière la plus directe d’écarter les entreprises frauduleuses.

3.   Aides à l’acquisition de véhicules propres

Cette action regroupe les crédits relatifs à la prime à la conversion, qui vise à accélérer le retrait des véhicules les plus anciens au profit de véhicules moins polluants, et au bonus écologique qui est une aide à l’achat de véhicules neufs.

Les crédits relatifs au premier dispositif s’élèveront à 128 millions d’euros en AE et CP en 2021, au lieu des 405 millions d’euros inscrits en loi de finances pour 2020 (- 277 millions d’euros). Et 379 millions d’euros seront consacrés au bonus, au lieu des 395 millions d’euros prévus pour 2020. Le projet de loi de finances pour 2021 apparaît donc en net recul par rapport aux dotations votées en loi de finances pour 2020. Il est cependant fortement complété par le plan de relance, qui ouvre une enveloppe de 1,28 milliard d’euros en AE et 732 millions d’euros en CP en 2021.

On relèvera par ailleurs que le Gouvernement a pris des mesures exceptionnelles de relance de la filière automobile en consacrant 600 millions d’euros supplémentaires à ces dispositifs dès juin. Le Gouvernement a ainsi revalorisé le bonus et renforcé la prime à la conversion en augmentant le nombre de ménages éligibles et les montants de primes. Une fois que 200 000 primes exceptionnelles ont été attribuées, les conditions d’attribution et le barème sont revenus à des niveaux d’exigence plus élevés. Toutefois, le critère d’éligibilité pour la mise au rebut du véhicule est resté celui qui avait été fixé dans le cadre du plan de soutien : sont éligibles les véhicules classés Crit’air 3 ou plus anciens (à savoir les véhicules essence immatriculés avant 2006 et les véhicules diesel immatriculés avant 2011, soit 50 % du parc automobile).

Le Gouvernement a annoncé que ces dispositifs pourraient connaître de nouvelles évolutions d’ici la fin de l’année. Le ministre de l’économie, des finances et de la relance a d’ores et déjà indiqué que le bonus écologique baisserait de 1 000 euros (par rapport aux montants fixés par le plan de relance). Mais d’autres hypothèses de travail sont actuellement à l’étude, comme l’instauration d’une prime ou d’un bonus poids lourd, la création d’un bonus de 1 000 euros pour les véhicules électriques d’occasion et un bonus complémentaire de 1 000 euros en outre-mer, etc.

Votre Rapporteure salue ces efforts financiers, moins importants qu’affichés si l’on regarde l’ensemble, mais réels. Elle relève toutefois qu’ils ne sont toujours pas à la mesure des objectifs d’électrification du parc automobile. Les restes à charge des véhicules électriques sont encore trop élevés. Certes, un bonus de 1 000 euros pour les véhicules électriques d’occasion irait dans le bon sens mais il restera d’un impact limité. En effet, si on consulte le site internet de Renault, par exemple, on trouve des modèles Zoe d’occasion vendues entre 15 000 et 20 000 euros en moyenne alors qu’une Clio de dernière génération d’occasion est vendue moins cher (avec la prime).

4.   Après-mines

Les crédits de cette action, qui assure principalement le financement de prestations diverses aux retraités des mines fermées, poursuivent leur baisse, pour atteindre environ 316 millions d’euros en AE et CP contre 340 millions d’euros en 2020. Cette baisse est directement liée à la diminution du nombre des bénéficiaires et d’ayants droit du régime social des mineurs.

85 % de ce montant est destiné à l’Agence nationale pour la garantie des droits de mineurs (ANGDM), qui recevra 12,6 millions d’euros pour son fonctionnement.

5.   Lutte contre le changement climatique et pour la qualité de l’air

L’action n° 5 regroupe les financements de plusieurs dispositifs participant à la lutte contre le changement climatique et pour la qualité de l’air. Ses crédits augmenteraient de 68,3 % entre 2020 et 2021, passant de 33,9 millions d’euros à 56,7 millions d’euros. La progression réelle est moindre car cette action intègre désormais le financement du dispositif de contrôle des certificats d’économies d’énergie (CEE), à raison de 7,1 millions d’euros.

Il n’en reste pas moins que les autres sous-actions bénéficieront d’un réel rebasage. Sont ainsi prévus :

– 40,3 millions d’euros pour divers plans (plan national de réduction des émissions de polluants atmosphériques – PREPA – et plans de protection de l’atmosphère – PPA) ainsi que pour les acteurs qui surveillent la qualité de l’air, telles les associations agréées de surveillance de la qualité de l’air (AASQA) ;

– et un peu plus de 5 millions d’euros pour les dispositifs de suivi de la sécurité et des émissions des véhicules.

Ces renforts budgétaires sont appréciables, mais ils ne répondent pas directement aux problèmes de pollution de l’air que connaît notre pays – qui ont fondé sa condamnation par la Cour de Justice de l’Union européenne en octobre 2019 ([7]) pour avoir dépassé de « manière systématique et persistante » depuis 2010 la valeur limite annuelle pour le dioxyde d’azote, un polluant essentiellement produit par le trafic routier. Ce constat souligne l’urgence d’accélérer la transformation du parc des voitures, mais aussi des camions.

 

 

II.   Un programme 345 « SERVICE PUBLIC DE L’ÉNERGIE » Élargi et recentrÉ

Les charges de service public de l’électricité et du gaz sont depuis 2016 intégrées au budget de l’État. Elles étaient réparties jusqu’alors entre le programme budgétaire 345 « Service public de l’énergie » et le compte d’affectation spéciale « Transition énergétique » (et ses programmes 764 et 765).

À compter du 1er janvier 2021, la plupart des actions du compte d’affectation spéciale sont désormais intégrées au programme 345, qui en perd d’autres au profit du programme 174 (cf. supra) pour ne plus retracer que les charges du service public de l’énergie.

En se fondant sur le nouveau périmètre du programme 345, ses AE et CP progresseraient de 1,2 milliard d’euros entre 2020 et 2021 (+ 15 %), passant de 7 935 millions d’euros à 9 149,4 millions d’euros.

Cette hausse résulte de la poursuite du développement en métropole des filières de production d’énergies renouvelables (+ 580 millions d’euros prévus), d’un nouveau doublement du volume annuel de biométhane injecté dans les réseaux (+ 295 millions d’euros) et de l’augmentation des surcoûts liés à la péréquation tarifaire dans les zones non interconnectées (+ 376 millions d’euros).

En 2021, le soutien aux énergies renouvelables (EnR) électriques représentera 62 % des charges de service public de l’énergie et la solidarité avec les zones non interconnectées (ZNI) 23,3 %.

Évolution des crÉdits du programme 345

(En millions d’euros)

 

AE

LFI 2020

AE

PLF 2021

CP

LFI 2020

CP

PLF 2021

Variation des CP

01 Solidarité avec les zones non interconnectées au réseau métropolitain (ancienne)

11 Soutien dans les zones non interconnectées au réseau métropolitain (nouvelle)

1 760,1

 

 

 

 

2 136,7

1 760,1

 

 

 

 

2 136,7

+ 21,4%

02 Protection des consommateurs en situation de précarité énergétique (ancienne)

14 Dispositions sociales pour les consommateurs en situation de précarité énergétique (nouvelle)

32,9

 

 

 

 

28,3

32,9

 

 

 

 

28,3

- 14 %

03 Soutien à la cogénération (ancienne)

12 Soutien à la cogénération au gaz naturel et autres moyens thermiques (nouvelle)

748,5

 

 

 

 

677,6

748,5

 

 

 

 

677,6

- 9,5 %

05 Frais de support (ancienne)

15 Frais divers (nouvelle)

40,7

 

 

72,4

40,7

 

 

72,4

+ 77,9 %

06 Médiateur de l’énergie (ancienne)

5

-

5

-

-

07 Fermeture de la centrale de Fessenheim (ancienne)

0

-

77

-

-

08 Contentieux (ancienne)

9

-

9

-

-

Programme 764 : Soutien aux énergies renouvelables électriques

5 104,3

-

5 104,3

-

+ 11,4 %

09 Soutien aux énergies renouvelables en métropole continentale (nouvelle)

-

5 684,5

-

5 684,5

Programme 764 : Soutien à l’injection de biométhane

248,5

-

248,5

-

+ 118,8 %

10 Soutien à l’injection de biométhane (nouvelle)

-

543,8

-

543,8

Programme 764 : Soutien à l’effacement de consommation électrique

40

-

40

-

- 85 %

13 Soutien aux effacements de consommation (nouvelle)

-

6

-

6

Total (1)

2 596,2

9 149,4

2 673,2

9 149,4

+ 242,3 %

(1)   Les montants indiqués ne tiennent pas compte des dotations 2020 des actions intégrées au programme à partir de 2021, et réciproquement pour les actions sorties du programme 345.

Sources : projets annuels de performances 2020 et 2021.

L’action n° 9 « Soutien aux énergies renouvelables en métropole » constitue désormais le cœur du programme 345. Elle finance les surcoûts supportés par les fournisseurs historiques (EDF et les entreprises locales de distribution) et les organismes agréés sur les contrats d’obligation d’achat de l’électricité produite par les installations EnR éligibles à l’obligation d’achat ou lauréates d’un appel d’offres. Elle finance aussi ceux qui résultent des contrats qu’EDF doit conclure avec les entreprises bénéficiant du complément de rémunération.

Dans sa délibération du 15 juillet 2020 relative à l’évaluation des charges de service public de l’énergie pour 2021, la Commission de régulation de l’énergie (CRE) a prévu que le coût total du soutien à la production d’électricité renouvelable en métropole en 2021 sera de 5 684,5 millions d’euros, contre 5 104,3 millions d’euros en 2020 (+ 11,4 %).

le coÛt du soutien À la production d’ÉlectricitÉ renouvelable en 2021

Filières renouvelables

Production atteinte au 31 décembre 2019

Appels d’offres prévus par la PPE (1) en 2021

Surcoût évalué par la CRE en 2021

(en millions d’euros)

Total

-

-

5 684,5

Photovoltaïque

9,9 GW

3 290 MW

2 901,3

Éolien terrestre

16,6 GW

1 850 MW

1 763,4

Éolien en mer

0

0

0

Bio-énergies

nc

0

712,6

Hydraulique, incinération d’ordures ménagères, géothermie etc.

nc

35 MW

307,1

(1)   Programmation pluriannuelle de l’énergie. Source : projet annuel de performances 2021

À ces dotations, il faut ajouter les 2 milliards d’euros en AE sur 2021 et 2022 et 205 millions d’euros en CP dès 2021 prévus par le plan de relance pour le développement de la filière hydrogène vert (action n° 8 « Énergies et technologies vertes » du programme 362 « Écologie »). Ces crédits financeront trois actions :

– un projet important d’intérêt européen commun (IPCEI) visant à soutenir la recherche et l’industrialisation d’électrolyseurs pour produire de l’hydrogène décarboné ;

– le renforcement des appels à projets « Hub territoriaux d’hydrogène » pour le déploiement d’écosystèmes territoriaux de grande envergure regroupant industries et mobilité ;

– et la mise en place d’un mécanisme de soutien à la production d’hydrogène décarboné grâce au versement d’un complément de rémunération.

Les autres évolutions du programme 345 sont les suivantes :

– une augmentation des charges de péréquation tarifaire de 21,4 % par rapport à la loi de finances initiale de 2020. Elles couvrent non seulement les surcoûts de la production des acteurs historiques dans les territoires ultramarins mais aussi ceux des contrats d’achat de l’électricité issue d’installations EnR locales ;

– une diminution de 14 % des crédits consacrés à la protection des consommateurs en situation de précarité énergétique (- 4,6 millions d’euros). Cette action assure toujours le financement de trois dispositifs d’aide aux ménages en situation de précarité (le tarif première nécessité pour l’électricité, la contribution aux fonds de solidarité logement et le tarif spécial de solidarité pour le gaz), mais l’aide principale, le chèque énergie, est désormais portée par le programme 174 ;

– le recul de 9,5 % des charges de soutien à la cogénération ([8])  au gaz et autre moyen thermique par rapport à 2020. Le dispositif de soutien à la cogénération a été abrogé le 21 août dernier, conformément à la nouvelle programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE), cependant les contrats en cours peuvent durer encore jusqu’en 2035 ;

 le doublement des charges liées à l’achat de biométhane : + 118,8 % par rapport à la prévision pour 2020, bien que la CRE ait retenu une hypothèse de croissance raisonnable. On constate en effet une forte accélération des demandes de contrats d’obligation d’achat en 2019 et 2020 pour un nombre d’installations d’injection de biométhane très supérieur au rythme prévu par la PPE ;

 enfin, une chute du dispositif de soutien à l’effacement : les prévisions budgétaires descendraient en effet de 40 à 6 millions d’euros, les appels d’offres continuant à donner des résultats décevants.

III.   Le Compte d’affectation spÉciale « Financement des aides aux collectivitÉs pour l’Électrification rurale » (programmes 793 et 794)

Le fonds d’amortissement des charges d’électrification (FACÉ) soutient l’effort des collectivités locales qui, en zone rurale, financent et exercent la maîtrise d’ouvrage, en tant qu’autorités organisatrices de la distribution d’électricité (AODE), des travaux de développement et d’adaptation des réseaux ruraux de distribution publique d’électricité.

En 2021, l’enveloppe totale du compte d’affectation spéciale FACÉ sera reconduite au niveau voté pour 2020 de 360 millions d’euros.

L’enveloppe du programme principal (programme 793 « Électrification rurale ») est fixée à 353,5 millions d’euros, en léger retrait de 1,7 million d’euros par rapport aux prévisions pour 2020. L’effort budgétaire porte, en 2021 comme en 2020, principalement sur le renforcement des réseaux (164 millions d’euros) et dans une moindre mesure sur la sécurisation et sur l’enfouissement des lignes.

L’enveloppe du programme spécial 794 « Opérations de maîtrise de la demande d’électricité, de production d’électricité par des énergies renouvelables ou de production de proximité dans les zones non interconnectées », augmentera de 4,8 millions d’euros à 6,5 millions d’euros. Ce programme est notamment destiné à soutenir l’électrification des villages isolés dans les départements d’outre-mer.

Ces crédits sont sous-consommés depuis des années. En concertation avec les collectivités ultramarines, le ministère de la transition écologique a donc fait évoluer les dispositifs. Les nouvelles dispositions entreront en vigueur au 1er janvier 2021. Elles visent à :

– maintenir dans le dispositif le périmètre des communes ou parties de commune éligibles avant leur fusion en commune nouvelle ;

– et élargir les objectifs du FACÉ afin d’accompagner des actions plus novatrices en faveur de la transition énergétique en milieu rural, en intégrant le digital et les technologies récentes.

Par ailleurs, une plate-forme de gestion des subventions facilitera le dépôt des dossiers de demande des collectivités.


—  1  —

   SECONDE partie :
L’ARENH, ses limites et sa suite

Votre Rapporteure a choisi de consacrer la partie thématique de son avis au dispositif de l’accès régulé à l’énergie nucléaire historique (ARENH) et à son prochain remplacement. En effet, si l’ARENH n’a pas d’impact sur le budget de l’État, il est un outil de politique publique essentiel, à la fois instrument de la régulation du marché de l’électricité en France et référence pour l’établissement des tarifs régulés de vente d’électricité (TRV). Après huit ans de fonctionnement le dispositif montre son obsolescence, alors qu’il arrivera à son terme en 2025. Le Gouvernement prépare donc sa suite, envisageant même de l’anticiper pour remédier aux limites d’un dispositif qui a eu son utilité mais présente désormais plus d’inconvénients que d’avantages.

I.   Les avantages et les limites de l’ARENH

A.   Les raisons d’Être et le fonctionnement du dispositif

Le dispositif a été créé en 2011 en s’inspirant des conclusions d’une commission présidée par M. Paul Champsaur. Son rapport, paru en 2009, constatait que l’accès à l’électricité de base était nécessaire au développement de la concurrence sur le marché de détail français.

En effet, si l’ouverture du marché français de l’énergie à d’autres opérateurs était réalisée en droit depuis 2007, l’avantage concurrentiel qu’offrait à EDF son monopole sur la production d’électricité de base pilotable – grâce à sa maîtrise du parc nucléaire, qui fournit plus de 70 % de l’électricité française, et de l’essentiel de l’énergie hydraulique produite sur notre territoire – et les coûts amortis de ses installations ne laissaient pas vraiment de place à de nouveaux acteurs.

Pour permettre l’ouverture effective du marché, en application de la directive 2009/72/CE, la loi n° 2010-1488 du 7 décembre 2010 portant nouvelle organisation du marché de l’électricité (dite loi « NOME ») a alors mis en place un dispositif d’accès régulé à l’électricité nucléaire historique (ARENH) consistant à « assurer aux fournisseurs d’électricité un accès régulé à l’électricité de base d’EDF dans les mêmes conditions économiques qu’EDF » et à « permettre de la sorte à chaque consommateur d’avoir le choix entre des offres compétitives et innovantes, notamment en matière de maîtrise de la demande et de services, de différents fournisseurs ».

Les objectifs fondamentaux de cette réforme étaient de permettre aux fournisseurs alternatifs de se développer et aux consommateurs de bénéficier durablement de prix reflétant la compétitivité des moyens de production nationaux, quel que soit leur choix de fournisseur.

Mais il est également intéressant de savoir que l’instauration de ce dispositif était aussi, selon la direction générale de la concurrence européenne, une réponse à l’interdiction, par le droit européen, des tarifs réglementés de vente (TRV) pour les grands industriels.

De fait, la loi NOME a simultanément supprimé (en France métropolitaine continentale) les tarifs jaune et vert proposés par les fournisseurs « historiques » (EDF et les entreprises locales de distribution) aux gros consommateurs d’électricité ([9]).

Le dispositif ARENH est prévu par la loi NOME ([10]) pour une période allant jusque fin 2025. Il se fonde sur l’électricité produite par les centrales nucléaires historiques d’EDF qui étaient en service à la date de promulgation de la loi.

Le volume maximal d’électricité pouvant être cédé par EDF au titre de l’ARENH aux fournisseurs dits « alternatifs » ne pouvait initialement excéder 100 térawattheure (TWh) ; depuis la loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l’énergie et au climat, ce volume maximal a été porté à 150 TWh (hors fourniture des pertes des gestionnaires de réseaux).

Dans la limite de ce plafond légal, le dispositif ARENH définit un volume global maximal d’électricité par période de livraison (dit plafond ARENH) pouvant être cédé à destination des consommateurs. Ce volume, fixé par arrêté des ministres chargés de l’économie et de l’énergie après avis de la Commission de régulation de l’énergie (CRE), s’élève à 100 TWh depuis le début du dispositif et n’a encore jamais été révisé.

De même le prix de l’ARENH s’élève, sans changement depuis le 1er janvier 2012, à 42 € le mégawattheure (MWh). Il inclut aussi la livraison des garanties de capacité associées depuis le démarrage du mécanisme de capacité en 2017.

B.   Les effets sur le marchÉ

1.   L’ouverture du marché aux fournisseurs alternatifs et la préservation des besoins des entreprises électro-intensives

Représentant les fournisseurs alternatifs, l’Association nationale des opérateurs détaillants en énergie (ANODE) confirme que le mécanisme a su faire ses preuves. « En corrigeant le biais du marché français à l’amont, il aura contribué au développement de la concurrence sur le marché aval ».

C’est plus exactement la conjugaison de la mise en place de l’ARENH avec la réforme des tarifs réglementés de vente de l’électricité (TRV) qui a accéléré l’ouverture à la concurrence du marché de détail.

Même si l’ANODE regrette que la situation reste encore « relativement fermée sur les segments de clients bénéficiant des tarifs réglementés de vente de l’électricité », la suppression au 31 décembre 2015 des tarifs réglementés de vente (TRV) destinés aux entreprises de taille moyenne et de grande taille a ouvert plus largement ce marché aux fournisseurs alternatifs. Il en sera de même de la prochaine réduction du périmètre des TRV fin 2020, qui concernera plus d’un million de clients professionnels ([11]). Mais le passage à une construction des TRV par empilement en décembre 2015 a également participé au développement de la concurrence sur le marché des consommateurs domestiques et des petits professionnels.

La méthode de construction des TRV par empilement

L’article L. 337-6 du code de l’énergie dispose que les tarifs réglementés de vente de l’électricité sont établis par addition des composantes suivantes :

– le coût d’approvisionnement en énergie, lequel se décompose en un coût d’approvisionnement de la part relevant de l’ARENH et d’un coût d’approvisionnement du complément de fourniture, relevant des achats sur les marchés de gros de l’électricité ;

– le coût d’approvisionnement en capacité, établi à partir des références de prix issues des enchères du mécanisme d’obligation de capacité prévu aux articles L. 335-1 et suivants du code de l’énergie ;

– le coût d’acheminement, qui  traduit le coût d’utilisation des réseaux de transport et de distribution d’électricité ;

– le coût de commercialisation ;

– la rémunération de l’activité de fourniture.

La tarification par empilement vise à garantir la « contestabilité » des tarifs réglementés, qui se définit comme la faculté  pour  un opérateur concurrent d’EDF présent ou entrant sur le marché de la fourniture d’électricité de proposer, sur ce marché, des offres à prix égaux ou inférieurs aux tarifs réglementés.

En tout état de cause, la CRE a constaté une forte augmentation du nombre de fournisseurs ayant recours au mécanisme ARENH : en novembre 2019, elle a reçu 73 dossiers de demande contre seulement 30 en 2017. Bien que l’intérêt des fournisseurs alternatifs pour la souscription de volumes ARENH dépende d’abord de la compétitivité du produit ARENH par rapport aux prix des marchés de gros, indépendamment de leur volume d’activité en France, cette croissance reflète l’augmentation de leur part de marché.

Quant à l’Union des industries utilisatrices d’énergie (UNIDEN), elle est depuis toujours demandeuse d’une régulation de l’ensemble des parcs électro‑nucléaire et hydraulique qui assure à ses membres un accès compétitif à l’électricité décarbonée française. Et de fait, si l’ARENH n’est qu’un dispositif parmi toute une « boîte à outils » permettant de limiter les coûts de l’énergie pour les sites électro-intensifs nationaux (papeterie, métallurgie, chimie, cimenterie etc.), les industries concernées ont tiré avantage de la stabilité du prix de référence pendant des années.

Toutefois, ces acteurs considèrent que le dispositif ARENH est désormais à bout de souffle.

L’ANODE lui reproche essentiellement le plafonnement du volume cédé, qui entraîne l’écrêtement des volumes obtenus par les fournisseurs alternatifs et un renchérissement de leurs coûts (comme on le verra plus loin). Elle dénonce aussi les différences de situation entre EDF, dont l’activité commerciale de fournisseur n’est pas limitée dans son accès à l’énergie nucléaire, et ses concurrents.

L’UNIDEN critique quant à elle :

– une visibilité limitée à un an, incompatible avec les besoins projetés sur le long terme des industriels électro-intensifs, et peu propice aux investissements d’EDF dans la mise à niveau et le développement de son parc ;

– aucune incitation d’EDF à maximiser sa production nucléaire, le taux d’exploitation du parc nucléaire serait, selon l’Union, inférieur, à ce qui se fait dans d’autres pays ;

– un prix administré ne prenant pas en compte les différents profils de consommation ni la modulation du parc par EDF.

L’UNIDEN porte également d’autres critiques, plus largement partagées, sur la déconnexion du prix avec les coûts réels de production d’EDF et le manque d’incitation des fournisseurs alternatifs pour investir eux-mêmes dans de nouveaux moyens de production.

2.   La modération des prix pour les consommateurs… jusqu’à un certain point

a.   L’ARENH a permis de partager le bénéfice du prix amorti du parc nucléaire

Le ministère en charge de l’énergie comme la Commission de régulation de l’énergie (CRE) constatent que ce développement de la concurrence a bénéficié au consommateur français.

Selon les différents observateurs, ni l’ouverture du marché de l’énergie, ni l’ARENH n’ont permis de faire baisser les prix – pour des raisons que le présent avis n’a pas creusées. Demande croissante d’électricité, poids des investissements dans les nouvelles infrastructures de production, montée du prix du CO2, nouvelle méthodologie de fixation des tarifs réglementés de vente de l’électricité (TRV), entente entre les fournisseurs… les causes sont sans doute multiples.

Mais le dispositif a globalement permis d’atténuer les hausses de prix pour le consommateur en le faisant profiter, quel que soit son fournisseur, d’une partie du bénéfice du parc nucléaire. Les fournisseurs ne pouvant surenchérir sur un prix connu de tous, chaque consommateur bénéficie d’un coût d’approvisionnement au prix de l’ARENH pour la partie correspondant à ses droits ARENH (soit environ 70 % en moyenne de l’approvisionnement d’un ménage en l’absence d’écrêtement).

La stabilité du prix ARENH lui a également garanti – hors effet de l’écrêtement – une certaine stabilité des prix de détail, en décorrélant une large partie de l’approvisionnement en énergie des prix de marché. C’était bien là son premier objectif, comme il est rappelé à l’article L. 336‑1 du code de l’énergie.

Citant la CRE, la direction générale de l’énergie et du climat (DGEC) souligne que « malgré sa complexité, le dispositif ARENH a été salué par de nombreux consommateurs, qui estiment qu’en instaurant un cadre clair et pérenne, il a redonné confiance au consommateur dans le fonctionnement du marché de détail ».

Le CLEEE ([12]), association de grands consommateurs industriels et tertiaires français d’électricité, confirme le caractère protecteur du dispositif face aux dérives du marché, rappelant que celui-ci a atteint 90 €/MWh en 2008, est monté à 60‑65 € à plusieurs reprises de 2010 à 2014 et de nouveau en 2019. « Il aura ainsi contribué à la compétitivité de nos entreprises ».

Encore aujourd’hui, les tendances des prix restent supérieures au tarif ARENH : d’après les constats de la CRE, les prix de gros pour l’année 2021 évoluent autour de 45 à 48 €/MWh depuis plusieurs mois. Et si les prix de court terme (les prix quotidiens) se sont effondrés pendant le confinement et juste après (aux alentours de 20 €/MWh en moyenne), ils ont largement remonté depuis, se situant actuellement au-dessus de 42 €/MWh.

C’est donc un dispositif essentiel pour les consommateurs.

b.   Mais l’impact positif de l’ARENH est limité par son plafonnement

Selon la CRE, le dispositif est « victime de son succès ».

L’augmentation des parts de marché des fournisseurs alternatifs, conjuguée à la hausse des prix de l’énergie sur les marchés, a contribué au renforcement des demandes de volumes d’ARENH. Celles-ci ont augmenté de manière continue depuis 2017, jusqu’à finalement dépasser le plafond de 100 TWh une première fois à l’occasion du guichet de novembre 2018, puis à l’occasion du guichet de novembre 2019 (173 TWh demandés, dont 147 TWh à destination des consommateurs finals).

Or, l’atteinte du plafond affecte l’attribution des volumes d’ARENH demandés par les fournisseurs pour les consommateurs finals. Ils sont en effet alloués par la CRE au prorata des demandes et une fraction, identique en pourcentage pour chaque fournisseur, n’est pas livrée – ce que l’on appelle l’écrêtement. Par exemple sur 147 TWh demandés, seuls 68 % (100 TWh) peuvent être livrés ; ce taux est appliqué à chaque demande (et s’il s’avère que certaines demandes ont été gonflées par rapport à l’ampleur réelle des besoins de leurs clients, les fournisseurs concernés sont sanctionnés). Non comptabilisés dans le plafond réglementaire, les volumes d’ARENH à destination des pertes des réseaux sont en revanche intégralement livrés, quel que soit le volume total demandé.

Les fournisseurs doivent alors compléter les volumes manquants en s’approvisionnant sur les marchés, de gros par exemple. Mais les niveaux de prix observés y étant généralement supérieurs, le coût global d’approvisionnement est, par construction, supérieur au prix ARENH et augmente donc le prix de l’électricité sur le marché de détail.

In fine, en raison de la prise en compte de l’atteinte du plafond dans le calcul des tarifs réglementés de vente d’électricité (selon la méthodologie de la CRE validée par le Conseil d’État dans sa décision n° 431902 du 6 novembre 2019) et de la réplication du régime ARENH par le fournisseur historique dans ses offres de marché (comme s’il était lui-même écrêté), l’ensemble des offres de fourniture destiné aux clients résidentiels ou professionnels est susceptible d’intégrer ce surcoût. La CRE constate ainsi que « l’atteinte du plafond ARENH n’a pas eu d’effet perceptible sur le rythme de développement de la concurrence sur le marché de détail. En revanche, elle a probablement freiné le développement des offres à prix fixe pluriannuel. Ce sont donc les consommateurs et non les fournisseurs qui supportent le surcoût lié à l’atteinte du plafond ». Elle en conclut que :

– le dispositif ARENH ne garantit que partiellement au consommateur le bénéfice du parc électro-nucléaire amorti ;

– celui-ci est ainsi exposé à des hausses de coût d’approvisionnement, et donc du prix final, même quand il bénéficie d’un TRV. Il est également exposé à une instabilité de ces prix dans la mesure où le complément est acheté sur une courte période de cotation pour un volume connu juste avant l’échéance de livraison ;

– enfin, le développement du volume d’activité des fournisseurs alternatifs a pour conséquence paradoxale de dépasser plus vite et plus largement le plafond, aggravant davantage l’augmentation des prix des offres proposées aux consommateurs et l’instabilité du marché de l’électricité.

Cette hausse des prix est dénoncée par les associations de consommateurs auditionnées par votre Rapporteure ; de même que le manque de visibilité à moyen terme sur les coûts de l’énergie pour les utilisateurs professionnels. « Ceci est très préjudiciable à notre visibilité budgétaire et à nos investissements », souligne le CLEEE.

L’UFC-Que Choisir est particulièrement critique sur la façon dont le marché de l’électricité est aujourd’hui régulé, considérant que la mécanique globale du dispositif mis en place par la loi NOME ne semble pas avoir été conçue pour préserver au mieux les intérêts des consommateurs. Elle dénonce l’impact négatif du dépassement du plafond, mais aussi la méthode de construction du TRV : « Sous couvert de rendre le TRV contestable par les concurrents, la méthode d’empilement des coûts aboutit en réalité à faire peser en grande partie sur les coûts de commercialisation des différents acteurs leur différenciation tarifaire sur le marché de détail. Or, les coûts de commercialisation d’EDF n’étant pas réputés pour être les plus faibles du marché, le TRV constitue en conséquence un prix ayant vocation à être un plafond du marché de détail, même dans les situations où le marché de gros est plus cher que l’ARENH. Dans cette situation, le consommateur averti aura un intérêt financier systématique à quitter le TRV pour se tourner vers les offres de marché. Ceci explique l’augmentation continue de la part de marché des fournisseurs alternatifs et, concomitamment, celle de leurs demandes d’ARENH. Dès lors, les consommateurs sont actuellement – à leurs corps défendant les acteurs centraux d’un cercle vicieux poussant à la hausse à la fois les prix des offres de marché et le TRV ». L’UFC-Que Choisir s’étonne enfin que le prix de l’ARENH ait été fixé à un niveau plus élevé que ceux envisagés dans le rapport Champsaur et que sa méthodologie de calcul n’ait jamais été arrêtée.

La DGEC souligne toutefois que, même après écrêtement, près de 50 % de l’approvisionnement d’un ménage reste au prix de l’ARENH, ce qui continue d’apporter une protection significative au consommateur.

3.   L’absence d’effet significatif sur le développement des énergies renouvelables

Certaines associations de consommateurs ont observé qu’un accès à la fois garanti et optionnel au prix amorti de la production d’EDF et l’absence d’engagement et de contrepartie pour cet accès n’ont pas incité les fournisseurs alternatifs à innover et à investir dans de nouvelles installations de production.

La CRE comme la DGEC répondent que les objectifs de l’ARENH étaient le développement de la concurrence sur le marché de la fourniture et le partage du bénéfice de la compétitivité du parc nucléaire historique, non le développement des énergies renouvelables (EnR).

La DGEC reconnaît que le dispositif n’a pas eu d’effet significatif sur le développement de la concurrence dans le secteur de la production ni sur le développement des énergies renouvelables par les acteurs alternatifs en particulier. Dans les faits, le développement de capacités de production dépend essentiellement des perspectives de prix de marché et pour les énergies renouvelables, des soutiens mis en place par l’État, facteurs sur lesquels l’ARENH n’a que peu ou pas d’impact.

La DGEC souligne, par ailleurs, que les conditions d’approvisionnement à l’ARENH sont mécaniquement répercutées – via le jeu de la concurrence à l’aval – dans les offres de fourniture faites aux clients. Augmenter le plafond de l’ARENH, par exemple, aurait un impact à la baisse sur les factures des consommateurs et symétriquement des conséquences financières pour EDF, mais n’aurait pas d’impact direct sur les finances des fournisseurs alternatifs.

Le ministère observe enfin que le déploiement des énergies renouvelables s’est tout de même accéléré ces dernières années et que les opérateurs alternatifs y ont largement contribué.

L’ANODE remarque, quant à elle, que le développement de l’énergie nucléaire est inaccessible à ses membres, que l’État a fait le choix de ne pas mettre en concurrence les concessions hydrauliques et qu’il n’autorise plus la construction de nouvelles capacités de production thermique. Il ne leur restait que les EnR, dans lesquelles les fournisseurs alternatifs ont davantage investi qu’EDF.

Votre Rapporteure entend ces explications ; elle déplore néanmoins que l’ARENH assurant aux fournisseurs alternatifs un approvisionnement meilleur marché et sans risque puisqu’ils peuvent y renoncer, il aurait été légitime d’attendre d’eux des investissements plus ambitieux dans les énergies renouvelables, très en retard dans notre pays. La timidité de leurs engagements représente pour elle l’une des principales limites du dispositif.

C.   Les impacts sur EDF

1.   Un prix insuffisant pour la préservation de l’outil de production

En dépit du renchérissement des tarifs pour les consommateurs, EDF a affirmé à votre Rapporteure que le prix de l’ARENH ne lui permet pas de couvrir les coûts du parc nucléaire, qui doit être entretenu et en partie renouvelé.

Or, en dehors de la mise en œuvre de l’écrêtement, EDF serait contraint d’appliquer le même tarif de 42 €/MWh non seulement aux volumes cédés au titre de l’ARENH, mais aussi aux volumes relevant des TRV, ainsi qu’aux contrats de long terme conclus avec les plus gros consommateurs. Au total ce seraient environ 300 MWh qui seraient vendus à prix ARENH, sur une production qui ne représente que 370 MWh en moyenne.

La CRE répond que le dispositif n’avait pas vocation à présenter d’avantages pour l’énergéticien. En revanche, il aura très probablement permis de préserver un producteur EDF intégré. En outre, la nouvelle méthodologie d’établissement des TRV par empilement des coûts a notablement consolidé la situation financière d’EDF.

En tout état de cause, les concurrents d’EDF comme les associations de défense des consommateurs reconnaissent qu’il y a besoin d’une méthodologie claire et transparente sur la détermination des coûts du nucléaire.

La direction générale de la concurrence européenne confirme que cette méthodologie n’existait pas quand la France a soumis le dispositif à son approbation. En 2011 tout le monde s’est contenté d’un prix un peu intuitif. Elle avait cependant recommandé d’en établir une pour consolider la régulation de l’énergie nucléaire. Aussi, dans la perspective du nouveau régime, la DGEC a-t-elle finalement saisi la CRE pour élaborer une grille de calcul.

2.   La critique du caractère asymétrique et optionnel de l’ARENH

La CRE reconnaît que le principal inconvénient du dispositif pour EDF est d’être asymétrique : en cas de prix de marché bas, l’énergéticien doit vendre une partie de sa production nucléaire à ce prix de marché ; mais en cas de prix de marché haut, EDF la vendra toujours au prix régulé de l’ARENH.

EDF s’en plaint, soulignant également que ses débouchés ne sont pas assurés en période de prix bas en raison du caractère optionnel du dispositif.

Au surplus, un nouveau phénomène est récemment apparu : certains fournisseurs ont pu obtenir la suspension de leurs contrats d’achat d’électricité via l’ARENH en invoquant la force majeure du fait de la crise sanitaire. Ces suspensions de contrat ont réduit les livraisons ARENH d’environ 1,8 TWh.

En l’espèce, les pertes financières d’EDF sont difficiles à évaluer car les volumes en question ont tout de même été vendus sur le marché de gros. Et il reste encore 124 TWh d’ARENH souscrits sur l’année 2020, dont 26,2 TWH pour la couverture des pertes de réseau des GRD, ce qui est peu différent du plafond des 100 TWh pour les consommateurs finals.

Les limites de l’ARENH soulignées par le Gouvernement

À l’occasion d’une consultation ouverte de janvier à mars 2020 relative au projet de future régulation du nucléaire historique, le Gouvernement a partagé avec les parties prenantes du secteur électrique les limites qu’il voyait au dispositif :

« Le prix de l’ARENH n’a pas été actualisé depuis 2012. Le décret en Conseil d’État précisant les méthodes d’identification et de comptabilisation des coûts prévues à l’article L. 337-15 n’a pas été adopté, en l’absence de consensus avec la Commission européenne malgré des échanges sur un projet de décret construit dans la continuité des travaux de la commission Champsaur de 2011 relatif à la méthodologie de calcul du prix de l’ARENH. L’ARENH reflète une vision du parc nucléaire historique qui n’est pas actualisée depuis 2012.

« L’ARENH a atteint lors du guichet du 21 novembre 2018 le plafond de 100 TWh. L’atteinte de ce plafond a conduit à appliquer un écrêtement aux demandes des fournisseurs, répliqué également dans la construction du tarif réglementé comme dans les offres de marché d’EDF afin d’assurer la contestabilité. Dans le cadre des échanges intervenus en 2019, la direction générale de la concurrence de la Commission européenne a indiqué qu’un relèvement du plafond du volume de l’ARENH constituerait une modification substantielle du dispositif, nécessitant une nouvelle décision d’approbation.

« Le dispositif ARENH revêt un caractère asymétrique et optionnel, qui n’est pas pris en compte dans son prix. Il permet de fait aux fournisseurs alternatifs de réaliser des arbitrages financiers entre l’approvisionnement nucléaire régulé et l’approvisionnement sur les marchés de gros à terme.

« Des possibilités de contournement de la “ clause de monotonie ”, ensemble de dispositions prévues à l’article R. 336-16 visant à assurer que les possibilités semestrielles de modification des demandes d’ARENH ne remettent pas en cause la nature annuelle du produit demandé par les fournisseurs et cédé par EDF au titre de l’ARENH, ont été corrigées fin 2016 et début 2017. Néanmoins le caractère optionnel de la souscription d’ARENH est inhérent au dispositif. »

La Cour des comptes a observé dans le référé S2017-3856 que « le caractère optionnel de l’ARENH ne permet pas de garantir à EDF que ses charges de production seront couvertes en cas de prix de marché “bas” (inférieur à l’ARENH) » et considère « qu’aucun consensus [sur le prix de l’ARENH] n’est possible tant que ce tarif est à la fois celui d’une option gratuite d’arbitrage avec le prix de marché, donc un prix maximum de vente pour EDF, et celui qui reflète les conditions économiques de production, c’est-à-dire un prix minimum de vente pour EDF ». La Cour des Comptes recommande ainsi dans son référé d’adapter la régulation économique actuelle de sorte que « les fournisseurs alternatifs prennent un engagement de moyen terme qui rende compte de conditions économiques équivalentes à celles assumées par l’exploitant ».

La CRE indique dans son rapport d’évaluation que « le recours à l’ARENH aux fins de réaliser de tels arbitrages n’est pas conforme à l’esprit du dispositif, puisqu’il ne sert alors pas à faire bénéficier [aux] consommateurs de la compétitivité du parc électronucléaire français. »

II.   Quelle suite donner À l’ARENH ?

En accord avec la Commission européenne, le dispositif ARENH devait être à durée limitée. Son échéance a été fixée à 2025. La question est donc de déterminer ce qui devra lui succéder.

A.   Le nouveau dispositif envisagÉ

1.   Est-il encore nécessaire ?

On peut s’interroger sur l’utilité d’un nouvel accès régulé à l’électricité nucléaire. Les fournisseurs alternatifs sont désormais installés sur le marché français. D’aucuns trouvent qu’ils ont suffisamment profité des coûts amortis des investissements nucléaires français. D’autres font remarquer que des prix d’électricité bas n’incitent pas à la sobriété énergétique…

Néanmoins, force est de reconnaître que si cette sobriété doit être recherchée, la première priorité est la réduction de la consommation des énergies fossiles, qui passera nécessairement par une électrification des usages et nécessitera en conséquence une électricité à prix abordable.

Plus généralement, presque tous les acteurs auditionnés ont défendu la nécessité de maintenir une régulation de l’énergie nucléaire.

D’abord, ils ne croient pas qu’une mise sur le marché, sans régulation, de la production nucléaire puisse offrir des prix plus attractifs. La courbe de long terme des marchés tend en effet à croître sensiblement.

De fait, les prix de marché horaires sont fixés sur base du moyen de production le plus cher permettant de couvrir la demande d’électricité à l’instant t – ce qu’on appelle le moyen de production marginal à l’instant t. En 2019, les moyens de production fossiles (gaz, importations hivernales d’électricité produite à partir du charbon allemand ou de gaz d’autres pays voisins) ont ainsi fixé le prix du marché 48 % du temps. Parallèlement, la hausse du CO2 – inéluctable compte tenu des engagements européens de réduction de 55 % de ces émissions à l’horizon 2030 – impactera fortement à la hausse les prix du marché de l’électricité dans les 10 ans à venir.

Le caractère largement décarboné du mix électrique français ne sera pas pris en compte et l’électricité nucléaire, même largement amortie pour le producteur historique, se vendra plus cher. Or, sans régulation, cette « rente » n’ira pas aux consommateurs.

Sans régulation, les prix seront aussi plus volatils et il sera plus difficile aux fournisseurs de proposer des offres à prix fixe sur un ou deux ans. Les représentants des professionnels pensent que seuls les gros industriels électro-intensifs pourront encore bénéficier de contrats de fourniture à long terme dans ce contexte. Et l’UFC‑Que choisir craint qu’une dérégulation ne fasse disparaître complètement les TRV bénéficiant aux ménages modestes.

Pour l’UNIDEN et le CLEEE, seule une réglementation apporte la modération, la visibilité et la durabilité nécessaires à leurs entreprises.

Mais, réciproquement, les acteurs sont également conscients que la sécurité, le maintien et le développement du parc nucléaire français sur le long terme justifieraient de garantir que les coûts d’EDF soient suffisamment couverts.

2.   Le cadre imposé par la Commission européenne

Des échanges intenses ont lieu avec la Commission européenne depuis près de deux ans. Sans valider ni rejeter le projet français, la Commission a rappelé être attachée à ce qu’un éventuel futur cadre de régulation du nucléaire existant :

– s’intègre pleinement dans le droit de l’Union européenne et respecte les conditions de nécessité et de proportionnalité que celui-ci impose ;

– ne conduise ni à une sur-rémunération de l’opérateur historique, ni à une aide aux entreprises en concurrence sur le marché intérieur, en particulier celles pour lesquelles le prix de l’électricité représente un facteur décisif de leur compétitivité ;

– et se fasse dans des conditions équitables pour EDF et ses concurrents, sans renforcer la position de l’opérateur historique sur le marché français.

3.   Le système proposé

Le Gouvernement propose une régulation économique du parc nucléaire existant pour, dit-il, concilier et contribuer aux objectifs suivants :

– protéger dans la durée l’ensemble des consommateurs établis sur le territoire français en leur permettant de bénéficier, pour une partie de leur approvisionnement en base, des conditions stables de la production électrique décarbonée et pilotable du parc nucléaire existant qu’ils ont contribué à financer ;

– et atteindre les objectifs climatiques que la France s’est fixés, ainsi que les objectifs de sécurité d’approvisionnement et d’indépendance énergétique, par la préservation de l’approvisionnement électrique décarboné de la France, en sécurisant le financement dans la durée de l’exploitation des installations nucléaires existantes, nécessaires à cet approvisionnement.

a.   La « financiarisation » de l’électricité nucléaire française

La nouvelle approche prendrait le contre-pied du dispositif actuel. L’ARENH est une transaction hors marché, cédée lors de guichets de souscription prédéterminés, à un rythme qui ne correspond pas nécessairement à celui des besoins et à un prix administré.

La nouvelle régulation imposerait à EDF l’obligation de service public de livrer sur les marchés de gros (marchés organisés ou enchères) un productible prédéfini normativement (comme un ruban annuel de profil stable) selon un échéancier également prédéfini. En pratique, toutefois, la production électronucléaire effective serait vendue dans son intégralité, sans plafonnement, même si elle est plus abondante que le volume prévu, et serait soumise au jeu de l’offre et de la demande des marchés.

Cela n’interdit pas une forme de régulation. Les dispositifs de soutien aux EnR ou ceux prévus pour les projets de nouveaux réacteurs nucléaires au Royaume-Uni fonctionnent de cette façon : le producteur vend sa production sur les marchés ; ensuite un complément de rémunération ou « contract for difference » vient combler l’écart entre le tarif de référence prévu par le dispositif d’aide et le prix de vente obtenu sur les marchés. Le complément peut être négatif si le prix de vente sur les marchés est supérieur au tarif de référence ; le producteur restitue alors une partie de la rémunération.

Un mécanisme avec flux financiers s’intègre mieux dans le bon fonctionnement des marchés de l’électricité dont il accroît la liquidité.

b.   Un périmètre élargi

La nouvelle régulation s’appliquerait à la totalité des centrales du parc nucléaire français existant, y compris Flamanville 3. Et la période de régulation couvrirait la durée de vie de ces installations, prévoyant une évaluation périodique de sa pertinence au regard des objectifs poursuivis.

Plusieurs acteurs contestent la prise en compte des coûts de l’EPR de Flamanville, considérant que les consommateurs n’ont pas à subir les erreurs stratégiques faites sur ce site. Les autorités françaises rappellent que la décision d’investissement dans le réacteur de Flamanville 3 s’inscrivait dans la continuité des décisions d’investissement des précédentes tranches et a été prise à une époque où le système électrique français n’était pas encore libéralisé et où la couverture des coûts de l’opérateur historique était assurée à travers la fixation des TRV.

Votre Rapporteure reconnaît la légitimité de l’intégration de l’EPR de Flamanville dans le nouveau périmètre historique, mais sans pour autant que soit prise en compte la totalité des dérives de ce chantier.

c.   Un corridor défini par un prix-plancher et un prix-plafond

Le but de la régulation envisagée reste que le consommateur français bénéficie d’une électricité, pour la part issue de la production nucléaire, vendue à un coût qui correspond aux coûts du parc nucléaire existant, sans dépendre des évolutions des prix de marché. Pour ce faire, le Gouvernement propose que soient définis :

– un prix-plancher, qui correspondrait à la couverture des coûts du parc nucléaire, de son exploitation et de son entretien. À l’inverse de l’ARENH, la nouvelle régulation est en effet conçue pour être symétrique : les fournisseurs alternatifs qui achèteront cette électricité, meilleur marché en temps ordinaires, et leurs clients in fine s’acquitteront du prix plancher si les prix sont bas.

Néanmoins, si les prix de marché s’avèrent durablement en dessous du prix plancher de la régulation, cela signifiera qu’il existe des sources d’approvisionnement plus compétitives que le parc nucléaire. Le ministère indique que cela devrait être alors pris en compte dans la stratégie énergétique nationale – sans toutefois éclairer votre Rapporteure sur la façon dont EDF et/ou l’État gérerait les investissements massifs déjà engagés si le prix-plancher devait être révisé à la baisse. Mais votre Rapporteure craint plutôt que ces investissements n’imposent durablement un prix-plancher « excessif » ;

– et un prix-plafond. Autre élément de « symétrie » selon le ministère : si les prix de marchés sont hauts, EDF devra rétrocéder aux fournisseurs la rémunération perçue au‑delà de ce plafond pour assurer la protection des consommateurs. Cela représenterait donc un manque à gagner pour le producteur équivalent à un renoncement aux bénéfices espérés au-delà du plafonnement.

En contrepartie et pour assurer l’exploitation du parc nucléaire dans les conditions requises de performance et de sûreté et « en conformité avec les objectifs énergétiques nationaux », EDF recevrait une compensation dans le cas où la valorisation sur les marchés de sa production nucléaire excédentaire (par rapport au volume prédéfini) serait inférieure au prixplancher, de telle sorte que sa rémunération totale soit au moins égale au prix plancher. Cette « compensation » pourrait être versée par les fournisseurs alternatifs (et répercutée in fine sur les consommateurs) ; et réciproquement l’excédent au-delà du plafond leur serait reversé.

Ce système de « corridor » offrirait ainsi une visibilité et une stabilité des prix sur le long terme, autant pour EDF que pour les consommateurs finals. La part d’approvisionnement des consommateurs correspondant à la production du parc nucléaire existant (environ 70 % en moyenne aujourd’hui) leur reviendrait en effet à un prix compris entre le prix plancher et le prix plafond, quelle que soit l’évolution des prix de marché.

La CRE reconnaît que l’effet stabilisateur sera moindre que dans le cas d’un prix unique, mais il portera sur l’intégralité de la production nucléaire et l’existence d’un plafond protégera les consommateurs d’une éventuelle envolée des prix de gros.

Les niveaux de prix plancher et plafond seraient fixés ex-ante à partir d’une méthodologie transparente et objective et mise en œuvre sous le contrôle de la CRE, de façon à couvrir les coûts complets d’EDF pour l’exploitation du parc nucléaire régulé et « une rémunération raisonnable des actifs au regard du risque porté » (DGEC). La CRE précise que le corridor de prix doit permettre de couvrir les charges d’exploitation d’EDF, l’amortissement de ses investissements ainsi qu’une rémunération suffisante de son capital. Les autorités françaises envisagent un écart entre les deux bornes de l’ordre de 6 €/MWh, considérant que plus large il n’assurerait pas la protection des consommateurs contre la volatilité des prix du marché. Mais cet écart est un des éléments de la négociation avec la Commission européenne.

La DGEC explique que ce dispositif aura pour le parc nucléaire régulé les mêmes effets que le dispositif de complément de rémunération mis en place pour soutenir les EnR, à la seule différence que le prix plancher est égal au prix plafond pour ces derniers. Ainsi, quelle que soit l’évolution des prix de marché, la rémunération du parc nucléaire serait comprise entre le prix plancher et le prix plafond.

L’UFC-Que choisir ne voit dans l’instauration d’un prix-plafond que l’opportunité offerte à EDF de faire du profit, tout en étant assuré par ailleurs de rentrer dans ses frais.

L’ANODE, qui représente les fournisseurs alternatifs, n’en comprend pas mieux la raison d’être. Elle met en avant la complexité de gestion qu’il créera et l’accroissement des risques en matière de stratégie d’approvisionnement, qui devront être couverts par des produits financiers et engendreront des coûts supplémentaires. Cela pourrait décourager de nouveaux fournisseurs. Mais si ce corridor est appliqué, il conviendra que le régulateur détermine les coûts d’un « opérateur efficace » (qui maîtrise et réduise ses coûts en garantissant la disponibilité des capacités de production) et fixe un niveau de rémunération adéquat pour cette activité, évitant toute sur-rémunération d’EDF producteur. Le mécanisme de la compensation, notamment, devra être parfaitement transparent.

La CLEEE préférerait que le trop-perçu et la compensation ne passent pas par les fournisseurs mais par un autre circuit. Elle comprend le corridor si le plancher correspond strictement aux coûts complets d’EDF et le plafond à la rémunération de l’entreprise. En tout état de cause, ses entreprises membres, grandes consommatrices d’électricité, ont besoin d’un écart le plus faible possible. Elle recommande donc un maximum de 4 €/MWh.

L’UNIDEN admet également un plancher qui sécurise les revenus du producteur avec la marge de manœuvre suffisante pour assurer les missions confiées dans le cadre du service d’intérêt économique général (SIEG). Ce prix doit, toutefois, être clairement justifié et diminué des revenus issus de la vente des capacités excédentaires sur le marché de capacité. Elle accepte aussi un prix-plafond qui permettre de capter une partie de la rente générée par des prix de marché supérieurs au coût de revient d’EDF afin de rémunérer les capitaux employés. Il protégera les consommateurs et permettra aux industries électro-intensives de gérer leur transition énergétique dans de bonnes conditions. Ce prix-plafond doit cependant être fixé en tenant compte de l’absence de risque pour EDF que le nouveau dispositif lui assurera, et strictement encadré par la CRE, après consultation de l’ensemble des acteurs. L’UNIDEN suggérerait toutefois une autre répartition de la valeur générée à l’intérieur de ce corridor : une partie pourrait être laissée à EDF sous condition de « bonne performance industrielle » ; une autre serait rétrocédée aux consommateurs.

La direction générale de la concurrence de la Commission européenne comprend la nécessité d’assurer la pérennité d’EDF, qui doit faire face à des charges croissantes avec les coûts des démantèlements de réacteurs nucléaires et ceux du renouvellement d’une partie du parc. Mais elle s’étonne du déséquilibre des contraintes créées par le dispositif proposé :

– d’un côté, EDF sera assuré de vendre son électricité nucléaire à prix coûtant, quand bien même cette production sera plus chère que les autres sources d’énergie – ce qui sera vraisemblablement de plus en plus vrai au regard de l’ampleur des investissements à réaliser pour renouveler une partie du parc. En outre, la compensation instaurée n’est pas clairement définie ; elle sera toujours assumée par les consommateurs français, mais pourrait passer par une prise en charge publique, ce qui reviendrait à une aide d’État. La direction générale de la concurrence a été très claire sur ce point : si les coûts de production de l’énergie nucléaire débordent les prix du marché, il est hors de question que l’État subventionne ces dépassements, ou « nationalise » les pertes, par des aides au producteur ;

– d’un autre côté, EDF ne sera contraint de rendre le supplément de prix obtenu sur les marchés qu’au-delà d’un plafond. Or, la direction générale de la concurrence ne voit pas la légitimité de cet avantage si EDF est par ailleurs assuré de ne jamais vendre à perte. Elle serait plus convaincue par la fixation d’un seul prix de mise à disposition de l’électricité nucléaire, qui couvrirait la réalité des coûts complets avec une marge raisonnable. Elle accepterait aussi la mise en place d’un fonds recueillant le supplément perçu pour couvrir la « compensation » du manque à gagner. Mais elle n’acceptera jamais qu’il soit fait appel aux contribuables pour financer cette compensation.

d.   Un prix de référence très discuté

À la demande du Gouvernement, la CRE a travaillé sur la fixation d’un prix qui pourrait assurer la couverture des coûts complets de l’électricité nucléaire d’EDF et servir de prix-plancher dans le nouveau dispositif.

La CRE a remis un rapport au Gouvernement, dont votre Rapporteure n’a pas eu communication. Après qu’un tarif de 48 €/MWh a été évoqué dans la presse, la CRE a précisé à votre Rapporteure que ce prix correspond à son estimation des coûts réellement supportés par EDF pour l’exploitation de son parc nucléaire sur la période 2022-2026, EPR de Flamanville compris.

La DGEC a, pour sa part, refusé de confirmer retenir ce tarif comme référence pour le futur prix-plancher. Les négociations sont toujours en cours avec la Commission européenne.

Comme elle l’impose pour toute révision du prix de l’ARENH, la Commission européenne exige que la détermination d’un prix de référence se fonde sur une étude approfondie des coûts réels pour le producteur. Mais les discussions entre la CRE et EDF ne semblent pas simples.

La direction générale de la concurrence européenne s’étonne aussi de certains éléments pris en compte par la CRE : tel 1 € ajouté pour compenser EDF de son impossibilité d’investir librement les réserves financières constituées en vue du démantèlement de ses centrales. Cette interdiction a été définie par la loi pour écarter tout risque de perdre ces réserves indispensables. Il ne lui semble pas justifié de la prendre en compte.

Indépendamment des éléments qui seront retenus dans ce calcul, votre Rapporteure se demande si le dispositif futur ne devrait pas prévoir aussi une indexation dans le temps, afin de ne pas obliger la France à revenir régulièrement devant la Commission européenne pour adapter ce prix aux évolutions de ses composantes.

En tout état de cause, le nouveau mécanisme ne changera pas la fixation des TRV par empilement des coûts. Seule la construction de la part « approvisionnement » évoluera, intégrant les nouveaux paramètres, c’est-à-dire une production nucléaire valorisée au marché avec un prix encadré. Mais l’ANODE souligne à juste titre que le nouveau mécanisme de fixation des prix sera compliqué à comprendre par les consommateurs.

e.   La disparition du caractère optionnel

L’optionalité de l’actuel dispositif de régulation permet aux fournisseurs alternatifs d’arbitrer entre l’ARENH et le marché au détriment d’EDF lorsque le prix de marché est très bas.

L’objectif du Gouvernement est de mettre en place une régulation plus équilibrée, qui sécurise notamment le financement du parc nucléaire même en cas de prix de marché bas. Aussi, l’obligation qu’aura EDF de rétrocéder la valeur perçue au-delà du prix-plafond s’accompagnera d’une obligation pour les fournisseurs entrant dans le nouveau régime d’assurer la compensation d’EDF en cas de baisse en dessous du prix-plancher.

B.   La gestion de la transition

Le Gouvernement dit concentrer ses efforts sur la négociation d’une nouvelle régulation du nucléaire avec la Commission européenne. La question d’une évolution de l’ARENH sera abordée en fonction de l’issue des négociations sur la future régulation. Pour autant, votre Rapporteure considère qu’elle doit être posée car le passage à un nouveau régime peut prendre plusieurs années.

1.   Augmenter le plafond ?

La CRE a pris clairement position : le plafond de 100 TWh n’est plus adapté aux réalités du marché français. Elle recommande donc de le porter au niveau des 150 TWh autorisé par la loi afin de réduire les impacts négatifs de l’écrêtement sur les factures des consommateurs. Les excédents étant désormais supérieurs à ce deuxième plafond, il continuera à s’appliquer, mais dans une moindre mesure.

Les fournisseurs alternatifs comme la plupart des représentants des consommateurs réclament le relèvement du plafond de l’ARENH – voire sa suppression.

Toutefois, la direction générale de la concurrence européenne a confirmé à votre Rapporteure que la modification du plafond au-delà de 100 térawattheures ainsi que du prix actuel de 42 €/MWh requièrent un accord de la Commission européenne. Ces paramètres sont encadrés par la décision de la Commission européenne du 12 juin 2012 sur l’affaire d’aide d’État SA.21918 concernant les anciens tarifs réglementés de vente de l’électricité aux grands consommateurs, précise la DGEC.

Il y aurait donc un risque de mettre en péril l’ensemble du dispositif ARENH ainsi que la future régulation du nucléaire, en cas de décision unilatérale de la part de la France – quand bien même la loi autorise le Gouvernement à le faire.

2.   Pas sans augmenter le prix

Quoi qu’il en soit, si le plafond devait être relevé, la CRE suggère qu’une augmentation concomitante du prix de l’ARENH pourrait être envisagée – sans toutefois indiquer quel serait le nouveau prix d’équilibre.

Si l’on considère que le prix de l’électricité nucléaire doit refléter les coûts de l’entretien et du renouvellement (au moins partiel) du parc de production, il est raisonnable de penser que cette revalorisation devra être opérée.

L’article L. 337-16 du code de l’énergie, tel que modifié par la loi Énergie‑climat, prévoit déjà cette possibilité. Mais comme pour le plafond de l’ARENH, elle relèvera toujours d’une procédure d’approbation par la Commission européenne.

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En conclusion, votre Rapporteure considère que le dispositif de l’ARENH doit être réformé rapidement, avant la date d’échéance de 2025. Le futur mécanisme ne devra plus être asymétrique et devra reposer sur un prix aussi juste que possible, correspondant à la couverture de tous les coûts liés au nucléaire. Votre Rapporteure n’a pas d’avis préconçu sur l’établissement d’un prix fixe ou d’un corridor, mais le dispositif devra être équitable pour tous.

Enfin, si les discussions avec la Commission européenne devaient échouer, il faudrait, à tout le moins, revoir la question du plafond et celle du prix – et elles ne devraient pas être traitées séparément.

 


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   EXAMEN EN COMMISSION

Au cours de sa réunion du mercredi 21 octobre 2020, la commission des affaires économiques a examiné, sur le rapport de Mme Marie-Noëlle Battistel, les crédits relatifs à l’énergie de la mission « Écologie, développement et mobilité durables ».

Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure pour avis. Les dotations consacrées à la politique énergétique vont progresser en 2021 sous l’effet du plan de relance. Si ces efforts financiers sont louables, ils restent décevants : ils ne sont pas à la hauteur des objectifs affichés par le Gouvernement – que dire, alors, de l’urgence toujours plus criante de réaliser notre transition énergétique ?

Il y a tout de même deux vraies avancées : d’une part, les 2 milliards d’euros en autorisations d’engagement (AE) sur 2021 et 2022 et les 205 millions d’euros en crédits de paiement (CP) dès 2021 prévus par le plan de relance pour le développement de la filière de l’hydrogène vert ; d’autre part, l’enveloppe de 1,28 milliard d’euros en AE et 732 millions d’euros en CP en 2021 pour renforcer les dispositifs de la prime à la conversion et du bonus écologique, qui doivent accélérer le renouvellement du parc automobile pour des véhicules moins polluants. Ces dispositifs étaient très attendus pour soutenir nos filières automobiles et industrielles, durement affectées par la crise économique aiguë, et dont l’horizon est bien incertain.

Toutefois, même avec cette double visée, les efforts financiers affichés demeurent biaisés. En effet, la seconde enveloppe vient pour partie compenser un recul net des dotations budgétaires durables consacrées par le programme 174 « Énergie, climat et après-mines » de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » à ces mêmes aides : elles diminueront en effet de 290 millions d’euros en 2021 par rapport à 2020, soit une baisse de 36,4 %. L’ensemble de ces crédits n’est toujours pas à la hauteur des objectifs d’électrification du parc automobile. Le reste à charge est encore trop élevé pour bon nombre de Français.

Concernant les autres dispositifs, nous ne pouvons que regretter l’absence d’une accélération des investissements nationaux dans la transition énergétique : il y aura, au mieux, un rattrapage des reculs antérieurs.

Ainsi, l’autre dispositif phare du programme 174, MaPrimeRénov’, verra bien ses dotations presque doubler, mais cela résulte strictement de la dernière étape de la transformation du crédit d’impôt pour la transition énergétique (CITE) en une prime, avec le basculement des ménages des déciles de revenu 5 à 8 dans le nouveau régime. In fine, même en additionnant l’enveloppe complémentaire du plan de relance de 1,75 milliard d’euros sur deux ans pour accélérer le traitement des passoires thermiques, le total ne permet pas d’atteindre le niveau de la dépense au titre du CITE en 2018 – près de 2 milliards d’euros. Certes, l’élargissement des bénéficiaires de la prime et le fait que l’accent soit mis, en contrepartie, sur les rénovations globales sont bienvenus pour accélérer la rénovation thermique du parc privé, mais, à l’aune de ces exigences, les moyens apparaissent encore bien insuffisants : si l’on se fonde sur le coût moyen d’une rénovation complète et performante, ces crédits permettraient de financer moins de 200 000 logements, un chiffre très éloigné de l’objectif que le Gouvernement s’était lui-même fixé, à savoir 500 000 rénovations par an.

Quant au chèque énergie, son enveloppe gagne 14 millions d’euros en AE, mais pour une raison simple : son taux d’utilisation progresse, heureusement, mais en même temps, hélas, que la précarité énergétique s’aggrave en ces temps de tourmente économique et sociale. C’est ce contexte qui m’a convaincue de la nécessité de renforcer, au moins le temps de la crise, la valeur des chèques énergie. Je vous présenterai un amendement en ce sens. J’espère que vous l’accueillerez avec bienveillance.

S’agissant du programme 345, qui concentre désormais toutes les charges de service public de l’énergie en intégrant plusieurs actions de l’ancien compte d’affectation spéciale (CAS) « Transition énergétique », il verra croître ses dotations de 1,2 milliard d’euros. Cependant, dans le détail, ces suppléments se décomposent en 376 millions pour couvrir l’augmentation des surcoûts liés à la péréquation tarifaire dans les zones non interconnectées, 295 millions pour le doublement du volume annuel de biométhane injecté dans les réseaux – une progression plus rapide que les projections de la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) – et 580 millions pour la poursuite du développement en métropole des filières de production d’énergies renouvelables (ENR), dans la stricte ligne de la PPE. En ce qui concerne le périmètre des ENR, le seul effort supplémentaire de l’État concernera l’hydrogène vert, que j’ai déjà évoqué. Cela limite nos capacités à développer les ENR conformément à nos ambitions.

Le CAS « Financement des aides aux collectivités pour l’électrification rurale » sera globalement reconduit à son niveau actuel.

Pour tous mes espoirs déçus, je donnerai un avis défavorable à l’adoption des crédits de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » s’agissant de l’énergie.

J’ai par ailleurs choisi de consacrer la partie thématique de mon avis au dispositif de l’accès régulé à l’énergie nucléaire historique (ARENH) et au mécanisme qui devrait lui succéder au plus tard en 2025. Il n’a pas d’impact sur le budget de l’État, mais c’est un outil de politique publique essentiel, à la fois instrument de la régulation du marché de l’électricité en France et référence pour l’établissement des tarifs régulés de vente d’électricité.

Mis en place en 2011, l’ARENH avait pour objectifs de permettre l’ouverture effective du marché de l’électricité aux fournisseurs alternatifs à EDF
– et aux entreprises locales de distribution –, et d’offrir durablement aux consommateurs des prix stables reflétant les coûts du parc nucléaire historique, quel que soit le fournisseur qu’ils avaient choisi. Il était sans doute aussi une réponse à l’interdiction par le droit européen des tarifs réglementés de vente pour les grands industriels.

Pour rappel, dans le cadre de l’ARENH, EDF doit céder aux fournisseurs alternatifs qui en font la demande un volume annuel d’électricité nucléaire plafonné à 100 térawattheures depuis le début du dispositif, au prix, lui aussi inchangé depuis huit ans, de 42 euros par mégawattheure.

Le premier objectif a été atteint, comme le reconnaissent les premiers intéressés : les fournisseurs alternatifs, qui se sont bien installés sur le marché français. Certaines entreprises pétrolières ont même entamé leur reconversion.

Pour les industries électro-intensives, l’ARENH n’est qu’un instrument de modération de leurs charges parmi d’autres, mais, pour elles – et peut-être plus encore pour les autres grands consommateurs industriels et tertiaires français, qui ne bénéficient pas des mêmes aides –, son niveau généralement inférieur aux prix des marchés de gros et de détail et sa stabilité auront contribué à la compétitivité de leurs entreprises.

Pour les particuliers, on peut considérer que le second objectif est également rempli, moins par le développement de la concurrence sur le marché de l’électricité, qui n’a pas empêché les prix de l’électricité de suivre une tendance nettement à la hausse, que par la stabilité du tarif appliqué à un volume d’énergie représentant en moyenne 70 % des consommations des ménages.

Cependant, victime de son succès, le dispositif montre déjà ses limites : le plafond des 100 térawattheures est régulièrement dépassé depuis deux ans, imposant un écrêtement des volumes cédés à chaque fournisseur et, pour celui-ci, la nécessité de compléter son approvisionnement sur les marchés. Au final, les consommateurs, y compris les bénéficiaires des tarifs réglementés de vente, ont vu leurs factures augmenter s’agissant de leurs « droits » ARENH.

Cela n’empêche pas, d’un autre côté, EDF d’être pénalisé par un tarif qui ne couvre pas la réalité des coûts d’entretien et de maintenance de son parc nucléaire.

Enfin, et même si cela ne faisait pas partie des objectifs de l’ARENH, je déplore que les fournisseurs alternatifs, qui bénéficient grâce au dispositif d’un approvisionnement meilleur marché et sans risque, ne se soient pas montrés plus ambitieux dans leurs investissements dans les énergies renouvelables. Globalement, ils ont peu investi dans leurs outils de production.

Pour préparer la sortie d’un dispositif que la Commission européenne avait voulu temporaire, et corriger autant que possible les limites observées, l’État français négocie depuis deux ans un nouveau mécanisme de régulation de l’énergie nucléaire. Il porterait sur toute l’énergie nucléaire produite par EDF, qui serait soumise au jeu de l’offre et de la demande des marchés.

Les fournisseurs qui voudraient s’inscrire dans le nouveau dispositif pour profiter de volumes importants et de la stabilité apportée par le corridor de prix s’engageraient à payer un prix plancher – correspondant au tarif permettant de couvrir les coûts complets du parc, avec une marge raisonnable fixée par la Commission de régulation de l’énergie (CRE) –, même si les prix du marché sont plus bas. Le prix payé pourrait monter en fonction du marché jusqu’à un prix plafond au-delà duquel EDF devrait rétrocéder le supplément de rémunération aux fournisseurs, même si les prix libres sont plus hauts. L’écart entre le prix plancher et le prix plafond, le « corridor », pourrait être de 6 euros.

Le mécanisme prévoit enfin que, si l’excédent d’électricité produit au-delà du volume obligatoirement fourni était vendu à un prix inférieur au prix plancher, EDF percevrait une compensation pour combler la différence. Elle pourrait être versée par les fournisseurs, mais cette partie du dispositif n’est pas clairement définie à ce stade.

Le dispositif proposé éviterait les effets négatifs du plafonnement et apporterait une certaine stabilité des prix en les protégeant des plus grandes amplitudes du marché, notamment à la hausse. Il n’est pas mal accueilli par les grands consommateurs d’électricité. Les fournisseurs alternatifs sont moins convaincus : ils sont très attachés à ce que la nouvelle régulation ne sur-rémunère pas EDF.

La direction générale de la concurrence de la Commission européenne comprend la nécessité d’assurer la pérennité d’EDF – l’entreprise devant faire face à des charges croissantes, avec le coût du démantèlement de réacteurs nucléaires et celui du renouvellement d’une partie du parc –, mais s’interroge sur le déséquilibre des contraintes pour l’entreprise. De fait, selon la Commission, EDF sera assurée de vendre toute sa production à un prix répondant à ses besoins. Elle ne voit donc pas, à ce stade, la légitimité du supplément de revenu que lui apporterait le corridor. Et en ce qui concerne la compensation des ventes moins-disantes, la Commission considère qu’il n’est pas question de faire appel aux contribuables pour la financer.

Pour ma part, je considère que le dispositif de l’ARENH doit être réformé rapidement, avant même sa date d’échéance, à savoir 2025, puisqu’il a montré son caractère obsolète. Le dispositif ne doit plus être asymétrique. Il faut qu’il repose sur un prix aussi juste que possible, correspondant à la couverture de tous les coûts liés au nucléaire. Je n’ai pas de religion en ce qui concerne l’établissement d’un prix fixe ou d’un corridor ; le mécanisme doit être équitable pour tous. Si les discussions avec la Commission européenne concernant la réforme complète du dispositif devaient échouer, il faudrait à tout le moins revoir la question des plafonds et celle des prix – et elles ne devraient pas être traitées séparément.

Mme Pascale Boyer (LaREM). Le programme « Énergie, climat et après‑mines » a vu ses autorisations d’engagement augmenter de 2,6 % et ses crédits de paiement de 2,8 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2020, atteignant 2,5 milliards d’euros en 2021. Cette augmentation s’inscrit dans une dynamique : le Gouvernement et notre majorité ont fait de la question de l’efficacité énergétique une priorité pour la fin de la législature.

Les crédits du programme « Énergie, climat et après-mines » doivent également être mis en perspective avec les crédits mobilisés en faveur de l’efficacité énergétique dans le cadre du plan de relance, qui prévoit 6,7 milliards d’euros en faveur de la rénovation énergétique, dont 2 milliards en faveur de la rénovation des logements privés.

Selon une étude du ministère de la transition écologique et solidaire datant de 2019, l’énergie est un des principaux postes de dépenses des ménages français. Les conséquences de la crise de 2020 sur le pouvoir d’achat soulignent l’importance d’une consommation énergétique maîtrisée.

La maîtrise de la consommation énergétique doit également contribuer au respect par la France de sa trajectoire de réduction des émissions de gaz à effet de serre.

Dans ce contexte, les mesures inscrites au sein de ce programme doivent avant tout permettre d’accompagner les ménages, en particulier les plus vulnérables, dans l’amélioration de leur consommation énergétique.

Il me paraît également essentiel d’évoquer l’augmentation de 14 millions d’euros des crédits finançant le dispositif du chèque énergie. Délivré sur des critères de revenus, il constitue le principal outil d’aide aux ménages en situation de précarité énergétique. En 2020, il a bénéficié à 5,5 millions de ménages.

En tant que membre de la commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi d’accélération et de simplification de l’action publique (ASAP), je me réjouis par ailleurs de l’extension de l’usage du chèque énergie aux résidents d’établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes répondant aux conditions de revenus.

Il me paraît important d’évoquer aussi le dispositif MaPrimeRénov’, qui bénéficie, pour l’année 2021, de financements massifs, à la fois dans le cadre de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » et dans celui de la mission « Plan de relance ». La transformation du CITE en une prime doit permettre de gagner en simplicité tout en évitant aux ménages de faire l’avance des montants couverts par l’aide. Ainsi, le montant perçu sera déterminé en fonction non plus du prix des travaux mais des économies réalisées, et sera versé directement par l’Agence nationale de l’habitat (ANAH) au moment des travaux.

Cette prime pour la transition énergétique s’applique d’ores et déjà aux déciles 1 à 4. Initialement, elle devait être étendue aux déciles 5 à 8 à compter du 1er janvier 2021. Cependant, les mesures contenues dans le plan de relance vont plus loin en élargissant le dispositif de MaPrimeRénov’ à tous les propriétaires, occupants et bailleurs, en créant une prime pour les copropriétés, en l’ouvrant aux ménages des déciles 9 et 10 et en révisant les forfaits afin de favoriser les rénovations globales les plus ambitieuses.

En parallèle, le plan de relance mobilisera 1,75 milliard d’euros sur deux ans pour accélérer le traitement des 5 millions de passoires thermiques, qui pénalisent majoritairement les ménages les plus modestes.

Enfin, le Gouvernement et notre majorité ont fixé dans le plan de relance des objectifs et des moyens ambitieux en matière de rénovation énergétique des bâtiments publics et du parc social, dans la continuité des conclusions de la Convention citoyenne pour le climat. Ce sont ainsi 3,7 milliards d’euros en AE qui seront mobilisés en faveur de la rénovation thermique des bâtiments publics et 500 millions en faveur de la rénovation énergétique et de la réhabilitation lourde des logements sociaux.

Les mesures inscrites dans le programme « Énergie, climat et après-mines » bénéficieront à l’ensemble de nos concitoyens. Nous y sommes donc favorables et voterons les crédits de la mission « Écologie, développement et mobilité durables ».

M. Jérôme Nury (LR). Merci, Madame la rapporteure pour avis, pour cette présentation claire.

S’agissant de l’aide à l’acquisition de véhicules propres, il faut souligner l’inscription de 1,28 milliard d’euros en AE dans le plan de relance. C’est une approche vertueuse favorisant une mobilité plus écoresponsable. Elle connaît toutefois trois freins.

Le premier concerne le prix : même en tenant compte de la hausse de la prime, ces véhicules – qu’il s’agisse de modèles hybrides, électriques ou à hydrogène, qu’ils soient neufs ou d’occasion, d’entrée de gamme ou haut de gamme – sont encore très chers : le reste à charge pour l’acheteur est très élevé. Il sera donc difficile de populariser ces moyens de locomotion, notamment en milieu rural, où l’on est pourtant obligé d’utiliser des véhicules individuels pour se déplacer.

Le deuxième frein tient au fait que la fabrication des pièces de ces véhicules et leur assemblage ont lieu en dehors de notre pays, voire de l’Europe – c’est vrai pour les batteries, et la Zoé, par exemple, est en partie assemblée en Turquie. Par ailleurs, un certain nombre de constructeurs transforment les plateformes de modèles thermiques pour produire des véhicules électriques, ce qui ne fait pas spécialement tourner l’industrie automobile française.

Troisième frein : le réseau de bornes de recharge est totalement obsolète. On veut développer l’usage des véhicules électriques, et l’autonomie de ces derniers augmente, avec des batteries de plus en plus performantes : cela suppose un système de recharge plus rapide. Or l’essentiel de notre réseau est constitué de bornes de 6 kilowatts ou de 22 kilowatts, ce qui est loin d’être suffisant. Il faut développer des réseaux de recharge rapide, voire très rapide, faute de quoi nous limiterions la mobilité propre que nous entendons promouvoir.

Je voudrais évoquer également le CAS « Financement des aides aux collectivités pour l’électrification rurale » (FACÉ). Vous nous avez dit, madame la Rapporteure pour avis, que ses crédits seraient exactement les mêmes en 2021. Cela veut dire qu’en euros constants, ils diminuent. On ne peut que le regretter car, dans les communes rurales, les réseaux doivent être renforcés, mais aussi effacés.

Par ailleurs, de nombreux élus, dont je suis, ont soutenu la création des communes nouvelles. Il faut que celles-ci continuent à être éligibles au FACÉ par l’intermédiaire de syndicats d’énergie – pour ce qui concerne leur partie rurale –, comme avant la fusion. Cette pérennisation serait d’autant plus logique que la dualité de la taxe sur la consommation finale d’électricité perdure : un taux est à la main de la commune nouvelle pour sa partie urbaine, un autre à la main du syndicat pour sa partie rurale. Pouvez-vous confirmer que nous avons bien été entendus sur ce point, comme le laisse penser votre rapport ?

M. David Corceiro (MoDem). Je vous remercie, Madame Battistel, pour ce rapport. Les marges de manœuvre budgétaires étaient jusque-là limitées, elles ont été fortement accrues dans le cadre du plan de relance. Les mesures relatives à l’énergie concernent deux piliers importants : la rénovation énergétique des bâtiments et la mobilité verte.

S’agissant du premier pilier, la démarche consiste d’abord dans une relance de l’investissement public pour la rénovation énergétique des bâtiments publics. Pour les bâtiments privés, l’extension du dispositif MaPrimeRénov’ devrait permettre à de nombreux logements de sortir de la catégorie des passoires thermiques. Nous soutenons la décision de transformer le CITE en une prime fusionnée avec l’aide de l’ANAH : les dispositifs sont ainsi regroupés, et la prime permet aux ménages modestes de percevoir une aide au moment où ils engagent les dépenses liées aux travaux. Elle permettra d’éviter les écueils de l’ancien dispositif, qui était largement détourné.

Nous comprenons la volonté du Gouvernement de centrer la nouvelle prime sur les plus modestes. Il est important que le reste à charge soit minime, afin d’inciter réellement les ménages à entreprendre des travaux de rénovation. Or de nombreuses études montrent que les plus pauvres ne peuvent pas véritablement investir car le reste à charge est trop lourd.

Madame la rapporteure pour avis, je souhaiterais vous interroger sur une catégorie oubliée : les locataires. Sur quels dispositifs peuvent-ils s’appuyer ? Alors qu’ils représentent une large proportion des occupants, ils ne bénéficient d’aucune prime.

S’agissant de la mobilité, l’augmentation de l’investissement dans les infrastructures et les mobilités vertes constitue un autre axe central de la relance de l’économie, ainsi que de sa décarbonation. À cet égard, le groupe MoDem se réjouit du soutien à la filière de l’hydrogène vert.

La consommation d’énergie représente près de 70 % des émissions de gaz à effet de serre dans notre pays. Les leviers de décarbonation et les nouvelles solutions de stockage offerts par l’hydrogène vert en font un vecteur énergétique indispensable pour atteindre la neutralité carbone d’ici à 2050. Dans le cadre de l’un des groupes de travail mis en place par notre commission durant le confinement, vous aviez suggéré, avec M. Bolo et M. Cellier, de renforcer la part de l’hydrogène vert dans la mobilité électrique, y compris pour les mobilités lourdes. L’investissement massif dans cette filière nous permettra-t-il de satisfaire cet objectif ?

Nous vous avions alertée sur le processus de fabrication de l’hydrogène : en 2016, il était obtenu à 95 % par le craquage de combustibles fossiles, ce qui est très polluant. Considérez-vous que les choix budgétaires faits dans le cadre du plan de relance et du PLF permettront d’accorder à la recherche les moyens nécessaires pour développer un hydrogène plus propre ? L’hydrogène a un rôle majeur à jouer dans la construction d’un réel mix énergétique qui permettra d’atteindre nos objectifs en matière de réduction des gaz à effet de serre, de lutte contre le changement climatique et de sécurité d’approvisionnement.

M. Jean-Bernard Sempastous. Je voudrais d’abord féliciter notre collègue Marie Noëlle Battistel pour son rapport et son exposé.

L’hydrogène vert sera l’une des clés de notre transition énergétique, en permettant notamment de réduire nos émissions de CO2. Cette filière pourrait également permettre la création de dizaines de milliers d’emplois. Je salue l’inscription de 2 milliards d’euros de crédits dans le plan de relance pour son développement.

En Occitanie, nous sommes déjà positionnés pour développer la filière hydrogène à grande échelle, avec notamment l’appel à manifestation d’intérêt du Secrétariat général pour l’investissement. Plus spécifiquement, dans mon département, à Tarbes, nous serons heureux d’accompagner le site d’Alstom, leader mondial dont l’une des spécialités est le train à hydrogène.

Un nombre croissant de projets émergent, et c’est bien au cœur des territoires qu’il faut encourager le déploiement de l’hydrogène. Comment l’appel à projets « hubs territoriaux d’hydrogène » de l’Agence de la transition écologique (ADEME) permettra-t-il le déploiement d’écosystèmes de grande envergure, groupant industrie et mobilité ?

M. le président Roland Lescure. J’espère que vous allez nous parler d’énergie, monsieur Bazin, et non de logement…

M. Thibault Bazin. Rassurez-vous, Monsieur le président, c’est bien d’énergie que je vais vous parler, puisque 45 % de la consommation énergétique finale et 25 % des émissions de gaz à effet de serre concernent le secteur du bâtiment. (Sourires.)

Merci, Madame la rapporteure pour avis, pour votre rapport sur un sujet essentiel pour nos concitoyens, mais aussi pour les artisans et les industriels, car cela représente beaucoup d’emplois.

Après trois années en Macronie, le bilan en matière de rénovation énergétique est bien maigre : on compte encore 8 à 12 millions de victimes de la précarité énergétique, et l’objectif consistant à rénover plus de 500 000 logements par an n’est pas atteint, ce qui est très dommageable. Le chantier de la rénovation thermique n’est pas vraiment en marche ; il fait plutôt du sur-place. Les dispositifs sont trop complexes et excluent jusqu’à présent des ménages qui, sans incitations, reportent leurs investissements.

Le plan de relance reprend pour partie des mesures que nous défendions déjà l’an dernier mais que votre majorité avait refusées, comme l’élargissement de MaPrimeRénov’. On peut regretter le temps perdu. Derrière ces aides, il y a des emplois pour l’artisanat dans nos territoires, et des gains de pouvoir d’achat pour les habitants grâce aux économies réalisées sur les factures de chauffage. Il faut espérer que le plan de relance ne soit pas qu’une promesse : il doit être concrétisé. Aucun territoire ne devra être oublié lorsqu’il s’agira de diffuser tous ces dispositifs.

Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure pour avis. Monsieur Nury, j’ai aussi pointé dans mon rapport le fait que le reste à charge pour l’acheteur d’un véhicule propre demeurait élevé, malgré la progression de la prime : les voitures électriques ne sont pas accessibles à tous les Français. Et c’est vrai, l’offre de mobilité verte est inexistante dans les territoires ruraux éloignés des agglomérations. À ce stade, l’effort est donc insuffisant : les nouvelles dispositions ne permettront pas de changer les habitudes en milieu rural.

Concernant le FACÉ, je crains que la continuité du dispositif ne soit envisagée que pour les zones non interconnectées, outre-mer par exemple. Je vous le confirmerai par écrit.

Monsieur Corceiro, je vous rejoins : l’hydrogène est obtenu à 95 % par craquage de combustibles fossiles. On ne saurait évidemment s’en satisfaire. Mobiliser des moyens en faveur de l’hydrogène noir ou gris – je ne sais pas trop comme l’appeler – est une erreur. Il vaut mieux concentrer les moyens sur l’hydrogène vert. C’est ce que proposent le budget et le plan de relance, et il convient de le saluer. Cela sera-t-il suffisant ? Sûrement pas, mais il y aura plus d’incitations, ce qui permettra peut-être de faire décoller la filière de l’hydrogène vert. Il faudra veiller à conforter le dispositif au cours des années suivantes, pour asseoir plus solidement cette filière.

Monsieur Sempastous, s’agissant des appels à projets de l’ADEME pour l’hydrogène vert, je vous propose d’interroger Mme la ministre. Je peux m’en charger ; je vous transmettrai ensuite sa réponse.

Monsieur Bazin, je ne peux que partager votre constat selon lequel l’objectif de rénover 500 000 logements n’a pas été atteint. J’en ai d’ailleurs fait la démonstration dans mon rapport. La somme attribuée peut sembler très importante, mais quand on la rapporte au prix moyen d’une rénovation, on arrive péniblement à 200 000 logements, ce qui est évidemment trop peu. Il faut donc consacrer davantage à cet objectif. Cette année, cela me semble difficile, mais il conviendra de le faire dès l’année prochaine. C’est un secteur qui est largement en déficit, ou, à tout le moins, loin d’atteindre les objectifs que nous nous sommes fixés.

La commission en vient à l’examen, pour avis, des crédits.

Article 33 et état B

La commission est saisie de l’amendement II-CE58 de Mme Stéphanie Do.

Mme Stéphanie Do. Le dispositif des certificats d’économies d’énergie (CEE) est le premier instrument de la politique de maîtrise de la demande énergétique, avec une enveloppe annuelle de près de 2 milliards d’euros. Il impose aux fournisseurs d’énergie le financement de travaux d’économie d’énergie. Depuis le 1er janvier 2019, ce dispositif connaît un succès certain dans le cadre du dispositif « Coup de pouce » : près de 1,2 million d’opérations d’isolation thermique et 450 000 changements de systèmes de chauffage ont été engagés. Toutefois, le dispositif a connu des dérives malheureuses. Or aucun budget n’est affecté au contrôle sur site des travaux réalisés. Cela est d’autant plus problématique qu’à compter de 2021, l’alignement des conditions d’obtention des CEE et de MaPrimeRénov’ favorisera leur cumul, et donc l’augmentation du nombre de travaux engagés.

Le présent amendement prévoit donc d’affecter 25 millions d’euros au ministère de la transition écologique afin de réaliser des contrôles sur site. Le coût d’un contrôle par un organisme agréé par le Comité français d’accréditation (COFRAC) oscille entre 200 et 250 euros. Ce budget permettrait de réaliser des contrôles sur près de 100 000 opérations. L’investissement est important mais il représente à peine 1 % de l’enveloppe totale annuelle du dispositif des CEE.

L’enveloppe supplémentaire de 25 millions d’euros sera utilisée à la fois pour recruter, au sein du Pôle national des CEE, 15 équivalents temps plein travaillé (ETPT) supplémentaires mais aussi pour développer le contrôle sur site par les organismes agréés par le COFRAC.

Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure pour avis. Si je partage l’objectif de renforcer la lutte contre les fraudes, encore extrêmement nombreuses dans le domaine des travaux de performance énergétique, je considère que c’est surtout aux vendeurs d’énergie et aux autres acteurs obligés CEE de financer ces contrôles, comme le prévoit la loi de novembre 2019 relative à l’énergie et au climat. Celle-ci a en effet introduit l’obligation pour les demandeurs de CEE de réaliser par des tiers des contrôles des travaux financés grâce aux certificats, dans des proportions définies par voie réglementaire. Depuis le mois de septembre, ces contrôles sont systématiques pour les isolations de combles et planchers bas sur des surfaces supérieures à 500 mètres carrés. Ils le deviendront aussi progressivement, à partir du 1er janvier, pour les isolations de murs.

De son côté, le Gouvernement a renforcé, à hauteur de 1 million d’euros, l’enveloppe allouée aux visites sur site par des bureaux d’inspection accrédités. En 2019, 3 000 opérations avaient été inspectées dans ce cadre. En 2020, 2,5 millions d’euros y seront consacrés, ce qui permettra de diligenter davantage d’inspections.

Enfin, vous proposez de prélever les 25 millions sur le programme 345, qui est loin d’être surdoté. J’émets donc un avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine l’amendement II-CE40 de la rapporteure pour avis.

Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure pour avis. La crise est particulièrement violente pour les plus fragiles, et elle va probablement durer. Je vous propose d’augmenter l’enveloppe consacrée aux chèques énergie, qui aident les ménages modestes à régler leurs factures, de manière à les revaloriser de 50 euros environ par bénéficiaire. Dans la mesure où plus de 5,5 millions de ménages les reçoivent, cela représenterait une dépense de 150 millions d’euros en 2021. Je propose, malheureusement, de prendre cette somme sur le budget consacré à l’entretien des routes, parce que je n’ai pas trouvé d’autre moyen ; j’espère que le Gouvernement lèvera le gage.

M. Fabien Di Filippo. Loin de moi l’idée de douter des bonnes intentions de Mme la rapporteure pour avis lorsqu’elle nous propose cet amendement. Je ne sous-estime pas non plus les difficultés d’un certain nombre de nos concitoyens à faire face à leurs dépenses de chauffage. Mais on a assisté, depuis le début du confinement, et plus encore à la rentrée, à un véritable déversement d’aides sociales supplémentaires, pour des montants considérables : chèques de confinement, chèques de déconfinement, majoration de l’allocation de rentrée scolaire, etc. Des milliards et des milliards d’euros sont ainsi concentrés sur les mêmes publics – comme les impôts le sont sur d’autres catégories. Toutes ces sommes seraient bien mieux utilisées à essayer de rapprocher un certain nombre de nos concitoyens de l’emploi : voilà le véritable enjeu stratégique pour l’avenir. Toutes ces aides sociales, dont on ne sait même plus comment elles sont financées, nous conduisent droit dans le mur.

Quant à la ligne budgétaire sur laquelle vous prenez cette somme, elle est destinée à l’entretien des routes. Or, dans les territoires ruraux, celles-ci sont dans un état déplorable, alors qu’elles sont souvent le seul mode de déplacement possible. Je vis, comme vous, dans l’un de ces territoires ; les parents d’élèves nous disent souvent que les bus de transport scolaire manquent de se renverser chaque fois qu’ils prennent un virage. C’est très dangereux. On ne peut pas réduire encore et encore le budget d’entretien de nos routes !

Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure pour avis. J’ai précisé d’emblée que je ne souhaitais pas que les crédits soient pris sur cette ligne, mais il n’y en avait pas d’autre. C’est pourquoi je demanderai au Gouvernement de lever le gage.

Vous dites qu’une multitude de dispositifs et de chèques de soutien ont été créés, notamment pendant la crise de la Covid-19. C’est vrai, et heureusement qu’ils existent, mais ils ne s’adressent pas toujours à des publics très précaires, ceux que je vise dans mon amendement. Je trouve donc pertinent de conforter ces personnes.

La commission rejette l’amendement.

*

Après l’article 54

La commission examine l’amendement II-CE45 de M. Thibault Bazin.

M. Thibault Bazin. Lors de la crise sanitaire, un certain nombre de nos concitoyens se sont réfugiés dans leur résidence secondaire, où ils avaient parfois plus d’espace. Or elles présentent parfois des défauts d’isolation très importants, ce qui est dommageable alors que, par ailleurs, on entend développer le télétravail. Mon amendement vise donc à rendre éligibles au dispositif MaPrimeRénov’ les travaux effectués dans les résidences secondaires situées exclusivement en zone rurale.

Cette extension du dispositif présente de multiples avantages. D’une part, cela encouragerait les contribuables concernés à puiser dans leur épargne afin de réaliser des travaux de rénovation énergétique. D’ailleurs, ces résidences secondaires deviendront peut-être un jour des résidences principales – pour leurs propriétaires actuels ou pour d’autres. D’autre part, ces travaux sont largement réalisés par des TPE et des PME. Or celles-ci sont en souffrance dans nos territoires. Elles retrouveraient ainsi le marché des particuliers, qui a subi un coup d’arrêt du fait de la crise sanitaire. Ces travaux seraient donc particulièrement importants pour l’emploi local. Les entreprises du bâtiment sont présentes dans 91 % des communes de France : axer le dispositif autour des territoires ruraux constituerait un moyen efficace d’aider nos artisans dans ces territoires où l’activité demeure atone. Ils ont vraiment besoin de notre soutien. Je compte donc sur vous, mes chers collègues, pour adopter cet amendement.

Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure pour avis. Monsieur Bazin, je partage votre volonté de soutenir la filière du bâtiment, et surtout la rénovation la plus large possible des bâtiments, mais la rédaction de votre amendement pose problème : elle aboutirait à réserver la prime aux seules résidences secondaires situées en zone rurale. Or, je l’ai démontré dans mon rapport, on manque déjà de crédits pour la rénovation énergétique des résidences principales. Rénover à la fois l’habitat principal et l’habitat secondaire aurait bien entendu des vertus pour l’environnement, mais on ne pourrait l’envisager que si l’on disposait d’une enveloppe en progression. À enveloppe constante, cela pose problème. Avis défavorable.

Mme Pascale Boyer. Nous irons dans le même sens que Mme la rapporteure pour avis : MaPrimeRénov’ élargit de manière conséquente, à travers le plan de relance, le dispositif à tous les déciles, notamment les déciles 9 et 10. La demande de M. Bazin est donc largement satisfaite, même en ce qui concerne les résidences secondaires me semble-t-il.

M. Fabien Di Filippo. Dans la conjoncture actuelle, nous sommes soucieux d’un modèle de développement équilibré et durable de notre pays. Les résidences secondaires d’aujourd’hui seront peut-être les résidences principales de demain. Pendant le confinement, un certain nombre de gens ont redécouvert la qualité de vie dans nos territoires, certes excentrés, mais disposant d’atouts en termes de confort, de qualité et de coût de la vie. Réinvestir la rénovation énergétique des résidences secondaires, c’est préparer le repeuplement de nos campagnes : s’agissant d’aménagement du territoire, vous devriez y être sensible, Madame la rapporteure.

M. Thibault Bazin. En vous écoutant, Madame la rapporteure, je m’apprêtais à retirer mon amendement mais, après avoir entendu M. Fabien Di Filippo, je pense que nous devons insister. Je vous invite à sous-amender mon amendement, qui ne vise absolument pas à exclure, mais bien plutôt à élargir. Dans une période où les milliards tombent comme à Gravelotte, et alors que seule la moitié des 100 milliards d’euros du plan de relance sera dépensée avant fin 2021, il est peut-être possible de mettre un vrai coup d’accélérateur à la rénovation thermique.

Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure pour avis. Cher collègue, je vous propose de le retirer et de le retravailler, plutôt que de le sous-amender à la va‑vite.

L’amendement est retiré.

La commission examine les amendements II-CE20, II-CE21, II-CE22 et IICE23 de Mme Stéphanie Do, qui peuvent faire l’objet d’une discussion groupée.

Mme Stéphanie Do. L’arrêté en date du 25 mars 2020 modifiant l’arrêté du 29 décembre 2014 relatif aux modalités d’application du dispositif des certificats d’économies d’énergie concernant le « Coup de pouce Isolation » et le « Coup de pouce Chauffage » a modifié certaines règles. L’une des principales nouveautés apportées par cet arrêté a été le prolongement jusqu’au 31 décembre 2021 de ces deux dispositifs.

La crise sanitaire a fortement touché le secteur du bâtiment et, a fortiori, celui de la rénovation énergétique. Étant donné son rôle primordial dans notre politique énergétique et l’impératif d’encadrer la reprise économique, il paraît opportun de repousser ce délai jusqu’en 2022 afin d’inciter les consommateurs à engager des travaux. Cela permettra de relancer l’activité économique des fournisseurs d’énergie tout en s’inscrivant dans une transition écologique essentielle sur le long terme. De plus, le retour de la crise sanitaire pourrait de nouveau mettre en péril l’avenir de certains chantiers. Compte tenu de la période incertaine que nous traversons, ces dispositifs vertueux ne pourront peut-être pas être exploités à leur juste valeur en 2020 et 2021.

Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure pour avis. Je donnerai le même avis sur ces amendements, qui visent tous à prolonger jusqu’en 2022 l’ouverture des droits à bonification de certificats d’économie d’énergie. J’y suis plutôt favorable car tout ce qui peut être accompli en faveur d’une rénovation performante de bâtiments résidentiels collectifs est un bonus pour l’environnement. Toutefois, on peut s’interroger sur les conséquences d’un report constant de l’échéance de ces dispositifs, qui peut inciter les copropriétaires ou les propriétaires à décaler leurs travaux. De ce fait, j’émettrai un avis de sagesse.

La commission rejette les amendements.

Elle émet un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Écologie, développement et mobilité durables ».

 


—  1  —

   LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉes

Commission européenne – Direction générale de la concurrence

M. Olivier Guersent, directeur général de la concurrence

M. Nicolas Pesaresi, responsable de l’unité Aides d’État au sein de la direction de l’Énergie

Direction générale de l’énergie et du climat (DGEC)

Mme Sophie Mourlon, directrice de l’énergie

M. Éric Chambon, adjoint au sous-directeur des Marchés de l’électricité

Commission de régulation de l’énergie (CRE)

M. Jean-François Carenco, président

M. Dominique Jamme, directeur général

Mme Olivia Fritzinger, cheffe du service des relations institutionnelles

EDF *

M. Alexandre Perra, directeur exécutif du Groupe EDF en charge de l’innovation, de la responsabilité d’entreprise et de la stratégie

Mme Louise Vilain, directrice du projet d’évolution de l’organisation des actifs d’EDF

M. Bertrand Le-Thiec, directeur des affaires publiques

Association nationale des opérateurs détaillants en énergie (A.N.O.D.E) *

Mme Naima Idir, présidente de l’ANODE

M. Henri Reboullet, président-directeur général de Vattenfall France

M. Pierre-Louis Pernet, responsables des affaires publiques de Total direct énergie

M. Julien Ballada, chef de projet Affaires réglementaires d’Eni gas & power France

M. Cyril Grignon, responsable GRD, fournisseur d’ekWateur

Union des industries utilisatrices d’énergie (UNIDEN) *

M. Nicolas de Warren, président

M. Gildas Barreyre, président de la commission Électricité

M. Fabrice Alexandre, conseil

Table ronde des associations de consommateurs :

– UFC que choisir

M. Antoine Autier, responsable adjoint du service des études

– Association des grands consommateurs industriels et tertiaires français d’électricité et de gaz (CLEEE)

M. Frank Roubanovitch, président

– Consommation Logement Cadre de vie (CLCV)

M. François Carlier, délégué général

Syndicat des énergies renouvelables *

M. Jean-Louis Bal, président

M. Alexandre Roesch, délégué général

Mme Delphine Lequatre, responsable du service juridique

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le registre de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale.


([1]) S’y rajoutent les renforts temporaires des programmes d’investissements d’avenir et du plan de relance.

([2]) Cf. l’article 89 de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019

([3]) Le projet « Celtic » de ligne en courant continu de 700 MW entre le Finistère et le sud de l’Irlande.

([4]) Loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte

([5]) Sur les 2 milliards de l’enveloppe, 250 millions d’euros viendront renforcer les actions de l’ANAH dans le cadre des plans gouvernementaux « Initiative copropriétés », « Actions Cœur de ville » et le futur programme « Petites villes de demain ».

([6]) Cf. Décret n° 2020-674 du 3 juin 2020 modifiant le décret n° 2014-812 du 16 juillet 2014 pris pour l’application du second alinéa du 2 de l’article 200 quater du code général des impôts et du dernier alinéa du 2 du I de l’article 244 quater du code général des impôts et arrêté du 3 juin 2020 modifiant l’arrêté du 1er décembre 2015 relatif aux critères de qualifications requis pour le bénéfice du crédit d’impôt pour la transition énergétique et des avances remboursables sans intérêt destinées au financement de travaux de rénovation afin d’améliorer la performance énergétique des logements anciens.

([7]) Arrêt de la Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE) du 24 octobre 2019 dans l’affaire C636/18, ayant pour objet un recours en manquement au titre de l’article 258 TFUE, introduit le 11 octobre 2018

([8]) Production simultanée de chaleur et d’électricité

([9]) Le tarif jaune correspondait à des puissances souscrites entre 36 et 250 kilowattheure et le tarif vert aux puissances supérieures. Leur suppression a imposé aux sites concernés de passer, à compter du 1er janvier 2016, à des offres de marché dont les prix sont librement fixés par les fournisseurs.

([10]) Précisée par le décret d’application n° 2011-466 du 28 avril 2011. Les deux sont codifiés aux articles L. 336‑1 et suivants et R. 336-1 et suivants du code de l’énergie.

([11]) La loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l’énergie et au climat exclut du périmètre des TRV, à partir du 1er janvier 2021, les consommateurs professionnels employant plus de 10 personnes ou dont le chiffre d’affaires, les recettes ou le total de bilan excèdent 2 millions d’euros par an.

([12]) Comité de liaison des entreprises ayant exercé leur éligibilité sur le marché libre de l’électricité.