N° 3403

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale 9 octobre 2020

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES
SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2021 (n° 3360),

 

 

TOME IV

 

  

DÉFENSE

 

 

PAR M. Guy TEISSIER

Député

——

 

 

 

 

 

 

 

Voir le numéro : 3360

 

 


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   SOMMAIRE

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Pages

Introduction

Première partie : Le budget de la défense pour 2021

I. La crise sanitaire justifiait de mettre la défense au cœur du plan de relance

A. À ce jour, la crise sanitaire n’a pas fait déraper l’exécution budgétaire en 2020

1. Les dépenses hors titre II : de nombreux décalages induits par la crise

2. Les dépenses de titre II : des recrutements « en dents de scie »

B. La fragilisation de la BITD aurait justifié d’inclure la défense dans le plan de relance

1. L’industrie de défense a été sévèrement impactée par la crise

2. La BITD ne bénéficiera pas d’un plan de relance digne de ce nom

II. Le budget pour 2021 représente la troisième année de mise en œuvre de la LPM

A. Le programme 212 Soutien de la politique de défense

a. Les dépenses de titre II

b. Les dépenses hors titre II

B. Le programme 178 Préparation et emploi des forces

C. Le programme 146 Équipement des forces

D. Le programme 144 Environnement et prospective de la politique de défense

Deuxième Partie :  Le soutien aux exportations d’armement

I. l’« équipe France » est mobilisée pour soutenir les exportations d’armement, dont l’importance est reconnue

A. La programmation militaire 2019-2025 consacre l’importance du soutien aux exportations d’armement

1. Les armées et l’industrie ont des intérêts convergents dans l’exportation d’armement

a. L’exportation est vitale pour notre industrie de défense

b. Les armées peuvent trouver intérêt aux exportations d’armement

i. Un intérêt financier et économique

ii. Un intérêt opérationnel et stratégique

2. La LPM fait du soutien aux exportations une priorité

B. La forte implication de l’État a largement contribué aux succès récents de l’« équipe France »

1. Les autorités politiques et militaires sont fortement engagées auprès des industriels pour soutenir l’export

a. Les autorités politiques ont un rôle primordial dans l’« équipe France »

i. L’implication personnelle de la ministre des Armées

ii. Une politique de contrôle des exportations crédible et efficace

b. Les armées et la DGA apportent un important soutien aux industriels

i. Les prestations de soutien aux exportations de la DGA

ii. Les prestations de soutien aux exportations des armées

2. La mobilisation de l’« équipe France » a permis d’importants succès à l’export

i. De grands succès à l’export

ii. Les atouts de l’offre française

II. Dans un contexte marqué par un renforcement de la concurrence internationale, l’État doit aller plus loin dans le soutien aux exportations

A. La croissance du rôle des États dans les exportations constitue une tendance de fond des marchés mondiaux

1. Les exigences croissantes des États importateurs

2. En réponse, un soutien renforcé des États exportateurs

3. Au résultat, une concurrence exacerbée

B. Dans les conditions de marché actuelles, la France doit affermir sa politique de soutien aux exportations

1. Développer les contrats d’État à État

2. Mieux répartir la charge du SOUTEX au bénéfice des armées

Travaux de la commission

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LE RAPPORTEUR pour avis et déplacements

 


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   Introduction

Chaque année, la commission des affaires étrangères rend un avis sur les crédits de la défense dans le cadre du projet de loi de finances (PLF). En dépit de son autonomie propre, la défense est aussi le bras armé de la politique étrangère de la France. L’importance prise par les enjeux stratégiques contribue d’ailleurs à une imbrication toujours plus étroite des questions militaires et diplomatiques.

La crise sanitaire a eu de fortes répercussions sur la défense nationale comme sur tous les aspects de l’action publique. Malgré le soutien apporté par les armées dans la lutte contre l’épidémie, dans le cadre de l’opération « Résilience », le ministère des armées est jusqu’ici parvenu, par des redéploiements de crédits, à limiter l’incidence de la crise sur l’exécution budgétaire en 2020.

En revanche, la crise sanitaire se traduit par une fragilisation inquiétante, peut-être irréversible, de notre industrie de défense. Votre rapporteur rappelle, s’il en était besoin, qu’une base industrielle et technologique de défense (BITD) forte et pérenne est la condition même de notre souveraineté, en même temps qu’elle présente l’intérêt d’irriguer l’économie et de pourvoir près de 200 000 emplois.

Aussi votre rapporteur regrette-t-il que le plan de relance ne tienne pas compte de ce risque qui pèse sur l’industrie militaire. La défense ne bénéficiera que de certaines mesures incertaines, partielles et indirectes. Autant dire, en vérité, que la défense ne bénéficiera pas du plan de relance, ce qui est d’autant plus dommageable que, dans ce secteur emblématique de l’autonomie nationale désormais recherchée dans d’autres domaines de l’action publique, chaque euro investi se traduit par un fort effet d’entraînement sur l’ensemble de l’économie.

La ministre des armées, Mme Florence Parly, assimile la loi de programmation militaire (LPM) 2019-2025 à un plan de relance à part entière, oubliant au passage que la LPM a été conçue bien avant la crise sanitaire.

Malgré tout, il faut se satisfaire du fait que le budget de la défense augmentera en 2021, comme cette année, de 1,7 milliard d’euros et s’élèvera à 39,2 milliards d’euros. Cette nouvelle hausse des crédits est bien conforme à la trajectoire fixée par la LPM pour que le budget de la défense atteigne 2 % du PIB en 2025. L’année prochaine sera marquée par des étapes importantes comme les livraisons de blindés SCORPION pour l’armée de terre, la montée en puissance du « plan hébergement » et du « plan famille » et la première étape de la nouvelle politique de rémunération des militaires (NPRM).

Au-delà des considérations budgétaires, dans le cadre desquelles s’intègrent des développements spécifiques sur des sujets qui méritent une attention particulière, comme les moyens du service de santé des armées (SSA) et de la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE), votre rapporteur a souhaité consacrer son avis à un sujet majeur pour nos armées : le soutien aux exportations d’armement. Le soutien est, aux côtés du contrôle, une des deux composantes de la politique d’exportation d’armement de la France.

Pour rappel, la LPM fait du soutien aux exportations d’armement une priorité compte tenu des bénéfices que l’export apporte à notre pays, à notre diplomatie, à nos armées. Notre pays n’aurait pu engranger de tels succès à l’export sans la qualité de l’offre d’armement française et la mobilisation de tous les acteurs concernés au sein de « l’équipe France ». Pour autant, la place de la France sur les marchés extérieurs est loin d’être garantie, alors que de nombreux États renforcent leur soutien à leurs propres exportations nationales.

Dans ce contexte très concurrentiel, votre rapporteur propose de consolider notre politique de soutien aux exportations d’armement. Notre pays a, d’une part, intérêt à développer la formule des contrats « de gouvernement à gouvernement », qui a trouvé une première concrétisation à travers le contrat « CaMo » avec la Belgique, dont la ratification a été récemment autorisée par notre commission. Votre rapporteur invite, d’autre part, à réduire le poids du soutien sur les armées, compte tenu de l’incidence de cette mission sur l’activité opérationnelle des forces. Bien qu’il s’agisse de très bonnes nouvelles pour la BITD française, l’annonce de la vente de 18 Rafale à la Grèce ainsi que les prospects à l’export de cet avion de combat dans d’autres États européens n’en sont pas moins des sources d’inquiétude importantes pour les armées.

 

 


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   Première partie : Le budget de la défense pour 2021

Si la crise sanitaire n’a pas eu, à ce jour, de grave conséquence sur l’exécution, au plan comptable, du budget de la défense en 2020, elle a fortement fragilisé la base industrielle et technologique de défense (BITD). Le budget pour 2021 est certes conforme à la loi de programmation militaire (LPM), mais il ne peut cacher le fait que la défense est la « grande oubliée » du plan de relance.

I.   La crise sanitaire justifiait de mettre la défense au cœur du plan de relance

La crise sanitaire n’a pas eu de conséquence majeure sur l’exécution du budget de la défense en 2020, mais elle n’a pas épargné la BITD. La fragilisation de l’industrie de défense, qui ne bénéficiera qu’à la marge du plan de relance, pourrait avoir d’importantes conséquences, notamment sur notre autonomie stratégique et sur l’emploi industriel dans de nombreux territoires.

A.   À ce jour, la crise sanitaire n’a pas fait déraper l’exécution budgétaire en 2020

Hors CAS Pensions, le budget de la défense en 2020 s’élevait à 56,8 Mds€ en autorisations d’engagement (AE) et 37,5 Mds€ en crédits de paiement (CP), dont 12,1 Mds€ de crédits de masse salariale (« titre II »).

 

LFI 2020 – en M€

AE

CP

Mission « Défense »

56 776

37 505

dont T2

12 088

12 088

Source : ministère des armées.

Selon M. Christophe Mauriet, directeur des affaires financières du ministère des armées, il est encore trop tôt pour disposer d’un chiffrage définitif des conséquences de la crise alors que celle-ci n’est pas achevée. Toutefois remarque-t-il que, à ce jour, « les phénomènes se sont en partie neutralisés ».

1.   Les dépenses hors titre II : de nombreux décalages induits par la crise

Le taux d’exécution des crédits hors titre II sur la mission « Défense » au 31 août 2020 est conforme aux prévisions initiales effectuées en janvier.

L’évaluation, à cette date, des effets de la crise sanitaire sur l’exécution du budget de la défense en 2020 est une sous-consommation des crédits hors titre II de 1,1 Md€, ce qui résulte notamment du décalage de production sur les programmes d’armement et la dissuasion, des décalages sur les opérations de travaux concernant les infrastructures immobilières ([1]) et d’une réduction d’activité générant de moindres dépenses sur l’entretien programmé du matériel.

En sens inverse, la crise sanitaire s’est traduite par des surcoûts hors masse salariale estimés à 300 M€ liés notamment aux dépenses engagées pour lutter contre la pandémie, notamment au profit du service de santé des armées (SSA), et faire évoluer les modalités de travail du ministère.

L’intégralité des crédits hors titre II rendus disponibles par la crise, à savoir 800 M€, a été mobilisée au profit d’un plan « rebond » visant à préserver la BITD et les PME fragilisées sur l’ensemble du territoire. Ce plan comprend notamment les crédits destinés au plan de soutien à la filière aéronautique, qui représente 613 M€ en AE et 187 M€ en CP en 2020. Le ministère a également fait le choix, pour soutenir la BITD, de payer les entreprises cette année même lorsque ces dernières avaient du mal, du fait de la crise, à respecter les délais des contrats.

2.   Les dépenses de titre II : des recrutements « en dents de scie »

De même, les évolutions à la hausse et à la baisse des dépenses de masse salariale se sont neutralisées, aboutissant à une exécution conforme à la prévision. Même si le ministère des armées a enregistré moins de recrutements au deuxième trimestre, la fin du confinement a eu pour effet une reprise des recrutements tandis que les sorties de personnels du ministère se sont réduites. Au total, bien que cette prévision ait été établie en juillet, le ministère des armées prévoit d’atteindre les 27 000 recrutements visés et, si l’on tient compte des rémunérations, de respecter l’objectif de masse salariale hors opérations extérieures (OPEX) en 2020.

B.   La fragilisation de la BITD aurait justifié d’inclure la défense dans le plan de relance

Dans un rapport paru en juillet ([2]), les députés MM. Benjamin Griveaux et Jean-Louis Thiériot alertaient sur le risque que le « business model » de notre industrie de défense soit mis à mal par la crise « et, ce, d’une façon profonde, peut-être irréversible » et estimaient qu’« un effort de relance est indispensable pour parer ce risque ». Votre rapporteur regrette que cet appel, relayé par de nombreux membres de la commission de la défense nationale et des forces armées de l’Assemblée nationale, n’ait pas été entendu par le Gouvernement.

1.   L’industrie de défense a été sévèrement impactée par la crise

Comme le rappelait la présidente de la commission de la défense nationale et des forces armées, Mme Françoise Dumas, dans un rapport récent ([3]), l’industrie de la défense est confrontée à une double-crise : d’une part, une crise de l’offre, liée à un coup de frein brutal sur la production, qui a produit une dégradation de la trésorerie de nombreuses entreprises ; d’autre part, une crise de la demande pour les entreprises dont les marchés à l’export sont frappés d’incertitude. Les entreprises duales exposées aux marchés aéronautiques civils sont parmi les plus durement frappées par les conséquences de la crise sanitaire.

Surtout, de nombreuses PME – qui sont parfois des sous-traitants indispensables pour certains grands groupes – se trouvent dans une situation de trésorerie critique. Le major général de l’armée de terre, le général de corps d’armée Hervé Gomart, regrette, à ce titre, que les grands industriels n’aient pas une vision précise de l’état de tous leurs sous-traitants et que la direction générale de l’armement (DGA) n’ait pas de cartographie de toutes les PME de défense.

Selon MM. Benjamin Griveaux et Jean-Louis Thiériot, « sans mesure de relance, le pire resterait à venir pour l’industrie de défense. […] Or, mieux vaut prévenir la perte de capacités industrielles souveraines et critiques que peiner plus tard – souvent en vain – pour la pallier. […] Un appui ponctuel à un industriel critique est généralement moins coûteux qu’un effort […] de reconquête d’une compétence industrielle que l’on aurait laissé disparaître. »

2.   La BITD ne bénéficiera pas d’un plan de relance digne de ce nom

Le Gouvernement fait valoir que la défense bénéficiera de certaines mesures de relance. La ministre des armées, Mme Florence Parly, se félicite que « la loi de programmation militaire (LPM) s’impose comme un plan de relance à part entière » alors même que la LPM a été élaborée avant la crise sanitaire. Le plan de soutien à l’aéronautique présenté le 7 juin dernier est contenu dans l’enveloppe financière de la LPM : ce plan ne se traduira par aucune commande nouvelle, mais uniquement par l’anticipation de certaines commandes déjà programmées.


Le plan de soutien à l’aéronautique

Le plan de soutien à l’aéronautique, doté de 613 M€ en AE, prévoit la livraison de :

Source : ministère des armées

Le ministère des armées avance aussi que le plan de relance de 100 milliards d’euros annoncé par le Premier ministre le 3 septembre dernier bénéficiera en partie aux armées. D’abord, le plan de relance financera à hauteur de 150 millions d’euros les dépenses de recherche duales portées par le centre national d’études spatiales (CNES) et le Commissariat à l’énergie atomique (CEA). Ensuite, la réduction des impôts de production devrait bénéficier aussi bien aux entreprises du secteur civil qu’aux entreprises du secteur de la défense. Surtout, Mme Isabelle Saurat, secrétaire générale pour l’administration (SGA) du ministère des Armées, a expliqué à votre rapporteur que le ministère était en train de répondre à des appels à projets prévus par le plan de relance dans les domaines de la transition écologique et de la transition numérique. Début octobre, 122 projets, représentant en cumulé un montant de l’ordre de 700 M€, étaient identifiés, dont la moitié dans le domaine de la rénovation thermique des bâtiments. Le ministère pourrait aussi bénéficier de 11 M€ pour un projet de « cloud » souverain.

Votre rapporteur considère que ces mesures, incertaines, partielles et indirectes, ne peuvent être assimilées à un véritable plan de relance. À l’argument selon lequel le plan de relance ne flèche pas les crédits par ministères mais par thématiques, votre rapporteur répond que le choix des thématiques a pour effet d’évincer le ministère des armées, qui devrait peu bénéficier des crédits ouverts.

Un plan de relance pour la défense aurait été souhaitable pour parer le risque d’une fragilisation durable de notre industrie de défense. Votre rapporteur rappelle qu’une BITD forte et pérenne est la condition même de notre souveraineté. L’industrie de défense est également une industrie de main-d’œuvre et de haute technologie, qui nourrit l’emploi et la croissance potentielle. Elle regroupe en effet 4 000 entreprises et 200 000 emplois directs et indirects dans tous les territoires. Enfin, la défense est l’un des secteurs industriels français pour lequel l’effet d’entraînement d’un plan de relance est le plus efficace en termes d’emplois et de valeur ajoutée. Votre rapporteur appelle à faire de l’actualisation de la LPM en 2021 une opportunité pour corriger cet écueil ([4]).

II.   Le budget pour 2021 représente la troisième année de mise en œuvre de la LPM

En 2021, le budget de la défense augmentera à nouveau de 1,7 Md€ par rapport à 2020 et s’élèvera ainsi à 39,2 Mds€, hors CAS Pensions. Cette hausse des crédits de 4,5 % est conforme à la trajectoire tracée par la LPM 2019-2025. Les axes majeurs de cette nouvelle étape sont la poursuite de la modernisation des équipements et de la réduction des ruptures capacitaires, la mise en œuvre du « plan famille » et du « plan hébergement » destinés à améliorer les conditions de vie des personnels et l’effort consenti pour l’innovation et la transformation.

Répartition de crédits de la mission « Défense » par programme
(hors Pensions)

 

Source : ministère des armées.

A.   Le programme 212 Soutien de la politique de défense

a.   Les dépenses de titre II

Le programme 212 centralise les crédits de personnel de l’ensemble du ministère des armées. En l’occurrence, les crédits de titre II, hors CAS Pensions, progresseront de 176 millions d’euros par rapport à la LFI pour 2020. Cette hausse doit notamment permettre la réalisation des engagements de la LPM :

● en premier lieu, la création de 300 emplois répondant aux enjeux prioritaires du ministère (cyberdéfense, renseignement, soutien aux exportations, notamment) et qui participent de la trajectoire globale de remontée en puissance des effectifs à 6 000 postes supplémentaires sur la durée de la LPM ;

● en second lieu, la mise en œuvre de nouvelles mesures catégorielles visant à renforcer l’attractivité du ministère et la fidélisation des personnels. Le budget pour 2021 met notamment en œuvre la première marche de la nouvelle politique de rémunération des militaires (NPRM) ([5]), qui commence par la refonte de l’indemnité de mobilité géographique.

 

b.   Les dépenses hors titre II

Hors titre 2, le programme 212 rassemble les financements des fonctions de soutien interarmées et des politiques transverses du ministère, comme la politique immobilière. Pour rappel, dans le cadre de la LFI pour 2020, les crédits d’infrastructure pour l’accueil des programmes d’armement ont été transférés au programme 146 et les crédits destinés aux infrastructures à caractère opérationnel ont été transférés au programme 178. Le programme 212 conserve les crédits des infrastructures liées aux réseaux et bâtiments d’intérêt général ainsi qu’aux conditions de vie et de travail des personnels et des familles.

Les crédits budgétaires du programme 212 hors masse salariale s’élèveront en 2021 à 1,345 Md€ en AE et 1,278 Md€ en CP, en quasi-stabilité par rapport à la LFI pour 2020. Sont prévues, l’année prochaine, la hausse du niveau des investissements de construction et de remise à niveau des hébergements en enceinte militaire, dans le cadre du « plan hébergement », et la mise aux normes environnementales d’infrastructures dont le ministère est exploitant. Le ministère des armées s’inscrit ainsi dans une logique de réparation, après avoir accumulé beaucoup de retard dans ce domaine. Le service constructeur du ministère, le service d’infrastructure de la défense (SID), a dû se réorganiser pour faire face à cette montée en puissance des moyens consacrés à l’immobilier.

le service de santé des armées (SSA)

Votre rapporteur avait consacré, dans son avis sur le budget pour 2020, un passage spécifique sur le SSA, qui est un service fondamental pour le moral des personnels engagés en opérations extérieures. Cette année, le SSA a joué un rôle important dans le cadre de l’opération « Résilience », par laquelle les armées ont apporté un appui à la lutte contre l’épidémie sur le territoire national ([6]). Le SSA a montré qu’il était aussi capable, outre son engagement en OPEX, d’apporter un soutien de proximité de qualité.

Le SSA a fait l’objet d’importants efforts de réduction d’effectifs, de diminution de coûts et de réorganisation ces dernières années. Lancé à la fin 2013, le projet de transformation du service, baptisé « SSA 2020 », a eu pour conséquence une déflation des effectifs de 10 % entre 2014 et 2018. De ce fait, le SSA montre aujourd’hui des signes de tensions aggravés par le niveau élevé d’engagement opérationnel des personnels, à l’étranger et sur le territoire national, et le sous-effectif chronique de certaines spécialités médicales.

Selon la secrétaire générale pour l’administration du ministère des armées, Mme Isabelle Saurat, « le SSA a montré sa capacité de mobilisation, mais on est encore au milieu du reformatage de ce service. » La LPM prévoit la stabilisation des effectifs du SSA sur la période 2019-2025. Pour 2020, la prévision de réalisation des effectifs était en retard, début octobre, de 161 recrutements, ce qui traduit les difficultés récurrentes du SSA à pourvoir ses postes.

Aussi le ministère des armées annonce-t-il plusieurs actions volontaristes en 2021 pour recruter et fidéliser ses praticiens, dont il faut espérer qu’elles produiront des résultats :

● le recrutement initial en école augmentera de 15 %, pour s’établir à 115 élèves médecins par an ;

● le nombre de médecins contractuels doit augmenter d’un tiers sur la période 2020-2026 tandis que celui de médecins réservistes, qui a déjà augmenté de 7 % entre 2019 et 2020, sera stabilisé ;

● Des mesures financières spécifiquement axées sur l’attractivité et la fidélisation sont prévues, comme la mise en œuvre de la prime de lien au service créée à l’été 2019 ([7]).

B.   Le programme 178 Préparation et emploi des forces

Le programme 178 regroupe les crédits qui financent la conduite des opérations et la préparation des forces, en particulier les crédits qui se rattachent à la préparation des forces terrestres, navales et aériennes, aux fonctions de soutien opérationnel et aux surcoûts générés par les OPEX et les MISSINT.

En 2021, le programme 178 voit ses crédits augmenter de 3 % en CP et de 17 % en AE. Cette évolution s’explique, d’une part, par la hausse des dépenses impactant le quotidien des effectifs (conditions de vie et de travail, accompagnement des familles, etc.). Elle s’explique, d’autre part, par la hausse de la dotation consacrée à l’entretien programmé du matériel, en lien avec l’objectif fixé de poursuivre la régénération des matériels, l’augmentation progressive de la disponibilité et, in fine, l’atteinte des normes d’activité.

le financement du surcoût des OPEX et des MISSINT

Le programme 178 Préparation et emploi des forces comprend une dotation prévisionnelle annuelle destinée à financer les OPEX et les MISSINT. Pendant longtemps, cette dotation prévisionnelle était largement sous-estimée par rapport au coût réel que représentent ces engagements pour les armées. Pour financer le surcoût net venant en dépassement de la provision initiale, le ministère des armées était obligé, chaque année, de réduire ses ressources financières en fin de gestion, en particulier celles destinées à financer les programmes d’armement, qui s’inscrivent sur le temps long.

La LPM a entrepris une « sincérisation » du financement des OPEX et des MISSINT, à savoir une augmentation de la provision pour la rapprocher progressivement du coût réel. Après être passée à 650 M€ en 2018, puis à 850 M€ en 2019, la LFI pour 2020 a relevé la provision à 1,1 Md€ ([8]), montant qui sera stabilisé en 2021 et qui devrait l’être également en 2022. À cette ressource s’ajoutent les remboursements de certaines organisations internationales ou de pays tiers destinés à compenser le coût de l’engagement des forces françaises à l’étranger.

 


Évolution du montant de la provision annuelle
au titre des OPEX et MISSINT

 

2018

LPM 2019-25 (en M€)

2019

2020

2021

2022

2023

650

850

1 100

1 100

1 100

1 100

Source : ministère des armées.

Malgré sa hausse progressive, la provision initiale reste encore insuffisante pour couvrir la totalité des coûts liés aux OPEX et aux MISSINT. En 2019, le financement du surcoût, qui a atteint 406 M€ – contre 578 M€ en 2018 – a été financé par la mobilisation de la réserve de précaution et des redéploiements internes de crédits non exécutés, notamment des crédits de titre II.

Contrairement à ce que la loi prévoit, le surcoût des OPEX et des MISSINT est systématiquement financé par des mécanismes d’auto-assurance du ministère des armées et non par le principe de la solidarité interministérielle, qui se justifie pourtant par le fait que le ministre des armées n’a pas la main sur le niveau d’engagement opérationnel des forces, qui relève du plus haut niveau de l’État.

Votre rapporteur se félicite de l’effort de « sincérisation » du financement des OPEX et des MISSINT qui se traduira, en 2021, par le vote d’une provision initiale qui se rapproche – toutefois sans l’atteindre – du montant des dépenses constatées ces dernières années, sans préjuger de l’évolution de l’engagement opérationnel des forces armées. Celui-ci regrette néanmoins que la « sincérisation » au niveau du financement initial se fasse au prix d’une insincérité au stade de l’exécution puisque, en l’absence de solidarité interministérielle, les armées ne sont pas assurées de disposer des crédits qui leur sont destinés.

C.   Le programme 146 Équipement des forces

Le programme 146 agrège les crédits relatifs aux armements et matériels nécessaires à la réalisation des missions des armées. En 2021, les AE du programme 146 sont en baisse de 17 % et les CP sont en hausse de 8 % et de 1,1 Md€ en valeur absolue. L’agrégat « équipement » absorbe à lui seul une partie importante des 1,7 Md€ de hausse du budget de la défense en 2021.

L’année 2021 s’inscrit ainsi dans la trajectoire fixée par la LPM de remontée en puissance des capacités opérationnelles des armées. Certaines livraisons très importantes sont prévues en 2021, dont 157 blindés Griffon et 20 Jaguar pour l’armée de terre, une nouvelle frégate multi-mission (FREEM) pour la Marine et trois nouveaux avions MRTT Phénix pour l’armée de l’air et de l’espace. S’agissant des commandes, le PLF pour 2021 intègre notamment le décalage de 2020 à 2021 du lancement des programmes SCAF et MRTT Standard 2 en conséquence de la crise sanitaire. Sur le SCAF, 3 Mds€ d’AE sont ainsi demandées dans le budget pour 2021, tandis que 1,4 Md€ d’AE déjà ouvertes sur 2020 sont demandées en reports de crédits. Sur le MRTT Standard 2, 1,1 Md€ d’AE sont demandés dans le PLF, tandis que les AE ouvertes à ce titre en 2020 sont réorientées au profit du plan de soutien à l’aéronautique.

Comme l’affirme le chef d’état-major de l’armée de terre, le général d’armée Thierry Burkhard, notre pays doit disposer d’une armée durcie, prête à un conflit de haute intensité. L’armée française ne peut être taillée pour le Mali mais doit aujourd’hui faire face à des menaces bien plus nombreuses dans un monde qui ne cesse de s’armer. Le major général de l’armée de terre, le général de corps d’armée Hervé Gomart, « reste optimiste » vis-à-vis de la mise en œuvre de la LPM qui « doit permettre d’aller vers cette ambition ». Ce dernier fait toutefois remarquer que l’armée de terre n’en est qu’au début de sa modernisation et que le programme SCORPION ne sera déployé qu’à moitié en 2025. La prochaine LPM devra donc être à la hauteur pour éviter d’avoir une armée de terre « à deux vitesses » qui ne permettrait pas de remplir le contrat opérationnel.

Des retards sur les livraisons des équipements prévus par la LPM

 Votre rapporteur avait alerté la commission des affaires étrangères l’année dernière sur les retards susceptibles d’affecter certains programmes d’armement prévus par la LPM. Les conséquences de la crise sanitaire n’ont fait que renforcer ces inquiétudes.

 Certains jalons importants de la LPM ont pu être franchis malgré la crise, parmi lesquels la livraison à l’armée de l’air et de l’espace du dix-septième A400M, les livraisons à l’armée de terre de véhicules de l’avant blindé (VAB) avec protection contre les engins explosifs improvisés (IED) et le début des essais à la mer du sous-marin nucléaire d’attaque (SNA) Suffren, qui a rallié Toulon le 28 juillet et qui poursuit les essais sur son système de combat.

 La crise sanitaire a eu des effets variables selon les opérations d’armement. Les activités de production industrielle, mais aussi les expertises et les essais menés par la DGA, ont souvent été très affectés par la crise, en particulier lors de la période de confinement qui a été suivie d’une reprise progressive de l’activité. Les activités plus en amont, notamment celles des bureaux d’études, ont été comparativement moins impactées car elles étaient plus facilement compatibles avec les mesures de distanciation sociale ou l’usage du télétravail.

 Les principaux retards engendrés par la crise concernent donc des livraisons de matériels dont la chaîne de production a été interrompue ou ralentie : pods de désignation laser de nouvelle génération, missiles Aster 30 pour FREEM de défense aérienne ou encore véhicules blindés multi-rôle Griffon. Ces livraisons initialement prévues au premier semestre 2020 ont dû être reportées. Sur les commandes, les principaux retards concernent le lancement du SCAF et du MRTT Standard 2. Votre rapporteur appelle à une mise en œuvre stricte des plans d’action définis par la DGA, avec les industriels et en étroite coordination avec les armées, pour rattraper ces retards d’ici la fin de l’exercice 2021.

D.   Le programme 144 Environnement et prospective de la politique de défense

Le programme 144 rassemble les crédits destinés à éclairer le ministère des armées sur l’environnement stratégique présent et futur, afin d’orienter les évolutions de la politique de défense. En 2021, le niveau des ressources du programme 144 progressera de 137 M€ en CP par rapport à la LFI pour 2020, ce qui doit permettre de couvrir les deux priorités sur le renseignement et les études.

D’une part, les trois services de renseignement (DGSE, DRSD, DRM) poursuivent leur montée en puissance en matière d’équipement et d’effectifs. D’autre part, le budget des études amont atteint 901 M€, en hausse de 80 M€, conformément à l’objectif fixé par la LPM de les porter à 1 Md€ en 2022.

La direction générale de la sécurité extérieure (DGSE)

Le contexte d’aggravation des menaces qui pèsent sur la France, du terrorisme au retour des politiques de puissance en passant par le développement des cyberattaques et les agressions contre notre patrimoine industriel et économique, ont conduit les pouvoirs publics à faire le choix d’un renforcement des services de renseignement.

La coopération entre services a été améliorée et le « continuum intérieur/extérieur » renforcé avec la création du conseil national du renseignement et de la lutte contre le terrorisme (CNRLT) en 2017. Selon les responsables de la DGSE entendus par votre rapporteur, l’enjeu est désormais de créer une coopération plus systématique « au-delà du premier cercle, notamment avec l’administration pénitentiaire ». Alors que des réflexions sont en cours pour renforcer le contrôle sur les agences de renseignement ([9]), ces dernières sont soucieuses que de nouveaux contrôles ne paralysent pas la capacité opérationnelle de services qui sont déjà « parmi les plus contrôlés de la République » et qui sont confrontés à des adversaires « sans contraintes légales ».

Les moyens budgétaires des services de renseignement augmentent fortement dans le cadre de la LPM 2019-2025, qui s’inscrit à cet égard dans la continuité de la LPM précédente, qui couvrait la période 2014-2019.

● Les dépenses de titre II

La LPM prévoit la création de 1 500 effectifs supplémentaires dans le domaine du renseignement sur la période 2019-2025. Après avoir connu une hausse de 1 700 effectifs entre 2008 et 2018, la DGSE a réalisé 750 recrutements en 2019, ce qui est considérable lorsqu’on rapporte ces chiffres à l’effectif total du service, évalué à environ 6 000 personnes. Après de telles augmentations, les effectifs de la DGSE ont vocation à rester stable en 2021 et 2022.

La DGSE est un employeur attractif qui, grâce notamment à une politique active de recrutement, ne rencontre pas de grandes difficultés pour embaucher. Les seules difficultés portent sur le recrutement de compétences de pointe présentes chez les personnels militaires, qui ne représentent plus qu’un peu plus de 20 % des effectifs de l’agence, et le recrutement sur des segments de qualification en tension sur le marché du travail, comme les métiers cyber ou la maîtrise des langues rares. L’attractivité des carrières et la fidélisation des agents constituent aujourd’hui l’enjeu majeur du service. Après avoir fait un effort important sur les grilles de rémunération, la DGSE réfléchit aujourd’hui à un recrutement de certains contractuels, qui composent 30 % des effectifs, directement en CDI.

Les créations d’emploi et la politique d’attractivité et de fidélisation au sein de la DGSE se traduisent par des hausses de crédits de masse salariale. En 2021, la masse salariale est programmée à hauteur de 376 M€, soit une progression de 4,6 %.

● Les dépenses hors titre II

Les deux dernières LPM ont consenti un effort substantiel, dans le contexte de la lutte contre le terrorisme, pour renforcer dans la durée les capacités de réponse opérationnelle de la DGSE. Selon ses responsables, la DGSE doit opérer « un bond capacitaire » pour faire partie des grands services de renseignement occidentaux. En 2021, les dépenses hors T2 du service atteindront environ 400 M€ en CP, ce qui représente une hausse des crédits de 12 %. Dans un contexte marqué par des évolutions technologiques rapides, les moyens octroyés permettront à la DGSE de poursuivre ses investissements pour adapter et accroître ses capacités de recueil, de stockage, de traitement, d’analyse et d’exploitation des données.

 

 


—  1  —

Deuxième Partie :
Le soutien aux exportations d’armement

Les chiffres de la performance française à l’export sont dans l’ensemble rassurants. Nos industries d’armement ont en effet rencontré d’importants succès sur les marchés extérieurs depuis 2015, ce qui atteste de la qualité de l’offre d’armement française et de l’efficacité de l’« équipe France ». Pour autant, nos autorités auraient tort de rester sur leurs acquis : la position française sur les marchés mondiaux d’équipements militaires est loin d’être garantie.

Le marché mondial de l’armement est en effet marqué par une exacerbation des conditions de concurrence. Non seulement la concurrence est intense, mais elle s’exerce suivant des modalités très exorbitantes des pratiques commerciales habituelles. Dans un domaine aussi stratégique que l’armement, la rivalité commerciale peut s’exercer entre alliés avec une brutalité qui n’est admise ni dans le champ opérationnel ni dans les relations diplomatiques. En témoigne la manière dont l’industrie et l’administration américaines déstabilisent aujourd’hui les industries européennes sur leurs marchés traditionnels, jusqu’en Europe.

Dans ce contexte, la France ne peut renoncer à ses valeurs et exporter à n’importe quelle condition. À l’inverse, notre pays ne peut non plus se passer d’exporter, à moins de renoncer à une base industrielle et technologique de défense (BITD) forte, qui est la condition de notre autonomie stratégique. Votre rapporteur appelle plutôt à consolider notre politique de soutien aux exportations pour défendre nos positions sur des marchés de plus en plus contestés.

I.   l’« équipe France » est mobilisée pour soutenir les exportations d’armement, dont l’importance est reconnue

A.   La programmation militaire 2019-2025 consacre l’importance du soutien aux exportations d’armement

Notre pays tire de nombreux bénéfices des exportations d’armement, notamment pour l’industrie et les armées. C’est pour cette raison que la loi de programmation militaire (LPM) 2019-2025 prévoit des moyens supplémentaires, notamment au bénéfice des armées, pour le soutien aux exportations.

1.   Les armées et l’industrie ont des intérêts convergents dans l’exportation d’armement

Malgré la charge que peut représenter cette mission pour les armées compte tenu de leurs moyens comptés, votre rapporteur estime que le soutien aux exportations est indispensable, non seulement car un haut niveau d’exportation est vital pour le maintien des compétences de la BITD française, mais aussi parce que les armées peuvent y trouver elles-mêmes un intérêt.

a.   L’exportation est vitale pour notre industrie de défense

Même revus à la hausse par la LPM, les programmes d’armement ne suffisent plus à entretenir une industrie d’armement dont les débouchés se limiteraient au marché national. Cette insuffisance du marché français s’explique tant en raison du nombre limité de matériels commandés que de l’espacement des programmes entre le développement d’un matériel et son renouvellement. Tel est le cas du Rafale, des satellites, des sous-marins ou des frégates. Comme l’explique Naval Group, le volume limité des commandes françaises rend indispensable la recherche de marchés extérieurs pour assurer le maintien des compétences des bureaux d’études et de l’outil de production industrielle entre deux programmes.

L’industrie française, qui se caractérise par une dizaine de grands groupes et plus de 4 000 PME – dont 350 sont jugées stratégiques – a besoin d’exporter.

illustration : l’activité export de MBDA et de la SOFEMA

 Un grand groupe : MBDA

MBDA est le leader européen dans la conception de missiles et de systèmes de missiles. Son chiffre d’affaires, qui s’est élevé à 3,7 milliards d’euros en 2019, classe MBDA en deuxième position sur le marché mondial des missiles, derrière la division Missile de Raytheon et devant celle de Lockheed Martin.

Au-delà des trois grands acteurs principaux, le marché export des systèmes de missiles est ultra-concurrentiel sur un segment tactique stable où le nombre d’acteurs augmente significativement (Turquie, Corée, Chine, etc.). De nouveaux produits y entrent régulièrement. Le marché export de la défense antimissile balistique connaît une croissance forte, compte tenu de la montée des tensions internationales, et profite principalement aux acteurs américains et russes.

L’activité de MBDA repose aujourd’hui à 50 % environ sur l’export depuis une dizaine d’années. La promotion et les activités de soutien client sont opérées dans plus de soixante-dix pays. Une large majorité des prises de commande export provient du Moyen-Orient (Qatar, EAU, Égypte, Arabie Saoudite, Maroc, etc.).

MBDA prévoit un impact significatif de la pandémie mondiale sur les prises de commande export. Pour 2020, la baisse des prises de commandes export par rapport aux prévisions pré-Covid est estimée entre -50 % et -70 %. Il est cependant encore trop tôt pour estimer précisément les conséquences de la crise sur les ventes à moyen et long terme. La baisse possible des prises de commande à l’export se traduirait par une baisse du plan de charge des sites de production de MBDA dans les deux à trois prochaines années, avec un impact direct sur le maintien de l’outil industriel et de celui des fournisseurs.

 Une PME : la Sofema

 Héritière des offices d’exportation d’armement, la Sofema est une PME spécialisée dans le rachat à la défense française d’équipements que cette société rénove avant de revendre à des pays étrangers. Son activité porte essentiellement sur les matériels terrestres mais aussi sur le matériel aéronautique et les pièces détachées. La Sofema est présente uniquement sur le secteur de la défense et réalise 100 % de son chiffre d’affaires à l’export.

Selon son président-directeur général, M. Guillaume Giscard d’Estaing, la Sofema se situe dans un « business model très vertueux » à plusieurs titres. D’abord, l’activité de la Sofema se traduit par des ressources extrabudgétaires pour la défense française qui peut se libérer de ses vieux équipements. Ensuite, en se positionnant sur un segment « low-tech low-cost », la Sofema répond aux besoins des pays moins aisés. Enfin, la Sofema appartient au champ de « l’industrie circulaire » qui répond aux préoccupations environnementales.

La situation est néanmoins difficile pour la Sofema. L’activité de cette société exige une intensité capitalistique pour acheter des matériels avant de les vendre, ce qui inclue une forte prise de risque dans un contexte où, en dépit des autorisations d’exporter, les banques sont de plus en plus frileuses lorsqu’il s’agit de prêter à des industriels de l’armement. D’autre part, les marchés sur lesquels se positionne la Sofema se caractérisent par une faible récurrence. Même si la concurrence n’est pas aussi forte que sur les matériels de pointe, la Sofema doit affronter la concurrence d’acteurs étrangers et, parfois même, de grands groupes français avec « le risque d’un scénario « perdant-perdant » ».

b.   Les armées peuvent trouver intérêt aux exportations d’armement

i.   Un intérêt financier et économique

Au plan financier d’abord, et malgré les difficultés méthodologiques d’un tel calcul, les armées paraissent plutôt bénéficier des exportations d’armement.

Les dépenses supportées par les armées, directions et services du ministère des armées au titre du soutien aux exportations peuvent faire l’objet d’une facturation à destination de l’industriel exportateur. Une instruction interarmées du 16 juin 2020 a récemment remplacé l’instruction de 2013 qui a mis en place un régime unifié de facturation des prestations de soutien aux exportations des armées. L’objectif de cette révision était de faire supporter toute la charge aux industriels ce qui signifie, non seulement les dépenses directement constatées, mais le « coût complet » de la prestation de soutien, ce qui inclut par exemple l’amortissement du matériel mis à disposition. Les armées ont reçu, en 2019, environ cinquante millions d’euros de retour financier pour leurs prestations de soutien aux exportations, dont neuf millions d’euros pour l’armée de l’air.

L’exportation joue également dans l’équilibre économique des programmes d’armement avec pour effet de réduire le coût unitaire des équipements achetés par les armées. Les exportations d’un équipement par ailleurs en service dans les armées françaises ont pour effet d’étendre les séries de production sur lesquelles sont amortis les coûts de développement dudit matériel. Naval Group estime que l’impact bénéfique des exportations s’établit à environ 400 millions d’euros chaque année pour la Marine nationale. Selon M. Jean-Marc Duquesne, délégué général du GICAT, le renoncement à l’export se traduirait par un « renchérissement insoutenable des matériels pour les armées ».

ii.   Un intérêt opérationnel et stratégique

De façon plus indirecte, l’exportation d’armement s’avère aussi présenter un intérêt pour les armées en matière opérationnelle. Le général de corps d’armée Éric Bellot des Minières, sous-chef « Plans » de l’état-major des armées, a ainsi rappelé à votre rapporteur que « le fait de disposer d’un même type d’équipement permet d’augmenter l’interopérabilité ». L’armée de terre reste par exemple très attentive à l’exportation des équipements de la gamme SCORPION, composés de véhicules terrestres bien protégés (Jaguar, Griffon et Serval), aptes au combat infovalorisé et collaboratif grâce notamment à la radio Contact. Si SCORPION s’impose comme un standard au niveau européen, l’armée de terre y gagnera fortement en interopérabilité avec ses partenaires. Selon le major général de l’armée de terre, le général de corps d’armée Hervé Gomart, l’interopérabilité est d’autant plus importante en prévision de combats de haute intensité.

Par ailleurs, le directeur du service « affaires internationales, stratégiques et technologiques » du secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN), M. Jean-Hugues Simon-Michel, souligne combien les ventes d’armes représentent un objet « insécable de la politique étrangère de la France ». Les exportations de matériels militaires peuvent jouer comme des catalyseurs de partenariats stratégiques de long terme. Actions opérationnelles communes et échanges d’informations intenses ont été rendus possibles à la suite d’exportations. En Égypte, depuis la fourniture par la France de deux BPC, d’une FREMM et de corvettes Gowind, la Marine nationale a des accès privilégiés à Alexandrie comme à Suez, et la coopération est intense malgré le récent refroidissement de la relation d’armement entre nos deux pays. Il en va de même en Australie, où la « relation d’équipement », marqué par la vente de douze sous-marins lanceurs d’engins (SNLE) de la classe Barracuda, s’est doublée d’une coopération opérationnelle intense, notamment dans l’océan Indien.

2.   La LPM fait du soutien aux exportations une priorité

La LPM 2019-2025 reconnaît l’intérêt des exportations pour la défense et réaffirme l’engagement des armées et de la DGA dans leur soutien. En témoigne l’extrait ci-dessous du rapport annexé à la LPM.

Le soutien aux exportations

« Par ailleurs dans le domaine industriel, la politique d’exportation d’armement contribue à consolider la position de la France sur la scène internationale, à garantir son autonomie stratégique et à renforcer la crédibilité de ses forces armées. S’inscrivant dans une logique économique, industrielle, opérationnelle et diplomatique, elle contribue en outre à la soutenabilité financière de notre politique de défense et au développement d’un haut niveau d’interopérabilité de nos capacités.

Dans un contexte de fort engagement opérationnel, son développement devra être un objectif prioritaire du ministère car l’industrie de défense contribue positivement au solde de la balance commerciale de la France en exportant un tiers de son chiffre d’affaires en moyenne sur les dernières années avec des bénéfices pour la Nation en termes fiscaux et de création d’emplois hautement qualifiés.

Elle constitue un vecteur de renforcement des liens militaires et politiques, y compris en intra-européen, et permet de renforcer et de moderniser les capacités des forces des pays alliés et partenaires confrontés aux mêmes défis engendrés par les nouvelles menaces. Pour se maintenir sur ce marché très concurrentiel, la France devra être en mesure de proposer de réels partenariats privilégiant la mise en place de partenariats de référence entre États, intégrant un accompagnement plus structuré et plus exigeant, en particulier en termes de transferts de savoir-faire technique et opérationnel. Elle valorisera également l’engagement au combat des équipements de nos armées, qui constitue un véritable atout partagé par peu de pays. Afin de faciliter les coopérations technologiques et industrielles bilatérales et européennes, il importera de s’assurer que les acteurs industriels concernés puissent exporter ou laisser exporter des matériels d’armement issus de développements ou de productions menés en coopération.

En dernier lieu, le ministère approfondira les modalités de soutien aux exportations, en structurant davantage cette fonction, en ouvrant 400 nouveaux postes au sein des armées, directions et services du ministère des armées et en améliorant les modalités de prise en charge, par les industriels de l’armement, des coûts indirects incombant aux armées. Elle promouvra également une stratégie nationale portée par l’ensemble des acteurs industriels et étatiques impliqués dans les exportations de défense au sein de « l’Équipe France ». »

Source : rapport annexé à la LPM 2019‒2025.

La LPM a ainsi prévu de consacrer au soutien aux exportations 400 des 6 000 postes supplémentaires dont elle a planifié la création d’ici 2025. Le tableau ci-après présente le rythme et la répartition de ces créations d’emplois.

Créations de postes au titre du soutien aux exportations

année

2019

2020

2021

2022

2023

2024

2025

total

DGA

30

14

14

14

148

47

267

armées

15

10

10

10

60

14

14

133

total

45

24

24

24

208

75

400

Sources : ministère des Armées.

B.   La forte implication de l’État a largement contribué aux succès récents de l’« équipe France »

1.   Les autorités politiques et militaires sont fortement engagées auprès des industriels pour soutenir l’export

Les démarches conjointes ou coordonnées des plus hautes autorités politiques et militaires ainsi que des industriels français de l’armement, destinées à donner l’image d’une industrie française aussi unie que possible sur les marchés internationaux, ont donné corps au concept d’« équipe France ». Dans celle-ci, les autorités politiques ont un rôle de premier rang et le soutien apporté par les armées et la DGA à l’industrie est déterminant.

a.   Les autorités politiques ont un rôle primordial dans l’« équipe France »

i.   L’implication personnelle de la ministre des Armées

L’investissement d’une autorité politique française de haut rang est indispensable pour faire valoir les intérêts de l’industrie française auprès des hautes autorités politiques étrangères. Comme nous le verrons plus loin, les clients sont de plus en plus soucieux de s’assurer d’un soutien politique et administratif à l’export, et non seulement des garanties données par les industriels. C’est, le plus souvent, la ministre des Armées, qui joue le rôle de leader de l’« équipe France ».

De même, les réseaux diplomatiques sont de plus en plus mobilisés en faveur de la « diplomatie économique », ce qui bénéficie à l’export. Les temps ont beaucoup changé par rapport à l’époque où les ambassadeurs s’occupaient essentiellement de la relation politique avec leur pays de résidence. La diplomatie économique est devenue une priorité et les ambassadeurs s’impliquent désormais de plus en plus pour soutenir les exportations d’armement, en soutien de leurs attachés de défense ou d’armement. La directrice de la diplomatie économique du Quai d’Orsay, Mme Hélène Dantoine, explique même que l’existence de prospects à l’export dans certains pays influe sur le profil des ambassadeurs choisis pour représenter la France. La direction de la diplomatie économique est active pour préparer les dossiers « export » pour les ambassadeurs nouvellement nommés et organiser des rencontres avec les industriels français de l’armement. Ensuite, cette direction effectue un suivi hebdomadaire des contrats et s’assure que ces derniers figurent à l’ordre du jour des rencontres bilatérales de haut niveau.

Sans doute faut-il regretter que ce soutien politique et diplomatique à l’export bénéfice principalement aux grands contrats alors que les contrats plus modestes, notamment dans l’armement terrestre, sont le plus souvent éclipsés lors des discussions bilatérales de haut niveau politique.

ii.   Une politique de contrôle des exportations crédible et efficace

Bien que cette affirmation puisse paraître contradictoire, une politique équilibrée de licences d’exportation est une forme indirecte, mais essentielle de soutien. Comme l’explique un rapport parlementaire de 2014 ([10]), « adapté ou inutilement tatillon, [le contrôle-export] peut constituer un désavantage compétitif. À l’inverse, un système de contrôle crédible, bien ciblé, robuste et efficace peut participer pleinement du soutien aux exportations : pour les industriels, en ce qu’il autorise concrètement le flux commercial ; pour les clients, dont l’achat se voit sécurisé dès lors que l’autorisation délivrée par l’autorité de contrôle vaut respect des procédures. Dans l’hypothèse où le contrôle est bien calibré, le contrôleur n’est pas celui qui empêche l’exportation ; c’est celui qui permet qu’elle se réalise, conférant une sécurité juridique à l’opération. »

En France, les exportations d’armement sont régies par un régime de prohibition : tout industriel qui souhaite exporter doit déposer une demande de licence valable trois ans qui couvre le processus d’une vente d’armes de bout en bout. Les licences sont accordées, par délégation du Premier ministre, par le secrétaire général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN), après avis de la commission interministérielle pour l’étude des exportations de matériels de guerre (CIEEMG). L’examen en CIEEMG permet pondérer les multiples considérations, stratégiques, diplomatiques, humanitaires, industrielles ou économiques, qui entrent dans la décision d’autoriser ou non une exportation.

De nombreux industriels de l’armement se plaignent encore de délais d’octroi de licences trop longs, qui aboutissent parfois à leur faire perdre des contrats. Le délai moyen d’une décision prise en CIEEMG se situe entre 50 et 65 jours ce qui est plus rapide que l’Allemagne, fait valoir le SGDSN. De fait, le contrôle des exportations a fait l’objet de plusieurs mesures de simplification ces dernières années, parmi lesquelles le passage à la licence unique suite à la transposition de la directive européenne pour le transfert intracommunautaire des produits de défense ([11]) et la dématérialisation du processus via le logiciel SIGALE.

Selon une des personnes rencontrées au SGDSN, « cela ne va jamais assez vite pour les industriels, mais il faut maintenir la rigueur du contrôle ». Votre rapporteur considère néanmoins qu’il est souhaitable et faisable de réduire encore les délais d’octroi des licences en limitant les incidences sur la qualité du contrôle. En 2014, un objectif interministériel avait été fixé pour réduire le délai d’instruction moyen à quarante-cinq jours. Cet objectif doit être atteint.

b.   Les armées et la DGA apportent un important soutien aux industriels

La direction générale de l’armement (DGA), l’état-major des armées et chacune des armées apportent un soutien accru aux industriels. Le soutien aux exportations d’armement est une mission qui ne cesse de prendre de l’importance et qui mobilise aujourd’hui une part significative de leurs moyens humains.

i.   Les prestations de soutien aux exportations de la DGA

Le soutien apporté aux exportations de matériels de guerre constitue l’une des trois missions de la DGA, au même titre que l’équipement des forces armées et la préparation du futur des systèmes de défense. Cette mission est assurée en particulier par la direction du développement international de la DGA (DGA-DI), dirigée par l’ingénieur général de l’armement Thierry Carlier que votre rapporteur a pu auditionner. La DGA-DI est composée de près de 200 personnes dont 175 agents situés à Paris et 25 attachés d’armement à l’étranger.

La DGA apporte son appui aux États clients de l’industrie française aux différentes étapes du processus d’acquisition. En amont des contrats, l’implication de la DGA peut prendre la forme d’une aide à la définition du besoin, d’un conseil sur la négociation ou encore de la réalisation d’essais et campagnes de tir dans des centres de la DGA. Après la signature du contrat, la DGA peut offrir son appui dans le suivi d’exécution ou dans la réalisation de prestation sollicitées par l’État client, par exemple en matière d’essais ou d’assurance-qualité.

La DGA accompagne aussi les industriels français aux différentes phases du processus export. La veille et le suivi des besoins des armées locales réalisés par les attachés de défense permettent aux industriels de repérer les opportunités commerciales. La DGA peut aussi apporter un soutien au cours de la négociation. De plus, la DGA assure la gestion de différents dispositifs d’aide financière à l’exportation. Celle-ci gère, par exemple, la procédure dite de l’« article 90 » ([12]) qui permet d’octroyer des avances remboursables aux entreprises du secteur de la défense pour financer jusqu’à 50 % des dépenses d’industrialisation de certains produits en vue de leur exportation. En cas d’échec du projet, l’entreprise est dispensée de rembourser tout ou partie de l’avance perçue, ce qui permet de réduire le risque supporté par les industriels au cours de l’industrialisation. Les groupements industriels rencontrés par votre rapporteur se sont pour la plupart félicités du caractère fluide et efficace de la coopération avec la DGA-DI.

Un soutien spécifique aux PME et aux ETI du secteur de la défense

Les PME et les ETI de défense, qui n’ont pas toujours un service de veille commerciale ou une division juridique, ont un désavantage compétitif sur le marché mondial de l’armement, qui se matérialise par une grande complexité d’accès à ce marché. Elles ont notamment de sérieuses difficultés à participer aux grands contrats d’armement. En particulier, les exigences de retour industriel – communément appelés offsets – dans ces « grands » contrats freinent la conquête de marchés extérieurs par les PME.

Pour tenir compte de cette situation, la DGA a mis en œuvre, en 2018, le plan « Action PME », dans la continuité du « Pacte défense-PME » de 2013. Parmi les 21 mesures destinées à favoriser la croissance, l’effort d’innovation et la compétitivité des PME et des ETI, certaines visent à soutenir les exportations de ces entreprises, comme :

● l’attribution d’un label « utilisé par les armées françaises » ;

● l’organisation d’un « pavillon France » dans les salons d’armement ;

● l’organisation de séminaires à l’étranger dédiés aux PME ;

● la création d’un guichet unique à la DGA-DI pour les PME.

Les PME peuvent par ailleurs bénéficier d’un soutien financier public pour la conquête de nouveaux marchés à l’export via les produits d’assurance prospection de Bpifrance Assurance Export. Elles peuvent recevoir une aide financière spécifique dans le cadre de leur participation à des « séminaires PME » organisés à l’étranger, dans celui d’opérations de démonstration ou de présentation de matériel ou encore dans celui d’une participation à un salon d’armement à l’étranger. Enfin, les PME, notamment les PME innovantes, bénéficient en priorité des avances remboursables de la procédure de l’article 90 ([13]).

ii.   Les prestations de soutien aux exportations des armées

Le soutien aux exportations d’armement n’est pas une mission assignée explicitement aux armées – contrairement à la DGA – ; c’est pourquoi les prestations effectuées dans ce cadre sont facturées aux industriels. En pratique, le soutien à l’export est une mission de plus en plus importante pour les armées.

Le soutien apporté par les armées peut prendre différentes formes, dont la participation aux salons d’armement, la présentation ou la démonstration d’équipements, la formation de personnels, l’assistance technico-opérationnelle et, de façon générale, la mise à disposition de personnels, de matériels et d’installations. Pour prendre un exemple concret, l’armée de l’air a réalisé une démonstration récente de l’avion A400M lors du salon de Dubaï. Sans évoquer les équipements, le soutien aux exportations mobilise près de 300 personnes dans les armées, dont un nombre élevé de personnels dans l’armée de l’air.

Les armées sont ainsi mises au défi de limiter l’incidence des missions de soutien aux exportations sur l’activité opérationnelle des forces. Nonobstant les retours financiers, l’importance des moyens que consacrent les armées, directions et services interarmées au soutien à l’export a un impact significatif sur le stock d’équipements nationaux et les ressources humaines militaires et provoque donc des tensions sur le respect des contrats opérationnels fixés aux armées.

C’est pour cette raison que la LPM 2019-2025 a prévu la création de 133 postes supplémentaires dans les armées au titre du soutien aux exportations. La LPM prévoit de surcroît – et c’est une nouveauté – la possibilité de prendre en compte les « surcoûts [du SOUTEX] non intégralement couverts » dans les travaux d’actualisation de la programmation militaire d’ici 2021.

2.   La mobilisation de l’« équipe France » a permis d’importants succès à l’export

Outre le soutien étatique dont elle bénéficie, l’offre française se caractérise par plusieurs points forts qui ont permis de remporter de grands succès à l’export.

i.   De grands succès à l’export

Selon M. Thierry Carlier, la performance moyenne annuelle de la France à l’export se situe entre 6 et 7 Mds€. Les performances exceptionnelles de certaines années sont liées à de « grands » contrats, moins réguliers mais plus chers. Les années 2015 (17 Mds€) et 2016 (14 Mds€) ont ainsi été des années records grâce à la vente d’avions de combat Rafale à l’Inde, au Qatar et à l’Égypte ainsi que la vente des douze sous-marins à l’Australie. Les prises de commande ont atteint 8,3 Mds€ en 2019, ce qui peut être considéré comme une bonne performance en l’absence de grands contrats emblématiques comme la vente de Rafale.

Pour l’avenir, il reste difficile d’anticiper l’impact qu’aura la crise du Covid-19 sur les exportations. Si la crise du Covid-19 pourrait ralentir la hausse des budgets de défense et accroître la volonté des pays clients de construire une autonomie nationale dans le domaine de l’armement, la pandémie mondiale semble aussi de nature à accroître les tensions internationales et, par extension, les besoins de protection des États. À court terme, les groupements industriels rencontrés par votre rapporteur ont souligné le coût élevé de l’annulation des grands salons internationaux pour la relation avec les clients. Selon M. Pierre Bourlot, directeur général du GIFAS, l’« équipe France », qui bénéficie fortement des grands salons d’armement que sont Le Bourget, Eurosatory et Euronaval, pourrait pâtir davantage de l’arrêt des mobilités que d’autres pays moins dépendants de ces grands rendez-vous internationaux, comme les États-Unis.

ii.   Les atouts de l’offre française

Les succès de l’offre française reposent non seulement sur le soutien à l’exportation mais également sur plusieurs atouts par rapport aux concurrents étrangers. Au nombre de ces atouts figurent une autonomie importante, sur tout le spectre des matériels, par rapport aux équipements américains et la réputation du « combat proven » dont bénéficie la France grâce à son expérience opérationnelle.

Surtout, l’export repose beaucoup sur des partenariats stratégiques avec certains pays et la capacité, pour la France, à accepter des transferts industriels et technologiques importants. Le tableau ci-après montre le poids de certains clients « traditionnels » de l’industrie française, avec lesquels la France entretient de longue date des partenariats stratégiques étroits dans des domaines variés.

Principaux clients de l’industrie française sur la période 2010-2019*

* Classement établi sur la base des prises de commandes

Source : rapport au Parlement sur les exportations de la France de 2020

La DGA-DI souligne néanmoins une évolution, depuis quelques années, de la physionomie des exportations françaises en faveur du marché européen. Alors que les clients européens représentaient en moyenne 10 % des prises de commande avant 2018, le marché européen a capté 25 % des exportations françaises en 2018 et 43 % en 2019. Votre rapporteur tient à souligner la fragilité de cette tendance, qui repose sur de « grands » contrats, dont notamment le contrat « Capacité Motorisée » (CaMo) avec la Belgique en 2018 et le contrat sur la guerre des mines avec la Belgique et les Pays-Bas en 2019, dont la récurrence n’est pas assurée. Si la commande grecque de 18 Rafale devrait prolonger cette tendance en 2020, votre rapporteur considère qu’il est trop tôt pour affirmer que nos partenaires sont désormais convaincus de l’importance de l’achat européen.

II.   Dans un contexte marqué par un renforcement de la concurrence internationale, l’État doit aller plus loin dans le soutien aux exportations

Le renforcement du rôle de l’État dans le soutien aux exportations d’armement n’est pas une spécificité française. Cette tendance est à l’œuvre chez nombre de puissances industrielles et sur la plupart des marchés mondiaux d’équipements militaires. Face à la concurrence internationale qui en résulte, notre pays doit affermir sa politique de soutien aux exportations.

A.   La croissance du rôle des États dans les exportations constitue une tendance de fond des marchés mondiaux

L’implication croissante des États constitue une tendance de fond de l’évolution des marchés d’armement. En effet, on observe, d’une part, que les États clients sont de plus en plus demandeurs d’un accompagnement par les États fournisseurs et, d’autre part, que les États fournisseurs soutiennent de façon de plus en plus pressante leur propre industrie d’armement. Il en résulte une concurrence exacerbée sur les marchés mondiaux d’armement.

1.   Les exigences croissantes des États importateurs

Sur le marché de l’armement, les États clients demandent, de façon croissante, un accompagnement fort de l’État fournisseur.

L’État client souhaite souvent pouvoir s’adosser à l’organisation étatique de l’État fournisseur, soit pour obtenir un soutien technique ou opérationnel, soit pour bénéficier d’une forme de garantie de la part de l’État exportateur.

L’État acquéreur peut aussi demander un niveau élevé de partage industriel et de développement des compétences locales. De nombreux pays, à l’image de l’Arabie Saoudite, se dotent de structures industrielles pour établir des joint-ventures avec des partenaires étrangers. M. Thierry Carlier évoque aussi la campagne, en Inde, du « Make in India » et le souhait exprimé par les autorités indiennes, en mai 2020, de passer d’une logique d’offset à une logique de partenariat. Suite à cette annonce, le gouvernement indien a publié une liste de domaines désormais interdits à l’exportation, compte tenu de la priorité accordée à la construction d’une autonomie nationale. Votre rapporteur souligne que la pandémie mondiale devrait accroître, chez les pays clients, l’exigence de montée en compétences de leur BITD lors de la passation des contrats d’armement.

2.   En réponse, un soutien renforcé des États exportateurs

Face aux exigences croissantes des États clients, nombre d’États ont mis en œuvre de puissants dispositifs de soutien à leur industrie d’armement.

La politique de soutien aux exportations d’armement
de Plusieurs États fournisseurs

● Les États-Unis

Aux États-Unis, le dispositif de soutien aux exportations est essentiellement de la responsabilité du pouvoir exécutif, même si le Congrès joue un rôle important. Au sein de l’exécutif, le soutien aux exportations est mis en œuvre par plusieurs départements ministériels, dont le département d’État, le département de la Défense et celui du Commerce. La politique America First conduite par l’administration Trump a pour objectif de favoriser les exportations d’armement américaines.

Le Foreign Military Sales (FMS) est le principal levier de soutien aux exportations. Les FMS sont des ventes de matériels, de services et de formation, négociés directement entre l’administration américaine et un gouvernement étranger. En fonction des besoins et des matériels disponibles, le Department of Defense prélève sur ses stocks ou acquiert les biens auprès des industriels pour les fournir à l’État client. Selon M. Thierry Carlier, les FMS fonctionnent selon le principe « take what you are given » : il n’existe aucune flexibilité dans l’offre américaine et les conditions peuvent changer du jour au lendemain.

● Le Royaume-Uni

 Si la plupart des pays ont mis en œuvre des réformes destinées à rapprocher le soutien aux exportations du ministère de la défense, le Royaume-Uni fait figure d’exception. Dans ce pays, la structure chargée de l’appui aux exportations, appelée la Defence and Security Organisation (DSO), est rattachée au ministère du commerce extérieur, appelé Department for International Trade (DIT). Le DIT-DSO s’appuie sur une structure centrale forte d’une centaine d’agents et sur une vingtaine de représentations dans le réseau diplomatique du Royaume-Uni. Les missions de la DIT-DSO, qui est spécifiquement chargée du soutien aux exportations, sont l’analyse des marchés d’armement, le soutien et le conseil aux industriels britanniques, la coordination des armées pour les démonstrations d’équipements et l’organisation de salons et d’expositions.

Conscient que l’exportation de matériels de défense revêt des spécificités et ne s’apparente pas à un acte commercial « pur », le ministère de la défense britannique reste compétent pour les grands dossiers export stratégiques, comme les avions Typhoon et les missiles. Le ministère de la défense britannique soutient également le DIT‑DSO dans les campagnes d’exportation des frégates de type 26 et de type 31.

Les exportations d’armement, qu’elles soient le fait du DIT-DSO ou du ministère de la défense, sont reconnues comme stratégiques par le gouvernement pour qui l’« exportabilité » d’un nouveau matériel doit être prise en compte dans son développement au même titre que les besoins des armées britanniques.

● La Russie

Rosoboronexport est l’acteur principal pour l’exportation et l’importation d’armement entre la Russie et l’étranger. Société par actions détenue par l’État, Rosoboronexport est placée sous la double tutelle du ministère de la défense et de l’administration présidentielle. La coordination politique du soutien aux exportations est assurée par la commission pour la coopération militaro-technique. Placée sous la présidence de M. Vladimir Poutine, cette commission, qui se réunit régulièrement, permet au président russe d’être informé de l’état des livraisons et des prises de commande et de donner ses orientations, par exemple quant aux pays prioritaires et aux objectifs de prise de commandes.

Rosoboronexport est présente sur l’ensemble du marché de l’armement ‒ R & D, équipements terrestres, aéronautiques et navals, formation technique, maintenance, etc. ‒ et intervient comme intermédiaire, assurant des études de marché, la promotion des matériels russes, des négociations avec les clients, la signature et le suivi administratif du contrat. Le chiffre d’affaires de Rosoboronexport représente la majorité des exportations d’armement russes, un certain nombre d’industriels russes ayant l’autorisation de commercer directement avec l’étranger dans le cadre des marchés de soutien des contrats signés dans le passé. Depuis 2016, la loi permet d’élargir à la fois le nombre de sociétés pouvant bénéficier de cette exemption et le champ des activités concernées.

3.   Au résultat, une concurrence exacerbée

Les industriels de l’armement français sont confrontés à une concurrence sérieuse de la part d’acteurs parfois fortement soutenus par les pays d’origine. Cette concurrence s’exerce désormais sur tout le spectre des matériels, aussi bien terrestres, navals qu’aéronautiques. Elle a tendance à s’élargir pour intégrer, au-delà des anciens concurrents comme les États-Unis et la Russie, de nouveaux entrants comme la Chine, la Corée, le Japon et la Turquie. Sans doute faut-il regretter, dans ce contexte, que l’Europe reste très divisée, malgré l’existence de belles réussites industrielles communes comme Airbus et MBDA.

Votre rapporteur appelle à un plus grand rapprochement des industries européennes afin de bénéficier d’un catalogue d’équipements plus larges, d’un effet d’échelle industrielle et de la complémentarité des implantations industrielles des pays européens. Mais à court terme, pour aider les industriels français à affronter une concurrence agressive sur tous les marchés, votre rapporteur appelle l’État à renforcer son soutien aux exportations d’armement.

B.   Dans les conditions de marché actuelles, la France doit affermir sa politique de soutien aux exportations

Aux yeux du rapporteur pour avis, les enjeux qui s’attachent aux exportations d’armement justifient, dans les conditions de marché actuelles, un engagement accru de l’État dans le soutien aux exportations. Celui-ci pourrait prendre différentes formes dans le cadre d’une politique de soutien consolidée.

1.   Développer les contrats d’État à État

Votre rapporteur estime que, compte tenu du renforcement de la concurrence internationale, la France n’a d’autre choix que recourir plus largement aux contrats d’État à État tout en essayant de limiter au maximum les conséquences du transfert à l’État d’une part du risque contractuel. De fait, le ministère des armées a conduit des études approfondies pour développer des outils similaires au FMS américain dont les succès ont été rappelés.

L’idée d’une reproduction du FMS en France, à savoir d’un « FMS à la française », comporte toutefois certains obstacles, compte tenu de plusieurs différences entre la France et les États-Unis. D’une part, la France ne dispose pas des mêmes stocks d’armement que les États-Unis, ce qui limite le recours à cet outil adapté pour des exportations d’une certaine ampleur. D’autre part, le ministère des finances reste très réticent à ce que l’État prenne à sa charge les risques financiers des contrats d’armement, puisque dans le cas d’un FMS, l’État paie l’industriel sans avoir la garantie du remboursement par l’État client. Contrairement aux États-Unis, notre pays n’a pas le poids politique permettant de faire pression sur un pays qui n’honorerait pas ses engagements financiers.

La formule des FMS américains n’est toutefois pas la seule architecture contractuelle envisageable pour permettre à un État client de contracter avec l’État. On peut en effet imaginer d’autres types de contrats « de gouvernement à gouvernement », caractérisés par des formules « sur-mesure » d’implication contractuelle de l’État. L’État doit ainsi pouvoir s’engager en soutien d’un contrat sans en assurer nécessairement la maîtrise d’ouvrage, par exemple en prenant simplement des engagements en matière opérationnelle ou de formation.

Comme l’a expliqué M. Thierry Carlier à votre rapporteur, il est nécessaire d’avoir « une palette de réponses plus flexible », du simple contrat commercial au contrat d’État à État, en passant par un accompagnement étatique « sur-mesure » en parallèle du contrat commercial. L’État doit avoir une « boîte à outils » d’instruments contractuels dont il peut faire usage selon les pays, la nature de l’acquisition, les enjeux industriels, économiques et politiques.

Le ministère des armées s’est notamment doté d’un instrument contractuel inspiré du dispositif américain du FMS et élaboré en lien avec le ministère de l’économie et des finances et le ministère de l’Europe et des affaires étrangères. Cet instrument est fondé sur un accord intergouvernemental cadre adossé à un marché public passé entre l’État – agissant au nom et pour le compte de l’État client – et un fournisseur industriel, relatif à l’acquisition par l’État des matériels et services industriels connexes répondant aux besoins de l’État client, ce marché public demeurant régi par les lois françaises et le droit de l’Union européenne.

Selon la DGA, le recours à cette forme de « FMS à la française » est cependant subordonné aux conditions suivantes : l’opération d’exportation concernée a une « ampleur suffisante » ; le recours à cette formule répond à une demande du client ; l’exportation d’équipements s’inscrit dans le développement d’un partenariat stratégique avec l’État client ; le matériel exporté est en service dans les armées françaises ; et les matériels sont technologiquement et industriellement matures. C’est sur cette base qu’a été élaboré un cadre pour de tels accords d’État à État, et notamment pour le contrat CaMo avec la Belgique.


Le contrat « CaMo » avec la Belgique

Le contrat « CaMo » « entre la France et la Belgique a pour objet d’instituer entre les armées de terre de ces deux États un « partenariat stratégique ».

Ce partenariat a pour point d’ancrage la fourniture à la Belgique de 442 engins blindés médians – 382 véhicules blindés multi-rôles (VBMR) Griffon et 60 engins blindés de reconnaissance et de combat (EBRC) Jaguar –, mais sa portée est en réalité bien plus profonde à plusieurs égards :

– pour la première fois, l’État agira comme mandataire d’un État étranger acquéreur d’armements pour l’acquisition des véhicules blindés précités. C’est donc notre direction générale de l’armement qui traitera, au nom et pour le compte de la Belgique, l’ensemble de ce programme d’armement belge […] ;

– l’accord intergouvernemental institue un dispositif pérenne de coopération militaire entre la « composante “terre” » de l’armée belge et notre armée de terre. Ainsi, les deux forces adopteront la même doctrine d’emploi des matériels et le même système de formation des militaires appelés à les opérer, garantie d’un niveau d’interopérabilité sans équivalent dans les partenariats militaires noués par la France.

C’est ainsi une nouvelle formule de soutien à l’exportation, particulièrement ambitieuse et respectueuse du droit communautaire, qui est mise en œuvre pour la première fois. Elle permet de nouer un partenariat franco-belge prometteur d’approfondissements successifs et susceptible d’inspirer d’autres démarches de même nature en Europe.

À ce titre, l’accord intergouvernemental ne doit pas être vu comme le support d’une opération d’exportation d’armement ; il marque une étape concrète, crédible et opérationnelle, dans la consolidation de l’Europe de la défense. »

Source : Avis de M. Jean-Charles Larsonneur au nom de la commission de la défense et des forces armées de l’Assemblée nationale sur l’approbation de l’accord entre la France et la Belgique relatif à leur coopération dans le domaine de la mobilité terrestre.

Le général Hervé Gomart a souligné que l’aboutissement du contrat « CaMo » serait un engagement opérationnel franco-belge, qui pourrait avoir lieu avec l’envoi d’un groupement tactique interarmes SCORPION au Sahel en 2021.

Malgré la spécificité du contrat avec la Belgique, qui repose sur la proximité du besoin des armées française et belge, le général Gomart garde l’espoir « que d’autres pays viendront s’agréger à CaMo ». Dans ce cadre, « la Belgique est notre première ambassadrice ». Le général Gomart fait valoir que les Pays-Bas, les Espagnols et les Suisses pourraient être intéressés par SCORPION, même s’ils n’auront pas exactement les mêmes besoins que l’armée française. Les Espagnols pourraient par exemple être intéressés par la vétronique et l’infovalorisation SCORPION, davantage que par les blindés en eux-mêmes.

Votre rapporteur rappelle que, pour les États clients, l’acquisition de matériels de guerre est un acte politique fondé sur un partenariat de long terme avec la France. Aussi faut-il veiller à la relation bilatérale avec les États avec lesquels la France pourrait construire des « partenariats stratégiques » fondés sur de tels contrats d’État à État. En matière militaire, l’ensemble des liens avec nos partenaires relève de la « coopération structurelle », qui passe notamment par diverses actions de conseil et de formation. La coopération en matière de formation, notamment au travers de l’accueil d’élèves-officiers dans les écoles militaires françaises, est un levier de rayonnement important. De même, notre pays ne doit pas négliger le levier d’influence représenté par le placement de conseillers militaires français auprès d’États étrangers.

2.   Mieux répartir la charge du SOUTEX au bénéfice des armées

Les industriels de l’armement sollicitent beaucoup les armées françaises sur le soutien aux exportations. En dépit des bénéfices que les armées en tirent, le soutien à l’exportation n’en constitue pas moins une contrainte importante pour les armées qui doivent conjuguer cette mission avec les impératifs opérationnels. Votre rapporteur a pu ressentir, lors de ses différentes rencontres, l’amertume ressentie par les armées qui ont l’impression d’être « la variable de l’export ».

Les contrats à l’export sont d’abord susceptibles d’avoir des répercussions importantes sur les livraisons aux armées françaises. L’export est susceptible de provoquer des réductions temporaires de capacité à l’occasion des prélèvements dans les stocks d’équipements nationaux ou sur les chaînes de production des équipements initialement destinés aux armées. Cela est dû au fait que, contrairement aux États-Unis, la France dispose d’une armée qui est « taillée au plus juste » et qui ne dispose pas de surplus. La DGA-DI anticipe par ailleurs que la pandémie mondiale pourrait avoir pour effet de renforcer le marché de l’occasion, en même temps que les clients souhaiteront disposer des matériels plus rapidement. Si cette tendance se confirme, l’export supposera de réaliser plus fréquemment des prélèvements de matériels militaires sur les armées, aggravant les « trous capacitaires » qui pèsent sur l’activité opérationnelle des forces.

Le soutien à l’export génère également des tensions sur les ressources humaines militaires. Le général Parisot, sous-chef « Préparation de l’avenir » à l’état-major de l’armée de l’air, cite la vente d’avions de combat Rafale au Qatar qui s’est accompagnée d’une formation de 6 300 heures de vol dispensée aux forces qataries et qui a mobilisé en permanence près de 500 personnes. Les personnels ainsi affectés aux missions de soutien à l’export sont retirés de leurs fonctions initiales, avec des conséquences sur l’activité opérationnelle.

La commande grecque de 18 avions de combat Rafale

Le 12 septembre 2020, les autorités grecques ont annoncé leur intention de commander 18 avions de combat Rafale, dont 6 nouveaux et 12 d’occasion. Votre rapporteur se félicite que la Grèce devienne le premier pays européen à acheter du Rafale alors que nos partenaires européens ont jusqu’à présent eu tendance à privilégier l’acquisition du F-35 américain de Lockheed Martin.

Cette commande grecque s’inscrit dans le contexte de renforcement des tensions en Méditerranée orientale. L’acquisition de Rafale doit permettre à la Grèce d’avoir des moyens réactifs de dissuasion et d’interception face à la Turquie. Compte tenu de l’imminence de la menace, la Grèce a posé comme condition que les premiers Rafale soient livrés à compter de 2021.

Votre rapporteur tient à souligner que cette commande de Rafale, qui s’ajoute à celle passée par l’Inde, le Qatar et l’Égypte, est susceptible d’avoir un impact important sur la capacité de l’armée de l’air à remplir toutes ses missions.

Le général Parisot a notamment souligné le « trou capacitaire » pour l’armée de l’air qui risquait de résulter de la conjonction de l’absence de livraisons du Rafale, du retrait de service des Mirage 2000 et de la rénovation des Mirage 2000-D. Ce dernier fait notamment valoir que l’armée de l’air « n’a pas touché contractuellement de Rafale neuf depuis 2016 et, avec la commande grecque, n’en touchera pas jusqu’en 2022 ou 2023 ». En conséquence, l’armée de l’air ne dispose actuellement que de 102 avions sur une cible fixée à 185.

Pour répondre à ces inquiétudes, la ministre des armées, Mme Florence Parly, a récemment annoncé que les 12 avions prélevés sur les stocks de l’armée de l’air et de l’espace seront compensés par une commande d’ici la fin de l’année 2020 de 12 appareils supplémentaires auprès de Dassault, qui viendront s’ajouter aux 28 livraisons déjà prévues entre 2022 et 2025. La ministre des armées a ainsi affirmé que l’objectif de 129 avions Rafale pour l’armée de l’air et de l’espace en 2025 serait respecté.

Il n’en demeure pas moins que la concrétisation d’autres prospects du Rafale à l’export, notamment en Suisse, en Croatie ou en Finlande, pourrait générer « un déficit capacitaire lourd », cette fois-ci plus difficile à combler. Un prélèvement sur les armements qui équipent le Rafale induirait par ailleurs « un risque de fragilisation de la composante aérienne stratégique ».

Reste la question des personnels, aussi bien des pilotes que des personnels à terre, qui seront mobilisés sur le soutien à l’exportation des Rafale à la Grèce. L’armée de l’air assurera la formation des pilotes sur le territoire national mais a la volonté que Défense Conseil International (DCI) prenne le relais en Grèce.

Votre rapporteur fait trois recommandations pour mieux répartir la charge du soutien aux exportations au bénéfice des armées.

En premier lieu, votre rapporteur appelle à une meilleure répartition de la charge du soutien pour qu’elle repose davantage sur les industriels. Si les armées ont un rôle indispensable pour assurer certaines missions de soutien, les industriels de l’armement pourraient davantage prendre leur part. Le contrat Rafale avec l’Inde, dans le cadre duquel la charge de la formation a été partagée avec Dassault, qui dispose de ses propres avions, peut être considéré comme une bonne pratique à cet égard. Dassault pourrait aller plus loin en créant une école de pilotage. De manière générale, les industriels doivent mieux se doter en matériels, a fortiori les petits équipements, pour assurer les formations ou les démonstrations.

Ensuite, dès lors que l’industriel ne peut toujours assurer les missions de soutien qu’il serait aussi préférable de ne pas faire peser sur les armées, votre rapporteur appelle à avoir recours à des organismes spécialisés dans l’accompagnement de la vente d’équipements militaires, comme Défense Conseil International (DCI). Le recours à DCI permet de proposer aux clients de la France un appui en conseil et en formation aussi proche que possible des compétences professionnelles des armées françaises, en évitant une ponction trop lourde sur les ressources des forces. Le statut et l’organisation de DCI, qui est détenue pour moitié par l’État et pour moitié par l’industrie, offrent une certaine souplesse car ses personnels sont pour nombre d’entre eux d’anciens militaires et, pour le cas où DCI aurait ponctuellement besoin de compétences supplémentaires, son statut permet aux armées de mettre des militaires à sa disposition. DCI a toutefois la réputation de proposer des prestations sur le haut du spectre de l’armement et de pratiquer des tarifs élevés, ce qui peut conduire à privilégier un autre organisme.

Enfin, dès lors que les armées doivent conserver des missions de soutien aux exportations, la France ne peut « tailler les armées au plus juste » si notre pays a l’ambition de rester un grand pays exportateur d’armement. Malgré la LPM et compte tenu du retard accumulé sur le plan de la modernisation des équipements, les armées souffrent encore de nombreux « trous capacitaires ». Votre rapporteur a pu notamment constater, lors d’un déplacement sur la base navale de Toulon, que la Marine manquait de nombreux équipements, notamment de FREEM. Comme le fait valoir le général Parisot, « il faudrait être au-dessus de son poids de forme pour que le gras serve à absorber les à-coups » de l’export.

 

 

 


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   Travaux de la commission

Au cours de sa réunion du mercredi 21 octobre 2020, la commission examine le présent avis budgétaire.

M. Rodrigue Kokouendo, président. Guy Teissier va nous présenter les crédits de la mission « Défense ». Nous connaissons tous son expertise sur les questions de défense et de sécurité internationale. Il a exercé cette année son œil critique sur les conséquences de la crise sanitaire, non seulement sur l’exécution du budget de la défense, mais également sur la situation de notre industrie de défense et, plus généralement, de notre base industrielle et technologique de défense (BITD).

Des satisfactions sont relevées, au premier rang desquelles le respect des prévisions d’exécution de la loi de programmation militaire. Les moyens humains sont renforcés, les équipements modernisés, les moyens de renseignement s’accroissent substantiellement. En somme, nos armées s’adaptent aux nouvelles menaces extérieures. Mais Guy Teissier ne manquera pas de nous faire part de quelques sujets d’inquiétude.

Notre rapporteur a, par ailleurs, souhaité étudier plus particulièrement le soutien aux exportations d’armement. Ces ventes, très importantes pour notre balance commerciale, assurent surtout la viabilité de nos outils industriels et de notre recherche et développement, travaillant pour la performance de notre industrie de défense qui, sans ces marchés extérieurs, aurait une activité insuffisante pour se maintenir, se développer et conserver sa prééminence technologique. Nos exportations renforcent également la force diplomatique et géostratégique de la France, contribuant à créer des liens étroits dépassant le cadre militaire avec les États clients. C’est pourquoi l’ensemble des composantes de l’État et des acteurs des secteurs de la défense sont mobilisés pour les soutenir.

Le rapport que va présenter notre collègue Guy Teissier permettra à nouveau de comprendre pourquoi la loi de programmation militaire (LPM) que nous avons votée en juillet 2018 a fait du soutien aux exportations d’armement une de ses priorités, en allouant des moyens accrus aux armées à cet effet.

M. Guy Teissier, rapporteur pour avis. Puisque la défense est le bras armé de notre politique étrangère, il est nécessaire d’en examiner les crédits dans cette commission.

Cette année, le budget de la défense s’inscrit dans un double contexte : d’une part, un contexte prévisible, lié à la loi de programmation militaire, qui court jusqu’en 2025, ou du moins jusqu’en 2022 ; d’autre part, un contexte imprévisible, qui nous a tous pris au dépourvu, celui de la crise sanitaire et de son impact sur le monde de la défense, lequel n’a pas été épargné.

S’agissant du contexte prévisible, le budget de la défense augmentera de 1,7 milliard d’euros en 2021, ce qui est conforme à la LPM. Cette nouvelle hausse des crédits, similaire à celle de l’année dernière, porte le budget de la défense à 39,2 milliards d’euros, permettant ainsi de poursuivre la remontée en puissance de nos armées. Une part substantielle des nouveaux moyens est orientée vers la modernisation des équipements afin de réparer l’outil de défense.

Je ne pourrai entrer ici dans le détail de la répartition des crédits mais je veux saluer l’engagement des hommes et des femmes présents sur les terrains d’opération comme à l’intérieur de nos frontières pour assurer la sécurité de nos concitoyens.

Je salue également l’action du service de santé des armées (SSA). Son rôle est déjà fondamental pour les soldats déployés en opérations extérieures ; nous connaissons désormais, par sa contribution à la lutte contre l’épidémie, sa capacité à s’adapter dans un domaine qui n’est pas initialement le sien. C’est d’autant plus remarquable que le SSA a été très fragilisé ces dernières années, le service ayant perdu 10 % de ses personnels entre 2014 et 2018. Si la LPM prévoit la stabilisation de ses effectifs, le SSA rencontre de grandes difficultés à recruter et à fidéliser en raison de la faiblesse des soldes. En effet, dans ce service extraordinaire, qui fait honneur à la France partout où il intervient, un jeune homme ou une jeune femme – il y a d’ailleurs plus de femmes que d’hommes médecins dans le SSA – termine ses études au grade de capitaine, ce qui pose problème pour des gens qui commencent leur carrière vers 30 ans. Il me paraît urgent de remédier aux difficultés affectant ce service.

L’impact de la crise sanitaire sur l’industrie de défense n’a pas été prise en compte par le ministère des armées. La crise sanitaire a bousculé l’industrie de défense à deux titres : d’abord, sur le plan de l’offre, en imposant un coup de frein brutal à la production ; ensuite, sur le plan de la demande, en entourant de flou les perspectives à l’export.

Le choc de la crise est majeur pour de nombreuses PME. L’industrie de la défense emploie 200 000 salariés et compte 4 000 PME ; ce sont ces entreprises, indispensables aux grands groupes, qui trinquent en pareille situation, particulièrement dans le secteur de l’aéronautique.

Je regrette que la défense soit la grande oubliée du plan de relance. Lorsque la ministre des armées indique que la LPM est le plan de relance de la défense, comment peut-on la croire, alors que la LPM a été votée en 2018, bien en amont de la crise que nous traversons ? On veut nous faire croire à des mesures nouvelles en donnant des habits neufs à des mesures adoptées depuis longtemps.

Sans mesure de relance, nous ne pouvons exclure le risque d’une fragilisation profonde, peut-être irréversible de notre industrie de défense. J’emprunte ici les mots bien avisés de nos collègues de la commission de la défense, Jean-Louis Thiériot et Benjamin Griveaux. L’industrie de défense n’est pas une industrie comme une autre : elle est la garantie de notre souveraineté ; elle est intensive en main-d’œuvre et en technologies de pointe ; elle est un exemple à suivre pour ceux qui, au lendemain de la crise sanitaire, veulent bâtir une autonomie stratégique dans de nouveaux domaines, de l’alimentation à la santé. De par cette autonomie, chaque euro investi dans la défense ne risque pas de se perdre dans des chaînes de valeur internationales complexes, mais nourrit directement l’activité et l’emploi en France, et ce dans tous les territoires. Une occasion a donc, sans aucun doute, été manquée par le Gouvernement.

J’ai décidé de consacrer la partie thématique de mon avis budgétaire au soutien aux exportations d’armement. La vente d’armes ne peut être détachée de la politique étrangère de la France. Les exportations de matériel militaire peuvent être le catalyseur de partenariats stratégiques sur le long terme avec nos voisins immédiats en Europe.

La politique d’exportation d’armement de la France repose sur deux piliers : le contrôle et le soutien. Deux de nos collègues, Jacques Maire et Michèle Tabarot, présenteront dans quelques jours un rapport très important sur le contrôle des exportations d’armement. C’est pourquoi j’ai centré mon propos sur le soutien.

La France a remporté de grands succès à l’export ces dernières années. En 2019, notre pays a enregistré 8,3 milliards d’euros de prises de commandes dont, de façon inédite, presque la moitié à destination du marché européen. Nous devons cette performance autant à la qualité de l’offre d’armement française qu’à la cohésion de l’« équipe France », qui regroupe les autorités politiques, le Quai d’Orsay, la direction générale de l’armement (DGA), les armées et les industriels.

Malgré tout, la place de notre pays sur les marchés extérieurs est loin d’être garantie. Sur ce marché, la concurrence est vive, et même brutale, si l’on s’en réfère à la manière dont les États-Unis déstabilisent les industries européennes sur leurs marchés traditionnels, jusqu’en Europe, pour vendre le F35. Au-delà des États-Unis, de nombreux pays, tels que la Russie, la Chine, Israël ou la Grande-Bretagne, renforcent leur soutien aux exportations d’armement, ce qui a pour effet de fragiliser notre position sur les marchés mondiaux.

Dans ce contexte, la LPM fait du soutien aux exportations d’armement une priorité. Elle y consacre de nouveaux moyens. Mais nous devons aller plus loin et je fais pour cela deux propositions. Première proposition : la France a intérêt à développer la formule des contrats de gouvernement à gouvernement, comme cela se pratique dans d’autres pays avec succès. Cela répond à une demande croissante des États clients. Le contrat « CaMo » avec la Belgique, dont la ratification a été récemment autorisée par notre commission, est une réussite qui en appelle d’autres.

Deuxième proposition : nous devons réduire le poids des missions de soutien aux exportations qui pèsent sur les armées, tant dans le domaine de la formation que pour le maintien en condition opérationnelle (MCO) des matériels. Ainsi, notre pays devrait bientôt vendre dix-huit avions Rafale à la Grèce, dont douze appareils d’occasion, pour un montant de 1 milliard d’euros. Véritable effet d’aubaine pour le budget de notre pays, cette vente mobilisera la substantifique moelle de nos armées pour former les pilotes et les mécaniciens grecs. Si les pilotes peuvent être formés en six mois, il leur faudra ensuite une année pour être véritablement opérationnels. Les mécaniciens devront, quant à eux, suivre les appareils en Grèce et tout cela sera pris sur nos effectifs militaires. L’entreprise Dassault vient de créer sa propre école de formation, ce qui allègera la charge que subissent nos armées avec ces missions éloignées de leur cœur de métier.

D’autres prospects à l’export existent, en Suisse, en Croatie ou en Finlande. Bien sûr, il faut se réjouir du fait que nos partenaires européens soient enfin prêts à acheter du matériel européen – et, encore mieux, du matériel français ! Mais nous devons veiller à ce que ces ventes d’armes n’aggravent pas les trous capacitaires des armées, ni les tensions sur les ressources humaines militaires. La capacité des armées à assurer notre défense en dépend.

Mme Amélia Lakrafi. Les moyens dédiés aux missions de souveraineté sont significativement renforcés en 2021. Parmi elles, la défense bénéficie d’un effort financier exceptionnel. Conformément à la trajectoire votée dans la loi de programmation militaire 2019-2025, la troisième année de la LPM voit les crédits de la mission « Défense » augmenter à nouveau de 1,7 milliard d’euros. Le budget atteint donc 39,2 milliards d’euros à périmètre constant, soit une hausse de 4,5 % par rapport au budget 2020. Cela représente 18 milliards d’euros de ressources supplémentaires depuis 2007. Cet engagement constant du Gouvernement permet une remontée en puissance de notre appareil militaire. Ces augmentations de budget doivent garantir à la France un modèle d’armées complet et équilibré, pour que celles-ci soient en mesure de réaliser leur mission au service des Français sur le territoire national, mais également en opérations extérieures (OPEX), dans un environnement dégradé.

Dans cette optique, le budget 2021 répond aux ambitions suivantes : continuer la montée en puissance des équipements ; soutenir la base industrielle et technologique de défense, qui doit être préservée malgré la crise économique ; réussir le défi du recrutement et de la fidélisation ; améliorer le quotidien du soldat et des familles.

Je souhaite souligner l’effort consenti pour les opérations extérieures : les OPEX représentent l’engagement de la France pour la paix dans le monde, particulièrement dans la lutte contre le terrorisme. Pour la deuxième année consécutive, la provision pour les OPEX est portée à 1,1 milliard d’euros, à comparer aux 450 millions du précédent quinquennat. Même si le coût des OPEX est difficilement prévisible, cette réserve de 1,1 milliard d’euros est plus proche de la réalité que précédemment. À cela s’ajoutent également les 100 millions d’euros réservés au titre des missions intérieures, à l’instar de Vigipirate et de Résilience.

En 2021, on peut s’attendre à une mobilisation croissante de nos armées. Ainsi, il faudra anticiper les conséquences budgétaires possibles d’une prolongation de la crise sanitaire, si jamais les moyens des armées devaient à nouveau être mis à rude épreuve.

Monsieur le rapporteur, je me joins à vous pour saluer chaleureusement le service de santé des armées, ces hommes et surtout ces femmes qui soignent, guérissent et réparent. Il est aisé de constater que la mission « Défense » apporte une réponse ambitieuse et conforme aux objectifs de notre pays en la matière. Aussi, je vous encourage, au nom du groupe La République en marche, à voter les crédits.

M. Frédéric Petit. Je vous remercie, monsieur le rapporteur, pour la grande compétence que vous partagez avec nous chaque année. Il est important que notre commission se saisisse de ce dossier. La défense est le bras armé de la diplomatie : dans le monde actuel, cela est particulièrement sensible. Nous partageons vos craintes et nous sommes conscients qu’il faut être très vigilant sur l’application de la loi de programmation. Le groupe MODEM votera ces crédits sans état d’âme.

Je souhaiterais connaître votre analyse concernant les efforts franco-allemands dans le domaine de l’industrie militaire, notamment pour les projets en cours. Par ailleurs, vous avez parlé de contrat d’État à État : quelle est la différence entre un tel contrat et un contrat d’armement classique ? Ce type de contrat pourra-t-il être utilisé dans le cadre franco-allemand, avec plusieurs pays, voire avec l’Europe ?

M. Christian Hutin. On peut dire que, depuis trois ans, le Gouvernement a tenu parole : les crédits augmentent. J’aurais souhaité que cela augmente beaucoup au départ et plus faiblement ensuite ; c’est plutôt l’inverse qui a été fait, mais l’engagement est globalement respecté. C’est important, car les forces armées jouent un rôle essentiel dans la souveraineté de la France.

Dans son Appel du 18 juin, le général de Gaulle affirmait que la France n’était pas seule. J’ai tout de même l’impression que, par exemple au Mali, la France est un peu seule, même si nous avons fait un habillage européen avec quelques camions allemands et trois containers belges. Non seulement nous sommes seuls, mais on pourrait ajouter que, parfois, nous sommes salis. C’est très compliqué d’intervenir en OPEX, et parfois la population locale le comprend mal. Nous commençons à rencontrer des difficultés de ce point de vue. Quel est votre avis sur cette question ?

Concernant la relance industrielle post-covid, et sans aller jusqu’à réarmer le pays, des commandes publiques sont-elles prévues, par exemple pour soutenir les chantiers navals ?

Autre question, plus pernicieuse : plusieurs reportages, que je pense honnêtes, ont montré des soldats français obligés de mettre des gilets pare-balles sur les portières des véhicules blindés légers. Très franchement, est-ce cela, être opérationnel ? Y a-t-il eu des améliorations ou va-t-on continuer à exploser sur des bombes artisanales dans tous les pays où l’on intervient ?

Dernière question, plus politique : quel est l’état de nos relations militaires et commerciales avec l’Arabie saoudite ? Selon certains journalistes, il ne faudrait surtout pas évoquer le salafisme car cela pourrait nuire à nos relations commerciales avec ce pays. Qu’en est-il exactement ?

Mme Aina Kuric. Je souhaite vous parler de transition écologique. Premier consommateur énergétique institutionnel du pays, le ministère des armées représente 0,3 % de la consommation d’énergie nationale, les trois quarts étant absorbés par les besoins de mobilité. Or les armées ne devraient pas échapper à la transition écologique.

La ministre des armées, Florence Parly, en a fait une priorité, en juillet, sur la base pétrolière de Chalon-sur-Saône, au service des essences des armées, désormais rebaptisé service de l’énergie opérationnelle. Elle compte surtout présenter une nouvelle stratégie énergétique dont l’objectif est d’infléchir la consommation du ministère. Elle se résume ainsi : consommer sûr, consommer moins et consommer mieux. Pour garantir la résilience des infrastructures, l’armée va poursuivre sa politique de carburant unique.

La coopération avec les autres pays membres de l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (OTAN) devrait être poursuivie ; une coopération structurée permanente devrait également être lancée au sein de l’Union européenne avec l’Espagne, l’Italie et la Belgique autour de la fonction énergie opérationnelle. Sur les îles Glorieuses, un projet de groupe électrogène hybride photovoltaïque et hydrogène devrait être testé par le ministère des armées. Quelle est la part réelle de la transition écologique dans le PLF 2021 et comment cette trajectoire pourrait-elle évoluer ? Le groupe Agir ensemble votera les crédits de la mission « Défense ».

M. Jean-Paul Lecoq. J’ai toujours plaisir à écouter Guy Teissier. Pour avoir fait quelques déplacements avec lui à l’époque où il présidait la commission de la défense, j’ai pu mesurer son expertise, sa grande connaissance du sujet et le respect que nos militaires vouent à un député qui sait de quoi il parle.

Je tiens à le remercier pour son rapport, qui a le mérite de la clarté. Le budget de la défense a besoin de la diplomatie pour aider les exportations d’armement. L’opacité de notre système d’exportation de l’armement est tout à fait utile pour aller vite et pour servir à la fois notre industrie et notre balance commerciale – c’est ce qui est dit dans le rapport, et je ne partage pas ce point de vue. Les députés communistes se sont toujours opposés à l’idée que notre réseau diplomatique n’était qu’une succursale au service des intérêts économiques du pays, car cela abîme l’image de la France. Celle-ci doit défendre des valeurs fortes, les valeurs de liberté, d’égalité et de fraternité.

Les intérêts économiques ne s’embarrassent cependant pas de ces valeurs, les seules qui vaillent étant le profit et les dividendes. C’est d’ailleurs comme cela qu’est construite la politique d’exportation d’armement de notre pays : chaque demande d’exportation est évaluée au sein de la commission interministérielle pour l’exportation des matériels de guerre, où tout est classé « secret défense » – et voilà, on ne peut plus rien dire ! C’est ainsi qu’au nom de l’aide à l’export, nous vendons des armes à l’Arabie saoudite et à leurs alliés, qui les utilisent dans l’horrible conflit au Yémen. Je partage le questionnement de la commission : quid de l’utilisation de ces armes au regard du droit international ? Peut-être en discuterons-nous lors de la réunion que la commission consacrera spécifiquement aux ventes d’armes. Cet État véhicule partout dans le monde une idéologie religieuse et politique qui mène à la violence, à l’exclusion, et parfois au pire – je tenais à le dire. La nécessité de réformer ce système et de libérer le Quai d’Orsay de ces contraintes économiques et militaires est urgente, pour retrouver une voix libre et digne dans le monde, une voix pour la paix.

Par ailleurs, je constate que la trajectoire de la loi de programmation militaire, qui prévoyait de dépenser 2 % du PIB pour notre armée, est parfaitement respectée, alors que l’aide publique au développement n’a jamais eu de trajectoire très crédible, selon nous, pour atteindre 0,5 % du PIB – à croire que les injonctions de Donald Trump et de l’OTAN ont plus de force que celles des organisations non gouvernementales ; c’est parfaitement regrettable !

Enfin, concernant le plan de relance, vous avez indiqué dans votre rapport que celui-ci financera, à hauteur de 150 millions d’euros, les dépenses de recherche duale supportées par le Commissariat à l’énergie atomique (CEA). Devons-nous en conclure que le plan de relance soutient la recherche sur la bombe atomique ? L’adaptation de l’arme nucléaire aux enjeux du XXIe siècle continue-t-elle d’être pertinente alors que les enjeux de ce siècle sont la cybersécurité, les crises environnementales et les crises sanitaires ?

Nous considérons qu’il convient d’apporter les moyens nécessaires à notre armée. Je me souviens de ces soldats en Afghanistan, qui expliquaient que si les Américains étaient un peu protégés dans leurs véhicules, le fond des véhicules légers français ne l’était pas – j’espère que tout cela a bien évolué depuis ! Nous ne partageons pas toujours les missions qui leur sont confiées, mais là n’est pas la question : les militaires doivent être protégés. Voilà pourquoi le groupe des députés communistes ne soutiendra pas ce budget.

Mme Frédérique Dumas. La situation internationale est très instable ; elle se complexifie et la crise sanitaire ne participe pas à l’apaisement international, bien au contraire. De plus, les moyens d’attaque et de défense évoluent rapidement, les théâtres d’opérations engendrant un besoin croissant de s’adapter au plus vite à ces nouvelles situations. Pour faire face à tous ces défis, le budget de la mission « Défense » continue d’augmenter en respectant la trajectoire de la loi de programmation militaire 2019-2025 : on ne peut donc que le saluer.

Il est important de souligner l’augmentation conséquente des crédits alloués à certaines actions, qui était indispensable. C’est le cas notamment de l’action « Prospective de défense », qui augmente de 8,28 % par rapport à 2020, action indispensable pour appréhender les nouveaux enjeux internationaux. Mais nous regrettons fortement la stagnation du budget destiné à la sous-action « Actions civilo-militaires », qui figure dans l’action « Surcoûts liés aux opérations extérieures ».

Dans le même esprit, nous pourrions nous réjouir de l’augmentation de 20,8 % de l’opération budgétaire « Activités et entraînement des forces » dans la sous-action « Emploi des forces » de l’action « Planification des moyens et conduite des opérations ». Cependant, cette augmentation s’explique principalement par une augmentation des activités de coopération et d’entraînement menées par les forces de présence et de souveraineté. Or les actions civiles et militaires ont pour but de participer à la réalisation des objectifs civils du plan de paix dans le domaine sécuritaire, culturel, économique et social. Dans ce budget, elles stagnent. L’idée est pourtant que les forces armées passent progressivement le relais aux organismes civils au fur et à mesure de la sortie de crise – au Sahel, on en est très loin ! Cela nous paraît donc être une faute majeure d’analyse.

Le chef d’état-major des armées (CEMA) a indiqué à plusieurs reprises que la guerre serait très longue au Sahel, sans doute plus de vingt ans – autant dire sans fin. De plus, les opérations militaires ne permettront jamais, à elles seules, de gagner le soutien des populations. Ce qui vient de se passer récemment au Mali, avec la libération de 200 prisonniers, ou encore au Niger, avec l’exécution de six jeunes bénévoles, nous le démontre cruellement. La politique dite du scalp, celle de l’élimination des chefs de guerre, si elle permet de communiquer, ne résout aucun problème structurel : les chefs sont immédiatement remplacés par d’autres chefs, des représailles sont menées, nécessitant l’engagement de moyens toujours plus coûteux pour parvenir à ces éliminations. Cela fait peser des menaces de plus en plus fortes sur nos militaires et sur nos ressortissants. Enfin, au Mali, parmi les prisonniers, il n’y avait que quelques djihadistes terroristes combattants ; tous les autres étaient des villageois, qui avaient aidé ponctuellement en fournissant de l’eau, de l’essence, une moto ou un service. Ils l’ont fait, la plupart du temps, pour vivre en sécurité : en effet, sans réponse aux besoins des populations, sans protection des populations, nous restons impuissants face à ceux qui défendent un autre modèle de société que le nôtre, mais qui apportent des réponses aux besoins essentiels et vitaux des populations sur le terrain.

Il est par ailleurs inquiétant que le projet de loi de programmation relatif au développement solidaire et la lutte contre les inégalités mondiales ait totalement disparu de l’agenda, même virtuel, du Gouvernement. À travers ce budget, on peut s’interroger sur la répartition des dépenses : quelles interventions doit-on vraiment mener dans les pays du Sahel pour sortir de la crise ?

M. Guy Teissier, rapporteur pour avis. Je voudrais tout d’abord remercier l’ensemble de mes collègues qui m’ont adressé des éloges que je ne mérite sans doute pas, mais qui me touchent.

Beaucoup de vos questions portent sur des sujets de fond : il nous faudrait une bonne heure pour en débattre ! Tout d’abord, concernant les OPEX, il n’y a pas si longtemps, lorsque je présidais la commission de la défense, il n’y avait pas de ligne budgétaire pour les OPEX : j’ai donc demandé que l’on crée une ligne budgétaire. Par nature, on ne peut pas prévoir l’intensité des combats que nous aurons à mener sur tel ou tel point du globe. Il est donc difficile d’évaluer avec précision le montant qui sera accordé à ces opérations. Il n’en reste pas moins que le Gouvernement a engagé 1,1 milliard d’euros pour garantir les OPEX, notamment au Mali, mais également les opérations intérieures (OPINT). Toutefois, nous savons que cela ne suffira pas : déjà, l’année dernière, nous en étions à 1,5 milliard, et nous n’avons pas baissé la garde. Cela ne fera donc qu’augmenter et il faudra de nouveau prélever, sur le budget de la défense, à peu près 400 millions. Il n’y aura pas d’aide interministérielle, comme c’était le cas dans le passé.

Par ailleurs, si nous menons avec nos voisins et amis allemands des projets très structurants, notamment pour les avions de combat, nos relations avec eux sont toujours très compliquées et très lentes. Nous ne sommes jamais parvenus à rééditer la victoire obtenue dans le domaine de l’aéronautique civile avec Airbus. J’ai le souvenir que le Gouvernement a, par le passé, tenté de conclure des contrats avec de gros industriels comme ThyssenKrupp – ils ont en effet une bonne expertise en matière de navires de combat –, mais sans succès. Je pense d’ailleurs que l’Allemagne se consacre davantage à l’export de son industrie militaire qu’à ses propres armées. Vous savez comme moi que l’armée allemande est une armée de non-engagement : les Allemands ne se battent plus. Ainsi, en Afghanistan, ils avaient créé un hôpital de campagne, qui était très apprécié, mais ils ne se battaient pas. De plus, c’est une armée qui est syndicalisée, et il faut l’autorisation du Parlement pour qu’elle soit engagée. Nous rencontrons donc des difficultés pour mener des projets à bien avec nos voisins allemands.

Le contrat d’État à État consiste pour deux gouvernements à s’engager à faire un achat d’armes important. Il s’agit d’un contrat clé en main. Le pays qui vend prend tout en charge : la vente de matériel et son entretien. Cela engendre quelques difficultés, car lorsque vous achetez du matériel, par exemple au gouvernement américain, c’est à ce dernier que vous devez vous adresser en cas de défaillance. Charité bien ordonnée commençant par soi-même, ce ne sont pas forcément les clients étrangers qui sont satisfaits en priorité. Il faut attendre pendant des mois et des mois ; je parle d’expérience parce que nous avons ce type de contrat avec les États-Unis. Je crois d’ailleurs que, désormais, on s’exonère de l’obligation de passer par le gouvernement en traitant directement avec l’industriel, pour obtenir une réponse plus rapide. C’est à la fois globalement plus satisfaisant – ce n’est pas plus mal que ce soient les États qui négocient plutôt que les industriels – et loin d’être parfait.

S’agissant du Mali, la situation est désespérante de solitude : côté européen, nous sommes les seuls engagés au combat. C’est le sang des soldats français qui coule ; il n’y a pas de victimes autres que les nôtres. Les Allemands ont envoyé quelques médecins, les Anglais quelques hélicoptères : ils participent au soutien, qui est indispensable, mais ils ne sont pas au combat. C’est quand même très dur de voir que ce sont nos soldats qui tombent régulièrement. Les Espagnols devaient s’engager au début du premier trimestre de cette année en envoyant une compagnie de combat, soit une centaine d’hommes, mais nous ne les avons pas vus arriver.

En revanche, nous avons une lueur d’espoir avec la possibilité de conclure des accords industriels avec des pays amis voisins. Cela nous rapproche dans la coopération et dans l’action. Le contrat CaMo peut nous laisser entrevoir la fourniture par les Belges d’une compagnie de combat avec le nouveau matériel qu’ils sont en train de recevoir. Nous étions désespérément en retard sur le blindage de nos véhicules. Au début, c’est vrai, nos soldats mettaient leurs gilets pare-balles sur les vitres. Les banquettes des véhicules non blindés étaient solidaires du plancher : quand ils passaient sur une mine, tout sautait. Depuis, nous avons fait des progrès en séparant les banquettes du plancher. Dans le partenariat que nous avons obtenu avec la Belgique – un petit pays qui a une très bonne armée –, les 442 engins du contrat CaMo sont des blindés médians : sans être des chars, ils sont considérablement blindés et devraient donc être en mesure de résister.

Concernant la transition écologique, je dois avouer que je suis très surpris de voir l’intérêt que les militaires accordent à l’environnement – à la façon des militaires : quand un ordre est donné, on le respecte. Ainsi, le préfet maritime a donné l’ordre de planter 1 000 arbres dans l’arsenal de Toulon : c’est quand même extraordinaire !

Dans le domaine de l’immobilier, nous avons accumulé énormément de retard. Les militaires vivent dans des conditions d’un autre temps, c’est-à-dire en chambrée. Or nous ne sommes plus au temps de la conscription : vivre en chambrée de dix, douze ou vingt personnes était supportable quand on ne restait que quelques mois, mais cela ne l’est plus pour des hommes et des femmes qui restent au minimum cinq ans. Il faut que nos armées évoluent ; c’est l’objectif du plan Vivien, qui n’est pas encore achevé, faute de moyens. Dans l’arsenal de Toulon, nous avons vu les nouveaux bâtiments qui accueillent les marins lorsque les bateaux font relâche dans le port : ils sont modernes, avec des chambrettes convenables, équipées de douches et de WC.

Les exportations d’armement sont très importantes, pour des raisons stratégiques, diplomatiques, industrielles et économiques. Il faut renforcer la BITD parce qu’elle soutient notre industrie. C’est un outil de souveraineté face à une concurrence sauvage.

Dans le domaine nucléaire, nous sommes les plus vertueux puisque nous avons supprimé, il y a déjà de longues années, notre composante terrestre sur le plateau d’Albion. À ma connaissance, parmi les pays dotés d’une force nucléaire déclarée, nous sommes les seuls à avoir agi ainsi – d’autres pays ont déclassé des équipements parce qu’ils étaient devenus obsolètes, sans que cela soit le résultat d’une volonté politique. Il serait nécessaire de conclure un accord de désarmement global dans lequel les Russes, les Israéliens, les Britanniques, les Américains décideraient, d’un commun accord, de renoncer à ces armements. Peut-être est-ce le but poursuivi par les députés communistes, mais je dois dire que nous en sommes très loin. Nous sommes donc obligés de maintenir une vigilance nucléaire, réduite à la composante aérienne et à la composante maritime.

Je ne parlerai pas du contrôle des exportations d’armes – je laisse ce soin à mes collègues – mais il est important et tatillon. Après avoir rencontré le secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN), j’ai voulu m’entretenir avec des membres de la direction générale de sécurité extérieure (DGSE), laquelle s’est fait un peu tirer l’oreille. Ils sont quand même venus et nous ont expliqué qu’ils jouaient surtout un rôle de conseiller auprès du Gouvernement, l’alertant sur tel ou tel pays, mettant en garde contre un éventuel détournement d’utilisation des armes ; voilà ce qui nous a été dit. Il est plutôt réconfortant de savoir qu’ils interviennent en quelque sorte comme des consultants extérieurs, pour communiquer au Gouvernement des renseignements dont ils sont détenteurs ou qu’ils cherchent à sa demande ; on peut comprendre, dès lors, que cela soit confidentiel défense.

Enfin, je précise qu’il n’y a plus désormais de livraisons d’armement à l’Arabie saoudite, même si je ne saurais vous dire depuis combien de mois – je n’ai sans doute pas posé la bonne question !

Article 33, état B : Défense

M. Rodrigue Kokouendo, président. La commission n’étant saisie d’aucun amendement, nous allons passer au vote sur les crédits de la mission « Défense ». Monsieur le rapporteur, souhaitez-vous nous rappeler votre avis sur ces crédits ?

M. Guy Teissier, rapporteur pour avis. Mon avis est partagé : s’il y a beaucoup de bonnes choses, ainsi qu’une continuité dans les engagements, il y a également de graves lacunes, notamment un possible déficit capacitaire de nos armées. Si nous vendons nos Rafale, il nous faudra des années pour les renouveler, surtout si d’autres commandes arrivent, qui seront prioritaires sur notre propre défense. Quoi qu’il en soit, vous connaissez mon tropisme pour la défense : je me prononce donc pour une abstention positive – je ne suis pas loin d’être pour !

La commission émet un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Défense », sans modification.

 

 


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   LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES
PAR LE RAPPORTEUR pour avis et déplacements

Auditions à Paris

 

   M. Stéphane Bouillon, secrétaire général de la défense et de la sécurité nationale, Général de corps d’armée François-Xavier Le Pelletier de Woillemont, secrétaire général adjoint, M. Gwénaël Jézéquel, conseiller, M. Jean-Hugues Simon-Michel, directeur « Affaires internationales, stratégiques et technologiques », et colonel Bruno Cunat, sous-directeur « exportation des matériels de guerre ».

 

   Mme Isabelle Saurat, secrétaire générale pour l’administration, et M. Christophe Mauriet, directeur des affaires financières ;

   Général de corps d’armée Éric Bellot des Minières, sous-chef « Plans » de l’état-major des armées, Général Vincent Pons, chargé de mission auprès du chef d’état-major des armées, Colonel Jean-Christophe Le Roux, chef de la division « Maîtrise des armements », et Colonel Yann Bourion, assistant militaire du sous-chef « Plans » de l’état-major des armées.

   Général de corps d’armée Hervé Gomart, major général de l’armée de terre, Général de brigade Benoit Chavanat, chef du pôle « relations internationales » de l’état-major de l’armée de terre, Colonel Jobic Le Gouvello de La Porte, officier de liaison parlementaire de l’armée de terre, et Colonel Henri Leinekugel Le Cocq ;

   Général de division aérienne Frédéric Parisot, sous-chef « Préparation de l’avenir » à l’état-major de l’armée de l’air et de l’espace ;

   Ingénieur général de l’armement Thierry Carlier, directeur du développement international à la direction générale de l’armement (DGA) ;

   Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE).

 

 

   Mme Hélène Dantoine, directrice de la diplomatie économique à la direction générale de la mondialisation, de la culture, de l'enseignement et du développement international, M. Sébastien Bidaud, sous-directeur des secteurs stratégiques, et M. Pierre Emmery, rédacteur « industries et technologies de défense » ;

 

   M. Jean-Marc Duquesne, délégué général du GICAT ;

   M. Jean-Marie Dumon, délégué défense et sécurité du GICAN, et M. Jacques Orjubin, délégué à la communication et aux relations publiques ;

   M. Pierre Bourlot, délégué général du GIFAS, M. Jérôme Jean, directeur des affaires publiques, et M. Vincent Gorry, directeur des affaires européennes et internationales ;

   M. Guillaume Giscard d’Estaing, président-directeur général de Sofema.

 

 

Déplacement à la base navale de Toulon

 

   Vice-amiral d’escadre Laurent Isnard, préfet maritime de la Méditerranée, Capitaine de vaisseau Riaz Akhoune, officier de liaison parlementaire de la Marine, et les personnels rencontrés à la base navale ;

   M. Laurent Moser, directeur de Naval Group Toulon.

 

Déplacement sur les sites de MBDA à Bourges

 

   Amiral Hervé de Bonnaventure, conseiller défense du président-directeur général de MBDA, et Mme Patricia Chollet, chargée des relations avec le Parlement de MBDA ;

   M. Philippe Ciocci, directeur industriel France et directeur des sites Région centre de MBDA, M. Jean Ribéreau-Gayon, directeur établissement de MBDA, et les personnels rencontrés dans les usines.

 

 


([1]) 90 % des chantiers étaient à l’arrêt pendant les deux mois de confinement.

([2]) Rapport de MM. Benjamin Griveaux et Jean-Louis Thiériot en conclusion d’une mission « flash » sur la place de l’industrie de défense dans la politique de relance au nom de la commission de la défense nationale et des forces armées de l’Assemblée nationale, publié en juillet 2020.

([3]) Rapport d’information de Mme la présidente Françoise Dumas portant restitution des travaux de la commission de la défense nationale et des forces armées sur l’impact, la gestion et les conséquences de la pandémie de Covid-19, juin 2020.

([4]) L’article 7 de la LPM prévoit que : « la présente programmation fera l’objet d’actualisations, dont l’une sera mise en œuvre avant la fin de l’année 2021. »

([5]) La NPRM est un chantier de remise à plat des dispositifs indemnitaires très nombreux des militaires afin de les rendre plus lisibles et plus simples.

([6]) Pendant la durée de l’opération « Résilience », 2 140 militaires en moyenne étaient engagés chaque jour.

([7]) Pour un praticien hospitalier, la prime de lien au service peut atteindre 50 000 euros, soit le double du plafond pour le reste du ministère des armées.

([8]) Ces montants n’intègrent pas les 100 M€ de crédits de masse salariale prévus pour couvrir les MISSINT.

([9]) Par exemple, la délégation parlementaire au renseignement (DPR) a récemment appelé à renforcer le contrôle sur les actions de coopération avec les services de renseignement étrangers.

([10]) Mme Nathalie Chabanne et M. Yves Foulon, rapport d’information sur le dispositif de soutien aux exportations d’armement (commission de la défense nationale et des forces armées, décembre 2014).

([11]) Directive 2009/43/CE du Parlement européen et du Conseil du 6 mai 2009 simplifiant les conditions des transferts de produits liés à la défense dans la Communauté.

([12]) En référence à l’article 90 de la loi de finance n° 67-1114 du 21 décembre 1967, dont les modalités d’application ont été fixées par le décret n° 70-388 du 27 avril 1970.

([13]) Au 31 décembre 2019, la procédure « article 90 » bénéficiait à 32 entreprises, dont 18 PME.