1 

—  1  —

 

N° 3404

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 13 octobre 2020

AVIS

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L’ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE SUR LE PROJET DE LOI (n° 3360)
de finances pour 2021

TOME II

IMMIGRATION, ASILE ET INTÉGRATION

 

PAR Mme Élodie JACQUIER-LAFORGE

Députée

——

 

 Voir le numéro : 3399 – III – 28

 

 

 

En application de l’article 49 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF), les réponses au questionnaire budgétaire devaient parvenir au rapporteur pour avis au plus tard le 10 octobre 2020 pour le présent projet de loi de finances.

À cette date, 90 % des réponses attendues étaient parvenues à votre rapporteure pour avis.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


  1 

—  1  —

 

SOMMAIRE

___

Pages

AVANT-PROPOS......................................................  5

I. L’ÉVOLUTION DES CRéDITS CONSACRÉs à L’immigration et à L’intÉgration

A. Le programme 303 « immigration et asile »

1. L’action n° 2 « Garantie de l’exercice du droit d’asile »

a. La structuration et l’accroissement du dispositif national d’accueil des demandeurs d’asile

b. Les crédits de l’allocation pour demandeurs d’asile

c. L’Office français de protection des réfugiés et des apatrides

2. L’action n° 3 « Lutte contre l’immigration irrégulière »

3. Les autres actions

B. lE PROGRAMME 104 « Intégration et accès à LA NATIONALITé FRANçAISE »

1. L’action n° 11 « Accueil des étrangers primo-arrivants »

2. L’action n° 12 « Actions d’accompagnement des étrangers en situation régulière »

3. L’action n° 14 « Accès à la nationalité française »

4. L’action n° 15 « Accompagnement des réfugiés »

5. L’action n° 16 « Accompagnement du plan de traitement des foyers de travailleurs migrants »

II. la santé en rétention : une prise en charge déficiente aggravée par la crise sanitaire

A. Une prise de conscience qui doit aller au-delà de la seule crise sanitaire

1. Le caractère préoccupant de la situation sanitaire dans les CRA s’est accentué dans le contexte épidémique

a. Les principales problématiques sanitaires rencontrées en rétention

b. La menace de l’épidémie de Covid19 dans les CRA

2. La prise en charge sanitaire fait l’objet de critiques récurrentes

a. L’organisation disparate des unités médicales des CRA

b. Les insuffisances de la prise en charge des personnes malades

B. pour une meilleure prise en compte de la santé des personnes retenues

1. Améliorer la prise en charge médicale

a. La révision de la circulaire de 1999 doit rapidement aboutir

b. Anticiper les causes des problématiques sanitaires rencontrées en rétention

2. Mieux prendre en compte les situations particulières

a. Les personnes vulnérables

b. Les personnes dont l’état de santé nécessite une prise en charge médicale

c. Les personnes sortant de prison

ANNEXE : schéma de la procéduRe de protection contre l’éloignement pour les personnes retenues

Examen en commission

Personnes entendues

DÉPLACEMENT EFFECTUÉ


 

 

 

 

Mesdames, Messieurs,

Après trois années d’action et de transformation volontaristes, le projet de loi de finances pour 2021 maintient, pour la quatrième année consécutive, l’effort engagé depuis le début de cette législature en soutenant l’augmentation des crédits consacrés à la mission « Immigration, asile et intégration ».

Celle-ci se structure autour de trois grands axes : la maîtrise des flux migratoires, la garantie du droit d’asile et l’intégration des personnes immigrées en situation régulière.

Les crédits de paiement de cette mission s’élèvent désormais à 1,84 milliard d’euros, contre 1 milliard il y a quatre ans. Ils poursuivent l’objectif d’une amélioration du traitement des demandes d’asile, permettent de poursuivre l’élargissement du parc d’hébergement des demandeurs, assument la politique de lutte contre l’immigration irrégulière et renforcent les dispositifs d’accompagnement et d’intégration destinés aux étrangers.

Le contexte épidémique a toutefois mis en lumière les difficultés récurrentes qui font obstacle à une prise en charge sanitaire pleinement satisfaisante des personnes retenues au sein des centres de rétention administrative.

C’est pourquoi, après avoir présenté les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration », votre rapporteure a fait le choix, cette année, de s’intéresser à la santé des étrangers en rétention.


  1 

—  1  —

 

I.   L’ÉVOLUTION DES CRéDITS CONSACRÉs à L’immigration et à L’intÉgration

Les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration » inscrits dans le projet de loi de finances pour 2021 s’élèvent à 1,81 milliard d’euros en autorisations d’engagement (AE) et 1,84 milliard d’euros en crédits de paiement (CP), soit une baisse de 8,82 % en AE et une augmentation de 2,02 % en CP par rapport à la loi de finances initiale pour 2020.

La mission comporte deux programmes : le programme « Immigration et asile » (n° 303) et le programme « Intégration et accès à la nationalité française » (n° 104).

A.   Le programme 303 « immigration et asile »

Le programme n° 303 « Immigration et asile » comprend l’essentiel des crédits de la mission. Il finance les politiques publiques relatives à l’entrée, la circulation, le séjour et le travail des étrangers, l’éloignement des personnes en situation irrégulière ainsi que l’exercice du droit d’asile.

Pour 2021, si les crédits de ce programme baissent facialement de 11,49 % en AE, ils continuent d’augmenter de 2,51 % en CP par rapport à la loi de finances initiale pour 2020, pour s’établir à respectivement 1,32 et 1,41 milliard d’euros.

éVOLUTION DES CRédits du programme 303

(en millions d’euros)

 

LFI 2020

PLF 2021

Évolution

Numéro et intitulé de l’action

AE

CP

AE

CP

AE

CP

01 – Circulation des étrangers et politique des visas

0,52

0,52

0,52

0,52

0

0

02 – Garantie de l’exercice du droit d’asile

1 377,09

1 251,82

1 187,11

1 281,54

- 13,8 %

+ 2,37 %

03 – Lutte contre l’immigration irrégulière

113,14

122,88

131,19

127,86

+ 15,95 %

+ 4,05 %

04 – Soutien

5,7

5,7

5,7

5,7

0

0

Total

1 496,46

1 380,92

1 324,53

1 415,63

- 11,49 %

+ 2,51 %

Source : projet annuel de performances pour 2021.

1.   L’action n° 2 « Garantie de l’exercice du droit d’asile »

L’action n° 2, « Garantie de l’exercice du droit d’asile », représente la presque totalité des crédits du programme. Pour 2021, ils s’élèvent à 1,18 milliard d’euros en AE et 1,28 milliard d’euros en CP, soit une baisse de 13,8 % en AE ([1]) mais une hausse de 2,37 % en CP par rapport à 2020.

a.   La structuration et l’accroissement du dispositif national d’accueil des demandeurs d’asile

Dans une information du 27 décembre 2019 relative à la gestion du parc d’hébergement des demandeurs d’asile et des bénéficiaires de la protection internationale, le ministère de l’Intérieur a achevé la restructuration du dispositif national d’accueil (DNA) après sa réorganisation opérée par les précédentes instructions du 4 décembre 2017 et du 31 décembre 2018.

Si le parc d’hébergement a crû de manière très importante au cours de ces dernières années, passant de 49 742 places en 2014 à près de 103 064 pour l’année 2021, il a longtemps souffert d’un éclatement en divers dispositifs, construits dans l’urgence par strates successives.

Le parc d’hébergement a été réorganisé autour de trois niveaux de prise en charge :

● Les centres d’accueil et d’évaluation des situations (CAES) visent à garantir aux personnes souhaitant engager une démarche d’asile une mise à l’abri permettant une évaluation immédiate de leur situation administrative, afin de les orienter ensuite vers une structure adaptée. La durée maximale de séjour étant fixée à un mois, cette rotation garantit la fluidité de tout le système et évite ainsi la constitution de campements sur la voie publique.

En 2021, 1 000 places supplémentaires seront ouvertes au titre de cette action dans les 32 structures réparties dans l’ensemble des régions. Le public est orienté en CAES soit lors d’opérations d’évacuation ou de maraudes, soit par les structures de premier accueil, soit en raison d’un besoin immédiat d’hébergement.

Le plan de relance exceptionnel décidé par le Gouvernement dans le contexte de l’épidémie de Covid-19, dont les crédits sont inscrits dans la nouvelle mission budgétaire « Plan de relance », permettra par ailleurs le financement de 500 places supplémentaires et de porter le nombre total de places disponibles dans les CAES à 4 636.

 Le parc d’hébergement d’urgence des demandeurs d’asile (HUDA) est plus particulièrement adapté aux personnes sous procédure « Dublin » ou sous procédure accélérée.

Ce parc comprend d’abord des places d’hébergement d’urgence gérées au niveau déconcentré par les préfets. Le HUDA local a permis de regrouper les places autrefois dispersées entre le dispositif « accueil temporaire – service de l’asile » (AT‑SA), celles qui relevaient des « centres d’accueil et d’orientation » (CAO) ou encore des centres d’hébergement d’urgence pour migrants (CHUM). Les autres places relevant du parc d’hébergement d’urgence relèvent du programme d’accueil et d’hébergement des demandeurs d’asile (PRAHDA).

La dotation pour 2021, qui s’élève à 222 millions d’euros en AE et à 355 millions d’euros en CP, doit permettre le financement des 51 796 places d’hébergement d’urgence.

● Les centres d’accueil pour demandeurs d’asile (CADA) constituent l’hébergement de référence pour les demandeurs d’asile en procédure normale.

Ce dispositif d’hébergement pérenne compte plus de 360 centres qui offrent des prestations d’accompagnement social et administratif. Pour 2021, la dotation inscrite, qui s’élève à 332 millions d’euros, doit permettre le financement de l’accroissement de la capacité du parc à 46 632 places.

Nombre de places disponibles dans le dispositif national d’accueil

Dispositifs d’hébergement 

2014

2015

2016

2017

2018

2019

2020

CAES

-

-

-

-

2 896

3 136

4 636

AT-SA

2160

4 234

6 013

5 776

5 855

-

-

PRAHDA

-

-

-

5 351

5 351

5 351

5 351

CAO

-

967

10 370

9 424

9 995

4 495

-

HUDA local

22 894

18 868

17 400

19 220

20 953

42 192

46 445

CADA

24 418

28 104

38 126

40 450

42 452

43 452

46 632

Total

49 742

52 173

71 909

80 221

82 592

98 476

103 064

Source : ministère de l’Intérieur.

Cette accélération de la montée en puissance du DNA s’accompagne de la mise en œuvre de la procédure d’orientation directive des demandeurs d’asile renforcée par la loi du 10 septembre 2018. Ce dispositif permet de répartir les demandeurs sur l’ensemble du territoire national en fonction des places disponibles et des tensions constatées dans le parc d’hébergement. L’application de cette orientation directive rencontre néanmoins des difficultés récurrentes en raison d’une concentration de la demande d’asile dans les régions d’Île-de-France et des Hauts-de-France. Ce constat perdure depuis qu’il a été dressé par votre rapporteure dans son avis sur le projet de loi de finances pour 2018 ([2]).

b.   Les crédits de l’allocation pour demandeurs d’asile

À l’action n° 2 figurent également les crédits de l’allocation pour demandeurs d’asile (ADA), qui est versée aux demandeurs d’asile durant toute la durée de la procédure d’instruction de leur demande.

Versée par l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII), son montant varie selon la composition familiale des demandeurs et leur hébergement.

Pour 2021, la dotation inscrite est de 452 millions d’euros, soit une nouvelle progression par rapport aux années 2020 (+ 2,6 %) et 2019 (+ 33 %). Il s’agit de la poursuite de l’effort visant à mieux respecter l’exigence de sincérité budgétaire concernant cette dépense longtemps sous-évaluée. La dotation pour 2021 est néanmoins bâtie, à nouveau, sur une stabilisation de la demande d’asile par rapport à celle constatée en 2019 (132 800 demandes), l’année 2020 ne pouvant servir de référence compte-tenu de la crise sanitaire qui a temporairement provoqué une baisse de l’ordre de 30 % des demandes.

c.   L’Office français de protection des réfugiés et des apatrides

L’action n° 2 prévoit enfin le versement de la subvention de l’État à l’Office français de protection des réfugiés et des apatrides (OFPRA) mentionnée à l’article L. 722-5 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA). Elle s’élève à 92,84 millions d’euros, en hausse de 1,3 % par rapport à 2020.

Elle permet à l’Office de financer ses dépenses de personnel et de fonctionnement. En 2020, une hausse exceptionnelle de 30 % des crédits de l’OFPRA lui ont permis d’augmenter son plafond d’emploi de 200 équivalents temps plein annuel travaillé (ETPT), portant leur total à 1 005 postes.

L’enjeu, pour l’Office, est de réduire les délais de traitement des demandes d’asile à deux mois et de résorber le stock de dossiers en instance après la période de confinement qui a affecté son activité et dans un contexte prévisionnel de stabilité de la demande d’asile en 2021 par rapport à l’année 2019.

2.   L’action n° 3 « Lutte contre l’immigration irrégulière »

Cette action finance notamment les dépenses liées au maintien en zone d’attente ou en rétention et les procédures d’éloignement, ainsi que l’accompagnement social, juridique et sanitaire des personnes non admises sur le territoire national.

Pour l’année 2021, les crédits sont en hausse : ils s’établissent à 113,14 millions d’euros en AE (+ 15,95 % par rapport à 2020) et à 122,88 millions d’euros en CP (+ 4,05 %).

 40,45 millions d’euros en AE et 38,18 millions d’euros en CP sont destinés au fonctionnement des 25 centres de rétention administrative (CRA), des 20 locaux de rétention administrative (LRA) et de la zone d’attente des personnes en instance (ZAPI) de l’aéroport de Roissy. Ces crédits permettent de couvrir les frais de fonctionnement courant – prestations de restauration, de blanchisserie, entretien immobilier et frais d’interprétariat.

● 22,47 millions d’euros en AE et 21,41 millions d’euros en CP seront consacrés en 2021 à l’investissement immobilier des centres, et notamment la poursuite de l’augmentation du nombre de places de rétention.

Sur la période 2018-2020, le nombre total de places aura été augmenté de 480, soit plus de 35 %, par la rénovation des structures existantes, leur extension ainsi que la création de nouveaux centres. Au 31 décembre 2019, 389 places avaient été ouvertes, portant la capacité réelle des CRA à 1 891 places, dont 1 664 en métropole. En 2020, 36 places à Lyon et 25 à Coquelles auront été créées. La livraison des 30 places supplémentaires prévues au CRA de Lille a été repoussée à mars 2021 en raison de la crise sanitaire. À terme, l’ouverture d’un nouveau CRA de 140 places à Lyon et l’extension d’autres centres devraient porter l’accroissement total à plus de 800 places à l’horizon 2023, soit une augmentation de 60 % de la capacité immobilière totale. Cette politique a pour objet de renforcer l’effectivité de l’exécution des décisions d’éloignement et de tenir compte de l’augmentation de la durée légale de placement en rétention permise par la loi du 10 septembre 2018.

 25 millions d’euros sont consacrés à la prise en charge sanitaire et à l’accompagnement social des personnes en rétention. Depuis 2020, 200 000 euros sont spécifiquement consacrés au financement de vacations de psychologues dans les CRA.

 34,69 millions d’euros, enfin, sont consacrés aux frais d’éloignement des migrants en situation irrégulière, dont la mise en œuvre revient, au sein de la police nationale, à la direction centrale de la police aux frontières (DCPAF).

Ces crédits permettent notamment de financer les frais de billetterie liés au transport des personnes (vols commerciaux, train ou bateau), le fonctionnement de l’aéronef de type Beechcraft de dix-neuf places utilisé de manière ponctuelle pour les éloignements, notamment familiaux, à destination des Balkans et du Caucase, ainsi que certains frais supportés par les services administratifs.

3.   Les autres actions

L’action n° 1 « Circulation des étrangers et politique des visas » finance une partie des dépenses de fonctionnement des postes diplomatiques et consulaires en charge des visas, à savoir le renouvellement des stations de travail ainsi que l’utilisation des réseaux de communication de données. Pour 2021, la dotation est stable, à 520 000 euros.

L’action n° 4 « Soutien » regroupe une partie des moyens nécessaires au fonctionnement courant de la direction générale des étrangers en France (DGEF) du ministère de l’Intérieur. Stables, les AE et les CP s’élèvent pour 2021 à 5,7 millions d’euros.

B.   lE PROGRAMME 104 « Intégration et accès à LA NATIONALITé FRANçAISE »

Le programme n° 104 « Intégration et accès à la nationalité française » comprend quatre actions qui concourent à l’intégration des étrangers en situation régulière, notamment ceux qui se sont vus reconnaître le bénéfice du droit d’asile. Pour 2021, les crédits du programme s’élèvent à 433 millions d’euros en AE et en CP, soit une hausse de 0,44 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2020.

Cette stabilisation, après une importante augmentation des crédits engagée depuis 2018, témoigne de la volonté du Gouvernement de poursuivre le financement du renforcement des dispositifs d’intégration décidé lors du comité interministériel à l’intégration du 5 juin 2018 et amorcé dans la loi de finances initiale pour 2019. Elle vise également à pérenniser les places de centre provisoire d’hébergement (CPH) destinées aux réfugiés.

éVOLUTION DES Crédits du programme 104

(en millions d’euros)

 

LFI 2020

PLF 2021

Évolution

Numéro et intitulé de l’action

AE

CP

AE

CP

AE

CP

11 – Accueil des étrangers primo-arrivants

255,43

255,43

251,43

251,43

- 1,57 %

- 1,57 %

12 – Actions d’accompagnement des étrangers en situation régulière

53,21

53,21

58

58

+ 9 %

+ 9 %

14 – Accès à la nationalité française

0,98

1,04

0,99

1,05

+ 0,68 %

+ 0,64 %

15 – Accompagnement des réfugiés

113,57

113,57

114,69

114,69

+ 0,99 %

+ 0,99 %

16 – Accompagnement du plan de traitement des foyers de travailleurs migrants

8,13

8,13

8,13

8,13

0

0

Total

431,35

431,41

433,26

433,32

- 8,82 %

+ 2,02 %

Source : projet annuel de performances pour 2021.

1.   L’action n° 11 « Accueil des étrangers primo-arrivants »

Cette action finance l’OFII, opérateur public qui contribue aux missions de la DGEF.

L’OFII est notamment en charge de l’accueil et de l’intégration des étrangers autorisés à séjourner durablement en France, de l’accompagnement des demandeurs d’asile ou encore de l’aide au retour et à la réinsertion des étrangers qui ne bénéficient pas d’un titre de séjour.

Pour ce qui concerne l’accueil et l’accompagnement des étrangers primo-arrivants, la loi du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France a posé les principes de cette politique, qui s’appuie notamment sur le contrat d’intégration républicaine (CIR).

Le CIR comprend, outre un entretien d’orientation, des cours de langue française et une formation civique.

Reprenant une grande partie des propositions du rapport de notre collègue Aurélien Taché ([3]), également intégrées dans la loi du 10 septembre 2018 précitée, le comité interministériel à l’intégration du 5 juin 2018 a arrêté une série de mesures en faveur de l’intégration comprenant notamment :

– le doublement des cours de langue : le nombre d’heures est passé de 200 à 400 heures en 2019, afin de rapprocher la France des meilleurs standards européens ;

– le doublement de la formation civique, qui est passée de 12 à 24 heures, et est organisée en plusieurs temps, au fil du parcours d’intégration, pour que les bénéficiaires en tirent un meilleur profit ;

– l’introduction d’une prestation d’orientation professionnelle dès le stade du CIR, avec, à la fois, la création d’entretiens à visée professionnelle en début et en fin de CIR, ainsi qu’un entretien approfondi d’orientation professionnelle pour chaque primo-arrivant en recherche d’emploi.

Pour 2021, la subvention versée à l’OFII s’élèvera à 251,4 millions d’euros, soit une baisse de 1,57 % par rapport à 2020. Ces crédits doivent permettre de mettre en œuvre les mesures décidées lors du comité interministériel du 5 juin 2018, le CIR rénové n’ayant pu être pleinement déployé en 2020 compte tenu du contexte sanitaire.

Ces missions sont cependant exercées sans revalorisation du plafond d’emploi de l’Office qui est confronté à une forte rotation de ses équipes, notamment des personnels contractuels qui constituent jusqu’à 70 % des agents en charge de l’asile. L’entrée en vigueur de l’article 17 de la loi n° 2019-828 du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique va néanmoins permettre de remédier à cette situation en autorisant l’OFII à recruter directement des agents en contrat à durée indéterminée.

2.   L’action n° 12 « Actions d’accompagnement des étrangers en situation régulière »

Cette action finance les programmes d’accompagnement, mis en œuvre par les préfectures, visant à faciliter l’intégration des étrangers durant les cinq premières années qui suivent leur admission au séjour.

Ces programmes comprennent, pour prolonger la formation délivrée par le CIR, des actions de formation linguistique et de formation civique ainsi que des mesures d’accès aux droits, à l’insertion professionnelle et à l’emploi.

Après une hausse de près de 30 % en 2018 et en 2019 et de 10 % en 2020, les crédits consacrés à cette action continuent d’augmenter : ils s’élèveront pour 2021 à 58 millions d’euros, soit une hausse de 9 % par rapport à 2020. Ces crédits s’inscrivent dans la forte dynamique insufflée par le comité interministériel du 5 juin 2018 et devraient permettre de renforcer les outils dont disposent les territoires pour mettre en œuvre l’accompagnement vers l’emploi.

3.   L’action n° 14 « Accès à la nationalité française »

L’action n° 14 finance le fonctionnement courant de la sous-direction de l’accès à la nationalité française (SDNAF) du ministère de l’Intérieur, localisée à Rezé (Loire-Atlantique), notamment l’entretien des locaux et les fournitures documentaires à destination des préfectures en lien avec la procédure de naturalisation (dossiers remis lors des cérémonies d’accueil, livret de citoyenneté).

Pour 2021, les AE s’élèvent à 0,99 million d’euros et les CP à 1,05 million, dans la lignée de l’année 2020.

76 710 personnes sont devenues françaises en 2019 au terme d’une procédure suivie par le ministère de l’Intérieur, selon deux voies :

– la procédure de naturalisation par décret, pour les étrangers installés durablement en France ;

– la procédure de déclaration à raison du mariage, pour les étrangers mariés à un conjoint français.

 

 

4.   L’action n° 15 « Accompagnement des réfugiés »

Cette action finance l’accès au logement et à l’emploi des réfugiés qui ont besoin d’un accompagnement spécifique.

Après avoir augmenté de 129,7 % en 2019 et de 17,54 % en 2020, les crédits de cette action se stabilisent à 114,69 millions d’euros en AE et CP.

● L’essentiel de ces crédits finance les centres provisoires d’hébergement (CPH), structures ayant pour objet de favoriser l’accompagnement des réfugiés présentant des difficultés et nécessitant une prise en charge complète dans les premiers mois après l’obtention de leur statut.

Pour 2021, la dotation inscrite s’établit à 81,92 millions d’euros pour permettre le financement des 2 000 places supplémentaires créées depuis 2018, ainsi que la transformation des 1 500 places de CHUM en places de CPH en Île-de-France. La capacité totale des 138 centres s’élève aujourd’hui à 8 710 places.

Pour faire face à la problématique de l’intégration des réfugiés et de l’accessibilité au logement en Île-de-France, la préfecture de région expérimente un nouveau type de centre dénommé centre d’accueil et d’insertion des réfugiés (CAIR). D’une capacité de 200 places, le CAIR du boulevard Poniatowski, dans le douzième arrondissement de Paris, a ouvert le 10 octobre 2019. Ce centre est consacré à l’accueil et à l’insertion des réfugiés disposant d’un emploi ou en voie d’insertion professionnelle. À moyen terme, il concentrera en un seul lieu l’hébergement, l’acquisition de la langue française et des valeurs de la République, ainsi que la formation professionnelle. Conçue comme un sas, cette structure expérimentale a vocation à accueillir le public statutaire pour une durée de six mois.

● Les actions d’accompagnement des réfugiés sont mises en œuvre et gérées par le secteur associatif. Elles comprennent notamment des aides et secours, par l’attribution de bourses pour la poursuite d’études universitaires, et des interventions en faveur de la promotion sociale et professionnelle. Sont ainsi financés des dispositifs d’hébergement spécifiques pour les réfugiés isolés, non francophones et en difficulté sociale.

La dotation, en augmentation pour 2021, s’établit à 32,77 millions d’euros.

Elle permettra de renforcer les mesures de la stratégie interministérielle d’accueil et d’intégration des réfugiés, dans la lignée du comité interministériel du 5 juin 2018. Elle doit permettre de financer, par exemple, la poursuite du programme « HOPE » ([4]) qui a permis, en 2020, à 1 500 réfugiés d’entrer dans un parcours spécifique d’intégration de huit mois, comprenant hébergement, acquisition de la langue française, découverte des métiers et accompagnement social et professionnel. Ce projet se poursuivra en 2021 et s’adressera à de nouveaux réfugiés dont le nombre devrait être compris entre 750 et 1 500.

5.   L’action n° 16 « Accompagnement du plan de traitement des foyers de travailleurs migrants »

Cette action finance l’accompagnement du plan de traitement des foyers de travailleurs migrants (PTFTM). Le PTFTM a pour objectif d’améliorer les conditions de logement et de vie des résidents. Il s’agit, à la fois, de remettre aux normes un certain nombre de bâtiments et de mettre en place un accompagnement social. Depuis sa création en 1997, ce plan a permis le traitement de 452 foyers ainsi que la démolition ou la vente de 90 autres sur les 690 recensés. Sa poursuite est indispensable pour réhabiliter 142 foyers restants.

Les AE et les CP s’élèvent, pour 2021, à 8,13 millions d’euros.

 


  1 

—  1  —

 

II.   la santé en rétention : une prise en charge déficiente aggravée par la crise sanitaire

Au sein de la mission « Immigration, asile et intégration », les crédits consacrés à la prise en charge sanitaire des personnes en CRA relèvent de l’unité n° 11 de l’action n° 3 « Lutte contre l’immigration irrégulière » du programme 303 « Immigration et asile ». Ce financement relève donc exclusivement du ministère de l’Intérieur.

D’un point de vue strictement budgétaire, l’évolution des crédits de cette sous-action sur les dix dernières années peut être analysée selon trois phases. Entre 2007 et 2012, les crédits consacrés à la prise en charge des personnes retenues ont été brutalement réduits, en 2009, à 5 millions d’euros alors que la politique d’éloignement était en pleine expansion. Entre 2012 et 2017, la stabilisation à la baisse du nombre de personnes placées en rétention a été corrélée avec une consolidation des crédits budgétaires qui ont atteint 8 millions d’euros. Enfin, sous la présente législature, la politique volontariste du Gouvernement en matière d’éloignement s’est accompagnée d’un renforcement des crédits consacrés à la prise en charge sanitaire dans les CRA qui atteignent 10,6 millions d’euros dans le projet de loi de finances pour 2021 ([5]).

évolution des crédits conSacrés à la prise en charge sanitaire
au regard du nombre de placements en rétention

Source : commission des Lois.

L’enjeu de la prise en charge sanitaire des personnes retenues ne saurait cependant être analysé sous le seul prisme budgétaire, surtout lorsqu’il est question de santé. Le présent avis s’inscrit bien sûr dans le contexte de la crise liée à l’épidémie de Covid-19 mais ne s’y limite pas : les mesures prises pour y faire face n’ont pas été suffisantes pour pallier les carences récurrentes de la prise en charge sanitaire et médicale en rétention. Si votre rapporteure défend une prise de conscience et une nouvelle approche concernant la santé des personnes retenues, elle regrette néanmoins, préalablement à son propos, qu’aucune étude épidémiologique n’ait été menée sur cette question primordiale et que les données accessibles sur ce sujet restent très limitées.

A.   Une prise de conscience qui doit aller au-delà de la seule crise sanitaire

1.   Le caractère préoccupant de la situation sanitaire dans les CRA s’est accentué dans le contexte épidémique

a.   Les principales problématiques sanitaires rencontrées en rétention

En l’absence d’étude épidémiologique menée en CRA, le seul indicateur permettant d’identifier les principales pathologies qui y sont rencontrées relève des demandes de protection contre l’éloignement pour raisons médicales ([6]) formulées par les personnes retenues. En 2019, l’OFII a été saisie de 973 demandes qui ont principalement été fondées sur les troubles mentaux et du comportement (22 %) et sur les maladies infectieuses et parasitaires (19,3 %).

L’état de santé mentale des personnes retenues est devenu un vif sujet de préoccupation. Cette question doit être replacée dans un double contexte. D’abord celui du nouveau séquençage de la rétention et de son allongement de 45 à 90 jours, permis par la loi du 10 septembre 2018, qui a provoqué un allongement de la durée moyenne de rétention : elle est passée de 12,4 jours en 2017 à 17,5 jours en 2019. Par ailleurs, le taux moyen d’occupation des CRA a fortement augmenté : il est passé, en métropole, de 48,3 % en 2013 à 86,4 % en 2019. Depuis deux ans, les personnes sont donc retenues plus longtemps et en plus grand nombre dans les CRA.

Les impacts psychologiques de la promiscuité, de l’ennui et du stress chez certaines personnes viennent se conjuguer aux problèmes psychiatriques ou d’addiction d’autres retenus et altèrent fortement les conditions de rétention pour les étrangers mais aussi pour les fonctionnaires de police qui y travaillent : les tensions, les automutilations et les violences sont de plus en plus pesantes dans les CRA. Ce constat est unanime : il est relayé par les associations présentes en rétention, les principales autorités de contrôle – Contrôleur général des lieux de privation de liberté et Défenseur des droits – et les fonctionnaires de polices eux-mêmes. Il a été corroboré par les auditions conduites par votre rapporteure et par les visites qu’elle effectue en rétention depuis trois ans.

La prévention, la détection et la prise en charge des maladies infectieuses constituent sa deuxième préoccupation, notamment en ce qui concerne la tuberculose. La propagation de cette maladie ne cesse de se réduire depuis des décennies dans notre pays – le taux de déclaration était de 7,6 cas pour 100 000 habitants en 2018 ([7]), soit 5 092 personnes contaminées – mais celle-ci se manifeste encore épisodiquement dans les CRA.

Le docteur Jean­‑Paul Guthmann, épidémiologiste à Santé publique France, détaille les raisons qui peuvent expliquer ce phénomène. En effet, la proportion de cas de tuberculose chez les personnes nées à l’étranger ne cesse d’augmenter en France : elle était de 41 % en 2000, contre 66 % en 2018. Ce constat est particulièrement net en Île-de-France puisque 77 % des personnes atteintes ne sont pas nées en France. Cette proportion est encore plus importante en Seine-Saint-Denis (79 %), à Paris (83 %) et surtout dans le Val-de-Marne (84 %). 70 % de ces personnes sont originaires d’Afrique.

Pour l’épidémiologiste, la prévalence des cas de tuberculoses chez les étrangers en France s’explique par la « réactivation d’une infection tuberculeuse acquise dans le pays d’origine, favorisée par le parcours migratoire et souvent par des conditions de vie dans le pays d’accueil » ([8]).

taux de déclaration de tuberculose par lieu de naissance en France

Source : Jean-Paul Guthmann.

b.   La menace de l’épidémie de Covid‑19 dans les CRA

Deux semaines après le début du confinement décrété à compter du 17 mars 2020, onze des vingt-et-un CRA de métropole ont suspendu leur activité. Seuls les CRA du Mesnil-Amelot 2, de Rouen, de Nîmes, de Toulouse, de Metz, de Bordeaux, de Vincennes 2 et 3, de Lille et de Lyon ont maintenu une activité réduite, conformément à un protocole sanitaire déterminé le 17 mars. Ce dernier prévoyait une évaluation sanitaire de tout étranger en situation irrégulière et présentant des symptômes évocateurs d’une infection avant la décision de placement en rétention, une doctrine de prise en charge des retenus contaminés, la mise en œuvre des gestes barrières et des règles de distanciation sociale dans les espaces de vie et le renforcement de la sécurité sanitaire au sein des centres.

Deux décisions du Conseil d’État, saisi en référé, ont validé la poursuite de l’activité des CRA malgré l’aggravation de la situation sanitaire. Le juge administratif a, en effet, refusé, le 27 mars ([9]), la demande d’associations d’enjoindre au Gouvernement de fermer temporairement les CRA, compte-tenu du protocole mis en place, alors que 152 personnes y étaient encore retenues. Il a également estimé, le 7 mai ([10]), qu’il était possible de maintenir en rétention un étranger positif à la Covid‑19 en attendant sa guérison et la mise en œuvre de sa mesure d’éloignement. En effet, si les perspectives de mise en œuvre des mesures d’éloignement ont été fortement réduites pendant le confinement en raison de la fermeture des frontières de 179 pays, celles-ci n’ont pas été nulles, notamment pour les retours en direction de l’Albanie.

À partir du 11 mai 2020, date du déconfinement, l’activité des CRA a progressivement repris. En raison du protocole sanitaire en vigueur, actualisé le 17 juillet ([11]), qui a notamment réduit de moitié les capacités d’accueil, et de la réouverture seulement partielle des frontières, les placements en rétention demeurent néanmoins restreints depuis cette date. Depuis le 17 mars, 3 702 retenus ont été admis en CRA, contre 12 110 sur la même période en 2019.

Votre rapporteure a pu constater, au CRA de Vincennes, les mesures qui ont été mises en place afin de limiter les risques de propagation de l’épidémie. À leur arrivée au centre, les personnes font l’objet d’un dépistage systématique et sont placées dans une zone tampon en attendant le résultat de leur test. Un des bâtiments du centre a été spécialement reconverti en espace d’accueil des personnes contaminées. Depuis le 6 octobre 2020, c’est le CRA de Plaisir (Yvelines) qui a entièrement été reconverti pour centraliser l’ensemble des personnes retenues contaminées. D’une capacité de 26 places, sa jauge a été réduite à 13 places.

Au 14 septembre, 22 personnes retenues avaient été testées positives à la Covid19. Le principal cluster s’est déclaré au mois d’août au CRA du Mesnil-Amelot : le centre a été mis en quarantaine et n’a plus opéré ni entrées ni sorties.

Si la propagation de l’épidémie a été contrôlée dans les CRA, l’attention de votre rapporteure a néanmoins été alertée sur certaines situations sensibles.

Dans une lettre, rendue publique, du 20 avril 2020 adressée au ministre de l’Intérieur, la Contrôleure générale des lieux de privation de liberté constatait, dans le prolongement d’une audition par la commission des Lois cinq jours auparavant et de plusieurs visites sur place, que, dans les CRA, « le respect des gestes barrières est impossible en raison du manque d’information et d’équipement, des conditions d’hygiènes déplorables, de l’agencement architectural et des conditions de vie imposées aux personnes retenues ». Des responsables associatifs ont par ailleurs indiqué à votre rapporteure que, dans deux CRA, la distribution de masques a été refusée à des retenus dans certains cas et que, dans d’autres, des fonctionnaires de police ont refusé de porter un masque en leur présence, notamment en voiture lors d’escortes.

L’obligation de présenter un test virologique négatif de dépistage de la Covid‑19 imposée par un certain nombre de pays de retour est par ailleurs utilisée par des personnes retenues comme un moyen d’empêcher l’exécution de leur mesure d’éloignement lorsqu’elles refusent de se soumettre à un test PCR. Si le prélèvement naso-pharyngé constitue incontestablement un geste qui ne saurait être exécuté de force, sa nécessaire réalisation relève pourtant de l’obligation, pour l’étranger, de se soumettre à l’exécution de sa mesure d’éloignement. Sur le fondement de l’article L. 624­‑1‑1 du CESEDA, qui dispose que « tout étranger qui se soustrait ou qui tente de se soustraire à l’exécution (…) d’une mesure de reconduite à la frontière (…) est puni d’une peine de trois ans d’emprisonnement », des peines de prison ferme ont déjà été prononcées par des tribunaux judiciaires ([12]).

2.   La prise en charge sanitaire fait l’objet de critiques récurrentes

a.   L’organisation disparate des unités médicales des CRA

Les modalités de prise en charge des personnes retenues dans les CRA sont prévues par le CESEDA.

Son article L. 551‑2 dispose que « l’étranger est informé dans une langue qu’il comprend et dans les meilleurs délais du fait qu’il bénéficie, dans le lieu de rétention, du droit de demander l’assistance d’un interprète, d’un conseil et d’un médecin ». Ce droit à l’assistance d’un médecin, dès le placement en rétention, a été introduit par la loi n° 98‑349 du 11 mai 1998 relative à l’entrée et au séjour des étrangers en France et au droit d’asile.

L’article R. 553­‑12 pose le principe selon lequel les étrangers retenus sont soignés gratuitement ([13]) et, s’ils en font la demande, sont soignés par un médecin de l’unité médicale du CRA (UMCRA).

À cette fin, le 6° de l’article R. 553­‑3 prévoit que les CRA sont équipés d’une ou plusieurs salles dotées d’équipement médical et réservées au service médical ([14]). Le premier alinéa de l’article L. 553‑8 prévoit que « des locaux et des moyens matériels adaptés doivent permettre au personnel de santé de donner des consultations et de dispenser des soins » dans les CRA.

Plus précisément, le second alinéa du même article organise l’intervention des établissements de santé – le plus souvent des centres hospitaliers – par le biais de conventions passées avec la préfecture et financées par les crédits du ministère de l’Intérieur précédemment évoqués. Les modalités d’établissement de ces conventions sont toujours régies par une circulaire du 7 décembre 1999 commune aux ministères chargés de la santé, des affaires sociales, de l’intérieur et de la défense ([15]).

Cette circulaire prévoit que l’établissement de santé met à disposition du CRA le personnel hospitalier et les moyens nécessaires à son activité. Elle fournit à cette fin une description indicative du dispositif à mettre en place selon la taille du CRA :

– dans les CRA d’une capacité inférieure à 50 places : présence d’un médecin 3 demi-journées par semaine, d’une infirmière 8 heures par jour, 7 jours sur 7, et d’un pharmacien une demi-journée mensuelle ;

– dans les CRA d’une capacité de 50 à 100 places : présence d’un médecin 5 demi-journées par semaine, d’une infirmière 8 heures par jour, 7 jours sur 7, et d’un pharmacien une journée mensuelle ;

– dans les CRA d’une capacité supérieure ou égale à 100 places : présence d’un médecin 10 demi-journées par semaine, d’une infirmière 10 heures par jour, 7 jours sur 7, et d’un pharmacien une journée mensuelle.

Dans les faits, l’organisation de la présence médicale demeure très variable selon les CRA, selon la convention qui a été conclue et selon la dotation financière qui lui est allouée.

Dans les CRA de métropole, on observe ainsi une forte disparité financière entre les centres, qui peut aller du simple au quadruple.

Si le montant moyen des frais sanitaires engagés par personne retenue s’établit à 321 euros, il est particulièrement faible à Metz (198 euros), à Lille (173 euros) et surtout à Coquelles (139 euros), ce qui est assez préoccupant compte-tenu de la situation migratoire dans le Calaisis. On observe que le montant alloué à la prise en charge sanitaire est généralement plus faible dans les CRA accueillant plus de 1 000 retenus par an si l’on exclut les CRA de Paris, de Lyon et de Toulouse.

Conventions sanitaires passées en 2019 en métropole

CRA

Nombre de personnes retenues

Montant de la convention sanitaire

(en euros)

Montant par personne retenue (en euros)

Hendaye

337

185 725

551

Nice Auvare

622

280 575

451

Sète

342

152 265

445

Perpignan

565

221 274

392

Bordeaux

437

169 000

387

Paris

4 555

1 655 474

363

Strasbourg

567

205 898

363

Lyon

1 445

522 000

361

Toulouse

1 247

447 654

359

Plaisir

483

171 804

356

Rouen Oissel

914

300 000

328

Palaiseau

627

197 722

315

Mesnil Amelot 3

1 488

441 000

296

Marseille

1 418

382 700

270

Nîmes

1 283

300 664

234

Mesnil Amelot 2

1 892

441 000

233

Rennes

941

200 000

213

Metz

1 413

280 000

198

Lille

1 765

305 844

173

Coquelles

2 018

281 324

139

 

 

 

 

TOTAL

24 359

5 486 449

 

MOYENNE

1 218

288 760

321

Sources : DGEF et commission des Lois.

L’outre-mer doit faire l’objet d’une analyse à part compte-tenu de la forte activité des centres, notamment à Mayotte, et d’une durée moyenne de rétention très courte : elle s’élevait à 2,4 jours en 2019.

Conventions sanitaires passées en 2019 en outre-meR

CRA

Nombre de personnes retenues

Montant de la convention sanitaire

(en euros)

Montant par personnes retenue (en euros)

Guadeloupe

449

76 000

169

Guyane

1 875

300 000

160

Mayotte

23 804

1 000 000

42

 

 

 

 

TOTAL

26 128

1 376 000

 

MOYENNE

8 709

458 667

124

Sources : DGEF et Commission des Lois.

La situation migratoire en forte tension à Mayotte ne permet pas une prise en charge sanitaire satisfaisante des personnes retenues dans le CRA de Mamoudzou : le montant alloué à la convention n’y est que de 42 euros par personne retenue.

Une mission a néanmoins été confiée, par convention, au centre hospitalier afin de mettre en place un dispositif d’évaluation sanitaire initiale des étrangers en situation irrégulière lors de leur interception en mer. L’objectif de ce dispositif, mis en place en 2012, est de permettre la prise en charge médicale immédiate de ces personnes lorsque la situation le nécessite. Dans ce cadre, le centre hospitalier met à disposition des locaux situés au sein de l’hôpital de Dzaoudzi, 4 ETPT infirmiers et un ETPT aide-soignant sous l’autorité d’un médecin et d’un cadre de santé.

b.   Les insuffisances de la prise en charge des personnes malades

Qu’il s’agisse d’alertes émises par le Contrôleur général des lieux de privation de liberté ([16]), le Défenseur des droits ([17]) ou les associations intervenant en CRA ([18]), les griefs formulés envers les modalités de prise en charge des personnes malades dans les CRA sont nombreux et récurrents.

Les conditions d’accès au local sanitaire constituent, le plus souvent, le premier obstacle à une prise en charge pleinement satisfaisante et respectueuse du droit au secret médical. En effet, dans la plupart des CRA, l’infirmerie n’est pas directement accessible pour les personnes retenues : celles-ci doivent au préalable solliciter un fonctionnaire de police afin de s’y rendre.

Le défaut fréquent d’interprétariat lors des entretiens entre la personne retenue et le personnel de santé est également fortement préjudiciable au suivi médical du patient.

L’enjeu de la continuité des soins, et ce à toutes les étapes de la procédure de la rétention – qu’il s’agisse de la sortie de prison pour certains, de l’entrée en rétention pour la plupart et de l’exécution de la mesure de retour – constitue un enjeu majeur qui n’est pas suffisamment anticipé par l’autorité administrative. Ce problème est particulièrement sensible pour les personnes retenues souffrant d’addictions lorsqu’elles bénéficient d’un traitement de substitution pour pallier le manque consécutif à leur sevrage.

Enfin, la prise en charge de la santé mentale des personnes retenues demeure largement insuffisante au point que l’évolution des conditions de rétention – pour les personnes retenues comme pour les fonctionnaires de police et les prestataires qui travaillent sur place – devient préoccupante aux yeux de votre rapporteure.

Le déploiement de psychologues a été permis, pour la première fois, par le projet de loi de finances pour 2020 et confirmé pour 2021 au moyen d’un fléchage spécifique de crédits budgétaires à hauteur de 200 000 euros. Il s’agit d’un premier élan utile mais encore limité.

Lors de la discussion du projet de loi de finances pour 2020, l’Assemblée nationale avait adopté, à l’initiative de nos collègues Jean‑Noël Barrot et Alexandre Holroyd, un amendement de crédit à la mission « Immigration, asile et intégration » afin d’abonder cette dotation de 200 000 euros supplémentaires. Cette initiative semble avoir été vaine puisque le déploiement est demeuré limité en 2020 et que le projet de loi de finances pour 2021 continue de faire état d’une dotation budgétaire de 200 000 euros.


Déploiement des psychologues dans les CRA

CRA

Nombre de places

Présence d’un psychologue

Bordeaux

20

Pas de données disponibles

Coquelles

79

2 demi-journées par semaine

Guadeloupe

40

1 demi-journée par semaine

Guyane

45

1 demi-journée par semaine

Hendaye

30

Pas de données disponibles

La Réunion

6

Absence de permanence

Lille

86

2 demi-journées par semaine

Lyon

104

1 demi-journée par semaine

Marseille

136

3 demi-journées par semaine

Mayotte

136

1 demi-journée par semaine

Mesnil Amelot 2

120

0,25 ETP psychiatre

pas de psychologue

Mesnil Amelot 3

120

0,25 ETP psychiatre

pas de psychologue

Metz

98

Pas de données disponibles

Nice Auvare

40

2 demi-journées par semaine

Nîmes

66

2 demi-journées par semaine

Palaiseau

40

2 demi-journées par semaine

Paris

237

Absence de permanence

Perpignan

48

1 demi-journée par semaine

Plaisir

26

1 demi-journée par semaine

Rennes

56

2 demi-journées par semaine

Rouen Oissel

72

2 demi-journées par semaine

Sète

28

1 demi-journée par semaine

Strasbourg

34

1 demi-journée par semaine

Toulouse

126

2 demi-journées par semaine

Sources : DGEF et commission des Lois.

B.   pour une meilleure prise en compte de la santé des personnes retenues

1.   Améliorer la prise en charge médicale

a.   La révision de la circulaire de 1999 doit rapidement aboutir

La circulaire du 7 décembre 1999 relative au dispositif sanitaire mis en place dans les CRA n’est plus adaptée à la situation actuelle de la rétention : 14 260 personnes étaient retenues en 1999 alors que ce sont 50 486 qui l’ont été en 2019.

En 2006, déjà, le projet annuel de performance de la mission « Asile, immigration et intégration » annexé au projet de loi de finances pour 2007 indiquait que « les normes de 1999 ne sont qu’imparfaitement utilisées pour la détermination des financements afférents. Face à la réalité, évolutive, des situations locales (capacité de négociation avec les centres hospitaliers, ouvertures de places en cours d’année, historique des institutions…), des écarts par rapport aux conditions de référence peuvent se rencontrer. Ces normes étant anciennes, un groupe de travail a été mis en place pour les mettre à jour en 2007, ce travail est en cours. »

Il a fallu attendre une information du 29 janvier 2017 ([19]) pour que la circulaire de 1999 soit enfin abrogée. Néanmoins, le texte appelé à lui succéder n’a pas été publié et la circulaire sert toujours de référence malgré son abrogation. Selon les informations transmises par le ministère de l’Intérieur à votre rapporteure, un projet d’arrêté serait en cours de finalisation et sera suivi d’un projet d’instruction.

Face au retard pris depuis dix ans sur cette question, votre rapporteure insiste pour que ce projet d’arrêté puisse aboutir au plus vite afin que la prise en charge sanitaire des personnes retenues soit harmonisée entre les CRA et renforcée quel que soit le lieu de rétention. Elle souhaite par ailleurs que l’élaboration de ce texte donne l’occasion de mieux inclure les services des ministères chargés de la santé et de la solidarité : cette question, compte-tenu des enjeux, ne saurait relever du seul ministère de l’Intérieur.

b.   Anticiper les causes des problématiques sanitaires rencontrées en rétention

La priorité pour faire face à la dégradation des conditions de la rétention doit concerner la prise en charge des troubles mentaux des personnes retenues. Il y a vingt ans déjà, la circulaire de 1999 était explicite sur cette question : « La situation des étrangers placés en centres de rétention est très sensible. La perspective d’une mesure d'éloignement constitue souvent pour eux un stress particulièrement intense qui peut être source de manifestations somatiques et psychiques et de situations conflictuelles. Ainsi est-il recommandé au personnel soignant d'être attentif aux conditions non seulement sanitaires mais aussi psychologiques et/ou psychiatriques de la rétention. »

Non seulement le déploiement de psychologues effectué depuis l’année 2020 est encore trop limité, mais il sera quoi qu’il arrive insuffisant. En effet, les psychologues ne sont pas des médecins et ne peuvent pas gérer les situations médicales qui relèvent d’une consultation psychiatrique. Actuellement, la prise en charge des troubles psychiatriques se limite aux urgences nécessitant une hospitalisation. C’est pourquoi votre rapporteure souhaite que des conventions puissent être signées entre les UMCRA et des établissements de santé mentale afin que soit organisée la prise en charge psychiatrique des personnes retenues qui en ont besoin. Il s’agit d’une mesure importante et nécessaire pour apaiser les conditions de rétention et pour prévenir les situations dramatiques ou les accès de violences qui s’y manifestent de plus en plus.

Afin de renforcer les mesures de prévention et de détecter le plus tôt possible les problèmes médicaux, notamment les infections, il serait également opportun de systématiser la visite médicale à laquelle a droit toute personne retenue et de l’organiser automatiquement dès son arrivée dans le CRA. Dans son avis du 17 décembre 2018 précité, le Contrôleur général des lieux de privation de liberté préconisait d’étendre les missions des UMCRA en mettant en place un dépistage de la tuberculose et des maladies sexuellement transmissibles.

Enfin, une plus grande anticipation des problématiques sanitaires en rétention implique la mise en place d’indicateurs de suivi pertinents, fiables et exhaustifs. Une meilleure connaissance de la santé des personnes retenues est nécessaire et peut être acquise tout en respectant leur droit fondamental au secret médical. Certaines UMCRA établissent d’ores-et-déjà des bilans d’activité qui pourraient être centralisés afin d’obtenir une vision d’ensemble sur ce sujet majeur.

2.   Mieux prendre en compte les situations particulières

a.   Les personnes vulnérables

L’article 3 de la directive « Retour » de 2008 ([20]) désigne comme personnes vulnérables « les mineurs, les mineurs non accompagnés, les personnes handicapées, les personnes âgées, les femmes enceintes, les parents isolés accompagnés d’enfants mineurs et les personnes qui ont été victimes de torture, de viol ou d’une autre forme grave de violence psychologique, physique ou sexuelle ». Son article 16 prévoit qu’une attention particulière est accordée à leur situation en rétention et que les soins médicaux d’urgence et le traitement indispensable des maladies leur sont assurés.

La détermination de l’état de vulnérabilité est effectuée préalablement au placement en rétention par l’autorité administrative, sur la base d’une grille d’évaluation, et figure dans l’arrêté de placement en rétention. Il est tenu compte de cet état par le responsable du CRA conformément au I de l’article L. 551‑1 du CESEDA.

L’évaluation de l’état de vulnérabilité peut également être sollicitée, au cours de la rétention, et en application de l’article R. 553‑13 du CESEDA, par la personne retenue auprès des agents de l’OFII ou du médecin de l’UMCRA. Ces derniers peuvent formuler des avis sur les éventuels besoins d’adaptation des conditions de rétention ou sur le maintien en rétention lorsque ce dernier est incompatible avec l’état de vulnérabilité de la personne. Sur la base de ces avis, le responsable du CRA peut déterminer des modalités particulières de maintien en rétention (changement de chambre, de bâtiment ou de centre, surveillance accrue, prise en charge psychologique, etc.). En cas d’incompatibilité du maintien en rétention avec l’état de vulnérabilité, l’autorité préfectorale est avisée et décide ou non de poursuivre la rétention.

Le ministère de l’Intérieur a indiqué à votre rapporteure que la prise en compte de la vulnérabilité et des droits fondamentaux des retenus allait être renforcée avec la mise en place, au début de l’année 2021, d’un référent vulnérabilité au sein des CRA. Il pourra s’agir du chef du CRA ou de tout autre fonctionnaire désigné par lui-même. Un module de formation spécifique est prévu à cette fin.

Si cet effort est louable, votre rapporteure demeure préoccupée par les effets de la rétention sur les mineurs accompagnants ([21]) qui est permise par le III bis de l’article L. 551‑1 du CESEDA et la directive « Retour ». En 2018, 108 familles, dont 197 mineurs, ont été placées, pour une moyenne de 34 heures, dans l’un des onze centres autorisés, par arrêté ([22]), à recevoir des familles ([23]).

Un encadrement de cette pratique s’avère aujourd’hui nécessaire au nom de l’intérêt supérieur de l’enfant proclamé par l’article 3 de la Convention internationale des droits de l’enfant du 20 novembre 1989 ([24]). Dans cet esprit, notre collègue Florent Boudié a déposé, le 12 mai 2020, une proposition de loi visant à encadrer strictement la rétention administrative des familles avec mineurs. Ce texte propose de limiter les cas dans lesquels un mineur accompagnant peut être placé en rétention ([25]), de restreindre sa durée maximale à cinq jours, d’introduire une visite médicale obligatoire et d’interdire la rétention des femmes enceintes.

b.   Les personnes dont l’état de santé nécessite une prise en charge médicale

En vertu du 10° de l’article L. 551‑4 du CESEDA, l’étranger résidant habituellement en France ne peut faire l’objet d’une mesure d’éloignement « si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d’une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l’offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d’un traitement approprié ».

Le bénéfice de la protection contre l’éloignement en raison de l’état de santé peut être demandé directement en rétention. Dans ce cas, la procédure prévue à l’article R. 511‑1 du CESEDA fait l’objet d’une adaptation par un arrêté du 27 décembre 2016 ([26]) et par l’information du 29 janvier 2017 précitée ([27]).

Pour bénéficier de la protection, la personne retenue doit faire établir un certificat médical par le médecin de l’UMCRA qui transmet celui-ci au service médical de l’OFII. Le médecin coordonnateur de zone de l’Office, et non un collège de médecins, émet alors un avis sur le fondement de l’annexe D de l’arrêté du 27 décembre 2016. Celle-ci recense les éléments sur lesquels le médecin doit fonder son avis.

Annexe D de l’arrÊtÉ du 27 dÉcembre 2016

Il convient de noter que cet avis, qui est transmis à l’autorité préfectorale, ne lie pas cette dernière : elle seule décide de lever ou non la rétention. Il n’existe par ailleurs aucun délai qui encadre la procédure : celle-ci n’est pas suspensive de l’exécution de la mesure d’éloignement bien que le dépôt d’un telle demande constitue, paradoxalement, un motif de prorogation de la rétention au-delà du soixantième jour depuis l’adoption de la loi du 10 septembre 2018.

Le recours à cette procédure est en forte croissance dans les CRA puisqu’elle concernait 443 demandes en 2017 contre 973 en 2019. Dans 21,2 % des cas, le médecin de l’OFII a émis un avis favorable à la demande de protection.

C’est la loi n° 2016-274 du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France qui a transféré à l’OFII, depuis le 1er janvier 2017, la tâche d’émettre ces avis en lieu et place des agences régionales de santé. Lors des auditions conduites par votre rapporteure, des critiques ont été émises envers cette nouvelle procédure qui serait moins favorable aux personnes retenues comme en témoigne une proportion plus importante d’avis défavorables émis par les médecins de l’OFII. Les statistiques disponibles sur l’ensemble de la procédure « étrangers malades » – qui prennent donc en compte toutes les demandes d’admission au séjour formulées sur ce fondement – montre en effet que le taux d’avis favorables est passé de 77,7 % en 2013 à 52,7 % en 2017 ([28]).

Une meilleure prise en compte, en rétention, des personnes dont l’état de santé nécessite une prise en charge médicale pourrait être mise en œuvre sans réduire les marges de manœuvre de l’autorité administrative dans l’exécution des mesures d’éloignement. À ce titre, une plus grande transparence de la procédure apparaît aujourd’hui souhaitable. En effet, dès lors que le médecin de l’UMCRA transmet le certificat médical de la personne retenue à l’OFII, cette dernière ne dispose d’aucune information sur la suite du traitement de sa demande de protection alors que la mesure d’éloignement peut, dans le même temps, être exécutée à tout moment. Cet accroissement de la transparence doit également s’appuyer sur une formalisation de la procédure afin que l’avis de l’OFII et la décision de la préfecture puissent être communiqués à la personne retenue et faire l’objet d’une éventuelle contestation.

Enfin, votre rapporteure estime qu’une demande de protection contre l’éloignement formulée en rétention ne devrait plus être étudiée par l’OFII selon une procédure dérogatoire. L’avis devrait ainsi être rendu de manière collégiale et non par un médecin unique.

c.   Les personnes sortant de prison

En application des articles 131‑30 à 131­‑30‑2 du code pénal et L. 541‑1 à L. 541‑4 du CESEDA, une peine d’interdiction du territoire français (ITF) peut être prononcée comme peine complémentaire ou comme peine principale par le juge pénal à l’encontre de certains étrangers lorsqu’ils commettent un délit ou un crime. Lorsqu’elle est prononcée en complément d’une peine de prison, l’ITF implique, sauf coordination entre les services du ministère de la Justice et du ministère de l’Intérieur, un placement du détenu en CRA à l’issue de sa peine et dans l’attente de l’exécution de la mesure d’éloignement.

Cette situation n’est pas satisfaisante en raison des problématiques médicales et sanitaires qui sont propres à ces personnes et parce qu’elle a un impact important sur le climat de la rétention. Il est donc indispensable que les mesures d’éloignement puissent être anticipées et exécutées dès la sortie de prison. Dans cette optique, cinquante protocoles visant à l’amélioration de la coordination entre les établissements pénitentiaires et les services du ministère de l’Intérieur pour la mise en œuvre des mesures d’éloignement des étrangers incarcérés ont été signés depuis la fin de l’année 2019. Votre rapporteure souhaite que ce dispositif puisse faire rapidement l’objet d’une évaluation.

*

*     *

La prise en charge de la santé des personnes retenues est toujours, en 2020, largement déficiente. Vingt ans après le constat implacable dressé par notre ancien collègue Louis Mermaz, la France n’est toujours pas parvenue à sortir définitivement les CRA de cette zone grise qu’il qualifiait de « frontières de l’humanité » ([29]).

Ce constat n’est donc pas récent mais il n’en devient que plus urgent, notamment dans le contexte de la crise épidémique qui a aggravé la situation sanitaire dans les CRA. À ce titre, votre rapporteure a pu regretter l’absence de Contrôleur général des lieux de privation de liberté tout au long de cette période. Elle se félicite néanmoins de la nomination, le 14 octobre 2020, de Mme Dominique Simonnot à cette fonction : lors de son audition par la commission des Lois de l’Assemblée nationale le 13 octobre, Mme Simonnot a pris l’engagement de consacrer une de ses premières visites à un CRA.


  1 

—  1  —

 

   ANNEXE : schéma de la procéduRe de protection contre l’éloignement pour les personnes retenues

Source : OFII.  


  1 

—  1  —

 

   Examen en commission

Lors de sa réunion du lundi 19 octobre 2020, la Commission auditionne Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée chargée de la Citoyenneté, sur les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration » (Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure pour avis).

Lien vidéo :

http://videos.assemblee-nationale.fr/video.9677946_5f8d85d3361cb.commission-des-lois---m-gerald-darmanin-et-mme-marlene-schiappa-ministres-sur-les-credits-des-mi-19-octobre-2020

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Nous en venons à l’examen pour avis des crédits de la mission « Immigration, asile, intégration », sur le rapport de Mme Élodie Jacquier-Laforge. Madame la ministre déléguée chargée de la citoyenneté est de nouveau parmi nous et je l’en remercie.

Mme Marlène Schiappa, ministre. Mesdames, messieurs les députés, j’ai l’honneur de vous présenter les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration », qui sont fortement mobilisés pour répondre à une politique migratoire que nous voulons à la fois maîtrisée et équilibrée.

Cet équilibre, vous le savez puisque vous y contribuez, repose à la fois sur l’humanité dans l’accueil et l’intégration, et sur la fermeté vis-à-vis de celles et ceux qui entrent irrégulièrement sur le territoire national, ou s’y maintiennent bien que déboutés de leur demande d’asile.

Notre pays est une terre d’asile, et c’est l’honneur de la France de protéger celles et ceux qui, partout dans le monde, sont persécutés et ont besoin de sa protection. La République française les protège, mais elle doit aussi être respectée dans ses décisions.

Parce que les questions d’immigration, d’asile et d’intégration constituent l’une des grandes priorités du ministère de l’intérieur, le projet de loi de finances pour 2021 autorise une augmentation des crédits de 36,8 millions d’euros, soit + 2 % par rapport à la loi de finances initiale (LFI) de 2020. En complément, des crédits « Compétitivité » de la mission « Relance » viennent abonder les efforts budgétaires de la mission à hauteur de 26,6 millions d’euros en crédits de paiement (CP).

Vous le voyez, nous réalisons un effort important, qui vise à nous donner les moyens d’agir plus et mieux, à travers les deux programmes de la mission, le programme 303 « Immigration et asile » et le programme 104 « Intégration et accès à la nationalité française ».

Le programme 303 illustre la volonté résolue du Gouvernement de mieux accueillir et de mieux lutter contre les réseaux et le phénomène d’immigration irrégulière.

Pour mieux accueillir, les principales dépenses en matière d’asile dans ce programme portent sur l’accueil et l’hébergement des demandeurs. Cela se traduit par une hausse significative du budget consacré à l’allocation pour demandeur d’asile (ADA), de 11,5 millions d’euros par rapport à la LFI de 2020, ce qui porte le budget à 459,4 millions d’euros. Ce budget est important et je voudrais, devant vous, souligner l’effort budgétaire que consent la Nation pour accueillir les demandeurs d’asile.

Bien que la demande d’asile ne puisse être chiffrée à l’avance, et que les projections soient difficiles, nous avons pris le parti, pour l’évaluer, de retenir les chiffres de 2019, année exceptionnellement haute en termes de demandes – vous le savez parce que vous avez travaillé dessus –, tout en anticipant une amélioration progressive des délais de traitement de la demande d’asile, qui, nous l’espérons, aura un effet mécanique à la baisse sur la dépense.

Les actions menées en matière d’hébergement, qui auront, elles aussi, un effet sur la dépense consacrée à l’ADA, portent d’abord sur la fluidité du parc d’hébergement. Il s’agit notamment de sortir des hébergements les déboutés qui s’y maintiennent indûment ; d’inciter au départ volontaire avec un accompagnement dédié – 1 500 places dans les dispositifs de préparation au retour (DPAR) seront créées – et d’introduire une gestion régionalisée des places, pour réduire la vacance frictionnelle.

À ces actions s’ajoutent des moyens financiers considérables. Le point fort du PLF pour 2021 est la création de 6 000 places supplémentaires : 4 000 places au titre de la présente mission et 2 000 dans le cadre de la mission « Relance ». Il s’agit pour la moitié de places en centres d’accueil de demandeurs d’asile (CADA) ; pour 1 500, de places en centres d’accueil et d’examen des situations administratives (CAES) ; et pour 1 500, de places dans les DPAR.

Pour le financement du parc et la consolidation des capacités des CADA, des CAES et des hébergements d’urgence des demandeurs d’asile (HUDA), une dotation de 726,5 millions d’euros est prévue. S’y ajoutent 18,5 millions d’euros au titre de la mission « Relance » pour les 2 000 places créées grâce au plan de relance, que j’évoquais précédemment.

J’ai mentionné l’amélioration des délais de traitement de la demande d’asile. Il s’agit d’appliquer la loi du 10 septembre 2018 que vous avez votée : c’est une priorité de notre action en matière d’asile car elle permet d’accueillir dignement celles et ceux qui ont droit à la protection de la France ; et, a contrario, de répondre rapidement à celles et ceux qui n’ont pas vocation à rester sur notre territoire car il est inhumain de laisser sans réponse des personnes qui sont dans des situations difficiles, hors de leur pays. Elles ont le droit de savoir rapidement si, oui ou non, nous répondrons favorablement à leur demande.

Cette amélioration du délai de traitement de la demande d’asile à laquelle nous travaillons, notamment par l’octroi de 200 postes supplémentaires à l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), aura une incidence sur le montant de l’ADA comme sur la fluidité de l’hébergement.

Cela passe par un effort en termes de moyens, notamment en direction de l’OFPRA. La subvention qui lui est accordée au titre du PLF pour 2021, de 92,8 millions d’euros, progresse de 1,3 % par rapport à 2020. Les 200 équivalents temps plein (ETP) accordés en 2020 sont pérennisés en 2021, pour poursuivre l’amélioration du travail, à la fois pour gagner en rapidité dans la réponse et améliorer les conditions d’accueil et de traitement des dossiers afin que les personnes qui se rendent à l’OFPRA soient traitées avec la plus grande humanité.

Nous voulons ensuite mieux lutter contre l’immigration irrégulière. L’investissement immobilier des centres de rétention administrative (CRA) témoigne de la volonté résolue du Gouvernement à pouvoir éloigner les personnes qui n’ont pas vocation à rester sur le territoire. Trop souvent, le manque de places en CRA fait obstacle à cet éloignement. Aussi, 29,4 millions d’euros seront consacrés au financement de la tranche 2021 du plan d’extension des CRA, notamment les opérations d’Olivet et de Bordeaux, ainsi que le nouveau CRA de Lyon, qui sera livré à la fin de l’année 2021. Six millions de CP sont prévus pour la création du CRA de Nice. À ces montants s’ajoute 1,4 million d’euros de CP au titre de la mission « Relance », pour la rénovation de CRA existants.

Par ailleurs, les préfets ont été invités à créer des locaux de rétention administrative (LRA) dans l’attente et en complément de la création de nouvelles places, pour ne pas rester sans solution.

Le budget de l’éloignement des étrangers en situation irrégulière illustre la volonté du Gouvernement de retrouver les niveaux d’éloignement comparables à ceux d’avant la crise sanitaire. Ce poste de dépenses couvre notamment les frais de billetterie centrale, le coût des aéronefs et des affrètements dédiés, à hauteur de 24,5 millions d’euros, un montant équivalent à celui budgétisé pour 2020.

Pour ce qui concerne le programme 104 « Intégration et accès à la nationalité française », depuis plus de deux ans, à la demande du Président de la République, le Gouvernement a engagé une refonte de la politique d’intégration. L’État se donne aujourd’hui les moyens de mener une politique volontaire et ambitieuse, à travers toutes les mesures du comité interministériel à l’intégration du 5 juin 2018, ainsi que par ce budget dédié qui se maintient à un niveau élevé et progresse même de 2 millions d’euros par rapport à 2020.

Parmi les actions prioritaires, je tiens à citer celles qui concernent le renforcement du parcours d’intégration sur les questions relatives à la laïcité, aux valeurs de la République et à l’égalité entre les femmes et les hommes, sur la maîtrise de la langue française et sur la formation civique. Ce parcours permet une meilleure diffusion de ces valeurs et favorise la participation à la vie de la société et l’accès à l’emploi. Je veux également mentionner la prise en charge de certaines situations particulières, notamment chez les réfugiés. Je pense notamment aux femmes yézidies ou aux femmes qui ont été victimes de violences sexistes et sexuelles dans leur pays d’origine.

Ces actions importantes sont menées par l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII) ainsi que par des porteurs de projets et des opérateurs. S’agissant de l’OFII, ses crédits d’intervention prévus pour 2021 s’élèvent à 11 millions d’euros, un montant identique à celui inscrit en LFI de 2020.

Quant aux actions d’intégration des primo-arrivants, elles augmentent de 9 %. Ces crédits sont destinés à financer des actions dans les territoires, notamment l’accompagnement global vers l’emploi. Les crédits consacrés à l’accompagnement des réfugiés restent prioritairement mobilisés pour le financement des centres provisoires d’hébergement des réfugiés, à hauteur de 8 710 places. Ils sont complétés par des actions d’accompagnement spécifiques, qui progressent de 1,1 million d’euros. Une des meilleures illustrations de cet accompagnement est le programme Hébergement, orientation, parcours vers l’emploi (HOPE) mais, vous le savez, partout en France, d’autres initiatives sont soutenues ou méritent de l’être.

Le ministère de l’intérieur accompagne aussi la rénovation et la modernisation des foyers de travailleurs migrants. Depuis 1997, ce travail est réalisé dans le cadre d’un plan pluriannuel. Il concerne 690 foyers pour 100 000 travailleurs et travailleuses immigrés en France. En 2021, ce budget est maintenu à hauteur de 8,14 millions d’euros pour que nous puissions poursuivre le projet de rénovation et de modernisation, parfois urgent.

Pour conclure, je veux réaffirmer la volonté qui est la nôtre, avec le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin, d’être juste dans notre action en faveur de celles et ceux qui rejoignent notre pays. J’ai détaillé récemment certaines mesures : l’accélération de la naturalisation des travailleurs qui étaient en première ligne pendant la période de confinement, la solennisation des cérémonies de naturalisation dans le sillage du discours du Président de la République au Panthéon, ainsi que d’autres mesures importantes d’intégration et d’accompagnement des étrangers.

Nous voulons être justes dans l’action que nous menons en faveur de celles et ceux qui rejoignent la République française, et faire en sorte qu’elle soit comprise et soutenue par le plus grand nombre. C’est aussi ce que nous nous évertuerons à faire. Je reste donc à votre disposition.

Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure pour avis. Madame la ministre, chers collègues, pour la quatrième année consécutive, les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration » augmentent. Ils s’élèveront à 1,84 milliard d’euros en CP en 2021 contre 1 milliard d’euros il y a seulement quatre ans.

Le plan du Gouvernement – garantir le droit d’asile, mieux maîtriser les flux migratoires –, qui a été présenté en 2017, et l’adoption en 2018 de la loi pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie ont fondé l’ambition d’une politique migratoire équilibrée et maîtrisée pour notre pays. Ce budget s’inscrit pleinement dans cette perspective, en maintenant l’effort engagé depuis le début de la législature.

Le programme 303 « Immigration et asile », tout d’abord, comprend l’essentiel des crédits de la mission. Il finance notamment la politique de l’asile, ainsi que la lutte contre l’immigration irrégulière.

En ce qui concerne la garantie de l’exercice du droit d’asile, la baisse des autorisations d’engagement a des justifications techniques : elle s’explique par l’arrivée en fin de cycle pluriannuel du financement des places d’hébergement d’urgence. Néanmoins, l’augmentation des crédits de paiement dédiés à l’hébergement permettra de poursuivre la réorganisation et l’augmentation du dispositif national d’accueil. Mme la ministre l’a rappelé, le parc d’hébergement sera ainsi porté à 103 000 places, soit 6 000 places supplémentaires, dont 2 000 seront financées par le plan de relance.

Les crédits de l’ADA sont aussi en hausse, de l’ordre de 2,6 %. Cette dotation pour 2021 est bâtie, comme Mme la ministre l’a indiqué, sur une stabilisation de la demande d’asile par rapport à 2019, l’année 2020, si particulière, ne pouvant servir de référence.

Les crédits relatifs à la lutte contre l’immigration irrégulière sont en forte hausse – près de 16 % en autorisations d’engagement (AE) et 4 % en CP. Ils permettront de financer l’augmentation des capacités d’accueil des CRA. Sur la période 2018-2020, le nombre total de places en CRA augmente de 480, soit de plus de 35 %.

Enfin, les crédits consacrés à l’intégration, y compris dans le programme 107, augmentent pour assurer le financement des décisions prises lors du Comité interministériel à l’intégration du 5 juin 2018. Il s’agit d’actions d’accompagnement des étrangers en situation régulière, notamment des réfugiés. Ces crédits s’inscrivent dans la forte dynamique insufflée sur la question de l’intégration.

L’action relative à l’accompagnement des étrangers en situation régulière bénéficie de la plus forte hausse, soit 9 %. Ces crédits devraient permettre de renforcer les outils mis à disposition des territoires pour mettre en œuvre l’accompagnement vers l’emploi.

J’en viens à présent au thème que j’ai choisi de développer cette année, celui de la santé des personnes retenues. Si le contexte épidémique a eu une incidence certaine sur ce sujet, je dirai surtout qu’il a eu un effet loupe, en aggravant les difficultés récurrentes qui font obstacle à une prise en charge sanitaire pleinement satisfaisante des personnes retenues au sein des centres de rétention.

D’un point de vue strictement budgétaire, l’évolution des crédits de cette ligne est à la hausse. En effet, la politique du Gouvernement en matière d’éloignement s’est accompagnée d’un renforcement des crédits consacrés à la prise en charge sanitaire dans les CRA, qui atteignent 10,6 millions d’euros dans le présent projet de loi de finances.

L’enjeu de la prise en charge sanitaire des personnes retenues ne saurait cependant être analysé sous le seul prisme budgétaire, surtout lorsqu’il est question de santé.

Qu’il s’agisse d’alertes émises par le Contrôleur général des lieux de privation de liberté, le Défenseur des droits ou les associations intervenant dans les centres de rétention, les griefs formulés envers les modalités de prise en charge des personnes malades en rétention sont nombreux et récurrents. Ils concernent notamment les conditions d’accès au local sanitaire, le défaut fréquent d’interprétariat ou la rupture dans la continuité des soins.

Au cours de mes travaux, j’ai découvert que l’organisation des unités médicales des CRA (UMCRA) était fondée sur une circulaire de 1999, qui n’est plus du tout adaptée à la situation actuelle en rétention. En effet, 15 000 personnes étaient retenues en 1999, contre plus de 50 000 en 2019.

On observe ainsi une forte disparité financière entre les CRA, qui peut aller du simple au quadruple, et une prise en charge sanitaire des personnes retenues qui n’est pas suffisamment harmonisée, notamment en matière de présence des personnels de santé. Un groupe de travail sur la question existe depuis plus de dix ans. Quant à la circulaire de 1999, finalement abrogée en 2017, elle sert toujours de référence aux centres de rétention puisque le texte appelé à lui succéder n’a toujours pas été publié. Madame la ministre, pouvez-vous nous assurer que ce texte sera publié dans les meilleurs délais et permettra une prise en charge renforcée et harmonisée de la santé des personnes retenues ?

Comme je l’explique dans mon avis, en l’absence d’études épidémiologiques menées dans les centres de rétention, le seul indicateur permettant d’identifier les principales pathologies qui y sont rencontrées relève des demandes de protection contre l’éloignement pour raison médicale, formulées par les personnes retenues. En 2019, l’OFII a été saisi de 973 demandes, fondées pour 22 % sur des troubles mentaux et du comportement, ainsi que sur des maladies infectieuses et parasitaires, pour 19,3 %.

Au-delà de la nécessaire mise en place d’indicateurs de suivi sanitaire, je souhaite vous alerter sur l’état de santé mentale des personnes retenues, qui est devenu un vif sujet de préoccupation dans le double contexte de l’allongement de la durée de la rétention et de l’augmentation du taux moyen d’occupation des centres. Les tensions, les automutilations et les violences sont de plus en plus pesantes dans les CRA. Elles sont préjudiciables aux personnes retenues comme aux prestataires présents sur place et aux fonctionnaires de police, dont le travail, effectué parfois dans des conditions difficiles, mérite d’être salué.

Depuis 2020, des psychologues sont déployés en rétention, mais ce déploiement reste modeste et non uniforme. Surtout, il ne permet pas une prise en charge médicale, donc psychiatrique, des personnes dont les troubles mentaux sont parfois très importants. Je souhaite donc que des conventions puissent être signées entre les UMCRA et les établissements de santé mentale afin que soient organisés, dans les centres de rétention, le suivi et la prise en charge psychiatrique des personnes retenues qui en ont besoin.

En ce qui concerne la détection des infections, une meilleure prise en charge pourrait être assurée par une systématisation de la visite médicale à laquelle toute personne retenue a droit.

Dans mon rapport, je montre également qu’une attention particulière doit être prêtée à des situations spécifiques, notamment celles des personnes vulnérables, des personnes dont l’état de santé nécessite une prise en charge médicale et des personnes sortant de prison.

J’en viens à la question particulière de la covid-19. Vous le savez, pendant le confinement, dix des vingt et un centres de rétention ont poursuivi leur activité, sous couvert de la mise en place d’un protocole sanitaire strict, avec l’autorisation du Conseil d’État, qui a été saisi deux fois en référé de cette question. Depuis le déconfinement, l’ensemble des centres ont repris leur activité, mais à un rythme beaucoup moins soutenu que l’année dernière. Ainsi, depuis le 17 mars, 3 702 retenus ont été placés en CRA, contre 12 110 sur la même période en 2019. Depuis le début de la crise épidémique, 22 personnes retenues ont été testées positives à la covid-19.

Mon attention a été appelée sur deux points de vigilance, dont je souhaite vous faire part, madame la ministre. Tout d’abord, dans un CRA, la distribution de masques aurait été refusée à des retenus et, dans un autre, des fonctionnaires de police auraient refusé de porter un masque en présence des retenus, notamment en voiture lors d’escortes. Ensuite, l’obligation de présenter un test virologique négatif de dépistage de la covid-19, imposée par un certain nombre de pays de retour, serait utilisée par des personnes qui, pour empêcher l’exécution de leur mesure d’éloignement, refuseraient de se soumettre à un test PCR. Si l’acte de prélèvement constitue incontestablement un geste qui ne saurait être exécuté de force, sa nécessaire réalisation relève pourtant de l’obligation, pour l’étranger, de se soumettre à l’exécution de sa mesure d’éloignement. Disposez-vous, madame la ministre, d’informations complémentaires sur ces deux points ?

Pour conclure, je voudrais citer les mots d’un de mes illustres prédécesseurs, puisqu’il était député de l’Isère et rapporteur pour avis de cette commission. Je veux parler de Louis Mermaz qui, il y a vingt ans, présentait les centres de rétention comme des lieux « aux frontières de l’humanité ». Le constat que je viens de dresser n’est donc pas récent. Mais il n’en est que plus urgent, notamment en raison de la crise épidémique, qui a aggravé la situation sanitaire dans les centres de rétention. À cet égard, nous sommes nombreux à avoir regretté que la fonction de Contrôleur général des lieux de privation de liberté soit restée vacante tout au long de cette période. Nous ne pouvons donc que nous féliciter de la nomination, la semaine dernière, de Mme Dominique Simonnot, qui, lors de son audition par notre commission, a d’ailleurs pris l’engagement, symbolique mais révélateur, de consacrer l’une de ses premières visites à un centre de rétention. J’invite d’ailleurs chacune et chacun d’entre vous à vous rendre également dans un CRA afin de vous forger votre propre opinion.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Je rappelle que la commission des Lois avait organisé une visite conjointe des CRA, à laquelle nombre d’entre nous ont participé. Pour ma part, je m’étais rendue, avec Stéphane Peu, au centre de rétention du Mesnil-Amelot. Cette opération a du reste été très fructueuse ; elle nous a permis notamment d’obtenir du ministre qu’il s’engage, en séance publique, à rénover un certain nombre de ces centres.

J’en viens à ma question, madame la ministre. Lors de l’examen du projet de loi « asile, immigration et intégration », nous avions évoqué la question des files d’attente que formaient devant les préfectures les personnes en attente d’un titre de séjour, lesquelles devaient parfois patienter des nuits entières avant d’obtenir un rendez-vous. Nous avons tenté de remédier à cette situation en privilégiant la prise de rendez-vous par voie électronique. Or, d’après les remontées du terrain, ce dispositif ne fonctionne pas de manière satisfaisante dans certaines préfectures. Les intéressés tentent de se connecter à minuit ou une heure du matin, en vain : tout est déjà complet, si bien qu’une sorte de marché noir s’est développée, certains revendant les rendez-vous qu’ils ont pris en ligne. Je sais qu’à Créteil, notamment, il est absolument impossible d’obtenir un rendez-vous, de sorte que certaines personnes en situation régulière se retrouvent dans l’incapacité de renouveler leur titre de séjour dans les délais impartis. Je souhaiterais donc que vous nous indiquiez quelles sont les actions que mène votre ministère dans ce domaine.

Nous allons entendre à présent les représentants des groupes.

M. Jean-François Eliaou. Je veux, en préambule, rendre hommage à mon tour au professeur Samuel Paty. Je fais miens les mots prononcés par Naïma Moutchou ; nous sommes en effet nombreux, ici, à avoir bénéficié de l’enseignement de l’école républicaine.

90 % des mineurs non accompagnés (MNA), en tout cas – les chiffres ne sont pas définitifs – la très grande majorité d’entre eux, ne sont pas des délinquants. Mais les actes de délinquance que commettent les autres se concentrent essentiellement dans certaines métropoles, dont Paris et la petite couronne, Bordeaux, Lyon, Montpelier, Rennes… Il s’agit de vols, avec ou sans violence, et il est très difficile d’en appréhender les auteurs ou d’éviter les récidives.

Ce phénomène soulevant de nombreux problèmes, la commission des Lois a décidé d’y consacrer une mission d’information dont je suis, avec M. Savignat, le corapporteur. Parmi ces problèmes, on peut citer l’évaluation de la minorité ainsi que les moyens de mise à l’abri et le développement de dispositifs évitant la judiciarisation, tels que la formation et la prise en charge professionnelle, sachant que ces enfants – j’insiste sur ce mot – adhèrent difficilement à de tels programmes.

Parmi ces 2 000 à 3 000 délinquants – leur nombre est approximatif –, qui viennent en majorité du Maghreb, notamment du Maroc, on compte un grand nombre de polytoxicomanes et de multirécidivistes. Or, face à ces délinquants, mineurs avérés – là encore, j’insiste sur ces termes –, on observe une certaine impuissance des forces de l’ordre et de l’institution judiciaire.

Comme il s’agit d’enfants, dans le cas où la minorité est démontrée, la France leur doit sa protection. Il est a priori impossible ou, tout au moins, très difficile de les éloigner vers leur pays d’origine, quand celui-ci est connu de façon objective. Une des voies d’amélioration possibles consisterait à établir des relations bilatérales avec les pays concernés, notamment le Maroc et l’Algérie, de façon à constituer ce qu’on pourrait appeler un continuum de protection de l’enfance qui permette de faciliter l’éloignement de ces enfants délinquants dans des conditions satisfaisantes.

Madame la ministre, pouvez-vous faire le point sur cette question, en particulier sur l’état des discussions bilatérales entre la France et les pays concernés ?

Par ailleurs – et cette question est très importante politiquement –, une évaluation financière de la prise en charge des mineurs non accompagnés serait la bienvenue, compte tenu du caractère approximatif des informations qui circulent en la matière.

En conclusion, le groupe La République en Marche est bien entendu favorable à l’adoption des crédits de la mission « Immigration, asile et intégration ».

M. Mansour Kamardine. Autant j’ai salué, tout à l’heure, les orientations de la mission « Sécurités », autant je dois dire que celles de la mission « Immigration, asile et intégration » me laissent très dubitatif. En effet, votre action s’appuie sur la loi pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie ; or, force est de le constater que l’immigration n’est pas du tout maîtrisée, que la politique du droit d’asile n’est pas satisfaisante et que l’intégration n’est pas totalement réussie. Pourtant, vous persévérez en poursuivant dans la même direction, celle qui a conduit à l’échec.

Ainsi, plus de 90 % des crédits de la mission sont alloués à l’action relative au droit d’asile. Et le nombre des demandeurs d’asile augmente chaque jour sans que l’on sache où l’on s’arrêtera ; on observe même que certains d’entre eux proviennent de pays sûrs. Il y a donc probablement une difficulté à appréhender ce que doit être le droit d’asile. Disant cela, j’entends déjà des cris s’élever ici ou là. Mais, nous l’avons démontré à maintes reprises, nous sommes tous, quels que soient les bancs sur lesquels nous siégeons, plein d’humanité. Cependant, à l’impossible, nul n’est tenu ! C’est pourquoi nous souhaiterions, quant à nous, une évaluation financière du droit d’asile. En effet, 4 000 nouvelles places d’hébergement seront créées, dont 3 000 dans les CADA : manifestement, on continue, et on ne sait pas où cela s’arrêtera. Peut-être faudra-t-il qu’un jour, la représentation nationale soit éclairée sur cette question.

Le groupe Les Républicains constate que le vote de la loi du 10 septembre 2018 n’a pas changé grand-chose. Le flux migratoire a augmenté en France et les délais de traitement des demandes d’asile se sont allongés, alors qu’on nous avait présenté ce texte comme le meilleur moyen de réduire les délais et de renvoyer ceux dont la demande était rejetée. Actuellement, seulement 12 % des déboutés, nous dit-on, peuvent être reconduits à la frontière. Vous devriez, madame la ministre, prendre en compte dans votre calcul les éloignements réalisés depuis le département de Mayotte : ils sont aussi nombreux que ceux que vous effectuez au plan national. Vous multiplieriez ainsi vos chiffres par deux ! En tout état de cause, il est certain que, sur le territoire métropolitain, nous sommes encore loin de l’amélioration tant souhaitée.

Pourtant, les propositions que nous avions faites lors de l’examen du projet de loi, en 2018, d’abroger la « circulaire Valls » et de rendre définitive la décision de rejet rendue par l’OFPRA ou la CNDA en l’accompagnant d’une obligation de quitter le territoire auraient permis de lutter efficacement contre l’immigration irrégulière. Hélas, nous n’avons pas été entendus.

Je dirai un mot de la situation migratoire à Mayotte. Personne ne peut l’ignorer : elle est démentielle ! Aucun député ne supporterait que plus de 54 % de la population présente sur son territoire soient d’origine immigrée ; mais, quand il s’agit de Mayotte, on l’accepte. Lorsqu’on évoque ce département, vous nous regardez avec des yeux ébahis, la main sur le cœur… Nous souhaitons une action plus vigoureuse.

M. Eliaou a évoqué la situation des MNA : ils seraient entre 2 000 et 3 000, nous a-t-il dit. À Mayotte, ils sont entre 10 000 et 15 000… Oui, nous avons besoin d’une évaluation en la matière : au moins saurait-on combien coûte leur prise en charge et ne pointerait-on pas toujours du doigt les collectivités mahoraises, notamment le conseil départemental, en leur reprochant de ne rien faire pour ces mineurs. Encore une fois, à l’impossible, nul n’est tenu ! Si l’on retenait comme référence le montant moyen des crédits affectés aux collectivités locales de métropole pour faire face à cette obligation, il faudrait allouer quelque chose comme 1,5 milliard d’euros à Mayotte ! Où va-t-on ? Je m’associe donc à la demande de M. Eliaou : il faut savoir combien cela coûte, et l’on verra que si l’on poursuit dans cette direction, on ne parviendra jamais à maîtriser nos budgets.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Vous le savez, monsieur Kamardine, nous sommes plusieurs, au sein de la commission des Lois, à nous être rendus à Mayotte. Nous ne négligeons donc pas du tout la situation de ce département. Je prends note de la nécessité d’évaluer la loi « asile, immigration et intégration » ; cette évaluation pourra se faire en temps utile.

Mme Isabelle Florennes. L’examen des crédits de la mission « Immigration asile et intégration » est l’occasion, pour le groupe MoDem, de réaffirmer l’impérieuse nécessité de mieux contrôler l’intégration des personnes que nous accueillons sur notre territoire et de continuer ainsi à travailler à une politique d’intégration toujours plus efficace.

Je souscris pleinement aux remarques de notre rapporteure pour avis sur l’inquiétante situation sanitaire des CRA et les nombreux dysfonctionnements constatés dans la prise en charge des personnes placées en rétention, et je la remercie d’avoir insisté sur ce point en cette période de crise sanitaire. Je la rejoins également sur la nécessité de remplacer au plus vite la circulaire du 7 décembre 1999 relative au dispositif sanitaire mis en place dans les CRA, laquelle, faute de nouveau texte et en dépit de son abrogation, reste la norme de référence.

J’en viens à la question qui intéresse plus particulièrement mon groupe, celle des places d’hébergement. Si je me félicite de la création de près de 4 000 places supplémentaires, je regrette que seulement 1 000 d’entre elles soient destinées aux CAES qui débordent, notamment en région parisienne, et qui ont grandement besoin de nouveaux moyens.

Quant à l’OFII, sa situation est désormais bien connue : le turnover des personnels y est très important car ils ont beaucoup de missions à gérer. Je m’étonne donc quelque peu qu’il n’y ait – pour vous citer, madame la rapporteure pour avis – « aucune revalorisation du plafond d’emplois cette année ». Certes, la loi de transformation de la fonction publique doit permettre le recrutement de personnels en contrat à durée indéterminée, mais cela fait plusieurs années que le problème persiste et je doute que cette loi suffise à y remédier entièrement. C’est d’autant plus dommageable que je n’observe pas la même dynamique à l’OFPRA, qui voit sa subvention augmenter de 1,3 %. L’OFII apparaît ainsi un peu comme le parent pauvre de notre politique d’immigration et d’intégration.

S’agissant de l’intégration, précisément, notre rapporteure pour avis indique que le volume horaire de la formation civique dispensée aux étrangers primo-arrivants double pour passer de douze à vingt-quatre heures. C’est bien, mais nous devons et nous pouvons aller plus loin.

Enfin, nos collègues Jean-Noël Barrot et Stella Dupont ont récemment remis un rapport comportant un certain nombre de préconisations concernant l’accès à l’emploi des demandeurs d’asile. J’en citerai trois : la réduction des délais d’instruction favorisant les autorisations de travail, la possibilité de percevoir l’allocation de retour à l’emploi et un accès anticipé aux formations linguistiques et au logement. Quelles suites pourraient être données à ces propositions ?

Mme George Pau-Langevin. L’actualité tragique que nous connaissons souligne plus que jamais l’importance de l’action à mener dans les domaines de l’immigration et de la demande d’asile. Comme nombre de collègues, et en bon produit de l’école républicaine, je m’associe à l’hommage rendu au professeur Samuel Paty, qui a payé de sa vie son investissement en faveur des valeurs républicaines.

On nous dit que le budget de la mission « Immigration, asile et intégration » est en hausse, mais si l’on regarde attentivement, on voit que si les CP augmentent de 2 %, les AE sont quant à elles en très forte baisse. N’y a-t-il pas un décalage entre la politique que vous souhaitez mener et les moyens que vous y consacrez ?

Les dispositifs d’hébergement sont engorgés, voire saturés, et les durées de traitement des demandes d’asile sont, cette année encore, bien trop longues. Cela fait plusieurs années que nous répétons qu’il faut les réduire. Depuis la loi de 2018, le temps passé en CRA a augmenté significativement. Les gens sont enfermés de plus en plus longtemps : il conviendrait d’engager des actions pour les occuper ou les former. Il n’est donc pas surprenant que l’on y observe de plus en plus de troubles psychiatriques ou dépressifs. Or j’ai l’impression que les moyens budgétaires ne sont pas en rapport avec l’allongement de la durée de rétention. Bien évidemment, cette année, la crise sanitaire change quelque peu la donne et la pression s’est allégée. Néanmoins, je crains que, si les choses se rétablissent, nous soyons en 2021 loin de pouvoir répondre aux besoins. En outre, si les gens restent si longtemps dans les CRA, c’est en grande partie à cause des dysfonctionnements de la procédure Dublin. Si tout le monde a fini par prendre conscience des limites du règlement de Dublin, il commence à devenir urgent de faire bouger les choses. Comment le Gouvernement compte-t-il agir ?

En ce qui concerne les crédits consacrés à l’intégration, beaucoup d’actions extrêmement intéressantes sont menées, mais je me demande là encore si l’on est à la hauteur des besoins. Par exemple, on entend souvent dire – et plus encore en ce moment – qu’il importerait de mieux faire connaître les valeurs de la République aux personnes qui arrivent en France. Mais pour ce faire, il conviendrait d’augmenter très significativement les crédits en ce sens. Le dispositif de l’école ouverte aux parents me paraît particulièrement important et adapté à la situation actuelle car il permet aux parents de comprendre ce qui se passe à l’intérieur de l’école et d’engager un dialogue avec les enseignants ; ne serait-il pas bon de le renforcer, par exemple dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville ? Le développement du service civique ne pourrait-il pas, dans le même ordre d’idées, contribuer à nourrir le dialogue avec les réfugiés ?

Pour terminer, je voudrais saluer le rapport de notre rapporteure pour avis sur la situation sanitaire dans les CRA, car c’est un sujet sensible sur lequel nous manquons d’informations.

M. Ugo Bernalicis. Sans grande surprise, le budget de la mission est en hausse et conforme à la trajectoire enclenchée par les précédents. Soulignons néanmoins que l’effort est surtout porté sur la lutte contre l’immigration irrégulière – ce qui, concrètement, correspond essentiellement aux moyens dédiés aux CRA –, alors que la hausse des crédits consacrés à l’accueil ne correspond en réalité, dans bien des cas, qu’à un rattrapage des années précédentes. Et s’il est toujours appréciable d’avoir un plus grand nombre de places d’accueil en CADA, on est encore très loin de répondre aux besoins, vu le nombre de personnes en attente d’un hébergement.

Dans le même temps, les actes politiques accomplis par le Gouvernement ne laissent pas présager d’une approche particulièrement humaine de la gestion des personnes qui se trouvent sur notre territoire. Je pense en particulier à la situation à Calais, ce jour étant aussi la date anniversaire de l’arrêté interdisant la distribution dans les rues du centre-ville de repas aux personnes qui ont faim, arrêté qui a été renouvelé aujourd’hui pour plusieurs semaines, avec un périmètre un peu étendu, ce qui était d’ailleurs prévisible.

M’étant rendu sur place avec trois collègues parlementaires, j’ai pu constater, aux côtés d’une association d’aide aux personnes dans le besoin, que l’interdiction était effectivement appliquée. On prétend que c’est pour éviter des troubles à l’ordre public, mais je ne sais pas quel est le trouble le plus important : errer dans la rue parce qu’on a faim, au risque de commettre des vols ou autres infractions de ce genre, ou donner de la nourriture à des gens qui ont faim ? On nous a dressé un procès-verbal – j’attends avec impatience l’avis de contravention, que je n’ai pas encore reçu, mais je ne doute pas qu’en la matière, les services de l’État sauront se montrer diligents. De plus, si tant de gens se trouvent dispersés dans le centre-ville de Calais, c’est en raison du démantèlement, pendant l’été, des points de fixation où l’on pouvait accéder à des points d’eau et à des sanitaires. Ils avaient été installés à la suite de l’action de la préfecture et sur demande du Conseil d’État. La France est en effet signataire d’un certain nombre de traités internationaux et de conventions internationales qui l’obligent à un minimum d’humanité envers les personnes qui sont en détresse. Après avoir dispersé ces gens, l’on s’étonne après de les retrouver un peu partout dans la ville et que ce soit plus compliqué de leur distribuer des repas !

C’est à cette situation que se sont adaptées les associations : elles ne donnent pas à manger dans la nature ; non, elles vont là où se trouvent ces exilés qui sont dans le besoin et qui, pour la plupart, ne sont de surcroît pas expulsables. En effet, quand on souhaite les expulser, ils se retrouvent au CRA à attendre l’audience du juge des libertés et de la détention qui finit par constater qu’ils ne sont pas expulsables, puis ils sont remis dehors. La voilà, la politique migratoire de la France, sa politique d’accueil ! C’est le chaos, un échec total pour tout le monde, à commencer pour les personnes concernées. J’ai vu de mes propres yeux, il y a trois mois, cette chose invraisemblable : les services de l’État viennent déloger le matin les personnes qui vivent sous des tentes près des points de fixation, celles-ci qui s’en vont, puis se réinstallent dans l’après-midi – et cela recommence tous les deux ou trois jours ! Tout cela parce qu’il faut faire respecter le droit de propriété, mais qu’en même temps, on ne veut pas déplacer sans cesse les douches et les points d’eau ! Le résultat ? C’est encore plus de pagaille. Et il y a la communication politique qui va avec et qui souligne que donner à manger à quelqu’un qui a faim constitue désormais une infraction.

Est-ce cela l’humanité ? Est-ce pour cela que nous votons des crédits ? Est-ce à cela que doivent servir les policiers dans notre pays ? Je ne le crois pas. Nous aurions toutes et tous mieux à faire. La principale conséquence de l’augmentation de la durée de rétention, c’est que des gens qui restaient en CRA auparavant pendant trente jours avant qu’on ne les laisse repartir faute de solution y restent soixante jours de plus, pour le même résultat. Ce que nous avions annoncé est arrivé. Ce n’est pas satisfaisant politiquement et c’est pourquoi le groupe France insoumise ne votera pas des crédits qui vont dans ce sens.

M. Stéphane Peu. Je reprends à mon compte tout ce qu’a dit la rapporteure pour avis sur les CRA, ainsi que les propos de Jean-François Eliaou sur les mineurs isolés. C’est un angle mort des politiques publiques, avec les conséquences que notre collègue a décrites et qui sont très inégales d’un endroit à l’autre du territoire national – les métropoles, notamment la région parisienne, et en particulier la Seine-Saint-Denis, étant particulièrement concernées.

Je centrerai mon propos sur la question de l’hébergement. Certes, il y a eu des avancées, avec notamment des places supplémentaires en CADA, mais je voudrais illustrer la situation actuelle par un exemple que je connais bien.

Cela fait maintenant plusieurs années qu’il y a un grand campement de réfugiés et de demandeurs d’asile aux portes de Paris : il s’est installé d’abord à la porte de la Chapelle, puis, après des évacuations successives, à la porte d’Aubervilliers, à la porte de la Villette et, aujourd’hui, à Saint-Denis, au pied du Stade de France. On trouve là un peu plus de 1 000 personnes qui vivent sous des tentes, dans des conditions parfaitement abjectes. Il s’agit, comme vous l’imaginez, d’un cluster de covid-19, les gens étant entassés dans de petites tentes sans précaution sanitaire, mais c’est aussi, disons-le, un cluster de délinquance, puisque ces personnes étant obligés de vivre d’expédients, elles sont la proie de tous ceux qui veulent leur faire faire les pires choses : vols, vente de cigarettes de contrebande, trafic de drogue… Au-delà de ces conditions de vie totalement inhumaines, c’est une source d’incompréhension pour les riverains – toujours les mêmes, d’ailleurs, à savoir les habitants des quartiers nord de Paris et du 93 –, qui, depuis des années, sont bien obligés de constater l’impuissance de l’État.

Comment peut-on parler, avec des trémolos dans la voix, de la République et de l’autorité de l’État, alors qu’on ne sait pas faire autre chose qu’expulser des gens au bout de plusieurs mois d’occupation, tout ça pour que dans les jours, voire les semaines qui suivent, ils se réinstallent ? On a l’impression que, contrairement à d’autres pays européens qui ont eu affaire à des problèmes similaires dans des proportions parfois bien plus importantes, nous sommes incapables de mettre ces personnes à l’abri, ne serait-ce que le temps d’instruire leur demande – si la réponse est positive, elles resteront, si elle est négative, elles devront repartir. C’est dangereux pour elles, c’est indigne de la France et cela affaiblit l’autorité de l’État. Personne ne peut comprendre que, dans un pays comme le nôtre, on ne soit pas capable de résorber un campement sauvage d’un millier de personnes qui ne cesse de se déplacer depuis plusieurs années !

Mme Marlène Schiappa, ministre. Pour évaluer les crédits de la demande d’asile, nous nous sommes fondés sur le volume de demandes enregistrées dans le courant de l’année 2019.

Les délais d’attente pour un rendez-vous ne seront jamais assez courts et la situation actuelle n’est pas encore satisfaisante, mais on enregistre néanmoins une amélioration consécutive à l’action menée par les services de l’État suite à l’adoption des dernières lois. Pour obtenir un rendez-vous en guichet unique pour demandeurs d’asile (GUDA), le délai moyen d’attente était de dix-huit jours en 2017, de huit en 2018 et de six en 2019 ; pour le début de l’année 2020, on en est à cinq jours. Si l’on développe les prises de rendez-vous par téléphone et les notifications par texto, c’est précisément pour éviter les très longues files d’attente et tout ce qui va avec : l’obligation d’arriver très tôt pour obtenir une place, les négociations, le marché noir etc. Nous sommes parfaitement conscients des effets collatéraux de ces délais d’attente et c’est pourquoi nous faisons tout notre possible pour les réduire. Pour ce qui concerne la situation à Créteil, je vais me renseigner et vous transmettrai ultérieurement la réponse, madame la présidente.

Les aspects psychologiques de la rétention sont en effet très importants, surtout dans le contexte actuel qui a déjà des répercussions fortes sur le mental de l’ensemble des Françaises et des Français – on peut imaginer ce que cela peut être s’agissant des situations que nous évoquons. Le budget consacré à l’accompagnement psychologique des personnes retenues s’élève à 200 000 euros ; ils doivent servir à la fois à prévenir et à prendre en charge les situations du type de celles qui ont été évoquées.

Nous suivons avec une grande vigilance l’évolution de la situation épidémique dans les CRA. Au 14 septembre, on y avait décompté vingt-deux cas positifs, soit 0,6 % de la population. Toutes ces personnes ont été orientées, conformément à la procédure, vers l’agence régionale de santé (ARS) pour être prises en charge. De manière préventive, le taux d’occupation a été réduit pour limiter les contacts et éviter une contamination de masse dans le cadre d’un cluster.

La question des MNA est particulièrement complexe, et on ne peut la traiter de manière manichéenne. Leur prise en charge est une préoccupation très importante tant pour l’État que pour les départements, du fait d’une augmentation significative du flux. Selon les chiffres transmis par l’Association des départements de France (ADF), environ 60 000 personnes ont fait l’objet d’une évaluation en 2018 ; en 2019, 16 760 ont été évaluées mineures, soit un fléchissement de 1,54 % par rapport à l’année précédente. C’est une question qui comporte de multiples dimensions.

L’action du Gouvernement est guidée par une double exigence. D’abord, nous devons considérer les MNA sur notre territoire comme des enfants qui ont besoin de notre protection et qui doivent être pris en charge – c’est absolument essentiel. En même temps, il nous faut regarder la réalité en face : la hausse du phénomène ces dernières années s’explique aussi par un nombre important de personnes majeures qui se font passer pour des mineurs et qui, ce faisant, prennent la place de ces derniers. Un accord a été trouvé à ce sujet entre l’ADF et le Gouvernement. Outre un effort important de démantèlement des filières, nous nous sommes engagés à fournir une contribution de l’État à l’évaluation des personnes qui se déclarent mineures, notamment par l’intermédiaire d’un fichier national exploité par les agents des préfectures. Cela permettra de lutter contre la pratique qui consiste, pour les faux mineurs, à passer d’un département à l’autre pour procéder à de nouvelles évaluations et multiplier les chances de succès, ce qui contribue à engorger les dispositifs d’accueil. Ce fichier d’appui à l’évaluation de la minorité (AEM) a été mis en place le 7 février 2019 dans soixante-treize départements et dans la métropole de Lyon. Je rappelle à ce sujet que le Conseil constitutionnel a reconnu, le 26 juillet 2019, la conformité à la Constitution des dispositions légales qui autorisent l’enrôlement des données biométriques des ressortissants étrangers qui se déclarent mineures dans le cadre de ce traitement. Un premier bilan tend à montrer que, dans plus d’un cas sur deux, l’évaluation conclut à la majorité de la personne, ce qui contribue à tarir le flux des arrivées ; cela confirme le diagnostic initial qui avait été posé, à savoir un détournement du dispositif de l’aide sociale à l’enfance par de faux mineurs.

Pour favoriser le déploiement de l’outil sur l’ensemble du territoire, le Gouvernement s’est engagé, dans le cadre du comité interministériel sur l’immigration et l’intégration du 6 novembre 2019, à inciter financièrement les conseils départementaux à travailler sur la base de l’AEM. Un décret du 23 juin 2020 a modifié l’article R. 221-12 du code de l’action sociale et des familles pour autoriser la réduction de la part de la contribution dédiée à l’évaluation des MNA lorsque le département n’est pas lié à l’État par une convention pour l’utilisation de la AEM. Ainsi, le remboursement de 500 euros par évaluation réalisée passera à 100 euros le 1er janvier 2021.

Nous souhaitons aussi travailler en amont, en dissuadant les départs de ces enfants de plus en plus jeunes et en luttant contre les passeurs et les réseaux qui les mettent en péril sur les routes migratoires. Nous le faisons dans le cadre du dialogue mené par les ministres de l’intérieur et des affaires étrangères avec les pays d’origine et de transit. Gérald Darmanin, qui était au Maroc la semaine dernière, poursuivra sa tournée au Maghreb dans les prochaines semaines. Nous avons demandé à la police aux frontières d’intensifier ses efforts dans la lutte contre le trafic d’êtres humains. Forts de nos valeurs et sans naïveté aucune, nous devons œuvrer pour le démantèlement de ces réseaux internationaux qui prospèrent sur l’espoir des migrants de trouver une vie meilleure.

Lors d’une réunion interministérielle, le 15 octobre, trois inspections générales ont été missionnées pour analyser le système actuel de prise en charge des MNA et proposer, dans un rapport attendu en début d’année 2021, des améliorations.

S’agissant des CRA, vous êtes plusieurs à avoir mentionné la circulaire santé de 1999. Cette circulaire sera réactualisée début 2021 pour donner une nouvelle impulsion sur ce sujet.

L’OFII est un office très utile, qui mène beaucoup d’actions concrètes dans les territoires pour l’accompagnement des personnes, ainsi que j’ai pu le constater lors des nombreux déplacements que j’ai effectués, dont certains avec des parlementaires. Il n’y a pas de concurrence entre les différents opérateurs. L’OFPRA joue un autre rôle et la création de 200 emplois permettra d’améliorer les conditions d’examen et de réduire les délais de réponse, il s’agit d’une volonté très forte du Gouvernement.

Contrairement à ce qui a pu être dit, personne ne hurle lorsque nous parlons d’asile, nous en débattons ici calmement. La position du Gouvernement est claire et notre approche résolue. J’ai l’habitude de dire que lorsque la maison de notre voisin s’écroule, il est de notre devoir de l’accueillir. Mais lorsque le voisin que nous avons accueilli commence à tabasser notre sœur, eh bien, nous ne le gardons pas chez nous ! Je m’en tiens à cette ligne, en toute sérénité. C’est ainsi que nous avons donné l’asile à Negzzia, cette jeune mannequin iranienne menacée de coups de fouet ou que nous avons accueilli des femmes yézidies pour les protéger des persécutions. En revanche, ceux qui tondent et torturent leur nièce n’ont pas leur place sur le territoire français. Je ne crois pas manquer d’humanité en disant cela, bien au contraire.

Le rapport dit Barrot-Dupont a été intégré à l’évaluation du dispositif et nous déterminerons dans les meilleurs délais quelles sont les propositions qui peuvent être mises en œuvre. Le plan de relance permettra de financer 2 000 places de départ, afin que les personnes puissent quitter le territoire dans les meilleures conditions. Il faut que, sur les questions d’immigration et d’intégration, nous parvenions à exécuter les dispositions votées par la représentation nationale et que les lois ne restent pas lettre morte.

Je voudrais préciser que les crédits immobiliers ne sont pas encore inscrits car ils sont portés par l’appel à projets.

La difficulté, concernant le règlement de Dublin, tient à l’écart qui existe entre la théorie et la pratique. Une des solutions passe par la numérisation. J’ai pu visiter plusieurs GUDA et constater comment les liens s’établissaient entre les pays. Le partage d’informations, grâce à la prise d’empreintes, et la coopération diplomatique permettent d’avancer sur ces questions.

S’agissant de l’intégration, je voudrais rappeler le niveau élevé des crédits ainsi que les objectifs du pacte européen sur la migration et l’asile. Je représentais Gérald Darmanin lors de la réunion des ministres de l’intérieur de l’Union européenne, le 8 octobre. Comme Jean-Yves Le Drian et Clément Beaune, Gérald Darmanin est à pied d’œuvre dans les négociations européennes. Le but du ministère est de renforcer les responsabilités que les États doivent prendre sur la durée, notamment les États d’entrée, afin que les autres pays, comme la France, ne pâtissent pas des mouvements « secondaires ».

Nous sommes dans une époque prompte à la caricature. Dès qu’une phrase un peu nuancée va au-delà du sujet-verbe-complément, elle donne lieu à des raccourcis, qui sont instantanément relayés. C’est ce qui s’est passé avec Calais : des articles ont expliqué que le Gouvernement affamait les migrants, refusait qu’on leur donne à manger. C’est ce que vous venez de répéter, monsieur Bernalicis.

Si tel était le cas, ce serait scandaleux ! Mais ce n’est pas ce qui se passe. Des associations agréées distribuent bien des repas, quatre fois par jour, à la totalité des migrants des camps de Calais. Simplement, la maire de la ville, Natacha Bouchart, a demandé que la préfecture prenne un arrêté pour que soient respectées les mesures sanitaires liées au covid et que les distributions « sauvages », dans le centre-ville, soient interdites. Il n’est donc pas interdit de donner à manger aux migrants, monsieur Bernalicis, et c’est sans doute la raison pour laquelle vous n’avez pas été verbalisé.

M. Ugo Bernalicis. Si, j’ai été verbalisé !

Mme Marlène Schiappa, ministre. Dans ce cas, adhérez à une association agréée, et vous pourrez procéder à ces distributions. Tout le reste est faux, je tiens à le dire.

M. Ugo Bernalicis. Ce sont deux repas, pas quatre !

Mme Marlène Schiappa, ministre. Non, monsieur le député, il s’agit bien de quatre distributions quotidiennes.

M. Ugo Bernalicis. Cette réponse est minable !

Mme Marlène Schiappa, ministre. Soyez respectueux ! Je vous ai écouté patiemment, je réponds en vous donnant les éléments. Soyez digne et évitez ce genre de propos dans l’enceinte de l’Assemblée nationale, monsieur le député !

M. Ugo Bernalicis. Je dis ce que je veux, madame la ministre.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Laissez madame la ministre s’exprimer et répondre à vos questions, même si vous n’êtes pas d’accord avec elle !

Mme Marlène Schiappa, ministre. Une opération de mise à l’abri des personnes occupant le campement du Stade de France se déroulera prochainement. Ce matin, d’autres opérations ont été réalisées, en lien avec la ministre du logement, à Calais, à Paris et à Dammarie-les-Lys. Personne ne doit rester dans la rue, et nous continuerons ces opérations, qui sont le visage humanitaire de la politique migratoire de la France.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Nous vous remercions, madame la ministre.

*

*     *

Après le départ de la ministre, la Commission examine, pour avis, les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration » (Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure pour avis).

Article 33 et ÉTAT B

La Commission examine les amendements CL16 et CL17 de Mme George Pau-Langevin. 

Mme George Pau-Langevin. Comme je l’ai dit, nous souhaitons que les procédures d’intégration et d’accès à la nationalité française, qui sont un aspect très positif de la politique migratoire, soient mieux dotées.

Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure pour avis. S’il est vrai que du retard a été pris en matière d’hébergement, cette année, l’effort fourni est très substantiel. De plus, l’action 12, relative aux actions d’accompagnement des étrangers en situation régulière, est en croissance de 9 %. Le choix a été fait de mettent l’accent sur cette question et de renforcer les outils dont disposent les territoires en faveur de l’emploi. Je souhaite aussi souligner l’effort de rationalisation du parc d’hébergement, puisque les personnes qui ont obtenu le statut de réfugié entrent dans le droit commun.

Mme George Pau-Langevin. On le voit avec les campements, c’est bien à l’hébergement d’urgence que les crédits devraient aller. Certes, il est souhaitable d’aider les statutaires, mais ils ont déjà réglé l’essentiel.

La Commission rejette successivement les amendements.

Suivant l’avis de la rapporteure pour avis, la Commission émet un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Immigration, asile et intégration ».

 

 


  1 

—  1  —

 

   Personnes entendues

 

   M. Claude d’Harcourt, directeur général ;

   M. Olivier Marmion, sous-directeur de la lutte contre l’immigration irrégulière.

   M. Marc Guillaume, préfet de Paris, préfet de région ;

   Mme Magali Charbonneau, préfète, directrice de cabinet.

   M. Julien Boucher, directeur général.

   M. Didier Leschi, directeur général.

    Mme Claire Hédon, Défenseure des droits.

    M. André Ferragne, secrétaire général.

    Dr Mélanie Kinne, représentante.

   M. Guillaume Landry, service d’aide aux étrangers retenus (France Terre d’asile) ;

   M. David Rohi, responsable national rétention (Cimade) ;

   M. Assane Ndaw, directeur adjoint (Forum réfugiés) ;

   Mme Céline Guyot, responsable pôle juridique (SOS Solidarités) ;

   Mme Aurélie Mayeux, chargée de mission accompagnement et plaidoyer juridique (AIDES) ;

   Mme Vickie Guyader, chargée de mission juridique (Ordre de Malte France) ;

   Dr Reem Mansour (Comede).

 

 

 


  1 

—  1  —

 

   DÉPLACEMENT EFFECTUÉ

● Centre de rétention administrative de Vincennes :

 Commandant divisionnaire fonctionnel Jean-Michel Clamens, responsable du CRA ;

 Commandant Rémy Lancien, adjoint ;

 Docteur Jullien, responsable de l’unité médicale.

 


([1]) Cette baisse des AE a des explications « techniques » : elle s’explique par l’arrivée en fin de cycle pluriannuel du financement des places d’hébergement d’urgence dont le montant passe de 542 à 222 millions d’euros en AE.

([2]) Avis n° 278 enregistré le 12 octobre 2017.

([3]) 72 propositions pour une politique ambitieuse d’intégration des étrangers arrivant en France, 21 février 2018.

([4]) HOPE : hébergement, orientation et parcours vers l’emploi.

([5]) Le projet annuel de performance pour 2021 dote l’unité budgétaire « prise en charge sanitaire des personnes en CRA » de 16 598 080 euros desquels il convient de retirer 6 millions d’euros consacrés aux dépenses relatives au dispositif humanitaire mis en place à Calais et Grande-Synthe.

([6]) L’organisation de cette procédure est détaillée en annexe.

([7]) Jean-Paul Guthmann, Stella Laporal et Daniel Lévy-Bruhl, « La tuberculose maladie en France en 2018. Faible incidence nationale, forte incidence dans certains territoires et groupes de population », Bulletin épidémiologique hebdomadaire, n° 10-11, 7 avril 2020.

([8]) Jean-Paul Guthmann, « Incidence de la tuberculose chez les personnes nées à l’étranger et résidant en France : quelles données épidémiologiques ? », La lettre du Comede – Maux d’exil, n° 64, juillet 2020.

([9]) N° 439720, GISTI et autres.

([10]) N° 44055, Ministre de l’Intérieur c/ l’association « Avocats pour la défense des droits des étrangers » et autres.

([11]) L’actualisation du protocole a notamment permis la mise en place d’une visite médicale obligatoire pour tout nouvel étranger admis en CRA.

([12]) Deux jugements ont été rendus en ce sens par le tribunal judiciaire de Rennes les 2 et 9 septembre 2020.

([13]) Avant leur placement en rétention, les étrangers en situation irrégulière sur le territoire bénéficient, pour leur prise en charge médicale, de l’aide médicale d’État.

([14]) Dans les locaux de rétention administrative, où la durée de rétention est plus courte – 22 heures en moyenne en 2019 –, le 6° de l’article R. 553‑6 prévoit seulement la présence d’une pharmacie de secours.

([15]) Circulaire DPM/CT/DH/DLPAJ/DEF/GEND n° 99-677 du 7 décembre 1999 relative au dispositif sanitaire mis en place dans les centres de rétention administrative.

([16]) Avis du 17 décembre 2018 relatif à la prise en charge sanitaire des personnes étrangères au sein des centres de rétention administrative.

([17]) Rapport Personnes malades étrangères : des droits fragilisés, des protections à renforcer, 2019.

([18]) La Cimade a notamment produit un rapport sur Le droit à la santé des personnes enfermées en rétention administrative – Bilan et proposition pour l’année 2012-2013.

([19])  Information du 29 janvier 2017 relative à l'application de la loi n° 2016-274 relative au droit des étrangers en France.

([20]) Directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier.

([21]) Les mineurs isolés ne peuvent, quant à eux, faire l’objet d’une mesure d’éloignement.

([22]) Arrêté du 30 mars 2011 pris en application de l’article R. 553-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

([23]) L’article L. 551­‑1 du CESEDA dispose que la rétention des familles avec mineurs n’est possible que dans un CRA bénéficiant de chambres isolées et adaptées, spécifiquement destinées à leur accueil. L’article R. 553‑3 prévoit que les CRA destinés à accueillir des familles doivent disposer de chambres spécialement équipées, et notamment de matériels de puériculture adaptés

([24]) Cette convention a été signée par la France le 26 janvier 1990. La ratification, autorisée par la loi n° 90‑548 du 2 juillet 1990, est intervenue le 7 août 1990.             

([25]) L’article 3 propose d’abroger le 3° du III bis de l’article L. 551‑1 du CESEDA qui permet au préfet de placer en rétention une famille dans les quarante-huit heures précédant un départ programmé.

([26]) Arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.

([27]) Un schéma de la procédure est présenté en annexe.

([28]) Source : OFII, rapport au Parlement « Procédure d’admission au séjour pour soins » 2017.

([29]) Avis n° 2628 présenté par M. Louis Mermaz au nom de la commission des Lois de l’Assemblée nationale sur le projet de loi de finances pour 2001.