N° 3403

ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 10 octobre 2020.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES
SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2021 (n° 3360),

 

TOME VIII

 

MÉDIAS, LIVRE ET INDUSTRIES CULTURELLES

 

Action audiovisuelle extérieure

  PAR M. Alain DAVID

Député

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Voir le numéro : 3360

 

 

 


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SOMMAIRE

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Pages

Introduction

I. l’audiovisuel extérieur a su répondre aux impératifs imposés par la crise liée à la pandémie de covid-19

A. Une réorganisation des modes de travail

1. La nécessité de maintenir les activités en garantissant la protection des collaborateurs

2. Un dialogue social et des rémunérations maintenus en situation de crise

B. Une adaptation des grilles de programmes, tournée vers la lutte contre la désinformation, l’éducation et la prévention

C. une forte mobilisation du réseau des attachés audiovisuels

II. France médias monde et tv5 ont poursuivi leurs objectifs stratégiques malgré des trajectoires financières contraintes

A. France médias monde : une réaffirmation des priorités du groupe malgré les économies demandées

1. Des audiences qui connaissent une progression globale dynamique

a. France 24

b. RFI

c. Monte Carlo Doualiya

2. Des résultats conformes aux objectifs stratégiques fixés et réaffirmés à moyen terme

a. Un développement géographique et éditorial continu

b. Une stratégie numérique qui conserve une place centrale

c. La poursuite de la mise en œuvre du plan d’économies

3. Un cadre budgétaire qui demeure contraint, dans un contexte de crise et de concurrence internationale

a. Une fragilisation des ressources propres

b. Des charges d’exploitation en progression

B. TV5 Monde : un moment charnière pour la chaîne francophone

1. Des résultats conformes au plan stratégique 2017-2020

a. Les audiences restent marquées par une forte progression de la consommation en numérique

b. Les objectifs du plan stratégique 2017-2020 ont été globalement atteints

i. L’Afrique

ii. La transformation numérique

iii. La préparation du plan stratégique pour 2021-2024

2. Une trajectoire financière stable mais contrainte

a. La poursuite de la mise en œuvre du plan d’économies et ses conséquences sur la politique de distribution

b. Un impact financier de la crise sanitaire inévitable

III. lA COOPération AUDIOVISUELLE franco-allemande : un projet bilatéral et européen

A. UN PARTENARIAT UNIQUE EN SON GENRE, pleinement intégré au couple franco-allemand

B. le rôle moteur du partenariat entre France medias monde et la deutsche welle

1. Une coopération dynamique, portée des projets communs et une collaboration éditoriale régulière

2. Un axe de travail prioritaire pour la coopération franco-allemande

C. ARTE, chaine franco-allemande tournée vers l’europe

CONTRIBUTION PRÉSENTÉE  AU NOM DU GROUPE LIBERTÉS ET TERRITOIRES

TRAVAUX DE LA COMMISSION

ANNEXE :  Liste des personnalités  rencontrées par votre rapporteur


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   Introduction

 

À bien des égards, l’année 2020 aura permis de rappeler le rôle stratégique joué par notre audiovisuel extérieur, dont l’importance pour notre diplomatie d’influence ne peut être que soulignée. Si la réforme de l’audiovisuel public prévue par le projet de loi n° 2488 relatif à la communication audiovisuelle et à la souveraineté culturelle à l’ère numérique, qui passait notamment par l’intégration de France Médias Monde au sein d’une holding de l’audiovisuel public, a été ajournée du fait de la crise liée à la pandémie de covid-19, la crainte de voir l’audiovisuel extérieur constituer la variable d’ajustement de l’audiovisuel public reste vive.

Relativement moins touchées par les effets de la crise, les sociétés de l’audiovisuel extérieur n’en apparaissent pas moins comme les grandes oubliées du plan de relance consacré à l’audiovisuel public, malgré la fragilisation des ressources propres suscitée par la crise, qui a fait suite à la mise en œuvre de rigoureux plans d’économies. Sur les 70 millions d’euros alloués, France Médias Monde et TV5 Monde ne recevront ainsi que 500 000 euros chacune.

Les trajectoires financières de France Médias Monde (programme 844) et de TV5 Monde (programme 847) ont été revues à la baisse à l’été 2018, à hauteur respectivement de 3,5 et de 1,2 million d’euros à horizon 2022. La dotation de France Médias Monde dans le PLF pour 2021 est en recul de 0,5 M€ par rapport à l’année dernière, et s’établit à 254,70 M€. Celle de TV5 Monde, stable à hauteur de 76,15 M€, correspond au montant stabilisé après le recul de plus de 1 M€ enregistré en 2019. Si on peut se féliciter de la visibilité offerte par la fixation d’une trajectoire pluriannuelle, on peut regretter l’absence de geste de la part de la France alors que nous occupons pour 2020-2021 la présidence tournante de la chaîne.

Il ne s’agit pas de contester la participation de l’audiovisuel extérieur aux mesures d’économie imposées à l’ensemble de l’audiovisuel public, mais d’appeler à un sursaut du Gouvernement sur les moyens alloués à ces formidables outils d’information et d’influence, dans un contexte de concurrence internationale toujours plus intense qui prend parfois la forme d’une guerre de l’information, où le recours à la désinformation fait rage.

À cela s’ajoute, à moyen terme, l’enjeu non moins majeur de la pérennité des recettes affectées à l’audiovisuel public, dans le contexte de la suppression de la taxe d’habitation à laquelle est adossée la contribution à l’audiovisuel public, financement autonome qui est le gage de l’indépendance et de la crédibilité de l’audiovisuel extérieur. Il est urgent que le Gouvernement apporte des réponses sur l’avenir du financement de l’audiovisuel public.

À cet égard, l’adaptation dont ont fait preuve France Médias Monde (qui réunit les chaînes France 24, RFI et Monte Carlo Doualiya) et TV5 Monde depuis le début de la crise sanitaire a été remarquable, en permettant d’associer l’impératif de protection des collaborateurs à l’exigence de diffusion d’une information fiable et de qualité, en intégrant également des programmes spécifiquement dédiés au suivi de la crise sanitaire et à la prévention.

Enfin, la période de crise que nous vivons actuellement, en fragilisant les liens humains et matériels entre les nations, peut inciter au repli sur soi : pour votre rapporteur, il est plus que jamais nécessaire de prendre le contre-pied de cette tentation, en renforçant les coopérations bilatérales et multilatérales. Le cas de la coopération audiovisuelle franco-allemande, auquel votre rapporteur a choisi cette année de consacrer son focus thématique, est éloquent : le partenariat franco-allemand, porté par Arte et par le tandem constitué par France Médias Monde et la Deutsche Welle, s’inscrit dans une dynamique globale qui inclut les autres composantes du secteur de l’audiovisuel, tout en contribuant au renforcement de la relation franco-allemande, très riche sur le plan culturel. Enfin, le couple franco-allemand répond, dans le domaine de l’audiovisuel comme ailleurs, à une ambition pleinement tournée vers l’Europe, que nous devons plus que jamais entretenir.

 


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I.   l’audiovisuel extérieur a su répondre aux impératifs imposés par la crise liée à la pandémie de covid-19

Dès le mois de février, les sociétés de l’audiovisuel public ont dû se mettre au diapason de la crise sanitaire et adapter leur organisation, avec un impératif double : garantir la protection des collaborateurs, et continuer à assurer leur mission d’information, particulièrement essentielle en période de crise.

Depuis le mois de mai, un retour progressif à la normale est opéré, avec une attention toujours soutenue pour la protection des collaborateurs et le respect des mesures de prévention. France Médias Monde a ainsi lancé le 11 mai un plan de retour à la normale (PRN), en différentes phases, et connaissait à la rentrée 2020 une phase intermédiaire de reprise, avec un maintien du télétravail pour les fonctions distanciables et les activités éditoriales, une reprise des grilles de programme à 80-90 %, et le retour d’un nombre limité d’invités en studio.

A.   Une réorganisation des modes de travail

1.   La nécessité de maintenir les activités en garantissant la protection des collaborateurs

La gestion de crise est d’abord passée par une réorganisation des modes de travail, afin de pouvoir recourir le plus possible au télétravail et d’assurer au mieux la protection des collaborateurs.

À France Médias Monde, un plan de continuité de l’activité (PCA) a été déclenché en février, avec une généralisation du télétravail associée à un maintien de 15 % des effectifs sur site pour les activités critiques, notamment pour assurer la continuité des antennes et la diffusion. Au plus fort de la crise, environ 60 à 65 % des 1 750 personnels avaient basculé en télétravail, dont environ 50 % de façon exclusive, d’autres alternant entre présence sur site et télétravail. Toutes les fonctions administratives et numériques ont pu être assurées à distance, ainsi que certaines fonctions éditoriales exclusives.

À TV5 Monde, la quasi-totalité des 400 personnels est aussi passée au télétravail, de façon assez fluide du fait de la préparation de la chaîne aux situations de crise et à l’utilisation de plateformes de visioconférence, depuis la cyberattaque de 2015. En moyenne, 15 personnes étaient présentes sur site chaque jour pour assurer la continuité de la diffusion, avec des personnels essentiellement concentrés sur la régie de diffusion, et dans une moindre en mesure des personnes chargées de la préparation des programmes et de la programmation.

Pour France Médias Monde comme pour TV5 Monde, la protection des collaborateurs a été la priorité, et toutes les mesures de protection (port du masque, mise à disposition de gel hydro alcoolique, distanciation sociale et gestes barrières, nettoyages renforcés, etc.) ont été mises en œuvre. À France Médias Monde, un filtrage étroit a été mis en place à l’entrée des locaux – avec prise de température – et des aménagements ont été réalisés pour séparer les personnels et éviter les contacts. Par ailleurs, un soutien psychologique a été mis en place, avec une permanence téléphonique d’écoute dédiée. En audition, le directeur de TV5 Monde, M. Yves Bigot, a également souligné l’impact psychologique de la crise, et le risque d’isolement et de décrochage des personnels induit par le télétravail, malgré l’aspect rassurant qu’il peut présenter en ce qu’il permet de limiter les contacts et d’éviter la densité des transports en commun.

2.   Un dialogue social et des rémunérations maintenus en situation de crise

Au plan social, la poursuite de l’activité s’est traduite par le maintien d’une grande partie des rémunérations, et par un non-recours aux dispositifs de chômage partiel prévus par l’ordonnance 2020-346 du 27 mars 2020, là où les entreprises privées de l’audiovisuel y ont eu largement recours. Une doctrine interministérielle a été adoptée à ce sujet, concernant les entreprises majoritairement financées par des ressources publiques.

La gestion de crise des sociétés de l’audiovisuel extérieur s’est donc faite sans peser sur les ressources publiques, malgré un cadre budgétaire déjà contraint. À France Médias Monde, un revenu solidaire a été garanti pour les non-permanents et les correspondants, et le choix de la solidarité a été fait vis-à-vis des fournisseurs et prestataires, en particulier pour les plus fragiles économiquement. Les différents surcoûts liés à la crise ont été absorbés, dans un contexte de baisses des recettes notamment publicitaires (voir infra).

Concernant le cas particulier des correspondants, les correspondants à l’étranger de FMM rémunérés à la pige ont bénéficié d’un système de sécurisation de leurs revenus moyens, calculé sur une base 2019 et pour toutes les personnes ayant travaillé pour les antennes au cours des trois derniers mois. Tant FMM que TV5 Monde ont continué à solliciter les collaborateurs pigistes et intermittents, tout particulièrement ceux établis à l’étranger, qui ont par ailleurs une habitude du télétravail.

La réorganisation du travail a fait l’objet dans la mesure du possible de concertations régulières, d’autant plus nécessaires que la situation a pu susciter des tensions et a donné lieu à des négociations, sur le télétravail notamment dans le cas de TV5 Monde. À France Médias Monde, le dialogue social a pris pendant la crise la forme d’une téléconférence hebdomadaire, à laquelle s’est ajoutée une communication régulière basée sur les réunions quasi quotidiennes de la cellule de crise. À TV5 Monde, le dialogue a été intensifié avec le Comité Social et Économique (CSE) de façon à assurer aux personnels mobilisés des conditions optimales de travail en réduisant significativement les risques encourus.

B.   Une adaptation des grilles de programmes, tournée vers la lutte contre la désinformation, l’éducation et la prévention

Pendant toute la durée de la crise, les médias de l’audiovisuel extérieur ont non seulement veillé au maintien de leur mission d’information, mais ont aussi procédé à une adaptation des grilles de programmes au contexte de crise. Les très bons résultats d’audience obtenus sont venus souligner la qualité de l’offre proposée par notre audiovisuel extérieur et l’importance des missions accomplies (voir infra).

Dans un premier temps, un allègrement des grilles a été nécessaire afin de pouvoir respecter les règles sanitaires imposées par la pandémie de covid-19. À FMM, on estime qu’entre 30 et 35 % en moyenne de la production a été suspendue pendant le confinement, la production a ainsi été arrêtée entre minuit et 5h et les chaînes ont eu recours aux rediffusions.

À TV5 Monde, l’adaptation progressive aux nouveaux modes de travail a aussi supposé une révision temporaire de la diffusion, avec un passage de 8 à 4 – puis 6 – chaînes diffusées. Certaines productions ont été suspendues, et le journal francophone quotidien « Le monde en français » est passé d’un format de 64 à 12 minutes. Dans le cas de TV5 Monde, un impact indirect a aussi été constaté dans la mesure où les chaînes partenaires, qui fournissent TV5 Monde en programmes, ont aussi dû interrompre certaines de leurs productions. Au total, la chaîne a proposé davantage de programmes dits de stock (fictions, documentaires) et moins de programmes d’informations et de divertissement que d’ordinaire.

Surtout, l’évolution des grilles de programme a permis de répondre au besoin accru d’une information de qualité, en France et à l’étranger, afin d’assurer la diffusion d’une information fiable et de contribuer à la prévention dans le domaine sanitaire.

Ainsi, les chaînes de l’audiovisuel extérieur, déjà très investies dans la lutte contre la désinformation ([1]) – comme votre rapporteur s’était attaché à le souligner dans son rapport sur le projet de loi de finances pour 2020 – ont renforcé leur mobilisation dans un contexte propice à la diffusion de rumeurs et à la remise en cause de l’autorité scientifique. FMM s’est ainsi associée à une nouvelle plateforme collaborative de lutte contre la désinformation sur le covid-19 « #CoronaVirusFactsAlliance » mise en place au niveau de l’International Fact-Checking Network et associant des médias issus de plus de soixante pays ([2]).

À ce travail de lutte contre la désinformation, s’est ajoutée la proposition de contenus d’information permettant de répondre à la situation de crise sanitaire, en intégrant notamment des messages de prévention. Les rédactions de RFI en français ont ainsi proposé une couverture quotidienne et continue de l’actualité de la pandémie à travers le monde, et ont proposé de nouveaux programmes tels que « Info coronavirus » - incluant une présentation des bonnes pratiques de protection sanitaire - ou « Le tour des correspondants », afin d’avoir un état des lieux de la pandémie dans les différents pays touchés. Le « Journal de l’Afrique » de France 24, émission quotidienne, a été maintenu et a intégré des reportages et entretiens avec des responsables politiques et des responsables de la prévention sanitaire en Afrique.

TV5 Monde a également proposé des contenus adaptés au contexte sanitaire et à l’impératif de prévention. La chaîne s’est employée à diffuser tous les messages de l’OMS, de l’UNICEF et de l’OIF et notamment les recommandations pratiques, à destination des publics africains. Un programme interactif a également été mis en place sur l’espace numérique, avec un système de questions réponses entre médecins et internautes africains. Par ailleurs, TV5 Monde a diffusé de nombreuses émissions de ses partenaires consacrées à la pandémie, tels que « Avec nous, chez vous », de la RTBF ou « Antivirus » de la RTS.

L’attention particulière pour l’Afrique subsaharienne, zone prioritaire pour notre audiovisuel extérieur, a été partagée par FMM et TV5 Monde. RFI a ainsi élargi l’amplitude de ses tranches de diffusion en ondes courtes en Afrique, pour rendre plus accessibles les messages et émissions de prévention, et a mis à disposition de ses radios partenaires ses programmes consacrés à la pandémie et des messages de prévention réalisés en français et dans des langues africaines. Par ailleurs, les espaces publicitaires de RFI et France 24 ont été offerts en priorité aux organisations sanitaires délivrant des messages de prévention en Afrique.

Enfin, les médias de l’audiovisuel extérieur ont aussi contribué au service public d’éducation, en participant à l’enseignement à distance. Les offres de FMM et de TV5 Monde ont abondé l’initiative nationale « Nation apprenante », lancée par le ministère de l’Éducation nationale et de la Jeunesse, et les contenus ont été mis à disposition sur la plateforme éducative de l’audiovisuel public Lumni. RFI a adapté certains magazines comme « 7 milliards de voisins » pour proposer « L’école à la radio » ou « Ensemble à la maison », TV5 Monde, chaîne francophone, a mis à disposition ses outils et ressources pédagogiques destinés à l’apprentissage du français ([3]) et a relayé des programmes éducatifs des chaînes publiques comme France 2 ou France 4.

C.   une forte mobilisation du réseau des attachés audiovisuels

Par ailleurs, votre rapporteur souhaitait souligner le rôle joué par le réseau des 32 attachés audiovisuels répartis au sein du réseau diplomatique – dans 92 pays – pendant la crise sanitaire. La réactivité et l’inventivité des attachés ont prouvé une nouvelle fois l’importance de ce réseau pour notre diplomatie d’influence.

Du fait des annulations d’évènements culturels et de l’interruption quasi-totale des échanges culturels, les attachés audiovisuels ont été très sollicités pour la mise au point d’évènements en ligne. Dans le domaine audiovisuel, certains évènements ont ainsi pu avoir lieu en format virtuel, en attirant parfois davantage de monde que d’ordinaire, à l’instar du Rendez-Vous annuel organisé par TV France International pour la promotion de l’offre télévisuelle française, ou du Festival et du Marché international du film d’animation d’Annecy.

De nombreuses initiatives ont aussi été mises en place localement par les attachés audiovisuels, ainsi au Vietnam, un festival de cinéma en ligne a été lancé en un temps record.

II.   France médias monde et tv5 ont poursuivi leurs objectifs stratégiques malgré des trajectoires financières contraintes

A.   France médias monde : une réaffirmation des priorités du groupe malgré les économies demandées

1.   Des audiences qui connaissent une progression globale dynamique

La réponse apportée par le groupe France Médias Monde à la crise ne s’est pas faite au détriment de la poursuite des objectifs préalablement fixés pour les chaînes, et les résultats d’audience, qui ont pour partie bénéficié du contexte de confinement, ont surtout attesté de la confiance placée dans des médias aptes à produire et diffuser des programmes de qualité et une information fiable.

Les résultats obtenus au plus fort de la crise – sur mars-avril 2020 – le soulignent. Sur cette période, les environnements numériques de RFI, France 24 et MCD ont vu leur audience tripler avec 214 millions de visites, et ont enregistré plus d’un demi-milliard de vidéos vues et de démarrages audio. 

Concernant la progression annuelle, le groupe a enregistré 207,3 millions de contacts ([4]) mesurés, en hausse de 31,3 millions par rapport à 2018 (soit +17,8 %). Parmi ces contacts, la société compte 143,5 millions de téléspectateurs et d’auditeurs hebdomadaires en linéaire (+11 % par rapport à 2018) et 63,8 millions d’utilisateurs sur les environnements numériques (+37,7 % par rapport à 2018).

Évolution pluriannuelle des audiences des chaÎnes de France médias monde

Source : Direction générale des médias et des industries culturelles (DGMIC)

Sur les réseaux sociaux, RFI, France 24 et MCD ont atteint fin 2019 un total de 76 millions d’abonnés sur Facebook, Twitter, YouTube et Instagram, contre 68 millions en 2018. La consommation délinéarisée de vidéos et sons FMM, tous environnements confondus, s’établit à près de 1,5 milliard de lancements en 2019, soit une hausse de 73 % par rapport à 2018.

Toutes les chaînes du groupe ont connu une hausse globale de leurs audiences par rapport à l’année dernière.

a.   France 24

L’audience hebdomadaire en linéaire de France 24 s’est établie en 2019 à 87,1 millions de téléspectateurs ([5]), en hausse de 7,3 millions par rapport à l’année précédente, soit 9 %. En Afrique francophone, l’audience hebdomadaire est demeurée à un niveau élevé – 26,2 millions – malgré une baisse de 6 % sur un an, liée à la fragmentation croissante du paysage audiovisuel africain du fait de lancement de nouvelles chaînes thématiques locales. France 24 reste la chaîne d’information internationale la plus regardée dans cette zone, et parvient à se maintenir parmi les dix chaînes les plus regardées quotidiennement dans une majorité des capitales mesurées.

La chaîne enregistre un retrait de ses audiences en Afrique du Nord – Moyen-Orient (-8,4 % par rapport à 2018) mais reste stable en Europe par rapport à 2019 (6,4 millions de téléspectateurs en 2019).

En Asie, l’audience hebdomadaire de la chaîne s’établit à 16,6 millions de téléspectateurs, en 2019 (+3,9 % par rapport à 2018, soit une hausse de 31 % par rapport à 2018). Cette hausse est portée par les marchés indien et indonésien, pays dans lesquels la chaîne a conclu d’importants contrats de diffusion.

France 24 enregistre une fréquentation de plus de 18 millions de visites par mois sur l’ensemble de ses environnements numériques propriétaires, résultat en augmentation de 16 % par rapport à 2018. La consommation délinéarisée de programmes vidéo et audio, environnements propriétaires et tiers confondus, s’établit à 99,2 millions de démarrages mensuels (+66 % par rapport à 2018). 

b.   RFI

En 2019, l’audience hebdomadaire broadcast de RFI s’établit à 46,5 millions d’auditeurs, en hausse de 14 % par rapport à 2018 ([6]).

En Afrique francophone, zone dans laquelle RFI réalise désormais 60 % de ses audiences hebdomadaires mesurées, l’audience de la chaîne s’établit à 28,2 millions d’auditeurs, en retrait de 1,5 million par rapport à 2018. RFI se maintient parmi les cinq stations les plus écoutées quotidiennement dans l’ensemble des capitales mesurées dans un contexte de recul de l’écoute du média radio dans de nombreux pays de la zone. En Afrique non francophone, l’audience hebdomadaire, l’audience progresse de 148 % et s’établit à 11,2 millions d’auditeurs, hausse notamment portée par la déclinaison de RFI en haoussa.

Les mesures d’audience dans les autres zones sont stables par rapport à 2018, s’établissant à 1,5 million d’auditeurs hebdomadaires en Europe (1,4 en 2018), à 0,9 au Maghreb (0,3 en 2018), 1,4 en Asie (identique à 2018) et 3,4 en Amérique latine / Caraïbes (identique à 2018).

Sur le numérique, RFI enregistre une fréquentation de ses environnements propres de 20,9 millions de visites mensuelles, en hausse de 27 % par rapport à 2018. Cette progression s’explique principalement par le développement de la consommation des contenus en langues étrangères (+3,5 millions de visites mensuelles). La consommation délinéarisée de programmes vidéo et audio, environnements propriétaires et tiers confondus, s’établit à 17,1 millions de lancements par mois (+50 % par rapport à 2018).  

c.   Monte Carlo Doualiya

L’audience hebdomadaire broadcast de MCD s’établit en 2019 à 9,8 millions d’auditeurs, en hausse de 7 % par rapport à 2018 ([7]). Cette hausse s’explique en particulier par des résultats positifs enregistrés en Libye.

MCD enregistre par ailleurs une fréquentation de ses environnements numérique propres de 2,1 millions de visites mensuelles (stable par rapport à 2018). La consommation délinéarisée de programmes vidéo et audio, environnements propriétaires et tiers confondus, s’établit à 8,8 millions de lancements par mois (+159 % par rapport à 2018). 

2.   Des résultats conformes aux objectifs stratégiques fixés et réaffirmés à moyen terme

Les objectifs du groupe, qui s’inscrivent dans le cadre du projet stratégique « horizon 2022 », soutenu par les ministères de tutelle – ministère de la Culture et des affaires étrangères - dans le cadre d’un courrier commun adressé en janvier 2020, ont été atteints en 2019.

Les axes stratégiques du groupe ont été réaffirmés dans le cadre d’un nouveau contrat d’objectifs et de moyens (« minicom ») 2020-2022 souhaité par la tutelle, et qui reposera sur cinq objectifs communs à l’ensemble des sociétés de l’audiovisuel public et cinq objectifs spécifiques à France Médias Monde.

Les principaux axes stratégiques identifiés et pour l’essentiel réaffirmés sont les suivants :

-         Production d’une information de référence et de qualité dans le monde entier, doublée d’un engagement très fort au service de la lutte contre la désinformation ;

-         Promotion de la francophonie dans un monde plurilingue, avec le développement des langues étrangères et une action volontariste de promotion de la francophonie (partenariat avec l’Organisation internationale de la Francophonie, développement d’outils d’apprentissage du français innovants réunis sur RFI savoirs, succès du Journal en Français Facile, etc.) ;

-         Poursuite de la transformation numérique ;

-         Développement de la présence internationale, avec une progression de la distribution malgré la baisse des budgets ;

-         Développement des coopérations au niveau national et international (voir infra), avec, malgré l’abandon du projet de holding de l’audiovisuel public dans le contexte de la crise liée au covid-19, une poursuite des coopérations et synergies engagées avec les autres groupes audiovisuels publics nationaux (participation à Franceinfo, Culture Prime et à l’offre éducative Lumni, participation aux plateformes podcast de TV5 Monde et Radio France, coopération sur des fonctions supports comme la politique d’achat public ou la cybersécurité, etc.).

a.   Un développement géographique et éditorial continu

Malgré la poursuite du plan d’économies et les contraintes budgétaires associées (voir infra), le groupe a maintenu sa dynamique de progression mondiale. Cela vaut tout particulièrement pour France 24, qui a continué d’accroître sa pénétration du marché télévisuel sur l’ensemble des continents, avec une distribution dans 409,3 millions de foyers, soit une hausse de 4,8 % par rapport à 2018.

France 24 a également poursuivi sa diffusion en espagnol, avec un passage en décembre 2019 de 6 à 12 heures de diffusion par jour, à budget constant. France 24 en espagnol couvre désormais 6,8 millions de foyers, pour l’essentiel en Amérique latine, et en hausse de 16 % en un an. En pratique, la diffusion a progressivement atteint une durée journalière de 16 heures.

La politique de langues a également connu un développement au niveau de RFI, avec le renforcement des langues africaines, autour de trois pôles : Dakar (mandingue, peul) avec une implantation inaugurée en 2019, Lagos (haoussa), et Nairobi (swahili). Ce renforcement s’est fait avec l’appui financier de l’Agence française de développement (AFD), sur une durée de trois ans et demi dans le cadre du projet AfriKibaaru dont les objectifs sont les suivants : création d’une rédaction quotidienne en peul, doublement de la production de l’information en mandingue, enrichissement de l’offre en haoussa. À cela s’ajoute un volet formation, qui sera piloté Canal France International (CFI), opérateur du ministère de l’Europe et des affaires étrangères chargé du développement dans le domaine des médias.

b.   Une stratégie numérique qui conserve une place centrale

La transformation numérique du groupe se poursuit, en conservant une place centrale dans le projet éditorial, favorisée par le décloisonnement entre les rédactions numériques et linéaires ([8]). S’il est difficile de délimiter strictement et exhaustivement le périmètre numérique de l’entreprise dans la mesure où les rédactions classiques interviennent sur le numérique et où les services techniques comme administratifs participent au développement du numérique, les équipes de FMM sont ainsi largement mobilisées au service de la transformation numérique de l’entreprise.

Les moyens consacrés aux environnements numériques (hors rédactions) devraient s’élever en 2020 à 8,60 M€, en augmentation de 1,60 M€ par rapport à 2019 ([9]). En incluant les moyens des rédactions numériques globalement stables entre 2019 et 2020 (à 8,40 M€), FMM prévoit de consacrer en 2020 un budget de l’ordre de 17,00 M€ à sa transformation numérique, ce qui représente 6,4 % de son budget global (avec un objectif de 6,5 % à horizon 2021).

Pour rappel, l’univers numérique de FMM comprend une offre de 12 sites web (RFI en 14 langues, France 24 en 4 langues, MCD, FMM, InfoMigrants en 5 langues, les Observateurs en 4 langues, RFI Savoirs, Mondoblog, Académie, CFI, RFI Musique, RFI Instrumental) et 20 applications mobiles.

Les principaux axes de la stratégie numérique, engagée il y a plusieurs années, demeurent identiques :

-         l’accessibilité des contenus au plus grand nombre dans une logique d’hyper-distribution, adaptée à la spécificité de médias de service public plurilingues à vocation mondiale ;

-         l’adaptation aux nouveaux usages numériques, l’innovation dans les formats (vidéos mobiles, podcasts, « motion design », assistants vocaux...) et le développement de nouvelles offres ciblées  (InfoMigrants,  Culture Prime et Lumni lancées avec les sociétés de l’audiovisuel public, RFI Savoirs…) ;

-         la veille des évolutions technologiques et notamment l’intelligence artificielle qui peut constituer un potentiel accélérateur de la capacité du groupe à toucher un public plus large ;

-         l’interactivité avec les publics en veillant à la modération des échanges, conformément à l’exigence de rigueur et d’objectivité à laquelle la société est attachée ;

-         le développement de la culture des données (« data ») au sein des offres du groupe afin de mieux appréhender les publics.

c.   La poursuite de la mise en œuvre du plan d’économies

Soumise à un contexte budgétaire particulièrement contraint, l’entreprise a dû poursuivre la mise en œuvre d’un plan visant à réaliser des économies et à renforcer sa productivité.

Les efforts se sont poursuivis sur les grilles de programmes, tout particulièrement pour France 24 ([10]) qui affiche des résultats budgétaires en fortes économies. Ils se sont également poursuivis sur les coûts de distribution et de diffusion, sans remettre en cause la couverture des zones stratégiques prioritaires. Du fait des contraintes budgétaires subies, le groupe a toutefois dû se retirer de certaines zones (distribution payante aux États-Unis et en Scandinavie, arrêt de la diffusion sur la TNT en outre-mer ([11]), arrêt prévu de la diffusion sur la TNT en Île-de-France). L’année 2019 a également été marquée par l’arrêt de l’émetteur de Chypre pour MCD, qui en permettait la diffusion en ondes moyennes, perte toutefois compensée en grande partie par le développement en numérique ([12]).

Par ailleurs, des économies ont été à nouveau réalisées sur les directions supports et transverses et sur l’ensemble des frais de fonctionnement de l’entreprise, et la hausse des gains de productivité s’est poursuivie, avec notamment une hausse des départs de personnels non remplacés.

3.   Un cadre budgétaire qui demeure contraint, dans un contexte de crise et de concurrence internationale

Conformément à la trajectoire fixée par le Gouvernement pour l’audiovisuel public à l’été 2018 et à horizon 2022, qui avait remis en cause les engagements pris – entre autres – dans le contrat d’objectifs et de moyens (COM) de FMM pour 2016‑2020, la dotation de FMM pour 2021 s’élève à 254,70 M€, en baisse de 0,50 M€ par rapport à l’année précédente. La dotation pour 2020 était elle-même en baisse de 1 M€ par rapport à 2019, et de 10 M€ par rapport aux engagements du COM pour 2020.

Au total, pour FMM, la baisse de ressources publiques allouées s’élève à 3,5 millions d’euros sur 2018-2022. À cette trajectoire, s’ajoute l’évolution automatique de certains coûts, à commencer par le glissement de la masse salariale (voir infra).

Cette trajectoire, comme votre rapporteur avait déjà pu le déplorer dans ses précédents rapports, s’inscrit à rebours des choix opérés par nos principaux concurrents, dans un contexte où la compétition audiovisuelle mondiale s’intensifie plus que jamais :

- la Deutsche Welle, qui disposait en 2019 d’une dotation de 350 millions d’euros, en croissance continue ces dernières années (+25 % depuis 2013), a bénéficié en 2020 d’une dotation de 365,5 millions d’euros, qui doit atteindre les 400 millions à l’horizon 2022 ;

- le budget de BBC World Service s’élevait en 2019 à 346,3 millions d’euros, abondé par la redevance britannique (245 millions d’euros) et par une subvention du Foreign office ;

- l’US Agency for global media (USAGM), qui regroupe cinq réseaux de médias dont la radio Voice of America, peut s’appuyer sur un budget de 692,4 millions d’euros.

Enfin, si les données relatives aux médias extérieurs chinois (CGTN) ([13]) et russes (RT) ne sont pas disponibles, les chaînes s’inscrivent dans une ambition nette d’expansion mondiale, au service d’une stratégie d’influence offensive. Côté chinois, il faut mentionner le lancement de CGTN Africa, qui diffuse en anglais depuis Nairobi et s’accompagne de stations de radio en langues locales récemment créées, et le lancement en 2019 de CGTN Europe, qui dispose désormais d’un centre de production à Londres. Côté russe, on observe le développement d’une stratégie de présence et de distribution des médias en Amérique Latine, aux États-Unis, ou encore en Europe, notamment à travers le lancement en 2017 de la chaîne de télévision RT en français. Par ailleurs, la Russie souhaite également concevoir une offre destinée à l’Afrique francophone, où l’audiovisuel extérieur français occupe aujourd’hui une place centrale.

Les médias du groupe FMM peuvent également se voir concurrencés dans certains bassins d’audience historiques par des médias pan-régionaux, qui mènent d’importantes politiques d’influence et d’expansion. Cela vaut pour des médias panarabes, mais aussi pour l’européen Euronews.

Le groupe qatari Al Jazeera, qui compte 80 bureaux à travers le monde et émet ses programmes à partir de quatre centres (Doha, Londres, Washington et Kuala Lumpur), représente un concurrent historique pour FMM au Moyen-Orient et au Proche-Orient et mène une politique d’expansion en Afrique. Le groupe saoudien MBC, qui détient la chaîne d’information Al-Arabiya, concurrent historique pour les médias de FMM au Proche et au Moyen-Orient, tente de développer sa présence au Maghreb, important bassin d’audience pour France 24 arabophone.

La chaîne d’information internationale pan-européenne Euronews, qui diffuse des programmes d’information en 12 langues et est détenue par un actionnaire non-européen, Media Globe Networks (MGN), développe une stratégie de présence active en Afrique et en Europe avec le lancement en 2016 de la chaîne de télévision AfricaNews basée au Congo et des franchises Euronews Albanie, lancée fin 2019, Euronews Géorgie et Euronews Serbie courant 2020.

a.   Une fragilisation des ressources propres

Le contexte particulier de 2020 impose de prendre en compte les conséquences financières de la crise liée à la pandémie de covid-19, qui sont de nature à fragiliser le groupe. Les ressources commerciales (publicité, parrainage, distribution) représentent une faible part dans les comptes d’exploitation du groupe – 3 % – mais leur baisse du fait de la crise sanitaire vient se superposer à une succession de baisses des ressources publiques. En effet, la crise sanitaire et le confinement ont réduit la consommation, et par là-même l’achat d’espaces publicitaires. La reprise semble d’autant plus incertaine que les principaux annonceurs du groupe sont les compagnies aériennes, les chaînes hôtelières internationales et les offices du tourisme, soit autant de secteurs parmi les plus affectés par la crise.

Alors les ressources propres du groupe ont augmenté de 1 M€ entre 2017 et 2019, et que la trajectoire financière arrêtée à horizon 2022 prévoyait un objectif de 12,9 M€ en 2021, soit une hausse de 1,5 million par rapport à 2019, la trajectoire pourrait être remise en cause par la crise sanitaire. Si les estimations sont encore incertaines à ce stade, la société anticipe à date une diminution de 1,60 M€ de ses recettes publicitaires en 2020, et de près de 1 M€ en 2021.

Source : DGMIC

Si le groupe estime être en mesure de compenser les pertes anticipées sur l’exercice 2020 grâce aux économies générées par la baisse d’activité, l’importance de ces économies de circonstance ne saurait être exagérée pour une entreprise où les coûts liés au personnel constituent 54 % des charges d’exploitation.

b.   Des charges d’exploitation en progression

La remise en cause de la trajectoire de ressources propres risque de créer un effet ciseaux, dans un contexte où les charges d’exploitation devraient continuer leur progression.

Entre 2017 et 2019, hors dépenses couvertes par des subventions de bailleurs de fonds internationaux, les charges d’exploitation de FMM ont connu une progression de 0,80 M€ (soit +0,3 %). Cette augmentation est principalement imputable à la hausse des coûts associés à la rédaction de France 24 (+2,30 M€), à certaines charges liées à la gestion du personnel (telles que les provisions pour indemnités de départ à la retraite, litiges, etc. à hauteur de +1,60 M€), aux moyens communs (+1,60 M€) et aux environnements numériques (+0,70 M€). Les économies réalisées sur la distribution (-2,80 M€), la communication (-0,90 M€), les directions transverses (-0,80 M€) et la rédaction de RFI (-0,70 M€) compensent partiellement cette hausse.

Le budget 2020 prévoit une augmentation de 1,30 M€ des charges d’exploitation de FMM par rapport à 2019. Cette évolution résulte principalement de :

-         la progression de 4,60 M€ du coût des offres linéaires et numériques de FMM (181,30 M€), essentiellement liée à la non-reconduction d’économies réalisées en 2019 par les rédactions, au renforcement de l’offre de contenus en langues africaines (projet Afrikibaaru qui devait commencer au 1er juillet 2020 mais retardé en raison de la crise), à la progression de coûts techniques ainsi qu’à l’évolution de la masse salariale ;

-         la hausse de 0,70 M€ des dépenses affectées aux environnements numériques (8,60 M€) liée à la progression du coût de bande passante, à la revalorisation du budget de maintenance, au développement d’applications ainsi qu’au comblement de postes vacants ;

-         la diminution de 2,60 M€ des dépenses de distribution (26,20 M€) liée à la fermeture du site chypriote de diffusion en ondes moyennes de MCD, au retrait de certains marchés ainsi qu’à la renégociation de contrats ;

-         la stabilité des dépenses de communication et de marketing (3,50 M€) ;

-         la diminution de 2,20 M€ des dépenses affectées aux directions communes et moyens généraux (43,50 M€) principalement liée à la baisse du budget destiné à couvrir les coûts des litiges sociaux et transactions ainsi qu’à la baisse de variation de provision congés payés, compte épargne temps et jours de récupération.

S’agissant des charges de personnel, on constate une augmentation de 3,2 millions d’euros (hors coûts des litiges et départs personnels), qui s’explique principalement par deux facteurs : glissement de la masse salariale (+3,9 M€) et développement de l’activité de la société (création de postes dédiés au numérique, édition d’InfoMigrants, internalisation de prestataires : +0,9 M€).

Le budget 2020 intègre une hausse des charges de personnel de 0,70 M€ par rapport à 2019. Cette progression est liée :

-         au glissement de la masse salariale à hauteur de +1,1 M€, en baisse de 0,6 M€ par rapport à l’enveloppe budgétaire annuelle de 1,7 M€ du fait de la politique de modération salariale prévue dans le cadre du plan d’économies déployé par l’entreprise ;

-         à la revalorisation des rémunérations des pigistes (+0,5 M€) ;

-         à des comblements de postes vacants et recrutements sur certaines fonctions (direction technique, environnements numériques, service achats, remplacements dans le cadre de la mise en place de l’outil de coordination éditoriale Open Media) (+0,80 M€).

Ces facteurs de hausse sont partiellement compensés par des économies générées par des départs de personnels (transformation numérique de la rédaction en anglais de RFI, fermeture du site d’émission en ondes moyennes de Chypre, départs non remplacés) (-1,7 M€).

B.   TV5 Monde : un moment charnière pour la chaîne francophone

1.   Des résultats conformes au plan stratégique 2017-2020

a.   Les audiences restent marquées par une forte progression de la consommation en numérique

Les indicateurs d’audience des offres numériques de TV5 Monde sont en forte croissance depuis plusieurs années. La fréquentation des sites et applications a progressé de 38 % au cours du premier semestre 2020, et de respectivement 82 % et 397 % par rapport aux premiers semestres 2019 et 2018.

La consommation de vidéos est passée de 148 millions de vues en 2017 à 379 millions en 2019. Au premier semestre 2020, TV5 Monde enregistre une moyenne mensuelle de consommation de 43,4 millions de vidéos vues contre 30,6 millions au cours du premier semestre.

TV5 Monde anime plus de 60 comptes de réseaux sociaux, répartis par zones géographiques, émissions ou thématiques, rassemblant une communauté de plus de 14,5 millions de membres. Ces derniers se concentrent majoritairement sur Facebook (11,2 millions / +15 %). S’agissant de YouTube, le groupe enregistre plus de 10 millions de vidéos vues chaque mois sur le premier semestre 2020, avec un pic de 12,3 millions au mois de mars. Avec plus de 1,6 million d'abonnés au total sur Twitter, l'ensemble des comptes TV5 Monde enregistre en moyenne 600 000 vidéos vues chaque mois sur le premier semestre 2020.

Cette progression du numérique s’accompagne en Europe d’une tendance à la baisse des audiences en linéaire. En 2019, la chaîne a enregistré 4,9 millions de téléspectateurs hebdomadaires, soit –9 % par rapport à 2018. À noter que TV5 Monde a également connu une hausse de 38 % du nombre de ses téléspectateurs hebdomadaires entre le 1er semestre 2019 et le 1er semestre 2020 durant la crise sanitaire ([14]). Dans les autres zones (Afrique francophone, Asie, Afrique du Nord et Moyen-Orient), les audiences hebdomadaires cumulées confirment leur tendance à la hausse. Pour rappel, compte tenu de la très large diffusion de la chaîne et des coûts que représenteraient une mesure globale des audiences, l’évaluation se concentre sur 24 pays.

 

 

 

 

Évolution des audiences hebdomadaires en millions de telespectateurs

 

2017

2018

2019

TV5MONDE : Afrique francophone 

29,86

**

26,57

TV5MONDE : Afrique du Nord / Moyen-Orient

4,03

4,46

4,58

TV5MONDE : Europe 

5,54

5,51

4,92

TV5MONDE : Asie

2,46

3,03

3,39

TV5MONDE : TOTAL

41,90

**

39,46

TiVi5 : Afrique francophone

*

**

21,83

TV5MONDE / TiVi5 : Afrique francophone

*

44,82

48,40

TV5MONDE / TiVi5 : TOTAL

*

57,82

61,29

Nb pays étudiés

24

24

24

* TiVi5 non mesurée

** pas de ventilation entre TV5MONDE et TiVi5 (données agrégées)

Source : DGMIC

En termes de classement, la généraliste TV5 Monde se positionne en Afrique francophone dans le duo de tête des chaînes internationales pour l’audience cumulée hebdomadaire comme pour la notoriété (2ème derrière Novelas TV, une chaîne consacrée aux séries latino-américaines), tandis que la chaîne jeunesse TiVi5 se classe première dans sa catégorie sur les 4-14 ans.

Au Maghreb TV5 Monde est également numéro un au classement des chaînes francophones pour l’audience hebdomadaire.

b.   Les objectifs du plan stratégique 2017-2020 ont été globalement atteints

Le plan stratégique pour 2017-2020, adopté par le conseil d’administration de TV5 Monde en janvier 2017, visait à réaffirmer le rôle de TV5 Monde comme premier instrument de la francophonie dans le paysage audiovisuel mondial.

Le plan s’est appuyé sur deux orientations prioritaires : la transformation numérique d’une part, marquée par le lancement en septembre 2020 de la plateforme numérique TV5MONDEplus, et la priorité géostratégique africaine d’autre part, l’Afrique étant le principal bassin de développement démographique et de croissance économique pour la francophonie.

i.   L’Afrique

Priorité de la chaîne francophone, l’Afrique est à la fois une zone de diffusion et un territoire de partenariats.

Pour rappel, l’audience cumulée hebdomadaire africaine des offres TV5 Monde (intégrant l’audience de la chaîne thématique jeunesse TiVi5) s’établit à 59,1 millions de téléspectateurs en 2020 (contre 57,8 millions en 2018).

TV5 Monde investit dans les productions locales et accompagne la promotion des œuvres, au niveau local comme international, notamment par le biais de l’offre numérique Afrique. Il peut s’agir de grands groupes français présents en Afrique mais également de sociétés et diffuseurs locaux. TV5 Monde porte une attention particulière aux coproductions entre les pays francophones.

TV5 Monde se positionne notamment comme coproducteur de séries en particulier en Côte d’Ivoire et au Sénégal, où les secteurs audiovisuels sont les plus dynamiques. À titre d’exemple, TV5 Monde est coproducteur de la série Wara (France, Sénégal et Niger). TV5 Monde, par le biais du préachat jeunesse et de sa chaîne Tivi5, participe par ailleurs activement au développement de l’industrie de l’animation et des programmes jeunesse en Afrique, en partenariat avec des studios notamment en Côte d’Ivoire (Afrika Toon, Voyelles Editions, Studio 6, etc.).

TV5 Monde produit également des émissions visant spécifiquement le continent africain telles que deux magazines à destination de la famille « Les Maternelles d’Afrique » (magazine familial sur la maternité et la petite enfance) inspiré du magazine de France 5 (une coproduction Yobo Studios, Togo) et « Bonne santé ! », un magazine de santé publique et de prévention qui sensibilise et informe tous les publics sur tous les sujets de santé au quotidien (une coproduction On Est Ensemble Productions, Gabon).

TV5 Monde conclut des accords de diffusion et/ou de promotion avec les diffuseurs africains, pour des programmes financés en commun. S’agissant du cinéma, TV5 Monde est un partenaire de l’Association des trophées francophones du cinéma, événement annuel dédié au cinéma francophone à destination du grand public et des professionnels. TV5 Monde est par ailleurs membre et partenaire du Fonds pour la Jeune Création Francophone ([15]) .TV5 Monde est également partenaire des Francofolies de Kinshasa, et du Festival panafricain du cinéma et de la télévision (FESPACO), ainsi que de très nombreuses manifestations culturelles à Dakar, Abidjan, Libreville, Brazzaville, Kinshasa, Ouagadougou, Yaoundé, Marrakech, Alger, Carthage, Tunis, etc.

Enfin, TV5 Monde est engagé dans la Saison des cultures africaines : Africa 2020, qui est reportée et qui se déroulera en France de décembre 2020 à juillet 2021. Cet évènement aura pour but de sensibiliser le public français à l’Afrique contemporaine, en mettant l’accent sur la jeunesse et les talents émergents. Elle sera également l’occasion de lancer des partenariats structurants dans tous les domaines de la création, d’encourager l’entrepreneuriat culturel, et de valoriser l’expertise africaine.

ii.   La transformation numérique

La réorganisation de l’offre numérique autour de grandes thématiques (Information, Jeunesse, Afrique, Langue Française, Télévision, Culture Art de vivre) est parachevée. TV5 Monde poursuit en 2020 le label « TV5 Monde webcréations », lancé en mars 2019, qui vise à favoriser le développement de formats de programmes nativement numériques, faisant appel à de jeunes talents francophones, et destinés au public des 15-35 ans.

Dans sa volonté de repenser une offre éditoriale multi-supports, TV5 Monde a également lancé dès début 2020 la « Collection Reportages », rendez-vous d’information décliné sur l’ensemble des supports de la chaîne (diffusion de sujets dans les journaux télévisés, version longue accessible sur les environnements propres, relais par le biais des réseaux sociaux).

Cette stratégie, sanctionnée par la progression fulgurante des audiences numériques, a été marquée par le lancement le 9 septembre 2020 – selon des délais tenus malgré les obstacles créés par la crise sanitaire – de la plateforme numérique francophone TV5MONDEplus, accessible gratuitement (avec publicité) dans le monde entier, hors États-Unis, Pays-Bas et Chine, pour des raisons contractuelles.

La plateforme numérique francophone TV5MONDEplus

 

TV5 Monde et TV5 Québec Canada ont développé et lancé une offre de vidéos à la demande, accessible gratuitement (avec publicité) le 9 septembre 2020 : TV5MONDEplus.

Le catalogue de cette offre, ajusté localement en fonction de la disponibilité des droits, est généraliste et réunit séries de fiction, cinéma, documentaires, magazines… fournis par les diffuseurs partenaires de la chaîne francophone ou acquis directement par TV5 Monde. Cinq langues de sous-titrage sont disponibles (français, anglais, espagnol, allemand et arabe).

L’abonnement sous forme d’authentification gratuite sera nécessaire après quelques visionnages de programme dans le but de constituer la première base de données d’abonnés francophones et francophiles manifestant un intérêt pour la culture, l’art de vivre et le tourisme des pays bailleurs de fonds de TV5 Monde.

Source : Direction générale des médias et des industries culturelles.

Si le développement de la plateforme devrait être au cœur du prochain plan stratégique de TV5 Monde (voir infra), ce projet, essentiellement porté par le Canada, pourrait bénéficier d’un investissement supplémentaire de la France, afin d’y voir apparaître davantage de programmes français, qui ne représentent aujourd’hui que 10 % des programmes mis en ligne.

iii.   La préparation du plan stratégique pour 2021-2024

Si l’essentiel des objectifs du plan qui doit s’achever cette année a été atteint, il faut rappeler que certains d’entre eux ont dû être abandonnés faute de moyens suffisants. Ainsi deux zones restent non couvertes par la chaîne en haute définition (HD) : l’Afrique subsaharienne d’une part, et l’Amérique latine, où d’importants opérateurs exigent un dispositif HD pour maintenir la chaîne dans leurs offres. Parmi les autres objectifs n’ayant pas pu être atteints, la hausse des volumes de sous-titrage et la mise en place du sous-titrage automatisé, ainsi que l’extension du développement de certaines des chaînes thématiques, notamment en Europe et en Amérique latine.

TV5 Monde travaille actuellement à l’élaboration du plan stratégique pour la période 2021-2024, dont le principal axe devrait être le développement de la plateforme TV5MONDE plus. Un accent sera également mis sur le développement durable, avec un nouveau pilier consistant à faire de TV5 Monde la « chaîne de la planète », avec une révision de la Charte de la chaîne. L’approfondissement de la dimension africaine de la programmation, ainsi que la poursuite du développement de synergies avec les diffuseurs publics francophones, devaient également être développés dans le prochain plan.

Enfin, les méthodes ont été complètement revues pour l’élaboration du nouveau plan : format réduit (d’une centaine à une vingtaine de pages, réduction de moitié des objectifs), intégration de 29 nouveaux indicateurs de performance sur 47 et volonté d’en améliorer le suivi, ce qui nécessitera des logiciels adaptés.

À noter que la France, qui occupe pour 2020-2021 la présidence tournante de la conférence des ministres des Gouvernements bailleurs de fonds de la chaîne, joue un rôle de coordination entre la société et les Gouvernements partenaires dans l’élaboration du plan, qui devrait être soumis à l’approbation des bailleurs de fonds d’ici la fin de l’année 2020.

À ce sujet, votre rapporteur regrette que la France n’ait pas à ce stade saisi l’occasion constituée par la présidence tournante pour rattraper son retard de financement, qui s’élève à environ 1,2 million d’euros sur les frais communs ([16]), vis-à-vis des autres bailleurs de fonds, qui sont à tous à la hauteur de la contribution attendue – certes moins élevée que la participation française (un neuvième chacun contre six neuvièmes pour la France).

En plus d’une éventuelle contribution accrue à l’enrichissement des programmes en français de la plateforme TV5Monde plus, la France pourrait mettre à profit sa présidence tournante pour œuvrer à assouplir les règles de contribution à la chaîne, en dehors du cadre strict des adhésions. Pour rappel, le précédent plan stratégique mettait l’accent sur l’ouverture vers Luxembourg et Monaco, mais les démarches n’ont pas abouti à ce stade. Si un accord sur la contribution de Monaco au financement pourrait aboutir prochainement, cette démarche d’ouverture pourrait aussi concerner à l’avenir des pays d’Afrique.

2.   Une trajectoire financière stable mais contrainte

Conformément aux engagements pris par le président de la République à horizon 2022, la dotation prévue pour TV5 Monde en 2021, qui s’élève à 76,15 M€, sera stable par rapport à 2020 et à 2019, année qui avait été marquée par une baisse de 1,2 M€ par rapport à l’année précédente.

Si cet engagement a permis d’assurer une visibilité pour la chaîne – il s’agissait du premier engagement pluriannuel de la France – n’en demeure pas moins contrainte, et avait été précédée d’une demande de réalisation d’un plan d’économies par les gouvernements bailleurs de fonds.

a.   La poursuite de la mise en œuvre du plan d’économies et ses conséquences sur la politique de distribution

Le plan d’économie, étalé sur cinq ans, a conduit en 2019 aux réductions de dépenses les plus importantes de l’histoire de l’entreprise, essentiellement concentrées sur la distribution : abandon de satellites avec la fermeture de la chaîne au Brésil, recul en Europe représentant 30 millions de foyers, baisse drastique de la disponibilité dans le pourtour méditerranéen et le Caucase, suppression d’une partie importante des productions propres dont les journaux télévisés diffusés de nuit, ce qui peut pénaliser la chaîne sur le continent américain du fait du décalage horaire.

Au total, entre le réalisé 2017 et la projection 2020, l’ensemble des dépenses a diminué de 1,2 % soit de 1,32 M€. Cette réduction tient pour partie aux mesures d’économie (économies sur les prestations de sous-titrage, effets de la réduction de la distribution satellitaire, gel des dépenses de communication et de marketing) et dans une moindre mesure à des causes conjoncturelles liées à la crise sanitaire (arrêt temporaire de certaines productions, économies sur les partenariats).

La perte de foyers européens (-14 %, hors zones francophones) a pu être en partie compensée par le gain opéré en Asie (+11 %) et notamment en Inde, en Afrique (+25 %) et en Amérique latine (+15 %), mais le résultat final s’est malgré tout traduit par un recul, avec une perte totale en 2020 de 11 millions de foyers par rapport à 2019, soit une baisse de 3 %. En 2020, la chaîne était ainsi accessible à 353 millions de foyers dans le monde.

En Europe, la fin de la diffusion satellitaire en Irlande et au Royaume-Uni s’était déjà traduite par une perte de 15 millions d’abonnés, dans une zone pourtant très équipée en numérique que le gouvernement français avait présenté comme une voie d’accès suffisante. À ce sujet, votre rapporteur souhaite alerter sur deux points de vigilance : d’une part, la diffusion satellitaire n’est pas nécessairement plus onéreuse que la diffusion par internet, d’autre part, une diffusion satellitaire est beaucoup plus difficile à interrompre qu’une diffusion par internet, qui s’avère donc beaucoup moins protectrice de l’information dans des zones où des entraves peuvent être imposées par les autorités.

Pour autant, afin de conserver des moyens pour la mise en œuvre de ses priorités stratégiques, TV5 Monde a dû pour la première fois procéder à un plan de licenciements, financé sur le budget 2019 et correspondant à 9 équivalents temps plein (ETP) permanents et 11 non-permanents, sur les missions d’information et de production.

b.   Un impact financier de la crise sanitaire inévitable

Les conséquences de la crise sanitaire auront sans nul doute un effet sur l’équilibre financier de la chaîne, bien qu’il reste difficile à quantifier à ce stade. Les deux principales sources d’autofinancement de la chaîne, à savoir les ressources publicitaires et les revenus de distribution (dans les zones où la chaîne est payante), ont été fragilisées par la crise sanitaire. Au total, la société anticipe en 2020 un recul de ses ressources propres de l’ordre de 2 M€, dont 1,3 sur les recettes de distribution et 0,8 à 1,5 million sur les recettes publicitaires.

Source : DGMIC

En outre, les inquiétudes portent plus encore sur 2021, dans la mesure où de nombreuses dépenses prévues initialement en 2020 ont été décalées à l’année prochaine, du fait notamment du report d’évènements tels que les Jeux olympiques – dont la chaîne acquiert les droits pour l’Afrique – ou le sommet de la Francophonie, dont TV5 Monde a la responsabilité d’assurer une couverture majeure.

Les baisses de ressources interviennent alors que le lancement de la plateforme TV5MONDE plus est venu constituer un nouveau poste de dépenses pour la société, avec une allocation de 6,28 M€ au projet soit 5,7 % des dépenses d’exploitation. Parmi les tendances de fond, il faut aussi mentionner la progression, à hauteur de 2 % sur 2017-2019, des charges de personnel.

III.   lA COOPération AUDIOVISUELLE franco-allemande : un projet bilatéral et européen

A.   UN PARTENARIAT UNIQUE EN SON GENRE, pleinement intégré au couple franco-allemand

La coopération audiovisuelle franco-allemande apparaît comme un partenariat unique en son genre, reposant à la fois sur des liens étroits et multiples et sur une ambition résolument tournée vers l’Europe. 

Les projets sont nombreux. À la chaîne franco-allemande Arte, qui fête cette année son trentième anniversaire, s’ajoute le solide partenariat développé ces dernières années entre France Médias Monde et la Deutsche Welle (voir infra), ainsi que des projets ponctuels de coopération et des partenariats ciblés entre institutions. Concernant les chaînes publiques, on peut notamment mentionner la création de « l’Alliance », qui associe France Télévisions, la Zweites Deutsches Fernsehen (ZDF) et la Rai (Italie) pour des projets de coproduction de fictions – essentiellement de séries télévisées à ce stade ([17]) – qui sont ouverts à la participation d’autres diffuseurs publics européens et favorisent la structuration d’une réponse européenne à la concurrence des plateformes américaines.

Dans le domaine du cinéma, la coopération franco-allemande s’est notamment appuyée ces dernières années sur l’accord franco-allemand relatif au soutien de projets de coproduction cinématographique franco-allemands dit « Mini‑traité » signé à Cannes le 17 mai 2001 et modifié en 2015 ([18]). Cet accord organise l’octroi d’aide à la coproduction et/ou au développement de projets franco‑allemands, à une société de production établie en France et à une société de production établie en Allemagne, dans le cadre d’une co-production. Les aides doivent porter sur des projets de long-métrage (fiction, animation, documentaire de création) destinés à une première exploitation en salles, et présentant un intérêt commun pour les deux pays. Le montant annuel dédié s’élève à 3 millions d’euros, dont 1,5 million d’euros du Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC) et 1,5 million d’euros du Filmförderungsanstalt (FFA) et du Beauftragte der Bundesregierung für Kultur und Medien (BKM) ([19]).

À noter que comme l’a souligné en audition son actuel directeur, M. Peter Dingers, le FFA, autorité de régulation et de soutien du cinéma allemand, s’est inspirée lors de sa création en 1948 du CNC, perçu comme un exemple à suivre malgré quelques différences (d’une part, le FFA ne soutient que des œuvres cinématographiques là où le CNC soutient aussi des œuvres audiovisuelles, d’autre part, la compétence en matière de cinéma est prioritairement détenue en Allemagne par les Landers, sauf pour la dimension de promotion extérieure).

En outre, la coopération audiovisuelle s’inscrit dans le cadre plus global de la coopération culturelle franco-allemande. En effet, le réseau culturel implanté en Allemagne est l’un des plus grands réseaux culturels français dans le monde, depuis la création en 1949 du premier Institut français à Freiburg ([20]). Autour des trois priorités que sont la langue, l’éducation et la culture, l’Institut français contribue à la consolidation des relations franco-allemandes.

À titre indicatif, l’Allemagne est aujourd’hui le plus gros territoire à l’export pour la filière musicale française (à hauteur de 32,4 millions d’euros), le deuxième territoire européen de diffusion des films français, et, avec l’Autriche, le principal acheteur de programmes audiovisuels français. Au total, l’Allemagne est le plus important partenaire de la France dans les secteurs de la musique et du film.

La proximité géographique apparaît comme un atout pour favoriser la circulation des œuvres et des hommes, freinée depuis plus de six mois par la crise sanitaire. Ainsi, près de 8 500 étudiants allemands sont inscrits chaque année dans une université française, et on compte 183 cursus intégrés entre universités françaises et allemandes. Environ 400 00 élèves participent chaque année à des programmes d’apprentissage de la langue française, et l’Allemagne demeure le premier pays au monde pour la passation des certifications de français langue étrangère (DELF).

B.   le rôle moteur du partenariat entre France medias monde et la deutsche welle

1.   Une coopération dynamique, portée des projets communs et une collaboration éditoriale régulière

La coopération audiovisuelle franco-allemande a trouvé un aboutissement tout particulier, que votre rapporteur ne peut que saluer, au niveau des opérateurs de l’audiovisuel extérieur que sont France Médias Monde et Deutsche Welle.

La Deutsche Welle

 

Fondée en 1953, la Deutsche Welle est le service international de diffusion de l’Allemagne, financé par des ressources fiscales fédérales. Son siège est situé à Bonn et son studio principal à Berlin, les bureaux internationaux accueillant environ 1 500 employés permanents et presque autant de collaborateurs en free-lance, dans plus de 60 pays.

La DW propose aujourd’hui un contenu multimédia en 30 langues, qui touche chaque fois plus d’un milliard de personnes dans le monde.  Les objectifs de la DW rejoignent sensiblement ceux de FMM : à savoir, offrir un forum d’échanges sur des sujets de première importance, ouverts aux points de vue allemands et à d’autres, dans le but de promouvoir la compréhension et l’échange d’idées entre les différentes cultures et les différents peuples. La DW a pour objectif de favoriser une communauté mondiale pacifique et stable, et se concentre pour ce faire sur des thématiques telles que la liberté, les droits de l’homme, la démocratie et la bonne gouvernance, le libre-échange et la justice sociale, l’éducation à la santé et la protection de l’environnement, ou encore les technologies et l’innovation.

La DW produit des contenus multimédias distribués par la télévision, la radio, les médias sociaux et Internet. Outre un contenu numérique disponible en 30 langues, la DW comporte des chaînes de télévision en anglais, arabe, espagnol et allemand.

DW comporte également un département, la Deutsche Welle Akademie, qui travaille à promouvoir la liberté d’expression, les droits de l’homme et le développement de systèmes médiatiques fonctionnels. La DW Akademie soutient des projets portant sur l’éducation aux médias et à l’information, la viabilité des médias ou encore les droits numériques.  DW Akademie reçoit depuis 2017 des fonds du ministère fédéral de la coopération économique et du développement (BMZ) au titre de l’aide publique au développement. Jusqu’à cette date, les projets menés par la DW Akademie, dans les pays prioritaires de l’aide au développement, étaient financés exclusivement par des bailleurs de fonds, dont l’agence allemande de développement GIZ. À titre indicatif, les montants alloués par le BMZ pour les projets de la DW Akademie en 2018 s’élevaient à 27 millions d’euros. Un financement complémentaire de l’ordre de quelques millions d’euros est fourni par le ministère des affaires étrangères.

Source : Deutsche Welle, Ambassade de France en Allemagne

Depuis 2017, FMM et DW, organisent chaque année des réunions stratégiques pour échanger et définir les différentes possibilités de coopération. La dernière réunion a eu lieu le 15 septembre 2020 en format virtuel. Les échanges ont notamment porté sur les défis auxquels sont confrontés les médias internationaux en période de crise sanitaire, les initiatives médiatiques européennes et les projets communs à horizon 2021, et les deux groupes ont réaffirmé leur souhait partagé de poursuivre leurs projets communs et collaborations éditoriales.

La coopération entre FMM et DW s’est concentrée depuis 2016 sur plusieurs projets communs devenus emblématiques :

-         InfoMigrants, lancé en 2017 par FMM et la DW, rejoints par l’agence de presse italienne l’ANSA, InfoMigrants vise à faciliter l’accès à une information vérifiée et fiable en plusieurs langues pour les migrants et les réfugiés. Cofinancé par l’Union Européenne, le projet prend la forme d’un site participatif adapté à la consommation en mobilité, et s’appuie sur une stratégie éditoriale conçue pour les réseaux sociaux et sur une offre en cinq langues (français, anglais, arabe, dari et pachtoune). InfoMigrants a réussi à toucher en 2019 76,5 millions de contacts sur tous ses environnements numériques (Internet, Facebook, Viber, Instagram, Twitter, Telegram et YouTube), avec certains contenus vidéos visionnés plus de 10 millions de fois. Suite au rapport de l'évaluateur indépendant Open University, la Commission européenne a validé la reconduction du projet en 2019 et 2020 ;

-         90+, chaîne YouTube en turc de la DW lancée en avril 2019, et à laquelle participe France 24, de même que la BBC et USAGM. France 24 ne dispose pas de rédaction turcophone ni de financement ad hoc pour ce projet, mais y contribue en tant que télévision associée, avec une mise à disposition de programmes concernant la Turquie et conçus initialement pour les antennes de France 24, et qui sont sous-titrés et/ou doublés par la DW avant leur diffusion.

À ces projets structurants s’ajoutent une série de coopérations éditoriales régulières. Les deux groupes ont ainsi proposé en 2019 et 2020 des contenus éditoriaux communs, par exemple à l’occasion des élections européennes de mai 2019 : réalisation de plusieurs débats à Bruxelles et Berlin, réalisation d’un grand reportage d’investigation et d’une série de vidéos pour les réseaux sociaux consacrées aux primo-votants de tous les pays de l’Union européenne. D’autres évènements ont donné lieu à des collaborations, parmi lesquels on trouve les 30 ans de la chute du mur de Berlin ou le Forum de Paris sur la paix.

FMM et DW ont aussi développé une coopération étroite pour lutter contre les fausses informations, en particulier concernant l’Europe.

La crise sanitaire provoquée par la pandémie de covid-19 a également donné lieu à des programmes communs. Les deux groupes ont ainsi co-produit à distance plusieurs débats communs en anglais, ainsi qu’une émission commune le 15 juin 2020 à l’occasion de la réouverture de la frontière franco-allemande. Par ailleurs, les projets préexistants comme InfoMigrants se sont adaptés au contexte de crise en informant les populations vulnérables, via des contenus d’information et de prévention. En mars 2020, InfoMigrants a enregistré plus de 1,13 million de visites (+89 % par rapport à la moyenne de 2019) démontrant son utilité et son rôle durant cette période.

Par ailleurs, les médias de FMM sont également présents en Allemagne. France 24 est ainsi disponible auprès de 28,4 millions de foyers sur la télévision et dans 74 % des foyers TV numériques allemands. Pour des raisons budgétaires, la diffusion de France 24 en anglais sur l’opérateur de TNT connectée Freenet, qui touchait 2 millions de foyers, a toutefois dû être interrompue au 31 décembre 2019.

RFI dispose d’une présence historique à Berlin, avec une fréquence FM qui diffuse la radio en français, et un Club RFI a été constitué il y a une dizaine d’années afin de promouvoir la radio. Il s’agit aujourd’hui d’un des plus grands clubs du réseau, caractérisé par un fort dynamisme.

Enfin, l’actualité politique, économique et sociétale de l’Allemagne est très régulièrement traitée sur les antennes du groupe, dont les médias disposent de correspondants basés en Allemagne. Cette attention particulière pour l’Allemagne s’est confirmée pendant la crise sanitaire, tant concernant l’évolution de la situation que le suivi de la gestion de crise par le gouvernement.

Des personnalités allemandes sont régulièrement invitées à s’exprimer sur les médias du groupe ([21]), et plusieurs reportages sur l’histoire allemande ont été proposés ces derniers mois, avec notamment une programmation spéciale à l’occasion des 30 ans de la chute du mur de Berlin.

2.   Un axe de travail prioritaire pour la coopération franco-allemande

La coopération entre FMM et DW a trouvé un nouveau support grâce au traité d’Aix-la-Chapelle, qui intègre l’audiovisuel parmi les différentes déclinaisons souhaitées pour la relation bilatérale.

Signé le mardi 22 janvier 2019 à l’occasion du 56ème anniversaire du traité de l’Élysée, le traité de coopération et d’intégration franco-allemand d’Aix-la-Chapelle se décline en 28 articles et 15 projets prioritaires associés. Or, l’article 9 mentionne la création d’une « plateforme numérique destinée en particulier aux jeunes », et trouve un écho au niveau du 3ème projet prioritaire, qui porte sur la « création d’une plateforme numérique franco-allemande de contenus audiovisuels et d’information ».

Ce projet comporte à ce stade deux piliers, le premier porté par FMM et DW, le second par Arte (voir infra).

Le premier pilier a pris la forme d’un projet intitulé « ENTER », au développement duquel FMM et DW travaillent depuis plusieurs mois. Le projet consiste en une offre numérique d’information plurilingue et participative, visant à lutter contre la montée en puissance des populismes, à lutter contre les fausses informations et à renforcer la conscience de l’appartenance partagée à l’Europe. Le projet cible en priorité les jeunes de 18 à 34 ans et son offre sera essentiellement destinée à une consommation sur des dispositifs mobiles.

Or, la traduction concrète du projet nécessite un financement européen dédié. FMM et DW ont déjà répondu à l’été 2020 à un appel d’offres de la Commission européenne afin de pouvoir développer un premier pilote du projet en six langues ([22]) et pour six pays – le projet final ayant pour vocation d’inclure les 27 membres de l’Union européenne -  et le retour de la Commission est attendu pour la fin du mois d’octobre 2020. Le budget global du projet pilote s’élève à 3,5 M€, avec un apport demandé de 30%. Là où la Deutsche Welle a obtenu un apport du ministère des affaires étrangères allemand de 500 000 euros, France Médias Monde contribue au projet essentiellement sur ses ressources propres (269 000 euros, augmentés de 120 000 euros d’apport en fonds propres). En 2020, la Deutsche Welle a obtenu un complément de 250 000 euros, dans le cadre de la présidence allemande du Conseil de l’Union européenne. France Médias Monde n’a pas bénéficié de financement ad hoc pour contribuer au développement du projet, mais tâche de dégager des moyens sur 2020 et 2021, et prévoit d’utiliser une partie de la dotation issue du plan de relance à cet effet.

Pour votre rapporteur, l’aboutissement de ce projet apparaît tout à fait essentiel. Par essence européen, il pourra mettre l’expertise de médias de grande qualité au service de la promotion des valeurs européennes, et contribuer à la lutte contre les discours radicaux, les populismes ou encore les fausses informations qui les servent parfois.

De façon plus générale, la mobilisation de l’Union européenne dans le domaine audiovisuel gagnera à faire l’objet de toute l’attention de la présidence française du Conseil au premier semestre 2022, à l’heure où le financement prévu dans le prochain cadre financier pluriannuel de l’UE pour le programme Europe Créative – qui soutient les secteurs audiovisuel, culturel et créatif en Europe – connaît une progression, avec une enveloppe de 1,64 milliard d’euros.

À cet égard, votre rapporteur a été alerté sur le risque de révision à la baisse du financement européen d’InfosMigrants. Les discussions sont toujours en cours avec la DG Connect, afin d’assurer dans la prochaine trajectoire budgétaire européenne, sur 2021-2027, un financement maintenu au niveau arrêté jusqu’en 2019, soit 2,5 M€ annuels. Il s’agit là d’un projet d’initiative franco-allemande comportant une forte dimension européenne, et qui mérite pleinement pour votre rapporteur d’être poursuivi dans de bonnes conditions.

C.   ARTE, chaine franco-allemande tournée vers l’europe

Si la perspective de coopération du traité d’Aix-la-Chapelle est bilatérale tout en étant tournée vers l’Europe, l’approche de « regards croisés » qui caractérise la chaîne franco-allemande Arte s’inscrit aussi, depuis sa création, dans cette double perspective. La chaîne, qui fête en 2020 ses trente ans, n’est ni une chaîne française, ni une chaîne allemande : elle repose sur un triptyque réunissant Arte France, Arte Allemagne et un groupement d’intérêt économique (GIE) basé à Strasbourg.

Distribuée par câble et satellite dans plus de 20 pays européens, Arte propose plus de 85 % de programmes européens, en six langues, et a très rapidement noué des partenariats avec plusieurs chaînes publiques européennes : RTBF (Belgique), ORF (Autriche), YLE (Finlande), ERT (Grèce), SSR-SRG (Suisse), CT (République tchèque) et plus récemment RTE (Irlande) et RAI COM (Italie).

La chaîne, qui a mis en œuvre une stratégie de numérisation et d’européanisation, a réussi à diversifier ses publics et connaît dans l’ensemble une remarquable progression de ses audiences.

ARTE connaît en France comme en Allemagne une progression continue de ses parts d’audience sur le linéaire, pour s’établir au premier semestre à 2020 à 2,8 et 1,2 %, en hausse respectivement de 12 et de 9 % par rapport au premier semestre 2019.

L’audience numérique a également progressé, avec une croissance de 70 % sur un an, et le passage à plus d’un milliard de vidéos vues. Cette importante progression s’est confirmée au premier semestre 2020 : entre janvier et mai, Arte a cumulé en moyenne chaque mois 136 millions de vidéos vues, en hausse de 79 % sur un an.

C’est dans ce contexte de dynamisme qu’Arte doit lancer à l’automne 2020 son projet de plateforme européenne, deuxième pilier audiovisuel du traité d’Aix-la-Chapelle, intitulé « La collection européenne ». Ce projet, dont la version pilote est prévue pour le mois d’octobre, doit fournir une offre numérique gratuite, essentiellement de fictions. Depuis 2015, Arte a développé une offre numérique de programmes sous-titrée en six langues (allemand, français, anglais, espagnol, polonais et italien) avec le soutien financier du programme MEDIA de l’Union européenne. Arte entend enrichir ce socle et l’étendre, notamment à travers l’exposition de programmes de ses diffuseurs sociétaires (ARD, ZDF et France Télévisions), cette coopération ayant vocation à s’étendre à terme à d’autres diffuseurs publics européens dont les neuf chaînes européennes partenaires de la chaîne, la Suisse s’étant déjà associée au projet.

Sur les financements, Arte s’est appuyé sur 250 000 euros de fonds européens pour financer de nouveaux sous-titrages : les programmes inclus étant pour l’essentiel préexistants, les coûts supplémentaires se sont concentrés sur cet aspect.

Si on peut se féliciter du succès rencontré par Arte, il faudra être vigilant concernant l’impact de la crise, qui risque là encore de se traduire par un effet de ciseaux.  Très touchée par la suspension des productions, Arte, qui travaille en flux tendu, a dû se tourner vers le marché pour acquérir des programmes, dont les coûts ont sensiblement augmenté. Le coût estimé pour 2020 est d’1,4 million d’euros, tandis que pour 2021, les principales craintes portent sur le surcoût des programmes interrompus, estimé à 1,8 million d’euros. Par ailleurs, les achats massifs de programme vont avoir un impact durable sur les coûts d’approvisionnement de la chaîne, alors que les trajectoires financières sont à la baisse. La dotation prévue pour 2021 s’élève à 273,3 millions d’euros, en baisse de deux millions par rapport en 2020, du fait de la participation de la société à l’effort de redressement des finances publiques.


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   CONTRIBUTION PRÉSENTÉE
AU NOM DU GROUPE LIBERTÉS ET TERRITOIRES

La crise sanitaire du covid-19 et le confinement qui s’est imposé en France et dans de nombreux pays du monde ont remis la télévision au centre du salon, alors que celle-ci est de plus en plus reléguée dans un coin du domicile par le jeu de la concurrence des différents écrans.

Tandis que beaucoup de pans de la société étaient à l’arrêt, elle est demeurée pour de nombreux français cette lucarne sur le monde, mais également cette lucarne sur la France et la francophonie pour les nombreux auditeurs de France 24, TV5 Monde ou Arte dispersés sur l’ensemble du globe.

Ces canaux audiovisuels, ajoutés aux canaux radiophoniques de RFI et de Monte Carlo Doualiya, n’ont jamais cessé d’alimenter les foyers malgré les fortes contraintes qui se sont imposées à eux. Les chiffres des audiences de cette année 2020 au plus fort de la crise sanitaire montrent d’ailleurs que ces efforts ont été remarqués. C’était surtout le cas en Europe, et notamment en France avec une hausse de 38% du nombre de téléspectateurs hebdomadaires pour TV5 Monde par exemple. Il s’agit là d’un véritable témoignage de confiance dans le travail journalistique de ces médias, alors qu’une tornade d’informations contradictoires circulaient dans tous les canaux.

Pourtant, si la crise sanitaire a eu un effet bénéfique sur les audiences de notre audiovisuel extérieur, venant d’ailleurs conforter les hausses globalement observées en 2019, celle-ci aura des conséquences néfastes quant aux moyens dont ils disposeront.

Nous le regrettons d’autant plus que ce projet de loi de finances pour 2021 présenté par le Gouvernement ne viendra pas combler ces manques.

À ce jour, France Médias Monde estime que ses recettes publicitaires pourraient connaître une diminution de 1,6 million d’euros en 2020 et près de 1 million d’euros supplémentaire en 2021. Pendant ce même temps ses charges d’exploitation augmenteront d’1,3 million d’euros.

TV5 Monde anticipe quant à elle une baisse importante de ses ressources propres en 2020, de l’ordre de 2 millions d’euros, liée à l’impact de la crise sanitaire sur ses recettes publicitaires (défection d’annonceurs) ainsi que ses recettes de distribution (situation économique difficile de certains distributeurs de la chaîne, possible éviction de bouquets de certains opérateurs).

La chaîne anticipe un effet négatif persistant en 2021 sur les marchés de la distribution télévisuelle payante et le marché publicitaire.

Enfin, Arte a dû acheter une grande quantité de programmes au prix fort pour compenser l’arrêt des productions, ce qui continuera de peser sur ses bilans dans les prochaines années.

Dès lors comment comprendre la décision du Gouvernement de poursuivre la trajectoire à la baisse de son soutien à l’audiovisuel extérieur, alors que ses ressources propres baissent elles aussi du fait de la crise ? Cette crise dont on ne peut d’ailleurs toujours pas prédire si elle sera conjoncturelle ou structurelle.

Après les baisses enregistrées depuis 2019, il est ainsi prévu en 2021 une dotation publique de 254,7 millions d’euros en diminution de 0,5 million par rapport à 2020 pour France Médias Monde ; une dotation publique stable de 76,15 millions d’euros pour TV5 Monde ; et une dotation publique de 273,3 millions d’euros en baisse de 2 millions pour Arte.

Ces sociétés continuent donc de participer aux efforts de redressement des finances publiques demandés par le Gouvernement depuis 2018. Et cela, alors que les seuls 500 000€ annoncés pour France Médias Monde et TV5 Monde sur les 70 millions d’euros du Plan de relance pour l’audiovisuel public, ne pourront compenser les pertes.

L’audiovisuel extérieur demeure ainsi la variable d’ajustement de l’audiovisuel public, sans doute parce que ses programmes seraient moins en phase avec l’actualité française.

Les décisions prises en juillet 2018, notamment la demande d’économies budgétaires très importantes concernant l’ensemble de l’audiovisuel public, répondent avant tout à une véritable logique de « rabot budgétaire », obérant toute possibilité de transformation.

Ces décisions ont été prises en l’absence de toute stratégie permettant de transformer les modèles en profondeur, sans prévoir la moindre période de transition et d’accompagnement. Elles ont également été prises sans aucune perspective concrète concernant la réforme de la contribution à l’audiovisuel public rendue pourtant nécessaire par la suppression de la taxe d’habitation.

Ces décisions ne permettent donc pas d’assurer la mise en place sereine d’une éventuelle holding de l’audiovisuel public, comme c’était la volonté du Gouvernement au travers du Projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et à la souveraineté culturelle à l’ère numérique ; projet qui semblerait aujourd’hui en panne.

Surtout, rien ne vient justifier l’intégration au sein de ce projet d’holding d’une partie de l’audiovisuel extérieur, représenté par France Médias Monde. Cela s’explique par le fait que les missions de l’audiovisuel extérieur sont spécifiques et, par nature, distinctes des problématiques des opérateurs de l’audiovisuel public qui s’adressent aux Français, en France, et en français.

Comme a pu le rappeler à plusieurs reprises la députée du groupe Libertés et Territoires Frédérique Dumas dans cette commission :

– parce qu’il contribue au rayonnement extérieur de la France ;

– parce qu’il est un acteur à part entière de la stabilisation des zones de tension et un contributeur à l’objectif de développement, et donc de sécurité, dans de nombreuses régions du monde ;

– parce qu’il est engagé auprès des jeunes générations ;

– parce qu’il est un promoteur de la culture face à la montée des modes de pensée radicaux et sectaires ;

– et parce qu’il est engagé pour l’Europe ;

….l’audiovisuel extérieur devrait voir ses moyens augmentés.

Et pourtant, ce que révèle une nouvelle fois le projet de loi de finances, c’est bien un écart significatif entre les ambitions affichées et les moyens alloués.

Un budget est au service d’une vision ; l’enjeu n’est pas uniquement budgétaire, mais politique. Il contribue aussi au rayonnement de notre langue et de notre culture, de notre influence. Avec une telle trajectoire budgétaire, nous ne faisons qu’accroître notre impuissance, notamment face à la montée en régime des outils audiovisuels extérieurs britanniques, allemands ou chinois.

Pour enrayer cette spirale, il serait utile de prévoir que l’audiovisuel extérieur dispose de moyens budgétaires combinant contribution à l’audiovisuel public (CAP) et financements de l’aide publique au développement (APD).

Il s’agirait en effet d’aboutir à l’instauration d’un budget plancher pour France Médias Monde, exprimé à la fois en pourcentage du rendement de la contribution à l’audiovisuel public (CAP) et en valeur absolue.

Ce plancher n’empêcherait pas que l’on puisse ensuite recourir à l’aide publique au développement (APD). Mais se contenter de cette dernière consisterait à effectuer une budgétisation, avec le risque que ce qui a été voté une année puisse être défait la suivante.

La contribution à l’audiovisuel public (CAP) devrait donc d’abord participer au financement de l’audiovisuel extérieur, qui pourrait ensuite être complété par l’aide publique au développement (APD).

Le Groupe Libertés et Territoires, attaché à défendre le rôle et la spécificité de l’audiovisuel extérieur dans notre société, ainsi qu’à l’augmentation des moyens qui lui sont consacrés, émet donc un avis négatif sur les crédits de cette action budgétaire.

 


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   TRAVAUX DE LA COMMISSION

 

Au cours de sa réunion du mercredi 14 octobre 2020, la commission examine le présent avis budgétaire.

M. Rodrigue Kokouendo, président. Nous poursuivons avec l’examen pour avis, ouvert à la presse, des crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles » du projet de loi de finances pour 2021.

Notre collègue Alain David va nous présenter les crédits alloués à l’action audiovisuelle extérieure au sein de la mission « Médias, livre et industries culturelles ». Nous entendrons ensuite notre collègue Jean-Michel Clément présenter, au nom du groupe Libertés et Territoires, une contribution écrite sur l’action audiovisuelle extérieure.

Cette année, notre rapporteur a décidé de mettre en perspective les actions et la gestion des sociétés de l’audiovisuel extérieur au regard de la pandémie de covid-19. Il en ressort une appréciation positive aussi bien de l’organisation du travail au sein de ces sociétés que de l’offre de programmes adaptés pendant la crise sanitaire. Alain David fera également le point sur la coopération audiovisuelle franco-allemande. Les partenariats qui ont été noués sont, à l’exemple de la relation franco-allemande, uniques en leur genre, très ambitieux et résolument tournés vers l’Europe.

M. Alain David, rapporteur pour avis. Les travaux que j’ai menés cette année en tant que rapporteur budgétaire pour avis sur les crédits de l’audiovisuel extérieur se sont déroulés dans un contexte particulier : l’année 2020, outre l’impact de la crise sanitaire, sur lequel je vais revenir, a été marquée pour les sociétés de l’audiovisuel extérieur par les débats liés au projet de réforme de l’audiovisuel public, ajourné du fait des bouleversements liés à la crise sanitaire. Nous avons eu de riches débats en commission sur les risques liés à l’intégration de France Médias Monde au sein d’une holding de l’audiovisuel public. Les risques étaient en effet grands de voir France Médias Monde, ses trois filiales, les radios RFI et MCD, ainsi que la chaîne de télévision France 24, devenir les variables d’ajustement de l’audiovisuel public.

Dans le cadre du plan de relance consacré à l’audiovisuel public, France Médias Monde et TV5 Monde ne bénéficieront que de 500 000 euros chacune, sur une enveloppe de 70 millions d’euros. Si elles ont été globalement moins touchées que les autres sociétés de l’audiovisuel public, elles n’en ont pas moins pâti de la crise qui a fragilisé leurs ressources propres, alors même que France Médias Monde et TV5 Monde ont dû appliquer d’importants plans d’économie depuis 2018.

En effet, la trajectoire financière de l’audiovisuel public ayant été sensiblement revue à l’été 2018, l’audiovisuel extérieur n’a pas échappé aux exigences d’économie. Conformément à la trajectoire fixée, la dotation de France Médias Monde dans le projet de loi de finances pour 2021 s’élève à 254,7 millions, en recul de 500 000 euros par rapport à l’année dernière, et celle de TV5 Monde s’élève à 76,15 millions, montant stabilisé après le recul de plus d’un million d’euros intervenu en 2019.

Je rappellerai aussi, car ils sont éloquents, les montants alloués à nos principaux concurrents, qui connaissent une forte tendance à la hausse : 350 millions d’euros pour la Deutsche Welle, avec un montant prévu de 400 millions en 2022 ; et 346,3 millions pour la BBC World Service. Les budgets des concurrents chinois et russe, CGTN et Russia Today, restent opaques mais la portée offensive des stratégies de ces médias et de ces États en matière d’audiovisuel extérieur est frappante et justifie à elle seule que nous mobilisions davantage de moyens.

L’audiovisuel extérieur, vous en êtes désormais convaincus, est un formidable outil pour notre diplomatie d’influence, et a rappelé son importance pendant la crise sanitaire. France Médias Monde, comme TV5 Monde, ont dû rapidement revoir leur organisation et adapter leur mode de fonctionnement pour répondre à un double impératif : garantir la protection des collaborateurs et assurer leur mission d’information. L’essentiel des personnels est passé au télétravail, avec un maintien sur site pour les activités qui exigent une présence physique. L’heure est aujourd’hui au retour progressif à la normale, qui s’appuie sur un maintien strict des règles de protection sanitaire.

Sur les plans social et financier, je tiens à souligner que les sociétés de l’audiovisuel public n’ont pas eu recours au dispositif de chômage partiel, à la différence des entreprises privées et en vertu d’une doctrine interministérielle. Les rémunérations ont été maintenues et des systèmes de sécurisation des revenus, mis en place pour les correspondants et les pigistes. Les sociétés de l’audiovisuel extérieur ont donc assuré leur gestion de crise sans peser sur les deniers publics. Surtout, elles ont su adapter leur mission aux besoins suscités par la crise, avec une évolution des grilles de programmes.

Les médias de l’audiovisuel extérieur, déjà très investis dans la lutte contre la désinformation – j’avais pu le souligner l’année dernière –, ont renforcé leur action dans ce domaine. Le contexte de crise que nous connaissons a été en effet particulièrement propice à l’éclosion et à la diffusion de fausses informations, dont les effets peuvent être redoutables.

France Médias Monde, en plus de mobiliser ses outils habituels, a lancé de nouveaux programmes comme « Info coronavirus » sur RFI, tandis que TV5 Monde a diffusé plusieurs émissions des chaînes partenaires consacrées à la pandémie. Une attention particulière a été apportée à la diffusion de messages de prévention, notamment à l’attention des publics africains. TV5 Monde a par exemple diffusé un système de questions-réponses interactif entre internautes et professionnels de la santé africains.

Enfin, les médias de l’audiovisuel extérieur ont contribué au service public d’éducation en abondant en programmes l’initiative Nation apprenante du ministère de l’Éducation nationale.

Cette mobilisation a été sanctionnée par de très bons résultats d’audience : les audiences numériques de France Médias Monde ont triplé au plus fort de la crise. Surtout, la tendance annuelle maintient sa progression. Le groupe a enregistré plus de 207 millions de contacts hebdomadaires en 2019, en hausse de près de 18 % par rapport à 2018. Le constat est le même pour TV5 Monde, qui connaît une remarquable progression de ses audiences en numérique et reste parmi les chaînes internationales les plus plébiscitées dans la zone stratégique d’Afrique francophone.

Notre audiovisuel extérieur a aussi poursuivi son développement géographique éditorial.

Pour France Médias Monde, le passage à douze heures quotidiennes de la diffusion de France 24 en espagnol a permis de toucher un nombre accru de foyers en Amérique latine, tandis que le renforcement des langues africaines s’est poursuivi autour du peul, du mandingue, du haoussa et du swahili, avec l’appui financier de l’Agence française de développement.

Pour TV5 Monde, 2020 aura été l’année du bilan pour le plan stratégique 2017-2020, dont les objectifs ont été globalement atteints. Pour rappel, les deux orientations prioritaires du plan portaient sur l’Afrique, qui est à la fois une zone de diffusion et de partenariat pour la chaîne francophone, et sur la transformation numérique.

À ce titre, il faut mentionner le lancement en septembre 2020 dans des délais tenus malgré la crise sanitaire, de la plateforme numérique francophone TV5 Monde Plus, accessible gratuitement dans le monde entier. Je vous invite à découvrir cette nouvelle offre numérique de programmes francophones qui sera au cœur du prochain plan stratégique de la chaîne et dont on peut déplorer que n’y figurent que 10 % de programmes français. Un geste symbolique du Gouvernement aurait été souhaitable, alors même que la France occupe la présidence tournante de la chaîne multilatérale pour 2000-2021.

Dans l’ensemble, on ne peut que regretter que les médias de notre audiovisuel extérieur aient été contraints à renoncer à certains objectifs en raison des contraintes budgétaires qui leur ont été imposées.

Dans le cas de TV5 Monde, l’abandon de satellites a entraîné la fermeture de la chaîne au Brésil et la perte de 30 millions de foyers en Europe. À ce propos, il faut bien avoir en tête que la diffusion numérique ne saurait se substituer systématiquement à la diffusion satellitaire sans conséquence : d’une part, la diffusion numérique n’est pas nécessairement moins coûteuse ; d’autre part, elle est beaucoup plus facile à interrompre que la diffusion satellitaire et s’avère donc beaucoup moins protectrice de l’information dans des zones où des entraves peut-être imposées par les autorités.

Je l’ai mentionné, les sociétés de l’audiovisuel extérieur ont géré la crise sans peser sur les deniers publics et apparaissent comme les dernières servies du plan de relance. Pourtant, la crise les a fragilisées financièrement, du fait de la baisse induite de leurs ressources propres, essentiellement la publicité, le parrainage et la distribution. Pour France Médias Monde, la baisse estimée est de 1,6 million d’euros en 2020 et de 1 million d’euros en 2021. Pour TV5 Monde, la baisse anticipée pour 2020 est de l’ordre de 2 millions d’euros. Les inquiétudes sont plus fortes encore pour 2021, du fait du report de nombreuses dépenses initialement prévues pour 2020, notamment l’acquisition des droits pour les Jeux olympiques pour l’Afrique ou le report du Sommet de la francophonie.

Vous l’aurez compris, la résilience de notre audiovisuel extérieur ne doit pas se traduire par une baisse de notre vigilance. Le risque est gros de perdre la bataille de l’information et de l’influence, si nous continuons à réduire les moyens de nos médias.

Pour conclure, je souhaiterais rappeler l’importance de la coopération. À l’heure où la crise nourrit la tentation du repli sur soi, l’audiovisuel est un formidable terrain de coopération.

J’ai choisi cette année de consacrer le focus de mon rapport à la coopération audiovisuelle franco-allemande.

Vous avez tous en tête Arte, la chaîne franco-allemande, qui fête cette année ses 30 ans, mais notre coopération avec l’Allemagne ne s’y résume pas. Bien au contraire, elle a même été intégrée parmi les projets prioritaires du traité d’Aix-la-Chapelle, qui prévoit la création d’une plateforme numérique, destinée en particulier aux jeunes. Il s’agit d’une dynamique bilatérale mais qui est résolument tournée vers l’Europe et qui s’appuie pour beaucoup sur des financements européens.

Le rôle joué par le tandem France Médias Monde - Deutsche Welle est exemplaire. La coopération s’est sensiblement développée ces dernières années autour de projets comme le programme « Info migrants », qui vise à faciliter l’accès à une information vérifiée et fiable en plusieurs langues pour les migrants et les réfugiés, et de coopérations éditoriales régulières. Les deux groupes ont proposé récemment plusieurs contenus éditoriaux communs, notamment à l’occasion des élections européennes et de la chute du mur de Berlin.

Dans le cadre du traité d’Aix-la-Chapelle, deux projets ont été lancés : la collection européenne, projet d’Arte qui doit fournir une offre numérique gratuite, essentiellement de fiction, et le projet « Enter ! », porté par France Médias Monde et la Deutsche Welle. Ce projet, qui cible en priorité les 18 à 34 ans, consiste en une offre numérique d’information plurilingue et participative, visant à lutter contre les fausses informations et la montée des populismes.

Les deux sociétés ont répondu à l’été 2020 à un appel d’offres de la Commission européenne, dont la décision est imminente. L’apport demandé aux États est de 30 % du total. Or, là où la Deutsche Welle a bénéficié d’un financement ad hoc de 500 000 euros par le gouvernement allemand et les Länder, qui doit être complété d’une enveloppe de 250 000 euros, France Médias Monde a constitué sa contribution uniquement en puisant dans ses fonds propres.

L’aboutissement de ce projet, qui pourra favoriser la diffusion des valeurs européennes tout particulièrement auprès des plus jeunes, me semble essentiel, de même que le maintien des financements du programme « Info migrants », qui pourraient être revus à la baisse. Si nous pouvons être les concurrents de la Deutsche Welle, il est dans notre intérêt commun de nourrir cette dynamique de coopération, dont la portée dépasse le couple franco-allemand.

Compte tenu du décalage entre l’importance stratégique de notre audiovisuel extérieur et les moyens qui lui sont alloués, j’émets un avis défavorable sur les crédits consacrés à notre action audiovisuelle extérieure.

M. Jean-Michel Clément. Le groupe Libertés et Territoires a souhaité utiliser la mission « Médias, livre et industries culturelles : Action audiovisuelle extérieure » pour remettre une contribution, comme notre règlement en prévoit la possibilité.

La crise sanitaire du covid-19 et le confinement qui s’est imposé en France et dans de nombreux pays du monde ont remis la télévision au centre du salon alors que celle-ci est de plus en plus reléguée dans un coin du domicile par le jeu de la concurrence des différents écrans. Tandis que des pans entiers de la société étaient à l’arrêt, elle est demeurée pour de nombreux Français cette lucarne non seulement sur le monde mais également sur la France et la francophonie pour les nombreux auditeurs de France 24, TV5 Monde ou Arte, dispersés sur l’ensemble du globe.

Ces canaux audiovisuels, ajoutés aux canaux radiophoniques de RFI et de Radio Monte Carlo Doualiya n’ont jamais cessé d’alimenter les foyers, malgré les fortes contraintes qui se sont imposées à eux. Les chiffres des audiences de cette année 2020, au plus fort de la crise sanitaire, montrent d’ailleurs que ces efforts ont été remarqués. C’était surtout le cas en Europe, notamment en France, avec une hausse de 38 % du nombre de téléspectateurs hebdomadaires pour TV5 Monde, par exemple. Il s’agit là d’un véritable témoignage de confiance dans le travail journalistique de ces médias alors qu’une tornade d’informations contradictoires circulait dans tous les canaux.

Si la crise sanitaire a eu un effet bénéfique sur les audiences de notre audiovisuel extérieur, venant d’ailleurs conforter les hausses globalement observées en 2019, elle aura pourtant des conséquences néfastes quant aux moyens alloués. Nous le regrettons d’autant plus que le projet de loi de finances pour 2021 présenté par le Gouvernement ne viendra pas combler ces manques.

À ce jour, France Médias Monde estime que ses recettes publicitaires pourraient connaître une diminution de 1,6 million d’euros en 2020 et près de 1 million  d’euros supplémentaire en 2021. Pendant ce même temps, ses charges d’exploitation augmenteront de 1,3 million d’euros.

Quant à TV5 Monde, elle anticipe une baisse importante de ses ressources propres en 2020, de l’ordre de 2 millions d’euros, liée à l’impact de la crise sanitaire sur ses recettes publicitaires, du fait de la défection d’annonceurs, ainsi que sur ses recettes de distribution, étant donné la situation économique difficile de certains distributeurs de la chaîne et la possible éviction de bouquets de certains opérateurs. La chaîne anticipe un effet négatif persistant en 2021 sur les marchés de la distribution télévisuelle payante et le marché publicitaire.

Enfin, Arte a dû acheter une grande quantité de programmes au prix fort pour compenser l’arrêt des productions, ce qui continuera de peser sur ses bilans dans les prochaines années.

Dès lors, comment comprendre la décision du Gouvernement de poursuivre la trajectoire à la baisse de son soutien à l’audiovisuel extérieur, alors que les ressources propres du secteur baissent aussi, du fait de la crise, dont on ne peut d’ailleurs toujours pas prédire si elle sera conjoncturelle ou structurelle ? Après les baisses enregistrées depuis 2019, il est ainsi prévu en 2021 une dotation publique de 254,7 millions d’euros, en diminution de 0,5 million d’euros par rapport à 2020 pour France Médias Monde, une dotation publique stable de 76,15 millions d’euros pour TV5 Monde, et une dotation publique de 273 millions d’euros, en baisse de 2 millions d’euros, pour Arte.

Ces sociétés continuent donc de participer aux efforts de redressement des finances publiques demandés par le Gouvernement depuis 2018, et cela alors que les seuls 500 000 euros, annoncés pour France Médias Monde et TV5 Monde, sur les 70 millions du plan de relance pour l’audiovisuel ne pourront compenser les pertes. L’audiovisuel extérieur demeure ainsi la variable d’ajustement de l’audiovisuel public, sans doute parce que ses programmes seraient moins en phase avec l’actualité française.

Les décisions prises en juillet 2018, notamment la demande d’économies budgétaires très importantes concernant l’ensemble de l’audiovisuel public, répondent avant tout à une véritable logique de rabot budgétaire, obérant toute possibilité de transformation. Ces décisions ont été prises en l’absence de toute stratégie permettant de transformer les modèles en profondeur, sans prévoir la moindre période de transition et d’accompagnement. Elles ont également été prises sans aucune perspective concrète concernant la réforme de la contribution à l’audiovisuel public, rendue pourtant nécessaire par la suppression de la taxe d’habitation.

Ces décisions ne permettent donc pas d’assurer la mise en place sereine d’une éventuelle holding de l’audiovisuel public, comme c’était la volonté du Gouvernement au travers du projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et à la souveraineté culturelle à l’ère numérique, projet qui semble aujourd’hui en panne.

Surtout, rien ne vient justifier l’intégration au sein de ce projet de holding d’une partie de l’audiovisuel extérieur représenté par France Médias Monde : les missions de l’audiovisuel extérieur sont spécifiques et, par nature, distinctes des problématiques des opérateurs de l’audiovisuel public, qui s’adressent aux Français en France, et en français.

Parce que l’audiovisuel extérieur contribue au rayonnement extérieur de la France, parce qu’il est un acteur à part entière de la stabilisation des zones de tension et un contributeur à l’objectif de développement, donc de sécurité, dans de nombreuses régions du monde, parce qu’il est engagé auprès des jeunes générations, parce qu’il est un promoteur de la culture face à la montée des modes de pensée radicaux et sectaires et parce qu’il est engagé en Europe, ses moyens doivent être augmentés – ma collègue Frédérique Dumas a pu le rappeler à plusieurs reprises dans cette commission.

Pourtant, le projet de loi de finances révèle une nouvelle fois un écart significatif entre les ambitions affichées et les moyens alloués.

Un budget est au service d’une vision : l’enjeu n’est pas uniquement budgétaire mais politique. L’audiovisuel extérieur contribue aussi au rayonnement de notre langue, de notre culture, de notre influence. Avec une telle trajectoire budgétaire, nous ne faisons qu’accroître notre impuissance, notamment face à la montée en régime des outils audiovisuels extérieurs britanniques, allemands ou chinois.

Pour enrayer cette spirale, il serait utile de prévoir que l’audiovisuel extérieur dispose de moyens budgétaires combinant contribution à l’audiovisuel public et financement de l’aide publique au développement. Il s’agirait d’aboutir à l’instauration d’un budget plancher pour France Médias Monde, exprimé à la fois en pourcentage du rendement de la contribution à l’audiovisuel public, et en valeur absolue. Ce plancher n’empêcherait pas que l’on puisse ensuite recourir à l’aide publique au développement, mais se contenter de cette dernière consisterait à effectuer une budgétisation, avec le risque que ce qui a été voté une année puisse être défait l’année suivante. La contribution à l’audiovisuel public devrait donc d’abord participer au financement de l’audiovisuel extérieur, qui pourrait ensuite être complété par l’aide publique au développement.

Le groupe Libertés et Territoires, attaché à défendre le rôle et la spécificité de l’audiovisuel extérieur dans notre société, ainsi qu’à l’augmentation des moyens qui lui sont consacrés, émet donc un avis défavorable sur les crédits de cette mission budgétaire.

Mme Sonia Krimi. Monsieur le rapporteur pour avis, monsieur le contributeur, je vous remercie tout d’abord de la qualité de votre travail. Je veux aussi souligner votre appui à la transformation numérique de l’audiovisuel extérieur, que vous avez détaillée. On voit habituellement notre secteur public comme un mammouth très difficile à faire bouger. Or vous avez évoqué tous les efforts qui ont été réalisés pour sa transformation numérique et insisté sur ce domaine essentiel qui, avec la coopération franco-allemande, est un axe de travail prioritaire. Je soutiens donc la majorité de votre rapport et surtout, ces deux points.

Lors de la récente audition à huis clos pour confirmer notre soutien international au Liban, j’ai eu l’occasion de dire l’importance de la culture au sein de la dynamique diplomatique, en ce qu’elle recèle notre histoire et nos valeurs. L’audiovisuel public extérieur constitue un vecteur privilégié des valeurs que notre pays souhaite véhiculer – valeurs d’égalité entre femmes et hommes, valeurs des droits de l’homme, de la pensée, de la non-pensée unique. Cet écran, placé enfin au milieu de notre salon, nous permet de découvrir le théâtre, les chansons, le cinéma français. Ainsi, l’audiovisuel extérieur public est intrinsèquement lié à notre puissance économique et diplomatique dans le monde entier. Nous partageons certainement tous cette vision.

Dans le contexte particulier que nous connaissons, je tiens aussi à saluer, comme vous l’avez fait, cher David, dans la première partie de votre rapport, la résilience des médias extérieurs face à la crise sanitaire. Surtout, vous avez rappelé l’adaptation des grilles de programmes qui, au plus fort de la pandémie, se sont tournés vers la lutte contre la désinformation, ainsi que vers l’éducation et la prévention. Nous le savons, les ondes et les écrans ont constitué pour bon nombre de personnes, l’une des rares fenêtres leur permettant d’avoir de vraies informations.

Je suis moi-même une très grande consommatrice de ces chaînes, et je peux témoigner aujourd’hui devant vous, de la fierté que j’éprouve quand je visite les trois plateaux de France 24, à voir en face de moi des personnes qui parlent couramment le français, l’arabe et l’anglais. Ce sont des gens non pas simplement qui parlent notre langue, ou d’autres langues, mais qui sont imprégnés par notre culture – et ça, c’est très important. J’adresse donc tout mon soutien, de la part de l’Assemblée nationale et de la commission des affaires étrangères, à l’ensemble des personnes qui travaillent à TV5 Monde et France Médias Monde.

Vous avez évoqué tous les deux la trajectoire financière des programmes 844 et 847, dont il avait déjà été question dans le rapport de l’année dernière : elle correspond aux arbitrages qui ont été effectués à l’été 2018 et, vous l’avez souligné, elle suit pour le moment son cours, sans que les performances de France Médias Monde et TV5 Monde ne s’écartent des objectifs stratégiques fixés, comme en attestent les mesures de l’audience, également mentionnées.

M. le rapporteur pour avis a évoqué cette variable d’ajustement. Il a aussi rappelé dans son rapport que le dialogue social et les rémunérations ont été maintenus au moment de la crise. La gestion de crise des sociétés de l’audiovisuel extérieur s’est donc faite sans peser sur les ressources publiques, malgré un cadre budgétaire qui était contraint. Par exemple, France Médias Monde a garanti un revenu solidaire aux non-permanents et aux correspondants. Un choix de solidarité a également été fait envers les fournisseurs et les prestataires.

Certes, on peut penser qu’il y a des améliorations à apporter ou que les dotations ne sont toujours pas suffisantes, mais on ne peut pas dire que l’État ou le ministère de la culture n’a pas fait son maximum pour soutenir l’audiovisuel extérieur en cette période de crise. L’absence d’écart entre les objectifs attendus et les résultats obtenus, et ce malgré les difficultés, précisées par le rapporteur pour avis et notre contributeur appelle donc à considérer la stratégie budgétaire mise en place comme pertinente.

Pour cette raison, le groupe La République en Marche votera les crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles : Action audiovisuelle extérieure ».

M. Frédéric Petit. Je remercie M. le rapporteur pour avis de son travail et du suivi de ces sujets au cours des années – nous partageons beaucoup dans ce domaine. Je souhaiterais aussi revenir sur la contribution du groupe Libertés et Territoires, pour en prendre le contre-pied. Je crois que nous sommes tous d’accord sur plusieurs sujets et, lorsque c’est le cas, on a parfois tendance à être flou.

Je ne suis pas d’accord pour dire que l’audiovisuel extérieur est spécifique. Le rapport évoque une « information de qualité pour le monde entier », détaillant tout le travail que France Médias Monde a réalisé sur les fake news, notamment le kit anti-fake news pour la jeunesse du monde. Comment pourrions-nous profiter de cette qualité, en France ? Ce pourrait être notre réflexion en tant que commission des affaires étrangères.

S’agissant de la trajectoire, quand on compare les sommes en jeu, et le coût de l’audiovisuel en France, pour les Français, en français, à l’intérieur de nos frontières bien fermées, il ne s’agit pas de réclamer 1 ou 2 millions d’euros de plus, mais de montrer qu’il faut réfléchir autrement. En Australie, je vous l’ai dit il y a trois ans, la télévision publique émet en 29 langues !

Le programme « Info migrants » est fait pour nos territoires, non pour le monde. Donc notre commission aurait plutôt intérêt à réfléchir à une éventuelle fenêtre de tir sur cette réforme. Il faut respecter les logiques des gens qui sont en face de nous : la logique du ministère de la culture, cela est normal, n’est pas de penser au monde entier. Il nous revient peut-être de dire au ministre – mais pas sous la forme d’une imploration, du type « donnez-nous plus pour qu’on aille dans le monde » –, que l’audiovisuel en France sera bien meilleur s’il a la qualité de ce qui est fait par France 24, en quatre langues. Il est vrai, Sonia Krimi l’a rappelé, que c’est un bonheur d’aller sur ces plateaux. Je le rappelle, on ne parle pas une langue, on l’habite, et on voyage, quand on est sur ces plateaux. Nous pourrions travailler, en amont de toute réforme, avec le ministère de la culture pour leur demander de supprimer ces frontières artificielles. Il y a un audiovisuel français dans le monde et, lorsque l’on est à Paris, on est aussi dans le monde.

L’audience de France Médias Monde, en France, a augmenté de 30 % pendant le confinement. Ce constat est limpide : il signifie qu’elle est utile, et meilleure – il faudrait me payer pour que je regarde certaines chaînes plus d’une heure, en France… Au bout d’un moment, nos concitoyens ont eu envie de regarder des contenus intelligents.

S’agissant du plan de relance, les chiffres fournis par notre rapporteur pour avis sont surprenants. Pour moi, le plan de relance n’est pas encore arrêté : nous voterons 36 milliards de crédits, mais pas encore la manière dont ils seront utilisés. Il y a peut-être là une fenêtre de tir pour un travail plus approfondi et construit avec le ministère de la culture et le ministère de l’Europe et des affaires étrangères, en espérant, pour une fois, être à l’heure.

Par ailleurs, j’ai découvert encore une nouvelle plateforme d’enseignement du français à l’étranger. Ce n’est que la douzième ou treizième, avec celles du Centre national d’enseignement à distance (CNED) et de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger (AEFE), notamment, et l’on me dit à chaque fois que c’est la meilleure. Peut-être pourrions-nous faire un effort pour les rassembler.

Enfin, Euronews a été présentée comme un concurrent à la collaboration entre France Médias Monde et la Deutsche Welle. Ce serait plutôt un vecteur d’entraînement.

M. M’jid El Guerrab. Merci à M. le rapporteur pour avis de son excellent rapport. En tant que député des Français de l’étranger, je peux témoigner que, dans l’aire francophone de ma circonscription, le Maghreb et l’Afrique de l’Ouest, le lien avec ces chaînes est fondamental.

Relativement moins touchées par les effets de la crise, les sociétés de l’audiovisuel extérieur n’en apparaissent pas moins comme les grandes oubliées du plan de relance consacré à l’audiovisuel public, malgré la fragilisation des ressources propres suscitées par la crise, qui a fait suite à la mise en œuvre de rigoureux plans d’économies.

Sur les 70 millions alloués, France Médias Monde et TV5 Monde ne recevront ainsi que 500 000 euros chacune : la trajectoire financière de France Médias Monde et de TV5 Monde a été revue à la baisse à l’été 2018, à hauteur de 3,5 millions d’euros et de 1,2 million d’euros respectivement, à l’horizon 2022. La dotation de France Médias Monde dans le PLF pour 2020 est en recul de 0,5 million d’euros par rapport à l’année dernière – elle s’établit à 254,7 millions d’euros. Celle de TV5 Monde, stable à hauteur de 76,15 millions d’euros, correspond aux montants stabilisés après le recul de plus de 1 million enregistré en 2019.

Si on peut se féliciter de la visibilité offerte par la fixation d’une trajectoire pluriannuelle, on peut regretter l’absence de geste de la part du Gouvernement, alors que, M. le rapporteur pour avis l’a rappelé, la France occupe la présidence tournante de la chaîne pour 2020-2021.

Enfin, la période de crise que nous vivons actuellement, en fragilisant les liens humains et matériels entre les nations, peut inciter au repli sur soi. Selon notre rapporteur pour avis, il est plus que jamais nécessaire de prendre le contre-pied de cette tentation en renforçant les coopérations bilatérales et multilatérales. Le partenariat franco-allemand qu’il prend en exemple, porté par Arte et par le tandem constitué par France Médias Monde et la Deutsche Welle, s’inscrit dans une dynamique globale qui inclut les autres composantes du secteur de l’audiovisuel, tout en contribuant au renforcement de la relation franco-allemande, très riche par ailleurs sur le plan culturel.

Je souhaiterais donc poser deux questions de la part de ma collègue Sira Sylla, qui n’a malheureusement pas pu être avec nous. La première concerne la plateforme TV5 Monde Plus, lancée en septembre 2020 et qui mériterait d’être davantage connue au sein même de l’Hexagone. Quels moyens envisagez-vous pour accroître l’enrichissement des programmes français de cette plateforme ?

La seconde question concerne l’assouplissement des règles de contribution à la chaîne : pouvez-vous nous éclairer sur les difficultés rencontrées pour leur concrétisation et l’élargissement du nombre de pays contributeurs ?

J’ajouterai deux remarques ou suggestions à l’intention de M. le rapporteur pour avis.

En Afrique, la chaîne de radio RFI est très écoutée. Localement, elle est même souvent une sorte d’organe officiel. Je l’ai vécu il y a quelques semaines, avec ce qui s’est passé au Mali. Quand tous les médias annonçaient un coup d’État, personne n’y croyait, mais dès que RFI l’a évoqué, tout le monde a compris que c’était une réalité et que le président Ibrahim Boubacar Keïta, dit IBK, avait été destitué. RFI a ce rôle stratégique. Or on s’en plaint beaucoup localement, non les autorités locales, car, finalement, je n’ai pas beaucoup de liens avec elles, mais les Français, qui me parlent souvent des partis pris et des orientations politiques de RFI en Afrique. Je ne sais pas ce que vous en pensez, mais nous pourrions en discuter.

La seconde suggestion a trait aux partenariats multilatéraux et bilatéraux. Un grand journaliste français, M. Rachid Arhab, que chacun connaît certainement ici, soutient une belle idée, celle d’un Arte franco-algérien, c’est-à-dire une chaîne qui rassemblerait l’Algérie et la France. Pourquoi ne pas imaginer de tels partenariats multilatéraux, notamment avec des pays stratégiques comme l’Algérie, pour engager cette réconciliation, que tout le monde appelle de ses vœux ?

M. Christian Hutin. Je souhaiterais souligner le courage exceptionnel de nos rapporteurs pour avis sur ces sujets financiers : ils se tapent un boulot considérable, avec tantôt un accord, tantôt un désaccord, et des tonnes de discussions et de rendez-vous.

Cette commission a l’honneur de rassembler des gens très performants, et beaucoup plus de gens qui bossent, que de gens qui ne bossent pas. Si 2 000 personnes nous écoutent, je tiens à le dire très clairement, et notre présidente doit être fière de ce qui se passe aujourd’hui Il est difficile d’être rapporteur pour avis d’une mission sur des questions aussi complexes, auxquelles 80 % des Français ne comprennent rien – logiquement, car ce n’est pas leur domaine de compétences, mais qui suscitent une telle passion, légitime, dans les circonscriptions, Frédéric Petit le sait bien.

J’évoquerai l’audiovisuel dans quelques instants, mais, auparavant, je tiens à dire combien Jean-Louis Bourlanges a raison. Nous sommes l’Assemblée nationale, non de non ! La Conférence des présidents n’est pas le Comité de salut public de Robespierre. Il faut arrêter d’accepter qu’elle fixera toutes les règles, qu’elle nous dira d’être deux, trois, quatre en commission, de mettre un masque, de faire ceci ou cela.

Quand Jean-Louis Bourlanges, le type le plus modéré du monde, qui a une carrière, une intelligence, une réflexion sur la démocratie exceptionnelles, se lève et dit que la Conférence des présidents commence à ressembler au Comité de salut public, cela suffit. Il est temps que l’ensemble des députés de cette assemblée réagissent et le disent aussi !

Nous sommes quatre membres du groupe Socialistes et apparentés dans cette commission : nous ne pouvons pas être trois ! Il serait compliqué de couper en deux mon ami Jérôme Lambert. (Sourires.) Au sein de nos groupes, nous avons tous nos différences : comment choisir qui sera présent ?

J’espère que la réflexion sera entendue, au moins un peu, dans les médias. En tout cas, je le répète, la Conférence des présidents n’est pas le Comité de salut public de Robespierre. Il faut que ses membres arrêtent avec leur folie, leur hystérie covid. La République reste la République !

Revenons à l’audiovisuel extérieur – et je remercie Alain David pour son travail considérable depuis trois ans. Un vacancier à l’étranger a bien du mal à trouver une télé française. De même, quand nous allons à l’étranger – je n’ai plus la santé pour partir comme auparavant avec Marielle de Sarnez et d’autres collègues –, c’est un miracle de trouver TV5 parmi 70 ou 120 chaînes.

Avec Jérôme Lambert, nous avons visité des États en guerre. Les seuls journalistes qui étaient là, ceux qui avaient « les nouilles », comme dirait mon fils, c’étaient des mecs – non, il y avait deux femmes et un homme – qui avaient la volonté de retransmettre ce que pouvait être l’idée de la République et de la France, dans certaines situations, au Liban, en Syrie, en Turquie. Certains en ont d’ailleurs peut-être connues de plus difficiles.

C’est pourquoi on pourrait imaginer que cette commission, à la demande du rapporteur pour avis ou de Jean-Michel Clément, ne vote pas les crédits. Bref, une petite rébellion de La République en marche, qui ne se rebelle pas beaucoup – mais cela peut arriver un jour – serait la bienvenue.

La voix de la France, en matière télévisuelle, n’existe pas. Il faut aller la chercher. Pourtant, on a des journalistes exceptionnels, souvent des gamins de 20 ou 25 ans, qui vont avec leur courage faire leur travail.

M. Alain David, rapporteur pour avis. La contribution présentée par Jean-Michel Clément va dans le sens de mon rapport. Notre audiovisuel extérieur mérite le coup de pouce qui lui permettrait de rester dans la compétition internationale.

J’ai rencontré le directeur de la Deutsche Welle. Il est enthousiaste à l’idée de construire un véritable outil avec France Médias Monde. Il espère d’ailleurs que d’autres pays européens se joindront à nous pour créer un outil européen de communication, d’expression, de transmission de valeurs. Malheureusement, j’ai aussi mesuré l’écart croissant entre les crédits alloués à la Deutsche Welle et à BBC World et les enveloppes dédiées à notre audiovisuel extérieur. Notre partenaire est bienveillant, mais il s’interroge sur notre capacité à poursuivre les actions engagées, faute de moyens.

Le fonctionnement totalement différent de l’Allemagne lui permet de jouer sur la complémentarité des Länder et du gouvernement. C’est parfois très complexe, et il arrive que les uns et les autres ne se retrouvent pas. Il reste que les budgets annoncés sont tenus : le financement de la Deutsche Welle augmentera ainsi de 50 millions d’euros en deux ans, pour passer de 350 millions à 400 millions d’euros. L’audiovisuel français rêverait d’un tel budget, qui donne la capacité de développer des actions et des interventions d’une autre dimension. Certaines actions supplémentaires sont financées par le gouvernement allemand et les Länder, alors que notre audiovisuel les finance sur son propre budget. Il est difficile de suivre, d’autant que la concurrence des Chinois ou des Russes est très rude. Nous recherchons la complémentarité avec BBC World ou la Deutsche Welle pour convaincre d’autres partenaires européens – Italiens, Belges, Espagnols – de nous rejoindre. Ainsi, nous pourrons être compétitifs et armés pour faire entendre la voix de l’Europe.

Notre implantation en Afrique est correcte. Lors de la révolution en Tunisie, France 24 a été plébiscitée par la jeunesse tunisienne, qui appréciait son indépendance et son objectivité, gages d’une information de qualité en laquelle ils pouvaient avoir confiance. Les autres médias, arabes ou africains, avaient tendance à prendre parti et n’étaient pas forcément objectifs. La voix de la France, par l’intermédiaire de nos médias, était objective, et ils pouvaient avoir confiance dans les informations données. Il ne s’agissait pas de propagande pour un côté ou l’autre, mais de la transmission d’informations et de valeurs, notamment sur les droits de l’homme et les droits des femmes, et ce fut un bien pour ce pays.

Cette confiance dans nos médias continue de produire des effets : il y a deux ans, j’ai interrogé l’ensemble des médias tunisiens sur leur manière de travailler avec nos médias et la façon dont était perçu notre audiovisuel. Il est cité en exemple, et de nombreux journalistes souhaitent venir en France pour se former. Nous avons d’ailleurs rappelé au directeur de la Deutsche Welle et au président d’Arte qu’il serait bon de mettre en place des formations communes de journalistes nord-africains et africains, pour préparer un certain nombre de transitions démocratiques. Autant faire profiter ces jeunes de l’exceptionnelle qualité de nos écoles de journalisme.

Comment rendre à notre audiovisuel une capacité budgétaire équivalente à celle de la Deutsche Welle ?

M. Christian Hutin. En votant contre ce budget !

M. Alain David, rapporteur pour avis. S’agissant du plan de relance, les responsables du ministère de la culture estiment que tout est pratiquement arrêté. Les proportions sont connues : sur 70 millions d’euros, une quarantaine ira à l’audiovisuel public, et 500 000 euros à France Médias Monde. Ils considèrent qu’il n’est pas possible de faire plus, alors qu’il faudrait saisir l’opportunité de ce plan. Si, sur un total de 70 millions, la dotation à France Médias Monde passe de 500 000 à 1 million d’euros, ce ne sera pas une catastrophe pour ceux dont le budget sera affecté, et nous répondrons à un besoin essentiel pour notre audiovisuel.

Lors de mes échanges avec le ministère de la culture, j’ai bien compris les limites de l’exercice. Mais si les députés de la majorité se penchent sur le problème et essaient de convaincre, le dialogue sera différent.

S’agissant de TV5, la chaîne est à la recherche de partenariats. Elle est sur le point de résoudre ses problèmes avec la principauté de Monaco. C’est un petit État, mais ses capacités sont importantes, et il est tourné vers l’Afrique. TV5 essaie de grossir petit à petit, et peut compter sur le Canada, dont la puissance est également importante. Des marges existent donc. Mais la faiblesse de nos propres engagements est regrettable. Nous demandons à nos partenaires au sein de TV5 de s’engager, mais nous-mêmes ne sommes pas à la hauteur. Nous avons la chance de pouvoir compter sur des partenaires compréhensifs au sein des différents conseils d’administration, qui acceptent de voir la France simplement maintenir, voire réduire, sa participation alors qu’ils augmentent la leur. À terme, la place de la France dans les équilibres des conseils d’administration peut être remise en cause.

Les sommes en jeu ne sont pas exceptionnelles mais contribuent à la grandeur de la France, à son rayonnement, à la francophonie, à la transmission de nos valeurs, et à la place de notre pays dans la diplomatie internationale. L’audiovisuel ne se limite pas à un écran de télévision, nous diffusons bien plus. Et pour tout cela, nous ne demandons qu’un budget d’un million d’euros ! Certes, c’est une somme importante, mais rapportée au budget de la France, ce n’est pas grand-chose.

M. Frédéric Petit. Nous devons faire preuve de sens tactique pour convaincre. Nous sommes la commission des affaires étrangères ; or la décision est prise au ministère de la culture. Je propose la création d’un groupe ad hoc avec les collègues de la commission des affaires culturelles, qui ne comprennent pas exactement ce dont nous parlons.

La démarche consistant à dire : « Il y a 70 millions, donnez-m’en un peu plus ! » est mortifère. Je ne pense pas que ce soit la bonne chose à faire, même si nous obtenons les crédits souhaités. Il faut que le ministère de la culture, qui est décisionnaire, prenne conscience qu’il n’y a pas de frontières. RT n’accorde aucune importance aux limites territoriales de la Russie, alors que nous nous soucions de ce qu’il est possible de voir d’un côté du Rhin ou de l’autre. Plutôt que de bloquer ce budget pour obtenir 500 000 euros supplémentaires, il faut mieux organiser la réflexion, avec la commission des affaires culturelles et le ministère de la culture, de façon à faire comprendre que cette richesse va les aider.

Ce raisonnement ne vaut pas seulement pour l’audiovisuel. La réforme de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger a été débloquée le jour où le ministère de l’éducation nationale a compris qu’il avait besoin de l’international. Il en va de même pour le réseau culturel : sa réforme se fera le jour où l’Institut français cessera d’être l’Institut français de Paris pour devenir une vraie tête de réseau. C’est la stratégie que nous devons mener pour trouver les moyens de consolider l’audiovisuel extérieur.

La commission émet un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles : Action audiovisuelle extérieure », tels qu’ils figurent à l’État B annexé à l’article 33 du projet de loi de finances pour 2021.

 

 

 


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   ANNEXE :
Liste des personnalités
rencontrées par votre rapporteur

 

1/ À Paris

   Mme Laurence Auer, directrice de la culture, de l'enseignement, de la recherche et du réseau

   Mme Marianne Carré, sous-directrice de la culture et des médias

   M. Jean-Baptiste Gourdin, directeur général des médias et des industries culturelles

   M. Ludovic Berthelot, sous-directeur de l’audiovisuel

   M. Frédéric Bereyziat, directeur de la gestion et de la coordination

   Mme Elsa Comby, directrice de cabinet de la présidence et de la direction générale

   M. Benjamin Amalric, chargé des relations institutionnelles

   Mme Marie-Christine Saragosse, présidente directrice générale 

   M. Victor Rocaries, directeur en charge du pôle ressources

   Mme Fanny Boyer, adjointe au Directeur en charge des relations institutionnelles

   M. Yves Bigot, directeur général

   M. Thomas Derobe, secrétaire général 

   M. Marc Thiebault, CFDT

   Mme Dalila Gomri, FO

   Mme Maria Afonso, FO

   M. Hugo Casalinho, FO

   Mme Valérie Fouace, CFTC

   M. Soufiane Errami, CFTC

   M. Rabya Oussibrahim, CFTC

   M. Thomas Trochaud, CGT

 

2/ À Berlin (9 au 11 septembre 2020)

   M.  Andreas Goergen, directeur du département culture et communication

     M. Wolfgang Wohnhas, chef de division auprès du ministre d'État à la culture et aux médias de la Chancellerie fédérale

   M. Martin Rabanus, député

   M. Peter Limbourg, directeur

   M. Patrick Leusch, responsable des affaires européennes

   Mme Anne-Marie Descôtes, ambassadrice

   M. Peter Boudgoust, président

   M. Peter Dinges, président

 


([1]) On peut notamment mentionner « Info ou Infox » sur France 24, dans le cadre de la plateforme de journalisme participatif les « Observateurs de France 24 » et proposant chaque semaine en images un exemple de fausse information, « Les dessous de l’Infox » sur RFI, ou encore le module de vérification des faits en ligne de TV5 Monde « A vrai dire ».

([2]) À l’occasion de la journée internationale de la vérification des faits le 2 avril, la plateforme a mis à disposition du public plus de 1 500 faits vérifiés publiés par les partenaires. On en dénombrait début octobre plus de 7 000 (mise à jour quotidienne) https://www.poynter.org/coronavirusfactsalliance/  

([3]) Les ressources pédagogiques de TV5 Monde sont prévues pour l’enseignement et l’apprentissage du français langue étrangère (FLE) mais peuvent être utilisées pour l’apprentissage du français langue maternelle.

([4])  Un « contact » englobe à la fois la diffusion en linéaire sur télévision ou radio et l’offre numérique, afin de tenir compte de l’évolution des usages et se doter d’une vision unifiée de l’audience

([5])  Les mesures d’audience linéaire de France 24 sont fondées sur les résultats obtenus dans 74 des 183 pays où la chaîne est diffusée, soit 3 pays de plus qu’en 2018.

([6])  Les mesures d’audience broadcast de RFI sont basées sur les résultats obtenues dans 33 pays (sur 150 où la station peut être reçue)

([7])  Les mesures d’audience de MCD sont fondées sur les résultats obtenus dans 19 pays sur les 21 où la chaîne peut être reçue

([8]) Par exemple, la réorganisation au sein de France 24 ans, engagée il y a deux ans, a permis de regrouper les journalistes contribuant aux offres linéaires et numériques travaillant dans une même langue au sein d’équipes uniques, avec une hiérarchie commune.

([9])  Le poids financier global des activités numériques de FMM peut être estimé en regroupant les moyens humains dédiés au numérique figurant au sein des rédactions des différentes antennes de FMM ainsi que les moyens humains et techniques de la direction des environnements numériques (développeurs, animateurs des réseaux sociaux, hébergement des sites, bande passante, référencement/marketing, etc.).

 

([10]) Parmi les efforts réalisés, on peut mentionner notamment la baisse des coûts de transmission et des moyens consacrés aux opérations spéciales, un dispositif de couverture allégé pour certaines opérations internationales, ainsi qu’un moindre recours aux correspondants.

([11]) Le groupe reste présent sur les offres câbles et satellite via Franceinfo.

([12]) La radio a également cessé sa diffusion en FM aux Émirats arabes unis en novembre 2018, ce qui a eu un impact sur les résultats de 2019.

([13])  Selon un rapport de Reporters sans frontières de mars 2019, intitulé Le nouvel ordre mondial selon la Chine, la Chine aurait investi 6 milliards d’euros sur les dix dernières années pour développer son audiovisuel extérieur, montant qui aurait augmenté depuis pour atteindre 1,3 milliard d’euros par an.

([14])  étude Médiamat Thématik / Vague 39 vs Vague 37

([15])  Lancé à Yaoundé en décembre 2017, ce fond est un mécanisme d’aide à la création cinématographique et audiovisuelle dans les pays francophones d’Afrique subsaharienne et de Haïti. Il a pour objectif de soutenir l’émergence de nouveaux réalisateurs et producteurs, et d’accompagner leurs projets aux étapes du développement, de la production et/ou de la post-production.

 

([16])  Mise en onde ou en ligne, diffusion et distribution, communication, production d’émissions, gestion de la société.

([17])  Leonardo, série produite par Lux Vide en Italie, Beta Film en Allemagne pour Rai, ZDF et France Télévisions, Mirage, série produite par Lincoln TV en France, Cineflix au Canada et Wild Bunch Germany pour France Télévisions et ZDF, Le tour du monde en 80 jours, série produite par Federation Entertainment et Slim Film + Television pour France Télévisions, la RAI et la ZDF, Survivors, série produite par Rodeo Drive et Cinétévé pour la RAI et la ZDF.

([18])  https://www.cnc.fr/documents/36995/1039818/Accord+franco-allemand+-+mai+2001.pdf/7fb9ace3-3812-ffae-5cc6-c4cff92071ba

([19]) La délégation du Gouvernement fédéral à la culture et aux médias, en charge de la politique culturelle de la Fédération.

([20]) On en compte désormais 11, répartis sur 14 sites.

([21])  Parmi les exemples récents, on peut citer l’ancien ministre Thomas de Maizière, invité à l’occasion des 30 ans de la chute du mur de Berlin, le vice-chancelier et ministre fédéral des Finances, Olaf Scholz, qui a donné un entretien exclusif à France 24 le 5 septembre 2020.

([22]) Français, allemand, polonais, roumain, portugais, anglais.