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N° 3400

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 9 octobre 2020.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES
SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2021 (n° 3360)

TOME XII

INVESTISSEMENTS D’AVENIR

 

PAR Mme Typhanie DEGOIS

Députée

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 Voir les numéros : 3360 et 3399 (Tome III, Annexe 15).


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  SOMMAIRE

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Pages

introduction

PREMIèRE PARTIE : ANALYSE BUDGéTAIRE

I. Présentation générale des crédits de la mission

A. La mission « InvestissemEnts d’avenir » dans le projet de loi de finances pour 2021

1. Une mission budgétaire spécifique pour le PIA 3

2. L’intégration du PIA 4 au sein de la mission « Investissements d’avenir »

B. Description de l’Évolution des crÉdits des programmes de la mission « investissements d’avenir »

1. Le programme 422 : « Valorisation de la recherche »

2. Le programme 423 : « Accélération de la modernisation des entreprises »

3. Le programme 424 (nouveau) « Financement des investissements stratégiques »

4. Le programme 425 (nouveau) « Financement structurel des écosystèmes d’innovation »

II. PRéSENTATION DU SECRéTARIAT GÉNÉRAL POUR L’investissement ET DES OPéRATEURS DU PIA

A. LE SECRÉtariat général pour l’investissement

B. LES OPÉRATEURS DU PIA

C. les mesures exceptionnelles face à la crise sanitaire

SECONDE PARTIE : ANALYSE THÉMATIQUE

I. INTELLIGENCE ARTIFICIELLE

A. Une technologie transversale DÉCISIVE POUR l’Économie

1. Définition de l’intelligence artificielle

2. Une technologie transformante permettant de puissants gains de productivité et de compétitivité

B. Un soutien important des investissements d’avenir

1. Un soutien plutôt amont – les instituts « 3IA »

2. Un soutien amont-aval : la valorisation de la recherche IA

3. Un soutien en aval dans le domaine de l’accélération et de la modernisation des entreprises

4. Un soutien complémentaire du volet économie de la stratégie nationale IA pour la partie « usages »

C. DE BONS RéSULTATS MAIS UN ENVIRONNEMENT ULTRA-CONCURRENTIEL NÉCESSITANT UNE STRATÉGIE DE LONG-TERME

1. Un bilan très favorable pour l’ensemble des acteurs auditionnés

2. Réduire nos points de faiblesse grâce à une stratégie de long-terme

3. Deux secteurs à soutenir prioritairement : l’IA embarquée et le traitement automatique du langage naturel

4. Propositions

II. MicRO-ÉLECTRONIQUE

A. Un secteur d’excellence, dynamique et compétitif, qui bénéficie d’un soutien historique des investissements d’avenir

1. Une industrie d’excellence fortement exportatrice

2. Un soutien historique et important des investissements d’avenir

3. Un marché mondial à forts enjeux économiques et technologiques sur lequel la France doit se maintenir

B. ANTICIPER NANO 2027 EN S’APPUYANT SUR LE SUCCÈS DE NANO 2022

1. Un plan d’ampleur articulé avec l’échelon européen

2. Un financement public abondé majoritairement par le PIA 3 – des décaissements qui devraient s’accroître à partir de 2021

3. Des résultats satisfaisants

4. Une dynamique à poursuivre avec Nano 2027 afin de maintenir un haut niveau d’ambition

5. Propositions

III. blockchain

A. Un secteur d’avenir qui fait l’objet d’investissements en hausse dans le monde

1. Nature et fonctionnement de la blockchain

2. Trois grandes catégories d’applications possibles

3. Des investissements importants dans le monde

B. Une attention récente des pouvoirs publics, mais une quasi-absence DE SOUTIEN au sein des investissements d’avenir EN DÉPIT DE difficultés de financement

1. Une stratégie nationale blockchain, lancée en 2019, est en cours de déploiement

2. Un soutien encore faible à la blockchain au sein des investissements d’avenir

3. Des difficultés de financement et de diffusion de la blockchain qui doivent être traitées

4. Propositions

EXAMEN EN COMMISSION

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNées


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   introduction

L’année 2020 a été marquée par une crise sanitaire inédite, révélant à la fois notre forte capacité d’adaptation, mais aussi une certaine dépendance de notre pays au sein de domaines stratégiques clefs. C’est le cas, pour ne prendre qu’un seul exemple, du numérique, l’essentiel des solutions utilisées étant originaires des États-Unis. Afin de rattraper son retard dans les technologies de pointe, la France se doit d'adopter une stratégie ambitieuse à long terme en termes d'investissements d'avenir.

Face à la crise sanitaire, le secrétariat général pour l’investissement (SGPI) et les opérateurs du PIA ont affronté un double défi : aider les acteurs économiques en difficulté, pour préserver une dynamique d’innovation de long-terme, et soutenir l’effort de recherche dans la santé pour accélérer la sortie de crise. Plusieurs mesures ont été utilement prises en ce sens, afin d’accélérer les décaissements de crédits prévus pour les lauréats PIA, de ralentir le rythme du remboursement des avances remboursables, et de financer la recherche. Votre Rapporteure souhaite donc saluer, à travers cet avis budgétaire, la forte mobilisation de ces acteurs.

Pour tirer les leçons de la crise, soutenir la relance, et préparer notre pays aux enjeux de demain, un programme d’investissements d’avenir n° 4 a été présenté par le Premier ministre le 3 septembre dernier. Doté de 20 milliards d’euros sur 5 ans, dont 11 milliards sont rattachés au plan de relance, il doit permettre de mettre en œuvre la volonté du Gouvernement de renforcer la souveraineté technologique française et européenne. Il comprend un volet dirigé, qui donne le primat à une vision stratégique de l’innovation pour les années à venir, et un volet structurel, qui soutiendra la recherche et simplifiera le paysage des aides à l’innovation, dont votre Rapporteure avait déjà souligné la complexité dans son avis de l’année dernière ([1]).

Le présent avis budgétaire détaille les caractéristiques du nouveau PIA, qui prend la forme de deux nouveaux programmes 424 et 425 rattachés à la mission « Investissements d’avenir ». Il comprend également une partie thématique consacrée aux domaines de l’intelligence artificielle, de la micro-électronique, et de la blockchain. Votre Rapporteure souhaite en effet mettre en avant ces trois secteurs d’activité, qui doivent faire l’objet d’une attention forte des pouvoirs publics dans le cadre du PIA 4, en raison de leur puissant potentiel technologique et économique.

Un bilan du soutien du PIA 3 à ces trois domaines est proposé, ainsi que des recommandations nourries des auditions menées au cours du mois de septembre dernier. Ce bilan peut se résumer ainsi : la dynamique forte engagée au sein du plan Nano 2022 et de la stratégie nationale d’intelligence artificielle doit se poursuivre, tandis qu’un véritable effort d’accélération est nécessaire concernant la blockchain, encore trop peu soutenue par les pouvoirs publics.

*

*     *

Votre rapporteure propose à la commission d’émettre un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Investissements d’avenir ».

 


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   PREMIèRE PARTIE : ANALYSE BUDGéTAIRE

I.   Présentation générale des crédits de la mission

A.   La mission « InvestissemEnts d’avenir » dans le projet de loi de finances pour 2021

1.   Une mission budgétaire spécifique pour le PIA 3

La mission « Investissements d’avenir » concerne l’engagement des crédits du troisième programme d’investissements d’avenir (PIA 3). Doté de 10 milliards d’euros, le PIA 3 fait l’objet d’une procédure budgétaire adaptée à sa nature extrabudgétaire et pluriannuelle, dans la lignée des PIA 1 et 2. En effet, l’intégralité de son enveloppe a été engagée dans la loi de finances pour 2017, sous la forme d’autorisations d’engagement (AE).

Le projet annuel de performances (PAP) annexé au projet de loi de finances pour 2017, précisait toutefois le rythme pluriannuel selon lequel ces crédits feront l’objet de décaissements (déclinaison des autorisations d’engagement en crédits de paiement). À l’origine, la conversion des AE en CP devait intervenir sur un rythme stable de 2 Md€ par an jusqu’en 2022.

En réalité, comme pour les deux précédents PIA, les décaissements présentés en lois de finances sont relativement fictifs : ils traduisent simplement le transfert de crédits budgétaires vers les opérateurs du PIA, qui les utilisent à mesure que les appels d’offres portent leurs fruits et que les porteurs de projets retenus ont effectivement besoin des financements.

La gouvernance budgétaire du PIA 3 est un peu différente de celle qui a prévalu pour les PIA 1 et 2.

Les crédits de ces deux programmes ont été entièrement engagés et versés aux opérateurs dans les lois de finances initiales pour 2010 et pour 2014 ([2]), au sein de programmes préexistants ou ad hoc, AE et CP confondus. Comme les décaissements effectifs interviennent sur un rythme pluriannuel, il s’agissait d’une dérogation au principe d’annualité budgétaire qui impose que les crédits de paiement (CP) votés pour une année budgétaire soient effectivement dépensés cette année-là. En ce qui concerne le PIA 3, il bénéficie d’une mission et de programmes spécifiques et stables dans le temps. Les crédits de paiement sont désormais votés chaque année (même si leur dépense effective reste pluriannuelle), ce qui permet d’améliorer la transparence sur leur déploiement.

Le PAP annexé au projet de loi de finances pour 2020 a sensiblement modifié la trajectoire financière initialement prévue en 2017 (2 Md€ par an), avec un ralentissement notable des CP. Ainsi, en 2018 et 2019, 1,08 et 1,05 Md€ ont été transférés aux opérateurs du PIA au lieu des 2 Md€ initialement prévus.

PIA 3 – Trajectoire initialement prévue (PLF 2017)

(En millions d’euros)

Mission « Investissements d’avenir »

AE 2017

CP 2017

CP 2018

CP 2019

CP 2020

CP 2021

CP 2022

Programme 421 « Soutiens des progrès de l’enseignement supérieur et de la recherche »

2 900

0

465

515

475

285

1 160

Programme 422

« Valorisation de la recherche »

3 000

0

585

635

675

665

440

Programme 423 « Accélération de la modernisation des entreprises »

4 100

0

950

850

850

1 050

400

TOTAL

10 000

0

2 000

2 000

2 000

2 000

2 000

Source : PLF 2017

La trajectoire de décaissement prévue au sein du PAP du PLF 2021 est présentée dans le tableau suivant. Les données entre parenthèses correspondent aux prévisions fournies au sein du projet annuel de performance du projet de loi de finances pour l’année 2020.

PIA 3 – Trajectoire actualisée PAR LE PLF 2021

(En millions d’euros)

Mission « Investissements d’avenir »

AE 2017

CP 2018

CP 2019

CP 2020

CP 2021

Programme 421 « Soutien des progrès de l’enseignement supérieur et de la recherche

2 900

142,5

212,5

417

380 (490)

Programme 422 « Valorisation de la recherche »

3 000

227

433

620,3

660 (734)

Programme 423 « Accélération de la modernisation des entreprises »

4 100

710

404

1 020

874 (690)

TOTAL

10 000

1 079,5

1 049,5

2 057,3

1 914 (1914)

(X) : valeur proposée en trajectoire CP 2021 au sein du PAP du PLF 2020.

Source : PLF 2021

Plusieurs éléments d’évolution méritent d’être soulignés :

 l’année 2021 doit permettre la poursuite du « décaissement soutenu » du PIA 3, à un niveau légèrement inférieur à 2020, mais néanmoins voisin des 2 milliards initialement prévus (PLF 2017) dans la trajectoire initiale (1,914 milliard d’euros). Il s’agit, en somme d’une phase de stabilisation à haut niveau de la mise en œuvre du PIA 3 ;

 le projet de loi de finances pour 2021 prévoit, pour les programmes 421 et 422 un niveau de crédits de paiement en baisse par rapport à la trajectoire prévue au sein du PLF 2020, qui sont intégralement transférés vers le programme 423, pour un solde total identique aux prévisions de décaissement, c’est-à-dire 1,914 milliard d’euros ;

 le projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances pour 2021 ne comprend pas d’éléments sur la prévision de décaissement des crédits de paiement pour les années 2022, 2023, ce qui limite la visibilité pour le Parlement de la trajectoire suivie.

À la fin de l’année 2020, les 10,3 Md€ ([3]) d’autorisations d’engagement du PIA 3 auront été couvertes par 4,7 Md€ de CP (versés en 2018-2019 et exécution prévisionnelle 2020). Un montant de 5,6 Md€ de CP restera donc à ouvrir sur les exercices 2021 et suivants (jusqu’en 2028 pour le programme 421, s’agissant en partie de versements en dotations décennales).

2.   L’intégration du PIA 4 au sein de la mission « Investissements d’avenir »

Lors de la présentation le 3 septembre 2020 du plan France Relance, le Premier ministre a annoncé la création d’un programme d’investissements d’avenir n° 4 ayant vocation à venir amplifier l’effort d’innovation engagé. L’article 55 du projet de loi de finances pour 2021 crée formellement ce nouveau PIA, en modifiant l’article 8 de la loi du 9 mars 2010 de finances rectificative pour 2010.

Doté de 20 milliards d’euros sur 5 ans, dont 11 milliards rattachés directement au plan de relance, soit un montant deux fois supérieur aux PIA précédents (12 Md€ pour le PIA 2 en 2012 et 10,3 Md€ pour le PIA 3), ce nouveau programme d’investissements d’avenir est rattaché à la mission « Investissements d’avenir » via la création des programmes 424 « Financement des investissements stratégiques » et 425 « Financement structurel des écosystèmes d’innovation ».

Les 11 milliards d’euros destinés à la relance seront mobilisés sur les années 2021 et 2022 de la façon suivante :

– 3,4 milliards d’euros pour le développement des innovations et technologies vertes ;

– 2,6 milliards d’euros pour la résilience et la souveraineté économiques ;

– 2,55 milliards d’euros à destination du soutien aux écosystèmes d’enseignement supérieur, de recherche, et d’innovation ;

– 1,95 milliard d’euros mobilisés pour accompagner les entreprises innovantes.

Le premier volet du PIA 4, dit « dirigé », vise à financer, pour un montant total de 12,5 Md€ sur cinq ans, dont 2,5 Md€ de fonds propres, des investissements exceptionnels, sur l’ensemble du continuum de l’innovation, pour accompagner les transformations économiques et sociétales dans lesquelles notre pays est engagé, augmenter notre potentiel d’innovation, et renforcer la souveraineté de notre économie et de nos organisations.

Le second volet du PIA 4, dit « structurel », a pour objectif de garantir un financement pérenne et prévisible aux écosystèmes d’enseignement supérieur, de recherche et d’innovation mis en place par les précédents PIA, pour faire de la France le terreau le plus fertile en Europe pour les chercheurs et les entrepreneurs. Ce volet est doté de 7,5 Md€ sur cinq ans.

Chaque volet disposera de sa gouvernance propre, de haut niveau, garantissant l’alignement stratégique et la cohérence des investissements, sous l’autorité d’une nouvelle instance interministérielle à mettre en place, présidée par le Premier ministre, qui décide des orientations et des priorités de la politique de l’innovation.

Enfin, les modalités de budgétisation du PIA 4 reprennent en grande partie celles du PIA 3 :

– les dispositions applicables à la gestion de ces crédits et aux relations entre l’État et les organismes gestionnaires des fonds sont préservées ;

– la majorité de ses crédits sont inscrits au sein de la mission « Investissements d’avenir » placée sous la responsabilité du Premier ministre, garantissant sa cohérence d’ensemble ;

– les crédits de paiement sont ouverts progressivement en lois de finances à compter de 2021. Un montant de 2 Md€ de CP est ainsi prévu dès 2021 au titre du PIA sur la mission « Investissements d’avenir ».

Seule différence notable, les stratégies d’investissements du PIA 4 pourront être définies de façon plus souple qu’avant, c’est-à-dire pendant l’ensemble de la durée du programme (et non ab initio, comme c’était le cas des PIA 1, 2 et 3).

Au total, la mission « Investissements d’avenir » comprend, avec les crédits PIA n° 3 et n° 4, près de 16,5 milliards d’euros en AE et 3,9 milliards d’euros en crédits de paiement en 2021.

B.   Description de l’Évolution des crÉdits des programmes de la mission « investissements d’avenir »

1.   Le programme 422 : « Valorisation de la recherche »

Le diagnostic qui a conduit à la création de ce programme est celui d’un succès des PIA 1 et 2 en matière de valorisation économique de la recherche, à la fois en termes de structuration des relations entre monde de la recherche et développement économique et en termes de soutien financier à des projets innovants. L’objectif du programme 422 est donc d’être un continuum efficace des initiatives passées : poursuivre et intensifier les efforts déjà réalisés tout en veillant à la lisibilité, à la simplicité et à l’efficacité des systèmes de valorisation déjà mis en place.

Ce programme est doté depuis 2017 de 3 milliards d’euros en autorisations d’engagement, qui sont progressivement décaissés à partir de 2018, année pour laquelle 227 millions d’euros (M€) de crédits de paiement ont été votés. Une accélération des décaissements a eu lieu en 2019 (433 M€ en CP) et s’est poursuivie en 2020 (620 M€), puis en 2021 (660 M€). Le montant des CP en 2021 est néanmoins en retrait par rapport aux prévisions initiales du PAP 2020 (734 M€ pour 2021).

L’action n° 1 s’intitule « Intégration des SATT, incubateurs et accélérateurs ». Elle regroupe en effet les différents véhicules de maturation technologique et comporte deux volets. Son premier volet est doté de 50 M€ de subventions destinés au financement et à l’accompagnement des start‑ups à haute intensité technologique, que l’on appelle également deep tech. L’appel à projets sur cette action a été lancé en juin 2019. Son second volet est doté de 100 M€ de fonds propres et s’inscrit dans le prolongement de l’action « French Tech Accélération » du PIA 2.

En 2021, 20 M€ de crédits de paiement sont affectés à cette action (- 68 %).

L’action n° 2 correspond au Fonds national post-maturation « Frontier venture », géré lui aussi par Bpifrance. Cette action est dotée de 500 M€ en crédits de fonctionnement, transitant par le compte d’affectation spéciale « Participations financières de l’État ». Cette action correspond au Fonds « French Tech Seed », fonds d’investissement direct de post maturation créé en 2018 et géré par Bpifrance. Son objectif est de soutenir les deep tech de moins de 3 ans en phase de post maturation.

Cette action ne comprend pas de CP en 2021, conformément au rythme prévisionnel de la convention.

L’action n° 3 « Démonstrateurs et territoires de grande ambition » comprend plusieurs volets :

– un volet « Territoires d’innovation », ciblant des projets précis pour une expérimentation à grande échelle sur un territoire défini ;

– un volet « Démonstrateurs » qui concerne plus spécifiquement la transition énergétique et écologique, dans le cadre de l’objectif de neutralité carbone à horizon 2050 (infra) ;

– un volet « Nucléaire de demain », visant à terminer la construction du réacteur de 4e génération Jules Horowitz (RJH).

Un soutien en fonds propres est également porté par le véhicule ADEME investissements, pour accompagner les mises en œuvre commerciales dans le cadre des infrastructures énergétiques.

Cette action voit ses crédits de paiement pour 2021 augmenter de 7 % pour atteindre 295 millions d’euros.

L’action n° 4 « Nouveaux écosystèmes d’innovation » finance les instituts hospitalo-universitaires (IHU) et les sociétés d’accélération du transfert de technologies (SATT) et promeut leur regroupement. Elle est dotée de 45 M€ de crédits de paiement au sein du présent projet de loi de finances (+ 80 %).

L’action n° 5 « Accélération du développement des écosystèmes d’innovation performants » vise à renforcer la commercialisation des recherches. Elle est dotée de 300 M€ en crédits de paiement pour 2021 (+ 179 %). Elle soutient les SATT et le numérique (dont Nano 2017) et comprend un volet « Transport et mobilité durable ».

2.   Le programme 423 : « Accélération de la modernisation des entreprises »

Le programme 423 est doté de 4,1 milliards d’euros d’autorisations d’engagement, ce qui en fait le principal programme de la mission.  

Ce programme traduit la volonté de l’État de renforcer ses interventions en fonds propres, comme investisseur de marché, au travers de fonds d’investissements ou de fonds de fonds. Le succès du premier Fonds national d’amorçage ou des premiers fonds de fonds a conduit le PIA 3 à poursuivre la dotation de ces interventions, et à en créer de nouveaux, comme le fonds Frontier Venture (programme 422), le fonds à l’internationalisation des PME ou encore le fonds qui sera issu de l’action « Grands défis », lorsque celle-ci sera opérationnelle. Dans ce dernier cas, l’État pourrait être conduit à investir d’importants tickets (montant d’un investissement) dans de jeunes entreprises technologiques pour financer leur croissance sur le territoire français.

Le présent projet de loi de finances prévoit 874 M€ de crédits de paiement pour 2021, ce qui correspond à un ralentissement moindre que prévu dans les prévisions précédentes.

Neuf actions sont prévues pour décliner ce programme :

– le soutien à l’innovation collaborative (144 M€ de CP en 2021, contre 100 M€ de CP en 2020), qui correspond au soutien des projets de recherche et développement structurants des pôles de compétitivité (PIA 1 et 2) ;

– l’accompagnement et la transformation des filières (433,80 M€ de CP en 2021, contre 150 M€ en 2020). Cette action finance en subventions et en avances remboursables des projets de mutualisation d’outils communs au sein de filières (volet régionalisé du PIA), des programmes d’accompagnement des PME/TPE, et enfin une intervention en fonds propres abondant la Société de Projets industriels (fonds SPI) ;

– l’industrie du futur (premiers décaissements de 50 M€ en crédits de paiement 2020, pas de CP prévus en 2021), crédits redéployés en faveur de Nano 2022 (programme 422) ;

– l’adaptation et la qualification de la main-d’œuvre (6,70 M€ en 2021, contre 30 M€ en 2020), qui correspond aux « French Tech tickets » ;

– le concours d’innovation (89,50 M€ de CP en 2021, contre 90 M€ en 2020) ;

– le Fonds national d’amorçage n° 2 (pas de CP en 2021 contre 250 M€ en 2020). Le FNA 2 a vocation à renforcer les fonds d’investissement intervenant à l’amorçage afin d’améliorer le financement en fonds propres des start-ups, notamment celles qui se créent dans les secteurs technologiques prioritaires de la santé, du numérique et des écotechnologies ;

– le Fonds à l’internationalisation des PME (pas de CP en 2021 contre 100 M€ de CP en 2020) ;

– le Fonds de fonds « Multicap Croissance » n° 2 (100 M€ en 2021 contre une absence de CP en 2020) ;

 les Grands défis (100 millions d’euros de CP pour 2021 contre 250 M€ en 2020). Cette action est dotée au total de 700 M€, financements destinés aux entreprises technologiques françaises.

3.   Le programme 424 (nouveau) « Financement des investissements stratégiques »

Ce programme comprend 12,5 milliards d’AE, ouvertes en totalité en 2021 et 1,5 milliard d’euros de CP dès 2021, dont 500 M€ en fonds propres.

Son action n° 1 « Programmes et équipements prioritaires de recherche » est dotée de 3 milliards d’euros pour une période de 5 ans (AE). 300 M€ seront décaissés dès 2021. Son objectif est de consolider l’excellence de la recherche française au sein de la compétition internationale, en travaillant sur le triptyque projet-chercheur-équipement/infrastructure de recherche. Cette action s’inscrit dans la continuité des PPR développés par le PIA 3.

Cette action sera mise en œuvre par l’ANR, dans le cadre d’une convention avec l’État.

Son action n° 2 « Maturation de technologie, R&D, valorisation de la recherche » est dotée de 1,5 Md d’euros sur 5 ans, et de 150 M€ de crédits de paiement pour 2021.

Elle soutiendra des programmes d’innovation de rupture, sur le modèle des « Grands Défis » (en privilégiant les technologies diffusantes), assurera la promotion et l’accompagnement de projets R&D portés par les entreprises en partenariat avec des laboratoires publics (preuves de concept, prototypes), et enfin favorisera l’accompagnement de transfert technologique dans des secteurs clefs.

Cette action sera opérée de façon conjointe par l’ANR et Bpifrance.

Son action n° 3 « Démonstration en conditions réelles, amorçage et premières commerciales » est dotée de 2,5 Md€ sur 5 ans et de 250 M€ de CP dès 2021. Elle comprendra une dimension territoriale affirmée (consortiums acteurs publics et privés dans les territoires, co-financement avec les collectivités).

Cette action, qui s’inscrit dans la prolongation de l’action « Démonstrateurs et territoires d’innovation de grande ambition » du PIA 3, sera opérée, sous la forme notamment d’appels à projets (AAP), par Bpifrance, l’ADEME et la Banque des territoires.

Son action n° 4 « Soutien au déploiement » d’une enveloppe de 3 Md d’AE sur 5 ans avec un montant de CP proposé en 2021 à 300 M€. Elle a vocation à faciliter le déploiement à grande échelle des innovations, ainsi  qu’à renforcer la souveraineté et la résilience de nos modèles sur certaines chaînes de valeur stratégiques.

Cette action doit permettre, notamment, l’implantation de sites industriels en France, en priorité par des PME et des ETI. Elle accompagnera également les entreprises françaises intervenant dans le cadre des projets importants d’intérêt européen commun (PIIEC ou IPCEI) pour encourager l’industrialisation en France d’innovations développées grâce au soutien des pouvoirs publics. Elle comprend une dimension « ingénierie », via des formations sur des métiers nouveaux et pourra également soutenir l’internationalisation des établissements publics supérieurs d’enseignement français.

Cette action sera opérée, selon les secteurs considérés, par Bpifrance, l’ADEME, l’ANR et la Banque des territoires.

Enfin, son action n° 5 « Accélération de la croissance » (fonds propres), dotée de 2,5 milliards d’euros en AE et de 500 millions d’euros en CP pour 2021 viendra compléter les instruments subventionnels sur l’aval de la chaîne de valeur. Elle comprend notamment le fonds French Tech Souveraineté, qui vise à investir dans des secteurs technologiques clefs. Une dotation en flexibilité pour soutenir une technologie utile mais qui n’existe pas encore, est également prévue. Enfin, cette enveloppe pourrait servir à financer les sujets industrialisation et infrastructures portés par le fonds Sociétés de projets industriels de Bpifrance et la société ADEME investissements, le cas échéant.

4.   Le programme 425 (nouveau) « Financement structurel des écosystèmes d’innovation »

Ce second volet, doté de 4 milliards d’euros en AE et de 562,5 millions d’euros en CP en 2021, apportera un soutien plus structurel aux écosystèmes d’innovation français, à travers deux actions.

Sa première action « Financement de l’écosystème ESRI et valorisation » doit permettre de soutenir l’écosystème d’enseignement et de recherche français en capitalisant sur les éléments d’excellence du programme d’investissements d’avenir. Dotée de 1,25 milliard d’euros en AE et de 125 millions d’euros en CP, elle a pour but, notamment, de financer la transformation des structures du second degré, de financer les laboratoires de recherche publique portant des programmes de recherche de grande ampleur, de renforcer l’effort de recherche dans des domaines stratégiques, de soutenir les IRT et les ITE et enfin d’accélérer la structuration du paysage des acteurs de la maturation technologique, en particulier en ce qui concerne les SATT.

L’ANR et la Banque des territoires seront les opérateurs de cette première action.

Sa seconde action, « Aides à l’innovation bottom-up » est dotée de 2,8 milliards d’euros en AE et de 437,5 millions d’euros en CP pour l’année 2021. Elle est destinée à apporter un soutien structurel aux entreprises innovantes qui ont besoin d’accéder à des financements pour couvrir leur risque R&D et d’innovation.

Ce soutien, pour un volume cible de 3,25 Md€ sur cinq ans, englobe :

 les aides à l’innovation de Bpifrance, y compris pour les jeunes entreprises à forte intensité technologique accordées au niveau de ses directions régionales (start-ups-PME) ;

 les concours d’innovation à destination des start-ups et PME ;

 le soutien aux projets structurants de R&D dans tous les secteurs pour accompagner des projets collaboratifs associant des grandes entreprises avec des PME et ETI, avec une incitation forte aux travaux avec les laboratoires de recherche et aux projets issus des comités stratégiques de filière.

L’objectif de cette action est de simplifier le portage de ces actions de soutien à l’innovation, réparti entre un nombre important d’acteurs à ce jour (PIA 3, dont une partie est régionalisée, budgets ministériels, intérêts du Fonds pour l’innovation et l’industrie).

II.   PRéSENTATION DU SECRéTARIAT GÉNÉRAL POUR L’investissement ET DES OPéRATEURS DU PIA

A.   LE SECRÉtariat général pour l’investissement

Le Secrétariat général pour l’investissement (SGPI) a succédé au Commissariat général pour l’investissement (CGI) depuis début 2018. Dans la continuité des actions entreprises par le CGI, le SGPI poursuit son rôle de garant de la cohérence des politiques d’investissements de l’État et de son pilotage interministériel. Ses missions se sont élargies avec le lancement opérationnel de nouveaux outils d’investissement et d’appui à l’innovation.

Le SGPI, structure d’une trentaine d’équivalents temps plein (ETP), est un service du Premier ministre dit « soutenu » par la direction des services administratifs et financiers (DSAF) du Premier ministre, ses moyens étant ainsi gérés sur le budget opérationnel de programme (BOP) soutien de la DSAF, à l’instar des autres services centraux du Premier ministre.

Il contribue à l’évaluation du premier volet du PIA demandée par le Premier ministre au comité de surveillance des investissements d’avenir. Ce dernier, composé de huit parlementaires, huit personnalités qualifiées et d’un président de région, a rendu un premier rapport d’évaluation en décembre 2019.

Il assure également l’évaluation socio-économique des grands projets d’investissement public. Le SGPI tient, dans cette optique de contrôle et de suivi, un inventaire des projets d’un montant supérieur à 20 millions d’euros, et diligente une contre-expertise de l’évaluation pour les projets d’un montant supérieur à 100 M€. L’enjeu est d’éclairer le décideur public sur la pertinence des projets d’investissements proposés par les ministères. Ainsi, ces contre-expertises permettent au SGPI de rendre un avis destiné au Premier ministre, avant qu’il n’arbitre définitivement le lancement des projets. Mais, au-delà, l’objectif est de professionnaliser la gestion du flux de projets par les ministères. Cela est particulièrement indispensable dans un contexte de volonté gouvernementale forte d’investissements publics.

Cette fonction d’évaluation s’accompagne d’un renforcement de la capacité du SGPI à réorienter les fonds au sein du GPI, confortant son statut d’investisseur en chef de l’État. Il formule ainsi ses propositions de réallocation de crédits (au moins 3 % de ceux du GPI) au Premier ministre sur la base des propositions transmises par les comités de pilotage.

Enfin, le SGPI coordonne le plan d’investissement européen (« Plan Juncker ») et prend une part active au fonds pour l’innovation et l’industrie (FII), en siégeant au Conseil de l’innovation et en assurant le co-secrétariat du fonds.

En 2019, les moyens du SGPI sont restés stables, la masse salariale du SGPI a représenté 4 152 578 €, y compris le compte d’affectation spéciale (CAS) pensions et son budget de fonctionnement 355 000 €. Ses crédits sont imputés sur le programme 129 « Coordination du travail gouvernemental » de la mission « Direction de l’action du gouvernement ». Pour 2020, le budget de fonctionnement autorisé est de 331 000 €, et le budget mobilisé au titre des dépenses de personnel devrait rester stable.

B.   LES OPÉRATEURS DU PIA

Alors qu’on en dénombrait une douzaine dans le cadre des PIA 1 et 2, il ne subsiste que quatre opérateurs principaux dans le cadre du PIA 3 ([4]). Le SGPI encadre leurs opérations.

La Caisse des dépôts et consignations (CDC) est l’opérateur de 27 actions des PIA 1, 2 et 3, ce qui représente une enveloppe totale (au 30 juin 2020) de 8,3 Md€, dont 4,1 Md€ de crédits « maastrichtiens » (subventions, dotations décennales). Les conventions conclues entre l’État et la CDC, publiées au Journal officiel, décrivent plus spécifiquement le rôle de la Caisse pour chacune des actions qu’elle gère.

Bpifrance est l’opérateur de 29 actions des PIA 1, 2 et 3, ce qui représente une enveloppe totale de 10,7 Md€, dont 5 Md€ de crédits « maastrichtiens » (subventions, avances remboursables, dotations en fonds de garantie). Les conventions conclues entre l’État et Bpifrance, publiées au Journal officiel, décrivent plus spécifiquement le rôle de Bpifrance pour chacune des actions qu’elle gère.

L’ANR est l’opérateur de 26 actions des PIA 1, 2 et 3, ce qui représente une enveloppe totale de 26,4 Md€, dont 7,8 Md€ de crédits « maastrichtiens » (subventions, avances remboursables, dotations décennales) et 18,3 Md€ de dotations non consommables qui génèrent des intérêts. Les conventions conclues entre l’État et l’ANR, publiées au Journal officiel, décrivent plus spécifiquement le rôle de l’ANR pour chacune des actions qu’elle gère.

L’ADEME est l’opérateur de 11 actions des PIA 1, 2 et 3, ce qui représente une enveloppe totale de 3,7 Md€, dont 2,6 Md€ de crédits « maastrichtiens » (subventions, avances remboursables). Les conventions conclues entre l’État et l’Ademe, publiées au Journal officiel, décrivent plus spécifiquement le rôle de l’ADEME pour chacune des actions qu’elle gère.

Dans le cadre du PIA 4, ce sont ces mêmes opérateurs qui auront la charge de mettre en œuvre les décaissements, avec, au surplus, la Banque des territoires (direction de la Caisse des dépôts et consignations).

Les conventions entre l’État et les opérateurs chargés de la mise en œuvre du PIA décrivent la gouvernance retenue pour chacune des actions, en particulier le rôle des comités de pilotage (qui sont toujours interministériels), des opérateurs et du SGPI.

C.   les mesures exceptionnelles face à la crise sanitaire

Afin d’adapter le programme d’investissements d’avenir aux enjeux de la crise sanitaire, le SGPI, en lien avec les opérateurs, a mis en place plusieurs mesures exceptionnelles à destination de plusieurs types d’acteurs :

– pour les lauréats du PIA, le versement des aides à l’innovation a été accéléré (250 millions d’euros) et le remboursement des avances faites dans le cadre du PIA a fait l’objet de reports (6 mois) ;

– pour les start-ups en difficulté, un financement de 80 millions d’euros sous forme de bridge (entre deux levées de fonds) a été mis en place. Le PIA a également apporté 45 millions d’euros au fonds de renforcement des PME (FRPME) doté au global de 100 millions d’euros, via Bpifrance ;

– pour les acteurs soutenant la recherche et l’innovation contre l’épidémie, via le lancement d’un appel à projets pour développer les solutions thérapeutiques contre la Covid-19, un concours d’innovation I-Nov au service du monde médical, et enfin une prolongation des appels à projets classiques (pour éviter que des acteurs en difficulté fassent un défaut de candidature).

Dans le cadre de la troisième loi de finances rectificative, deux redéploiements principaux sont intervenus en ce sens :

– un redéploiement de 120 M€ en autorisations d’engagement en subventions/avances remboursables depuis l’action « Concours d’innovation » opérée par l’ADEME et Bpifrance, contribuant respectivement à hauteur de 35 M€ et 85 M€, vers l’action « Accompagnement et transformation des filières » mise en œuvre par Bpifrance. Il avait pour objet de permettre le financement d’un nouveau programme consacré aux essais et à la production de produits pertinents pour la lutte contre la Covid-19 et d’autres pandémies apparentées. Il s’inscrivait dans le cadre de l’enveloppe de 200 M€ annoncée par le Président de la République en faveur de la recherche dans le domaine de la santé ;

– un redéploiement de 150 M€ en AE en fonds propres depuis l’action « Sociétés universitaires de recherche » du programme 421 vers l’action « Grands défis » du programme 423 pour permettre le lancement d’une enveloppe d’investissement affectée à la souveraineté technologique, dénommée French Tech souveraineté, qui vise à tirer les enseignements de la crise sanitaire liée à la Covid‑19.


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   SECONDE PARTIE : ANALYSE THÉMATIQUE

Votre Rapporteure a souhaité étudier trois domaines où doivent se concentrer, selon elle,  les investissements d’avenir : l’intelligence artificielle, la micro-électronique et enfin la blockchain. Elle propose en conséquence un bilan et des recommandations vis-à-vis de l’action des investissements d’avenir dans chacune de ces trois thématiques.

I.   INTELLIGENCE ARTIFICIELLE

A.   Une technologie transversale DÉCISIVE POUR l’Économie

1.   Définition de l’intelligence artificielle

Une première définition de l’intelligence artificielle, formulée par l’académie des technologies en 2018, décrit cette technologie comme « un ensemble d’approches, ayant chacune des objectifs plus précis que le « raisonnement intelligent ». Une taxonomie usuelle de ces approches identifie à l’intelligence artificielle l’apprentissage, la perception (reconnaissance d’images par exemple), le traitement du langage naturel, la planification (par exemple résolution de problèmes), la représentation de connaissances et le raisonnement logique.

Les échanges conduits avec l’INRIA incitent votre Rapporteure à choisir une définition plus large et mieux à même d’embrasser la dimension transformante de cette technologie. L’intelligence artificielle peut en effet également se définir comme « la conception, l’amélioration et la mise en œuvre d’algorithmes utilisant des jeux de données à des fins prédictives, dans un nombre diversifié de cas d’application, et par extension les infrastructures logicielles requises associées (cloud, bases de codes logicielles) ».

2.   Une technologie transformante permettant de puissants gains de productivité et de compétitivité

L’intelligence artificielle est une technologie diffusante permettant d’envisager des gains de compétitivité substantiels dans tous les secteurs de l’économie française (automobile, santé, industrie, etc.), ainsi que sur l’ensemble du portefeuille des produits et services des entreprises (y compris dans les fonctions support ou de décision).

Son impact sur la compétitivité des entreprises sera important : elle permettra de renforcer la résilience et l’autonomisation de l’appareil productif des industries stratégiques (automobile, aéronautique, santé, etc.) et positionnera les entreprises françaises sur de nouveaux marchés par le développement de produits basés sur des systèmes, logiciels et composants de pointe.

Ses déclinaisons, dans l’apprentissage machine et la robotique perceptive, présentent des caractéristiques qui participent de la 4ème révolution industrielle ([5]). Ces technologies se caractérisent en effet par un accroissement important de la productivité des facteurs de production (PGF), des gains d’efficience majeurs et une redéfinition ou l’apparition de services et de processus de production nouveaux.

B.   Un soutien important des investissements d’avenir

1.   Un soutien plutôt amont – les instituts « 3IA »

Le Président de la République a présenté la stratégie nationale pour l’intelligence artificielle (IA) lors de la journée « AI for Humanity » le 29 mars 2018, à la suite du rapport remis sur ce sujet par le député Cédric Villani.

Dans ce cadre, le Ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation (MESRI) et le Secrétariat d’État chargé du numérique (SENUM) ont annoncé le 28 novembre 2018 un programme national consacré à la recherche et doté de plus d’un milliard d’euros. L’État a souhaité ainsi créer un réseau d’Instituts interdisciplinaires d’intelligence artificielle (3IA), ainsi qu’un programme de chaires de très haut niveau et de soutien à des doctorants, afin de mobiliser l’ensemble du potentiel français en IA.

Un appel à manifestation d’intérêt « Institut interdisciplinaire d’intelligence artificielle (3IA) » a été annoncé le 25 juillet 2018 par l’ANR. Dans le cadre de cet AMI, 12 candidatures d’instituts ont été déposées et 4 projets d’institut ont été invités à soumettre un dossier complet en vue d’une labellisation 3IA :

– Grenoble : « MIAI@Grenoble-Alpes » avec pour applications privilégiées la santé, l’environnement et l’énergie, sans oublier une chaire « éthique et IA » ;

– Nice : « 3IA Côte d’Azur » avec pour applications privilégiées la santé et le développement des territoires ;

– Paris : « PRAIRIE » avec pour applications privilégiées la santé, les transports et l’environnement ;

– Toulouse : « ANITI » avec pour applications privilégiées le transport, l’environnement et la santé.

Après instruction des dossiers de chaires soumis par les 3IA, le jury a proposé, le 18 avril 2019, la répartition budgétaire ci-dessous, pour un montant total maximum de 88 M€, engagé par tranches : la première tranche sera engagée pour un montant de 74,50 M€ ; la seconde et dernière tranche pourra être engagée en fonction du résultat de l’évaluation à deux ans par le jury international et à la constatation d’un engagement des industriels, pour un montant maximum de 13,50 M€.

 

Nom du projet

Porteur

Première tranche :

Subvention PIA

 

Seconde tranche :

Montant max. de la sub. PIA supplémentaire après une éventuelle révision à la hausse

Tranche 1 et 2 :

Montant maximum de la subvention PIA

PRAIRIE

INRIA

21 500 000 €

3 500 000 €

25 000 000 €

3IA@côte d’azur

Université Côte d’Azur

16 000 000 €

3 000 000 €

19 000 000 €

MIAI

Université Grenoble Alpes

19 000 000 €

3 000 000 €

22 000 000 €

ANITI

Université de Toulouse

18 000 000 €

4 000 000 €

22 000 000 €

TOTAL

74 500 000 

13 500 000 

88 000 000 

2.   Un soutien amont-aval : la valorisation de la recherche IA

Plusieurs actions mises en œuvre par les opérateurs du PIA soutiennent directement la valorisation de la recherche dans le domaine de l’intelligence artificielle.

Les 13 SATT ont engagé 30 M€ dans des programmes de maturation basés sur des technologies d’IA dans 120 projets qui ont déjà donné lieu à la création de 60 start-ups, soit 12 % de la totalité des 493 start-ups dont les SATT sont à l’origine, toutes thématiques confondues. La SATT Toulouse Tech Transfert intervient, en outre, en appui de la valorisation d’ANITI, le 3IA de Toulouse. Du point de vue des technologies en cours de maturation ou de transfert, on dénombre dans les SATT environ 280 projets dans le champ numérique, dont plus d’une cinquantaine ont une dimension IA/Big data marquée.

Les 8 IRT ont également produit un document collectif de positionnement stratégique en matière d’IA intitulé « EngageAI », dans lequel ils ont répertorié 46 projets finalisés ou en cours de réalisation avec leurs partenaires industriels et académiques en matière d’IA, soit de l’ordre de 100 M€ de budget. Le même document prévoyait, avant le confinement, de lancer 49 projets supplémentaires déjà identifiés. L’IRT Saint Exupéry a également signé un accord de collaboration avec IVADO, l’institut de valorisation des données de Montréal (1 100 scientifiques), qui est une référence mondiale en matière de sciences de données et d’optimisation.

Le grand défi sur l’IA de confiance permet également de sécuriser, certifier et fiabiliser les systèmes fondés sur l’IA. Il s’appuiera sur l’IRT SystemX et ses partenaires industriels. Outre le développement technologique, le projet comprend un volet d’homologation et de certification, en collaboration avec l’ITE Vedecom, ainsi qu’un volet de normalisation pour un budget total en coût complet voisin de 56 M€. Les premiers projets seront financés avant la fin de l’année.

Les outils de valorisation financés par le PIA sont donc particulièrement actifs en matière d’IA et mobilisent de très nombreux partenaires industriels pour développer des briques technologiques et surtout les mettre au service de secteurs applicatifs.

3.   Un soutien en aval dans le domaine de l’accélération et de la modernisation des entreprises

Dans sa contribution écrite adressée à votre Rapporteure, le SGPI indique qu’environ 15 % à 25 % des projets sélectionnés aux concours d’innovation (I-LAB, I-Nov) comprennent une composante Big data/intelligence artificielle, ce qui représente environ 25 M€/an de soutien par le PIA.

4.   Un soutien complémentaire du volet économie de la stratégie nationale IA pour la partie « usages »

Pour la partie « usages », c’est essentiellement le volet économique de la stratégie nationale lancée en juillet 2019, piloté par la DGE, qui est sollicité.

Il repose notamment sur les actions suivantes :

 les Grands Défis. Il s’agit de projets à hauteur de 30 M€ lancés par le Conseil national de l’innovation pour une durée de 3 ans et ciblés sur des développements technologiques avancés de l’intelligence artificielle, au service d’enjeux sociétaux, économiques et environnementaux. Les deux programmes lancés en 2019 portent sur la sécurisation et la certification des systèmes critiques d’IA, et l’accélération du développement de nouveaux produits de diagnostic médicaux basés sur des technologies d’intelligence artificielle. Plusieurs partenaires industriels sont parties prenantes de ces projets, actuellement en cours de développement ;

  les « Challenges IA ». Les deux premières vagues ont permis la sélection de 13 projets. Ce dispositif permet de mettre en relation 1/ des grands groupes ou des entités publiques ayant identifié une problématique dans la gestion de leurs données avec 2/ des start-ups ou PME proposant une offre technologique capable de répondre aux enjeux identifiés ;

 un dispositif sur la mutualisation des données lancé en juillet 2019. Ce dernier vise à sélectionner des projets inter-entreprises de partage et de valorisation des données, afin de favoriser l’émergence de solutions d’IA par la mise en commun de larges volumes de données. Après six mois d’existence, l’AAP sur la mutualisation de données a soutenu 4 projets et généré une dynamique réelle autour du partage et de la valorisation de la donnée, avec l’émergence de modèles économiques prometteurs dans des secteurs variés : traitement automatique de la voix, agriculture, mobilité, environnement, culture.

C.   DE BONS RéSULTATS MAIS UN ENVIRONNEMENT ULTRA-CONCURRENTIEL NÉCESSITANT UNE STRATÉGIE DE LONG-TERME

1.   Un bilan très favorable pour l’ensemble des acteurs auditionnés

Le bilan de l’action menée en faveur de l’intelligence artificielle apparaît positif sur chacune des actions mises en œuvre.

Pour la partie « recherche », les instituts 3IA se sont mis en place rapidement et manifestent un niveau d’ambition conforme aux attentes formulées par les pouvoirs publics. Ils ont ainsi créé la plupart les chaires spécialisées prévues, recruté des doctorants et entendent poursuivre en 2021 la dynamique engagée. Les acteurs de ce secteur notent que la France a d’ores et déjà gagné en visibilité sur le sujet IA dans le monde, et que l’Allemagne s’est inspirée du modèle français pour organiser sa recherche dans ce domaine.

Pour la partie « valorisation de la recherche » et « usages », il convient de noter que la France était, dès 2017, la première destination en Europe continentale pour les levées de fonds en IA, avec un montant de 385 M€.

La France dispose en outre d’un écosystème économique dynamique, avec 6 groupes parmi les 14 premiers investisseurs dans l’IA en Europe (Alstom, Publicis, Schneider Electric, Solvay, SNCF, et Orange), 80 ETI et PME de l’IA (40 centrées sur les technologies IA et 40 faisant usage de développements en IA), et plus de 500 start-ups spécialisées en IA, réparties sur l’ensemble du territoire. En outre, d’après le baromètre EY sur l’attractivité Française de juin 2019, la France est le pays attirant le plus de centres de recherche en Europe.

En conséquence, votre Rapporteure observe qu’une véritable dynamique s’est mise en place sur cet enjeu et souhaite saluer l’engagement des acteurs publics et privés dans ce domaine, tout en attirant l'attention sur la nécessité d'éviter des politiques de saupoudrage.

2.   Réduire nos points de faiblesse grâce à une stratégie de long-terme

Les auditions menées par votre Rapporteure ont fait apparaître les points de risque suivants, qui doivent être pris en compte par les pouvoirs publics. Ces remarques peuvent être séquencées en deux parties, amont (recherche) et aval (économie).

– la rémunération des chercheurs doit rester un sujet prioritaire, en particulier dans les domaines technologiques fortement compétitifs. Des progrès ont été constatés, notamment pour les thèses dans le domaine de l’intelligence artificielle (thèse CIFRE), mais le différentiel reste encore important avec nos voisins européens ;

– une demande de visibilité accrue sur les financements accordés aux acteurs de la recherche, notamment dans le cadre des 3IA, a également été évoquée lors des auditions. Il convient de trouver le juste équilibre entre la nécessité de maintenir l’excellence de la recherche et la nécessaire visibilité pour les acteurs publics, qui sont amenés à financer des thèses sur des durées longues ;

– une demande de simplicité pour la participation aux appels à projets est également demandée par les acteurs de la recherche, afin de préserver au maximum leur « temps de recherche » ;

– enfin, la crise sanitaire a pu ralentir la mise en œuvre de certaines chaires prévues, et entraîner le désengagement (ou moindre engagement) des acteurs privés. Cette donnée doit être prise en compte par les pouvoirs publics.

– le déploiement de la stratégie nationale IA, dans son volet économique, doit intervenir en priorisant l’exécution sur l’ajout de nouveaux dispositifs, et en travaillant à donner aux actions existantes le maximum de lisibilité et de simplicité ;

– le faible niveau de numérisation des entreprises françaises, en particulier les TPE et PME, est un obstacle à la « deuxième marche » que constitue l’IA pour nombre de ces acteurs. Une vraie acculturation doit donc intervenir sur ce sujet, avec des efforts pro-actifs des pouvoirs publics pour faire la démonstration de l’utilité de l’intégration de l’IA pour ces différents acteurs. Sur ce sujet, le lancement d’IA Booster, service d’accompagnement des entreprises souhaitant intégrer l’IA à leur processus de production est une excellente nouvelle ;

– certains segments du marché de l’intelligence artificielle doivent être ciblés prioritairement, soit pour rattraper un retard (cloud) soit pour se positionner en prévision du boom de certains secteurs. C’est le cas, en particulier, dans les domaines de l’IA embarquée, secteur décisif où la France et l’Europe peuvent se positionner grâce notamment à leurs atouts dans le domaine de la micro-électronique. C’est également le cas des secteurs du traitement du langage naturel, d’une part, et de l’intelligence artificielle dite « de confiance » ;

– d’une façon plus globale, la France et l’Europe doivent adopter une approche plus business to consumer, afin de compenser leur retard sur ces marchés, dominés par des solutions étrangères. La France et l’Europe doivent dans le même temps préserver leurs atouts sur le segment « business-to-business » où elles sont bien positionnées ;

– enfin l’accès au financement des start-ups technologiques doit rester une priorité des pouvoirs publics, avec une action qui doit être poursuivie notamment pour les tickets importants. Les exemples d’entreprises françaises et européennes ayant eu recours à des financements étrangers ou ayant délocalisé leur activité depuis les États-Unis restent nombreux. Dataïku, start-up française fondée en 2013 et spécialisée dans l’analyse de données, exerce aujourd’hui aux États-Unis. En 2019, Google est entré au capital de Dataïku ce qui a élevé la capitalisation de la société à plus d’un milliard d’euros. Votre Rapporteure note que le plan deeptech mis en œuvre par Bpifrance constitue une des réponses à cet enjeu.

Hébergement des données – un enjeu de compétitivité  et de souveraineté

 La France et l’Europe ne possèdent pas, à l’heure actuelle, d’acteurs majeurs au niveau mondial dans le domaine de l’hébergement des données, à l’exception d’OVH, dont la taille reste plus faible que les grands acteurs américains.

La protection des données et leur disponibilité pour nos entreprises sont pourtant un enjeu majeur, tant en termes de souveraineté que de compétitivité. L’un des freins au recours accru des grandes entreprises au numérique, et plus précisément aux technologies d’intelligence artificielle, réside en effet dans la crainte d’une perte de contrôle des données stockées, et de pratiques d’espionnage économique.

Dans le cadre du volet dirigé du PIA 4, il semble donc indispensable de soutenir ce secteur, même si le retard accumulé sera difficile à compenser, en raison de son caractère stratégique, en privilégiant néanmoins les segments sur lesquels il est le plus aisé, pour la France et l’Europe, d’être compétitive (cloud de confiance par exemple).

 Au niveau européen, le projet Gaia X, standard de cloud, initiative franco-allemande doit faire l’objet d’un suivi attentif.

Source : contributions écrites.

3.   Deux secteurs à soutenir prioritairement : l’IA embarquée et le traitement automatique du langage naturel

Au cours de ses auditions, votre Rapporteure a acquis la conviction que les secteurs de l’IA embarquée et du traitement automatique du langage naturel doivent faire l’objet d’un soutien renforcé des pouvoirs publics au regard de leur caractère stratégique et des opportunités économiques importantes qu’ils offrent à la France et à l’Europe.

a)     Les marchés de l’IA embarquée

L’intelligence artificielle embarquée désigne la capacité à utiliser une technologie d’intelligence artificielle de façon décentralisée au sein de systèmes mobiles. Selon le manifeste IA ([6]) , on peut distinguer plusieurs catégories d’IA embarquée : l’internet des objets (capteurs intelligents), les plateformes décisionnelles (type voiture autonome) et l’intelligence artificielle décentralisée (Edge AI, par exemple dans le cadre de processus de contrôle au sein d’une usine).

Le tournant de l’IA embarquée est un enjeu économique et technologique décisif pour l’Europe. Comme le résume le commissaire européen au marché intérieur, M. Thierry Breton, si aujourd’hui 80 % des données sont traitées et stockées dans des data center ou des cloud privés ou publics et 20 % le sont « à l’extérieur », c’est-à-dire dans les smartphones, les objets ou véhicules connectés, ce sera l’inverse dans cinq ans ([7]) .

L’IA embarquée a principalement trois types d’avantages : elle améliore les performances d’un produit ou d’un système existant (détection d’obstacles), permet des fonctionnalités de rupture (détection – prévention des accidents cardiaques) et offre enfin de nouveaux modèles d’offre et de services (maintenance prédictive, par exemple).

Elle ne saurait être résumée à un seul marché, qui se limiterait aux composants électroniques et aux logiciels enfouis dédiés (800 milliards d’euros en 2025). Cette technologie est en effet transversale et concernera des marchés aussi variés que ceux de la mobilité intelligente, la santé, l’énergie, l’industrie et la vie numérique. Du fait de la valeur apportée par le traitement des données, la maîtrise des traitements embarqués de ces données est donc un enjeu majeur pour la compétitivité de l’ensemble de notre industrie. Pour la partie « services », sur les dernières étapes de la chaîne de valeur,  (IoT), la valeur du marché de 500 milliards d’euros en 2016 pourrait être multipliée par 10 en 2025.

Du fait de la valeur apportée par le traitement des données, la maîtrise des traitements embarqués de ces données est un enjeu majeur pour la compétitivité de l’ensemble de notre industrie.

b)     Le marché du traitement automatique du langage naturel

L’intelligence artificielle appliquée au traitement du langage naturel offre de nombreuses possibilités de services, en s’appuyant sur l’exploitation des données. Il existe deux méthodes de traitement automatique du langage naturel : soit le recours au deep learning, qui valorise le volume de données disponible pour entraîner la machine à reconnaître un certain nombre de « patterns » qui lui permettront de fournir des éléments d’analyse utiles ; soit l’approche symbolique, qui consiste à valoriser la finesse de l’algorithme et sa capacité à réaliser fidèlement et rapidement la tâche confiée.

Lors de ses auditions, votre Rapporteure a pu rencontrer deux acteurs spécialisés dans ce secteur d’activité que sont Proxem et Golem AI.

Il semble, de toute évidence, que ce secteur d’activité soit porteur d’opportunités économiques importantes. Les données fournies font apparaître un taux de croissance du marché mondial du traitement automatique du langage naturel de l’ordre de 20 % par an. Ce secteur interroge également la souveraineté européenne en matière de données. La faible disponibilité de jeux de données en français est ainsi un obstacle au développement de nos entreprises dans ce secteur d’activité, en dépit d’initiatives intéressantes en ce sens (PIAF).

4.   Propositions

Propositions « recherche »

Proposition n° 1 : Garantir aux instituts 3IA une visibilité de moyen-terme sur leurs ressources.

Proposition n° 2 : Simplifier les procédures de candidature dans le cadre des appels à projets, pour préserver le « temps de recherche » des chercheurs. Pour les entreprises, envisager un dossier unique pour répondre aux appels à projets et un guichet unique pour le versement des financements obtenus.

Proposition n° 3 : Renforcer lattractivité du système de recherche français en améliorant la rémunération des chercheurs.

Proposition n° 4 : Renforcer la lisibilité de la stratégie nationale dintelligence artificielle, en privilégiant une logique dexécution à la mise en place de nouveaux dispositifs.

Proposition n° 5 : Travailler à la diffusion de lintelligence artificielle auprès des entreprises de toutes tailles, en particulier pour les TPE/PME.

Proposition n° 6 : Soutenir les initiatives en faveur de la recherche et de lapplication de lintelligence artificielle au traitement du langage naturel.

Proposition n° 7 : Encourager les initiatives visant à constituer des jeux de données en français afin d’encourager la recherche dans le domaine du traitement automatique du langage naturel.

Propositions « économie »

Proposition n° 8 : Poursuivre le travail mis en œuvre pour accroître la disponibilité des fonds privés et publics à destination du secteur deep tech.

Proposition n° 9 : Renforcer la lisibilité de la doctrine de financement de Bpifrance vis-à-vis des entreprises à fort contenu technologique.

Proposition n° 10 : Renforcer les interactions entre Bpifrance et les pôles de compétitivité pour territorialiser davantage le soutien à l’innovation.

Proposition n° 11 : Assouplir les conditions de fonds propres exigées pour la dernière phase de décaissement dans le cadre des différents PIA.

Proposition n° 12 : Soutenir les initiatives concernant l’intelligence artificielle embarquée pour positionner la France et l’Europe en leader dans ce secteur.

Proposition n° 13 : Poursuivre la stratégie d’attractivité des investissements d’étranger afin de favoriser les partenariats publics/privés propice à la recherche

II.   MicRO-ÉLECTRONIQUE

La micro-électronique, filière industrielle d’avenir, fait l’objet d’un soutien continu et important des pouvoirs publics, via les différents plans Nano. Elle constitue un vecteur important de compétitivité et de souveraineté pour la France et l’Europe. Son soutien, dans le cadre des investissements d’avenir doit se poursuivre, avec le PIA 4.

A.   Un secteur d’excellence, dynamique et compétitif, qui bénéficie d’un soutien historique des investissements d’avenir

1.   Une industrie d’excellence fortement exportatrice

L’industrie électronique représente en France, 15 milliards d’euros de chiffre d’affaires, 80 000 emplois directs et 170 000 emplois indirects, selon les chiffres fournis par son comité stratégique de filière. Elle rassemble l’ensemble des entreprises produisant des composants électroniques (cartes, sous-ensembles électroniques, puces).

La filière électronique regroupe en France les différentes fédérations d’acteurs professionnels suivants :

– la fédération des industries électriques, électroniques et de communication (FIEEC), qui rassemble 28 syndicats professionnels dans les secteurs de l’électricité, de l’électronique et du numérique (biens de consommation, biens intermédiaires et biens d’équipement) ;

 ACSIEL Alliance électronique, qui rassemble les acteurs des composants, des systèmes, du test et de la mesure électronique, des équipements, consommables et services pour l’industrie électronique ;

– le syndicat national des entreprises de sous-traitance électronique SNESE – soit les fabricants de cartes et systèmes électroniques et services associés ;

– le syndicat professionnel de la distribution en électronique industrielle (SPDEI) ;

 Embedded France, association des acteurs français des logiciels et systèmes embarqués, fondée par le Syntec Numérique, Cap’Tronic et 4 Pôles de compétitivité (Aerospace Valley, Image&Réseaux, Minalogic et Systematic), parties intégrées au projet de filière ;

– les pôles de compétitivité de l’industrie électronique et des infrastructures numériques (notamment l’inter-pôle formé par les Pôles Image & Réseaux, Minalogic, SCS, Systematic...) et les clusters ainsi que les laboratoires de recherche (CEA-Léti,…), les écoles, universités et les organismes de formation du domaine.

Au cœur de l’industrie électronique, le secteur de la micro-nanoélectronique rassemble tous les acteurs concevant et produisant les composants électroniques élémentaires à l’échelle micro et nano métrique. Ces composants, ensuite agencés entre eux sur un substrat de silicium (un semi‑conducteur) forment un circuit intégré, plus communément appelé puce, qui est au cœur du fonctionnement de tous les appareils électroniques que nous utilisons quotidiennement (smartphone, voiture ou ordinateur etc.) Cette filière génère un chiffre d’affaires de 4 milliards d’euros et emploie 20 000 personnes en France.

2.   Un soutien historique et important des investissements d’avenir

La filière micro-électronique bénéficie d’un soutien de longue date des pouvoirs publics, comme le donne à voir les différents plans Nano mis en œuvre depuis 2003. Ces plans ont eu vocation, à chaque reprise, à positionner la France et l’Europe sur les segments clefs de la nano-électronique, en apportant un soutien des pouvoirs publics au financement, souvent coûteux, de la recherche et de l’industrialisation dans ce secteur d’activité.

Historique des différents plans Nano

Le plan Nano 2008 (2003-2007) est le premier plan de soutien permettant d’associer étroitement recherche et industrialisation. Il a été construit autour de grands industriels, notamment l’alliance « IBM-STMicroelectronics ».

Le plan Nano 2012 (2008-2012) s’est inscrit dans la continuité du plan précédent et a notamment permis à la France d’être leader sur la technologie du silicium sur isolant (SOI) et de rester dans la course à la miniaturisation.

Le plan Nano 2017 (2013-2017) a été le premier plan à intégrer une dimension européenne et s’est mobilisé autour des générations suivantes de circuits intégrés en misant sur le développement de technologies différentiantes qui ont permis le rebond de STMicroelectronics, alors profondément affecté par la chute de son principal client Nokia, en accentuant la diversification de son portefeuille.

Le plan Nano 2022 (2018-2022) a approfondi la logique européenne en déclinant la feuille de route de l’ICPEI microélectronique en soutenant les 6 industriels français majeurs – ST, Soitec, X-FAb, Murata Integrated Passive Solutions, UMS, Lynred - et leurs écosystèmes, au premier rang duquel figure le CEA-Leti, acteur structurant de la recherche.

Source : Direction générale des entreprises.

La filière électronique bénéficie, en outre, de l’ensemble des écosystèmes mis en œuvre dans le cadre du programme d’investissements d’avenir (IRT, en particulier Nanoélec, financements de Bpifrance, SATT etc.) ou dans un autre cadre (pôles de compétitivité, Cap Tronic, Business France, organismes de recherche etc.).

IIRT Nanoélec : un exemple du soutien du PIA à la nano-électronique

L’institut de recherche technologique (IRT) Nanoelec fait partie des 16 IRT et instituts pour la transition énergétique (ITE) financés par le PIA pour fédérer les laboratoires académiques et industriels de R&D et d’innovation.  Il prend la forme d’un consortium regroupant 21 membres des secteurs public et privé.

Son budget est de 60 millions d’euros par an.

Au mois de décembre 2019, cet IRT avait contribué au dépôt de 176 brevets et de 36 solutions logicielles depuis 2012, et à 395 publications ou communications scientifiques depuis 2015.

Basé à Grenoble, en France, Nanoélec un pôle de premier rang mondial pour la recherche, l’innovation et la production en microélectronique.

Source : site internet de Nanoelec

3.   Un marché mondial à forts enjeux économiques et technologiques sur lequel la France doit se maintenir

Le marché mondial de l’électronique représentait 438 milliards de dollars en 2017, pour la seule partie relative aux semi-conducteurs, d’après les chiffres du comité de filière stratégique « Industrie électronique ».

Le seul marché de la micro-éléctronique pourrait atteindre une valeur de 500 milliards d’euros en 2025, soit plus de 10 % du PIB mondial. Dans le détail, les semi-conducteurs pour l’informatique et les multimédias devraient représenter un marché total de 300 milliards d’euros par an, les composants à destination de l’automobile 100 milliards d’euros par an, et le secteur de la santé entre 50 et 100 milliards.

La bataille pour se positionner sur les éléments critiques de la chaîne de valeur de l’électronique (43 000 milliards d’euros au total) est donc majeure (voir ci-dessous). L’Europe apparaît bien positionnée sur certains secteurs, notamment dans l’électronique embarquée professionnelle (23 % de la production mondiale) et des services marchands (22 %).

Chaîne de valeur de l’industrie Électronique mondiale en 2017

Source : CSF Industrie électronique

Ce positionnement est le fruit des efforts de soutien mis en œuvre au niveau européen et national, et plaide en faveur d’une poursuite des efforts financiers engagés en ce sens, afin de se maintenir à un niveau élevé de compétitivité face à la Chine et aux États-Unis.

B.   ANTICIPER NANO 2027 EN S’APPUYANT SUR LE SUCCÈS DE NANO 2022

1.   Un plan d’ampleur articulé avec l’échelon européen

Le plan Nano 2022 a pour objectif de renforcer la compétitivité de l’industrie nanoélectronique en termes d’innovation et d’appareil productif et de répondre aux besoins des filières applicatives, notamment pour les marchés de l’automobile, des objets connectés, du spatial et de la défense.

Il s’inscrit dans le cadre du projet important d’intérêt européen commun Nanoélectronique mis en œuvre au niveau européen, qui représente 15 milliards d’euros de dépenses de recherche et développement et 10 milliards d’euros pour les premiers déploiements industriels, et fait collaborer ensemble quatre pays que sont la France, l’Allemagne, le Royaume-Uni et l’Italie.

Ce plan bénéficie de cofinancements des collectivités locales, et inclut des projets de R&D collaboratifs cofinancés par la Commission européenne.

Il est articulé autour des cinq domaines technologiques différents :

 les puces écoénergétiques : développement de nouvelles solutions visant à améliorer l’efficacité énergétique des puces. Elles réduiront, par exemple, la consommation totale d’énergie des appareils électroniques, y compris ceux installés dans les voitures ;

 les semi-conducteurs de puissance : développement de nouvelles technologies de composants pour les appareils intelligents ainsi que pour les véhicules électriques et hybrides, afin d’accroître la viabilité des dispositifs à semi-conducteur finals ;

 les capteurs intelligents : développement de nouveaux capteurs optiques, de mouvement ou de champ magnétique plus performants et plus précis. Les capteurs intelligents contribueront à améliorer la sécurité des voitures en leur permettant de réagir de manière plus fiable et plus opportune pour changer de voie de circulation ou éviter un obstacle ;

 l’équipement optique avancé : développement de technologies plus efficaces pour les futures puces haut de gamme ;

 les matériaux composites : développement de nouveaux matériaux composites (au lieu du silicium) et d’appareils adaptés à des puces plus avancées.

Les participants français à ce projet sont STMicroelectronics, Soitec, Sofradir, Ulis, Murata France (ex-IPDia), X-Fab France (ex-Altis Semiconductors), UMS et enfin le CEA-Leti ([8]). Ils interviennent au sein des quatre axes de coopération que sont les circuits intégrés basse consommation d’énergie, les semi-conducteurs de puissance, les capteurs intelligents et les nouveaux matériaux.

2.   Un financement public abondé majoritairement par le PIA 3 – des décaissements qui devraient s’accroître à partir de 2021

Le plan Nano 2022 fait l’objet d’un financement multipartite, impliquant l’État, les collectivités territoriales, l’Union européenne (part cofinancée par la Commission sur les projets retenus au titre des appels annuels de l’entreprise ECSEL) et les industriels eux-mêmes. Le financement public du plan s’élève à plus d’un milliard d’euros, dont 886 millions d’euros pour la part « État ».

Le programme d’investissements d’avenir n° 3 prend en charge la majeure partie de ce financement, via le programme 422 « Valorisation de la recherche » et son action « Accélération du développement des écosystèmes d’innovation performants » du programme 422 « Valorisation de la recherche ». La part PIA s’élève au total à 368 millions d’euros en AE et 200 millions de prêts (AE), qui doivent être décaissés selon le calendrier suivant.

 

PrÉvisionnel de décaissement des crédits Nano 2022 (PIA 3)

 

En M€

AE

CP 2019

CP 2020

CP 2021

CP 2022

Nano 22

Subventions

368

16,2

4,8

110

237

Prêts

200

0

100

100

/

Source : Caisse des dépôts et consignations

L’action ADEIP comprend également un volet « technologies numériques » soutenant le projet « supercalculateur ».

À ce jour, la Caisse des dépôts et consignations a intégralement décaissé les crédits du plan Nano 2017 et débuté les décaissements du plan Nano 2022 et du « Projet Supercalculateurs » à des niveaux limités, mais conformes aux échéanciers fixés. Pour la partie « Prêts », un contrat a été signé le 27 mars 2020 avec l’entreprise SOITEC pour un montant de 200 millions d’euros, après décision du comité de pilotage Nano 2020 du 16 mars 2020.

Bilan des décaissements des crédits Nano 2022

Action PIA

Volet

Financement

Enveloppe globale

Montant versé

Taux de consommation

Nano 2017

/

Subventions

98,317

98,317

100 %

 

 

Sous-Total 1

98,317

98,317

100 %

ADEIP

Volet « Nano 2022 »

Subventions

368,000

21,000

6 %

Prêts

200,000

58,400

29 %

 

 

Sous-Total 2

590,000

95,375

16 %

 

 

Total

688,317

193,692

28 %

Source : Caisse des dépôts et consignations

 

Un projet important d’intérêt européen commun  (PIIEC) à 1,75 milliard d’euros pour le secteur de la micro-électronique

En 2014, la Commission européenne a adopté une communication sur les projets importants d’intérêt européen commun (PIIEC), qui détaille dans quelles conditions les États peuvent intervenir en commun pour financer des projets de recherche spécifique caractérisés par un niveau de risque élevé pour pallier les défaillances de marché.

À cette fin, tout projet PIIEC doit remplir un certain nombre de conditions parmi lesquelles contribuer à la réalisation d’objectifs stratégiques de l’UE (1), faire intervenir plusieurs États membres (2), aller de pair avec des financements privés (3), générer des effets d’entraînements positifs au sein de l’UE qui limitent les distorsions de concurrence (4) et enfin être ambitieux en termes de recherche et d’innovation (5).

En 2018, la Commission européenne a validé le projet de la France, de l’Allemagne, de l’Italie et du Royaume-Uni d’accorder un soutien public de 1,75 milliard d’euros à un projet conjoint de recherche et d’innovation dans le domaine de la micro-électronique.

Ce projet vise à générer 6 millions d’euros d’investissements supplémentaires et doit être achevé en 2024.

Source : site internet de la Commission européenne

3.   Des résultats satisfaisants

Les auditions conduites par votre Rapporteure dans le cadre de la préparation de son avis budgétaire font apparaître un bilan très positif du plan Nano 2022, selon les éléments fournis par la direction générale des entreprises.

En termes d’emploi, au titre de l’année 2019, les travaux de Nano 2022 ont mobilisé 1 849 personnes et ont généré en moyenne depuis deux ans la création de 230 emplois chez les chefs de file et le CEA. Ce point est important dans la mesure où l’un des défis de la filière électronique est de conserver et d’attirer une main-d’œuvre hautement qualifiée.

Les aides d’État de Nano 2022 ont également généré de conséquents investissements chez les 6 chefs de file et le CEA. Elles ont facilité le financement des projets d’agrandissement d’usines et de nouveaux bâtiments de production. Le dynamisme grandissant des entreprises de la nanoélectronique dans l’écosystème français laisse entrevoir de belles perspectives pour la suite du plan Nano 2022.

Enfin, en termes de R&D, les 6 chefs de file et le CEA ont déposé 287 brevets en 2018 et 315 en 2019, témoignant de résultats de recherche encourageants et d’une politique de protection de la propriété intellectuelle française en vue de la mise sur le marché de technologies innovantes. Ils ont également publié plus de 350 articles et thèses scientifiques en 2019, permettant aux acteurs français de la nanoélectronique de maintenir une réputation mondiale en matière d’innovation et de technologie de pointe.

Les acteurs auditionnés font donc état d’une satisfaction au regard du niveau important d’engagement de l’État dans ce domaine. Ils considèrent que les plans Nano, sur une durée de 5 ans, permettent de disposer d’une visibilité suffisante sur l’avenir de leur secteur d’activité.

Sur le plan Nano 2022, les acteurs estiment qu’il a notamment permis au CEA-Léti de rester visible internationalement et de faciliter la prise de risques par des entreprises stratégiques comme Soitec ou ST Microélectronics ([9]). De ce point de vue, le plan dispose d’un effet de levier important sur les financements privés.

4.   Une dynamique à poursuivre avec Nano 2027 afin de maintenir un haut niveau d’ambition

Votre Rapporteure considère que ces bons résultats rendent nécessaire de poursuivre le soutien apporté à cette filière.

Dans ces conditions, le choix, dans le cadre du PIA 4 de consacrer le marché de l’électronique comme un des marchés clefs, présent au sein du volet dirigé du nouveau plan, est une excellente décision. Elle devrait permettre d’apporter un soutien plus global à la filière en préservant la nécessité de réaliser des choix stratégiques ciblant les segments où il est possible de se positionner le plus efficacement possible.

Votre Rapporteure approuve donc la direction choisie et considère qu’un niveau d’ambition élevé doit être maintenu dans le cadre des discussions en cours sur le lancement d’un nouveau projet important d’intérêt européen commun sur l’électronique. Les domaines de l’électronique de puissance et de l’embarqué, doivent être ciblés de façon prioritaire.

Elle souhaite insister, également, sur la prise en compte de deux éléments rapportés lors de ses auditions par différents acteurs, dans le cadre du plan Nano 2022, à savoir : une  lisibilité des lignes budgétaires relatives au financement du plan Nano 2022, parfois insuffisante ; et une définition du périmètre retenu par la Commission européenne pour la notion de première industrialisation trop étroite ([10]) .  Il convient donc que les réflexions sur un plan Nano 2027 et un nouvel IPCEI Électronique intègrent ces deux éléments.

L’optique-photonique : une filière discrète mais stratégique, trop peu soutenue par les pouvoirs publics

Les acteurs de ce secteur d’activité fournissent des produits variés et technologiques utilisés aussi bien dans le cadre du déploiement des réseaux de fibre optique, de l’impression 3D, des véhicules autonomes ou encore de l’exploration aérospatiale. Une étude réalisée à la demande de la direction générale des entreprises, datée de 2014, indiquait que la filière photonique comptait 657 entreprises industrielles pour un chiffre d’affaires de 10,45 milliards d’euros et plus d’une centaine d’entreprises de services connexes. En outre, la France dispose d’acteurs importants dans ce secteur, comme CAILab et Irisiome.

Les auditions conduites par votre Rapporteure indiquent néanmoins que cette filière est relativement absente des plans de soutien mis en œuvre par les pouvoirs publics, en raison de sa faible visibilité. Il est donc souhaitable que les modalités de soutien fassent l’objet d’une révision et évoluent le cas échéant pour tenir compte du potentiel technologique de ces entreprises.

Source : auditions menées dans le cadre de l’avis budgétaire « Investissements d’avenir ».

5.   Propositions

Proposition n° 14 : Renforcer la lisibilité des financements du plan Nano 2022.

Proposition n° 15 : Encourager un assouplissement de la définition, dans le droit européen, de la notion de première industrialisation dans le cadre des projets importants d’intérêt européen commun (PIIEC).

Proposition n° 16 : Conserver une optique stratégique visant à cibler les segments clefs de la chaîne de valeur mondiale de l’électronique pour le plan Nano 2027.

Proposition n° 17 : Réaliser un état des lieux du soutien public à la filière de l’optique photonique en France.

III.   blockchain

La blockchain, technologie de stockage et de transmission d’information de façon sécurisée sans organe central de contrôle, est un secteur d’avenir. Ses usages seront nombreux et concerneront des domaines aussi variés que la finance, la santé, l’assurance, le tourisme ou encore la mobilité ([11]). Ses atouts, en termes de sécurité, de rapidité et de simplicité, ne sont plus à démontrer.

A.   Un secteur d’avenir qui fait l’objet d’investissements en hausse dans le monde

1.   Nature et fonctionnement de la blockchain

La blockchain est une technologie qui repose sur le déploiement d’une chaîne de blocs sécurisée permettant d’effectuer des transactions avec un niveau de certitude et de souplesse élevé. Elle constitue une base de données sécurisée et distribuée qui contient l’historique des échanges effectués entre ses utilisateurs depuis sa création. L’absence d’intermédiaire lui fournit une garantie incomparable de fiabilité. Elle est au cœur du web décentralisé et a pour corollaire la finance décentralisée (Defi).

Il existe des blockchains publiques, ouvertes à tous, et des blockchains privées, réservées à un nombre plus restreint d’utilisateurs.

Le fonctionnement d’une blockchain est le suivant :

– une personne A effectue une transaction (en monnaie virtuelle ou jeton programmable) vers une personne B ;

– cette transaction est rassemblée avec d’autres, sous la forme d’un bloc, validé par des nœuds de réseaux, au moyen de techniques cryptographiques ;

– une fois le bloc validé, il est horodaté et ajouté à la chaîne de blocs. La transaction est alors visible pour le récepteur ainsi que l’ensemble du réseau.

Schéma d’une « chaîne de blocs »

Source : Blockchain Partners.

2.   Trois grandes catégories d’applications possibles

On peut classer, grosso modo, les usages possibles de la blockchain en trois catégories :

– les applications relatives au transfert d’actifs, qui pourraient conduire, par exemple, à rendre disponibles à tout un chacun des services financiers réservés pour l’heure à certains acteurs (on parle de finance décentralisée) ;

– les applications s’appuyant sur le statut de registre de la blockchain (transparence et sécurité des flux financiers), celle-ci prenant alors la forme, selon l’expression du mathématicien Jean-Paul Delahaye d’« un très grand cahier, que tout le monde peut lire librement et gratuitement, sur lequel tout le monde peut écrire, mais qui est impossible à effacer et indestructible » ;

– les smart contracts, programmes autonomes qui exécutent automatiquement les conditions et termes d’un contrat, sans intervention d’un tiers (implications dans le domaine du droit, par exemple, où l’exécution des peines serait par définition immédiate).

Histoire et problématique(s) de la blockchain 2004-2020)

2004 : Invention de la preuve de travail pour le système HashCash (projet de timbre numérique visant à combattre les emails de spam).

2009 : Lancement anonyme de Bitcoin (première blockchain) à des fins de système de paiement.

2010 : Premier achat utilisant le Bitcoin (deux pizzas pour 10 000 BTC, « Bitcoin Pizza Day »).

2011 : Premier smart contract basique sur Bitcoin (P2H).

2012 : Lancement de Peercoin, première blockchain utilisant la preuve d’enjeu.

2013 : Lancement de Mastercoin (maintenant Omni) constituant la première vente de jetons (ICO).

2015 : Lancement d’Ethereum, première blockchain permettant la création de smart contracts complexes (sans limitations autres que celles des ordinateurs c’est-à-dire de temps de calcul et d’espace mémoire).

2016 : Lancement de la première organisation autonome décentralisée (DAO) sur la blockchain Ethereum.

2017 : ICO ([12]) boom (explosion du nombre de ventes de jetons et les montants vendus).

2018 : Problématiques de scalabilité. Pour la première fois, le nombre d’utilisateurs dépasse la capacité du réseau Bitcoin, ce qui entraîne une augmentation des frais de transaction.

2018 : ICO burst. La majeure partie des projets ayant fait des ICO échouent, mais les « bons » projets, quoique minoritaires, lancent leurs applications décentralisées qui rencontrent leurs premiers utilisateurs.

2020 : Boom de la finance décentralisée. Les projets de finance décentralisée voient leurs nombres d’utilisateurs et de crypto-assets déposés exploser. Contrairement à l’ICO boom de 2017, il s’agit d’applications fonctionnelles et non de simples livres blancs. L’explosion du nombre d’utilisateurs entraîne des problématiques de scalabilité et l’augmentation des frais de transaction.

Source : contribution écrite de M. Clément Lesaege, CTO de Kleros.

3.   Des investissements importants dans le monde

Les auditions conduites par votre Rapporteure, notamment auprès de la direction générale des entreprises (DGE), ont permis de faire un état des lieux de la situation présente et des enjeux à venir concernant le développement de la technologie de chaînes de blocs.

Le marché de la blockchain représentera 25 milliards de dollars dans le monde en 2025 ([13]). Il est structuré, pour l’heure, autour d’une dizaine d’offres technologiques majeures, dont une seule est issue de la recherche française, Tezos.

Le futur de la blockchain : 25 milliards, sinon rien ?! - L.฿.C.C

Source : étude Fortune Business Insights

Les cas d’application de la blockchain fonctionnels et matures sont aujourd’hui essentiellement liés à son utilisation comme moyen de traçabilité et de gestion de certificats. Ses usages sont présents dans des secteurs très variés, comme l’agroalimentaire, la logistique, les transports, l’énergie, mais aussi dans les industries culturelles et créatives ou l’éducation. En outre « les secteurs bancaire et assurantiel et les plateformes d’intermédiation commencent à voir se développer des applications blockchain concurrentes à leurs propres services et sont susceptibles d’être fortement impactés par ce type d’utilisation » ([14]).

Les principaux enjeux de la blockchain, pour les années à venir, sont l’émergence d’une troisième génération de technologie d’ici 2023 capable de concilier sécurité, transparence et consommation énergétique, et la construction d’applications et de services sur plateformes d’ici 2028.

Les investissements consentis dans ce secteur dans le monde sont en forte hausse, puisqu’ils sont en effet passés de 850 millions de dollars en 2017 à 4,5 milliards en 2019.

La Chine et les États-Unis sont, pour l’heure, les États qui se démarquent le plus, en raison de leur maîtrise des technologies de registre les plus utilisées, du positionnement rapide de leurs acteurs privés sur le marché des stablecoins ([15]) et du fort soutien financier accordé à cette filière. L’Europe, de son côté, s’est dotée d’instruments spécifiques (Observatoire de la blockchain) et finance également ce secteur (Horizon 2020 ([16])), mais dans des proportions moins importantes ([17]).

B.   Une attention récente des pouvoirs publics, mais une quasi-absence DE SOUTIEN au sein des investissements d’avenir EN DÉPIT DE difficultés de financement

1.   Une stratégie nationale blockchain, lancée en 2019, est en cours de déploiement

Le 15 avril 2019, une stratégie nationale blockchain a été présentée à l’occasion de la Blockchain Paris Conférence par le ministre de l’économie et des finances, à la suite d’un travail de concertation mené avec les acteurs de la filière et la direction générale des entreprises. Cette stratégie s’appuie également sur les travaux réalisés précédemment sur ce sujet, qu’il s’agisse du rapport de France Stratégie ou des rapports parlementaires qui ont évoqué à plusieurs reprises ce sujet ces dernières années ([18]).

Cette stratégie comprend quatre axes de travail :

 renforcer l’excellence et la structuration des filières industrielles françaises, pour déployer des projets basés sur les technologies de registres distribués (axe n° 1) ;

 être à la pointe des enjeux technologiques (axe n° 2), ce qui s’est traduit par une mission confiée au CEA-LIST, à l’IMT et à l’INRIA en mai 2019 en vue d’identifier les verrous existants, dont les conclusions ont été rendues début 2020 ;

 encourager les projets innovants s’appuyant sur les technologies de registres distribués (axe n° 3), ce qui doit conduire l’État à investir, tous dispositifs confondus, 4,5 milliards d’euros dans le financement de l’innovation de rupture dans les cinq prochaines années ;

 accompagner et sécuriser les porteurs de projets blockchain dans leurs questionnements, notamment juridiques et réglementaires, notamment via France Expérimentation.

Une taskforce spécialisée sur la blockchain a d’ailleurs été mise en place au sein de la direction générale des entreprises sur ce sujet. Ses objectifs sont d’assurer le suivi de la stratégie, de permettre le partage d’expériences sur les projets blockchain portés par des acteurs publics ou privés ([19]) et enfin de soutenir la structuration de l’écosystème blockchain français et les synergies entre les différentes parties prenantes.

2.   Un soutien encore faible à la blockchain au sein des investissements d’avenir

Lors de ses auditions, votre Rapporteure a pris connaissance de l’absence de dispositif dédié pour soutenir financièrement les projets de blockchain. Les raisons avancées par les différents acteurs tiennent essentiellement à une demande encore modérée de la part de cet écosystème, à la maturité encore insuffisante de cette technologie pour certaines applications, et, enfin, à un manque d’acculturation des acteurs privés, qui ont encore des difficultés à se saisir des opportunités qu’elle va offrir dans les années à venir.

Le concours I-Innov, dispositif du programme d’investissements d’avenir, a permis, selon la direction générale des entreprises de financer 7 start-ups lauréates (Ownest, iExec, Infolegale, Libriciel Scop, Neurochain, Pikcio et Kleros) pour un montant total de plus de 4,5 millions d’euros. 

Au total, pour l’année 2019, les financements publics destinés aux projets d’innovation développant une brique technologique blockchain, ou qui reposent sur cette technologie, se sont élevés à 5,5 millions d’euros. Une cinquantaine de projets ont été soutenus, majoritairement dans le secteur de la finance, de la cybersécurité, et de l’authentification (mais également, dans les domaines de la gestion, du tourisme, du sport, de la formation ou encore des écotechnologies). Ce montant reste relativement modeste au regard des 4,5 milliards d’euros que l’État entend investir sur 5 ans, tous dispositifs confondus, pour soutenir l’innovation de rupture.

En 2020, pour faire face à la crise, 5 millions d’euros de prêts ont été consentis à destination de ces entreprises. Le Secrétariat général pour l’investissement (SGPI) relève que 3 projets « blockchain » ont été sélectionnés dans le cadre des concours d’innovation 2020 et que 6 ont été transférés ou sont en cours de transfert dans les sociétés d’accélération de transfert des technologies (SATT).

3.   Des difficultés de financement et de diffusion de la blockchain qui doivent être traitées

Plusieurs acteurs auditionnés ont fait part de difficultés vis-à-vis de l’octroi de financements publics pour financer leurs projets.

Sur l’année 2019, le secteur blockchain français a levé 25 millions d’euros (hors Ledger), avec une moyenne des opérations s’établissant à 1,8 million d’euros (contre une moyenne nationale à 7,4 millions d’euros cette même année).

Les difficultés rapportées apparaissent de plusieurs ordres, et concernent l’acteur principal du soutien financier au sein du programme d’investissement d’avenir, à savoir Bpifrance :

 un manque de lisibilité dans la cohérence de la doctrine de financement par Bpifrance des projets à forte valeur technologique ajoutée, conduisant à des écarts, perçus ou réels, de pratiques entre les différentes régions ;

 une focale portée d’abord sur le retour sur investissement financier, qui est naturellement au cœur de l’excellence du PIA, construit sur une logique sélective, mais qui ne saurait pour autant conduire à « manquer » l’opportunité de soutenir de futurs champions technologiques, en minimisant le niveau de risques pris ;

 un niveau de montant accordé qui ne correspond pas toujours aux attentes des acteurs, aussi bien en ce qui concerne les financements publics que privés obtenus, ce qui manifeste la nécessité d’une vraie acculturation des acteurs publics et privés vis-à-vis de cette technologie ;

 une difficulté auprès des banques privées à faire ouvrir un compte bancaire, rendant nécessaire l’intervention de la Banque de France.

Ces éléments de constat doivent conduire à une accélération de la dynamique engagée par les pouvoirs publics pour soutenir les projets blockchain.

Si votre Rapporteure salue les effets déployés depuis 2019, pour monter en compétences sur ce sujet et renforcer la structuration de cet écosystème (création d’une fédération professionnelle, voir encadré), elle estime que ces derniers doivent être renforcés, à travers une amplification des soutiens financiers mobilisés, (qui doivent être fléchés spécifiquement, pour certains, vers la blockchain) et la mise en œuvre d’une véritable expertise blockchain au sein de Bpifrance.

Encadré : la fédération française des professionnels de la blockchain

 Créée en 2019 par un acteur privé (Rémy Ozcan et un député (Jean-Michel  Mis), la fédération française des professionnels de la blockchain (FFPB) vise à structurer l’écosystème de la blockchain. Elle compte actuellement plus de 80 membres, des start-ups aux grandes entreprises comme EDF, Orange ou encore La Banque postale. Elle promeut une approche plurisectorielle et souhaite favoriser la collaboration entre groupes industriels, PME, instituts de recherche et professions libérales. Elle participe actuellement, avec les pouvoirs publics, à un recensement national des entreprises de l’industrie blockchain.

Source : FFPB

4.   Propositions

Proposition n° 18 : Renforcer le travail de sensibilisation des acteurs privés et publics, et plus généralement, aux enjeux de la blockchain.

Proposition n° 19 : Encourager une montée en expertise de Bpifrance sur la blockchain, via lintégration dexperts attitrés, voire la création dune cellule dédiée.

Proposition n° 20 : Faire de la blockchain, lun des secteurs clefs de soutien du PIA, pour accélérer le développement de son éco-système en France. Prévoir une enveloppe spécifique au sein du PIA affectée au soutien des projets blockchain.


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   EXAMEN EN COMMISSION

La commission a examiné pour avis, au cours de sa réunion du mercredi 14 octobre 2020, sur le rapport de Mme Typhanie Degois, les crédits de la mission « Investissements d’avenir ».

Mme Typhanie Degois, rapporteure pour avis. La prochaine loi de finances sera, à bien des égards, hors norme et les investissements d’avenir en sont une illustration intéressante. Pour tirer les leçons de la crise sanitaire, soutenir la relance et préparer notre pays aux enjeux de demain, un quatrième programme d’investissements d’avenir (PIA4) a été présenté par le Premier ministre, le 3 septembre dernier. Je commencerai par vous présenter les principales caractéristiques de la mission « Investissements d’avenir », qui intègre ce nouveau programme, avant d’aborder trois domaines technologiques qui me semblent stratégiques pour la France, puisqu’ils sont cruciaux pour notre souveraineté et que nous y avons des intérêts économiques : l’intelligence artificielle, la microélectronique et la blockchain.

La mission « Investissements d’avenir » est le véhicule budgétaire du PIA3, doté de 10,3 milliards d’euros intégralement engagés en 2017. Il se décline sous la forme de trois programmes séquencés de l’amont vers l’aval du processus d’innovation : le programme 421, « Soutien des progrès de l’enseignement supérieur et de la recherche », doté de 380 millions d’euros en crédits de paiement (CP) pour 2021 ; le programme 422, « Valorisation de la recherche », qui fait le pont entre la recherche et l’industrialisation et qui est doté de 660 millions d’euros de CP pour 2021, contre 620 millions d’euros en 2020 ; le programme 423, « Accélération de la modernisation des entreprises », doté de 874 millions d’euros en CP, contre un peu plus de 1 milliard d’euros l’année précédente. Le rythme de décaissement des crédits du PIA3 restera soutenu en 2021, à hauteur de 1,9 milliard d’euros en CP. À la fin de l’année 2020, les 10,3 milliards d’euros d’autorisations d’engagement (AE) du PIA3 auront été couverts par 4,7 milliards d’euros de crédits de paiement ; un montant de 5,6 milliards d’euros de crédits de paiement restera donc à ouvrir sur les exercices 2021 et suivants.

Le PIA4 sera pleinement intégré dans la mission « Investissements d’avenir » sous la forme de deux nouveaux programmes budgétaires, dotés de 20 milliards d’euros sur cinq ans, dont 11 milliards seront rattachés au plan de relance. Il permettra de concrétiser notre volonté de renforcer notre souveraineté technologique.

Le premier volet du PIA4, dit « dirigé », se trouve dans le programme 424, « Financement des investissements stratégiques », et vise à financer, pour un montant total de 12,5 milliards d’euros sur cinq ans, des investissements exceptionnels dans l’ensemble du continuum de l’innovation afin d’accompagner les transformations économiques et sociétales de notre pays et d’augmenter son potentiel d’innovation. Pour 2021, l’intégralité des autorisations de ce premier programme est engagée et 1,5 milliard d’euros sont prévus en crédits de paiement.

Le second volet du PIA4, dit « structurel », correspondant au programme 425, a pour objectif de garantir un financement pérenne et prévisible aux écosystèmes d’enseignement supérieur de recherche et d’innovation mis en place dans le cadre des précédents programmes d’investissements d’avenir. Ce volet est doté de 7,5 milliards d’euros sur cinq ans et comprend notamment les aides à l’innovation de Bpifrance. Pour 2021, 4 milliards d’euros d’autorisations sont engagés et 562 millions d’euros sont prévus en crédits de paiement.

En tenant compte de l’intégration du PIA4, la mission « Investissements d’avenir » voit donc ses crédits presque doubler par rapport à 2020, avec 3,9 milliards d’euros de crédits de paiement pour l’année 2021. Nous ne pouvons que nous en réjouir.

J’en viens maintenant à mon focus sur les trois secteurs stratégiques.

L’intelligence artificielle est une technologie transversale ayant vocation à se déployer dans tous les secteurs de notre économie, notamment la mobilité, la santé et l’agriculture. Elle assurera des gains importants de productivité et de compétitivité aux entreprises qui sauront s’en saisir et va révolutionner l’ensemble des services. À la suite du rapport de notre collègue Cédric Villani, la France s’est dotée en 2018 d’une stratégie nationale de recherche en intelligence artificielle, qui a notamment conduit à la création de quatre instituts interdisciplinaires d’intelligence artificielle, à Paris, Grenoble, Nice et Toulouse.

À la lumière des auditions que j’ai conduites, le bilan de la France dans ce domaine apparaît bon : les investissements d’avenir ont permis à notre pays de commencer à rattraper le retard accumulé durant ces dernières décennies, de renforcer notre visibilité dans ce secteur ultra-compétitif, de soutenir sa valorisation, enfin de faciliter l’accès des deeptech à des financements tant publics que privés en France. C’est au total près de 1,5 milliard d’euros qui sera consacré à l’intelligence artificielle pendant le quinquennat. Notre pays compte désormais six groupes parmi les quatorze premiers investisseurs en intelligence artificielle en Europe, ainsi que 80 entreprises de taille intermédiaire (ETI) et plus de 500 start-ups spécialisées dans ce domaine.

Il n’en demeure pas moins que nous conservons quelques faiblesses, auxquelles nous ne pourrons remédier que grâce à une stratégie sur le long terme. Je pense en particulier au niveau insuffisant de la rémunération de nos chercheurs, à la complexité administrative parfois excessive pour trouver des financements, au faible niveau de digitalisation de nos TPE-PME, qui ralentit leur mise à niveau technologique, ou encore à l’absence de champions français, et même européens, dans le secteur de l’hébergement dans le cloud, essentiel pour l’intelligence artificielle. Vous trouverez dans le rapport une vingtaine de propositions visant à lever ces difficultés. J’encourage notamment les pouvoirs publics à soutenir davantage deux secteurs qui me semblent stratégiques pour la France : d’une part, l’intelligence artificielle embarquée, qui concerne l’internet des objets, la voiture autonome ou encore les plateformes décisionnelles ; d’autre part, le traitement automatique du langage naturel, qui offrira toutes sortes d’usages dans les prochaines années.

La microélectronique, secteur au chiffre d’affaires de 4 milliards d’euros en France, concerne la production de composants électroniques de haute technologie, comme les puces, indispensables à l’utilisation de tout produit électronique, notamment le téléphone mobile. Les différentes auditions que j’ai menées m’ont conduite à conclure que le soutien apporté par les investissements d’avenir à la microélectronique était satisfaisant et s’inscrivait dans un temps assez long, assurant à ce secteur extrêmement concurrentiel la visibilité qui lui est indispensable. Les crédits du plan Nano 2017 ont d’ores et déjà été intégralement décaissés. Le plan Nano 2022, qui comprend, au titre des investissements d’avenir, pour 368 millions d’euros de subventions et 200 millions d’euros de prêts, devrait voir sa mise en œuvre s’accélérer en 2021 et 2022. En matière d’emplois, au titre de l’année 2019, les travaux de Nano 2022 ont mobilisé près de 1 849 personnes et suscité depuis deux ans la création de 230 emplois en moyenne parmi les chefs de file et au Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA). Ces acteurs ont déposé 287 brevets en 2018 et 315 en 2019, et rédigé plus de 300 publications scientifiques. Les seuls sujets de préoccupation concernent la définition de la notion de première industrialisation dans le cadre européen, qui apparaît encore trop restreinte, et la nécessité d’anticiper d’ores et déjà le prochain plan Nano 2027.

La blockchain est une technologie beaucoup plus récente, donc moins mature, mais au fort potentiel économique. Force est de constater qu’aucun dispositif spécifique n’est prévu pour ce secteur dans le cadre des investissements d’avenir. Les seules actions de soutien passent par les outils de droit commun de Bpifrance, pour un montant total assez faible, de l’ordre de 5,5 millions d’euros en 2019, et pour un nombre de projets inférieurs à cent.

Tout en étant consciente de l’état actuel de structuration de l’offre et de la demande dans ce secteur, je crois qu’il nous faut accroître notre soutien pour ne pas manquer les occasions qui vont se présenter à nous. C’est pourquoi j’invite les pouvoirs publics à renforcer les financements attribués à la technologie de la blockchain, notamment dans le cadre des investissements d’avenir.

Plus en amont encore, au cours des auditions, les acteurs ont régulièrement évoqué les enjeux stratégiques de l’informatique quantique et de la filière optique-photonique – je vous invite à lire la partie du rapport consacrée au sujet.

En conclusion, je me prononce en faveur de l’adoption des crédits de la mission « Investissements d’avenir ».

M. David Corceiro (MoDem). Notre pays traverse une crise sanitaire inédite, devenue aussi économique et sociale. Le programme d’investissements d’avenir est appelé à jouer un rôle majeur d’accompagnement de la relance économique. Au nom du groupe MoDem, je salue la présentation du quatrième programme d’investissements d’avenir, qui a pour vocation d’amplifier l’effort d’innovation engagé depuis le début du quinquennat. Ce PIA4 permettra d’accélérer la reprise de l’activité, en cohérence avec le plan de relance, et d’atteindre nos objectifs en matière d’innovation technologique et numérique.

Ces trois dernières années, le financement des investissements d’avenir s’est inscrit dans une logique de longue durée, l’objectif étant à la fois d’augmenter le potentiel de croissance de l’économie et d’accélérer la transition écologique. Le bilan des PIA est positif. Les crédits alloués aux PIA1 et 2 ont massivement bénéficié à l’enseignement supérieur et à l’innovation, tandis que le PIA3 s’est consacré à la valorisation de la recherche. Il est aujourd’hui urgent d’investir massivement dans les secteurs d’avenir pour renforcer l’organisation socio-économique du pays.

Le montant du PIA4 représente le double des deux précédents, soit 20 milliards d’euros, destinés à stimuler l’investissement et l’innovation. Nous sommes favorables à l’adoption du budget de la présente mission.

Je souhaiterais toutefois appeler l’attention des collègues sur le nécessaire soutien à la jeunesse, principale victime de la crise sanitaire. Dans le contexte économique actuel, beaucoup d’entreprises sont frileuses à l’idée d’embaucher de nouvelles personnes, notamment des jeunes. On ne le répétera jamais assez : aucune génération ne doit être sacrifiée. Si je comprends la nécessité d’investir massivement dans l’innovation, je considère que l’on doit conserver dans le PIA4 les mêmes objectifs en matière de jeunesse que dans le PIA3, ce dernier étant en partie voué au renforcement de l’accompagnement pédagogique en vue de favoriser l’insertion professionnelle des étudiants. Cet accompagnement est devenu encore plus nécessaire dans le contexte actuel. Si nous souhaitons que les jeunes puissent décrocher leurs premières expériences professionnelles, nous devons continuer à favoriser les filières technologiques et numériques d’avenir.

Comment faire pour donner la priorité aux projets d’investissements qui favorisent la jeunesse dans le PIA4 ? Les entreprises technologiques innovantes sont des leviers pour valoriser notre jeunesse. Nous devons viser des projets qui abordent toutes les problématiques : éducation, formation, culture, sport, santé, citoyenneté… avec, pour priorité, l’accès des jeunes à l’emploi.

Mme Christine Hennion (LaREM). La rapporteure pour avis a mis l’accent sur des points extrêmement importants. Sa proposition d’investir plus particulièrement dans tout ce qui se rapporte au langage devrait être soutenue à l’échelon européen, vu le nombre de traductions nécessaires pour travailler sur le moindre texte.

Mme Typhanie Degois, rapporteure pour avis. Le soutien à la jeunesse est en effet primordial, personne ne dira le contraire. Il faut préserver notre jeunesse et l’encourager à entreprendre.

Les investissements d’avenir portent surtout sur les technologies. En revanche, le plan de relance prévoit une enveloppe de plus de  milliards d’euros pour des actions à destination des jeunes et de formation.

J’ai rencontré plusieurs jeunes qui avaient créé leur entreprise au sortir de leurs études. Il faut les inciter en ce sens. Bpifrance propose de nouveaux financements pour aider les jeunes entreprises à se développer et à grandir – on pourra vous en soumettre des exemples, Monsieur Corceiro.

Le traitement du langage naturel est un enjeu important. Dans ce domaine, les Chinois et les Américains sont très en avance sur nous, notamment parce que l’on dispose de trop peu de données d’entraînement en français. Le projet PIAF, qui trouve son origine dans le rapport de M. Villani, n’est pas encore assez nourri en la matière. L’une de mes propositions consiste précisément à disposer de corpus de données d’entraînement plus fournis afin que les centres de recherche et les entreprises puissent innover dans cette technologie primordiale pour l’avenir.

Suivant l’avis de la rapporteure pour avis, la commission donne un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Investissements d’avenir ».

 

 


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   LISTE DES PERSONNES AUDITIONNées

Les acteurs suivants ont été auditionnés par votre Rapporteure. Ils sont classés de façon thématique.

Table-ronde Instituts « 3IA »

– M. Jean-Marc Gambaudo, directeur de l’institut 3IA Côte d’Azur (Nice)

– M. Eric Gaussier, directeur du MIAI (Grenoble)

– Mme Isabelle Ryl, directrice de PRAIRIE (Paris)

– Mme Diana Sebbar, directrice exécutive du 3IA Côtes d’Azur (Nice)

– M. Nicolas Viallet, directeur de l’ANITI (Toulouse)

Table-ronde  « IA et langage naturel »

– M. François Régis Chaumartin, fondateur de Proxem

– M. Thomas Solignac, co-fondateur de Golem AI

Table-ronde « Numérique, IA et blockchain »

– M. Antoine Couret, président du Hub France IA

– M. Hervé Hababou, président de BTU Protocol

– M. Romain Leralut, vp et directeur du Critéo AI Lab

– M. François Lhemery, vp Regulatory Affairs de Critéo

– M. Loïc Rivière, délégué général de TECH IN France

– Mme Marianne Tordeux, directrice des AP de France Digitale

Agence nationale de la recherche (ANR)

– M. Frédéric Precioso, spécialiste IA de l’ANR

– M. Arnaud Torres, directeur de la direction des grands programmes d’investissement de l’État

CSF « Industrie électronique »

– M. Guillaume Adam, délégué du CSF Industrie électronique, directeurs des affaires européennes et du numérique de la FIEEC

– M. José Beriot, vice-président Affaires publiques, SOITEC

– M. Emmanuel Sabonnadiere, directeur du CEA LETI

– M. Thierry Tingaud, président du CSF Industrie électronique, vice‑président de la FIEEC et président de STMicroelectronics France

– M. Jean-Pierre Vigouroux, directeur des affaires publiques du CEA

Table-ronde « IA embarquée »

– M. Cédric Demeure (Embedded France)

– M. Sébastien Duplan, direction des affaires publiques chez Renault

– M. Fabien Mangeant (Renault, expert IA)

– M. Aymeric de Pontbriand, PDG de Scortex

– M. François Terrier, responsable programme du List (CEA) – Industrie du Futur

Table-ronde « Stratégie nationale IA »

– Mme Aude Billard, présidente du jury 3IA

– M. Aurélien Palix, sous-directeur – volet économique stratégie IA

– M. Khalil Rouhana, Deputy Director General de la DG Connect

– M. Bruno Sportisse, président-directeur général d’INRIA

– M. Renaud Vedel coordinateur de la stratégie IA

– M. Fabien Le Voyer, chargé de mission – stratégie IA

Table-ronde « Blockchain »

– M. Stanislas Barthelemi, collaborateur de M.Statchenko, directeur général de Blockchain France

– M. Rémy Ozcan, président de la FFPB

– M. Clément Lesage, CTO de la coopération Kleros

– M. Simon Polrot, président de l’ADAN

Bpifrance *

– M. Raphaël Didier, directeur du développement de la direction de l’innovation

– M. Jean-Baptiste Marin-Lamellet, responsable des relations institutionnelles

– Mme Sophie Remont, directrice de l’expertise et des programmes à la direction de l’innovation de Bpifrance

Secrétariat général pour l’investissement

– M. Guillaume Boudy, secrétaire général

– Mme Camille Müller, conseillère budgétaire

– Mme Naomi Peres, secrétaire générale adjointe

Direction générale des entreprises

– M. Clément Piault, directeur de projet en charge de la nanoélectronique au Service de l’économie numérique

– M. Mathieu Weill, directeur du Service de l’économie numérique

Caisse des dépôts et consignations :

– M. Nicolas Chung, directeur de la Mission PIA, Banque des Territoires

– M. Adil Taoufik, conseiller relations institutionnelles

Minalogic

– M. Pierre Damien Berger, directeur MinaSmart – DIH Europe

–  Mme Erasmia Kolokithas – Dupenloup, directrice développement

– M. Jean-Eric Michallet, directeur général

– M. Hervé Ribaud, directeur technique micro-nanoélectronique

Google*

– M. Olivier Esper, Senior Manager Public Policy

– Mme Charlotte Radvanyi, Policy Senior Analyst

 

 

 

* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le registre de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale.


([1]) Avis sur les investissements d’avenir présenté par Madame Typhanie Degois au nom de la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale, sur le projet de loi de finances pour l’année 2020, tome XI.

([2]) Loi n° 2010-237 du 9 mars 2010 de finances rectificative pour 2010 (PIA 1) et loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 de finances pour 2014 (PIA 2)

([3]) À la suite des divers redéploiements occasionnés en 2018, 2019 et 2020, notamment depuis les PIA 1 et 2, le montant total du PIA 3 dans la mission s’élève à 10,3 Md€.

([4]) Parmi les opérateurs des PIA 1 et 2 non retenus pour le PIA 3 figurent l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs, l’Agence nationale de l’habitat, l’Agence nationale pour la rénovation urbaine, l’Agence de services et de paiement, le Centre national d’études spatiales, le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives, l’Office national d’études et de recherches aérospatiales ou encore FranceAgriMer.

([5]) Les gains de productivité du travail devraient représenter plus de la moitié (55 %) de la totalité des bénéfices économiques générés par l’IA sur la période 2016-2030 (PWC).

([6]) Dans le cadre de la stratégie « AI for Humanity » du Gouvernement, le ministère de l’économie et des finances et huit groupes industriels français (Air Liquide, Dassault Aviation, EDF, Renault, Safran, Thales, Total et Valeo) ont signé en 2019 un manifeste pour l’IA au service de l’industrie.

([7]) Thierry Breton, « La France est entrée dans l’ère de la cyberguerre », Les Echos, 5 juillet 2019.

([8]) Le projet Nano 2022 intègre aussi des partenaires en amont de la filière, et laboratoires du CNRS et académiques, et des partenaires en aval, tels que Renault, Thales, Valéo etc.

([9]) Le plan finance ainsi, selon les auditions conduites, entre 20 et 30 % des fonds dédiés, par exemple, par une entreprise comme ST Microéléctronics à la R&D dans ce domaine.

([10]) La définition actuelle, trop restreinte, limite le soutien financier aux seules premières lignes déployées, et ne permet pas un soutien dans la durée de l’industrialisation du processus.

([11]) Rapport d’information sur les chaînes de blocs, présenté par Madame Laure de La Raudière et Monsieur Jean-Michel Mis, 2018.

([12]) Initial Coin Offering (ICO), méthode de levée de fonds via l’émission d’actifs numériques échangeables contre des monnaies virtuelles lors de la phase de lancement d’un projet.

([13]) Selon une étude réalisée par Fortune Business Insights en 2020.

([14]) Cette dernière est notamment utilisée dans le cadre de projets d’institutions telles que le développement de la Monnaie numérique de banque centrale (CBDC) de la Banque de France.

([15]) Facebook avec son projet Libra, le chinois Binance avec son projet Venus

([16]) 170 millions d’euros injectés dans des projets blockchain depuis 2018, d’abord dans les secteurs de la cybersécurité, de l’IoT et de la santé

([17]) Le FEI devrait investir 100 millions d’euros mutualisés sur l’IA et la blockchain.

([18]) On peut citer, parmi d’autres, le rapport « Les enjeux de la blockchain » de France stratégie (juin 2018) ou encore le rapport d’information, précité, sur les chaînes de blocs rédigé par les députés Jean-Michel Mis et Laure de La Raudière (rapporteurs).

([19]) Les membres actuels de la taskforce sont des représentants des administrations & investisseurs publics, des régulateurs, des associations, des pôles de compétitivité, des représentants de filières, des chercheurs et des personnalités qualifiées. Dans un souci d’impartialité, les entreprises privées ne sont pas conviées aux réunions ordinaires de la taskforce mais uniquement aux réunions publiques.