N° 3403

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 9 octobre 2020

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES
SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2021 (n° 3360),

 

TOME VI

 

ÉCONOMIE

 

Commerce extérieur et diplomatie économique

PAR Mme Amélia LAKRAFI

Députée

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Voir le numéro : 3360.


 

 

 


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SOMMAIRE

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 Pages

introduction

I. une dégradation du commerce extérieur français dans un contexte de crise inédite

A. Une amélioration en 2019 stoppée en 2020

1. Un élan retrouvé en 2019

2. Un net recul des exportations françaises en 2020 dans un environnement mondial en crise

B. Des perspectives de reprise marquées par de fortes incertitudes

1. Une reprise anticipée en 2021

2. La persistance de nombreux facteurs d’incertitudes

C. Des tendances de fond à prendre en compte

1. Vers une régionalisation des échanges

2. Des freins structurels anciens à corriger

II. des acteurs de l’export fortement mobilisés dont certaines des missions doivent encore être précisées

A. Les autorités politiques et les administrations

1. La création opportune d’un ministère en charge du commerce extérieur

2. Une nomenclature budgétaire qui reste encore à unifier

3. Les directions d’administration centrale

a. La direction de la diplomatie économique

b. La direction générale du Trésor

c. Des missions appelées à être encore clarifiées

4. Des parlementaires qui peuvent jouer un rôle de relais

B. Les opérateurs publics et leurs partenaires

1. La Team France Export (TFE) : un bilan positif à prolonger

a. Business France

b. Bpifrance

c. Les chambres de commerce et d’industrie (CCI)

d. La TFE, un bilan positif à prolonger et à évaluer dans le long terme

2. Les conseillers du commerce extérieur de la France

C. des acteurs privés à mieux intégrer

1. Les opérateurs spécialistes du commerce international (OSCI)

2. Les chambres de commerce et d’industrie françaises à l’international (CCIFI)

3. Des grandes entreprises appelées à collaborer à l’international et à soutenir les TPE/PME

4. Les entrepreneurs français à l’étranger (EFE), relais de l’écosystème français

III. face à la crise, des mesures de soutien et de relance à évaluer dans la durée

A. Les mesures de soutien du début de l’année 2020

B. Les recommandations du groupe SOLEX (Solutions pour l’export)

C. Le volet export du plan de relance présenté en septembre 2020

1. Un chèque export pour soutenir les PME et ETI

2. Le chèque VIE

3. La veille-information personnalisée de Business France

4. Le doublement de l’enveloppe FASEP

5. Le renforcement de l’assurance-prospection (AP)

6. Des mesures à évaluer

IV. acteurs du numérique et digitalisation des entreprises : les nouveaux enjeux de l’export

A. Le numérique, un secteur tourné vers l’international et non épargné par la crise

1. Définitions et poids du numérique

2. L’état de la présence à l’international des entreprises de la Tech

3. L’impact de la crise du Covid

B. Un accompagnement spécifique

1. Le rôle de la Mission French Tech

2. Les autres acteurs

C. Les entreprises du numérique, acteurs de la relance de l’export

1. Les enjeux de la digitalisation des entreprises

2. Le numérique, axe du plan de relance

3. Des menaces cyber à prendre en compte

Liste des propositions

Contribution présentée au nom du groupe de la Gauche démocrate et républicaine (GDR)

Travaux de la commission

annexe Liste des personnes auditionnées par la rapporteure

 


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   introduction

L’épidémie de Covid 19 est à l’origine d’une crise majeure, qui emporte des conséquences très lourdes pour l’économie et pour le commerce extérieur français. La baisse spectaculaire de la demande internationale, la rupture des chaînes d’approvisionnement, les difficultés logistiques, les restrictions aux déplacements sont autant d’obstacles aux échanges. Sur ceux-ci pèsent également les incertitudes liées notamment au Brexit, aux tensions commerciales et aux tentations protectionnistes. Le Gouvernement anticipe pour 2020 un déficit de notre balance commerciale pour les biens en valeur de -79 milliards d’euros.

La crise sanitaire a révélé les dépendances de la France et de l’Union européenne en termes d’approvisionnement. Si elles peuvent justifier un effort de relocalisation d’un certain nombre de filières industrielles, le développement à l’international doit toutefois rester une priorité. L’export et la relocalisation en France et en Europe de certaines activités de production ne sont pas antinomiques.

Pour que les entreprises françaises se projettent à l’étranger, il faut qu’elles aient les meilleures conditions à la fois pour se développer en France et pour exporter. Les mesures de soutien prises au début de l’année 2020 et celles incluses dans le volet export du plan de relance, d’un montant de 247 millions d’euros, ont cette ambition. La nomination en juillet dernier d’un ministre expressément en charge du commerce extérieur est un signal fort en ce sens envoyé à nos chefs d’entreprise. Il restera à évaluer dans la durée la portée et l’efficacité de ces mesures.

L’export est un vecteur de croissance clé pour permettre aux entreprises de rebondir après la crise. L’export sera toujours une source de croissance et de prospérité. La crise sanitaire de la Covid-19 n’est pas synonyme de la fin des échanges mondiaux. Dans le rebond attendu pour 2021 et les années suivantes, le numérique aura tout son rôle à jouer. L’internationalisation du secteur de la « Tech », c’est-à-dire des « startups » et des sociétés de vente de produits et services technologiques, est appelée à se poursuivre. La « digitalisation » de nos entreprises exportatrices constitue par ailleurs un enjeu grandissant dans un contexte où les restrictions à la mobilité tendent à perdurer.


Synthèse : les moyens budgétaires du commerce extérieur et de la diplomatie économique pour 2021

 Mission Économie

-          Programme 134 Développement des entreprises et régulations

La subvention pour charges de service public allouée à Business France s’élève à 87,62 M€ en autorisations d’engagement (AE) et en crédits de paiement (CP) en 2021, contre 90,12 M€ en AE et en CP l’année dernière. Il est prévu pour 2022 une subvention de 85,12 M€. Ces chiffres correspondent aux montants prévus par le contrat d’objectifs et de moyens (COM) conclu par Business France avec ses ministres de tutelle, couvrant la période 2018-2022. L’adaptation de l’agence à cette réduction des subventions passe par le développement des ressources propres et la réduction de sa présence en direct à l’étranger, dans le cadre de la mise en place de la Team France Export (TFE), avec la délégation de la mission de service public dans certains sites à d’autres opérateurs.

Outre cette subvention, Business France bénéficiera en 2021 de crédits additionnels au titre du volet export du Plan de relance (cf. ci-dessous).

La rémunération de Bpifrance Assurance Export, au titre de ses prestations réalisées pour le compte de l’État, s’élève, quant à elle, à 51,65 M€ en AE et CP ([1]), contre 51,25 M€ en AE et CP l’année dernière.

Une dotation budgétaire de 0,935 M€ en AE et en CP est par ailleurs prévue pour financer l’organisation d’évènements en faveur du développement à l’international des entreprises françaises et de l’attractivité du territoire (par exemple la participation française à l’Exposition universelle à Dubaï sur le thème « Connecter les Esprits, Construire le Futur », qui se tiendra du 1er octobre 2021 au 31 mars 2022). Elle s’élevait à 2,42 M€ en AE et en CP l’année dernière. Cette diminution peut s’expliquer, compte tenu de la prolongation prévisible des restrictions aux déplacements internationaux.

-          Programme 305 Stratégie économique

Le projet de loi de finances pour 2021 prévoit un montant de 65,6 M€ en AE et en CP, pour les dépenses du réseau international de la direction générale du Trésor entrant dans le champ de l’action n° 2 Développement international de l’économie française. Hors dépenses de personnel, les dépenses de fonctionnement prévues s’élèvent à 5,3 millions d’euros. Elles couvrent essentiellement les dépenses gérées par l’administration centrale de la direction générale du Trésor : frais de changement de résidence des agents, dépenses informatiques, paiement de prestations de la Banque de France, prise en charge de la couverture sociale des volontaires internationaux en administration et dépenses de formation spécifiques aux agents des services économiques. Ces dépenses de fonctionnement s’élevaient à 5,57 M€ en AE et en CP l’année dernière.

 Mission Cohésion des territoires

Le programme 112 Impulsion et coordination de la politique d’aménagement du territoire prévoit une subvention pour charges de service public allouée à Business France. Cette subvention, de nature assez résiduelle, est liée historiquement au rôle d’aménagement du territoire reconnu aux investissements étrangers, que Business France a pour mission d’encourager. Elle est d’un montant de 4,8 M€ en AE et CP, montant identique à celui prévu l’année dernière. Cette stabilisation est bienvenue dès lors que cette subvention avait nettement diminué dans le précédent PLF (5,77 M€ en AE et en CP prévus dans le PLF 2019).

– Mission Agriculture

Le programme 149 Compétitivité et durabilité de l’agriculture de l’agroalimentaire de la forêt de la pêche et de l’aquaculture prévoit une subvention pour charges de service public allouée à Business France d’un montant de 3,7 M€ en AE et CP (pour le financement de sa mission d’accompagnement à l’international des entreprises du secteur agricole et agroalimentaire, et de prestations en matière de statistiques sur le commerce extérieur et d’études sur les marchés à l’exportation). Le montant là encore est identique à celui prévu l’année dernière.

 Mission Plan de relance

Le programme 363 Compétitivité (et plus précisément son action n° 3 Plan de soutien à l’export) prévoit une subvention de 60,3 M€ en 2021 en AE et en CP à destination de Business France. Ces crédits s’ajoutent aux 6,5 M€ en AE et en CP ouverts en loi de finances rectificative pour 2020. Au total, ces 66,8 M€ sont destinés à financer 33 M€ de chèques relance export, 17,4 M€ de chèques VIE, 1,9 M€ destinés à l’information des PME et ETI, 7,4 M€ pour des actions de promotion, de visibilité et de structuration des marques et 2,3 M€ pour une action de communication sur l’export français.

Des crédits additionnels sont également prévus (13,6 M€ en AE et 6,8 M€ en CP) pour BPI assurance export.

Concernant le FASEP (Fonds d’études et d’aide au secteur privé), une enveloppe de 30 M€ en AE en 2021 (25 M€ dans un premier temps puis 5 M€ dans un second temps) et 2,5 M€ en CP s’ajoute aux crédits portés par le programme 110.

– Mission Action extérieure de l’État

-          Programme 185 Diplomatie culturelle et d’influence

La subvention pour charges de service public de l’opérateur Atout France (agence de développement touristique de la France) s’élève dans le présent projet de loi de finances à 28,7 M€ en AE et en CP, contre 30,9 M€ en loi de finances initiale pour 2020. D’après le projet annuel de performance, le montant prévu pour cette année correspond à une stabilisation, la diminution de -2,2 M€ par rapport à 2020 achevant la réalisation des 4 M€ d'économies décidées en 2019 dans le cadre de la réforme des réseaux de l'Etat à l'étranger.

Le programme bénéficie d’autres crédits d’intervention à hauteur de 2,17 M€ qui permettront notamment de financer une partie de la participation française à l’exposition universelle de Dubaï, décalée en octobre 2021, mais également l’organisation du Paris Food Forum, prévu initialement en 2020 et reporté à juin 2021.

-          Programme 105 Action de la France en Europe et dans le monde

La plus grande partie des crédits de fonctionnement du réseau international de la DG Trésor exécutés à l’étranger (dépenses courantes, dépenses de déplacement, dépenses pour acquisition et entretien de véhicules et dépenses immobilières des services économiques) a été transférée au ministère de l’Europe et des affaires étrangères par les lois de finances initiales pour 2019 et 2020 (pour un total de 6,6 millions d’euros). Ces dépenses sont portées par le programme 105.

 Mission Aide au développement

Une dotation de 25 M€ en AE et 29,5 M€ en CP est prévue pour le FASEP par le programme 110 Aide économique et financière au développement, contre 25 M€ en AE et 20,57 M€ en CP l’année dernière.

I.   une dégradation du commerce extérieur français dans un contexte de crise inédite

A.   Une amélioration en 2019 stoppée en 2020

1.   Un élan retrouvé en 2019

Avant la dégradation de 2020, notre commerce extérieur s’inscrivait dans un progrès structurel tendanciel. L’année 2019 avait été positive avec une balance commerciale française en amélioration grâce à une augmentation des exportations (+ 3,3 % à 508 milliards d’euros) plus marquée que celle des importations (+ 2,2 % à 567 milliards d’euros). Après trois années consécutives de détérioration, le déficit des échanges de biens s’était réduit de 6,3 % par rapport à l’année précédente. Le déficit commercial en biens s’établissait en 2019 à -58,9 milliards, contre -62,8 milliards en 2018. Les secteurs traditionnels à l’export tels que l’aéronautique, le spatial, l’automobile et l’industrie pharmaceutique contribuaient à ce chiffre. En 2019, avec une progression de nos exportations de 17 milliards d’euros, la dynamique du commerce international était donc bien orientée et profitait de la diminution de la facture énergétique.

Le nombre d’exportateurs de biens était, au premier trimestre 2020, au plus haut depuis dix-neuf ans, dépassant les 129 000 entreprises contre 125 283 en 2018, atteignant ainsi son niveau le plus haut depuis 2002.

Évolution du nombre d’entreprises exportatrices et des exportations

Source : Douanes

La France affichait également en 2019 l’une des plus fortes croissances de la zone euro et notre taux de chômage se situait en dessous de 8 %. En 2019 enfin, la France était devenue le pays le plus attractif d’Europe en matière d’investissements étrangers, dépassant pour la première fois le Royaume-Uni.

La crise sanitaire et le ralentissement corrélatif dans des secteurs tels que l’aéronautique et le tourisme international, dont les performances de notre commerce extérieur sont fortement dépendantes, ont mis un coup d’arrêt à cette évolution favorable.

2.   Un net recul des exportations françaises en 2020 dans un environnement mondial en crise

L’épidémie de coronavirus et ses conséquences constituent un choc économique colossal et sans précédent pour l’économie française et européenne. Au deuxième trimestre 2020, en France, l’activité a reculé de près de 20 % par rapport à fin 2019. C’est le plus fort recul depuis que l’Insee a commencé ses mesures de l’activité en 1949.

La pandémie mondiale et la récession qu’elle a entraînée dans son sillage ont porté un coup majeur à notre commerce extérieur en 2020. Comme le souligne le Rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances, « la demande extérieure adressée à la France a (…) fortement chuté sous l’effet de la récession chez nos partenaires ». Outre la chute de la demande extérieure, ce sont les ruptures des chaînes logistiques, la fragilisation de la production de biens d’exportation, l’absence de voyage et de salons internationaux, etc., qui handicapent notre commerce extérieur. Au mois de mai dernier, 45 % des entreprises françaises exportatrices déclaraient mettre à l’arrêt leur activité export (selon une enquête menée par la Team France Export auprès de plus de 4 000 entreprises).

Au premier semestre 2020, le commerce extérieur de biens et de services de la France a, en conséquence, connu une chute de 20,7 % des exportations et de 15,1 % des importations, par rapport au premier semestre 2019. Selon la direction générale des douanes et des droits indirects (DGDDI), les exportations de biens ont, au cours du premier semestre, chuté de 21,5 % par rapport au premier semestre 2019, et les importations de 17,6 % au cours de la même période, soit une dégradation sans précédent depuis 1945. Le déficit semestriel des biens se dégrade également (34 milliards d’euros contre 29 milliards d’euros au premier semestre 2019), la baisse des exportations étant plus marquée que celle des importations. S’agissant des échanges de services, selon la Banque de France, les exportations ont baissé de 15,4 % par rapport au premier semestre 2019, contre 9,2 % pour les importations, avec pour conséquence une dégradation très forte de l’excédent des services (2,4 milliards d’euros contre 11,7 milliards d’euros au premier semestre 2019).

Sur le plan géographique, nos échanges se sont progressivement dégradés avec toutes les des régions du monde, d’abord avec la Chine, puis avec l’Europe, et enfin plus tardivement avec les États-Unis. Au cours du premier semestre, l’ensemble de nos exportations ont été affectées, celles vers les vingt-sept autres États de l’Union européenne (-17 %) mais aussi, plus encore, celles vers les pays tiers (-25,6 %).

Sur le plan sectoriel, les secteurs les plus ouverts à l’international apparaissent logiquement les plus exposés à la crise mondiale ([2]). Les deux secteurs de biens les plus touchés ont été l’aéronautique et l’automobile, dont le poids dans les exportations françaises est traditionnellement très important (de l’ordre de 13 % pour le secteur aéronautique et spatial ([3]) et de 10,9 % pour l’automobile ([4])). La dépendance de notre balance commerciale à ces deux secteurs manifeste la diversification encore insuffisante de nos exportations. Les exportations aéronautiques se sont contractées de 47,2 % et les importations de 34,8 %, réduisant d’un peu plus de moitié l’excédent d’un des fleurons de l’industrie française, à seulement 6,1 milliards d’euros au premier semestre 2020. L’industrie automobile a vu ses exportations baisser de 38,1 % par rapport au premier semestre 2019, et ses importations de 29,2 %, gardant son déficit stable à -6,8 milliards d’euros. D’autres secteurs de biens ont relativement mieux résisté à la crise, comme les industries agroalimentaire et pharmaceutiques, en raison du maintien, voire de la hausse, de la demande.

Source : MEFR

Le tourisme est le secteur de services le plus touché par la crise, les exportations diminuant de 51,9 % (à 12,3 milliards d’euros) et les importations de 44,9 % (à 11,8 milliards d’euros) au premier semestre 2020 par rapport au premier semestre de l’année précédente. Les services de construction (-55,6 % pour les exportations), les redevances pour usage de propriété intellectuelle (-13,2 %) et les autres services aux entreprises (-8,6 %) ont également été durement touchés. Les échanges de services financiers ont revanche progressé au premier semestre 2020, à la fois à l’exportation (+7,3 %) et à l’importation (+16,4 %).

Au total, le chiffre anticipé en 2020 par le Gouvernement pour le déficit de notre balance commerciale ([5]) pour les biens en valeur est de -79 milliards d’euros, contre -58,9 milliards d’euros en 2019 (et -62,8 milliards d’euros en 2018).

En 2020, les importations reculeraient moins que les exportations, et le commerce extérieur pèserait sur la croissance à hauteur de −2,1 points. En 2020 toujours, les exportations seraient fortement pénalisées par la crise du coronavirus tout au long de l’année, et reculeraient de −18,5 %, soit davantage que la demande mondiale (−11 %). Les exportations de biens seraient particulièrement pénalisées par les difficultés dans la fabrication des matériels de transport, comme le montrent les derniers chiffres de l’Insee et des Douanes. Les exportations touristiques ([6]) seraient aussi fortement touchées. Les importations reculeraient du fait de la chute de la demande finale, mais dans une moindre mesure (−11,5%) que les exportations, et seraient par ailleurs soutenues par les importations de matériels nécessaires à la lutte contre l’épidémie.

B.   Des perspectives de reprise marquées par de fortes incertitudes

1.   Une reprise anticipée en 2021

Le Fonds monétaire international (FMI) anticipe, après une contraction du PIB mondial de 4,4 % en 2020, une croissance de celui-ci de 5,2 % en 2021. Comme l’écrit cette institution dans ses Perspectives de l’économie mondiale d’octobre 2020, « à la suite de la contraction de 2020 et de la reprise en 2021, le niveau du PIB mondial en 2021 devrait dépasser celui de 2019 d’un petit 0,6 % (…) Après le rebond de 2021, la croissance mondiale devrait progressivement ralentir à environ 3,5 % à moyen terme. Elle ne rattraperait donc que partiellement la trajectoire de l’activité pour 2020–25 qui était envisagée avant la pandémie, tant dans les pays avancés que dans les pays émergents et les pays en développement (…) Les perspectives moroses de croissance à moyen terme se conjuguent à une forte hausse attendue de l’encours de dette souveraine. » En ce qui concerne notre pays, le FMI prévoit un recul du PIB de -9,8 % en 2020 ([7]), avant un rebond de 6 % en 2021 ([8]).

En ce qui concerne le commerce mondial, l’Organisation mondiale du commerce (OMC) table sur un repli des volumes d’échanges mondiaux de -9,2 % pour 2020. Elle a récemment revu à la baisse ses prévisions de rebond pour 2021, chiffrant celui-ci à 7,2 %. Pour l’Europe, l’OMC table sur un rebond de 8,2 % des exportations en 2021 (après un recul de -11,7 % en 2020) et de 8,7% des importations (après un repli de -10,3 % en 2020). Les prévisions sur ce point du FMI et de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) sont retracées dans le tableau ci-dessous.

Prévisions de commerce mondial de biens et services (en volume)

 

2020

2021

FMI, juin 2020

-11,9 %

+8,0 %

OCDE, juin 2020, scénario « une seule vague épidémique »

-9,5 %

+6,0 %

OCDE, juin 2020, scénario « deux vagues »

-11,4 %

+2,5 %

Dans ce contexte, la demande mondiale adressée à la France, après avoir reculé fortement en 2020 (−11 %, après +1,1 % en 2019), devrait rebondir partiellement en 2021 (+6,5 %). En 2021, la demande mondiale adressée à la France serait ainsi en recul de −5,2 % par rapport à 2019.

Le Rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances ([9]), prévoit, pour 2021, une rebond des exportations, mais sans retour toutefois à leur niveau de 2019 : « en 2021, la normalisation de la situation chez nos partenaires ainsi que le retour à la normale progressif du tourisme permettraient aux exportations françaises de rebondir (+12,6 %). En 2021, les exportations en volume se situeraient toutefois environ −8 % en-deçà de leur niveau de 2019. La balance commerciale française continuerait à pâtir de difficultés sectorielles, principalement dans l’aéronautique, du recul du tourisme qui usuellement contribue positivement à la balance commerciale, et de l’importation de matériels nécessaires à la lutte contre l’épidémie. En revanche, la baisse du prix du pétrole soutiendrait la balance commerciale durant les deux années, sans pour autant compenser l’impact des difficultés sectorielles. »

Pour l’année 2021, le Gouvernement anticipe une croissance de 8,2 % de nos importations de biens et de 12,6 % de nos exportations de bien, soit un déficit commercial sur les biens de -68 milliards d’euros.

2.   La persistance de nombreux facteurs d’incertitudes

a.   Un environnement mondial mouvant

Les perspectives du commerce mondial sont mises à mal en premier lieu par le regain actuel de l’épidémie de coronavirus. Ce rebond, avec l’Europe pour nouvel épicentre, handicape de nouveau les échanges.

À ce premier facteur d’incertitude s’ajoutent les tensions commerciales entre grands États et les tentations protectionnistes. Au premier semestre 2020, l’Administration américaine a ainsi adopté plusieurs mesures qui pourraient affecter négativement les exportations européennes :

—  lancement le 2 juin de nouvelles enquêtes au titre de la section 301 du Trade Act contre un certain nombre de pays, notamment européens, envisageant d’instaurer des taxes sur les services numériques (Autriche, Italie, Espagne, République tchèque mais également Union européenne) ;

—  publication le 10 juillet par l’Administration américaine de la liste définitive des produits français qui pourraient faire l’objet de sanctions tarifaires dans le cadre de l’enquête section 301 contre la taxe française sur les services numériques (l’ensemble des lignes visées par des droits additionnels représente un montant total d’importations françaises aux États-Unis de 1,27 milliard de dollars en 2019) ;

—  ouverture de nouvelles enquêtes menées au titre de la sécurité nationale (section 232 du Trade Expansion Act) sur les importations d’acier électrique, de grues mobiles et de vanadium qui pourraient aboutir à l’adoption de sanctions tarifaires.

Ces menaces s’ajoutent aux surtaxes de 25 et 10 % sur les importations américaines d’acier et d’aluminium notamment européens depuis juin 2018, et aux sanctions liées au contentieux Airbus à l’OMC appliquées depuis le 18 octobre 2019 sur 7,5 milliards de dollars d’exportations européennes, que les États-Unis maintiennent malgré l’annonce cet été par la Commission européenne de la mise en conformité de l’Union européenne avec la décision de l’OMC.

Toutes ces incertitudes portent atteinte à la confiance des milieux économiques, découragent les investissements et font renoncer un certain nombre d’entreprises à des projets de développement international.

Dans ce contexte, l’OMC n’est malheureusement plus en mesure de jouer son rôle de régulateur. Elle fait face à deux blocages majeurs qui paralysent l’institution : le blocage des négociations multilatérales depuis l’institution du cycle de Doha en 2001 (seul l’accord sur la facilitation des échanges ayant abouti en 2013), et le blocage par les États-Unis du système de règlement des différends. La délégation américaine à Genève bloque en effet la nomination de tout nouvel adjudicateur à l’Organe d’appel, qui de ce fait se retrouve depuis le mois de décembre 2019 inopérant faute d’un nombre suffisant d’adjudicateurs, compromettant ainsi l’ensemble du mécanisme de règlement des différends de l’OMC. Les États-Unis reprochent en effet à l’Organe d’appel d’avoir de manière plus générale développé au fil des ans une forme d’activisme juridictionnel, créant de nouvelles obligations pour les Membres sans leur consentement.

b.   Un contexte européen fragilisé par le Brexit

Indépendamment de l’issue de la négociation de l’accord sur les relations futures, le Brexit aura des conséquences négatives sur les échanges commerciaux entre le Royaume-Uni et l’Union européenne car aucun accord commercial ne peut rétablir à l’identique les quatre libertés du marché intérieur (libre circulation des personnes, des biens, des services et des capitaux). À compter du 1er janvier 2021, de nouvelles barrières non tarifaires apparaîtront quoi qu’il advienne.

S’agissant des biens, les entreprises européennes devront s’acquitter de formalités douanières et réglementaires afin de commercer avec le Royaume-Uni et réciproquement (déclarations en douane et certificats sanitaires, etc.). S’agissant du commerce de services, les prestataires seront parfois obligés de s’établir en France ou dans l’Union européenne afin de proposer leurs services et vice-versa. Les travailleurs ne pourront plus bénéficier du régime de détachement et les qualifications professionnelles délivrées par des établissements britanniques ne seront pas automatiquement reconnues dans l’Union européenne.

De plus, l’activité française pourrait dans un premier temps être pénalisée par des perturbations dans les chaînes d’approvisionnement, en raison des changements soudains et importants auxquels les entreprises feront face. L’impact du Brexit sera donc également fonction du degré de préparation des entreprises, qui reste difficile à évaluer malgré les efforts de sensibilisation entrepris par les autorités européennes et françaises.

Un accord commercial avec le Royaume-Uni permettrait d’atténuer les conséquences économiques du Brexit. Sur le plan réglementaire, l’accord pourrait contenir des dispositions sur la coopération douanière ou les évaluations de conformité pour les produits industriels, qui permettraient d’alléger les barrières réglementaires pour les entreprises. Sur le plan tarifaire, les échanges ne seraient soumis à aucun droit de douane ni quota, conformément à la déclaration politique d’octobre 2019. La conclusion d’un tel accord est liée à des garanties solides de la part du Royaume-Uni en matière d’aides d’État, de fiscalité, de normes sociales, et environnementales et de climat, afin de maintenir une concurrence équitable entre les entreprises britanniques et européennes.

Une absence d’accord serait à l’évidence plus préjudiciable pour les échanges commerciaux entre le Royaume-Uni et l’Union européenne. Le commerce de biens ferait, de part et d’autre, l’objet de droits de douane, régis par un retour aux droits erga omnes (régime de OMC). Les barrières non tarifaires seraient également plus prégnantes pour les biens comme pour les services.

Les secteurs français les plus affectés par une éventuelle sortie sans accord seraient l’agroalimentaire, la chimie, la pharmaceutique, l’automobile, l’aéronautique et les transports. Par ailleurs, le secteur du tourisme pourrait également être pénalisé, la dépréciation de la livre pouvant inciter les Britanniques à se tourner vers des destinations moins coûteuses.

C.   Des tendances de fond à prendre en compte

1.   Vers une régionalisation des échanges

Dès avant la crise, on observait déjà une tendance des chaînes de valeur à être moins transcontinentales et à se régionaliser, que ce soit à l’échelle de l’ASEAN (Association of South East Asian Nations), de l’Amérique du Nord, de l’Afrique de l’Ouest, etc. Selon certains observateurs, on pourrait assister dans les prochaines années à une certaine forme de « démondialisation », de retour à un commerce centré sur les espaces régionaux (au niveau mondial), cette évolution pouvant être accélérée par l’affrontement géopolitique entre les États-Unis et la Chine, mais correspondant aussi à l’état d’esprit des peuples, qui sont de plus en plus critiques vis-à-vis de la mondialisation et conscients de l’impact du commerce international lointain sur les émissions de gaz à effet de serre (par le biais des transports).

Selon de nombreux analystes, il est essentiel, pour la France et pour l’Union européenne, de s’inscrire dans ce mouvement en pariant sur le dynamisme du continent africain. Cela passe par la conclusion de nouveaux partenariats commerciaux avec leur voisinage immédiat (Europe orientale, Maghreb, pays du bassin méditerranéen), où nous pouvons trouver un savoir-faire de qualité.

Proposition n° 1 : Nouer de nouveaux partenariats commerciaux avec nos partenaires du sud de la Méditerranée, dans le cadre de la tendance mondiale à la régionalisation des échanges, en nous appuyant notamment sur la francophonie et en développant des transferts de compétences.

En Afrique, en particulier, la France perd des parts de marché alors que l’Allemagne en gagne (les parts de marché à l’exportation de la France en Afrique ont été divisées par deux depuis 2000, passant de 11 % à 5,5 % en 2017 ([10])). Cela tient au fait que la France exporte surtout des biens de consommations peu adaptés aux besoins des populations africaines (qui se sont massivement tournées vers des produits fabriqués en Chine) alors que l’Allemagne gagne des parts de marché par l’exportation de biens d’équipement contribuant à l’industrialisation – qui aura lieu quoi qu’il arrive – du continent africain. Pourtant, comme l’écrit le think-tank La Fabrique de l’Exportation, « il est plus facile de prendre des parts de marché sur des marchés en croissance que sur des marchés stagnants ». Le Nigéria, l’Éthiopie ou encore la République démocratique du Congo, pour ne citer que ces exemples, sont des marchés prometteurs sur lesquels se jouera une partie de la croissance mondiale de la période 2020-2030. Il ne faut pas oublier, à ce sujet, que les modes de consommation numérique (mobile money) rencontrent un grand succès en Afrique alors qu’ils sont encore embryonnaires en Europe ; il y a là des marchés à saisir et de fortes possibilités de croissance pour les entreprises françaises. De surcroît, les entreprises françaises peuvent aujourd’hui emprunter à des taux d’intérêt très faibles et doivent profiter de cet avantage pour tirer vers le haut leurs partenaires africains.

Pour encourager le développement des entreprises françaises en Afrique, il importe de créer des chaînes de valeur régionales, de développer les relations avec les banques africaines, de promouvoir la coproduction et le partenariat entre entrepreneurs français et africains et de compléter notre dispositif d’accompagnement sur ce continent, aujourd’hui très insuffisant. Business France ne dispose ainsi que de douze implantations pour tout le continent ([11]). S’agissant par ailleurs du réseau des services économiques, l’Afrique ne compte que 27 implantations ([12]).

Proposition n° 2 : Moderniser notre stratégie d’exportation vers l’Afrique en développant les relations avec les banques africaines, en promouvant la coproduction et le partenariat entre entrepreneurs français et africains et en renforçant notre dispositif d’accompagnement sur ce continent.

Il serait bon même d’aller plus loin dans la révision de notre stratégie d’exportation en identifiant les « couples pays/secteur » les plus prometteurs, notamment en Afrique, et en intégrant ces données dans notre politique d’accompagnement des entreprises à l’export. Il s’agit de savoir dans quels secteurs et dans quels pays l’offre commerciale française sera la mieux adaptée à la demande dans les dix prochaines années. En interrogeant par exemple les chefs de service économique concernés, il s’agit de définir les secteurs les plus porteurs à l’export (agroalimentaire, navires et bateaux, produits pharmaceutiques, etc.) dans des pays déterminés.

Proposition n° 3 : Relancer la réflexion stratégique sur les géographies en identifiant des « couples pays/secteur » prometteurs, notamment en Afrique, et intégrer ces données dans notre politique d’accompagnement des entreprises à l’export.

Le développement des entreprises françaises en Afrique devrait également se fonder sur une coordination plus étroite avec l’Agence française de développement (AFD) et avec sa filiale Proparco. Même si bien sûr leur objet premier est de contribuer au développement des pays concernés, ces institutions devraient avoir comme réflexe de passer autant que possible par un soutien à des PME-TPE et groupes français. Rappelons que l’AFD et Business France sont liés par un accord de partenariat signé pour la première fois en 2009 avec Ubifrance, réitéré en 2015 avec Business France, puis en octobre 2018 à l’occasion du Forum d’affaires franco-africain « Ambition Africa ». Cet accord a pour principale finalité de mettre en place les moyens nécessaires pour permettre d’augmenter les retombées directes ou indirectes des activités de l’AFD pour les intérêts économiques français. La stratégie française d’aide au développement ne devrait pas en effet se faire au profit d’entreprises d’autres pays qui eux-mêmes veillent à favoriser leurs intérêts économiques nationaux. Il conviendrait d’étudier le moyen de favoriser davantage nos entreprises dans les appels d’offres.

Proposition n° 4 : Privilégier autant que possible, dans l’aide publique au développement, le soutien ou le recours aux entreprises françaises ou à leurs filiales.

2.   Des freins structurels anciens à corriger

Un certain nombre de faiblesses structurelles, dont certaines sont connues, handicapent notre pays dans le développement de son commerce extérieur : maîtrise insuffisante des langues étrangères et notamment de l’anglais, manque de cadres internationaux, freins « culturels », etc. Des progrès ont certes été enregistrés. La « diffusion d’une culture de l’export et de l’international, par le renforcement de la formation aux langues étrangères et au commerce international » constituait l’un des axes de la « Stratégie du Gouvernement en matière de commerce extérieur » présentée par le Premier ministre Édouard Philippe à Roubaix le 23 février 2018. Il n’en demeure pas moins que cette ouverture à l’international, en termes linguistiques et culturels, demeure encore trop faible. Il y a là une action de longue haleine à poursuivre, qui ne portera ses fruits que dans la durée.

Proposition n° 5 : Renforcer encore les enseignements de langue et de civilisation étrangères et les valoriser en augmentant les coefficients des épreuves pour ces matières dans les examens et diplômes nationaux, et développer encore la dimension internationale et le focus sur l’export dans les écoles de commerce mais aussi dans les formations de type BTS.

Le renforcement de la culture de l’export passera également par une sensibilisation et une implication accrues de toutes les « personnes ressources » des chefs d’entreprises (experts-comptables, banquiers, etc.) en matière de soutien à l’export. Ces personnes constituent souvent les premiers interlocuteurs des dirigeants de PME-TPE. Elles ont donc leur rôle à jouer pour inciter les entreprises à se projeter à l’international et pour les conseiller en la matière.

Proposition n° 6 : Sensibiliser et impliquer davantage les « personnes ressources » des chefs d’entreprises (experts-comptables, banquiers, etc.) en matière de soutien à l’export.

Le manque de cadres étrangers de haut niveau dans nos entreprises constitue un autre handicap qui a été relevé dans les auditions menées par votre rapporteure.

Proposition n° 7 : Mettre en place une politique active destinée à attirer en France des cadres internationaux permettant d’accroître la dimension internationale de nos entreprises.

Une autre faiblesse structurelle de notre pays réside dans sa désindustrialisation excessive. En 2019, malgré la réduction de son déficit commercial, la France demeurait l’un des pays dont le solde négatif de la balance commerciale était le plus lourd, tandis que des pays comme l’Allemagne, les Pays‑Bas, l’Irlande, l’Italie ou encore la République tchèque connaissaient un excédent commercial. Comme l’a souligné Jacques Attali lors de son audition par votre rapporteure, la France est devenue pour une large part un pays de services alors qu’il faut avoir une base industrielle de PME pour pouvoir véritablement exporter. Les dispositifs de soutien à l’export les mieux conçus resteront largement lettre morte en l’absence de produits industriels à vendre. Dans les domaines notamment de la santé, de l’alimentation, du digital, de l’énergie propre, de l’eau, etc., domaines dans lesquels notre pays jouit d’avantages comparatifs certains, il faut que les PME-TPE ([13]) existantes grandissent et que de nouvelles entreprises voient le jour. Les mesures en faveur de la compétitivité mais aussi de l’investissement étranger mises en place ces dernières années, et celles prévues dans le plan de relance, vont ici dans le bon sens.

De ce point de vue, l’objectif fixé par le Premier ministre Édouard Philippe d’atteindre un nombre de 200 000 entreprises exportatrices pose question, de l’avis de plusieurs personnes auditionnées. Cet objectif paraît légitime si l’on porte le regard sur les résultats de nos principaux voisins : l’Allemagne compte plus de 300 000 exportateurs et des économies plus petites que la nôtre, l’Italie et l’Espagne, en comptent respectivement plus de 220 000 et 160 000. En France, le nombre d’entreprises exportatrices est passé de 125 283 en 2018 à 129 214 au quatrième trimestre 2019, en augmentation pour la deuxième année consécutive (+3,1% après +1,2% en 2018). Il a ainsi atteint son niveau le plus élevé depuis 2002. Cet indicateur toutefois n’est pas entièrement satisfaisant dès lors qu’il ne s’accompagne pas d’un objectif en termes de chiffre d’affaires global. D’après les OSCI, sur l’ensemble des exportateurs recensés, une centaine de milliers environ sont en réalité des exportateurs occasionnels, tandis que les 20 000 restants réalisent 80 % de l’export. Pour de nombreuses entreprises françaises, l’export reste irrégulier et est souvent motivé par une opportunité sans s’inscrire dans une stratégie systématique et définie.

Proposition n° 8 : Compléter l’objectif de 200 000 exportateurs en se fixant un objectif en termes de chiffre d’affaires à l’export, permettant de mesurer l’efficacité de la démarche export, et en mettant en place une métrique d’évaluation en termes de potentiel de croissance.

Par ailleurs, c’est sur les PME-TPE les plus prometteuses, notamment dans le secteur industriel, qu’il conviendrait de faire porter un effort particulier. Dans le cadre des auditions menées pour la rédaction de ce rapport, Jacques Attali a suggéré de mobiliser 500 entreprises constituant une avant-garde, susceptible d’entraîner dans leur sillage d’autres entreprises (sous-traitantes, partenaires, etc.). La sélection de ces entreprises pourrait se faire sur un certain nombre de critères tels que la croissance du chiffre d’affaires, le montant de la levée de fonds, le nombre et le rythme d’embauches, etc. Elles pourraient être regroupées au sein d’une forme de « club », sur le modèle du French Tech 120 ([14]).

Proposition n° 9 : Créer un « club » des 500 PME-TPE les plus prometteuses, sur le modèle du French Tech 120, ouvrant droit pour les sociétés concernées à un accompagnement renforcé. Intégrer dans ce club des entreprises qui soient des « mentors » chargés d’accompagner les entreprises françaises localement.

II.   des acteurs de l’export fortement mobilisés dont certaines des missions doivent encore être précisées

A.   Les autorités politiques et les administrations

1.   La création opportune d’un ministère en charge du commerce extérieur

Depuis le remaniement de juillet 2020, il existe un ministre en titre expressément en charge du commerce extérieur. Aux termes du décret n° 2020‑964 du 31 juillet 2020 relatif aux attributions du ministre délégué auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargé du commerce extérieur et de l’attractivité, celui-ci « traite, par délégation du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, les questions relatives au commerce extérieur et à l’attractivité ». En matière de commerce extérieur, le ministre délégué « concourt à la politique de promotion des exportations ainsi qu’à l’élaboration et à la mise en œuvre des mesures propres à stimuler l’expansion économique hors de France, à assurer le développement des échanges extérieurs et à soutenir le développement international des entreprises françaises. Il est associé à la politique de financement des exportations. Il concourt à l’animation des relations économiques et commerciales bilatérales. Il participe à la préparation et à la conduite des négociations commerciales européennes et internationales, notamment celles menées dans le cadre de l’Organisation mondiale du commerce ». Le fait qu’un membre du Gouvernement, ayant le rang de ministre, se voit désormais confier une compétence pour ce seul domaine est un signe très positif. Il s’agissait d’ailleurs là d’une demande formulée de longue date par de nombreux acteurs du monde de l’export, y compris, lors de la présentation des précédents projets de lois de finances, par M. Buon Tan, rapporteur pour avis sur les crédits du commerce extérieur et de la diplomatie économique. Cela ne pourra que contribuer à la mise en place d’une politique du commerce extérieur plus lisible, plus « visible », plus stratégique et fondée sur des données plus fiables.

À ce sujet, votre rapporteure tient à souligner l’utilité pour le ministre chargé du commerce extérieur (mais aussi pour les autres ministres compétents, le Premier ministre et même le Chef de l’État) d’emmener au sein de leurs délégations, lors de leurs déplacements à l’étranger, un ou plusieurs dirigeants de PME ([15]) et même de TPE, à chaque fois que l’objet de la visite s’y prête. C’est bien sûr déjà le cas parfois mais cette pratique devrait être systématisée. Pour un dirigeant de très grand groupe (dans le domaine pétrolier, de la construction, de l’armement, du transport maritime, de l’aéronautique, etc.), l’intégration dans une telle délégation n’apporte pas une réelle valeur ajoutée dans la mesure où le dirigeant concerné a généralement déjà des contacts directs avec les autorités politiques du pays invitant. Au contraire, pour le dirigeant d’une petite entreprise, la participation à un tel déplacement peut être l’élément déclencheur de l’obtention de marchés et de contrats et d’une implantation réussie.

Proposition n° 10 : Intégrer une ou plusieurs PME ou TPE dans les délégations accompagnant les déplacements ministériels ou présidentiels, à chaque fois que l’objet du déplacement le permet.

2.   Une nomenclature budgétaire qui reste encore à unifier

S’il faut saluer la création d’un ministère de plein exercice en charge du commerce extérieur, il faut regretter qu’elle ne s’accompagne toujours pas d’une meilleure visibilité du commerce extérieur sur le plan budgétaire : les différentes lignes budgétaires qui contribuent à son soutien restent dispersées sur plusieurs missions budgétaires, un compte de concours financiers et un compte de commerce, étant précisé qu’une nouvelle mission, Plan de relance, a été ajoutée cette année. M. Buon Tan, rapporteur pour avis sur les crédits du commerce extérieur et de la diplomatie économique lors des trois précédents exercices, déplorait déjà qu’il n’existe pas dans la nomenclature budgétaire de « budget du commerce extérieur » identifié.

Une nomenclature qui demeure éclatée

● La mission Économie

– La ligne budgétaire la plus substantielle pour retracer la politique du commerce extérieur s’inscrit toujours dans le programme 134 Développement des entreprises et régulations, qui entre dans le cadre de la mission Économie.

On y trouve notamment la plus grande part de la subvention à Business France et la rémunération de Bpifrance Assurance Export au titre de la gestion pour le compte de l’État des garanties publiques à l’export (action n° 7).

– Le financement des services économiques de la direction générale du Trésor dans les ambassades est également inscrit, pour partie, sur la mission Économie, sur le programme 305 Stratégie économique et fiscale, dont il forme l’action n° 02.

La mission Plan de relance

Le programme 363 Compétitivité (action n° 3) de la mission Plan de relance finance les mesures portées par Business France, notamment les chèques VIE et les chèques relances Export, ainsi que l’information des PME et ETI. Il finance aussi des dispositifs de soutien portés par BPI assurance export.

Il finance par ailleurs une enveloppe exceptionnelle pour le Fonds d’étude et d’aide au secteur privé (FASEP), qui s’ajoute aux crédits portés par le programme 110.

● Les missions Cohésion des territoires et Agriculture

Pour des raisons « historiques », des fractions du financement par l’État de Business France sont imputées sur les crédits du programme 112 Impulsion et coordination de la politique d’aménagement du territoire (action n° 13) de la mission Cohésion des territoires et sur ceux du programme 149 Compétitivité et durabilité de l’agriculture, de l’agroalimentaire, de la forêt, de la pêche et de l’aquaculture (action n° 21) de la mission Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales.

Le présent projet de loi de finances maintient cette situation, ce qui complique la bonne exécution du contrat d’objectifs et de moyens de Business France.

● La mission Aide publique au développement

Certaines lignes de la mission Aide publique au développement ont une dimension qui les rattache au « commerce extérieur ».

Il en est ainsi, sur le programme 110 Aide économique et financière au développement, du Fonds d’étude et d’aide au secteur privé (FASEP), géré par la direction générale du Trésor. Ce fonds permet de financer des études de faisabilité en amont de projets d’investissement, des prestations d’assistance technique ainsi que des dispositifs de soutien au secteur privé. Il s’agit d’un outil à la fois de soutien des entreprises françaises à l’international et d’aide au développement.

● La mission Action extérieure de l’État

– Sur le budget du ministère de l’Europe et des affaires étrangères, plus précisément le programme 185 Diplomatie culturelle et d’influence, la seule ligne identifiée rattachable à la diplomatie économique est la subvention à Atout France (opérateur de la promotion touristique internationale de la France) (action n° 7).

On pourrait y rattacher la masse salariale de la direction de la diplomatie économique et une fraction de la masse salariale des ambassadeurs, puisque ceux-ci consacrent, d’après les estimations, près de 40 % en moyenne de leur temps à faire de la « diplomatie économique ».

– La plus grande partie des crédits de fonctionnement du réseau international de la DG Trésor exécutés à l’étranger est portée par le programme 105 Action de la France en Europe et dans le monde.

● Les comptes de prêt et de commerce et la mission Engagements financiers de l’État

L’effort de l’État pour le commerce extérieur et l’attractivité passe aussi par des instruments autres que les crédits budgétaires : prêts, avances, garanties. De tels instruments figurent nécessairement sur des comptabilités annexes de l’État, comptes de concours financiers ou de commerce.

– Les « prêts du Trésor », destinés à financer des projets dans les pays pauvres ou émergents, comportent une exigence de « part française ([16]) » : une fraction de la valeur ajoutée du contrat financé doit être réalisée sur le territoire national. Ils contribuent donc clairement à la promotion de nos exportations.

Ils sont retracés sur le programme 851 Prêts du Trésor à des États étrangers en vue de faciliter la vente de biens et de services concourant au développement du commerce extérieur de la France de la mission Prêts à des États étrangers.

– Le dispositif assurantiel des garanties publiques aux exportateurs est géré par Bpifrance pour le compte de l’État.

L’entreprise, on l’a dit, reçoit à ce titre une rémunération de gestion imputée sur le programme 134 de la mission Économie.

Cependant les produits et charges techniques de ces assurances sont directement retracés dans le budget de l’État, dans le cadre du compte de commerce ([17]) Soutien financier au commerce extérieur.

Les excédents (bénéfices) récurrents sur certaines de ces assurances sont versés au budget de l’État, en recettes non fiscales.

Les déficits (pertes) constatés sur d’autres lignes sont couverts par des subventions budgétaires en provenance du programme 114 Appels en garantie de l’État de la mission Engagements financiers de l’État.

Votre rapporteure plaide pour une plus grande lisibilité de la politique du commerce extérieur dans le budget de l’État. L’objectif pourrait être de regrouper le plus possible de lignes de crédits dans une mission budgétaire spécifique dédiée au commerce extérieur et permettant de mieux mesurer l’évolution des moyens qui lui sont dédiés.

Proposition n° 11 : Améliorer la lisibilité budgétaire des politiques du commerce extérieur, en regroupant autant que possible les différentes lignes de crédits relatives à ces politiques sous une ombrelle commune (qui pourrait être une mission budgétaire Commerce extérieur).

3.   Les directions d’administration centrale

a.   La direction de la diplomatie économique

Le ministère de l’Europe et des affaires étrangères (MEAE) avait traditionnellement une direction des entreprises, de l’économie internationale et de la promotion du tourisme, chargée notamment d’effectuer une analyse macroéconomique des pays étrangers. À l’initiative du ministre Laurent Fabius, il a reçu en 2014 une compétence expresse en matière de « commerce extérieur » ([18]). Une « direction de la diplomatie économique » (DGM/DE), rattachée à la direction générale de la mondialisation, a ainsi été mise en place, avec un effectif aujourd’hui de 73 personnes. Elle se décompose en une sous-direction (secteurs stratégiques) et trois « missions » : commerce extérieur et attractivité, promotion du tourisme et régulation et concurrence équitable. Cette dernière mission s’efforce d’orienter la modification des règles du commerce international dans un sens favorable aux intérêts des entreprises françaises. Quant à la promotion du tourisme international en France, elle est exercée notamment par le biais de la tutelle (partagée avec le ministère de l’économie) sur l’agence Atout France.

À l’étranger, les ambassadeurs, compte tenu de leur vocation interministérielle de coordination des services de l’État, supervisent les questions de diplomatie économique, en s’appuyant sur l’ensemble des services compétents (services économiques relevant de la direction générale du Trésor, chancelleries diplomatiques et services de presse, opérateurs, services de coopération culturelle et scientifique, etc.). Le chiffre de plus d’un tiers de leur temps consacré à cette mission est parfois cité. Ils ont des objectifs précis en la matière dans le cadre de leurs plans d’action. Chaque ambassadeur établit une liste de dix dossiers prioritaires, qui font l’objet d’un suivi renforcé et de comptes rendus à intervalles réguliers des actions menées pour favoriser leur conclusion. Il s’appuie pour cela sur les services économiques (SE) et services économique régionaux (SER) ([19]) qui lui sont rattachés fonctionnellement même s’ils sont constitués d’agents de la direction générale du Trésor. Leurs missions comprennent l’analyse et la veille économique, l’animation des relations économiques bilatérales et le soutien aux entreprises françaises.

b.   La direction générale du Trésor

Aux termes de l’arrêté du 18 décembre 2019 portant organisation de la direction générale du Trésor, celle-ci est compétente au titre du commerce extérieur en matière d’analyse macro-économique et des déterminants extérieurs du commerce, de financement des exportations, d’investissements directs étrangers, d’attractivité du territoire ainsi que sur les sujets relatifs aux négociations commerciales multilatérales ou bilatérales.

Le réseau international de la direction générale du Trésor est constitué de 31 circonscriptions, placées sous l’autorité des chefs des services économiques régionaux (SER) en charge de coordonner et d’animer l’activité des services économiques des ambassades de leur zone de compétence. Ce réseau a notamment pour missions l’analyse et la veille économique et financière de l’environnement économique international, les études comparatives internationales et le soutien aux entreprises françaises.

Le projet de loi de finances pour 2021 prévoit un montant de 65 592 590 euros, en autorisations d’engagement (AE) et en crédits de paiement (CP), pour les dépenses du réseau international de la direction générale du Trésor entrant dans le champ de l’action n° 2 du programme 305 Stratégie économique et fiscale de la mission Économie. Ces moyens s’élèvent à 5,3 millions d’euros, hors masse salariale. Ils couvrent essentiellement les dépenses gérées par l’administration centrale de la DG Trésor : frais de changement de résidence des agents, dépenses informatiques, paiement de prestations de la Banque de France, prise en charge de la couverture sociale des volontaires internationaux en administration et dépenses de formation spécifiques aux agents des services économiques.

Pour mémoire, la plus grande partie des crédits de fonctionnement du réseau international de la DG Trésor exécutés à l’étranger (dépenses courantes, dépenses de déplacement, dépenses pour acquisition et entretien de véhicules et dépenses immobilières des services économiques) a été transférée au MEAE par les lois de finances initiales pour 2019 et 2020 (pour un total de 6,6 millions d’euros). Ces dépenses sont portées par le programme 105 Action de la France en Europe et dans le monde de la mission Action extérieure de l’État mise en œuvre par le MEAE.

Le réseau international comprend 127 implantations dans 106 pays ([20]). Il est à noter que les effectifs des SE et SER à l’étranger ne cessent de diminuer du fait notamment du programme « Action Publique 2022 » : l’effectif total des services économiques à l’étranger est passé de 638 à 535 équivalents temps-plein de 2017 à 2019. Des arbitrages parfois peu compréhensibles sont ainsi effectués, tels que la suppression d’un cadre expatrié à Kinshasa remplacé par un volontaire international en administration (VIA) en poste à Brazzaville. Cette réduction d’effectifs, concomitante à la « rationalisation » du réseau des bureaux Business France, interroge sur la priorité donnée à notre politique d’export et de présence économique à l’étranger.

c.   Des missions appelées à être encore clarifiées

Deux ministères de plein exercice contribuent donc aujourd’hui à la politique du commerce extérieur. Le MEAE y contribue au titre de sa fonction de pilotage global de la politique extérieure de la France, de défense et de promotion de son image et de son attractivité générale à l’international, de son rôle de coordination interministérielle de l’action extérieure de l’État, et de sa compétence en matière de commerce extérieur, d’attractivité et de tourisme. Il s’appuie pour ce faire sur la direction de la diplomatie économique, en coordination avec les directions géographiques et la direction de l’Union européenne. Le ministère de l’économie, des finances et de la relance (MEFR) y contribue de son côté au titre de sa compétence en matière de politique macroéconomique, de compétitivité et d’attractivité économique, de politique industrielle et sectorielle, de politique commerciale et financière internationale, ainsi que de ses instruments de financement et d’accompagnement des entreprises. Il s’appuie pour ce faire principalement sur la direction générale du Trésor mais aussi sur la direction générale des entreprises.

Le fait que le pilotage d’ensemble de la politique du commerce extérieur soit ainsi partagé entre deux ministères a été régulièrement critiqué. Il entraînerait des risques de doublons ou de contradictions, une lourdeur dans les procédures (triple tutelle de Business France ([21]), double remontée d’informations depuis les ambassades, etc.) ainsi qu’une complexité et un manque de lisibilité pour les acteurs économiques qui ne savent pas toujours à qui s’adresser. Les deux ministères et leurs administrations ont cependant engagé des efforts indéniables de coordination. Ils ont ainsi travaillé conjointement à la mise en place d’une plate‑forme informatique très performante (Outil de suivi des contrats prioritaires ou OSCOP) permettant un recueil et un partage des informations en temps réel, déployé à l’automne 2020. Une démonstration de cet outil a été faite à votre rapporteure lors de son déplacement dans les locaux de la direction de la diplomatie économique. Le MEAE participe par ailleurs aux différents comités présidés par la direction générale du Trésor pour attribuer les financements, garanties et fonds pour accompagner les entreprises à l’export.

Votre rapporteure n’appelle pas à se lancer dans de nouvelles réorganisations de grande ampleur, surtout en temps de crise. Elle invite néanmoins à évoluer vers une organisation administrative où les responsabilités seraient encore clarifiées. Le dialogue avec les autorités étrangères, l’établissement de la cartographie des décideurs locaux, l’appui politique, le travail interministériel, etc., ressortissent plutôt au MEAE. Les instruments de financement et d’accompagnement des entreprises et l’analyse des déterminants du commerce extérieur relèvent plutôt du MEFR.

Proposition n° 12 : Clarifier encore davantage les responsabilités respectives de la direction de la diplomatie économique (MEAE) et de la direction générale du Trésor (MEFR).

4.   Des parlementaires qui peuvent jouer un rôle de relais

De nombreux parlementaires ont des contacts privilégiés non seulement avec les 2,5 millions de Français vivant hors de nos frontières (3,4 millions selon l’INSEE), mais aussi avec les autorités politiques et les acteurs économiques des pays étrangers. C’est le cas des onze députés et des douze sénateurs représentant les Français établis hors de France, mais aussi, par exemple, des parlementaires qui président ou qui sont membres des différents groupes d’amitié de leur assemblée respective ou encore qui appartiennent à des instances diverses telles que l’Assemblée parlementaire franco-allemande. On insiste depuis quelques années, à juste titre, sur l’importance de développer la « diplomatie parlementaire » qui, par le biais d’échanges par exemple avec les parlementaires étrangers, peut apporter une contribution utile au dialogue entre États, à la compréhension mutuelle et à la résolution des difficultés. Il n’y a aucune raison pour que cette diplomatie parlementaire soit vide de toute dimension économique. Les députés et sénateurs amenés à se déplacer ainsi à l’étranger sont régulièrement entretenus de dossiers économiques, les autorités politiques étrangères leur faisant par exemple part de leur souhait de travailler avec des entreprises françaises pour tel ou projet portuaire, d’infrastructures, de construction, etc. Les parlementaires sont souvent embarrassés pour donner un débouché concret à cette information. Il serait bon de structurer à leur intention un canal spécifique de remontée d’information (par exemple une adresse électronique dédiée).

Proposition n° 13 : Prévoir un canal de remontée d’information dédié pour la diplomatie économique parlementaire.

B.   Les opérateurs publics et leurs partenaires

1.   La Team France Export (TFE) : un bilan positif à prolonger

La réforme Team France Export, mise en œuvre à la suite du rapport de novembre 2017 de M. Christophe Lecourtier et du discours prononcé à Roubaix par le Premier ministre Édouard Philippe le 23 février 2018 ([22]), eu pour but de mettre en commun les expertises complémentaires de Business France, de Bpifrance, des CCI (ainsi que des partenaires privés conventionnés sur certaines destinations internationales) afin de proposer aux entreprises un parcours coordonné, complet et plus efficace. Cette « fédération d’énergies » selon l’expression utilisée par le ministre Riester a permis la mise en place tant attendue du « guichet unique ».

a.   Business France

Business France est né en 2015 de la fusion d’institutions préexistantes (Ubifrance et l’Agence française pour les investissements internationaux). Ses missions consistent à proposer des prestations (prospection, accompagnement, etc.) pour développer les exportations (notamment des PME et ETI ([23])), à favoriser l’investissement étranger en France (prospection d’investisseurs potentiels, détection de projets) et à mettre en œuvre la stratégie de promotion de l’image économique de notre pays. L’agence assure aussi la gestion du dispositif de Volontariat international en entreprises (VIE). Business France possède 78 implantations à l’étranger, étant précisé qu’on compte plusieurs implantations dans certains pays ([24]).

Business France a signé avec ses tutelles un contrat d’objectifs et de moyens (COM) pour la période 2018-2022, ce qui lui apporte une visibilité quant à l’évolution de son financement public (subvention versée par le programme 134, Développement des entreprises et régulations, de la mission Économie), en contrepartie d’engagements en matière de gestion. Une autre subvention, résiduelle, provient du programme 112 de la mission Cohésion des territoires. La crise sanitaire a conduit l’agence à réviser fortement sa prévision de ressources propres pour 2020 à 79,4 millions d’euros au premier budget rectificatif 2020 contre 107,8 millions d’euros escomptés au budget initial 2020, soit une diminution de -28,4 millions d’euros (-26,3 %).

Dans le courant de l’année 2019, et dans la continuité du redéploiement de son dispositif à l’étranger découlant de la mise en place de la stratégie TFE, Business France a fermé ses implantations à Almaty (Kazakhstan), Athènes, Beyrouth et Osaka. L’agence s’est retirée de trois pays en 2018 (Norvège, Hongrie et Russie) mais y conservait des effectifs en 2019 pour travailler en lien avec les concessionnaires de service public (pour les deux premiers) ou les prestataires du marché public (pour la dernière). Par ailleurs, Business France a ouvert en 2019 à Casablanca un « Hub Invest » pour l’Afrique du Nord et de l’Ouest.

b.   Bpifrance

Bpifrance est né en 2012 par la fusion d’institutions préexistantes (Oséo, Fonds stratégique d’investissement, etc.), avec pour mission de financer les TPE, PME et ETI et de développer des secteurs stratégiques d’avenir. Bpifrance intervient en octroyant des crédits (généralement en cofinancement avec des banques commerciales) et des garanties ainsi qu’en investissant en fonds propres. Bpifrance gère depuis le 1er janvier 2017 (en remplacement de la Coface) le régime des garanties publiques (assurances export publiques). Celles-ci sont un ensemble de dispositifs d’assurance destinés à faciliter les exportations.

Ces dispositifs sont gérés par Bpifrance pour le compte de l’État : ce dernier fixe les règles et directives d’engagement ; il prélève les excédents éventuels et couvre les pertes le cas échéant. Bpifrance assure la gestion courante, mais les décisions sur chaque dossier important restent à la main de l’État. L’institution reçoit du budget général une rémunération de gestion (crédits imputés sur le programme 134).

L’assurance-crédit ([25]) constitue l’une des principales solutions de financement proposées. Elle consiste à couvrir, à moyen ou à long terme, les exportateurs contre le risque d’interruption de leur contrat, et les banques contre le risque de non-remboursement des crédits à l’exportation octroyés à un acheteur étranger public ou privé pour l’achat de biens ou de services français. L’assurance-crédit bénéficie essentiellement aux grands contrats de fourniture de biens d’équipement, qui nécessitent un financement à moyen et long terme ou une assurance contre le risque d’interruption pour des motifs politiques. Les engagements internationaux de la France (pris dans le cadre de l’OCDE et de l’Union européenne) imposent à l’État de ne garantir que les risques non assurables par le marché.

L’intervention de Bpifrance Assurance Export en assurance-crédit s’effectue au nom de l’État et dans le cadre de la politique d’assurance-crédit définie annuellement par le ministre chargé de l’économie sur proposition de la direction générale du Trésor. Cette politique est établie sur la base d’analyses approfondies des risques et de la solvabilité des pays d’une part, et des projets d’exportation connus d’autre part.

L’assurance-prospection s’adresse aux entreprises ayant un chiffre d’affaires inférieur à 500 millions d’euros. Elle est le principal dispositif d’assurance publique à l’export dédié aux PME et le plus apprécié par celles-ci. Elle permet de prendre en charge une partie des dépenses de prospection faites par une PME sur un marché étranger, l’entreprise remboursant ensuite en fonction du flux d’affaires généré. Elle a pris une importance croissante alors que l’assurance prospection dite « premiers pas » (A3P), qui était dédiée aux plus petites entreprises, a été mise en extinction et que le dispositif alternatif du crédit d’impôt pour dépenses de prospection commerciale (CIPC) a été supprimé.

D’autres solutions enfin sont proposées par Bpifrance pour l’accompagnement à l’international des PME et des ETI, telles que l’assurance-investissement, la garantie du risque exportateur (cautions et préfinancements) et la garantie de change.

c.   Les chambres de commerce et d’industrie (CCI)

Troisième partenaire constitutif de la TFE, les chambres de commerce et d’industrie de France (CCI) sont des établissements publics régis par les dispositions des articles L. 701-1 et suivants du code de commerce. En sus de leur fonction de représentation des intérêts de l’industrie, du commerce et des services auprès des pouvoirs publics, elles contribuent au soutien des entreprises ainsi qu’au développement économique, à l’attractivité et à l’aménagement des territoires. CCI France a signé en mai 2019 un accord stratégique avec Business France pour cadrer la mise en place de leur nouvelle co-activité (objectifs solidaires dans les contrats d’objectifs, organisation des ressources humaines, gamme de services unifiée, procédures et méthodes communes, etc.). Les CCI ont modifié leur organisation, passant d’une spécialisation géographique à une spécialisation sectorielle, afin de faciliter la coopération avec les équipes de Business France.

Le projet de loi de finances pour 2021 prévoyait, en son article 24 (9°), une baisse de 100 millions d’euros du plafond de leurs ressources. Le réseau des CCI a fortement exprimé son opposition à cette disposition qu’il jugeait de nature à fragiliser la mise en œuvre du plan de relance au plus près des territoires et des TPE-PME. Le ministre de l’économie et des finances Bruno Le Maire a finalement annoncé, en ouverture des débats parlementaires, que les CCI « garderont (…) 349 millions d’euros de taxes affectées pour 2021 », au lieu des 249 millions prévus dans le projet de loi de finances, et que la baisse du plafond de taxes affectées en 2022 se limiterait à 50 millions d’euros.

d.   La TFE, un bilan positif à prolonger et à évaluer dans le long terme

Deux ans et demi après son lancement, le déploiement du dispositif de la Team France Export est achevé en France (un guichet unique de l’export, très attendu par les entreprises, ayant été constitué dans chaque région) et se poursuit à l’étranger. Les régions, dont la loi NOTRe a fortement renforcé la compétence en matière de développement économique ([26]), ont noué des partenariats solides avec la TFE. Quinze conventions régionales ont ainsi été signées (comprenant l’ensemble des régions métropolitaines, la Réunion et Mayotte),

La TFE a représenté une avancée considérable pour l’organisation de notre système d’accompagnement des exportateurs. En pratique, les entreprises n’ont plus à contacter trois ou quatre organismes différents mais bénéficient d’un seul interlocuteur, un « conseiller international ». Cet interlocuteur est spécialisé dans le secteur d’activité des entreprises qu’il suit et au sein desquelles il peut se déplacer. Dans chaque région, les guichets uniques de l’export sont animés par des équipes conjointes formées par Business France et les CCI : 200 conseillers internationaux sont ainsi déployés dans toute la France renforçant l’équipe préexistante de 40 conseillers Business France-BPI qui ciblent plus particulièrement les ETI et PME de croissance.

Depuis la fin 2019 un logiciel de gestion de bases de données et de suivi de la relation client (Customer Relation Management ou CRM) est partagé entre les acteurs de la TFE sur tout le territoire, afin d’assurer un suivi coordonné des entreprises accompagnées tout au long de leur parcours à l’export. Ce CRM commun est l’un des aboutissements de la création de la TFE et l’une des conditions de son succès.

Par ailleurs, une plateforme des solutions export, dont le socle commun est décliné en 14 versions régionales (une par région métropolitaine et une pour les territoires ultramarins), offre un accompagnement digital pour l’international. Son contenu a vocation à être constamment enrichi.

La mise en place de ces outils communs traduit un changement culturel, les différents opérateurs travaillant désormais de concert. Les premiers effets de la TFE ont été visibles dès 2019, 12 724 PME et ETI distinctes ayant été préparées ou projetées à l’export contre 10 343 en 2018 (+23 %).

Toutefois, comme cela a été dit plus haut, l’augmentation du nombre d’entreprises accompagnées, et l’augmentation du nombre total d’exportateurs, ne constituent pas des indicateurs suffisants s’ils ne sont pas accompagnés d’une analyse détaillée en termes de renouvellement des commandes et de progression du chiffre d’affaires global. C’est pourquoi il importe que la TFE puisse suivre dans le temps, de façon précise, les entreprises après un premier accompagnement par la TFE sur un marché étranger de manière à les encourager et les suivre dans leur démarche à l’export ([27]). Certains interlocuteurs auditionnés par votre rapporteure ont suggéré la création d’une option de suivi personnalisé pour une durée de trois ans.

Proposition n° 14 : Faire du suivi des entreprises dans la durée une mission à part entière de la TFE et, à cette fin, en améliorer les indicateurs.

L’évaluation à moyen et long terme de la TFE devrait intégrer cette problématique. S’il s’avérait que le dispositif de soutien actuel avait pour effet principal d’encourager des exportations ponctuelles, sans lendemain, ou que le nombre d’entreprises suivies par un même conseiller export était trop élevé, il faudrait réfléchir à le faire évoluer dans le sens d’une concentration des efforts sur les entreprises les plus prometteuses, en fonction d’un certain nombre de critères objectifs ([28]).

2.   Les conseillers du commerce extérieur de la France

Les conseillers du commerce extérieur de la France (CCE) sont des bénévoles, chefs d’entreprise ou experts de l’international, qui concourent au développement des échanges internationaux de la France et, à ce titre, sont des correspondants du ministre chargé de l’économie ([29]). Ils sont nommés pour trois ans par décret du Premier ministre sur proposition du ministre chargé du commerce extérieur, après examen de leur demande par la commission nationale chargée de l’examen des candidatures. Ils doivent être choisis pour leur compétence et leur expérience au service du développement de la présence économique française dans le monde. Ils sont membres du Comité national des conseillers du commerce extérieur de la France (CNCCEF), association reconnue d’utilité publique.

Au 1er juillet 2020, les CCE étaient au nombre de 4 440, dont 3 228 à l’étranger, répartis dans 116 comités. Dans le réseau international, la répartition géographique s’établit comme suit : Afrique/Océan indien : 16,48 % ; Amérique latine : 7,34 % ; Amérique du Nord : 12,79 % ; Asie Pacifique : 22,06 % ; Asie centrale/CEI : 3,38 % ; Europe (hors France) : 25,28 % et Maghreb/Proche et Moyen Orient : 12,67 %. Les CCE résidant à l’étranger relèvent en principe, pour l’exercice de leur mandat, de l’autorité des ambassadeurs.

Leurs missions principales, si l’on se réfère à l’article 1er du décret n° 2010-663 du 17 juin 2010 modifié, sont les suivantes :

—  assister les pouvoirs publics en leur soumettant des communications relatives au commerce extérieur et en répondant à des demandes d’enquêtes (des réunions trimestrielles entre les administrations chargées du développement international des entreprises et le CNCCEF sont organisées sur des sujets d’actualité économiques) ;

—  appuyer les pouvoirs publics dans leurs actions pour le développement international des entreprises, « en particulier en faveur des petites et moyennes entreprises » ;

—  apporter leurs compétences et leur expérience en matière de soutien à la formation et à l’accompagnement des jeunes sur les marchés internationaux, et promouvoir la procédure des volontaires internationaux en entreprise ;

—  participer à la promotion de l’attractivité du territoire national.

Compte tenu du caractère assez général des missions ainsi énoncées, l’efficacité de l’action menée par les CCE en matière de soutien aux entreprises françaises, notamment à celles de plus petite taille pour lesquelles un accompagnement est le plus crucial, peut se révéler très variable d’un endroit à un autre. Votre rapporteure invite donc à définir davantage, de façon concrète, le contenu de leurs missions en termes d’accompagnement des PME-TPE (hébergement de VIE, mise à disposition de bureaux ou de salles de réunion, tutorat, etc.). L’intitulé de leurs fonctions pourrait, à terme, être modifié pour mieux correspondre à ces missions.

Proposition n° 15 : Redéfinir de façon précise et concrète le contenu des missions des conseillers du commerce extérieur de la France (CCE) en matière d’accompagnement des PME-TPE.

Le décret n° 2010-663 du 17 juin 2010 modifié prévoit, en son article 3, que les mandats des CCE « peuvent, sur leur demande, être renouvelés pour trois ans après examen par la commission de la manière dont ils se sont acquittés de leurs fonctions, au regard des dispositions de l’article 1er ». Il importe qu’un tel renouvellement ne soit pas une formalité mais soit réellement conditionné à un bilan effectif en termes d’aide apportée à des TPE-PME. Le décret précité pourrait, le cas échéant, être précisé sur ce point.

Proposition n° 16 : Conditionner réellement le renouvellement du mandat des conseillers du commerce extérieur de la France (CCE) à un bilan positif en termes d’aide apportée à des PME-TPE.

Par ailleurs, la population des CCE demeure encore essentiellement masculine et d’âge mûr. La moyenne d’âge des CCE actifs s’établit en 2020 à 52 ans et 6 mois. Seulement 20,21 % d’entre eux sont des femmes (même si, il est vrai, l’effectif féminin a plus que doublé entre 2010 et 2020). Les CCE gagneraient à voir leur recrutement rajeunir et se diversifier.

Proposition n° 17 : Rajeunir et diversifier le recrutement des conseillers du commerce extérieur de la France (CCE).

Il convient d’ajouter que la mission de conseil et d’accompagnement des PME-TPE à l’export n’est pas réservée aux CCE, et que de nombreux Français à l’étranger sont prêts à épauler leurs compatriotes désireux de s’implanter dans le pays où ils sont déjà présents, soit bénévolement, soit par la conclusion d’un partenariat ou d’une autre forme de collaboration. Encore faut-il qu’existent les moyens de mettre en contact les uns et les autres. C’est pourquoi votre rapporteure propose de créer une plateforme nationale recensant les Français établis à l’étranger prêts à s’engager en ce sens.

Proposition n° 18 : Créer une plateforme de CV/compétences de Français établis à l’étranger pouvant accompagner des PME-TPE sur un marché local.

C.   des acteurs privés à mieux intégrer

1.   Les opérateurs spécialistes du commerce international (OSCI)

Les opérateurs spécialistes du commerce international (OSCI) sont constitués des sociétés d’accompagnement à l’international (SAI), des sociétés de commerce à l’international et des sociétés de négoce. Les SAI offrent des services de préparation, de prospection, de déploiement, d’implantation, de suivi commercial et de développement commercial au long cours. Les SAI se veulent le bras armé des entreprises sur les marchés internationaux.

Ces acteurs sont souvent adhérents des chambres de commerce et d’industrie françaises à l’international (CCIFI) de leur pays de résidence. Dans certains pays, les OSCI exercent en sous-traitants les services « appui aux entreprises » proposés par les CCIFI. Une convention de partenariat a été signée en ce sens par CCI France International et la Fédération OSCI en janvier 2020. Très peu d’OSCI en revanche sont conseillers du commerce extérieur car les métiers du conseil et des services n’entrent pas dans le périmètre de recrutement des CCE. La Fédération des OSCI souhaite par ailleurs nouer des partenariats avec les régions. Un seul accord pour l’instant a été signé (avec la région Auvergne-Rhône Alpes).

Un quart des entreprises françaises exportatrices vont à l’export accompagnées par des acteurs de type OSCI. Ces derniers présentent l’avantage d’être eux-mêmes des entrepreneurs, avec donc une connaissance immédiate et une expérience directe des problématiques de leurs clients. Cette efficacité reconnue, et appréciée de nombreux exportateurs, explique leur pérennité depuis des décennies. Pour cette raison, il importe de préserver leur rôle et leur modèle économique. Celui-ci a pu en effet être fragilisé par la mise en place de la TFE qui a interrompu la prescription des services des OSCI par les CCI de France, entraînant, selon leur Fédération, de très importantes pertes de chiffre d’affaires depuis le début de 2019 (qu’ils chiffrent à un montant de l’ordre de 30 à 40 %). S’il n’est pas sain que les entreprises françaises soient orientées sans exception vers le seul prestataire public, il faut néanmoins souligner que les OSCI, guidés par la seule logique commerciale à l’exclusion de toute considération de service public, auront tendance à se concentrer sur les entreprises offrant les meilleures perspectives et à ne pas accompagner celles qui leur paraîtraient trop fragiles. Une priorité donnée par les CCI de France à Business France peut donc s’expliquer de ce point de vue mais elle ne saurait justifier que soit passée totalement sous silence la possibilité de recourir à des prestataires privés. Il importe que les conseillers de la TFE soient encouragés à présenter aussi aux entreprises les prestations des OSCI (sans qu’ils en soient pénalisés en termes d’évaluation individuelle ou d’indicateurs).

Par ailleurs, la Fédération des OSCI dispose, dans 40 pays, de délégués dont l’expertise du terrain et le réseau opérationnel ne sont pas systématiquement exploités par les acteurs publics, et en particulier par les services économiques des ambassades. Convier ces délégués aux réunions économiques, à celles consacrées à l’export ou encore à certains secteurs, serait une source précieuse de partage d’informations pour notre diplomatie économique.

Proposition n° 19 : Encourager les conseillers de la TFE à présenter aussi les prestations des OSCI et convier les délégués de la Fédération OSCI à l’étranger aux réunions « économie et export » organisées au sein des ambassades.

2.   Les chambres de commerce et d’industrie françaises à l’international (CCIFI)

À l’étranger le réseau des CCI françaises à l’international (CCIFI) couvre 96 pays, avec 125 chambres, et regroupe plus de 37 500 entreprises adhérentes. Réseau privé, son niveau d’autofinancement se situe aujourd’hui à 99,3 %. Les seules aides extérieures qu’il reçoit proviennent des CCI de France. La tête de réseau, CCI France International, assure la représentation du réseau et son animation (échanges d’expériences, formation des équipes) et offre un certain nombre de services pratiques aux CCIFI.

Les actions des CCIFI portent sur deux domaines principaux :

—  l’animation et le renforcement des communautés d’affaires à travers des événements et des occasions d’échanges (4 500 actions par an) ;

—  l’appui aux entreprises, de la prospection à l’implantation physique sur les marchés (conseil, mise en contact, domiciliation, hébergement, création de filiales, recrutement, portage et gestion salariale, développement commercial, etc.).

À la suite de la mise en place de la TFE, CCI France International en est devenu le principal partenaire privé, avec 61 CCIFI impliquées. Les CCIFI interviennent selon trois modalités :

—  la concession de service public, la CCIFI faisant alors office de guichet unique (Belgique, Hongrie, Norvège, Maroc, Philippines, Singapour) ;

—  le marché public de services, la CCIFI agissant alors comme sous-traitant (Japon, Hong Kong, Russie) ;

—  le référencement par la TFE, soit en l’absence totale de bureau de Business France (pour 19 CCIFI), soit en complémentarité des bureaux de Business France (pour 33 CCIFI), avec un référencement possible sur quatre lignes de services : droit et fiscalité, administration et gestion de filiales, représentation commerciale, hébergement et domiciliation.

Il est impératif de soutenir les CCIFI car elles sont un relais essentiel de notre influence économique et de la visibilité de la présence économique française ainsi que de la communauté d’affaires à l’étranger. Ainsi, dans certains pays, les CCIFI sont directement impliquées dans l’animation des communautés French Tech. Dans la plupart des autres, elles appuient ces communautés pour l’organisation d’événements ou la mise en contact avec la communauté d’affaires « traditionnelle ». Compte tenu de leur connaissance fine des tissus économiques locaux, leur rôle est capital pour l’aide à l’implantation, la domiciliation ou encore l’hébergement de VIE. Par ailleurs, par leur implantation sur le terrain, elles assurent des remontées d’informations utiles pour le marché français et contribuent au Baromètre International des Affaires, coproduit avec les CCE.

Or, la crise sanitaire et économique a fragilisé le réseau des CCIFI. D’après une enquête de juin 2020, elles connaissent une baisse de 50 % du chiffre d’affaires et des difficultés de trésorerie. Cinq CCIFI ont été mises en sommeil à ce jour (Arménie, Koweït, Israël, Philippines, Seattle). Au niveau de l’ensemble du réseau,10 % de leur personnel a été licencié ou non remplacé (soit une centaine de postes supprimés).

Les CCIFI étant des structures de droit privé, elles ne sont pas éligibles aux aides publiques françaises. Il importe, à tout le moins, de leur faire toute leur place dans la mise en œuvre du volet export du plan de relance. Il conviendra, non seulement de conclure avec elles de nouvelles concessions de service public, mais aussi de les accréditer pour être référencées comme opérateurs agréés du plan de relance export pour l’accompagnement des entreprises et l’accueil de VIE dans leurs centres d’affaires à travers le monde.

Proposition n° 20 : Soutenir les chambres de commerce et d’industrie françaises à l’international (CCIFI), notamment en leur faisant toute leur place dans la mise en œuvre du volet export du plan de relance.

3.   Des grandes entreprises appelées à collaborer à l’international et à soutenir les TPE/PME

Les entreprises allemandes ou italiennes exportatrices sont réputées pour, selon l’expression consacrée, « chasser en meute », c’est-à-dire pour s’associer et collaborer dans leurs projets d’internationalisation. C’est nettement moins le cas pour les entreprises françaises, sauf dans certains secteurs tels que l’aéronautique, où ce jeu collectif est porté par le Groupement des industries françaises aéronautiques et spatiales (GIFAS). Des progrès ont néanmoins été faits. Cette culture du « jeu collectif » à l’international commence à se diffuser dans le tissu économique français, avec par exemple la tendance au développement d’offres de consortiums d’entreprises pour des projets d’aménagement urbain et de transports collectifs. La structuration des secteurs à l’export, soutenue par les pouvoirs publics, progresse dans certains secteurs, tels que la santé et la ville durable.

Pour aller plus massivement dans cette direction, les pouvoirs publics pourraient développer l’enseignement des pratiques coopératives dans les grandes écoles. Il s’agit en effet avant tout d’un enjeu culturel. Une démarche collaborative peut prendre plusieurs formes : échanges d’informations concernant les opportunités de marché et les bonnes pratiques, partage des démarches de prospection, présences conjointes sur les salons, mutualisation de moyens, plateformes numériques de collecte de besoins et de projets, etc. Par ailleurs, certaines aides publiques pourraient être ciblées sur les réseaux d’entreprises, voire réservées à ces réseaux, comme cela se pratique en Italie. L’effort de fédération des filières à l’export, en particulier dans le secteur agro-alimentaire, pourrait être relancé, avec le soutien là encore des pouvoirs publics.

M. Buon Tan, dans son avis budgétaire consacré au projet de loi de finances pour 2020, soulignait l’intérêt de permettre aux PME-TPE (par exemple dans le secteur agro-alimentaire) de disposer d’une offre groupée notamment pour rencontrer les acheteurs internationaux et faciliter les démarches administratives. Beaucoup de producteurs jugeant ne pas avoir la « taille critique » pour exporter, il s’agirait pour eux de mutualiser leurs actions (prospection, réseau, promotion, etc.) et de réduire leurs coûts. Ce dispositif pourrait être complété par une contractualisation avec de grands distributeurs (en ligne ou en grandes surfaces) étrangers, qui prennent des engagements précis en volumes distribués ou en nombre de nouvelles marques françaises référencées. Les coûts de pénétration d’un nouveau marché sont ainsi, au moins en partie, reportés sur le distributeur. L’expérience de cette nature engagée en Italie a donné, semble-t-il, de bons résultats.

Le développement d’une culture du « jeu collectif » à l’international, passant notamment par le biais d’une structuration des filières à l’export et d’un développement des offres groupées pour les PME-TPE, constitue donc un objectif majeur à moyen et long terme dans la réalisation duquel le MEDEF et la CPME auront tout leur rôle à jouer.

Proposition n° 21 : Développer la culture du « jeu collectif » à l’international, notamment en favorisant la structuration des filières à l’export et les offres groupées.

Les groupes et grandes entreprises implantés à l’étranger pourraient également être encouragés à soutenir davantage les PME-TPE qui se lancent à l’export. Ce soutien peut prendre de multiples formes : prêt de bureaux ou de salles de réunion, partages d’expériences ou de compétences, contrats de sous-traitance allant dans le sens d’un « patriotisme économique » entre entreprises françaises présentes sur un même marché, tutorat, hébergement de VIE, etc.

Pour concrétiser de manière innovante l’encouragement à ce type de comportements vertueux, et contribuer à un changement des mentalités, votre rapporteure suggère la remise annuelle d’un Prix ou d’un Trophée destiné à récompenser un groupe français, ou une grande entreprise, qui aurait ainsi épaulé une PME ou une TPE dans son implantation à l’étranger (Prix qui pourrait être remis uniquement au niveau national ou bien décliné à l’échelon des pays étrangers d’implantation, avec le parrainage de l’ambassade concernée).

Proposition n° 22 : Remettre chaque année un Prix pour récompenser les groupes ou les grandes entreprises qui hébergent ou coopèrent avec des PME/TPE françaises se lançant à l’international.

De manière complémentaire, une charte ou un label pourraient être créés, éventuellement en partenariat avec le MEDEF, pour inciter les 100 plus grandes entreprises françaises à aider les TPE/PME à se développer à l’international.

Proposition n° 23 : Encourager, par le biais d’une charte ou d’un label, les 100 plus grandes entreprises françaises à s’engager dans une démarche d’accompagnement des TPE/PME sur les marchés étrangers.

4.   Les entrepreneurs français à l’étranger (EFE), relais de l’écosystème français

Les difficultés rencontrées par les entrepreneurs français à l’étranger (EFE) ont des répercussions sur tout l’écosystème de notre commerce international. Cela a des conséquences sur nos entreprises et nos emplois dans la mesure où de nombreux emplois en France sont liés au commerce international et où les EFE sont souvent le dernier maillon d’une chaîne de valeur qui prend sa source en France. Selon une étude de juillet 2020, 46 % des EFE affichaient 30 % de perte de chiffre d’affaires. Il est donc décisif de ne pas abandonner ces EFE mais de les soutenir en créant davantage de passerelles entre eux et la France, et en les mettant notamment en contact avec des financiers et investisseurs français potentiels. La création d’un label spécifique serait également une initiative utile.

Proposition n° 24 : Soutenir les entrepreneurs français à l’étranger (EFE), par exemple en créant un label « Made by French » délivré aux EFE qui contribuent, directement ou indirectement, à la création de richesse en France.

Un autre moyen de soutenir les entrepreneurs français à l’étranger serait de les faire bénéficier, moyennant certaines adaptations et le respect de conditions précises, du dispositif du volontariat international en entreprise (VIE) ([30]). D’après une enquête menée par le CNCCEF publiée en juillet 2020 et à laquelle ont répondu 589 EFE, 68 % d’entre eux aimeraient pouvoir recruter des VIE. Ce dispositif est actuellement à l’étude et sa mise en place mérite d’être encouragée.

Proposition n° 25 : Élargir le dispositif du volontariat international en entreprise (VIE) aux entrepreneurs français à l’étranger (EFE).

III.   face à la crise, des mesures de soutien et de relance à évaluer dans la durée

A.   Les mesures de soutien du début de l’année 2020

Le Gouvernement a annoncé le 31 mars, et complété courant avril, des mesures de soutien en direction des entreprises françaises exportatrices. Celles-ci pouvaient, en premier lieu, bénéficier, outre des reports de charges et du chômage partiel, des prêts garantis par l’État (PGE). Le dispositif du PGE a été remarquablement efficace, du point de vue de sa conception comme de son exécution. Ces mesures avaient pour but notamment de faciliter la préservation de la trésorerie des entreprises, sujet essentiel en période de crise aigüe.

Sur le plan spécifique de l’export, les entreprises ont bénéficié d’un renforcement de l’accompagnement et de l’information par les opérateurs de la TFE, en complémentarité avec les acteurs privés. Des entretiens en visioconférence ont ainsi été menés par le réseau de la TFE de mi-mars à fin juillet auprès de près de 10 000 entreprises exportatrices. 174 webinaires sectoriels et géographiques ont été animés par la TFE, plus de 9 000 entreprises distinctes y ayant participé. Ils visaient à répondre à la problématique principale constatée par le baromètre TFE de l’export, c’est-à-dire le manque de visibilité sur la situation sanitaire et économique et sur l’ouverture des marchés.

Plusieurs mesures ont par ailleurs été mises en œuvre par le biais de Bpifrance Assurance Export :

—  un rehaussement de la quotité garantie sur les produits d’assurance des cautions et des préfinancements ; cette mesure a été efficace pour les demandes de cautions mais dans une moindre mesure pour les préfinancements, les exportateurs pouvant faire appel au PGE en parallèle ;

—  la prolongation d’une année de la période de prospection pour les entreprises souscriptrices de l’assurance-prospection (AP) ; 232 entreprises sur 2738 assurées ont à ce jour demandé à bénéficier de cette mesure ;

—  l’élargissement du dispositif de réassurance Cap Francexport qui a permis de maintenir, notamment pour les ETI-PME, les couvertures sur le crédit export interentreprises via la réassurance de polices d’assurance octroyées par les assureurs-crédits privés (le mécanisme Cap Francexport vise à mieux couvrir les risques d’impayés à court terme dans des pays où il existerait une défaillance de l’offre privée dans ce domaine) ;

—  la restructuration d’échéances sur des opérations garanties dans le secteur aéronautique et la suspension momentanée du remboursement des dettes des navires de croisière financés par les garanties publiques (debt holiday) ; ces mesures ont permis d’éviter une faillite généralisée dans ces secteurs.

B.   Les recommandations du groupe SOLEX (Solutions pour l’export)

Dès le printemps 2020, les principaux acteurs du soutien à l’export ont décidé, à l’initiative du président du CNCCEF, de se réunir régulièrement et de travailler ensemble aux mesures pouvant être recommandées aux pouvoirs publics et aux entreprises. Ce travail de réflexion a associé les principaux opérateurs publics et privés, ainsi que les principaux organismes représentant les entreprises à vocation internationale : BPI France, Business France, conseillers du commerce extérieur, CCI France, CCI France International, Fabrique de l’Exportation, ICC France (Comité national de la Chambre de Commerce Internationale), MEDEF International, OSCI, Stratexio ([31]), etc. Le think tank La Fabrique de l’Exportation a également contribué activement à ce groupe qui a pris le nom de SOLEX (« Solutions pour l’export »).

Les travaux du groupe SOLEX ont donné lieu à l’élaboration d’un certain nombre de recommandations, qui ont inspiré la partie export du plan de relance annoncé en septembre dernier. Ces recommandations ont été regroupées autour de quatre thèmes :

—  redonner aux entreprises le goût de l’international (stratégie de marques cohérente, fédération des écosystèmes, etc.) ;

—  accompagner les entreprises dans leur démarche internationale (information numérisée pour appréhender la nouvelle cartographie des marchés internationaux, outils numériques d’aide aux démarches de prospection, etc.) ;

—  optimiser le financement du développement international (amélioration de la procédure de l’assurance-prospection, création d’une assurance-prospection spécifique aux TPE, élargissement de l’accès à la Garantie des Projets Stratégiques ([32]) et au Pass Export ([33]), etc.) ;

—  imaginer l’export de demain (compréhension des nouveaux modes de consommation, prise en compte des préoccupations sociétales et environnementales des consommateurs, etc.).

Le groupe SOLEX, dont la plupart des personnalités auditionnées durant la préparation de ce rapport ont fait l’éloge, ne fait nullement doublon avec le Conseil stratégique de l’export (CSE). Le groupe SOLEX est plus souple et informel et sa composition intègre davantage d’acteurs privés ou de cercles de réflexion, tout en étant indépendant du Gouvernement. Il peut donc jouer un rôle de lanceur d’idées et de débats, de manière plus imaginative, voire audacieuse. La contribution positive qu’il a apportée à la conception des mesures de soutien à l’export justifierait qu’il ne prenne pas fin aujourd’hui, mais qu’il soit pérennisé, par exemple sous la forme d’un « Grenelle du commerce extérieur », et que sa composition soit encore enrichie, en y conviant par exemple les banques ou de nouveaux think tanks. À titre d’illustration, elle pourrait intégrer une fondation telle que « La Verticale Afrique – Méditerranée – Europe », qui promeut une structuration régionale selon un axe Afrique – Méditerranée – Europe, afin notamment de ne pas laisser les marchés africains aux seuls acteurs chinois, américains ou turcs.

Proposition n° 26 : Pérenniser le groupe de réflexion SOLEX (Solutions Export) sous la forme d’un « Grenelle du commerce extérieur », enrichir sa composition et le réunir à échéance au moins trimestrielle.

C.   Le volet export du plan de relance présenté en septembre 2020

Le plan de relance présenté par le Gouvernement le 3 septembre dernier, d’un montant global de 100 milliards d’euros, comporte un volet relatif à l’export. Dans un contexte de reprise de l’activité sur certains marchés internationaux, de concurrence étrangère accrue et de moindre appétit au risque des acteurs financiers privés, le Gouvernement a décidé de consacrer, sur la période 2020-2022, 247 millions d’euros aux mesures de soutien à l’export. En 2021, plus de 100 millions d’euros d’engagement (AE) et 70 millions d’euros en crédits de paiement (CP) sont ainsi prévus sur la mission budgétaire « Plan de relance », en complément de mesures de garantie, notamment pour renforcer les moyens de l’assurance prospection qui prend en charge une partie des frais de prospection engagés par l’entreprise qui n’ont pu être amortis par un niveau suffisant de ventes sur la zone géographique couverte.

Dans le cadre de ce volet export du plan relance, Business France bénéficiera d’un financement exceptionnel de l’État de 60,3 M€ en provenance de la mission « Plan de relance ». Ces crédits s’ajoutent aux 6,5 M€ en AE et en CP ouverts en loi de finances rectificative pour 2020 sur le programme 134. Ces 66,8 M€ destinés à Business France dans le cadre du plan de relance financeront le déploiement des chèques relance export (33 M€) et des chèques VIE (17,4 M€), l’information des PME et ETI, la communication sur le VIE et la sécurisation de leur suivi digital (1,9 M€), des actions de promotions, de visibilité et de structuration des marques (7,4 M€), une action de communication sur l’export français (2,3 M€), et 65 recrutements temporaires à compter de la rentrée 2020 qui devront être débasés dans le cadre du projet de loi de finances pour 2022 (4,8 M€).

1.   Un chèque export pour soutenir les PME et ETI

Le plan de relance prévoit de proposer, aux PME et ETI, jusqu’à 15 000 « chèques export » qui permettront d’accéder aux prestations d’accompagnements individuels et collectif (de la TFE, mais aussi de prestataires privés), à moindre coût. Le chèque export permettra de prendre en charge jusqu’à 50 % des frais de participation à un salon international ou d’achat d’une prestation de projection collective ou individuelle. Il est valable dans un délai maximum de 45 jours suivant l’exécution de la prestation.

Un certain nombre d’opérateurs craignent que Business France ne soit tenté de se montrer juge et partie dans la procédure de référencement des prestataires privés qui lui est dévolue. Il est vrai que le risque de « conflit d’intérêts » n’est pas totalement absent dès lors que l’opérateur public vend lui‑même l’essentiel des services éligibles à cette subvention. Les acteurs privés du soutien à l’export attirent également l’attention sur la nécessité de préserver la confidentialité de leurs fichiers clients. Le choix de Bpifrance, plutôt que de Business France, aurait peut‑être été plus judicieux, tant pour l’agrément des opérateurs privés que pour l’instruction des demandes de chèques. Votre rapporteure appelle à la transparence et à la vigilance sur ce point, comme le ministre Franck Riester s’y est d’ailleurs engagé.

Proposition n° 27 : Dans la mise en œuvre du chèque export, veiller à la transparence dans la procédure de référencement des acteurs privés et l’attribution des chèques export.

2.   Le chèque VIE

Le volontariat international en entreprise (VIE) permet aux entreprises françaises de confier à un jeune une mission professionnelle à l’étranger. Les bénéficiaires reçoivent une indemnité variable selon les pays, de 1 300 euros à 3 900 euros par mois, complétée par des défraiements annexes. Ce dispositif est géré par Business France et les régions prennent en charge une partie des frais. Cet outil poursuit le double objectif de faciliter le développement international des PME et ETI et d’accroître la compétence et l’employabilité des jeunes concernés.

On compte 9 331 VIE en poste en septembre 2020 contre 10 267 un an auparavant et 10 210 en septembre 2018, ce dispositif ayant été très fragilisé notamment par la crise de la Covid 19. L’arrêt quasi complet des départs de VIE (et VIA ([34])) en avril à la suite de la mise en place du confinement en France a conduit à un arrêt brutal de l’activité. Les mesures d’urgence mises en œuvre (assouplissement des règles d’autorisation du télétravail dans les pays d’affectation, possibilité de débuter sa mission en France) ont permis de reprendre les affectations dès le mois de mai, mais à un rythme bien inférieur aux années précédentes, un nombre significatif de pays ayant fermé leurs frontières ou étant interdits d’accès par le centre de crise du ministère de l’Europe et des affaires étrangères pour raisons sanitaires. Le nombre de départs entre le début de l’année et le 1er septembre a ainsi diminué de 37 % comparé à la même période en 2019.

Le plan de relance prévoit de subventionner jusqu’à 3 000 missions VIE à hauteur de 5 000 euros (soit 15 millions d’euros dédiés aux « chèques VIE ») pour l’envoi en mission d’un VIE par une PME ou une ETI de manière à relancer ce dispositif.

3.   La veille-information personnalisée de Business France

Le plan de relance prévoit d’accompagner les entreprises en leur offrant, dans le présent contexte d’incertitudes, une information, meilleure et gratuite, via les 50 000 comptes personnalisés de l’exportateur qui seront créés d’ici 2021, les webinaires sectoriels (par exemple dans le cadre d’un « relance export tour »), la carte interactive des marchés ou encore les alertes marchés. La demande de produits éditoriaux sur les marchés étrangers formulée par différents opérateurs ressources œuvrant pour le commerce extérieur est par ailleurs forte.

4.   Le doublement de l’enveloppe FASEP

Le Fonds d’étude et d’aide au secteur privé (FASEP) permet de financer des études de faisabilité en amont de projets d’investissement. C’est un instrument d’aide au développement, mais aussi de soutien à nos entreprises en favorisant la préconisation de « solutions à la française » : il permet donc non seulement à des cabinets français de décrocher des contrats d’études, mais aussi de positionner en aval, sur les projets d’investissement étudiés, les offres françaises.

Au cours des trois dernières années, le montant des engagements est passé de 16 millions d’euros en 2017, à 21,6 millions d’euros en 2018 et 30 millions d’euros en 2019. La demande ne devrait pas fléchir dans les années à venir si l’on en juge par le succès remporté l’année dernière par l’appel à projet thématique « Solutions innovantes pour la ville durable en Afrique ».

Le plan de relance prévoit un doublement de l’enveloppe disponible pour atteindre 50 millions d’euros, notamment en matière de transition technologique.

5.   Le renforcement de l’assurance-prospection (AP)

Bpifrance apporte la brique financement/sécurisation du plan de relance à travers les mesures liées à l’assurance prospection. Le plan prévoit ainsi d’octroyer 1 500 assurances-prospection (AP) par an, en renforçant notamment celles en faveur des projets accompagnant la transition écologique et des plus petits projets. L’objectif est d’accompagner 6 000 PME/ETI à l’export et de générer jusqu’à 6,5 milliards d’euros de chiffre d’affaires grâce à ces dépenses de prospection.

Le plan de relance prévoit par ailleurs la mise en place d’une offre d’assurance-prospection-accompagnement (APA) dédiée aux plus petits projets, jusqu’à 30 000 euros pour les primo‑exportateurs et TPE. Ce dispositif, spécifique donc aux plus petites entreprises, qui prend donc le relais de l’A3P tout en assurant un meilleur suivi des entreprises, devrait permettre, par la baisse des seuils d’éligibilité, d’accompagner 500 PME dès 2021.

6.   Des mesures à évaluer

Ces mesures sont extrêmement positives, compte tenu notamment de leur impact sur la sécurisation de la trésorerie des entreprises concernées. Il est clair que les opérateurs publics sont appelés à intervenir de manière contracyclique en soutien du développement à l’export à une heure où les acteurs financiers privés sont tentés de réduire leur exposition au risque. La portée à moyen et long terme de ces mesures, en particulier celle des dispositifs subventionnels, reste toutefois à évaluer. En effet, on ne peut pas, à ce jour, obtenir de visa pour envoyer les VIE dans la plupart des destinations à l’étranger, compte tenu des mesures de restrictions à la circulation des personnes. Il n’y a quasiment pas de salon internationaux. Les missions collectives sont également à l’arrêt. Il importera par ailleurs d’analyser si les chèques export vont profiter à des exportations ponctuelles non renouvelées (envoi d’échantillon, suivi d’une commande), auquel cas ils se rapprocheront d’un effet d’aubaine, ou s’ils contribueront à une orientation durable des entreprises concernées vers l’export. Le bilan des chèques export devra inclure une vérification de la parfaite loyauté dans l’agrément des opérateurs privés et l’instruction des demandes.

Pour toutes ces raisons, votre rapporteure invite à évaluer (en mettant au point des indicateurs adaptés), dans un délai de six à huit mois, l’efficacité de ces mesures afin le cas échéant d’y apporter les correctifs nécessaires, en n’omettant pas de les comparer aux dispositifs analogues mis en œuvre chez nos principaux concurrents.

Proposition n° 28 : Évaluer, au moyen d’indicateurs adaptés, l’efficacité des mesures prévues par le volet export du plan de relance, et comparer ces mesures avec celles mises en œuvre dans d’autres grands pays exportateurs.

IV.   acteurs du numérique et digitalisation des entreprises : les nouveaux enjeux de l’export

A.   Le numérique, un secteur tourné vers l’international et non épargné par la crise

1.   Définitions et poids du numérique

Dans son interprétation étroite, le secteur des « TIC » (Technologies de l’information et de la communication) désigne les entreprises spécialisées dans la conception, la fabrication et la vente de produits et services technologiques. Ces entreprises s’adressent à un public de professionnels (par exemple, l’entreprise française OVH qui fournit des solutions de stockage de données en nuage) ou de particuliers (par exemple, Orange qui vend des box avec abonnement internet).

Dans son interprétation large, le qualificatif de « Tech » s’applique à une entreprise si sa chaîne de valeur est au moins en partie numérisée. Une entreprise Tech peut ainsi en apparence ne pas vendre de produits technologiques. C’est par exemple le cas d’une entreprise comme Frichti qui propose des livraisons à domicile de panier-repas : l’innovation réside davantage dans l’offre de service que dans la technologie de mise en relation sous-jacente, même si celle-ci est indispensable. Cette définition « large » de la Tech couvre tous les secteurs d’activités, même si certains sont plus avancés que d’autres dans leur numérisation (par exemple, la mode et le textile sont plus avancés que le bâtiment). La Tech en France, ainsi définie, emploie près de 400 000 personnes.

S’agissant spécifiquement des startups ([35]), la France en compte aujourd’hui, d’après la Mission French Tech, de 10 000 à 20 000 qui emploient plus de 100 000 personnes ([36]). Avant la crise du Covid, la direction générale des entreprises évaluait à près de 25 000 le nombre d’emplois nets devant être créés par ces start-ups en 2020, soit entre 10 % et 20 % du total.

2.   L’état de la présence à l’international des entreprises de la Tech

D’après la Mission French Tech, près de 90 % des entreprises de la French Tech 120 disposent déjà d’une présence à l’international. Seules 15 entreprises ne disposent d’aucune présence en dehors de France, qu’elle soit commerciale ou juridique, soit parce qu’elles sont des entreprises encore en phase de recherche et développement sans aucun chiffre d’affaires à ce stade, soit parce qu’elles n’ont pas encore lancé de développement commercial. La priorité des entreprises du French Tech 120 est d’accélérer leur développement commercial en Europe et aux États-Unis et d’ouvrir des marchés en Asie.

Les montants des exportations du secteur de la Tech sont retracés dans le tableau ci-dessous.

montants d’exportations du secteur de la Tech

 

2015

2016

2017

2018

2019

Montant d’exportations des biens "tech" (en Md€)

17,95

17,58

18,18

19,10

18,76

Montant d’exportations des services Tech (en Md€)

15,52

16,41

16,47

18,69

18,03

Montant total des exportations du secteur "tech" (en Md€)

33,47

33,99

34,43

36,38

35,86

Source : Mission French Tech

Les biens du secteur du numérique et de la Tech représentent 18,8 milliards d’euros d’exportations en 2019, soit 3,8 % des exportations françaises (contre 4 % en 2018) et 35,5 milliards d’euros d’importations, soit 5,8 % des importations (contre 6,2 % en 2018), pour un déficit de 16,6 milliards d’euros (contre 16,7 milliards d’euros en 2018). Dans le secteur du numérique et de la Tech, la France est en excédent avec l’Union européenne (UE-27), à 1,9 milliard d’euros en 2019, avec qui elle réalise 56,8 % de ses exportations du secteur. À l’inverse, ses importations proviennent à 75,2 % de pays tiers à l’Union européenne, notamment des pays asiatiques qui sont les plus grands exportateurs du secteur.

3.   L’impact de la crise du Covid

Les entreprises du secteur du numérique et de la Tech n’ont pas échappé aux effets de la crise du Covid-19 : 80 % d’entre elles prévoyaient en avril une baisse de leur chiffre d’affaires ([37]), en majorité supérieure à 50 %. Le secteur est en effet plus particulièrement exposé aux effets de la crise dans la mesure où de nombreuses start-ups sont encore des PME, dont la fragilité est liée d’une part à leur positionnement sur des produits et services innovants et, d’autre part, à leur modèle de développement fondé sur des investissements initiaux importants, une forte croissance et l’atteinte de la rentabilité seulement après plusieurs années d’activité. Près de 5 000 startups ont obtenu un prêt garanti par l’État (PGE) pour un total de 3 milliards d’euros. Par ailleurs, selon différents sondages, entre 40 % et 60 % des startups ont recours au dispositif d’activité partielle.

Les exportations de biens du secteur du numérique et de la Tech ont chuté de 18,5 % au premier semestre 2020 par rapport au premier semestre 2019, à 7,8 milliards d’euros, contre -21,5 % pour l’ensemble des exportations, et les importations ont baissé de 10,3 %, à 15,1 milliards d’euros, contre -17,6 % pour l’ensemble des importations. Cette dynamique a permis de conserver un déficit relativement stable, en progression de seulement 0,4 %, à 7,4 milliards d’euros.

L’examen des données relatives aux échanges commerciaux extérieurs de biens et de services du secteur du numérique et de la Tech montre que ces échanges ont globalement relativement mieux résisté aux effets de la crise de la Covid que les autres secteurs, comme le fait apparaître le tableau ci-dessous.

Source : Douanes

Les données récoltées par Syntec numérique en juillet dernier mettent en évidence de leur côté la résilience du secteur. 87 % de ses adhérents ont déclaré continuer d’exporter malgré la crise et 89 % considèrent que l’export constitue une opportunité de rebond. Durant les six premiers mois de l’année 2020 et malgré le contexte défavorable, 360 startups françaises ont levé 2,7 milliards d’euros ([38]), soit quasiment l’équivalent du premier semestre 2019 (2,79 milliards pour 387 opérations), la France passant ainsi pour la première fois devant l’Allemagne en termes de levées de fonds.

B.   Un accompagnement spécifique

1.   Le rôle de la Mission French Tech

Créée en 2013 par le ministère de l’économie et des finances sous l’impulsion de Mme Fleur Pellerin, la mission French Tech a d’abord eu pour objet la diffusion de la marque « French Tech » en France comme à l’étranger. Depuis 2017, la Mission French Tech est à l’origine de mesures importantes en vue de renforcer l’économie numérique et son attractivité (étant précisé que le soutien à l’export est devenu l’un des trois axes principaux de sa stratégie fixée par sa feuille de route de fin 2018) :

—  le lancement du « French Tech Visa » qui vise à permettre aux startups françaises et étrangères établies en France de recruter les meilleurs talents étrangers ;

—  un grand plan d’investissement privé de 6 milliards d’euros pour abonder les fonds de post-création (late stage) en France et permettre aux startups de faire plus de levées ;

—  le lancement du « Scale-up Tour » : une action de présentation et de promotion de l’écosystème Tech auprès des investisseurs étrangers co-pilotée avec la direction générale du Trésor ;

—  la création d’un réseau inédit de correspondants French Tech dans les ministères et parmi les acteurs publics (afin de pouvoir résoudre le plus rapidement possible les problèmes rencontrés par les entrepreneurs de la Tech) ;

—  deux programmes d’hypercroissance inédits, baptisés Next40 et French Tech 120, qui accompagnent les 120 startups françaises les plus prometteuses (l’objectif est de promouvoir ces entreprises auprès des acteurs locaux à l’étranger, d’identifier les talents locaux susceptibles de répondre aux besoins des entreprises concernées, ainsi que de fournir un accès privilégié aux services de nos postes à l’étranger afin d’accélérer les démarches nécessaires à leur développement à l’international) ;

—  la mise en place d’un régime d’intéressement attractif (BSPCE) pour les employés de startups françaises et étrangères ;

—  le programme French Tech Tremplin qui vise à renforcer la diversité dans la Tech française.

Ces mesures ont été mises en œuvre par la mission French Tech en s’appuyant sur un réseau de communautés d’entrepreneurs en France et à l’étranger. Elles ont permis à l’écosystème Tech français de rattraper son retard à l’échelle européenne. Entre 2018 et 2019, les fonds levés par les startups ont grimpé de 40 %, s’élevant à plus de 5,1 milliards d’euros. Depuis 2019, l’écosystème français a vu émerger six nouvelles « licornes ([39]) » (dont deux depuis la crise du Covid-19, Contentsquare et Voodoo) et une accélération des levées de fonds supérieures à 100 millions d’euros.

Le dispositif développé à l’international par la Mission FrenchTech a permis d’installer la marque « France » dans ce secteur à l’étranger et permis, de l’avis général, de faciliter par un effet « réseau » et « communauté » l’implantation et le développement d’entreprises de la Tech là où des communautés FrenchTech étaient structurées. Ce modèle où la solidarité entre elles des entreprises françaises du même secteur a démontré son efficacité devrait être valorisé voire dupliqué. Toutefois, la Mission French Tech dispose de moyens réduits, dispersés, qui gagneraient à être davantage mobilisés pour soutenir la montée en puissance de nos start-ups à l’international.

Proposition n° 29 : Préciser les objectifs et la stratégie de la Mission FrenchTech et rendre plus lisibles et pérennes ses moyens.

2.   Les autres acteurs

La direction Export de Business France comprend un département dédié à l’accompagnement des entreprises de la Tech et des services innovants avec 25 personnes au siège et plus d’une centaine de conseillers exports accompagnant les entreprises de ces secteurs répartis dans le réseau international (avec une prééminence sur l’Europe, les États-Unis et l’Asie du Nord-est/Chine). Business France propose un programme spécifique dédié aux PME innovantes et aux startups les plus avancées pour se développer ainsi qu’un programme d’accélération pour les startups pour se développer sur les principaux marchés de la Tech (États-Unis, chine, Royaume-Uni et Allemagne).

Bpifrance est, de son côté, un acteur majeur du financement de l’innovation et est pleinement associé au soutien de l’internationalisation des entreprises de la Tech. Bpifrance finance par ailleurs deux programmes européens destiné à soutenir prioritairement les PME innovantes, à fort potentiel de croissance, engagées dans des projets collaboratifs.

C.   Les entreprises du numérique, acteurs de la relance de l’export

1.   Les enjeux de la digitalisation des entreprises

La transition numérique apparaît comme un levier important de croissance pour les entreprises françaises. En 2018, la direction générale des entreprises estimait que la réalisation de cette transition numérique pouvait permettre un doublement du chiffre d’affaires. Selon le baromètre croissance et digital réalisé par Ipsos en 2019 pour l’ACSEL ([40]), une entreprise qui a entamé sa numérisation a 2,2 % de chances de plus d’être en croissance par rapport à une entreprise qui n’a pas entamé sa transformation numérique. Dans le cas des entreprises exportatrices, cette transition numérique s’avère d’autant plus cruciale. Selon l’étude précitée, les PME les plus avancées dans leur transformation numérique ont une part plus importante de leurs clients à l’international, avec environ 31 % contre 22 % pour les entreprises moins numérisées.

Le recours aux outils numériques fluctue avec la taille des entreprises : 15 % des PME/TPE françaises vendent en ligne tandis que 45 % des grandes entreprises ont recours à l’e-commerce. Ce recours varie aussi en fonction du secteur : les entreprises des secteurs du tourisme et de l’hébergement utilisent pour près de 80 % d’entre elles la vente en ligne.

Malgré un usage inégal, l’e-commerce apparaît comme un véritable facilitateur à l’export. En 2019, seulement 7 % des entreprises françaises ont recours à l’e-commerce pour vendre à d’autres pays européens, et 4 % pour vendre en dehors de la zone UE. Cependant les PME vendant en ligne représenteraient, d’après des chiffres datant de 2016, 77 % du nombre de transactions réalisées à l’export par les PME françaises ([41]).

Le recours aux solutions numériques favorise le développement d’une activité à l’export : alors qu’environ 10 % des PME françaises exportent, 40 % des PME ayant recours à des solutions numériques exportent vers l’Union européenne, et 25 % en dehors de l’Union.

La numérisation des entreprises constitue un défi pour de nombreuses PME-TPE. Un sondage récent mené par la DG GROW de la Commission européenne auprès de plus de 12 000 entreprises ([42]) montre que 62 % d’entre elles sont confrontées à des obstacles en la matière. Une sur cinq cite le manque de compétence technique comme obstacle. La France présentait, avant la crise du Covid, un certain retard en matière de numérisation de ses entreprises. Elle se classe 15ème parmi les pays de l’Union européenne en matière d’intensité numérique des entreprises (contre 17ème en 2018), selon le classement DESI 2020 réalisé par la Commission européenne. La crise du Covid a toutefois joué un rôle d’accélérateur. 80 % des entreprises ayant répondu à une enquête récente de Syntec Numérique se déclarent plus ouvertes à de nouveaux modes d’information sur les marchés, de mise en relation et de prospection (webinaires, salons internationaux virtuels, etc.).

La crise que nous venons de traverser aurait été désastreuse sans l’existence des nouvelles technologies et incite à poursuivre ce tournant numérique. Les pouvoirs publics et les acteurs du commerce extérieur incitent tous les entreprises à « appuyer sur le bouton du numérique » pour poursuivre leur développement à l’international en cette période ou les mobilités internationales demeurent des plus limitées.

2.   Le numérique, axe du plan de relance

Le numérique constitue l’un des axes du plan de relance. En 2021, il est prévu dans le cadre de ce plan une enveloppe de 329,1 millions d’euros en AE et 184 millions d’euros en CP pour la numérisation des TPE, des PME et des ETI ([43]). Celle-ci financera trois dispositifs :

—  un soutien à l’investissement des PME et des ETI industrielles dans les technologies innovantes de l’industrie du futur ; la gestion de ce dispositif est confiée à l’agence de services et de paiements (238 millions d’euros en AE et 130 millions d’euros en CP) ;

—  un financement et un accompagnement des PME et des ETI dans leurs projets de mise en place de solutions d’intelligence artificielle, dont la gestion est confiée à Bpifrance (IA Booster) (55 millions d’euros en AE et 32 millions d’euros en CP) ;

—  un dispositif de sensibilisation et des accompagnements collectifs de l’ensemble des TPE et des PME grâce aux actions de France Num ([44]) (36,1 millions d’euros en AE et 22 millions d’euros en CP).

Ces dépenses viennent compléter les ouvertures déjà réalisées dans le cadre de la troisième loi de finances rectificative de juillet 2020 à hauteur de 56 millions d’euros en AE et 26 millions d’euros en CP. L’enveloppe totale dédiée à cette mesure atteindra 385 millions d’euros sur la durée du plan de relance.

Du fait des restrictions persistantes pesant sur les déplacements internationaux, le volet export du plan de relance investit pleinement le champ du numérique parmi les outils mis en place par la TFE. Il prévoit ainsi la mise en place d’un « compte numérique personnalisé de l’exportateur ». Un espace numérique sécurisé et personnalisé sera disponible, à la demande des entreprises, sur les plateformes régionales de la TFE. Tout exportateur aura accès en temps réel (à compter de décembre 2020) à des veilles et à des informations sur l’état des marchés adaptées à son profil ainsi qu’à une carte interactive « Info Live Secteurs ». Dans les secteurs où l’offre française est très riche en termes de produits et d’acteurs et où la demande mondiale est également portée par de multiples canaux, tels que les vins et spiritueux, les produits alimentaires et les cosmétiques, TFE développera prochainement, en partenariat avec les associations professionnelles concernées, des « e-vitrines » permettant la mise en relation avec les acheteurs étrangers identifiés et qualifiés par les bureaux TFE à l’étranger Les exportateurs continueront bien sûr à avoir accès aux outils d’ores et déjà en place (webinaires sectoriels, carte interactive Info live Marchés, etc.). Tous les acteurs impliqués dans le soutien à l’export ont au demeurant mis en place des solutions innovantes disponibles en ligne.

Si ces mesures vont dans le bon sens, votre rapporteure invite néanmoins à les amplifier, surtout si la crise sanitaire, et avec elle les restrictions aux déplacements internationaux, perdurent. Comme cela a été dit plus haut, le chèque export et le chèque VIE verront leurs effets amoindris en proportion des limitations à la mobilité.

En cas de maintien durable des restrictions aux voyages internationaux, les entreprises, et les États, qui auront plus investi dans la numérisation disposeront d’un avantage comparatif décisif.

Proposition n° 30 : Encourager la création de nouveaux outils numériques ou en « phygital ([45]) » et renforcer la formation des entrepreneurs au e-commerce.

3.   Des menaces cyber à prendre en compte

La cybersécurité est dans ce contexte un enjeu majeur pour les entreprises, notamment dans leurs activités à l’international. Toutes les entreprises (grands groupes, PME, ETI, start-ups) sont exposées aux cyber-risques. Selon le rapport Hiscox sur la gestion des cyber-risques, 67 % des entreprises françaises déclarent avoir subi au moins une cyberattaque en 2019. Par ailleurs, la période de confinement que nous avons traversée nous a rappelé à quel point il était nécessaire de disposer de réseaux de communication électronique fiables et sécurisés. D’après IBM, la période de confinement a vu une augmentation de 14 000 % des cyberattaques ([46]).

Les risques de cybersécurité deviennent donc très préoccupants et un enjeu très fort pour les entreprises en général (vol de base de clients, attaques informatiques, espionnage économique, attaques par « rançongiciel ([47]) », etc.), et pour les exportateurs en particulier (risques dans les salons professionnels internationaux, appui des autorités publiques étrangères, sociétés privées spécialisées dans le détournement de brevets, etc.). Les entreprises françaises abordent à juste à titre cet enjeu en termes de gouvernance et de protection de leurs infrastructures mais oublient parfois que 90 % des intrusions passent par des failles liées à des architectures de systèmes d’information mal conçues et à un code source non sécurisé.

Votre rapporteure appelle donc à une meilleure prise de conscience quant à cet enjeu et à un renforcement des efforts en termes de mise en place et de formation, au sein des entreprises, d’équipes spécialisées dans ce domaine.

Proposition n° 31 : Encourager les entreprises à déployer et à former des équipes dédiées à la cybersécurité.

Des initiatives ont, au demeurant, déjà été prises en ce sens. Issu de la stratégie numérique du Gouvernement présentée le 18 juin 2015, le groupement d’intérêt public ACYMA Action contre la Cybermalveillance) est présidé par l’ANSSI (Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information). Il assiste les victimes de cyberattaques et participe également à la diffusion de kits de sensibilisation dans le cadre du programme France Num. L’ANSSI a structuré l’écosystème de l’audit à travers la qualification des prestataires d’audit de la sécurité des systèmes d’information (PASSI). Aujourd’hui, 51 prestataires sont conformes au référentiel d’exigence applicable et sont donc de fait recommandés par l’agence. Par ailleurs, afin de sensibiliser les entreprises françaises à la cybersécurité, notamment à l’export, Business France, en partenariat avec le MEAE, le ministère de l’intérieur et l’ANSSI, organise le 13 novembre 2020 une séquence consacrée à ce sujet.

Il convient de relever enfin que la cybersécurité est un segment du marché en très forte croissance. Avec une croissance de 10 % par an sur les cinq dernières années, le marché mondial de la cybersécurité représente 120 milliards de dollars selon IDC (International Data Corporation). La cybersécurité constitue donc une opportunité de développer de nouveaux marchés, en France et à l’international, pour les entreprises françaises, aussi bien pour les entreprises de la Tech que pour des acteurs comme les assureurs (de nombreux assureurs étrangers sont en train de construire des offres pour se prémunir contre ce type de risques).

 


   Liste des propositions

 

Proposition n° 1 : Nouer de nouveaux partenariats commerciaux avec nos partenaires du sud de la Méditerranée, dans le cadre de la tendance mondiale à la régionalisation des échanges, en nous appuyant notamment sur la francophonie et en développant des transferts de compétences.

Proposition n° 2 : Moderniser notre stratégie d’exportation vers l’Afrique en développant les relations avec les banques africaines, en promouvant la coproduction et le partenariat entre entrepreneurs français et africains et en renforçant notre dispositif d’accompagnement sur ce continent.

Proposition n° 3 : Relancer la réflexion stratégique sur les géographies en identifiant des « couples pays/secteur » prometteurs, notamment en Afrique, et intégrer ces données dans notre politique d’accompagnement des entreprises à l’export.

Proposition n° 4 : Privilégier autant que possible, dans l’aide publique au développement, le soutien ou le recours aux entreprises françaises ou à leurs filiales.

Proposition n° 5 : Renforcer encore les enseignements de langue et de civilisation étrangères et les valoriser en augmentant les coefficients des épreuves pour ces matières dans les examens et diplômes nationaux, et développer encore la dimension internationale et le focus sur l’export dans les écoles de commerce mais aussi dans les formations de type BTS.

Proposition n° 6 : Sensibiliser et impliquer davantage les « personnes ressources » des chefs d’entreprises (experts-comptables, banquiers, etc.) en matière de soutien à l’export.

Proposition n° 7 : Mettre en place une politique active destinée à attirer en France des cadres internationaux permettant d’accroître la dimension internationale de nos entreprises.

Proposition n° 8 : Compléter l’objectif de 200 000 exportateurs en se fixant un objectif en termes de chiffre d’affaires à l’export, permettant de mesurer l’efficacité de la démarche export, et en mettant en place une métrique d’évaluation en termes de potentiel de croissance.

Proposition n° 9 : Créer un « club » des 500 PME-TPE les plus prometteuses, sur le modèle du French Tech 120, ouvrant droit pour les sociétés concernées à un accompagnement renforcé. Intégrer dans ce club des entreprises qui soient des « mentors » chargés d’accompagner les entreprises françaises localement.

Proposition n° 10 : Intégrer une ou plusieurs PME ou TPE dans les délégations accompagnant les déplacements ministériels ou présidentiels, à chaque fois que l’objet du déplacement le permet.

Proposition n° 11 : Améliorer la lisibilité budgétaire des politiques du commerce extérieur, en regroupant autant que possible les différentes lignes de crédits relatives à ces politiques sous une ombrelle commune (qui pourrait être une mission budgétaire Commerce extérieur).

Proposition n° 12 : Clarifier encore davantage les responsabilités respectives de la direction de la diplomatie économique (MEAE) et de la direction générale du Trésor (MEFR).

Proposition n° 13 : Prévoir un canal de remontée d’information dédié pour la diplomatie économique parlementaire.

Proposition n° 14 : Faire du suivi des entreprises dans la durée une mission à part entière de la TFE et, à cette fin, en améliorer les indicateurs.

Proposition n° 15 : Redéfinir de façon précise et concrète le contenu des missions des conseillers du commerce extérieur de la France (CCE) en matière d’accompagnement des PME-TPE.

Proposition n° 16 : Conditionner réellement le renouvellement du mandat des conseillers du commerce extérieur de la France (CCE) à un bilan positif en termes d’aide apportée à des PME-TPE.

Proposition n° 17 : Rajeunir et diversifier le recrutement des conseillers du commerce extérieur de la France (CCE).

Proposition n° 18 : Créer une plateforme de CV/compétences de Français établis à l’étranger pouvant accompagner des PME-TPE sur un marché local.

Proposition n° 19 : Encourager les conseillers de la TFE à présenter aussi les prestations des OSCI et convier les délégués de la Fédération OSCI à l’étranger aux réunions « économie et export » organisées au sein des ambassades.

Proposition n° 20 : Soutenir les chambres de commerce et d’industrie françaises à l’international (CCIFI), notamment en leur faisant toute leur place dans la mise en œuvre du volet export du plan de relance.

Proposition n° 21 : Développer la culture du « jeu collectif » à l’international, notamment en favorisant la structuration des filières à l’export et les offres groupées.

Proposition n° 22 : Remettre chaque année un Prix pour récompenser les groupes ou les grandes entreprises qui hébergent ou coopèrent avec des PME/TPE françaises se lançant à l’international.

Proposition n° 23 : Encourager, par le biais d’une charte ou d’un label, les 100 plus grandes entreprises françaises à s’engager dans une démarche d’accompagnement des TPE/PME sur les marchés étrangers.

Proposition n° 24 : Soutenir les entrepreneurs français à l’étranger (EFE), par exemple en créant un label « Made by French » délivré aux EFE qui contribuent, directement ou indirectement, à la création de richesse en France.

Proposition n° 25 : Élargir le dispositif du volontariat international en entreprise (VIE) aux entrepreneurs français à l’étranger (EFE).

Proposition n° 26 : Pérenniser le groupe de réflexion SOLEX (Solutions Export) sous la forme d’un « Grenelle du commerce extérieur », enrichir sa composition et le réunir à échéance au moins trimestrielle.

Proposition n° 27 : Dans la mise en œuvre du chèque export, veiller à la transparence dans la procédure de référencement des acteurs privés et l’attribution des chèques export.

Proposition n° 28 : Évaluer, au moyen d’indicateurs adaptés, l’efficacité des mesures prévues par le volet export du plan de relance, et comparer ces mesures avec celles mises en œuvre dans d’autres grands pays exportateurs.

Proposition n° 29 : Préciser les objectifs et la stratégie de la Mission FrenchTech et rendre plus lisibles et pérennes ses moyens.

Proposition n° 30 : Encourager la création de nouveaux outils numériques ou en « phygital » et renforcer la formation des entrepreneurs au e-commerce.

Proposition n° 31 : Encourager les entreprises à déployer et à former des équipes dédiées à la cybersécurité.

 


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   Contribution présentée au nom du groupe de la Gauche démocrate et républicaine (GDR)

L’année 2020 aura été une année charnière pour le commerce international entre des secteurs qui ont connu une récession économique sans précédent, d’autres qui ont tiré parti de la crise sanitaire, et où les peuples dans le monde ont continué à contester cette mondialisation ultralibérale destructrice de l’environnement et des droits sociaux.

La France n’échappe pas à ce contexte. Et il serait temps qu’elle y réponde plus vivement qu’elle ne le fait actuellement.

La structure de l’économie française répond non pas à la main invisible du marché, mais à un arsenal de politique d’incitations à l’export. L’assurance-crédit de BPIfrance Assurance export est par exemple un instrument très utile, mais aveugle aux enjeux environnementaux et sociaux du monde d’aujourd’hui et de demain.

Les députés communistes soutiennent avec force une politique d’aide à l’export plus incitative ayant pour boussole le respect des Accords de Paris et des droits humains pour que notre diplomatie soit plus cohérente, donc plus crédible, et donc plus forte.

Aujourd’hui, l’État garantit les emprunts des entreprises de toute taille qui souhaitent exporter, ce qui constitue un formidable levier pour notre commerce et notre influence économique. Mais certains secteurs devraient être écartés de ces garanties d’emprunt afin de ne plus soutenir avec les impôts des Français comme l’extraction pétrolière et gazière ou l’exportation d’armement.

Ces deux marchés sont très particuliers : ils sont quasiment fermés tant le coût d’entrée pour une nouvelle entreprise y est conséquent, et il y a peu d’offreurs et peu de demandeurs. Les entreprises qui peuvent répondre à ces demandes ont donc une taille extrêmement importante, et les contrats passés y sont très onéreux.

De ce fait, nous constatons que 31 % de l’encours sous garantie pour la procédure d’assurance-crédit gérée par BPIfrance est mobilisé pour le seul secteur militaire, et que la France a enregistré 8,3 milliards d’euros de commandes de matériel de guerre cette année, la hissant au 3e rang mondial des exportateurs d’armements.

Les garanties d’emprunt de ces marchés mobilisent des sommes bien trop importantes d’argent public. Il parait, par conséquent, plus juste de maximiser les garanties à un grand nombre d’entreprises de taille plus modeste et de secteurs bien plus diversifiés et plus porteurs.

Le secteur de l’armement reste le plus particulier de tous, puisque les procédures d’obtention de licence d’exportation sont totalement opaques et interdisent à tout citoyen de connaître les raisons de l’accord ou du refus d’une licence. Nul ne peut savoir si la question du respect des droits humains rentre en compte, le maintien des ventes d’armes à l’Arabie Saoudite pourtant force belligérante dans le conflit au Yémen le prouvent de manière dramatique.

Les contrats étant généralement gérés d’État à État, ce sont les chancelleries qui gèrent ces secteurs, ce qui pose de graves questions d’indépendance lorsque notre pays a passé un très important contrat avec un État, et que celui-ci ne respecte pas le droit international, comme nous le constatons avec l’Arabie Saoudite dans la guerre menée au Yémen.

Ainsi, au-delà de la question de la mobilisation de garanties à l’exportation, la question du rôle de la diplomatie française dans le soutien aux exportations se pose. Quelle est la part de l’agenda d’une ambassade consacrée à la diplomatie économique ? Que reste-t-il de son temps pour évoquer le reste, une fois les sujets économiques épuisés ? Quelle crédibilité lui reste-t-il pour évoquer la culture, la paix, les droits humains, la démocratie ?

Ce constat démontre donc qu’il faut améliorer la manière dont l’État soutient ses différents secteurs économiques exportateurs. Les députés communistes voient au moins cinq solutions.

Premièrement, il faudrait réformer en profondeur la méthode d’octroi des licences d’exportation des matériels de guerre. La transparence permettrait à l’État d’être plus vigilant sur le respect du droit international avant d’autoriser la vente d’armes.

Deuxièmement, tant que la France importera des produits, il faut s’assurer ceux-ci arrivent dans les ports français. Cette idée qui devrait être logique est pourtant menacée par le canal Seine-Nord Europe qui va faire des Pays-Bas la porte d’entrée de la France. Cette perte de souveraineté est dangereuse pour notre économie et pour nos ports.

On peut d’ailleurs saluer l’initiative des entreprises de la logistique pour mieux s’organiser dans le cadre de la toute nouvelle Charte d’engagement des acteurs des chaînes logistiques françaises.

Troisièmement, il faut soutenir plus fortement les secteurs exportateurs qui ont de grandes marges de progression en termes de pollution.

La construction navale ou l’aéronautique civil sont, par exemple, des secteurs à la pointe de l’exportation française, mais ils sont très polluants, la France pourrait créer de plus fortes incitations et des moyens pour la recherche sur l’innovation pour des navires ou des avions plus respectueux de l’environnement.

De nombreuses PME françaises, par exemple, tentent aujourd’hui de créer des flottes de porte-conteneurs assistés de voiles. C’est un pari sur l’avenir qu’il faut faire pour que cela devienne le fleuron industriel de demain.

Quatrièmement, il faudrait mener une réforme des aides à l’export modulée en fonction de l’utilité sociale et environnementale des projets. Ce levier permettrait de piloter nos investissements à l’étranger et les rendre compatibles avec nos engagements internationaux en termes d’environnement, de respect des droits humains et de responsabilité des entreprises donneuses d’ordre vis-à-vis de leur sous-traitance.

Cinquièmement, la France ne doit plus soutenir l’UE dans sa politique d’accords de libre-échange à tout va, et doit arrêter de se faire dicter ses lois par des tribunaux d’arbitrages privés capables de condamner des États pour avoir entravé les investissements de quelque grande entreprise.

Enfin, l’engagement de la France pour un meilleur multilatéralisme du commerce mondial doit être total. La réforme de l’Organisation mondiale du commerce doit être accélérée et la Commission des Nations-Unies pour le droit commercial international doit être plus renforcée.

Écrasée par le poids de sa diplomatie économique pour les armes et ses multinationales de l’extraction pétrolière et gazière, la France n’est pas libre de dire ce qu’elle devrait aux différents acteurs mondiaux. Et pour retrouver cette liberté de ton à l’international, le commerce extérieur est un outil très important qu’il faut piloter à la hauteur de nos ambitions économiques, sociales et environnementales : il ne faut pas laisser la sacro-sainte loi du marché tout gérer.

 

 


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   Travaux de la commission

Au cours de sa réunion du mercredi 28 octobre 2020, la commission des affaires étrangères examine le présent avis budgétaire.

Mme Marion Lenne, présidente. Nous abordons à présent l’examen des crédits de la mission « Économie – commerce extérieur et diplomatie économique » du projet de loi de finances pour 2021.

Nous commencerons par entendre notre rapporteure pour avis, Mme Amélia Lakrafi, puis je donnerai la parole à M. Jean-Paul Lecoq, pour présenter la contribution du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

Votre rapport, madame Lakrafi, dresse un tableau général – mais précis – des dispositifs administratifs et financiers de soutien au commerce extérieur et comporte des propositions en la matière. Vous avez également effectué une synthèse des multiples financements qui sont prévus dans le cadre de la mission « Plan de relance » pour les acteurs du commerce extérieur. Je relève, par ailleurs, que vous apportez un éclairage nouveau sur les acteurs du secteur privé, que vous appelez à mieux intégrer dans notre dispositif de soutien.

En ce qui concerne notre commerce extérieur, en tant que tel, l’évolution que vous décrivez s’agissant de 2020 est très préoccupante. Les forces qui étaient les nôtres au cours des dernières années se sont révélées fragiles en cette période de pandémie mondiale qui a vu s’effondrer les échanges internationaux. Vous nous en direz plus, mais l’année 2021 est marquée, à ce stade, par de lourdes incertitudes quant aux performances de notre commerce extérieur et aux résultats de notre balance des paiements, compte tenu de la contraction des échanges de services et du tourisme, qui faisaient notre force.

Mme Amélia Lakrafi, rapporteure pour avis. Je voudrais dire, à mon tour, que j’ai une pensée pour Marielle de Sarnez. J’ai hâte qu’elle revienne parmi nous.

L’année 2019 s’est traduite par une certaine embellie pour notre commerce extérieur, dont le solde a progressé de 3,9 milliards d’euros grâce à l’augmentation des exportations. Au premier trimestre 2020, le nombre des entreprises exportatrices était, par ailleurs, à son plus haut niveau depuis presque vingt ans – il était alors supérieur à 129 000.

L’épidémie liée au coronavirus est venue heurter de plein fouet cet élan. Le déficit commercial des biens est passé à 34 milliards d’euros au premier semestre 2020, alors qu’il était de 29 milliards au premier semestre de l’année dernière. Sur l’année entière, le déficit de notre balance commerciale pour les biens devrait plonger à 79 milliards, contre 58,9 milliards l’année dernière.

Il faut bien sûr apporter des nuances selon les secteurs. Ceux qui sont les plus ouverts à l’international et dont le poids est particulièrement important dans nos exportations, comme l’aéronautique et l’automobile, sont les plus touchés. Les industries agroalimentaire et pharmaceutique ont relativement mieux résisté à la crise. Dans le domaine des services, le tourisme est particulièrement affecté.

La contraction de notre commerce extérieur s’inscrit dans un contexte général de repli des échanges mondiaux. Que peut-on augurer pour 2021 et les années suivantes ?

Les économistes font preuve d’un timide optimisme. Le Fonds monétaire international (FMI) table sur une croissance du PIB mondial de 5,2 % en 2021, et l’Organisation mondiale du commerce (OMC) anticipe une croissance des échanges mondiaux de 7,2 %. S’agissant de la France, le rapport économique, social et financier prévoit un rebond des exportations de 12,6 %, et le Gouvernement envisage un déficit commercial pour les biens de 68 milliards d’euros.

Ces anticipations sont évidemment très aléatoires. La reprise de la croissance et des échanges extérieurs dépendra, en premier lieu, de l’évolution de la crise sanitaire et des mesures prises par les autorités publiques dans les différentes régions du monde. Bien d’autres facteurs d’incertitude s’ajoutent à cela, comme la conclusion d’un accord ou non avec le Royaume-Uni, l’évolution de la politique commerciale américaine dans les prochains mois ou encore les tensions protectionnistes.

Même si le contexte est très mouvant, il me semble qu’on peut identifier quelques tendances de fond.

Il existe ainsi une tendance à la régionalisation des échanges. L’aspiration des États européens à retrouver une certaine souveraineté, au moins pour les produits les plus stratégiques, et à réduire leur dépendance vis-à-vis de pays tels que la Chine les pousse à chercher des partenariats économiques avec des pays plus proches, en Europe orientale ou, comme je l’encourage, en Afrique. Le raccourcissement des chaînes de valeur répond, par ailleurs, à un souci écologique.

Parmi les tendances de fond figurent aussi des faiblesses structurelles qui handicapent le commerce extérieur de la France depuis des années : l’absence de véritable culture de l’export, la maîtrise encore très insuffisante des langues étrangères, le nombre trop faible des cadres internationaux dans nos entreprises et, ce qui est plus grave encore, la désindustrialisation excessive de notre pays. La France, en effet, ne saurait vendre que des services : nous devons impérativement poursuivre l’effort de réindustrialisation qui est entrepris depuis le début du quinquennat.

Par ailleurs, je tiens, sinon à exprimer des réserves, du moins à émettre un avis nuancé sur l’indicateur du nombre d’exportateurs, qui est souvent mis en avant. Le Premier ministre Édouard Philippe avait fixé un objectif de 200 000 entreprises exportatrices en 2022. Or ce critère est insuffisant – particulièrement dans le contexte actuel – s’il n’est pas assorti d’un objectif en matière de volume d’exportations, de chiffre d’affaires et, surtout, d’inscription dans la durée de la démarche export de nos entrepreneurs. En effet, les entreprises qui feront le commerce extérieur de demain ne sont pas les exportateurs occasionnels qui profitent d’une opportunité, mais celles qui s’implantent durablement sur les marchés étrangers. C’est pourquoi j’appelle de mes vœux une réflexion sur les moyens de renforcer – comme c’est déjà le cas pour les entreprises dites du « French Tech 120 » – le soutien apporté aux TPE-PME qui se révèlent les plus prometteuses à l’export.

J’en viens à présent aux acteurs du soutien à l’export, que je crois avoir presque tous auditionnés. En tout premier lieu, je citerai bien entendu le ministre délégué chargé du commerce extérieur. Le fait que, depuis le dernier remaniement, un ministre soit spécifiquement chargé de ce domaine est une excellente chose – un tel ministère était réclamé depuis longtemps. Je regrette néanmoins que sa désignation ne se soit pas accompagnée pas d’un regroupement des moyens budgétaires consacrés au commerce extérieur et à la diplomatie économique, qui demeurent dispersés entre plusieurs missions et programmes budgétaires relevant de différentes administrations.

Figurent ensuite parmi les acteurs de l’export les membres de ce que l’on appelle la « Team France Export », la TFE, qui regroupe l’agence Business France, Bpifrance et les chambres de commerce et d’industrie, auxquelles sont associées les régions, dont, vous le savez, la compétence en matière de développement économique a été considérablement renforcée par la loi NOTRe. Le rapprochement de ces acteurs a permis la création, dans chaque région, d’un guichet unique de l’export, lequel était très attendu par les entreprises. En pratique, celles-ci n’ont plus à contacter trois ou quatre organismes différents : elles s’adressent désormais à un seul interlocuteur, le « conseiller international ». J’appelle votre attention sur la nécessité pour la TFE de suivre les entreprises dans la durée. L’objectif, encore une fois, est d’encourager, non pas des exportations ponctuelles, mais une internationalisation durable.

Parmi les acteurs publics, je range également les conseillers du commerce extérieur de la France, qui sont utiles mais dont le rôle doit, à mon sens, être recentré sur l’aide aux TPE-PME.

Quant aux acteurs privés, dont le rôle est tout aussi essentiel, ils doivent être, me semble-t-il, mieux associés à la politique de soutien à l’export. Je pense non seulement aux opérateurs spécialistes du commerce international, les OSCI, mais aussi aux chambres de commerce et d’industrie françaises à l’international, les CCIFI, qui sont une vitrine essentielle de notre présence économique à l’étranger. Nous devons impérativement encourager les acteurs publics et privés à maintenir la cohésion dont ils ont fait montre durant la période de confinement et qui leur a permis de conseiller efficacement le Gouvernement dans la préparation de son plan de relance export.

Je pense également aux grandes entreprises elles-mêmes, qui ont un rôle à jouer dans le soutien apporté aux petites et moyennes entreprises françaises. À la différence de leurs homologues françaises, les entreprises allemandes ou italiennes sont réputées pour « chasser en meute », selon l’expression consacrée, et s’appuyer les unes sur les autres. Dans mon rapport, j’avance plusieurs propositions pour renforcer cet esprit collaboratif.

Je pense enfin aux entrepreneurs français à l’étranger, les EFE, qui sont bien souvent les ambassadeurs de nos produits et dont de nombreux emplois en France dépendent. J’avance, là encore, des propositions pour les soutenir dans un contexte qui les éprouve fortement.

Après de premières mesures prises dès le début de la crise sanitaire, le Gouvernement a annoncé, en septembre dernier, un plan de relance global qui comporte un volet relatif à l’export d’un montant de 247 millions d’euros pour la période 2020-2022. Le projet de loi de finances pour 2021 prévoit, en sus des 52 millions d’euros destinés à financer des dépenses d’appel en garantie de l’État, plus de 100 millions d’euros en autorisations d’engagement afin de renforcer les moyens de Business France, de Bpifrance et du FASEP, le Fonds d’étude et d’aide au secteur privé, qui permet de financer des études de faisabilité en amont de projets d’investissement dans les pays en développement.

Ces crédits, inscrits dans la mission budgétaire « Plan de relance », permettront notamment de financer un certain nombre d’outils de soutien. Je citerai, à titre d’exemple, le « chèque export », qui permet de prendre en charge jusqu’à 50 % d’une prestation d’accompagnement à l’export, le chèque VIE, destiné à subventionner des missions de VIE à hauteur de 5 000 euros, ou le renforcement de l’assurance prospection. Ces mesures sont positives, compte tenu notamment de leur impact sur la sécurisation de la trésorerie des entreprises concernées. Leur portée à moyen et long terme devra néanmoins être évaluée, compte tenu des incertitudes qui pèsent, par exemple, sur la possibilité de réaliser des missions à l’étranger ou d’y envoyer des VIE.

Les crédits inscrits dans la mission budgétaire « Plan de relance » complètent ceux inscrits dans la mission « Économie », laquelle comporte, outre la rémunération de Bpifrance, d’un montant de 51,65 millions d’euros, la subvention pour charges de service public de Business France, qui s’élève à 87,62 millions d’euros, contre 90,12 millions d’euros en 2020. Cette évolution est conforme aux engagements inscrits dans le contrat d’objectifs et de moyens (COM) pour la période 2018-2022 de Business France, qui perçoit, je le rappelle, deux autres subventions, plus résiduelles, en provenance de deux autres missions budgétaires.

Avant de conclure, je veux dire un mot du secteur auquel j’ai choisi de prêter cette année une attention spécifique, celui du numérique. Ce secteur dynamique et résolument tourné vers l’international a montré une certaine résilience dans la crise. Il mérite d’être soutenu, pour au moins deux raisons. Tout d’abord, il représente un potentiel de croissance à l’export, nos entreprises pouvant se saisir de nombreux marchés, dans le domaine de la cybersécurité, par exemple. Ensuite, nos entreprises en général et nos exportateurs en particulier devront de plus en plus, compte tenu du contexte actuel, recourir aux outils digitaux : vente en ligne, salons virtuels, e-vitrines... Ces outils ont été cruciaux durant la période de confinement. Du reste, des outils numériques très innovants sont actuellement mis en place par les acteurs publics en charge de l’appui à nos exportateurs. Je salue ces innovations, qui démontrent toute l’utilité de tels outils dans notre société et notre économie. Ne ratons pas le tournant de la digitalisation des entreprises, singulièrement des exportateurs.

En conclusion, je vous invite à adopter les crédits relatifs au commerce extérieur et à la diplomatie économique de la mission « Économie » du PLF pour 2021.

Mme Marion Lenne, présidente. Nous allons entendre à présent M. Jean-Paul Lecoq, qui va nous présenter la contribution du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

M. Jean-Paul Lecoq. Je tiens tout d’abord à remercier Amélia Lakrafi pour son excellent rapport : précis et détaillé, il éclaire très bien les enjeux du commerce actuel.

Le groupe GDR a souhaité se pencher sur la question du commerce extérieur afin de proposer sa vision de la manière dont pourraient être modifiées les aides versées par l’État aux entreprises exportatrices.

Nous dressons en effet un double constat.

Premièrement, il existe de bons outils, tels que les garanties d’emprunt à l’export, qui servent à soutenir les entreprises, des PME aux grands groupes, qui développent des projets internationaux. Cette politique est efficace, mais elle est en partie dévoyée dans la mesure où ces aides contribuent à soutenir des secteurs économiques qui ne respectent pas l’environnement notamment. Alors que les députés communistes expriment systématiquement le souhait que, dans tous les accords bilatéraux et autres conventions internationales auxquels la France est partie, soit inscrit le respect des accords de Paris, le fait de garantir des emprunts liés à des projets d’exploitation de pétrole ou de gaz ne nous semble pas logique. Aussi proposons-nous de moduler les aides et garanties en fonction de l’utilité sociale et environnementale des projets. Il nous semble en effet important d’utiliser ces leviers pour orienter le commerce extérieur de la France et en faire un outil de pilotage de notre diplomatie environnementale.

Deuxièmement, certains des secteurs français qui exportent le plus – armement, exploitation d’hydrocarbures, aéronautique, spatial, automobile… – ont ceci de particulier qu’ils ne comptent que peu d’entreprises, indépendamment des sous-traitants, et que les contrats conclus sont souvent très importants. La France leur donne beaucoup, mais elle met en quelque sorte tous ses œufs dans le même panier. Lorsque le secteur aéronautique chute, plusieurs dizaines de milliers d’emplois, voire davantage, sont menacés. La résilience de ces secteurs est donc très faible. Ainsi l’État est obligé, dans le cadre de sa diplomatie économique, de porter à bout de bras ces entreprises à l’international pour qu’elles maintiennent un niveau élevé de contrats annuels.

Cette utilisation de la diplomatie pour aider nos très grandes entreprises, les députés de la Gauche démocrate et républicaine la regrettent profondément. En effet, lorsque l’on cherche à vendre des Rafale, on ne parle pas trop des droits de l’homme. De même, lorsqu’un énorme contrat est signé, comme c’est souvent le cas dans l’armement, la France a tendance à être moins objective avec ses clients s’ils commettent des violations du droit international. Ce fut le cas au début de la guerre au Yémen : notre pays n’a rien dit pour ne pas fâcher l’Arabie Saoudite et compromettre les quelques milliards d’euros de contrats d’armement qu’elle a conclus avec la France.

Pour dépasser cette situation et améliorer la manière dont l’État soutient les différents secteurs économiques exportateurs, les députés communistes proposent, dans leur contribution, cinq solutions. Je m’attarderai sur nos deuxième et troisième propositions, qui ont trait aux questions portuaires et logistiques.

La France se tire une balle dans le pied en acceptant de faire des ports néerlandais le débouché de l’économie française, au détriment de ses ports nationaux, notamment Marseille et Le Havre. Le canal Seine-Nord Europe va en effet renforcer les ports des Pays-Bas en affaiblissant les nôtres. Cela mettrait en danger des dizaines de milliers d’emplois dans les ports français et rendrait les entreprises dépendantes d’infrastructures sur lesquelles nous n’aurons plus la main. Cette vision européenne des choses coûtera probablement très cher à notre pays, qui s’apprête à abandonner une partie non négligeable de sa souveraineté.

Contre cette politique, je tiens à saluer la charte signée par l’ensemble ou presque des logisticiens français, selon qui toutes les marchandises qui entrent en France et celles qui en sortent devraient passer par des ports français. Le Gouvernement ferait bien de s’inspirer de cette charte. S’il va au bout de cette logique, il devra s’interroger très sérieusement sur l’opportunité de creuser le canal Seine-Nord Europe.

Bien entendu, dans la droite ligne de leurs propositions, les députés communistes, à commencer par Georges Marchais, ont toujours soutenu le « produire en France » et l’importance d’une industrie indépendante face à la mondialisation. Aussi suis-je satisfait de constater que, lors de la crise sanitaire des derniers mois, le groupe majoritaire s’est enfin aperçu que la dépendance totale des pays et la gestion à flux tendu des biens, y compris dans des secteurs de souveraineté comme le médicament, étaient très dangereuses dès lors qu’une crise mondiale survenait. Les ruptures d’approvisionnement en masques et en médicaments ont souligné l’urgence d’une gestion plus locale de notre économie – le rapport de Mme Lakrafi y fait référence ; j’espère que le Gouvernement saura s’en inspirer.

Il reste maintenant à ce dernier à prendre conscience que les accords de libre-échange, loin de favoriser le commerce extérieur, contribuent à spécialiser nos économies et à les rendre toujours plus fragiles. Nous n’avons cessé de le répéter, et la vie démontre que nous n’avions peut-être pas tort… Il faut donc s’opposer à ces accords, dans l’intérêt de l’Europe, mais aussi de notre économie et de nos industries, pour proposer enfin une autre mondialisation.

Si nous avions à nous prononcer sur le rapport de notre collègue, nous le voterions bien volontiers tant il est de bonne qualité. Mais nous sommes appelés à nous prononcer sur le budget alloué au commerce extérieur et à la diplomatie économique, et nous ne le soutiendrons pas.

Mme Marion Lenne, présidente. Nous allons maintenant entendre les représentants des groupes.

C’est à ce titre, en tant que représentante du groupe La République en Marche, que je vais m’exprimer à présent.

Madame la rapporteure pour avis, je vous remercie et vous souhaite la bienvenue dans l’examen de la mission « Économie – commerce extérieur et diplomatie économique ». Compte tenu de la qualité de votre rapport et des trente et une propositions qu’il contient, toutes aussi pertinentes les unes que les autres –  je pense notamment à celle qui porte sur la féminisation des conseillers extérieurs de la France –, vous semblez déjà incontournable.

Dans la quatrième partie de votre rapport, vous mentionnez le secteur du numérique, de la « tech », de la digitalisation des entreprises et de la cybersécurité comme un nouvel enjeu de l’export. Outre qu’il est un levier important de croissance, dont le développement s’est accéléré avec la crise de la covid-19, il constitue un axe majeur du plan de relance.

Aux tensions commerciales entre grands États et aux tentations protectionnistes s’ajoute la crise sanitaire – dont le rebond actuel fait de l’Europe le nouvel épicentre de l’épidémie –, avec toutes les conséquences que cela emporte pour notre économie.

Cette période historiquement singulière a vu naître des initiatives aussi intéressantes qu’inédites, telles que le groupe de travail SOLEX, Solution pour l’export. Ce groupe, constitué d’acteurs du soutien à l’export, s’est régulièrement réuni depuis le début de la pandémie et a inspiré le volet export du plan de relance. Initiative intéressante, disais-je, car ces échanges ont permis d’élaborer des recommandations, en donnant la parole aux principaux acteurs. Initiative inédite également, car ce groupe, qui s’est constitué au pied levé pour accompagner au mieux et au plus près nos entreprises à l’international, intègre dans sa composition davantage d’acteurs privés ou de cercles de réflexion indépendants du Gouvernement. Le SOLEX a ainsi répondu à un impératif de réactivité et de souplesse, sans pour autant concurrencer le Conseil stratégique de l’export. Vous préconisez la pérennisation de ce groupe de travail. Quelle forme pourrait-il prendre ?

Par ailleurs, vous vous faites l’écho de la crainte exprimée par de nombreux professionnels quant au manque de transparence de la procédure de référencement des acteurs privés et à l’attribution des « chèques export ». En effet, Business France serait juge et partie dans cette procédure qui lui est dévolue. Comment garantir que l’entreprise, lors de la présentation du devis, ne soit pas orientée uniquement vers Business France ? Dans votre proposition n° 19, vous invitez les conseillers de la Team France Export à présenter aussi les prestations des opérateurs spécialistes du commerce international et à intégrer les délégués de leur fédération aux réunions « économie et export » organisées au sein de nos ambassades.

Pour conclure, vous déplorez, à l’instar de votre prédécesseur, l’absence dans la nomenclature budgétaire d’un budget du commerce extérieur clairement identifié. Pour autant, petit à petit, notre politique en la matière devient lisible, efficace et même opérante en période de crise, pour nos entreprises et notre rayonnement.

Pour ces différentes raisons, le groupe La République en Marche votera en faveur des crédits de la mission « Économie – commerce extérieur et diplomatie économique ».

M. Michel Fanget. Madame la rapporteure pour avis, je vous remercie pour votre excellent rapport.

C’est peu de dire que le commerce extérieur est particulièrement atteint par la crise économique actuelle, qui aura sans doute des effets à long terme et nous impose de faire preuve d’une capacité de rebond et de transformation sans précédent. Il n’y aura pas de retour à la normale ; nous devons anticiper les mutations à venir. Celles-ci étaient cependant en germe depuis plusieurs années, de sorte que les ministères concernés avaient déjà largement fait évoluer les outils de notre politique commerciale.

De fait, avant la crise, notre balance commerciale s’était redressée de manière significative. Le groupe MODEM et démocrates apparentés dénonçait depuis plusieurs années la perte de richesse insensée que son déficit représentait, soulignant déjà les enjeux de souveraineté et d’indépendance liés à cette question.

Il est désormais admis par tous que cette crise doit nous amener à reconsidérer notre manière d’appréhender le monde. À cet égard, je tiens à saluer votre travail, qui identifie parfaitement quelques-uns des enjeux qui sont devant nous.

Vous abordez, par exemple, la question de la régionalisation de nos échanges. C’est en effet un axe majeur de la reprise économique. Nos partenaires les plus proches, ceux avec qui nous avons l’habitude d’une collaboration étroite, doivent être prioritaires dans cette redéfinition des échanges. En d’autres termes, nous devons avoir à cœur de renforcer nos points forts plutôt que d’aller chercher – certes, en remportant parfois quelques succès –d’hypothétiques nouveaux marchés beaucoup plus volatils.

Nous devons également profiter de ce que les cartes sont rebattues pour continuer à orienter notre diplomatie vers une nouvelle approche des accords internationaux, en particulier commerciaux. Notre commission, par l’intermédiaire de sa présidente, Marielle de Sarnez, a été en pointe dans ce domaine, en obtenant, concernant le CETA (Comprehensive economic and trade agreement), une étude d’impact digne de ce nom ainsi qu’un suivi très poussé de l’application du traité. Cela participe de la promotion de nos valeurs et de nos principes. Ces accords doivent désormais être l’occasion de mettre en avant les impératifs écologiques dans nos décisions. Nous saluons, à cet égard, la fermeté de la position de la France sur l’accord avec le Mercosur.

Nous en sommes convaincus, le rebond de notre économie et de notre commerce international passera par notre capacité à affirmer nos principes. L’indépendance européenne et l’écologie seront les pierres d’angle de cette diplomatie économique.

Le plan de relance comporte des moyens supplémentaires pour rendre notre économie plus efficace, qui sont rappelés dans le rapport que vous nous avez présenté. Votre travail de compilation des multiples dispositifs est particulièrement important pour que les acteurs concernés puissent en profiter.

L’effort de rationalisation avait largement débuté et, de ce point de vue, l’action de la Team France Export a été reconnue et soulignée par notre commission. Son utilité perdurera dans la période qui s’ouvre.

C’est ainsi que nous pourrons sortir par le haut de cette situation difficile. Les études prédisent un rebond vigoureux, mais il ne nous permettra probablement pas de retrouver le niveau d’avant la crise. Il importe donc d’être au soutien de nos entreprises et des acteurs qui concourent à leur réussite. C’est pourquoi le groupe Mouvement Démocrate et Démocrates apparentés soutiendra les crédits qui nous sont présentés.

M. Alain David. Madame la rapporteure pour avis, je vous remercie, au nom du groupe Socialistes, pour votre rapport, qui illustre les défis auxquels fait face le commerce international dans le contexte de contraction spectaculaire de la demande internationale, de rupture des chaînes d’approvisionnement, de difficultés logistiques ou de restriction des déplacements.

Si je salue l’ambition de vos propositions, je centrerai mon propos sur la question des conséquences du Brexit.

Le Royaume-Uni est ou, devrais-je dire, était un partenaire commercial majeur pour de nombreuses entreprises françaises. Un accord commercial avec celui-ci permettrait, dit-on, d’atténuer les conséquences commerciales du Brexit, mais je m’interroge sur le chiffrage de ses conséquences. Je pense notamment à l’éventuelle dépréciation de la livre par rapport à l’euro, qui pourrait poser rapidement des problèmes de compétitivité – et je ne parle pas de ses effets sur le tourisme. Disposez-vous, dans ce domaine, d’éléments chiffrés complémentaires ?

M. Jean-Michel Clément. Madame la rapporteure pour avis, je tiens à saluer à mon tour votre travail tout à fait intéressant et très riche.

S’il est un secteur affecté par la crise sanitaire, c’est bien celui du commerce extérieur. En effet, les économistes du numéro un mondial de l’assurance-crédit, Euler Hermes, anticipent une chute de 100 milliards des exportations françaises en 2020. Si le recul est aussi important, c’est parce que la crise touche directement nos industries françaises de tête, notamment l’aéronautique et les constructeurs et équipementiers automobiles.

Au-delà du contexte, nos difficultés s’expliquent par la structure de notre tissu économique. Là où nos voisins allemands s’appuient sur des entreprises de taille intermédiaire capables de s’illustrer dans un marché globalisé, nos PME et ETI restent tournées vers le marché français et peinent à voir leurs atouts à l’international. Pis, lorsqu’une entreprise se satisfait du marché intérieur, elle n’a pas toujours le réflexe de se tourner vers l’international. C’est quand viennent les difficultés qu’elle s’y intéresse, mais il est parfois trop tard.

Ainsi, ce sont les grands groupes qui portent les chiffres du commerce extérieur de la France, contrairement à ce qui se passe en Allemagne, dont le tissu économique exportateur irrigue l’ensemble du territoire. C’est pourquoi il nous faut repenser le dispositif d’accompagnement des petites et moyennes entreprises à l’export. Le Gouvernement s’est attelé à ce chantier ; les solutions préconisées par son opérateur, Business France, allaient dans le bon sens. Là où une multiplicité d’acteurs se concurrençaient – Business France et les chambres de commerce et d’industrie (CCI), en France et à l’étranger, Bpifrance et le secteur privé –, il a proposé d’opérer une clarification des responsabilités afin d’accroître à la fois le volume des exportations et le nombre des exportateurs. Ainsi, au niveau territorial, un guichet unique réunissant Business France et les CCI est proposé aux régions ; sa mission est d’identifier et de préparer les entreprises à l’export en leur offrant une offre de services différenciée.

Cette volonté d’accompagner les entreprises au plus près du terrain, nous la partageons bien entendu. Nous regrettons cependant qu’une fois de plus, les moyens ne soient pas à la hauteur. Alors que le rôle des CCI est d’accompagner les PME et les ETI dans les régions, le Gouvernement acte une diminution de leurs ressources. Depuis le début du quinquennat, elles ont déjà été réduites de 350 millions d’euros, et la loi Pacte a prévu qu’elles diminuent jusqu’en 2022, dans le cadre de la réforme du réseau des chambres de commerce. Pis, il était prévu, dans la première partie du PLF pour 2021, une nouvelle diminution de leurs ressources, de l’ordre de 100 millions d’euros. Fort heureusement, le Gouvernement est revenu sur cette décision.

De même, nous regrettons que Business France voie une nouvelle fois ses ressources diminuer, avec un budget qui s’élève pour 2021 à 87 millions d’euros, contre 90 millions l’an dernier. Alors que nous avons plus que jamais besoin de relancer nos exportations, il nous faut un opérateur fort pour accompagner nos entreprises et nos VIE, dont la publicité actuellement diffusée sur les ondes résonne comme un appel inédit mais plein de sens.

Enfin, comment parler de diplomatie économique sans évoquer le Brexit et ses conséquences ? La perspective d’une absence d’accord est, hélas, de plus en plus crédible. Si le Royaume-Uni n’est que la cinquième destination des exportations françaises, il est le partenaire avec lequel la France réalise son excédent commercial le plus important. Les exportations nationales de biens vers le Royaume-Uni représentent 31,5 milliards, soit 7 % de nos exportations totales, et le Royaume-Uni est le cinquième fournisseur de notre pays, à hauteur de 19,6 milliards. La France fera ainsi partie des six pays les plus touchés par le Brexit.

Notre faiblesse structurelle à l’export annonce les difficultés que nous rencontrerons dans le cadre du Brexit. Ainsi, les secteurs les plus touchés par la crise sanitaire sont aussi ceux qui ont le plus à craindre d’un départ sans accord des Britanniques de l’Union européenne : l’automobile, l’aéronautique, les transports et les services liés au tourisme.

En cette période troublée par le covid-19 et le Brexit, nous estimons que les moyens budgétaires ne sont pas en adéquation avec les défis que nos entreprises devront relever à l’export. C’est pourquoi le groupe Libertés et Territoires ne votera pas ces crédits.

Mme Amélia Lakrafi, rapporteure pour avis. Monsieur Lecoq, le renforcement des moyens du FASEP devrait permettre de financer davantage de projets accompagnant la transition écologique des entreprises. Par ailleurs, dans le secteur du tourisme, un fonds de 50 millions est dédié au soutien à l’émergence des projets durables. Surtout, le plan de relance consacre près de 30 milliards à l’écologie. On ne peut donc pas dire que le Gouvernement n’accorde pas une importance particulière à l’environnement.

Quant à nos diplomates, ils consacrent actuellement, me semble-t-il, un peu moins de 30 % de leur temps à la diplomatie économique. Je suis, pour ma part, favorable à ce qu’ils y consacrent la moitié de leur temps, car il est très important qu’ils soient actifs dans ce domaine et aident davantage encore nos entreprises à exporter.

En ce qui concerne les ventes d’armes, pour le moment, plus aucun armement n’est livré à l’Arabie Saoudite – des discussions sont en cours.

Enfin, j’approuve la charte des logisticiens. Comme vous, je souhaite que toutes les marchandises importées ou exportées transitent par des ports français : cela aiderait grandement nos entreprises.

Madame la présidente, j’imagine que le groupe SOLEX pourrait prendre la forme d’une réunion trimestrielle de l’ensemble des acteurs, privés et publics, du commerce extérieur – je souhaite, du reste, que les acteurs publics y soient davantage associés. Tous ceux qui ont participé aux réunions de ce groupe au début du confinement, qu’il s’agisse de Business France, de Bpifrance, des entreprises, de la DG Trésor ou des diplomates, ont été très positifs : pour la première fois, ils se retrouvaient autour de la table pour travailler ensemble à des solutions ! Puisque le SOLEX doit en principe prendre fin, je souhaiterais que des réunions de ce type continuent de se tenir, et je propose qu’y soient régulièrement invités des think tanks français, tels que l’Institut de prospective économique du monde méditerranéen, l’IPEMED, qui fait un travail exceptionnel.

Comment garantir que la Team France Export oriente bien certaines entreprises vers les OSCI et pas uniquement vers Business France ? Il faudrait, me semble-t-il, que l’indicateur du nombre des entreprises accompagnées, qui est actuellement utilisé pour juger le travail des agents, soit complété par d’autres indicateurs qualitatifs, notamment celui du nombre des entreprises orientées vers le secteur privé. En effet, les entreprises de ce secteur se sont plaintes d’avoir perdu, depuis le début de l’année 2019 et la création du guichet unique pour l’export, 30 % à 40 % de leur chiffre d’affaires.

Monsieur Fanget, le président Macron a souhaité que nous ne signions plus les accords ne respectant pas l’accord de Paris. Mais le commerce international étant une compétence européenne, c’est à l’échelon européen qu’il faut défendre cette position. C’est ce que nous faisons. En tout cas, en l’état actuel des choses, il est exclu de ratifier le traité avec le Mercosur. Le Gouvernement est donc vigilant sur ce point.

Monsieur David, nous ne disposons pas de chiffres plus précis sur le Brexit. Nos entreprises sont inquiètes des formalités douanières qu’elles vont devoir remplir et des perturbations de leur chaîne d’approvisionnement ; les mécontents risquent d’être nombreux. Les fédérations, les entreprises, les syndicats se préparent et la ministre est très active dans ce domaine. Lorsque nous aurons des chiffres plus précis, nous vous les communiquerons, peut-être à l’occasion d’une réunion entièrement consacrée au Brexit.

Mme Marion Lenne, présidente. Ce sera le cas de notre réunion du 16 décembre.

Mme Amélia Lakrafi, rapporteure pour avis. Monsieur Clément, il est vrai qu’en France, les grandes entreprises sont celles qui exportent le plus. Je peux citer un chiffre affligeant à ce propos : sur les 129 000 exportateurs, 20 000 seulement font 80 % de leur chiffre d’affaires à l’export. J’insiste donc beaucoup, dans mon rapport, sur la nécessité d’encourager les TPE-PME, surtout celles du secteur du numérique, à se développer à l’international. Il nous faut des entreprises born global qui, dès l’élaboration de leur business plan, envisagent de s’ouvrir à l’exportation ; dans ces cas-là, cela se passe bien. Je le sais d’expérience, il y a peu encore, lorsqu’une entreprise réalisant un petit chiffre d’affaires consultait un conseiller de la CCI pour se développer à l’export, celui-ci l’incitait à se consolider d’abord sur le territoire national. Les choses évoluent mais, jusqu’à récemment, on considérait, de manière idéologique, qu’une entreprise saine devait réaliser 70 % de son chiffre d’affaires en France et 30 % à l’international. Or, actuellement, beaucoup de TPE-PME du numérique réalisent 100 % de leur chiffre d’affaires à l’international. Il est donc très utile que les mentalités changent, en la matière.

Enfin, vous déplorez une baisse des crédits, mais il faut, me semble-t-il, saluer le plan de relance, qui permet d’allouer des crédits additionnels. Business France bénéficiera ainsi de 60,3 millions. S’agissant des crédits export, mon appréciation est donc plutôt positive.

Mme Marion Lenne, présidente. Nous en venons aux questions.

M. Jean-François Mbaye. Je salue à mon tour la qualité de votre travail, madame la rapporteure pour avis.

À l’instar de nombreux pays, la France subit de plein fouet les conséquences économiques de la pandémie de covid-19. Au premier semestre de 2020, notre déficit commercial des biens s’est dégradé, atteignant 34 milliards, contre 29 milliards au cours de la même période l’an passé. Si cette dégradation n’est pas étonnante, elle est néanmoins très préoccupante pour nos entreprises, notamment celles dont l’activité repose en grande partie sur leur présence sur les marchés internationaux. Afin de relancer les exportations, le ministère des affaires étrangères et celui de l’économie ont élaboré un plan de relance ambitieux, qui comporte une dizaine de mesures constituant cinq axes.

Je souhaiterais vous interroger sur les mesures nos 6 et 7 de ce plan, qui concernent la mise en valeur des produits et du savoir-faire de nos entreprises auprès des clients étrangers. Les salons et les divers autres moyens de faire connaître leurs services jouent un rôle important, notamment pour les entreprises dont la taille ne leur permet pas de bénéficier d’un dispositif de communication et de marketing de grande ampleur.

Alors que nous nous acheminons, hélas, vers un durcissement des mesures de sécurité sanitaire, je souhaiterais connaître votre avis sur les moyens financiers et matériels qui ont été déployés ou qui le seront dans le cadre de la numérisation des prestations qui permettent à nos entreprises de se faire connaître à l’international.

Mme Liliana Tanguy. Madame la rapporteure pour avis, je vous remercie pour la qualité de votre rapport.

Face aux difficultés liées à la crise sanitaire, qui ont pour conséquence une aggravation de notre déficit commercial, vous avez insisté sur l’importance des outils numériques innovants. Comment sont-ils utilisés par les organismes de soutien à l’export ? Quelles actions permettent-ils de mener pour promouvoir nos services et produits et maintenir notre présence à l’étranger ?

Mme Anne Genetet. Madame la rapporteure pour avis, mon intervention concerne Business France.

L’an prochain, la subvention qui lui est versée va légèrement diminuer. On lui demande de développer encore ses ressources propres, tout en réduisant sa présence à l’étranger. Mais comment envisage-t-elle de connaître les marchés en y étant moins présente ?

Le fait qu’elle doive développer ses ressources propres me paraît également problématique. Dès lors que cette structure accompagne nos entreprises en leur vendant des services, je m’interroge sur la qualité de la sélection des entreprises en amont. En Irlande, par exemple, la structure de soutien aux entreprises exportatrices est publique, ses services sont entièrement gratuits, mais la sélection est très rigoureuse et la manière dont les entreprises rémunèrent cette structure réside, en définitive, dans un quasi-engagement à créer des emplois en Irlande. Quelle pertinence y a-t-il à financer à hauteur de 87 millions une structure qui a besoin de faire payer ses prestations aux entreprises qu’elle accompagne ? J’en ai vu certaines se rendre en Asie dans le cadre d’un voyage de reconnaissance : elles n’avaient été ni préparées, ni sélectionnées correctement.

Mme Amélia Lakrafi, rapporteure pour avis. En ce qui concerne les outils du numérique, la plateforme numérique des solutions repose sur un socle conçu au niveau national. Depuis 2019, il est possible d’accéder à quatorze plateformes régionales, qui présentent un parcours pédagogique, un tutoriel sur les fondamentaux de l’export, des parcours solutions, des parcours événements – l’agenda permet à l’entreprise de prendre connaissance du programme France export et des programmes régionaux –, un parcours premiers conseils pour une cinquantaine de secteurs stratégiques – la plateforme offre des recommandations pour choisir ses marchés cibles à l’export, assorties de fiches décrivant les marchés et les conditions d’accès –, des « info live marchés » qui fournissent aux entreprises des informations quotidiennes…

Quant aux mesures nos 6 et 7, elles sont détaillées dans le rapport, pages 40 à 45. En complément des salons physiques, la gamme de services inclut de nombreuses e-vitrines et des salons virtuels. L’objectif est d’atteindre 6 000 participations via le maintien des pavillons France inscrits au programme France Export. On soutient également douze salons internationalisés en France. Les e-vitrines sont testées dans trois secteurs : les vins et spiritueux, la cosmétique et l’agroalimentaire.

Concernant Business France, j’ai eu de bons et de mauvais retours. L’opérateur faisait l’objet de nombreuses critiques jusqu’en 217-2018 ; depuis 2019, on me rapporte une amélioration et un changement de mentalité. Je me demande si, comme en Allemagne et en Irlande, l’accompagnement ne devrait pas être gratuit pour les entreprises. Peut-être la Team France Export doit-elle se cantonner au régalien, c’est-à-dire à la valorisation de la marque France, à l’organisation de salons, en y accompagnant gratuitement les entreprises, et à l’amélioration de l’information – je pense notamment aux nombreuses études de marché, qui sont intéressantes. Pour un accompagnement payant et plus poussé, les entreprises pourraient être orientées vers les OSCI, en bénéficiant notamment des « chèques export ». C’est une réflexion très personnelle, mais elle peut être pertinente. Cela dit, nous pouvons saluer le travail accompli.

Enfin, les entreprises qui se tournent vers l’international pourront être présentes sur des plateformes de e-commerce, par exemple, ce qui permettra de réduire de manière substantielle leurs coûts de marketing. Il faut donc que chacune d’entre elles y ait accès facilement ; encore faut-il qu’elles sachent que ces outils existent. C’est pourquoi je propose que les banquiers, les experts-comptables, les commissaires aux comptes – qui pourraient par ailleurs être conviés aux réunions de SOLEX – échangent régulièrement avec les entrepreneurs pour leur proposer les outils disponibles.

Mme Marion Lenne, présidente. Merci pour le pragmatisme de vos propositions qui, je l’espère, seront suivies d’effets.

Mme Marion Lenne, présidente. N’étant saisie d’aucun amendement, je vous propose de passer au vote sur les crédits de la mission « Économie – commerce extérieur et diplomatie économique », sur lesquels notre rapporteure a émis un avis favorable.

La commission émet un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Économie  commerce extérieur et diplomatie économique » tels qu’ils figurent à l’état B annexé à l’article 33 du projet de loi de finances pour 2021.

 

 

 


—  1  —

   annexe
Liste des personnes auditionnées par la rapporteure

 

                 M. Franck Riester, ministre délégué auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargé du commerce extérieur et de l’attractivité, et MM. Joachim Bokobza, directeur adjoint de cabinet, en charge du pôle commerce extérieur et politique commerciale, et Redouane Ouraou, conseiller parlementaire et politique ;

                 M. Cédric O, secrétaire d’État chargé de la transition numérique et des communications électroniques, et Mme Victoria Johnston Roussillon, conseillère écosystèmes et innovation ;

                 Direction de la diplomatie économique (ministère de l’Europe et des affaires étrangères) : Mme Hélène Dantoine, directrice, et M. Laurent Favier, responsable du pôle attractivité et innovation ;

                 Direction générale du Trésor (ministère de l’économie et des finances) : Mme Karine Maillard, cheffe du bureau Business France et partenaires de l’exportation, et M. Christophe Bonneau, adjoint au chef du bureau échanges extérieurs et risque-pays ;

                 Business France : MM. Christophe Lecourtier, directeur général, Pascal Lecamp, directeur des relations parlementaires et de la coopération internationale, et Pierre Wellhoff, chef de cabinet du directeur général ;

                 Bpifrance : MM. Pedro Novo, directeur exécutif en charge de l’export, et Jean-Baptiste Marin-Lamellet, responsable des relations institutionnelles ;

                 CCI France et CCI France International : MM. Philippe Bagot, directeur responsable du pôle international/Team France Export de CCI France, Pierre Dupuy, chargé de mission Affaires publiques ultramarines et relations avec le Parlement de CCI France, et Charles Maridor, délégué général de CCI France International ;

                 Comité national des conseillers du commerce extérieur de la France (CNCCEF) : MM. Alain Bentéjac, président, et Emmanuel Montanié, directeur général ;

                 M. Gilbert Réveillon, administrateur du CNCCEF, président du groupe d’expertise TIC et numérique, et Mme Manon Esperandieu, chargée de mission conseil aux pouvoirs publics et attractivité du territoire ;

                 MEDEF International : M. Philippe Gautier, directeur général, et Mme Stéphanie Tison, directrice adjointe international ;

                 Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME) : M. Matthias Fekl, membre du comité exécutif, chargé des affaires internationales, et Mme Béatrice Brisson, directrice des affaires européennes et internationales ;

                 Opérateurs spécialistes du commerce international (OSCI) : Mmes Chloé Berndt, présidente, et Atanaska Guillaudeau, déléguée générale ;

                 Syntec numérique : M. Christophe Depeux, administrateur en charge du programme « International », et Mme Eloïse Lehujeur, chargée des relations institutionnelles ;

                 Mission French Tech : Mme Kat Berlongan, directrice ;

                 Institut de Prospective Économique du Monde Méditerranéen (IPEMED) : M. Jean-Louis Guigou, fondateur et ancien président, président du comité stratégique, administrateur de la fondation La Verticale AME ;

                 La Fondation « La Verticale Europe Méditerranée Afrique » (AME) : M. Éric Diamantis, administrateur, président du fonds de dotation, président de l’IPEMED ;

                 Think Tank La Fabrique de l’Exportation : MM. Etienne Vauchez, président, et Stéphane Boulet, délégué général ;

                 M. Jacques Attali, écrivain, président du conseil de surveillance de la Fondation Positive Planet, fondateur du cabinet de conseil Attali et associés ;

                 Déplacement à la Direction de la diplomatie économique (ministère de l’Europe et des Affaires étrangères) le 5 octobre 2020 : MM. Martin Juillard, directeur adjoint, et Stephen Duso-Bauduin, chef du pôle régulation internationale.

 

 


([1]) Cette dotation budgétaire peut également être mobilisée pour financer certaines dépenses en lien avec le compte de commerce « Soutien financier au commerce extérieur », telle la rémunération de la Caisse Française de Développement Industriel (CFDI) pour la gestion des garanties à la construction navale, à hauteur de 0,2 M€, hors provisions pour frais d’études et frais financiers.

([2]) En 2019, neuf secteurs représentaient plus de 80 % de nos exportations (agri et agroalimentaire, chimie hors pharmacie, pharmacie, textile et habillement, machines mécaniques, machines électriques, électroniques et instruments d’optique, automobile, aéronautique, métallurgie et outillages en métaux). L’exposition sectorielle de notre appareil exportateur peut être aussi appréciée à travers la part du chiffre d’affaires du secteur réalisé à l’export, particulièrement élevé pour l’aéronautique (85 %), la pharmacie (60 %) et l’automobile (58 %).

([3]) Chiffre 2019 (cf. Le commerce extérieur de la France, MEAE et MEF, rapport 2020, p. 13.)

([4]) Chiffre 2018 (cf. L’industrie automobile française, analyse et statistiques 2019, CCFA, p. 7).

([5]) La balance commerciale est un compte de la comptabilité nationale qui retrace la valeur des biens exportés et importés. Elle est traditionnellement fondée sur l’exploitation des données recueillies par la direction générale des douanes et droits indirects, avec certains correctifs pour tenir compte de biens qui ne font pas l’objet de déclarations douanières classiques (par ex. matériel militaire, or, avitaillement des navires, etc.), mais elle ne couvre pas les échanges de services. Elle couvre un « territoire douanier » différent du territoire national car correspondant à celui couvert par le droit douanier national (et européen) : il inclut Monaco et les départements d’outre-mer (DOM), mais pas, en revanche, les collectivités d’outre-mer dotées de l’autonomie fiscale et douanière comme la Polynésie française et la Nouvelle-Calédonie.

([6]) Ventes de séjour, etc.

([7]) -10 % selon le Gouvernement et -8,7 % d’après la Banque de France.

([8]) 7,6 % selon la Commission européenne et 8 % selon le Gouvernement.

([9]) Rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances pour 2021 p. 48.

([10])  https://www.coface.fr/Actualites-Publications/Actualites/La-perte-de-parts-de-marche-francais-en-Afrique-alimente-le-gain-de-plusieurs-pays-europeens-la-Chine-et-l-Inde

([11]) Chiffres 2019.

([12]) Au 31 décembre 2019.

([13]) Très petite entreprise (TPE) : par convention, entreprise employant moins de 10 salariés et ayant un chiffre d’affaires ou un total de bilan inférieur à 2 millions d’euros.

([14]) Lancé en septembre 2019 par le Président de la République et le secrétaire d’État en charge du numérique, le French Tech 120 est un programme d’accompagnement public pour les start-ups en fort développement et en capacité de devenir des leaders technologiques de rang mondial. Les sociétés concernées bénéficient d’un accompagnement sur mesure.

([15])  Petite et moyenne entreprise (PME) : par convention (définition européenne), entreprise employant moins de 250 personnes, et qui a un chiffre d’affaires annuel n’excédant pas 50 millions d’euros ou un total de bilan n’excédant pas 43 millions d’euros.

([16]) Part française : dans un projet international, mesure (ou évaluation) de la fraction de sa valeur ajoutée qui sera générée en France (suscitant des emplois en France). Certains dispositifs de soutien à nos entreprises comprennent une exigence de part française.

([17]) Compte de commerce (au sens budgétaire) : un compte de commerce est un compte particulier annexé au budget général de l’État pour retracer (en recettes et dépenses) des opérations à caractère industriel ou commercial (ventes de biens ou de services) effectuées par des services de l’État non dotés de la personnalité morale (ou pour le compte de l’État par d’autres entités).

([18]) Aux termes du décret n° 2017-1074 du 24 mai 2017 relatif aux attributions du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, ce dernier « est compétent pour définir et mettre en œuvre la politique du développement international de la France, notamment au titre du commerce extérieur et du tourisme ». En liaison avec le ministre de l’économie et des finances et les autres ministères intéressés, il « prépare et conduit les négociations commerciales internationales, qu’elles soient multilatérales, européennes ou bilatérales et coordonne l’action des services qui concourent à promouvoir les intérêts économiques de la France à l’étranger ». Enfin, il est associé à la politique de financement des exportations dont la compétence relève du ministre de l’économie et des finances (décret n° 2020-871 du 15 juillet 2020).

([19]) Anciennement appelés « postes d’expansion économique ». Les services économiques régionaux couvrent plusieurs pays mais sont rattachés à une ambassade.

([20]) Chiffre au 31 décembre 2019.

([21]) Business France est placé sous la triple tutelle du ministère de l’Europe et des affaires étrangères (DGM/DE), du ministère de l’économie, des finances et de la relance (DG Trésor) et du ministère de la cohésion des territoires (DGCL). Le MEAE, le MEFR et le MCT sont représenté au conseil d’administration par un représentant pour chacune des administrations.

([22]) Discours de M. Édouard Philippe sur la stratégie du Gouvernement en matière de commerce extérieur, Roubaix, vendredi 23 février 2018.

([23]) Entreprise de taille intermédiaire (ETI) : par convention, entreprise qui a entre 250 et 5 000 salariés, et, soit un chiffre d’affaires n’excédant pas 1,5 milliard d’euros, soit un total de bilan n’excédant pas 2 milliards d’euros.

([24]) Chiffre 2019.

([25]) Le dispositif d’assurance-crédit peut faire partie des garanties publiques, mais aussi être proposé dans un cadre purement privé.

([26]) Cf. article 2 de la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République. Le nouvel article L. 4251-12 du code général des collectivités territoriales dispose que « la région est la collectivité territoriale responsable, sur son territoire, de la définition des orientations en matière de développement économique » et le nouvel article L. 4251-13 du même code prévoit que « la région élabore un schéma régional de développement économique, d’innovation et d’internationalisation ».

([27]) Il ne faut pas négliger cependant, il est vrai, le fait que ce suivi a un coût pour l’entreprise, les prestations d’accompagnement de Business France étant payantes.

([28]) Cf. supra l’idée développée d’un « club » des 500 PME-TPE les plus prometteuses, sur le modèle du French Tech 120, bénéficiant d’un accompagnement renforcé.

([29]) Cf. décret n° 2010-663 du 17 juin 2010 portant réorganisation de l’institution des conseillers du commerce extérieur de la France, modifié par le décret n° 2013-1189 du 18 décembre 2013.

([30])  Cf. infra.

([31]) Résultant de l’initiative de plusieurs organisations patronales et professionnelles, Stratexio propose aux dirigeants de PME-ETI déjà présentes sur les marchés internationaux un cycle de formations et d’accompagnement autour d’expertises et de réseaux.

([32]) La Garantie des Projets Stratégiques permet de couvrir des opérations qui ne rentrent pas dans le cadre de l’assurance-crédit par manque ou absence de part française, voire absence de contrat d’exportation mais qui présentent un intérêt stratégique pour l’économie française. Le contrat couvert est soit un contrat commercial ou un prêt d’actionnaire d’une entreprise française ou de sa filiale locale, soit un prêt consenti par un établissement de crédit français ou étranger. Le montant global de l’opération doit être supérieur à 10 millions d’euros.

([33]) L’exportateur qui dispose d’un Pass Export bénéficie, durant sa durée de validité, d’une couverture en garanties publiques au maximum permis par les engagements multilatéraux de la France. En contrepartie, il s’engage à respecter une moyenne minimale pondérée de part française sur l’ensemble de ses exportations soutenues par l’État et peut également être amené à prendre d’autres engagements économiques et industriels plus généraux (investissement, développement de l’activité, maintien de l’emploi et/ou de sites industriels, actions de formation, etc.).

([34]) Volontariat international en administration.

([35]) La catégorisation des startups est assez récente. Bpifrance en donne la définition suivante : « Signifiant littéralement "entreprise qui démarre", la startup est liée à la notion d’expérimentation d’une nouvelle activité, sur un nouveau marché, avec un risque difficile à évaluer (…) Une startup n’est pas encore une entreprise comme on peut l’imaginer, avec une organisation bien en place, commercialisant un produit ou un service sur un marché parfaitement identifié. Le caractère innovant de son offre et de son modèle économique ne permet pas de définir clairement toutes les composantes de son marché et de lui assurer une rentabilité immédiate ». (https://bpifrance-creation.fr/moment-de-vie/quest-ce-quune-startup)

([36]) Données ACOSS.

([37])  Baromètre Cap Digital.

([38]) Baromètre EY.

([39]) Le terme licorne (en anglais : unicorn) est employé pour désigner une startup valorisée à plus d’un milliard de dollars. Cette expression a été inventée par Aileen Lee, spécialiste américaine du capital-risque, en 2013.

([40]) Association pour le commerce et les services en ligne.

([41]) Chiffres fournis à votre rapporteure par le secrétariat d’État chargé de la transition numérique et des communications électroniques.

([42])  https://ec.europa.eu/newsroom/growth/item-detail.cfm?item_id=688053

([43])  Action n° 4 du programme 363 Compétitivité.

([44]) Élaborée sur la base des recommandations du Conseil national du numérique, en partenariat avec les régions de France et tous les acteurs concernés, l’initiative France Num, pilotée par la Direction générale des entreprises, poursuit l’objectif de sensibiliser toutes les TPE et PME françaises au numérique.

([45]) Phygital est un terme apparu en 2013, contraction entre les mots « physique » et « digital ».

([46]https://newsroom.ibm.com/index.php?s=34178&item=31844

([47]) Des groupes cybercriminels ciblent des entreprises, parfois aux chiffres d’affaires assez importants, en réclamant le paiement de lourdes rançons en échange de la récupération de leurs données.