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N° 3400

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 9 octobre 2020.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES

SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2021 (n° 3360)

TOME XV

PLAN DE RELANCE

PAR Mme Anne-France BRUNET

Députée

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 Voir les numéros : 3360 et 3399 (Tome III, Annexe 46).


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SOMMAIRE

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Pages

INTRODUCTION

première partie : La mission « plan de relance » rassemble une série de mesures destinées à soulager un large éventail de secteurs économiques

I. La mission « plan de relance » : un dispositif d’envergure inédite au service de la reprise économique

A. Le positionnement de la mission au sein du plan de relance

B. La structuration opérationnelle des crédits de la mission

C. Les mesures de la mission « plan de relance » entrant dans le champ de compétences de la commission des affaires économiques

1. Programme 362 : Écologie

a. Action n° 01 : Rénovation énergétique

b. Action n° 02 : Biodiversité, lutte contre l’artificialisation

c. Action n° 03 : Décarbonation de l’industrie

d. Action n° 05 : Transition agricole

e. Action n° 06 : Mer

f. Action n° 08 : Énergie et technologies vertes

2. Programme 363 : Compétitivité

a. Action n° 01 : Financement des entreprises

b. Action n° 02 : Souveraineté technologique et résilience

c. Action n° 03 : Plan de soutien à l’export

d. Action n° 04 : Mise à niveau numérique de l’État, des territoires et des entreprises

3. Programme 364 : Cohésion

a. Action n° 05 : Recherche

b. Action n° 07 : Cohésion territoriale

II. Les conditions de succès du plan de relance

A. Garantir la lisibilité des mesures

1. Un impératif pour l’ensemble des acteurs économiques

2. Un effort indispensable en direction du Parlement et des citoyens

B. Se donner les moyens d’une mise en œuvre et d’un suivi efficace

seconde partie : les mesures du plan de relance en faveur de l’agroécologie et du numérique

I. LE SOUTIEN De la mission « PLAN DE RELANCE » À LA TRANSITION AGRO-ÉCOLOGIQUE

A. Les potentialités offertes par la conversion agroécologique

B. L’insuffisance des mécanismes financiers existants de soutien à l’agro-écologie

C. les conditions de succès de l’accélération de la transition agro-écologique opérée par le plan de relance

1. Le changement d’ordre de grandeur opéré par le plan de relance

2. Le nécessaire accompagnement des exploitations pendant la période de transition

II. LE SOUTIEN DU PLAN DE RELANCE À LA TRANSITION NUMÉRIQUE

A. Le numérique : outil de resilience individuelle et collective

B. Des fractures persistantes

1. Des inégalités d’accès aux infrastructures numériques

2. Des inégalités en matière de compétences numériques

3. Des inégalités en termes de numérisation des entreprises

C. Un plan à la hauteur deS ENJEUX

1. Des moyens importants pour numériser les TPE-PME-ETI

2. Un soutien actif aux différents projets de numérisation de l’État et des territoires

3. Un renforcement bienvenu du plan France Très Haut Débit, qui doit néanmoins se traduire sur le terrain

4. Un effort salutaire en faveur de l’inclusion numérique

5. Des mesures à préciser pour soutenir la diffusion du numérique

6. Des moyens supplémentaires pour les entreprises technologiques

EXAMEN EN COMMISSION

LISTE DES PERSONNES auditionnées


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   INTRODUCTION

Notre pays a connu une crise inédite avec l’épidémie de le covid-19, dont les conséquences économiques continueront de se faire sentir dans les prochains mois. Face à ce défi, le Gouvernement et la majorité ont rapidement réagi en proposant un ensemble de dispositifs de soutien aux entreprises afin de les accompagner pendant la crise.

Le plan de relance, d’un montant total de 100 milliards d’euros vient inscrire cet effort dans la durée. Il s’articule autour de trois priorités que sont la transition écologique (30 milliards d’euros), la compétitivité et l’innovation (34 milliards d’euros) et enfin la cohésion sociale et territoriale (36 milliards d’euros). Ce plan porte en fait un double objectif : soutenir l’effort de reprise de notre économie, avec un objectif de croissance (+ 1,5 point de produit intérieur brut [PIB] dès 2021 et + 4 points à terme) et d’emploi (160 000 créations) ; accélérer la transition écologique de notre modèle productif, en ciblant une réduction des émissions de CO2 en France de 57 millions de tonnes sur la durée de vie des projets.

Ce plan sera décliné, dans les territoires, en collaboration étroite avec les acteurs économiques et les collectivités territoriales. Trois principes de méthode ont été fixés par le Premier ministre à cette fin lors de son discours de présentation du 3 septembre dernier : concertation, suivi de l’exécution et territorialisation. Ces principes sont déjà à l’œuvre avec la signature d’un accord de partenariat entre l’État et les régions et la nomination en cours de sous-préfets à la relance. La création d’un Conseil de suivi de la relance et de comités de suivi régionaux viendra compléter ce dispositif.

Le financement du plan de relance sera pluriel. Il reposera en effet à la fois sur la loi de finances rectificative du 3 juillet 2020, le présent projet de loi de finances pour 2021, le programme d’investissements d’avenir, et enfin le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2021 et le « plan de relance » européen.

La mission « Plan de relance » dotée de 36,4 milliards d’euros en autorisations d’engagement et de 22 milliards de crédits de paiement pour l’année 2021, constitue le véhicule central de ce plan. Elle comprend les mesures annoncées et s’articule logiquement autour de trois programmes consacrés à l’écologie, à la compétitivité et enfin à la cohésion. Elle sera, par définition, temporaire, puisque limitée à la durée du plan de relance, soit la période 2021-2022.

Dans des délais très restreints, votre Rapporteure a entrepris de réaliser une première analyse de ce plan de relance, en s’interrogeant sur ses conditions de succès, et en ciblant deux secteurs majeurs que sont l’agro-écologie et le numérique. Elle en conclut que l’effort inédit en faveur de ces deux secteurs devrait porter ses fruits, à condition que le déploiement du plan soit rapide, lisible et qu’un suivi fin soit mis en œuvre au niveau local.

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*     *

Aussi, votre Rapporteure vous propose de donner un avis favorable à l’adoption des crédits pour 2021 de la mission « Plan de relance ».


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   première partie :
La mission « plan de relance » rassemble une série de mesures destinées à soulager un large éventail de secteurs économiques

À titre préliminaire, on peut rappeler que la mission « Plan de relance » nouvellement créée dans l’architecture du budget de l’État n’est qu’un des volets du plan de relance de 100 milliards d’euros annoncé par le Gouvernement le 3 septembre dernier. Ce plan comporte, en effet, d’autres mesures qui soit ne constituent pas une charge pour l’État (organismes de sécurité sociale ([1]) et d’assurance chômage, etc. : 14,2 milliards d’euros), soit sont des actions mises en œuvre dès 2020 dans le cadre de missions « classiques » (16,5 milliards d’euros), soit sont des mesures d’ordre fiscal, telles que la baisse des impôts de production examinée dans le cadre de la première partie du PLF 2021 (20 milliards d’euros), soit sont des dépenses mises en œuvre dans le cadre du Programme d’investissements d’avenir (PIA), par nature non incluses dans la nomenclature traditionnelle des lois de finances (11 milliards d’euros). Diverses actions, telles que les plafonds de prêts participatifs de Bpifrance (2 milliards d’euros), sont également venues compléter le dispositif sans être intégrées dans la mission « Plan de relance ».

I.   La mission « plan de relance » : un dispositif d’envergure inédite au service de la reprise économique

A.   Le positionnement de la mission au sein du plan de relance

Les autorisations d’engagement (AE) et les crédits de paiement (CP) de la mission « Plan de relance » inscrits dans le projet de loi de finances pour 2021 s’élèvent respectivement à 36,4 milliards d’euros et 22 milliards d’euros, ce qui est considérable au regard des crédits relevant des autres « grandes » missions du projet de loi de finances.

Source : Analyse du PLF 2021

Les missions « Enseignement scolaire » et « Défense » disposent, certes, de davantage de crédits au total, mais on peut observer que le budget en AE de la mission « Plan de relance » est quasiment le même que celui du programme 141, consacré à l’ensemble des moyens alloués à l’enseignement scolaire public du second degré (34,09 milliards d’euros dans le PLF 2021).

Du point de vue de la mise en œuvre des dépenses, la mission effectue logiquement un décalage temporel entre les engagements, qui ont vocation à être effectués dès le 1er janvier 2021, et les paiements, qui ont vocation à s’étaler sur les deux ans de mise en œuvre de la relance. Ainsi, par exemple, le Gouvernement prévoit la mise en place d’un Projet important d’intérêt européen commun (PIIEC ([2])) en matière de solutions énergétiques à base d’hydrogène décarboné : dans la mesure où il paraît peu probable que le projet se concrétise avant le second semestre de 2021, le PLF inscrit sur cet exercice la totalité des AE prévues (1,3 milliard d’euros) et ne prévoit pour la même période que des décaissements (CP) à hauteur de 205 millions d’euros.

En termes d’impact économique, les sommes en jeu sont loin d’être négligeables : elles représentent 1,5 % du produit intérieur brut (PIB) de la France en 2019 ([3]). Le choc budgétaire issu du plan de relance devrait permettre d’amplifier les premiers signes de reprise économique observés actuellement, avec une évolution globale du PIB estimée désormais à - 8,7 % pour l’année 2020 contre une prévision initiale de la Banque de France à - 10,3 % du PIB.

B.   La structuration opérationnelle des crédits de la mission

La mission « Plan de relance » est une création entièrement nouvelle au sein de l’architecture de la loi de finances. Bien qu’il reprenne parfois des dispositifs qui étaient autrefois imputés sur d’autres missions, telles que le fonds de soutien à l’agriculture biologique, dit « Avenir Bio » (cf. deuxième partie, paragraphe I infra), le « Plan de relance » comporte de nombreuses mesures nouvelles (Plan protéines végétales, stratégie nationale Hydrogène) ou, quand il reprend des actions existantes, amplifie les moyens traditionnellement accordés. À l’instar de toute mission budgétaire, le « Plan de relance » est structuré en programmes, qui sont au nombre de trois :

 un programme « Écologie » (362), dans lequel figurent, entre autres, l’aide à la rénovation thermique des bâtiments publics et privés, l’accélération de la transition agro-écologique et la nouvelle stratégie nationale Hydrogène : 18,36 milliards d’euros en AE et 6,59 milliards d’euros en CP ;

 un programme « Compétitivité » consacré à diverses mesures de soutien des entreprises, telles que le renforcement des fonds de garantie de Bpifrance, à la numérisation des administrations publiques et des très petites, petites et moyennes entreprises (TPE-PME) ainsi que des entreprises de taille intermédiaire (ETI) : 6 milliards d’euros en AE et 4 milliards d’euros en CP ;

 un programme « Cohésion » qui rassemble le dispositif d’aide à l’activité partielle de longue durée (APLD) mis en place pendant la première phase de la crise sanitaire et qui a vocation à être prolongé jusqu’en 2022, l’élargissement du « service civique », la mise en place d’une aide à l’embauche des jeunes de moins de 26 ans ainsi que le versement de l’allocation Garantie jeunes : 12 milliards d’euros en AE et 11,41 milliards d’euros en CP.

Si l’on s’attache à analyser la nature des dépenses occasionnées, on peut constater que plus de la moitié (18,47 milliards d’euros, soit 51 %) des AE de la mission est constituée de crédits d’investissement et de transferts aux entreprises, c’est‑à‑dire de dépenses directement utiles à l’activité économique.

Source : Analyse du PLF 2021.

Les actions de la mission « Plan de relance » qui entrent dans le champ de compétences de la commission des affaires économiques représentent 19,77 milliards d’euros en AE (54,38 % du total de la mission) et 7,85 milliards d’euros en CP (36,69 % du total de la mission). Elles sont énumérées dans le tableau ci-après :

Actions DE LA MISSION « plan de relance » entrant dans le champ de compétences de la commission des affaires économiques

Programme

Détail par action

PLF 2021

AE

CP

Écologie

01

Rénovation énergétique

 6 295 000 000 €

 2 825 300 000,00 €

Écologie

02

Biodiversité, lutte contre l’artificialisation

 1 250 000 000 €

 426 500 000 €

Écologie

03

Décarbonation de l’industrie

 1 000 000 000 €

 281 000 000 €

Écologie

05

Transition agricole

 1 124 000 000 €

 390 000 000 €

Écologie

06

Mer

 250 000 000 €

 44 760 000 €

Écologie

08

Énergie et technologies vertes

 3 732 000 000,00 €

 323 800 000 €

Compétitivité

01

Financement des entreprises

 904 000 000 €

 757 000 000 €

Compétitivité

02

Souveraineté technologique et résilience

 1 567 000 000 €

 923 000 000 €

Compétitivité

03

Plan de soutien à l’export

 103 900 000 €

 69 600 000 €

Compétitivité

04

Mise à niveau numérique de l’État, des territoires et des entreprises

 1 828 699 491 €

 1 109 877 751 €

Cohésion

05

Recherche

 428 000 000 €

 286 000 000 €

Cohésion

07

Cohésion territoriale

 1 290 000 000 €

 413 000 000 €

TOTAL

 19 772 599 491,00 

 7 849 837 751,00 

Source : PLF 2021

C.   Les mesures de la mission « plan de relance » entrant dans le champ de compétences de la commission des affaires économiques

1.   Programme 362 : Écologie

a.   Action n° 01 : Rénovation énergétique

Selon une étude du service des données et études statistiques du ministère de la transition écologique publiée en septembre 2020 ([4]), près de 4,8 millions de logements, soit 17 % du parc des 29 millions de résidences principales au 1er janvier 2018, entraient dans les catégories F et G du diagnostic de performance énergétique, c’est-à-dire pouvaient être qualifiées de « passoires thermiques ». Le parc immobilier public, en particulier celui des établissements d’enseignement supérieur et de recherche, n’apparaît pas beaucoup plus exemplaire : selon les données fournies par la direction générale de la recherche et de l’innovation (DGRI), le patrimoine immobilier de l’enseignement supérieur se compose d’un ensemble de près de 18,5 millions de mètres carrés aux performances énergétiques « médiocres » (catégories D et E pour plus de la moitié des bâtiments).

Afin de permettre à la France de combler son retard dans la mise en œuvre de l’une des hypothèses centrales des scénarii de neutralité carbone ([5]), l’action n° 01 du programme « Écologie » prévoit la mobilisation de moyens considérables sur toutes les catégories de bâtiments concernées :

1/ Une enveloppe de 3,7 milliards d’euros en AE (1,6 milliard d’euros en CP) sera ainsi consacrée à la rénovation thermique des bâtiments publics, avec une priorité donnée au parc de l’enseignement supérieur et de la recherche. Selon les éléments fournis par la DGRI, l’appel à projets relatifs aux universités et aux centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires (CROUS) a déjà été lancé le 7 septembre dernier ;

2/ Une opération de réhabilitation énergétique spécifique au parc de logements sociaux sera engagée dès 2021 : à cette fin, 500 millions d’euros de crédits en AE et 250 millions d’euros en CP seront disponibles au titre de la mission « Plan de relance » ;

3/ Le dispositif de prime dite « MaPrimeRénov », qui permet, depuis le 1er janvier 2020, aux ménages propriétaires du parc privé de bénéficier, sous conditions de revenus, d’une prime versée pour leurs travaux de rénovation énergétique par l’Agence nationale de l’habitat (ANAH), devrait monter sensiblement en puissance en 2021 avec la suppression de la condition de revenus.

Le budget alloué au titre du programme 174 « Énergie, climat et après‑mines » (570 millions d’euros ([6]) en 2020) devrait être porté à 740 millions d’euros (AE/CP) en 2021, auxquels s’ajoutera un complément de 2 milliards d’euros (AE) et de 915 millions d’euros (CP) au titre de la mission « Plan de relance ». Ce quadruplement des moyens devrait dynamiser un dispositif en pleine croissance (65 000 primes versées depuis le début de l’instruction des dossiers le 8 avril 2020 selon l’ANAH).

Si l’on ajoute une série de mesures diverses (95 millions d’euros en AE et 27 millions d’euros en CP) destinées aux artisans, aux très petites entreprises ainsi qu’aux petites et aux moyennes entreprises (aides à l’écoconception des produits des services, diagnostics, accompagnement aux opérations d’isolation thermiques, etc.), le volet du plan de relance consacré à la rénovation énergétique des bâtiments s’élève à 6,30 milliards d’euros (AE) et 2,83 milliards d’euros (CP).

b.   Action n° 02 : Biodiversité, lutte contre l’artificialisation

La lutte contre l’artificialisation des sols, définie par le service des données et études statistiques du ministère de la transition écologique comme l’attribution d’un permis de construire sur des parcelles cadastrées de sols naturels, agricoles ou forestiers, s’est progressivement affirmée comme un des points essentiels de la reconquête de la biodiversité sur les territoires.

Reprenant ainsi l’objectif européen de suppression, à l’horizon 2050, de toute « augmentation nette de la surface de terres occupée ([7]) », le Gouvernement a établi un « Plan biodiversité » en juillet 2018 dont l’objectif central est le « zéro artificialisation nette », notion définie comme la soustraction entre les nouveaux aménagements et les surfaces remises sous un statut naturel.  Lors de sa réunion du 27 juillet dernier, le Conseil de défense écologique a affirmé la volonté de l’État de diviser par deux le rythme d’artificialisation d’ici 2030.

La mise en œuvre de cet objectif suppose le développement d’habitats plus denses, à mi-chemin entre les notions de « logement collectif » et de « logement individuel » définies par l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE). Le rôle des maires, autorités détentrices de la compétence d’attribution des permis de construire, est, sur ce sujet, essentiel.

La mission « Plan de relance » prévoit donc la mise en place d’un fonds, doté de 650 millions d’euros en AE et de 279 millions d’euros en CP destiné, notamment, à soutenir financièrement les maires qui accordent des permis de construire pour des opérations de « densification » des zones d’habitation et à permettre le recyclage des friches urbaines et industrielles.

Une seconde enveloppe, dotée de 300 millions d’euros en AE et de 70 millions d’euros en CP, doit permettre le financement d’opérations de réaménagement des zones protégées, de protection du littoral et de renforcement de la résilience des bâtiments publics face aux risques naturels. Une partie des dépenses envisagées devrait permettre le lancement, en 2021, des travaux permettant la mise en place de passes à poissons au niveau de deux barrages rhénans (Rhinau Marckolsheim), conformément aux orientations du « Plan Saumon 2020 » adopté en 2001 par la Commission internationale pour la protection du Rhin (CIPR) ([8]).

Le troisième et dernier volet de l’action n° 02 consiste à financer la rénovation et la mise aux normes des stations d’assainissement et de traitement d’eaux usées ainsi que la modernisation des réseaux d’eau potable pour un montant global de 300 millions d’euros en AE et de 78 millions d’euros en CP.

c.   Action n° 03 : Décarbonation de l’industrie

Selon l’INSEE, l’industrie manufacturière a généré 70 millions de tonnes de dioxyde de carbone (CO2) en 2018, soit 22 % de l’ensemble des émissions françaises (314 millions de tonnes).

D’ores et déjà, l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME) a initié dès le mois de septembre dernier, sur la base d’une enveloppe de 200 millions d’euros en AE allouée par la loi n° 2020-935 du 30 juillet 2020 de finances rectificative pour 2020, deux appels à projets à destination des industries :

 l’un, centré sur « l’efficacité énergétique », doit permettre de soutenir les opérations d’amélioration des équipements et des usages énergétiques dans les procédés industriels ;

 le second, dénommé « Biomasses, chaleur, industrie, agriculture, tertiaire » (BCIAT), porte sur le développement d’installations de production de chaleur d’une puissance supérieure à 12 000 mégawattheures par an, en substitution à des énergies fossiles (fonds Chaleur), ainsi que sur l’amélioration du fonctionnement des installations existantes (fonds Décarbonation).

Un appel à manifestation d’intérêts (AMI) a également été lancé à la même période par l’ADEME afin d’identifier les bénéficiaires potentiels de futurs appels à projets portant sur la mise en œuvre de nouveaux procédés (électrification, introduction de matériaux spécifiques, etc.) aux fins de décarbonation des sites de production. Cet AMI aboutira, en 2021, à la mise en place d’un accompagnement financier issu de la mission « Plan de relance » à hauteur de 500 millions d’euros en AE et de 268 millions d’euros en CP.

Le budget du dispositif BCIAT sera, pour sa part, porté à 500 millions d’euros en AE et à 14 millions d’euros en CP en 2021. À titre de comparaison, on peut indiquer que le fonds Chaleur a été doté de 295 millions d’euros en AE en 2019.

d.   Action n° 05 : Transition agricole

Au sein de l’enveloppe de 1,12 milliard d’euros en AE et de 390 millions d’euros en CP allouée à la transition agricole, plus de la moitié des crédits est consacrée à l’accélération de la transition agro-écologique (574 millions d’euros en AE et 222 millions d’euros en CP).

Parmi les douze mesures envisagées, sept d’entre elles concernent directement les exploitations agricoles et leurs fournisseurs à hauteur de 374 millions d’euros en AE et de 137 millions d’euros en CP (cf. seconde partie, paragraphe I, infra). Quatre autres mesures visent à renforcer les moyens des collectivités territoriales dans le développement d’une alimentation saine, durable, de qualité et locale dans les cantines scolaires des petites communes, dans la mise en place de projets alimentaires territoriaux, le développement de jardins partagés et le soutien des acteurs locaux de l’alimentation solidaire (190 millions d’euros en AE et 80 millions d’euros en CP). Les dépenses liées à la promotion des filières de l’enseignement agricole tournées vers l’agro-écologie sont, pour leur part, estimées à 10 millions d’euros en AE et 5 millions d’euros en CP en 2021.

Le lancement du « Plan protéines », annoncé par le Président de la République dès le salon de l’agriculture de février 2020, a vocation à réduire la dépendance de la France aux importations de protéines végétales (colza, soja, tournesol, fèves, légumineuses) pour l’alimentation des animaux d’élevage. On peut rappeler, à cet égard, que notre pays a importé, en 2018, 600 000 tonnes de graines de soja du Brésil, des États-Unis et d’Argentine pour une consommation totale d’un million de tonnes ([9]). Les crédits apportés par la mission « Plan de relance » (100 millions d’euros en AE et 38 millions d’euros en CP) financeront essentiellement des investissements dans les exploitations, des projets territoriaux d’amélioration de l’autonomie protéique ainsi que les activités de recherche sur les espèces légumineuses (créations variétales, procédés de transformation, etc.).

Les autres mesures de l’action n° 05 du programme 362 portent sur la reconstitution des forêts endommagées, le soutien aux entreprises de la filière forêt‑bois, l’achèvement du référentiel informatique à grande échelle (RGE) des surfaces forestières issu des données de télédétection par laser (LIDAR ([10])), la modernisation des abattoirs et le renforcement de la biosécurité et du bien-être animal dans les élevages (550 millions d’euros en AE et 168 millions d’euros en CP au total).

e.   Action n° 06 : Mer

Les dépenses effectuées au titre de l’action n° 06, soit 250 millions d’euros en AE et 44,76 millions d’euros en CP, consisteront, pour l’essentiel, à accompagner les collectivités territoriales dans le réaménagement des infrastructures portuaires (développement du report modal, électrification des quais, création de points d’avitaillement en hydrogène et en gaz naturel liquéfié, etc.) à hauteur de 175 millions d’euros en AE et de 33,4 millions d’euros en CP.

f.   Action n° 08 : Énergie et technologies vertes

Dans la lignée de la « stratégie pour l’hydrogène » annoncée par la Commission européenne le 29 juillet 2020, le Gouvernement a annoncé, le 9 septembre dernier, une « stratégie nationale pour le développement de l’hydrogène décarboné en France » destinée à développer massivement la production d’hydrogène par un processus d’électrolyse alimenté par de l’électricité renouvelable ou, à tout le moins, décarbonée ([11]).

L’enveloppe envisagée à l’horizon 2030, d’un montant total de 7 milliards d’euros, doit être mobilisée sur la période 2021-2022 à hauteur de 2 milliards d’euros d’AE (205 millions d’euros en CP) au titre de la mission « Plan de relance ». Cette enveloppe se décompose en trois mesures décrites ci-après :

Dispositif envisagé

Financement prévu

(2021-2022)

Gestionnaire

Constitution d’un projet important d’intérêt européen commun (PIIEC) sur l’hydrogène

1,3 milliard d’euros

(2021-2022)

Ministère de la transition écologique et solidaire

Lancement d’un appel d’offres national sur la production d’hydrogène décarboné

0,6 milliard d’euros

(2021-2022)

Ministère de la transition écologique et solidaire

Mise en œuvre d’un appel à projets spécifique sur les « hubs territoriaux d’hydrogène »

75 millions d’euros ([12])

(2021-2022)

ADEME

L’action n° 08 du programme 362 prévoit également la mise en œuvre d’un vaste plan de soutien aux filières aéronautique et automobile, à hauteur de 1,532 milliard d’euros en AE et 556 millions d’euros en CP. Parmi les mesures envisagées figure le versement d’une dotation exceptionnelle de 360 millions d’euros en AE au Conseil pour la recherche aéronautique civile (CORAC ([13])).

Si l’on ajoute les crédits alloués via l’action n° 14 du programme 190 « Recherche dans les domaines de l’énergie, du développement et de la mobilité durables » (270 millions d’euros en AE), la dotation du CORAC est portée à 600 millions d’euros en 2021, conformément aux engagements pris sur ce point par le Gouvernement en juin dernier. Le développement d’un avion à propulsion hydrogène à l’horizon 2035, annoncé par l’avionneur européen lui-même le 21 septembre dernier, fera partie des projets de recherche les plus ambitieux portés par le CORAC.

Une enveloppe de 200 millions d’euros en AE et de 150 millions d’euros en CP est, par ailleurs, prévue pour soutenir la recherche et le développement dans la filière nucléaire. Une partie de ces crédits servira, notamment, à la rénovation de deux installations d’expérimentation du Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA).

2.   Programme 363 : Compétitivité

a.   Action n° 01 : Financement des entreprises

Lors de son audition par la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale le 24 avril 2020, le président de Bpifrance, M. Nicolas Dufourcq annonçait que ses équipes réfléchissaient déjà à la mise en place de « nouveaux outils pour relancer l’économie ». Compte du rôle essentiel joué par l’institution lors de la crise sanitaire du printemps dernier, notamment dans la gestion du prêt garanti par l’État (PGE), il est logique qu’elle s’affirme comme la « grande banque de la relance ([14]) ».

Depuis sa création, le 31 décembre 2012, Bpifrance a su développer de nombreux produits de « garantie » des prêts bancaires susceptibles d’être mobilisés par des très petites, petites et moyennes entreprises (TPE-PME). Les montants garantis s’élevaient ainsi à plus de 3,7 milliards d’euros en 2018, en progression de près de 5 % en deux ans (2016 : 3,5 milliards d’euros). L’établissement envisage de développer de nouvelles garanties au titre du financement de la transition écologique (garantie « verte ») et devrait accroître, pour ses produits classiques, la part de la créance irrécouvrable qu’il prend en charge (60 %, contre 45 % en moyenne actuellement).

Afin d’accompagner cette démarche, l’État dote Bpifrance de 464 millions d’euros en AE et de 327 millions d’euros en CP au titre de l’action n° 01 du programme 363.

Une enveloppe de 150 millions d’euros en AE et en CP est également prévue afin de permettre à Bpifrance de mettre en place un mécanisme de garantie pour les organismes de placement collectif qui investiront en fonds propres dans des entreprises françaises relevant de la catégorie des TPE-PME. Si l’on ajoute diverses mesures complémentaires, telles que l’alimentation du fonds destiné à participer aux dispositifs régionaux de soutien aux fonds propres des PME (250 millions d’euros en AE/CP), le total des crédits de l’action n° 01 du programme 363 s’élève à 904 millions d’euros (AE) et 757 millions d’euros (CP).

b.   Action n° 02 : Souveraineté technologique et résilience

La crise de le covid-19 a mis en évidence la dépendance industrielle et technologique de l’économie française, et la fragilité de certaines chaînes de valeurs mondiales. L’action n° 02 prévoit donc une enveloppe de 501 millions d’euros en AE et 240 millions d’euros en CP afin de permettre la poursuite du financement des appels à projets lancés en août dernier dans les secteurs stratégiques suivants : santé, agroalimentaire, électronique, intrants essentiels à l’industrie. Les projets financés pourront consister à créer de nouvelles unités de production, à améliorer la productivité ou la flexibilité d’unités existantes ou à développer à l’échelle industrielle des procédés technologiques innovants.

Eu égard à l’importance stratégique de la filière spatiale et à la prééminence de la France au sein de l’Agence spatiale européenne (ASE/ESA), des subventions, à hauteur de 365 millions d’euros en AE et 200 millions d’euros en CP, seront allouées aux entreprises du secteur, qui ont été affectées par la crise sanitaire. L’action n° 02 du programme 363 comporte également, pour 128 millions d’euros en AE/CP, un complément de dotation au Centre national d’études spatiales (CNES), financé à titre principal sur le programme 193 « Recherche spatiale » de la Mission « Recherche et enseignement supérieur » (MIRES). Une subvention pour charges de service public de 22 millions d’euros est, par ailleurs, allouée pour ses activités de recherche duale au CEA, également financée à titre principal par la MIRES ([15]).

S’agissant, précisément, des activités de recherche privées, le plan de relance anticipe l’éventualité que les entreprises les plus affectées par la crise n’en viennent à réduire leurs fonctions les moins immédiatement productives et à se séparer de leurs chercheurs, qui représentent environ 180 000 emplois équivalents temps plein (ETP). L’État devrait donc mettre en place une série de mesures destinées à aider cette population hautement qualifiée et souvent jeune : mise à disposition temporaire dans des laboratoires publics, accès des ingénieurs d’une entreprise à une formation doctorale en cours de carrière, soutien à la mise à disposition de jeunes diplômés dans les entreprises.

Le dispositif, calibré pour 2 500 personnes par an, devrait coûter en 2021 300 millions d’euros en AE et 128 millions d’euros en CP.

Avec l’enveloppe de 251 millions d’euros en AE et de 205 millions d’euros en CP consacrée au soutien de projets industriels territoriaux, les crédits de l’action n° 02 du programme 363 s’élèvent à 1,57 milliard d’euros en AE et à 923 millions d’euros en CP.

c.   Action n° 03 : Plan de soutien à l’export

Ces crédits comportent, pour l’essentiel, un complément de subvention à Business France, opérateur spécialisé dans le soutien des entreprises exportatrices, à hauteur de 60,3 millions d’euros en AE/CP. Cet établissement reçoit, par ailleurs, une subvention pour charges de service public de 87,6 millions d’euros au titre du programme 134 « Développement des entreprises et régulation » de la mission « Économie », en légère baisse par rapport à la dotation allouée par la loi de finances initiale pour 2020 (90,1 millions d’euros).

d.   Action n° 04 : Mise à niveau numérique de l’État, des territoires et des entreprises

Le détail de l’enveloppe prévue (1,83 milliard d’euros en AE et 1,11 milliard d’euros en CP) est évoqué dans la seconde partie, paragraphe II infra.

3.   Programme 364 : Cohésion

a.   Action n° 05 : Recherche

Ce volet du plan de relance tire les conséquences du projet de loi de programmation pluriannuelle de la recherche, actuellement en discussion, s’agissant de l’affirmation de l’Agence nationale de la recherche (ANR) comme opérateur central de financement de la recherche publique.

En sus de la dotation en AE (925 millions d’euros) prévue au titre du programme 172 « Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires » de la MIRES, l’ANR bénéficiera en 2021 d’un abondement au titre de la mission « Plan de relance » de 428 millions d’euros en AE. Au total, les crédits alloués à l’Agence progresseraient donc en 2021 de 586,3 millions d’euros pour s’établir à 1,35 milliard d’euros (+ 76,5 % par rapport à 2020).

b.   Action n° 07 : Cohésion territoriale

Ce volet du plan de relance regroupe diverses mesures destinées principalement à la relance de l’économie des territoires, qu’il s’agisse de soutenir le développement d’infrastructures de télécommunication et de transport ou les commerces des centres-villes.

Les dépenses liées à la modernisation du réseau routier national et à l’entretien des ouvrages d’art (ponts) gérés par les collectivités territoriales sont évaluées à 350 millions d’euros en AE et à 88 millions d’euros en CP.

Par ailleurs, l’État appuiera l’action de la Banque des territoires en faveur des opérations foncières d’aménagement des surfaces commerciales ou de la relance de l’activité dans les centres-villes (100 millions d’euros en AE/CP) et abondera, à hauteur de 40 millions d’euros, l’offre de prêts « Croissance TPE » mise en place par Bpifrance pour soutenir les investissements des très petites entreprises.

S’agissant du plan France Très haut débit (240 millions d’euros en AE), le détail des mesures est évoqué dans la seconde partie, paragraphe II, infra.

II.   Les conditions de succès du plan de relance

Le plan de relance est inédit au regard des montants engagés. Son succès dépendra néanmoins fortement de la qualité de sa mise en œuvre et de sa lisibilité pour l’ensemble des acteurs économiques de notre pays.

A.   Garantir la lisibilité des mesures

1.   Un impératif pour l’ensemble des acteurs économiques

Parmi les conditions de succès du plan de relance, votre Rapporteure considère que la lisibilité des mesures mises en œuvre est un enjeu clef pour qu’elles puissent se déployer le plus rapidement possible sur le territoire national. Les auditions menées lors de ses travaux font état d’une forte attente sur ce sujet, voire d’une inquiétude concernant l’articulation entre les mesures du plan de relance, stricto sensu, et les mesures de « soutien économique » mises en place pendant la première partie de l’année 2020.

Le grand nombre de mesures proposées dans le plan doit en outre inciter les pouvoirs publics à faire preuve du maximum de pédagogie. Il est évident que pour les petites structures, la priorité est d’abord la survie à court terme, peu de temps pouvant être consacré à la recherche d’informations sur les dispositifs auxquels elles pourraient prétendre.

Un travail pro-actif d’information doit donc être effectué en ce sens, en utilisant, autant que possible, les relais territoriaux disponibles (chambres de commerce, d’industrie et chambres d’agriculture, collectivités locales). Une véritable stratégie de communication doit ête mise en œuvre en utilisant l’ensemble des supports existants (physiques et numériques).

Enfin, un impératif de simplicité et de stabilité devra prévaloir tout au long du déploiement du plan de relance.

2.   Un effort indispensable en direction du Parlement et des citoyens

Un effort est également requis vis-à-vis de la lisibilité budgétaire du plan de relance à destination du Parlement et des citoyens.

Pour rappel, les dépenses du plan de relance seront engagées sur deux ans et financées avec les crédits prévus par :

 la loi de finances rectificative n° 3 de juillet 2020 ;

 le projet de loi de finances pour 2021 ;

 le programme d’investissements d’avenir ;

 le projet de loi de financement de la sécurité sociale ;

 le plan de relance européen.

Au sein du plan de relance, la part de l’État est estimée à 86 milliards d’euros sur la durée du plan. Elle se décompose entre les crédits budgétaires stricts (64 milliards d’euros), la baisse des impôts de production (20 Mds € sur deux ans) et une mesure de garantie relative à l’octroi de prêts participatifs (2 Mds €).

Les crédits budgétaires stricto sensu se décomposent eux-mêmes entre la mission « Plan de relance » (36,3 Mds €), mais également par les missions classiques pour 16,5 milliards d’euros environ à partir de 2020 et la mission « Investissements d’avenir » à hauteur de 11 milliards d’euros à partir de 2021.

Votre Rapporteure souhaite indiquer que le choix de créer une mission budgétaire à part entière, la mission « Plan de relance » lui semble pertinent pour renforcer la visibilité de la relance, son suivi et son évaluation. Un effort de visibilité sur le suivi des crédits affectés à la relance au sein des programmes classiques mais non rattachés à la mission « Plan de relance » est en revanche souhaitable, pour le bon exercice du travail de contrôle du Parlement.

B.   Se donner les moyens d’une mise en œuvre et d’un suivi efficace

Comme l’a indiqué le Premier ministre dans son discours de présentation du plan de relance du 3 septembre dernier, le Gouvernement s’est engagé à respecter trois principes de méthode que sont la concertation, le suivi de l’exécution et enfin la territorialisation du plan.

De façon concrète, trois types de structures devraient apparaître avec le déploiement du plan de relance :

– un comité de pilotage mis en place au niveau national, associant notamment les directeurs d’administrations et le ministre délégué auprès du Ministre de l’économie et des finances, chargé des comptes publics ;

 des comités de suivi régionaux qui seront chargés d’informer l’ensemble des acteurs locaux sur les modalités de mise en œuvre du plan de relance, incluant des représentants de l’État, des collectivités locales et des partenaires sociaux ;

 un Conseil de suivi de la relance, chargé de procéder à une revue de l’avancement du plan d’un point de vue sectoriel et territorial.

Les régions devraient être particulièrement sollicitées dans le cadre de la relance, conformément à l’accord de méthode signé avec l’État le 30 juillet dernier et à l’accord de partenariat qui est venu affiner cette démarche le 28 septembre dernier ([16]). Des sous-préfets à la relance devraient également être nommés prochainement.

Votre Rapporteure estime que ces éléments de pilotage du plan « France Relance » apparaissent, en l’état actuel des informations, satisfaisants.

Elle souhaite néanmoins que le Gouvernement fournisse au Parlement davantage d’informations sur le calendrier de mise en place de ces différentes structures d’ici la fin de l’année 2020, ainsi que sur leur mode de fonctionnement et la nature des tâches qui leur seront affectées.

Votre Rapporteure s’interroge également sur la place des parlementaires au sein du dispositif de suivi du plan de relance. Relais territoriaux et élus de la Nation, ils ont un positionnement intermédiaire utile pour faire connaître les mesures existantes et faire remonter les difficultés du terrain auprès des ministères concernés.

Sur le sujet du suivi du plan de relance, les auditions conduites font apparaître qu’un reporting mensuel des crédits budgétaires sera fourni aux parlementaires. Votre Rapporteure s’en réjouit, et propose même que l’administration mette en place un tableau de bord numérique du plan de relance permettant à chaque citoyen de disposer des informations actualisées sur l’application des « grandes mesures » du plan.

Votre Rapporteure formule également le souhait que la commission des affaires économiques soit pro-active dans le suivi du plan de relance, en s’inspirant de son mode de fonctionnement pendant le confinement.

Enfin, votre Rapporteure s’interroge sur la question des moyens humains proposés pour déployer le plan de relance. Ce point est en effet revenu régulièrement lors de ses auditions, auprès d’acteurs variés, appartenant ou non à l’administration. Le projet annuel de performances (PAP) 2021 de la mission « Plan de relance » ne comprend de dépenses de titre 2 que pour le programme « Cohésion », à hauteur de 43 millions d’euros, concentrées sur l’action n° 2 « Jeunes ». Une vigilance particulière semble nécessaire sur ce sujet, pour que des délais de traitement ne mettent pas à mal la volonté de rapidité de mise en œuvre du plan affichée par le Gouvernement.


—  1  —

   seconde partie :
les mesures du plan de relance en faveur de l’agroécologie et du numérique

I.   LE SOUTIEN De la mission « PLAN DE RELANCE » À LA TRANSITION AGRO-ÉCOLOGIQUE

A.   Les potentialités offertes par la conversion agro‑écologique

La France, par son climat tempéré et son histoire, est un pays où l’agriculture joue encore un rôle important. Selon les données établies par le service des statistiques du ministre de l’agriculture (AGRESTE), 54 % des sols du territoire métropolitain avaient un usage agricole en 2015. La production agricole, hors subventions, représentait en 2019 une valeur ajoutée de 76,2 milliards d’euros, soit 3,3 % du produit intérieur brut (PIB). Le monde agricole façonne les paysages ruraux et contribue à la vitalité des territoires.

L’agriculture contribue également aux émissions de gaz à effet de serre : le secteur consomme chaque année un peu moins de 4,5 mégatonnes équivalent pétrole (MTEP), soit 3 % de la consommation énergétique globale de la France ([17]). La répartition par source d’énergie (mix énergétique) reste dominée par les énergies fossiles, qui représentaient près des trois quarts de la consommation agricole en 2017. La part des énergies renouvelables restait encore très faible à cette époque (environ 4 %). Pour autant, le secteur est aussi victime du réchauffement climatique, comme l’actualité le montre régulièrement avec l’instabilité du climat et les phénomènes de sécheresse. L’agriculture peut enfin offrir des solutions contre le réchauffement climatique : elle est un secteur clé dans la transition énergétique et climatique.

L’agro-écologie est parfois confondue avec la notion d’agriculture durable, mais les deux notions ne se recoupent pas complètement : l’un des pères de l’agro-écologie, l’universitaire Miguel Altieri, présentait l’agro-écologie comme une base scientifique à une agriculture alternative, et plus précisément : « […] une approche de la production alimentaire essayant d’assurer des rendements durables par l’utilisation de techniques de gestion écologiquement saines ([18]) ».

L’agriculture durable est l’un des résultats attendus de la démarche agro‑écologique : elle s’appuie sur des exploitations à la fois viables en matière économique, acceptables socialement et saines sur un plan écologique. Comme l’explique l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME), « la démarche agro-écologique vise à favoriser les entrées naturelles d’éléments et d’énergie dans l’agrosystème tout en gérant leur recyclage en son sein ».

Les pratiques recommandées pour les productions végétales et animales qui ont comme objectif la réduction, voire la suppression, des intrants sont les suivantes : l’agroforesterie qui situe l’arbre et la haie comme des alliés précieux de la fertilité et de la protection des cultures et des animaux, les techniques simplifiées de travail du sol (couvertures permanentes des sols, semis sous couverts et retour au sol d’une partie de la biomasse), les rotations longues et les diversifications des cultures, incluant précisément des légumineuses, l’élevage en plein air et le pâturage en système herbagé, notamment pour le confort animal, le  recours au biocontrôle pour la protection des végétaux.

Le tableau ci-dessous illustre de manière simplifiée les flux d’intrants (engrais, matières organiques, énergie) et de polluants au sein d’un territoire agricole et montre comment la mise en place de pratiques agro-écologiques peut contribuer à leur réduction :

Modèle conventionnel en polyculture d’élevage

Installation agricole

Intrants

Impact sur l’environnement

Bâtiment d’élevage

Chauffage et électricité

Alimentation animale

Dioxyde de carbone (CO2), méthane (CH4), protoxyde d’azote (N2O), ammoniac (NH3).

Espace de stockage (silos, etc.)

Chauffage et électricité

Méthane (CH4), protoxyde d’azote (N2O), ammoniac (NH3).

Terre à cultiver

Carburant (machine agricole)

Engrais minéral

Méthane (CH4), protoxyde d’azote (N2O), ammoniac (NH3).

Champ cultivé

Carburant (machine agricole)

Dioxyde de carbone (CO2)

Pâturage (animaux d’élevage)

Néant

Méthane (CH4)

Sous-sol

Nitrates

Pollution des nappes phréatiques


—  1  —

Pratiques agro-écologiques et effets sur l’environnement

Installation agricole

Intrants

Impact sur l’environnement

Bâtiment d’élevage

Alimentation animale

Production de chauffage et d’électricité renouvelables

Dioxyde de carbone (CO2), méthane (CH4), protoxyde d’azote (N2O), ammoniac (NH3).

(niveau réduit)

Espace de stockage (silos, etc.)

Production de chauffage et d’électricité renouvelables

Énergies renouvelables

Terre à cultiver

Carburant (machine agricole)

Engrais minéral en quantités réduites

Méthane (CH4), protoxyde d’azote (N2O), ammoniac (NH3).

(niveau réduit)

Champ cultivé avec fixation biologique de l’azote de l’air

Carburant (machine agricole)

Dioxyde de carbone (CO2)

Absorption du niveau d’azote (N2)

Pâturage (animaux d’élevage)

Aménagement de puits de carbone (haies)

Néant

Méthane (CH4)

Absorption de dioxyde de carbone (CO2)

Sous-sol

Nitrates

(niveau réduit)

Pollution des nappes phréatiques

(niveau réduit)

Sources : ADEME – Dix fiches pour accompagner la transition agroécologique.

B.   L’insuffisance des mécanismes financiers existants de soutien à l’agro-écologie

La montée en puissance de l’agro-écologie s’appuie, tout naturellement, sur des activités de recherche ambitieuses en matière de techniques de production et de biocontrôle. Elle suppose la mise en œuvre d’un accompagnement des agriculteurs dès la première étape de leur conversion, à savoir l’évaluation de la qualité environnementale de leur exploitation, ainsi qu’un soutien à la conversion. L’adaptation des pratiques, qui peut durer plusieurs années selon la filière concernée, correspond à des achats d’équipements et à un réaménagement des exploitations. L’exploitant subit également des contraintes de trésorerie liées à la baisse des rendements, qui n’est pas encore compensée par une augmentation des prix et de la demande.

Avant même le plan de relance, cet accompagnement s’est traduit par la mise en œuvre, dès 2017, des mesures suivantes, financées par le « Grand plan d’investissement » (GPI) :

1/ Le « fonds Avenir Bio », confié à l’Agence Bio lors du lancement du plan Ambition Bio, dont l’objectif est de parvenir à 15 % de surface agricole biologique en 2022. Les crédits issus du GPI sont inscrits sur l’action n° 21 « Adaptation des filières à l’évolution des marchés » du programme 149 « Compétitivité et durabilité de l’agriculture de l’agroalimentaire de la forêt, de la pêche et de l’aquaculture ».

Le fonds est destiné à favoriser la structuration des filières de production biologique par l’apport d’un soutien financier direct aux investissements des exploitations : stockage, équipements de production, conditionnement, transformation, etc.

Il peut également financer un appui technique à la production, à la traçabilité et à la qualité des produits ainsi qu’à la recherche de nouveaux débouchés ;

2/ Un dispositif d’aide à la structuration des filières agricoles et agroalimentaires, géré sous la forme d’appels à projets lancés par l’Établissement national des produits de l’agriculture et de la mer (FranceAgriMer) destinés à favoriser les alliances entre maillons d’une même filière (producteurs, transformateurs, distributeurs) autour d’un objectif commun, notamment agroécologique. Les crédits sont également inscrits sur l’action n° 21 du programme 149 précité ;

3/ Les mesures d’aide agro-environnementale et climatique (MAEC) allouées en contrepartie d’un engagement contractuel formalisé par un cahier des charges, cofinancées par le Fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER) et inscrites sur l’action  24 « Gestion équilibrée et durable des territoires » du programme 149 précité.

À ces dispositifs s’ajoutent les actions menées par les chambres régionales et départementales d’agriculture dans le cadre des programmes de développement agricole et rural (PDAR) visant au développement de nouvelles pratiques agricoles, financées dans le cadre du compte d’affectation spéciale « Développement agricole et rural » (CASDAR) par le produit de la taxe sur le chiffre d’affaires sur les exploitants agricoles ([19]).

En 2019, le cumul de l’ensemble de ces mesures représentait un total de 106,73 millions d’euros en autorisations d’engagement (AE) et 143,12 millions d’euros en crédits de paiement (CP).

 

mesures de soutien à la transition agro-écologique financées sur le programme 149 et le CASDAR en 2019

 

Programme

Action

GPI

AE 2019 (réalisé)

CP 2019 (réalisé)

Fonds avenir Bio

P149

21

oui

8 000 000 €

4 000 000 €

Aide à la structuration des filières

P149

21

oui

3 600 000 €

3 600 000 €

MAEC

P149

24

oui

56 687 570 €

97 077 886 €

CASDAR

P775

1

non

38 445 216 €

38 445 216 €

Total

106 732 786 

143 123 102 

Source : RAP 2019.

L’agriculture française s’est engagée dans la transition agro-écologique, mais le processus est encore loin d’être parvenu jusqu’à son terme : en 2019, selon l’Agence Bio, seule 8,5 % de la surface agricole (2,3 millions d’hectares) est conduite selon le mode biologique. La France dénombrait 47 196 producteurs « bio » cette année-là, soit à peine plus de 10 % du total des exploitations.

C.   les conditions de succès de l’accélération de la transition agro-écologique opérée par le plan de relance

1.   Le changement d’ordre de grandeur opéré par le plan de relance

Lors de l’annonce du Plan de relance, le 3 septembre dernier, le Gouvernement a réaffirmé sa volonté de procéder à une accélération de la transition agro-écologique : « les enjeux environnementaux et climatiques sont majeurs en agriculture […]. Y répondre nécessite une transition de notre modèle agricole vers des systèmes agro-écologiques plus résilients, transition que nous devons accélérer. L’importance de notre souveraineté alimentaire et les demandes pour des produits locaux qui se sont exprimées tant au cours de la crise sanitaire que par la convention citoyenne n’ont fait que confirmer ce besoin ([20]). »

La « transition agricole » fait logiquement partie des volets les plus importants du programme « Écologie » de la mission « Plan de relance ». Cette action n° 6 est dotée au global de 1,12 milliard d’euros en AE et de 390 millions d’euros en CP. Dans cet ensemble, le thème de la transition agro-écologique est décliné en une série de douze mesures, dont sept concernent au premier chef les exploitations et les entreprises :

1/ Le lancement par FranceAgriMer d’une nouvelle vague d’appels à projets consacrée à la « structuration des filières » : 54 millions d’euros en AE, 16,5 millions d’euros en CP ;

2/ Le renforcement du fonds Avenir Bio (10 millions d’euros en AE et 2,5 millions d’euros en CP). Si l’on ajoute les crédits alloués au fonds via le programme 149 (8 millions d’euros en AE/CP), le dispositif est plus que doublé en AE (18 millions d’euros) ;

3/ Un dispositif d’aide à la préservation et à la reconquête des haies (50 millions d’euros en AE et 11 millions d’euros en CP) ;

4/ Un accès facilité des agriculteurs aux diagnostics et bilans carbone de leurs exploitations (10 millions d’euros en AE) ;

5/ Le versement d’une prime aux exploitants agricoles souhaitant acquérir des agroéquipements plus performants (135 millions d’euros en AE et 71 millions d’euros en CP) ;

6/ L’attribution d’aides à l’investissement pour augmenter la résilience des exploitations face aux aléas climatiques (100 millions d’euros en AE et 32,5 millions d’euros en CP) ;

7/ La mise en place d’un dispositif de soutien aux entreprises d’agroéquipements et de biocontrôle (15 millions d’euros en AE et 3,5 millions d’euros en CP).

mesures de soutien à la transition agroécologique financées sur la mission « plan de relance »

 

Programme

Action

AE 2021

CP 2021

Fonds Avenir Bio

P362

5

10 000 000 €

2 500 000 €

Aide à la structuration des filières

P362

5

54 000 000 €

16 500 000 €

Préservation et reconquête des haies

P362

5

50 000 000 €

11 000 000 €

Bilan carbone

P362

5

10 000 000 €

-   €

Aide à l’acquisition d’agroéquipements

P362

5

135 000 000 €

71 000 000 €

Protection contre les aléas climatiques

P362

5

100 000 000 €

32 500 000 €

Entreprises d’agroéquipements et biocontrôle

P362

5

15 000 000 €

3 500 000 €

Total

374 000 000 

137 000 000 

Hors de la mission « Plan de relance », on peut constater, par ailleurs, que des moyens financiers importants ont été maintenus dans le cadre du programme 149, notamment au titre des MAEC (AE : 123,28 millions d’euros ; CP : 116 millions d’euros) et du CASDAR (38,65 millions d’euros en AE/CP) dans le PLF 2021. L’ambition du Gouvernement aboutit donc à la mobilisation de moyens considérables sur des objectifs variés, traduisant une volonté de traiter l’ensemble des critères de la transition agro-écologique.

2.   Le nécessaire accompagnement des exploitations pendant la période de transition

La crise née de la pandémie de le covid-19 est venue frapper une agriculture française déjà fragilisée. Les producteurs agricoles ont perdu, dans leur majorité, des débouchés importants avec le ralentissement des exportations, la fermeture des marchés de plein vent et des restaurants. Dans une note d’analyse publiée en juin dernier ([21]), la cellule de veille « Agriculture et alimentation » de la commission des affaires économiques du Sénat estime que « les effets de la crise seront durables compte tenu de son impact sur les cours des matières agricoles » et énumère les nombreuses filières susceptibles d’être impactées par la baisse des cours et les restrictions aux exportations : secteur de la volaille, fromages sous signe de qualité, pommes de terre, filières viticoles, brassicoles et cidricoles, etc.

Selon le secrétaire de l’Assemblée permanente des chambres d’agriculture (APCA) ([22]), cette crise intervient dans des conditions climatiques particulièrement difficiles : après un hiver très doux, l’été 2020 a été le plus sec depuis 1959, ce qui a entraîné des chutes de rendements dans certains secteurs (- 25 % pour le blé, par exemple). Or, les aides prévues pour les agriculteurs dans le cadre du plan de relance sont toutes des mesures structurelles d’aide à l’investissement, alors que certaines exploitations n’ont même pas les moyens d’avancer les fonds nécessaires. Une étude de l’AGRESTE menée en 2018 sur la seule région Île-de-France avait, en effet, conclu que 492 exploitations agricoles, soit 13,5 % du total régional, étaient en situation de « fragilité ([23]) » financière en 2016.

L’aide à la conversion agro-écologique doit s’appuyer sur un diagnostic préalable, un soutien temporaire adapté à la trajectoire économique des exploitations qui se traduit schématiquement en forme de courbe en J, puis une aide de plus long terme (prime d’investissement). Les deux premiers volets existent dans le plan de relance, mais pas le troisième.

Durant la crise, toutes les entreprises, y compris celles relevant du secteur agricole ([24]), ont pu bénéficier du « prêt garanti par l’État » (PGE), dispositif de garantie venant en soutien d’un financement bancaire. Un dispositif similaire, centré sur les très petites, petites et moyennes entreprises (TPE-PME) du secteur agricole et conditionné à l’engagement d’une démarche de conversion agro‑écologique, pourrait être proposé afin de donner aux mesures du plan de relance toute leur cohérence.

S’agissant d’une garantie d’État, celle-ci devra probablement faire l’objet d’une notification préalable à la Commission européenne au titre du régime juridique de l’Union applicable aux aides d’État ([25]). On peut rappeler, à cette occasion, qu’un dispositif de garantie de prêt consacré à la transition agroécologique ([26]) a été mis en place en 2019 par la région Nouvelle-Aquitaine en coopération avec le Fonds européen d’investissement.

II.   LE SOUTIEN DU PLAN DE RELANCE À LA TRANSITION NUMÉRIQUE

A.   Le numérique : outil de resilience individuelle et collective

La crise sanitaire liée à l’épidémie de le covid-19 a mis en exergue le rôle majeur du numérique comme outil de résilience individuelle et collective.

Le numérique a d’abord été un outil de résilience individuelle pour les citoyens, en leur permettant de maintenir des liens sociaux avec leurs proches à distance via internet. Le recours à la pratique du télétravail, qui a concerné au cœur de la crise plusieurs millions de Français, s’est démocratisé, faisant reculer les réticences initiales de certains employeurs et de certains salariés.

Le numérique a également été d’un précieux secours pour les entreprises en période de crise. Les données fournies par les points de conjoncture de la Banque de France ([27]) font en effet apparaître, en toute logique, que le niveau de numérisation des entreprises a été un facteur déterminant dans leur capacité à réduire leurs pertes liées à la fermeture des points de vente physique.

Enfin, votre Rapporteure note que le numérique a été un outil de résilience collective, au sens où nos infrastructures numériques, biens communs, ont amorti le choc économique et psychologique du confinement et de la crise. Nos réseaux ont été résilients en absorbant un choc d’usage important en mars (+ 30 %). La mobilisation des opérateurs, des OTT, et de l’État doit être salué à ce sujet.

B.   Des fractures persistantes

La crise sanitaire a également révélé, en contrepoint, les fractures numériques qui traversent notre pays.

1.   Des inégalités d’accès aux infrastructures numériques

Les inégalités d’accès aux infrastructures numériques sont apparues plus difficilement supportables que jamais, dans un contexte où une connexion de qualité à internet était devenue, bien souvent, une condition sine qua non pour poursuivre ses activités sociales et professionnelles.

Ces inégalités sont importantes entre les territoires urbains et les territoires ruraux. Les chiffres de l’observatoire du très haut débit de l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (ARCEP) le démontrent : 91 % des locaux en zone très dense sont couverts en très haut débit, contre 42 % seulement en zone moins dense d’initiative publique, c’est-à-dire en zone RIP (chiffres au deuxième trimestre 2020). Au niveau européen, la France se trouve en dessous de la moyenne européenne pour la couverture en haut débit fixe (71 % des ménages, contre 78 % en moyenne dans l’UE en 2019) et se classe en 18e position en termes de connectivité.

2.   Des inégalités en matière de compétences numériques

Les inégalités en termes de compétences numériques élémentaires ont également été un handicap important pour de nombreux citoyens pendant la crise. En France, on estime que près de 13 millions de personnes souffrent d’illectronisme, soit une incapacité à être autonome avec les outils numériques. Ces difficultés participent à éloigner du marché du travail ces personnes, qui rencontrent également des difficultés pour accéder à des services publics de plus en plus dématérialisés. Le classement DESI 2020 confirme ces fragilités, avec un classement de la France à la 17e position en Europe sur le critère « capital humain numérique » (tous facteurs confondus).

3.   Des inégalités en termes de numérisation des entreprises

La dernière fracture révélée et accentuée par la crise est enfin celle de la numérisation des entreprises, qui correspond assez largement à un effet taille. Les TPE/PME restent faiblement numérisées dans notre pays, ce qui a rendu difficile leur « transition éclair » vers le « tout numérique » afin de continuer, par exemple, de vendre leurs produits.

Une enquête CPME/Sage en date de 2019 démontre le manque d’acculturation aux opportunités du numérique pour ces acteurs, puisque seuls 34 % des dirigeants des TPE de 1 à 9 salariés déclaraient à cette date (donc avant la crise) que la transformation numérique de leur entreprise était soit déjà effectuée, soit en cours de réalisation.

Ce retard important a été préjudiciable à la résilience de notre tissu de TPE‑PME. En France, « les niveaux d’adoption du commerce électronique par les entreprises françaises sont inférieurs à la moyenne de l’UE » ([28]), avec un taux de recours de 15 % pour les TPE/PME françaises contre 18 % en moyenne au sein de l’UE et 45 % pour les grandes entreprises.

Ces trois fractures recoupent en outre, un quatrième enjeu, qui est celui de la souveraineté numérique. La majorité des solutions utilisée par les salariés et les entreprises sont en effet d’origine étrangère, ce qui soulève des questions légitimes de protection des données et de lutte contre l’espionnage économique, dans un contexte où les États-Unis, par exemple, revendique une extra-territorialité de leur droit dans ce domaine (Cloud Act).

C.   Un plan à la hauteur deS ENJEUX

Votre Rapporteure considère que le volet numérique du plan de relance proposé, qui est en partie transversal, est à la hauteur de la nécessité d’accélérer la transition numérique de notre société pour réparer les fractures décrites ci‑dessus.

Les mesures proposées au sein de la mission « Plan de relance » concernent les domaines des infrastructures numériques (renforcement du plan France Très Haut Débit), de l’inclusion numérique (recrutement de médiateurs entre autres), de la numérisation des TPE, PME et ETI (renforcement de France Num, soutien à l’investissement, IA Booster) et enfin de la mise à niveau numérique de l’État et des territoires (projets ministériels et territoriaux variés de numérisation). Des mesures spécifiques sont également prévues, dans le domaine de la formation aux métiers du numérique et pour soutenir la numérisation de certains secteurs d’activités (automobile, aérien).

En outre, la plupart des actions de transformation des secteurs économiques incorporent une dimension numérique, sans qu’il soit possible, pour des raisons évidentes, de toutes les recenser.

Enfin, des mesures importantes, comme le renforcement de la numérisation des systèmes d’information de nos infrastructures de santé, seront mises en œuvre dans le cadre de la relance, sans être nécessaiement rattachées à la mission budgétaire « Plan de relance ».

Au total, en intégrant les mesures de soutien aux technologies numériques (deep tech), l’effort annoncé par le Gouvernement en faveur du numérique au sein du plan de relance est sans précédent, avec 7 milliards d’euros investis sur deux ans, qui se décomposeraient de la façon suivante :

– 3,7 milliards d’euros pour le soutien aux start-up et aux technologies d’avenir, abondé largement par le programme d’investissements d’avenir ;

– 2,3 milliards d’euros destinés à la transformation numérique de l’État, des territoires, et des entreprises ;

– 300 millions d’euros destinés à la formation aux métiers du numérique

– 800 millions d’euros investis dans le « numérique du quotidien » (plan France Très Haut débit et inclusion numérique ».

Au niveau budgétaire, pour l’année 2021, le projet de loi de finances intègre les principales mesures suivantes :

 1,5 Md € en AE et 925,9 M € en CP consacrés à la transformation numérique de l’Etat et des territoires ;

 329 M € en AE et 184 M € en CP destinés de la numérisation des TPEPME-ETI ;

 490 M € en AE et 125 M € en CP prévus pour le développement du très haut débit et de l’inclusion numérique du territoire.

La présente mission « Plan de relance » concentre donc, sur ces trois mesures principales, 2,3 Md € en AE et 1,4 Md € en CP stricto sensu.

Il convient d’ajouter à cette estimation les mesures transversales de soutien à la numérisation de l’économie (automobile, aéronautique, formation), ce qui porte le total à plus de 1,5 Md d’euros de CP décaissés en 2021, sans intégrer les financements destinés à préserver la souveraienté technologique de notre pays.

1.   Des moyens importants pour numériser les TPE-PME-ETI

La numérisation des entreprises se voit affecter 329 millions d’euros en autorisations d’engagement (AE) et 184 millions d’euros en crédits de paiement (CP) dans le cadre d’une action dédiée « Mise à niveau numérique de l’État, des territoires et des entreprises – modernisation des administrations régaliennes » au sein du programme n° 363 « Compétitivité ».

Dans le détail, trois dispositifs sont mis en place :

– un soutien à l’investissement des PME et ETI industrielles dans les technologies innovantes de l’industrie du futur, géré par l’Agence de services et de paiements (238 millions d’euros en AE, 130 millions d’euros en CP) ;

– un financement et un accompagnement des TPE, PME dans leurs projets de mise en place de solutions d’intelligence artificielle, géré par Bpifrance (IA Booster, 55 M€ en AE et 32 M€ en CP) ;

– un renforcement des actions menées par France Num (36,10 M€ en AE, 22 M€ en CP).

Le PAP du PLF 2021 précise que ces montants viennent compléter les montants déjà débloqués dans le cadre de la LFR 3 de juillet 2020, ce qui porte l’enveloppe totale à 385 millions d’euros sur la durée du plan de Relance.

Votre Rapporteure salue l’effort mis en œuvre par le Gouvernement pour soutenir la numérisation des entreprises. Elle approuve également le soutien spécifique apporté à la technologie d’intelligence artificielle, qui peut générer des gains de compétitivité important y compris pour de petites structures. Il lui semble néanmoins qu’il faut prêter attention à la bonne identification, par les acteurs ciblés, des interlocuteurs chargés de mettre en place ces mesures. La visibilité de France Num doit en outre s’accroître dans les territoires. Une logique pro-active de guichet unique de numérisation des entreprises serait souhaitable.

2.   Un soutien actif aux différents projets de numérisation de l’État et des territoires

Au sein de la même action, la transition numérique de l’État et des territoires se voit affecter 1,5 milliard d’euros en AE et 925,9 millions d’euros en crédits de paiement pour l’année 2021.

Cette action correspond au soutien destiné à un ensemble varié de projets de numérisation de l’État et des territoires, qui sont résumés dans le tableau suivant.

projets de numÉrisation -  plan de relance - 2021

(euros)

Acteur

Contenu

AE 2021

CP 2021

Ministère de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports

Continuité pédagogique – continuité administrative – transformation numérique des fédérations sportives – développement de plateformes sportives digitales

175 000 000 €

123 800 000 €

Ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation

Financement du lieu préfigurateur du futur campus  de recherche et d’innovation en santé numérique du Val de Grâce - Hybridation et équipements numériques universitaires.

80 000 000 €

80 000 000 €

Ministère de l’intérieur

24 projets, dont un projet de modernisation des emprises immobilières du MINT – identité numérique – SAIP

494 100 000 €

482 000 000 €

SPM – ANSSI

Renforcement de la sécurité du socle numérique de l’État – accroissement de la couverture des  systèmes de détection et exploration de ses systèmes par l’ANSSI

136 000 000 €

32 000 000 €

Ministère de la transformation et de la fonction publique

Sac à dos numérique de  l’agent public – soutien à l’innovation et à la transformation numérique de l’État et des territoires

499 000 000 €

178 200 000 €

Enveloppe interministérielle – appels à projets

NP.

115 500 000 €

30 000 000 €

TOTAL

X

1 499 600 000 

925 800 000 

Source : PAP 2021 – Mission « Relance »

Votre Rapporteure constate que l’effort mis en œuvre pour accélérer l’ensemble des projets de numérisation de l’État et des territoires est sans précédent. Elle salue donc l’importance des montants engagés, tout en soulignant la nécessité d’assurer un suivi régulier de l’ensemble de ces projets et de les coordonner au maximum, afin de réaliser les gains d’efficience possible sur les briques technologiques.

3.   Un renforcement bienvenu du plan France Très Haut Débit, qui doit néanmoins se traduire sur le terrain

Le plan de relance prévoit en effet un renforcement du financement attribué au plan France Très Haut Débit à hauteur de 240 millions d’euros en AE en 2021, en lien avec la généralisation de la fibre sur l’ensemble du territoire d’ici 2025. Ces crédits sont situés dans l’action n° 07 « Cohésion territoriale » du programme 364 « Cohésion ».

Votre Rapporteure note qu’il s’agit, comme la loi de finances rectificative du 3 juillet 2020 (+ 30 millions d’euros pour 2021 en AE) de crédits réels en autorisations d’engagement (AE) et non du maintien de crédits non dépensés (comme les 280 millions d’euros recyclés annoncés en février 2020).

Si votre Rapporteure salue le fait qu’en effet 550 millions d’euros, au total, seront réinvestis ou maintenus dans le plan France Très Haut Débit, elle manifeste une vigilance sur la capacité réelle d’accélération du déploiement du THD, en particulier dans les zones denses, en vue de l’atteinte des objectifs de 2025, au regard, notamment, du ralentissement consécutif à la crise sanitaire et du faible niveau d’avancement de certains réseaux d’initiative publique.

4.   Un effort salutaire en faveur de l’inclusion numérique

Face aux 13 millions de Français qui souffrent d’illectronisme, l’effort proposé par le Gouvernement dans le plan de relance en faveur de l’inclusion est important, avec 250 millions d’euros en AE et 125 millions d’euros en CP dès 2021 consacrés à la mise en œuvre de nouveaux lieux favorisant la montée en compétences numériques des citoyens grâce à des outils innovants et à des personnels formés.

Sur ces 250 millions d’euros, 200 millions devraient être consacrés au recrutement, à la formation et à la mise à disposition de médiateurs numériques, 45 millions d’euros pour les lieux concernés, et 5 millions d’euros affectés à AidantsConnect.

Votre Rapporteure souhaiterait néanmoins que les modalités concrètes de mise en œuvre de cette action soient précisées et concertées avec les collectivités locales. Elle prend position, à titre personnel, en faveur du déploiement d’acteurs qualifiés, ce qui nécessite un niveau de rémunération adéquat et un ciblage efficace de leur positionnement sur le territoire national.

5.   Des mesures à préciser pour soutenir la diffusion du numérique

D’autres mesures sont mises en œuvre pour assurer une diffusion plus large du numérique au sein de notre économie.

Le Gouvernement a d’abord annoncé 300 millions d’euros qui devraient être investis dans le cadre de la formation aux métiers du numérique.

Votre Rapporteure salue cette mesure mais observe que sa lisibilité budgétaire au sein du PAP 2021 n’est pas parfaite. S’il semble que ces financements soient logiquement portés par les actions « Jeunes » (2) « Formation professionnelles » (4) du programme 364 « Cohésion », leurs modalités de mise en œuvre pour 2021 (montants, décaissements, contenu), ne sont pas encore connues.

Le Gouvernement a également indiqué que 200 millions d’euros seraient consacrés à l’accélération de la numérisation des filières aéronautique et automobile dans leurs plans de soutien dédiés (action n° 08 « énergies et technologies vertes ») sans que le niveau de décaissement et le calendrier ne soient spécifiés dans le PAP 2021. Sur ce sujet, également, il convient de renforcer le niveau d’information à la disposition du Parlement.

6.   Des moyens supplémentaires pour les entreprises technologiques

La promotion de la souveraineté numérique est au cœur du plan de relance, entendue d’une façon large.

L’essentiel du soutien sur ce sujet sera abondé par le PIA (2,4 Md d’euros sur les 3,7 Md prévus par le plan), en particulier pour simplifier et renforcer l’écosystème d’aides à l’innovation de Bpifrance (volet structurel du PIA 4) et cibler les marchés clefs où la France doit se positionner (volet dirigé du PIA 4).

Votre Rapporteure relève principalement deux actions de la mission « Plan de relance », qui viennent appuyer les acteurs technologiques.

Il s’agit, en premier lieu, de l’action « financement des entreprises » (904 M€ en AE et 757 M€ en CP), qui prévoit l’abondement des fonds d’investissement régionaux (250 M € en AE et en CP) et le renforcement des fonds de garantie de Bpifrance (464 M€ en AE et 327 M€ en CP).

Il s’agit ensuite de l’action « Souveraineté technologique et résilience », qui est dotée de 1,57 Md € en AE et de 923 M € en CP et contient les mesures suivantes :

– soutien au secteur spatial et financement de la recherche duale (515 M € en AE et 350 M € en CP) ;

– la préservation de l’emploi de R&D (300 M€ et 128 M €en CP) ;

– la relocalisation « sécurisation de nos approvisionnements critiques » (501 M € en AE et 240 M€ en CP) et « soutien aux projets industriels dans les territoires » (251 M€ en AE et 205 M € en CP).

Votre Rapporteure approuve le choix effectué en faveur de la souveraineté numériques et technologique française. Elle considère que les méthodes du PIA pourraient être utilement employées dans le cadre du suivi des mesures du plan de relance.


—  1  —

  EXAMEN EN COMMISSION

Au cours de sa réunion du mardi 13 octobre 2020, la commission des affaires économiques a examiné pour avis, sur le rapport de Mme Anne-France Brunet, les crédits de la mission « Plan de relance ».

Mme Annaïg Le Meur, présidente. Mes chers collègues, je vous rappelle que, conformément à la décision de la Conférence des présidents, la règle dite de la jauge s’impose de nouveau en commission, afin de limiter le nombre de présents. Je ne peux donc, en principe, accepter plus de trente-sept députés dans la salle. Si la question venait à se poser, j’inviterais le ou les groupes ayant plus de la moitié de leur effectif présent à faire sortir certains de leurs membres. Pour le moment, j’engage chacun d’entre vous à laisser une chaise libre à côté de lui et à éviter de s’asseoir face à un collègue. Bien évidemment, le port du masque demeure obligatoire, même pour les orateurs.

Je vous rappelle aussi que les présences en commission ne sont plus publiées en annexe au compte rendu et au Journal officiel ; en conséquence, les sanctions prévues à l’article 42 du règlement ne sont pas applicables.

Nous pouvons débuter, à présent, notre longue séquence d’examens des avis budgétaires portant sur les missions de la deuxième partie de la loi de finances. Nous y consacrerons la séance de cet après-midi, deux séances demain matin et après‑midi, ainsi que les réunions de mardi et de mercredi prochains. Il nous faut examiner, en effet, pas moins de quatorze avis budgétaires. Jusqu’à l’an passé, nous n’en présentions que treize, si je puis dire, notre commission étant de loin celle qui désigne le plus de rapporteurs budgétaires pour avis.

Un avis budgétaire supplémentaire s’est ajouté cette année, du fait de la création de la mission « Plan de relance », que nous examinons aujourd’hui. Notre rapporteure, Mme Anne‑France Brunet, nous a présenté la semaine dernière la partie fiscale du plan de relance contenue dans la première partie du PLF, à savoir la réduction des impôts de production supportés par les entreprises. Mme Brunet a disposé de quelques jours de plus pour étudier les crédits de la nouvelle mission. Je la remercie, ainsi que tous les rapporteurs pour avis, qui ont dû travailler dans des délais très contraints et en ne disposant que très tardivement, pour la plupart d’entre eux, des annexes au PLF essentielles à leur bonne information et à celle du Parlement.

Mme Anne-France Brunet, rapporteure pour avis. Comme vous le savez, la France a connu cette année une crise d’une ampleur exceptionnelle, dont les effets se sont fait sentir dès le printemps dernier et continueront de se propager pendant de longs mois encore. Il faut remonter en 1942, lorsque la France avait connu une récession de 10,5 %, pour trouver une contraction du produit intérieur brut plus forte que celle que nous connaissons aujourd’hui. Face à ce défi, le Gouvernement n’est pas resté inerte, tant s’en faut. Il a, comme vous vous en souvenez, réagi en proposant dès le printemps une série de mesures, elles aussi inédites, de soutien des ménages et des entreprises.

Il s’agit désormais d’inscrire cet effort dans la durée, en préservant les capacités productives de notre pays et en renforçant sa résilience face à la crise qui continuera de nous affecter l’an prochain. C’est précisément l’objet du plan de relance de 100 milliards d’euros présenté le 3 septembre dernier, qui s’inscrit résolument dans le cadre d’une relance de dimension européenne. Le choc budgétaire qui en découlera devrait permettre d’amplifier les premiers signes de reprise économique observés actuellement, avec une évolution globale du PIB estimée désormais à - 8,7 % pour l’ensemble de l’année 2020, contre une prévision initiale de la Banque de France à - 10,3 %.

Afin de ne pas diluer les mesures du plan de relance dans les méandres de la nomenclature budgétaire de l’État, le Gouvernement a fait le choix de rassembler une large part des dépenses envisagées sur l’exercice 2021 dans une mission entièrement nouvelle : la mission « Plan de relance ». Dotée de 36,4 milliards d’euros en autorisations d’engagement (AE) et de 22 milliards d’euros en crédits de paiement (CP), elle s’articule autour de trois priorités érigées en programmes : la transition écologique, la compétitivité et l’innovation et enfin la cohésion sociale et territoriale. Les sommes en jeu sont loin d’être négligeables et représentent 1,5 % de notre PIB. Bien évidemment, la mission « Plan de relance » n’a pas vocation à se maintenir dans la durée et devrait se limiter aux exercices budgétaires 2021 et 2022.

Ses programmes reprennent tantôt des mesures entièrement nouvelles, telles que le plan protéines végétales ou la stratégie nationale pour le développement de l’hydrogène décarboné, tantôt des actions existantes, comme le fonds de soutien à l’agriculture biologique, dont les moyens sont amplifiés de manière considérable. Votre rapporteure constate avec satisfaction que le volet « Écologie » est le plus important avec 18,4 milliards d’euros en AE. Il comporte des mesures d’aide à la rénovation thermique des bâtiments publics et privés, l’accélération de la transition agro-écologique et la création d’une filière de production d’hydrogène décarboné.

Le deuxième programme, « Compétitivité », est consacré à diverses mesures de soutien des entreprises, telles que le renforcement des fonds de garantie de Bpifrance, et à la numérisation des administrations publiques et des TPE‑PME‑ETI, pour un montant total en AE de 6 milliards d’euros.

Le troisième programme, « Cohésion », est doté de 12 milliards d’euros en AE. Il rassemble le dispositif d’aide à l’activité partielle de longue durée (APLD) instauré pendant la première phase de la crise sanitaire et qui a vocation à être prolongé jusqu’en 2022, l’élargissement du service civique, la création d’une aide à l’embauche des jeunes de moins de 26 ans, ainsi que le versement de l’allocation garantie jeunes.

Venons‑en aux conditions de succès du plan de relance. Cet effort financier inédit implique logiquement une vigilance particulière sur ses modalités d’application et de suivi. Je voudrais dire un mot sur ce sujet, à la lumière des auditions que j’ai menées. Je souhaite insister, en premier lieu, sur la nécessité de travailler à la lisibilité des mesures de relance. Le plan de relance en contient beaucoup ; or les acteurs économiques n’ont pas nécessairement le temps d’aller rechercher l’information. C’est pourquoi une vraie stratégie de communication doit être déployée, en mobilisant les supports physiques et numériques et surtout les relais territoriaux, interlocuteurs habituels des TPE-PME. Il faut entendre leur demande de simplicité. Je plaide en conséquence en faveur d’une logique de guichet unique, notamment dans le domaine de la numérisation des entreprises.

Il me semble également important que le suivi du plan de relance soit à la hauteur, pour tenir les objectifs fixés en matière de décaissement rapide des crédits. Sur ce sujet, je salue la création d’un conseil national de suivi de la relance et de comités régionaux de suivi, tout en attendant le détail de leurs modalités de fonctionnement. La nomination de sous‑préfets à la relance est également une bonne chose. Je souhaite néanmoins ajouter que les parlementaires doivent aussi être associés à cette démarche. Nous sommes en effet d’utiles relais, sur le terrain, pour faire connaître les mesures et remonter les difficultés de certains dispositifs. Il me semble utile, en outre, que la commission réfléchisse à organiser le suivi de la relance, sur un modèle proche de ce qui a été fait pendant le confinement.

Enfin, dernière condition de succès du plan de relance selon moi : les moyens humains de son déploiement. Les crédits budgétaires prévus doivent, sur ce point, être à la hauteur des attentes des acteurs, pour que des délais de traitement de dossier ne contreviennent pas à l’impératif de rapidité de mise en œuvre du plan.

Dans le cadre de mes travaux, j’ai choisi d’analyser plus précisément deux sujets majeurs qui incarnent, à eux seuls, l’ambition du plan de relance. Le premier de ces volets a trait à l’agro-écologie. Le secteur agricole est aujourd’hui à la croisée des chemins entre un modèle productiviste, soutenu par la consommation d’énergies fossiles, et un modèle plus résilient et plus durable, organisé autour d’exploitations viables sur le plan économique et saines sur le plan écologique. L’action de l’État en faveur de la transition agro‑écologique n’est bien évidemment pas nouvelle ; le plan de relance opère toutefois un changement d’ordre de grandeur très net.

Au sein de l’action 6 du programme « Écologie », les mesures de soutien des entreprises et des exploitations agricoles au titre de l’agro‑écologie représentent un total de 374 millions d’euros en AE et de 137 millions en CP, ce qui revient à tripler les moyens alloués jusqu’à présent dans ce domaine. L’agriculteur pourra notamment bénéficier d’un accès facilité à des prestations de diagnostic et de bilan carbone. Des aides diverses sont également prévues pour l’acquisition d’agro‑équipements plus performants et le renforcement de la résilience des exploitations.

Tout au plus peut-on regretter que le Gouvernement n’ait pas prévu de dispositif spécifique d’aide à la trésorerie pour les petites exploitations désireuses de s’engager dans une démarche de transition. Pour cette raison, j’ai choisi de proposer dans mon rapport d’étudier la création d’un dispositif de garantie de prêt consacré à la transition agro‑écologique, à l’instar de ce qui a été proposé l’an dernier par la région Nouvelle-Aquitaine.

S’agissant du soutien à la transition numérique, je ne reviendrai pas en détail sur la période du confinement, si ce n’est pour dire qu’elle a révélé tout à la fois l’utilité du numérique et les fractures de notre société dans ce domaine : inégalités dans l’accès aux infrastructures numériques, dans la maîtrise des compétences numériques et dans la numérisation de nos entreprises. À mon sens, ces trois sujets sont pris à bras-le-corps par le plan de relance, ce dont je me réjouis. Au total, sur deux ans, en intégrant les dépenses à destination des entreprises technologiques, ce sont 7 milliards d’euros qui seront engagés pour soutenir la transition numérique de notre pays.

La mission « Plan de relance » contient essentiellement trois mesures fortes : des crédits en faveur de la numérisation des entreprises, du déploiement de la fibre dans le cadre du plan France Très Haut Débit et de l’inclusion numérique et enfin de la numérisation de l’État et de ses territoires.

Comme vous le savez, la France est l’un des pays en Europe où l’utilisation du numérique par les TPE-PME est la plus faible. Selon une enquête menée par la CPME et Sage, en 2019, seuls 34 % des chefs de ces entreprises indiquaient que leur transformation numérique était en cours ou achevée. Le choc de la crise a donc été rude pour ces petites structures. Le projet de loi de finances 2021 affecte à cette priorité 329 millions d’euros en autorisations d’engagement et 184 millions d’euros en crédits de paiement dans le cadre d’une action dédiée.

Dans le détail, trois dispositifs seront mis en place : un soutien à l’investissement des PME et ETI industrielles dans les technologies innovantes de l’industrie du futur, géré par l’Agence de services et de paiement, représentant 238 millions d’euros en AE et 130 millions en CP ; un financement et un accompagnement des TPE et PME dans leurs projets pour définir des solutions d’intelligence artificielle, géré par Bpifrance, avec 55 millions d’euros en AE et 32 millions en CP ; enfin, un renforcement des actions menées par France Num, ce qui représente 36 millions d’euros en AE et 22 millions en CP.

Sur ce premier sujet, l’effort engagé pour rattraper notre retard est substantiel et doit être salué. Je reste néanmoins vigilante quant à l’application de ces mesures. Il faudra adopter une démarche pro-active forte et renforcer leur visibilité et celle de leurs opérateurs.

Concernant le renforcement du plan France Très Haut Débit, 240 millions d’euros supplémentaires en AE sont prévus. La généralisation de la fibre pour 2025 est un impératif majeur qui trouve une concrétisation budgétaire. Reste à la traduire sur le terrain, grâce à la reprise des déploiements à un rythme aussi soutenu que précédemment.

Le soutien aux infrastructures implique évidemment de promouvoir aussi l’inclusion numérique, en faveur de laquelle 250 millions d’euros en AE et 125 millions d’euros en CP sont prévus en 2021. Ces crédits nous permettront d’accélérer sur ce point et de tirer les leçons de la crise sanitaire. Avec les 300 millions d’euros annoncés sur deux ans pour les métiers d’avenir, l’effort en faveur d’une montée en compétences est important et portera ses fruits, à condition d’être correctement territorialisé.

Enfin, pour soutenir la numérisation de l’État et de ses territoires, 1,5 milliard d’euros en AE et 925,9 millions d’euros en CP seront engagés pour l’année 2021. Cela est inédit et envoie un message fort : l’État et les territoires doivent se numériser. Il faudra en revanche être attentif au pilotage de ces nombreux projets et travailler, autant que possible, à une coordination d’ensemble favorisant les mutualisations.

Je vous remercie, mes chers collègues, pour votre attention et j’émets un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Plan de relance ».

Mme Annaïg Le Meur, présidente. Madame la rapporteure, je vous remercie pour votre rapport riche en propositions, qui témoigne d’une volonté de simplification et de suivi, concernant aussi bien l’agro‑écologie que la numérisation de nos territoires et de nos petites et moyennes entreprises.

M. Stéphane Travert (LaREM). Le Gouvernement et le Parlement ont souhaité une mobilisation massive pour accompagner les entreprises et les ménages ; plusieurs mesures économiques et fiscales ont été prises pour faire face à l’urgence. Le plan de relance de 100 milliards d’euros prépare la transformation économique, sociale et écologique de notre pays. C’est le troisième pilier des réponses du Gouvernement à la crise sanitaire sans précédent que nous subissons. Cent milliards d’euros, c’est un tiers du budget annuel de l’État. L’accent est mis sur la transition écologique : 30 milliards d’euros sont ainsi alloués à la lutte contre le changement climatique, à la préservation contre les risques naturels, à la gestion des ressources en eau, à l’économie circulaire, à la lutte contre les pollutions ou encore à la protection des espaces naturels.

Le plan de relance, c’est aussi le soutien aux ménages, l’augmentation de l’allocation adulte handicapé, la réforme exceptionnelle de la prime d’activité, la hausse de 100 euros de l’allocation de rentrée scolaire, la baisse des impôts sur le revenu de près de 5 milliards d’euros et les mesures de soutien d’urgence concernant les minima sociaux, ainsi que la reconduction des dispositifs d’activité partielle, particulièrement utiles pour nos entreprises et nos salariés.

Articulée autour de trois axes : protéger, soutenir et relancer, c’est une relance nationale au sein d’une relance européenne, à la hauteur du moment. Le plan de relance obéit à une méthode, vise un objectif stratégique et respecte un principe fondamental : une exécution rapide. Il se fera en coordination étroite avec les acteurs publics, les régions, les collectivités locales et les élus, pour accélérer la relance grâce au maillage le plus fin possible de nos territoires. Chacun de nous devra veiller, quel que soit son engagement politique, à ce que le plan profite à chaque parcelle de nos circonscriptions. La concertation est une condition sine qua non de la réussite : les acteurs des territoires, les élus, les élus consulaires, les partenaires sociaux, les représentants des filières industrielles, le monde associatif, nos partenaires européens, mais aussi nos meilleurs experts doivent y être étroitement associés.

Écologie, compétitivité et cohésion sont les maîtres mots de ce plan pour construire la France de 2030 et réparer et protéger la France d’aujourd’hui. Le plan de relance investit dans l’économie, dans nos moyens de production, mais aussi dans l’humain pour conserver nos compétences, nos savoirs‑faire, qui font l’image de notre pays et son attractivité. La France et l’Europe doivent rester cette avant‑garde éclairée d’une économie prospère qui conjugue transformation, transition et audace. C’est ce à quoi notre collègue Mme Brunet nous invite dans son rapport très détaillé, dont il faut la remercier.

M. Fabien Di Filippo (LR). En matière de budget et d’investissements stratégiques, la boussole d’Emmanuel Macron et de la majorité s’apparente plutôt à une girouette : en à peine plus d’une année, nous sommes passés du « il n’y a pas d’argent magique » au « quoi qu’il en coûte », avec toutes les conséquences que cela implique. La dette battait déjà des records avant la crise du covid, puisqu’elle avait dépassé les 100 % du PIB ; elle devrait atteindre l’année prochaine 117,5 % du PIB, ce qui aura des conséquences sur les finances de la France et sur sa capacité à emprunter, puisque cela nous rapproche des pays en difficulté du Bassin méditerranéen. Le niveau du déficit à 10,2 % l’année prochaine est de trois points supérieur à celui de 2009, au moment de la plus grave crise financière que la France ait connu depuis le début du siècle. Cela nous interroge sur la manière dont ce plan sera financé, mais également la manière dont cet argent sera utilisé. Espérons que les annonces de demain soir ne créeront pas de nouvelles contraintes dans certains secteurs économiques, alors que l’absence de réformes structurelles dans une conjoncture pourtant porteuse depuis le début de ce quinquennat obère d’ores et déjà assez largement les capacités de rebond de l’économie française.

Ce plan s’articule autour de trois priorités : l’environnement, la compétitivité et la réduction des fractures territoriales, mais certains décalages peuvent paraître fâcheux. Vous parlez de mesures inédites en faveur de l’agriculture biologique ; mais il ne faut pas oublier que vous ne faites que réparer – partiellement – l’effet de certaines mesures prises au début du quinquennat. Les aides à la conversion promises sur cinq ans avaient été amputées à la moitié du programme, ce qui avait mis nombre d’agriculteurs en difficulté. On nous parle de hausse considérable aujourd’hui, mais prenons garde aux décalages avec la réalité du terrain.

Par ailleurs, si tout le monde a conscience qu’il faut modifier nos pratiques pour stabiliser nos ressources à long terme et endiguer le réchauffement climatique le plus possible, vous persistez dans la pratique d’une écologie punitive : ainsi, le malus écologique augmente de 1 milliard d’euros quand le bonus n’augmente que de 500 millions d’euros. Vous continuez à punir le contribuable, notamment celui qui vit dans la ruralité et qui n’a pas d’autre choix que la voiture.

Vous doublez les crédits de MaPrimeRénov’, mais il faut savoir que tous les dossiers ont pris sept ou huit mois de retard. Tous les crédits et les projets promis aux particuliers et aux entreprises, qui ont avancé des montants considérables, sont bloqués. Là encore, les acteurs du terrain nous font remonter un fort décalage entre le discours et la réalité. J’aurais aussi pu parler du secteur du train, avec ses 4,7 milliards d’euros qui ne sont, en réalité, que la conséquence d’engagements antérieurs, qui étaient même supérieurs.

Enfin, les impôts de production promis à la baisse sont ceux qui bénéficient aux collectivités et non ceux qui vont dans la poche l’État, ce qui laisse craindre une perte de dynamique de nos collectivités à la sortie de la crise. M. Travert a mentionné la baisse des impôts sur le revenu ; de fait, ils vont augmenter, dans la mesure où les seuils ne seront pas réévalués à la hauteur de l’inflation : certains, qui ne payaient pas l’impôt, vont y être soumis et les autres subiront une augmentation globale de 800 millions d’euros.

M. Jean-Luc Lagleize (MoDem). Le groupe MoDem et apparentés salue l’ambition du plan de relance, qui vise non seulement à poursuivre l’effort de soutien déjà engagé en faveur de la reprise économique et de l’emploi, mais aussi à transformer notre pays durablement, grâce à l’accélération de la transition écologique. Les moyens consacrés au plan de relance sont sans précédent, puisqu’ils totalisent 100 milliards d’euros, soit un tiers du budget annuel de l’État. Ce plan est aussi une occasion supplémentaire de démontrer ce que peut faire l’Union européenne pour les peuples de ses États membres : près de 40 milliards d’euros proviendront de la facilité européenne pour la reprise et la résilience. Le plan de relance doit être une véritable feuille de route pour la refondation économique, sociale et écologique de notre pays. Il doit lui permettre de renforcer son attractivité, de se positionner dans des secteurs d’avenir pour recréer de la valeur en France et de développer les relais de croissance de demain. Ses trois piliers, écologie, compétitivité et cohésion, s’inscrivent d’ailleurs dans la continuité des chantiers engagés depuis le début de la législature, suivant la même boussole.

Le volet consacré à l’écologie prévoit de nombreuses mesures en faveur de la préservation de la biodiversité et de la lutte contre l’artificialisation des sols. Je salue tout particulièrement la création d’un fonds de 300 millions d’euros pour financer des opérations de recyclage de friches urbaines et industrielles dans le cadre de projets d’aménagement urbain de revitalisation des centres-villes et de relocation d’activités, ainsi que la création d’un dispositif pour aider les collectivités locales à construire plus densément, en versant une prime aux maires accordant des permis de construire permettant de limiter l’artificialisation et l’étalement urbain. Vous vous souvenez certainement que j’avais défendu ces deux mesures l’année dernière dans ma proposition de loi sur le foncier ; je me réjouis de les voir prospérer. Elles permettront sans nul doute de favoriser la sobriété foncière et d’accompagner les collectivités dans le développement d’équipements publics et d’autres aménités urbaines en faveur d’une ville plus agréable, durable et désirable. Nous espérons que ces mesures seront appliquées dans les meilleurs délais et qu’elles seront accompagnées d’un véritable choc de simplification afin de faciliter leur appropriation par toutes les parties prenantes, des particuliers aux entreprises, en passant par les collectivités territoriales et les administrations.

Enfin, je salue, au nom de mon groupe, la méthode retenue par le Gouvernement, consistant à consacrer une mission budgétaire au plan de relance, ce qui permet au Parlement d’avoir un débat spécifique sur les mesures proposées, malgré leur transversalité, sur leur déploiement à venir et sur les objectifs à atteindre.

Dans le moment charnière que nous vivons, nous aurons la responsabilité, compte tenu du montant des crédits engagés, de contrôler l’exécution du plan de relance, ainsi que le rythme d’engagement et de décaissement des crédits, afin de nous assurer de son effet d’entraînement, au bénéfice de l’économie réelle de nos territoires. Il sera également indispensable d’assurer un suivi au plus près des attentes du terrain, pour signaler les inévitables dysfonctionnements et les éventuelles lenteurs que nous pourrions constater.

Les Français attendent de chaque euro dépensé dans le cadre du plan France Relance qu’il serve au redressement et à la transformation durable de notre pays. Nous prendrons toute notre part à ce travail et voterons en faveur de ces orientations budgétaires historiques.

M. Dominique Potier (Soc). J’aimerais à mon tour formuler quelques remarques de fond, transversales, sur ce plan de relance. Certes, nous serons beaux joueurs et nous essaierons de l’améliorer au fur et à mesure des débats, mais force est de constater qu’il vient bien tard alors que le désarroi règne dans nos territoires et dans des secteurs économiques entiers. Qui plus est, il est fondé sur une injustice capitale : les conditions de son remboursement ne sont aucunement prises en compte ! Je suis atterré – et c’est un député de gauche qui vous parle – de constater que la question du remboursement de la dette n’est pas posée dès aujourd’hui.

Pour notre part, nous avions avancé plusieurs propositions qui visaient toutes à réduire les inégalités fiscales dans notre pays. D’après la démonstration publiée par France Stratégie il y a quelques jours, dont nos camarades communistes se sont faits l’écho dans l’hémicycle durant la séance de questions au Gouvernement, 0,1 % des Français ont bénéficié d’une croissance d’un quart de leur capital, du fait de la flat tax et de la réforme de l’impôt sur la fortune, sans que cela n’ait suscité le moindre rebond productif avéré. Et la même étude a montré que les réformes adoptées en 2013 visant à taxer de façon plus égale le travail et le capital n’ont pas eu de conséquences sur l’investissement productif.

Vous auriez pu tirer les leçons de cette démonstration, chers collègues de la majorité, en faisant en sorte que le remboursement des dettes colossales que nous contractons, à l’échelle européenne et à l’échelle française, fasse l’objet d’un accord, d’un New Deal fiscal, afin que la réduction des inégalités contribue à l’effort collectif.

Ce non-dit est très inquiétant : il laisse entendre que le problème sera résolu grâce au moteur d’une croissance à l’ancienne, génératrice de fiscalité – auquel cas les mêmes causes produiront les mêmes effets : société désagrégée, risque pandémique aggravé par les désordres écologiques ; ou alors, vous entendez rembourser cette dette à terme par une politique d’austérité que les milieux populaires, les plus défavorisés et pour lesquels les services et les biens publics sont les seuls biens communs, se retrouveront à payer cash.

Il faut également relever la timidité de ce plan de relance dans certains secteurs, et notamment l’incapacité à penser la décarbonation de certains investissements, selon un rythme cohérent avec la trajectoire climatique, ou encore l’oubli de certaines catégories de population, sur lesquelles nous avons appelé l’attention aujourd’hui même lors des questions au Gouvernement : la politique en faveur de la jeunesse n’est pas à la hauteur, le sort des personnels dans des secteurs d’activité entiers n’est pas pris en considération.

J’aimerais maintenant appeler l’attention, de façon peut-être plus positive et plus contributive, sur la manière dont nous pourrions rendre plus efficace l’utilisation des budgets alloués, particulièrement dans le secteur de l’agriculture, puisqu’il est prévu un volet dédié à la transition agro-écologique. Depuis trois ans, il me plaît de le rappeler, nous n’avons cessé de défendre des amendements appelant à une politique publique, qu’il s’agisse des projets alimentaires territoriaux, des organisations et associations de producteurs, sans jamais avoir été entendus. Je me réjouis donc de constater qu’un ministre ouvre des lignes de crédit pour un plan consacré à l’agro-écologie, ainsi qu’à la promotion de valeurs, notamment la solidarité, dans le secteur de l’agriculture. Mais nous serons attentifs, au cours des débats, à sa cohérence et à son efficacité : si, par exemple, les projets alimentaires territoriaux ne servent qu’à soutenir un segment donné de l’agriculture et à permettre à une catégorie particulière de la population – la bourgeoisie éclairée des métropoles – de mieux s’alimenter, notre combat aura été vain… Je ferai alors état de mon expérience avec ATD Quart Monde, dont le laboratoire national travaille à mettre les plus défavorisés au cœur d’une politique publique en faveur d’une alimentation et de soins de qualité.

S’agissant des organisations de producteurs, j’ai assisté ce matin à un colloque de l’association des organisations de producteurs de lait : on y a rappelé qu’une perte de valeur de l’ordre d’un centime par litre dans la fabrique du prix représente une perte globale de 240 millions d’euros, soit 3 % des crédits alloués par l’Union européenne à la France dans le cadre de la PAC pour les cinq années à venir. La construction de prix solides passe par les organisations de producteurs ; les crédits alloués pour former leurs leaders ne me semblent pas à la hauteur de l’enjeu. Seuls un maillage du territoire, une organisation forte et un plaidoyer européen pour la reconnaissance et la maîtrise des volumes permettront une réponse à la hauteur des enjeux. Bref, ce n’est pas tant sur les volumes budgétaires que sur l’efficacité de leur emploi que les socialistes apporteront leur contribution aux débats à venir.

M. Olivier Falorni (LT). Lorsque Bruno Le Maire a présenté, le 23 juillet dernier, les grands axes du projet de loi de finances pour 2021, il avait annoncé que le plan de relance serait isolé dans une mission dédiée, « au nom du souci de sincérité et de transparence », a-t-il précisé. À présent que nous en avons la définition sous les yeux, force est de constater que cette mission budgétaire ne permet ni un meilleur suivi des crédits alloués à la relance, ni davantage de lisibilité des politiques publiques.

Loin des 100 milliards d’euros annoncés par le Gouvernement pour les deux années à venir, dans lesquels sont inclus les 20 milliards de baisses des impôts de production et le renforcement de la garantie relative à l’octroi de prêts participatifs, cette mission se voit allouer en tout et pour tout 36 milliards d’euros en autorisations d’engagement et 22 milliards en crédits de paiement. Les programmes qui la composent ne reprennent qu’en partie les annonces du Gouvernement ; certains crédits se retrouvent dans d’autres missions et d’autres actions. Cette présentation comptable rend difficile l’exercice du pouvoir de contrôle du Parlement, ce que je regrette.

Le programme « Écologie » constitue un progrès par rapport aux années précédentes, sans qu’on puisse parler pour autant d’un pas de géant, comme on a pu l’entendre dire. L’élargissement du dispositif MaPrimeRenov’aux propriétaires bailleurs et aux copropriétés, demandé de longues date par le groupe Libertés et territoires, nous réjouit ; toutefois, les acteurs de la rénovation énergétique ont besoin de stabilité et de visibilité des dispositifs d’aide pour se mettre en mouvement : or les 2 milliards additionnels ne sont prévus que pour les deux années à venir. La lutte contre l’artificialisation des sols va également dans le bon sens, tout comme les dispositions de soutien à l’économie circulaire, même si elles sont principalement centrées sur la question du plastique.

S’agissant de la compétitivité, objet du second programme, la mesure centrale est la baisse des impôts de production ; elle ne figure pas dans cette mission, mais je tiens à l’évoquer. Les membres du groupe Libertés et territoires regrettent que la suppression de la moitié du produit de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), conjuguée à la baisse du taux du plafonnement de la cotisation économique territoriale (CET), profite essentiellement aux grands groupes, et fort peu, bien trop peu aux petites et moyennes entreprises. D’autres mesures, plus résiduelles, vont dans le bon sens, notamment le soutien à la numérisation des très petites entreprises (TPE) des petites et moyennes entreprises (PME) et des établissements de taille intermédiaire (ETI), ou le renforcement du financement des fonds de garantie des entreprises par Bppifrance.

Enfin, le volet social du plan de relance nous semble insuffisant. Alors même que la crise provoquée par la pandémie de covid-19 a paupérisé une partie de la population française, chaque jour plus dépendante des réseaux de solidarité, les associations et les structures d’accueil ne bénéficient que de 200 millions d’euros, ce qui est à nos yeux particulièrement insuffisant.

M. François Ruffin (LFI). Étudiante à Lyon, Amanda a perdu au printemps, pendant le confinement, ses petits boulots de baby-sitting. Elle s’est retrouvée dans la galère pour se soigner et pour manger. C’est aussi le cas de Pierrick, intérimaire chez Amazon à Douai, et d’Arnaud, à Tours, qui ne prend pas de repas le matin ni à midi, et qui accumule les retards de loyer.

On estime que 40 % des jeunes ont perdu des revenus cette année ; 42 % craignent pour le paiement de leur loyer. Le taux de pauvreté parmi les jeunes est quatre fois supérieur à ce celui des plus de soixante-cinq ans. C’est d’autant plus injuste que la jeunesse s’est confinée pour protéger les personnes âgées et les plus fragiles, et c’est elle qui paiera le prix de la crise…

Que proposez-vous pour la jeunesse dans votre plan de relance, chers collègues de la majorité ? D’aider les entreprises, de réduire le coût du travail. Décidément, pour vous, tous les prétextes sont bons pour le réduire, en l’espèce de 4 milliards d’euros !

Dans son encyclique Fratelli tutti que notre collègue Dominique Potier vient de me glisser, le pape écrit : « Le marché ne résout pas tout à lui seul, même si on nous demande de croire ce dogme de la foi néolibérale. Il s’agit là d’une pensée pauvre, répétitive, qui propose toujours les mêmes recettes face à tous les défis qui se présentent. »

C’est bien votre cas : quel que soit le problème, votre réponse, c’est : réduction du coût du travail. On arrose, on arrose les entreprises, cela va ruisseler et l’emploi va germer ! Comment imaginer que les entreprises, qui n’ont aucune visibilité, et dont les commandes sont incertaines, embaucheront massivement des centaines de milliers de jeunes ? Comme toujours, comme partout, vous faites confiance à la main invisible du marché, avec zéro audace et zéro imagination, en dépit de la gravité de la situation !

Nous avions ce printemps un Macron qui promettait des ruptures ; j’aimerais à mon tour en proposer une. La majorité politique, dans ce pays, est à dix-huit ans ; la majorité pénale est à dix-huit ans ; la majorité sociale doit être à dix-huit ans. Ne serait-ce pas un minimum que de leur accorder le minimum ? C’est un filet de sécurité. Or on le fait reposer sur la solidarité familiale, qui est tout à fait inégalitaire : certaines familles ont la possibilité de venir au secours de leurs enfants, d’autres pas.

Prenons l’exemple des personnes âgées. Pendant des millénaires, vieillir, dans ce pays, a signifié vivre aux crochets de ses enfants ou de la société ; et puis un jour, on a mis en place les retraites. En trente ans, le taux de pauvreté parmi les personnes âgées a considérablement diminué. Parce qu’on est passé d’une solidarité familiale à une solidarité sociale et nationale.

C’est ce même pas qu’il nous faut franchir, par ces temps de crise. Assurer aux jeunes le minimum, cela n’a rien d’un idéal ; et au-delà de gagner leur vie, j’aimerais qu’ils aient la possibilité de lui donner un sens. Pendant la crise des années trente, Roosevelt avait lancé des grands travaux ; l’énergie de la jeunesse, son savoir-faire et son aspiration à une croissance verte devraient être utilisés pour déclencher un grand choc écologique et un plan non de grands travaux, mais sans doute de petits travaux, notamment dans l’agriculture et la restauration, ainsi que dans des secteurs entiers qu’il faut faire émerger.

Et que proposez-vous ? Cinq cents emplois pour la transition écologique, pour 2020, pour toute la France ! Pas 500 000, cinq cents, cinq par département ! C’est une ambition totalement dérisoire, parfaitement ridicule, c’est se moquer de la jeunesse ! Proposez un plan de relance à la hauteur de la crise que subit de plein fouet la jeunesse française !

M. Bruno Bonnell. J’ai écouté attentivement les orateurs des groupes. Il y a dans l’histoire de notre pays des moments où, même si le dialogue démocratique est important, il faut prendre conscience qu’un élan se prépare. Or j’ai le sentiment que, en dépit de la volonté exprimée à travers ce plan de relance, et notamment celle de consacrer 30 % de ses 100 milliards d’euros à la transition écologique, on a bien du mal à rassembler les forces vives du pays.

Madame la rapporteure, ma question est simple : j’aimerais savoir comment seront distinguées les priorités. Pour les entreprises, la priorité à très court terme est de savoir comment s’en sortir. De nombreux chefs d’entreprise me disent qu’il est difficile de se projeter dans une transformation, fût-elle écologique, quand on ne sait pas si on pourra assurer la fin du mois ou du trimestre. Comment gérer cette transition ? Comment gérer ses priorités ? Autant de questions profondément anxiogènes pour nos entreprises. Pour ma part, je préfère parler d’un plan de transformation économique plutôt que d’un plan de relance, voire de rattrapage d’une situation que nous subissons tous.

Mme Anne-France Brunet, rapporteure pour avis. Chers collègues, je vous remercie de vos retours très riches et de vos questionnements, que j’entends et je comprends, au moins en partie.

Même si elle a commencé au début de l’année, cette épidémie internationale n’en est encore qu’à ses débuts. Le Gouvernement a immédiatement pris des mesures pour faire en sorte qu’aucun Français ne soit placé dans une situation catastrophique, privé d’emploi et de ressources. Tel était notamment l’objet de l’indemnisation du chômage partiel.

À présent que nous parvenons à juguler un tant soit peu les choses, nous voulons relancer l’économie. Il ne s’agit pas de revenir à ce qui était auparavant, mais d’anticiper la relance et la transformation de notre pays, afin de ne pas retomber dans les travers que nous avons vécus les années précédentes. Le plan de relance est à mes yeux une occasion d’agir en visionnaires et d’anticiper l’émergence de nouveaux métiers.

L’industrie en fait partie. L’article 3 du projet de loi de finances pour 2021 prévoit la diminution des impôts de production. Cette mesure profitera aux TPE et aux PME à hauteur d’environ 35 %, soit 2,5 milliards d’euros ; elle profitera aux ETI à hauteur de 2,9 milliards d’euros. Tout cela n’est pas négligeable. Elle profitera aussi aux grandes entreprises, car l’objectif est également de faire en sorte de retrouver notre souveraineté en relocalisant sur notre territoire la fabrication de produits et de molécules que nous avions délocalisée hors d’Europe. Or les premières concernées sont les grandes entreprises, puisque ce sont elles qui, précisément, avaient délocalisé dans les pays tiers.

L’industrie avait amorcé un redémarrage avant la crise. Rappelons qu’il y a trois ans, elle ne créait aucun emploi, et nous avions réussi à faire en sorte qu’elle en crée à nouveau. La relocalisation des entreprises sur le territoire vise aussi à transformer notre système de production afin de l’adapter aux nouveaux métiers. Les jeunes, qui ont été évoqués tout à l’heure, sont très sensibles à cet objectif. Notre volonté de mener à bien la transformation écologique et numérique de nos entreprises, de nos territoires et de notre manière de vivre est porteuse de sens pour tout le monde.

Plusieurs d’entre vous se demandent comment nous aiderons les petites entreprises et les artisans à trouver les ficelles pour bénéficier également du plan de relance, qui ne doit pas être réservé à ceux qui ont des connaissances techniques et des réseaux. Il s’agit de faire en sorte que tous les porteurs de projets aient accès aux possibilités de financement.

C’est la raison pour laquelle mon rapport accorde une large place au suivi et à la gouvernance. Les divers acteurs territoriaux doivent échanger avec les entreprises afin de leur faire part des possibilités offertes, notamment en matière de transformation numérique. Seulement 34 % des entreprises françaises sont passées au numérique ou sont en cours de numérisation ; et je suis sûre que la plupart d’entre vous utilisent des outils numériques qui ne sont pas produits par des sociétés françaises. Il y a là un potentiel énorme pour tout un vivier de jeunes entreprises, notamment des start-up.

Tout cela forme un tout, avec une méthode et un suivi, indispensable : si l’on ne contrôle pas le cheminement des crédits alloués aux divers projets, jamais on ne pourra réorienter des fonds vers tel ou tel pan de l’économie qui n’aurait pas été suffisamment pourvu. J’en appelle à la vigilance de chacun : ce travail, à mon sens, incombe à tous les parlementaires, pas seulement à quelques-uns. Nous devons tous participer au suivi et au contrôle de l’exécution du plan de relance, et faire en sorte qu’il permette à notre pays de rebondir. C’est à mes yeux fondamental.

M. François Ruffin. Vous parlez de suivi et de contrôle ; mais même avec un suivi et un contrôle, les précédents dispositifs n’ont rien donné ! Nous dépensons 20 milliards d’euros par an pour le crédit d’impôt compétitivité emploi ; toutes les études démontrent que cela aura créé au mieux 100 000 emplois, ce qui représente un coût de 1 million d’euros par emploi. Cet arrosage général s’est avéré parfaitement vain. Or ce que vous proposez s’inscrit exactement dans la même logique de baisse de charges tous azimuts, sans aucun ciblage. Les grandes entreprises sont arrosées tout autant, et même plus que les petites ; l’industrie est arrosée autant que le commerce ; il n’y a aucun ciblage sur les filières bénéficiaires. Comment peut-on en espérer le moindre embryon de relocalisation industrielle ?

Dérouler à nouveau un tapis rouge – un tapis d’euros – aux multinationales ne les incitera pas à revenir se nicher dans le sein de l’économie française, car nous ne redeviendrons pas plus compétitifs que les Indiens dans le domaine des principes actifs des médicaments, ou que les Polonais dans celui du pneumatique. Penser qu’elles reviendront en France par le seul effet d’un instrument utilisé sans trêve depuis trente ans, par le seul effet de cette main invisible du marché, que le pape lui-même a dénoncée dans son encyclique, est un leurre !

Peut-être êtes-vous sincère, Madame la rapporteure, mais il n’est pas possible que tous les membres de la majorité, et le Président de la République avec eux, croient une chose pareille ! Ce n’est qu’un masque, et derrière, on poursuit la politique menée depuis trente ans, faite de cadeaux aux multinationales de ce pays.

M. Dominique Potier. J’appelle votre attention, Madame la rapporteure, sur un amendement du groupe socialiste dont le but est précisément de relocaliser l’argent qui s’évapore dans les paradis fiscaux.

Est-il concevable d’investir de l’argent public pour relancer des entreprises qui, non contentes de verser des dividendes à leurs actionnaires et de ne rien faire pour décarboner leurs investissements, pratiquent en outre l’évasion fiscale ? C’est une question capitale, et il faudra bien y répondre. Si nous ne sommes pas capables, au cœur de cette crise, alors même que nous nous disons tous interdépendants, tous frères, de fixer des limites à l’ignominie, alors toutes nos paroles sont vaines.

Mme Anne-France Brunet, rapporteure pour avis. Monsieur Ruffin, la diminution des impôts de production est concentrée sur les secteurs du commerce et de l’industrie. Ce sont eux qui en bénéficieront en priorité, et non les secteurs des services et de la finance.

La mission « Plan de relance » diffère des autres missions budgétaires, car elle est sans précédent. Nous avons mis en place une méthodologie, avec plusieurs instances de suivi, notamment un comité de suivi au niveau national, présidé par le Premier ministre, et des comités de suivi régionaux, sans oublier le duo préfet‑maire. Il me semble fondamental que les parlementaires soient eux aussi associés à ces comités de suivi dans leurs territoires respectifs, ce qui nous permettra de signaler les projets qui n’auront pas été identifiés : certaines entreprises ne savent pas comment faire remonter le leur, parce qu’elles ont le nez dans le guidon, ou parce qu’elles manquent de visibilité et de contacts utiles. Nous pourrons ainsi, comme c’est notre rôle, nous assurer du bon fléchage et du suivi des crédits alloués aux projets, ainsi que de leur mise en œuvre pour la transformation du pays.

Suivant l’avis favorable de la rapporteure, la commission émet un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Plan de relance ».

 


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   LISTE DES PERSONNES auditionnées

Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie

M. David Marchal, directeur exécutif adjoint de l’expertise et des programmes

M. Pierre-Yves Burlot, responsable du plan de relance

Cabinet du ministre de l’agriculture et de l’alimentation

M. Nicolas Mazières, conseiller politique, chargé des relations avec le Parlement

Mme Isabelle Camilier-Cortial, conseillère relance et suivi de l’exécution des réformes

M. Patrick Falcone, membre du Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux (CGAAER), en charge de la déclinaison du plan de relance au sein de la direction générale de la performance économique et environnementale des entreprises (DGPE)

Mme Édith Mérillon, sous-directrice gouvernance et pilotage

M. Christian Ligeard, directeur des affaires financières, sociales et logistiques

Cabinet de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales

Mme Lila Mahnane, conseillère parlementaire

M. Yohann Marcon, conseiller finances locales

Mme Marie Dousset, conseillère affaires parlementaires

Direction générale des collectivités locales

M. Arnaud Menguy, sous-directeur des finances locales et de l’action économique.

Secrétariat d’État chargé de la transition numérique et des communications électroniques

M. Cédric O, secrétaire d’État

Direction générale des entreprises

M. Thomas Courbe, directeur général

Direction générale de la recherche et de l’innovation (DGRI)

M. Bernard Larrouturou, directeur général

M. Nicolas Chaillet, chef de service, adjoint au directeur « sciences et technologies »

M. Maurice Caraboni, chef du département gestion et pilotage budgétaire des programmes

M. Vincent Motyka, chef du service de la performance, du financement et de la contractualisation avec les organismes de recherche

M. Frédéric Ravel, directeur scientifique du secteur « Énergie, développement durable, chimie et procédés »

Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles *

M. Luc Smessaert, vice-président

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

*  Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le registre de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale.


([1]) Notamment les mesures de soutien à l’hôpital public adoptées dans le cadre du « Ségur de la santé »

([2]) Les PIIEC trouvent leur fondement juridique dans l'article 107, paragraphe 3, point b, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE), qui dispose que « peuvent être considérées comme compatibles avec le marché intérieur (...) les aides destinées à promouvoir la réalisation d'un projet important d'intérêt européen commun ». Cela suppose, notamment, que plusieurs États membres soient impliqués.

([3]) 2425,7 milliards d’euros en valeur (INSEE)

([4]) Document de travail n° 49.

([5]) Notamment le scénario de l’association négaWatt 2017-2050.

([6]) 390 millions d’euros de budget initial au titre de l’action n° 02 « Accompagnement de la transition énergétique », avec un abondement complémentaire de 185 millions d’euros (données ANAH)

([7]) Feuille de route pour une Europe efficace dans l’utilisation des ressources » publiée par la Commission européenne le 20 septembre 2011

([8]) La CIPR s’est fixé comme objectif de permettre aux saumons et aux poissons migrateurs de remonter le Rhin jusqu’à la ville suisse de Bâle.

([9]) Euractiv, 15 septembre 2020

([10]) En anglais : light detection and ranging

([11]) L’électricité viendrait ainsi, notamment, des centrales nucléaires. La chaleur fatale résiduelle des centrales pourrait également améliorer le rendement de l’électrolyse et, consécutivement, réduire le coût de production de l’hydrogène.

([12]) Le financement de l’appel à projets s’effectuera également en partie sur le budget de l’ADEME (programme 181). Au total, l’ADEME devrait pouvoir mobiliser 275 millions d’euros jusqu’en 2023.

([13]) Instance de concertation et de coordination des efforts de recherche entre industriels mise en place en 2008. Le CORAC regroupe, notamment, Airbus, Safran, Dassault et Thalès, ainsi que des aéroports (ADP) et des compagnies aériennes (Air France).

([14]) Propos tenus par M. Nicolas Dufourcq devant la commission des affaires économiques du Sénat le 5 mai 2020.

([15]) On peut observer, à cet égard, que les dotations des deux organismes sur leur programme de rattachement ont été légèrement réduites à cette occasion dans le PLF 2021 (- 25,6 millions d’euros en AE pour le CEA, par exemple).

([16]) L’État a débloqué 600 millions d’euros de crédits afin de compenser les pertes de revenus et soutenir les investissements réalisés par les régions qui se sont engagées, en contrepartie, à investir massivement dans la relance

([17]) Service de la donnée et des études statistiques du ministère de la transition écologique et solidaire

([18]) L’agroécologie : bases scientifiques d'une agriculture alternative (1983)

([19]) Article 302 bis MB du code général des impôts

([20]) Page 57 du dossier de presse, gouvernemental « France relance » (3 septembre 2020)

([21]) Note d’analyse du 4 juin 2020

([22]) Entretien dans Web-agri (8 septembre 2020)

([23]) Ratio de rentabilité inférieur à 66 % de la moyenne, taux d’endettement supérieur à 50 %, fonds de roulement inférieur à 2/3 mois

([24]) « Sont concernées les entreprises, personnes morales ou physiques, en ce compris les artisans, commerçants, exploitants agricoles, professions libérales et micro-entrepreneurs, […]. » (Article 3 de l’arrêté du 23 mars 2020 accordant la garantie de l'État aux établissements de crédit et sociétés de financement, ainsi qu’aux prêteurs mentionnés à l'article L. 548-1 du code monétaire et financier, en application de l'article 6 de la loi n° 2020-289 du 23 mars 2020 de finances rectificative pour 2020)

([25]) Règlement (UE) 2015/1589 du Conseil du 13 juillet 2015 portant modalités d'application de l'article 108 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne.

([26]) Fonds Alter’Na.

([27]) Banque de France, Points de conjoncture, avril et juillet 2020.

([28]) Classement DESI réalisé par la Commission européenne – 2020.