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N° 3400

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 9 octobre 2020.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES

SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2021 (n° 3360)

TOME XIV

RECHERCHE ET
ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR

GRANDS ORGANISMES DE RECHERCHE

PAR M. CÉDRIC VILLANI

Député

——

 

 

 

 

 Voir les numéros : 3360 et 3399 (Tome III, Annexe 33).


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SOMMAIRE

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Pages

INTRODUCTION

première partie : une progression inÉgalement répartie des crédits des organismes relevant du programme 172

I. Le renforcement attendu des capacités d’intervention de l’Agence nationale de la recherche (ANR)

II. INRAe : l’appui mesuré de l’état à un acteur de l’excellence scientifique française en matière de transition agroécologique

III. Les autres principaux organismes : la nécessité d’un soutien financier plus important, notamment pour le CEA, l’INSERM et INRIA

1. Le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA)

2. Le Centre national de la recherche scientifique (CNRS)

3. L’Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM)

4. Institut national de recherche en informatique et en automatique (INRIA)

deuxième partie : les conditions d’un ancrage durable de la France au sein du dispositif spatial européen

I. Les enjeux qui s’attachent au positionnement de l’europe dans la « nouvelle Économie de l’espace »

1. La recomposition profonde de l’économie de l’espace autour des services satellitaires et des applications Internet

2. La consolidation des ambitions européennes face à l’intensification de la concurrence mondiale

II. Le CNES, acteur clef du maintien de la prééminence française dans l’europe spatiale

troisième partie : le développement d’une filière française d’hydrogène décarboné : la recherche française à la croisée des chemins

I. les potentialités offertes par l’hydrogène dans la décarbonation de l’économie française

1. L’hydrogène, un vecteur d’énergie aux multiples usages

2. La baisse du coût de production de l’hydrogène, condition nécessaire et non suffisante à la diffusion de ses usages :

II. Les conditions du succès de la politique de soutien à l’hydrogène décarboné annoncée par le gouvernement

1. L’ambition contrariée du plan national Hydrogène de 2018 :

2. Le changement d’échelle opéré par la nouvelle stratégie nationale Hydrogène de septembre 2020

3. Les inquiétudes pesant sur la viabilité financière d’IFP-EN, un des acteurs essentiels de la recherche publique sur l’hydrogène

EXAMEN EN COMMISSION

LISTE DES PERSONNES auditionnées


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   INTRODUCTION

L’attribution le 7 octobre dernier du prix Nobel de Chimie à une femme française, Emmanuelle Charpentier, et à sa collègue américaine Jennifer Doudna, pour la mise au point d’une technique révolutionnaire d’édition génomique (CRISPRCas9) est assurément une excellente nouvelle pour les chercheuses qui représentent une part encore bien trop minoritaire de leur profession. Selon les données fournies par le ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation ([1]), les femmes ne représentaient en 2017 que 28 % de l’ensemble des chercheurs exerçant en France. Les travaux menés dans le cadre du présent avis budgétaire ont, d’ailleurs, amplement confirmé ce constat : sur les treize organismes, entreprises ou administrations auditionnés, douze sont dirigés par des hommes.

Le brillant succès de Mme Charpentier est aussi une grande nouvelle pour la France, mais ce constat doit être tempéré. Rappelons, en effet, qu’elle dirige une unité de l’Institut Max-Planck, à Berlin, et elle-même reconnaît que la France n’aurait peut-être pas pu lui donner les mêmes conditions de travail que l’Allemagne. Derrière les succès remportés par nos organismes de recherche et certaines de nos universités dans les classements internationaux, la réalité quotidienne des unités est parfois plus nuancée. Les travaux préparatoires à l’élaboration du projet de loi de programmation pluriannuelle de la recherche (LPPR), actuellement en discussion, avaient souligné les difficultés rencontrées par les établissements à opérer des recrutements de haut niveau : une note d’analyse de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) publiée en mai 2019 ([2]) sur la capacité de différents pays à attirer les travailleurs titulaires d’un master ou d’un doctorat positionnait la France au 22ème rang, derrière le Portugal et la Slovaquie. Notre système organise les conditions d’une véritable « fuite des cerveaux ». Cela a été au cœur des débats sur la LPPR et il faut se réjouir qu’une ambition budgétaire renouvelée y ait été inscrite.

Les pays qui croient en l’avenir investissent massivement dans la recherche. Les dépenses intérieures de recherche et de développement (DIRD), qui mesurent l’effort de recherche de l’ensemble des acteurs publics et privés sont particulièrement élevées en Corée du Sud, au Japon et en Allemagne. Elles représentaient, respectivement, 4,53 %, 3,28 % et 3,13 % du produit intérieur brut (PIB) en 2018. Les États-Unis ont également accru leurs activités de recherche, qui sont passées en six ans de 2,69 % à 2,84 % du PIB. La France, pour sa part, affichait un ratio de 2,20 % du PIB cette année-là : ses efforts, qui s’étaient intensifiés entre 2004 (2,09 %) et 2014 (2,28 %), ne font plus que stagner depuis lors et le ratio a même légèrement tendance à diminuer depuis 3 ans. Vingt ans après le Conseil européen de Lisbonne, la France est toujours loin d’atteindre l’objectif de 3 % fixé à l’époque pour toute l’Union européenne.

Si l’on entre plus attentivement dans le détail des chiffres, on constate que c’est bien la part publique de la DIRD qui décroît (2014 : 0,83 % du PIB ; 2018 : 0,76 %).

Certes, les crédits inscrits dans les lois de finances pour les programmes 150 « Formations supérieures et recherche universitaire », 172 « Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires » et 193 « Recherche spatiale » ont affiché une progression constante au cours des dernières années : en 2020, les dotations étaient ainsi en hausse de 553,49 millions d’euros en autorisations d’engagement (AE) et de 389,45 millions d’euros en crédits de paiement (CP). Mais cette évolution reflétait, pour une très large part, la volonté de la France de résorber la dette qu’elle avait laissée s’accumuler dès 2016 vis-à-vis de l’Agence spatiale européenne.

Le projet de loi de finances pour 2021 est, à, cet égard, très paradoxal. À première vue, les crédits inscrits pour les trois programmes s’élèvent globalement à 22,86 milliards d’euros (AE) et 22,81 milliards d’euros (CP), en augmentation respective de 132,75 millions d’euros (+ 0,58 %) et de 67,07 millions d’euros (+ 0,29 %). Dans cet ensemble, les dotations du programme 172 connaissent une progression sensible (+ 355,29 millions d’euros en AE et + 222 millions d’euros en CP) en parfaite cohérence avec les orientations figurant dans le projet de LPPR. La forte baisse (- 397,74 millions d’euros) des crédits du programme 193 (2020 : 2 milliards d’euros en AE/CP ; 2021 : 1,64 milliard d’euros) résulte non seulement du retour de la contribution française à l’Agence spatiale européenne à un niveau normal, mais aussi de simples mesures de périmètre, une partie des dépenses du Centre national d’études spatiales (CNES) étant désormais financée sur la nouvelle mission « Plan de relance » (cf. partie II infra). Si l’on neutralise les effets de périmètre, on s’aperçoit que les dotations budgétaires, notamment les crédits de paiement, progressent de moins en moins sur les exercices 2019-2021.

Source : Analyse de la LFI 2020 et du PLF 2021.

Le choix opéré par le Gouvernement d’intégrer à la mission « Plan de relance » des dépenses qui auraient pu être retracées sur leurs programmes d’origine affecte sensiblement la lisibilité des documents budgétaires. Un tel manque de clarté ne peut manquer de nuire à la qualité du travail parlementaire.

Sans être négligeable, l’effort budgétaire global recouvre une réalité complexe selon l’établissement ou l’organisme considéré. S’agissant des grands organismes de recherche, si certains d’entre eux (ANR, CNRS) voient le niveau des crédits alloués s’accroître dans des proportions satisfaisantes, les autres (notamment l’INSERM et INRIA) doivent poursuivre leurs efforts de renouvellement de leur politique scientifique avec des moyens parfois contraints. La quasi-stabilité des dotations s’explique parfois par des contraintes de calendrier, les autorités de tutelle ayant tendance à attendre la conclusion de contrats d’objectifs et de moyens (COM) pour réévaluer les dotations. Cette raison ne paraît pas pour autant suffisante pour justifier la pénalisation des établissements confrontés à de lourdes charges de gestion, qui ne peuvent attendre d’être payées. Une telle démarche traduit surtout, au fond, un manque d’ambition contraire à l’esprit qui a porté l’élaboration du projet de LPPR.

Votre rapporteur regrette, par ailleurs, que les organismes les plus en pointe dans la transition écologique (INRAe et IFP-EN) ne soient pas les plus favorisés. La situation d’IFP-EN est même jugée particulièrement préoccupante au regard des baisses de ressources que cet établissement devrait enregistrer en 2020 et en 2021 dans le contexte de la crise économique actuelle.

Au titre des aspects énergétiques, le présent rapport évoque enfin les potentialités offertes par l’hydrogène décarboné dans la conversion de l’économie française. La nouvelle stratégie nationale Hydrogène annoncée par le Gouvernement en septembre dernier apparaît indéniablement plus prometteuse que le précédent plan mis en place en 2018. Toutefois, son succès dépendra étroitement de la capacité de la France à obtenir le soutien de nos partenaires européens et nécessitera la mobilisation des industriels et de l’ensemble de la communauté des chercheurs autour d’objectifs intermédiaires communs (cf. partie III infra).

Énergie, agroécologie, technologies spatiales : trois secteurs en transition dans lesquels les grands organismes de recherche jouent un rôle clef pour la place de la France.

*

*     *

Au vu de ces différents éléments, le projet de budget pour la mission interministérielle « Recherche et enseignement supérieur » (MIRES) pour 2021 n’apparaît ni suffisant d’un point de vue écologique, ni équilibré au vu des efforts parfois disproportionnés demandés à certains organismes, ni satisfaisant au regard des exigences de lisibilité qui doivent régir l’élaboration des documents budgétaires.

Les points forts de ce projet (budget de l’ANR, du CNRS et du plan Hydrogène) ne suffisent pas à compenser ces insuffisances.

AUTORISATIONS D’ENGAGEMENT ET CRÉDITS DE PAIEMENT DE LA MISSION « RECHERCHE ET ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR »

(En milliers d’euros)

 

LFI 2020

PLF 2021

Évolution

(%)

Autorisations d’engagement

28 652 026

28 618 942

- 0,18 %

Crédits de paiement

28 663 788

28 487 883

- 0,68 %

Source : PLF 2021.

Aussi, votre rapporteur vous propose de donner un avis défavorable à l’adoption des crédits pour 2021 des grands organismes de recherche sur les programmes 172 et 193 et, plus généralement, des crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur ».


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   première partie : une progression inÉgalement répartie des crédits des organismes relevant du programme 172

Les autorisations d’engagement (AE) du programme 172 inscrites dans le projet de loi de finances pour 2021 s’élèvent à 7,32 milliards d’euros, contre 6,96 milliards d’euros dans la loi de finances pour 2020 (+ 335,29 millions d’euros, soit + 5,10 %). Le rythme de progression est beaucoup plus rapide que celui observé en 2020 par rapport à 2019 (+ 118,83 millions d’euros) et surtout en 2020 par rapport aux années 2014-2019. Les crédits de paiement (CP), qui s’étaient stabilisés en 2020, repartent à la hausse en 2021 pour s’établir à 7,16 milliards d’euros (+ 222 millions d’euros, soit + 3,20 %).

(En milliers d’euros)

Programme 172

Réalisé 2019

LFI 2020

PLF 2021

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Total du programme

6 753 036

6 851 914

6 959 998

6 941 119

7 315 288

7 163 123

Dont crédits aux opérateurs

6 336 795

6 428 795

6 391 596

6 374 905

6 642 389

6 490 745

Part (%)

93,84 %

93,82 %

91,83 %

91,84 %

90,80 %

90,61 %

Sources : PLF 2021 et rapport annuel de performance (RAP) 2019.

Sources : Analyse du PLF 2021.

 

À titre liminaire, votre rapporteur rappelle que la plupart des organismes de recherche sont confrontés à des charges de gestion qui, compte tenu du niveau des dotations d’État, donnent peu de marges de manœuvre aux gestionnaires pour effectuer des réorientations d’ampleur de politique scientifique. S’agissant, par exemple, du CNRS, les dépenses de personnel couvrent plus de 95 % de la subvention versée. Ce taux s’élève à 92,6 % pour l’INRAe et monte à près de 96 % pour INRIA ([3]).

Comme en 2019, le programme 172 finance pour une part très importante (près de 91 % du total) les dotations allouées aux opérateurs. Celles-ci progressent de 250,79 millions d’euros en AE en 2021 (+ 3,92 %) et repartent à la hausse en CP (+ 115,84 millions d’euros, soit + 1,82 %). L’augmentation se concentre, pour l’essentiel, sur l’Agence nationale de la recherche (ANR) et le Centre national de la recherche scientifique (CNRS) – cf. graphique ci-après.

Sources : Analyse du PLF 2021.

I.   Le renforcement attendu des capacités d’intervention de l’Agence nationale de la recherche (ANR)

Dans les lois de finances, l’Agence nationale de la recherche (ANR) est financée à titre principal par le programme 172. Elle est également opérateur des crédits du programme des investissements d’avenir (PIA) retracés sur les programmes 421 « Soutien des progrès de l’enseignement et de la recherche » et 422 « Valorisation de la recherche ».

Hors crédits du PIA, la situation budgétaire de l’Agence nationale de la recherche (ANR) sur la période 2019-2021 se présente comme suit :

(En milliers d’euros)

 

LFI 2019

Réalisé 2019

LFI 2020

PLF 2021

 

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Dotation P172 ANR

768 839

859 508

751 076

823 740

766 361

738 046

924 674

773 031

 dont dotation P172 avant mise en réserve

768 839

859 508

 

 

766 361

738 046

924 674

773 031

 Dotation après mise en réserve

 

797 138

 

816 596

 

 

 

 

Résultat budgétaire

 

+37 313

 

+ 71 027

 

+ 1 290

 

 

 Dépenses

 

786 000

761 898

781 784

 

762 380

 

 

 Recettes

 

823 312

 

852 811

 

763 670

 

 

Sources : Analyse du rapport annuel de performance 2019, PLF 2021 et ANR.

En dépit d’un net rétablissement de ses moyens financiers entre 2017 et 2019 (+ 32,7 millions d’euros par an en AE et + 220,12 millions d’euros en CP), l’Agence souffre toujours d’une relative désaffection de la part de la communauté des chercheurs. Le taux de sélection des projets appliqué par l’Agence tous dispositifs confondus a, certes, progressé en 2019 (18,6 % contre 17,1 % en 2018), mais cette hausse n’a pas permis, pour l’instant, de redynamiser le nombre de soumissions, qui reste stable entre 2018 et 2019 (environ 8 600) et est même inférieur à celui de 2017 (9 258).

Les causes des réticences des chercheurs à solliciter l’appui de l’ANR ont été identifiées par l’un des groupes de travail mis en place en 2019 afin de préparer l’actuel projet de loi de programmation pluriannuelle de la recherche ([4]) :

1/ Le taux de sélection de l’agence française, autour de 18 %, est particulièrement bas par rapport à celle de ses homologues européens : 30 % aux Pays-Bas, 48 % en Allemagne, 49 % en Suisse, etc. L’agence allemande (Deutsche Forschungsgemeinschaft ou DFG) dispose, par ailleurs, d’un budget d’intervention près de 5 fois plus élevé que l’ANR, avec 3,2 milliards d’euros en 2018.

2/ Le mécanisme de prise en charge des coûts indirects supportés par les établissements porteurs ou hébergeurs des projets financés reste encore, à ce jour, largement insuffisant. Le taux global de couverture des frais indirects en France (19 %) est insuffisamment rémunérateur au regard des standards internationaux (25 % au niveau européen, 30 % au Japon, etc.).

En application des dispositions de l’article L. 329-5 du code de la recherche, le règlement financier de l’ANR prévoit deux mécanismes relatifs aux bénéficiaires de financements « à coût marginal ([5]) » :

– la possibilité pour les établissements gestionnaires des contrats de prélever 8 % des aides attribuées au titre des frais généraux de gestion sans justificatifs (point 1.1.1, paragraphe e) ;

– le versement à l’établissement hébergeur, à hauteur de 11 % des financements alloués, d’une aide complémentaire et forfaitaire dénommée « préciput » dont les conditions d’utilisation sont encadrées (point 3.1.5).

Les orientations fixées par l’actuel projet de loi de programmation pluriannuelle de la recherche visent précisément à apporter une solution durable à un problème éminemment structurel. Le rapport annexé au projet de loi indique au A du III que le relèvement du taux de succès à une « cible » de 30 % « nécessite une augmentation substantielle des moyens de l’ANR » (partie 1) et que la fixation du taux de préciput à 40 % répond aux enjeux qui s’attachent au renforcement de la politique scientifique des établissements (partie II). Logiquement, le texte prévoit en son article 2 une hausse des autorisations d’engagement (AE) allouées à l’ANR de 149 millions d’euros en 2021 par rapport à 2020. Cet engagement a été intégralement repris dans le projet de loi de finances pour 2021 : les crédits alloués en AE s’élèvent à 924,7 millions d’euros (+ 158,3 millions d’euros par rapport à 2020), les crédits de paiement ayant été ajustés au rythme d’évolution des AE antérieure à 2021 (773 millions d’euros, soit + 35 millions d’euros par rapport à 2020).

Le plan de relance permet aux dotations allouées à l’Agence d’aller au‑delà des engagements figurant dans la programmation pluriannuelle. L’annexe explicative de la mission « plan de relance » indique, s’agissant de l’action n° 05 « Recherche » du programme 364 « Cohésion », que l’ANR bénéficiera en 2021 d’un abondement complémentaire de 428 millions d’euros en AE (+ 286 millions d’euros en CP). Au total, les crédits alloués en AE progresseraient cette année de 586,3 millions d’euros pour s’établir à 1,35 milliard d’euros (+ 76,5 % par rapport à 2020).

Au cours de leur audition dans le cadre du présent avis budgétaire, les représentants de l’ANR ont confirmé qu’ils envisageaient de porter le taux de succès à 23 % dès 2021. Par ailleurs, les négociations menées avec les organismes de recherche et la Conférence des présidents d’université (CPU) ont abouti à un accord sur un relèvement du taux de prélèvement pour frais de gestion à 11 % et du taux de préciput stricto sensu à 14 %. Si l’on tient compte du « bonus de performance scientifique » de 5 % alloué aux laboratoires en cas d’accord de « site », le taux de prise en charge des frais indirects devrait donc rapidement atteindre les 30 %.

Votre rapporteur se félicite des évolutions envisagées, le tout en parfaite cohérence avec les recommandations du groupe de travail n° 1 précité. Ces réformes constitueront un signal fort à destination des établissements (universités et organismes), qui verront ainsi un intérêt direct à mobiliser leurs chercheurs sur les appels à projets de l’ANR. L’Agence doit devenir une des briques incontournables du financement de la recherche par projet en France.

II.   INRAe : l’appui mesuré de l’état à un acteur de l’excellence scientifique française en matière de transition agroécologique

L’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (INRAe) est un établissement public à caractère scientifique et technologique (EPST) né le 1er janvier 2020 de la fusion entre l’Institut national de la recherche agronomique (INRA) et de l’Institut national de recherche en sciences et technologies pour l’environnement et l’agriculture (IRSTEA). Il couvre des champs disciplinaires très différents issus des deux organismes dont il est issu : sciences de la vie, sciences économiques et sociales, sciences de l’environnement, sciences de l’aliment, maîtrise des risques naturels, sanitaires et environnementaux, bio‑économie, gestion adaptative des ressources sous la contrainte du changement climatique.

Fin 2019, les effectifs cumulés de l’INRA et de l’IRSTEA s’élevaient à 11 152 ETPT, dont 1 171 contractuels. Dans les lois de finances, le nouvel établissement est financé à titre principal par les programmes 172 et 142 « Enseignement supérieur et recherche agricoles ».

La situation budgétaire cumulée des deux organismes en 2019, puis celle du nouvel établissement en 2020 et en 2021, se présente comme suit :

(En milliers d’euros)

 

LFI 2019*

Réalisé 2019*

LFI 2020

PLF 2021

 

AE

AE

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Dotation P172- 142 et autres

792 208

793 479

801 809

802 489

803 160

803 281

807 650

807 608

 Dont SCSP tous programmes avant mise en réserve

791 608

792 879

 

 

802 560

802 680

805 943

805 943

 SCSP tous programmes après mise en réserve

 

784 816

 

790 058

 

794 881

 

 

Résultat budgétaire

 

 4 002

 

+ 10 720

 

+ 3 100

 

 

 Dépenses

 

1 003 821

 

997 992

 

1 023 994

 

 

 Recettes

 

999 819

 

1 008 712

 

1 027 094

 

 

Sources : Analyse du rapport annuel de performance 2019, PLF 2021 et INRA-IRSTEA.

* Le montant 2019 est l’addition de ceux de l’INRA et de l’IRSTEA.

Autrefois accusé d’être au service du « productivisme agricole », l’INRA avait, depuis longtemps, réorienté ses activités de recherche en direction d’un modèle agricole plus conforme aux attentes environnementales.

Le contrat d’objectifs et de performance (COP) conclu pour la période 2017‑2021 intégrait déjà des objectifs « d’agroécologie » au travers d’actions visant à permettre l’adaptation des systèmes agricoles au « défi climatique », à favoriser une « alimentation saine et durable » et à développer l’usage de « bioressources ». L’État recourt à ses compétences pour mettre en œuvre le plan Écophyto II+ ([6]) et les débats actuels autour de la crise de la jaunisse affectant la betterave le mettent sous les feux de l’opinion publique.

Le rapprochement de l’INRA et de l’IRSTEA permet de donner naissance à un organisme de recherche résolument tourné vers le développement durable. L’agroécologie est ainsi au cœur du nouveau projet stratégique « INRAe 2030 » en cours d’élaboration. Au cours de leur audition, les représentants de l’INRAe ont rappelé que l’objectif recherché par la fusion était bien l’émergence d’une culture scientifique commune. Les domaines de recherche de deux organismes sont, par nature, complémentaires : lorsqu’il est, par exemple, demandé à l’État de fournir un avis sur les techniques d’épandage agricoles, l’INRA peut faire valoir sa connaissance des produits phytopharmaceutiques et l’IRSTEA, pour sa part, mobiliser ses compétences en matière d’agroéquipements.

Votre rapporteur salue la gouvernance du nouvel établissement, qui a permis de faire aboutir le rapprochement des deux organismes sans que soit affectée la politique scientifique. Il estime, par ailleurs, qu’il est essentiel que le nouvel organisme soit accompagné financièrement par l’État de façon à ce que le rapprochement se fasse dans les meilleures conditions possibles. L’établissement avait identifié plusieurs mesures ponctuelles directement liées à la fusion, notamment l’extension du système informatique de gestion à l’ensemble des composantes de la nouvelle entité (3,8 millions d’euros en 2019 et 1,1 million d’euros en 2020). À ces coûts techniques devaient s’ajouter à compter de 2020 3,1 millions d’euros par an de dépenses supplémentaires au titre de l’alignement scientifique ainsi que 2,5 millions d’euros par an liés à l’alignement des régimes indemnitaires des deux instituts.

L’évolution des dotations allouées au titre de la subvention pour charges de service public (SCSP) sur deux ans (+ 9 millions d’euros entre les réalisés 2018 et 2019, puis + 4,8 millions d’euros entre le réalisé 2019 et le budget prévisionnel 2020) illustre la volonté du Gouvernement de financer intégralement les surcoûts liés à la fusion en 2019 et en 2020 (10,5 millions d’euros au total).

L’effort opéré en 2021 paraît, à cet égard, un peu en retrait : la SCSP inscrite avant mise en réserve s’élève à 805,9 millions d’euros, en hausse de 3,3 millions d’euros par rapport à la LFI 2020 (802,7 millions d’euros). Ce relèvement devrait permettre de couvrir les dépenses liées à la poursuite de l’alignement scientifique, mais non celles relatives au glissement vieillesse technicité (GVT) et aux régimes indemnitaires, qui pourraient représenter chaque année 7,5 millions d’euros au total. L’établissement ne pourra, par ailleurs, compter que partiellement en 2021 sur ses ressources propres, c’est-à-dire issues de contrats avec des partenaires publics et privés : selon les projections effectuées par l’INRAe lui-même, la crise liée à la pandémie de Covid-19 devrait avoir pour effet de diminuer ces recettes de 4,2 millions d’euros en 2020 par rapport à 2019.

Des moyens complémentaires pourront être alloués dans le cadre du plan de relance, notamment au titre du plan « Protéines ([7]) » ainsi que dans la mise en place de nouveaux programmes prioritaires de recherche (cf. infra), mais ils ne permettront à l’INRAe que de financer des actions nouvelles sans pouvoir faire face à l’accroissement régulier des charges de personnel, glissement vieillesse technicité (GVT) compris (4 millions d’euros par an).

Dans un contexte où des efforts importants de maîtrise de la masse salariale ont été accomplis au cours des dernières années (- 10 % des effectifs en 10 ans, fusion comprise), votre rapporteur estime que l’État devrait effectuer en 2021, comme en 2019 et en 2020, des abondements complémentaires afin de permettre à l’organisme de mener à terme l’ensemble du processus de réorganisation.

Les « programmes prioritaires de recherche » (PPR) sont nés en septembre 2017 dans le cadre du volet n° 3 du Programme d’investissements d’avenir (PIA 3). Dotée de 400 millions d’euros (123 millions d’euros engagés au 31 mars 2020), cette action du PIA a vocation à financer des projets portant « sur des champs de recherche bien identifiés ». Le pilotage scientifique du PPR est confié à l’établissement concerné, en liaison avec le gestionnaire des fonds (ANR).

S’agissant de l’émergence de pratiques agricoles alternatives à l’usage de produits phytopharmaceutiques, l’INRAe a obtenu la direction scientifique d’un PPR dénommé « Cultiver et protéger autrement » et doté de 30 millions d’euros. Les 10 projets sélectionnés et amorcés officiellement en septembre 2020 sont remarquables par leur côté novateur, associant parfois nouvelles technologies et internet : il s’agit, par exemple, de la construction de capteurs olfactifs permettant de détecter des insectes, de la mise en place d’une épidémiosurveillance mobilisant les outils de l’intelligence artificielle, etc.

Au titre des aspects pluridisciplinaires, l’INRAe a annoncé également avoir pris contact avec INRIA (cf. infra) en vue de la construction d’un PPR sur les agroéquipements et la transformation numérique au service de l’agroécologie et de la souveraineté alimentaire.

III.   Les autres principaux organismes : la nécessité d’un soutien financier plus important, notamment pour le CEA, l’INSERM et INRIA

1.   Le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA)

Créé en 1945, le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) est un établissement de recherche à caractère scientifique, technique et industriel relevant de la catégorie des établissements publics industriels et commerciaux (EPIC). Il est placé sous la quintuple tutelle des ministères chargés de la recherche, de l’énergie, de la défense, de l’industrie et des finances. Il intervient dans quatre grands domaines : les énergies « bas carbone » (énergies nucléaire et renouvelables), les technologies pour l’information, les technologies pour la santé, la défense et la sécurité globale. Dans les lois de finances, l’établissement est financé à titre principal par les programmes 172 et 190 « Recherche dans les domaines de l’énergie, du développement et de la mobilité durables » ainsi qu’à titre subsidiaire par les programmes 191 « Recherche duale » et 212 « Soutien de la politique de défense ».

La situation budgétaire du secteur civil du CEA sur la période 2019-2021 se présente comme suit :

(En milliers d’euros)

 

LFI 2019

Réalisé 2019

LFI 2020

PLF 2021

 

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Dotation P172-190-191 et autres

1 941 259

1 946 103

1 968 648

1 977 454

1 975 499

1 985 341

1 949 854

1 949 854

dont dotation démantèlement

740 000

740 000

740 000

740 000

740 000

740 000

740 000

740 000

dont dotation ITER

148 200

148 200

150 300

150 300

148 900

148 900

152 000

152 000

dont dotation hors démantèlement, hors ITER et avant mise en réserve

1 057 903

1 057 903

 

 

1 088 246

1 088 246

1 049 244

1 049 244

Dotation après mise en réserve

 

1 038 700

 

1 033 900

 

1 061 700

 

 

Résultat budgétaire

 

 6 574

 

+ 13 417

 

+ 0

 

 

 Dépenses

 

3 023 274

 

2 961 983

 

2 856 300

 

 

 Recettes

 

3 016 700

 

2 975 400

 

2 856 300

 

 

Sources : Analyse du rapport annuel de performance 2019, PLF 2021 et CEA.

La dotation de l’État au CEA comporte deux « fonds dédiés » :

– l’un au financement des opérations d’assainissement et de démantèlement des installations nucléaires (crédits stabilisés à 740 millions d’euros par an depuis 2016) ;

– l’autre à la participation de la France au projet de réacteur de recherche civil à fusion nucléaire ITER (2019 : 148,2 millions d’euros ; 2020 : 148,9 millions d’euros ; 2020 : 157,5 millions d’euros).

Si l’on exclut ces deux fonds dédiés, les crédits de paiement alloués pour les activités civiles du CEA s’établissent à 1 049,2 millions d’euros avant mise en réserve dans le projet de loi de finances pour 2021, contre 1 088,2 millions d’euros en 2020 (- 39 millions d’euros, soit – 3,6 %).

Cette baisse n’est qu’apparente, car le CEA récupérera, au titre de la mission « Plan de relance » :

– 22 millions d’euros de subvention pour charges de service public au titre de l’action n° 02 « Souveraineté technologique et résilience » du programme « Compétitivité » ;

– une partie des 100 millions d’euros d’autorisations d’engagement et des 70 millions d’euros en crédits de paiement alloués au titre de la rénovation de deux installations d’expérimentation nucléaire par l’action n° 08 « Énergies et technologies vertes » du programme « Écologie ».

Au cours de leur audition, les représentants du CEA ont, toutefois, fait valoir que leurs recettes externes, qui représentent une part non négligeable de l’ensemble de leurs ressources (28,1 % en 2019), allaient fortement diminuer en raison de la pandémie de Covid-19. L’impact global à la baisse de la crise sanitaire sur l’exécution budgétaire 2020 pourrait représenter 30 millions d’euros.

2.   Le Centre national de la recherche scientifique (CNRS)

Le Centre national de la recherche scientifique (CNRS) est un établissement public à caractère scientifique et technologique (EPST) fondé en 1939. Avec 32 000 employés répartis sur l’ensemble du territoire national, le CNRS exerce son activité dans tous les champs de la connaissance et s’appuie, à cette fin, sur plus de 1 100 unités de recherche et de service. Dans les lois de finances, l’établissement est financé à titre principal par le programme 172.

La situation budgétaire du CNRS sur la période 2019-2021 se présente comme suit :

(En milliers d’euros)

 

LFI 2019

Réalisé 2019

LFI 2020

PLF 2021

 

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Dotation P172-113-150

2 695 232

2 696 222

2 668 195

2 669 605

2 732 109

2 733 891

2 808 463

2 808 463

 dont SCSP P172-150 avant mise en réserve

2 643 778

2 643 778

 

 

2 673 056

2 673 056

2 807 459

2 807 459

 SCSP P172-150 après mise en réserve

 

2 629 938

 

2 614 592

 

2 638 144

 

 

Résultat budgétaire

 

- 67 201

 

+ 66 234

 

- 67 953

 

 

 Dépenses

 

3 485 615

 

3 386 311

 

3 563 168

 

 

 Recettes

 

3 418 414

 

3 452 545

 

3 495 216

 

 

Sources : Analyse du rapport annuel de performance 2019, PLF 2020 et CNRS.

Après des hausses relativement limitées en 2019 (+ 21,7 millions d’euros) et en 2020 (+ 29,8 millions d’euros), les subventions pour charges de service public (SCSP) inscrites au titre des programmes 172 et 150 dans les lois de finances avant mise en réserve connaissent un rebond significatif en 2021 : 2,81 milliards d’euros en AE et en CP, en hausse de 68,4 millions d’euros par rapport à 2020 (+ 2,56 %). Ce relèvement devrait permettre au CNRS de couvrir son glissement vieillesse technicité (GVT), évalué à plus de 20 millions d’euros par an. L’établissement aura également les moyens de poursuivre le programme de soutien aux laboratoires et de recrutement de doctorants qu’il avait engagé deux ans auparavant et qu’il a financé intégralement sur son fonds de roulement (42,2 millions d’euros pour les doctorants, 23,9 millions d’euros pour les laboratoires).

3.   L’Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM)

Créé en 1964, l’INSERM est un établissement public à caractère scientifique et technologique (EPST) placé sous la double tutelle du ministère chargé de la recherche et du ministère de la santé. Il assure la coordination stratégique et scientifique de la recherche biomédicale en France. En 2019, plus de 13 000 personnes travaillaient au sein de structures dépendantes ou associées à l’INSERM, dont 5 110 personnels statutaires, 3 106 contractuels et 5 242 hospitalo-universitaires associés. Dans les lois de finances, l’établissement est financé à titre principal par le programme 172.

La situation budgétaire de l’INSERM sur la période 2019-2021 se présente comme suit :

(En milliers d’euros)

 

LFI 2019

Réalisé 2019

LFI 2020

PLF 2021

 

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Dotation P172

(et autres)

635 366

635 366

632 564

632 564

639 753

639 753

644 959

644 959

 dont SCSP P172 avant mise en réserve

635 366

635 366

 

 

639 753

639 753

644 959

644 959

 SCSP P172 après mise en réserve

 

 

 

631 076

 

 

 

 

Résultat budgétaire

 

- 23 027

 

+ 83 031

 

- 2 742

 

 

 Dépenses

 

935 589

 

883 290

 

968 909

 

 

 Recettes

 

912 561

 

966 321

 

966 168

 

 

Sources : Analyse du rapport annuel de performance 2019, PLF 2021 et INSERM.

La subvention pour charges de service public versée au titre du programme 172 avant mise en réserve s’était accrue de 4,4 millions d’euros (+ 0,69 %) dans la loi de finances pour 2020 pour s’établir à 639,8 millions d’euros. Elle s’accroît de 5,2 millions d’euros (+ 0,81 %) dans le projet de loi de finances pour 2021 (644,9 millions d’euros). Cet abondement sera, pour une large part, consacré à la couverture des frais supplémentaires, d’un montant de 3 millions d’euros, liés à la reprise par l’établissement de certaines des dépenses effectuées par l’Institut national de transfusion sanguine (INTS), dont la suppression est envisagée pour 2021.

Cette quasi-stabilité paraît difficilement compréhensible en pleine crise sanitaire. Au cours de leur audition, les représentants de l’INSERM ont indiqué qu’ils envisageaient de mettre en place une nouvelle Agence sur les maladies infectieuses et émergentes à partir de l’Agence nationale de recherche sur le SIDA et les hépatites virales (ANRS), sous tutelle de l’établissement, et du consortium pluridisciplinaire de préparation à la lutte contre les crises liées aux maladies infectieuses émergentes actuellement piloté par l’organisme en interne ([8]).

À défaut d’une réallocation des crédits au sein du programme 172, une solution pourrait être trouvée par la mise en place d’un accès facilité à un fonds de financement des activités de recherche en santé humaine constitué à partir des crédits alloués aux établissements de santé au titre de la recherche clinique, c’est-à-dire intégrés dans l’Objectif national des dépenses d’assurance maladie (ONDAM) ([9]). L’INSERM est en discussion sur ce sujet depuis 2019 avec le ministère chargé de la santé.

4.   Institut national de recherche en informatique et en automatique (INRIA)

Créé en 1967, l’Institut de recherche en informatique et en automatique (INRIA) est un établissement public à caractère scientifique et technologique (EPST) placé sous la double tutelle des ministères chargés de la recherche et de l’industrie. Il a pour missions de produire une recherche d’excellence dans les champs informatiques et mathématiques des sciences du numérique et de garantir l’impact, notamment économique et sociétal, de cette recherche. INRIA s’appuie sur plus de 180 équipes‑projets déployées au sein de huit centres de recherche répartis dans toute la France et représentant environ 2 500 personnes. Dans les lois de finances, l’établissement est financé exclusivement par une dotation du programme 172

La situation budgétaire d’INRIA sur la période 2019-2021 se présente comme suit :

(En milliers d’euros)

 

LFI 2019

Réalisé 2019

LFI 2020

PLF 2021

 

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Dotation P172 avant mise en réserve

173 946

173 946

178 894

178 894

174 894

174 894

175 487

175 487

 SCSP après mise en réserve

 

172 643

 

176 588

 

174 638

 

 

Résultat budgétaire

 

-4 661

 

+8 801

 

-1 943

 

 

 Dépenses

 

239 766

 

227 665

 

238 580

 

 

 Recettes

 

235 104

 

236 466

 

236 637

 

 

Sources : Analyse du rapport annuel de performance 2019, PLF 2021 et INRIA.

La subvention pour charges de service public versée à INRIA au titre du programme 172 (avant mise en réserve) progresse de 0,6 million d’euros (+ 0,34 %) par rapport à 2020 pour s’établir à 175,5 millions d’euros dans le projet de loi de finances pour 2021.

Dans le cadre de la mise en œuvre du contrat d’objectifs et de performance (COP) 2019-2023, INRIA a préparé un plan ambitieux orienté sur le développement de technologies souveraines et comportant un objectif de 100 projets de start-ups par an à compter de 2023. Les dépenses occasionnées par la réalisation de ce plan sont estimées à 120 millions d’euros par an.

Dès lors, la quasi-stagnation des crédits alloués en 2021 n’est pas satisfaisante. Une partie des objectifs d’INRIA (intelligence artificielle, informatique quantique, cybersécurité) pourrait, toutefois, trouver un financement au titre du volet n° 4 du Programme d’investissements d’avenir (PIA 4).

*

*     *

 

Votre rapporteur appelle à ce que, conformément au 4.a du rapport annexé au projet de loi de programmation plurianuelle de la recherche (LPPR), « la hausse des crédits du programme 172 » bénéficie « aux organismes nationaux », en particulier ceux les plus en pointe dans les domaines de la santé humaine (INSERM) et de la souveraineté numérique (INRIA).

Sans attendre les conclusions des discussions entourant les futurs contrats d’objectifs et de moyens (COM) des deux établissements, un abondement complémentaire pourrait être effectué au profit des deux établissements.

S’agissant plus particulièrement de l’INSERM, votre rapporteur soutient la démarche de l’organisme visant à obtenir un accès au financement de la recherche clinique.


—  1  —

   deuxième partie : les conditions d’un ancrage durable de la France au sein du dispositif spatial européen

Longtemps mises au service du secteur militaire et d’une compétion de prestige entre États lors de la Guerre froide, les techniques spatiales ont, depuis la fin du siècle dernier, commencé à irriguer divers aspects de la vie quotidienne, qu’il s’agisse des prévisions météorologiques, des télécommunications et la géolocalisation.

Dans son Panorama économique du secteur spatial (2007), l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) définissait une « économie spatiale » dotée d’un champ très large. Ce marché regroupe « l’ensemble des intervenants,  publics  et  privés, participant à la fourniture de produits et de services spatiaux. » L’OCDE définissait ainsi une longue chaîne de valeur ajoutée, qui commence par les acteurs de la recherche et du développement et les fabricants de matériel (lanceurs, satellites, segments sols, etc.) et s’achève avec les fournisseurs de produits (équipements de navigation et de téléphonie) et de services spatiaux à des usagers finaux (météorologie, télédiffusion directe par satellite, etc.).

I.   Les enjeux qui s’attachent au positionnement de l’europe dans la « nouvelle Économie de l’espace »

1.   La recomposition profonde de l’économie de l’espace autour des services satellitaires et des applications Internet

Depuis le début des années 2000, l’économie de l’espace connaît à la fois une forte croissance et de profonds bouleversements. Selon les données fournies en 2019 par l’Association américaine de l’industrie des satellites ([10]), le marché mondial de l’espace représentait un total de 360 milliards de dollars en 2018, en progression de 40 milliards de dollars par rapport à 2013 (+ 12,5 %). Dans cet ensemble, les budgets des États ne représentaient que 82,5 milliards de dollars (22,9 %), le dynamisme du secteur étant porté par les services satellitaires (télévision, GPS, téléphonie, etc.) et les équipements correspondants au sol (notamment les systèmes de navigation).

Le marché des lanceurs spatiaux illustre également une « mondialisation du secteur » : sur les 97 lancements orbitaux effectués en 2019, 32 ont été effectués par la Chine (33 %), 25 par la Russie (26 %), 21 par les États-Unis (22 %), et seulement 5 par l’Europe (5 %), soit moins que l’Inde (6) ([11]). L’irruption d’acteurs privés, tel que SpaceX, a bouleversé les techniques de lancement : cette société américaine a assuré à elle seule 16 lancements orbitaux, dont 14 avec un étage réutilisable. Selon les éléments fournis par une note scientifique de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST), cette technologie parviendrait à faire baisser le coût d’un lancement de près de 30 %, ce qui donne à SpaceX un avantage concurrentiel considérable ([12]). On peut souligner, par ailleurs, le soutien dont l’entreprise bénéficie auprès des autorités américaines.

Au-delà de la traditionnelle compétition entre les grandes puissances, le champ des applications du spatial s’étend aujourd’hui de manière considérable et pourrait couvrir à terme la plupart des activités humaines : la gestion de l’énergie au travers de la surveillance du réchauffement climatique, le développement de nouveaux modes de transport au travers de l’aide au positionnement des véhicules et des navires, la numérisation de l’économie au travers de l’utilisation des objets connectés, etc. Ces potentialités attirent de nouveaux acteurs, essentiellement privés, qui composent une « nouvelle économie de l’espace » (New Space) et avec lesquels les agences étatiques traditionnelles sont appelées à coopérer plus étroitement.

Dans son rapport sur l’avenir de l’industrie spatiale à l’Assemblée parlementaire de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (AP-OPTAN) ([13]), M. Jean-Marie Bockel estime que le marché spatial mondial pourrait représenter 1 100 milliards de dollars à l’horizon 2040. Loin des utopies, fortement médiatisées, du tourisme spatial et de la récupération des ressources naturelles sur les astéroïdes, les perspectives de croissance résident dans les solutions applicatives autour de l’internet, qui devraient représenter un marché de 400 milliards de dollars à elles seules en 2040 ([14]). Face à ces profondes mutations du secteur, l’Europe doit intensifier ses moyens et étendre son champ d’intervention vers les acteurs des nouvelles technologies (« Deep Tech ») sous peine d’être dépassée par ses concurrents, notamment américains.

2.   La consolidation des ambitions européennes face à l’intensification de la concurrence mondiale

Soucieux de ne pas se laisser dépasser dans une compétition mondiale protéiforme, les États membres de l’Union européenne ont décidé, lors du conseil des ministres de l’Agence spatiale européenne (ASE / ESA) qui s’est tenu à Séville les 27 et 28 novembre 2019, de porter leur engagement financier à un niveau sans précédent.

Les souscriptions gouvernementales annoncées sur la période 2020-2025 se sont élevées à 14,39 milliards d’euros, dont 12,5 milliards d’euros sur la période 2020-2023 (contre 10,3 milliards d’euros souscrits en 2016 pour la période 2017‑2022). Les ambitions européennes se concentrent sur les domaines suivants :

1/ La recherche et l’exploration scientifiques : missions LISA (observation d’ondes gravitationnelles), ATHENA (télescope d’astrophysique à haute énergie), JUICE (exploration des lunes de Jupiter), etc. : 4,23 milliards d’euros ;

2/ Les programmes d’observation de la Terre : 2,54 milliards d’euros, dont 1,81 milliard pour le seul programme Copernicus ([15]) ;

3/ Les dispositifs de transport spatial, parmi lesquels figurent les lanceurs Ariane 6 et Véga C : 2,24 milliards d’euros ;

4/ Les autres programmes d’exploration : vols habités en orbite basse et au-delà de l’orbite basse, exploration robotique lunaire : 1,95 milliard d’euros ;

5/ La compétitivité des télécommunications (notamment le programme ARTES ([16]), qui soutient les projets d’entreprises privées portant sur des applications satellitaires) : 1,57 milliard d’euros.

On notera également l’apparition d’un nouveau programme consacré à la sécurité spatiale (météorologie spatiale, déviation d’astéroïdes, retrait de débris, etc.) et doté d’une enveloppe de 432 millions d’euros.

Au cours de leur audition dans le cadre du présent avis budgétaire, les représentants du CNES ont souligné toute l’importance qui s’attache à ce que l’Europe ne « décroche » pas dans la compétition mondiale des lanceurs spatiaux. À cet égard, il est essentiel que l’Union européenne puisse déployer aussi vite que possible Ariane 6 et progresser dans la mise en place d’une offre de lanceurs partiellement réutilisables (projet Prometheus). Si l’Europe ne conserve pas une capacité autonome de lancement de satellites, elle finira par s’effacer d’un marché hautement stratégique en termes de souveraineté.

La filière spatiale française a été durement affectée par les effets de la crise sanitaire : le Centre spatial guyanais a été fermé pendant deux mois, contrairement à d’autres bases de lancement, le chantier du pas de tir a été interrompu avant de reprendre selon un rythme dégradé et les projets de certains clients ont été retardés ou remis en cause. Dès lors, on ne peut que déplorer les retards pris dans le développement du projet Ariane 6 en raison de la pandémie de Covid-19. Les restrictions liées à la crise sanitaire ne devraient pas permettre un premier lancement avant la fin de l’année 2021, voire le début de l’année 2022. Les travaux de mise au point des premiers exemplaires du moteur Prometheus se sont, en revanche, poursuivis et devraient aboutir au lancement d’une campagne d’essais à la fin de l’année 2021.

II.   Le CNES, acteur clef du maintien de la prééminence française dans l’europe spatiale

Acteur historiquement important de l’Europe spatiale, la France s’efforce actuellement de tenir son rang au travers de l’action menée par son agence nationale, le Centre national d’études spatiales (CNES).

Institué en 1961, le Centre national d’études spatiales (CNES) est un établissement public industriel et commercial placé sous la double tutelle du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche et du ministère de la défense. Chargé de proposer au Gouvernement et de mettre en œuvre la politique spatiale de la France en Europe, le CNES est à la fois une agence de programmes et un centre technique dont l’activité s’inscrit dans un cadre multinational, notamment en partenariat privilégié avec l’Agence spatiale européenne (ASE/ESA), où il représente la France. Les effectifs du CNES sont d’environ 2 300 collaborateurs (2 358 à fin 2019, dont la quasitotalité en CDI).

Dans les lois de finances, l’établissement est financé à titre principal par le programme 193 et, à titre subsidiaire, par le programme 190 « Recherche duale (civile et militaire) ». Depuis le PLF 2021, un financement est alloué au titre du programme 146 « Équipement des forces » consécutivement à la mise en place d’un commandement militaire de l’espace au sein des installations du CNES.

La situation budgétaire du CNES sur la période 2019-2021 se présente comme suit :

(En milliers d’euros)

 

LFI 2019

Réalisé 2019

LFI 2020

PLF 2021

 

AE

AE

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Dotation P193 et autres

1 891 756

1 891 756

1 911 172

1 662 803

2 112 765

2 112 765

1 666 872

1 666 872

 dont transfert ASE/ESA

1 175 000

1 175 000

1 223 000

1 223 000

1 401 009

1 401 009

1 075 317

1 075 317

 Dont dotation d’investissement P191

106 374

106 374

103 000

103 000

91 141

91 141

 

 

 Dont SCSP avant mise en réserve

610 382

610 382

 

 

620 615

620 615

591 555

591 555

 SCSP après mise en réserve

 

594 876

 

585 157

 

596 052

 

 

Résultat budgétaire*

 

+ 5 304

 

+ 70 437

 

- 115 237

 

 

 Dépenses

 

1 347 809

 

1 194 805

 

1 395 983

 

 

 Recettes

 

1 353 113

 

1 265 242

 

1 280 746

 

 

(*) Hors transferts à l’Agence spatiale européenne (ASE/ESA)

Sources : Analyse du rapport annuel de performance 2019, PLF 2021 et CNES.

Après une hausse de 201,4 millions d’euros en 2020, les crédits alloués au CNES (AE/CP) diminuent de 445,9 millions d’euros en 2021 pour s’établir à 1 666,9 millions d’euros (- 21,10 %).

Cette évolution est, pour une large part, imputable aux effets de l’apurement intégral de la dette française à l’Agence spatiale européenne opéré cette année (2020 : 1 401 millions d’euros versés ; 2021 : 1 075,3 millions d’euros) après un processus de rattrapage entamé en 2017. Hors contribution à l’ASE/ESA, la dotation de l’État au CNES avant mise en réserve est ramenée à 591,6 millions d’euros en 2021, contre 711,8 millions d’euros en 2020 (- 16,9 %). Cette baisse n’est qu’apparente : le CNES se voit allouer 128 millions d’euros au titre de la mission « Plan de relance » ([17]). Au total, la dotation allouée en 2020 avant mise en réserve s’élève donc à 719,6 millions d’euros, en hausse de 7,8 millions d’euros par rapport à 2020 (711,8 millions d’euros).

Au cours de leur audition, les représentants du CNES ont indiqué que le ralentissement de l’activité lié à la pandémie de Covid-19 ne devrait pas avoir trop d’effet sur l’exécution budgétaire 2020, celle-ci ayant vocation à être proche des prévisions initiales. Il apparaît toutefois indispensable de ne pas mettre en difficulté un organisme qui incarne l’excellence française dans un domaine éminemment stratégique en termes de souveraineté.

S’agissant de l’Agence spatiale européenne, il ressort de l’analyse des souscriptions nationales annoncées lors du conseil des ministres de Séville précité que la France est, de nouveau ([18]), susceptible de perdre la place prééminente qu’elle occupe au niveau européen au profit de l’Allemagne : notre partenaire a, ainsi, annoncé une souscription globale de 3,28 milliards d’euros (22,9 % du total), contre seulement 2,65 milliards d’euros (18,4 %) pour la France. Interrogés sur ce point en audition, les représentants du CNES ont précisé qu’il s’agissait d’engagements sur le long terme, ceux-ci étant susceptibles d’être révisés, à la hausse ou à la baisse, lors du prochain conseil des ministres en 2022. Dans l’intervalle, les versements français devraient rester supérieurs aux contributions allemandes si l’on en croit les montants inscrits au titre du programme 193 dans l’actuel projet de loi de programmation pluriannuelle de la recherche (2022 : 1 136 millions d’euros, soit + 5,7 % par rapport à 2021).

Pour autant, plusieurs interrogations demeurent. L’essentiel de l’effort de souscription français se situe logiquement sur les programmes de lanceurs avec 875,65 millions d’euros, mais notre pays est plus en retrait sur les programmes Copernicus et ARTES avec respectivement 350 millions d’euros et 230 millions d’euros (518,7 millions d’euros et 326,5 millions d’euros pour l’Allemagne). S’il est logique que notre pays s’inscrive dans une trajectoire de développement avant tout européenne et concentre ses efforts sur la préservation d’une capacité autonome d’accès à l’espace, il est dommage que la France ne puisse pas investir davantage dans des activités qui devraient devenir à moyen terme des secteurs à forte valeur ajoutée au sein de l’économie spatiale (observations satellitaires et télécommunications).

On rappellera, à cette occasion, le rôle crucial que les satellites Sentinelles du programme Copernicus sont appelés à jouer dans la lutte contre le changement climatique (observation des émissions de dioxyde de carbone, analyse des zones polaires, agricoles et forestières, etc.).

Votre rapporteur appelle le Gouvernement à appuyer les efforts du CNES dans la constitution d’une offre de lanceurs compétitifs, les programmes Ariane 6 et Prometheus ayant vocation à être achevés aussi vite que possible compte tenu de l’intensité de la concurrence internationale.

Il souligne également l’importance qui s’attache à ce qu’en 2022, la France soit en capacité de porter sa contribution à l’ASE/ESA à un niveau lui permettant de conserver sa prééminence dans les programmes européens.


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   troisième partie : le développement d’une filière française d’hydrogène décarboné : la recherche française à la croisée des chemins

En 1766, le physicien et chimiste britannique Henry Cavendish présente à la Société royale de Londres une série de trois mémoires sur les « airs artificiels » (On factitious airs) et isole un gaz qu’il qualifie « d’air inflammable » et qui pèse dix fois moins que l’air atmosphérique. Antoine Lavoisier reprend l’expérience de Cavendish en 1783 et en précise sa composition. Il le nomme « hydrogène » par l’adjonction du préfixe hydro (eau en grec) et du suffixe gène (engendrer en grec), faisant ainsi référence à l’un des moyens de produire de l’eau. Le nom chimique de ce gaz est le dihydrogène (H2).

L’hydrogène est le principal composant du Soleil (92 %). Sur la Terre, l’hydrogène est plus présent sous une forme combinée, soit à l’oxygène (eau), soit au carbone (méthane).

I.   les potentialités offertes par l’hydrogène dans la décarbonation de l’économie française

1.   L’hydrogène, un vecteur d’énergie aux multiples usages

L’hydrogène dispose d’un pouvoir calorifique non négligeable : selon les données d’IFP-Énergies nouvelles (IFP-EN – cf. infra), la combustion d’un kilogramme d’hydrogène libère trois plus d’énergie qu’un kilogramme d’essence ([19]). La très faible densité de ce gaz (0,09 kg par mètre cube, soit plus de dix fois moins que l’air) rend l’exploitation de l’hydrogène comme source d’énergie plus périlleuse : IFP-EN estime ainsi qu’il faudrait au moins six litres d’hydrogène comprimé à 700 bars (700 fois la pression atmosphérique) pour produire autant qu’un litre d’essence. Plus qu’une source d’énergie, l’hydrogène est un « vecteur » énergétique, ce qui signifie qu’il est obtenu par la transformation d’une source d’énergie primaire ou secondaire ([20]). Les principales techniques de production actuellement utilisées consistent à extraire le dihydrogène de trois ressources primaires suivantes : le charbon (mélange de carbone, d’hydrogène et d’oxygène), le méthane (CH4) et l’eau H2O).

La première technique (gazéification) consiste à séparer les molécules du charbon par combustion. La deuxième (vaporéformage) est celle qui, aujourd’hui, est la plus répandue dans l’industrie : elle permet de faire réagir du gaz naturel (méthane) avec de l’eau sous forme de vapeur afin d’obtenir un mélange d’hydrogène et de dioxyde de carbone. Ces deux premiers procédés sont fortement émetteurs d’émissions de gaz à effet de serre et, si l’on excepte l’utilisation de biométhane, s’appuient largement sur des énergies primaires fossiles. La dernière technique, la plus prometteuse, est celle de l’électrolyse de l’eau, c’est-à-dire produite à partir d’électricité. Il s’agit de séparer la molécule d’eau en hydrogène et en oxygène. Le résultat peut être actuellement obtenu de deux manières :

– soit par une électrolyse dite alcaline : la décomposition des molécules s’effectue entre deux électrodes baignant dans un électrolyte liquide (potasse) ;

– soit par une électrolyse dite « PEM ([21]) » qui s’appuie sur un électrolyte solide fait de membranes polymères conductrices de protons H+ et offre un rendement supérieur à la technologie alcaline.

Comme l’hydrogène est, ici, produit à partir de l’électricité, il suffit que celle-ci soit produite à partir de sources d’énergies renouvelables, en particulier des éoliennes, pour que l’hydrogène produit soit faiblement générateur de gaz à effet de serre. Il est, dans ce cas, considéré comme un « hydrogène vert », distinct de celui produit par vaporéformage, qualifié de « gris ».

La classification des modes de production d’hydrogène établie par l’Agence internationale pour les énergies renouvelables (AIER ([22])) en 2019 est la suivante ([23]) :

1/ Hydrogène vert : hydrogène à base d’électrolyse alimenté par une source d’énergie renouvelable.

2/ Hydrogène décarboné : hydrogène à base d’électrolyse alimenté par une électricité décarbonée (notamment nucléaire).

3/ Hydrogène bleu : hydrogène à base d’énergies fossiles. Le dioxyde de carbone dégagé par l’opération est, soit séquestré de manière pérenne, soit réutilisé pour produire, par exemple, du méthane (cf. infra).

4/ Hydrogène gris : hydrogène à base d’énergies fossiles sans que le dioxyde de carbone soit capturé ou réutilisé.

L’hydrogène ainsi produit peut être utilisé de différentes manières. Associé à du dioxyde de carbone, il peut être converti de nouveau en méthane (CH4) et être ainsi injecté dans les réseaux d’alimentation des villes en gaz naturel. C’est le sens même du projet de Gestion des réseaux par injection d’hydrogène pour décarboner les énergies (GRHYD) inauguré en 2018 par la collectivité bénéficiaire (Dunkerque), ses partenaires industriels (ENGIE, McPhy, GRDF, etc.) et ses soutiens publics (CEA, ADEME, etc.). La méthanation ou, tout simplement, le mélange d’hydrogène avec le gaz naturel relève du procédé de « conversion d’électricité en gaz ([24]) ».

Comme l’a expliqué le laboratoire de recherche d’ENGIE centré sur l’hydrogène (CRIGEN), auditionné dans le cadre du présent avis budgétaire, les possibilités de conversion de l’hydrogène en produits chimiques sont multiples. Tout d’abord, il est possible de générer de l’acide formique (CH2O2) et de l’ammoniac (NH3), qui peuvent être utilisés en tant que tels dans l’industrie chimique et, surtout, peuvent constituer des moyens de stockage ou de transport de l’hydrogène. D’autres conversions à partir du dioxyde de carbone semblent également prometteuses : dans une étude publiée en 2010 par l’ADEME pour le compte du ministère de la transition écologique et solidaire, le diméthyléther (CH3OCH3) produit à partir de l’hydrogène peut être utilisé comme carburant de substitution ([25]). Lors de son audition, le CRIGEN d’ENGIE a confirmé que cette piste était toujours explorée et faisait l’objet d’une expérimentation avec un industriel de l’automobile.

Enfin, l’hydrogène peut faire l’objet d’une oxydation de façon à générer de l’électricité. Cette réaction d’oxydation peut être accélérée par un catalyseur composé, le plus souvent, de platine. Le processus ainsi réalisé est celui de la pile à combustible, découvert par le chimiste Christian Friedrich Schöenbein dès 1839. Avec un tel mécanisme, il devient possible de « stocker » de l’électricité intermittente (éoliennes) de façon à la réutiliser quand les conditions climatiques changent.

Les piles à combustibles peuvent également être déployées dans des véhicules fonctionnant à l’énergie électrique. Cette technologie est, d’ores et déjà, une réalité : la société HYPE, lancée en 2015 par la Société du taxi électrique parisien (STEP), offre aux Parisiens une flotte d’une centaine de taxis fonctionnant exclusivement à l’électricité produite sur pile à combustible hydrogène. La société Air Liquide, auditionnée dans le cadre du présent avis budgétaire, a créé avec Toyota, Idex et la STEP une co-entreprise destinée à accélérer le développement de la flotte, qui devrait compter 600 taxis dès 2021.

La chaîne de production et d’utilisation de l’hydrogène dans sa configuration actuelle peut être globalement résumée de manière suivante :

Source d’énergie primaire ou secondaire

Production

H2

Conversion

Utilisation

Charbon

Gazéification

Méthane

Injection dans les canalisations de gaz urbain.

Gaz naturel

Vaporéformage

Acide formique, ammoniac

Industrie chimique

Vecteur de stockage ou de transport de l’hydrogène

Électricité

Électrolyse

Diméthyléther

Carburant de substitution

Électricité

(piles à combustible)

Utilisation en cas d’arrêt d’une source d’énergie intermittente

Utilisation des véhicules de transport (mobilité)

Votre rapporteur souligne le potentiel de l’hydrogène comme accélérateur de la trajectoire française vers une décarbonation de son économie, à condition que sa production s’appuie sur une électricité renouvelable ou, à tout le moins décarbonée.

2.   La baisse du coût de production de l’hydrogène, condition nécessaire et non suffisante à la diffusion de ses usages :

Selon les données fournies par l’Association française pour l’hydrogène et les piles à combustible (AFHYPAC), seuls 2 % des 70 millions de tonnes d’hydrogène produites chaque année dans le monde étaient issus de l’électrolyse de l’eau, contre 76 % pour le gaz naturel et 23 % pour le charbon. Les différences de coûts de production expliquent largement une telle sous-utilisation de l’électrolyse. Dans une note datée de 2014 ([26]), France Stratégie avait évalué le coût de la production d’hydrogène par électrolyse à au moins 6 euros par kilogramme, ce qui est clairement prohibitif au regard du coût du kilogramme obtenu par vaporéformage (environ 1,50 euro).

Le coût de production de l’hydrogène, même par vaporéformage, reste élevé si l’on le compare, par exemple, avec celui du gaz naturel, qui est proche de 0,50 euro par kilogramme hors taxation, ce qui permet de comprendre pourquoi la production d’hydrogène ne représentait, en 2018, que 1,5 % ([27]) des 13 800 millions de tonnes d’énergie équivalent pétrole (TEP) consommées dans le monde. Les industriels auditionnés estiment, pour leur part, que cette situation résulte du manque de « massification » des usages de l’hydrogène.

Dans une étude publiée au début de l’année 2020, le « Conseil de l’hydrogène ([28]) » estime que le coût de production de l’hydrogène « vert » devrait passer de 6 dollars par kilogramme en 2020 à 2,40 dollars en 2030 (- 57 %) sous le triple effet de l’amélioration des rendements liée aux progrès technologiques, de la baisse des coûts de production de l’électricité renouvelable et surtout du déploiement d’un nombre croissant d’électrolyseurs à haute capacité ([29]).

Sur ce dernier point, la réalisation de cet objectif est conditionnée au développement de solutions de mobilité lourde (fret routier, autobus ou autocars, trains, grands navires, voire avions ([30])) pour lesquelles il n’est pas nécessaire de multiplier, dans un premier temps, les infrastructures de recharge.

Il convient également d’intensifier les efforts de recherche afin de réduire de manière significative le coût de production par électrolyse. À cet égard, le CEA, qui a été auditionné dans le cadre du présent avis budgétaire, a rappelé qu’il s’était engagé dans la voie de l’électrolyse à haute température depuis de nombreuses années.

Comme la température de l’électrolyse conditionne directement la quantité d’électricité à apporter pour dissocier la molécule d’eau, les centres de recherche, tel le LITEN rattaché au CEA en France, ont essayé d’améliorer le rendement des électrolyseurs à électrolytes solides (PEM) par une augmentation de leur température. Dès 2014, le LITEN a annoncé avoir réussi à atteindre un rendement de 3,5 kilowatt-heures par mètre cube normal d’hydrogène à partir de vapeur d’eau injectée à 150 °C et produisant de l’hydrogène à 700 °C.

Le CEA, qui a consacré sur deux ans (2018-2019) plus de 13 millions d’euros dans ses activités de recherche en matière de production d’hydrogène, envisage d’intensifier ses efforts (17,3 millions d’euros en 2020). Il estime être en mesure de parvenir à réduire le coût de production par électrolyse à moins de 2 euros par kilogramme en 2030 par la réutilisation de la              chaleur dite « fatale » des centrales nucléaires.

En dépit de ces perspectives encourageantes, il convient de noter que l’hypothèse d’une massification des usages de l’hydrogène dans des solutions de mobilité individuelle à partir des usages de mobilité lourde est contestée par certains experts. Dans une tribune récente publiée dans le magazine L’express ([31]), l’ingénieur Jean-Marc Jancovici, spécialiste des questions énergétiques, estime que les conditions de substitution de l’hydrogène « vert » au carburant ne sont, pour le moment, pas réunies en raison de la faible puissance des éoliennes terrestres et de la nécessité, selon lui, de doubler au préalable la production d’électricité.

Votre rapporteur rappelle, à cet égard, que la problématique de l’hydrogène décarboné ne saurait être traitée isolément des autres sources d’énergie. Ce vecteur énergétique n’a de sens qu’en articulation avec des technologies de production d’énergie.

II.   Les conditions du succès de la politique de soutien à l’hydrogène décarboné annoncée par le gouvernement

1.   L’ambition contrariée du plan national Hydrogène de 2018 :

En France, l’hydrogène s’est progressivement affirmé comme un levier important des objectifs nationaux de transition énergétique ([32]). Le 1er juin 2018, le Gouvernement a annoncé un plan national Hydrogène doté initialement de 100 millions d’euros par an et articulé autour de cinq objectifs.

1/ Positionnement de l’hydrogène dans la transition énergétique : développement d’écosystèmes territoriaux de mobilité hydrogène via, notamment, l’introduction de flottes de véhicules industriels, mise en place d’un système de traçabilité de l’hydrogène, mise en évidence de l’impact environnemental de l’hydrogène ;

2/ Mise en place de mesures d’accompagnement : mobilisation des moyens financiers de l’ADEME sur des expérimentations, notamment en matière d’électrolyse, standardisation et sécurisation juridique du déploiement d’infrastructures au niveau territorial ;

3/ Réglementation et prévention des risques : renforcement des normes de sécurité entourant la production et l’utilisation d’hydrogène ;

4/ Intégration de l’hydrogène dans les systèmes énergétiques : mobilisation des gestionnaires du réseau électrique ainsi que des transporteurs et distributeurs de gaz ;

5/ Développement des filières industrielles et soutien à l’innovation : soutien de grands projets industriels au travers du Programme d’investissements d’avenir (PIA), mise en place d’un programme de recherche spécifique au sein de l’Agence nationale de la recherche (ANR), inclusion de l’hydrogène dans l’offre de formation intiale, association des industriels au travers « d’engagements croissance verte » (ECV).

Plus de deux ans après le lancement du plan national, le bilan des actions menées est contrasté. Des « engagements croissance verte » ont bien été conclus sur la production décarbonée et la mobilité terrestre en 2019 et les acteurs des secteurs électriques et gaziers ont engagé une réflexion globale sur la mise en œuvre d’une stratégie commune de déploiement de solutions telles que la « conversion en gaz ». Le CEA et le CNRS ont renforcé leur collaboration par la mise en place d’une plate-forme mutualisée de moyens de caractérisation d’équipements (H2LAB) et envisagent de constituer un groupement d’intérêt scientifique (GIS) « Initiative France Hydrogène » (IFHY).

Par ailleurs, le niveau de l’engagement financier de l’État constaté n’a pas été à la hauteur de celui annoncé. Certes, l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME) ([33]) a été mobilisée pour la mise en œuvre de l’accompagnement financier des objectifs n° 1 et 5 supra. En 2019, l’opérateur a lancé un appel à projets sur le « développement des écosystèmes territoriaux de mobilité hydrogène » (production, distribution et véhicules) : 11 projets ont ainsi été financés par des subventions issues du budget de l’Agence à hauteur de 30 millions d’euros. Deux appels à projets sur la « production et la fourniture d’hydrogène décarboné pour des consommateurs industriels » ont également été lancés au titre du volet n° 3 du Programme d’investissements d’avenir (PIA), pour lequel une enveloppe de 50 millions d’euros a été allouée.

À cet égard, les industriels interrogés dans le cadre du présent avis budgétaire ont souligné la faible attractivité des financements nationaux au regard des dispositifs européens.

Ainsi, sur 14 projets collaboratifs menés par le CRIGEN d’ENGIE, 11 ont bénéficié d’un soutien de l’Union européenne, soit issu du budget général de l’Union consacré à la recherche (H2020), soit au travers de l’initiative conjointe « piles à combustible et hydrogène » (FCH JU ([34])). Air Liquide, pour sa part, mentionne 9 projets de recherche soutenus au niveau européen, contre 2 seulement financés par l’ANR.

Parmi les raisons invoquées par les industriels figure la part importante des avances remboursables parmi les financements alloués au titre du PIA. Ce mécanisme spécifique au PIA oblige, en effet, le bénéficiaire à reverser les aides reçues initialement à la condition que le projet de recherche aboutisse : les fonds sont alors reversés en deux temps : 50 % dès le début de la commercialisation, le solde dès l’atteinte d’un seuil de succès commercial. Le cahier des charges des appels à projets de l’ADEME module la part des avances remboursables dans les aides qu’elle accorde selon la taille de l’entreprise : 80 % pour les grandes entreprises, 67 % pour les petites et moyennes entreprises (PME) ainsi que pour celles de taille intermédiaire (ETI).

En dépit d’un accompagnement par l’ADEME, le suivi du dispositif par le bénéficiaire génère des contraintes de gestion qui sont d’autant plus lourdes que l’entreprise est de petite taille. L’avance elle-même est inscrite au passif du bilan de l’entreprise et accroît corrélativement son taux d’endettement. Il n’est, dès lors, pas étonnant que les appels à projets émis au titre de l’hydrogène décarboné aient suscité un engouement plus mesuré que celui relatif à la mobilité.

Si votre rapporteur comprend la logique incitative et potentiellement vertueuse du mécanisme des avances remboursables, il estime que la part prépondérante qui leur est accordée est susceptible de décourager certaines des entreprises susceptibles d’être intéressées.

D’un point de vue général, le degré d’engagement de l’État dans la mise en œuvre du volet financier du plan de 2018 s’est avéré inférieur aux attentes. Les organismes de recherche les plus concernés par l’hydrogène (CEA, CNRS, IFP‑EN) ont, en définitive, financé leurs efforts de recherche et de coopération dans le cadre de leurs budgets propres.

2.   Le changement d’échelle opéré par la nouvelle stratégie nationale Hydrogène de septembre 2020

L’annonce par le Gouvernement, le 9 septembre, d’une « stratégie nationale pour le développement de l’hydrogène décarboné en France » intégrée partiellement au plan de relance de l’économie de 100 milliards d’euros témoigne de la volonté de l’État de « changer d’échelle » dans le soutien de la filière hydrogène. L’enveloppe annoncée, d’un montant total de 7 milliards d’euros d’ici 2030, doit être mobilisée sur la période 2021-2022 à hauteur de 2 milliards d’euros au titre de la mission « Plan de relance », ce qui est dix fois plus important que l’effort envisagé initialement en 2018 pour les années 2019 et 2020.

À la différence du plan national de 2018, les objectifs de recherche et de développement sont clairement priorisés : l’accent est mis sur l’émergence d’une filière française de l’électrolyse, le développement de la part de l’hydrogène dans les usages de mobilité lourde et la recherche dans les nouvelles technologies. Le terme même « d’hydrogène décarboné » témoigne de la volonté de tirer profit de l’électricité nucléaire française en parfaite cohérence avec les travaux du CEA sur les électrolyseurs à haute température (cf. supra). La stratégie nationale se décompose en cinq mesures décrites ci-après :

Dispositif envisagé

Financement prévu

(2021-2022)

Mission du PLF

Gestionnaire

Constitution d’un projet important d’intérêt européen commun (PIIEC) sur l’hydrogène

1,3 milliard d’euros

(2021-2022)

Plan de relance

Ministère de la transition écologique et solidaire

Lancement d’un appel d’offres national sur la production d’hydrogène décarboné

0,6 milliard d’euros

(2021-2022)

Plan de relance

Ministère de la transition écologique et solidaire

Mise en œuvre d’un appel à projets spécifique sur les « hubs territoriaux d’hydrogène »

75 millions d’euros ([35])

(2021-2022)

Plan de relance

ADEME

Mise en œuvre d’un appel à projets « briques technologiques et démonstrateurs »

350 millions d’euros

(2021-2023)

PIA 3

ADEME

Création d’un programme prioritaire de recherche « applications de l’hydrogène »

65 millions d’euros

(2021-2023)

PIA 3 et 4

ANR

(CNRS-CEA)

Le programme prioritaire de recherche sera mis en œuvre par une direction collégiale composée du CEA et du CNRS. Il se focalisera sur des activités de recherche dont la maturité technologique (TRL)([36]) est relativement basse, à la différence des appels à projets de l’ADEME, plus opérationnels.

Votre rapporteur se félicite de l’ampleur du saut quantitatif opéré par cette nouvelle stratégie. Il souligne, toutefois, que :

1/ L’appel à projets « Briques technologiques et démonstrateurs » se substitue quasi-intégralement à l’action « Démonstrateurs et territoires d’innovation de grande ambition » du PIA 3 (partie « aides d’État »), dont les crédits ont été très peu consommés à ce jour (13 millions d’euros d’engagés à la fin du premier trimestre 2020 sur une enveloppe globale de 326 millions d’euros) ;

2/ L’appel d’offres national sur la production d’hydrogène décarboné constitue une aide d’État et doit faire l’objet d’une notification préalable à la Commission européenne en application des dispositions du règlement (UE) 2015/1589 du Conseil du 13 juillet 2015 portant modalités d’application de l’article 108 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne. Sans préjuger de la décision finale qui sera prise, on peut, d’ores et déjà, anticiper des délais de procédure d’un an minimum, ce qui reportera à 2022 le lancement effectif de l’appel d’offres ;

3/ La constitution du projet important d’intérêt européen commun (PIIEC) prendra également du temps, dans la mesure où l’autorisation de tels dispositifs est soumise au respect de nombreux critères (cf. infra), qui font l’objet d’une analyse minutieuse par la Commission européenne. On rappellera, à cet égard, que le PIIEC sur les batteries électriques a été autorisé en décembre 2019, soit un an et demi après sa préfiguration dans le cadre d’un « plan stratégique sur les batteries » adopté en mai 2018.

Les PIIEC trouvent leur fondement juridique dans l’article 107, paragraphe 3, point b, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE), qui dispose que « peuvent être considérées comme compatibles avec le marché intérieur (...) les aides destinées à promouvoir la réalisation d’un projet important d’intérêt européen commun ».

Dans une communication du 20 juin 2014, la Commission  a défini trois critères d’admissibilité : le contenu et les objectifs du projet doivent être clairement définis (1), plusieurs États membres doivent y être associés (2) et il doit revêtir une importance quantitative ou qualitative (3). Des critères de compatibilité avec le marché intérieur ont également été fixés : il doit y avoir une « nécessité et une proportionnalité de l’aide » (1), les effets positifs du projet doivent l’emporter sur les éventuelles distorsions de concurrence (2) et sa mise en œuvre doit s’effectuer en toute transparence (3).

Le succès de la nouvelle stratégie nationale dépendra donc fortement de la dynamique insufflée par les deux appels à projets de l’ADEME et le programme prioritaire de recherche (PPR) porté par l’ANR.

Sur ce point, votre rapporteur souligne l’importance qui s’attache à ce que les organismes financeurs, en particulier l’ADEME, améliorent l’attractivité de leurs dispositifs de financement. Il pourrait être ainsi envisagé d’abaisser la part de l’aide allouée sous la forme d’avances remboursables pour les appels à projets portant sur l’hydrogène (par exemple : 67 % pour les grandes entreprises, 50 % pour les PME et les ETI).

Par ailleurs, il importe que les interventions respectives des organismes de recherche publics et privés soient mieux coordonnées. À cet égard, on peut constater qu’un nombre important d’acteurs publics dépendant d’organismes de recherche nationaux ou d’universités développent des compétences autour de l’hydrogène. Outre le CEA, dont l’activité de recherche autour des électrolyseurs à haute température est essentielle, le CNRS a mis en place un groupement de recherche (GDR) dénommé « Hydrogène, systèmes et piles à combustibles » (HySPàC ([37])) sur les questions de production et stockage de l’hydrogène, des piles à combustibles et des électrolyseurs. Du côté des universités, l’université de technologie de Belfort Montbéliard apporte, au travers de la « fédération de recherche » FC Lab ([38]), un soutien précieux aux industriels impliqués dans la mise en œuvre du projet HYCAUNAIS centré sur la faisabilité technico-économique du modèle de conversion en gaz (Power to gas).

Il ressort des auditions menées par votre rapporteur que ces compétences mériteraient d’être mieux pilotées au service de la mise en œuvre de la stratégie nationale. Plus globalement, il est essentiel que les activités de recherche menées par les organismes publics soient mieux ajustées aux besoins des industriels.

En ce sens, votre rapporteur se félicite des perspectives de mise en place d’un « comité national de l’hydrogène » présidé par le ministre de l’économie, des finances et de la relance. À condition d’associer les industriels et les organismes de recherche spécialisés, une telle structure devrait contribuer à mettre un terme à l’absence de cohérence qui caractérisait la mise en œuvre du plan national Hydrogène de 2018.

3.   Les inquiétudes pesant sur la viabilité financière d’IFP-EN, un des acteurs essentiels de la recherche publique sur l’hydrogène

Le CNRS et le CEA, qui sont financés en grande partie sur le programme 172, ne sont pas les seuls organismes publics à jouer un rôle central dans la recherche de solutions autour de l’hydrogène. IFP- Énergies nouvelles (IFP-EN), financé pour la part publique de ses ressources, par une subvention pour charges de service public du programme 190 « Recherche dans les domaines de l’énergie, du développement et de l’aménagement durables », intervient également sur toute la chaîne de l’hydrogène (production, stockage, conversion en électricité).

IFP-Énergies nouvelles (IFP-EN), né initialement en 1919 sous le nom « d’Institut français du pétrole », est un établissement public industriel et commercial placé sous la double tutelle du ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, et du ministère de l’économie et des finances. Ses trois priorités en matière de recherche portent sur les domaines de la « mobilité durable », des « énergies nouvelles » et des « hydrocarbures responsables ».

L’organisme dispose, par ailleurs, d’un important portefeuille de participations industrielles (AXENS : procédés de raffinage, pétrochimie et catalyseurs, BeicipFranlab : conseil et logiciels en géoscience, start-ups de transition énergétique, etc.). En 2019, l’Institut disposait d’un effectif de 1 858 personnes en équivalents temps plein travaillé (ETPT), dont 225 temporaires, 76 employés en CDD et 1 557 en CDI.

IFP-EN est connu pour ses travaux portant sur les sources naturelles d’hydrogène : en sus des sources situées le long des dorsales médio‑océaniques, découvertes dès les années 1970, les recherches effectuées par IFP‑EN depuis 2013 ont également permis de découvrir des émanations naturelles d’hydrogène à la surface du globe au niveau de certains massifs montagneux ([39]) ou dans des zones situées au cœur des continents (« zones intra-plaques »).

L’organisme intervient également dans des domaines directement liés à la mise en œuvre de la stratégie nationale Hydrogène :

1/ Dans le domaine de l’électrolyse, il participe avec le CNRS et l’École nationale supérieure (ENS) de Lyon au projet collaboratif MoSHy qui vise à développer des méthodologies permettant de mettre au point des électrolyseurs performants utilisant moins de matériaux critiques ([40]). L’établissement apporte son expertise en matière de disulfure de molybdène (MoS2), molécule susceptible de jouer le rôle de catalyseur ([41]) dans l’électrolyse et la régénération d’électricité.

2/ S’agissant du transport et du stockage de l’hydrogène, IFP-EN mobilise ses connaissances en résistance des matériaux afin d’accroître la sécurité des contenants.

3/ Au cours de son audition, l’établissement a également annoncé que ses équipes menaient un projet de recherche ambitieux dans le domaine de la mobilité par hydrogène en s’efforçant de trouver de trouver une alternative à la génération d’électricité embarquée actuellement utilisée dans les véhicules à hydrogène.

Les recherches portent sur un moteur à combustion fonctionnant directement à l’hydrogène. Une telle technologie pourrait avoir l’avantage de limiter le recours aux piles à combustible et, dès lors, de réduire l’utilisation de métaux rares.

D’un point de vue plus général, l’organisme a engagé depuis 2017 une réorientation profonde de ses activités de recherche vers la transition écologique, comme en témoigne le graphique ci-dessous et, notamment la part décroissante des dépenses consacrées aux hydrocarbures au profit de la mobilité durable :

 

 

 

 

 

 

 

Sources : Analyse du rapport annuel de performance 2017, 2018 et 2019. Rubrique prise en compte en 2017 au titre de la mobilité durable : « Recherche sur moteurs et procédés de combustion ».

S’agissant de l’hydrogène, l’établissement intensifie ses efforts de recherche de manière significative : les dépenses de recherche effectuées dans ce domaine en 2020 devraient s’élever à près de 2,5 millions d’euros, soit plus du double du montant constaté en 2018 (1,2 million d’euros).

En dépit de ses performances, IFP-EN ne bénéficie pas d’un soutien financier important de la part de l’État : la subvention pour charges de service public allouée par le programme 190 a même diminué de 6,10 % en deux ans (réalisé 2018 : 128,3 millions d’euros ; réalisé 2020 : 121,1 millions d’euros). La dotation proposée dans le PLF 2021 est identique à celle de 2020 (122,75 millions d’euros) et l’on peut penser que la subvention après mise en réserve n’évolue pas non plus d’une année sur l’autre. Pour autant, aucune progression n’est, à ce stade, envisagée. Le traitement spécifique appliqué à l’organisme se justifie, en apparence, par l’importance de ses ressources propres (produits des brevets et dividendes des filiales), celles-ci s’élevant chaque année à environ 150 millions d’euros (146,4 millions d’euros ([42]) en 2019), soit plus de la moitié du total des ressources. Ces ressources sont, toutefois, très dépendantes de la conjoncture économique.

En 2020, la crise liée à la pandémie de Covid-19 a affecté logiquement à la baisse le produit issu des brevets, ce qui devrait diminuer les ressources propres de 4,7 millions d’euros (141,7 millions d’euros). L’impact devrait être plus élevé en 2021 en raison des effets différés de la récession sur les dividendes des filiales. Lors de leur audition, les représentants d’IFP-EN ont évalué le manque à gagner total de plus de 10 millions d’euros, ce qui représente plus de 3,5 % du budget total de l’établissement.

Avec une part de plus importante de ses effectifs en emplois temporaires ou en contrats à durée déterminée (2015 : 13,5 % ; 2019 : 16,2 %) et une trésorerie en baisse (2015 : 37,6 millions d’euros ; 2020 : 24,5 millions d’euros, soit – 34,8 %), IFP-EN est aujourd’hui dans une situation de grande fragilité. Il y a là un paradoxe entre l’ambition de la stratégie nationale Hydrogène et la détresse d’IFP‑EN

Votre rapporteur estime que le succès de la stratégie nationale Hydrogène doit s’appuyer sur l’ensemble des ressources de la communauté publique de recherche sans pénaliser un de ses acteurs les plus emblématiques.

Il appelle, dès lors, à une réévaluation à la hausse de la subvention pour charges de service public allouée à IFP-EN à hauteur du surplus alloué à l’ANR par rapport aux engagements du projet de LPPR (9 millions d’euros). Cette somme devrait permettre à l’organisme de faire face à l’essentiel de la baisse qui devrait affecter ses ressources propres en 2020, puis l’année suivante.

 


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  EXAMEN EN COMMISSION

Au cours de sa réunion du mercredi 14 octobre 2020, la commission des affaires économiques a examiné pour avis, sur le rapport de M. Cédric Villani, les crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur ».

M. le président Roland Lescure. Mes chers collègues, nous poursuivons l’examen des avis budgétaires sur les missions de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2021.

M. Cédric Villani, rapporteur pour avis. L’actualité nous offre une bonne introduction à notre débat sur les grands projets de recherche et la place de la France : le 7 octobre, l’Académie royale des sciences de Suède a décidé d’attribuer le prix Nobel de chimie à deux femmes – une Française, Mme Emmanuelle Charpentier, et une Américaine, Mme Jennifer Doudna – pour la mise au point d’une technique révolutionnaire d’édition génomique dont nous continuerons à entendre parler longtemps.

Ce brillant succès, si nous devons nous en féliciter, dissimule toutefois deux réalités moins plaisantes. La première, à laquelle je suis sensible en tant qu’ancien chercheur, est la place encore très minoritaire qu’occupent les femmes dans la profession. Je l’ai encore constaté au cours de mes travaux préparatoires pour la rédaction du présent avis : sur les treize organismes, entreprises ou administrations auditionnés, douze étaient représentés par des hommes. Il y a là une situation dont nous ne saurions évidemment nous satisfaire.

La seconde tient au caractère très international du parcours de Mme Charpentier : elle est passée par les États-Unis, la Suède et l’Allemagne – elle dirige une unité de l’Institut Max‑Planck à Berlin – et n’est pas revenue en France depuis son doctorat, en 1995. L’international, c’est parfait quand on choisit de partir, et c’est même indispensable dans le secteur de la recherche. Mais quand le départ est lié, comme c’est le cas de Mme Charpentier, à l’incapacité de notre pays de fournir des conditions de recherche adéquates, de la flexibilité, des moyens et l’accueil au sein d’une équipe, cela s’appelle la fuite des cerveaux. Ce n’est pas bon et il faudra y remédier.

Force est de reconnaître que le projet de loi de programmation pluriannuelle de la recherche (LPPR), adopté par notre assemblée le 23 septembre, a eu le grand mérite de mettre au jour les difficultés rencontrées par nos unités de recherche, même les plus prestigieuses, qui favorisent la fuite des cerveaux. Or, on le sait, la recherche conditionne en grande partie l’avenir d’un pays. Si les économies de certains pays, comme le Japon, la Corée du Sud ou l’Allemagne, restent hautement compétitives, c’est en partie lié à l’intensité de leurs efforts de recherche, se traduisant par un niveau de dépenses intérieures de recherche et développement supérieur à 3 % de la richesse – notre propre ratio stagne, depuis 2014, aux alentours de 2,2 %. On ne peut que se féliciter qu’avec la LPPR, beaucoup d’argent sera injecté dans le système dans les années à venir.

Je vous parlerai, dans le cadre de cet avis budgétaire, des grands organismes de recherche, en particulier ceux qui sont financés par le programme 172. Ses crédits, qui s’élèvent à 7 milliards d’euros environ, sont répartis entre le Centre national de la recherche scientifique (CNRS), l’Agence nationale de la recherche (ANR), l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (INRAE), le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) et quelques autres organismes. On ne saurait dissocier l’examen de ce programme de celui du programme 150 « Formations supérieures et recherche universitaire », doté de 13,9 milliards, dont une partie abonde de fait les projets des grands organismes de recherche. J’évoquerai également le programme 193 « Recherche spatiale » et une partie du programme 190, pour IFP-énergies nouvelles (IFPEN).

Deux éléments d’ordre structurel caractérisent le budget des grands organismes de recherche. Premièrement, tout est enchevêtré. Par construction, en France, il y a les grands organismes et les universités, mais la plupart des laboratoires de recherche sont mixtes, associant, par exemple, un ou plusieurs grands organismes et un établissement universitaire. Deuxièmement, les budgets sont très contraints en raison du poids des ressources humaines, ce qui explique la difficulté à les faire évoluer. Par ailleurs, ces dernières années, ces budgets ont été en souffrance, car les moyens accordés ne correspondaient pas aux ambitions affichées.

Tous les organismes en question joueront un rôle majeur dans les grandes transitions dans lesquelles notre pays est engagé : la transition énergétique – avec, en particulier, l’hydrogène, qui revêt une importance particulière et est mis à l’honneur dans le plan de relance ; la transition agro-écologique, dont il a été longuement question ces dernières semaines, et dans laquelle l’INRAe jouera un rôle important ; la transition spatiale, domaine où se produisent en ce moment de grands chambardements technologiques, médiatiques et économiques, où la France a traditionnellement une expertise et une position importantes – là encore, les organismes de recherche joueront un rôle fondamental.

En vérité, le projet de loi de finances pour 2021 me semble assez paradoxal. À première vue, les crédits alloués aux principaux programmes de recherche progressent : 133 millions d’euros supplémentaires en autorisations d’engagement (AE) et 67 millions en crédits de paiement (CP) par rapport à 2020. Le programme 172, en particulier, qui est le cœur de la mission, affiche une progression de 355 millions d’euros en AE et de 222 millions en CP, ce qui est en parfaite cohérence avec les orientations du projet de loi de programmation.

Il convient de noter, en particulier, un relèvement considérable des moyens de l’ANR, qui permettra d’avoir des taux d’acceptation des projets plus importants : ils passeront à 18 %, puis à 23 %, enfin à 30 %. Les préciputs augmenteront, eux aussi, ce qui abondera l’ensemble de la recherche française.

Toutefois, au-delà de l’ANR, l’éventail des situations est plus large. La dotation du CNRS s’accroît dans une proportion satisfaisante. C’est moins vrai pour les autres organismes : les crédits de l’Institut de recherche en informatique et en automatique (INRIA), de l’INSERM et de l’INRAe stagnent, alors que la situation des uns et des autres appelle, pour des raisons diverses, à accroître l’ambition. Dans le cas de l’INSERM, on pense bien sûr à la pression qui s’exerce dans le cadre de la crise du Covid-19. Pour INRIA, il y a le plan visant à développer les start-ups et l’interface entre numérique et entreprises. S’agissant de l’INRAe, qui résulte de la fusion réussie entre l’Institut national de la recherche agronomique (INRA) et l’Institut national de recherche en sciences et technologies pour l’environnement et l’agriculture (IRSTEA), de grands espoirs reposent sur lui dans le domaine de l’agro-écologie.

Les autorités de tutelle ont tendance à attendre la conclusion des contrats d’objectifs et de moyens avant de réévaluer les dotations. Cette démarche risque de mettre ces organismes en difficulté. Elle traduit surtout, selon moi, un manque d’ambition contraire à l’état d’esprit qui a présidé aux travaux d’élaboration de la LPPR.

J’en viens à la recherche spatiale. Les crédits du programme 193 connaissent une forte baisse, qui s’explique pour l’essentiel par un retour à la normale de la contribution française à l’Agence spatiale européenne. En effet, la France avait du retard à rattraper, ce qui s’est traduit par un gonflement des crédits pendant quelques années. La diminution est également liée à des mesures de périmètre : une partie des dépenses du Centre national d’études spatiales (CNES) sont désormais financées par la nouvelle mission « Plan de relance », examinée hier par notre commission. Le choix opéré par le Gouvernement d’intégrer à cette mission temporaire des dépenses qui auraient pu être retracées dans leurs programmes d’origine nuit beaucoup, selon moi, à la lisibilité des documents budgétaires, et donc à la qualité du travail parlementaire.

Sur le fond, l’entretien organisé avec le président du CNES a été l’occasion d’évoquer plusieurs motifs d’inquiétude s’agissant de la politique spatiale française. La filière a été durement affectée par les effets de la crise sanitaire : comme vous le savez, la Guyane a été très touchée, ce qui a entraîné la fermeture pendant deux mois du centre spatial, contrairement à d’autres bases de lancement dans le monde. Le chantier du pas de tir a été, lui aussi, interrompu, avant de reprendre selon un rythme dégradé. Les projets de certains clients ont également été retardés.

Le retard pris dans l’achèvement du projet Ariane 6 intervient alors que l’économie de l’espace est en pleine recomposition, avec l’affirmation de nouveaux acteurs privés – SpaceX, mais aussi Amazon – et la montée en puissance de segments de marché à haute valeur ajoutée, en particulier les satellites et les applications, et la part grandissante des start-ups. Une nouvelle économie se met en place, dans laquelle la France doit s’engager. L’an dernier, l’Europe a réagi en affichant sa volonté d’intensifier ses efforts, avec une contribution financière atteignant un niveau sans précédent, de l’ordre de 14,5 milliards d’euros au cours des prochaines années. Dans cet ensemble, il est important que la France continue à jouer un rôle prééminent, de façon à ce que l’Europe ne s’efface pas d’un marché stratégique en termes de souveraineté – je pense en particulier aux lanceurs, qui deviennent réutilisables, ou encore à certaines évolutions d’internet en lien avec l’espace, par exemple les prévisions météo. Ce sont des enjeux majeurs dont, soit dit en passant, notre commission devrait continuer à se saisir.

Parmi les trois domaines de recherche stratégiques que j’évoquais tout à l’heure, celui de l’énergie a fait l’objet d’une attention particulière dans mon rapport. L’annonce par le Gouvernement, en septembre dernier, d’une stratégie nationale pour le développement de l’hydrogène décarboné, et l’inscription des mesures correspondantes dans le plan de relance illustrent la prise de conscience que notre pays devra, pour faire face à la transition énergétique, mobiliser des ressources lui permettant de s’extraire définitivement de sa dépendance aux énergies fossiles. Il convient de se féliciter sans ambages de l’ambition affichée par le plan de relance : en matière d’hydrogène, il représente un changement complet d’ordre de grandeur.

L’hydrogène, plus précisément la molécule de dihydrogène (H2), n’est pas tant une source d’énergie qu’un vecteur : une fois qu’il a été isolé, il peut être transporté et servir à alimenter toute une série mécanismes – on parle d’hydrogène vert, gris, bleu, etc. L’hydrogène peut être produit de manière carbonée ou décarbonée, selon la nature de l’énergie utilisée : photovoltaïque, éolien ou encore hydraulique. L’hydrogène est obtenu par électrolyse de l’eau ou par l’usage de chaleurs très importantes, en association avec certains processus dans les réacteurs nucléaires.

Les usages potentiels de l’hydrogène sont considérables. Nous avons été impressionnés par tout ce qui nous a été présenté dans le cadre de la préparation du rapport : injection dans les canalisations de gaz urbain, usage industriel sous forme d’acide formique ou d’ammoniac, conversion en électricité ou encore carburant de substitution. Airbus évoque même un avion à propulsion hydrogène à l’horizon 2035 – je le signale tout en sachant que le débat sur les mobilités légères a avancé plus vite que celui sur les mobilités lourdes.

Il convient de noter l’expertise particulière de la France dans le domaine de l’électrolyse à haute température, s’appuyant, d’une part, sur le secteur nucléaire et, d’autre part, sur le grand savoir-faire du CEA et du CNRS. Il y a là un avantage comparatif que la France se doit d’exploiter. Cette question est d’ailleurs indépendante de la position que l’on peut avoir sur l’avenir du nucléaire.

Il convient donc de saluer l’ambition de la nouvelle stratégie nationale en matière d’hydrogène. Du reste, les moyens financiers annoncés pour 2021 et 2022 sont sans commune mesure avec ce qui s’était produit lors du lancement du premier plan hydrogène, en 2018. L’année 2020 est vraiment, de ce point de vue, une année zéro.

Compte tenu de cette ambition, il est paradoxal que le projet de loi de finances pour 2021 en vienne à pénaliser – sans le vouloir, sans doute – l’un des organismes publics de recherche les plus en pointe dans le domaine de l’hydrogène, à savoir IFPEN. Certes, sa dotation est stable – 122 millions d’euros –, mais c’est d’autant plus injuste que le secteur est en pleine expansion, que le plan de relance participe au développement et que l’établissement a opéré depuis plusieurs années une réorientation de ses activités de recherche en direction de la transition écologique et de la mobilité durable. Surtout, le mode de financement d’IFPEN fait la part belle à des ressources propres issues de portefeuilles de brevets et de dividendes de filiales, qui sont en forte baisse du fait de la crise du Covid-19. Cette diminution est estimée par les représentants d’IFPEN à près de 10 millions d’euros sur les deux ans que devrait durer la crise. C’est considérable pour un établissement dont le budget s’élève à 280 millions d’euros. Cela le place objectivement dans une situation de grande fragilité. Voilà pourquoi je vous propose dès à présent de procéder, par voie d’amendement, à une réallocation de moyens correspondant à la baisse de ressources qu’il devrait subir. Il s’agit d’opérer un transfert du programme 172 vers le programme 190. Pour remédier aux autres insuffisances que je décrivais tout à l’heure, en revanche, il faudrait davantage de moyens que ceux qui figurent dans le périmètre de la mission dont j’ai la charge.

Vous l’aurez compris, selon moi, les points forts de ce projet de budget ne suffisent pas à en compenser les insuffisances. C’est pourquoi j’émets un avis défavorable à l’adoption des crédits de la mission. Cela ne signifie pas que tout est à jeter, au contraire : il y a des points forts, que je salue, concernant l’ANR, le CNRS et la stratégie hydrogène. Mais, en regard, il y a les points faibles que j’ai indiqués, à savoir le manque d’ambition pour l’INSERM, l’INRAe et INRIA, la situation de détresse d’IFPEN et le défaut de lisibilité globale du budget.

Mme Michèle Crouzet (MoDem). L’examen de cet avis budgétaire sur la mission « Recherche et enseignement supérieur » et les grands organismes de recherche se déroule dans un contexte particulier : nous avons adopté il y a quelques semaines à peine le projet de loi de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030. Je salue, au nom du groupe MoDem, cette programmation pluriannuelle des crédits en faveur de la recherche publique. Cette démarche est indispensable : le secteur de la recherche a absolument besoin de visibilité pour prospérer et demeurer attractif.

Nous ne pouvons donc qu’approuver les investissements historiques qui sont mobilisés : 25 milliards d’euros sur les dix prochaines années au profit des organismes de recherche, des universités et des établissements, dont 435 millions d’euros dès 2021. Pour la première fois, le budget annuel de la recherche publique atteindra 20 milliards en 2030, soit 5 milliards de plus qu’actuellement. Ces investissements historiques nous permettront d’abord et avant tout de mettre enfin la France en conformité avec ses engagements européens : alors que, en vertu de la stratégie de Lisbonne, la part du produit intérieur brut (PIB) dédiée à la recherche et développement doit atteindre 3 %, la France continue à stagner à 2,2 %, bien loin de son potentiel.

Au-delà du rattrapage budgétaire, notre groupe demande que la hausse du budget consacré à la recherche permette de conforter le rang de la France dans la recherche européenne et mondiale et de mieux faire face aux défis scientifiques de notre siècle, qui sont nombreux : du risque sanitaire à la transition agricole, en passant par l’intelligence artificielle, l’observation spatiale ou encore la lutte contre le changement climatique, la science doit nous aider à innover.

Telle est la conviction de notre groupe, notamment en matière de transition écologique et agricole. Nous défendons de longue date le principe « pas d’interdiction sans solution ». Or, si nous voulons transformer en profondeur nos modes de vie et de production, il faut non pas interdire complètement les pratiques les plus nocives, mais accompagner l’ensemble des filières vers des solutions plus durables et vertueuses. Pour ce faire, il est indispensable de mieux diffuser et de faire rayonner la recherche dans l’économie et dans la société, mais surtout dans nos politiques publiques. En effet, comme on l’a constaté de nouveau ces dernières semaines, nous avons indéniablement besoin de la science pour éclairer nos débats et nos décisions. L’investissement dans la science et la recherche permettra à terme aux agriculteurs de réduire l’utilisation des produits phytosanitaires et phytopharmaceutiques, et à tous les citoyens d’avoir accès à une alimentation plus saine, sûre, équilibrée et durable, avec beaucoup moins de sel nitrité et d’autres additifs.

Je me permets d’appeler votre attention sur l’enjeu majeur que constitue le financement de l’innovation et du transfert de technologies dans le secteur agroalimentaire, évoqué durant les États généraux de l’alimentation. La subvention prévue pour l’Association de coordination technique agricole et l’Association de coordination technique pour l’industrie agroalimentaire reste à un niveau relativement faible : 700 000 euros. Ce financement leur permet tout juste de remplir leur rôle de tête de réseau des organismes de développement et d’assurer leur mission d’intérêt général. C’est un point crucial si nous souhaitons que la recherche technologique alimentaire soit accessible à tous, y compris les TPE et PME, plutôt que de rester réservée aux grands groupes, qui seuls disposent des moyens financiers nécessaires pour internaliser leur capacité de recherche et développement.

Le plan d’investissement permettra aussi d’optimiser l’aménagement du territoire et la gestion des forêts grâce à l’observation spatiale, avec les programmes phares que sont Copernicus et Galileo.

Mon groupe votera donc en faveur de ces orientations budgétaires.

Je souhaite vous interroger, Monsieur le rapporteur pour avis, sur plusieurs aspects de la mission.

Bientôt un an après la création de l’INRAe, quel est le premier bilan de la fusion de l’INRA et de l’IRSTEA, et quelles sont les perspectives de cet établissement pour 2021 ?

Dans le secteur de l’agroalimentaire, quelles sont les pistes pour renforcer l’excellence et l’indépendance de la recherche appliquée effectuée dans les instituts et centres techniques ?

En matière de recherche spatiale, comment le CNES entend-il développer de nouvelles applications utiles pour la mise en œuvre de nos politiques publiques, notamment pour l’agriculture et la forêt ?

Plus largement, comment ce budget prévoit-il de faire en sorte que les politiques publiques soient mieux éclairées par la recherche fondamentale ?

M. Olivier Falorni (LT). Avant d’évoquer spécifiquement les grands organismes de recherche, je vais m’autoriser quelques digressions sur notre système de recherche et sur la loi de programmation pluriannuelle de la recherche, en discussion au Parlement.

Tout d’abord, force est de constater que l’effort de recherche est largement insuffisant : avec 2,16 % du PIB consacré à la recherche, la France est encore loin d’atteindre l’objectif de 3 % fixé au niveau communautaire. Si le groupe Libertés et Territoires salue l’effort budgétaire annoncé dans le projet de loi de programmation, il regrette néanmoins que la montée en charge soit insuffisante et surtout étalée sur trois quinquennats.

Nous craignons également que l’effort en faveur de la revalorisation des carrières soit insuffisant pour aligner les rémunérations des chercheurs français sur celles de leurs homologues européens.

Enfin, le choix de privilégier le financement par appels à projets ne nous semble pas compatible avec l’objectif que nous devrions viser, à savoir un investissement dans le temps long, déconnecté des agendas politiques.

Pour en venir aux dotations des programmes 172 et 193, elles reflètent, selon moi, les orientations du projet de loi de programmation de la recherche : la progression est mesurée et insuffisante.

S’agissant plus spécifiquement des grands organismes de recherche, je tiens à saluer l’augmentation des moyens alloués à certains établissements chargés de distribuer des crédits – je pense à l’ANR et au CNRS.

Je suis moins enthousiaste concernant les dotations de l’INRAE et d’IFPEN, qui sont les organismes en pointe dans la transition écologique. Alors que nous avons longuement débattu, à l’occasion du projet de loi relatif aux conditions de mise sur le marché de certains produits phytopharmaceutiques en cas de danger sanitaire, de la nécessité d’accompagner la recherche de solutions alternatives aux néonicotinoïdes et plus globalement aux pesticides, il est inquiétant que cette priorité ne se traduise pas concrètement dans les crédits de la mission. Il est urgent d’accélérer la recherche dans ce domaine. Je pense, par exemple, à la lutte intégrée, qui combine plusieurs techniques : la lutte biologique, c’est-à-dire la diversification des cultures, et la lutte physique, par application sur les cultures d’une couche protectrice – paraffine, argile, etc. Ces enjeux nous imposent de revoir les méthodes de recherche : il convient de favoriser le partage de connaissances plutôt que le travail en silos.

M. Cédric Villani, rapporteur pour avis. La fusion de l’INRA et de l’IRSTEA a été exemplaire. Les coûts annoncés ont été tenus et la réduction de 10 % des effectifs globaux bien gérée. Les consultations internes, organisées autour de la définition d’une perspective à un horizon de dix ans, ont permis de déployer une nouvelle vision pour la suite. L’organisme est ainsi doté d’un programme pertinent. On ne peut que saluer l’action menée par les directions de l’INRA et l’IRSTEA, qui ont très bien collaboré pour atteindre l’objectif.

L’INRAe va se consacrer à des questions majeures, pour lesquelles les attentes sont très importantes, telle la transition agro-écologique, dont nous entendrons de nouveau parler tout à l’heure. Sa collaboration avec d’autres organismes, par exemple le CNRS et INRIA, sera renforcée. L’utilisation des données, notamment à travers les techniques de fouille utilisant l’intelligence artificielle, y compris pour les prévisions météorologiques – on rejoint là les enjeux spatiaux que j’évoquais tout à l’heure –, va jouer un rôle important.

Nous devrions donc renforcer la dotation de cet organisme. Cela permettrait à la fois de le récompenser et de faire en sorte qu’il réponde aux grandes attentes qu’il suscite. Si je comprends que le Gouvernement attende le contrat d’objectifs et de moyens pour réévaluer sa participation, je considère, pour ma part, que les auditions menées ont été particulièrement satisfaisantes.

En ce qui concerne le CNES, la recherche spatiale est un domaine qui évolue de manière extrêmement rapide. Notre commission devrait d’ailleurs s’en saisir spécifiquement, comme je le disais tout à l’heure. On assiste à un chambardement complet, avec l’apparition de nouvelles technologies – je pense en particulier aux lanceurs réutilisables. Certes, Ariane 6 n’en utilisera pas, mais ce sera le cas pour le programme Prometheus. De nouveaux modèles économiques sont également en train d’émerger, avec une grande variété d’applications, bien supérieure à ce que l’on a connu jusqu’à présent. Les géants américains se positionnent dans ce secteur, avec des patrons emblématiques tels que MM. Elon Musk, Jeff Bezos ou, dans une moindre mesure, Mark Zuckerberg.

Le retentissement médiatique des programmes spatiaux a, lui aussi, changé : aux États-Unis, en particulier, ils ont été mis en valeur d’une manière phénoménale. À une époque, en France, la recherche spatiale faisait l’objet d’une grande fierté, ce qui se traduisait aussi sur le plan médiatique ; désormais, elle est fortement minimisée par rapport à ce que l’on observe de l’autre côté de l’Atlantique. En tant que Français et Européens, nous ne saurions nous satisfaire de cet état de fait. Il est très important de ne pas perdre pied, que ce soit dans le domaine des lanceurs, dans celui des satellites ou encore dans celui des diverses applications utilisant la fouille de données. Certes, cela relève des organismes de recherche, mais les choses se jouent aussi du côté de la Banque publique d’investissement (Bpifrance), de l’accompagnement de nos start-ups ou encore du crédit d’impôt recherche : il faut créer un écosystème favorable.

Pour l’instant, les échos que nous avons eus en la matière sont plutôt inquiétants – je le dis sans ambages. Il va falloir, dans les années qui viennent, prendre très au sérieux cet état de fait. L’Europe a pris la mesure de l’urgence : le budget de l’Agence spatiale européenne, tel qu’il se profile, est en progression importante. L’Allemagne est en train de prendre le leadership. Certes, nous devons nous réjouir que l’Europe se développe, mais, historiquement, c’est la France qui a été le pilier et le moteur le plus important de l’Agence spatiale européenne. Il serait bon que nous voyons cela comme un défi important, une source d’émulation pour que nous continuions à occuper cette place importante qui correspond tellement bien à notre histoire.

Pour finir, je ferai quelques brefs commentaires sur ce qu’a dit M. Olivier Falorni s’agissant de la LPPR, même si ce n’est pas l’objet de notre réunion. En termes de masses budgétaires, le gros de l’effort portera sur l’ANR et la revalorisation des carrières, mais l’instauration de nouvelles règles permettra d’abonder l’ensemble de la recherche. D’une part, les taux d’acceptation vont augmenter de façon importante – en tout cas c’est ce qui est prévu –ce qui veut dire que les chercheurs perdront moins de temps avec les candidatures multiples et que les financements seront plus importants, ce qui évitera de devoir chercher des ressources complémentaires. D’autre part, le préciput va augmenter, ce qui est également très important. Le terme désigne, je le rappelle, la part de financement découlant des contrats avec l’ANR qui rejaillit directement sur les établissements et les équipes de recherche. Les discussions avec le ministère autour du dispositif n’ont pas encore fixé le pourcentage, mais il devrait atteindre, à terme, 30 % à 40 %. Il conviendra d’être particulièrement vigilant sur ce point. Le groupe de travail auquel je participais, dans le cadre des travaux préliminaires autour du projet de loi, avait d’ailleurs abordé la question.

Il n’en demeure pas moins que je suis en phase avec ce qu’a dit M. Olivier Falorni : il y a une sorte de paradoxe entre, d’un côté, l’importante montée en gamme de l’ensemble des moyens de la recherche et, de l’autre, la relative stagnation des budgets, en dehors de ceux de l’ANR et du CNRS. Les sommes allouées à des organismes tels que l’INRAe, l’INSERM, IFPEN et INRIA méritent d’être corrigées au vu des évolutions qu’ils connaissent.

La commission en vient à l’examen des amendements.

 

Article 33 et état B

 

La commission est saisie de l’amendement II-CE9 du rapporteur pour avis.

M. Cédric Villani, rapporteur pour avis. L’objet de cet amendement est de réaffecter 9,3 millions d’euros du budget de l’ANR vers celui d’IFPEN – les transferts de crédits par voie d’amendement ne sont possibles qu’au sein d’une même mission, d’un programme vers un autre. Le montant du transfert proposé correspond, d’une part, au fait que le budget de l’ANR est un peu plus élevé que ce qui avait été annoncé, et, d’autre part, au niveau du déficit qui nous a été annoncé pour IFPEN, en lien avec la crise : 10 millions d’euros environ sur deux ans. Il me paraissait naturel de lui affecter cette somme sur une même année. D’abord, cela permet de prendre un peu d’avance et de lui éviter de se retrouver dans la détresse : c’est le seul des organismes couverts par la mission qui nous semble dans cette situation – il est même proche d’un plan social. Ensuite, une petite progression de son budget serait en phase avec la grande ambition affichée par le plan hydrogène.

La commission rejette l’amendement.

 

M. Cédric Villani, rapporteur pour avis. Je réitère mon avis défavorable à l’adoption des crédits de la mission. Il y a certes des points forts dans ce budget – concernant le CNRS, l’ANR et le plan hydrogène –, mais aussi des points faibles : défaut de lisibilité, manque d’ambition s’agissant d’INRIA, de l’INRAe et de l’INSERM, sans oublier la situation critique d’IFPEN, à laquelle il sera absolument indispensable de revenir dans le cadre du PLF.

 

La commission émet un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur ».

 

 

 


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   LISTE DES PERSONNES auditionnées

Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie

M. Arnaud Leroy, président du conseil d’administration

M. Fabrice Boissier, directeur général délégué

Agence nationale de la recherche (ANR)

M. Thierry Damerval, président

Air Liquide *

M. Régis Saadi, directeur des affaires publiques d’Air Liquide France et président du « cluster » Hydrogène de la filière Énergies Normandie

M. Paul-Édouard Niel, responsable des affaires publiques

M. Henri Chevrel, vice-président R&D d’Air Liquide Europe

M. Guillaume de Smedt, directeur et responsable de la stratégie Hydrogène

Association française pour l’hydrogène et les piles à combustible (AFHYPAC) *

M. Philippe Boucly, président

M. Maxime Sagot, chargé de relations institutionnelles

M. Olivier Joubert, directeur du groupement de recherche « Hydrogène, systèmes et Piles à combustible » (HySPàC) issu du CNRS

Centre national d’études spatiales (CNES) *

M. Jean-Yves Le Gall, président

M. Pierre Tréfouret, directeur de cabinet du président

Centre national de la recherche scientifique (CNRS)

M. Antoine Petit, président-directeur général

M. Thomas Borel, chargé des relations avec le Parlement

Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) * (en visioconférence)

M. François Jacq, administrateur général

Mme Marie-Astrid Ravon-Bérenguer, directrice financière

Direction générale de l’énergie et du climat (DGEC) (en visioconférence)

M. Laurent Michel, directeur général

Mme Alice Vieillefosse, directrice de cabinet

IFP-Énergies nouvelles (IFP-EN) *

M. Pierre-Franck Chevet, président

M. Éric Lafargue, directeur général adjoint

ENGIE *

Mme Gwenaelle Avice-Huet, directrice générale adjointe en charge des Business Units France Renouvelables et Hydrogène

Mme Secil Torun, responsable du Lab Hydrogène CRIGEN

Mme Mercedes Fauvel-Bantos, déléguée aux relations avec le Parlement

Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (INRAe)

M. Philippe Mauguin, président-directeur général

M. Louis-Augustin Julien, directeur du financement et des achats

M. Marc Gauchée, conseiller du PDG pour relations institutionnelles

Institut national de la recherche en informatique et en automatique (INRIA)

M. Bruno Sportisse, président-directeur général

Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM)

M. Gilles Bloch, président-directeur général

Mme Laurianne Cruzol, directrice des affaires financières

Mme Anne-Sophie Etzol, chargée des relations institutionnelles

 

 

 

 

 

 

 

*  Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le registre de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale.


([1]) État de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation en France n° 13.

([2]) Migration Policy Debates – n° 19, mai 2019.

([3]) Données du réalisé 2019.

([4]) Le groupe n° 1 (capacités de financement de la recherche) était composé de M. Antoine Petit, PDG du Centre national de la recherche scientifique (CNRS), de Mme Sylvie Retailleau, présidente de l’Université Paris Saclay et de votre rapporteur.

([5]) Les organismes publics (sauf les établissements publics industriels et commerciaux dans le cadre de projets menés en collaboration avec une société commerciale) sont financés à hauteur des seuls coûts marginaux générés par le projet de recherche (point 2.4.1 du règlement financier).

([6]) Plan d’action national de développement des alternatives aux produits phytopharmaceutiques mis en place le 25 avril 2018 en application de l’article L. 253-6 du code rural et de la pêche maritime.

([7]) Plan de développement de cultures à base de légumineuses afin de diminuer la dépendance des agriculteurs français à l’alimentation animale par protéines importées (action n° 05 « transition agricole » du programme « écologie »).

([8]) Research and Action targeting emerging infectious diseases (REACTing).

([9]) L’ONDAM est fixé par la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS).

([10]) Satellite Industry Association (SIA).

([11]) Air et Cosmos n° 2672S (24 janvier 2020).

([12]) Les lanceurs spatiaux réutilisables (Note scientifique n° 9 – janvier 2019).

([13]) 173 ESC 18 F – 18 novembre 2018.

([14]) Satellite Industry Association (SIA) et Morgan Stanley.

([15]) Issu d’une décision du conseil européen de Göteborg (2001), le projet vise à mettre en place une infrastructure européenne d’observation de la Terre à des fins d’environnement et de sécurité.

([16]) Advanced Research in Telecommunications Systems

([17]) Action n° 02 (Souveraineté technologique et résilience) du programme « Compétitivité ».

([18]) L’Allemagne était progressivement devenue le premier pays contributeur au début des années 2010.

([19]) 141 000 kilojoules pour un kilogramme d’hydrogène contre 48 000 kilojoules par kilogramme d’essence.

([20]) L’énergie, qui est définie comme la capacité à modifier un état, dispose de sources primaires, c’est-à-dire disponibles dans l’environnement et exploitables sans transformation (énergie solaire, énergie éolienne, combustibles fossiles, etc.) ainsi que des énergies secondaires (électricité).

([21]) Proton Exchange Membrane.

([22]) International Renewable Energy Agency (IRENA) en anglais.

([23] S’agissant de la France, la loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l’énergie et au climat autorise le Gouvernement, en son article 52, à définir par voie d’ordonnances « la terminologie des différents types d’hydrogène en fonction de la source d’énergie utilisée pour sa production ». Selon la direction générale de l’énergie et du climat (DGEC), cette ordonnance devrait être publiée avant la fin de l’année 2020.

 

([24]) En anglais : Power to gas

([25]) Panorama des voies de valorisation du CO2 (ALCIMED et ADEME - juin 2010)

([26]) Y a-t-il une place pour l’hydrogène dans la transition énergétique (France Stratégie, note n° 15, août 2014)

([27]) Une tonne d’hydrogène représente 2,86 TEP en équivalent chaleur (IFP-EN).

([28]) Initiative créée dans le cadre du Forum économique mondial de Davos de 2017, qui réunit aujourd’hui 81 industriels (dont Air Liquide, membre fondateur) afin de promouvoir l’hydrogène comme vecteur de la transition énergétique.

([29]) Path to Hydrogen competitiveness – A cost perspective (20 janvier 2020) - page 23.

([30]) Airbus a annoncé le déploiement d’un avion à hydrogène en 2035.

([31]) « Sus à l’hydrogène » (L’express – 27 septembre 2020).

([32]) Les énergies renouvelables devront représenter 40 % de la production d’électricité en 2030 (art. L. 100-4 du code de l’environnement).  

([33]) Opérateur financé sur le programme 181 « Prévention des risques » (584 millions d’euros en 2019) et gestionnaire du volet « Transition écologique » du Programme d’investissements d’avenir (PIA) – 158 millions d’euros en 2019.

([34]) Fuel Cells and Hydrogen Joint Undertaking : partenariat public privé réunissant la Commission européenne et un consortium d’industriels et de chercheurs issus de divers pays européens.

([35]) Le financement s’effectuera également en partie sur le budget de l’ADEME (programme 181). Au total, l’ADEME devrait pouvoir mobiliser 275 millions d’euros jusqu’en 2023.

([36]) L’indice TRL (Technological Readiness Level) est utilisé dans l’industrie pour mesurer le degré de maturité technologique d’une innovation (depuis 1 = principes généraux jusqu’à 9 = utilisation sur le marché).

([37]) Ce groupement de recherche rassemble plus d’une centaine d’équipes de recherche issues du CNRS, du CEA, de divers pôles universitaires (Lyon 1, Montpellier II, etc.) et quelques industriels (EDF, AREVA, etc.).

([38]) Il s’agit d’un groupement de recherche associant la totalité des équipes de recherche de l’ex-région Franche‑Comté dans le domaine des systèmes de piles à combustibles.

([39]) Massifs de péridotites.

([40]) Les électrolyseurs et les piles à combustibles fonctionnent actuellement de manière optimale avec des métaux rares, en particulier le platine.

([41]) Le terme « catalyse » désigne un processus qui vise à modifier la cinétique chimique en abaissant la barrière énergétique à franchir. L’objectif de la catalyse est d’augmenter la vitesse à laquelle se produit une réaction chimique ou, parfois, de privilégier une réaction plutôt qu’une autre.

([42]) Hors autres subventions publiques (9,7 millions d’euros) et hors produits exceptionnels